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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIERES

Le lundi 2 mai 1994

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

    Projet de loi C-217. Motion portant deuxième lecture 3733

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR CERTAINS ACCORDS CONCERNANT L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

    Projet de loi C-22. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture, de l'amendement et du sous-amendement 3742
    Mme Gagnon (Québec) 3742
    Report du vote sur le sous-amendement 3749

LOI SUR LE RÈGLEMENT DE LA REVENDICATION TERRITORIALE DES DÉNÉSET MÉTIS DU SAHTU

    Projet de loi C-16. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture 3750
    M. Scott (Skeena) 3750

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA COUCHE D'OZONE

LA FÊTE INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS

L'AFRIQUE DU SUD

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 3759

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

LES JEUX INTERNATIONAUX DE L'ENFANCE

LES MINORITÉS CULTURELLES

LES ÉLECTIONS EN AFRIQUE DU SUD

    Mme Gagnon (Québec) 3760

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. White (North Vancouver) 3760

MME MARGARET MCCAIN

LES PÊCHES

LA SEMAINE DE L'ARBRE ET DES FORÊTS

LE TRAIN À GRANDE VITESSE

LE SIDA

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 3761

LE RWANDA

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

QUESTION DE PRIVILÈGE

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE
DES QUESTIONS-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

QUESTIONS ORALES

LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE RÉGIONAL

    M. Gauthier (Roberval) 3763
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3763
    M. Gauthier (Roberval) 3763
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3763
    M. Gauthier (Roberval) 3763
    M. Martin (LaSalle-Émard) 3763
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3764

L'IMPÔT SUR LE REVENU

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3764
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3764
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3764

LE RWANDA

LA JUSTICE

LES PÊCHES DE L'ATLANTIQUE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 3766
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 3766

L'ACCORD GÉNÉRAL SUR LES TARIFS DOUANIERS ET LE COMMERCE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3767
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3767

FUTUROPOLIS

L'AFRIQUE DU SUD

MICHAEL LAWRENCE DRAKE

LE LOBBYISME

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3768
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3768

LES POMICULTEURS

LE CRÉDIT D'IMPÔT POUR EMPLOI À L'ÉTRANGER

LA DÉFENSE NATIONALE

LA JUSTICE

    M. Harper (Simcoe-Centre) 3770
    M. Harper (Simcoe-Centre) 3770

L'ENVIRONNEMENT

    Mme Kraft Sloan 3770

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

RECOURS AU RÈGLEMENT

ON DEMANDE DES PRÉCISIONS SUR UNE DÉCISION
DE LA PRÉSIDENCE

    M. Gauthier (Roberval) 3771

AFFAIRES COURANTES

PÉTITIONS

L'IMMIGRATION

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LE RÈGLEMENT DE LA REVENDICATION TERRITORIALE DESDÉNÉSET MÉTIS DU SAHTU

    Projet de loi C-16. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture 3772
    (Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loi; renvoi à un comité.) 3776

LOI DE 1994 SUR LA CONVENTION CONCERNANT LES OISEAUX MIGRATEURS

    Projet de loi C-23. Motion portant deuxième lecture 3776
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 3776
    Mme. Kraft Sloan 3783
    (Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loi; renvoi à un comité.) 3791

MOTION D'AJOURNEMENT

L'AUTOROUTE ÉLECTRONIQUE


3733


CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 2 mai 1994


La séance est ouverte à 11 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. John Nunziata (York-Sud-Weston) propose: Que le projet de loi C-217, Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants, la Loi sur les contraventions et le Code criminel en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, c'est avec une profonde tristesse que j'engage aujourd'hui le débat sur les modifications à apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants. En effet, selon la presse, un jeune de 16 ans, Marwan Harb, a été assassiné hier, à Hull, non loin des édifices parlementaires.

L'auteur présumé de ce meurtre serait un jeune contrevenant. Toujours selon la presse, la victime, Marwan Harb, est le petit cousin d'un de nos collègues, le député d'Ottawa-Centre.

