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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 23 mars 1994

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA BIODIVERSITÉ

LE REVENU MOYEN DES FRANCOPHONES

LA COTE DE CRÉDIT

L'ÉCONOMIE

    Mme Brown (Oakville-Milton) 2663

LE RÉVÉREND BRIAN WEATHERDON

LE PRINTEMPS

L'AUTOROUTE DE L'INFORMATION

LE FORUM POUR JEUNES CANADIENS

LE SECTEUR MANUFACTURIER

LE TOURNOI DE CURLING DES ÉLANS

LE CONSEIL CANADIEN DE LA GESTION D'ENTREPRISE AGRICOLE

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

L'ÉCONOMIE

LE DÉCÈS DE M. ROBERT EMERSON EVERETT

LE MEXIQUE

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

QUESTIONS ORALES

LA COTE DE CRÉDIT DU GOUVERNEMENT

    M. Martin (LaSalle-Émard) 2666
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2666
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2667

LA CRÉATION D'EMPLOIS

    M. Martin (LaSalle-Émard) 2667
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2667

LES TAUX D'INTÉRÊT

    M. Martin (LaSalle-Émard) 2668
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2668
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2668

L'USINE HYUNDAI DE BROMONT

    M. Martin (LaSalle-Émard) 2669
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2669

LE BUDGET

    M. Martin (LaSalle-Émard) 2669
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2669

LES PROGRAMMES SOCIAUX

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 2670
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 2670

LA SANTÉ

L'ÉDITION

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 2670
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 2671

LE PROGRAMME D'EMPLOI D'ÉTÉ

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 2671

LE PROJET KEMANO

LES LANGUES OFFICIELLES

LES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

    M. Harper (Calgary-Ouest) 2672
    M. Harper (Calgary-Ouest) 2673

LES PÊCHES

    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 2673

L'ENQUÊTE SUR LE SANG CONTAMINÉ

LE TRANSPORT DU GRAIN

RECOURS AU RÈGLEMENT

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

LES QUESTIONS SUPPLÉMENTAIRES

    M. Harper (Calgary-Ouest) 2674

MONSIEUR ERIC JOHN SPICER

    Adoption de la motion 2674

QUESTION DE PRIVILÈGE

LE DÉPUTÉ DE MARKNAM-WHITCHURCH-STOUFFVILLE

LOI DE 1994 SUR LA SUSPENSION DE LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

PROJET DE LOI C-18. AVIS DE MOTION CONCERNANT L'ATTRIBUTION DE TEMPS

AFFAIRES COURANTES

LES DÉCRETS DE NOMINATION

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

RESSOURCES NATURELLES

LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    Projet de loi C-230. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 2678

LOI DE 1994 SUR LA CONVENTION CANADA-HONGRIEEN MATIÈRE D'IMPÔTS SUR LE REVENU

    Projet de loi S-2. Adoption de la motion portantpremière lecture. 2678

PÉTITIONS

LES LANGUES OFFICIELLES

LES TAXES SUR LE TABAC

QUESTIONS AU FEUILLETON

DEMANDES DE DOCUMENTS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LE POUVOIR D'EMPRUNT POUR 1994-1995

    Projet de loi C-14. Reprise du débat sur la motion detroisième lecture. 2679
    Adoption de la motion par 146 voix contre 90. 2695
    Troisième lecture et adoption du projet de loi 2695

LE BUDGET

L'EXPOSÉ FINANCIER DU MINISTRE DES FINANCES

    Reprise de l'étude de la motion sur le budget 2695
    La motion est adoptée par 146 voix contre 90 2697

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1982

ANNEXE


2663


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mercredi 23 mars 1994


La séance est ouverte à 14 heures.

_______________

Prière

_______________

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA BIODIVERSITÉ

L'hon. Charles Caccia (Davenport): Monsieur le Président, la biodiversité, c'est la richesse de la nature qui nous entoure. Nous devons préserver la biodiversité parce qu'elle représente la protection de la nature contre les catastrophes et parce qu'elle est décisive pour la vie sur terre.

On nous dit que, depuis le début du siècle, 75 p. 100 de la diversité des récoltes est disparue. Nous en sommes plus vulnérables. Par exemple, au moment de la rouille du maïs dans les années 1970, l'uniformité des récoltes de maïs aurait pu être désastreuse. En préservant la biodiversité, nous contribuons donc aussi à notre survie.

En tant que société responsable, au Canada, nous devons préserver la biodiversité encore riche de nos forêts, de nos champs, de nos terres humides, des rives de nos lacs, de nos parcs et de nos pelouses. Notre biodiversité, c'est la richesse la plus précieuse que nous possédons.

* * *

[Français]

LE REVENU MOYEN DES FRANCOPHONES

M. Réjean Lefebvre (Champlain): Monsieur le Président, le Globe and Mail de ce matin fait état d'une étude de Statistique Canada démontrant que le revenu moyen des Canadiens francophones était en 1992 plus de 10 p. 100 inférieur à celui des anglophones. Ce pourcentage ayant plus que doublé depuis 1977, la situation se détériore d'année en année.

Quand on sait que la Loi sur les langues officielles, adoptée par le Parti libéral, avait pour objectif de redresser la place des francophones dans l'économie canadienne, il faut conclure à son échec.

De plus, l'enquête révèle qu'au Québec les familles francophones ont connu un certain rattrapage au cours de la même période. L'écart entre les familles anglophones et francophones du Québec s'est rétréci de 8,2 p. 100 à 1,9 p. 100.

Il est donc possible de réduire cet écart, monsieur le Président, mais il faut conclure que ce ne sont pas les politiques fédérales qui y contribuent.

* * *

[Traduction]

LA COTE DE CRÉDIT

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke): Monsieur le Président, hier, après l'annonce de la baisse de la cote du Canada à l'égard de la dette libellée en devises étrangères, le ministre des Finances a déclaré que cela ne concernait qu'une petite partie de la dette canadienne, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter.

Maintenant que la Banque du Canada a haussé son taux d'escompte, il en coûtera certainement plus cher d'emprunter pour les consommateurs et les entreprises canadiennes. La hausse se répercutera aussi sur le coût des emprunts du gouvernement.

Le budget n'a apporté aucun remède contre le déficit ou la dette. À partir d'aujourd'hui, tous les Canadiens commencent à payer pour ce manque de prévoyance.

Quand le gouvernement se rendra-t-il compte qu'il court au désastre financier et qu'il doit revoir son budget afin de s'attaquer aux problèmes qu'il a créés? Serait-il d'avis qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter des problèmes qui affligent les Canadiens?

* * *

L'ÉCONOMIE

Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton): Monsieur le Président, la semaine dernière, j'ai entendu un député de l'opposition décrire, la gorge nouée par la tristesse, les conditions défavorables dans sa circonscription. Il semblait avoir perdu tout espoir. Je tiens à dire à la Chambre qu'il n'y a pas que des mauvaises nouvelles et que la reprise économique s'amorce.

Dans la circonscription d'Oakville-Milton, plus de 1 500 emplois ont été créés depuis le jour des élections. Ford a accru ses effectifs de 1 100 ouvriers, Lear Seating, de 455 travailleurs. Polywheels a agrandi ses installations, exprimant ainsi sa confiance dans l'avenir. Derlan Aerospace a obtenu le contrat pour rénover les hélicoptères Lynx fabriqués en Grande-Bretagne et devra ainsi embaucher 300 travailleurs à Milton.

Les bonnes nouvelles sont propagées par les médias et contribuent à renforcer le climat de confiance si crucial aux nouveaux investissements et à l'essor économique.


2664

J'espère que ce sentiment de confiance se communiquera à nous tous et ravivera notre optimisme, afin que nous puissions bâtir tous ensemble notre économie nationale.

* * *

LE RÉVÉREND BRIAN WEATHERDON

M. Mac Harb (Ottawa-Centre): Monsieur le Président, le révérend Brian Weatherdon, ce pasteur respecté et travailleur acharné qui était l'adjoint du ministre de l'église St. Andrews, a récemment été affecté à un nouveau ministère, à Hamilton.

Au cours des cinq années où Brian a exercé ses fonctions de pasteur à Ottawa, il s'est distingué par son rôle de premier plan pour faire avancer des causes importantes comme la lutte contre la pauvreté chez les enfants et l'organisation de programmes d'alimentation pour les familles dans le besoin. Il m'a aussi grandement aidé à faire adopter la Journée nationale de l'enfance.

Il faisait montre d'un enthousiasme et d'un dévouement exceptionnels dans sa façon de servir sa congrégation au sein de la collectivité d'Ottawa.

Brian laisse derrière lui, outre des souvenirs et de nombreux amis, d'innombrables réalisations. Comme beaucoup d'autres, je suis triste à l'idée de voir Brian partir. Il peut être fier de sa remarquable contribution à notre collectivité.

Le dimanche de Pâques, Brian assumera ses nouvelles fonctions de pasteur à l'église presbytérienne de la rue McNab, dans le centre-ville de Hamilton.

Je tiens à faire savoir aux députés de la région de Hamilton qu'un homme exceptionnel et généreux habitera bientôt dans leur coin de pays.

* * *

LE PRINTEMPS

Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre): Monsieur le Président, dimanche dernier, c'était la première journée du printemps, au Canada. Du moins, ça l'était chez nous, à Vancouver.

C'est pourquoi j'essaie aujourd'hui de faire régner à Ottawa cet air de printemps qu'on respire actuellement sur la côte ouest. Dans le hall, à la sortie de la Chambre, on trouvera 295 jonquilles, une pour chacun des députés. J'espère que ces jonquilles éveilleront, comme le fait le printemps, la passion créatrice des députés.

(1405)

En effet, le défi qui nous attend, si nous voulons faire du Canada un pays qui fonctionne mieux, exigera de notre part la vivacité d'une soudaine douche printanière, l'épanouissement de la floraison et la conviction que la fonte viendra.

Puissent ces jonquilles, généreusement offertes par une station de radio de Vancouver et une distinguée société de la région, vous rappeler agréablement que l'espoir, le renouveau et la croissance viennent avec le printemps.

[Français]

L'AUTOROUTE DE L'INFORMATION

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, l'autoroute de l'information est sans conteste l'enjeu technologique de l'heure. À terme, l'autoroute de l'information permettra la convergence de la technologie du téléphone, du câble et de l'informatique, et ce, en vue d'offrir une gamme considérable de services interactifs aux consommateurs.

L'autoroute de l'information modifiera les habitudes de consommation, de travail et l'accès à l'éducation et agira de plus sur la vie privée des Canadiens et des Québécois.

C'est dans ce contexte que le ministre de l'Industrie doit s'engager publiquement pour que les consultations qui auront lieu sur ce sujet soient publiques, ouvertes, transparentes et accessibles, et non pas derrière des portes closes, tel que prévu par le comité.

La protection de la vie privée des Canadiens et des Québécois doit être une préoccupation centrale au moment où Ottawa prépare l'appareil administratif à l'ère de l'autoroute électronique.

* * *

[Traduction]

LE FORUM POUR JEUNES CANADIENS

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui devant la Chambre pour rendre hommage au Forum pour jeunes Canadiens.

Comme le savent les députés, les participants au Forum pour jeunes Canadiens sont à Ottawa cette semaine pour en apprendre davantage sur le fonctionnement du gouvernement fédéral. Je ne doute pas que tous les députés se joindront à moi pour féliciter les organisateurs, les commanditaires et les nombreux bénévoles sans qui ce forum n'existerait pas.

Je veux rendre particulièrement hommage à chacun des participants, qui ont l'espoir de devenir les leaders de demain, et plus particulièrement à une jeune fille de ma circonscription, Jennifer Robinson, de Prince George, en Colombie-Britannique.

À tous, bienvenue à Ottawa et que cet exercice vous apporte tout ce que vous désirez.

* * *

LE SECTEUR MANUFACTURIER

M. Gar Knutson (Elgin-Norfolk): Monsieur le Président, j'aimerais aborder très brièvement une question qui revêt un caractère d'une urgence extrême pour ma circonscription d'Elgin-Norfolk, à savoir la nécessité de revoir la stratégie industrielle du Canada.

Dans ma circonscription, les mots «changement» ou «concurrence» sont, pour beaucoup, synonymes d'augmentation du chômage et de fermeture d'usines. Dans ma circonscription, presqu'un emploi sur quatre se trouve dans le très vulnérable secteur manufacturier; plus d'un tiers du parc industriel de St. Thomas est vide. Il devrait être évident aux yeux de cette Cham-


2665

bre qu'Elgin-Norfolk est en train de perdre ses emplois manufacturiers.

Cette région dépend de l'industrie des pièces automobiles, secteur hautement technologique. Les ouvriers canadiens doivent ajouter à leur forte productivité et à leur solide formation, deux secteurs où nous excellons, ce nouvel outil qu'est la technologie.

Je demande à ce gouvernement de considérer la technologie comme une porte ouverte sur un avenir meilleur pour les habitants d'Elgin-Norfolk et du reste du Canada.

* * *

LE TOURNOI DE CURLING DES ÉLANS

M. Bernie Collins (Souris-Moose Mountain): J'aimerais saluer l'Ordre de bienfaisance et de protection des élans d'Estevan, en Saskatchewan. Le tournoi national de curling des élans canadiens se déroulera à Estevan, du 22 au 27 mars 1994.

L'Ordre de bienfaisance et de protection des élans est un organisme connu et apprécié de tous.

Au nom du gouvernement canadien, j'offre mes meilleurs voeux aux participants et aux organisateurs bénévoles de cette prestigieuse manifestation.

* * *

LE CONSEIL CANADIEN DE LA GESTION D'ENTREPRISE AGRICOLE

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte): Monsieur le Président, une production alimentaire de qualité revêt une grande importante pour toutes les régions et pour tous les habitants du Canada. Les Canadiens ont la chance de pouvoir compter sur des fermiers et des agriculteurs qui les approvisionnent constamment en aliments de qualité supérieure.

Depuis quelques jours, le Conseil canadien de la gestion d'entreprise agricole se réunit à Ottawa. Certains de ses membres seraient même présents à la Chambre aujourd'hui.

Dans le cadre des activités de cet organisme, j'ai eu l'occasion d'essayer certains échantillons de produits alimentaires typiques des provinces représentées. Je dois dire que j'ai été très impressionné et que j'ai trouvé ces produits succulents.

(1410)

Aujourd'hui, à la Chambre, réaffirmons notre appui aux fermiers et aux producteurs d'aliments au Canada, et reconnaissons leur importance pour notre économie et pour chaque Canadien.

* * *

[Français]

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

Mme Maud Debien (Laval-Est): Monsieur le Président, je veux exprimer mon inquiétude au sujet de l'avenir des services de nouvelles de Radio-Canada. Le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, M. Keith Spicer, a demandé à la Société Radio-Canada de diffuser les bulletins de nouvelles des deux réseaux en traduction simultanée. Or, un tel service coûtera plus de 15 millions de dollars par an.

Cette nouvelle exigence se produit dans un contexte de coupures. À l'évidence, M. Spicer et le CRTC désirent sacrifier la qualité de l'information à Radio-Canada sur l'autel de l'unité nationale.

Dois-je rappeler aux commissaires du CRTC et au gouvernement libéral qu'il n'existe pas encore de service de nouvelles continues en français? Dois-je rappeler que le service français de Radio-Canada n'arrive plus à payer ses correspondants à l'étranger?

Monsieur le Président, nous, les députés du Bloc québécois, sommes opposés à toute ingérence politique dans les affaires internes de la Société Radio-Canada.

* * *

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, un récent numéro de la revue Taxpayer faisait rapport d'une étude de l'Association des manufacturiers canadiens sur la dette du Canada.

Le président de l'AMC, M. Stephen Van Houten, a déclaré qu'étant donné la performance des gouvernements antérieurs, il se pourrait que la dette atteigne 965 milliards de dollars d'ici 2001. Il a fait remarquer que les gouvernements avaient la mauvaise habitude de trop surestimer la croissance économique et les recettes fiscales. Le gouvernement a une marge de manoeuvre bien mince pour s'attaquer à la crise imminente concernant la dette.

M. Van Houten a ajouté que l'amplification dramatique de l'économie souterraine traduisait l'opposition des Canadiens contre les hausses d'impôt. L'unique solution viable qui s'offre au gouvernement consiste à comprimer les dépenses.

L'AMC souligne que les marchés monétaires réagissent négativement à un autre déficit élevé et que bien des Canadiens s'inquiètent de notre avenir financier.

Il est temps de se pencher sérieusement sur le problème de nos finances. Le gouvernement doit cesser de plonger le Canada toujours plus profondément dans le rouge. Il est temps de réduire les dépenses.

* * *

LE DÉCÈS DE M. ROBERT EMERSON EVERETT

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka): Monsieur le Président, aujourd'hui, je voudrais rendre hommage à Robert Emerson Everett, de Bracebridge, qui est décédé récemment. Bob Everett fut l'un des plus grands ambassadeurs de Parry Sound-Muskoka, la circonscription que je représente.

M. Everett a commencé à peindre à l'âge de neuf ans. Bien qu'il n'ait jamais reçu de formation théorique, il est devenu l'un des meilleurs peintres d'huiles et de pastels de Muskoka. Président sortant de l'Ontario Institute of Painters, il était également

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membre à part entière de la Pastel Society of Canada et membre associé élu de la Pastel Society of America.

M. Everett a non seulement bien servi la population de la région de Muskoka à titre de pharmacien, mais il a également servi son pays au cours de la Seconde Guerre mondiale, en tant que navigateur aérien de l'Aviation royale du Canada. D'ailleurs, il avait survécu à l'écrasement de son avion de bombardement Hampton.

Bob Everett était un véritable gentilhomme. Il était respecté et aimé de tous ses amis et parents.

J'offre mes condoléances à sa femme, Nora, et à ses quatre enfants, Eugene, David, Jason et Peter. Muskoka et l'ensemble du Canada partagent leur douleur.

* * *

LE MEXIQUE

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona): Monsieur le Président, comme les députés l'apprendront aujourd'hui, le premier ministre est actuellement à Mexico. Récemment, j'ai eu l'occasion d'accompagner une délégation des TCA à Mexico.

Au moment de partir, nous avons fait plusieurs recommandations à l'ambassadeur, entre autres que le premier ministre profite de son séjour au Mexique pour rencontrer des défenseurs des droits de la personne au lieu de se contenter de présider à l'ouverture de la foire commerciale et de s'entretenir avec des gens d'affaires, même si cela est important.

J'espère que le premier ministre pourra, à son retour, confirmer à la Chambre qu'il a rencontré des défenseurs des droits de la personne. La situation au Chiapas est encore très délicate. Les exigences des Zapatistes n'ont pas encore été satisfaites, exigences qu'appuient bon nombre de Mexicains.

J'espère que le premier ministre s'intéressera tout autant au bien-être des Mexicains qu'aux débouchés commerciaux pour le Canada et prendra le temps de rencontrer des défenseurs des droits de la personne pendant son séjour à Mexico.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Avant de passer aux questions orales, je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune d'un de nos collègues parlementaires, M. Michael C. Liapis, député grec.

Des voix: Bravo!

_____________________________________________


2666

QUESTIONS ORALES

(1415)

[Français]

LA COTE DE CRÉDIT DU GOUVERNEMENT

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Durant la campagne électorale, le Parti libéral a claironné partout que son programme économique passait par la création d'emplois, par la réduction du déficit en coupant les dépenses de l'État, ainsi que par une politique monétaire qui assurerait un équilibre entre la création d'emplois et la lutte à l'inflation.

Or, le gouvernement a échoué sur tous les tableaux. Son premier budget a été accueilli négativement par les milieux financiers, comme en témoigne la décote annoncée avant-hier.

Le ministre des Finances reconnaît-il que cette décote s'explique par une réponse négative des milieux financiers, déçus par la timidité et l'insuffisance des mesures budgétaires pour réduire les dépenses de fonctionnement des ministères?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, je trouve tout à fait incroyable que le chef de l'opposition à tout bout de champ nous critique parce qu'on a coupé dans les bases militaires, parce qu'on a fait des réformes dans l'assurance-chômage et parce que l'on coupe dans l'appareil gouvernemental. Après avoir passé trois mois à nous critiquer pour avoir coupé, il se lève tout à coup et dit qu'on n'a pas coupé suffisamment.

Alors je vous pose la question: Où voulez-vous qu'on coupe? Dites-nous exactement dans quels domaines!

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, il y a beaucoup d'endroits, et le ministre le sait. Pensons aux fiducies familiales qu'il protège d'une façon un peu particulière.

Je suis convaincu que la raison pour laquelle les milieux financiers ont décoté le crédit du Canada n'est pas parce qu'on avait trop coupé, c'est parce qu'on n'a pas assez coupé, contrairement aux engagements qui avaient été contractés.

Je demanderais au ministre de commenter le fait que la timidité des efforts de réduction de dépenses ainsi que l'obsession du gouvernement à combattre une inflation quasi inexistante ne sont pas en train de faire augmenter les taux d'intérêt. Et je lui demande, en particulier, s'il convient que la tendance à la hausse des taux d'intérêt, justement, compromet les perspectives déjà anémiques d'une reprise de l'économie, d'une création d'emplois, avec les conséquences néfastes que l'on sait pour l'entreprise et les chômeurs.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président. . . Oui, je vous regarde, monsieur le Président. C'est beaucoup mieux vous regarder que de regarder ailleurs!

Tout d'abord, il faut dire que les taux d'intérêt, même aujourd'hui, sont beaucoup plus bas que ce qu'ils étaient il y a trois mois, six mois, un an. De plus, s'il y a des raisons pour la hausse des taux d'intérêt, vous savez fort bien que ce sont des raisons internationales, qui n'ont rien à voir avec la situation ici au Canada.

En ce qui concerne le Budget et les coupures, on a donné la chance au chef de l'opposition et à ses collègues, lors d'un débat prébudgétaire, de nous faire leurs suggestions et ils ne l'ont pas fait. Alors, que viennent-ils nous dire maintenant?


2667

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, les milieux financiers ne sont pas des gens qui parlent par les discours, par le lyrisme et le bruit vocal qu'on entend parfois ici en cette Chambre et qui tient lieu de politique monétaire et de politique financière. Ils ont parlé très durement et d'une façon très éloquente, cette semaine, en décotant le crédit du Canada. De plus, il y a également les chômeurs et les autres.

Le ministre des Finances est-il disposé à revoir son approche inefficace et injuste, qui consiste à attaquer les chômeurs, en réduisant les prestations pour les forcer à chercher des emplois qui n'existent pas, au lieu de s'en prendre aux causes du chômage elles-mêmes.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, en ce qui concerne notre lutte contre le chômage, notre plan pour la création d'emplois a été endossé par les membres du G-7, par la France, par l'Allemagne et par les États-Unis.

Lorsqu'on regarde les résultats du mois de février, 66 000 nouveaux emplois, dont 15 000 au Québec, ont été créés. Et lorsqu'on regarde ce que l'on a fait en baissant les cotisations d'assurance-chômage, tout ce qu'on a fait pour la petite et moyenne entreprise, les réseaux de haute technologie, lorsqu'on regarde le plan d'action pour la création d'emplois, il faut dire qu'on a un gouvernement qui sait faire.

* * *

(1420)

LA CRÉATION D'EMPLOIS

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, dans le livre rouge, à la page 14, on peut lire et je cite:

. . .Obnubilés par l'inflation, les conservateurs ont pris des mesures qui ont plongé le pays dans la récession, annulé la croissance pendant trois ans, fait baisser les revenus, fait exploser le chômage. . .
Des voix: Bravo!

M. Loubier: Ah, mais attendez la suite. Or, le ministre des Finances nous disait hier qu'il refait exactement la même chose que les conservateurs. Il a réitéré fermement l'objectif de lutte à l'inflation de la Banque du Canada. Quelle volte-face en quatre mois! On peut se demander qu'est-ce qu'on va nous servir pendant quatre ans?

Ma question s'adresse au ministre des Finances, et vous ne perdez rien pour attendre! Après avoir. . .

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je n'ai pas compris la question, alors l'honorable député pourrait-il la poser à nouveau?

M. Loubier: Je me reprends, monsieur le Président. J'avais l'impression que vous vous leviez parce que mon préambule était trop long, alors c'est pour cela que je me suis assis.

Alors, je repose ma question au ministre des Finances. Après avoir déposé un Budget digne des conservateurs, le ministre des Finances ne réalise-t-il pas qu'il renie son engagement électoral en poursuivant la même lutte obsessionnelle à l'inflation et en refusant de faire de la réduction du chômage l'objectif prioritaire de la Banque du Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Tout d'abord, monsieur le Président, je pense que c'était beaucoup mieux avant que le député ne pose sa question. Je veux le féliciter pour la lecture de la citation.

En ce qui concerne la question, est-ce que le député est maintenant en train de nier son chef? Est-ce qu'il est en train de dire qu'on ne devrait vraiment pas sauvegarder les acquis de la lutte à l'inflation, si chèrement acquis, il faut le dire? Est-ce que le député est en train de dire que l'on ne devrait pas être un pays avec un bas taux d'inflation? Est-ce qu'on ne devrait pas utiliser cela comme un de nos atouts pour augmenter l'emploi au Canada? Est-ce qu'il est vraiment en train de nier tout ce qu'il a étudié lorsqu'il était étudiant en économie? J'en doute! Peut-être. Alors, il dit qu'il le nie. Quoi, vous niez que vous êtes en train de nier ou que vous étiez étudiant en économie?

Le Président: Il faut dire qu'aujourd'hui, on a plusieurs questions de chaque côté. Alors, peut-être pourrait-on poser les questions de ce côté-ci. Je cède donc la parole à l'honorable député de Saint-Hyacinthe-Bagot.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, je désire poser une question supplémentaire. Il est quand même étonnant d'entendre le ministre des Finances qui, quelques jours à peine après le Sommet du G-7, jette à la poubelle sa profession de foi envers la création d'emplois à court terme. Alors, je lui pose la question à nouveau.

Le ministre ne convient-il pas qu'en maintenant cette politique obsessionnelle de lutte à l'inflation qui, de l'avis même de son parti, est principalement responsable de la dernière récession, il étouffera volontairement tout espoir de relance de l'économie et de l'emploi au Québec comme au Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, pour nous, il n'y a pas de doute que la création d'emplois est notre objectif primordial. D'ailleurs, c'est pour cela qu'on était tellement contents de constater que durant le mois de février, on a réussi à avoir 66 000 nouveaux emplois au Canada, comme je viens de le dire, dont 15 000 au Québec.

Lorsqu'on regarde la situation, on voit que la confiance des consommateurs est à la hausse, de plus de 13 p. 100 au quatrième trimestre; augmentation de 1,2 p. 100 des ventes au détail en janvier; 1,1 p. 100 en décembre; hausse marquée des ventes d'automobiles. Nous avons maintenant une économie en croissance et c'est parce que les Canadiens ont confiance en nous.

* * *

[Traduction]

LES TAUX D'INTÉRÊT

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse aussi au ministre des Finances.


2668

Dans son budget, le ministre prévoit un taux d'escompte de 4,5 p. 100. Le taux des obligations à long terme est de 6,4 p. 100. Il nous faudra verser cette année 41 milliards de dollars en intérêts et il prévoit qu'une hausse de 1 p. 100 des taux d'intérêt ajoutera 1,7 milliard de dollars au déficit.

Aujourd'hui, le taux de la Banque du Canada est déjà une demie de 1 p. 100 plus élevé que prévu et la hausse des taux d'intérêt est principalement due à la hausse des taux d'intérêt aux États-Unis sur laquelle le gouvernement n'a aucune prise.

