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TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 19 janvier 1994

RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

    Le Président 17

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA CHAMBRE DES COMMUNES

LE SÉISME DE LOS ANGELES

LE SÉISME DE LOS ANGELES

    M. McClelland 18

L'ANNÉE INTERNATIONALE DE LA FAMILLE

LA SOCIÉTÉ LABOTIX AUTOMATION

LE SPORT AMATEUR

    M. Pomerleau 18

LES DÉPUTÉS

    M. Harper (Calgary-Ouest) 18

LA SOCIÉTÉ IMP AEROSPACE COMPONENTS LTD.

    Mme Brushett 19

CAMBRIDGE

L'ÉCONOMIE

LA MIL DAVIE

LES ARMES À FEU

SRI GURU GOBIND SINGH JI

BROCKVILLE

L'INDUSTRIE FORESTIÈRE

QUESTIONS ORALES

LE DISCOURS DU TRÔNE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 20
    M. Bouchard 20
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 21
    M. Bouchard 21
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 21

LA FISCALITÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 21
    M. Martin (LaSalle-Émard) 21

L'ÉCONOMIE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 21
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 22

LES RESSOURCES HUMAINES

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 22
    Mme Lalonde 22
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 22

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

    M. Martin (LaSalle-Émard) 23
    M. Williams 23
    M. Martin (LaSalle-Émard) 23

LES PROGRAMMES DE MAIN-D'OEUVRE

    M. Gauthier 23

LE PROGRAMME D'INFRASTRUCTURE

    M. Harper (Calgary-Ouest) 24
    M. Harper (Calgary-Ouest) 24
    M. Eggleton 24

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

    M. Bélisle 25
    M. Martin (LaSalle-Émard) 25

LE RÉGIME ENREGISTRÉ D'ÉPARGNE-RETRAITE

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 25
    M. Martin (LaSalle-Émard) 25
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 25
    M. Martin (LaSalle-Émard) 25

LA VALLÉE DE LA RIVIÈRE ROUGE

LES TAXES SUR LE TABAC

    M. Martin (LaSalle-Émard) 26
    M. Martin (LaSalle-Émard) 26

L'AGENCE CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

    M. Mills (Red Deer) 26

LES DROITS DE LA PERSONNE

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Anderson 27

LE BUDGET

    Mme Sheridan 27
    M. Martin (LaSalle-Émard) 27

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 28

L'INDUSTRIE LAITIÈRE

RECOURS AU RÈGLEMENT

LES DROITS ET PRIVILÈGES DES DÉPUTÉS

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

    M. Hermanson 30

QUESTION DE PRIVILÈGE

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

AFFAIRES COURANTES

LE RÈGLEMENT

    Le Président 31

LA LOI ÉLECTORALE DU CANADA

    Le Président 31

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

PÉTITIONS

DÉCORATIONS ET DISTINCTIONS

LA LOI SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE DISCOURS DU TRÔNE

REPRISE DU DÉBAT SUR L'ADRESSE

    Reprise du débat 32
    Motion de M. Bouchard 40
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 41
    M. Langlois 50
    M. Plamondon 50
    M. Plamondon 51
    M. McClelland 54
    M. Speaker (Lethbridge) 54
    M. Chrétien (Frontenac) 58
    M. Leroux (Shefford) 66

ANNEXE


17


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mercredi 19 janvier 1994


La séance est ouverte à 14 heures.

_______________

Prière

_______________

[Traduction]

RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. J'ai l'honneur de déposer le rapport du vérificateur général pour l'exercice terminé le 31 mars 1993.

[Français]

Je rappelle aux honorables députés que conformément à l'article 108(3)e) du Règlement, ce document est réputé renvoyé en permanence au Comité permanent des comptes publics.

[Traduction]

Comme il est 14 heures, en conformité de l'article 35 du Règlement, la Chambre passe maintenant aux déclarations des députés en vertu de l'article 31 du Règlement.

Permettez-moi d'abord de donner quelques explications. Par suite d'entretiens que j'ai eus avec les whips, nous avons décidé de procéder d'une certaine façon au cours des prochains jours, pendant que se poursuivent les pourparlers entre les whips et les leaders à la Chambre.

En ce qui concerne les déclarations conformément à l'article 31 du Règlement, voici ce qui a été convenu: il y aura neuf interventions par le gouvernement, trois par l'opposition officielle, trois par le Parti réformiste et nous ferons en sorte que les indépendants puissent aussi avoir la parole; nous reviendrons sur cette question un peu plus tard.

Quant à la période des questions, du moins pour les prochains jours. . .

Une voix: Silence!

Le Président: Je craignais que les députés fassent du tapage, mais voilà que je dois m'inquiéter de la tribune maintenant. Nous allons régler cette question.

(1405)

Au cours des prochains jours, nous allons procéder comme l'ont convenu les whips et les leaders à la Chambre, jusqu'à ce qu'ils arrivent à une décision concernant l'agencement de la période des questions.

Pour l'instant, nous allons procéder à la période des questions de la manière dont nous le faisions au cours de la dernière législature. Ce sera notre point de départ.

_____________________________________________

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA CHAMBRE DES COMMUNES

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke): Monsieur le Président, je souhaite la bienvenue à vous et à tous les députés dans un poste aux multiples fonctions.

Aujourd'hui, en tant que Canadiens, nous avons de nombreux défis à relever. Cela nous ouvre d'extraordinaires perspectives. N'oublions pas qu'il est de notre devoir de relever les défis d'aujourd'hui avec le dévouement, la détermination, le courage et la perspicacité dont ont fait preuve nos ancêtres qui ont bâti ce beau et grand pays que Dieu nous a donné.

Au nom de tous les Canadiens, il nous faut bâtir une infrastructure humaine, faite de ponts favorisant la compréhension entre les diverses régions du pays et établissant un rapprochement entre ceux qui souffrent et ceux qui vivent dans le confort, entre les chômeurs et les travailleurs, entre les diverses cultures, le tout fondé sur la fierté mais également l'humilité rattachées à l'identité canadienne.

Comme l'écrivait Pearl McInnis, il n'y a plus d'hier, le temps nous les a pris. Demain ne viendra peut-être pas, mais il nous reste aujourd'hui. Unissons nos efforts pour faire du Canada un pays où il fait mieux vivre et bâtir un monde meilleur. Bienvenue et bonne chance à tous les députés appelés à relever de nouveaux défis.

* * *

[Français]

LE SÉISME DE LOS ANGELES

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, en mon nom personnel et au nom de l'opposition officielle, je


18

tiens à offrir mes plus sincères condoléances aux familles éprouvées de Los Angeles, qui ont perdu un être cher récemment.

À la vue des dégâts causés par le tremblement de terre, nous avons tous et toutes pris conscience de l'ampleur du désastre et du désarroi dans lequel la population de cette localité est plongée.

Nous comprenons le drame que vivent les gens de Los Angeles et nous tenons à leur faire part de notre plus profonde sympathie devant l'épreuve qui les afflige. Nous savons par ailleurs que la population saura faire preuve de beaucoup de courage devant l'adversité.

Plusieurs d'entre nous ont de la parenté ou des amis qui vivent à Los Angeles. Nous demandons donc au gouvernement canadien de prendre les dispositions nécessaires afin d'assurer la sécurité des Canadiens et Québécois qui sont toujours sur les lieux et de leur fournir tout le support requis pour surmonter cette épreuve.

* * *

[Traduction]

LE SÉISME DE LOS ANGELES

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup de fierté et d'appréhension, et guidé par un profond sens du devoir, un profond sens de l'honneur et des responsabilités que je prends la parole ici aujourd'hui.

Ma déclaration fait écho à celle du député qui a pris la parole avant moi. Je demande que tous les députés reconnaissent les souffrances qu'éprouvent nos voisins du Sud à Los Angeles.

* * *

L'ANNÉE INTERNATIONALE DE LA FAMILLE

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface): Monsieur le Président, les Nations Unies ont proclamé 1994, Année internationale de la famille.

Dans le monde entier, des communautés et des organisations, dont des gouvernements, prévoient tenir cette année des activités visant à faire ressortir l'importance de la famille de nos jours.

L'ONU qualifie la famille de cellule de base de la société qui joue un rôle fondamental dans l'édification de celle-ci et qui remplit aussi d'importantes fonctions socio-économiques.

En dépit des nombreux défis qu'elle a dû relever, la famille constitue toujours le cadre naturel du soutien émotionnel, financier et matériel qui est essentiel au développement de ses membres, en particulier des enfants, et au bien-être d'autres personnes à charge, tels les personnes âgées, les personnes handicapées et les infirmes.

[Français]

La famille continue d'être un moyen important pour préserver et pour promouvoir les valeurs culturelles que nous avons tous à coeur.

Elle joue un rôle d'instituteur, d'entraîneur, ainsi que de motivateur, tout en investissant dans l'épanouissement de notre société.

(1410)

Je suis fier du travail qui est fait par le gouvernement à l'heure actuelle afin d'améliorer les structures sur lesquelles la famille doit compter. Nous avons fait un autre pas en avant lors de la présentation du discours du Trône en cette Chambre hier.

* * *

[Traduction]

LA SOCIÉTÉ LABOTIX AUTOMATION

M. Peter Adams (Peterborough): Monsieur le Président, commençons 1994 avec un exemple de Canadiens qui règlent déjà des problèmes du XXIe siècle.

Labotix Automation a une nouvelle usine à Peterborough pour produire des robots servant à tester des échantillons médicaux, agricoles et environnementaux.

Les Canadiens de cette entreprise canadienne voient aux préoccupations que nous avons au sujet du SIDA, des stocks nationaux de sang, de la pollution et du coût de l'assurance-maladie. Leur technologie permet de tester toutes sortes de liquides. Ils montrent comment nous pouvons soutenir la concurrence sur le marché mondial en vendant un produit de qualité, fabriqué à Peterborough, dans 80 pays. Ils montrent aussi comment créer des emplois et former de jeunes Canadiens. Leur succès repose sur la compétence de jeunes ingénieurs, technologistes et informaticiens canadiens.

À Peterborough, les Canadiens se préparent à affronter le XXIe siècle avec confiance.

* * *

[Français]

LE SPORT AMATEUR

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies): Monsieur le Président, j'aimerais dénoncer, tel que la presse l'a révélé la semaine dernière, que dans le sport amateur canadien, notamment au sein de Team Canada, l'équipe nationale de hockey canadienne qui va défendre l'honneur du Canada à Lillehammer, les Québécois sont encore une fois victimes de discrimination fondée sur des préjugés et des stéréotypes à caractère racial.

Au nom de tous les Québécois et de tous les Canadiens, j'exige que le gouvernement prenne des mesures concrètes afin de mettre un terme à cette discrimination pour permettre à tous les Québécois d'avoir la chance, au même titre que tous les autres, de faire partie de cette équipe.

* * *

[Traduction]

LES DÉPUTÉS

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, en réponse au rapport du caucus réformiste sur la rémunération, les avantages et les pensions des députés et sénateurs, le gouvernement a présenté un plan visant à réduire certains avantages sur la colline du Parlement. Le rapport Gagliano est une première étape louable qui fera économiser des sommes considérables aux contribuables canadiens et qui jouira certainement de l'appui de notre parti.


19

Cependant, il reste encore d'importantes mesures à prendre. Je vais en nommer deux. Chaque député a droit à une allocation pour frais non imposable d'un minimum de 21 300$ par année, sans avoir à produire de reçus. Cela doit être changé. Par ailleurs, les contribuables insistent pour qu'on réforme en profondeur, et non de façon superficielle, les pensions des députés et sénateurs.

À cet égard, les Canadiens réclament une réduction des contributions de l'État, qui dépassent d'au moins 10 millions de dollars par année les normes du secteur privé. Ils veulent aussi qu'on modifie la structure des prestations, qui a créé des engagements actuariels de près de 200 millions de dollars.

Les contribuables surveilleront de près ce qui se fera dans ce domaine, et nous aussi.

* * *

LA SOCIÉTÉ IMP AEROSPACE COMPONENTS LTD.

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester): Monsieur le Président et collègues députés, une grève paralyse l'IMP Aerospace Components Ltd., à Amherst, en Nouvelle-Écosse. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la population d'Amherst a toujours apprécié la présence d'Aerospace dans sa localité, l'usine y employant plus de 150 personnes pour la fabrication de pièces aérospatiales.

Le conflit qui oppose la direction au syndicat est très complexe et s'envenime de jour en jour depuis la rupture des pourparlers à la mi-décembre.

Pour sa nouvelle usine qui a officiellement ouvert ses portes l'an dernier seulement, l'IMP a bénéficié de millions de dollars de fonds publics fédéraux et provinciaux.

J'exhorte la direction à reprendre les négociations le plus tôt possible et je suis prête à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour mettre un terme à cette grève qui accable la population d'Amherst et qui crée un climat de méfiance.

* * *

CAMBRIDGE

M. Janko Peric (Cambridge): Monsieur le Président, le 25 octobre 1993, j'ai eu l'honneur d'être élu député de la circonscription fédérale de Cambridge par la population de Cambridge, de North Dumfries et du sud de Kitchener. Cette élection revêt pour moi une importance toute particulière, car je suis le premier Canadien d'origine croate à être élu à la Chambre des communes.

(1415)

Je suis venu dans ce pays en 1968, en quête d'une vie et d'un avenir meilleurs. J'y ai trouvé ce que je cherchais et j'en suis reconnaissant au Canada et au peuple canadien.

En tant que Croate, je fraternise avec tous les peuples du monde entier et, à titre de Canadien, je suis prêt à leur venir en aide.

Vive le Canada. Long live Canada. Zivila Canada.

* * *

L'ÉCONOMIE

M. Alex Shepherd (Durham): Monsieur le Président, je voudrais soulever une question d'un grand intérêt pour toutes nos petites et moyennes entreprises de Durham et de tout le Canada. Nous devons à ce secteur la création de 75 à 83 p. 100 de tous les nouveaux emplois dans le passé immédiat. Par ailleurs, la majeure partie de notre économie se trouve contrôlée de l'extérieur de nos frontières.

Je crois que des mesures d'encouragement et de soutien pour les petites et moyennes entreprises de même que dans le domaine des nouvelles technologies permettraient aux Canadiens de reprendre le contrôle de leur économie. Nous devons créer de nouvelles sources de capitaux, et je signale à cet égard que les caisses de retraite et autres instruments d'épargne représentent un vaste réservoir de capitaux et une bonne source de capitaux à long terme pouvant étayer la croissance à long terme de notre économie.

* * *

[Français]

LA MIL DAVIE

M. Antoine Dubé (Lévis): Monsieur le Président, je vous remercie de me permettre, à titre de député de Lévis, de sensibiliser les membres de cette Chambre à la situation alarmante qui prévaut actuellement au chantier maritime MIL Davie.

Des 3 500 employés qu'il y avait au début de 1993, il n'en reste plus que 2 400 actuellement. Or, comme les mises à pied s'effectuent au rythme d'une centaine par semaine, le nombre d'employés risque de descendre jusqu'à 500 d'ici les prochains mois. Si rien n'est fait prochainement, cela représentera une perte économique de 600 millions de dollars pour la région de Québec.

L'entreprise a élaboré un plan de conversion du militaire au civil, mais la MIL Davie a besoin de contrats de transition avant d'être concurrentielle au niveau international.

En conséquence, je demande au gouvernement de considérer prioritairement l'octroi du contrat de construction du traversier des Îles-de-la-Madeleine et de l'aider dans la mise au point du smart ship.

* * *

[Traduction]

LES ARMES À FEU

M. Jim Abbott (Kootenay-Est): Monsieur le Président, les demandes de renseignements arrivent de plus en plus nombreuses au sujet de la nouvelle réglementation prise en vertu du projet de loi C-17 et qui régit les autorisations d'acquisition d'armes à feu.

Selon mes informations, le nouveau règlement devait entrer en vigueur le 30 juin 1993, mais son application a été reportée au 1er janvier dernier pour qu'on puisse mettre le programme en place. La troisième semaine de janvier est maintenant bien entamée et la confusion et l'exaspération règnent entre les propriétaires d'armes à feu, la GRC et les responsables de la formation au

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maniement des armes à feu. Il semble qu'il n'y ait pas eu de consultations suffisantes entre le ministère fédéral de la Justice, les responsables provinciaux des armes à feu et la GRC, et que les instructions n'aient pas été assez précises.

Les Canadiens appuient la réglementation des armes à feu, et les propriétaires d'armes sont les premiers à convenir qu'il faut garantir la sécurité. Mais quels résultats donnera cette loi si la confusion et l'information fautive qu'on distribue en ce moment ont pour effet d'inciter des citoyens respectueux des lois à s'abstenir d'enregistrer leurs armes?

* * *

SRI GURU GOBIND SINGH JI

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui le 328e anniversaire de Sri Guru Gobind Singh Ji, le dixième gourou du sikhisme. Ce dernier a sacrifié son père et ses fils et s'est lui-même sacrifié pour préserver la foi de son peuple.

Les sikhs ont pour devoir de marcher sur les traces de Sri Guru Gobind Singh Ji pour le bien-être de l'humanité.

Souvenons-nous du dixième gourou pour sa conviction que tous les hommes sont pareils même s'ils semblent différents, qu'ils soient blonds ou bruns, laids ou beaux.

* * *

(1420)

BROCKVILLE

M. Jim Jordan (Leeds-Grenville): Monsieur le Président, il y a quelques semaines, à Ottawa, on a décerné à Brockville, ma petite ville natale, le prix national remis aux municipalités pour le leadership dont elles font preuve en matière d'environnement.

Brockville a été choisie parmi quinze autres villes canadiennes pour ce prix prestigieux. Elle a été retenue pour le travail de pionnier qu'elle a réalisé il y a quelques années en mettant au point un programme de recyclage qui a été couronné de succès. S'ajoutant à d'autres mesures, ce programme, qui a été vraiment un franc succès, a eu pour résultat de prolonger de plusieurs années la vie utile du site d'enfouissement de la ville.

Je voudrais féliciter le maire, M. Doran, et les conseillers de Brockville ainsi que tous les citoyens qui ont participé au projet. Ils ont assaini l'environnement tout en attirant des louanges à Brockville.

* * *

L'INDUSTRIE FORESTIÈRE

M. Joe Comuzzi (Thunder Bay-Nipigon): Monsieur le Président, permettez-moi de vous féliciter, en mon nom et en celui des habitants de la circonscription que je représente, Thunder Bay-Nipigon. Toutes nos félicitations et nos meilleurs voeux! Je profite de l'occasion pour vous inviter, au nom de mes électeurs, à vous rendre à Thunder Bay quand bon vous semblera.

Parmi les nombreux dossiers dont le gouvernement doit s'occuper, le plus vital est celui de la protection de nos ressources naturelles, notamment nos forêts.

L'industrie forestière occupe le premier rang des industries canadiennes. Elle représente plus de 750t a000 emplois directs et génère plus 40 milliards de dollars. La forêt, c'est notre principal produit d'exportation.

Je demande à tous les députés, à mes collègues du Bloc québécois, à ceux du Parti réformiste et à ceux du Nouveau Parti démocratique, d'appuyer avec conviction une politique de reboisement à l'échelle nationale. Cette mesure, qui aurait pour effet de protéger l'industrie forestière, serait bénéfique non seulement de notre vivant, mais également pour des générations à venir.

Le Président: Chers collègues, je me rends compte que j'ai dépassé l'heure, parce que j'ai pris plus de temps au début de la séance. J'ai l'intention, avec l'accord des députés, bien sûr, de mettre fin aux déclarations à 14 h 15 précises et je me propose de procéder ainsi demain.

_____________________________________________


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QUESTIONS ORALES

[Français]

LE DISCOURS DU TRÔNE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

La dette de l'État fédéral a dépassé hier le cap des 500 milliards de dollars. Le discours du Trône a déçu l'ensemble des observateurs quant à la volonté réelle du gouvernement de s'adresser résolument à la réduction du déficit. Le même discours du Trône a confirmé toutes les appréhensions quant aux menaces qui pèsent sur les programmes sociaux.

Je demande au premier ministre si on doit comprendre du discours du Trône que le gouvernement, n'ayant pas le courage de faire les choix qui s'imposent, là où il faut couper, a décidé de réduire le déficit sur le dos des démunis en diminuant les ressources consacrées aux programmes sociaux?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je voudrais redire au chef de l'opposition que le gouvernement a un programme très clair en la matière, que le ministre des Finances présentera un budget le mois prochain et que nous avons déclaré ouvertement, et nous en avons discuté lorsque le ministre des Finances a rencontré ses collègues provinciaux, et moi-même lorsque j'ai rencontré les premiers ministres des provinces au mois de décembre, que nous n'avions pas l'intention de diminuer le niveau de paiements de transfert aux gouvernements provinciaux.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, je prends la dernière phrase du premier ministre comme étant un engagement contracté, qui vient du plus haut magistrat du pays, mais je me demande comment on peut prendre cet engagement au sérieux si on le compare avec une déclaration qui a été faite récemment par son ministre des Affaires intergouver-


21

nementales, qui a publiquement souhaité une réduction de 20 p. 100 dans les dépenses de la santé. Qui dit vrai? Le premier ministre ou son ministre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, il n'y a rien de contradictoire là-dedans. Si nous pouvons, en collaboration avec les gouvernements provinciaux, réduire le niveau des dépenses de tous les gouvernements en matière de soins de santé, il y aura des économies, et pour les gouvernements provinciaux et pour le gouvernement fédéral.

(1425)

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Je viens de comprendre, monsieur le Président, que le premier ministre laisse à nouveau planer l'épée de Damoclès sur les programmes sociaux, puisqu'il vient d'évoquer que l'objectif poursuivi avec les provinces, a-t-il dit, est de réduire les dépenses affectées à la santé. C'est exactement ce genre de demi-vérité qui crée les appréhensions du public.

Si le premier ministre est sérieux et s'il veut vraiment couper dans les dépenses, les dépenses étant en particulier celles du gras du gouvernement, accepte-t-il que nous formions un comité spécial qui sera saisi d'un mandat d'urgence et détaillé afin d'examiner toutes les dépenses et tous les postes budgétaires des ministères en cette Chambre, par les parlementaires, pour rendre compte au public, et pour permettre de réduire les dépenses du gouvernement, de réduire le déficit et de juguler ce monstre sans toucher aux programmes sociaux?

[Traduction]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous sommes disposés à travailler avec tous les partis représentés à la Chambre pour faire les compressions qui s'imposent afin de réduire le déficit.

Le comité des finances se réunira très prochainement. Divers comités auront l'occasion d'examiner le budget des dépenses de chaque ministère. Nous nous pencherons sur tous les aspects des activités gouvernementales pour faire en sorte que les dépenses soient réduites.

Or, cela ne sera pas possible si l'honorable chef de l'opposition tente de nous faire croire que nous pouvons avoir le beurre et l'argent du beurre. Nous devons examiner tous les aspects.

* * *

[Français]

LA FISCALITÉ

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, dans cette foulée, le gouvernement libéral n'a pas démontré jusqu'à présent sa volonté ferme de réformer la fiscalité canadienne de façon à en réduire les injustices et les iniquités flagrantes, préférant lancer des ballons d'essai à gauche et à droite sur l'éventualité de coupes sombres un peu partout, en particulier dans les programmes sociaux, tout en ménageant la classe la plus privilégiée de la société.

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Le ministre des Finances renonce-t-il à entreprendre de toute urgence une réforme sérieuse et en profondeur de la fiscalité canadienne afin de mieux partager le fardeau fiscal des Québécois et des Canadiens?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, tout d'abord j'aimerais féliciter mon collègue de sa première question en Chambre et lui dire, comme il le sait, que nous sommes en train de faire des consultations, lesquelles d'ailleurs sont les plus grandes consultations jamais entreprises dans l'histoire de notre pays en ce qui concerne un budget.

À l'intérieur de ces consultations, les Canadiens et les Canadiennes nous ont dit qu'ils voulaient une réforme en profondeur de beaucoup de programmes gouvernementaux, incluant la fiscalité, et nous avons l'intention d'y procéder.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, si le ministre des Finances a cette volonté ferme, est-il prêt à s'engager tout de suite devant cette Chambre à éliminer immédiatement ce régime odieux des fiducies familiales qui profite aux plus riches de la société et non aux plus pauvres?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, comme le sait fort bien mon collègue, j'ai l'intention, sous peu, de présenter devant cette Chambre le budget du gouvernement où il trouvera certainement les réponses à ses questions.

* * *

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Comme vous le savez, il n'y a pas que la dette et les impôts qui atteignent des niveaux record comme vient de le rappeler le député. Il y a aussi le chômage. Bon nombre d'économistes et de gens d'affaires estiment qu'il y a un lien direct entre les deux, que le niveau élevé de la dette et des impôts empêche la création d'emplois dans le secteur privé.

Le premier ministre pourrait-il dire à la Chambre ce que pense le gouvernement du lien entre les niveaux record de la dette et du chômage et nous dire si le gouvernement estime essentiel de réduire le déficit pour favoriser la création d'emplois dans le secteur privé?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous sommes conscients de l'énorme dette du Canada. Hier, nous avons, paraît-il, dépassé le cap des 500 milliards de dollars. Le Parti conservateur nous a légué un lourd fardeau et nous devrons composer avec cela dans la tâche qui nous attend. C'est une réalité, et c'est un grave problème pour notre pays.

(1430)

Il y a deux façons de régler ce problème, mais cela prendra un certain temps. Nous devons diminuer les dépenses. Or, nous devons avant tout, pour réduire la dette, assurer aux Canadiens les emplois qui leur permettront de contribuer à la croissance et


22

de générer des impôts. C'est de cette façon que nous entendons aborder le problème.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Je pense que tous les députés sont d'accord avec cette réponse, mais ma question était la suivante: Y a-t-il un lien entre. . .

Le Président: À l'ordre. Je sais que la procédure de la Chambre est nouvelle pour tout le monde, mais je vous prierais d'adresser vos questions et vos déclarations directement à la présidence.

M. Manning: Monsieur le Président, j'aimerais poser une autre question sur le même sujet, celui des déficits et des emplois.

Cette question nous a été posée par M. Dean P. Eyre, d'Ottawa, et je cite: «Le gouvernement a l'intention de consacrer six milliards de dollars au programme d'infrastructure et de créer 65 000 emplois. A-t-il calculé combien d'emplois auraient pu être créés si on avait simplement réduit de ce montant les impôts des particuliers, des propriétaires fonciers et des petites entreprises?»

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): J'aimerais signaler à ceux qui ont posé cette question par l'intermédiaire du chef du Parti réformiste que seuls deux des six milliards de dollars proviennent du Trésor fédéral, et donc que cela aurait seulement réduit le déficit du gouvernement fédéral. J'aimerais également souligner le grand succès du programme d'infrastructure.

Le maire de Calgary montre énormément d'enthousiasme pour ce programme, tout comme les maires de Hamilton, d'Edmonton, de Vancouver, de Victoria et de Shawinigan, au Québec.

* * *

[Français]

LES RESSOURCES HUMAINES

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, hier, lors du discours du Trône, le gouvernement a déçu vivement les Québécois et les Canadiens qui s'attendaient, après la campagne électorale menée sur le thème «jobs, jobs, jobs», à un programme sérieux de relance de l'emploi. Aucune mesure concrète n'a été annoncée, sauf l'insuffisant programme des infrastructures.

Ma question s'adresse à M. Axworthy, au développement des ressources humaines.

Une voix: Au ministre des ressources humaines.

Mme Lalonde: Au ministre des ressources humaines, M. Axworthy.

Une voix: Non, vous n'avez pas le droit de le nommer.

Mme Lalonde: Je ne peux pas nommer son nom. Monsieur le Président, je ne nommerai pas le nom du ministre.

Le Président: Merci!

Mme Lalonde: Monsieur le Président, le ministre pourrait-il nous dire et rassurer la population quand et quelles mesures le gouvernement se décidera enfin à prendre pour aider les nombreux Québécois et Canadiens qui veulent travailler et qui ne le peuvent pas?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord féliciter le nouveau Président de la Chambre dans sa tâche difficile.

Je voudrais offrir mes félicitations à l'honorable députée de Mercier pour son intérêt et j'espère que nous aurons plusieurs occasions d'échanger nos points de vue pour le bien de tous les Canadiens.

En réponse à cette question, comme les députés le savent, dans le discours du Trône nous avons annoncé plusieurs initiatives et mesures; par exemple, le Service jeunesse sera très important en ce qui touche l'emploi pour les jeunes. De plus, nous présenterons un programme d'apprentissage et de formation pour tous les Canadiens. Je crois que c'est une bonne initiative qui répondra aux grands et sérieux problèmes de la jeunesse.

Nous avons en même temps annoncé un réforme globale du filet de sécurité sociale.

(1435)

C'est une bonne réponse aux demandes des pauvres et des démunis et ce sont des changements essentiels pour développer un programme d'emplois pour un grand nombre de Canadiens et de Canadiennes.

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, cette réponse est pour moi nettement insuffisante et j'aimerais poser une question supplémentaire au ministre. Pourquoi, connaissant l'effet désastreux sur l'économie que l'augmentation des cotisations à l'assurance-chômage a occasionné, cette augmentation de 800 millions, pourquoi le ministre a-t-il consenti, vu que dans le programme d'infrastructure, le gouvernement n'investit qu'un milliard par année?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Perfectionnement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je ne suis pas très sûr de bien saisir la question, mais, comme j'ai essayé de le dire à la députée, je me ferai un plaisir de lui expliquer les mesures en long et en large.

Dans le discours du Trône, nous avons décrit en détail les engagements précis que nous avions pris dans le livre rouge afin d'assurer des emplois aux jeunes et de les aider à surmonter le problème très grave que pose le passage des études à la vie active.

Le ministre des Finances et le ministre de l'Industrie ont exposé un certain nombre de mesures destinées à contribuer à la création d'emplois dans le secteur de la petite entreprise et dans celui de la haute technologie, afin d'aider les provinces à mettre en place de nouvelles initiatives.

Comme la députée le sait, nous allons donner des explications plus détaillées à la Chambre. Tous les ministres parleront de ces mesures à l'étape de l'adresse en réponse au discours du Trône. Je suis sûr qu'une fois que la députée aura entendu les excellen


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tes interventions de mes collègues, elle comprendra parfaitement l'engagement majeur que le gouvernement a pris envers la création d'emplois.

* * *

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le vérificateur général a déposé son rapport aujourd'hui. Il y fait remarquer que, à moins que l'on ne procède à des changements réels, la dette fédérale-je dis bien fédérale, pas nationale-atteindra 100 p. 100 du produit intérieur brut en l'an 2008.

Le vérificateur général qualifie cette situation de très grave et, comme il le dit, il y a des «décisions difficiles qui s'imposent».

Le discours du Trône parle de programmes de dépenses, mais ne donne pas acte de la gravité de la situation financière dans laquelle nous nous trouvons.

Le ministre des Finances peut-il affirmer aux Canadiens que la première priorité de son gouvernement est la réduction du déficit et non l'introduction de programmes de dépenses, comme on l'a entendu hier?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, il n'y a pas de doute que la réduction du déficit est une grande priorité de notre gouvernement.

Nous partageons sans l'ombre d'un doute l'opinion qu'exprimait le vérificateur général et nous l'avons dit quelques semaines seulement après avoir pris le pouvoir. D'ailleurs, le premier ministre lui-même disait dans son discours inaugural: «On ne peut pas réduire le déficit sans prendre en considération le fait que l'économie influe sur la vie des gens et sans réaliser que le pays a besoin d'emplois.»

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, nous savons fort bien que le pays a besoin que l'on crée des emplois.

Cependant, j'ai parcouru le rapport et j'ai pu constater qu'il y a de nombreux domaines où le gouvernement pourrait éviter que l'on ne gaspille l'argent des Canadiens.

Le ministre des Finances peut-il nous garantir qu'il lira le rapport du vérificateur général et qu'il mettra ses recommandations en oeuvre afin que l'argent des contribuables soit dépensé pour le plus grand bien de la nation?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, le député et moi avons au moins une chose en commun. La première fois que j'ai pris la parole à la Chambre, j'ai oublié moi aussi de poser ma question.

Le député peut être certain que nous prendrons très au sérieux les observations du vérificateur général, surtout qu'il nous surveille. Nous avons d'ailleurs déjà commencé à les étudier.

* * *

(1440)

[Français]

LES PROGRAMMES DE MAIN-D'OEUVRE

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, il existe un large consensus au Québec relativement à la question d'éliminer les chevauchements administratifs coûteux dans la question des programmes de main-d'oeuvre. Les syndicats, le patronat, le gouvernement et les centaines de milliers de chômeurs du Québec sont d'accord. Les 26 000 Québécois qui attendent un programme de formation professionnelle malgré les emplois disponibles, emplois spécialisés, sont aussi d'accord.

Ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales et est la suivante: A-t-il l'intention de conclure, dans les plus brefs délais, une entente avec le gouvernement du Québec, éliminant ces dédoublements coûteux, respectant de ce fait l'engagement du premier ministre lors du sommet des premiers ministres le 21 décembre et son propre engagement au début de décembre?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, notre gouvernement est tout à fait d'accord qu'il faut éliminer les chevauchements et les duplications de façon à réduire les coûts de fonctionnement des gouvernements. Nous l'avons indiqué dans le discours du Trône et nous avons obtenu un accord lors de la conférence des premiers ministres que ce serait fait.

Dans le cas précis d'une entente sur la main-d'oeuvre professionnelle, mon collègue, le ministre des Ressources humaines, a déjà discuté avec son collègue qui est maintenant ministre des Finances au Québec mais qui à ce moment-là était responsable de l'accord sur la main-d'oeuvre, et il continue les discussions.

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, compte tenu du fait que l'élimination de ces chevauchements permettrait d'économiser au bas mot, selon les experts, quelque 250 millions de dollars par année à compter du moment où l'entente est faite et signée, est-ce que le ministre ne conviendrait pas que pour un gouvernement cassé ce serait peut-être le temps que lui, le premier ministre, ses collègues du conseil des ministres, se branchent et au plus tôt?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, j'ai l'impression que nous sommes déjà bien branchés parce que nous avons l'intention de


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couper des dépenses gouvernementales de beaucoup plus que 250 millions de dollars en réduisant les chevauchements.

* * *

[Traduction]

LE PROGRAMME D'INFRASTRUCTURE

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre responsable du programme d'infrastructure.

Au début de ce mois, le gouvernement a annoncé le premier projet du programme, soit la construction d'un centre des congrès dans la ville de Québec. Depuis, de nombreux Canadiens se sont demandé comment le projet a été approuvé avant même que le gouvernement n'annonce les critères d'admissibilité.

Je voudrais que le ministre explique à la Chambre en vertu de quels critères et selon quelles modalités le projet de la ville de Québec a été approuvé.

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure): Monsieur le Président, le gouvernement du Québec avait entamé depuis un certain temps déjà des négociations avec le gouvernement fédéral précédent au sujet du projet de centre des congrès à Québec. En raison du changement de direction au sein du gouvernement québécois, les autorités provinciales étaient impatientes de voir aboutir le projet. Comme les premiers ministres étaient ici le 21 décembre et qu'ils sont arrivés à une entente au sujet du programme, ils ont accepté à l'unanimité de participer au programme d'infrastructure.

Nous avons alors fait savoir au gouvernement du Québec que le projet irait de l'avant à condition, et j'insiste ici sur l'aspect conditionnel, qu'une entente soit officiellement signée.

Une fois l'entente officielle ratifiée, le projet devra se conformer à tous les critères établis. Toutefois, nous avons déjà officieusement traité la demande par l'intermédiaire de l'agence fédérale de développement économique à Québec. Cet excellent projet permettra de créer quelque mille emplois dans le secteur de la construction, puis plus de 400 emplois à long terme par la suite. Le projet contribuera à mettre rapidement au travail des gens de la ville de Québec, de la province de Québec et des Canadiens en général.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, j'ai une question supplémentaire.

Je remercie le ministre pour ces précisions. De toute évidence, on a annoncé une mesure politique avant que la Chambre ne soit consultée et avant que les critères ne soient rendus publics. Cela donne l'impression qu'il s'agit d'un autre cas d'assiette au beurre. Qu'entend faire le ministre pour s'assurer que ce genre de situation ne se reproduise plus, et quelle mesure a-t-il prise pour remédier à l'annonce inopportune du projet?