Nous n'avions pas besoin de ce dernier incident pour nous rappeler la nécessité d'apporter des modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants qui doit absolument être réformée. Il y a quelques semaines, un autre meurtre insensé a été commis par un jeune contrevenant. À Ottawa, Nicholas Battersby a été abattu par une balle tirée d'une voiture en marche. De tels meurtres, de tels incidents se produisent ici partout au Canada.

(1105)

Mon collègue, le député de Kent, qui a contribué au projet de réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants, parlera d'un crime particulièrement violent qui a été commis dans sa collectivité.

En Alberta, une femme qui cherchait à protéger ses enfants a été poignardée à mort encore une fois par un jeune contrevenant.

En Colombie-Britannique, une enfant de six ans a été violée et assassinée par un jeune contrevenant qui avait été condamné à plusieurs reprises pour attentat contre de jeunes enfants, sans que la population n'en sache rien parce que la publication des détails avait été formellement interdite.

Et ça n'arrête pas! Pendant que ces incidents surviennent, pendant que ces meurtres, ces viols, ces vols et ces agressions se produisent, nous restons les bras croisés au Parlement. Nous n'avions pas besoin de ces incidents pour nous rappeler l'urgence de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants.

Six mois plus tard, aucune mesure concrète n'a encore été prise. Ceci est le premier projet de loi présenté au Parlement qui s'attaque aux problèmes que pose la Loi sur les jeunes contrevenants et qui ne présente qu'un aspect restreint du système de justice pénale, qu'un élément mineur d'un système qui ne marche pas, d'un système qui souffre d'un déséquilibre, d'un système qui se préoccupe davantage des suspects et des criminels, enfin d'un système qui se préoccupe davantage de ceux qui commettent des crimes que de ceux qui en sont les victimes.

Les électeurs de la circonscription de York-Sud-Weston que je représente-et c'est aussi l'avis, j'en suis sûr, de tous les Canadiens-ont clairement fait savoir que notre système de justice pénale devait être réformé à tout prix.

Les Canadiens veulent que l'on fasse preuve de leadership. Ils veulent que l'on modifie non seulement la Loi sur les jeunes contrevenants, mais aussi d'autres mesures législatives fédérales, dont le Code criminel et les lois sur la libération conditionnelle, la liberté sous caution et la prostitution. Nous ne pouvons pas rester inactifs et nous dire: «Quel pays merveilleux et sûr que le nôtre par rapport aux États-Unis où la criminalité est vraiment terrible.»

Ce débat tombe à point. Quand il prendra fin ce matin, je demanderai à la Chambre si elle consent à l'unanimité à ce que cette question soit renvoyée au Comité de la justice qui pourra ainsi commencer ses travaux. Je serai très attentif. Tout député qui ne donnera pas son consentement devra en expliquer les raisons.

Je ne suis pas non plus très satisfait du programme du gouvernement en ce qui concerne les changements à apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants. Il est nettement trop lent et des changements s'imposent immédiatement.

Des voix: Bravo!

M. Nunziata: Monsieur le Président, parlant du réel engagement qu'il a pris de revoir le système de justice pénale, le ministre de la Justice, que je respecte beaucoup et en qui j'ai une grande confiance, a signalé que, selon son programme, il faudrait malheureusement attendre juin pour le dépôt d'une mesure législative dont l'adoption n'est pas prévue avant la fin de l'année ou au cours de l'année prochaine. Ce n'est pas suffisant.


3734

À mon avis, il serait totalement-et je dis bien totalement-irresponsable de la part des députés de tous les côtés de la Chambre de partir cet été en congé, de rentrer chez eux retrouver leur famille et leur chalet avant que la Loi sur les jeunes contrevenants n'ait été modifiée et que la nouvelle loi n'ait été adoptée. Ce serait renoncer à nos responsabilités, en tant que législateurs. Ce serait renoncer au mandat que nous ont confié les Canadiens il y a six mois et tromper leur confiance.