Le ministre reconnaîtra-t-il aujourd'hui que ses prévisions relatives au déficit du budget de l'an prochain sont tout simplement trop faibles? Qu'il le reconnaisse donc de telle sorte que la Chambre puisse s'attaquer au réel problème que cela soulève!

(1425)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, la déclaration du député en ce qui concerne les taux d'intérêt à court terme est un peu dépassée à l'heure actuelle, mais les chiffres qu'il cite étaient valables ce matin, aux environs de 10 heures.

Toutefois, le député a néanmoins raison sur un point, à savoir pour ce qui est des taux d'intérêt à long terme. Ceux-ci sont effectivement plus élevés que nous l'avions prévu.

Compte tenu de la prudence dont nous avons fait preuve dans toutes nos prévisions budgétaires, au sujet de la croissance, de l'inflation et des taux d'intérêt, nous avons très bon espoir qu'elles se réalisent.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ce qui nous inquiète justement, c'est le degré de prudence exercé.

Pas plus tard que la semaine dernière, le secrétaire parlementaire du ministre a répondu ici à une question sur la hausse des taux d'intérêt dans les termes suivants: «Les grandes lignes du budget ont été élaborées d'une façon très prudente. Nous avons tenu compte de ce genre de considérations. . .»-à savoir la hausse des taux d'intérêt.

Le ministère des Finances a-t-il prévu un plan d'urgence pour contrer l'incidence sur le budget de taux d'intérêt élevés, comme l'a laissé entendre le secrétaire parlementaire du ministre?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, nous avons très bon espoir de réussir à atteindre les objectifs fixés dans le budget.

Je le répète, nos chiffres quant aux recettes, aux dépenses et au déficit sont fondés sur toute une série de prévisions. Le député a manifestement raison en ce qui a trait aux taux d'intérêt à long terme, mais il demeure que nous avons encore une assez grande marge de manoeuvre, pour ce qui est de la grande majorité de nos prévisions.

J'ajouterai ceci. Le député signale que mon secrétaire parlementaire et moi-même avons tous deux employé, en anglais, le mot conservatism. Si je l'ai fait, c'est bien faute de trouver une meilleure expression, monsieur le Président.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, j'ai une autre question supplémentaire à poser, monsieur le Président.

Il doit bien y avoir quelqu'un au ministère des Finances qui a prévu que les taux d'intérêt soient plus élevés qu'on ne le laisse entendre dans le budget et qui a préparé un plan d'action en conséquence. Le ministre nous dira-t-il si le gouvernement aura l'honnêteté de publier ses véritables prévisions en ce qui concerne les taux d'intérêt et le coût du crédit par opposition à celles qui sont contenues dans le livre écrit à l'encre rouge?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, les prévisions concernant les taux d'intérêt font partie de toute une série de prévisions budgétaires. Nous gardons bon espoir d'atteindre les objectifs fixés dans le budget.

Comme il en a été question dans des entretiens que j'ai eus avec la présidence, nous aurons l'occasion à un moment donné, après Pâques, de nous entretenir avec les députés du Parti réformiste et nous sommes tout disposés à envisager tous les scénarios possibles et à discuter d'une foule de plans d'urgence.

Je dirai ceci au député: nous n'aurons pas besoin d'un plan d'urgence, car nous allons atteindre nos objectifs.

* * *

[Français]

L'USINE HYUNDAI DE BROMONT

M. Gaston Péloquin (Brome-Missisquoi): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional au Québec.

Hier, les trois grands constructeurs automobiles américains ont clairement indiqué qu'ils n'entendaient pas assurer la relance des activités à l'usine Hyundai de Bromont. En réponse à une question des médias, le ministre des Finances a déclaré, et je cite: «Si les trois géants persistent à ignorer Bromont, on pourrait faire appel à des entreprises qui oeuvrent dans d'autres domaines.»

Le ministre confirme-t-il que les trois grands constructeurs automobiles américains n'entendent pas participer à la relance de l'usine de Bromont et peut-il préciser à quel genre d'entreprise il faisait référence hier dans ses propos?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, en tout cas, je suis content que l'on ait arrêté de poser des questions au ministre des Finances.


2669

(1430)

Comme vous l'avez vu hier, le ministre de l'Industrie du Québec, M. Tremblay, a dit qu'il espérait encore pouvoir négocier avec les compagnies automobiles et qu'il avait l'intention d'entrer en contact avec elles. D'ailleurs, je pense qu'il les avait déjà contactées. Je pense donc que l'on devrait attendre le résultat des discussions de M. Tremblay avec ces compagnies.

M. Gaston Péloquin (Brome-Missisquoi): Monsieur le Président, le ministre ne convient-il pas que la cessation de l'activité d'assemblage de voitures à Bromont aura pour effet d'accroître le déficit historique criant que subit le Québec par rapport à l'Ontario dans la sous-traitance de l'industrie automobile et qu'il est nécessaire de mettre en place une véritable stratégie pour corriger cette situation?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, j'ai déjà dit que j'étais très déçu de la décision de Hyundai. Je connais très bien la situation-je suis d'ailleurs un commettant du député qui vient de poser la question-et je connais très bien la région. Je suis totalement d'accord que l'on va devoir travailler de concert avec le gouvernement du Québec et avec la municipalité de Bromont pour pouvoir vraiment remédier à cette situation.

On a mis en place dans le livre rouge que le député vient de citer, un plan d'attaque au chômage, ce qui, évidemment, inclut l'Estrie. J'espère avant longtemps pouvoir faire des annonces sur les discussions avec le Québec dans le cadre de la création d'emplois.

* * *

[Traduction]

LE BUDGET

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, ma question s'adresse aussi au ministre des Finances.

Le ministre a déclaré à maintes reprises que son budget était une stratégie à deux volets et que des compressions radicales auraient lieu l'an prochain. Le premier ministre, de son côté, affirme que toutes les compressions ont déjà été annoncées.

Puisque le budget ne prévoit aucune compression que l'on pourrait qualifier de radicale pour l'an prochain, le ministre des Finances pourrait-il dire aux Canadiens si, oui ou non, il y aura de telles compressions et, si oui, comment il se fait que le premier ministre n'en soit pas informé?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, le premier ministre a dit exactement la même chose que ce que j'ai dit à la Chambre quand le budget a été présenté, à savoir que les compressions et les mesures contenues dans l'exposé budgétaire du 22 février aboutiront à une réduction du déficit, qui ne représentera plus que 3 p. 100 du PIB dans trois ans.

En outre, dans le budget, et le premier ministre l'a répété, nous annonçons une série de mesures d'examen du mode de fonctionnement du gouvernement. Le ministre chargé du Renouveau de la fonction publique est responsable de certaines de ces mesures, le ministre du Développement des ressources humaines et d'autres ministres, dont le ministre des Transports, sont responsables de certaines autres et ces mesures nous permettront de faire le ménage dans les finances de la nation.

C'est ce que le premier ministre a déclaré, c'est ce que j'ai déclaré moi aussi. C'est notre position.

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, les marchés financiers font savoir qu'il faut pratiquer des coupes radicales dans les dépenses pour éviter au Canada une grave crise financière. L'augmentation des taux d'intérêt donne à penser que le monde de la finance s'attend à ce que le gouvernement ne mette pas en oeuvre sa deuxième série de compressions.

La crédibilité du ministre des Finances est en jeu, et pas uniquement à la Chambre des communes, mais dans un cercle beaucoup plus large. Le ministre peut-il nous affirmer que des compressions majeures des dépenses seront annoncées et imposées?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, nous avons déclaré clairement que l'exposé budgétaire du 22 février constituait le premier volet d'un programme qui en compte deux.

Nous n'étions au pouvoir que depuis une centaine de jours lorsque nous avons présenté ce premier budget et déjà nous examinions toutes les activités du gouvernement. Cet examen est est en cours et ses résultats seront évidents non seulement dans le prochain budget, mais aussi dans les mesures que les ministres annonceront au cours de l'année qui vient et par la suite.

(1435)

Nous avons été élus pour faire deux choses: créer des emplois et mettre de l'ordre dans les finances publiques. Pour moi, il ne fait aucun doute que, à la fin de notre mandat, les Canadiens constateront que nous nous sommes acquittés de notre mandat.

* * *

[Français]

LES PROGRAMMES SOCIAUX

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Alors que le comité parlementaire chargé de consulter les Canadiens sur les programmes sociaux a dû remettre son rapport lundi, pour qu'il soit déposé devant cette Chambre vendredi; alors qu'hier, mardi, une consultation parallèle était tenue à Montréal, dénoncée par la plus grande partie des groupes invités, voici qu'aujourd'hui, le ministre du Développement des ressources humaines annonce, avec le premier ministre du Nouveau-Brunswick, un programme de sécurité du revenu pour les 50-65 ans de cette province.

Le ministre ne convient-il pas que la première phase de consultations sur les programmes sociaux a été une consultation bidon?


2670

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, le programme que nous avons annoncé comportait plusieurs facettes. Il ne s'agissait certainement pas de consultations bidon. Nous avons tenté de consulter le plus grand nombre possible de Canadiens et nous sommes certainement impatients de voir le rapport du comité.

Comme la députée l'a dit elle-même à maintes reprises, nous devons également trouver d'autres façons d'amener les Canadiens à nous faire part de leurs opinions. C'est pourquoi mon propre ministère et certaines provinces d'un bout à l'autre du pays ont parrainé des tribunes qui ont permis à des Canadiens de divers milieux d'exprimer leur point de vue, de se faire entendre, de dialoguer et de participer à un débat sérieux.

Je trouve incroyable qu'une députée élue démocratiquement à la Chambre s'oppose à ce que les Canadiens aient un débat honnête au sujet de leur avenir.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, pour que les Canadiens aient un débat honnête sur ce qui se prépare, il faudrait que le ministre le dépose sur la table.

Ne convient-il pas qu'il entend se servir de ce nouveau programme, dit de revenu régulier, comme d'une première étape pour implanter un régime pancanadien de revenu minimum garanti et ensuite forcer la main aux provinces récalcitrantes?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, la députée peut bien spéculer autant qu'elle veut, mais il n'en reste pas moins que nous sommes très sérieux et sincères lorsque nous disons que nous voulons consulter un grand nombre de Canadiens.

L'une des choses qui nous intéressent particulièrement, c'est de travailler avec les gouvernements provinciaux pour élaborer des projets pilotes, des nouveaux modèles, des nouvelles techniques que nous pourrions mettre à l'essai durant cette période de réexamen afin de déterminer ce qui fonctionne le mieux. Compte tenu de la complexité du marché du travail et du réseau de services sociaux dans notre monde d'aujourd'hui, il est essentiel que nous essayions diverses méthodes et divers modèles pour voir ce qui est le plus efficace.

Comme la députée le sait, je suis tout à fait disposé à partager ces informations avec mes collègues à la Chambre, à réunir ces renseignements dans un plan d'action qui, nous l'espérons, pourra être présenté aux Canadiens dans environ six à huit semaines afin que nous puissions entreprendre la deuxième phase du débat.

Je trouve absolument incroyable et vraiment incompréhensible que la députée s'oppose à ce que notre gouvernement consulte les Canadiens de toutes les régions du pays pour déterminer ce qui sera le plus avantageux pour eux.

LA SANTÉ

M. Grant Hill (Macleod): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.

Nous avons appris lundi à la Chambre que le Dr Doug Kennedy allait à Toronto pour nous obtenir de l'information sur les échantillons de sang de la Croix-Rouge. La ministre pourrait-elle nous informer de l'évolution du dossier?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, le Dr Kennedy est bien allé à Toronto. On est en train d'y examiner les échantillons de sang.

Je crois que la Croix-Rouge a publié un rapport, et nous sommes d'accord avec ce rapport pour le moment.

M. Grant Hill (Macleod): Monsieur le Président, je voulais vraiment obtenir un compte rendu provisoire qui nous donne une idée de la teneur du rapport.

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, la Croix-Rouge est en train d'examiner comment elle peut analyser tous ces échantillons. C'est à peu près tout ce que je suis en mesure de dire pour le moment.

Je me ferai un grand plaisir de communiquer un rapport plus complet aux députés dès que j'en aurai un.

* * *

(1440)

[Français]

L'ÉDITION

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, hier, visiblement ébranlé, le ministre du Patrimoine s'est contredit une fois de plus dans le dossier de la transaction controversée de Ginn Publishing. D'une part, il affirmait qu'aucune proposition d'achat d'éditeurs canadiens n'avait été faite depuis l'élection des libéraux et, d'autre part, il a déclaré que l'éventualité d'une poursuite judiciaire ne l'avait pas influencé dans sa décision.

Ma question s'adresse au ministre du Patrimoine. Comment le ministre peut-il justifier sa nouvelle volte-face dans le dossier de Ginn Publishing, alors qu'il a déjà déclaré avoir autorisé la transaction par peur d'être poursuivi, tandis qu'hier, il admettait candidement au journaliste du Toronto Star, que j'ai lu, que la peur d'une poursuite n'avait rien eu à voir dans sa décision?

Des voix: Bravo!

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, je ne sais pas si les applaudissements anticipent la réponse. Je n'ai jamais changé d'avis et je n'ai jamais changé de position. Les observations qu'on m'impute au sujet de ce que j'ai dit à l'extérieur de cette Chambre se réfèrent à la période qui a suivi la transaction et non pas la période qui est venue avant la transaction. Pour ceux qui ont suivi ce débat, ils comprendront ce que je veux dire.

Des voix: Bravo!


2671

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, j'ai bien suivi ce débat mais j'ai un peu de difficulté à suivre le ministre.

Comment le ministre peut-il continuer d'affirmer qu'aucun éditeur canadien n'avait manifesté d'intérêt pour l'achat de Ginn, depuis l'élection des libéraux, alors que pas plus tard qu'en janvier dernier, le président de Canada Publishing, M. Ronald Besse, faisait part à la CDIC, pour au moins la quatrième fois depuis 1989, de son intention d'acquérir Ginn Publishing? Comment peut-il justifier sa déclaration? Quand le ministre dit-il vrai? En Chambre, ou dans le lobby au Toronto Star?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, je comprends que notre collègue ait du mal à me suivre car depuis que je suis ministre des Sports amateurs, je suis très vite sur mes patins.

Que l'on ne me fasse pas dire des choses que je n'ai pas dites. Ce que j'ai dit, c'est qu'il n'y avait pas, à ma connaissance, d'offres fermes et chiffrées faites pour l'achat de Ginn. Voilà ce que j'ai dit.

* * *

[Traduction]

LE PROGRAMME D'EMPLOI D'ÉTÉ

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Les étudiants des niveaux secondaire et postsecondaire de la circonscription de Winnipeg-Nord, comme de partout ailleurs j'en suis certain, s'inquiètent des perspectives d'emploi pour l'été qui approche à grands pas.

Comment le ministre s'assurera-t-il que le programme d'emploi pour l'été qui vient satisfera aux besoins d'emploi accrus des jeunes? Comment le gouvernement établira-t-il un lien entre ce programme et ses futurs projets du Service jeunesse et des programmes d'apprentissage, cela pour mieux répondre aux besoins des jeunes Canadiens?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Je remercie aussi les autres membres de notre caucus d'avoir suggéré, au cours des derniers mois, des améliorations à apporter à notre programme d'emploi pour étudiants.

Je suis très heureux d'annoncer que le gouvernement a décidé d'augmenter de 20 p. 100, soit d'un peu plus de 20 millions de dollars, le budget prévu pour le programme d'emploi d'été; le nouveau budget servira tout particulièrement à établir des liens entre les emplois d'été et les employeurs qui continueraient de guider les étudiants tout au long de l'année.

Nous estimons qu'il s'agit là d'une approche extrêmement novatrice qui fournira une aide supplémentaire à de nombreux jeunes méritants et désireux de retourner étudier et d'acquérir une bonne formation pour l'avenir.

* * *

(1445)

LE PROJET KEMANO

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans.

Le 11 mars, j'ai posé une question au ministre au sujet de l'aide financière accordée aux intervenants pour la participation aux audiences sur l'achèvement des travaux du projet Kemano et de l'égalité d'accès à cette aide pour les groupes intéressés.

Malheureusement, le ministre n'a pas répondu à ma question au sujet de l'égalité d'accès, mais a choisi plutôt de rappeler à la Chambre que le trésor public n'était pas inépuisable et que le gouvernement fédéral allait agir d'une manière responsable en ce qui a trait aux dépenses fédérales.

Si c'est le cas, le ministre peut-il confirmer que le gouvernement a engagé Farris and Co., le cabinet d'avocats le plus onéreux du Canada, pour le représenter aux audiences de la British Columbia Utilities Commission, au lieu de faire appel aux avocats du ministère de la Justice qui connaissent sans doute mieux le dossier et coûtent assurément moins cher?

M. Harbance Singh Dhaliwal (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, je remercie le député de me poser ma première question.

Comme le député le sait, le gouvernement tient à ce que le processus d'évaluation du projet Kenamo soit transparent et ouvert. C'est pourquoi il a distribué des milliers de pages de documents afin que tous aient accès à l'information aux audiences de la BCUC.

En ce qui concerne l'aide financière accordée aux intervenants, comme le ministre l'a déjà dit, nous allons déterminer quels groupes peuvent faire une demande au ministère. Toutes les demandes seront étudiées. Il y a des fonds, mais les groupes doivent faire une demande. Nous allons étudier la question de l'aide qui sera accordée à certains groupes pour leur permettre d'intervenir.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre. Je sais que tous les députés voudraient participer aux diverses activités de la Chambre, mais je leur demanderais aussi de cesser de présenter toutes sortes de documents ayant pour effet de détourner notre attention de cette question des plus sérieuses.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley): Monsieur le Président, je dois dire que la réponse du secrétaire parlementaire au sujet de l'aide financière aux intervenants me satisfait davantage que celle du ministre. Le ministre des Pêches et des Océans a clairement dit dans une note de service que seuls les groupes autochtones auraient droit au financement.

Aujourd'hui, le député dit. . .


2672

Le Président: Je prie le député de poser sa question.

M. Harris: Au nom de tous les intéressés dans ma circonscription, le député est-il en train de dire à la Chambre et à tous les autres intéressés que le gouvernement étudiera les demandes des groupes non autochtones?

M. Harbance Singh Dhaliwal (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, je le répète, le ministre des Pêches et des Océans a déjà précisé, en réponse à une question semblable, que tous les groupes d'intervenants, quels qu'ils soient, pourront faire une demande d'aide financière et que leur cas sera étudié, mais que les fonds sont limités.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien dispose également de fonds pour lesquels une demande peut être faite.

Ce que je dis aujourd'hui, c'est que nous voulons étudier les demandes d'aide financière dans le cadre du budget actuel pour le financement des intervenants.

* * *

[Français]

LES LANGUES OFFICIELLES

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Monsieur le Président, le commissaire aux langues officielles est intervenu personnellement auprès du ministère de la Défense nationale afin que les francophones qui ont perdu leur emploi puissent avoir accès, dans leur langue, à des cours de réorientation professionnelle et de reclassement au quartier général de la défense à Ottawa, dont le responsable de ce service, depuis six ans, est un unilingue anglophone.

(1450)

Ma question s'adresse au ministre de la Défense. Comment le ministre, un défenseur acharné des droits des francophones au sein des forces armées, peut-il tolérer une telle situation? Qu'entend-il faire pour que les francophones, qui constituent près de 30 p. 100 des effectifs du quartier général, aient accès aux mêmes services que ceux offerts aux anglophones?

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je remercie l'honorable député pour sa question. Nous avons mis en place beaucoup des recommandations du ministère de la Défense nationale. Nous avons un comité ministériel qui a été formé par l'ancien ministre et il y a aussi un comité dans les Forces canadiennes en général. Nous avons mis en place beaucoup des recommandations, mais nous avons beaucoup de travail à compléter.

[Traduction]

Il n'est pas inutile de souligner à la Chambre que, étant donné les questions posées depuis quelques semaines sur les collèges militaires, nous avons passé en revue toute la question du bilinguisme dans les forces armées.

Dans quelques semaines, au retour du congé de Pâques, je serai peut-être en mesure de faire une déclaration à la Chambre au sujet des mesures que nous entendons prendre pour que le bilinguisme au Collège militaire de Kingston soit d'une qualité acceptable aux yeux des députés d'en face. Il s'agit d'un établissement bilingue, et nous allons renforcer ce bilinguisme.

Plus généralement, nous allons aussi donner suite aux préoccupations exprimées par le commissaire aux langues officielles et d'autres personnes qui ont critiqué le ministère par le passé.

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Monsieur le Président, malgré la réponse que le ministre vient de me fournir, est-ce qu'il reconnaît que ce nouveau cas illustre une fois de plus les problèmes vécus par les francophones à travailler dans leur langue au sein du ministère de la Défense, ici même à Ottawa, qui est une ville bilingue? Devant un tel état de fait, comment le ministre ose-t-il nous faire croire qu'il va rendre le Collège militaire de Kingston bilingue?

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je veux assurer la Chambre et l'honorable député qu'on peut travailler en utilisant la langue française au quartier général à Ottawa. Moi, comme ministre, ainsi que tous mes hauts fonctionnaires travaillons en français.

[Traduction]

Il s'agit d'un problème de la société canadienne sur lequel nous avons des opinions très nettes. Nous tenons au bilinguisme des institutions nationales. Nous tenons au bilinguisme dans le fonctionnement de l'administration et dans l'ensemble du Quartier général de la Défense nationale. Nous avons accompli de grands progrès, mais cela ne veut pas dire que nous ne pourrons pas faire encore mieux dans les semaines à venir.

J'invite le député d'en face et ses collègues à nous aider à relever le niveau de bilinguisme dans les Forces canadiennes afin qu'il soit acceptable pour les Canadiens qui parlent les deux langues officielles.

* * *

LES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, comme vous le savez, la Chambre a examiné la question de suspendre le processus de révision des limites des circonscriptions électorales avant que des audiences publiques n'aient pu être tenues à ce sujet et après que cinq millions de dollars ont été dépensés. Il court aussi certaines rumeurs selon lesquelles le gouvernement aurait l'intention d'appliquer la clôture après seulement une journée de débat.

Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Le ministre pourrait-il faire savoir à la Chambre si le gouvernement a demandé un avis juridique sur la constitutionnalité de cette loi avant de la présenter à la Chambre? Dans l'affirmative, quel est-il? Dans la négative, pourquoi ne l'a-t-il pas fait?


2673

Le Président: Je crois que la Chambre est saisie de cette question. La question est toutefois assez générale pour que je permette au ministre d'y répondre, s'il y tient.

[Français]

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je pense que la question de l'honorable député fait référence à une proposition qui permettrait aux contribuables canadiens d'économiser des millions de dollars. Il semble tout à fait irréaliste à ce moment-ci de procéder avec une révision de la carte électorale, carte électorale qui, en vertu même de sa composition actuelle, regroupe un nombre de députés qui, au dire même du parti que représente l'honorable député, est déjà trop élevé.

(1455)

En vertu de cette proposition, on augmenterait encore davantage le nombre de députés. J'invite donc plutôt l'honorable député à assumer ses responsabilités afin d'économiser l'argent des contribuables et de reporter ce projet à plus tard.

[Traduction]

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, nous avons proposé de rencontrer le gouvernement à n'importe quel moment pour négocier une réduction du nombre de députés à la Chambre. Le gouvernement a refusé.

Or, ma question concerne la constitutionnalité de cette loi. Selon l'avis juridique donné à un comité parlementaire, quand ce processus a été suspendu durant la dernière législature-il s'agissait du projet de loi C-67-l'article 51 de la Loi constitutionnelle prévoit un délai implicite pour procéder à la révision des limites des circonscriptions électorales. Le report du processus après le prochain recensement est une infraction à la Constitution et a des répercussions sur d'autres dispositions, comme l'alinéa 42(1)a) de la Loi constitutionnelle.

Le Président: À l'ordre. Peut-être serait-il préférable d'inscrire cette question au Feuilleton. C'est une question très précise. Je demande au député d'envisager de la faire inscrire au Feuilleton.

* * *

LES PÊCHES

M. Francis G. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans.

Des pêcheurs de ma circonscription s'inquiètent de la menace que pose, pour leur gagne-pain, la présence de plusieurs gros navires canadiens qui pêchent le thon rouge au large des côtes des Bermudes. Comme le secrétaire parlementaire le sait, la pêche au thon rouge se pratique depuis peu de temps aux Bermudes et cet archipel n'est pas membre de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, la CICTA, qui est l'organisme international responsable de la conservation de cette ressource fragile.

Le fait que des navires canadiens aillent pêcher dans les eaux des Bermudes pourrait empêcher d'autres pêcheurs de thon du golfe du Saint-Laurent de pêcher leur propre quota, cette année.

Le secrétaire parlementaire pourrait-il informer la Chambre et les habitants de ma circonscription des mesures que le gouvernement prend pour mettre fin à cette activité de pêche inopportune?

M. Harbance Singh Dhaliwal (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, je voudrais dire à la Chambre que l'on a fait savoir officiellement aux cinq navires en question que leurs activités n'étaient pas sanctionnées par le gouvernement et qu'ils risquaient de perdre les licences leur donnant le droit de pêcher dans la zone canadienne.

On leur a dit également que l'industrie canadienne du thon et de l'espadon avait été informée du nombre de thons et d'espadons qu'ils avaient pêchés et que ce nombre serait déduit des quotas canadiens.

Nous faisons tout notre possible pour contrôler ces navires et mettre un terme à cette situation.

* * *

[Français]

L'ENQUÊTE SUR LE SANG CONTAMINÉ

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.

En janvier dernier, le juge Krever, responsable de l'enquête sur le sang contaminé, faisait part de l'insuffisance des budgets et des ressources mis à sa disposition pour mener à bien son mandat. Interrogée par l'opposition officielle, la ministre de la Santé affirmait qu'une demande de fonds supplémentaires a été présentée et qu'elle était étudiée par le Conseil du Trésor.

La ministre peut-elle nous dire si le Conseil du Trésor a enfin pris une décision concernant cette demande de crédits supplémentaires?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, nous sommes en train de revoir la demande encore aujourd'hui. Nous annoncerons ce qu'il en est lorsque nous aurons pris une décision finale.

* * *

[Traduction]

LE TRANSPORT DU GRAIN

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.

Les exportations canadiennes de grains sont sérieusement freinées par la réduction du trafic ferroviaire. Selon Howard Restall de XCan Grain, les navires attendent de deux à trois semaines leur chargement de canola canadien, ce qui force XCan à payer jusqu'à 10 000 $ par jour de frais de surestarie. De plus, les navires partent souvent à vide après avoir empoché jusqu'à 350 000 $ de ces frais de surestarie.

Quand le ministre va-t-il exiger que les sociétés ferroviaires honorent leurs engagements et transportent rapidement le grain lorsque les marchés le demandent, au lieu de faire constamment du lobbying pour que le gouvernement les autorise à réduire leurs services?


2674

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, le député soulève une question qui inquiète beaucoup l'industrie, notamment les expéditeurs, les consommateurs et les clients. Nous essayons de promouvoir une solution qui viendrait de consultations entre les parties intéressées. Comme le député le sait, c'est très complexe.

(1500)

On me dit que les sociétés ferroviaires essaient de trouver une solution en utilisant, grâce au changement de temps, des wagons qu'il était impossible d'utiliser pendant l'hiver. On essaie également de louer des wagons aux États-Unis. Nous nous intéressons activement à la question. J'en reconnais l'urgence, et nous ferons de notre mieux.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Alfonso Gagliano (Saint-Léonard): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je voudrais signaler à la Chambre quelque chose qui s'est passé aujourd'hui pendant la période des questions.