(1445)

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure): Monsieur le Président, le programme sera ouvert, transparent. Tous les députés de la Chambre ont été informés des critères d'examen des projets. Bien qu'il s'agisse d'un programme créé par le gouvernement fédéral, les projets n'émanent pas de lui mais plutôt des autorités municipales et ils sont conçus pour répondre aux priorités des gouvernements locaux et provinciaux.

Dans le cas du projet qui nous intéresse, nous avons effectivement fait en sorte de répondre aux priorités et besoins de la province de Québec et de la ville de Québec, et cela avec l'appui complet du maire de la ville de Québec, des députés du caucus du Québec et du gouvernement québécois. Voilà, à mon avis, un exemple qui illustre bien la possibilité de concertation de tous les gouvernements. Nous entendons procéder de la sorte pour assurer le succès du programme, c'est-à-dire faire preuve d'ouverture et de transparence afin de prévenir le genre de craintes dont vous faites état.

* * *

[Français]

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

M. Richard Bélisle (La Prairie): Monsieur le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor. Est-ce que le ministre responsable du Conseil du Trésor entend répondre à la demande du vérificateur général qui dénonce, année après année, des cas de pertes fiscales liées aux abris fiscaux, et donner définitivement le mandat au vérificateur général d'évaluer ce que coûtent l'ensemble des abris fiscaux au Trésor fédéral?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure): Monsieur le Président, comme mon collègue le ministre des Finances l'a indiqué antérieurement je crois, le gouvernement est essentiellement d'accord avec la plupart des observations formulées dans le rapport du vérificateur général. En fait, même si ces observations se rapportent à des événements survenus avant l'arrivée au pouvoir du présent gouvernement, ce dernier doit néanmoins voir à ce que l'on réagisse quant aux préoccupations exprimées.

En effet, nous l'avons déjà fait dans une très large mesure en démocratisant le processus de préparation du budget, comme mon collègue l'a mentionné plus tôt, en rationalisant les décisions du Cabinet et en créant les divers programmes présentés par le premier ministre, lesquels visent à réduire les coûts de fonctionnement des divers ministères, la valeur des avantages dont jouissaient les politiciens et bien d'autres choses encore. Nous avons déjà réagi à l'égard de certaines préoccupations exprimées dans le rapport du vérificateur général.


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Nous continuerons d'en tenir compte et de prendre des mesures à cet égard. Je suis convaincu que nous pourrons bientôt présenter au député et à cette Chambre d'autres observations et suggestions quant aux moyens à prendre pour satisfaire aux exigences du vérificateur général.

[Français]

M. Richard Bélisle (La Prairie): Monsieur le Président, le vérificateur général nous dit encore dans son rapport déposé aujourd'hui qu'il pourrait en coûter 1,2 milliard de dollars de plus aux contribuables canadiens en pertes fiscales dans le secteur des ressources et des sociétés pétrolières et minières.

Voici un cas cité par le vérificateur général. Après 14 ans de contestations judiciaires, de litiges, de négociations et de discussions, on ne s'entend toujours pas sur la façon de calculer les bénéfices de ces sociétés.

Quel est le plan d'action du ministre responsable du Conseil du Trésor pour mettre fin à cette saga judiciaire qui a déjà coûté très cher aux contribuables canadiens, pour récupérer les montants d'argent dus au gouvernement et pour colmater définitivement les brèches dans les abris fiscaux qui nous coûtent si cher?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): En ce qui concerne les ressources naturelles, monsieur le Président, le vérificateur général se référait à un cas spécifique, et il faut dire que le gouvernement a agi très rapidement une fois que le litige fut réglé.

En ce qui concerne les abris fiscaux, on a déjà dit que tout était sur la table et que nous allions vraiment examiner toutes les échappatoires, toutes les exemptions qui existent. Et j'espère, vu la question de mon collègue, que le Bloc québécois va nous appuyer lorsqu'on va présenter le budget à la Chambre.

* * *

[Traduction]

LE RÉGIME ENREGISTRÉ D'ÉPARGNE-RETRAITE

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Comme le ministre le sait sans doute, de nombreux Canadiens comptent beaucoup sur leurs placements dans des REER pour leurs revenus de retraite. C'est la raison pour laquelle la déclaration faite en décembre par le secrétaire parlementaire du ministre, au sujet de la révision de ce système, a tellement inquiété les Canadiens.

(1450)

Le ministre peut-il affirmer clairement aux Canadiens que son gouvernement ne mettra pas en danger leur bien-être matériel futur en limitant davantage leurs contributions à des REER?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, je vois qu'une fois sur les banquettes ministérielles, un député prend la parole plus souvent que dans l'opposition.

Le gouvernement a annoncé, dans le cadre de la consultation menée en prévision de l'établissement du budget, qu'il était en train de revoir non seulement l'ensemble des dépenses gouvernementales, mais l'ensemble des politiques du gouvernement. L'objet de la question du député est évidemment au nombre des éléments en cours de révision.

Je peux tout de même dire au député que le gouvernement ne prendra jamais de mesures qui mettraient en danger le revenu de pension des Canadiens. Nous allons nous assurer que le régime fiscal canadien est juste et équitable envers tout le monde.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, j'ai une question supplémentaire pour le ministre des Finances.

Peut-il garantir aux Canadiens-ou au moins apaiser leurs craintes à cet égard-que les régimes enregistrés d'épargne-retraite seront maintenus, non pas comme des réductions d'impôt qu'il convient de diminuer, mais bien comme un filet de sécurité personnel qu'on peut encourager les gens à se donner pour assurer leur retraite à l'avenir?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, je crois que la question supplémentaire de mon collègue est exactement la même que sa première question, et qu'elle appelle la même réponse. Les REER sont un élément important du programme d'épargne-retraite au Canada. Nous sommes cependant en train de réviser toutes les politiques, sans exception.

Les questions de mon collègue trouveront une réponse au moment de la présentation du budget.

* * *

LA VALLÉE DE LA RIVIÈRE ROUGE

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River): Monsieur le Président, ma question, qui s'adresse au ministre du Patrimoine canadien, porte sur la vallée de la rivière Rouge, dans la région de Scarborough.

Le ministre n'ignore pas que le gouvernement fédéral s'est engagé à négocier avec le gouvernement ontarien en vue de la protection de ces 10 000 acres et a promis de consacrer 10 millions de dollars à la préservation de la vallée de la rivière Rouge.

Le ministre peut-il confirmer si le gouvernement fédéral a l'intention d'honorer ses engagements? Peut-il dire à la Chambre où en sont les négociations avec la province et donner des garanties quant à la participation future du fédéral à ce vaste projet environnemental en milieu urbain?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, le député de Scarborough-Rouge River est tout à fait justifié de nous rappeler que le gouvernement fédéral appuie la création de ce merveilleux parc qui a vu le jour en 1988 par suite d'une décision du gouvernement précédent.

Le gouvernement est toujours en faveur de la création de ce parc, exemple parfait de la coopération qui peut exister entre le fédéral, les provinces et le secteur privé.


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Une partie de la contribution fédérale pour l'exercice financier en cours a servi à l'achat du site autochtone de Bead Hill dont l'importance historique revêt un caractère national. Ce site sera intégré dans le parc de la rivière Rouge dès que les mesures nécessaires auront été prises.

* * *

[Français]

LES TAXES SUR LE TABAC

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

On pouvait entendre aux nouvelles hier soir et lire dans les journaux ce matin, que la proposition du gouvernement du Québec de réduire les taxes sur le tabac afin d'enrayer la contrebande avait été mal reçue par le gouvernement fédéral. Est-ce que le ministre des Finances peut confirmer que les propos du porte-parole du ministère des Finances constituent la politique officielle du gouvernement, et qu'en conséquence, Ottawa rejette la position du gouvernement du Québec de réduire le taux de taxation sur le tabac de façon à enrayer le fléau de la contrebande?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Tout d'abord, monsieur le Président, je suis entièrement d'accord avec mon ami que la contrebande est vraiment un fléau qu'il faut régler. Certainement, lorsqu'on regarde les discussions et les mesures prises par mes collègues, le solliciteur général, le ministre du Revenu national, il va falloir vraiment mettre en application les lois qui existent déjà.

Cela étant dit, il n'y a pas de doute, et le Québec a très bien mis de l'avant le cas, qu'une des options est de réduire la taxe sur le tabac. C'est une option à examiner mais, comme vous le savez, cela nécessitera la concertation de toutes les provinces, ou certainement de la majorité des provinces concernées.

(1455)

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, le ministre des Finances a fait allusion à d'autres options possibles, l'une d'elles étant des mesures de coercition.

Est-ce que le ministre des Finances peut nous donner des précisions concernant de nouvelles mesures de coercition qui pourraient être plus efficaces pour régler un problème qui est connu depuis un très long moment?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, comme je l'ai dit, dans ce domaine, les mesures sont entre les mains de mes collègues, le ministre du Revenu national et le solliciteur général. Je crois que le ministre du Revenu national a l'intention, éventuellement, de faire une annonce à cet égard. Je lui céderai la parole en temps et lieu.

[Traduction]

L'AGENCE CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Dimanche dernier, la chaîne CTV a dévoilé les résultats d'une étude interne de l'ACDI, qui souligne l'inaptidude des conseillers canadiens. En effet, près de 80 p. 100 des 1 400 conseillers techniques interrogés ont été jugés incompétents.

Au nom des millions de contribuables qui sont actuellement pris à la gorge, je demande au ministre de préciser quelles mesures il entend prendre pour mettre un terme à cet énorme gaspillage de fonds publics.

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je signale au député que le reportage de CTV portait sur des projets réalisés il y a quelque temps déjà. En fait, l'ACDI était au courant de cette situation.

Des mesures ont été prises pour y remédier et nous pouvons espérer qu'à l'avenir on s'y prendra mieux avec les projets de ce genre, de sorte qu'ils seront plus productifs.

* * *

[Français]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Des allégations nous parviennent à l'effet que la répression brutale à laquelle se livre l'armée fédérale mexicaine pour contrer le soulèvement des paysans et des fantassins de l'armée zapatiste viole à plusieurs égards les droits de la personne. Des cas de disparitions, d'assassinats et d'intimidation ont été remarqués par plusieurs observateurs.

Ma question est la suivante: Le ministre peut-il nous indiquer quelle est la position officielle du gouvernement à cet égard et s'il est intervenu auprès du gouvernement mexicain afin d'assurer que les droits de la personne soient respectés et protégés?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je peux assurer l'honorable député que des représentations ont été faites de la part des autorités canadiennes auprès des autorités mexicaines. L'ambassadeur du Canada au Mexique a rencontré le ministre des Affaires étrangères et lui a fait part des inquiétudes canadiennes en ce sens.

Il est certain que les délégations de Canadiens qui se sont rendues là-bas et qui sont présentement au Mexique auront l'occasion de rencontrer les officiers de mon ministère. En fait, un groupe a déjà rencontré le secrétaire d'État pour les questions relatives à l'Amérique latine. Je dois moi-même rencontrer, plus tard cette semaine, M. Ovide Mercredi, qui reviendra de sa visite là-bas, et j'espère pouvoir en discuter très bientôt avec l'ambassadeur mexicain à Ottawa.


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Il nous paraît évident qu'il faut avoir une analyse très serrée de la situation. Il y a des pertes de vie graves que nous regrettons. Nous déplorons cette situation, mais il est très important de permettre aux autorités mexicaines de prendre les mesures qui s'imposent pour régler elles-mêmes, chez elles, la situation.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, évidemment, je partage les inquiétudes du ministre, et notre parti appuiera tous les efforts que le ministre fait afin de protéger les droits de la personne. Cependant, j'aimerais savoir, quand le ministre parle d'analyse serrée, s'il considère pour sa part que le commerce n'a rien à voir avec les droits humains et que le soulèvement des indigènes ne constitue qu'un épisode d'ajustement économique inévitable en période de développement économique.

[Traduction]

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, il est important de rappeler à tous les députés qu'en 1990, le président Salinas a créé la Commission nationale des droits de la personne, qui fait maintenant l'objet d'une loi. Je crois que les autorités mexicaines elles-mêmes veulent prendre des mesures afin de veiller au respect des droits de la personne dans leur pays.

(1500)

Deuxièmement, je tiens à assurer aux députés que, dans le cadre de l'ALÉNA, le Canada s'occupera maintenant d'un certain nombre de questions en relations plus étroites avec nos amis mexicains. Nous espérons que les Mexicains respecteront les critères établis ici au Canada et aux États-Unis touchant les droits de la personne.

Il est clair que, grâce à l'ALÉNA, nous serons peut-être en mesure de contribuer à remédier à la situation là-bas. Il est à espérer que les Mexicains fassent participer leurs citoyens à ce processus et que l'ALÉNA se révélera avantageux pour les plus pauvres au Mexique.

* * *

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Revenu national.

Dans le discours du Trône, le gouvernement signifiait son intention de remplacer la taxe sur les produits et services. Il ne précisait pas toutefois comment il allait s'y prendre ni quel délai il s'était fixé.

Le ministre peut-il dire aux députés et, par conséquent, à tous les Canadiens ce qu'il connaît jusqu'à maintenant de la nouvelle mesure fiscale que proposera son parti?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national): Monsieur le Président, je voudrais d'abord vous féliciter pour votre élection et féliciter le député pour sa question.

Comme le temps nous presse, je ne pourrai dire à la Chambre tout ce que je sais sur la question. Je me dois de dire, cependant, que le premier ministre a bien précisé que la taxe sur les produits et services devait être abolie. Il faut naturellement trouver une solution de rechange, puisque le gouvernement et le pays ont besoin d'argent et des recettes que rapportent cette taxe. Par conséquent, mon collègue, le ministre des Finances, annoncera en temps et lieu le processus retenu pour éliminer la TPS et trouver une nouvelle mesure fiscale appropriée.

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, le ministre du Revenu national peut-il affirmer franchement à la Chambre aujourd'hui que toute réforme fiscale ou toute nouvelle taxe conçue pour remplacer la TPS ne servira pas uniquement à augmenter les impôts?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national): Monsieur le Président, il est évident que tous les députés de ce côté-ci de la Chambre, et tous ceux d'en face, j'en suis convaincu, désirent que le fardeau fiscal imposé aux Canadiens soit allégé et non accru.

Cependant, comme de nombreux députés, y compris les chefs de tous les partis, l'ont déjà mentionné aujourd'hui à la Chambre, le déficit et la dette nous posent un grave problème. Il nous est donc impossible pour l'instant de promettre que les impôts n'augmenteront pas d'une façon ou d'une autre.

Nous espérons être en mesure de lutter contre le déficit et la dette sans accroître les niveaux d'imposition.

* * *

LE BUDGET

Mme Georgette Sheridan (Saskatoon-Humboldt): Monsieur le Président, dans le rapport annuel qu'il publie aujourd'hui, le vérificateur général insiste sur la nécessité de concilier la convention du secret budgétaire et la consultation ouverte sous forme de débat permettant que le plus de parlementaires possibles soient consultés avant que des décisions budgétaires ne soient prises.

Le ministre des Finances dira-t-il à la Chambre ce qu'il penserait d'élargir le processus afin de permettre une plus grande participation des députés et des Canadiens ordinaires à la tâche très importante qu'est celle de trouver des moyens de réduire la dette et le déficit du Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, la question du député reflète très manifestement l'orientation que notre gouvernement entend prendre et nous appuyons certainement les recommandations du vérificateur général.

Nous sommes déterminés à supprimer le secret budgétaire, à ouvrir le processus budgétaire. La Chambre ne siégeant pas alors, le déficit n'a pas été annoncé par communiqué, mais bien au cours d'une réunion tenue à l'Université de Montréal à laquelle participaient des étudiants de cette université et de l'Université McGill.

Nous avons réuni publiquement une quarantaine d'économistes de tout le pays afin de discuter des projections économiques et de l'avenir du Canada. Nous avons tenu une consultation prébudgétaire extrêmement fructueuse la semaine dernière, à Halifax. Nous comptons que celle que nous tiendrons cette semaine à Montréal et celles qui suivront à Toronto et à Calgary seront également couronnées de succès.


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Pour le budget de 1995, nous aurons davantage le temps de consulter et nous comptons tenir davantage de consultations publiques.

Pour ce qui est de la Chambre, nous allons ici comme ailleurs demeurer fidèles aux notions et principes établis dans le livre rouge.

(1505)

Comme l'ont dit le premier ministre et le leader du gouvernement à la Chambre, le Comité des finances jouera un rôle beaucoup plus important.

Des voix: Bravo!

M. Martin (LaSalle-Émard): C'était le premier ministre réformiste.

Le Comité des finances aura l'occasion de tenir des audiences publiques et jouera un rôle important dans l'élaboration du budget. Tous les députés à la Chambre sont invités à assister aux quatre séances de consultation qui ont été annoncées.

De même, après discussion avec le leader à la Chambre, qui en parlera avec ses homologues de l'opposition, et étant donné que nous disposons de très peu de temps, nous aimerions organiser, pour la toute première fois à la Chambre, un débat prébudgétaire d'une journée qui donnerait à tous les députés, ainsi qu'aux Canadiens ordinaires, l'occasion de nous faire connaître leur opinion sur ce que le budget devrait faire.

Des voix: Bravo!

* * *

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

De nombreux Canadiens qui ont voté pour le gouvernement ont été déçus de constater que l'une des premières mesures que ce gouvernement soucieux de créer des emplois a prises a été de mettre en oeuvre l'Accord de libre-échange nord-américain, accord qui, de l'avis de bien des gens, nuit à la création de nouveaux emplois et à la protection des emplois existants.

Pour faire suite à la question soulevée plus tôt concernant les événements qui se déroulent actuellement au Mexique-question qui a donné lieu à un échange intéressant où ceux qui étaient contre l'ALÉNA l'ont défendu et ceux qui étaient en faveur l'ont critiqué,-que compte faire le gouvernement au sujet de la situation au Mexique? Qu'est-ce que le gouvernement est prêt à faire si on ne constate aucune amélioration en ce qui concerne les droits de la personne au Mexique?

Allons-nous continuer de respecter l'ALÉNA sans tenir compte de ce que l'armée et le gouvernement du Mexique font subir aux gens qui croient que cet accord est en train de détruire leur vie?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je tiens à répondre que, dans le livre rouge, nous avions un programme bien défini concernant la nécessité d'améliorer l'ALÉNA avant de le signer. Ayant obtenu les améliorations que nous voulions, nous étions donc en mesure de signer.

Évidemment, comme le ministre des Affaires étrangères l'a dit, nous suivons de près ce qui se passe actuellement au Mexique. Nous faisons pression sur le gouvernement de ce pays pour qu'il respecte les droits de la personne et nous maintiendrons cette pression.

La question du député tient en grande partie de l'hypothèse et je ne suis donc pas en mesure d'y répondre. Nous devons attendre pour voir comment la situation évoluera. Nous sommes convaincus que le mécontentement manifesté par les Mexicains n'a rien à voir avec la signature de l'ALÉNA.

Le Président: Je me rends compte que nous avons dépassé l'heure quelque peu même si j'avais dit que je mettrais fin à la période des questions à 15 heures tapantes. Nous aurons une dernière question qui sera brève.

* * *

L'INDUSTRIE LAITIÈRE

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk): Monsieur le Président, puisque nos vis-à-vis n'ont pas de question à poser, j'en poserai une au ministre de l'Agriculture.

Tout d'abord, au nom des agriculteurs canadiens, je tiens à remercier le ministre du travail qu'il a fait jusqu'à maintenant. Il doit connaître les craintes des producteurs de lait devant les négociations avec les Américains sur la crème glacée et le yaourt.

Les producteurs de lait canadiens veulent que le gouvernement tienne tête aux Américains et ne cède pas à leur demande déraisonnable d'abolir immédiatement les tarifs sur ces produits.

Quelles mesures précises le ministre est-il disposé à prendre pour garantir la survie de l'industrie laitière canadienne? Peut-on aider les producteurs de lait canadiens?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question.

Puisque le Canada et les États-Unis continuent de négocier sur tout un éventail de questions commerciales bilatérales dans le domaine agricole, dont la production laitière, je dois, pour des raisons évidentes, faire preuve de réserve dans mes commentaires.

Ce que je peux dire, c'est que nous avons eu des discussions utiles avec nos homologues américains. Ces discussions se poursuivent. Quant à savoir si elles déboucheront sur une solution à court terme ou pas, il nous faudra attendre.


29

Cependant, le député et d'autres députés à la Chambre peuvent avoir l'assurance que, dans ces discussions, je ne perds pas de vue les intérêts vitaux du Canada, y compris ceux des producteurs laitiers.

Des voix: Bravo!

* * *

(1510)

[Français]

RECOURS AU RÈGLEMENT

LES DROITS ET PRIVILÈGES DES DÉPUTÉS

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.

Vous me permettrez tout d'abord de vous témoigner mon respect, mes félicitations suite à votre élection. Pour des raisons que je n'expliquerai pas, je n'étais pas à la Chambre au moment où vous avez été élu au poste que vous occupez présentement. Inutile de vous dire que, au nom de l'ensemble du caucus conservateur représenté en cette Chambre, je suis fier de vous offrir notre appui et surtout nos voeux de meilleure chance pendant la législature actuelle.

J'ai choisi et j'ai voulu intervenir dès aujourd'hui sur une question qui aura un impact sur nos droits et privilèges pendant la durée de cette législature. Et je me permets de citer intégralement le texte du discours du Trône d'hier, qui dit ceci:

Le gouvernement s'engage à rehausser la crédibilité du Parlement. Il proposera des changements au Règlement de la Chambre des communes qui donneront aux députés l'occasion de participer plus étroitement à l'élaboration des politiques gouvernementales et des lois.
Monsieur le Président, au nom de notre caucus et de notre parti, permettez-moi de dire à tous les députés de cette Chambre que nous sommes pleinement en accord avec cette affirmation et que nous avons l'intention d'appuyer le gouvernement en ce sens.

[Traduction]

Le gouvernement a pris un engagement dans le discours du Trône, mais je profite de l'occasion pour souligner, dès notre premier jour de séance, que la question de nos droits et privilèges à la Chambre nous préoccupe vivement.

J'invoque le Règlement aujourd'hui, non pas pour que la Chambre se prononce sur la question, mais bien parce que je veux vous donner, monsieur le Président, ainsi qu'aux autres députés, des précisions sur notre position.

Même si l'issue de la campagne électorale a été non équivoque pour le gouvernement précédent, l'examen objectif des résultats des élections révèle que le Parti réformiste, qui prend place à nos côtés à la Chambre, a obtenu environ 19 p. 100 des suffrages et a fait élire 52 députés.

Quant à l'opposition officielle, elle a recueilli 14 p. 100 des suffrages et obtenu 54 sièges. Or, avec 16 p. 100 des suffrages, le Parti progressiste-conservateur du Canada n'a obtenu que deux sièges, alors que nos collègues du Nouveau Parti démocratique, avec environ 9 p. 100 des voix, en ont obtenu neuf.

Comme vous le savez, monsieur le Président, il s'ensuit une situation. . .

Le Président: La présidence prie le député d'en venir au fait. Je l'invite à en arriver à l'essentiel avant que je ne cède la parole à d'autres députés qui invoquent le Règlement. J'aimerais toutefois, si c'est possible, entendre la conclusion du présent rappel au Règlement.

M. Charest: Avec votre permission, je vais conclure.

Voici où je veux en venir. À titre de leader de mon parti, je veux aujourd'hui vous faire part de cette question en toute simplicité, monsieur le Président, de même qu'aux députés des autres partis politiques représentés à la Chambre, afin que nous puissions discuter des possibilités que nous aurons de nous exprimer à la Chambre des communes, au nom des deux millions de Canadiens qui nous ont donné leur appui lors de la dernière campagne électorale, compte tenu des engagements énoncés dans le discours du Trône et des déclarations qu'ont déjà faites à ce sujet les députés du Parti réformiste et du Bloc québécois.

Voilà ce que je tenais à souligner aujourd'hui. Ainsi, en ce premier jour de séance de la Chambre et avant le début de la période des questions, vous saurez, monsieur le Président, de même que tous les députés, que ma collègue et amie de Saint John et moi-même avons l'intention de faire valoir cet argument et d'avoir au moins la possibilité de commenter le fait que nous avons été placés aux deux extrémités de la rangée.

Par ailleurs, avec votre permission, je voudrais soulever une question de privilège.

Le Président: À l'ordre! Comme le député a eu l'occasion de s'exprimer, je souhaiterais maintenant que tous les députés puissent participer au débat. Je prends bonne note des remarques du député et je le remercie de son intervention.

Le député veut-il parler du même rappel au Règlement ou a-t-il terminé?

M. Charest: Non, je veux soulever la question de privilège.

(1515)

Le Président: Je me suis prononcé en ce qui concerne le rappel au Règlement. S'agit-il d'une question de privilège, monsieur le député?

M. Charest: Oui, monsieur le Président, mais je crois comprendre que mon collègue du Parti réformiste veut aussi invoquer le Règlement relativement à la question que je viens d'aborder. Je suis tout à fait disposé à lui céder la parole et à ensuite soulever une autre question de privilège.


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LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. John Nunziata (York-Sud-Weston): Monsieur le Président, à propos du même rappel au Règlement concernant la conduite de la période des questions, je ferai remarquer qu'un total de 17 députés ont posé des questions aujourd'hui, dont 14 des partis d'opposition et trois du parti ministériel. Lors de vos délibérations, je vous demanderais d'assurer une répartition plus équitable des questions pendant la période réservée à cette fin. Le parti ministériel dispose d'une majorité des sièges à la Chambre, mais nous avons été limités à trois questions pendant la période des questions.

Je voudrais également vous demander de songer à utiliser des listes pendant la période des questions. Il s'agit, je le sais bien, de la première période des questions de la session, mais vous avez parlé de listes fournies par le parti ministériel et par les partis d'opposition. Cela me semble avoir pour effet de restreindre et d'entraver votre pouvoir d'accorder la parole aux députés à la Chambre. Je vous demanderais d'examiner au cours de vos délibérations la question de la fourniture de listes permettant d'établir quels sont les députés qui ont le droit de poser des questions pendant la période réservée à cette fin et qui sont habilités à le faire.

Le Président: Je remercie le député. Je rappelle que j'ai fait une déclaration au début de la période des questions aujourd'hui pour expliquer pourquoi nous allions dépasser légèrement le temps alloué aux questions. Je prends bien sûr bonne note de ces observations. Des négociations se poursuivront encore quelque temps.

Je donne la parole au député de Kamloops à propos du même rappel au Règlement.

M. Nelson Riis (Kamloops): Monsieur le Président, je me dois de répondre au député qui vient de prendre la parole. C'est chose admise dans le régime parlementaire que la période des questions donne aux députés de l'opposition l'occasion d'interroger le gouvernement. Mon collègue ne manque pas de possibilités, aux réunions du caucus ou ailleurs, pour soulever des questions d'importance au nom de ses électeurs. La période des questions est la seule occasion qui est offerte aux députés de l'opposition.

Si le député jette un coup d'oeil au compte rendu d'aujourd'hui, il constatera que, pour la première fois de l'histoire, que je sache, les députés ministériels ont eu le droit de faire beaucoup plus de déclarations qu'ils n'auraient dû normalement.

Monsieur le Président, lorsque vous prenez vos décisions, je vous prie de tenir compte du fait que c'est la seule occasion que nous ayons, tous les jours, d'interroger les députés d'en face.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.

Je vous prierais de ne pas tolérer qu'on essaie d'épater la galerie par de prétendus rappels au Règlement. Le député de Sherbrooke parlait en fait du discours du Trône, ce qui était tout à fait contraire au Règlement.

Je demanderais que le Comité de la gestion de la Chambre, de qui relève notre Règlement, étudie ces questions et fasse rapport à la Chambre comme il conviendra.

Le Président: Je vais réfléchir à ces observations également, et je vous remercie de me laisser autant de latitude que vous l'avez fait jusqu'à maintenant.

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke): Monsieur le Président, selon moi, la question que j'ai soulevée doit, en dernier recours, être tranchée par la présidence et non par quelque comité de la Chambre ou comité de gestion. C'est ainsi que je conçois les règles et usages de la Chambre. Je suis heureux de collaborer avec tous les députés et de vous aider à rendre cette décision.

Voici l'objet de ma question de privilège. Je suis désolé d'avoir à soulever cette affaire aujourd'hui, première journée où il y a une période des questions. Cependant, je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer que, au début de la période des questions, le Président a fait part à la Chambre d'une décision provisoire sur la manière dont les choses se passeraient à la période des questions et pendant les déclarations qui la précèdent. Je ne vais pas contester la teneur de votre décision, pas en ce moment en tout cas, mais je voudrais remettre en cause le processus qui a abouti à cette décision.

(1520)

Permettez-moi de signaler que cette décision a une incidence directe sur mes droits et mes privilèges et ceux de douze autres députés. Peut-être quelqu'un d'autre a-t-il discuté avec vous, mais, pour ma part, je n'ai pas été consulté, pas plus qu'aucun des douze autres députés dont il est question dans la décision que vous avez rendue.

Si j'ai bien compris, vous nous avez dit en rendant votre décision que vous aviez eu des entretiens avec les whips des autres partis officiels, qui ont donné leur opinion.

Ce que je voudrais signaler aujourd'hui-et c'est pourquoi il me semble crucial d'intervenir dès maintenant-c'est que, si vous rendez des décisions, comme vous êtes appelé à le faire tous les jours, sur les droits et les privilèges des députés et sur le fonctionnement de la Chambre, il me semble que la justice naturelle élémentaire exige que tous les députés aient l'occasion de se faire entendre avant que ces décisions ne soient rendues.

Le Président: Je vais réfléchir à vos commentaires. La présidence a certes l'intention de mener les consultations les plus larges possible avant de rendre des décisions. Je vais prendre la question en délibéré.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, je désire prendre la parole sur une question de privilège.

On a connu-et je me souviens, ayant participé à la dernière législature-certaines expériences du genre et j'ai entendu de l'argumentation de la part du parti gouvernemental d'alors. Je pense que l'on doit se rappeler que le Président nous disait alors consulter les responsables de parti et aviser par la suite les députés indépendants qui ne participaient pas nécessairement aux négociations. Nous en savons quelque chose. Je peux vous confier, monsieur le Président, qu'une décision a été prise à ce moment-là, que l'argumentation a été faite par deux partis qui

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alors étaient des partis officiels et qui ne le sont plus, et que pour ma part, ils m'ont convaincu.

Des voix: Bravo!

_____________________________________________


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AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LE RÈGLEMENT

Le Président: Je voudrais déposer, dans les deux langues officielles, une réimpression du Règlement de la Chambre datée du mois de juin 1993, qui comprend toutes les modifications qui ont été apportées au Règlement depuis mai 1991, ainsi qu'un index modifié.

* * *

LA LOI ÉLECTORALE DU CANADA

Le Président: J'ai l'honneur de déposer deux rapports du directeur général des élections, conformément au paragraphe 195(3) de la Loi électorale du Canada, chapitre E-2, Lois révisées du Canada (1985).

[Français]

Le premier rapport est intitulé: «Le Référendum fédéral de 1992, un défi à relever.» Et le deuxième est intitulé: «Vers la trente-cinquième élection générale.»

En conséquence, conformément à l'article 32(5) du Règlement, ces documents sont réputés renvoyés en permanence au Comité permanent de la gestion de la Chambre.

* * *

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

L'hon. Charles Caccia (Davenport): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe canadien de l'Union interparlementaire. Il s'agit du rapport de la délégation officielle qui a représenté le Canada à la conférence interparlementaire sur: «Un dialogue nord-sud pour un monde prospère», tenue à Ottawa du 18 au 22 octobre 1993.

* * *

(1525)

PÉTITIONS

DÉCORATIONS ET DISTINCTIONS

M. Guy H. Arseneault (Restigouche-Chaleur): Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de présenter cette pétition conformément à l'article 36 du Règlement.

[Traduction]

J'ai le devoir et l'honneur de présenter une pétition.

[Français]

Cette pétition presse le gouvernement de reconnaître officiellement les services importants que rendent les ambulanciers et de demander au comité de la politique en matière d'ordre et de décoration d'autoriser la frappe d'une médaille pour services distingués dans les services ambulanciers qui serait décernée après vingt ans de service méritoire et de bonne conduite.

[Traduction]

J'ajouterai qu'on décerne cette médaille dans d'autres services comme la police, les services correctionnels, la garde côtière et les services d'incendie. Je demande donc au gouvernement d'étudier cette pétition.

LA LOI SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter deux pétitions.

La première nous vient de mes électeurs et de gens habitant ailleurs en Colombie-Britannique. Les pétitionnaires font remarquer qu'en octobre 1985 un sous-comité parlementaire sur les droits à l'égalité a unanimement recommandé qu'on modifie la Loi sur les droits de la personne pour interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle dans tous les secteurs de compétence fédérale. Ils soulignent en outre que, des années plus tard, le gouvernement n'a toujours pas présenté de modification à la Loi canadienne sur les droits du Canada.

Ils pressent donc le Parlement de veiller à ce que le gouvernement et le Parlement présentent sans tarder une modification pour ajouter l'orientation sexuelle aux motifs de discrimination qu'interdit la Loi sur les droits de la personne.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Svend J.Robinson (Burnaby-Kingsway): Monsieur le Président, la seconde pétition vient d'habitants de Langley, en Colombie-Britannique, et d'ailleurs en Colombie-Britannique et en Ontario. Les pétitionnaires soulignent que deux Canadiens, Christine Lamont et David Spencer, qui ont été condamnés à 28 ans de prison au Brésil, ont été victimes d'une erreur judiciaire et que leur seul recours est que le Canada demande leur expulsion conformément aux lois du Brésil.

Les pétitionnaires pressent donc le Parlement d'inciter le ministre des Affaires étrangères à demander au Brésil d'expulser Christine Lamont et David Spencer et de les remettre au Canada.

J'appuie sans réserve cette pétition et j'exhorte le gouvernement à y donner suite.

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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LE DISCOURS DU TRÔNE

REPRISE DU DÉBAT SUR L'ADRESSE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 18 janvier, de la motion: Qu'une Adresse soit présentée à Son Excellence le Gouverneur général en réponse au discours qu'il a prononcé à l'ouverture de la session.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, nous voici donc au début, non seulement d'une nouvelle année, mais également d'une nouvelle législature et d'un nouveau gouvernement, ainsi que d'une nouvelle opposition officielle élue par le Québec et d'un groupe parlementaire nouveau, essentiellement venu de l'Ouest canadien.

Le parti ministériel et le tiers parti ont reçu de leurs électeurs respectifs des mandats significatifs. J'offre donc aux deux chefs mes félicitations pour leur succès électoral. Je souhaite plus particulièrement au premier ministre, santé, lucidité et hauteur de vue dans l'exécution des fonctions qu'il est appelé à remplir à un moment crucial de l'histoire du Canada et du Québec.

Car le peuple québécois se prononcera bientôt sur son avenir, au terme d'un débat que nous souhaitons tous empreint de sens démocratique. C'est aussi le moment où les effets néfastes de la double crise économique et politique menacent de faire perdre espoir à un nombre grandissant de concitoyens et de concitoyennes.

Je tiens aussi, d'une manière générale, à saluer tous les autres élus qui siègent ici. Au nom de mes collègues du Bloc québécois, j'assure le Président, le gouvernement et tous les députés de notre pleine coopération à la bonne tenue de cette Chambre. Nous veillerons, pour notre part à ce que les échanges y soient respectueux quoique intenses, rationnels quoique passionnés, et ordonnés quoique vigoureux.

Car le principal changement, à n'en pas douter, est l'arrivée en cette Chambre d'un grand nombre de députés souverainistes du Québec. Personne n'arrivera à banaliser la rupture que représente la décision de près de deux millions d'électeurs et d'électrices d'envoyer 54 députés préparer dans cette enceinte les voies de la souveraineté du Québec.

(1530)

L'élan qui a entraîné le Québec à décider ainsi fut tel qu'il s'est traduit par un nombre de députés suffisant pour former l'opposition officielle. Pour paradoxal qu'il puisse paraître, ce geste électoral procède d'une logique implacable.