Je prie instamment le ministre, le gouvernement et, enfin, tous les députés à la Chambre d'expédier cette affaire. Point n'est besoin d'étudier cette question pendant encore un ou deux ans. J'ai été membre du Comité de la justice pendant huit ans. Quand j'ai été élu pour la première fois à la Chambre en septembre 1984, il était clair que la Loi sur les jeunes contrevenants, qui n'avait que quelques mois, n'allait pas fonctionner. Cela fait dix ans que je réclame des changements.

(1110)

Nous voici donc 10 ans plus tard, et il y a seulement quelques semaines, on a célébré le 10e anniversaire de la Loi sur les jeunes contrevenants. Cette loi remplaçait l'ancienne Loi sur les délinquants juvéniles. À l'époque, les grands coeurs affirmaient que la Loi sur les délinquants juvéniles n'était pas efficace et qu'il fallait un régime plus équilibré.

La loi fédérale actuelle est totalement déséquilibrée. Elle laisse complètement de côté l'intérêt public et la sécurité publique. Elle ne fait que protéger les jeunes et les inviter à enfreindre la loi et à se lancer dans une vie de criminalité.

Le projet de loi que je présente au Parlement aujourd'hui traite de trois des changements fondamentaux qui s'imposent dans la Loi sur les jeunes contrevenants. J'en parlerai dans quelques instants.

Je voudrais parler tout d'abord de l'article 3 de la loi actuelle, la Loi sur les jeunes contrevenants, qui renferme huit déclarations de principes et énonce la philosophie qui sous-tend cette loi. Je voudrais résumer cette philosophie et expliquer pourquoi, à mon avis, malgré l'intention de la loi, les 10 ans pendant lesquelles elle a été appliquée permettent d'établir clairement que ces principes n'ont pas donné les résultats escomptés.

Dans le premier principe, on dit que les adolescents ne sauraient être assimilés aux adultes quant à leur degré de responsabilité de leurs actes, mais qu'ils doivent toutefois assumer la responsabilité de leurs délits. Un principe indéniable.

Deuxièmement, la société doit pouvoir se protéger contre toute conduite illicite, bien qu'elle doive prendre des mesures pour prévenir la conduite criminelle chez les adolescents. C'était là le deuxième principe, mais l'expérience a montré que la protection de la société ne semble même pas constituer un facteur dans l'esprit de ceux qui appliquent le régime, notamment les juges, qui doivent assumer une part de responsabilité pour certaines peines scandaleuses qui sont imposées de nos jours.

Le troisième principe reconnaît qu'il est nécessaire de surveiller, de discipliner et d'encadrer les jeunes contrevenants, mais aussi qu'ils ont des besoins spéciaux qui exigent conseils et assistance. Monsieur le Président, vous ne saurez contester la nécessité d'offrir des conseils spéciaux et une assistance aux adolescents. Nous reconnaissons tous qu'il faut un régime permettant de s'occuper des adolescents. Nous ne voulons pas traiter comme des adultes des jeunes de 12 et 13 ans, de véritables enfants. Nous ne voulons pas les jeter en prison, les envoyer à Kingston purger une peine d'emprisonnement à perpétuité ou de longues peines. Nous reconnaissons tous la nécessité de disposer d'un régime équilibré.

Toutefois, quand on examine la situation actuelle, on se rend compte que non seulement le système ne rend pas service à la collectivité, mais qu'il ne rend pas non plus service aux jeunes puisque'il leur envoie le message qu'ils doivent transporter des couteaux sur eux. On ne peut s'empêcher de penser que si la mentalité actuelle des jeunes était différente, le jeune qui a été tué, à Hull, hier serait peut-être encore en vie. Pourquoi fallait-il que son meurtrier porte un couteau? Il n'est plus rare que des jeunes aillent à l'école armés de couteaux et d'armes à feu chargées. Voilà dans quelle ambiance les jeunes vivent aujourd'hui. Ils transportent couteaux, armes à feu et autres armes dangereuses non seulement pour agresser, mais aussi pour se protéger.