Depuis le début de la 35e législature, tous les députés, notamment les whips, ont toujours essayé de maintenir le décorum pour que nous puissions avoir de bons débats.

Je comprends que, dans le feu de la discussion, des députés peuvent parfois chahuter ou parler un peu plus fort que d'habitude. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, j'ai été très gêné, surtout par un parti politique qui, avant, pendant et après les élections, nous a sermonnés sur la conduite que nous devrions adopter ici. Des affiches ont été brandies, pas par un seul député, mais par plus d'une rangée de députés de ce parti. À mon avis, cela a été organisé délibérément. Il est honteux et regrettable que, aujourd'hui, après trois mois d'efforts pour maintenir le décorum, il ait été mis fin à cet usage.

Des voix: Bravo!

. Le Président: En fait, depuis le début de la 35e législature, tous les députés, à mon avis, ont fait tout leur possible pour maintenir le décorum à la Chambre.

Comme je l'ai mentionné au cours de la période des questions, nous avions bel et bien demandé à tous les députés de cesser de se livrer à de telles manifestations. Je suis certain que nous prendrons tous à coeur les paroles du whip, car j'estime que les choses se sont bien déroulées jusqu'ici. J'encouragerais donc les députés à essayer de maintenir le décorum à la Chambre.

LES QUESTIONS SUPPLÉMENTAIRES

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je vous prierais de consulter les «bleus» de la période de questions. Vous avez déclaré ma question supplémentaire irrecevable, avant même que j'aie pu la poser. Ma question était la suivante: «Le gouvernement se propose-t-il simplement de se pencher sur cette affaire avec son constitutionnaliste. . .»

Le Président: Je vais donner au député l'assurance que je consulterai les «bleus» et, si je me suis trompé, je vais revenir à la Chambre pour corriger la situation.

J'ai fait de mon mieux pour saisir le sens de la question avant que les députés ne la posent. Si je me suis trompé, je solliciterai l'indulgence de la Chambre. Par ailleurs, je me demande s'il ne serait pas préférable, pour obtenir une réponse plus complète, d'inscrire certaines questions au Feuilleton, ce qui me paraît l'endroit tout indiqué pour les questions de ce genre. Quoi qu'il en soit, je m'engage à vérifier les «bleus».

Chers collègues, nous allons maintenant passer à la période des hommages.

* * *

MONSIEUR ERIC JOHN SPICER

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra): Monsieur le Président, avec le consentement préalable de la Chambre et à titre de coprésident du Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement, je propose, appuyé par la députée de Saint-Hubert:

Qu'en reconnaissance de ses longs et distingués services comme chef de service administratif de la Bibliothèque du Parlement, Monsieur Eric John Spicer soit par le présent acte nommé fonctionnaire honoraire de la Chambre des communes à titre de bibliothécaire parlementaire émérite.
Des voix: Bravo!

(1505)

Le Président: Je pose la question pour la forme. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le Président: J'allais présenter officiellement notre bibliothécaire émérite. Puisque les députés l'ont déjà acclamé, je demanderais à certains d'entre eux de nous faire part de leurs impressions.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Monsieur le Président, je suis heureuse que mon parti, le Bloc québécois, m'ait demandé de prendre la parole aujourd'hui afin de féliciter M. Erik John Spicer pour sa nomination-et je traduis vraiment librement-comme bibliothécaire parlementaire émérite. J'espère que la traduction est bonne.

Ma première élection remonte au 21 novembre 1988. En tant que nouvelle élue, à l'époque, et comme membre du gouvernement à l'époque, je voulais tout savoir, étant curieuse de nature évidemment. Je voulais avoir toute la documentation sur tous les sujets à l'ordre du jour, spécialement sur un sujet qui m'a toujours préoccupé, les armes à feu. Je voulais connaître les lois et les règlements dans les pays européens relativement aux armes à feu. Je voulais savoir en vertu de quoi les Américains disaient toujours qu'ils avaient un droit presque inné à posséder une arme


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à feu, et c'est à la Bibliothèque du Parlement que j'ai reçu toutes les réponses.

Également, lorsque nous siégions aux comités, et lorsque nous siégeons encore aux comités permanents de la Chambre, nous pouvons toujours compter sur les services fournis par la Bibliothèque, spécialement les résumés législatifs et les comptes rendus sur les différents sujets qui sont abordés. Le Service de la recherche de la Bibliothèque est toujours prêt et disponible à nous informer, et à nous aider dans notre recherche de la vérité.

Le Service de la Bibliothèque a également mis sur pied des séances d'information pour les députés et les adjoints des différents ministères afin que nous et nos adjoints sachions à qui et comment procéder pour obtenir tous les renseignements nécessaires au bon fonctionnement de nos bureaux.

De plus, s'il est impossible de participer à ces sessions d'information, on peut toujours demander encore une fois à la Bibliothèque les cassettes audio, et à ce moment-là, on reçoit le même service.

Tout ceci pour vous dire, monsieur le Président, que nous apprécions grandement les services qui ont été mis en place pour nous, les députés, pour nos adjoints, afin que nous puissions remplir notre mandat adéquatement. Merci à M. Spicer, merci, monsieur le Président.

[Traduction]

Le Président: La députée de Beaver River. Par inadvertance, j'ai interrompu mon collègue de Vancouver Quadra qui pourra prendre la parole après la députée de Beaver River.

Mme Deborah Grey (Beaver River): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au nom de mon parti pour offrir, moi aussi, nos félicitations à M. Spicer pour sa longue et remarquable carrière en cet endroit, carrière certainement plus longue que celle de bien des personnes qui ont servi ici.

En ma qualité de députée de Beaver River, je connais Erik Spicer depuis cinq ans. Je dois dire que, dans la situation unique où je me trouvais pendant la dernière législature, j'ai apprécié le fait de pouvoir m'adresser à une personne qui en savait long sur les mécanismes du Parlement. Le service auquel j'ai eu droit en tant que députée indépendante était tout simplement formidable.

J'ai trouvé merveilleux de pouvoir compter sur les nombreuses personnes hautement qualifiées, qui travaillent à la bibliothèque et qui sont toujours prêtes à rendre service. Pour moi qui suis professeur d'anglais et qui ai passé dix ans dans l'enseignement, avoir une telle bibliothèque à ma disposition était tout simplement merveilleux. Je tiens à remercier M. Spicer du fond du coeur pour toute l'aide qu'il m'a apportée, à moi et à mon personnel.

Je me souviendrai toujours du merveilleux sourire de M. Spicer que nous pouvons apercevoir maintenant à la tribune. Il est toujours de bonne humeur. Je ne me souviens pas de l'avoir rencontré, que ce soit dans l'ascenseur, à la bibliothèque, dans les couloirs ou à la cafétéria sans qu'il soit de bonne humeur et d'un abord très agréable. C'est une qualité fort appréciable.

(1510)

À la bibliothèque comme au bureau, tout le monde a été extrêmement surpris du nombre de députés nouveaux qui forment ce nouveau Parlement. Je suis sûre que cette immense surprise a rapidement été suivie d'un énorme surcroît de travail.

De la place que j'occupe aujourd'hui à la Chambre des communes, j'aimerais dire un grand merci, au nom de tous les députés, les nouveaux en particulier, pour les séances d'orientation qui nous ont été offertes sur la bibliothèque et pour l'excellence des services qu'on y trouve.

Quel merveilleux endroit pour travailler que cette Bibliothèque du Parlement! Je n'oublierai jamais la première fois que j'en ai franchi la porte. J'en suis restée bouche bée. Quel bonheur d'avoir travaillé plusieurs décennies dans un endroit aussi merveilleux! Je sais que M. Spicer va le regretter énormément.

Il laisse derrière lui probablement l'un des plus beaux bureaux du Parlement. Mais heureusement, il va voir beaucoup d'autres endroits magnifiques.

Monsieur le Président, vous savez comme moi que M. et Mme Spicer adorent voyager. Ce magnifique bureau du Parlement, qui est dans le genre de ce que le Canada a de plus beau à offrir, sera pour eux un bon point de départ vers d'autres destinations.

J'aimerais rendre hommage à Erik et à son épouse Helen qui, comme lui, est bibliothécaire. Je n'ai pu m'empêcher de sourire en lisant dans l'un des derniers numéros du Hill Times, que l'une de leurs principales occupations, en préparation pour leur déménagement d'une grande maison dans un appartement plus petit, était d'empaqueter leurs livres. Ce n'est pas surprenant. Lorsqu'il y a deux bibliothécaires dans une famille, on peut facilement imaginer le nombre de livres accumulés dans leur bibliothèque privée. Je crois que cela fut tout un défi pour eux.

J'aimerais aussi rendre hommage à leur fille Erika qui a grandi dans une demeure où régnaient sans aucun doute l'amour et le respect des livres. Je suis convaincue qu'aujourd'hui elle transmet ces sentiments à ses trois filles. Les Spicer quittent un endroit merveilleux pour découvrir plusieurs régions du globe, mais je sais qu'ils s'arrêteront régulièrement à Vancouver pour visiter leur fille et leurs petites-filles.

Permettez-moi de relater un dernier souvenir qui restera marqué chez moi à tout jamais; j'étais dans l'ascenseur il y a deux semaines environ, en même temps qu'un groupe de personnes âgées qui, de toute évidence, sortaient du restaurant du Parlement. Je descendais de mon bureau du cinquième étage et j'ai échangé quelques mots avec une dame qui m'a déclaré: «Je suis avec un groupe d'amis; nous sommes venus de la résidence aujourd'hui pour déjeuner au restaurant du Parlement.» Bien entendu je lui ai demandé s'ils célébraient une occasion spéciale, ce à quoi elle a répliqué: «Non, rien de particulier; c'est une simple sortie. Je suis la mère d'Erik Spicer.» C'était une raison suffisante pour fêter selon elle. Elle rayonnait lorsqu'elle parlait de son fils. C'est très spécial car ce groupe venait simplement prendre le lunch sur la colline du Parlement et s'en faisait toute


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une fête. Je n'oublierai jamais l'éclat dans les yeux de cette dame et son sourire lorsqu'elle m'a dit qu'Erik Spicer était son fils. Elle était très fière de lui et j'ajouterais qu'elle a bien raison de l'être.

Bonne chance et félicitations à Erik et Helen Spicer à l'occasion de leur retraite; ils sont tous deux hautement respectés en cette Chambre. Que Dieu les bénisse.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra): Monsieur le Président, à l'instar des députées de Saint-Hubert et de Beaver River, je tiens à rendre hommage au bibliothécaire parlementaire émérite. M. Erik Spicer a occupé pendant 33 ans un poste qui équivaut au niveau de sous-ministre. Il s'agit sûrement d'un record à Ottawa. M. Spicer a présidé à la transition au cours de laquelle la bibliothèque est passée de l'âge classique à l'âge électronique, tout en conservant la richesse de ses collections accumulées jusqu'à nos jours.

Un bibliothécaire n'a pas toujours le temps de lire ses livres tant il est occupé. Toutefois, M. Spicer a lu beaucoup; c'est un homme cultivé, spirituel et au verbe facile. Comme Solon, il a su reconnaître que le législateur avisé doit savoir s'inspirer de la sagesse accumulée dans les livres au fil du temps. Les bibliothèques et l'art de légiférer sont indissociables et complémentaires.

En ce sens, la Bibliothèque du Parlement constitue un trésor. La bibliothèque constitue littéralement le joyau de la couronne dans cet imposant édifice parlementaire que vous dirigez, monsieur le Président.

(1515)

M. Erik Spicer s'est distingué par son sens de la collaboration, sa grande impartialité, l'ouverture avec laquelle il a su diriger les attachés de recherche, et à cet égard n'oublions pas que l'excellent personnel de recherche est mis gratuitement à la disposition des parlementaires de tous les partis et de toute allégeance. M. Spicer a su coordonner tout cela, à l'image de sa personnalité unique. Il nous manquera à tous.

Nous tenons à lui souhaiter, ainsi qu'à son épouse et aux membres de sa famille, une retraite heureuse, au cours de laquelle il demeurera sans aucun doute actif sur le plan intellectuel. Je vous remercie d'avoir accepté, en tant que bibliothécaire, non seulement de conserver le trésor du Parlement mais de l'enrichir et d'en faire une des institutions les plus prestigieuses du Commonwealth et du monde, dont les traditions parlementaires trouvent leur origine en Grèce, à Rome, en Grande-Bretagne et en France, ainsi que dans toutes les nouvelles cultures qui constituent notre pays.

Je vous remercie, monsieur, et vous souhaite la retraite heureuse et honorable que vous avez si bien méritée.

M. Nelson Riis (Kamloops): Monsieur le Président, je voudrais, moi aussi, joindre ma voix à celles de mes collègues pour adresser mes meilleurs voeux à notre éminent bibliothécaire.

Je ne peux m'empêcher de penser à la députée de Beaver River qui a déclaré que la première fois qu'elle était allée à la bibliothèque, elle était restée bouche bée en regardant autour d'elle. J'ai cru qu'elle allait préciser que c'était à cause d'Erik Spicer. Je crois que c'est le sentiment que nous avons tous éprouvé la première fois que nous l'avons rencontré. Il était probablement le symbole ultime du fonctionnaire dévoué.

Je me rappelle avoir fait appel à ses services pour toutes sortes de besoins au fil des ans, qu'il s'agisse de livres ou de recherches; non seulement m'a-t-on toujours répondu dans les délais voulus, mais on est souvent allé au-delà de mes attentes et espérances les plus folles. Le leadership dont il a fait preuve pendant tant d'années était tout simplement remarquable.

Non seulement Erik Spicer a-t-il été un éminent bibliothécaire pendant de nombreuses années, mais également, comme ma collègue de Beaver River l'a laissé entendre, il était l'ami de tous. En fait, chaque fois que vous le rencontriez, vous saviez que vous étiez avec un ami toujours prêt à vous demander gentiment de vos nouvelles pour savoir comment vous vous en sortiez en tant que député.

C'est un véritable gentleman dans tous les sens du terme, un bibliothécaire dévoué et remarquable et un professionnel reconnu partout dans le monde pour la compétence et le leadership avec lesquels il a créé au Canada, pour nous, au Parlement, ce qui doit être l'une des meilleures bibliothèques, l'un des meilleurs services de recherche du monde entier pour les parlementaires.

Il nous manquera beaucoup, mais nous le reverrons certainement, étant donné le genre d'homme qu'il est. Au nom de mes collègues néo-démocrates et de tous les députés indépendants bien entendu, je lui adresse, ainsi qu'à son épouse Helen et à sa fille, nos meilleurs voeux. Nous espérons avoir le plaisir de le revoir encore pendant de nombreuses années.

Le Président: Chers collègues, en tant que Président, il est très rare que je fasse des discours dans cette enceinte, mais je profite de cette occasion à titre de parlementaire, tout comme vous, pour remercier vivement M. Spicer.

Vous avez fait honneur à votre profession, comme le montre votre titre de bibliothécaire émérite, le plus grand honneur qu'on ait pu vous faire.

Vous nous laissez avec une mine de livres et de connaissances. Cependant, chose plus importante encore, vous avez préparé d'innombrables parlementaires en leur transmettant des renseignements leur permettant de prendre de bonnes décisions rationnelles et d'adopter d'excellentes lois dans l'intérêt de tous les Canadiens. Vous avez rendu d'immenses services à la Chambre et par le fait même, à votre pays.

Vous êtes vraiment digne de tous les compliments qu'on vous faits aujourd'hui.

(1520)

Pour ma part, à titre de Président, je vous souhaite la meilleure santé possible et j'espère qu'Helen et vous pourrez profiter à fond de nombreuses années à venir, comme vous nous avez aidés

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à passer de façon agréable toutes ces années où nous avons servi ici en tant que parlementaires. Je vous remercie, monsieur.

Des voix: Bravo.

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

Le Président: Le député de Markham-Whitchurch-Stouffville souhaite soulever la question de privilège. Avant de lui donner la parole, je voudrais le remercier d'avoir attendu qu'on rende tous ces hommages. Je lui ai demandé de le faire par l'entremise du greffier.

Je vais entendre sa question de privilège et je voudrais simplement lui signaler que j'ai déjà été saisi d'une question de privilège. J'étais disposé à ce moment-là à rendre une décision en fonction des renseignements qu'on m'avait transmis, mais le député m'a d'abord demandé d'attendre avant de le faire, puis il a décidé de retirer sa question de privilège.

Ainsi, si c'est la même question de privilège que le député soulève maintenant, je vais lui demander de bien vouloir nous dire avant toute autre chose précisément en quoi ses privilèges ont été violés et, en second lieu, de présenter de nouvelles précisions, si possible, s'il s'agit de la même question de privilège qui a déjà été soulevée. Si le député voulait bien procéder ainsi, ce serait très utile à la présidence.

LE DÉPUTÉ DE MARKNAM-WHITCHURCH-STOUFFVILLE

M. Jag Bhaduria (Markham-Whitchurch-Stouffville): Monsieur le Président, je soulève la question de privilège à propos de l'affaire que je vous ai soumise le 15 février. Je serai très bref.

Je prends donc de nouveau la parole aujourd'hui après avoir consulté mon avocat et discuté du chantage dont j'ai été victime et des allégations sans fondement qui ont été faites à mon sujet. Je voudrais soumettre de nouveau à la présidence la question de privilège que j'ai présentée le 15 février afin que toute cette affaire puisse être étudiée par le comité compétent.

J'ose espérer que votre décision sera favorable, monsieur le Président.

Quant à l'ensemble de l'information qui a été rendue publique, j'ai appris, après avoir discuté avec le conseiller, que les détails n'étaient pas une affaire aussi pressante que je le croyais, si bien que la question reste à peu près dans le même état que la première fois. Les entretiens que j'ai eus avec le conseiller n'ont fait ressortir aucun élément nouveau.

Le Président: La présidence voudrait saisir bien clairement de quoi il s'agit. Le député souhaite que je me prononce sur l'information qu'il m'a soumise à une date antérieure.

Si tel est bien le cas, je vais le faire avec plaisir. Je vais passer en revue toutes les notes et relire le hansard. Je vais étudier toute l'information qui m'a été soumise et je communiquerai ma décision à la Chambre le plus rapidement possible.

[Français]

LOI DE 1994 SUR LA SUSPENSION DE LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

PROJET DE LOI C-18. AVIS DE MOTION CONCERNANT L'ATTRIBUTION DE TEMPS

L'hon. Fernand Robichaud (secrétaire d'État (Affaires parlementaires)): Monsieur le Président, il a été impossible d'en arriver à un accord en vertu des dispositions du paragraphe 78(1) ou 78(2) du Règlement relativement aux délibérations à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-18, Loi suspendant l'application de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

[Traduction]

Conformément aux dispositions du paragraphe 78(3) du Règlement, je donne avis que, à la prochaine séance, je proposerai une motion attribuant un certain nombre de jours ou d'heures pour l'étude du projet de loi à cette étape.

_____________________________________________


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AFFAIRES COURANTES

(1525)

[Traduction]

LES DÉCRETS DE NOMINATION

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, conformément aux dispositions du paragraphe 110(1) du Règlement, j'ai le plaisir de déposer, dans les deux langues officielles, quelques décrets annonçant les nominations faites par le gouvernement.

Ces décrets sont renvoyés d'office aux comités permanents visés, dont une liste est jointe aux documents.

* * *

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de déposer, dans les deux langues officielles et en conformité du paragraphe 36(8) du Règlement, la réponse du gouvernement à cinq pétitions.

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

RESSOURCES NATURELLES

M. Robert D. Nault (Kenora-Rainy River): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité permanent des ressources naturelles.

Le comité a examiné le projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, la Loi fédérale sur les


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hydrocarbures, la Loi sur l'Office national de l'énergie et d'autres lois en conséquence, et s'est entendu pour en faire rapport sans proposition d'amendement.

* * *

[Français]

LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. René Laurin (Joliette) demande à présenter le projet de loi C-230, intitulé Loi modifiant la Loi sur l'assurance-chômage (formation et travailleurs indépendants).

-Monsieur le Président, je voudrais déposer aujourd'hui ce projet de loi qui a principalement pour objet de permettre à ceux qui reçoivent des prestations d'assurance-chômage de pouvoir entreprendre une formation les aidant à se libérer de ce fardeau de l'assurance-chômage et de créer leur propre emploi, ou encore de permettre à des gens touchant actuellement l'assurance-chômage de commencer à créer leur propre entreprise tout en pouvant bénéficier des prestations d'assurance-chômage pendant la période où ils auraient eu le droit de les percevoir.

Je dépose ce projet de loi en espérant avoir l'appui de mes collègues des deux côtés de la Chambre.

(La motion est réputée adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

[Traduction]

LOI DE 1994 SUR LA CONVENTION CANADA-HONGRIE EN MATIÈRE D'IMPÔTS SUR LE REVENU

L'hon. David Anderson (au nom du ministre des Finances) propose que le projet de loi S-2, Loi mettant en oeuvre une convention conclue entre le Canada et la République de Hongrie, un accord conclu entre le Canada et la République fédérale du Nigéria, un accord conclu entre le Canada et la République du Zimbabwe, une convention conclue entre le Canada et la République argentine et un protocole conclu entre le Canada et le Royaume des Pays-Bas, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et apportant des modifications connexes à d'autres lois, soit lu pour la première fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la première fois.)

* * *

PÉTITIONS

LES LANGUES OFFICIELLES

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'interviens pour présenter une pétition jugée correcte quant à la forme et au contenu par le greffier des pétitions.

Au nom des électeurs de Okanagan-Similkameen-Merritt, les pétitionnaires demandent l'adoption d'une mesure législative visant la tenue d'un référendum auprès des Canadiens en vue d'accepter ou de rejeter la reconnaissance de deux langues officielles au Canada.

(1530)

LES TAXES SUR LE TABAC

M. Peter Adams (Peterborough): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter huit pétitions. La réduction des taxes sur le tabac préoccupe toujours autant les habitants de Peterborough. Permettez-moi de résumer les pétitions.

La première, qui est signée par 25 personnes, souligne que, avec la réduction des taxes, un plus grand nombre d'adolescents se mettront à fumer. La deuxième pétition, qui porte également 25 signatures, dit qu'on observera, à cause de l'application de cette mesure, un plus grand nombre de décès évitables qu'au cours de la Première et de la Seconde Guerres mondiales. La troisième pétition, elle aussi signée par 25 personnes, rappelle la vraie nature du problème, soit la réimportation des produits du tabac canadiens.

La prochaine pétition, qui porte également 25 signatures, souligne que, à cause de la réduction des taxes, 2 millions de Canadiens de plus deviendront des toxicomanes qui abusent du tabac. Une autre pétition rappelle que le tabagisme finit par tuer entre le tiers et la moitié des fumeurs. Une autre pétition, signée par 75 personnes, recommande le marquage efficace de tous les produits du tabac.

Les 25 signataires de l'avant-dernière pétition font savoir qu'ils préféreraient une augmentation de la taxe à l'exportation plutôt qu'une réduction de la taxe de vente. Enfin, les 34 signataires de la dernière pétition signalent que, dans la circonscription de Peterborough seulement, 200 personnes meurent du tabagisme chaque année. Ils rappellent aussi que le nombre de cas de cancer du poumon chez la femme a triplé au cours des 20 dernières années.

Je présente ces pétitions que j'ai, moi-même, signées.

* * *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.

Le vice-président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

* * *

DEMANDES DE DOCUMENTS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je suggère que l'avis de motion portant production de documents soit réservé.

Le vice-président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LE POUVOIR D'EMPRUNT POUR 1994-1995

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 18 mars, de la motion: Que le projet de loi C-14, Loi portant pouvoir d'emprunt pour l'exercice 1994-1995, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke): Monsieur le Président, j'ai déjà pris souvent la parole au cours de la période des déclarations de députés et de la période des questions, mais je suis heureux de pouvoir le faire pour la première fois sans sérieuse contrainte de temps à l'occasion du débat sur le projet de loi C-14.

Tout d'abord, je tiens à vous féliciter pour votre nomination au poste de vice-président de la Chambre. Je félicite aussi tous les députés élus, et je félicite tout particulièrement ceux qui ont été réélus. À une époque où la population a de plus en plus ses politiciens à l'oeil, être réélu est un exploit qu'il vaut la peine de souligner. Notre législature sera sans doute intéressante et productive.

Je remercie les électeurs de Kootenay-Ouest-Revelstoke de m'avoir fait confiance en me déléguant pour les représenter ici au Parlement.

Je ne prendrai pas le temps que l'on prend habituellement pour vanter la beauté de sa circonscription. Ceux qui sont de là-bas, savent quel endroit incroyable c'est, et les autres se trompent s'ils croient que leur région égale la nôtre.

Contrairement à ce que faisaient souvent les partis d'opposition dans le passé, le Parti réformiste n'a pas l'intention de critiquer le gouvernement uniquement parce qu'il est dans l'opposition. Nous serons les premiers à reconnaître une bonne mesure législative lorsque le gouvernement en présentera une et, lorsque nous ne serons pas d'accord avec le gouvernement, nous nous efforcerons de proposer des solutions de rechange constructives.

Nous voulons que, durant la présente législature, le Parlement défende les intérêts de tous les Canadiens. Nous ne sommes pas ici pour voir qui fait le meilleur discours. Nous sommes prêts à collaborer avec le gouvernement sur toute mesure législative avantageuse pour les Canadiens.

Le projet de loi C-14 me place devant un dilemme. Je reconnais, d'une part, que le gouvernement doit avoir les fonds nécessaires pour fonctionner en attendant l'arrivée d'une partie des impôts que les contribuables canadiens ont été condamnés à payer. D'autre part, je ne peux honnêtement pas approuver une mesure visant à fournir au gouvernement la première partie des fonds dont il a besoin pour faire des dépenses qui, à mon avis, atteignent un niveau inacceptable. Quelle est la solution de rechange?

(1535)

La solution, ç'aurait été que le gouvernement présente un budget axé sur les compressions de dépenses, qui nous aurait conduits à un budget équilibré et, par la suite, à des réductions d'impôts. Si cela s'était produit, les contribuables canadiens, dont moi-même, n'auraient peut-être pas éprouvé l'hostilité qu'ils ressentent actuellement à l'égard du gouvernement parce qu'il n'a pas fait assez de compressions. J'aurais été capable d'appuyer ce projet de loi portant pouvoir d'emprunt si le niveau des dépenses avait été moins élevé.

Chaque fois que quelqu'un va dans une banque où dans un autre établissement financier pour emprunter de l'argent, la première chose que le prêteur fait, c'est vérifier la capacité de remboursement de l'emprunteur. Le gouvernement canadien va voir beaucoup de prêteurs ces temps-ci, et je peux assurer aux députés que ces prêteurs examinent très attentivement la capacité de remboursement du Canada. Ils n'aiment pas ce qu'ils voient.

Lorsque ces prêteurs examinent la situation du Canada, voient-ils un emprunteur qui a besoin d'argent pour répondre à une pénurie temporaire? Probablement pas. Le Canada est endetté depuis la Première Guerre mondiale. Voient-ils un emprunteur qui rembourse sa dette? Encore une fois, c'est le contraire qui est vrai. Non seulement nous ne remboursons pas notre dette, mais nous ne pouvons même pas payer les intérêts sur la dette.

En 1993, nous nous endettions au rythme alarmant de 56 000 $ la minute. Aujourd'hui, un an plus tard et quatre mois après l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement libéral, nous nous endettons au rythme de 84 000 $ la minute. Non seulement le taux de croissance de notre dette ne s'est pas amélioré, mais il a augmenté de 50 p. 100 par rapport à l'an dernier. Nous nous dirigeons donc encore plus rapidement qu'avant vers une situation dont nous n'arriverons peut-être jamais à nous sortir. Cela peut difficilement inspirer confiance aux prêteurs internationaux.