Il était en effet inévitable que ces vieux murs, qui ont répercuté trop de voix québécoises promptes à avaliser des mesures répudiées par l'électorat, tels l'Accord de Charlottetown et le rapatriement unilatéral de 1982, il était inévitable, dis-je, que ces vieux murs entendent un jour les discours de députés qui fondent leur allégeance de parti sur l'engagement de ne jamais accepter de compromission dans les affaires du Québec traitées à Ottawa; des députés affranchis des contraintes des vieux partis pancanadiens et qui, par conséquent, ne seront pas déchirés entre leurs obligations de parlementaires fédéralistes et leur loyauté envers le Québec; des députés dont la carrière politique n'est motivée que par la détermination de travailler, visières levées, à l'accession du Québec à la souveraineté.

Plusieurs au Canada anglais ont été étonnés, le soir du 25 octobre dernier, par la récolte du Bloc québécois. À vrai dire, un tel étonnement ne me surprend pas: les canaux de communication qui vont du Québec au Canada anglais subissent d'importantes distorsions en franchissant la frontière, de sorte que la réalité québécoise y est perçue de manière très embrouillée. Il y a là d'ailleurs une première justification de la présence de souverainistes québécois dans cette Chambre.

Il arrive fréquemment que les institutions prennent du retard sur le réel. La précédente Chambre des communes ne faisait pas exception à cette règle: le cinglant désaveu infligé par les électorats canadiens et québécois à l'Accord de Charlottetown en constitue une preuve patente. Aujourd'hui, les principaux artisans fédéraux de cet Accord ont tous disparu de la scène politique. C'étaient aussi les mêmes qui avaient affiché une froide indifférence devant les malheurs provoqués par la longue et difficile récession commencée au printemps de 1990.

L'électorat a remis les pendules à l'heure. Et, pour la première fois de l'histoire contemporaine, cette Chambre, qui commence ses travaux, reflète l'essence même du Canada, sa nature binationale et les visions très contrastées de l'avenir qui en découlent. La vérité n'est jamais mauvaise conseillère. Comme le disait le général de Gaulle, on peut bien regretter le temps de la marine à voile, mais il n'y a pas d'autre véritable politique possible que celle fondée sur les réalités.

Quelles sont les réalités auxquelles cette Chambre sera confrontée? Tout d'abord, une situation économique singulièrement médiocre. Pour bien s'en rendre compte, il ne suffit pas de rappeler les données globales du moment, il faut aussi les situer dans le cadre chronologique pertinent.

La dernière récession a sévi, en gros, d'avril 1990 à avril 1992, moment auquel les pertes nettes d'emploi ont cessé. Mais les grandes entreprises continuent de licencier des employés et la soi-disant reprise est si anémique que seuls les économistes osent prononcer le mot. Car, en ce début de 1994, le PIB par tête est encore inférieur, pour l'ensemble du Canada, de près de 5 p. 100 à ce qu'il était en 1989. On le sait, le PIB par tête est un indicateur plus pertinent que le PIB global, puisque celui-ci est également influencé par la croissance démographique, fort importante dans le cas du Canada. Non seulement le Canada a reculé par rapport à ses partenaires, mais il a fléchi par rapport à lui-même.

La situation de l'emploi ne paraît pas plus reluisante, pas plus réjouissante. L'économie canadienne n'avait récupéré, à la fin de 1993, que 60 p. 100 de tous les emplois perdus au cours de la récession. La situation au Québec s'avère encore plus désastreuse, puisque le taux de récupération n'y atteint que 25 p. 100. Il faut dire que le Québec a été, à toutes fins utiles, privé de gouvernement pendant une bonne partie de 1993. Mais, pendant ce temps, d'importants contingents de jeunes arrivent sur le marché du travail. Pour simplement absorber le nombre net de nouveaux demandeurs d'emplois, il faudrait que l'économie canadienne crée chaque année plus de 200 000 emplois, dont environ 45 000 au Québec. Avec la performance de 1993,


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147 000 emplois au Canada, dont la majorité sont à temps partiel, et zéro au Québec, on est loin du compte.

Ces froides statistiques cachent des milliers de drames humains. Personne ne se présente de gaieté de coeur dans un centre d'emplois pour obtenir les prestations d'assurance-chômage auxquelles il a droit. Le sous-emploi entraîne des coûts économiques et sociaux considérables. Il s'agit d'une véritable tragédie collective. En ce sens, il faut de toute urgence remettre les gens au travail, en leur redonnant un espoir réel de recouvrer leur dignité en recouvrant le droit de gagner leur vie.

(1535)

Il n'est donc pas étonnant que le taux de chômage se maintienne à des niveaux si élevés. Heureusement, l'économie américaine n'est pas affligée des mêmes maux que celle du Canada. Nous pouvons ainsi afficher au moins un clignotant vert sur le tableau de bord économique: celui des exportations aux États-Unis. Mais il s'ensuit que l'écart entre les taux de chômage américain et canadien n'aura jamais été aussi élevé qu'aujourd'hui, soit près de cinq points de pourcentage. La reprise au sud de la frontière est beaucoup mieux enclenchée qu'ici.

Il reste en effet au Canada des obstacles importants à une reprise vigoureuse. L'inflation y est depuis quelques années plus faible qu'aux États-Unis, mais nos taux d'intérêt demeurent plus élevés.

On parle beaucoup du niveau actuel des taux d'intérêt, le plus bas depuis 30 ans. En réalité, cela ne s'applique qu'aux intérêts à court terme. En 1963, le taux d'escompte de la Banque du Canada et le taux privilégié des banques étaient à peu près les mêmes qu'aujourd'hui. Mais une hypothèque de 25 ans se transigeait alors à 7 p. 100, et les obligations canadiennes à long terme à 5,1 p. 100, au lieu des 7,25 p. 100 pour une hypothèque de cinq ans seulement et des 7 p. 100 que nous connaissons en ce moment. C'est là que le bât blesse, et doublement. Les taux d'intérêt à long terme demeurent encore trop élevés, tandis que le pouvoir d'achat des ménages a connu une chute sensible.

Il faudra bien se pencher prochainement sur les caractéristiques, l'évolution et les proportions de nos malheurs économiques et des tourments qu'ils font subir à leurs premières victimes: le million et demi de chômeurs et les millions d'adultes et d'enfants vivant sous le seuil de la pauvreté. Apparemment le nouveau gouvernement préfère ne pas mesurer l'ampleur de la crise, qui n'est même pas effleurée dans le discours du Trône. Et il ne se rend pas compte du cercle vicieux où nous sommes enfermés. La vérité, c'est qu'il n'y aura pas de véritable reprise tant et aussi longtemps que le verrou politique n'aura pas été éliminé. Car la structure même du régime actuel est la cause première de la déliquescence de l'économie canadienne.

Un des signes les plus évidents, pour ne pas dire dramatiques, en est l'incapacité chronique des gouvernements fédéraux à juguler le déficit budgétaire et l'endettement astronomique qui en a résulté. Il semble que, tel le Minotaure, ce monstre vorace puisse prélever à volonté son tribut annuel à même les emplois, à même la sécurité déjà minimale des démunis, à même la santé financière de l'État fédéral, à même l'avenir des jeunes. Non seulement ces déficits ne connaissent pas de relâche, depuis 18 ans, mais, à quelque 43 milliards de dollars, celui de l'année en cours témoigne d'un système totalement déréglé.

Il ne suffira pas, pour nous tirer de là, de blâmer le précédent gouvernement. De toute façon, l'électorat lui a dit sa façon de penser. La part de l'inefficacité inhérente au régime ne peut pas échapper à un observateur qui ne s'enfonce pas la tête dans le sable.

Mais, le gouvernement continue la politique de l'autruche pratiquée par son prédécesseur. Fuyant la réalité, il s'interdit de mettre le doigt sur le mal principal: ce pays n'est pas gouvernable, empêtré qu'il est dans une structure décisionnelle déficiente et sclérosée.

Rien ne semble pouvoir tirer les gouvernements qui se succèdent à Ottawa, celui-ci comme les autres, du cocon dans lequel ils abritent leur refus de la réalité.

Pourtant, il leur suffirait, pour se dessiller les yeux, de considérer la performance relative des divers pays soumis à un environnement international identique. Voilà un barème sûr, puisque tout le monde fait face aux mêmes difficultés et impératifs conjoncturels. Le contexte mondial n'explique donc ni la piètre performance canadienne en matière de productivité depuis 1979, la pire des pays de l'OCDE, ni la persistance d'un taux de chômage si élevé, ni la folle spirale de l'endettement fédéral qui a atteint, hier, comme nous le savons, les 500 milliards de dollars. Et, pour l'endettement international, le Canada est champion puisqu'il finance 40 p. 100 de sa dette à l'étranger.

Mais enfin, ce ne sont ni les traités de libre-échange, ni la globalisation des marchés, ni les impératifs de la concurrence mondiale qui ont obligé, au cours des dernières décennies, l'État fédéral à se lancer dans toutes sortes de programmes et de dépenses, à empiéter allégrement sur le terrain des provinces et à créer une bureaucratie tentaculaire. Cette prodigalité, cette incohérence ont été plutôt motivées par un triple souci interne: donner au gouvernement fédéral une légitimité usurpée aux provinces, affirmer son rôle d'État central fort et contenir les forces centrifuges du régime. Ce sont nos structures politiques qui sont mises en cause par le fait que nous sommes devenus le pays le plus surgouverné d'Occident, avec ses 11 gouvernements pour 28 millions d'habitants.


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(1540)

Nous n'avons que nous-mêmes à blâmer si les chevauchements des activités fédérales et provinciales empêchent l'adoption de programmes cohérents et génèrent un scandaleux gaspillage de ressources humaines et financières. Voilà qui révèle une deuxième réalité tout aussi incontournable que la mauvaise conjoncture économique: il s'agit bel et bien de l'inefficacité inscrite au coeur même du régime. Celle-ci aggrave celle-là et celle-là accroît celle-ci. C'est le cercle vicieux du fédéralisme canadien. Au centre de la crise économique, il y a donc une crise politique.

Mais pour une bonne partie du Canada anglais, il n'y a pas de crise politique. Ou alors, s'il y en a une, on feint de l'ignorer. Son électorat a donc envoyé à Ottawa une nouvelle administration en lui confiant le mandat de faire mieux fonctionner le régime actuel avec interdiction d'y changer quoi que ce soit.

En revanche, l'électorat québécois a non seulement changé en profondeur l'équipe qui le représente dans la capitale fédérale, mais il lui a conféré le mandat de préparer le changement de régime. Le Bloc québécois est ainsi investi d'une double mission: s'occuper de la crise économique et de la crise politique. Ne faut-il pas voir une preuve arithmétique de cette deuxième crise dans le découpage politique de cette Chambre? Le parti ministériel n'a remporté que 19 sièges au Québec, le Bloc québécois, 54. Qui parle désormais au nom du Québec ici?

[Traduction]

Il y a plus de 30 ans, le Québec s'est réveillé et a décidé de se rattraper. La révolution tranquille a transformé le Québec. Il n'a pas fallu bien longtemps pour que l'esprit de réforme qui animait le Québec ne se heurte au vent de fédéralisme canadien qui soufflait à Ottawa. Il y a trente ans, nous étions dans une impasse. Trente ans plus tard, nous y sommes toujours, comme immobilisés dans le passé. Pourtant, le passé devrait nous apprendre que le problème politique du Canada, c'est le Québec, et que le problème du Québec, c'est le Canada.

Cependant, beaucoup de Canadiens refusent de reconnaître le problème, ce qui ne fait que l'aggraver. Par exemple, le Bloc québécois est présent sur la scène fédérale depuis plus de trois ans, mais jusqu'à tout récemment, on nous classait parmi les bizarres et les marginaux.

Bien sûr, notre objectif n'est pas de remporter des concours de popularité au Canada anglais. En substance, c'est là le fond de l'épineux problème politique qui assaille le Canada. On a régulièrement rejeté un nouveau parti politique qui, depuis trois ans, est constamment en tête dans les sondages au Québec, comme s'il s'agissait d'une bizarrerie ou d'une manifestation de démence temporaire. Le puissant roman de Hugh McClelland, Les deux solitudes, a été publié en 1945. Un demi-siècle plus tard, ce titre reflète toujours le paysage politique.

Certains sont prêts à nier l'évidence pour ne pas déranger le statu quo. Ils parlent d'une seule nation canadienne, alors que le Québec et le Canada anglais sont deux nations différentes. Même lorsque personne au Québec n'envisageait la souveraineté, le Canada qui inspirait les Québécois n'était pas taillé dans la même étoffe que le Canada qui animait le coeur et l'esprit des habitants des Maritimes, de l'Ontario ou de l'Ouest. Les Québécois ont été à la tête de la lutte en faveur d'une plus grande autonomie du Canada dans l'empire britannique et, plus tard, de l'indépendance politique du Canada. On a tendance à oublier cela dans certains milieux où le dénigrement systématique du Québec est un passe-temps favori.

Le Canada et le Québec ont tous deux changé énormément au cours des cent dernières années, mais leurs routes sont parallèles et ils demeurent aussi différents aujourd'hui qu'ils l'étaient hier. Dans l'ensemble, chacun continue de faire fi de l'histoire et de la culture de l'autre. Ce n'est pas un hasard: la langue, la géographie et l'histoire en sont en grande partie responsables.

Quoi qu'il en soit, les Québécois ne nient pas que le Canada anglais constitue une nation à part entière, avec son propre sens d'appartenance. Tous les sondages menés ces dernières années ont montré que la vaste majorité des habitants de chacune des neuf provinces veulent demeurer politiquement unis après que le Québec sera devenu souverain. Or, tous ceux qui doutent que le Canada anglais puisse exister sur cette base fragile de différences régionales trouvent commode de négliger ce petit détail.

En France, les populations du nord sont certes aussi différentes, sinon plus, de celles du sud que les habitants des Maritimes sont différents de ceux de la Colombie-Britannique. Toutefois, tous ces gens ressentent un fort attachement envers la France ou le Canada, selon le cas.

(1545)

En fait, en s'accrochant à la thèse d'une nation unique, le Canada anglais risque de se nuire à lui-même. Comme Kenneth McRoberts, politicologue de l'Université York, l'a écrit en 1991: «En voulant nier son identité distincte au Québec, le Canada anglais n'a réussi qu'à nier la sienne.»

Pourtant, celui qui accepte l'évidence en accepte sans aucun doute les conséquences. Toute nation a le droit à l'autonomie gouvernementale. Autrement dit, il a le droit de décider de ses propres politiques et de son avenir. Nous n'avons rien à redire à l'idée du fédéralisme quand elle s'applique à des états uninationaux. Par contre, c'est autre chose quand elle s'applique à des états multinationaux, surtout quand il s'agit d'un fédéralisme comme celui qui est en vigueur au Canada.

Au Canada, le fédéralisme veut dire que le gouvernement du Québec se trouve soumis à un gouvernement central sous tous rapports et qu'au sein du régime fédéral, le Canada anglais peut imposer son veto au développement du Québec.

Chaque fois que la question de la souveraineté nationale est soulevée au Canada anglais, on se trouve presque toujours devant un paradoxe intéressant, un paradoxe auquel je ferai allusion au cours des prochains mois et que j'appellerai le paradoxe du Canada anglais. Tout d'abord, il existe une certaine tendance-face notamment à la Communauté européenne, au GATT, à l'ALÉNA-à considérer le concept de souveraineté nationale comme «passé». C'est manifestement mal interpréter la situation. Prenons le monde occidental. Quatre-vingt-quinze pour cent de la population vit dans des états-nations.


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Le fait est que le Québec est la seule nation occidentale de plus de sept millions d'habitants à n'être jamais parvenue à la souveraineté politique. Je demande aux députés à la Chambre de bien réfléchir à cette question. Sur le plan de la structure politique, le Canada est l'exception plutôt que la règle. Une exception qui, pour mettre les choses au mieux, fonctionne mal.

À la mi-décembre, un membre de la délégation canadienne aux négociations finales du GATT a, par inadvertance, reconnu la situation du Québec. Comme on s'en souvient, le Canada essayait de faire en sorte d'être exempté de l'application de la clause concernant les subventions accordées par les gouvernements sous-nationaux, sous prétexte, pour reprendre les propres termes de ce membre de la délégation, «que le Québec est unique». En quoi, bien entendu, il avait raison.

Mais qui se trouvait aux commandes durant les événements qui se sont produits en Europe en 1989-1990, au moment de la réunification de l'Allemagne et de l'accession à la souveraineté politique d'un si grand nombre de nations de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est? Étaient-ce les institutions supranationales? Était-ce la CE, l'OTAN, le Pacte de Varsovie ou les différentes nations saisissant chacune la chance de leur vie?

En bref, les Québécois aspirent à ce qui est considéré comme normal dans le monde occidental.

Le paradoxe du Canada anglais rejoint la deuxième partie de la discussion sur la souveraineté nationale, celle qui porte sur la question de la souveraineté canadienne. Dans le Canada anglais, les élections de novembre 1988 ont été fondées en grande partie sur les conséquences de l'Accord de libre-échange pour la souveraineté du Canada. Tous reconnaissaient qu'il s'agissait là d'un point important avec lequel il ne fallait pas jouer. Cependant, si la souveraineté politique du Canada vis-à-vis des États-Unis est importante et doit être préservée, pourquoi les médias anglophones du Canada décrivent-ils la souveraineté politique du Québec vis-à-vis du Canada comme une idée irrationnelle? Quand le prédécesseur du premier ministre a dit, au cours de la dernière étape des négociations de l'ALENA, qu'elle préservait la souveraineté du Canada, pourquoi personne n'a-t-il froncé les sourcils et ne s'est-il moqué de cette idée bizarre de la souveraineté? Quelle alchimie mystérieuse transforme la qualité d'un concept selon les personnes auxquelles il s'applique ou selon l'année de l'accession à la souveraineté? Il ne faut pas oublier que les nations ne naissent pas indépendantes: elles le deviennent.

Malgré tout, les Canadiens et les Québécois ont beaucoup de points en commun: leur respect de la démocratie, leur grande ouverture aux gens d'autres cultures et leur fascination pour leurs voisins du Sud. Les uns comme les autres aiment leur pays. Le problème, et il ne date pas d'hier, c'est qu'il ne s'agit pas du même pays.

[Français]

Qu'on ne s'y trompe pas. Nous ne cesserons de rappeler que, pour tenter de légitimer son coup de force de 1982 contre les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec, Pierre Trudeau a pu invoquer l'appui de la députation libérale québécoise et prétendre ainsi parler au nom du Québec.

(1550)

Nous rappellerons aussi souvent qu'il le faudra que le parti ministériel ne peut plus parler pour le Québec. Qu'on ne doute pas non plus que nous n'oublions pas et ne laisserons pas oublier que le premier ministre actuel est justement celui qui, en 1981, a mené sur le terrain l'assaut contre le Québec et a rejeté du revers de la main la répudiation quasi unanime que lui a opposée l'Assemblée nationale du Québec.

Les péripéties de Charlottetown se sont déroulées selon un scénario similaire. N'a-t-on pas vu une masse de députés conservateurs du Québec, initialement entrés en politique pour réparer les dégâts du rapatriement de 1982, s'allier aux libéraux pour tenter de sceller, une fois pour toutes, le sort des revendications historiques du Québec?

La réponse référendaire d'octobre 1992 devait dissiper toutes les ambiguïtés. Le double non qui a résonné d'un océan à l'autre a mis fin à l'espoir encore entretenu par certains de renouveler le fédéralisme canadien. Le régime actuel est à prendre ou à laisser.

Le premier ministre a lui-même tiré une conclusion identique. N'a-t-il pas annoncé, peu après son entrée en fonction, qu'il renonçait à toute autre tentative de réformer le régime fédéral?

C'est donc dans la clarté que pourra se faire le choix référendaire que nous attendons au Québec. Il n'y a plus maintenant que deux possibilités: d'une part, le statu quo que la plupart des fédéralistes du Québec, depuis Jean Lesage, n'ont jamais cessé de dénoncer; et d'autre part, une question claire, l'accession du Québec à la pleine souveraineté, soit la plénitude des pouvoirs, pour assumer la totalité des responsabilités. En même temps, nous assistons à une clarification des acteurs et de leurs rôles.

Voilà donc un retour des choses qui ressemble fort à une manifestation de justice immanente. L'exécuteur du coup de force de 1982, devenu premier ministre, sera bientôt forcé de se présenter au Québec pour inciter au rejet du projet souverainiste et proposer à la place les mérites de la Constitution qui lui a valu la réprobation des québécois. De surcroît, il devra le faire seul, dépouillé de la caution québécoise dont prétendait s'autoriser son mentor, Pierre Trudeau. On comprend dès lors pourquoi il ne veut pas, selon son expression, parler de «Constitution».

Autrement dit, la présence et l'action du Bloc en cette Chambre rendront, bon gré mal gré, un premier service à tous les Québécois et à tous les Canadiens. Elle leur épargnera un retour à la case départ. Maintenant que Meech et Charlottetown ont décapé le fédéralisme canadien de son vernis de rectitude politique, en le montrant dans son opiniâtre fixité, tout le monde est immunisé contre les promesses de renouvellement. Au point qu'il ne se trouve plus personne pour oser en faire, ne serait-ce que par calcul politique.

Voilà qui nous impose un devoir civique élémentaire: celui de nous éviter trois autres décennies de discussions stériles, de tâtonnements infinis et d'illusions perdues. Ce gaspillage de ressources, cette dilution de l'espoir collectif, ce détournement


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de nos énergies ont trop duré. De cette longue épreuve, imposée aux meilleures volontés du Québec et du Canada anglais, nous ne récoltons aujourd'hui qu'amertume, suspicion, incompréhension et une profonde désaffection collective. Nous en sommes au point de perdre tous les courages, y compris celui de regarder la réalité en face.

Mais il y a, surtout le temps gaspillé. Je ne parle pas seulement de celui des individus qui, dans l'effervescence des années 1960, ont rêvé, dans leur jeunesse, de résoudre nos conflits et de bâtir, au Québec et au Canada, des sociétés tolérantes, imaginatives, ouvertes sur le monde et soucieuses de justice sociale. Je pense surtout à nos deux nations. Car le temps leur est compté, à elles aussi. Pendant que nous nous morfondons dans notre morosité, le monde se fait et se défait autour de nous. Le coche passe et nous sommes en train de le rater.

Qu'on le veuille ou non, ce débat sur notre avenir politique aura donc lieu, et ici même. Libre au gouvernement de se murer dans le silence dont cette Chambre a généralement entouré les aspirations souverainistes de tant de Québécois et de Québécoises. Est-ce par peur ou par impuissance qu'on se défile ainsi devant les questions qui mettent en cause les vieilles structures politiques du Québec et du Canada et leur capacité de régler leurs problèmes sociaux et économiques? Qu'il soit pusillanime ou résigné, ce mutisme est irresponsable et nous enlise dans le marasme. Nous, du Bloc, avons justement été envoyés ici pour rompre cette conspiration du silence.

(1555)

Nous ne craindrons pas de rappeler que les Québécois et les Québécoises sont et seront toujours nettement minoritaires dans le régime fédéral. Le rapport démographique est de un contre trois. On peut vivre d'illusions et penser déterminer le cours des choses malgré ce handicap constant qui relègue le Québec au second rang lorsque les intérêts des uns et des autres sont divergents. Cela supposerait une tension et une superperformance constantes. C'est, en un mot, l'utopie.

À vrai dire, l'utopie trudeauienne n'a rien d'original dans l'histoire canadienne-française: pendant plusieurs décennies, les Canadiens français se sont crus porteurs d'un destin messianique. À plusieurs égards, Pierre Trudeau est le dernier missionnaire du Canada français.

Et, là encore, un paradoxe: il fallait au Canada des mesures de protection contre le poids démographique et économique des États-Unis, d'où l'Agence de tamisage des investissements étrangers et la nouvelle politique énergétique, mais le Québec, lui, n'avait pas besoin de mesures de protection contre le poids démographique et économique du Canada anglais. Il suffisait d'être compétents, et tout le reste viendrait par surcroît. Quelle naïveté, tout de même. Et cela a été décrit comme la victoire de la raison sur la passion.

En réalité, les Québécois veulent vivre normalement. Ils en ont assez de se battre pour des choses élémentaires qui leur sont refusées. Ils veulent bien affronter les défis de l'époque, mais en mettant toutes les chances de leur côté. Une plus grande intégration économique et une plus forte concurrence internationale d'un côté, de l'autre, la souveraineté politique pour se battre à armes égales avec nos partenaires-concurrents.

Car les souverainistes québécois véhiculent une conception moderne de la souveraineté politique, qui s'exerce à l'intérieur de grands ensembles économiques et dans le respect des minorités. Il n'est pas du tout question de sacrifier les quelque 630 000 francophones hors Québec. Et ce ne sont pas les souverainistes québécois qui ont refusé l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et l'ALENA. Il y a une différence entre se replier sur soi et reprendre ses billes pour mieux performer dans la nouvelle économie mondiale.

L'étroite intégration économique qui lie le Québec et le Canada nous commande de nous intéresser de près à ce qui se passe sur le Vieux Continent. Que nous enseigne le modèle européen?

[Traduction]

Certains grands pontes aiment à croire que la Communauté européenne finira par ressembler à quelque chose de voisin du fédéralisme canadien et voient là un argument qu'ils font valoir contre la souveraineté du Québec. Cela montre simplement qu'ils ne comprennent rien à ce qui se passe en Europe. C'est plutôt le contraire qui semble se produire. Pour résoudre la crise politique dans laquelle est plongé le Canada, nos institutions actuelles doivent évoluer et évolueront dans le même sens que celles de la Communauté européenne.

Voici quelques faits à ce propos. La Commission européenne de Bruxelles dispose d'un budget qui représente 1,2 p. 100 du PNB global de la Communauté. Elle n'a aucun pouvoir à caractère financier et, ce qui est une véritable tragédie, elle ne peut pas avoir un déficit. Chez nous, le gouvernement fédéral dépense 22 p. 100 du PNB et il est investi de toute la gamme des pouvoirs financiers. Quant aux déficits, nous savons tous ce qu'il en est. À Bruxelles, la Commission n'a ni armée ni police et le nombre de ses fonctionnaires est modeste par rapport à celui d'un gouvernement national. Ses décisions sont exécutées par les fonctionnaires de chacun des États membres. À l'exception de tout ce qui touche le commerce, la souveraineté nationale est l'élément fondamental de la Communauté européenne.

Ainsi, les douze États membres pourraient décider de modifier la structure de la CE ou ses règles de fonctionnement, sans que la Commission y trouve à redire. Le slogan de ces pays, ce n'est pas subordination, mais bien collaboration.

On est bien loin du fédéralisme canadien. Qui oserait prétendre, par exemple, que les gouvernements provinciaux déterminent à eux seuls l'avenir du pays? Qui oserait prétendre que le gouvernement fédéral n'est qu'un arbitre bienveillant dans le règlement des conflits interprovinciaux? Pour le Québec, le


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gouvernement central constitue le problème, tandis qu'il fait partie de la solution aux yeux du Canada anglais.

Le Traité de Maastricht a élargi le processus d'intégration économique au domaine de la politique monétaire, mais il a fixé l'objectif d'une monnaie commune avant la fin du siècle. Il a mis en place un processus de collaboration politique et a convenu d'une ligne de conduite commune en matière de défense et de politique étrangère. Ces domaines de nature délicate resteront la prérogative des chefs d'État siégeant au Conseil européen.

(1600)

Se pose alors la question suivante: Si, comme le clament souvent nos médias, l'Union européenne représente la voie de l'avenir, pourquoi ne pas proposer ce modèle comme solution à notre problème national? Si Maastricht symbolise le siècle prochain, pourquoi le Canada anglais ne propose-t-il pas le même genre d'arrangement avec le Québec? Les dispositions prévues dans le Traité de Maastricht seraient beaucoup plus faciles à négocier entre le Québec et le Canada qu'entre douze États très différents les uns des autres.

[Français]

Qu'on ne se méprenne pas. Les députés du Bloc n'oublieront pas que leur engagement souverainiste constitue la justification profonde de leur présence en cette Chambre. En ce sens, et de notre côté, la campagne référendaire est commencée. Mais, en même temps, nous n'acceptons pas que la crise économique soit dissociée des causes qui l'ont produite.

Dans l'immédiat et jusqu'à la décision référendaire des Québécois et des Québécoises, les députés du Bloc veilleront à protéger l'avenir en conjurant, dans toute la mesure du possible, les maux du présent. Ces maux s'appellent: chômage, pauvreté, laxisme budgétaire, chevauchements indus, menaces pesant sur les programmes sociaux, injustices fiscales, perte de confiance dans les institutions et les dirigeants politiques.

Toutes ces questions, qui affectent directement les intérêts du Québec, concernent tout autant les intérêts du reste du Canada. Nos aspirations nous désunissent par leur divergence, mais nos problèmes sociaux, économiques et budgétaires sont communs.

[Traduction]

Comme le dirait le premier ministre Bob Rae, nous sommes tous dans le même bateau.

[Français]

Qui peut contester la légitimité même pancanadienne du combat que livrera le Bloc pour limiter les dégâts, créer des emplois, juguler le déficit et contenir les assauts contre les programmes sociaux? Le caractère universel de ces préoccupations confère une légitimité certaine à la réponse commune que nous leur apporterons. Au reste, nous en avons reçu le mandat électoral. Nos 54 sièges ont été attribués par les maîtres du jeu que sont les électeurs. Ces sièges ont-ils moins de poids parce qu'ils viennent du Québec?

J'entends déjà des adversaires objecter que c'est uniquement à la faveur d'une répartition erratique des sièges du Canada anglais entre libéraux et réformistes que le Bloc s'est mérité le deuxième plus grand nombre de députés. Mais la fragmentation des votes et sa transposition sur la carte électorale sont aussi une manifestation de la volonté de l'électorat. C'est la combinaison de l'ensemble des votes, qu'ils viennent du Québec ou du reste du Canada, qui nous a assuré l'opposition officielle. De sorte que critiquer la prise en charge de cette responsabilité par le Bloc québécois, c'est manquer de respect envers l'ensemble du processus démocratique.

Nous allons donc les assumer, ces responsabilités. Nous le ferons de façon loyale, correcte et résolue. Nous savons que c'est aussi ce que veulent les Québécoises et les Québécois qui ne nous pardonneraient pas de nous comporter autrement.

Dans cette perspective, deux exigences guideront notre action: équité et sens des responsabilités. Sur ces deux plans, le discours du Trône s'avère profondément décevant. À l'heure où plus d'un enfant sur six et une famille sur huit vivent au Canada sous le seuil de la pauvreté, où un million et demi de personnes sont en chômage, où de plus en plus de gens au Québec voient dans ce désastreux bulletin de santé la preuve de l'échec du fédéralisme canadien, on pouvait s'attendre à un ralliement aussi énergique que spectaculaire de la part du nouveau gouvernement.

La déception s'annonce grande et générale, aussi bien chez les démunis, les chefs de famille, les jeunes et les personnes âgées, que chez les gens d'affaires et les investisseurs.

Tous auront espéré en vain connaître les mesures précises et concrètes susceptibles de remettre la population au travail. Car le gouvernement n'a trouvé rien de mieux à faire que de nous servir un condensé du petit livre rouge. Les cent premiers jours de cette administration ne passeront pas à l'Histoire.

Car on aura beau scruter le discours du Trône, on n'y verra aucune des réponses attendues.

Qu'y a-t-il en matière de projets porteurs d'espoir? Rien. On continue d'épiloguer sur le fourre-tout des équipements municipaux. Pour utile qu'il puisse s'avérer, ce programme est tragiquement insuffisant pour relancer l'économie. Ce gouvernement n'a pas compris l'absolue nécessité de redonner espoir à la population. Comment les chômeurs peuvent-ils reprendre courage, comment les décideurs économiques peuvent-ils songer à investir, si les gouvernants n'ont pas eux-mêmes conscience de la gravité de la situation? Alors qu'il fallait frapper un grand coup, par exemple lancer les travaux de TGV entre Windsor et Québec, transférer les programmes et les ressources de formation de la main-d'oeuvre à Québec, où on le demande de façon pressante et unanime depuis longtemps, alors qu'il fallait créer un fonds de reconversion de l'industrie militaire en industrie civile, alors qu'il fallait mettre en place tant de mesures, le gouvernement a préféré s'en tenir à la publication d'un autre vague dépliant de propagande électorale.


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(1605)

Le gouvernement répliquera qu'il n'a pas les ressources pour investir dans la relance de l'économie. Voilà qui équivaut à invoquer son absence de courage politique et son manque de rigueur administrative. Car il est possible de dégager une marge de manoeuvre tout en réduisant le déficit. Pour cela, il faut décider, une fois pour toutes, de sabrer dans les dépenses. Mais c'est là que s'émoussent les volontés. L'unanimité qui semble exister quant au diagnostic s'évapore lorsqu'il est question des remèdes.

Le Bloc québécois est prêt à endosser un plan ambitieux de réduction du déficit, mais pas n'importe lequel. On ne peut faire abstraction de la genèse de l'endettement public que nous connaissons aujourd'hui. On ne peut oublier que c'est d'abord le fédéral qui a laissé les vannes grandes ouvertes depuis le début des années 1980, accouchant, du coup, de cette spirale de l'endettement. Au 31 mars 1994, nous le savons, cette dette nette s'élèvera à quelque 507 milliards de dollars, tandis que la dette globale de l'ensemble des provinces ne dépassera pas 170 milliards. Cela explique d'ailleurs la décision fédérale d'il y a quelques années de refiler aux provinces une partie du déficit fédéral.

Étant donné cette lourde responsabilité du fédéral, celui-ci doit donc prêcher par l'exemple plutôt qu'imposer par décret. Avant de songer à réduire la protection sociale, avant de faire écoper les provinces, le fédéral doit d'abord balayer devant sa propre porte. Deux axes différents peuvent être poursuivis. L'élimination de tout le gras dans la machine fédérale peut se faire très rapidement: les déplacements inutiles, les contrats aux boîtes privées, aux amis et aux amis des amis, les dépenses somptuaires ici et à l'étranger, la prise en compte des histoires d'horreur cataloguées, année après année, dans les rapports du vérificateur général.

Des voix: Oh, oh!

M. Bouchard: Les belles résolutions, la main sur le coeur, d'écouter parler les parlementaires tombent vite, n'est-ce pas, à la première séance? Cela ne tient même pas le coup une session, même pas un discours du chef de l'opposition et on commence déjà à crier des insultes.

[Traduction]

Le Président: À l'ordre! Il serait bon que, dans la mesure du possible, les députés puissent entendre toutes les interventions.

[Français]

M. Bouchard: Il faudrait, pour cela, un examen détaillé de toutes les dépenses internes des différents ministères. On connaît l'extrême réticence des appareils bureaucratiques à restreindre leur appétit. La cure d'amaigrissement ne peut être imposée que de l'extérieur, en l'occurrence à partir du Parlement canadien. Le gouvernement a manifesté son intention de remettre davantage de responsabilités à cette Chambre. Nous le prenons au mot. Nous demandons qu'il le démontre d'une façon concrète et très significative. La révision méticuleuse de ces dépenses par une commission parlementaire représentative de l'ensemble de cette Chambre constituerait une preuve de la bonne foi du gouvernement et permettrait d'informer sérieusement l'opinion publique de l'étendue des dépenses superflues dans le fonctionnement même du gouvernement.

La défense canadienne doit être entièrement repensée en fonction de la nouvelle carte géopolitique du monde. Le Bloc québécois suivra de près le groupe d'étude fédéral responsable de l'opération. Mais en attendant, toutes les dépenses d'équipement devraient être gelées.

Mais cela ne représente qu'une partie du train de vie de l'État. Il en existe une autre, que le discours du Trône ne mentionne pas. L'État fédéral s'évertue en effet à s'en dissimuler les dimensions exactes. Il s'agit des chevauchements des activités fédérales et provinciales. Que nous coûtent ces sempiternelles parties de bras de fer fédérales-provinciales?

Il s'est produit un curieux revirement dans l'analyse que font les fédéralistes orthodoxes eux-mêmes du fonctionnement du régime actuel. Jusqu'à récemment, ils saluaient sa capacité d'effectuer un partage optimal des pouvoirs entre les deux paliers de gouvernement. Mais on ne peut éternellement se bercer d'illusions, et c'est maintenant devenu un lieu commun que de dénoncer les duplications bureaucratiques et les gaspillages qu'elles provoquent.