Ces prêteurs voient-ils un emprunteur qui veut élargir son entreprise afin qu'elle devienne plus rentable à l'avenir? Il ne fait aucun doute que le gouvernement a exprimé dans le nouveau budget l'intention d'accroître ses recettes. Cela se compare-t-il vraiment à l'entreprise qui augmente ses bénéfices? Certainement pas! On pourrait faire une analogie plus juste en comparant cela à l'entreprise qui se propose d'exiger des prix plus élevés pour ses produits ou ses services, sans absolument rien qui lui permette de croire que ses clients acceptent ou sont en mesure de payer ces prix gonflés.

Les projections utopiques du gouvernement se fondent sur tellement de variables que même un optimiste à tout crin s'en trouverait ébranlé.

Un autre facteur qu'examinent les prêteurs, c'est la crédibilité des principaux responsables de l'entreprise. Ils veulent s'assurer que ces principaux agents ont de fortes chances de mener l'entreprise dans la voie du succès et de la solvabilité plutôt que dans celle de l'endettement et de la faillite.

Si les prêteurs se tournent vers les principaux décideurs au sein du gouvernement, que voient-ils? Ils voient le ministre des Finances, le principal agent des finances du gouvernement, qui a fait une grande tournée du Canada pour apprendre ce que les Canadiens voulaient que le gouvernement fasse. Une majorité écrasante des Canadiens, consultés ou non, ont dit qu'il faudrait réduire les dépenses et ne pas augmenter les impôts.


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Qu'a fait l'agent principal des finances du Canada? Il a augmenté les dépenses publiques de 3,3 milliards de dollars et il compte sur des revenus accrus, les impôts, pour combler la différence au chapitre des dépenses, soit exactement le contraire de ce que les Canadiens ont demandé. S'il n'avait pas l'intention d'écouter ce que disaient les Canadiens, pourquoi alors se livrer à cette comédie d'audiences bidon et dépenser de l'argent à cette fin?

Qui étaient ces Canadiens qui se sont prononcés contre une augmentation des dépenses et des impôts? C'étaient des Canadiens ordinaires qui sont venus assister aux audiences tenues d'un bout à l'autre du pays. C'étaient des chefs de petites entreprises et des dirigeants de grandes sociétés. C'étaient des organismes comme le Board of Trade de Vancouver, la Chambre de commerce de la Colombie-Britannique, le Fraser Institute et la Fédération des contribuables canadiens. C'étaient des publications comme le Maclean's, le Sun de Vancouver, le Globe and Mail de Toronto et le Financial Post. C'étaient des économistes et des experts financiers de partout au Canada.

Un député ministériel s'est même senti obligé d'intervenir pour défendre ses électeurs en faisant remarquer au ministre des Finances que s'il avait vraiment entendu des Canadiens dire qu'ils feraient bon accueil à des augmentations d'impôt, comme il le prétendait, ce n'était pas dans sa circonscription qu'il avait entendu pareille chose.

Si les prêteurs se tournaient maintenant vers le premier dirigeant du gouvernement, le premier ministre, qu'y verraient-ils en matière d'assurance, de volonté et de compétence pour sortir le pays de sa crise financière? Ils verraient un ancien ministre des finances qui a fait augmenter la dette de notre pays de 60 p. 100 durant les deux exercices où il a exercé ses fonctions.

Durant la semaine qui a suivi la publication des chiffres concernant le budget 1994-1995, le premier ministre a fait une tournée nationale pour vendre aux Canadiens son programme de dépenses. Au cours d'une entrevue à Calgary pendant laquelle il était très évident que le programme n'était pas bien reçu, le premier ministre a rétorqué qu'il ne s'agissait pas d'un budget conservateur, réformiste ou néo-démocrate, mais d'un budget libéral. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Le Parti libéral a toujours eu comme ligne de conduite de taxer et de dépenser. Il n'y a certainement pas dérogé en l'occurrence. Il convient de se demander si cela peut fonctionner. La réponse est un non catégorique. Le problème maintenant, c'est de faire comprendre cela aux grands bonzes du gouvernement.

(1540)

Supposons un instant qu'ils soient tous les deux de simples mortels comme le reste d'entre nous. Supposons qu'ils aient une hypothèque sur leur maison, un prêt-auto, des enfants qui vont au collège et qui ont besoin d'une aide financière, un chèque de paie dont le montant diminue sans cesse et un avenir offrant très peu de sécurité économique. Peuvent-ils honnêtement dire que s'ils étaient dans cette situation, ils seraient en faveur d'une hausse des impôts qui les a saignés à blanc eux et leur famille et qui leur a enlevé tout espoir pour l'avenir? Je ne le crois pas.

Le ministre des Finances administrerait-il une entreprise criblée de dettes et obligée de verser des paiements d'intérêt élevés comme le Canada actuellement en perpétuant l'inefficacité et le chevauchement des tâches dans cette entreprise, en payant différents services plus cher que cela n'est nécessaire et en amenant l'entreprise à étendre ses activités dans des domaines qui l'obligeront à s'endetter davantage sans que ses recettes s'en trouvent accrues ou que le problème général de sa dette diminue? C'est peu probable.

Pourquoi alors propose-t-il pareille solution pour résoudre les problèmes identiques de notre pays et pourquoi demande-t-il aux contribuables canadiens, par l'entremise de leurs représentants élus, de permettre la mise en oeuvre de ce grand plan de dépenses en autorisant un premier emprunt?

Expliquer les raisons de la dette de notre pays n'a rien de mystérieux; ce n'est pas comme essayer de percer le secret de la Caramilk. C'est un problème très simple à résoudre pour quiconque s'en donne la peine.

Les Canadiens s'intéressent à deux problèmes: le chômage et la dette. Pour régler ces problèmes, nous devons déterminer si l'un est à l'origine de l'autre et, dans l'affirmative, lequel éliminer pour résoudre l'autre.

Si le gouvernement contractait une dette supplémentaire suffisante pour redonner du travail à chacun au Canada, cela réglerait-il le problème de la dette? Bien sûr que non! Si le pays arrivait à éliminer sa dette qui est en train d'engloutir l'argent des contribuables et qui va encore en dévorer davantage, cela redonnerait-il du travail aux gens? Avant de répondre à cette question, regardons un peu le problème du chômage et les raisons qui ont fait que la situation est si mauvaise.

Plus la dette nationale grossissait, plus son appétit devenait grand et plus elle engloutissait l'argent des contribuables. Quand les impôts augmentent, le revenu disponible des Canadiens diminue, ce qui fait qu'ils ont moins d'argent à dépenser pour l'achat de biens et de services canadiens. Parallèlement, quand les impôts des compagnies canadiennes augmentent, cela se répercute sur le prix de leurs produits. Ce qui fait que les Canadiens peuvent encore moins se permettre d'acheter leurs produits et que ces compagnies ont encore plus de mal à faire concurrence à leur partenaires commerciaux sur le marché international.

Résultat, ces compagnies doivent supprimer la partie de leurs opérations qui n'est pas rentable et rationaliser l'autre, ce qui a conduit à la mise à pied d'un grand nombre de travailleurs canadiens.

La solution est alors de réduire l'appétit manifesté par le gouvernement envers l'argent des contribuables en réduisant les dépenses, en équilibrant le budget et en travaillant à une réduction des impôts dans ce pays. Avec cette solution, les Canadiens auront un revenu disponible plus important pour acheter des biens et des services canadiens, le coût de ces biens et de ces services baissera et les compagnies canadiennes deviendront plus concurrentielles par rapport à leurs partenaires commerciaux sur le marché international.

C'est logique: si elles parviennent à vendre davantage de produits avec profit, les sociétés canadiennes vont se développer


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et embaucher des Canadiens, plutôt que de fermer leurs portes et de mettre à pied des Canadiens. Est-ce une solution simpliste? Sans doute, mais c'est la seule qui donnera des résultats.

En effet, le problème tient en partie au fait que tout le monde veut trouver une solution originale et mirobolante, dans l'espoir d'être proclamé champion de la reprise économique. Or, la vraie solution, elle n'est pas entre les mains d'un parti ou d'un particulier. Il s'agit plutôt de faire face à la réalité et d'aller à contre-courant des mesures désastreuses prises par le passé. À partir de ce moment-là, les Canadiens se feront peut-être moins prier pour approuver le pouvoir d'emprunt temporaire.

Nous devons jeter un regard impartial sur la situation, afin de voir comment nous nous sommes enfoncés dans ce bourbier financier. Autrefois, le vote des Canadiens était à vendre et les politiciens de l'époque l'achetaient.

Ils l'achetaient en se lançant dans des dépenses sociales trop généreuses, non pas trop généreuses pour les démunis, mais trop généreuses pour les gens qui n'étaient pas dans le besoin. Ils achetaient des voix en versant des subventions aux entreprises, pas à toutes les entreprises, mais spécialement à celles qui pouvaient venir en aide, d'une façon ou d'une autre, aux politiciens ou aux partis qui leur accordaient ces subventions. Ils achetaient des voix en versant des subventions aux sociétés d'État, à la demande de certains groupes d'intérêt qu'ils arrosaient également de subventions, plutôt qu'exiger d'eux qu'ils se fassent financer par ceux qu'ils prétendaient représenter. Ils achetaient le vote des gens riches ou proches des partis politiques en leur faisant miroiter la possibilité d'une sinécure et ils ne se privaient pas alors pour faire des nominations à saveur politique.

Pourquoi agir de la sorte et aller à l'encontre des besoins de l'ensemble des Canadiens?

(1545)

Autrefois, en politique, à part quelques exceptions, deux règles étaient de mise. Règle no 1: être élu. Règle no 2: être réélu. C'était tout ce qui importait. Nous devons maintenant en payer le prix. Nous avons accumulé une dette de plus d'un demi-billion de dollars et nous continuons de l'accroître, au rythme d'un million de dollars toutes les 12 minutes.

Si les ministériels veulent rétablir la confiance de la population envers ses institutions et remettre le Canada en selle, ils doivent modifier le budget en réduisant les dépenses du gouvernement et en équilibrant le budget au cours de la 35e législature.

Alors, ce pays équilibrera son budget et commencera à amortir son énorme dette dans un avenir prévisible. On ne met pas cela en doute. Ce qu'on met en doute, c'est la manière dont cela se fera. Nous pouvons décider de commencer dès maintenant à choisir les méthodes et le rythme de mise en oeuvre de ce programme de responsabilité financière, ou nous pouvons attendre, comme l'a fait la Nouvelle-Zélande, que quelqu'un d'autre prenne ces décisions à notre place. Certains pourraient mépriser l'idée de nous comparer à la Nouvelle-Zélande et ils auraient raison. Le fait est que notre situation financière est bien pire que celle dans laquelle se trouvait la Nouvelle-Zélande lorsqu'elle a été forcée de se pencher sur sa crise financière.

Le gouvernement aurait-il pu faire des réductions considérables dans ce budget, son premier depuis dix ans? Je parie que oui. Je présume que d'autres avant lui auraient aimé l'avoir fait.

Les secteurs où le gouvernement aurait pu réduire ses dépenses sont nombreux dans ce budget. Je n'énumérerai que quelques exemples de ce qui aurait pu être accompli. Des réductions budgétaires dans le fonctionnement de l'État feraient économiser 470 millions de dollars. Il serait possible de réduire de 15 p. 100 les frais généraux excluant les rémunérations, d'où une économie de 1,25 milliard de dollars. L'élimination des activités gouvernementales non prioritaires ferait économiser des centaines de millions de dollars supplémentaires.

Le budget a réduit de 120 millions de dollars les subventions aux entreprises. Seuls quelques privilégiés peuvent bénéficier de ces subventions. Or, nous ferions beaucoup mieux de supprimer toutes les subventions, qui totalisent jusqu'à cinq milliards de dollars, et de chercher plutôt à offrir des déductions fiscales générales. Si cela avait été fait, il n'aurait pas été nécessaire d'éliminer l'exonération des gains en capital et les hausses des impôts des moyennes entreprises, et on aurait stimulé la création d'emplois au lieu de la décourager. Au lieu de dépenser de l'argent pour étudier le financement de groupes d'intérêts spéciaux, que le gouvernement supprime ce financement pour économiser un demi-milliard de dollars par année.

La réduction des suppléments accordés aux personnes âgées dont le revenu est supérieur à la moyenne n'est pas une notion déraisonnable, mais le gouvernement aurait dû examiner le revenu de la famille et non le revenu individuel. Un revenu de26 000 $ n'est pas ce qu'on pourrait appeler un revenu élevé, mais si un couple a un revenu annuel de 52 000 $, une réduction des crédits ou du revenu non cotisable n'est pas déraisonnable. Si l'on limitait les pensions de vieillesse aux seules personnes ayant un revenu familial annuel inférieur à 54 000 $, on épargnerait 3,5 milliards de dollars. Une réduction de 25 p. 100 des subventions des sociétés d'État nous ferait économiser 1,25 milliard de dollars par an.

Le gouvernement sait très bien que nous avons bien d'autres projets pour réduire les dépenses. Je suis certain qu'il en a lui aussi. Les quelques projets dont je viens de parler réduiraient le déficit de 10,5 milliards de dollars cette année. Si le gouvernement complétait cela en éliminant les augmentations de dépenses prévues dans le budget, le déficit, cette année, serait d'environ 26 milliards de dollars. S'il avait procédé ainsi, le gouvernement aurait reçu l'approbation d'une très grande majorité de contribuables, et j'aurais pu appuyer le projet de loi C-14.

Il n'est pas trop tard. Si le gouvernement est prêt à accepter que les dépenses soient plafonnées à 153 milliards de dollars, comme l'a proposé le Parti réformiste dans le débat ayant suivi le discours du Trône, j'appuierai avec plaisir ce projet de loi qui autorise le gouvernement à prélever des fonds pour effectuer les dépenses nécessaires.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, je félicite le député de son premier discours. J'ai beaucoup apprécié. J'ai trouvé qu'il avait beaucoup de choses à dire. J'ai surtout apprécié le fait qu'il ait donné des détails sur l'application de ses théories, ce qui nous laissait savoir exactement où


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l'on pourrait faire des économies si l'on adoptait ses suggestions.

Il y a quelque temps, j'ai lu un article dans la partie éditoriale du Globe and Mail. On disait à peu près que les folles dépenses de générations de politiciens condamnaient cette génération de Canadiens, et les suivantes, à un niveau de vie plus bas.

(1550)

Ces derniers jours, nous avons connu des fluctuations marquées des taux d'intérêt réels. Les gens se disent que les pressions sur le dollar canadien et le saut subséquent des taux d'intérêt viennent de ce que le gouvernement n'a pas su contrôler ses folles dépenses.

Le député de Kootenay-Est pourrait-il nous donner son opinion sur la relation entre l'augmentation du déficit et de la dette et ce qu'il adviendra des taux d'intérêt?

M. Gouk: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.

Il est certain que chaque fois que notre dette augmente et que notre situation empire, nos créanciers internationaux deviennent un peu plus sceptiques quant à notre capacité de les rembourser. Notre cote de crédit a chuté, et je suis sûr que nous verrons bientôt ces créanciers internationaux prendre d'autres mesures.

J'ai mentionné la Nouvelle-Zélande dans mon discours. Ce qui s'est passé dans ce pays est arrivé presque sans avertissement. Un beau jour, les créanciers ont perdu confiance dans la capacité de la Nouvelle-Zélande de rembourser et, en l'espace d'un mois, le pays s'est trouvé pratiquement incapable d'emprunter à l'étranger. La même chose pourrait se produire au Canada. Je suis sûr que notre économie est plus forte que celle de la Nouvelle-Zélande à cette époque, mais nous avons aussi une dette plus élevée. Je suis convaincu que les gens attendent de savoir si cette législature va faire quelque chose.

À l'occasion, nous entendons des paroles encourageantes, mais elles sont rarement suivies de gestes encourageants de la part du gouvernement. Espérons qu'il finira par reprendre ses esprits et qu'il s'attaquera alors sérieusement au déficit et à l'énorme dette que nous avons. Je pense que c'est ce qu'attendent nos créanciers. Si le gouvernement ne fait rien, je suis sûr que nous verrons notre cote de crédit baisser encore et les taux d'intérêt grimper de nouveau.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, je suis un peu surpris et en même temps déçu de voir que le Parti libéral n'a pas la courtoisie de répondre, questionner, s'interroger, et finalement apprécier le discours que l'honorable député du Parti réformiste vient de livrer.

Quoique je n'aie pas devant moi tous les chiffres auxquels il a fait référence, il y a quand même un élément sur lequel mon attention a été attirée. C'est quand il a mentionné que l'impôt sur le revenu pourrait être calculé au niveau de la famille plutôt que de l'individu.

C'est un concept sur lequel j'aimerais avoir davantage d'information, et j'inviterais le député à amplifier ce sujet qui devrait certainement intéresser les membres du parti au pouvoir.

[Traduction]

M. Gouk: Monsieur le Président, je serais heureux de donner plus de détails là-dessus. Je le répète, comme le député l'a mentionné, je n'ai pas en main toutes les données. Il s'agit simplement de ne pas seulement s'arrêter sur le salaire de la personne.

J'ai déclaré que le montant de 26 000 $ établi par le gouvernement comme seuil à partir duquel on commencerait à réduire les crédits de personne âgée ne représentait pas un revenu bien élevé pour une personne, mais que si on combinait le revenu des deux conjoints, on arrivait alors à un revenu familial plus élevé et le moment était venu de se pencher là-dessus. Manifestement, il en coûte plus à une famille de deux personnes ou plus pour se loger, se nourrir et le reste, qu'à une personne vivant seule.

Si on veut être réaliste, il faut examiner la question de façon à réduire certaines dépenses gouvernementales tout en évitant de pénaliser les personnes âgées. La pension de vieillesse dont j'ai parlé devait aider les gens qui avaient du mal à maintenir un niveau de vie raisonnable durant leurs vieux jours. Or, nous la versons maintenant à des millionnaires.

Le gouvernement répondra qu'on récupère cet argent par le biais de l'impôt. C'est merveilleux. Tout d'abord, nous donnons de l'argent à des gens qui n'en ont pas besoin et nous créons une bureaucratie pour ce faire, puis nous établissons d'autres services pour récupérer cet argent. Le pire, c'est que nous laissons ces gens en garder une partie. En définitive, nous ne pourrons aider les Canadiens qui sont vraiment dans le besoin si nous continuons à verser de l'argent à ceux qui ne le sont pas. C'est pourquoi nous devons revoir toute la notion de revenu familial. C'est là une façon équitable d'aborder le problème.

(1555)

[Français]

Le vice-président: Alors, encore une fois, je donne la parole au député de Portneuf, pour prendre la parole sur le débat.

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, il est des sujets sur lesquels on parle avec enthousiasme. Il est des projets de loi qui nous tiennent vraiment à coeur en ce sens qu'on y met aussi beaucoup d'émotion positive.

Malheureusement, aujourd'hui, je manque d'enthousiasme pour traiter de la question qui nous est présentée. Cet après-midi, nous avons un débat sur la motion du ministre des Finances, à savoir le projet de loi C-14 qui doit être lu pour une troisième fois et adopté. Mais qu'est-ce que le projet de loi C-14? Est-ce quelque chose qui puisse nous réjouir? Est-ce que c'est un projet de loi qui va vraiment nous enthousiasmer et donner de la joie, des perspectives d'un avenir heureux à tous les Canadiens et Canadiennes, les Québécois et Québécoises?

Le projet de loi porte pouvoir d'emprunt pour 1994-1995, pouvoir d'emprunt. Qui dit emprunt, dit déficit, et qui dit déficit, dit dette. Ce dont nous parlons maintenant, c'est de s'endetter. Nous désirons parler d'endetter le pays, d'endetter sa population. Sont-ce de petites dettes? Sont-ce des dettes que nous pourrons rembourser rapidement? Sont-ce des dettes pour des immobilisations qui permettront à la population de jouir d'infra-


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structures, de services qui, à long terme, pourront servir d'autres générations? Pas vraiment!

Ce dont nous parlons, c'est de financer un déficit de l'ordre de 40 milliards de dollars. C'est beaucoup d'argent et bien peu de personnes sont en mesure d'apprécier l'ampleur de ce montant. De manière peut-être à rendre les choses plus faciles à saisir, disons qu'il s'agit de la petite somme de 100 millions de dollars par jour. Cent millions de dollars par jour, à ce rythme-là, le pont de l'Île-du-Prince-Édouard, sur lequel il y a eu un certain nombre d'interrogations, parce qu'on trouvait son prix de 900 millions un peu lourd, ce pont serait payé en neuf jours, ce qui veut donc dire que nous pourrions nous en offrir quarante. J'ai bien dit quarante par année.

Parfois, on aime mieux en rire qu'en pleurer. Mais dans le contexte, il faut essayer de comprendre comment il se fait que nous ayons une dette à financer de cet ordre de grandeur. C'est que-et l'honorable député qui me précédait le mentionnait-nous ne payons pas les intérêts sur notre dette. Nous avons emprunté, il y a au-delà d'une décennie, et depuis, non seulement nous n'avons pas remboursé le capital, mais nous n'avons pas remboursé les intérêts courus. Le service de la dette n'a pas été assumé. Par conséquent, jour après jour, mois après mois, et année après année, nous ajoutons à la dette ces intérêts que nous ne payons pas. En fait, et la plupart des gens qui ont quelques petites connaissances en intérêts composés le voient immédiatement, nous avons une dette qui croît à un taux d'intérêt composé.

Est-ce que nous ne payons pas les intérêts parce que nous ne payons pas assez d'impôt ou parce que nous dépensons trop? Examinons des chiffres et nous allons essayer de tirer certaines conclusions d'ici quelques minutes.

(1600)

Disons, d'abord, que les citoyens et citoyennes du Québec et du Canada déboursent en impôts et en taxes diverses aux environs de 120 milliards de dollars par année. C'est une jolie somme dont nous comprenons toute la portée puisque chacun et chacune d'entre nous devons d'abord la débourser à la source sur notre chèque de paye et ensuite à la consommation sous forme d'une taxe sur les produits et services.

Avec ces 120 milliards, que fait le gouvernement? Il les dépense pour divers programmes, qui se traduisent en services à la population ou en biens plus ou moins durables. Ce qui fait donc que nous dépensons ce que nous payons.

Le déficit de 40 milliards ne vient pas de services ou de biens que nous achèterions sans avoir les moyens de les acheter. Ce déficit de 40 milliards vient essentiellement de ces intérêts sur la dette que nous ne sommes pas en mesure de payer.

Et la dette grossit, et la dette grossit, et la dette grossit. Cinq cents milliards de dollars! Voici l'ordre de grandeur de la dette à ce moment-ci. C'est peut-être un peu plus puisque, comme le mentionnait le député qui me précédait, cette dette grossit de 85 000 $ à la minute, et dans les quelques minutes que je viens d'utiliser pour m'exprimer nous avons fait déjà un joyeux bout de chemin qui ferait vivre bien du monde pendant un joyeux moment.

Cinq cents milliards de dollars! Peu d'individus sont en mesure d'apprécier l'ampleur de ce chiffre. Vous savez que je suis professeur de mon métier et qu'en bon pédagogue, on tente de trouver des illustrations pour faire apprécier à notre auditoire les sujets que nous abordons. J'ai donc essayé de trouver une image qui permettrait à la population québécoise et canadienne de voir ce que peuvent représenter 500 milliards de dollars.

Alors voici. Si on regardait l'autoroute transcanadienne et si on partait de l'Atlantique pour se rendre jusqu'au Pacifique, on voit un ruban d'asphalte d'environ 7 000 kilomètres de long. Nous allons maintenant, puisque c'est la transcanadienne, voir ce ruban d'asphalte sous forme de quatre voies: deux voies qui vont de l'Est vers l'Ouest et deux voies qui reviennent de l'Ouest vers l'Est, ou vice versa. Cela fait beaucoup d'asphalte. Cela fait quatre voies d'asphalte. Et nous allons maintenant-je regarde si j'ai une pièce de monnaie dans mes poches, mais probablement que, non, l'impôt a dû la prendre-donc nous allons maintenant paver cette autoroute à quatre voies avec ce qu'en bon québécois on appelle des piastres et ce que nos concitoyens et concitoyennes de la partie Canada appellent des loonies. Nous allons paver l'autoroute fossé à fossé, sur quatre voies, avec des huards, des piastres, des loonies. Allons-nous nous rendre de la Nouvelle-Écosse au Nouveau-Brunswick ou jusqu'au Québec? Nous rendrons-nous en Ontario ou en Saskatchewan ou au Manitoba? Nous rendrons-nous en Alberta? Traverserons-nous les Rocheuses? Arriverons-nous jusqu'en Colombie-Britannique? C'est 7 000 kilomètres d'autoroute, quatre voies, et ces petits dollars sont quand même très petits et nous n'en avons finalement que 500 milliards.

Je laisse à cette Chambre quelques instants pour faire ces jeux et je vais donner la réponse maintenant. Non seulement paverons-nous cette autoroute de l'Atlantique jusqu'au Pacifique, mais nous serons capables de revenir jusqu'à l'Atlantique et de faire 700 kilomètres en route à nouveau vers le Pacifique. Voici ce que représentent 500 milliards de dollars. Où allons-nous prendre une telle somme pour réussir à la rembourser?

(1605)

Il est évident que nous avons un problème de taille. J'ai entendu à la radio, j'ai vu et entendu à la télévision, j'ai lu dans certains journaux, j'ai même ouï dans cette Chambre que d'aucuns prétendent que la souveraineté du Québec est un risque sérieux pour le Canada. Je me permettrai de dire que le véritable risque pour le Canada, il ne faut pas le perdre de vue, est cette dette extrêmement massive, extrêmement lourde qui finira par nous mettre tous en faillite si nous ne réagissons pas correctement.

J'oserais même ajouter que la question de la souveraineté du Québec est probablement un moment extrêmement opportun qui permettrait de changer les règles du jeu qui prévalent présentement et qui donnerait une occasion sérieuse à toutes les parties de revoir ces règles et d'adresser enfin cette question des finances publiques qui, manifestement, depuis plusieurs décennies, n'ont pas été gérées correctement et qui sont en train de léguer aux générations qui nous suivront un fardeau extrêmement difficile à supporter.

Les générations qui nous suivent auront un fardeau à supporter; nous-mêmes avons déjà un fardeau à supporter. Sommes-nous capables d'évaluer quel est ce fardeau, par individu, quelle part de la dette chacun et chacune d'entre nous devons supporter et à combien elle s'élève? D'aucuns prétendent 16 000 $, d'autres 16 500 $, cela dépend évidemment à quelle heure de la


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journée on est rendu puisque à chaque minute qui passe, cette dette s'accroît.

Aux fins de la discussion, disons qu'à ce moment-ci, chacun et chacune d'entre nous-et ceci s'étend sur près de 30 millions de personnes, Québécois, Québécoises, Canadiens et Canadiennes-devons approximativement 16 384,22 $, mais déjà ce chiffre a grossi pendant que je le disais.

Nous savons aussi qu'au taux actuel d'intérêt, une dette double à tous les six ou sept ans. Donc, dans six ou sept ans, si nous ne faisons rien, si nous ne remboursons pas les intérêts ou le capital, la dette aura doublé et nous aurons environ 32 000 $ à 33 000 $ chacun de dette.

Si aujourd'hui un individu se présente à sa caisse populaire ou à sa banque préférée, à son gérant ou à sa gérante de banque, et dit: «Voici j'ai des dettes, j'en ai pour quelque 16 000 $, et j'aimerais consolider tout ça», le gérant ou la gérante évidemment va froncer les sourcils, mais dira probablement: «On va regarder ça, on va se mettre ensemble et essayer de rationaliser un peu votre train de vie, et on va essayer de trouver une solution.»

Mais si nous attendons six ou sept ans, et si nous arrivons devant le gérant de banque avec une dette qui est maintenant de l'ordre de 32 000 $, j'ai l'impression que la réponse sera: «Déclarez faillite». Je me demande si parfois on ne devrait pas déclarer faillite et recommencer sous un nouveau nom. Je vois que certains députés de cette Chambre ont bien compris mon allusion.

(1610)

Durant la période des Fêtes, je m'étais offert dans le comté auprès de l'organisation Nez rouge. Possiblement que chez nos concitoyens et concitoyennes anglophones, vous avez une organisation de type Nez rouge, c'est-à-dire que durant la période des Fêtes, des bénévoles offrent de reconduire chez elles des personnes qui ont consommé un peu trop. Elles rentrent donc chez elles en toute sécurité, sans avoir à conduire leur automobile. C'est maintenant une institution au Québec et dans plusieurs autres pays. Nez rouge permet aux personnes qui sont sensibilisées aux dangers de la conduite après avoir consommé de l'alcool d'agir de façon responsable.

Cela dit, je m'étais donc offert avec un groupe pour reconduire des personnes qui le demandaient, et une de mes électrices me mentionnait, chemin faisant: «Ce déficit, pourquoi ne pas tout simplement augmenter les impôts et nous le faire payer, on pourrait ainsi s'en défaire rapidement.» Je lui ai demandé de quel ordre de grandeur elle croyait que son impôt serait accru. Elle me répondit: «De quelques dizaines de dollars.» Quand elle a compris qu'on parlait de 16 000 $ seulement pour les intérêts, elle s'est rendu compte qu'on avait un véritable problème.

Effectivement, nous avons un dilemme. Voyez-vous, si nous augmentons les impôts ou si nous augmentons la taxation à la consommation, chaque individu se retrouve avec un revenu personnel disponible amoindri et, par conséquent, a moins d'argent pour consommer.

Monsieur le Président, je vois que mon temps s'écoule et comme vous me faites signe qu'il ne me reste que trois minutes, je vais accélérer. Si nous augmentons la taxation, moins d'argent reste dans les poches du consommateur pour consommer; s'il consomme moins, éventuellement, les entreprises vendront moins; si elles vendent moins, eh bien, elles mettront des gens à pied. Voici, on vient d'accroître le déficit. D'autre part, si on coupe dans les dépenses, à nouveau des gens seront mis à pied. Ces gens cessent de contribuer à la recette fiscale, et nous avons à nouveau une difficulté.

Il s'agit donc ici de bien recibler les dépenses fédérales, de couper là où ça va faire le moins mal et de s'assurer que les personnes qui vont être déplacées dans leur emploi puissent être replacées ailleurs. Il s'agit d'un programme considérable qu'il faut mettre au point; ça ne se fera pas par magie.

En conclusion, je dois citer le ministre des Finances, et si je le cite ce n'est pas parce que je suis heureux de ses paroles, c'est parce que ses paroles me font peur. Le ministre des Finances disait: «Nous avons montré clairement, à la première étape de notre Budget, que nous ramènerions en trois ans le déficit à 3 p. 100 du produit intérieur brut. Ce sera la première fois-il le dit bien au futur-depuis 15 à 20 ans que cet objectif sera atteint.» Je le souhaite, mais il aurait dû dire, cela m'eut paru plus juste, «ce serait la première fois» parce que, en effet, il aurait aussi pu dire que ce n'était pas, hélas, la première fois que de telles promesses étaient faites à l'électorat canadien et québécois et que, malgré que je souhaite de tout mon coeur que ce Budget apporte les promesses qu'on nous fait miroiter, je crains qu'une fois encore ce soit le miroir aux alouettes.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, j'aimerais remercier l'honorable député de Portneuf de son discours.

[Traduction]

C'est tout ce que je peux dire en français pour le moment, mais je vais m'améliorer.

Je voudrais remercier le député de ses observations. Je suis heureux de voir qu'il s'inquiète, à l'instar de beaucoup d'entre nous, non seulement de la taille du déficit, mais également de celle de la dette. Nous sommes tous conscients qu'elle est responsable de notre déficit qui préoccupe bon nombre d'entre nous, du moins de ce côté-ci de la Chambre.

(1615)

J'ai été très heureux également de constater, dans les observations qu'il a formulées après ma dernière intervention, qu'il avait utilisé l'exemple d'une route nationale traversant tout le pays pour bien montrer la taille de notre dette nationale. C'est peut-être un geste symbolique de sa part de prendre une route qui va d'un océan à l'autre. C'est avec plaisir que je constate qu'il est prêt à se servir de cet exemple.

Je sais que le député qui m'a précédé a donné des exemples plutôt détaillés sur ce que nous devrions faire afin de réduire la taille de notre dette et du déficit, surtout le déficit d'une année à l'autre. À part les chevauchements de services, qui, je le sais, pourraient faire l'objet d'une rationalisation, je me demande si, du fait de l'ampleur de notre dette, le député aurait des idées précises sur des moyens d'épargner des sommes importantes afin de juguler le déficit.

[Français]

M. de Savoye: Monsieur le Président, le Bloc québécois avait proposé, durant la campagne électorale, un agenda précis sur la façon de réduire les dépenses gouvernementales et de s'attaquer au déficit.


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Une de ces mesures concernait un programme d'infrastructures, mais il s'agissait de quelque chose de beaucoup plus important que ce que le Parti libéral nous a offert. Je me permets d'ailleurs ici de faire remarquer, et peut-être que d'autres députés voudront réagir à ces propos, que le gouvernement fédéral avance deux milliards de dollars dans le programme d'infrastructure. D'autre part, le gouvernement fédéral dépense actuellement 20 milliards de dollars en assurance-chômage.

Examinons la dichotomie: d'un côté, il y a deux milliards pour faire travailler les gens, de l'autre, 20 milliards pour ne pas les faire travailler. J'aurais anticipé de la part du gouvernement libéral une proposition beaucoup plus solide pour rediriger les fonds de l'assurance-chômage vers des choses plus productives et plus prometteuses d'avenir pour toutes ces personnes qui sont au chômage.

Actuellement, malheureusement, l'assurance-chômage est un instrument qui permet à quelqu'un de survivre jusqu'à ce que le bien-être social devienne la seule issue. Malheureusement, il n'y a pas de travail de l'autre côté de ces semaines d'assurance-chômage qui, inexorablement, courent à leur fin.

Le programme du Bloc québécois, aussi, voulait voir se rediriger vers le Québec une plus grande proportion des dépenses fédérales. Il faut bien savoir que le Québec, globalement, paie en impôt 28 milliards de dollars par année, plus ou moins, et reçoit du gouvernement fédéral ce même 28 milliards de dollars. Le problème, c'est qu'une vaste portion des 28 milliards de dollars est constituée d'assurance-chômage et de ce qu'on appelle l'assistance sociale. Alors que si cet argent était investi pour créer de l'emploi, et ce que je dis n'est pas seulement valable pour le Québec mais l'est aussi pour l'ensemble du Canada, si cet argent était utilisé pour créer de l'emploi, à ce moment-là, les gens qui travaillent contribueraient à la recette fiscale.

Une statistique intéressante à laquelle peu de gens font allusion, c'est que le montant de 120 milliards de dollars est payé par les gens qui travaillent et qui consomment. Or, au Canada, environ une personne sur quatre qui est apte au travail ne travaille pas, ce qui veut dire que si elle se mettait à travailler, elle apporterait 40 milliards de plus à la recette fiscale, et c'est exactement ce qu'il nous faut pour combler le déficit.

Qu'attendons-nous, monsieur le Président, pour passer aux actes?

[Traduction]

M. Julian Reed (Halton-Peel): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt les paroles du député de la loyale opposition de Sa Majesté. Il nous fait remarquer, avec raison, la pénible situation financière qui règne au Canada à l'heure actuelle.

(1620)

Nous avons tous franchi les étapes qui nous ont menés où nous en sommes aujourd'hui. Si je peux faire un bref historique, le tout a commencé il y a plusieurs années lorsqu'on a appliqué à la situation économique d'alors les théories économiques de Keynes et qu'on a ainsi créé la dette nationale. Le gouvernement subséquent, s'il avait appliqué la même philosophie durant les années d'effervescence économique, aurait dû récupérer les sommes nécessaires et rembourser la dette nationale. Mais ce n'est pas ce qu'il a fait, de sorte que la dette qui s'élevait à 160 milliards de dollars, il y a 10 ans, s'est accrue d'une somme additionnelle de 340 milliards de dollars durant les deux mandats du gouvernement précédent.

Après cela, le défi consistait bien sûr à trouver ce qu'il fallait faire pour changer de cap sans faire chavirer le pays et pour nous lancer sur une nouvelle voie. Notre ministre des Finances a fait un travail fantastique d'abord en se concentrant sur la vision élaborée dans le livre rouge que nous avons tous utilisé durant la dernière campagne électorale, et ensuite en s'appliquant à réaliser son objectif dans la première phase d'un double budget conçu justement à cette fin. Bien entendu, mes amis du Parti réformiste ont tous insisté sur le fait que nous devrions exercer des compressions plus marquées. Le gouvernement a présenté une multitude de mesures.

Je n'arrive pas à comprendre, et je demande au député comment il peut arriver à croire, que la séparation, ou, comme il le dit, la souveraineté du Québec, contribuerait à régler ce problème financier.

[Français]

M. de Savoye: Monsieur le Président, j'ai remarqué que mon honorable collègue semblait vouloir discourir pour un moment, et je croyais pouvoir disposer de quelques instants. J'apprécie la façon dont il a présenté sa question.

[Traduction]

La souveraineté du Québec est bien sûr, très importante pour les Canadiens d'un océan à l'autre; elle l'est encore plus pour les Québécois, croyez-moi.

Il faut que l'on proclame haut et fort en cette Chambre que, depuis des années, depuis plus de dix ans, le gouvernement québécois gère beaucoup mieux les finances publiques que ne le fait Ottawa.

En outre, je suis contribuable, et ce depuis fort longtemps. Comme tous les autres contribuables du pays, je paie ma part.

Nous envoyons de l'argent à Ottawa, supposant qu'il va servir à payer les intérêts de la dette et à réduire le déficit, du moins c'est ce que les gouvernements qui ont précédé celui-ci ont dit et répété, année après année, pendant plus d'une décennie. C'est également ce que nous dit le gouvernement actuel.

J'envoie mon argent à Ottawa en pensant qu'il sera dépensé à bon escient, pour m'apercevoir, un peu plus tard, que tel n'a pas été le cas. Je me demande donc si je ne ferais pas mieux de donner cet argent à un gouvernement qui, jusqu'à maintenant, a mieux su gérer mes finances. Ce gouvernement, c'est celui du Québec. Je pense qu'en ce qui concerne le service de la dette, Québec ferait un meilleur travail que ce qu'a fait Ottawa ces dernières années.

(1625)

[Français]

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia): Monsieur le Président, aujourd'hui on nous demande d'accorder le pouvoir d'emprunt énorme à un gouvernement qui a déjà démontré dans son premier budget qu'il est non seulement fiscalement incompétent, mais encore fiscalement incontinent.

Le 22 février, pendant que le ministre des Finances nous chantait à l'oreille, je n'ai pu m'empêcher de voir les fantômes de Michael Wilson ou de Don Mazankowski venir nous hanter de nouveau. Toutes les anciennes banalités étaient là. Par exemple . . .


2686

[Traduction]

. . .rétablir la responsabilité financière, restaurer un système de sécurité sociale responsable et un cadre propice au renouveau économique. On s'était même engagé en bonne et due forme à prendre les choses en main l'année prochaine et à poser des gestes concrets l'année suivante.

Le ministre avait courageusement proclamé que le temps était venu pour le gouvernement de mettre de l'ordre dans ses finances, tout en reconnaissant que le gouvernement prévoit accroître ses dépenses nettes de trois milliards de dollars au cours du prochain exercice financier.

Après neuf ans de gouvernement conservateur au cours desquels on leur a jeté de la poudre aux yeux, exagéré les prévisions de dépenses et rompu les promesses, les Canadiens étaient en droit de s'attendre à quelque chose de nouveau et de meilleur. Or, on leur offre les mêmes foutaises, que personne ne prend plus au sérieux.

Le gouvernement actuel, qui entend poursuivre les pratiques des conservateurs, qui consistaient à étouffer l'économie par des impôts élevés, prédit que l'économie va se rétablir de façon miraculeuse et il grossit par conséquent ses prévisions de recettes.

Les recettes provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers, qui ont subi une baisse imprévue de 6 milliards de dollars cette année, sont censées faire un bond de 7 milliards l'an prochain. La hausse prévue d'un milliard de dollars provenant de l'augmentation des cotisations d'assurance-chômage va probablement se concrétiser, mais pourquoi les recettes de la TPS augmenteraient-elles d'un milliard alors que ceux qui ont un peu d'argent en poche ont une peur mortelle de l'utiliser pour acheter des biens de consommation?

Au lieu de faire face à la réalité et de réduire immédiatement ses dépenses, le gouvernement veut faire la fête. Il souhaite emprunter un montant supplémentaire de 34 milliards pour payer ses comptes. Nous avons déjà passablement fait la fête, après 20 ans de glorieux excès.

Ce sont maintenant nos enfants et nos petits-enfants qui vont devoir payer la note et supporter le mal de tête. La dette de 500 milliards du gouvernement va nous suivre pendant des générations. À cause de cette dette, les générations futures devront se contenter d'un niveau de vie moins élevé que celui que nous avons connu. Il n'y a pas d'issue.

Aussi, comment pouvons-nous, en toute décence, justifier un emprunt supplémentaire de 34 milliards de dollars qui viendra alourdir le fardeau des prochaines générations? Comment pouvons-nous ajouter 100 milliards de plus à leur fardeau au cours des trois prochaines années?

N'oublions pas que ces 100 milliards sont fondés sur les prévisions optimistes du gouvernement actuel. Or, s'il faut se fier à ce qui s'est passé depuis 20 ans, il faudrait plutôt prévoir 150 milliards, et cela à condition que les prêteurs étrangers ne viennent pas auparavant nous enlever notre carte de crédit.

Grâce à la magie de l'intérêt composé, la dette que nous avons déjà accumulée est en train de nous manger vifs. Le service de la dette durant l'exercice financier courant coûtera l'équivalent des pensions de vieillesse et des prestations d'assurance-chômage combinées. Chaque seconde qui passe accroît de 1 200 $ le montant des intérêts dus par le gouvernement fédéral. La famille canadienne typique paie 460 $ par mois en impôts simplement pour payer l'intérêt sur la dette fédérale, dont un tiers est constitué de prêts étrangers.

(1630)

Pendant 20 ans, les libéraux et les conservateurs nous ont dit sur un ton apaisant que l'accroissement de la dette publique ne posait pas vraiment de problème parce qu'il s'agissait d'une dette interne due aux Canadiens et que puisque les paiements de l'intérêt restaient dans l'économie nationale, les fonds étaient tout simplement recirculés dans un mouvement économique perpétuel.

Même si l'on accepte cette interprétation fantaisiste de notre économie, le postulat de base n'est plus vrai. Nous payons tellement d'intérêts aux étrangers que, même si nous enregistrons un surplus commercial chaque année depuis des décennies, notre solde courant est négatif depuis 1985. Cette année, notre manque à gagner sera de 25 milliards de dollars et nos réserves en devises étrangères diminuent.

Ajoutons les dettes extérieures des provinces à la dette fédérale-ce qui est plein de bon sens puisque la plupart des pays ne comportent pas d'États ou de provinces qui empruntent de l'argent sur les marchés mondiaux-et la dette publique extérieure du Canada devient plus élevée que celle du Mexique. Répartie par habitants, elle est plus imposante que celle du Brésil.

Le gouvernement se plaint, affirme qu'il n'y peut rien et qu'une compression des dépenses serait un exercice douloureux. C'est sûr, mais cet exercice douloureux ne peut qu'être repoussé. On n'y échappera pas. Chaque fois qu'on le reporte d'un an, les 40 milliards de dollars qui s'ajoutent à notre fardeau nous font voir que la douleur n'en sera que plus vive.

Qu'est-ce qui est le plus souhaitable? Doit-on exercer volontairement des compressions, tant que c'est encore possible, ou attendre l'inévitable épuisement de nos recettes fiscales, jusqu'à ce que nous soyons au bout du rouleau, comme la Nouvelle-Zélande ou la Suède? Combien de temps le gouvernement croit-il que notre économie tiendra le coup, quand les banques étrangères nous couperont notre crédit? En combien de temps serions-nous réduits à aller quémander notre subsistance au FMI, comme un pays du tiers monde?

Le gouvernement dit qu'il ne peut réduire les dépenses, à cause de sa grande compassion pour les pauvres et les démunis. Selon moi, il suffirait d'orienter précisément nos dépenses sociales vers ceux qui en ont besoin. Nous ne pouvons plus nous permettre de subventionner les Canadiens à revenu élevé, non plus que les entreprises canadiennes. Si le gouvernement ne commence pas dès maintenant à appliquer certaines notions de base en économie, ce mécanisme à intérêt composé continuera à accélérer.

Déjà, le tiers des recettes fiscales du gouvernement est affecté au service de la dette. Qu'arrivera-t-il, dans un avenir pas très lointain, quand ce tiers passera à 40, 45 ou même 50 p. 100? Où prendrons-nous l'argent pour payer les programmes sociaux, ou même pour offrir les services gouvernementaux essentiels?

Si toute la structure sur laquelle repose notre économie venait à s'écrouler, il n'y aurait plus d'assurance-maladie, plus de pensions, plus d'assurance-chômage, plus d'aide sociale, plus rien. Ceux qui en souffriraient le plus seraient les plus démunis de la société-les malades, les personnes âgées et les enfants.


2687

C'est ce que notre gouvernement aura légué aux Canadiens s'il ne s'attaque fermement et sans délai au problème.

Avec ce budget qui n'en est pas un, le gouvernement nous a prouvé que nous avions raison de douter qu'il n'abuserait pas de son crédit. Il faudrait lui enlever sa carte de crédit avant que les banques étrangères nous l'enlèvent.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, c'est vrai que je parle beaucoup de la question du déficit mais, voyez-vous, il y a quelques années, je croyais que c'était mon argent dont il était question et, depuis un certain temps, je me rends compte que c'est l'argent de mes enfants et, éventuellement, des enfants de leurs enfants.

(1635)

[Traduction]

Le député a soulevé de nombreux points, mais, avec sa permission, je voudrais apporter une correction. Il a dit que le tiers des impôts que perçoit le gouvernement est consacré au service de la dette. Malheureusement, la situation est bien pire. Il n'y a rien du tout pour la dette, puisque la totalité sert à financer les programmes. Nous n'acquittons pas la dette et les intérêts ne cessent de s'accumuler. C'est regrettable.

Toutefois, je voudrais poser une question au député, s'il ne s'y oppose pas. Je vais lire un article qui a paru dans La Presse de Montréal. Je vais le lire en français et je suis certain que les services d'interprétation lui permettront de suivre.

[Français]

«Les modifications au programme d'assurance-chômage annoncées dans le dernier Budget fédéral forcent les chômeurs canadiens à assumer plus de la moitié de toutes les nouvelles compressions libérales»-comme si les compressions pouvaient être libérales-«et vont coûter un milliard aux provinces, dont 280 millions au Québec seulement.»

[Traduction]

Voici la question que je demande au député de traiter. Il semble que le gouvernement fédéral ait réussi à maintenir le déficit juste sous la marque des 40 milliards en renvoyant une partie du problème à chacune des provinces. Quelle est l'opinion du député à cet égard?

M. Morrison: Monsieur le Président, je m'arrête sur la première observation du député de Portneuf.

Au sujet de la provenance de l'argent servant à acquitter les intérêts sur la dette, c'est probablement une question de sémantique. On peut puiser dans une poche ou dans une autre. Il reste néanmoins que, sur 120 milliards de dollars d'impôts perçus, il y en a 40 qui servent à acquitter les intérêts sur la dette.

Je suis tout à fait d'accord avec le député. Si nous empruntons pour payer les intérêts sur la dette, c'est que nous n'arrivons pas à

équilibrer nos finances pour l'instant. Le montant de nos emprunts est supérieur à celui des intérêts à payer et le député sait fort bien où cela mène.

Je félicite le député de Portneuf qui a prononcé un discours original. Je n'ai pas eu l'occasion de me lever puisque tout le monde voulait l'interroger. Je l'ai applaudi. En entendant son analyse économique, j'ai cru qu'il était devenu réformiste.

M. Canuel: Le Bloc réformiste.

M. Morrison: Le Bloc réformiste, bien sûr.

De toute façon, je disais qu'une seule chose dans son discours m'a agacé et a jeté une ombre. En effet, de temps à autre, il a fait allusion à deux pays, soit le Québec et le Canada. Si le député reconnaissait que nous ne formons qu'un seul pays, je voudrais vraiment qu'il s'assoie beaucoup plus près de nous et qu'il fasse valoir ses grands talents pour le bien de la nation, parce qu'il s'y connaît vraiment en économique.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, les députés ne le savent peut-être pas, mais le député de Swift Current fait partie de la classe agricole.

Je me demande si le député pourrait nous expliquer, à moi et à mes collègues, les répercussions que peuvent avoir sur le secteur agricole le dépassement chronique du crédit et notre incapacité à vivre selon nos moyens. Cela rend-il nos produits agricoles moins compétitifs sur le marché mondial?

M. Morrison: Monsieur le Président, la réponse est oui. Notre compétitivité sur les marchés agricoles s'en trouve nettement réduite.

Les coûts des intrants agricoles sont très élevés au Canada pour plusieurs raisons, notamment à cause des taxes qu'ils contiennent. Que vous ayez à acheter un tracteur ou un litre de carburant diesel ou encore à faire réparer une pièce d'équipement agricole, si vous remontez toutes les étapes de production, vous constaterez que, dans bien des cas, si ce n'est dans la plupart des cas, les taxes représentent environ 50 p. 100 du coût que l'agriculteur doit payer.

(1640)

Si nous n'étions pas saignés à blanc pour pouvoir supporter le fardeau excessif de la dette, les prix des intrants agricoles diminueraient d'eux-mêmes et nous serions plus compétitifs au niveau international.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, je tiens à féliciter à nouveau le député de Swift Current pour son allocution sur ce projet de loi portant pouvoir d'emprunt et à abandonner quelque peu les questions secondaires. Je suppose que toutes les questions sont importantes, mais celle-ci est pour moi une question secondaire, qu'elle touche à l'agriculture en soi ou à une région du Canada plus qu'une autre.

Je tiens à me concentrer sur le pouvoir d'emprunt prévu par ce projet de loi, le pouvoir qu'il va donner au gouvernement fédéral d'emprunter des dizaines de milliards de dollars à des taux d'intérêt inconnus mais apparemment toujours à la hausse et sur


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l'incidence que cela aura sur les prévisions budgétaires du gouvernement.

Le député de Swift Current nous dira-t-il ce qu'il pense du bond de trois quarts de 1 p. 100 du taux préférentiel canadien qui a été annoncé hier et de l'incidence que cette hausse aura, selon lui, sur les prévisions budgétaires du gouvernement?

M. Morrison: Monsieur le Président, nous avons posé la question ce matin au ministre des Finances et nous n'avons pas obtenu de réponse. À mon avis, cela nous coûtera probablement un milliard et demi de dollars de plus par année si la tendance actuelle se maintient.

Ce que je crains le plus, c'est que cela présage d'une autre flambée des taux d'intérêt. Comme la cote de nos obligations baisse et que les investisseurs étrangers se font de moins en moins bienveillants à notre égard, les taux d'intérêt pourraient facilement atteindre les 8 p. 100 d'ici à la fin de l'année et on verra alors gonfler le déficit.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir à nouveau dans le débat sur le projet de loi. J'étais intervenu à l'étape de la deuxième lecture. J'avais alors exposé quelques préoccupations dont on m'a fait part récemment et après la présentation du budget, mais dont j'avais déjà entendu parler pendant toute la campagne électorale de l'automne dernier et même avant cela, dès avant mon assemblée d'investiture.

Le problème, c'est le déficit, la dette nationale et les emprunts qu'il faut contracter pour payer l'intérêt sur notre dette. Notre niveau d'endettement nous met dans une fâcheuse situation dont nous demandons à nos enfants de nous sortir. La dette nationale est en quelque sorte le cheval de bataille de beaucoup de députés réformistes.

Un des nombreux sujets de préoccupation qui ont préludé à la naissance de notre parti est la mauvaise gestion financière de gouvernements fédéraux successifs, qui nous a fait nous endetter à un point tel qu'il faudra des générations pour tout rembourser.

Lorsque je me suis présenté pour obtenir la candidature réformiste dans Fraser Valley-Est, le déficit prévu ne devait pas dépasser 30 milliards de dollars. C'était il y a environ deux ans. Je dois dire que c'est un peu ce qui a fait tomber mes dernières hésitations et m'a convaincu de me lancer dans la course. La seule pensée que la nation devait porter un fardeau supplémentaire de 30 milliards de dollars m'était insupportable. J'ignore s'il y a eu un mouvement de mécontentement national, mais dans ma région, l'inquiétude était telle que nous sommes beaucoup à nous être inscrits au Parti réformiste en disant vouloir faire quelque chose pour renverser la vapeur afin que nos enfants ne soient pas les victimes de la situation.

Trente milliards de dollars nous apparaît chaque jour comme étant un déficit un peu plus enviable, puisque le déficit de l'an dernier approche les 45 milliards. De l'aveu même du gouvernement, même si le meilleur scénario se réalise cette année, le déficit dépassera les 40 milliards de dollars. Chaque jour, les taux d'intérêts fluctuent ou la valeur du dollar baisse. Le ministre des Finances nous fait part de ses profondes réflexions, et tous les taux et les chiffres changent de nouveau.

(1645)

Nous nous inquiétions déjà lorsque le déficit était de 30 milliards de dollars; alors, maintenant qu'il est de 40 ou de 45 milliards de dollars, selon qui on choisit de croire, c'est encore plus inquiétant. En fait, je dirais que la situation est passée d'inquiétante à alarmante et qu'elle risque même de devenir désastreuse sous peu.

Comme les choses ne font que s'aggraver, nous devrions parler, comme le député l'a fait un peu auparavant, de la taille de la dette et de ce que cela voudra dire pour les Canadiens dans les années à venir. La dette dépasse les 500 milliards de dollars, d'après les chiffres qu'on a lancés ici un peu plus tôt, ce qui représente 16 000 $ par personne ou quelque chose du genre, peu importe. Cependant, ce n'est là qu'un côté de la médaille. L'autre côté de la médaille, c'est évidemment la dette des provinces que les Canadiens-parce que les contribuables sont les mêmes à tous les niveaux-devront financer d'une façon ou d'une autre. Tous les gouvernements seront obligés de hausser les impôts, d'accroître leurs déficits et de présenter de plus en plus de mesures portant pouvoir d'emprunt, comme celle-ci, alourdissant ainsi le fardeau que devront porter les générations futures.