(1610)

Une étude réalisée en 1991 par le Conseil du Trésor fédéral a permis d'identifier les programmes fédéraux chevauchant des programmes provinciaux. Au total, 119 ministères, sociétés d'État et organismes fédéraux, gérant un budget global de 96 milliards de dollars, ont été associés à plus de 453 programmes distincts du gouvernement fédéral. Et 45 p. 100 de ces programmes, représentant des dépenses de 40 milliards de dollars, se superposent directement à des interventions provinciales analogues.

En d'autres mots, le chevauchement constitue la norme plutôt que l'exception. L'élimination de ce phénomène engendrerait, selon la Commission Bélanger-Campeau, des économies de plusieurs milliards de dollars. Uniquement dans le domaine de la main-d'oeuvre et de la formation professionnelle, le dédoublement coûte 250 millions par année aux contribuables québécois, selon le gouvernement du Québec lui-même. La double structure fédérale-provinciale des services d'adaptation et de formation de la main-d'oeuvre comprend plus d'une cinquantaine de programmes et de sous-programmes, s'adressant souvent à la même clientèle et l'obligeant à errer sans fin dans un véritable labyrinthe.

L'on se retrouve actuellement au Québec dans une situation aberrante où 75 000 à 90 000 emplois disponibles sont inoccupés faute de main-d'oeuvre qualifiée, alors que plus de 25 000 Québécois sont au même moment sur une liste d'attente pour recevoir des cours de formation.

Nous sommes ici au coeur même du fédéralisme dysfonctionnel et de la crise de légitimité qui paralysent le Canada. Le fouillis administratif résulte de la nature même du régime. Il faut bien voir là, hélas, une autre indication de l'obstination gouvernementale à tolérer le gaspillage. Voilà une manne d'économies qu'il pourrait réaliser, au bénéfice même de l'efficacité des interventions de tous les paliers de gouvernement. Mais il se refuse à le faire: par idéologie centralisatrice, par vénération du statu quo ou même par petite politique.


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Un autre domaine dans lequel le gouvernement ne prend pas toutes ses responsabilités, c'est celui de la probité publique. C'est une louable chose de parler de la promotion de la démocratie parlementaire et du respect de l'autorité morale du Président de la Chambre. Mais, dans la recherche des conditions qui permettront aux parlementaires d'accroître leur crédibilité, il est trop facile de se limiter à des voeux pieux. C'est ainsi que le discours du Trône ignore la première mesure à prendre pour véritablement instaurer une éthique dans la gestion publique, à savoir le financement électoral populaire. Quand donc les partis fédéraux renonceront-ils aux contributions illimitées des grandes corporations? Quand donc feront-ils en sorte d'échapper à leur emprise? Le Bloc, lui, a consenti les sacrifices voulus pour entrer dans cette Chambre sans attache. Il a fait volontairement siennes les restrictions de la loi québécoise, s'inspirant ainsi de l'un des grands héritages démocratiques de René Lévesque. Parler d'éthique politique, se targuer de transparence publique sans souffler mot de la réforme du financement des partis, c'est de la poudre aux yeux.

Les perspectives qu'ouvrent les pieuses généralités du discours du Trône ne sont guère plus reluisantes en ce qui concerne l'équité. D'abord, au point de vue fiscal. Les silences de la version abrégée du livre rouge, qui tient lieu de discours du Trône, en disent long sur la complaisance libérale envers les iniquités fiscales.

Les citoyens et les citoyennes ne sont pas tous égaux devant l'impôt. Certains profitent d'abris fiscaux qui n'ont aucune productivité économique. Certains vendent des cigarettes ou de l'alcool de contrebande à d'autres qui les achètent. Et plusieurs évitent tout impôt en se branchant sur l'économie souterraine, dont l'essor est à la mesure de la piètre performance de la TPS. Celle-ci devait rapporter 16,5 milliards à l'État fédéral en 1991, alors qu'en réalité son rendement atteint seulement 15 milliards en 1993. La légitimité de l'État ne cesse de perdre des points. L'idée qu'il est admis de frauder l'État fait tache d'huile.

Il faut réajuster le tir. D'abord éliminer les abris fiscaux illégitimes. Ensuite s'attaquer résolument à la contrebande. Il n'y a en fait qu'une seule manière pacifique de réussir l'opération, c'est de couper l'herbe sous le pied des contrebandiers, c'est-à-dire réduire très nettement l'écart de prix entre le produit légal et le produit de contrebande. La réduction des taxes sur le tabac est devenue une urgence sociale, à cause de toutes les conséquences qu'entraîne leur niveau prohibitif. Il faut agir de manière rapide et décisive, sinon le contrat social continuera de se rompre chaque jour un peu plus.

Une injustice en amène une autre. Non seulement on laissera les familles riches mettre des capitaux énormes à l'abri, dans des fiducies exonérées d'impôt, mais en plus, dans une flagrante démonstration de double standard, on se rattrapera sur la protection sociale des démunis. Les coupures qu'on n'aura pas le courage de réaliser dans le gras de l'appareil gouvernemental, dans les dédoublements fédéraux-provinciaux et dans les abris fiscaux indus, ces coupures on les réalisera sur le dos des chômeurs, des bénéficiaires de l'aide sociale et des pensions de vieillesse. On s'apprête à traiter en fauteurs de crise des citoyens qui en sont plutôt les premières victimes. Et tout cela au moment où ils ont le plus besoin des secours que leur garantissent jusqu'ici les valeurs québécoises et canadiennes de compassion et de solidarité sociale.

(1615)

Toutes sortes d'hypothèses circulent quant aux intentions gouvernementales en matière de programmes sociaux et de transferts aux provinces. On nous parle, comme dans le discours du Trône, de «réforme», de «renouveau», ou encore de «rationalisation», de «restructuration», de «modernisation», de «redéfinition», de «révision». On peut entendre toute la litanie des synonymes trompeurs utilisés couramment par les gouvernements pour ne pas prononcer les vrais mots que sont: coupure, réduction, diminution. Toute récession prolongée accroît les écarts de revenu entre ceux qui sont au sommet de la pyramide et ceux qui sont à la base. L'ancien gouvernement s'est montré particulìèrement insensible devant la dureté de la dernière récession et son cortège de malheurs. Il y a une nouvelle pauvreté à l'échelle du Canada. Il n'est donc pas acceptable que les personnes ayant déjà trop souffert des difficultés économiques canadiennes soient également visées par de nouvelles restrictions budgétaires. Se sortir collectivement de la récession, c'est une chose. Le faire sur le dos de ceux qui souffrent déjà trop, c'en est une autre que le Bloc québécois dénoncera et combattra avec détermination. Pour nous, la protection sociale demeure intangible.

Il en va de même des transferts fédéraux aux provinces, déjà mis à mal au cours des dernières années. Ces transferts, on le sait, financent une partie des programmes sociaux des provinces. Le Parlement n'a pas encore été consulté que l'on évoque déjà, au gouvernement, le gel pur et simple de ces déboursés pour les cinq prochaines années. Une telle décision équivaudrait à tenir les provinces responsables de la crise budgétaire fédérale, ce qui constituerait une criante contre-vérité. Sur le plan économique, le gel des paiements signifierait une baisse, en dollars constants, de 3,5 p. 100 par année par personne, soit une réduction totale de 18 p. 100 sur cinq ans. Or, plus de 60 p. 100 de ces paiements sont versés aux provinces plus pauvres. Et le Québec basculerait dans le camp des contributeurs nets de la fédération, ce qui serait l'ultime aberration du régime. Pendant ce temps, le gouvernement fédéral se laverait les mains, laissant, avec une bonne conscience apparente, les provinces subir l'odieux du coup porté aux défavorisés.

À propos des iniquités fédérales à l'endroit du Québec, on ne peut pas parler de simple silence dans le discours du Trône, mais bien plutôt d'une chape de plomb qui s'abat sur ces manifestations particulièrement éloquentes du véritable sort que subit le Québec dans le régime fédéral canadien. Là-dessus, pas une ligne, pas un mot, pas un sous-entendu, rien. On continue de fermer les yeux sur les statistiques officielles, compilées à Ottawa même, qui démontrent clairement que, dans nombre de secteurs, le Québec reçoit beaucoup moins que sa juste part. On peut citer les achats fédéraux de biens et services, les investissements fédéraux, l'agriculture, la recherche et développement, le développement régional, la défense, etc. Des médias au Canada anglais ont accusé le Bloc de mettre l'accent sur les secteurs où le Québec est moins avantagé, et d'ignorer ceux où il fait bonne figure. On nous reproche donc de noircir indûment le tableau. Ici aussi la présence des souverainistes dans cette Chambre s'avére


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ra indispensable pour rappeler certaines vérités qui n'y ont pas encore eu droit de cité.

Ce n'est pas très sorcier et il n'est pas besoin d'une fastidieuse énumération de statistiques pour saisir de quoi il s'agit. En fait, il suffit de reconnaître ce que révèlent les dernières données disponibles, à savoir que le Québec reçoit globalement du fédéral à peine ce qu'il lui envoie en impôts et taxes, en prenant soin évidemment de convertir en prélèvements futurs les déficits actuels du fédéral. En effet, grâce à ses déficits, le fédéral peut dépenser dans chaque province plus que ce qu'il y perçoit en taxes et impôts. Mais attention à la facture qui attend la prochaine génération!

Certains s'empressent de souligner que le Québec reçoit du fédéral, en tant que membre moins bien nanti de la fédération, des paiements de péréquation qui s'élèvent à 3,7 milliards en 1993-1994. Mais l'objectif initial de la péréquation n'était-il pas de réduire l'écart entre provinces moins riches et provinces plus riches? En d'autres mots, la péréquation devrait représenter pour celles qui la reçoivent un supplément réel. Or, en réalité, le Québec ne reçoit pas de supplément. La péréquation versée au Québec ne sert qu'à compenser ce que le Québec ne reçoit pas du fédéral aux autres chapitres. Le Québec finance donc lui-même l'enveloppe de sa péréquation. Et la véritable péréquation canadienne consiste en un transfert des provinces anglophones riches aux provinces anglophones pauvres.

(1620)

Pour le Québec, cette péréquation ne constitue qu'une piètre compensation pour le manque à gagner considérable en dépenses fédérales créatrices d'emplois. Par exemple, elle ne permet pas de contrecarrer les avantages substantiels que retire l'économie ontarienne de la concentration des dépenses fédérales en recherche et développement.

Cette répartition inéquitable des dépenses ne se réduit pas à un quelconque effet pervers du régime fédéral, il en est partie intégrante.

Alors, que signifie ce tour d'horizon pour l'action à entreprendre au cours des prochains mois?

D'une part, il y a vraiment moyen de réduire le déficit fédéral de plusieurs milliards, dès la prochaine année fiscale, sans porter atteinte à la protection sociale et aux transferts aux provinces qui sont essentiellement consacrés aux programmes sociaux. Cela aurait un effet significatif sur les marchés financiers et donc sur les taux d'intérêt. Une réduction d'un point de pourcentage dans ces taux mettrait huit milliards de dollars par année dans les poches des consommateurs et des entreprises, tout en allégeant le service de la dette du fédéral et des provinces. Il s'agit là d'un impact largement supérieur à celui projeté pour le programme gouvernemental des infrastructures.

D'autre part, dans le contexte actuel, il ne suffit pas de simplement réduire le déficit. Il faut envisager des mesures de raffermissement de la colonne vertébrale des économies canadienne et québécoise, c'est-à-dire dans la productivité des entreprises. Si les taux d'intérêt continuent de baisser, il y aura une relance de la consommation des biens durables, logement et automobile par exemple. Mais il faut agir du côté de la production, en aidant, par exemple, les secteurs plus vulnérables à s'insérer dans de nouveaux créneaux. C'est là que se trouvent les nouveaux emplois de l'avenir. Accroître l'effort de recherche et développement, domaine où le Canada se trouve à la queue du peloton occidental, et faciliter la conversion d'une bonne partie de l'industrie militaire constituent à nos yeux des pistes prioritaires. Il faut provoquer la reprise économique qui, grâce aux rentrées fiscales qu'elle générera, contribuera à ramener le déficit fédéral à des dimensions acceptables. Le bistouri apparaît certes nécessaire, mais ne peut pas, à lui seul, abattre tout le travail.

Je ne puis terminer cette réplique au discours du Trône sans rappeler qu'au contraire du gouvernement, les députés du Bloc québécois n'escamoteront aucun des enjeux auxquels ce Parlement doit faire face. Nous n'allons pas accepter la fin de non-recevoir que le gouvernement tente d'apporter à la marche en avant du Québec. Il ne sera pas dit que la majorité des fédéralistes et la totalité des souverainistes québécois auront, en vain, mené à leur manière respective un combat de 30 ans pour doter le Québec des instruments de son développement comme peuple. Le Québec des années 1960 ne s'est pas mis en route pour un voyage circulaire.

Au bout de son idéal de peuple, au bout de sa mobilisation collective, au bout des efforts de Jean Lesage, des louvoiements de Robert Bourassa et du courage de René Lévesque, il doit y avoir autre chose que les plates échappatoires du premier ministre. Celui-ci devra se détromper: l'histoire du Québec ne s'est pas arrêtée une certaine nuit de novembre 1981, derrière les portes closes du Château Laurier! Qu'il regarde les 54 députés que nous sommes et qu'il se rappelle qui nous a envoyés ici et avec quel mandat.

Il saura alors que l'avenir du Québec en tant que pays souverain est juste devant nous, un pays souverain voisin et ami du Canada.

Je voudrais proposer, appuyé par le leader de l'opposition à la Chambre et député de Roberval:

Que les mots suivants soient ajoutés à l'Adresse: La Chambre déplore que les conseillers de Votre Excellence fassent preuve d'incurie à propos d'enjeux d'extrême importance, tels l'assainissement des finances publiques et le dégraissage de l'appareil administratif de l'État; fassent preuve d'une absence de vision concernant l'économie, particulièrement par une insuffisance des mesures susceptibles de relancer l'emploi, tout en perpétuant le fouillis actuel dans les programmes destinés aux ressources humaines; ignorent les aspirations politiques légitimes du Québec et présentent au Parlement un programme dénotant la volonté de démanteler le système de sécurité sociale et de maintenir un régime

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fiscal inéquitable, accentuant ainsi l'appauvrissement d'un nombre croissant de citoyens.
Des voix: Bravo!

(1625)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'aimerais tout d'abord vous féliciter pour votre élection il y a deux jours. C'était une élection un peu exceptionnelle. Et votre rôle, comme vous le savez, est un rôle très important dans nos institutions démocratiques. Alors je tiens à vous assurer aujourd'hui que vous pourrez compter sur l'appui du gouvernement et des députés de mon parti pour vous rendre la tâche aussi facile que possible.

Je souhaite aussi féliciter les deux motionnaires du discours du Trône: les députés de Bruce-Grey et de Madawaska-Victoria. Quoique néophytes, ils ont fait la preuve de la sagesse et du jugement de leurs électeurs qui les ont envoyés ici.

Je ne doute pas qu'ils auront une longue et distinguée carrière dans cette Chambre.

[Traduction]

Je considère comme un honneur incomparable la possibilité d'intervenir à la Chambre à titre de premier ministre du Canada. Je ferai de mon mieux pour encourager l'évolution de notre grand pays. En fait, comme député, chacun de nous a un rôle à jouer et une responsabilité à remplir à cet égard.

Je tiens à rendre hommage et à souhaiter la bienvenue aux hommes et aux femmes de tous les partis que les Canadiens ont élus à la Chambre des communes le 25 octobre dernier.

Un nombre sans précédent de nouveaux députés vont prendre part aux travaux de cette session parlementaire. En effet, plus des deux tiers des députés entament un premier mandat. Ils apportent la plus grande charge de nouvelle énergie de toute l'histoire de cette institution. Je me réjouis à l'avance du nouvel esprit que manifestera ce Parlement. Les Canadiens s'attendent à ce que les députés de tous les partis collaborent de façon constructive et je crois effectivement qu'ensemble nous pourrons nous attaquer à bien des problèmes importants pour nos électeurs et pour l'ensemble des Canadiens.

[Français]

Évidemment, si la Chambre des communes comprend un nombre record de nouveaux députés, on peut y voir aussi quelques figures familières qui sont ici, tel le leader du gouvernement, depuis quelques années, 31 ans, me dit-on, et aussi d'autres vétérans tels le député d'Ottawa-Vanier et le député de Notre-Dame-de-Grâce qui ont servi dans cette Chambre depuis si longtemps et qui devraient servir de modèles à bien des députés de cette Chambre. J'inviterais aussi plusieurs députés des nouveaux partis à les consulter quelquefois parce qu'ils pourraient leur rendre de très bons services, puisqu'ils ont connu cette Chambre et ont fait des contributions très positives au cours de leur fructueuse carrière.

(1630)

J'aimerais exprimer ma reconnaissance la plus vive à la population du comté de Saint-Maurice, une région qui me connaît et me comprend très bien. Je veux qu'elle sache que je travaillerai fort pour elle et que je suis profondément honoré de pouvoir encore une fois, pour la neuvième fois dans ma vie, porter le titre qui me fait le plus plaisir, celui de député du comté de Saint-Maurice, et j'en serai toujours très reconnaissant.

Les gens de Saint-Maurice veulent la même chose que leurs compatriotes dans chacune de nos circonscriptions. Ils veulent que leur gouvernement et leurs représentants élus amorcent le processus de guérison dont le pays a tant besoin. Ils veulent qu'ils oublient les vieux griefs et les vieux débats et qu'ils travaillent à construire un pays que nous serons fiers de laisser à nos enfants.

Quel genre de pays veulent les électeurs de Saint-Maurice? Quel genre de pays veulent les Canadiens? Nous voulons un pays où règne l'espoir plutôt que la crainte; un pays dont chacun d'entre nous se sent un partenaire à part égale, auquel il peut faire une contribution et où il ne se sent pas comme un boulet pour la société; un pays où les adultes peuvent trouver un travail décent et intéressant; un pays où les enfants peuvent rêver d'un avenir heureux. Nous voulons un pays qui reconnaît que nos communautés sont les piliers de notre stabilité sociale et de notre puissance économique; un pays qui a une économie dynamique, qui encourage l'esprit d'entreprise et qui est à la fine pointe du progrès technologique et du changement.

Nous voulons un pays dont le gouvernement nous écoute et nous respecte, qui gouverne avec compétence, honnêteté et justice; un gouvernement qui tient ses promesses et qui nous aide à atteindre notre potentiel. Voilà ce que veulent les Canadiens et voilà ce que ce gouvernement s'efforcera de leur donner.

[Traduction]

Toutes les mesures que nous prendrons durant la présente législature viseront à soigner les profondes blessures qui font mal à notre pays, à rétablir la confiance et le respect entre les Canadiens et le gouvernement. Elles viseront à rebâtir notre vitalité économique afin que tous les Canadiens soient capables de réaliser leur plein potentiel.

Les Canadiens ont voté pour ce genre de gouvernement le 25 octobre. Ils ont voté avant tout pour un gouvernement qui respecte ses engagements et qui tient ses promesses.

Depuis notre accession au pouvoir il y a un peu plus de deux mois, nous nous sommes efforcés de tenir les promesses que nous avions faites aux Canadiens. Nous avons fait ce que nous avions dit que nous ferions.


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Par exemple, le 4 novembre, nous avons annulé le programme des hélicoptères qui devait coûter 5,8 milliards de dollars. C'était un luxe que nous ne pouvions pas nous permettre. Le même jour, nous avons formé un Cabinet de 23 membres, le plus petit jamais formé. Nous avons réduit de 10 millions de dollars les budgets des cabinets des ministres et avons réduit la taille du cabinet du premier ministre.

(1635)

Dimanche dernier, le whip a présenté un programme qui montre comment nous avons décidé de réduire de 5 millions de dollars les dépenses du Parlement. Dans les jours qui ont suivi, nous nous sommes empressés de mettre en oeuvre le programme national d'infrastructure. En fait, nous signerons ce mois-ci des ententes d'infrastructure avec chacune des provinces, et des projets visant à redonner des emplois aux Canadiens démarreront dans les jours et les semaines qui viennent.

Nous avons réclamé et obtenu des améliorations à l'ALENA, ce qui a permis au Canada de signer cet accord. Nous avons aidé à négocier un Accord du GATT qui ouvre la voie à une augmentation de nos exportations à l'étranger et à la création d'un nombre accru d'emplois chez nous.

Nous avons examiné le contrat relatif à l'aéroport Pearson et l'avons annulé parce qu'il n'était pas avantageux pour les contribuables.

Nous avons nommé un nouveau gouverneur de la Banque du Canada.

Nous avons été francs avec les Canadiens au sujet de la taille du déficit que nous avons créé et de l'énorme dette dont nous devrons porter le fardeau, et nous avons établi un nouveau processus consultatif pour le prochain budget.

Lors de notre première réunion avec les premiers ministres provinciaux, nous avons commencé à travailler en vue d'éliminer les barrières au commerce interprovincial, de mettre fin aux doubles emplois entre les différents niveaux de gouvernement et de réformer le régime fiscal, notamment en remplaçant la TPS.

[Français]

Nous avons fait tout cela dans un peu plus de deux mois, et chacune de ces mesures correspond exactement à une promesse que nous avons faite pendant la campagne électorale. Et maintenant, dans le discours du Trône, nous continuons de tenir nos promesses. D'ailleurs, c'était très agréable de voir le titre dans le journal La Presse de ce matin; j'en avais lu d'autres durant la campagne électorale qui m'avaient fait moins plaisir.

Le discours du Trône-comme le mandat de ce gouvernement-a ses racines dans le livre rouge Pour la création d'emplois pour la relance économique. Ce plan d'action que nous avons présenté aux Canadiens, nous avons couru le risque de soumettre un plan d'action complet et détaillé à l'électorat, ce qu'aucun parti avant nous n'avait jamais fait.

Les Canadiens ne craignent pas de s'éloigner des sentiers battus. Ils ne s'attendent pas non plus à des miracles, mais ils veulent et méritent un gouvernement qui est capable de relever des défis difficiles.

[Traduction]

Pendant la campagne électorale, je parlais d'espoir réaliste en un avenir meilleur pour eux-mêmes et pour leurs enfants, en une économie prospère à laquelle ils puissent contribuer, en une société qui soit compatissante et humanitaire, en des villes où l'on soit en sécurité et où il fasse bon vivre, en un gouvernement qui les représente vraiment et qui partage leurs valeurs.

Les Canadiens ont choisi l'espoir réaliste et ont mis leurs espoirs en notre gouvernement. Au nom des hommes et des femmes qui ont été élus pour former le gouvernement, je tiens à dire aux Canadiens que nous ne les décevrons pas. Nous allons tout mettre en oeuvre pour respecter nos promesses envers eux.

(1640)

Ce discours du Trône représente une étape importante dans le renouvellement de la foi des Canadiens en leurs institutions. Le programme est ambitieux mais réalisable, et c'est celui que les Canadiens ont choisi. Nous devons bâtir sur la bonne volonté et sur la confiance renouvelée envers les institutions que les décisions du gouvernement ont suscitées chez les Canadiens. Ces derniers ont fait savoir haut et fort lors des dernières élections qu'ils voulaient voir restaurer l'intégrité et l'honnêteté au gouvernement.

Le gouvernement comprend ce désir et nous allons y répondre par des mesures concrètes dès le début de la session. Nous avons déjà envoyé des signaux très éloquents. Le travail de l'honorable Mitchell Sharp fait très bien comprendre aux Canadiens que le gouvernement peut être une force pour le bien dans la société, que la vie publique constitue une vocation très honorable et que notre mission ici consiste à servir autrui et non pas nous-mêmes. Voilà comment nous entendons nous conduire tout au long de notre mandat.

Il ne suffit cependant pas de faire le ménage dans le système. Les Canadiens ont voté pour quelque chose de plus. Ils ont voté pour rendre le pouvoir à leurs représentants élus ici à la Chambre des communes. Nous nous sommes engagés envers les Canadiens à donner à la Chambre et aux députés une nouvelle pertinence de sorte que cette institution devienne à nouveau le foyer du débat politique et de la prise de décision dans notre gouvernement.

Le leader du gouvernement à la Chambre proposera des modifications aux règles et aux pratiques de la Chambre. Nous confierons un rôle beaucoup plus important aux comités parlementaires.

[Français]

J'ai demandé au Comité des finances de préparer des solutions de rechange à la TPS. Plus tard cette année, je lui demanderai de participer étroitement à des consultations prébudgétaires. Le gouvernement chargera les comités parlementaires d'entre-prendre un examen approfondi de nos orientations stratégiques dans les domaines de la politique étrangère et de la défense.

Le gouvernement tient à ce qu'il y ait des débats politiques réels dans cette Chambre avant que des décisions ne soient prises.

Ce midi, à la période des questions, le ministre des Finances a proposé un débat, avant le budget, ici même en cette Chambre, ce


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qui permettra aux députés de nous faire connaître leurs vues, avant le budget, et je tiens à l'en féliciter.

La même chose: par exemple, nous aurons un débat très bientôt dans cette Chambre sur le rôle de nos forces de maintien de la paix dans l'ancienne Yougoslavie parce que, comme vous le savez, nous aurons à prendre une décision difficile, puisque les mandats devront être renouvelés dans les mois de mars et avril. Et je voudrais que les députés puissent s'exprimer en la matière.

[Traduction]

Je veux que les députés puissent débattre de cette question, y compris ceux de mon parti. Je souhaite que tous puissent s'exprimer franchement de sorte que nous puissions ensuite prendre une décision en connaissance de cause. Contrairement à ce qui se fait habituellement, les députés de mon parti pourront adopter une position qui n'est pas en accord avec la décision que nous préconiserons. Par la suite, en tant que société démocratique, nous devrons toutefois respecter la décision de la majorité. J'espère que les partis d'opposition réaliseront la chance extraordinaire qu'auront les députés de pouvoir exposer leur opinion avant que nous ne prenions une décision. Je sais, par expérience, que c'est un travail ingrat d'être dans l'opposition et je ne veux pas y retourner.

Je veux entendre d'abord les députés. Évidemment, ils formuleront des critiques par la suite, mais nous pourrons comparer leur premier et leur deuxième discours.

[Français]

Ces réformes s'inscrivent dans le cadre de nos efforts pour rapprocher le gouvernement de la population, pour rétablir entre eux des liens de confiance.

(1645)

Un gouvernement doit agir pour le bien de tous les membres de la société. C'est surtout en relançant l'emploi et la croissance et en créant des débouchés qu'il faut le faire.

[Traduction]

La politique économique de notre gouvernement peut se résumer en deux mots: emploi et croissance.

Durant ce débat, le président du Conseil du Trésor parlera du programme national d'infrastructure. Le ministre de l'Industrie donnera des précisions sur la politique gouvernementale à l'égard des petites et moyennes entreprises. Le ministre du Perfectionnement des ressources humaines parlera du Service jeunesse et des programmes qui faciliteront la transition du milieu scolaire au marché du travail. Le ministre des Finances a commencé des consultations d'un océan à l'autre avant la présentation du budget le mois prochain. Il s'est engagé à relancer l'économie et à créer des emplois.

En comprimant les dépenses et en favorisant la croissance économique, nous réussirons à réduire le déficit. Nous sommes déterminés à atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé, celui de ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB.

Nous ne mettrons pas les gens au chômage simplement pour pouvoir dire que le déficit a baissé. À notre avis, la députée de Madawaska-Victoria a expliqué cela très clairement hier, en des termes que nous comprenons et auxquels nous souscrivons, comme une partie des députés d'en face d'ailleurs. Elle a dit, et nous devrions nous souvenir de ses paroles, qu'un gouvernement au régime n'est pas forcément un gouvernement méchant.

En fait, notre politique économique est fondée sur la nécessité de préparer les Canadiens aux perspectives que les années 1990 et le XXIe siècle présenteront au chapitre de l'emploi et sur le plan économique.

Nous investirons dans des programmes visant à améliorer la formation des Canadiens et à accroître leur taux d'alphabétisation ainsi que leurs autres compétences de base.

[Français]

Notre programme de création d'emplois et de relance économique est ambitieux. Mais, tout le monde le sait, nos ressources sont limitées. Un gouvernement ne saurait tout faire. Et en 1994, il ne doit pas essayer de tout faire. C'est pourquoi, pour stimuler la croissance et l'emploi, notre mot d'ordre sera le partenariat.

Nous travaillerons en partenaires avec les autres ordres de gouvernement dans notre programme d'infrastructure, la réduction des entraves au commerce interne, le remplacement de la TPS et la réforme de nos programmes sociaux.

Nous travaillerons en partenaires avec le secteur privé à l'égard des programmes de formation et du Service jeunesse, et pour aider-et cela est très important-les institutions financières à mieux comprendre les besoins en capitaux des petites et moyennes entreprises et à mieux y répondre.

[Traduction]

Nous travaillerons aussi en partenariat pour renforcer le tissu social du Canada.

Notre première priorité sera d'ordre économique, mais une économie forte n'est pas une fin en soi. C'est plutôt un moyen de réaliser un objectif, celui d'améliorer la qualité de vie des Canadiens dans un milieu tenant compte de leurs besoins. Voilà ce à quoi aspirent les Canadiens.

Le régime de sécurité sociale du Canada est l'oeuvre de différents gouvernements fédéraux qui se sont succédé. Le principe du partage de la responsabilité sociale est la pierre angulaire de notre philosophie. Nous sommes très fiers de ce que les libéraux ont légué au chapitre de la politique sociale. En fait, le père de l'actuel ministre des Finances a été l'un des pères de ce grand régime social. Il m'a été donné de voter sur bon nombre de ces mesures.

(1650)

Nous croyons qu'il faut soutenir par l'aide sociale le revenu de ceux qui éprouvent des difficultés économiques. Mais nous avons comme objectif d'aider les assistés sociaux qui sont en mesure de travailler à s'arracher à la dépendance pour participer pleinement à la vie économique et sociale du Canada.

[Français]

Nous savons que les sans-emploi ne veulent pas être en chômage. Les Canadiens souhaitent gagner leur vie honorablement.


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Ils veulent la dignité d'un emploi. Nous devons donc concevoir des programmes qui les aideront à se trouver du travail.

Nous savons que les pauvres ne veulent pas vivre dans la pauvreté. Les Canadiens aptes au travail ne veulent pas recevoir l'aide sociale. Nos programmes doivent donc aider, par exemple, une mère célibataire qui n'a pas accès à des services de garderie; autrement, elle sera forcée de rester à la charge de l'État pendant de nombreuses années.

Il faut reconnaître que jamais les Canadiens n'ont été confrontés à autant de défis sociaux et économiques depuis la dépression des années 1930.

La structure de notre économie change et la cellule familiale a subi une profonde transformation. Nous devons donc réformer notre régime de sécurité sociale de façon à répondre aux besoins des Canadiens d'aujourd'hui.

Le ministre des Ressources humaines annoncera une démarche visant à repenser notre régime de sécurité sociale et à le moderniser en collaboration avec les provinces et pour le plus grand bien de tous les Canadiens.

[Traduction]

Au cours de ce débat, la ministre de la Santé parlera de l'engagement du gouvernement à l'égard des services de santé et des problèmes de santé des femmes. Le ministre de la Justice expliquera les dispositions que nous prendrons pour assurer la protection contre la criminalité et la violence au foyer. Il parlera de mesures qui renforceront notre engagement à l'égard de l'égalité fondamentale des Canadiens.

C'est sur ces questions-là qu'on juge une société. Le gouvernement veut jouer son rôle pour veiller à ce que la société canadienne demeure tolérante et généreuse et à ce que la qualité de vie à laquelle nous tenons tous et qui est si proprement canadienne s'améliore encore et profite à tous les Canadiens.

Notre programme est chargé, et il nécessitera une collaboration et un sens de la mission commune comme le pays n'en a pas vu depuis longtemps, le genre d'esprit qui a animé la première rencontre des premiers ministres en décembre. Cette volonté nationale peut maintenant se manifester, les Canadiens sont prêts. Ils veulent que ceux d'entre nous qui occupent des postes de responsabilité dans le secteur public comme dans le secteur privé s'épaulent les uns les autres pour atteindre ces grands objectifs nationaux.

[Français]

Je tiens à féliciter le chef de l'opposition pour son discours. C'est un début, à la Chambre des communes, dans une situation tout à fait inusitée, comme il l'a dit lui-même. Je n'ai pas l'intention de répondre à tous les arguments qui ont été avancés parce que je pense que le débat serait plutôt stérile. Lors de la campagne électorale, on a parlé énormément d'emploi, on a parlé beaucoup de déficit au Québec et on a parlé peut-être un peu d'indépendance et de séparation, mais pas beaucoup. Je sais que si j'allais aborder ce sujet-là, je ne remplirais pas le mandat que j'ai reçu des citoyens de notre pays.

D'ailleurs, mes convictions sont bien connues. Il y a bien des années que je suis ici. Je voudrais tout simplement vous dire que mes convictions canadiennes reposent peut-être sur un texte qui décrit très bien notre pays. Il y a cent ans, un de mes prédécesseurs, Laurier, s'est ainsi exprimé, à l'aube du XXe siècle:

Nous sommes Canadiens français, mais notre pays ne se limite pas au territoire entourant la citadelle de Québec; notre pays est le Canada. Nos concitoyens ne sont pas seulement ceux qui ont du sang français dans les veines. Ils sont tous ceux, quelle que soit leur race ou leur langue, que les aléas de la guerre, les caprices de la fortune ou leur propre choix ont amenés parmi nous.
(1655)

Ces mots sont aussi pertinents aujourd'hui, au début du XXIe siècle, qu'ils l'étaient au début du XXe siècle.

Des voix: Bravo!

M. Chrétien (Saint-Maurice): J'aimerais faire remarquer également qu'il est vrai que nous n'avons pas récolté autant de votes que le Bloc québécois. On se reprendra la prochaine fois, mais pour le moment, c'est une réalité.

Mais je voudrais faire remarquer ceci à mes collègues élus au Québec, qui sont Canadiens de langue française tout comme moi. Il s'est passé quelque chose cette semaine en cette Chambre qu'ils auraient dû noter. Tout d'abord, nous avons choisi un président dans cette Chambre. Deux Canadiens français de l'Ontario ont obtenu un nombre égal de votes au cinquième tour, ce qui veut dire qu'à un moment donné, tous les députés de cette Chambre ont voté pour un Canadien français. L'un a gagné, l'autre pas. Mais de voir un homme tel le député d'Ottawa-Vanier qui, tout au long de sa carrière a toujours été fier d'être français et en parlait avec autant de dynamisme, récolter autant d'appui dans cette Chambre, c'est un signe important.

Des voix: Bravo!

M. Chrétien (Saint-Maurice): La députée de Madawaska-Victoria, au Nouveau-Brunswick, s'est levée par la suite en cette Chambre pour appuyer la motion en réponse au discours du Trône.

J'ai eu le très grand privilège d'être le député de Beauséjour et de me lever en cette Chambre, représentant les francophones du Nouveau-Brunswick, les Acadiens qui ont été déportés et qui sont revenus. Et c'est cela, mon Canada: le million de francophones hors Québec.

Des voix: Bravo!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Le chef de l'opposition a parlé de modernité, de se mettre à l'heure du XXIe siècle. Je suis d'accord. Quand je me lève dans cette Chambre, je regarde autour de cette Chambre.

[Traduction]

Je vois tous ces députés de couleurs, de religions, de langues différentes qui appartiennent tous à la grande famille qu'est mon parti, qui sont tous citoyens d'un même pays, le Canada.


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[Français]

Si nous savons miser sur nos atouts et notre potentiel, si nous recherchons des solutions nouvelles, si, face à ces tâches qui nous attendent, nous pouvons communiquer nos espoirs et notre dynamisme, nous rétablirons la confiance des Canadiens et des Canadiennes dans leur gouvernement. Un pays qui a su surmonter ses difficultés, un pays qui est compétitif et qui devient plus puissant et plus indépendant, est un pays qui sera un modèle et une inspiration partout dans le monde.

[Traduction]

En somme, les Canadiens veulent un pays dont ils puissent être fiers, en qui ils puissent avoir foi. Voilà ce que le gouvernement, voilà ce que le Parlement doit leur donner.