Le déficit, qui est l'accumulation des recettes manquantes par rapport aux dépenses d'une année à l'autre, atteindra au moins 40 milliards de dollars cette année. Cela suffira à alourdir le fardeau fiscal des gens qui sont le moins en mesure de payer. Je vois rarement les gens qui valent 10 millions ou 20 millions de dollars frémir lorsqu'ils entendent ces chiffres. Ce qui m'ennuie et m'inquiète le plus, c'est que ce sont les gens qui sont le moins en mesure de supporter ce genre de fardeau, c'est-à-dire ceux qui vivent d'un revenu fixe, ceux qui comptent sur un régime de pensions de l'État auquel ils ont fidèlement contribué et dont ils espèrent bénéficier, ceux qui ont besoin d'une aide temporaire offerte par le régime d'assurance-chômage, quelles que soient les modifications qu'on y apportera, après avoir perdu temporairement leur emploi, ce sont tous ces gens-là qui devront en payer le prix et payer des impôts plus élevés et qui subiront à long terme une diminution des services.

J'ai donc beaucoup d'inquiétudes à cet égard, et ces inquiétudes ne se sont pas dissipées depuis que je suis arrivé au Parlement. Les signaux que nous recevons des banquettes ministérielles depuis deux mois les auraient plutôt exacerbées.

Il semble qu'on n'ait aucune notion d'austérité budgétaire. Le message qu'on peut lire dans l'énoncé et dans les documents budgétaires pourrait se résumer à ceci: nous ne nous contenterons plus de grignoter dans les dépenses secondaires et de nous agiter sur des aspects mineurs du budget, car le budget actuel annonce de véritables réductions des dépenses. C'est ce que les ministériels voudraient nous faire croire. Or, en tournant la page, je constate que le montant total des dépenses du gouvernement fédéral est passé de 160 à 163 milliards de dollars.

Comment peut-on parler de réductions des dépenses? Il n'en est rien. Il s'agit plutôt d'une augmentation des dépenses. Nos emprunts ont augmenté, nos impôts vont inévitablement aug-


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menter, et nos services vont inévitablement diminuer. C'est là un problème, et cela a de quoi nous préoccuper tous, et certainement encore davantage les députés ministériels.

Si c'est là que réside le problème, comme je crois l'avoir démontré, nous allons le transmettre aux générations suivantes. Que pouvons-nous faire pour contenir le déficit? Que pouvons-nous faire pour maîtriser le déficit d'un exercice à l'autre, de manière que l'autorisation d'emprunt dont nous discutons aujourd'hui soit dorénavant inutile?

On peut laisser de côté un instant le cas de la Nouvelle-Zélande qui, j'en conviens, est souvent citée en exemple; il y a, au Canada même, des exemples de ce que l'on peut faire pour réduire les dépenses excessives des pouvoirs publics.

Ainsi, le gouvernement de l'Alberta a pris le taureau par les cornes, si je puis me permettre d'utiliser cette expression de l'Ouest. Il a dit que trop, c'était trop, qu'il ne pouvait plus se permettre de continuer à dépenser, à taxer et à dépenser tout en maintenant les services et un climat commercial garantissant un avenir prospère.

Le premier ministre de l'Alberta a donc fait ce qui était impensable sur la scène politique canadienne: il a décidé d'être intraitable à l'égard de certaines dépenses et c'est ce qu'il a fait. Certains ont analysé la situation et ont dit que si, toutes proportions gardées, le gouvernement fédéral réduisait ses dépenses d'une manière aussi draconienne que l'Alberta, il devrait réduire celles-ci de 19 milliards de dollars simplement pour prendre des mesures équivalentes au précédent créé par le budget du premier ministre Klein. Je ne dis pas que le budget du premier ministre Klein est parfait, mais j'utilise cet exemple pour montrer qu'il est possible de prendre conscience de la gravité du problème. Il est possible de réellement réduire les dépenses. Les Canadiens préoccupés par l'ampleur du déficit, de la dette et des emprunts connexes peuvent, pour peu qu'on leur en donne la chance, entrevoir une lumière au bout du tunnel.

(1650)

Je n'aurais jamais imaginé faire une telle déclaration, mais je dois dire qu'il y a même un exemple dans ma province, la Colombie-Britannique. Je déteste l'idée que le gouvernement fédéral ne puisse présenter l'équivalent d'un budget néo-démocrate, mais le budget que le gouvernement de la Colombie-Britannique a présenté hier prévoit des réductions d'impôts de 112 millions de dollars. Il ramènera son déficit à 189 millions de dollars cette année, ce qui est un pas de géant dans la bonne direction pour un gouvernement qui n'est pas reconnu pour faire preuve de responsabilité sur le plan financier. Il offre certains avantages concrets aux entreprises et leur fait voir un peu cette fameuse lumière au bout du non moins fameux tunnel.

Par exemple, l'aéroport international de Vancouver, qui, à l'instar de toutes les entreprises de la Colombie-Britannique, veut attirer la clientèle de la ceinture du Pacifique, est un grand gagnant. Les taxes sur le carburant d'avion à réaction sont ramenées de 4 cents à 1 cent le litre. Le fret aérien en profitera encore. L'an dernier, le budget a supprimé complètement les taxes sur le carburant pour les entreprises de transport de marchandises. Il existe des moyens pour aider les entreprises, les consommateurs et les gens qui s'inquiètent des impôts, des déficits et de tout ce qui semble faire boule de neige. Nous pouvons réduire les dépenses et, du même coup, offrir des allégements fiscaux aux entreprises, aux consommateurs et aux contribuables touchant un revenu fixe.

Par exemple, dans le budget de la Colombie-Britannique, on trouve un allégement d'impôt évalué à 18 millions de dollars destiné aux sociétés minières. Cela n'était jamais arrivé dans toute l'histoire budgétaire récente de la province. Il n'était jamais arrivé qu'un gouvernement reconnaisse que la population se préoccupe beaucoup de l'augmentation des impôts, de l'endettement croissant et du cercle vicieux du désespoir, qu'il avoue avoir vu la lumière, pour utiliser de nouveau cette image, et qu'il décide de diminuer les impôts dans des secteurs donnés pour aider les entreprises à s'aider elles-mêmes. Ces dernières ne recevront pas de subvention, d'aide au développement régional, ou Dieu sait quoi. Elles n'auront droit qu'à un allégement fiscal et n'exigent rien d'autre.

Combien de fois avons-nous entendu les propriétaires de PME dire que tout ce qu'ils demandaient au gouvernement, c'était qu'il leur fiche la paix pour qu'ils puissent exercer leur activité et créer des emplois.

Au risque de me répéter, je ne pensais jamais adresser des félicitations au gouvernement de la Colombie-Britannique pour un de ses budgets, mais j'ai quand même des réserves à faire là-dessus. Le budget de la Colombie-Britannique prévoit également une augmentation des dépenses de 3,5 p. 100.

Que serait-il arrivé en Colombie-Britannique si le gouvernement avait au contraire décidé de ne pas augmenter les dépenses? Toutes les réductions dont j'ai déjà parlé auraient pu être faites. Les niveaux d'imposition auraient pu être diminués. La taxe sur le carburant d'avion à réaction aurait pu être diminuée, et j'en passe. Que serait-il arrivé si le gouvernement de la Colombie-Britannique n'avait pas augmenté les dépenses de 3,5 p. 100 et avait présenté un budget ne prévoyant aucune augmentation des dépenses? Au lieu de prédire l'équilibre budgétaire pour 1997, il aurait pu l'atteindre pendant son mandat actuel, dans un an ou deux. Il aurait ainsi pu redorer son blason et renverser la vapeur dans le concours de popularité qu'il semble perdre à l'heure actuelle.

De même, si le gouvernement fédéral-et ce sont des précédents qui ont été établis ici au Canada-avait présenté un budget ne prévoyant aucune augmentation des dépenses et n'avait pas dépassé les 160 milliards de dollars, ce qui est quand même énorme, s'il n'avait pas prévu des dépenses supplémentaires de 3 ou 4 milliards de dollars, j'estime que la population canadienne l'aurait pris plus au sérieux quant à sa volonté de régler ce qu'on peut appeler la crise du déficit et de l'endettement.

(1655)

Ma circonscription, d'ici que sonne l'heure de la révision des limites, va de Boston Bar, dans le nord, qui est une localité à une seule industrie, celle du bois d'oeuvre, et dont toute l'activité économique dépend de l'exploitation forestière, jusqu'à Hope, où, par contre, l'économie commence à se diversifier. Il y a


2690

quelques mines, l'exploitation forestière occupe une grande place, et il y a beaucoup de tourisme. La circonscription englobe également Chilliwack, où j'habite. Il y a là aussi une certaine diversification: agriculture, bois d'oeuvre, forêt, sans oublier la base des Forces canadiennes. Il y a aussi Abbotsford, ville qui a un caractère bien à elle. On y trouve beaucoup de banlieusards qui vont travailler à Vancouver et beaucoup de retraités.

J'ai les mêmes réactions partout dans ma circonscription. Si je m'adresse à un bûcheron de Boston Bar, équipé de ses larges bretelles rouges et de toute la panoplie du forestier, et que je lui parle du problème du déficit et de la nécessité de vivre selon nos moyens, il saura exactement de quoi je parle. Il va m'enfoncer le doigt dans la poitrine et me charger d'aller dire au gouvernement d'arrêter de dépenser de l'argent qu'il n'a pas, comme il doit le faire dans son propre ménage.

Si je vais à Hope ou à Chilliwack, où j'habite, et que je parle à un producteur laitier qui s'inquiète du GATT, de l'ALENA et de toutes sortes de choses, il me dira lui aussi en me frappant la poitrine du doigt: «Dites au gouvernement d'arrêter de dépenser de l'argent qu'il n'a pas, d'arrêter de dépenser pour des choses dont nous n'avons pas besoin, d'arrêter d'obliger mes enfants à payer vos dettes. Dites au gouvernement d'arrêter de dépenser.»

Si je me rends à Abbotsford, où vivent des personnes à revenu fixe, pour y participer à une réunion publique, les gens me tiendront le même langage. Quoi qu'ils fassent et peu importe où ils habitent, les gens connaissent la règle d'or: il faut vivre selon ses moyens.

Un enfant de dix ans qui reçoit deux dollars par semaine comme argent de poche sait qu'il n'a pas le choix de vivre selon ses moyens. Le gouvernement actuel ne le sait pas encore, et c'est la raison pour laquelle cette loi portant pouvoir d'emprunt réclame un montant record pour maintenir à flot ce gouvernement qui n'a pas tiré les leçons qui s'imposaient en regardant agir-si je peux me permettre de faire cette remarque-le gouvernement conservateur des 8, 9 ou 10 dernières années.

Si le gouvernement continue de dépenser à ce rythme-là, aux prochaines élections, la population va se venger sur lui à tel point qu'on verra peut-être un autre parti décimé, réduit à un ou deux députés. Le gouvernement doit prêter l'oreille aux Canadiens. Ceux-ci souhaitent des mesures de restriction. Ils veulent que le gouvernement retrouve la santé sur le plan budgétaire. Ils demandent au gouvernement de faire sa part en réduisant les dépenses, en présentant un budget qui ne comporte pas d'autres mesures de dépense. Qu'il agisse dès maintenant! Qu'il le fasse non seulement pour ceux et celles qui siègent dans cette enceinte, mais également et par-dessus tout pour les Canadiens qui l'en prient.

Je demande au gouvernement de réexaminer ce projet de loi. De le retirer. De ne pas réclamer ces sommes d'argent. De présenter plutôt un budget auquel nous puissions souscrire, un budget qui comporterait un gel des dépenses. Maintenant!

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, j'ai un commentaire et une question pour le député qui a touché des points sur lesquels je me suis interrogé, il y a déjà plusieurs mois, et pour lesquels j'ai trouvé une réponse. Je vais la lui proposer, cela lui permettra de me donner son point de vue.

L'honorable député dit que ce gouvernement doit vivre selon ses moyens. Ce député mentionne que depuis des années, et on peut retourner deux décennies en arrière, nous nous sommes progressivement endettés.

Voyez-vous, j'avais fait le même constat et je me suis interrogé, non seulement sur les faits, mais également sur leur cause. Il ne suffit pas de dire: «Voici, nous constatons», mais il faut se poser la question: «Qu'est-ce qui a fait et qu'est-ce qui fait encore qu'on se retrouve dans cette situation?»

(1700)

Je me suis posé la question très simplement: Qu'est-ce qui a fait que M. Trudeau-je pense que je peux en parler tout en respectant le Règlement-a commencé à nous endetter? Est-ce que c'était parce qu'il ne voyait pas que ce n'était pas très heureux d'encourir des dettes? Ou est-ce que c'était parce qu'il était incompétent ou de mauvaise foi? Mais non. Je suis convaincu que M. Trudeau a agi, à l'époque, en toute bonne foi et en suivant les avis qu'il a crus excellents et qui l'ont encouragé à agir comme il l'a fait.

Plusieurs années plus tard, M. Mulroney nous promettait de rectifier une situation et il ne l'a pas fait. Est-ce que M. Mulroney était de mauvaise foi? Je ne le crois pas. Je crois que M. Mulroney avait un désir authentique, sérieux de résorber la situation de l'endettement du pays.

Est-ce qu'il a été mal conseillé? Je crois que nous avons ici, à Ottawa, une haute fonction publique qui est extrêmement compétente et qui travaille d'arrache-pied pour mener à bien les choses. Alors, voici ma question: Que s'est-il passé?

[Traduction]

M. Strahl: Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de Portneuf de sa question. Il a soulevé un ou deux points intéressants. Je ne sais pas exactement ce que M. Trudeau avait en tête quand il nous a lancés sur cette voie. C'était peut-être simplement une façon de penser des libéraux. Je ne le sais pas exactement, mais le temps nous le dira.

Je pense que M. Trudeau et M. Mulroney souffrent tous deux-et j'extrapole un peu, je le sais-du même mal, de ce mal qui afflige les nouveaux gouvernements, celui des occasions ratées. Quand un nouveau gouvernement arrive au pouvoir et prend les rênes ici, au Parlement, il jouit de la faveur du public, du moins pendant quelques mois. Il devrait justement profiter de cette lune de miel, de cette période où les ministériels, d'un bout à l'autre du pays, ont le sourire fendu jusqu'aux oreilles, pour apporter des changements importants dans la façon dont le pays et le Parlement sont dirigés.


2691

Je pense que M. Trudeau et M. Mulroney ont souffert tous deux de ce mal, car ils ont laissé passer ces occasions. M. Mulroney a recueilli beaucoup de votes, surtout dans l'Ouest-je ne sais pas comment on le percevait au Québec, mais il a remporté un très grand nombre de sièges là-bas-mais dans l'Ouest, on a voté en masse pour lui, et j'ai moi-même voté pour lui en 1984. J'ai voté pour lui parce que je pensais élire une personne financièrement responsable qui veillerait à ce qu'il soit tenu compte de nos préoccupations ici, au Parlement.

Je pense que M. Mulroney a laissé passer une occasion en or dans son premier budget. Les gens voulaient d'un budget fondé sur la responsabilité financière, mais parce que certaines personnes ont exprimé bruyamment leur désaccord, il a battu en retraite et a laissé tomber.

J'estime que le même phénomène se reproduit ici, avec ce budget. Le nouveau dirigeant du gouvernement, le petit gars de Shawinigan, un homme en apparence comme tout le monde, a l'air de très bien s'entendre avec les gens. Cependant, il a raté une belle occasion, dans ce budget, de modifier l'orientation de cette 35e législature. La situation ne va pas aller en s'améliorant. Si le ministre des Finances pense qu'elle va aller en s'améliorant d'ici les prochaines élections, il se trompe royalement.

Comme le disait le député, le gouvernement a peut-être été mal conseillé et n'a peut-être pas compris ce que les gens attendaient de lui en l'élisant; je l'ignore. Cependant, je sais qu'il a raté l'occasion, à l'ouverture de la législature, de donner le ton de ce qu'il voulait faire, et cette occasion ne se représentera jamais.

(1705)

Le gouvernement se demande peut-être pourquoi nous faisons tant de chichi, notamment sur la question de l'emprunt dans le budget. Il nous dit d'attendre jusqu'à l'année prochaine, mais c'est le genre de choses qu'on nous dit depuis au moins dix ans. Cela n'aboutit jamais, parce que les choses ne vont jamais en s'améliorant.

Quiconque hausse les épaules et pense qu'un problème va se régler de lui-même rêve en couleurs. Et les rêves qui ne se sont jamais réalisés sont très nombreux.

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, je suis heureux de traiter pour la première fois du projet de loi C-14, une loi portant pouvoir d'emprunt pour l'exercice 1994-1995. Je m'oppose à ce projet de loi, car il est temps que nous cessions de vivre avec de l'argent emprunté. Le gouvernement doit commencer à vivre selon ses moyens et résister à la tentation de perpétuer les erreurs des 25 dernières années.

Lorsque le gouvernement libéral de Pierre Elliott Trudeau est arrivé au pouvoir en 1968, il a créé son premier déficit. À partir de cette année-là, chaque gouvernement a continué de dépenser chaque année plus d'argent qu'il n'en recueillait en recettes fiscales. D'une année à l'autre, les chiffres le confirment. À un point tel que, lorsque les conservateurs ont chassé le gouvernement libéral en 1984, celui-ci leur a légué une dette de 175 milliards de dollars.

Les conservateurs ont poursuivi les mêmes habitudes de dépense que les libéraux leur avaient enseignées pendant qu'ils étaient au pouvoir et, chaque année, les conservateurs ont continué d'alourdir la dette, jusqu'à ce que les Canadiens en aient assez. Sous le gouvernement conservateur, la dette est passée à 460 milliards de dollars. Lorsque les conservateurs étaient au pouvoir, ils ne cessaient de blâmer le gouvernement libéral pour la dette qui continuait d'augmenter chaque année, car ils dé-siraient dépenser les recettes consacrées au service de la dette que le gouvernement libéral de Trudeau avait créée.

Maintenant que le gouvernement libéral est revenu au pouvoir, avec Jean Chrétien à sa tête, il blâme le Parti conservateur pour la dette de 460 milliards de dollars et dit que les paiements d'intérêt de 40 milliards de dollars sont attribuables à son manque de responsabilité financière. Les libéraux s'attendent maintenant à ce que les Canadiens avalent le même argument encore une fois.

Trop, c'est trop. Le budget du ministre des Finances a fait fi du problème réel. Le ministre des Finances nous présente un budget qui ne fait rien. S'il n'avait pas présenté de budget, nous en aurions été au même point dans un an. Je trouve honteux qu'une personne qui a l'expérience des affaires ne tire pas parti de cette expérience.

Le vrai problème, c'est la dette et les quelque 40 milliards d'intérêts que nous devons verser chaque année pour le service de cette dette. Il y a le déficit, la dette et les intérêts sur la dette. Le ministre des Finances nous a présenté un budget qui augmente les dépenses de trois milliards. Son discours pourrait faire croire qu'il a lu le livre bleu et le plan zéro en trois ans du Parti réformiste.

Ses discours sont fermes. Il nous dit qu'il faut prendre des mesures très strictes, des décisions très pénibles. Nous devons nous diriger vers un budget équilibré. Nous devons faire ceci, nous devons faire cela. Mais que fait-il? Il fait presque tout porter sur un seul secteur de l'économie, le secteur militaire. Il en souffre, mais cela ne contribue en rien à améliorer la situation, puisque l'ensemble des dépenses a été accru.

C'est pour cela que, en tant que députés du Parti réformiste, nous sommes inquiets. Le ministre des Finances nous dit qu'il comprend le problème, mais son budget ne s'y attaque pas. En tant qu'homme d'affaires, je suis doublement furieux, car chaque fois que le gouvernement intervient dans les affaires du secteur privé, par des subventions ou des fonds de développement régional, c'est un échec à long terme. Lorsque l'argent est épuisé, les entreprises créées disparaissent. C'est injuste! Cela perturbe le marché et engendre la confusion.

Prenons l'exemple du programme d'infrastructure du gouvernement fédéral. C'est un programme de deux milliards de dollars, plus deux milliards venant des provinces et deux milliards des municipalités, soit un programme de création d'emplois de six milliards. Ce programme crée de la confusion. Au centre de Calgary, dans ma circonscription, il y a un immeuble qui fait partie de l'infrastructure. Il attire déjà des entreprises et des gens. Ce pôle d'attraction est le Saddle Dome, qui abrite les Flames de Calgary, une équipe de hockey professionnelle. Voilà que le conseil municipal a trouvé un prétexte pour faire une demande de subvention à notre gouvernement par l'entremise du gouvernement provincial. Le président du Conseil du Trésor va


2692

devoir prendre une décision. Je lui conseille de refuser, car ce serait faire un mauvais usage des fonds consacrés au programme d'infrastructure. Mais il va devoir prendre une décision. Ce projet est-il conforme aux critères et à la définition? Voilà une source de confusion.

(1710)

Le gouvernement fédéral devrait bien préciser que s'il existe un programme qui s'appelle un programme d'infrastructure, c'est parce que les fonds doivent être investis dans l'infrastructure. Cependant, deux autres paliers de gouvernement ont décidé que l'argent consacré à une installation qui existe déjà, c'est de l'argent placé dans l'infrastructure. Étant donné le rapport qui existe entre le secteur privé et les Flames de Calgary, qui sont le principal locataire, je recommande vivement au président du Conseil du Trésor d'examiner sérieusement la question.

Par ailleurs, ce que je voulais dire au départ, c'est que le programme d'infrastructure prête à confusion. C'est une intrusion sur le marché. Voici l'exemple d'une autre intrusion dans la province de Québec. Les fabricants de voitures Hyundai ont été attirés dans cette province grâce à des subventions, sous prétexte que cela allait créer un millier d'emplois. On a donc accepté de leur prêter 100 millions de dollars, s'ils vendaient cent mille voitures à la fin de cette bonne affaire.

Hyundai a fermé ses portes dès qu'on a cessé de lui donner de l'argent. Il y a eu 856 emplois créés et non un millier et on n'a fabriqué que 26 000 autos plutôt que 100 000 et cette usine a maintenant fermé ses portes. Cependant, le ministre des Finances envisage de prêter aux dirigeants de cette société encore davantage pour qu'ils rouvrent leurs portes et emploient 800 autres personnes, les mêmes qu'au départ.

Le gouvernement et le ministre des Finances ne se sont-ils jamais demandé pourquoi Hyundai avait fermé ses portes. Est-ce parce qu'elle n'est pas suffisamment compétitive ou peut-être parce qu'elle ne peut vendre ses automobiles?

Le gouvernement fédéral continue à s'ingérer dans le secteur privé et à fausser les règles. Le secteur privé veut qu'il le laisse tranquille, qu'il cesse de venir lui prendre de l'argent dans les poches et de s'immiscer dans ses affaires. Il peut créer l'infra-structure. Il veut que le gouvernement s'en tienne à la seule chose que les gouvernements devraient faire, à savoir s'occuper de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement, au lieu d'investir dans le secteur privé. Je ne sais pas comment nous, réformistes, pourrions le dire plus catégoriquement au gouvernement et le lui répéter jusqu'à ce qu'il comprenne enfin le message.

Le gouvernement veut adopter le projet de loi C-14 afin d'emprunter de l'argent pour respecter les engagements qu'il a pris dans son livre rouge. Il souhaite emprunter de l'argent pour créer des emplois et financer nos programmes sociaux déjà trop généreux plutôt que de les réexaminer et de trouver des façons d'établir un filet de sécurité sociale qui protège vraiment les démunis et non ceux qui n'en ont pas vraiment besoin, comme c'est le cas à l'heure actuelle.

Nos moyens sont limités. Nous vivons d'argent emprunté. Pourquoi n'arrêtons-nous pas de gaspiller cet argent afin de réduire notre dette et nos emprunts? Il faut envoyer le signal qui s'impose aux investisseurs, aux prêteurs et aux consommateurs, et leur dire que le gouvernement entend corriger les erreurs des 23 derniers gouvernements et s'engager enfin à respecter les principes de la croissance économique. Dieu sait qu'avec tous les conseils que nous pouvons recevoir de nos bureaucrates, nous pourrions le faire.

En tant que membre du Comité permanent des finances, j'ai entendu des arguments très intéressants sur la façon de remplacer la TPS par une autre taxe. J'ai également eu l'immense privilège d'interroger le sous-ministre des Finances, M. Dodge. Il devrait être écouté par tout le Cabinet libéral et surtout par le ministre des Finances, à qui il doit rendre des comptes. Permettez-moi de vous faire part d'une observation qu'il a formulée à notre comité. Voici ce qu'il a dit devant le Comité permanent des finances au sujet de notre énorme dette. Il dit que le problème n'est pas simplement fédéral, mais également provincial et local.

(1715)

Pour l'exercice 1992-1993, le déficit fédéral s'élevait à environ 40 milliards de dollars et le déficit provincial, à 25 millions. La dette fédérale est bien près d'atteindre les trois quarts de notre PNB. Nous payons des taux d'intérêt qui sont supérieurs de quelque 2 p. 100 au taux de croissance de notre économie. Cela signifie que nous devons détourner des sommes de plus en plus élevées des recettes fiscales, juste pour assurer le service de la dette.

En 1992, un seul des pays du G-7 avait un déficit budgétaire total plus élevé que le Canada. À tous les niveaux de dépense, avec un déficit qui représente environ 50 p. 100 de notre PNB, nous sommes presque au rang le plus élevé parmi les pays du G-7. La proportion de notre dette extérieure a beaucoup augmenté au cours des dix dernières années. Sur les quelque 750 milliards de dollars que représentent nos dettes fédérale et provinciales combinées, plus de 300 milliards sont dus à des créanciers étrangers.

Nous devons débourser de plus en plus à l'étranger pour assurer le service de la dette canadienne, soit environ 1 $ de chaque tranche de 20 $ de production. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il pourrait arriver que les marchés financiers ne fassent plus confiance au Canada, qu'ils ne le croient plus capable de régler ses problèmes. Les gens voudront vendre leurs obligations du Canada et nous ne pourrons plus emprunter. Comme la Nouvelle-Zélande, la Suède, et d'autres pays, nous serons aux prises avec des problèmes graves.

L'instant de vérité pourrait se produire n'importe quand. Cela signifie que, quand le programme et le budget du gouvernement libéral auront connu un échec, dans un an ou deux, nous pourrions être acculés au dernier recours, c'est-à-dire à l'aide du Fonds monétaire international. Le gouvernement pourrait devoir inviter les dirigeants du fonds à venir se rendre compte de notre situation et je crois que c'est la dernière chose dont nous ayons besoin. Voulons-nous demander au Fonds monétaire international de régler nos problèmes? Je ne le crois pas.

Le ministre des Finances écoute-t-il son sous-ministre? Le Cabinet libéral discute-t-il du sérieux de la situation, de la dette et du déficit et du coût du service de la dette? Que se passera-t-il si les taux d'intérêt continuent d'augmenter? Je laisserai à quelqu'un d'autre l'occasion d'en parler.

Je recommande que nous réglions nous-mêmes nos problèmes avant de devoir faire appel à des organismes comme le Fonds monétaire international. Je recommande d'effectuer une refonte du système fiscal, qu'il faudrait revoir en profondeur. Nous ne pouvons pas nous contenter d'étudier la TPS, nous devons revoir l'ensemble du système fiscal. Abolissons l'impôt sur le revenu


2693

dans sa forme actuelle; supprimons les quelque 14 000 volumes de règles et règlements.

Pourquoi le gouvernement ne suit-il pas le conseil d'un de ses propres députés, le représentant de Broadview-Greenwood, qui a étudié la question à fond lorsqu'il était dans l'opposition. Je connais le nom du député, mais je sais que je n'ai pas le droit de le nommer. Il est l'auteur de l'ouvrage intitulé The Single Tax.

Il s'agit d'un ouvrage très valable. Un impôt uniforme au Canada permettrait d'étaler le fardeau fiscal, de réduire les impôts, de régler les problèmes sociaux, notamment en ce qui a trait au filet de sécurité sociale, en accordant un niveau d'exemption à chaque contribuable, de manière à produire des recettes et à régler le problème. Les contribuables ne paieraient pas d'impôt sur les premiers 15 000 $ de revenu, par exemple, et seraient en mesure de se débrouiller tous seuls sans avoir recours aux subventions et à l'aide du gouvernement. Le gouvernement pourrait alors utiliser ses recettes pour aider ceux qui sont vraiment dans le besoin, les prestataires de l'aide sociale et les personnes âgées qui ont vraiment besoin du supplément de revenu garanti.

Pourquoi le gouvernement libéral ne concentre-t-il pas ses efforts sur des questions de ce genre? Il compte dans ses propres rangs un député qui recommande d'agir de la sorte, mais qui ne fait même pas partie du Cabinet. Il en a été écarté et je ne comprends pas pourquoi.

Un impôt uniforme offre d'autres avantages. Il permettrait à tous les Canadiens de payer, sur une base proportionnelle et en fonction du nombre de membres que compte leur famille et du revenu, de payer le même taux d'impôt, ce qui mettrait tout le monde sur un pied d'égalité. Ce système serait plus équitable et plus juste. Le ministre des Finances aime beaucoup employer le mot «juste». Le ministre a déclaré dans son discours du budget que son intention et l'un des objectifs du budget fédéral était de rétablir et de maintenir la responsabilité financière. Je me permets d'en douter.

L'autre avantage de l'impôt uniforme, pour peu que le gouvernement libéral veuille l'étudier, est qu'en raison de sa simplicité il permet d'éliminer les exemptions et échappatoires et le travail qu'ils engendrent, dont le ministre des Finances fait état dans son budget.

À l'heure actuelle, lorsque nous voulons stimuler le développement dans un secteur donné des ressources naturelles, nous créons un incitatif à l'investissement en accordant une déduction d'impôt. Ça peut ou non donner des résultats. Plus tard, on supprime cette exemption qui s'appelle alors une échappatoire fiscale et qu'il faut éliminer. On n'arrête pas d'accorder des avantages fiscaux et de les reprendre.

(1720)

Si nous avions un impôt uniforme, nous n'aurions pas à nous préoccuper de stimulants, d'échappatoires ni de déductions. Tout ce qu'il nous resterait à faire serait de décider qu'outre l'exemption personnelle, on accorderait une déduction pour dons de charité, qui pourrait être de 1 p. 100, et quelle forme prendraient le crédit pour enfants et les frais de garde d'enfants. C'est possible d'intégrer tout cela.

On en resterait là. On prendrait le revenu total moins les déductions et on le multiplierait par 15 p. 100, ce qui nous donnerait l'impôt à envoyer au gouvernement fédéral. Un tel système serait moins compliqué et à la portée de chacun. Les renseignements nécessaires tiendraient sur une formule fiscale de format carte postale qui serait la même pour tout le monde. C'est un impôt proportionnel.

J'aimerais bien qu'on en débatte. Peut-être pourrais-je convaincre mon propre caucus de présenter, dans quelque temps, une motion qui nous permettrait de discuter de cet impôt uniforme et de régler nos problèmes. Je suis convaincu qu'une réforme en profondeur du système fiscal canadien attirerait davantage d'investisseurs.

Nous avons besoin de capitaux. Nous avons besoin de capitaux propres. Pour le moment la mentalité du gouvernement, surtout au niveau fédéral, le pousse à continuer à vivre d'emprunts, ce que j'appelle du capital d'emprunt. Il y a une énorme différence. L'argent qu'on risque motive. L'argent du gouvernement, surtout s'il est emprunté, n'est que gaspillage.

Si seulement nous pouvions un jour faire une analyse détaillée de l'ensemble de nos problèmes socio-économiques ou, pour reprendre les termes employés par certains députés bloquistes membres du Comité des finances, un examen complet de notre système fiscal, catégorie par catégorie, poste par poste.

Nous déciderons ensuite quels programmes financer, quels programmes laisser au secteur public et quels programmes céder au secteur privé. Oui, je parle de privatisation. Bon nombre de sociétés d'État pourraient être vendues si elles sont encore nécessaires. Si personne dans le secteur privé n'est intéressé à les acheter, cela voudrait dire que les services qu'elles offrent ne sont pas nécessaires et que personne n'en veut.

Si nous en prenions l'engagement, nous pourrions vraiment redresser la situation et assainir les finances publiques au cours de cette 35e législature. Le Bloc québécois prétend être financièrement responsable. Le Parti réformiste a également cette prétention. Pourquoi les membres du Cabinet refusent-ils de se rendre à nos arguments et de faire amende honorable? Ils pourraient devenir le gouvernement le plus remarquable qu'on ait jamais connu s'ils consentaient à écouter ce que les gens ont à leur dire sur le plus important sujet de tous, celui de la gestion financière. Nous payons beaucoup trop d'impôts. Il faut alléger le fardeau fiscal.

Je m'oppose au projet de loi C-14, sachant parfaitement que le gouvernement finira par le faire adopter. Je tiens toutefois à lui rappeler qu'il ferait bien d'écouter ce qui se dit en cette Chambre et d'y prendre plus qu'un intérêt passager car nous sommes là pour quatre ans et demi et nous voulons résoudre nous-mêmes les problèmes qui accablent ce pays, avant qu'un organisme international ne le fasse.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, je vais être bref parce que j'ai vraiment envie d'entendre la réponse de nos collègues du Parti réformiste à cette question-ci.

Il y a quelque temps, puisque je partageais une perception semblable à la leur du problème de la dette, on m'invitait à joindre les rangs du Parti réformiste, mais je soumets que si nous


2694

pouvons percevoir le problème d'une façon semblable, cela ne veut pas dire que nous partageons la solution. Nos solutions peuvent différer.

Dans ce contexte, je mentionnais précédemment que depuis une décennie ou deux, aucun gouvernement n'avait pu ramener le problème de la dette et du déficit.

(1725)

Je soumets que le motif de cet insuccès réside dans le système lui-même et que c'est le système qu'il faut changer. Et je vais citer à l'honorable député, si vous me le permettez, monsieur le Président, la conclusion d'une lettre que Richard Le Hir, président-directeur général de l'Association des manufacturiers du Québec, écrivait le 1er mars dernier au sujet du Budget, et je n'ai qu'un paragraphe à lire:

Confronté à cette réalité, le gouvernement fédéral n'a qu'une stratégie: la fuite en avant. C'est la seule façon d'expliquer la timidité de M. Martin dans son dernier budget. Avec ses collègues libéraux, il espère contre toute attente qu'une embellie miraculeuse de l'économie sauvera le Canada du naufrage auquel il court. Ils commettent la même erreur que les conservateurs qui les ont précédés. Ils refusent d'admettre la dimension structurelle du problème des finances publiques canadiennes. Et pour cause! L'admettre les obligerait à remettre en question la structure même du système: la sacro-sainte Constitution. Autant dire ouvrir la boîte de Pandore. Voilà pourquoi, comme on le dit maintenant à Montréal, les jeux sont faits, rien ne va plus.

[Traduction]

M. Silye: Monsieur le Président, j'ai bien apprécié l'intervention du député et je suis d'accord que cette citation a beaucoup de poids. Je ne conteste pas ce fait.

Il y a un aspect que j'aimerais mentionner et dont le Bloc québécois et ses membres n'ont peut-être pas tenu compte. Je suis au courant du programme électoral qu'ils ont présenté au Québec et du fait qu'ils estiment que la séparation est la meilleure solution pour leur province. Je respecte ce point de vue et je respecte les motifs qui les incitent à penser de cette façon. Néanmoins, je pense qu'il serait peut-être bon que d'autres députés leur communiquent des idées originales auxquelles ils pourraient réfléchir.

Pourquoi ne pas continuer à faire partie du Canada? Pourquoi ne pas travailler ensemble à bâtir un seul Canada, à créer un nouveau fédéralisme? Le Bloc québécois pourrait travailler au sein de notre Confédération pour obtenir ce qu'il y a de mieux pour le Québec, dans le cadre d'une association avec neuf autres provinces égales, de telle sorte que tous ensemble, dans un pays unique, nous puissions grandir et réaliser pleinement notre potentiel. Pourquoi le député du Bloc québécois n'expliquerait-il pas aux membres de son caucus les avantages économiques dont bénéficierait le Québec en continuant de faire partie du Canada? Les retombées financières qui découleraient d'une telle annonce dans la communauté internationale et sur les marchés mondiaux seraient considérables.

Nous, réformistes, serons très heureux de signaler au Bloc québécois certains des avantages liés au fait de continuer à faire partie de la Confédération. Cette option séparatiste sème la division et la confusion. Il y a tout un débat sur l'immigration, la dette et la part à assumer par le Québec, sur la façon de faire ceci, de faire cela. Pourquoi ne pas travailler ensemble? Ce serait sans doute financièrement rentable pour nous tous.

Le vice-président: La présidence a reçu un avis écrit du député de Davenport portant qu'il sera incapable de présenter sa motion au cours de l'heure réservée aux initiatives parlementaires, le jeudi 24 mars.

Il n'a pas été possible d'organiser un échange de positions sur la liste de priorité, conformément à l'alinéa 94(2)a) du Règlement. En conséquence, la présidence doit demander aux services du greffier de reporter l'article au bas de la liste de priorité.

[Français]

Conformément à l'article 94(2)b) du Règlement, l'heure réservée aux affaires émanant des députés sera donc suspendue et la Chambre poursuivra l'étude des affaires dont elle sera alors saisie.

[Traduction]

Comme il est 17 h 30, conformément à l'ordre adopté le mardi 22 mars 1994, j'ai le devoir d'interrompre les délibérations et de mettre immédiatement aux voix toutes les motions nécessaires pour mettre fin à l'étape de la troisième lecture du projet de loi dont la Chambre est maintenant saisie.

Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 21)

POUR

Députés
Adams
Alcock
Allmand
Anawak
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre)
Baker
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bellemare
Berger
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Bhaduria


2695

Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Bélair
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Chamberlain
Cohen
Collenette
Collins
Cowling
Crawford
Culbert
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky
Duhamel
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Fewchuk
Finlay
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gallaway
Gauthier (Ottawa-Vanier)
Godfrey
Goodale
Graham
Gray (Windsor-Ouest)
Grose
Guarnieri
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Karygiannis
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
MacAulay
MacDonald
MacLellan (Cap-Breton-The Sydneys)
Maheu
Malhi
Maloney
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McKinnon
McLellan (Edmonton-Nord-Ouest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
Nunziata
O'Reilly
Ouellet
Pagtakhan
Payne
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Rock
Rompkey
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Ur
Valeri
Verran
Volpe
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Wood
Young
Zed-146

CONTRE

Députés
Ablonczy
Althouse
Asselin
Bachand
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Blaikie
Bouchard
Brien
Brown (Calgary-Sud-Est)
Bélisle
Canuel
Chatters

Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Daviault
Debien
de Savoye
Deshaies
Dubé
Duncan
Epp
Fillion
Forseth
Frazer
Gagnon (Québec)
Gauthier (Roberval)
Gilmour
Godin
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Guay
Guimond
Hanrahan
Harper (Calgary-Ouest)
Harper (Simcoe-Centre)
Harris
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hoeppner
Jacob
Jennings
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Lefebvre
Leroux (Shefford)
Loubier
Marchand
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
McClelland (Edmonton-Sud-Ouest)
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Ménard
Nunez
Paré
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Péloquin
Ramsay
Riis
Ringma
Rocheleau
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Solomon
Speaker
Strahl
Taylor
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Venne
Wayne
White (Fraser Valley-Ouest)
White (North Vancouver)
Williams-90

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Caron
Cauchon
Copps
Dalphond-Guiral
DeVillers
Duceppe
Dumas
Leblanc (Longueuil)
Leroux (Richmond-Wolfe)
MacLaren (Etobicoke-Nord)
Marchi
O'Brien
Parrish
Patry
Sauvageau
St-Laurent

(1755)

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.

(Le projet, lu pour la troisième fois, est adopté.)

* * *

LE BUDGET

L'EXPOSÉ FINANCIER DU MINISTRE DES FINANCES

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 10 mars, de la motion: Que la Chambre approuve la politique budgétaire générale du gouvernement.

Le vice-président: Conformément à l'ordre adopté le mercredi 16 mars 1994, la Chambre passe maintenant au vote par appel nominal sur la motion des voies et moyens no 6 concernant le budget.


2696

[Français]

M. Gagliano: Monsieur le Président, je crois que vous obtiendrez le consentement unanime pour que le résultat du vote que l'on vient de tenir soit appliqué à la motion que vous venez d'annoncer sur le Budget.

Le vice-président: La Chambre est-elle d'accord?

Des voix: D'accord.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 22)

POUR

Députés
Adams
Alcock
Allmand
Anawak
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre)
Baker
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bellemare
Berger
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Bhaduria
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Bélair
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Chamberlain
Cohen
Collenette
Collins
Cowling
Crawford
Culbert
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky
Duhamel
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Fewchuk
Finlay
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gallaway
Gauthier (Ottawa-Vanier)
Godfrey
Goodale
Graham
Gray (Windsor-Ouest)
Grose
Guarnieri
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Karygiannis
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
MacAulay
MacDonald
MacLellan (Cap-Breton-The Sydneys)
Maheu
Malhi
Maloney
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McKinnon
McLellan (Edmonton-Nord-Ouest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
Nunziata
O'Reilly
Ouellet
Pagtakhan
Payne
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Rock
Rompkey
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)

Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Ur
Valeri
Verran
Volpe
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Wood
Young
Zed-146

CONTRE

Députés
Ablonczy
Althouse
Asselin
Bachand
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Blaikie
Bouchard
Brien
Brown (Calgary-Sud-Est)
Bélisle
Canuel
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Daviault
Debien
de Savoye
Deshaies
Dubé
Duncan
Epp
Fillion
Forseth
Frazer
Gagnon (Québec)
Gauthier (Roberval)
Gilmour
Godin
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Guay
Guimond
Hanrahan
Harper (Calgary-Ouest)
Harper (Simcoe-Centre)
Harris
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hoeppner
Jacob
Jennings
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Lefebvre
Leroux (Shefford)
Loubier
Marchand
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
McClelland (Edmonton-Sud-Ouest)
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Ménard
Nunez
Paré
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Péloquin
Ramsay
Riis
Ringma
Rocheleau
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Solomon
Speaker
Strahl
Taylor
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Venne
Wayne
White (Fraser Valley-Ouest)
White (North Vancouver)
Williams-90

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Caron
Cauchon
Copps
Dalphond-Guiral
DeVillers
Duceppe
Dumas
Leblanc (Longueuil)
Leroux (Richmond-Wolfe)
MacLaren (Etobicoke-Nord)
Marchi
O'Brien
Parrish
Patry
Sauvageau
St-Laurent

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.

2697

Comme il est 18 heures, la Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés, selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

_____________________________________________


2697

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1982

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce) propose:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait proposer une modification à la Loi constitutionnelle de 1982 afin d'abroger l'article 33 (clause de dérogation).
-Monsieur le Président, j'aimerais bien qu'on respecte un peu l'ordre car il est difficile de se faire entendre à travers tout ce bruit.

Le vice-président: Chers collègues, votre collègue voudrait qu'on réduise un peu le bruit à la Chambre et en son nom, la présidence vous demande de respecter l'ordre afin qu'il puisse présenter sa motion.

M. Allmand: Monsieur le Président, la motion que je viens de présenter demande au gouvernement d'apporter une modification à la Loi constitutionnelle de 1982 en abrogeant l'article 33, c'est-à-dire la clause de dérogation.

De quoi s'agit-il? En 1982, le gouvernement du Canada, le Parlement du Canada et tous les parlements des provinces ont adopté la Loi constitutionnelle de 1982 qui, pour la première fois de notre histoire, inscrivait une Charte canadienne des droits et libertés dans la Constitution. Les droits dont il était question étaient les libertés fondamentales-liberté de conscience et de religion, liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, liberté de la presse, liberté de réunion pacifique et d'association; les droits démocratiques -droit de participer aux élections et de se présenter comme candidat; la liberté de circulation; les garanties juridiques et finalement les droits fondamentaux à l'égalité, lesquels sont inscrits dans un article qui stipule que tous les Canadiens sont égaux indépendamment de leur sexe, de leur âge, de leur couleur, de leur religion, de leur race ou de leur origine nationale.

En 1982, nous avons inscrit ces droits dans la Constitution, ce qui signifiait que nous ne pouvions les supprimer au moyen d'une loi ordinaire. En outre, cela signifiait aussi que ces droits avaient préséance sur toute autre loi puisqu'ils étaient dorénavant inscrits dans la Constitution.

À partir de ce moment, s'il y avait conflit entre une loi canadienne et la Charte canadienne des droits et libertés, on devait accorder la préséance à la Charte des droits. Le seul moyen de supprimer ces droits était de modifier la Constitution, ce qui est très complexe comme nous le savons tous depuis l'expérience de l'Accord de Charlottetown.

Nous avons pris des mesures pour assurer ces droits aux Canadiens et, au même moment, nous avons inclus dans la même loi l'article 33, la clause de dérogation, qui permet à ce Parlement et à toutes les assemblées législatives du Canada de supprimer ces droits simplement en faisant appel à cette clause dite «de dérogation». Autrement dit, si un gouvernement présentait un projet de loi dont le libellé comportait les mots «nonobstant la Charte des droits», il pourrait ainsi faire fi de la liberté de presse, de la liberté de religion, du droit à l'égalité et de tout autre droit fondamental.

(1805)

Quand le premier ministre Trudeau a présenté la Charte des droits et libertés, en 1981, la clause de dérogation n'existait pas. La Constitution de 1982 était alors nette, claire, simple et directe. Elle n'offrait aucune prise aux fumisteries et au maquignonnage.

Cependant, entre le début de 1981 et son adoption, à la fin de la même année, les négociations avec les provinces avaient suscité des pressions telles que la clause de dérogation a été acceptée.

J'ai toujours été contre la clause de dérogation. En fait, j'ai appuyé la Loi constitutionnelle de 1981, à la première étape, en tant que membre de l'équipe Trudeau. J'étais un ferme défenseur de cette mesure. Pourtant, quand elle a été mise aux voix de nouveau, à la fin de l'année, j'ai dû voter contre. Je restais favorable à un grand nombre de ses dispositions, mais je ne pouvais pas accepter la clause de dérogation et quelques autres qui s'étaient ajoutées à la proposition.

Pourquoi suis-je tellement contre cette clause de dérogation? Je viens de parler des droits. Il ne s'agit pas de droits accessoires. Ce ne sont pas des droits qui s'ajoutent à ceux que nous avons déjà. Nous parlons ici de droits fondamentaux et universels, de droits qui sont reconnus dans le monde entier. Nous parlons des droits qui sont reconnus dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU. Nous ne parlons pas ici du droit à la propriété ou du droit de construire une maison dans une certaine rue. Nous parlons ici de choses comme la liberté de religion, la liberté de conscience, l'égalité des races, l'égalité des individus indépendamment de leurs croyances religieuses, etc. Nous parlons ici de choses fondamentales.

Je crois que des droits demeurent des droits et qu'on ne peut les suspendre par voie législative pour quelque raison que ce soit; en tout cas, pas ce genre de droits. On ne peut les supprimer par une loi.

Certains diront qu'aucun droit n'est absolu. C'est juste. Prenons le cas de la liberté d'expression. Le principe de la liberté d'expression est sans aucun doute incontestable mais nous ne pouvons pas abuser de cette liberté. C'est pourquoi nous avons depuis longtemps reconnu les crimes de libelle diffamatoire et la diffamation verbale, qui constituent un abus de la liberté d'expression. La législation pénale contient maintenant des dispositions sur la propagande haineuse qui interdisent à quiconque de porter des attaques avilissantes contre un groupe ethnique ou religieux; cela peut constituer de la propagande haineuse, ou un abus de la liberté d'expression.

La Loi constitutionnelle de 1982 et la Charte des droits et libertés contiennent des dispositions en ce sens à l'article 1. La clause de dérogation n'est pas nécessaire. L'article 1 de la Charte


2698

stipule que: «La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.»

Nous avons depuis de nombreuses années au Canada des lois qui interdisent le libelle diffamatoire et la diffamation verbale, mais si ces lois devaient être contestées en vertu de la Charte des droits et liberté, les représentants du gouvernement pourraient faire valoir que ces lois constituent des exceptions raisonnables dans une société libre et démocratique. Autrement dit, personne ne peut être autorisé à dire des mensonges qui portent atteinte à la réputation d'autrui.

La différence, dans le cas de l'article 1 de la Charte, est que ce sont les tribunaux qui décident si une loi contestée constitue ou non une exception à la Charte; cette décision n'appartient pas aux politiciens élus du Parlement ou d'une assemblée législative. Cela m'apparaît très important.

Quelle est la portée réelle d'une disposition comme la clause de dérogation contenue dans la Loi constitutionnelle et dans la Charte des droits et libertés? Cette disposition signifie que les minorités n'ont pas de protection vis-à-vis la majorité; qu'elles sont soumises à sa volonté. La clause de dérogation entre carrément en contradiction avec la raison d'être de la Charte.

(1810)

Ceux d'entre nous qui ont défendu la Charte, et notamment le premier ministre Trudeau, ont déclaré qu'elle devait faire partie de notre Constitution afin de protéger les diverses minorités contre la majorité dans les cas où, comme cela se produit souvent, tout à coup poussés par la peur dans certaines situations, les gens veulent fouler aux pieds les droits des minorités. Il a déclaré que nous ne pouvions nous fier simplement à une loi ordinaire, que nous devions reconnaître ces principes fondamentaux et les soustraire à la domination de la majorité. Mais en prévoyant une clause de dérogation, on se trouve à contredire ce qu'on fait au départ. On donne d'une main et on reprend de l'autre.

C'est de l'hypocrisie, selon moi. La Charte canadienne des droits et libertés n'a aucune valeur si une assemblée législative peut adopter, en ayant recours à la clause de dérogation, une loi qui va à l'encontre de la Charte. Cette dernière n'accorde plus alors la protection qu'elle est censée offrir. Je le répète, on donne d'une main et on reprend de l'autre. Cela devient une vaste blague. On peut même parler de la loi de la rue. Ainsi, la majorité, lorsqu'elle souhaite agir, peut le faire quels que soient les droits fondamentaux des minorités dans la société.

À la faculté de droit, j'ai eu le privilège de suivre les cours de Frank R. Scott, l'un des plus grands professeurs de droit du Canada et l'un des meilleurs juristes spécialisés dans les droits de la personne de toute notre histoire. Il a été en mesure de contester deux lois que le premier ministre de ma province, M. Duplessis, avait adoptées après la guerre.

La première visait à interdire les Témoins de Jéhovah. Avec l'aide d'autres personnes, Frank Scott a été en mesure de la faire invalider. À l'époque, nous n'avions pas la Charte des droits et libertés mais, comme c'était un avocat qui avait beaucoup d'imagination, il a invoqué d'autres passages de la Constitution.

Puis, le premier ministre de ma province, M. Duplessis, fit adopter une loi appelée la loi du cadenas, lui permettant d'apposer un cadenas à la porte de toute personne soupçonnée d'être communiste. Je n'ai aucune sympathie pour les communistes, mais le fait est que si on a le droit d'adopter une loi interdisant un parti politique donné, elle pourrait s'appliquer aux communistes, au Parti réformiste, au Parti libéral, au Parti conservateur ou à tout autre groupe que l'on n'aime pas. Je le répète, Frank Scott a eu gain de cause sans la Charte.

Mais je suis convaincu que si la Charte et la clause de dérogation avaient existé et que la Cour suprême du Canada avait donné raison à Frank Scott, M. Duplessis se serait tout simplement présenté devant son assemblée législative et aurait déclaré que, nonobstant la Cour suprême du Canada, et nonobstant la Charte des droits et libertés, il allait à nouveau interdire les Témoins de Jéhovah. Il allait à nouveau interdire un parti politique.

Lorsque cette clause fut proposée, et que mon propre parti et mon propre gouvernement y donnèrent leur accord, on nous avait dit que c'était pour que l'ensemble soit adopté mais qu'elle ne serait jamais invoquée et que même si elle l'était, ce serait rare.

Elle a été invoquée plusieurs fois. Elle l'a été en Saskatchewan, elle l'a été au Québec pour déroger à une décision de la Cour suprême du Canada et à d'autres décisions des tribunaux concernant la Charte.

Je demande aux Québécois en particulier de réfléchir à la question. En effet, si cela peut se faire pour une affaire de langue, si l'Assemblée législative du Québec peut le faire pour la langue de cette province, une autre province peut le faire aussi. Si on peut le faire pour la langue, on peut le faire pour la religion. Si on peut le faire pour la religion, on peut le faire pour l'égalité entre les races.

Une fois que vous avez accepté de le faire, vous ne pouvez plus dire à une autre province ou à la Chambre: «Vous ne pouvez pas l'utiliser pour cela», alors que vous l'avez déjà fait. Avec ce genre de mesure, on ne peut choisir.

Imaginez ce que serait la situation aux États-Unis s'il y avait une clause de dérogation. Il a fallu beaucoup de temps, mais en 1954, à la suite de l'affaire Brown, les lois discriminatoires à l'égard des noirs furent invalidées. Il y avait de telles lois dans plusieurs États du Sud, des lois qui disaient, par exemple, que les noirs devaient s'asseoir à l'arrière des autobus ou dans certaines sections des cinémas, des lois qui leur interdisaient l'accès à certains parcs, les empêchaient de vivre dans certains quartiers ou de fréquenter certaines écoles.


2699

C'était la Constitution des États-Unis. Il a fallu très longtemps, mais, en 1954, suffisamment de fonds avaient été réunis pour contester ces lois devant la Cour suprême des États-Unis. Ce fut la célèbre affaire Brown qui mit fin à la discrimination officielle.

(1815)

Les députés peuvent imaginer ce qui se passerait s'il y avait une clause de dérogation dans la Constitution américaine et si, au Mississippi, en Alabama, en Géorgie ou dans un autre État, on disait simplement que, peu importe l'opinion de la Cour suprême, on allait légiférer exactement comme on l'entendait. La Constitution américaine ne voudrait donc rien dire. Ce serait ridicule. En fait, cette situation serait ridicule partout dans le monde. La clause de dérogation a été acceptée en tant que compromis politique, même si elle était incorrecte et regrettable.

Au cours des discussions sur l'Accord de Charlottetown, on s'est demandé si le comité, dont je faisais partie, le Comité Beaudoin-Dobbie ou Castonguay, à un moment donné, devrait faire des recommandations en vue de rejeter la clause de dérogation.

Nous avons longtemps discuté de cette question avant de finalement la mettre à l'écart, à mon grand étonnement, sous prétexte que, même si cette clause était incorrecte en principe, il n'y avait aucune chance que les provinces soient d'accord. Par conséquent, nous n'allions pas perdre notre temps sur une question qui ne pouvait faire l'objet d'un accord. Personnellement, je le regrette.

Certains diront que le dernier mot revient toujours aux politiciens, aux représentants élus. Je me souviens d'un premier ministre néo-démocrate de la Saskatchewan, Allan Blakeney, que je respecte par ailleurs. C'est le point de vue qu'il avait adopté.