(1700)

C'est dans cet esprit que j'invite tous les députés à se joindre à nous dans cet effort national. Je les invite à mettre de côté les vieilles tactiques que les Canadiens trouvent exaspérantes et épouvantables. Je les invite à nous épauler pour améliorer notre situation.

J'ai la conviction que, grâce au nouvel esprit que les députés vont insuffler à la Chambre, nous allons amorcer une nouvelle ère constructive. Nous avons tous le devoir de ne pas trahir la confiance des Canadiens.

Ensemble, nous pouvons montrer aux Canadiens qu'ils ont raison de nous faire confiance. Ensemble, nous pouvons faire comme toutes les générations qui nous ont précédés et nous attaquer de front aux problèmes. Nous pouvons surmonter les difficultés et édifier le pays.

C'est notre mission que de préparer le pays pour le XXIe siècle et de léguer à nos descendants une terre de liberté, de possibilités et de justice, qui soit un exemple pour le monde. Aujourd'hui, en ma qualité de premier ministre de ce pays-là, je vous dis que le monde a besoin de la compréhension, de la tolérance et de l'équité dont a fait preuve notre pays au fil des ans. Le Canada sera toujours le meilleur pays du monde à mes yeux.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je tiens d'abord à vous féliciter pour votre élection au poste de Président et à vous offrir la collaboration et l'appui des réformistes.

Les Canadiens ont été on ne peut plus clairs le 25 octobre 1993: ils n'étaient pas satisfaits du travail de nombreux députés de la trente-quatrième législature. Ils souhaitaient un comportement tout à fait différent de la part de leurs élus.

En votre qualité de député et de Président de la Chambre, vous avez reçu de la population le mandat de faire respecter des normes élevées sur le plan du comportement. Notre groupe s'engage à vous aider à vous acquitter de ce mandat.

[Français]

J'aimerais par ailleurs féliciter tous les députés pour leur élection au Parlement canadien, mais j'aimerais plus spécialement adresser mes félicitations au très honorable député de Saint-Maurice pour son élection à titre de premier ministre du Canada.

Il y a plusieurs personnes dont l'ambition de devenir premier ministre a dépassé celle du très honorable Jean Chrétien, mais il y a très peu de personnes qui ont servi leur pays, à la Chambre des communes et au gouvernement, avec autant de fidélité que lui. Je crois qu'il est très inspirant pour les nouveaux députés de cette Chambre de voir que l'on récompense l'expérience, la connaissance et le développement, et non seulement l'ambition.

(1705)

Un sage a déjà dit: Celui d'entre vous qui sera le chef sera le serviteur de tous. Nous voulons féliciter le très honorable Jean Chrétien, maintenant le chef entre nous.

[Traduction]

Troisièmement, je tiens à remercier particulièrement les électeurs de Calgary-Sud-Ouest qui m'ont ainsi donné l'occasion de les représenter à la Chambre des communes.

Pour les avoir rencontrés, consultés par le truchement de sondages, visités à domicile des mois durant, je connais pertinemment les espoirs et les attentes que nos électeurs nourrissent à l'égard du Parlement. Ces gens espèrent contre toute espérance qu'ils seront en mesure d'exercer un contrôle sur les dépenses et les impôts fédéraux. Ils espèrent que nous, les députés, serons capables de défendre leurs intérêts, même quand ceux-ci vont à l'encontre de la position officielle de notre parti. Ils espèrent que nous saurons donner à tous les Canadiens une vision nouvelle et dynamique d'un nouveau fédéralisme qui soit de nature à nous conduire au XXIe siècle.

J'éprouve-et je suis persuadé qu'il en est de même pour tous les députés-un immense sentiment de responsabilité face à ces espoirs et à ces attentes qu'il ne faut pas décevoir.

Je sais-et on l'a répété à maintes reprises aux nouveaux députés -que la Chambre est passablement liée par les précédents. Mais dans ce cas-ci, la trente-cinquième législature doit se considérer comme étant d'une nouvelle nature.

Certes, la chute de la représentation d'un parti fédéral traditionnel de 152 à 2 sièges est un fait sans précédent, mais il semble que le député de Sherbrooke n'en a pas encore pris pleinement conscience. L'élection de plus de 200 nouveaux députés est aussi un fait sans précédent. Le partage idéologique et géographique des partis politiques dans cette enceinte en est un autre.

Ainsi donc, aux termes de ces élections, les Canadiens ont eux-mêmes rompu avec les précédents. Par conséquent, il conviendrait que la Chambre rompe elle aussi avec les précédents dans certains domaines importants, surtout dans la conduite de ses propres travaux.


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Par exemple, notre groupe réformiste n'a pas l'intention de se conduire comme un parti d'opposition traditionnel. Nous nous sentons obligés d'examiner rigoureusement tout ce que le gouvernement proposera, mais pas de nous opposer à tout ce qu'il proposera.

En examinant minutieusement le discours du Trône, nous tenterons de cerner et d'approuver les mesures que nous jugeons bonnes. Nous tenterons également de mettre au grand jour les mesures que nous considérons comme faibles ou peu judicieuses mais, dans ce dernier cas, nous nous sentirons obligés non pas simplement de critiquer ou de signifier notre opposition, mais également de proposer des solutions de rechange constructives.

Nous considérons que cette institution d'une toute nouvelle nature est constituée de trois éléments: le gouvernement, l'opposition officielle, dont les députés veulent sortir leur province du Canada, et la solution de rechange constructive de Sa Majesté.

Fidèles à cette position, notre principale contribution au débat sur le discours du Trône sera triple. Nous analyserons le programme du gouvernement sous trois angles: financier, économique et social. Nous offrirons des propositions pour améliorer le programme législatif du gouvernement dans l'intérêt de tous les Canadiens et nous proposerons un sous-amendement conçu pour améliorer ce programme. Il ne faudrait pas considérer l'adoption de notre sous-amendement comme une expression de défiance, mais comme un ajout positif auquel les ministériels eux-mêmes pourraient souscrire.

Permettez-moi donc de parler pendant quelques instants de la caractéristique la plus louable du discours du Trône, de sa plus grande faiblesse et d'une amélioration que nous proposons.

(1710)

La promesse de rehausser la crédibilité du Parlement est, selon nous, le point le plus louable du discours du Trône. Cependant, l'objectif de toute réforme parlementaire devrait, à notre avis, être de créer un Parlement non seulement plus efficace, mais aussi plus libre. Un Parlement dont les membres soient libres d'exprimer les points de vue de leurs électeurs et de voter en conséquence, même si cela ne correspond pas à la politique du parti.

Ce n'est pas la première fois qu'on nous promet une réforme parlementaire, y compris ce type de réforme. Espérons que cette fois, le gouvernement tiendra sa promesse. Le public en a assez des paroles vides. Il veut des actes.

Par exemple, rien ne contribuerait plus à rehausser la crédibilité du Parlement que l'instauration de la liberté de vote. Ce que-comme beaucoup de Canadiens-nous aimerions, c'est qu'aujourd'hui ou demain, le premier ministre prenne la parole et vous déclare haut et clair, monsieur le Président, que la politique du gouvernement sera dorénavant celle-ci, à savoir: Que le gouvernement ne considérera pas le rejet d'une motion proposée par ses soins, y compris une mesure visant à autoriser des dépenses, comme un défi à son endroit, à moins que cela ne soit immédiatement suivi d'un vote de censure officiel.

Cela ne prend que trente secondes. Et permettez-moi de vous dire, monsieur le premier ministre, que si vous le faisiez, vous seriez connu comme le libérateur du Parlement, quoi qu'il arrive.

Nous espérons que la Chambre, et même les médias, verront un jour les députés voter librement. Le nombre de fois qu'un député vote contre son parti dans l'intérêt de ses électeurs ne doit pas être perçu comme un signe de faiblesse ou de dissension au sein d'un parti, mais plutôt comme un signe de véritable démocratie à la Chambre.

En ce début de session, nous tenons à féliciter le gouvernement pour l'engagement qu'il a pris dans le discours du Trône, celui de rehausser la crédibilité du Parlement. C'est, à notre sens, l'un des points les plus forts de son programme, à condition qu'il s'y tienne.

Passons maintenant au point le plus faible du programme législatif du gouvernement et au domaine où nous estimons que des améliorations sont nécessaires. Tous les députés sont au courant de la situation financière laissée en legs par les Conservateurs aux Canadiens et à la trente-cinquième législature. Ce legs se caractérise-et c'est là le résultat de la politique financière du gouvernement qui a précédé le vôtre-par un déficit fédéral record, pour 1992-1993, de 40,5 milliards de dollars et une dette fédérale qui atteignait, hier midi, un total de 500 milliards de dollars.

La plus grande tâche qui attend ce Parlement, que vous ayez pris des engagements à l'égard de la Constitution, des programmes sociaux ou de la création d'emplois, consistera à contrôler les dépenses excessives du gouvernement fédéral. Je m'attends franchement à ce que l'on reconnaisse cette tâche et à ce qu'on s'y attaque avec plus de vigueur et de façon plus directe au moyen du programme législatif du gouvernement, pas seulement au moyen d'un budget d'ici deux ou trois mois.

Depuis toujours, les discours du Trône énumèrent ce que les gouvernements ont l'intention de faire. Ce discours-ci n'a pas fait exception à la règle. Mais le discours du Trône d'un gouvernement qui a une dette de 500 milliards de dollars devrait aussi contenir une nouvelle section énumérant ce que le gouvernement a l'intention de ne plus faire. Ce discours ne contient rien de tel. Peut-être le ministre des Finances n'a-t-il pas eu le temps de le faire. Cependant, ce discours aurait été bien meilleur s'il avait contenu une telle section et s'il avait comporté la promesse de cesser le versement de pensions anticipées et exagérées aux parlementaires, la promesse de cesser de subventionner les sociétés d'État pour la coquette somme de six milliards de dollars par an, accompagnée d'un plan pour l'élimination graduelle de ces subventions, la promesse de réduire d'au moins 15 p. 100 les frais généraux autres que les frais salariaux des ministères et des organismes fédéraux, la promesse de cesser de verser d'autres prestations de la sécurité de la vieillesse et d'autres transferts de revenus aux ménages à revenu élevé, la promesse d'abandonner les programmes de développement régional qui ne fonctionnent tout simplement pas, ainsi que la promesse de relever et d'éliminer toutes les fonctions inutiles au sein du gouvernement.


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(1715)

Afin de remédier à cette lacune du programme législatif du gouvernement, je demande à la Chambre d'envisager de limiter les dépenses du gouvernement pour l'exercice financier 1994-1995 à moins de 153 milliards de dollars, en imposant un plafond aux dépenses du programme législatif.

Les députés qui connaissent les états financiers du gouvernement savent que les prévisions de dépenses actuelles du gouvernement fédéral pour 1994-1995 se chiffrent à 162 milliards. Le plafond des dépenses que nous proposons représente une diminution de 6 p. 100 du montant prévu. On pourra toujours discuter des modalités de réduction lors du débat sur le budget, mais en plafonnant maintenant les dépenses prévues dans le programme législatif du gouvernement, les députés de tous les partis des deux côtés de la Chambre indiqueraient clairement aux investisseurs et aux contribuables qu'ils sont dès aujourd'hui déterminés à réduire les dépenses fédérales.

Le sous-amendement que j'entends proposer désavoue les habitudes de dépense établies par l'ancien gouvernement. À une ou deux exceptions près peut-être, y a-t-il dans cette Chambre un député qui voterait contre un tel sous-amendement? Cet amendement ou sous-amendement ne vise pas à désavouer le programme législatif du gouvernement, mais simplement à l'améliorer et faire en sorte que les dépenses prévues dans le programme législatif qu'adoptera la Chambre, quel qu'il soit, n'excèdent pas 153 milliards de dollars pour l'exercice financier 1994-1995. J'invite tous les députés de la Chambre, y compris les ministériels, à appuyer cette proposition.

En conclusion, les députés ont honoré hier une ancienne tradition parlementaire en vous suivant jusqu'à l'autre endroit, où ils ont écouté le discours du Trône et revendiqué au nom du peuple tous les droits anciens des Communes. Comme vous le savez, monsieur le Président, le plus important de ces droits anciens, et en fait la première fonction des premiers parlements britanniques n'était pas d'ordre législatif. La première et la seule fonction des premiers parlements était, en fait, de limiter les dépenses de la Couronne.

J'exhorte les députés à réaffirmer ce droit des Communes, non pas seulement de façon symbolique ou en paroles, mais en légiférant pour limiter les dépenses prévues dans le discours du Trône.

Monsieur le Président, je propose, avec l'appui du député de Beaver River:

Qu'on modifie l'amendement en ajoutant, après les mots «appareil administratif de l'État», ce qui suit:
«, notamment la nécessité de rétablir la confiance du public dans l'aptitude de cette Chambre à maîtriser le déficit et les excès de dépenses de l'État fédéral et à limiter les dépenses du gouvernement pour l'exercice 1994-1995 à moins de 153 milliards de dollars».
(1720)

[Français]

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour votre élection à la Présidence de la Chambre des communes. Il est certain que votre expérience du Parlement, vos qualités de coeur et vos qualités d'esprit ont contribué à vous faire choisir par vos pairs. Je suis certain que vous assumerez ces responsabilités avec beaucoup de doigté et de compétence, et vous pourrez certainement compter sur mon appui dans l'exécution de vos fonctions.

Je voudrais également profiter de l'occasion pour féliciter, comme on le fait traditionnellement, les motionnaires à la réponse au discours du Trône. Tous les deux représentent un reflet particulier de ce qu'est le Canada. Tous les deux, à leur façon, avec leurs connaissances et leurs capacités respectives, ont fait honneur à leurs électeurs et ont commencé une carrière au Parlement canadien avec beaucoup de brio et je tiens à les féliciter tous les deux.

Je voudrais également me permettre de féliciter le chef de l'opposition qui est non seulement un ami et un confrère de classe, mais un collègue parlementaire, qui, à l'occasion de cette dernière élection fédérale, a remporté un succès électoral personnel très important. Il n'y a aucun doute qu'il a galvanisé une partie de l'opinion québécoise en faveur de son parti, le Bloc québécois, et a obtenu un succès personnel qui dépasse en tout cas tout ce que nous aurions voulu voir se passer au Québec.

Je lui souhaite, dans ses nouvelles responsabilités de député du Parlement du Canada, la sagesse qui lui permettra d'assumer à la fois ses responsabilités face à ceux qui l'ont envoyé ici, mais aussi face à ce rôle qu'il doit assumer de chef de l'opposition et qui va bien au-delà de ses propres aspirations et de ce qu'il voudrait faire ici au Parlement canadien. J'ignore comment il pourra réconcilier ce double mandat, mais je lui souhaite quand même beaucoup de succès dans cette tâche.

Je voudrais également féliciter le chef du Parti réformiste.

[Traduction]

Je pense que c'est remarquable de voir un parti qui n'était que régional à l'origine, représentant les aspirations légitimes de la population de cette région, devenir pour ainsi dire un parti national. Au moment où nous entamons cette nouvelle législature, je tiens à dire à son chef que nous avions l'habitude de voir trois partis nationaux à la Chambre des communes, ce qui respectait l'esprit de notre institution et représentait bien la population. Il arrivait que ces trois partis entrent en lutte pour défendre leurs intérêts respectifs, mais tous trois ont toujours compris l'importance d'un Canada bilingue, et combattu pour défendre cette idée.

J'ai été très heureux d'entendre le chef du Parti réformiste parler français à l'occasion de son premier discours à la Chambre. Je pense que son parti, qui se voulait régional à l'origine, pourrait devenir un véritable parti national sous sa direction. Si cela se produisait, je pense que ce serait bon pour l'unité du Canada et le maintien d'un Canada fort et uni d'un océan à l'autre.


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(1725)

[Français]

Finalement, je voudrais féliciter tous ceux et celles qui ont remporté la dernière élection. Il est évident que les responsabilités que nous avons à titre de parlementaires sont importantes. Mais de passer le test de l'électorat c'est parfois, je dirais toujours, excessivement difficile. Et chacun et chacune d'entre nous mérite évidemment des félicitations pour avoir réussi ce test. Personnellement, je voudrais remercier les électeurs et les électrices de ma circonscription de Papineau-Saint-Michel qui, pour une neuvième fois, m'ont renouvelé leur confiance et me permettent de siéger à nouveau au Parlement du Canada.

Des voix: Bravo!

M. Ouellet: Permettez-moi de me situer par rapport au chef de l'opposition qui s'exprime avec conviction et qui présente, à l'occasion de ce débat, une thèse que je ne peux accepter. Alors que, lui, veut construire, créer un nouveau pays, moi, je veux améliorer le pays que j'ai. Il m'apparaît évident qu'il est tout aussi sincère dans sa démarche que je puisse l'être. Il vient comme moi d'une région rurale du Québec; lui, du lac Saint-Jean, moi, du Bas-Saint-Laurent, de Saint-Pascal-Kamouraska. Mon père était médecin de campagne, mon grand-père était cultivateur. J'ai fait toutes mes études en français. J'ai pu, dans ce pays qui est le mien, obtenir à maintes occasions la confiance et le respect d'une majorité de gens qui ne parlent pas ma langue, qui n'ont pas ma culture et qui n'ont pas les mêmes traditions que j'ai.

Quoique minoritaire, j'ai pu faire mon travail, j'ai pu assumer des responsabilités dans ce pays, sans aucune difficulté. Lui-même est venu à un moment donné assumer des responsabilités très importantes dans un gouvernement canadien. Lui-même a accepté de représenter son pays, le Canada, à l'étranger. On l'appelait même «Excellence» et il acceptait bien ce terme. Or, ce pays est un pays de grande tolérance, de grande compassion, de grandes possibilités pour tous ceux et celles qui veulent bien en profiter.

Le chef de l'opposition est un habile plaideur. Et je l'écoutais développer son argumentation. Je dois dire qu'au passage, il a le sens d'arrondir un peu les événements et de caricaturer la réalité.

Il n'y a aucun doute que lorsqu'il s'est référé à l'Accord du lac Meech et lorsqu'il a parlé des démarches de l'Entente de Charlottetown, pas une fois a-t-il rappelé que le Parti québécois, la maison-mère du Bloc québécois, ne voulait que l'Accord du lac Meech ou que l'Accord de Charlottetown passe. À aucun moment donné! Ceux qui veulent avoir la plénitude des pouvoirs, et j'accepte cette possibilité, j'accepte que des gens puissent vouloir avoir la plénitude des pouvoirs dans un État, dans un pays séparé, indépendant du Canada, mais que l'on ne vienne pas nous faire accroire que l'Accord du lac Meech ou l'Accord de Charlottetown aurait satisfait les gens du Bloc québécois ou les gens du Parti québécois.

(1730)

Donc, que l'on ne vienne pas accuser ceux qui pouvaient être contre l'Accord du lac Meech comme étant des traîtres au Québec. On a dit beaucoup de choses sur le premier ministre qui avait des réticences et des objections à certains aspects de l'Accord du lac Meech.

Or, pourquoi serait-ce plus sérieux pour le premier ministre qui à l'époque était un simple citoyen, M. Chrétien, de s'opposer à l'Accord du lac Meech et d'être moins québécois que M. Parizeau qui lui aussi s'opposait à l'Accord du lac Meech?

En réalité, dans ce débat politique, il est évident que l'on ne s'entendra jamais. Cela fait 30 ans, a rappelé le chef de l'opposition, qu'il y a des gens qui désespérément, année après année, essaient de convaincre les Québécois qu'ils seraient mieux indépendants que dans le Canada.

Or pendant tout ce temps, je rappelle à ceux qui sont ici devant nous, pas ceux des extrémités, mais ceux qui sont au centre ici, qu'ils ont pu profiter du système démocratique, du système fédéral canadien pour faire valoir leur point de vue, pour faire avancer leur argumentation, et cela dans le plus grand respect de la démocratie et dans le plus grand respect des opinions des individus.

C'est une situation exceptionnelle, que l'on ne rencontre pas dans tous les pays du monde. J'écoutais tout à l'heure le chef de l'opposition faire une référence, et c'est lui qui l'a faite, alors je n'en parle que parce que lui-même en a parlé, je prends mes précautions pour ne pas être mal cité par les journalistes, il a dit qu'il y avait un certain nombre de pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est, qui avaient obtenu leur indépendance, leur souveraineté nationale, et pourquoi cela ne serait pas le tour du Québec d'obtenir la sienne. Or, il le sait très bien.

Dans mes fonctions de ministre des Affaires étrangères, je suis allé justement discuter avec des représentants de tous ces pays de l'Europe de l'Est et de l'Europe centrale, à l'occasion de la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe. Et combien de ces gens-qu'ils soient de la Croatie, de la Géorgie, d'autres parties de l'Europe qui viennent d'obtenir leur indépendance-combien de ces gens changeraient leur nouvelle indépendance pour devenir citoyens de la province de Québec dans le Canada? Ils seraient très heureux d'être Canadiens.

Le chef de l'opposition a cette manie de toujours vouloir retourner au référendum de 1981 pour prétendre que le premier ministre à l'époque avait, et je le cite parce que j'ai pris des notes: «mené l'assaut contre le Québec.» Pourquoi aurait-il mené l'assaut contre le Québec? Ce que le député de Saint-Maurice faisait à ce moment-là, c'était de défendre le Canada. Il n'était pas contre le Québec, il était pour le Canada. Aujourd'hui, beaucoup de gens considèrent qu'il est important et utile de défendre le Canada.


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Une autre rondeur dans le texte du chef de l'opposition est celle qui a trait au fait qu'il nous dit que les Québécois finalement pourront se prononcer ou pour le statu quo ou pour la plénitude des pouvoirs dans un prochain référendum. Or, ce n'est pas reconnaître la réalité du fédéralisme canadien que de parler de statu quo. Continuellement le fédéralisme canadien évolue, se transforme par des décisions qui sont prises, et par le gouvernement canadien et par les gouvernements des provinces.

(1735)

Le gouvernement du Québec, au cours des années, a obtenu toute une série de pouvoirs pour assumer pleinement ses responsabilités dans les domaines qui sont de sa compétence et de sa juridiction et des accommodements administratifs ont souvent, dans le passé, permis au Québec d'assumer des responsabilités que d'autres provinces n'assument pas. Or, de parler d'un fédéralisme rigide est tout à fait incorrect, et je pense que ce n'est pas à l'honneur du chef de l'opposition, qui veut avoir un débat rigoureux et solide, que de laisser prétendre que le fédéralisme que nous préconisons est un fédéralisme de statu quo.

Finalement, permettez-moi de dire que, lorsque le chef de l'opposition a cette propension à parler au nom du Québec, il exagère un petit peu son mandat et son rôle. Il ne parle pas pour le Québec. Il peut parler pour des Québécois, mais il ne parle pas pour le Québec.

Tout à l'heure, son raisonnement était de nous dire que la venue de cette cinquantaine de députés du Bloc québécois était parce qu'il y avait une crise politique et une crise économique et que, par conséquent, la mission du Bloc québécois était de tenter de régler la crise économique et, deuxièmement, plus tard, de régler la crise politique par la souveraineté.

Or, il faudra qu'il accepte une chose: si ce qui l'a porté ici avec sa cinquantaine de députés est à la fois la situation économique et la situation politique, il doit donc admettre qu'il y a des gens au Québec qui ont voté pour lui, qui votaient pour lui à cause de la situation économique et qui ne votaient pas pour lui pour son option politique.

Or, les votes qu'il a obtenus, si le propos qu'il nous tenait tout à l'heure tient toujours, il les a obtenus de gens qui étaient désabusés de la maladministration conservatrice, qui voulaient se débarrasser de l'ancien gouvernement conservateur et qui ont voté pour lui plutôt que voter pour nous.

Mais ce faisant, ils ne lui donnaient pas le pouvoir de parler pour la souveraineté et l'indépendance du Québec; ils lui donnaient un mandat de parler des questions économiques.

Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Incroyable!

M. Ouellet: Madame trouve peut-être cela incroyable, mais je vais finir mon exposé en vous disant ceci: Je reconnais que le chef de l'opposition a des responsabilités en cette Chambre et qu'il doit les assumer. Je reconnais d'ailleurs que, lors du discours qu'il a prononcé, il a occupé une très large partie de son intervention à des questions économiques. Or, il n'y a aucun doute que le chef de l'opposition, lorsqu'il parle de la situation économique, lorsqu'il parle du chômage, lorsqu'il parle de mesures sociales, remplit parfaitement son rôle de chef de l'opposition, ce que l'on appelle la loyale opposition.

Quand il assume son manteau de pèlerin de l'indépendance du Québec, il outrepasse carrément son rôle de chef de l'opposition d'un système parlementaire canadien, selon notre Constitution canadienne. Lorsqu'il préconise la sécession du Québec, il va bien plus loin que le rôle normal qui doit être assigné à un chef de l'opposition dont les aspirations sont de devenir le premier ministre du gouvernement légitime et non pas de devenir le chef d'un État indépendant.

(1740)

Or, j'ignore comment il réconciliera ces deux rôles, mais je sais qu'il assume à 100 p. 100 le salaire de chef de l'opposition et qu'il accepte à 100 p. 100 les bénéfices qui accompagnent la fonction. Je lui dirai que dans son discours d'aujourd'hui, comme chef de l'opposition, il n'a gagné que 75 p. 100 de son salaire.

Permettez-moi de dire, en terminant, que le débat que nous devons avoir avec la population canadienne au sujet de l'avenir du Québec est un débat très important. On en a esquissé à peine les modalités lors des discussions de la Commission Bélanger-Campeau. Le chef de l'opposition, d'ailleurs, a fait référence à un texte qui concernait les dédoublements. Or, je lui rappelle et il doit le savoir, que ce texte auquel il a fait référence n'est pas un document préparé par la Commission Bélanger-Campeau. C'est un document qui a été soumis, dont il a été question et auquel on a fait référence à la Commission Bélanger-Campeau. Mais ce n'est pas un travail commandé par la Commission Bélanger-Campeau; c'est un travail qui avait été commandé par M. Claude Morin pour quelques étudiants et professeurs à l'ÉNAP, à Québec. Or, c'est évident que ce n'est pas un document très rigoureux.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, lorsque j'ai entendu le ministre des Affaires étrangères tout à l'heure, dans son long exposé, commenter le discours de mon chef, le chef de l'opposition officielle, j'ai cru être dans un monde irréel. J'ai cru que le ministre n'avait jamais vécu l'histoire du Québec comme du Canada au cours des 15 ou 20 dernières années. J'ai cru que le député de Papineau-Saint-Michel et même son chef n'avaient pas été associés à la nuit des longs couteaux, à l'échec de Meech. J'ai également cru que le député de Papineau-Saint-Michel n'avait pas participé à la Commission Bélanger-Campeau, qu'il n'avait pas compris non plus le message majoritaire des Québécoises et des Québécois qui y ont comparu. J'ai cru que la réponse du 24 septembre 1991, celle de Beaudoin-Dobbie, de Beaudoin-Edwards et l'Accord du 7 juillet, tout comme l'Accord de Charlottetown, lequel fut rejeté massivement par les Québécoises et les Québécois, n'avaient jamais existé. Bref, j'ai cru que je vivais sur une autre planète.

Lorsque j'ai entendu le député de Papineau-Saint-Michel aussi remettre en question la légitimité du vote des Québécoises et des Québécois et la légitimité aussi du Bloc québécois comme opposition officielle, cela m'a donné un indice de la vision du député de Papineau-Saint-Michel face à la démocratie. S'il y a un mérite à accorder au Bloc québécois, monsieur le Président,


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c'est justement-et le premier objectif est atteint-d'avoir ouvert le débat sur l'avenir du Québec et du Canada. Alors, monsieur le Président, j'inviterais le député de Papineau-Saint-Michel à faire preuve d'un peu plus de sens démocratique à l'avenir lorsqu'il parlera du Bloc québécois et de son rôle d'opposition officielle.

M. Ouellet: Monsieur le Président, il me fait plaisir de répondre à l'intervention du député pour lui rappeler que je ne mets pas en doute la légitimité du chef de l'opposition à ce Parlement. Je l'ai félicité d'avoir gagné ses élections et d'avoir amené avec lui une cinquantaine de députés. Ce que j'ai dit, c'est qu'il ne peut pas, une fois qu'il est ici, prétendre qu'il a gagné exclusivement sur la portée de son message politique indépendantiste. Et, à cet égard, j'ai repris un aspect de son discours où il disait lui-même être venu ici parce qu'il y avait un problème économique. Or, des gens ont voté pour lui et pour les candidats du Bloc au Québec non pas à cause de votre message politique, mais à cause de la situation économique. Ce que je n'aime pas que le chef de l'opposition veuille faire, comme il le faisait dans ses propos tout à l'heure, c'est dire que le débat référendaire soit commencé.

(1745)

Or, s'il veut mener le débat référendaire ici même en cette Chambre, il pourra avoir l'occasion de le faire peut-être. Mais ce qui est surtout important, et c'est à cela que je l'invite, c'est d'engager un véritable dialogue sur les tenants et les aboutissants de cette démarche qu'il veut faire. Ce n'est pas Bélanger-Campeau qui a fait cette étude exhaustive. J'ai siégé à cette Commission et j'ai vu à quel point ceux qui y venaient et ceux qui menaient les débats de cette Commission étaient tous dans un sens et essayaient de faire aller vers un seul domaine.

D'ailleurs, ce groupe de supposés non-alignés sont tous en train de s'aligner maintenant pour le Parti québécois, à commencer par M. Campeau et les autres. Donc, il n'y avait pas d'objectivité de la part de ceux qui se déclaraient non-alignés à l'époque.

M. François Langlois (Bellechasse): Monsieur le Président, je voudrais demander à l'honorable député de Papineau-Saint-Michel d'éclairer un peu ma lanterne. Depuis le congrès à l'investiture libérale où l'honorable député de Saint-Maurice a été choisi comme chef du Parti libéral, il a été clairement établi qu'on n'entendrait plus parler de constitution. Cela a été affirmé encore une fois de plus après l'échec de Charlottetown au Canada anglais et au Québec. Cela a été réaffirmé pendant la campagne électorale qu'on n'en entendrait jamais plus parler et qu'on parlerait désormais d'économie.

Or, voilà que pendant tout le temps où vous avez parlé, hormis les quelques secondes de félicitations d'usage, vous n'avez parlé que de constitution. Dois-je comprendre qu'il y a deux courants divergents à l'intérieur du Cabinet et que vous êtes sur le point de voter et d'appuyer la proposition de l'honorable député de Calgary-Sud-Ouest, l'honorable chef du Parti réformiste, à l'effet d'avoir davantage de votes libres? J'ai l'impression que vous vous sentiriez plus à l'aise là-dedans.

M. Ouellet: Je suis très heureux de voir que l'honorable député réagit aux propos que je tiens. C'est tout à fait dans la ligne de ceux qui au Québec ne veulent pas que l'on dise aux Québécois qu'ils sont bien d'être dans le Canada. Chaque fois que quelqu'un rappelle aux Québécois qu'ils ont des avantages à participer à la fédération canadienne, ceux et celles qui veulent l'indépendance du Québec se dressent continuellement pour essayer de faire accroire que les propos que nous tenons sont incohérents et inappropriés. Or, il est certain qu'il faudra avoir un débat éclairé sur les conséquences que peut avoir l'indépendance du Québec.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Ouellet: Je suis très content de voir ces députés applaudir. Je suis très heureux qu'ils soient ici, parce qu'au contact des autres députés du Parlement, ça va leur permettre de sortir de leur patelin; ça va leur permettre d'élargir leurs horizons et de comprendre que dans le Canada il y a de la place, une très large place pour les Québécois qui veulent appartenir à ce beau pays et qui peuvent être respectés au Canada.

M. Plamondon: Monsieur le Président, pouvez-vous me renseigner. Est-ce pour le début de mon discours ou pour des commentaires?

Le vice-président: Il nous reste encore deux minutes de la période des questions et des commentaires.

[M. Louis Plamondon (Richelieu): Je suis donc très heureux de les utiliser pour dire quelques mots à l'honorable ministre qui vient de faire son discours. Quand il dit que nous ne parlons pas au nom des Québécois et des Québécoises, lui, pour qui parle-t-il?

Quand il dit que nous avons reçu beaucoup du fédéralisme, ce que nous avons reçu c'est à coup de bataille contre le fédéralisme. Rappelez-vous la bataille de Jean Lesage; rappelez-vous la bataille de Johnson, le vrai Daniel Johnson; rappelez-vous la bataille de Bertrand. . .

(1750)

Le vice-président: La période de questions et commentaires est maintenant expirée, mais je crois que vous serez le prochain orateur, monsieur le député de Richelieu.

[Traduction]

Je tiens à remercier tous les députés de n'avoir pas voté contre moi, au moment où ma candidature a été proposée. Je n'avais pas porté cette robe depuis 15 ans et je suis heureux de voir qu'elle me va toujours. Pour faire son chemin dans cette enceinte, il faut avoir un nom comme le mien ou celui de mon collègue.

[Français]

Plus sérieusement, je commettrai sûrement des erreurs qui occasionneront quelques problèmes au cours des semaines et des mois à venir, mais je demanderais aux députés de tous les côtés de la Chambre de faire preuve de patience.

Je cède maintenant la parole au député de Richelieu.


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M. Louis Plamondon (Richelieu): Monsieur le Président, vous me permettrez de vous féliciter pour votre élection, de même que le Président en titre et le vice-président des comités pléniers pour les leurs. Je désire vous assurer, comme notre chef vous l'a déjà dit, de notre confiance et de notre collaboration, et je vous assure également de la mienne.

Je voudrais également profiter de mon premier discours pour féliciter le très honorable premier ministre pour son élection. J'aimerais aussi féliciter mon chef, le chef de l'opposition, pour son élection, tout comme le chef du Parti réformiste pour la sienne, de même que tous les députés qui sont ici présents en cette Chambre.

Avant de commencer mon discours, j'aimerais terminer mon commentaire, puisque j'ai la chance de prendre la parole à la suite de la période de questions et commentaires qui a suivi le discours de l'honorable ministre, en lui rappelant également les batailles que nous avons menées contre le fédéralisme pour avoir quelques miettes. Mais qu'il se rappelle aussi que le fédéralisme nous a amené les mesures de guerre, qu'il nous a amené aussi la Constitution de 1982, signée sans le consentement du Québec. J'ai toujours à l'esprit, et c'est une des raisons peut-être pour lesquelles aujourd'hui nous sommes ici si nombreux comme représentants du Bloc québécois, que pendant l'élection, les Québécois vous revoyaient, accompagné du premier ministre, dansant avec la reine d'Angleterre devant le Parlement en 1982, pour fêter l'exclusion du Québec de la Constitution.

C'est ce que vous avez fait. En 1982, vous étiez avec le premier ministre pour fêter l'exclusion du Québec. L'auriez-vous fait si une autre province avait refusé de signer la Constitution? Jamais! Voilà le souvenir qu'avaient les Québécois, et ils avaient hâte de vous le faire savoir par un vote clair et direct.

Monsieur le Président, qu'il me soit permis d'abord de profiter de l'occasion qui m'est offerte pour remercier sincèrement les électeurs et les électrices de ma circonscription de Richelieu qui m'ont, encore une fois, accordé leur confiance lors des élections du 25 octobre dernier.

La circonscription de Richelieu, que j'ai l'honneur de représenter en cette Chambre, s'avère très représentative de l'ensemble du Québec. Non seulement parce qu'elle a voté pour le Bloc québécois à plus de 65 p. 100, mais aussi parce que les gens de mon comté vivent une période économiquement très difficile.

On y retrouve une vie agricole intense, une vie industrielle dynamique, des représentants de la nation abénaquise, des activités portuaires, une richesse culturelle exceptionnelle. On y retrouve Sorel, avec ses 350 ans d'histoire et Nicolet et son Musée des religions. Que l'on parle des belles terres agricoles de Saint-Ours, Sainte-Victoire, Saint-Robert, Saint-Aimé, Baie-du-Febvre, Sainte-Gertrude, et d'autres parties de la belle ville de Bécancour, La Visitation, Saint-Zéphirin, Précieux Sang et Nicolet, des pêcheurs commerciaux de la région de Pierreville et Saint-François, des grandes entreprises sidérurgiques de Sorel et Tracy, ainsi que des entreprises de haute technologie dans le Parc industriel de Bécancour, le plus grand parc industriel du Québec et du Canada. On y retrouve aussi malheureusement, comme au Québec, un taux de chômage anormalement élevé, de même que de graves problèmes sociaux comme la pauvreté et le décrochage scolaire.

J'ai été élu en cette Chambre pour la première fois, le 4 septembre 1984, avec le mandat clair de mes électeurs de travailler pour un vrai changement et de me faire le défenseur de leurs intérêts. À l'occasion du premier discours du Trône du gouvernement conservateur, j'ai eu l'occasion de décrier le gaspillage et le chaos dans lequel nous avaient plongés les 15 ans de régime libéral. L'équipe de Pierre Trudeau, dans laquelle l'actuel premier ministre était un des principaux lieutenants, a légué au Canada une énorme dette, des politiques incohérentes et des chicanes constitutionnelles quasi institutionnalisées.

(1755)

Aujourd'hui, en interchangeant les noms des partis, je pourrais faire en cette Chambre à peu près le même discours qu'en 1984, suite au discours du Trône.

Nous avions l'espoir que les choses changeraient pour le bien des Québécois et des Québécoises et pour celui des gens de Richelieu. Mais non, les choses n'ont pas changé. Les conservateurs ont eux aussi légué aux Québécois et aux Canadiens une montagne de dettes, des politiques incohérentes et un désastre constitutionnel.

Le taux de chômage est toujours alarmant et condamne à l'inaction des milliers de personnes. Nos entreprises ont plus que jamais de la difficulté à se moderniser. Nos agriculteurs devront faire face comme jamais auparavant aux nouvelles réalités du GATT. Nos jeunes manquent de ressources pour partir de nouvelles entreprises. Les inégalités entre les plus démunis et les mieux nantis n'ont cessé de s'agrandir.

Les citoyens de Richelieu partagent également avec les autres Québécois le lourd héritage des vieux partis fédéraux: 46 milliards de déficit, 500 milliards de dettes. Pensez-y: cela représente une maison unifamiliale de 100 000$ pour 5 millions de familles canadiennes.

Les gens de mon comté ont aussi à vivre avec les chevauchements entre Ottawa et Québec dans le domaine de la formation professionnelle, de la santé, de l'éducation, de l'environnement, des communications et de l'aide aux entreprises. Et pour vous donner un autre exemple concret où les Québécois et les Québécoises paient en double, je vous cite l'exemple de l'École de police de Nicolet qui se trouve dans mon comté.

Par exemple, une municipalité comme la ville de Tracy située dans mon comté, qui veut envoyer un de ses policiers se spécialiser en enquêtes criminelles envoie ce policier à l'École de police de Nicolet, mais la ville doit payer le coût de cette spécialisation. Par contre, pour les autres municipalités à travers le Canada, il y a l'Institut canadien de police.

Or les municipalités envoient également leurs policiers se former dans des spécialisations comme les enquêtes criminelles, par exemple, mais dans ce cas-là le gouvernement fédéral défraie entièrement les coûts des programmes. Les Québécois paient 100 p. 100 de la formation, en ce qui regarde la formation spécialisée pour leurs policiers, et paient également 25 p. 100 pour l'Institut canadien, puisque nous sommes 25 p. 100 de la population, 25 p. 100 pour le coût de l'Institut canadien de


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police. Voilà un chevauchement concret que je vis quotidiennement dans mon comté.

Ne serait-il pas plus normal que les sommes consacrées à l'Institut de police canadien, 25 p. 100, soient remises à l'Institut de police de Nicolet, de façon à ce que cet institut puisse offrir gratuitement la formation aux policiers qui veulent se spécialiser comme c'est le cas pour le reste du Canada? Un bel exemple de dédoublements qui coûtent toujours plus chers au Québec qu'au reste du Canada.

Permettez-moi maintenant, monsieur le Président, de vous livrer quelques impressions sur le discours du Trône du gouvernement libéral. Je n'ai à peu près rien entendu dans ce discours qui puisse me rassurer. On n'y retrouve aucune indication claire qui me permette de croire que le gouvernement libéral compte s'attaquer aux vrais problèmes. Au contraire, ils feront la même chose que les conservateurs.

Ce que j'ai retenu de ce discours, c'est qu'on essaie de régler les problèmes des citoyens de mon comté et du Québec avec les mêmes recettes inefficaces des gouvernements précédents.

Pour régler les problèmes, qu'est-ce qu'ils nous proposent? Ils nous proposent aujourd'hui un forum sur la santé, santé d'ailleurs qui est du domaine provincial. Ils proposent également un autre forum sur la politique étrangère.

Et je m'en voudrais de passer sous silence le rapport de la vice-première ministre au sujet du choix du nouveau secrétariat pour la Commission nord-américaine sur l'environnement. Alors que l'on s'attendait à une décision claire qui ferait de Montréal la plaque tournante de l'environnement, qu'est-ce que fait la vice-première ministre responsable du ministère de l'Environnement? Elle mandate une firme privée pour lui faire un rapport.

(1800)

On connaît le genre de mandat que les conservateurs confiaient à leurs amis qui contribuaient à la caisse électorale. Même solution et même manière. Je veux qu'ils sachent que nous serons aux aguets et que nous rappellerons les engagements du Parti libéral en ce qui regarde ce dossier. J'ai hâte de voir combien coûteront toutes ces consultations.

Je rappelle à mes collègues d'en face que le rapport du vérificateur général est très éloquent à ce sujet. D'ailleurs que faisait-on, hier soir, dans la belle ville d'Ottawa, après le discours du Trône? On gaspillait. Que faisaient les libéraux qui avaient promis de diminuer les dépenses? Ils dansaient, déguisés en tuxedo et en robes longues, au bal de l'honorable représentant de Sa Majesté. Ils sont partis danser, eh oui, pendant que les démunis de ma circonscription, les démunis du Manitoba, les démunis de Terre-Neuve étaient devant l'écran de télévision toute la journée, espérant quelque chose du discours du Trône. Ils n'ont presque rien entendu. Ils ont su cependant, que vous partiez danser.

Des voix: Bravo!

M. Plamondon: Ont-ils trouvé une source d'espoir? Non! Caviar, vin, champagne, rien n'était trop beau! Cent dollars par tête peut-être? Neuf cents personnes, 100 000$ peut-être pour un party, alors que les démunis crèvent de faim? Voilà ce que vous avez fait hier soir. Et ma plus grande surprise fut de voir les gens du Reform Party se joindre à ce party. Vous aviez dit en arrivant que l'on couperait partout. Vous avez dit au cireur de souliers, dans le fond, ici, du Parlement, qui gagne à peine 20 000$ par année: C'est trop cher! On vous renvoie au chômage. Mais pour le party, c'était correct pour le party, hier soir, c'était correct. On veut couper le cireur de souliers. Mais on veut lui faire perdre son emploi. On était prêt à discuter même du prix du club sandwich au Parlement. Mais ils étaient tous là à se dandiner au bal du Gouverneur. Les députés du Bloc, eux, ont tenu parole. Ils se sont abstenus de telles dépenses inacceptables.

Notre parti a fait de la relance de l'économie une de ses priorités. Le discours du Trône a peu à dire pour redonner l'espoir aux chômeurs de ma circonscription et à tous ces jeunes qui veulent travailler. Le programme d'infrastructure annoncé par les libéraux ne réglera rien à la situation du chômage structurel. Ce programme ne donnera aucune compétence nouvelle aux travailleurs qui ont besoin de se requalifier pour occuper les emplois de demain. Au contraire! Il faut craindre que sitôt les travaux terminés, les travailleurs et travailleuses ne fassent que retourner au chômage.

Notre parti, monsieur le Président, comme vous le savez, tient à contribuer à effacer la dette du Canada. Le gouvernement libéral refuse systématiquement de s'attaquer aux sources du problème des finances publiques et de procéder à un examen rigoureux de chacun des ministères et organismes fédéraux pour couper dans le gras comme disait notre chef tout à l'heure. Et nous savons à quel point il en reste du gras. J'ai parlé du bal, tout à l'heure. Nous avons encore vu cette semaine des millions de dollars dépensés dans différents ministères fédéraux pour faire des vidéos sur la vie des officiers de l'Armée canadienne, des vidéos sur les mesures de sécurité en planche à voile. Voilà des exemples concrets de gaspillage de fonds publics, et les députés de cette Chambre devront s'acharner à y mettre fin, y compris ceux et celles qui ont mis leurs souliers vernis pour aller danser hier soir au bal du Gouverneur.

Il faut noter que le gouvernement libéral n'a pris aucun engagement pour réformer de façon équitable la fiscalité et pour remettre en question les abris fiscaux telles les fiducies familiales. Il est inacceptable que de riches familles réussissent à mettre leur fortune à l'abri de l'impôt alors que le fardeau fiscal de la classe moyenne ne fait que s'alourdir. Le Bloc québécois se battra en cette Chambre pour faire respecter les principes d'équité dans toute réforme de la fiscalité et des programmes sociaux particulièrement envers les plus démunis de la société.

(1805)

Je dois dire que je m'inquiète grandement aussi de la volonté du gouvernement libéral de moderniser, comme il le dit, et de restructurer les programmes sociaux. Après s'être faits les défenseurs des programmes sociaux lors de la dernière campagne électorale, les libéraux menacent aujourd'hui de changer leur fusil d'épaule et de sabrer dans les filets de protection sociale des Québécois et des Canadiens.


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Le Bloc québécois ne permettra pas que cette réforme se fasse sur le dos des plus démunis, de ceux et celles qui sont les premiers touchés par la situation économique actuelle.

Finalement, le discours du Trône a complètement écarté la promesse du gouvernement libéral de ne pas réduire les paiements de transfert aux provinces. Le gouvernement libéral devra faire face à un bloc de députés décidés à ce que sa réforme des finances publiques ne soit pas pelletée dans la cour des provinces, elles qui ont déjà fait amplement leur part depuis plusieurs années.

Fort du mandat que nous ont accordé les électeurs et les électrices du Québec, nous sommes déterminés à parler en cette Chambre des problèmes des gens et de leur réalité. Mes collègues et moi-même illustrerons dans les prochains mois les multiples échecs du fédéralisme canadien. Et nous le ferons en cette Chambre chaque fois que l'occasion se présentera.

Nous allons parler de la lente agonie des régions du Québec, victimes du centralisme paralysant d'Ottawa et du maintien des gens des régions dans des cercles de dépendance.

Nous allons parler des politiques de relance économique et de développement industriel qui ne décollent pas et qui tournent en rond, victimes de tous ces programmes gouvernementaux incohérents, de tous ces millions de dollars gaspillés à gauche et à droite, sans fil conducteur, sans logique, et surtout sans concertation avec les gens du milieu.

Nous allons parler de ce pays qui croule sous les dettes et qui est incapable de générer les consensus nécessaires pour en venir à bout. Nous démontrerons que l'état lamentable des finances publiques canadiennes est certes l'oeuvre des gouvernements, mais aussi et surtout l'oeuvre d'un système fédéral qui ne peut que conduire à l'impasse.

Nous allons parler de ce pays qui patauge dans l'incohérence et dans la confusion des chevauchements, dont celui de la formation professionnelle, avec plus de 50 programmes et sous-programmes de formation, sans compter des programmes équivalents mis sur pied par les provinces, particulièrement au Québec.

Nous allons dénoncer ce système qui répartit les dépenses créatrices d'emplois de manière inéquitable et à l'intérieur duquel le Québec n'obtient pas sa juste part.

Nous, du Bloc québécois, parlerons abondamment au cours des prochains jours et des prochaines semaines des vrais problèmes. Pour la première fois et pour la dernière sans doute, j'espère, dans l'histoire du Canada, un parti politique incarnant l'espoir d'un véritable changement pour les Québécois et les Québécoises sera présent.

Loin de l'arbitraire et de la partisanerie gouvernementale, le Bloc québécois est ici pour dire haut et fort ce que les vieux partis fédéraux ont toujours empêché le Québec de dire.

Le premier ministre et ses députés peuvent bien essayer d'échapper à la réalité. Leur problème, c'est que devant eux siégeront 54 députés du Bloc québécois qui, fort du mandat que leur ont donné leurs électeurs et leurs électrices du Québec, aborderont les vraies questions, débusqueront les vraies causes et mettront de l'avant de véritables solutions.

C'est avec fermeté, mais aussi avec respect, honnêteté et franchise, sans rancoeur d'aucune sorte, que nous expliquerons à nos collègues du reste du Canada notre vision du Québec de demain, d'un Québec souverain et en pleine possession de tous les outils nécessaires pour assurer son développement.

Parler de constitution, pour nous, ce n'est pas de la philosophie, comme semble le croire le gouvernement libéral. C'est parler de réalités concrètes, c'est parler de l'abolition des chevauchements coûteux et du gaspillage. Nous, du Bloc québécois, insisterons pour que les décisions soient prises par ceux et celles qui auront à vivre avec. Et nous le ferons, conformément au mandat qui nous a été confié par nos électeurs et nos électrices, dans le comté de Richelieu comme dans le reste du Québec, en fonction des intérêts des Québécois et des Québécoises.

Je voudrais remercier à nouveau les gens de mon comté de la confiance qu'ils m'ont accordée et je voudrais leur dire ma fierté de les servir ici, à Ottawa.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, j'ai bien entendu les propos de notre collègue de Richelieu, et je tiens à le féliciter pour sa réélection à la Chambre des communes. Nous nous connaissons, lui et moi, depuis fort longtemps et nous avons siégé ensemble sur plusieurs comités, organismes interparlementaires, etc.

(1810)

Je dois vous dire, monsieur le Président, que j'ai été un peu surpris des propos de notre collègue d'en face. Tantôt, il a dit que dès son arrivée ou presque, en 1984, il avait constaté que le système fédéral faisait défaut et si je reprends ses propos, qu'il y avait un gaspillage énorme.

Pourtant, quelques années plus tard, alors qu'il était député du gouvernement conservateur, son chef actuel, lorsqu'il s'est fait élire, lui aussi à titre de ministre-ministre même avant d'être député de Lac-Saint-Jean, si je me souviens bien-on avait fait pour quelque 25 millions de dollars de promesses lors de l'élection partielle de Lac-Saint-Jean.

Une voix: Pour acheter les électeurs!

M. Boudria: Est-ce que je peux en conclure que le député est maintenant en train d'excuser son chef, en quelque sorte, pour cette élection partielle lorsqu'il est arrivé en cette Chambre quelques années plus tard? Compte tenu de sa dénonciation d'aujourd'hui, comment a-t-il fait pour se faire réélire sous la bannière du Parti progressiste-conservateur en 1988? Comment se fait-il qu'il soit arrivé si tard à cette conversion qu'il nous explique aujourd'hui?

M. Plamondon: Monsieur le Président, je remercie mon honorable confrère de sa question. Effectivement, je suis heureux de le revoir en cette Chambre. J'ai eu l'honneur et le plaisir même de voyager avec lui lors de voyages organisés par l'AIPLF, l'Association internationale des parlementaires de langue française. Ce qu'il nous dit, et je pense qu'effectivement, nous avons siégé comme conservateurs et nous étions plein d'espoir. Oui, mais nous avons compris. C'est toute la différence.


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Je vous dis que ce n'est pas en changeant de parti, blanc bonnet, bonnet blanc, car c'est la même chose. Qu'étaient les libéraux en 1984? Rejetés par la population entière du Canada, de Halifax à Vancouver. Pourquoi? Ils avaient endetté le Canada de presque 200 milliards. Ils avaient complètement abandonné la gestion de l'État. Ils ont été rejetés. Qu'ont fait les conservateurs? Nous avons cru. Oui, j'ai cru et j'ai cru en plus au beau risque, à l'appel que le Québec pourrait entrer dans l'honneur et l'enthousiasme dans la Confédération. J'ai cru aussi à ce beau risque. Je suis venu et là avec des gens aussi capables que l'honorable chef de l'opposition d'aujourd'hui, nous avons tenté de jouer le jeu honnêtement.

Qu'est-ce qui est arrivé avec le gouvernement conservateur de 1984 à 1993? Le même endettement; de 200 milliards, c'est rendu à 400 milliards, et maintenant c'est 500 milliards. Il y avait des problèmes constitutionnels; il y a encore des problèmes constitutionnels. Il y avait des chevauchements, il y a encore des chevauchements.

Là, on revient avec le chef qui est là et le ministre qui a parlé tout à l'heure, ces mêmes personnes qui, en 1984, ont été carrément rejetées. Pourquoi? Parce qu'ils ne savaient pas gérer l'État, ils l'avaient endetté. Dans l'histoire du Canada, qu'est-ce qu'on retiendra du Parti libéral? On retiendra que c'est le parti qui a mis en faillite le Canada et cela, vous en portez tous une responsabilité de siéger sous cette étiquette-là. C'est ce parti-là qui a renversé Joe Clark, rappelez-vous, pour dire «Nous, nous n'augmenterons pas les taxes». Joe Clark avait promis de baisser le déficit de 13 milliards à 10 milliards. Vous l'avez laissé aller à 38 milliards. Vous êtes les premiers responsables. Les conservateurs ont tenté aussi, ils ont raté aussi.

Alors nous avons compris que ce n'est pas le parti, c'est le système qui fait défaut et c'est cela qu'on veut changer.

Des voix: Bravo!

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au député de Richelieu.

J'ai écouté attentivement ses observations et surtout celles de son chef. J'ai aussi prêté une oreille attentive aux interventions des ministériels. Il est intéressant de noter que toutes ces observations ont porté beaucoup sur les sous et bien peu sur les sentiments.

(1815)

Depuis que je suis arrivé à l'âge adulte, j'entends constamment parler de ce débat concernant le Québec et sa place dans la Confédération. Nous allons avoir un débat honnête là-dessus, le député peut le croire, et peu importe que nous finissions gagnants, perdants ou à égalité, nous serons toujours voisins. Au moins, nous aurons eu un débat honnête, nous nous y engageons. J'espère qu'il en sera de même de la part du gouvernement.

Vous avez mentionné que Montréal était de toute évidence la ville où devrait être le secrétariat de l'ALÉNA sur l'environnement. Pouvez-vous me nommer les autres villes canadiennes qui sont dans la course et me dire pourquoi il faudrait retenir Montréal?

[Français]

Le vice-président: J'aimerais rappeler aux députés de bien vouloir adresser leurs questions à la Présidence.

M. Plamondon: Monsieur le Président, pour répondre concrètement à la dernière question, c'est lors de la conférence sur l'ozone qui s'est tenue à Montréal où le maire de Montréal était président de la Conférence sur les problèmes de l'ozone, et à ce moment-là, il avait été convenu que s'il y avait un secrétariat, ce serait à Montréal où avait eu lieu la conférence internationale. C'est dans ce sens-là que des engagements ont été pris et c'est dans ce sens-là que je le rappelais au gouvernement. Et j'ai été surpris de voir que la vice-première ministre, en passant par une étude d'entreprises privées, en donnant un petit contrat à quelqu'un, essayait par la bande de tirer ce centre dans sa propre circonscription, ce qu'on appelle du patronage dans le langage connu habituellement. C'est dans ce sens-là que j'en ai parlé.

Lorsque vous avez parlé tout à l'heure que depuis 30 ans aussi on parle des débats et de la présence du Québec. Nous sommes d'accord avec vous qu'il faut faire un débat et nous sommes certains que ces nouveaux députés du Reform Party apporteront énormément par leur position à la qualité du débat, et nous voulons faire ce débat justement pour arriver à une forme de respect entre les deux peuples fondateurs de ce pays et une nouvelle union économique, mais basée sur deux pays souverains.

[Traduction]

M. Ray Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, je crois que le député de Richelieu s'est laissé emporté par son enthousiasme et qu'il ne voulait pas vraiment dire ce qu'il a dit. Il a toutefois mentionné que tous les députés réformistes étaient chez le Gouverneur général hier soir. Le député aimerait peut-être corriger ses observations aux fins du compte rendu.

[Français]

M. Plamondon: Monsieur le Président, nous étions aussi ex-conservateurs, en somme, si je me rappelle bien, en passant.

Pour répondre à mon honorable confrère, je n'ai jamais souligné le fait que c'était parce que c'était chez le Gouverneur général que je ne voulais pas y aller. C'est parce que je trouve que c'était une dépense exagérée. En période de récession, on aurait pu se contenter, après le discours du Trône, du cocktail que nous avons eu à la Chambre. C'était suffisant, il me semble, comme dépense. Je trouvais que c'était exagéré en une année de récession d'aller encore dépenser un 100$ par tête pour arriver à faire un party comme cela, alors que les démunis en arrachent. C'est dans ce sens-là que je l'ai dit. Mais c'est dans le plus grand


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respect du Gouverneur général qui représente Sa Très Gracieuse Majesté que nous aimons tous.

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, j'aimerais féliciter mon collègue de Richelieu pour la justesse de sa lecture du Québec dans le Canada. Une participation où toutes les fois que le Québec a fait des gains, c'est à coup de batailles contre ce régime désuet et inefficace. Ce Canada n'est plus ce que les fédéralistes décrivent, mais un fiasco que les Québécois voudront bientôt quitter.

En réponse au député de Papineau-Saint-Michel, je lui dis que si les Québécois avaient voté pour le fédéralisme, ils auraient voté pour vous.

(1820)

Et je veux ajouter pour mes collègues libéraux que pendant qu'ils dansaient au bal du Gouverneur, ils pensaient couper dans les programmes de santé.

Le vice-président: Je regrette d'interrompre l'honorable députée, mais votre collègue doit répondre, je pense bien. Il a 30 secondes à sa disposition.

M. Plamondon: Ce sera des mots de remerciement pour ce que vient de dire la députée de Drummond, avec laquelle j'ai d'ailleurs eu l'honneur de souper hier soir. Pendant que les gens étaient au bal du Gouverneur, nous nous sommes rassemblés dans un humble restaurant d'Ottawa en compagnie du député de Charlesbourg. D'ailleurs, nous avons justement parlé de cette gracieuse Majesté, et nous avons dit que peut-être la Chambre aurait dû envoyer un télégramme de sympathie à l'occasion de sa chute de cheval où elle s'est fracturé malheureusement un doigt. En déformation professionnelle, le député de Charlevoix, qui est vétérinaire, me faisait remarquer qu'il était heureux également que le cheval. . .

M. Clifford Lincoln (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, je vous présente d'abord mes hommages au début de votre mandat, et je voudrais féliciter tous les collègues ici de chaque côté de la Chambre, et dire aux députés de l'opposition que j'espère entre nous que nous soyons de vigoureux adversaires, mais jamais des ennemis.

Comme des millions de mes compatriotes, je ne suis pas né au Canada. Je suis venu, jeune, de très loin-en fait des antipodes mêmes-pour donner à ma famille et à mes enfants un horizon d'opportunités et d'ouvertures dont je n'avais pas pu jouir moi-même. L'île Maurice, ou selon son nom officiel, Mauritius, où je suis né, était alors une colonie britannique et il fallait nous exiler en Afrique du Sud ou en Europe pour poursuivre nos études postsecondaires.

Après avoir terminé celles-ci en majeure partie, j'ai choisi le Canada comme pays d'adoption. Le Canada est aussi vaste que l'île Maurice est minuscule. Le climat tropical de l'île Maurice lui donne un soleil et une chaleur presque continuels. Mais hormis ces contrastes géographiques, la toute petite île Maurice et le vaste Canada connaissent des ressemblances étonnantes. Colonie française d'antan, comme le Canada, l'île Maurice allait subir la conquête et la colonisation britanniques. Comme au Canada, l'héritage des langues et des cultures des deux pays fondateurs en est resté. Dans les deux cas, le Parlement est bilingue, le Common Law côtoie le Code civil, et le français s'est maintenu et a même fleuri, à travers et depuis le régime britannique.

J'ai eu la chance de pouvoir jouir dès mon jeune âge des deux cultures, française et anglaise, et de tout l'enrichissement qu'elles peuvent nous apporter. J'ai toujours su, pour en avoir fait l'expérience, qu'il est possible d'apprécier Molière ou Victor Hugo, ou chez nous Gilles Vigneault, et de savourer en même temps Shelley, Shakespeare, ou de nos jours, Hemingway, Margaret Atwood ou Michener.

Pour en avoir fait l'expérience au sein de ma famille, auprès de mes amis et dans mes expériences de vie, j'ai aussi appris que les langues et les cultures, loin de nous séparer, peuvent être de précieux sentiers de rencontre, de réunion, de communion d'idées et d'esprit. Je parle trois langues, puisque aujourd'hui le créole est reconnu comme langue officielle, et combien j'aurais voulu avoir pu absorber de nombreuses autres langues et cultures alors que j'étais tout jeune!

Comme le Canada d'aujourd'hui, quoique l'anglais et le français aient place de choix, l'île Maurice est un vrai carrefour de toutes les religions et de toutes les races les plus diversifiées.

(1825)

Peut-être que la similarité la plus heureuse qui existe entre le tout petit pays et le très grand pays qu'est le Canada, c'est le sens et leur réalité de démocratie pacifique, où les libertés individuelles et les droits de la personne sont des acquis qui revêtent la plus haute valeur et constituent les atouts les plus précieux.

Dès mes premiers pas sur le sol canadien, je me suis senti chez moi ici, je me suis senti à l'aise et en quiétude dans ce pays démocratique entre tous. J'ai vécu quelques années en Colombie-Britannique et je réside depuis 30 ans au Québec, de plein choix.

J'ai eu l'occasion à travers ma carrière de visiter le Canada de long en large, de découvrir petits et grands lacs, villes, villages et campagnes. En même temps, j'ai eu la chance à travers ma vie de connaître beaucoup de parties du monde. J'ai vu l'aube se pointer sur le Zambèze. J'ai vu le soleil pourpre se coucher tout au sud de l'Australie.

Plus je vois et plus je connais d'autres pays du monde, plus j'apprécie d'autres genres et conditions de vie, plus j'apprécie le


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Canada, son climat de paix et de liberté profonde, sa profonde démocratie.

[Traduction]

C'est pourquoi aujourd'hui est un jour très spécial pour moi. Je suis très ému de prendre la parole pour la première fois à la Chambre des communes. Qu'il me soit donné, à moi qui suis venu de si loin, comme d'ailleurs beaucoup d'autres députés, d'avoir la possibilité et le privilège de jouer un rôle direct dans la vie politique de notre pays, témoigne éloquemment de l'ouverture et de la générosité qui caractérisent l'esprit et le mode de vie canadiens.

Il m'est difficile de concevoir que, en théorie, le pays pourrait être coupé en deux, pas en raison de divergences profondes sur les valeurs et sur les idéaux de justice et de démocratie que nous partageons tous, mais principalement en raison de la langue et de la culture.

J'ai peine à croire que nous, Canadiens anglophones et Canadiens francophones, qui partageons un territoire et une histoire depuis deux siècles et demi, qui partageons aussi les rigueurs et également la beauté de notre vaste territoire, mais, par-dessus tout, nous qui nous sommes constitué un ensemble de valeurs communes, nous qui avons partagé des expériences, nous qui avons un même mode de vie, un système politique démocratique et un système de justice où les libertés fondamentales ont toujours pu éclore, j'ai peine à croire que nous pourrions choisir de démolir notre héritage commun parce que certains d'entre nous vivent en français et d'autres vivent en anglais.

[Français]

Je respecte profondément le choix des Québécois d'avoir opté pour une représentation majoritaire par un parti qui promouvoit l'indépendance du Québec. Cependant, tout en respectant ce choix, je suis tout à fait convaincu qu'il apportera des résultats fort différents de ceux que mes collègues du Bloc québécois se sont tracés comme objectif primordial.

En effet, leur présence même, ici, est à mon sens le témoignage le plus vivant, le plus éloquent de la grandeur et de la valeur démocratique du Canada. En effet, combien de pays de notre monde seraient si profondément démocratiques qu'ils accueilleraient en toute liberté, en toute paix et avec tant de sérénité, en leur parlement principal, des partis destinés à leur déstabilisation, voire à leur démantèlement? Oui, vous, collègues du Bloc québécois, vous êtes la preuve la plus frappante de la valeur démocratique du Canada et de ses qualités d'ouverture et de profonde liberté.

(1830)

[Traduction]

À l'aube du XXIe siècle, je suis fier d'appartenir à un parti dont le mandat, à une étape cruciale de notre histoire, consiste à rétablir la confiance des Canadiens dans notre système politique, à leur redonner espoir en l'avenir, à respecter la vérité, l'équité et l'intégrité, et, avant tout, à protéger la fédération canadienne, son intégrité territoriale et ses valeurs.

Si les Canadiens font maintenant preuve d'un tel niveau de cynisme et de méfiance envers nos propres institutions et notre capacité collective d'améliorer notre sort, si tant de mes compatriotes québécois font preuve d'esprit paroissial en se repliant sur le séparatisme, c'est parce que nos institutions les ont déçus, parce qu'elles n'ont pas comblé leurs attentes raisonnables.

Puisque notre parti est le seul parti véritablement national représenté à la Chambre, notre responsabilité est très simple: il s'agit de sauvegarder l'intégrité du pays pour montrer aux Canadiens que leurs institutions peuvent vraiment améliorer leur sort.

En exposant les bases du programme du gouvernement libéral, le discours du Trône vient confirmer les engagements que nous avons pris pendant la campagne électorale de remettre le Canada sur la voie de la reprise et de la création d'emplois après plusieurs années d'une récession économique accompagnée de chômage.

Mais le discours du Trône va beaucoup plus loin. Il veut rétablir l'intégrité, l'honnêteté et la gestion responsable dans la conduite de nos affaires. Il exhorte le gouvernement à donner un exemple bien réel et aussi symbolique du genre de discipline qu'il demande aux autres. Il faut donner à nouveau espoir à nos jeunes, si dynamiques et de plus en plus qualifiés, mais dont un grand nombre désespère de trouver ce premier emploi qui sera le début d'une carrière enrichissante. Il s'adresse spécialement à nos aînés et aux membres défavorisés de notre société en assurant le maintien de notre filet de sécurité sociale, créé et enrichi par les gouvernements libéraux qui se sont succédé au fil des décennies.

Il propose une nouvelle conception des régimes d'assurance-chômage et d'assistance sociale qui, grâce à des programmes de formation et d'autres programmes positifs et constructifs, rendront espoir et dignité aux chômeurs et à leurs familles. Il assurera une place mieux définie aux femmes et aux membres des minorités. Je suis très fier de voir dans nos rangs un si grand nombre de femmes et de représentants des minorités. Le discours du Trône constitue certainement en outre la reconnaissance des aspirations de nos premières nations qui veulent assumer leurs propres modes de vie au Canada.

Il importe de noter qu'il reconfirme le statut de nos deux langues officielles en tant qu'expression précieuse de la fondation et de l'évolution du Canada comme pays équitable. En parlant de création d'emplois et de relance économique, le programme électoral de notre parti a mis le cap vers une société en quête de développement durable, un objectif que nous devrions tous appuyer sans égard à notre appartenance politique.

Nous ne pouvons plus accepter une société de gaspillage où la consommation effrénée entraîne une dégradation inutile des écosystèmes et des ressources naturelles qui sont indispensables au soutien de la vie et des êtres vivants. Nous ne pouvons plus tolérer le pillage des vastes ressources dont nous bénéficions et dont nous sommes les gardiens.

[Français]

Nous devons commencer à vivre et à produire différemment, respectant l'intégrité des écosystèmes et leur capacité de se maintenir et de se renouveler. Dans un monde plus conscient de l'équité globale, d'une répartition plus équitable des richesses entre pays riches et pays pauvres, nous ne pouvons continuer à consommer énergie et ressources au taux effréné où nous l'avons fait en Amérique du Nord durant le demi-siècle qui s'achève.


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Si nous voulons continuer à être pris au sérieux sur l'échiquier mondial comme apôtres du développement durable, nous devons faire les preuves chez nous d'une société durable, intégrant ses préoccupations et ses objectifs environnementaux au sein même de ses objectifs et de ses pratiques de gouvernance. Je me réjouis des nombreux pas que compte faire notre gouvernement au cours de son mandat pour assurer l'intégration des préoccupations environnementales au sein d'une gestion saine des choses de l'État.

(1835)

Pendant les deux dernières années, j'ai eu le privilège d'être associé de très près avec les Algonquins du lac Barrière, dans le cadre d'un projet trilatéral de gestion intégrée des ressources dans le Parc de la Vérendrye. Cette expérience dynamique entre toutes, sans doute la première du genre au Canada, tout en renforçant mes convictions environnementales, m'a démontré une fois encore qu'il est possible de réconcilier la protection des écosystèmes et nos façons de faire et d'agir. Puis-je souligner combien nous pourrions apprendre à ce sujet de nos compatriotes des Premières nations.

[Traduction]

Le respect et l'amour que les Algonquins du lac Barrière et d'autres premières nations éprouvent pour la Terre, notre mère, sont une leçon troublante pour nous tous, une leçon que je trouve particulièrement émouvante et inspirante.

[Français]

Parmi les ressources les plus précieuses dont nous sommes fiduciaires au Canada, sont les réserves en eau parmi les plus riches au monde. Le célèbre homme de sciences canadien, le Dr Joseph MacInnis, me disait l'autre jour qu'au cours d'une conversation avec l'éminent président du National Geographic, Gilbert Grosvenor, celui-ci lui confiait que cette publication de renommée internationale allait faire de l'eau sa grande priorité du XXIexx siècle.

[Traduction]

Nous avons accès au plus vaste bassin hydrographique d'eaux douces du monde: le bassin du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Ce bassin contient 80 p. 100 des réserves d'eaux douces totales de l'Amérique du Nord et 20 p. 100 des réserves d'eaux douces mondiales.

L'eau sera un élément capital dans le nouvel âge, le XXIe siècle et au-delà. Pour vous donner une idée de notre degré de dépendance envers l'eau du Saint-Laurent et des Grands Lacs, nous prélevons tous les jours dans l'écosystème, des deux côtés de la frontière, 655 milliards de gallons d'eau, soit l'équivalent de 2,5 billions de litres. Si on déversait toute cette eau dans des superwagons-citernes, on obtiendrait l'équivalent de 19 millions de wagons-citernes de 34 000 gallons chacun. Mis bout à bout, ces wagons couvriraient une distance de plus de 237 000 milles, soit 9,5 fois la circonférence de la Terre à l'Équateur.

On a dit, dans les milieux scientifiques et écologiques, que le bassin des Grands Lacs pourrait exercer une très forte attraction pour la population au XXIe siècle. L'ouest et le sud-ouest du continent étant en train de s'assécher et la nappe souterraine étant presque épuisée dans certaines régions, il est fort possible qu'on assiste à une migration en masse des populations vers le nord à la recherche de cette ressource essentielle et vitale que constitue l'eau.

Il va sans dire que nous devrons gérer ce bassin bien mieux que par le passé afin de répondre aux besoins de nos nombreux concitoyens qui choisiront de profiter de cette ressource inestimable.

Nous devrons faire beaucoup mieux que maintenant.Les données montrent qu'en 1990 nous avons déversé, dans les Grands Lacs, 7 millions de gallons de pétrole, 80 000 livres de plomb, sans parler des 1 900 livres de BPC et des 1 000 livres de mercure.

Nous devons tendre vers l'édification de cette nouvelle société durable à l'aide d'une stratégie industrielle non polluante qui comprendrait un programme binational d'assainissement du bassin du Saint-Laurent et des Grands Lacs, où demeure et travaille la plus grande partie de notre population.

(1840)

[Français]

Je ne peux m'empêcher de me demander si les Joliette, Marquette et de La Salle seraient satisfaits aujourd'hui de voir certains d'entre nous abandonner l'héritage des grands horizons qu'il nous ont tracés. J'espère qu'au cours de ce mandat nous saurons convaincre les représentants du Bloc québécois et leurs adhérents que ce vaste héritage canadien que nous avons bâti ensemble est un héritage qui représente trop de valeurs communes, trop d'efforts communs pour le sacrifier si légèrement.

[Traduction]

Je termine mon premier discours dans cette enceinte en priant que l'unité canadienne soit maintenue et que le Canada fleurisse au XXIe siècle et au-delà, que nos grandes traditions de démocratie, de paix et de liberté continuent de marquer nos vies à tous, dans l'unité.

Vive le Canada. Et que le Québec, son histoire immensément fière et riche et sa contribution soient toujours une composante importante et vibrante du Canada.

Des voix: Bravo!