Au Canada, les assemblées législatives et les parlements ont des contraintes. La Loi constitutionnelle de 1867 nous impose des limites à bien des égards, notamment en ce qui concerne les écoles catholiques et protestantes, ainsi que les domaines où les provinces peuvent légiférer et ceux où c'est le fédéral qui légifère.

Il y a des limites à ce qu'on peut faire en ce qui concerne la monarchie au Canada. On ne peut pas légiférer à sa guise. Il y a toujours eu des limites. Ce que la Charte a fait, c'est repousser ces limites et prévoir que les gens aient certains droits que les corps politiques ne sauraient leur enlever.

L'argumentation voulant que les corps politiques soient entièrement libres de faire ce qu'ils veulent ou ce qu'ils croient juste à tout moment n'est pas valable en principe ni acceptable d'un point de vue juridique.

Je rappelle à la Chambre que, en 1986, au cours de son premier grand congrès national après sa cuisante défaite aux élections de 1984, le Parti libéral a adopté, à plus de 80 p. 100 des voix des délégués, une résolution prévoyant exactement la même chose que la motion que je propose ici aujourd'hui, à savoir que des mesures soient prises pour supprimer la clause de dérogation.

En fait, le chef de notre parti à l'époque, le très honorable John Turner, avait présenté cette même motion. Elle est restée inscrite à son nom jusqu'à ce qu'il prenne sa retraite. C'est alors que je l'ai reprise, quoique j'aie toujours appuyé ce point de vue.

Ce que je dis, c'est que si nous devons avoir une Charte des droits et des libertés qui prévoit des droits aussi fondamentaux que ceux que j'ai décrits-je ne dirais pas la même chose s'il s'agissait de droits secondaires qui sont importants ou d'autres droits-ces droits ne devraient jamais pouvoir être suspendus.

Car, si l'on convenait de les suspendre dans tel ou tel cas, cela ouvrirait la voie à la suspension d'autres droits, droits religieux, droits linguistiques, liberté d'opinion, droit de s'organiser en syndicat ou de former un parti politique.

Je demande à la Chambre de prendre cette motion au sérieux. Il ne s'agit pas d'un projet de loi, mais bien d'une motion qui reflétera la position du Parlement canadien.

Jusqu'à l'Accord de Charlottetown, il s'est trouvé des gens pour dire qu'on ne pouvait pas tout bonnement se débarrasser de la clause de dérogation, mais qu'on pouvait peut-être convenir d'en limiter la portée, de la retirer de l'article relatif au droit à l'égalité et aux libertés fondamentales mais de continuer à l'appliquer aux droits politiques.

C'était une solution possible. D'autres ont proposé de réduire le nombre d'années au cours desquelles la clause de dérogation est valable. Comme vous le savez, à l'heure actuelle, lorsque vous invoquez la clause de dérogation pour faire adopter un projet de loi, la mesure législative ne reste en vigueur que pendant cinq ans; après quoi, il faut recommencer le processus. Certains ont donc proposé de ramener ce délai à trois ans, deux ans, peu importe.

(1820)

D'autres voulaient exiger qu'une telle mesure législative soit approuvée par les deux tiers des législateurs. Ainsi, pour se prévaloir de la clause de dérogation afin de suspendre les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution, il aurait fallu au moins obtenir l'approbation des deux tiers ou des trois quarts des législateurs, et non seulement l'appui d'une majorité de 51 p. 100.

S'il était tout à fait impossible de se défaire de cette clause, j'accepterais certainement ce genre de compromis. Ils contribueraient grandement à calmer les inquiétudes que ressentent les nombreuses minorités du Canada.

J'ajouterai ceci. Notre pays en est un de minorités. Regardez les députés qui siègent de nos jours à la Chambre et vous constaterez que nous venons de nombreuses régions du monde ainsi que de milieux linguistiques, ethniques et religieux différents. Nous ne sommes plus en 1867, à l'époque où nous étions essentiellement catholiques ou protestants, où nous étions tous de couleur blanche et de souche française ou anglaise. De nos jours, nous


2700

venons de nombreux milieux différents. Nous sommes tous des minorités.

Je crois que nous nous rendrions un grand service en nous prononçant sur cette question. Il ne s'agit pas d'adopter une loi, mais de montrer la position que prend ce nouveau Parlement en matière de protection des droits essentiels et des libertés fondamentales. Ce serait notre façon de signaler très clairement que ces droits, nos droits, ne pourront jamais, au grand jamais, être suspendus, à la majorité simple, par le Parlement du Canada ou une assemblée législative provinciale.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur la motion M-239 présentée par l'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce, demandant le rappel de l'article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982, clause dérogatoire bien connue aussi au Québec par son nom de «clause nonobstant».

Est-il besoin de rappeler que la loi dont nous parlons, la Charte canadienne de 1982 est une loi qui a été votée par le Parlement impérial, à Westminster, après un débat, bien sûr, en cette Chambre, où les Québécois et les Québécoises ont, très majoritairement, à l'exception de quelques personnes, souscrit à la demande faite au Parlement impérial?

De fait, il y a eu plus d'opposition à la Loi constitutionnelle de 1982 au Parlement impérial à Westminster qu'il n'y en a eu dans cette Chambre. Le Parlement de Westminster a édicté cette loi, malgré deux mémorandums du gouvernement du Québec s'opposant strictement et fermement à ce qu'une telle loi soit édictée, malgré une résolution qui a recueilli l'appui des deux partis représentés alors à l'Assemblée nationale du Québec, le Parti québécois et le Parti libéral du Québec, six députés étant dissidents de leur parti.

Nous nous retrouvons donc avec une loi qui, sur son mérite, peut bien sûr valoir, à titre d'exemple, peut signifier bien des choses, mais qui est viciée fondamentalement quant au processus qui nous a été imposé pour l'adopter. On a modifié la loi fondamentale du Canada, on a retiré le droit au Québec de légiférer sur la langue, droit garanti par l'article 92 de la Constitution de 1867, par ce qu'on nous a toujours défini comme étant le pacte entre les deux peuples fondateurs. Quelle hérésie, monsieur le Président!

L'article 23 de la Constitution de 1982 édictée à Londres, changée dans un parlement outre-Atlantique, est venu modifier l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 en restreignant les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec sur la langue au Québec, et à maints égards c'est cet article qui a fait mal partout. Quelle ironie que l'on soit obligé d'aller à Londres pour modifier la Constitution canadienne et en plus pour incorporer à la formule d'amendement constitutionnel des dispositions telles que si elles avaient existé en 1982, la modification de l'article 23 quant aux pouvoirs du Québec n'aurait pas été possible.

On demande à Londres, en bon québécois: «Faites-nous une job de bras, un dernier coup, et ensuite on ne pourra même plus le faire chez nous.» C'est une interprétation bizarre de la démocratie. Et avec tout le respect que j'ai pour l'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce qui a mentionné des décisions de tribunaux au Québec, qui s'est surtout référé à M. Duplessis, il faudrait lui rappeler que dans la trilogie des arrêts des années 1950, dans la cause Saumur contre la Cité de Québec, dans la cause de Switzman et dans la cause de Roncareli, la Cour suprême du Canada a donné raison au défenseur des droits et libertés et renversé les lois édictées par l'Assemblée législative et la législature du Québec à ce moment-là, restreignant les droits et libertés des personnes. Les Témoins de Jéhovah se sont vus reconnaître leurs droits par la Cour suprême du Canada. La loi du cadenas, qui avait été édictée par l'Assemblée législative et la législature du Québec, a été déclarée inopérante.

(1825)

Mais où était le député de Notre-Dame-de-Grâce en 1970, lorsqu'on a approuvé la Loi sur les mesures de guerre dans cette Chambre, permettant l'arrestation sans mandat, la détention arbitraire des citoyens et des citoyennes? The government by decree, c'est exactement ce que l'on a fait en 1970, et le député de Notre-Dame-de-Grâce a voté en faveur de cette vile disposition dont la dernière application remontait à la Première Guerre mondiale. Où était-il à ce moment-là pour défendre le droit des Québécois et des Québécoises dont à peu près 500 ont été emprisonnés sans qu'un mandat ne soit émis contre eux? Ils pouvaient être détenus jusqu'à six mois sans qu'aucune procédure judiciaire ne soit entamée contre eux. Pour la plupart, ils n'ont pas été indemnisés ou ils l'ont été si peu. Des gens ont perdu leur emploi, perdu leur famille, perdu l'affection de leurs proches. Où était le député de Notre-Dame-de-Grâce à ce moment-là? Il faudrait peut-être qu'il nous le dise, à un moment donné.

Je peux comprendre, d'autre part, certaines frustrations du député de Notre-Dame-de-Grâce, probablement liées à la Loi 178 qui a été adoptée par l'Assemblée nationale du Québec à la proposition du premier ministre libéral du Québec, M. Bourassa, qui faisait, au Québec, deux catégories de langue, une langue qu'on pouvait afficher à l'intérieur et une langue à l'extérieur. Ce n'est pas une maladie et ce n'est pas une honte que de pouvoir afficher dans sa langue. La Loi 178 était hautement discutable, puisqu'elle semblait faire de l'anglais une langue que l'on devait cacher. Ce n'est certes pas quelque chose que l'on doit cacher.

Pour en revenir au mérite de la question, ces précautions ayant été prises, l'article 33, cette fameuse clause dérogatoire, nous permet d'avoir une interprétation de la Constitution canadienne et de la Charte canadienne des droits et libertés qui est faite par les parlementaires qui peuvent juger, suivant les circonstances, s'ils doivent ou s'ils peuvent prendre leurs distances par rapport à la Charte canadienne des droits et libertés?

Cette décision est prise au Parlement fédéral, par les deux Chambres du Parlement, et dans les législatures, par les députés, et n'est valable que pour une période de cinq ans. C'est une question sérieuse qui doit être étudiée chaque fois et la décision n'est valable que pour une période limite de cinq ans, ce qui permet au législateur d'avoir le dernier mot. Mais le législateur aura le fardeau de porter devant l'électorat canadien, pour ce qui est du Parlement fédéral, et devant la législature de chacune des


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provinces, pour ce qui est des provinces, le fardeau de porter l'odieux d'avoir invoqué une clause nonobstant et aura à le justifier. Et il se peut qu'il se trouve des circonstances où l'application de la clause nonobstant ou la clause dérogatoire puisse se justifier. Par exemple, dans le financement des partis politiques, où il a été déclaré que les contributions pouvaient être faites à peu près sans limite.

Peut-être ce Parlement sera-t-il saisi d'une clause nonobstant, ce qui permettrait d'ajuster la réalité actuelle au désir profond de la société canadienne et québécoise. Peut-être. Il y a des cas. De toute façon, lorsque nous avons une charte des droits ou des dispositions constitutionnelles, comme les amendements constitutionnels à la Constitution américaine, aux États-Unis, il n'y a pas de clause dérogatoire. La Constitution n'en contient pas et le législateur est lié par ses propres dispositions constitutionnelles et ne peut pas les transgresser.

Mais quel est le pendant? Si le législateur ne peut pas le faire, ce sont les tribunaux qui le font. Ce sont les tribunaux qui se chargent de définir, de temps à autre, suivant l'évolution de la société, ce qu'eux pensent être acceptable à une époque donnée. La Cour suprême des États-Unis ne s'est pas gênée au cours des décennies, et même des siècles maintenant, pour interpréter tantôt différemment telle ou telle disposition des amendements à la Constitution américaine qui garantissent certains droits associés à certaines libertés fondamentales.

(1830)

Je préfère, et de loin, que ce pouvoir discrétionnaire soit exercé par des élus comme chez nous qui doivent rendre des comptes au plus tard aux cinq ans à leurs électeurs et électrices, plutôt que par des juges inamovibles qui ne sont pas élus, qui n'ont pas de compte à rendre à qui que ce soit, puisque c'est un acte foncièrement politique. Si l'on veut sortir le politique du Parlement pour l'amener devant les tribunaux, la proposition du député de Notre-Dame-de-Grâce doit être acceptée. Si le lieu des débats politiques doit être le cérémonial qui se déroule devant les tribunaux, adoptons le projet du député de Notre-Dame-de-Grâce. Mais si nous voulons que les questions politiques se règlent ici, à la Chambre des communes, ou ailleurs, à l'Assemblée nationale du Québec, dans chacune des assemblées législatives des provinces, de grâce, n'adoptons pas une motion comme celle-ci.

L'adoption de la motion no 239 serait ajouter l'insulte à l'injure qui nous fut faite à nous, Québécois et Québécoises en 1982, insulte qui s'ajoutait encore à celle que nous avions eue en octobre 1970, et je me permets de le rappeler, en terminant, à l'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce.

Le vice-président: Excusez-moi. Je suis en train de me demander, si le député n'a pas complété ses remarques, peut-être qu'il pourrait obtenir le consentement unanime pour terminer. L'honorable député de Bellechasse a-t-il terminé?

M. Langlois: Monsieur le Président, je pense qu'il y a là un débat de société qui pourrait durer quelques années. Mais si vous voulez donner la parole à l'honorable député de Chambly, il pourrait terminer mon temps de parole.

Le vice-président: Je peux demander aux députés s'il y a consentement unanime pour donner 5 minutes à l'honorable député pour terminer ses remarques. Les députés sont-ils d'accord? Je sais que c'est un sujet très important. Est-ce que le député de Bellechasse désire avoir plus de temps pour compléter ses remarques?

M. Langlois: Pour terminer, monsieur le Président, je vous demanderais de donner la parole, pour le reste du temps qui m'est imparti, à l'honorable député de Chambly.

Le vice-président: Le temps de parole de l'honorable député est terminé. Le temps de parole est de dix minutes pour les députés suivant le député qui a présenté cette motion.

Je pense qu'il y a deux autres députés qui veulent parler. Non, c'est quatre députés qui veulent intervenir. Est-ce qu'on peut partager le temps, peut-être sept ou huit minutes chacun?

Je donne maintenant la parole au député d'Edmonton-Sud-Ouest.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, oui, je partagerai le temps qui m'est accordé. J'ai seulement quelques brefs commentaires à faire.

Tout d'abord, je dois dire qu'il paraît foncièrement illogique de se prononcer contre la motion du député de Notre-Dame-de-Grâce parce que, si l'article 33 de la Charte est invoqué pour enlever des droits ou des libertés, ce sera probablement ceux dont on a le plus besoin. C'est pourquoi, je dis qu'il paraît illogique de se prononcer contre la motion, mais c'est ce que j'ai l'intention de faire. Je sais parfaitement bien que le fait qu'il y ait dans la Charte même une disposition permettant de suspendre les droits et les libertés les plus personnels constitue une énigme.

Comme l'a souligné mon collègue du Québec, la Loi constitutionnelle de 1982 a été adoptée sans le soutien unanime des provinces. Cette loi a modifié les valeurs fondamentales de notre pays et nos rapports les uns avec les autres. Nous n'avons plus vraiment de common law. Les assemblées législatives ne sont plus les instances souveraines au Canada, c'est maintenant la Cour suprême. Nous nous sommes retrouvés à dépendre, dans nos rapports les uns avec les autres, de la façon dont la Cour suprême interprète telle ou telle loi.

(1835)

Cela a fait que nous sommes devenus une nation de droits plutôt qu'une nation de responsabilités. Je continue de dire que nous pourrions peut-être améliorer infiniment la Charte des droits et libertés si nous la modifiions pour l'appeler la Charte des droits, des libertés et des responsabilités, car on ne peut pas


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avoir un droit ni une liberté sans qu'il y ait une responsabilité qui s'y rattache.

Donc, le fait d'inclure la Charte des droits et libertés dans la Loi constitutionnelle a fondamentalement changé nos rapports les uns avec les autres en tant que citoyens et nos rapports avec nos gouvernements. Et, ainsi, la clause de dérogation donne à nos assemblées législatives élues la possibilité de passer outre aux décisions de la Cour suprême, dont les membres sont nommés et non élus.

Il y aurait peut-être moyen de trouver un genre de compromis, mais je ne sais pas ce que serait ce compromis. Je sais toutefois que les Canadiens-c'est du moins mon avis-préféreraient de beaucoup avoir un pays où les assemblées élues l'emportent sur les assemblées judiciaires nommées.

C'est donc pour cette raison que je voterais contre ce projet de loi, que je suis contre l'abrogation de la clause de dérogation. Il ne faut pas oublier que, lorsqu'une province invoque la clause de dérogation, la déclaration adoptée à cette fin doit être renouvelée tous les cinq ans.

[Français]

Le vice-président: Avant de donner la parole au député de Chambly, j'aimerais faire savoir à la Chambre que nous avons donc le temps de laisser parler deux députés pendant 10 minutes chacun.

M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, je suis outré, véritablement outré de la proposition du député de Notre-Dame-de-Grâce.

Une brève récapitulation des événements de 1982 va lui apprendre que le Québec s'est toujours objecté à ce rapatriement unilatéral de la Constitution, et à ses lois passées outre-mer par un pays étranger, pour venir museler le Québec et essayer de lui enlever les derniers pouvoirs qui pouvaient lui rester en matière de langue sur son territoire.

À l'Assemblée nationale, les Québécois des deux partis se sont opposés à ces mesures. Est-ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce arrive aujourd'hui, après 12 ans, pour essayer de donner le dernier coup de marteau sur le clou dans le cercueil de la langue française au Québec? Permettez-moi de penser que ce que j'affirme n'est pas loin de la vérité.

Au Québec on n'acceptera jamais que ces choses-là, comme la clause nonobstant, nous soient retirées. À plus forte raison actuellement, les lois scolaires au Québec font l'objet d'une reconduction, cinq lois actuellement qui sont en discussion au Parlement du Québec, et qui vont reconduire la clause nonobstant, parce qu'il y va de l'essence même du peuple québécois et de son existence sur son territoire. Si le député de Notre-Dame-de-Grâce n'a pas encore compris cela après 25 ou 30 ans de vie politique, je me demande ce qu'il fait ici.

Monsieur le Président, pour nous ce n'est même pas négociable. Ce sera non à tout jamais. Je n'ai pas besoin de prendre 10 minutes pour vous dire cela, ça ne passera jamais au Québec. S'il le faut, on va se battre là-dessus jusqu'au bout.

[Traduction]

M. Mike Scott (Skeena): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui dans le débat de la motion à l'étude. Je dois dire que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt certains des arguments qui ont été exposés ici ce soir par les autres intervenants, notamment mon collègue du Parti réformiste, les porte-parole de l'opposition officielle et le député de Notre-Dame-de-Grâce qui a proposé la motion. Je dois commencer par dire que je trouve comme le député de Notre-Dame-de-Grâce que la clause de dérogation contenue dans la Constitution constitue un défaut fondamental, que certains qualifieraient peut-être de fatal, qui émascule la Charte des droits et libertés.

(1840)

La clause de dérogation est incompatible avec la notion de droits inaliénables, car d'une part la Charte garantit aux Canadiens certains droits inaliénables tout en ajoutant d'autre part qu'ils peuvent leur être enlevés par une loi du gouvernement. C'est là une contradiction fondamentale. Cela nous met en réalité dans une situation où nous ne possédons pas une série définitive de droits inaliénables qui ne peuvent nous être retirés au gré du gouvernement.

Je voudrais parler de certaines des conséquences de cette situation et parler ensuite de certains autres défauts de la Charte. Comme je l'ai déjà dit, le gouvernement peut suspendre à son gré certains droits qui nous sont reconnus dans la Charte. Les gouvernements sont habituellement portés au pouvoir au Canada par une pluralité des voix seulement, très rarement par une majorité. Même quand ils sont élus avec une majorité, la majorité des électeurs leur donnent leur appui le jour des élections pour une variété de raisons, mais souvent pas spécialement pour que le nouveau gouvernement ait le pouvoir législatif de leur retirer certains droits fondamentaux.

Prenons par exemple le cas de ma province, la Colombie-Britannique. Lors des dernières élections, le gouvernement actuel a été porté au pouvoir avec 38 p. 100 des suffrages populaires. Or, il est maintenant en mesure d'utiliser son pouvoir législatif pour suspendre les droits garantis par la Charte en Colombie-Britannique s'il le désire, même s'il n'a été choisi que par 38 p. 100 des électeurs. En ce moment, sa cote de popularité a baissé au lieu d'augmenter, de sorte que le gouvernement provincial jouit probablement à l'heure actuelle de l'appui de moins de 25 p. 100 des habitants de la province.

Je le répète, c'est un défaut fondamental de la Charte. Elle permet à un gouvernement qui a un très faible appui de la population de passer outre aux droits fondamentaux reconnus dans la Charte. Je trouve cela antidémocratique. C'est essentiellement très antidémocratique. J'estime donc que la disposition de dérogation de la Charte n'est pas dans l'intérêt de la population.

Je vois que l'auteur de la motion est parti; j'aurais voulu lui poser quelques questions. Le processus qui a mené à la Charte laisse lui-même à désirer, et c'est ce qui explique que nous ayons actuellement des problèmes avec celle-ci. Ceux qui l'ont élaborée n'ont jamais vraiment consulté la population. Les Canadiens n'ont pas pu exprimer leur opinion sur la Charte ni dire s'ils

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étaient en faveur de celle-ci, s'ils s'y opposaient ou s'ils souhaitaient qu'elle soit modifiée. Elle a été élaborée par une élite politique, à la suite d'une entente conclue entre les éminences grises du gouvernement fédéral et des provinces. La population n'a eu que très peu de possibilités, pour ne pas dire aucune, de faire valoir son point de vue.

Une voix: Seulement des hommes, pas de femmes.

M. Scott (Skeena): Comme mon collègue l'a dit, l'opinion d'un groupe d'hommes anglo-saxons protestants et blancs a été prise en considération, mais pas celle des femmes ou des minorités. C'était essentiellement une entente conclue entre des éminences grises.

J'ai lu un peu à ce sujet et je crois comprendre qu'à l'époque, le premier ministre, M. Trudeau, avait sérieusement envisagé la possibilité de recourir à un référendum parce qu'il avait un problème avec les provinces. Il avait du mal à convaincre les provinces d'accepter les modifications constitutionnelles. Selon moi, si le gouvernement de l'époque avait consulté la population, nous aurions aujourd'hui une charte sans clause de dérogation. Elle a été insérée à la demande des provinces. C'est le résultat de tractations entre un groupe de politiques, derrière des portes closes.

L'auteur de la motion ne convient-il pas que le processus laissait à désirer et que, si le processus avait été acceptable, nous n'en serions pas là aujourd'hui? Cela m'amène à demander où réside la souveraineté, fondamentalement. Dans le gouvernement fédéral? Dans les gouvernements provinciaux? Est-elle partagée entre les deux? Ou réside-t-elle plutôt, comme il se doit, dans la population?

Je voudrais poursuivre pour expliquer que les accords de partage de pouvoirs ont été conçus par et pour des intérêts politiques.

(1845)

À mon avis, les rédacteurs de la Charte ne comprennent absolument pas à quoi doit servir une charte des droits. Une charte des droits devrait garantir des libertés plutôt que des droits à telle ou telle chose.

Or, la Charte canadienne des droits et libertés, telle qu'elle existe aujourd'hui, ne fait pas ça du tout. Si elle respecte ce principe dans une certaine mesure, elle ne le fait pas assez. À mon avis, certaines questions fondamentales n'y figurent pas alors qu'on pourrait facilement se passer de certaines dispositions.

Parlons d'abord des omissions. La Charte ne garantit pas le droit à la propriété privée, ce qui est sans doute attribuable aux pressions exercées par les gouvernements provinciaux. Mais ce n'est certainement pas ce que les Canadiens veulent. Je suis d'avis que si les choses avaient été bien faites le droit à la propriété privée figurerait dans la Charte.

Il n'y a pas de clause de limitation des impôts. Les gens ne peuvent pas dire au gouvernement qu'il peut seulement lui demander tant et que le reste leur appartient. Ils ne peuvent pas faire cela aux termes de la Charte. Il n'y a pas de clause de limitation du déficit. Les gens ne peuvent pas dire au gouvernement qu'il peut seulement s'endetter jusqu'à un tel montant, qu'il ne peut avoir un déficit supérieur à tant pour cent du produit intérieur brut.

De telles clauses n'existent pas dans la Charte. La Charte ne prévoit pas non plus de clauses sur la tenue de référendums, l'initiative du citoyen ou la destitution, alors qu'elle aurait pu contenir de telles clauses. C'est quelque chose-les députés de ce parti le savent bien pour avoir parlé à des gens partout au Canada durant la campagne électorale-que les gens aimeraient beaucoup, mais qui n'est pas prévu dans la Charte.

Il est une partie de la Charte dont nous pourrions nous passer. Je veux parler de l'article 15 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui prévoit, au paragraphe (1), qu'aucun Canadien ne fera l'objet de discrimination fondée, entre autres, sur la race, le sexe et les déficiences mentales et physiques. Ce même article fait remarquer, au paragraphe (2), que le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois destinées à améliorer la situation d'individus ayant été victimes de discrimination.

Ce que ce paragraphe sous-entend, c'est que le paragraphe (1) s'applique, à moins que le gouvernement ne juge nécessaire de mettre en place un programme faisant de la discrimination à rebours, autrement dit qui sacrifie tout simplement les droits d'autres personnes dans le seul but d'atteindre les objectifs du programme.

Cette clause qui encourage la discrimination à rebours ou l'action positive signifie, en fait, que les personnes ne sont nullement protégées contre les mesures discriminatoires qui pourraient être prises à leur encontre par le Parlement si celui-ci juge qu'un groupe donné, visé par le paragraphe (2), a été victime de discrimination pendant une certaine période. C'est un autre défaut fondamental de la Charte.

Même si je reconnais que la clause de dérogation est fondamentalement antidémocratique et que son retrait irait dans le sens de la Charte et protégerait les droits inaliénables des Canadiens, il y a d'autres changements à la Charte que nous devrions envisager.

Comme l'a dit le député tout à l'heure, nous devrions songer à réformer les nominations à la Cour suprême. Nous devrions envisager un moyen plus démocratique de faire ces nominations pour que les gens sachent qu'il existe aux plus hauts niveaux, pour protéger leurs intérêts, une institution démocratique dont les membres sont élus et non nommés.

M. Allmand: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Le député de Skeena m'a posé une question, et je me demande si, avec la permission de la Chambre, je ne pourrais pas y répondre brièvement.

Le vice-président: Y a-t-il consentement pour que le député réponde brièvement à la question?

Des voix: D'accord.

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M. Allmand: Monsieur le Président, le député me demandait si j'étais d'accord avec le principe qu'il fallait se départir de la clause de dérogation en raison de la nature du processus. Je suis absolument de cet avis.

À l'origine, lorsque M. Trudeau a présenté la Charte, celle-ci ne comportait pas de clause de dérogation. Elle n'a fait son apparition qu'au cours des négociations avec les provinces. Soit dit en passant, ce n'est pas une idée du Québec. Cette proposition venait d'une des provinces de l'Ouest.

Je partage également l'avis du député lorsqu'il dit estimer que la souveraineté, c'est l'affaire de la population, et non des gouvernements ou des assemblées législatives. Notre pouvoir, nous le tenons du peuple. Les choses auraient peut-être tourné autrement si l'on avait tenu un référendum là-dessus. Après tant de référendums, je n'en sais rien.

[Français]

Le vice-président: Comme il n'y a plus de députés pour prendre la parole et que la motion n'a pas été choisie pour faire l'objet d'un vote, la période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est rayé du Feuilleton, conformément à l'article 96(1) du Règlement.

[Traduction]

Comme il est plus ou moins 19 heures, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, en conformité du paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 51.)