[Français]

M. René Laurin (Joliette): Madame la Présidente, je suis fier d'avoir l'occasion de faire quelques commentaires sur la dernière intervention de l'honorable député de Lachine-Lac-Saint-Louis, parce qu'il me fournit l'occasion de rétablir certains faits historiques.


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L'honorable député de Lachine-Lac-Saint-Louis a fait son histoire, nous rappelant que l'île Maurice et le Canada avaient eu une évolution semblable, et que, pour lui, il était important que le Canada maintienne aujourd'hui cette réputation de terre de liberté, comme l'île Maurice a su la maintenir. Mais il faut se rappeler que le Québec, avant d'adhérer à la fédération canadienne, était aussi un pays de liberté, était aussi un pays de croyance, de respect de l'ordre établi, de respect des hommes et des femmes, de respect de la famille, de respect des valeurs fondamentales et traditionnelles qui avaient fait des Québécois, peuple issu d'une francophonie, un peuple noble et fier de ses origines.

Les Québécois, lorsqu'ils ont décidé d'adhérer à la fédération canadienne, ne l'ont pas décidé parce qu'ils croyaient se donner de nouvelles valeurs fondamentales qu'ils n'avaient pas; les Québécois ont décidé d'entrer dans la fédération canadienne parce qu'ils voulaient développer des valeurs qu'ils avaient déjà et qu'ils voulaient partager avec un autre peuple: le Canada anglophone.

Alors les Québécois, aujourd'hui, lorsqu'ils pensent à une autre façon de vivre, ce n'est pas parce qu'ils en veulent à leurs partenaires de 1867, ce n'est pas parce qu'ils méprisent le peuple anglophone, c'est parce qu'ils craignent le système dans lequel ils ont accepté de vivre depuis cette époque. Ils craignent maintenant que ce système ne leur permette plus de sauvegarder le droit de parole, les libertés fondamentales, les traditions et la culture qui leur sont propres. Ils craignent que cette fédération canadienne désormais ne soit plus capable de les maintenir, de maintenir cet héritage qu'ils ont reçu non pas de la fédération canadienne, mais de leurs pairs, bien avant la fédération canadienne.

(1845)

Pourquoi le député croit-il que si le Québec devenait souverain demain matin il n'aurait plus ces libertés?

Pourquoi croit-il que le Québec en étant souverain demain matin ne bénéficierait pas des mêmes privilèges? Est-ce que dans son esprit la fédération canadienne est la seule gardienne des droits fondamentaux du Québec et que sans elle le Québec n'a plus d'avenir sur ces valeurs fondamentales? J'aimerais entendre le député de Lachine-Lac-Saint-Louis commenter un peu plus à fond là-dessus parce que je ne crois pas que ces valeurs ont été données aux Québécois en vertu de la fédération canadienne, c'étaient des valeurs qu'ils possédaient déjà avant notre union.

M. Lincoln: Je ne sais pas où le député a trouvé que j'ai même mis en cause le fait que les Québécois avant l'union canadienne n'avaient pas de libertés fondamentales, le sens de la famille et les grandes valeurs. Je ne l'ai jamais dit. Tout ce que j'ai pris comme position, c'est que depuis deux siècles et demi presque nous sommes ensemble. Nous avons choisi de plein gré de part et d'autre, peuple de langue française et de langue anglaise, de nous joindre ensemble à la fédération canadienne. C'est de la même façon que les gens de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique et d'ailleurs se sont joints à la fédération canadienne. Cela ne veut pas dire qu'avant il n'y avait pas de libertés fondamentales. Mais, ensemble, nous avons bâti un pays qui fait l'envie de beaucoup de peuples à cause même de son sens de liberté et de démocratie, que j'explique encore plus par votre présence ici. C'est vraiment formidable que cela se passe comme cela. C'est vraiment formidable que j'aie des collègues qui viennent de toutes les parties du monde ici, qui sont en pleine liberté, que moi-même, né ailleurs, je sois ici, Canadien, Québécois, fier de l'être et, dans le cadre canadien, de pouvoir jouir d'une plénitude de liberté qui fait l'envie des autres pays du monde.

Je ne dis pas que si c'est le choix démocratique des Québécois qui ne veulent pas choisir d'aller de leur côté, que les libertés fondamentales vont par le fait même se désagréger, je n'ai jamais dit cela. Je n'en ai jamais parlé. Ce que j'ai voulu dire, c'est que nous avons ici, que nous avons bâti ensemble quelque chose de beaucoup plus grand, qui voit beaucoup plus loin que d'aller se refermer entre nos murs, faire quelque chose qui, justement, va nier la réalité des gens comme mon collègue de Beauséjour qui, lui aussi, est francophone et qui veut appartenir à cette grande famille francophone au sein du Canada.

C'est pourquoi il faut continuer à lutter pour l'idée de ces pionniers qui voyaient beaucoup plus loin que les frontières du Québec. Le Saint-Laurent, c'est sûrement l'expression même de la culture de l'histoire du Québec. Mais pourquoi est-ce que les Québécois n'auraient pas droit aussi aux Grands Lacs? Et pourquoi est-ce que les Canadiens des Grands Lacs n'auraient pas le droit aussi au Saint-Laurent? C'est cela ma théorie. Les libertés vont continuer à exister, je suis sûr au Québec comme ailleurs, mais j'espère qu'elles vont continuer à exister dans un cadre beaucoup plus grand et beaucoup plus vivant que le Canada. C'est pourquoi, moi, je vais me battre très dur pour que cela continue de cette façon.

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac): Madame la Présidente, j'ai connu l'honorable député de Lachine-Lac-Saint-Louis au moment où il oeuvrait à l'Assemblée nationale. Je l'avais rencontré à Lac-Mégantic, une ville située pas tellement loin de ma circonscription. J'avais jasé avec lui et j'avais cru m'apercevoir que l'honorable député de Lachine-Lac-Saint-Louis avait des intérêts profonds pour le Québec. Il était à l'époque ministre de l'Environnement. Ma déception, dans son allocution de tout à l'heure, c'est qu'il a abordé l'environnement qui devrait être une préoccupation de chaque instant, surtout pour un ex-ministre de l'Environnement à l'Assemblée nationale. Il n'a abordé l'environnement que du bout des lèvres.

(1850)

Madame la Présidente, ma question est de savoir si l'honorable député de Lachine-Lac-Saint-Louis, qui est l'adjoint de la ministre de l'Environnement, va insister pour que Montréal, parce que c'était une entente suite au Sommet de Rio, avec le maire de Montréal, donc, le député va-t-il insister pour que le Centre de coopération environnementale de l'ALENA soit fixé à Montréal?


59

M. Lincoln: Tout d'abord, madame la Présidente, avec tout le respect et la courtoisie que je dois au député avec qui j'ai eu des contacts souvent très cordiaux, je pense qu'il ne devrait pas être réellement présent, en esprit du moins, lorsque j'ai lu mon discours, parce que la moitié du discours parlait d'environnement.

J'ai parlé de la protection des écosystèmes, d'une différente façon de vivre, des ressources en eau. Le gros de mon discours portait sur l'environnement. Alors je m'excuse s'il n'a pas écouté, mais je pourrais lui transmettre une copie avec grand plaisir.

Pour ce qui est de votre seconde question, vous savez nous sommes ici un parti tout à fait démocratique. On a un caucus et on a des façons de faire qui sont tout à fait démocratiques.

[Traduction]

Mme Deborah Grey (Beaver River): Madame la Présidente, je veux d'abord vous féliciter de votre nomination. Je vous souhaite bonne chance. Dans l'exercice de mes fonctions de députée, je vous ai côtoyée pendant un mandat; aussi, vous pouvez compter sur mon appui et sur celui de mon parti. Nous ferons tout notre possible pour vous aider à vous acquitter de vos fonctions au fauteuil.

Je veux aussi féliciter les autres vice-présidents qui ont été nommés et le Président de la Chambre qui a été élu l'autre jour. À mon avis, c'est là un signe que la présente législature sera sans précédent dans l'histoire du Canada. Alors qu'il ne restait plus que deux noms sur le bulletin de vote, qui d'entre nous aurait pu, sans être mathématicien, imaginer que le cinquième tour ne serait pas le dernier et que nous devions revenir pour un autre tour?

En lisant les journaux d'hier, j'ai appris que c'est grâce à moi seule que M. Gilbert Parent s'est vu confier la présidence. Cela a piqué ma curiosité et m'a étonnée. On m'a demandé si j'avais bel et bien fait pression sur les députés de mon parti pour qu'ils appuient ce candidat et si j'avais exercé mes talents de persuasion à cet effet.

Je voudrais que tout le monde sache que si j'avais vraiment utilisé mes talents de persuasion, le tout se serait terminé en trois tours et non pas au bout de six. Félicitations. Un travail excitant, certes, mais très important vous attend. Vous et tous les autres qui assumerez la présidence pourrez compter sur notre collaboration.

Je voudrais aussi remercier sincèrement les électeurs de la circonscription de Beaver River. Comme vous le savez, je représente cette circonscription à la Chambre depuis mars 1989. J'ai été présente ici pendant presque toute la durée du dernier mandat. Durant la campagne de 1993, notre slogan invitait les électeurs de Beaver River à réitérer l'exploit. Évidemment, notre circonscription avait une chance unique de s'illustrer dans l'histoire canadienne en réélisant une députée réformiste.

Je veux simplement dire que mon travail à titre de députée fédérale de Beaver River c'est d'être au service des électeurs qui ont jugé bon de me réélire. Je suis fière et très honorée qu'ils m'aient à nouveau choisie pour les représenter. Je suis également très heureuse que la part des suffrages que j'ai obtenue soit passée de 50 p. 100 en 1989 à un peu moins de 60 p. 100 en 1993. Comme devraient le savoir tous les députés, le jour du scrutin nous n'avons qu'une seule voix à exprimer et ce n'est pas nous qui sommes responsables de notre présence ici ce soir, mais bien les électeurs qui nous ont fait confiance. Nous savons qu'ils souhaitent un changement.

Permettez-moi encore de remercier la population de Beaver River, cet extraordinaire microcosme du Canada. Même s'il y fait un peu froid ce soir, c'est une région qui compte de merveilleuses richesses agricoles, pétrolières et naturelles. L'agriculture et l'industrie pétrolière sont deux importants secteurs d'activité de la circonscription de Beaver River. Malheureusement, le discours du Trône que j'ai examiné à fond reste muet sur l'un et l'autre.

Il y a des lacunes, mais nous nous emploierons à ce qu'elles soient comblées, car il s'agit d'industries et de ressources importantes pour ma circonscription et de nombreuses autres régions du Canada.

(1855)

J'aimerais également féliciter le premier ministre et les nombreux députés qui ont été réélus à la Chambre. C'est fantastique! Comme vous le savez, il y a eu certains changements importants. Il y a parmi nous de nouveaux visages. Bienvenue à ceux et celles qui ont été réélus et félicitations à ceux et celles dont c'est le premier mandat. C'est formidable de voir tant de nouveaux visages. Je suis ravie.

Quand la Chambre a été dissoute en juin, nombre de mes collègues de la dernière législature m'ont témoigné leur amitié, et je leur en suis reconnaissante. «Deborah, m'ont-ils dit, quand tu vas quitter la Chambre à la fin juin, vois si tu peux te faire des amis.» Madame la Présidente, je puis vous assurer ce soir que des amis, je m'en suis fait, tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel.

Pour commencer, je me suis mariée cet été. Le 7 août exactement. J'ai épousé Lewis Larson.

Des voix: Bravo!

Mme Grey: Quelqu'un a fait remarquer à notre mariage que les risques d'être frappé par la foudre après l'âge de quarante ans étaient plus grands que les chances de se marier pour la première fois. Nous faisons donc l'histoire canadienne jusqu'au bout. C'était absolument merveilleux!

Ce que j'apprécie par-dessus tout chez mon partenaire, c'est de pouvoir compter sur son appui quand je rentre le soir à la maison. Il est pour moi la personne la plus importante. Quant aux amis, j'ai tout fait pour en trouver et, à mon avis, j'ai assez bien réussi. D'un caucus d'une personne, je suis devenue une personne d'un caucus. Ce que je préfère nettement. C'est vraiment fantastique!

Merci encore de l'appui que vous m'avez manifesté jusqu'ici à la Chambre. Je me réjouis à l'idée que nous allons travailler ensemble.

Sans plus attendre, je tiens à rendre hommage au député de Kamloops. Je signale-la vie nous réserve de ces surprises!-que j'ai réchauffé son siège et qu'il a réchauffé le mien. Voilà que notre jeu de la chaise musicale est terminé et j'en suis fort aise. J'espère qu'il apprécie le confort du siège que j'ai réchauffé pour lui pendant des années.


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Madame la Présidente, passons maintenant au discours du Trône. Voyons ce qui va et ce qui ne va pas dans cet exposé. Il y a peut-être quelques lacunes. Mais je ne vais pas me lancer dans une critique acerbe.

Nous sommes tous ici pour une seule raison, quelle que soit notre allégeance politique, quelle que soit notre vision des choses. En dépit des opinions qui nous séparent, nous souhaitons tous, je crois, que le Canada devienne un pays où il fait bon vivre. C'est pour cette raison que nous sommes ici, car laissez-moi vous dire que faire la navette entre sa circonscription et Ottawa n'est pas une partie de plaisir.

Or, ce discours révèle-c'est son thème central-que la principale préoccupation de tous les Canadiens, c'est l'insécurité économique. Les gens en ont assez des taxes et des impôts élevés; ils craignent pour leurs programmes sociaux; ils ont peur de se trouver sans emploi véritable.

L'insécurité économique dont souffrent les Canadiens est liée, bien entendu, à bien des facteurs, aussi bien nationaux que mondiaux. Certes, il se peut qu'on ne puisse pas faire grand-chose à l'échelle internationale, mais nous disposons de bien des moyens pour redresser la situation économique de notre pays. Parmi les principaux moyens, mentionnons le contrôle que nous pourrions exercer sur nos politiques fiscales et de dépenses.

Malheureusement pour les Canadiens, nous avons peut-être eu au cours des vingt dernières années un gouvernement trop imposant. Les gouvernements, aussi bien libéraux que conservateurs, ont trop dépensé, trop taxé et trop emprunté.

Ne nous chamaillons pas. Je me rappelle bien les insultes qui pleuvaient de part et d'autre lorsque je siégeais avec les députés de l'autre côté de la Chambre. Les conservateurs ont dit que les libéraux leur avaient légué la dette.

Eh bien, je ne veux pas que ces scènes se reproduisent. Certains de mes collègues de ce côté-ci diront: Les conservateurs. . . Cela importe peu aux Canadiens. Ce qu'ils veulent, c'est que nous nous sortions de cette dette. Ils ne cherchent pas à savoir qui nous a mis dans ce pétrin. Nous voulons nous en sortir et, de ce côté-ci de la Chambre, nous ferons de notre mieux pour mettre les politiques en oeuvre et pour appuyer le gouvernement lorsqu'il proposera des mesures législatives. Ainsi, nous pourrons commencer à nous en sortir, sans nous préoccuper de savoir qui nous a mis dans le pétrin. Nous devons avant toute chose nous efforcer de nous en sortir.

Nous devons briser le cycle des dépenses, des emprunts et des impôts. Quel changement rafraîchissant ce serait si nous, parlementaires, pouvions dire: Oui, nous croyons qu'il faut dépenser moins et emprunter moins. À longue échéance, nous aurions la garantie d'être moins taxés. Je pense que les Canadiens appuieraient cela de tout coeur.

Nous sommes conscients que le déficit annuel dépasse maintenant 5 p. 100 du PIB. Le gouvernement a promis de le réduire à 3 p. 100 durant son mandat.

(1900)

C'est là une noble cause et nous nous en réjouissons, mais assurons-nous qu'il ne s'agit là que du premier pas, car 3 p. 100 du PIB représente toujours un déficit annuel de bien plus de 25 milliards de dollars. Nous nous enfoncerons encore davantage si nous nous contentons de cela.

Mettons-nous d'accord pour que le gouvernement réduise le déficit annuel à 3 p. 100 du PIB, mais qu'il s'agisse là uniquement du premier pas ou de la première étape. Il faudra ensuite que nous équilibrions rapidement notre budget, pour que nous puissions rattraper nos retards et commencer à rembourser la dette proprement dite.

Nous avons parlé en long et en large de ce bourbier dans lequel nous a placés la dette et nous voulons nous assurer qu'en cette trente-cinquième législature, les Canadiens voient en nous des hommes et des femmes capables de faire certaines suggestions.

Je suis heureuse de constater que mon parti compte maintenant des spécialistes de l'économie. Je leur laisse la responsabilité de ces questions. C'est merveilleux, parce que cela me permet de leur confier cette tâche et de les laisser s'occuper des détails en ce qui concerne les chiffres et les philosophies, en matière d'économie. Je tiens à dire, cependant, que nous devons réformer l'économie de ce pays. Le ministre des Finances le sait parfaitement, tout comme bon nombre des simples députés libéraux que je connais et avec lesquels je me suis entretenue.

Toujours en ce qui concerne l'économie, nous devons trouver une solution au régime de retraite des parlementaires. Vous me voyez aujourd'hui seule députée de mon parti à avoir droit, à ce stade, à une pension en tant que députée. Je parle du régime de pension des députés ouvertement, avec la ferme intention que nous ne nous contentions pas seulement d'en parler pour sauver les apparences, mais pour que nous y apportions des réformes importantes qui vont vraiment faire une différence. Nous devons veiller à ce que ce régime s'aligne davantage sur le régime de retraite du secteur privé et à ce que notre poste ne nous donne pas droit à une pension ridiculement élevée à laquelle aucun autre Canadien n'aurait droit.

Ce régime existe depuis que je suis née, en 1952. Il a constamment pris de l'importance, beaucoup trop même. On pourrait presque parler, si je puis m'exprimer ainsi, de corruption, les personnes qui occupent ces postes pouvant profiter d'un programme qui n'est pas juste, sur le plan actuariel. Il est, en fait, trois ou quatre fois plus élevé que les autres régimes de retraite.

Attaquons-nous ensemble à ce problème. Les gens ne veulent pas que leurs députés soient mal payés. Nous avons appris cela au cours de la campagne électorale. Les gens ne veulent pas que leurs députés soient laissés pour compte à la fin de leur carrière. Laissez-nous seulement nous assurer que tout soit bien conforme d'un point de vue actuariel, afin que notre pension ne soit pas


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plus extravagante que celle de la moyenne des Canadiens. Je crois que la population serait favorable à une telle mesure.

Je suis sûre que mon caucus sera d'accord pour que, lorsque ces amendements seront présentés et que nous examinerons le projet de loi, on ne se contente pas de retoucher le régime de pension des députés pour les apparences. Faisons des changements substantiels, afin qu'on puisse dire que ce gouvernement et ces partis d'opposition, à la Chambre, ont réellement pesé dans la balance en changeant effectivement la politique de notre pays, comme ils s'y étaient engagés.

Qu'en est-il de la réforme de notre institution? Le Parlement doit-il être réformé? Oui, il a besoin de réformes. Madame la Présidente, vous savez comme moi, puisque vous y étiez également, qu'on a eu recours littéralement des dizaines de fois à la clôture et aux limites de temps, à la dernière législature. Permettez-moi de promettre encore une fois aux ministériels, qui étaient assis à mes côtés à la dernière session, qu'ils peuvent compter sur moi pour les surveiller et leur faire des suggestions. Je sais que beaucoup de ministériels se préoccupent aussi de cette question et qu'on pourra se fier à leurs conseils pour faire en sorte qu'on n'invoque pas à outrance la clôture, l'attribution de temps et autres choses du même acabit.

Voyons aussi à changer notre comportement et à assurer le respect du décorum à la Chambre. La trente-quatrième législature et le déclenchement des trente-cinquièmes élections ont amené la population canadienne à servir un grave avertissement à tous ceux qui se présentaient comme députés: si les députés ne peuvent se comporter aussi bien que nous dans nos salles de conseil, nos salles de classe et nos maisons, nous allons voir à faire changer les choses. Et ils y ont vu.

N'allez pas croire un seul instant, vous qui êtes confortablement assis ici aujourd'hui, qu'il nous épargneront quand notre tour viendra, si notre comportement ne change pas et si le décorum n'est pas mieux respecté à la Chambre.

J'apprécie grandement que nous n'ayons pas eu de prises de bec au cours de nos premiers jours de séance. Quelle que soit la cause qui éveille notre passion, il faudra toujours nous témoigner les uns aux autres la dignité et le respect auxquels chacun d'entre nous avait droit dans la vie privée et continue d'avoir droit sur la scène publique.

(1905)

Il y a à Ottawa un spectre qui est sans doute plus présent à la Chambre que n'importe où ailleurs dans cette ville ou au Canada. Ce spectre nous inspire aux uns et aux autres des paroles comme: «J'ai réussi! J'ai été réélu, certains d'entre nous sont nouveaux.» Ce spectre qui s'infiltre au Parlement nous fait croire qu'il n'y a rien de plus important que l'ego. Souvenons-nous tous, pourtant que notre ego ne nous a pas conduits ici mais qu'il peut nous en faire partir bien plus vite que nous ne pouvons l'imaginer.

N'oublions jamais que nous sommes venus ici pour servir. Il ne suffit pas de se le dire pour la forme, encore devons-nous croire fermement que nous sommes les serviteurs de ceux qui nous ont élus et envoyés ici. Je crois que le spectre de l'ego a depuis longtemps créé un précédent dans cette Chambre, mais comme le disait plus tôt le chef de mon parti, nous ferons en sorte de supprimer ce précédent. Je suis impatiente de le faire.

Faisons disparaître ce précédent de l'ego. Faisons en sorte que les nouveaux partis, les nouveaux députés qui sont si nombreux, le nouveau Président répudient ce spectre d'Ottawa qui s'est infiltré dans cette Chambre. Chassons-le une fois pour toutes. Nous ferions certainement forte impression auprès du public canadien. Quel changement rafraîchissant! Méfions-nous du spectre d'Ottawa. Méfions-nous de ce spectre qui s'infiltre dans cette Chambre. Faisons en sorte de nous comporter comme il se doit pour des serviteurs. Plus que tout autre Parlement auparavant, nous avons l'occasion de repartir à zéro, de faire table rase et de faire de ce Parlement une assemblée plus efficace, plus démocratique et plus libre.

Faisons en sorte que les votes libres à la Chambre le soient de fait et pas seulement en apparence. Durant la dernière législature, il y a eu quelques scrutins libres, mais malheureusement le public n'a vu que les députés voter à la télévision. Pour ma part, j'ai pu voir les whips ou d'autres essayer d'influencer le vote de tel ou tel député. Assurons-nous que s'il doit y avoir des votes libres, les députés puissent vraiment voter librement. Ce sera la façon la plus rapide de débarrasser la Chambre de son spectre. Le public canadien y serait tout à fait sensible.

Que penser des députés qui jouissent de la protection de leurs fonctions durant toute la durée de mandat d'un gouvernement majoritaire? Ceux qui nous ont envoyés ici devraient pouvoir faire comme les actionnaires d'une société qui peuvent relancer les membres du conseil d'administration s'ils sont mécontents. Ceux d'entre nous qui ne feraient pas bien leur travail devraient rendre des comptes à la population. J'ai déjà présenté et je présente encore une fois mon projet de loi d'initiative parlementaire sur la révocation des députés. Ouvrons les portes du Parlement et faisons en sorte que le spectre de la sécurité d'emploi nous talonne de si près que nous soyons irréprochables. Aucun directeur de société ne doit avoir une sécurité d'emploi totale. Faisons, nous aussi, preuve d'ouverture.

Je suis heureuse d'appuyer le sous-amendement sur lequel nous voterons demain. Nous ne pouvons nous permettre de nous opposer à un sous-amendement qui vise à limiter les dépenses. Nous ne pouvons nous permettre de laisser la réforme parlementaire nous échapper et nous contenter de faire à ce sujet de beaux discours auxquels nous ne donnerions pas suite. Nous ferions piètre figure si nous devions renoncer par défaut dès le début de la trente-cinquième législature.

Je voudrais maintenant conclure par un simple mot d'encouragement pour nous tous, peu importe notre parti et nos opinions politiques. Ce faisant, je rends aussi hommage au regretté sénateur Stan Waters, que bon nombre d'entre nous connaissions et que je considérais vraiment comme un ami. C'était d'ailleurs le seul allié que je comptais à la Chambre en 1990. Stan a toujours soutenu que, lorsqu'on avait décidé d'aller quelque part, il fallait vaincre les obstacles sans jamais s'arrêter.


62

J'invite tous les députés, de tous les partis, peu importe leur allégeance, à adopter le but que je leur présente et qui consiste à améliorer le Canada, à en faire un pays dont nous serons fiers, de sorte que nous pourrons rentrer dans nos circonscriptions et dire: «Je suis député et j'en suis fier.» Nous aurons alors effectué un grand changement. Il nous faut sans cesse avancer.

(1910)

[Français]

[M. Peter Adams (Peterborough): Madame la Présidente, je tiens également à vous féliciter pour votre élection. Je suis fier de représenter la circonscription de Peterborough.

[Traduction]

J'ignore combien de députés apprécient cette soirée autant que moi. Voilà deux ou trois jours que j'observe ce qui se passe. Les députés doivent remarquer que la lumière n'est plus la même. L'atmosphère s'est détendue et, pendant cette discussion sur les graves difficultés économiques que nous éprouvons et sur l'avenir de notre grand pays, le débat a pris une tournure beaucoup plus personelle.

Nous avons commencé à échanger des renseignements sur nos circonscriptions, ce qui nous permet de mieux connaître les endroits dont nous venons tous. Nous avons commencé à échanger des renseignements personnels. La députée de Beaver River nous a parlé de son récent mariage, par exemple.

D'après moi, c'est peut-être dans ce genre de circonstances, et non lorsque la tribune des journalistes est remplie, qu'il est vraiment possible de faire avancer les travaux qui comptent au Parlement.

Ma circonscription de Peterborough est souvent considérée comme un microcosme de l'Ontario, un peu comme celle de Lac-Saint-Jean peut être vue comme un microcosme du Québec. Ma circonscription a été très durement touchée par la récession. Par contre, les grandes richesses culturelles et économiques permettent un grand optimisme. Je voudrais que les gens d'en face le sachent.

Pour ma part, comme bien des Canadiens aujourd'hui, je suis un immigrant. Je ne suis pas né au Canada. En fait, ma famille vient du pays de Galles. Les députés seront peut-être intéressés d'apprendre que le gallois date de beaucoup plus longtemps encore que le français ou l'anglais. C'est une langue d'au moins 3 000 ans qui a très peu changé et qui reste encore bien vivante aujourd'hui. La culture est très solide au pays de Galles. Dans ce tout petit pays, il y a 600 000 personnes qui parlent gallois et qui sont très fiers de leur patrimoine. J'en suis personnellement très fier, tout comme je suis très fier d'être Canadien et de représenter la circonscription de Peterborough.

Le débat porte aujourd'hui sur la revitalisation de notre économie et sur notre avenir. Je voudrais que tous les députés sachent que, même au creux de la récession qui a frappé si durement la population de Peterborough, les électeurs m'ont chargé de revitaliser l'économie et de renforcer le Canada. C'est ce que je compte faire.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les observations de ma collègue de Beaver River. Pendant la dernière session, je siégeais de l'autre côté de la Chambre et j'ai souvent eu l'occasion, comme le font tous les députés, de discuter de façon informelle avec la députée.

Je ne voudrais pas que les Canadiens croient que ce n'est que depuis l'arrivée du nouveau Parlement que les députés des divers partis tissent des liens d'amitié. Les députés ont toujours eu l'occasion de faire connaissance et de s'entraider, même s'ils ne partagent pas toujours la même opinion sur certains sujets.

En passant, je voudrais féliciter la députée et lui offrir, à elle et à son mari, mes meilleurs voeux pour leur mariage.

(1915)

Je voudrais poser à la députée une question au sujet de la révocation des députés et des votes libres. Je préconise fermement l'augmentation des votes libres. En fait, même la mère des Parlements tient beaucoup plus de votes libres que nous. Les projets de loi d'initiative ministérielle sont souvent rejetés par les membres du parti ministériel, ce qui ne signifie pas pour autant que le gouvernement tombe et que des élections sont déclenchées. Au fil des ans, nous avons grandement déformé cette convention au Canada.

Cependant, en augmentant le nombre de votes libres, nous accroîtrons l'influence des lobbyistes. Je suis d'avis que la camaraderie qui règne ici a souvent permis de consolider les liens entre parlementaires et de combattre l'influence exercée par les lobbyistes.

La députée ne croit-elle pas, comme moi, que si nous augmentons le nombre de votes libres, il nous faudra aussi resserrer les règles régissant la conduite et l'enregistrement des lobbyistes au Canada?

Enfin, je voudrais poser à la députée une question sur la révocation des députés et donner mon avis à ce sujet. Je ne partage pas l'opinion de ma collègue. J'ai été élu pour prendre des décisions au nom de mes électeurs et, aux prochaines élections, je pourrai dire que j'ai toujours tenu compte de leurs opinions. J'aurai à répondre non pas de la position que j'ai prise au sujet d'une seule question, mais de toutes les décisions que j'aurai prises en tant que député. Après tout, si j'avais voté à l'encontre de l'opinion de mes électeurs au sujet de l'avortement ou de sujets semblables, comme la peine capitale, je n'aurais pas été réélu avec une majorité relativement confortable.

Je ferai remarquer à ma collègue que je crois beaucoup en la philosophie d'Edmund Burke dans ce domaine, à savoir que nous sommes élus d'abord pour défendre nos électeurs, c'est vrai, mais aussi pour défendre l'ensemble de notre pays et nos prises de position antérieures. Sinon, nous représenterons toujours la majorité et jamais la minorité au sein de notre circonscription.


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Mme Grey: Madame la Présidente, permettez-moi d'utiliser le temps qui reste pour remercier mon collègue, le député de Glengarry-Prescott-Russell, pour ses observations, et pour parler brièvement du vote libre.

Oui, il est fort possible que cela fasse la partie belle aux lobbyistes. Assurons-nous donc, comme le dit mon collègue, de resserrer une partie de la réglementation. Peut-être devrions-nous aller même jusqu'à priver les groupes de pression du financement du gouvernement. Nous pourrions être étonnés du nombre de lobbyistes qui laisseraient alors tomber.

Le député et moi-même avons participé l'an dernier à une émission de télévision qui portait sur les pensions des députés et là non plus, nous n'étions pas d'accord. J'ai l'impression que j'ai plus de chances que lui d'avoir l'appui des Canadiens à cet égard. Je n'en respecte pas moins son opinion.

En ce qui concerne la révocation des députés, il est facile pour un député de dire qu'il a été élu et qu'il peut donc faire comme bon lui semble. N'oublions pas que notre présence ici peut se justifier de trois façons. Il y d'abord la théorie selon laquelle un député a été élu ici pour faire ce qu'il croit nécessaire. Ensuite, il y a le modèle de la délégation selon lequel les électeurs ont confiance que leur député fera pour le mieux et jugent de ses réalisations aux élections suivantes. Enfin, et je crois que c'est la plus saine, il y a la notion de député-fiduciaire qui a la confiance de ses électeurs, qui fait de son mieux mais qui s'assure de prendre à l'occasion le pouls de sa circonscription. Il n'est pas autorisé à disparaître à Ottawa en croyant avoir le mandat de faire à sa guise.

Il faut agir avec beaucoup de prudence à cet égard. Il importe aussi que nous ayons confiance dans le bon sens des gens qui nous ont élus pour que la notion de révocation des députés veuille dire quelque chose. Si c'est clair et que nous faisons preuve de transparence avec nos électeurs, cela semble alléger la tension et ils voient que nous faisons tout au moins preuve de bonne volonté.

(1920)

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke): Madame la Présidente, je tiens à féliciter le député de Lachine-Lac-Saint-Louis pour son excellent discours de cet après-midi, de même que la députée de Beaver River qui, je peux le dire, est une très bonne personne. L'hiver dernier, lorsque j'ai été hospitalisé, elle m'a écrit une très belle lettre, comme l'ont fait beaucoup d'autres députés des deux côtés de la Chambre. Je leur en suis reconnaissant.

Madame la Présidente, je vous félicite pour votre poste. Je suis très heureux de vous voir occuper le fauteuil. Bien sûr, j'aurai probablement l'occasion de féliciter le Président en personne. Je voudrais également féliciter les deux autres suppléants du Président.

En écoutant le débat de cet après-midi sur la possibilité d'une scission du Canada, j'ai été tellement déprimé que j'ai jeté la majeure partie de mes notes. Par conséquent, mes paroles de ce soir proviendront du fond de mon coeur. Cela ne veut pas dire que ce n'était pas le cas de mes notes.

S'ils pensent à ce qu'il a fallu de travail et d'effort humain, de négociation et de souplesse pour faire du Canada ce qu'il est aujourd'hui, je crois que tous les députés et, en fait, tous les Canadiens, feront preuve de souplesse et se mettront dans la tête que des ponts peuvent être jetés entre les êtres humains comme ils peuvent être jetés sur les rivières. Nous devons commencer à construire ces ponts entre les personnes et entre les régions du Canada, que ce soit l'Est, l'Ouest, le Centre, l'Ontario, le Québec, l'Atlantique et le reste. Au début de cette trente-cinquième législature, il est très important que nous réfléchissions à la direction que nous allons prendre.

Au départ, je veux dire que je ne peux pas exprimer mes sentiments avec autant de conviction et de sincérité que je l'aimerais parce que peu importe où je me trouve au Canada, je m'y sens chez moi. J'espère que tous les Canadiens, sans exception, se sentent comme moi.

Lorsque je prends la parole devant des groupes chargés de développement, qu'il s'agisse de chambres de commerce, de conseils municipaux, de conseils de comtés ou de conseils régionaux, je leur fais toujours comprendre l'importance de sourire aux gens dans la rue et de leur dire bonjour. Il est très important de souhaiter la bienvenue aux gens qui arrivent dans votre collectivité. Il s'agit de briser la glace.

Je crois que l'on observe de plus en plus qu'une partie du Canada fait preuve de froideur envers l'autre partie. Tout d'abord, nous ne devons pas perdre de vue que nos ancêtres ont édifié la nation. Ils l'ont fait à force de labeur et de détermination. Pouvez-vous vous imaginer le travail qu'il a fallu pour construire le premier chemin de fer qui a traversé notre nation et pourquoi ce chemin de fer a été construit? Cela s'est fait pour créer des liens économiques, et sociaux aussi sans aucun doute, entre les différentes régions du pays.

J'ai ici les chiffres sur l'immigration au Canada de 1852 à 1972. Ils tracent l'histoire de l'immigration dans l'ouest du Canada. Ils donnent aussi l'image des premiers jours de l'immigration en Ontario, au Québec, parce que je ne veux pas dire le Canada central, et dans les provinces atlantiques. Nous avons au Canada un précieux patrimoine, constitué non seulement d'objets matériels, mais aussi de croyances, de conceptions de la vie et d'attitudes qui nous ont été transmises d'une génération à l'autre.

(1925)

J'écoutais cet après-midi l'honorable chef du Parti réformiste qui exposait certains points de vue parce qu'il vient d'une autre région du pays. Je les respecte. Je respecte certains des points de vue exprimés par l'opposition. Je ne puis dire que je les approuve, mais on a le droit de les exprimer ici à la Chambre ou n'importe où ailleurs au Canada. Nous devons finir par tenir un


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véritable débat en profondeur, et en toute franchise, sur notre pays. Nous ne pouvons pas continuer à ergoter sans cesse sur la question de savoir si nous maintiendrons ou non l'unité nationale.

Nous déplorons aujourd'hui un grand nombre de chômeurs d'un bout à l'autre du pays. Ils veulent des emplois. Le citoyen ordinaire veut avoir du pain sur sa table. Il veut avoir la dignité d'être un citoyen à part entière ayant un rôle à jouer dans la société. Il préférerait de beaucoup payer des impôts plutôt que de toucher des prestations d'aide sociale. Il nous incombe à nous tous ici au Parlement et dans chacune des assemblées législatives du pays de penser aux chômeurs, de penser au développement à venir du Canada, de ce pays qui a été bâti par des hommes de la trempe de George Étienne Cartier, de Baldwin et de Lafontaine, des hommes qui ont eu la flexibilité nécessaire pour comprendre le point de vue d'autrui, discuter et finir par en arriver à une entente.

Voilà le grand sujet de débat auquel nous devrons nous attaquer au cours de la présente législature, monsieur le Président. Nous, les Canadiens, allons-nous continuer de nous chamailler et d'entretenir la mésentente sur les questions d'unité nationale, alors que si nous cherchions vraiment à nous comprendre les uns les autres, nous pourrions garder le pays uni et faire du Canada un des pays les meilleurs de la terre. Il y a des tas de gens dans d'autres parties du monde qui donneraient ce qu'ils ont de plus précieux pour vivre chez nous aujourd'hui.

Nous avons non seulement l'obligation envers les Canadiens de créer des emplois, mais également celle d'encourager la recherche et le développement, de nous mettre à la tâche dans l'intérêt des habitants des diverses régions du pays. Les transports revêtent une importance énorme pour notre pays. Il y a tellement de problèmes auxquels nous faisons face aujourd'hui, notamment le déficit annuel de 46 milliards de dollars et la dette de 500 milliards de dollars.

J'invite et j'exhorte tous les députés à la Chambre à s'attaquer à la tâche que nos ancêtres voudraient nous voir poursuivre, c'est-à-dire bâtir le Canada, comme ils se sont échinés à le faire en y consacrant toutes leurs énergies. Ils avaient une vision du Canada; ne la perdons pas. Le Canada est l'un des pays qui jouit aujourd'hui de la meilleure cote d'amour dans le monde. Les habitants des autres pays doivent se demander ce qui se passe chez nous. À nous voir nous disputer entre nous, ils doivent se demander si nous allons faire éclater le pays ou non. J'éprouve pour notre pays un sentiment d'attachement si profond que je ne puis m'empêcher de mettre mes notes de côté ce soir pour exprimer les vifs sentiments que je ressens à ce sujet.

Nous avons un pays qui n'est pas complètement développé. Il y en a qui parlent comme si nous étions un pays complètement développé. Or nous pouvons créer des emplois en faisant la promotion du tourisme chez nous. Au Canada, le secteur touristique est pour ainsi dire inexploité. Nous avons certaines des meilleures vues dans notre pays. Rappelez-vous en. Depuis la construction des édifices du Parlement en 1859, des êtres exceptionnels sont passés à la Chambre, et certains des élus ici présents occupent aujourd'hui leurs fauteuils. J'invite donc les députés à suivre leur exemple et à témoigner à leur pays autant de sincérité et de dévouement que l'ont fait leurs prédécesseurs au fil des ans.

(1930)

J'ai ici la liste des premiers ministres. Les gens croient qu'il y a beaucoup de tumulte au Parlement de nos jours. Prenez le hansard et lisez le compte rendu de certains débats sur le libre-échange qui ont eu lieu durant la campagne électorale de 1911. Lisez le compte rendu des débats qui ont eu lieu à la Chambre en 1917, relativement à la conscription. Cette question a presque déchiré le pays. Cela posait un épouvantable cas de conscience aux Canadiens.

Il y a quelques années, quelqu'un m'a dit que, à l'époque, il y avait un bar dans les coulisses ministérielles et dans celles de l'opposition et que les débats se poursuivaient toute la nuit. Imaginez à quel point ils devaient être animés!

C'est là le genre d'événements qui se sont produits ici. Notre pays n'est pas vieux. Il est très jeune. Il ne faut pas s'étonner, je suppose, d'assister occasionnellement à des débats sur l'unité nationale. Je le répète, si l'on songe à la construction du chemin de fer, il faut aussi penser à ceux qui ont immigré au Canada et qui ont traversé notre pays en train. Certains, à leur descente du bateau, se sont installés à Montréal. La voie maritime du Saint-Laurent est l'une des voies navigables les plus extraordinaires dont un continent puisse être doté. Croyez-moi, nous pouvons vivre et prospérer ensemble.

Si nous conjuguons nos efforts pour favoriser l'essor du Canada et que notre objectif durant la présente législature est la création d'emplois, nous pourrons à nouveau rendre les Canadiens heureux d'un océan à l'autre. Le Canada mérite d'être préservé. Le monde entier le sait. À mon avis, nous devons acquérir cette conviction. Notre pays recèle d'extraordinaires talents.

J'ai des amis partout au Québec. J'en ai dans toutes les régions de l'Atlantique. Comme bon nombre d'entre vous peut-être, j'ai, dans l'Ouest du Canada, des parents que je n'ai jamais vus. Je suis allé dans les territoires du Nord. C'est ainsi que l'on construit des ponts. Il nous faut découvrir notre pays et sa population. Nous devons respecter les gens des régions éloignées. Nous ne gagnerons leur respect que si nous travaillons vraiment en leur nom et que si nous nous employons à leur assurer un avenir meilleur.

Il faut respecter les gens de cultures différentes et les êtres humains du monde entier. L'espoir et la dignité devraient marquer l'actuelle législature.

(1935)

Je suis d'accord avec le député de Glengarry-Prescott-Russell pour dire que, aux yeux des électeurs, tout le monde se querellait au cours des dernières législatures. Je puis vous dire que, pendant toutes mes années ici, je me suis fait beaucoup d'excellents amis de part et d'autre de la Chambre, et j'ai même gardé le contact avec certains jusqu'à aujourd'hui. Vous ferez de même.

Les 205 nouveaux députés voient s'offrir à eu une occasion exceptionnelle sur le plan personnel. Vous vous ferez des amis des deux côtés de la Chambre. Vous constaterez que ces gens ont dû travailler aussi fort que vous pour se faire élire. Ils ont eux aussi de bonnes idées pour le Parlement et pour le Canada. Vous apprendrez à vous respecter les uns les autres.


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À tous ceux qui siègent maintenant à la Chambre, je dis que l'occasion est belle pour faire preuve de souplesse et jeter des bases afin de pouvoir aider les Canadiens. Ils y a des gens qui en arrachent. Rappelons-nous. Les trois grands secteurs qui, à l'époque coloniale, ont permis d'édifier notre pays étaient les pêches, les forêts et l'agriculture. Les trois sont aujourd'hui en proie à de graves difficultés, et notre compassion va vers ceux qui se battent pour survivre, gagner leur subsistance et bâtir quelque chose.

Au fil des ans, le Canada s'est beaucoup développé et nous sommes devenus un pays très responsable. Je suis allé à Dieppe pour un anniversaire, et je n'arrivais pas à en croire mes yeux. C'était la première fois que je voyais ça: une plage étroite, dominée par des falaises abruptes, avec des ouvertures jusqu'en haut où étaient nichées des mitraillettes et des pièces d'artillerie lourde. On a envoyé ces pauvres Canadiens de l'autre côté de la Manche pour attaquer Dieppe. Il n'est pas nécessaire d'avoir bien de l'imagination pour remettre en question le ou les officiers supérieurs qui ont pris cette décision. Le Canada doit avoir davantage voix au chapitre dans l'organisation des missions confiées aux troupes canadiennes, que ce soit dans le cadre de fonctions de maintien de la paix ou, Dieu nous en préserve, en temps de guerre.

Pensez aux jeunes gens qui ont combattu sous les drapeaux pendant la Première Guerre mondiale. Des dizaines de milliers d'entre eux sont morts. Ils n'ont pas eu la chance de vivre dans notre pays, de siéger au Parlement. Vingt et un an plus tard, la Seconde Guerre mondiale a fauché encore la fine fleur de la jeunesse canadienne, qui gît en terre étrangère. Ils se sont battus pour le Canada. Ils se sont battus pour la paix dans le monde. Ils se sont battus pour la liberté. Ils voulaient un monde libre. Aujourd'hui, en leur mémoire, le moins que nous puissions faire, c'est faire preuve d'un peu de flexibilité et d'une véritable amitié d'un bout à l'autre du pays pour lequel ils se sont battus, sont morts, ont été blessés ou sont revenus hantés par d'horribles cauchemars causés par leur expérience.

Ce sont là les quelques pensées qui me sont venues à l'esprit en écoutant le débat d'aujourd'hui. Je n'ai pas parlé de la teneur du discours du Trône, qui constitue un excellent coup d'envoi. Je dois dire que je me souviens du discours dans ses moindres détails, comme les autres députés ministériels et ceux de l'opposition. J'ai lu le livre rouge dont on trouve des éléments dans le discours du Trône, et ce n'est qu'un début. En tant que parlementaires, nous devons gagner le respect des Canadiens en remplissant nos promesses. Nous ne réussirons sans doute pas sur toute la ligne. Nous n'aurons pas une moyenne de 100 p. 100. Mais le fait est que si nous avons un objectif à atteindre, nous réussirons bien mieux que si nous n'en avons pas au départ.

(1940)

Le seul fait que vous ayez été élus députés montre que vous avez certaines qualités qui ont plu à vos électeurs. Je vous demande donc d'entretenir de bonnes relations avec nous tous. J'ai l'esprit ouvert. Je donnerai la main à quiconque dans cette enceinte veut discuter d'une question, que je sois complètement en désaccord ou non avec lui.

Cependant, il faut penser à une chose. Nous voulons remettre les Canadiens au travail et nous voulons continuer d'édifier ce grand pays pour lequel nos aïeux ont combattu et ont tellement souffert.

[Français]

M. René Canuel (Matapédia-Matane): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement le député et j'ai été un peu ému. Il a parlé avec son coeur. Je trouve cela beau, sauf qu'on ne bâtit pas un pays uniquement avec un coeur, il y a la raison. Il a parlé de créer des ponts. Il a parlé d'un train d'un océan à l'autre, et c'est vrai, sauf que chez moi, dans mon comté, Matapédia-Matane, le train ne vient que difficilement. L'an passé, nous avons été obligés de faire des pressions énormes pour qu'il puisse venir chez nous.

Il y a eu le lac Meech, où certains avec de la bonne volonté ont voulu créer ces ponts. Cinq petites conditions, cinq demandes et M. Bourassa disait «c'est minimal». Il avait parfaitement raison. Il est vrai que le pays est vaste, est grand, mais nous sommes deux peuples fondateurs qui chez nous se retrouvent mal d'un océan à l'autre.

Vous avez parlé également d'emploi. Dans mon comté de Matapédia-Matane, nous sommes un des comtés les plus pauvres au Canada. Le taux de chômage est effarant. Je vais vous poser cette question: Vous avez parlé également tantôt de forêt, d'agriculture. Dans le discours du Trône, je n'ai pas vu une seule ligne où on parlait des ressources naturelles, à savoir mines, énergie, eau et forêt. Pouvez-vous m'expliquer cela? Si on veut bâtir quelque chose et surtout créer des emplois.

[Traduction]

M. Hopkins: Monsieur le Président, je suis vraiment à même de comprendre le problème de transport du député. Comble de l'ironie, on m'a donné ma carte d'abonnement le jour où j'ai été assermenté et je n'ai pas accès à un train de voyageurs.

Le député a parlé des deux peuples fondateurs. Je lui signale que, depuis les débuts de la colonie, comme je l'ai rappelé dans mon discours, des gens ont collaboré bien avant la Confédération au rapprochement de deux peuples fondateurs. La Confédération elle-même a été créée pour protéger la langue, la religion et la culture des Québécois. Voilà en bonne partie la raison d'être du régime fédéral.

(1945)

Le député a évoqué les taux de pauvreté élevés. Il y a des régions du Canada où les taux de pauvreté sont élevés, et c'est un peu le cas dans ma circonscription. Je sais de quoi je parle.

Nous allons créer des emplois. Nous allons mettre en oeuvre des mesures efficaces. Nous n'allons pas renoncer à certaines initiatives sous le prétexte que ce n'est pas dans le programme. Si cela concerne les emplois, si cela est créateur d'emplois, nous l'adopterons.


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Le député a parlé de la mesure du discours du Trône touchant les forêts. Il le sait, les forêts relèvent des provinces. Toutefois, personne plus que moi-je ne devrais pas parler ainsi parce qu'il y a tellement de membres de mon caucus qui pensent comme moi-ne souhaite la conclusion d'accords fédéraux sur l'exploitation forestière, comme par le passé.

Nous avons traité nos forêts sans ménagement, nous n'avons pas su les bien gérer. Nous devons commencer par le reboisement. Quelques institutions s'en occupent déjà. Elles font du bon boulot. Les compétences ne manquent pas dans ce domaine. De plus, c'est un secteur créateur d'emplois. Pour amener les gens à préparer nos forêts pour l'avenir, il nous faudra avoir une vue d'ensemble de nos ressources naturelles. Il nous faudra également travailler en collaboration avec les provinces dans plusieurs secteurs connexes.

Voilà pourquoi nous avons mis l'accent sur nos relations avec les provinces dans le livre rouge que nous avons présenté au moment des élections et nous continuerons de le faire tous les jours où nous siégerons ici. C'est très important, si nous voulons créer des emplois pour les Canadiens et avoir de bons rapports avec les gouvernements des différentes provinces, quelle que soit leur affiliation politique. Comme le député l'a mentionné, nous pouvons les aider à protéger les ressources naturelles comme les forêts. Il est également important que nous protégions notre agriculture. Le Canada est en effet le seul des 117 pays membres du GATT à croire encore à la gestion de l'offre.

Il est difficile de signer un accord avec soi-même. Or, le Canada est le seul pays à croire encore à la gestion de l'offre. Donc, la seule solution, c'est d'imposer des droits de douane élevés afin de protéger notre système de gestion de l'offre. Nous avons essayé de le faire. Généralement, nous nous en sortons avec un accord relativement satisfaisant quand on pense aux avantages substantiels que vont procurer à notre pays les autres secteurs de l'économie affectés par le GATT.

Je me ferai certes un plaisir de m'entretenir avec le député quand il le voudra. Je suis sûr qu'il existe là un terrain commun qui nous permettra de nouer des liens d'amitié et de discuter sérieusement de cette question. Je l'invite à me rencontrer. Nous sommes ici pour un certain temps. Nous allons apprendre à aimer cet endroit où nous essayons de défendre les intérêts des Canadiens. Les intérêts des gens qui nous ont élus pour les représenter à Ottawa.

J'ai remarqué ces quelques dernières années que, bien souvent, les gens dont le but primordial était de voir leur photo en première page ou de passer à la télévision chaque soir de la semaine n'étaient pas réélus. Ils passaient tellement de temps à se mettre en valeur qu'ils oubliaient totalement les gens qui les avaient élus pour les représenter à Ottawa.

Je me réjouirai d'avoir une conversation privée avec le député.

(1950)

M. Jean H. Leroux (Shefford): Monsieur le Président, j'ai écouté les propos du député et je dois avouer à la Chambre que j'ai été ému par son nationalisme et profondément touché par sa vision du Canada. Je dois dire, monsieur le Président, que cette partie du monde est vraiment un endroit où il fait bon vivre, un endroit qui offre de nombreux débouchés. Le Canada a toujours été un pays démocratique.

Il est temps, je pense, que tous les Canadiens se rendent compte de la nécessité d'aller de l'avant et de laisser les Québécois fonctionner comme ils l'entendent.

Comme je l'ai mentionné, je suis d'accord sur tout ce que le député a dit à propos de notre pays. Voyons maintenant si nous pouvons vivre en harmonie. À mon avis, c'est possible. Si je siège aujourd'hui à la Chambre aux côtés de mes collègues du Québec et d'autres régions du Canada, c'est précisément pour prendre position et décider de l'avenir dans le meilleur intérêt du Canada et du Québec.

[Français]

M. Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, compte tenu de l'heure, me serait-il possible d'obtenir d'ores et déjà, avant d'entreprendre mon intervention, le consentement unanime de cette Chambre comme l'oblige notre Règlement pour que je puisse poursuivre quelques minutes après l'heure normalement prévue pour l'ajournement?

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre a entendu la demande de l'honorable député de Roberval. Lui accorde-t-elle son consentement unanime afin qu'il puisse poursuivre au-delà de 20 heures, qui est l'heure normale d'ajournement?

[Traduction]

Des voix: D'accord.

M. Gauthier (Roberval): Merci beaucoup, monsieur le Président. Dans l'esprit de cette nouvelle législature, . . .

Le président suppléant (M. Kilger): Pardon. Je m'excuse de ne pas avoir accordé la parole au député comme il se doit. Le député de Regina-Lumsden.

M. Solomon: Monsieur le Président, en ce qui a trait à la demande de consentement unanime, dans l'esprit de coopération qui anime cette nouvelle législature et au nom des députés du Nouveau Parti démocratique, c'est avec plaisir que je donne le consentement de cette partie de la Chambre.

Le président suppléant (M. Kilger): Il y a consentement unanime.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord remercier tous mes collègues qui ont accepté de donner ce consentement unanime pour que ma première intervention dans cette Chambre ne soit pas interrompue.

C'est toujours un moment extrêmement impressionnant pour un nouveau parlementaire que de prendre la parole devant une assemblée comme la nôtre qui est le fruit, le produit même de la démocratie. J'essaierai tout de même d'être relativement bref pour respecter l'esprit de notre Règlement.

Nous sommes au terme d'une campagne électorale où nous avons tous parcouru nos circonscriptions avec le plus grand soin. Que je sache, aucun parlementaire en cette Chambre, de quelque côté de la Chambre qu'il se trouve, n'a manqué d'être à l'écoute de ses électeurs durant cette période que nous terminons à peine.

Durant cette période, et c'est une des vertus principales de la démocratie, les électeurs, nos électeurs, ont pu se faire entendre.


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(1955)

Nos électeurs ont pu exprimer, comme c'est le cas une fois à toutes les trois ou quatre années, ont pu nous exprimer leurs craintes, leurs appréhensions, leurs besoins et leurs préoccupations, leurs objectifs.

J'ai été particulièrement étonné de constater que les électeurs du comté de Roberval, que je connaissais bien pour avoir déjà été représentant de cette circonscription à l'Assemblée nationale du Québec à deux reprises, les électeurs du comté de Roberval, dis-je, m'ont fait savoir combien ils étaient déçus de constater qu'après neuf années d'un régime qui terminait à ce moment-là, combien ils étaient déçus de voir qu'après neuf années les enjeux fondamentaux de la campagne électorale étaient pour l'essentiel les mêmes enjeux qui avaient fait l'objet de la campagne électorale de 1984. Étonnant et décevant pour les gens qui nous écoutent, étonnant, décevant et expliquant aussi pour une part ce manque de confiance, cet espèce de désintéressement face aux politiciens qui a cours dans notre société.

Les gens étaient déçus parce que d'abord en 1984 la campagne électorale s'était faite avec l'engagement du Parti progressiste-conservateur d'éliminer, de réduire le déficit du Canada. Les politiciens ont parcouru à ce moment-là toutes les circonscriptions électorales pour demander, et pour promettre surtout, à leurs concitoyens que le déficit serait dorénavant sous contrôle. Ce déficit, je le rapellerai, qui avait été créé de toutes pièces par le gouvernement libéral.

Un autre enjeu de la dernière campagne électorale, la campagne de 1984, c'était la création d'emplois. Les hommes et les femmes politiques dans ce pays se sont promenés dans les circonscriptions électorales pour promettre aux citoyens que le problème de l'emploi serait dorénavant réglé, qu'il était inacceptable dans une société comme la nôtre et que le taux de chômage avoisine les 20 p. 100 dans plusieurs régions. C'était une promesse. Qu'en est-il, qu'en était-il neuf ans plus tard? Même situation. Ou s'il y a quelque chose qui a changé, la situation est pire qu'avant.

Un autre objectif avait fait l'objet de la campagne de 1984. On avait promis de régler les questions constitutionnelles, et surtout au Québec où cette question est particulièrement sensible, de se voir promettre qu'un parti fédéraliste siégeant à Ottawa réussirait à régler, une fois pour toutes, les questions constitutionnelles et à réparer l'injure inqualifiable dont a été victime le Québec en 1982. Le chef de l'opposition en a parlé cet après-midi. En 1982, certains gestes inqualifiables ont été posés dans ce pays, et la situation politique à travers laquelle nous avons évolué depuis 1982, 1984, 1988, et enfin jusqu'à maintenant, est teintée de cette trahison telle que ressentie par les Québécois.

Après neuf ans de promesses, d'espoir, après neuf ans, la campagne électorale s'est faite sur les mêmes thèmes. Une dette qui n'a plus aucun sens, non seulement qui n'a pas été contenue, une dette qui est multipliée par trois, malgré les promesses; un taux de chômage qui est au moins aussi élevé que celui qu'on connaissait en 1984, neuf ans après, après autant de promesses. Et enfin une épopée constitutionnelle qui mérite qu'on y regarde de plus près. Des années de discussions, d'échanges, un accord, l'Accord du lac Meech, un accord qui pour l'essentiel pouvait rejoindre une certaine partie de la population du Québec. Le lac Meech, pour l'essentiel, contenait des conditions qui, pour une assez large partie de la population du Québec, semblaient acceptables. Qu'en est-il advenu? Échec de l'Accord du lac Meech. Rejet de plusieurs mois, plusieurs années de discussions, de compromis, d'échanges, d'ententes, ententes fragiles, on l'a vu, mais enfin il nous semblait que cet accord était porteur d'espoir pour l'avenir du Canada.

(2000)

Certains de nos amis d'en face, dont je respecte les idées évidemment, nous parleront du Canada comme d'un grand pays, d'un pays où nous devrions aimer vivre, un pays dans lequel nous devrions nous sentir bien, disent-ils, mais un pays aussi qui en 1982 nous a laissés pour compte, quoi qu'on en dise, et un pays aussi qui a rejeté pour l'essentiel l'Accord du lac Meech qui était un pas de géant dans le domaine constitutionnel.

Autre discussion, autre compromis, l'Accord de Charlottetown, l'Accord de Charlottetown qui est apparu inacceptable sur son fond même aux citoyens du Québec; l'Accord de Charlottetown pour lequel les Québécois ont dit non, parce que cela ne représentait pas la base de leurs revendications traditionnelles; l'Accord de Charlottetown pour lequel le reste du Canada anglais a dit non, parce qu'il contenait trop de concessions, semble-t-il, au Québec.

C'est une triste évolution que cette évolution de la négociation politique qui a eu lieu sous le dernier gouvernement. Et voilà que notre formation politique est née de ce désir des Québécois de s'exprimer à l'intérieur du processus démocratique, d'envoyer ici dans ce Parlement, dans le Parlement canadien, des hommes et des femmes qui seraient porteurs du message, qui chez nous est véhiculé depuis de nombreuses années et qui méritait, je pense, d'être porté en ce lieu, d'être partagé dans des débats comme ceux qu'on fait ce soir, de faire l'objet d'échanges entre nous, de discussions, peut-être de mutuelles compréhensions éventuellement.

Voilà que le Bloc québécois a reçu un appui extraordinaire de la majorité de la population du Québec. Nous sommes ici 54 aujourd'hui, et ces 54 députés du Parlement fédéral ont un travail à faire, une mission de faire en sorte que ce message, pour une fois, porte au Parlement fédéral sans subir le filtre, sans subir de distorsions en traversant la frontière, sans subir le filtre de ceux et celles qui refusent de le livrer comme on le vit chez nous.

Nous sommes ici pour faire en sorte que ce Parlement fonctionne. Je voudrais rassurer mes collègues. Beaucoup de choses se sont dites sur la venue des députés du Bloc ici à Ottawa. Jamais en aucun temps, durant ce périple électoral, il n'a été question ni de notre intention de faire en sorte de bloquer ce Parlement, de l'empêcher de fonctionner, de l'empêcher de traiter des véritables problèmes qui confrontent nos concitoyens, nos concitoyennes, et nous sommes heureux de démontrer, mes collègues et moi, après une première journée au Parlement, l'intérêt que nous portons à l'institution, le respect de la démocratie qui est ancré profondément en chacun de nous. Nous sommes heureux de faire savoir à ceux et celles qui s'inquiétaient de notre venue ici, que nous collaborerons. Nous collaborerons à faire en sorte de trouver les solutions qui s'imposent aux problèmes épouvantables qui confrontent notre société.

Tout ce contexte politique qui nous a conduits ici s'est passé avec une toile de fond économique absolument épouvantable. Une politique monétaire qui a créé le chômage, une politique monétaire dont la préoccupation essentiellement était de maintenir un taux d'inflation bas au Canada, sans se préoccuper que le


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chômage naissait de cette politique. La crise économique a été accentuée par la signature d'un accord de libre-échange où on avait évité de préparer les entreprises à faire le virage si nécessaire dans un contexte où l'économie s'élargit. Oui, l'accord de libre-échange était un élément positif permettant d'ouvrir l'avenir et d'envisager nos relations avec nos partenaires commerciaux d'une façon plus large.

(2005)

Mais, malheureusement, on avait oublié que la transition pourrait être difficile. On a oublié, tout à fait comme par hasard, de préparer les entreprises à faire face à ce nouveau contexte. Donc, une politique monétaire et un manque de préparation à un contexte différent au plan du commerce international ont fait en sorte que les Canadiennes et les Canadiens se sont retrouvés dans une situation plus pénible encore que celle qu'ils avaient connue en 1984.

Il est donc maintenant du devoir de ce Parlement de voir à essayer de régler une fois pour toutes un certain nombre de problèmes qui ne cessent de s'amplifier.

Dans quelle perspective sommes-nous ici? D'abord, on a assisté à la lecture du discours du Trône. Nous sommes dans ce débat où on a à commenter, pour l'essentiel, ce qu'on y retrouve. D'entrée de jeu, on nous parle d'une réforme parlementaire qui pourrait éventuellement confier aux parlementaires plus de responsabilités. Il y a là certaines intentions louables. Il y a là, évidemment, une approche possiblement intéressante, mais il faudra voir, quand on aura déposé l'essentiel, ce que sera cette réforme.

Par contre, alors qu'on veut enrichir le rôle des députés dans cette Chambre, du même souffle, on refuse la mise sur pied d'un comité parlementaire non partisan qui réunirait l'ensemble des parlementaires de chacune de nos formations politiques. On refuse de mettre en place un tel comité qui aurait pour objet d'analyser, de scruter, d'examiner et de critiquer chacun des postes de dépenses du gouvernement. À la place, on se contente de nous citer quelques exemples d'avantages qui pourraient être mis de côté, qui pourraient être laissés pour compte pour se donner bonne conscience et laisser croire à l'ensemble de nos concitoyens et de nos concitoyennes que nous avons fait le travail qui devait être fait.

Donc, il s'agit d'une réforme parlementaire qui, déjà, est quelque peu, je dirais, dépréciée par le fait que le premier exercice valable pour lequel on aurait pu convier les députés de cette Chambre est mis de côté par le gouvernement. Ce fut un discours du Trône dans lequel on n'a pas trouvé bon de rassurer les citoyens de ce pays quant à la nature des transformations qu'on s'apprêtait à faire dans les programmes sociaux.

C'est inquiétant de constater que tantôt, il y a des signaux qui ont été donnés par des hommes et des femmes politiques dont la décision pèse dans ce genre de chose. Des signaux ont été donnés, tantôt par des déclarations de patronats, de personnes impliquées dans le développement économique, des gens qui, cherchant des recettes aux problèmes budgétaires du gouvernement, ne peuvent faire mieux que d'identifier comme première cible les programmes sociaux.

Imaginez quel beau pays et quel brave gouvernement va régler le problème de la dette de ce pays sur le dos de ceux et celles qui sont les plus mal pris. Va-t-on toucher aux personnes âgées? Va-t-on toucher aux chômeurs, encore une fois? Va-t-on toucher aux assistés sociaux? Va-t-on toucher aux programmes de santé? On ne le sait pas.

Tantôt, les messages circulent de façon informelle, de façon plus formelle, dans des articles qu'on s'empresse de démentir le lendemain. Mais quoi qu'il en soit, quand j'entends un ministre de ce gouvernement nous dire, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, en début de mandat, qu'il faudrait bien essayer de couper 20 p. 100 dans les programmes de santé. Rien du tout! Vingt pour cent! Comme si c'était là qu'il fallait d'abord s'attaquer.

(2010)

Tantôt on nous dit qu'il faudrait rendre le système plus efficace. Soit. Tout le monde veut bien rendre le système plus efficace. Mais en aucun temps personne n'a parlé de conserver, de protéger les crédits affectés à ces programmes. Ce qui nous inquiète, c'est qu'à chaque fois qu'on aborde la question de la dette du Canada et du déficit de plus de 40 milliards pour l'année en cours, chaque fois qu'on l'aborde on ne manque jamais d'associer au règlement de cette dette, au règlement de ce déficit, les programmes sociaux. Il y a toujours quelqu'un qui se trouve en quelque part pour dire que là se trouve l'argent.

Les dédoublements administratifs dans ce pays coûtent cher. Des centaines de millions de dollars sont gaspillés en conflits juridictionnels entre les ordres de gouvernement. Nous avons demandé, j'ai personnellement questionné, aujourd'hui, mon vis-à-vis en lui demandant de nous dire s'il s'empresserait de régler notamment la question de la main-d'oeuvre. On sait que tout le monde au Québec est d'accord avec cela. On me souffle: «il a dit oui.» Bien sûr qu'il a dit oui. Mais depuis l'élection qu'il dit oui. Mais tantôt c'est oui, de toute urgence. Tantôt c'est oui, mais un petit peu moins. Tantôt c'est peut-être bien que oui, probablement que oui, mais pas tout de suite.

Le problème, c'est qu'on assiste à une valse hésitation dans un domaine où si le ministre voulait faire époque, il n'aurait qu'à se rallier au consensus unanime des intervenants au Québec. Rarement aura-t-on vu les syndicats, le patronat, le gouvernement fédéraliste du Québec, un gouvernement libéral, les intervenants qui s'occupent de formation de main-d'oeuvre, les chômeurs, les quelques centaines de milliers de chômeurs du Québec, jamais on aura vu tous ces gens d'accord. Mais maintenant ils le sont, et ils proposent au gouvernement fédéral, avant de couper dans les programmes sociaux, de couper quelque 250 millions de dollars par année dans un dédoublement de responsabilités administratives qui créent des problèmes.

J'avais l'impression que ce gouvernement sauterait à pieds joints sur cette chance extraordinaire qui lui est offerte. À la place, monsieur le ministre des Affaires intergouvernementales fait la valse hésitation. Oui, oui, un peu, oui, oui, beaucoup, oui, oui, passionnément, oui, oui, à la folie et oui, oui, un petit peu moins. Cela n'a pas de sens. Monsieur le Président, vous m'indiquez que mon temps de parole est terminé. Ce gouvernement devra se brancher sur les réalités, faire en sorte d'écouter les voix qui s'expriment dans ce Parlement et saisir les occasions qui sont offertes de réaliser de vraies économies sans toucher aux démunis.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt les propos de mon homologue d'en face et je le félicite incidemment pour son

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élection au Parlement. J'avais eu le privilège de le rencontrer lorsque nous étions tous les deux députés provinciaux, lors de conférences, je ne me souviens plus si c'était à l'Association internationale des parlementaires de langue française ou peut-être même dans d'autres forums. En tout cas, cela me fait plaisir de le voir parmi nous.

Je voudrais lui poser une question que je crois assez pertinente. Aujourd'hui, dans ses remarques, il y a quelques minutes, il disait que le ministre responsable des dossiers des questions fédérales-provinciales avait, dans ses remarques dit: oui, beaucoup, oui, un petit peu, oui, en fait toutes les autres variations, je ne les répéterai pas toutes, à toutes ces initiatives éviter le dédoublement. Et, selon le député, ces choses-là avaient été dites trop souvent et cela faisait longtemps que cela traînait depuis la venue au pouvoir du gouvernement libéral.

(2015)

Le député a-t-il oublié que c'est la première journée de la session parlementaire et qu'il n'y a eu qu'une réponse, laquelle fut affirmative. Alors, si le député est insatisfait d'une réponse affirmative, peut-on conclure qu'il aurait préféré une réponse négative parce qu'elle aurait peut-être rehaussé sa position pour qu'ensuite il puisse dire: Eh bien voilà, le gouvernement fédéral ne veut rien faire pour nous, c'est la preuve que le fédéralisme est un échec. En d'autres termes, il nous dit: Non, ce n'est pas assez bon, cela fait trop longtemps que ça traîne. La première journée de séance du Parlement, on a dit oui tout de suite, mais c'est encore trop long. Peut-être aurait-on dû dire oui avant que la question ne soit posée. C'est peut-être cela la solution.

M. Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, j'apprécie la demande d'éclaircissement de mon collègue, que je salue d'ailleurs. Effectivement, on s'est connus dans un autre forum que celui-ci.

J'apprécie que mon collègue pose la question parce que cela va peut-être servir à d'autres ministres que le ministre responsable des questions fédérales-provinciales. Ce qu'il faut comprendre, c'est que le problème de ce gouvernement depuis l'élection-et je suis heureux de vous le dire tel que perçu de l'extérieur-c'est qu'on a l'impression que personne n'est capable de se brancher au complet. À un moment donné, on embarque dans un programme, comme par exemple les infrastructures. On annonce un programme d'infrastructure, qui, en soi, est intéressant. On nous dit qu'il y a peut-être des négociations, qu'il y aura peut-être des développements, mais qu'on précisera des choses un peu plus tard, que les critères seront connus et que les gouvernements provinciaux seront mis à contribution. Ce n'est jamais clair. C'est cela le problème, ce n'est jamais clair.

Dans le cas des dédoublements, le ministre à qui je posais la question, la nuance qu'il n'a pas faite aujourd'hui, c'est que lui-même hier, dans une déclaration, après avoir annoncé très clairement il y a quelques mois, avec vigueur et détermination, son intention de régler la question des dédoublements de responsabilités avec le Québec, voilà que quelques heures à peine, ce ministre nous déclare: Voyez-vous, la question des ententes avec la main-d'oeuvre, c'est un petit peu moins pressant; on va attendre d'avoir examiné le tout à la lumière du travail qu'on doit faire sur l'ensemble des programmes sociaux. Cela veut peut-être dire deux ans.

Ce que j'ai essayé de savoir aujourd'hui mais que je n'ai pu savoir, c'est si le ministre va procéder rapidement. Les millions fuient, les millions se gaspillent à chaque minute qui passe. C'est de la détermination que l'on veut, des réponses claires et précises. Les citoyens qui nous regardent veulent avoir, non pas des demi-mesures mais des mesures complètes. C'est pour cela que j'étais insatisfait de la réponse. J'aurais aimé que le ministre nous rassure. J'aurais aimé entendre dire d'un ministre déterminé: Oui, à la question du député, il me fait plaisir d'annoncer que tous nos efforts sont mis en ce moment pour régler la question du dédoublement de responsabilités dans les politiques de la main-d'oeuvre parce que tout le monde au Québec le souhaite et le veut. Et vous irez voir le nouveau premier ministre du Québec, premier ministre libéral, premier ministre libéral fédéraliste. Il se dit insatisfait et déçu de la façon dont votre gouvernement évolue dans ce dossier. C'est là le problème.

Ce que l'on demande au gouvernement et je l'ai dit au ministre aujourd'hui, c'est qu'il se branche. Branchez-vous sur quelque chose. Allez-vous toucher aux programmes sociaux, oui ou non? Eh bien, dites-le. Allez-vous couper les transferts aux provinces? Oui ou non? Dites-le donc. C'est cela que les gens veulent savoir. Pas tantôt oui, tantôt non; pas un petit peu, beaucoup, pas beaucoup, pas trop. Branchez-vous, c'est cela qui nous importe.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Mes chers collègues, je voudrais profiter de cette occasion, la première qui m'est offerte en tant que vice-président, pour remercier les habitants de Stormont-Dundas de m'avoir réélu à la Chambre.

[Français]

Je tiens à remercier mes commettants de Stormont-Dundas pour leur confiance et je m'engage à les servir avec toute mon énergie.

[Traduction]

L'ancien député de Stormont-Dundas, l'honorable Lucien Lamoureux, qui a été Président de la Chambre pendant plusieurs années, sera pour moi une source d'inspiration dans le nouveau rôle qui m'est ici confié.

[Français]

Je vous félicite tous et toutes et je vous souhaite une bonne session parlementaire.

[Traduction]

Je félicite tous ceux et celles qui ont été élus à la Chambre pour cette trente-cinquième législature.

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Vous pouvez tous compter sur mon entière collaboration.

[Français]

À vous, mes pairs, soyez assurés de toute ma coopération. Merci.

[Traduction]

Comme il est 20 h 20, la Chambre s'ajourne jusqu'à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 20 h 20.)