Monsieur le Président, à l'époque où vous et moi fréquentions l'école secondaire, l'école publique et l'université, nous nous servions de nos poings pour régler nos comptes. On se retrouvait dehors, on montrait les poings, on se battait un peu et la question était réglée. Aujourd'hui, on règle les différends en ayant recours à des moyens susceptibles de causer la mort. On utilise des couteaux ou bien des armes à feu chargées. À cause de cette situation malheureuse et tragique, des jeunes se font tuer ou estropier un peu partout au Canada.

Le quatrième principe veut qu'on puisse avoir recours à des mesures autres que des procédures judiciaires, lorsque cela n'est pas incompatible avec la protection de la société.

(1115)

Le cinquième principe reconnaît les droits juridiques et constitutionnels des jeunes. Ce principe, à l'origine de l'un des principaux problèmes engendrés par la Loi sur les jeunes contrevenants, commande de traiter les jeunes comme des enfants, tout en leur reconnaissant tous les droits et privilèges reconnus aux autres criminels en vertu de la Charte des droits et libertés.

Voilà qui est épatant! Toutefois, les jeunes se sont rendu compte qu'ils avaient droit à un avocat et à l'assistance judiciaire, qu'ils jouissaient de la même protection que celle qui est accordée aux adultes, notamment le droit de demeurer silencieux, et ainsi de suite. Les jeunes ont donc conscience de ces droits et ils les utilisent pour se protéger. Ils s'en servent pour se mettre à l'abri de la responsabilité criminelle.


3735

En vertu du sixième principe, le droit des adolescents à la liberté ne peut souffrir-écoutez bien cela-que d'un minimum d'entraves commandées par la protection de la société. C'est ce que dit la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous ne pouvons brimer leur liberté. C'est clair? Nous ne pouvons brimer leur liberté, nous devons la brimer le moins possible.

Septième principe: les adolescents ont le droit, chaque fois que la loi est susceptible de porter atteinte à certains de leurs droits et libertés, d'être informés du contenu de ces droits et libertés.

Dernier principe: les père et mère assument l'entretien et la surveillance de leurs enfants. En conséquence, les adolescents ne sauraient être soustraits à l'autorité parentale que dans des circonstances spéciales.

C'est sur cette philosophie que repose la Loi sur les jeunes contrevenants. Certaines dispositions de cette loi sont incontestables, tandis que d'autres, malheureusement, ont donné lieu à un système responsable ou en partie responsable du relâchement des moeurs et de la perte d'intégrité des jeunes.

Je tiens à souligner une chose. Je ne demande pas qu'on envoie les jeunes en prison, qu'on fasse disparaître les clés, qu'on les fouette et qu'on les pende. Je voudrais simplement qu'on adopte une approche plus équilibrée, parce que la plupart des jeunes, la grande majorité d'entre eux, respectent les lois. Ils n'ont pas besoin d'une loi pour les aider à distinguer le bien du mal. Nous nous occupons ici des exceptions, du petit, très petit pourcentage de jeunes malfaiteurs, de jeunes incorrigibles de notre société qui se servent des lois pour se protéger et pouvoir poursuivre leurs activités criminelles.

Nous avons besoin d'un système équilibré. Pour une raison que j'ignore, on n'a pas appliqué, comme on aurait dû le faire, la Loi sur les jeunes contrevenants et les principes qu'elle énonce. On a plutôt favorisé les droits et la protection des jeunes. On a relégué au second plan, et très souvent complètement oublié, la sécurité du public.

Mon projet de loi vise un triple but. D'abord, il modifierait les âges limites prévus dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Selon la loi en vigueur, un jeune contrevenant, un enfant qui a besoin de protection et d'orientation, est défini comme toute jeune personne âgée de 12 à 17 ans. Il y a donc des jeunes de 17 ans, à une journée de leur 18e anniversaire peut-être, qui sont traités comme des enfants. Ils ont l'âge de conduire une automobile, sont même assez vieux pour signer des contrats dans certaines régions, et pourtant ils sont traités comme des enfants et classés dans cette catégorie.

Les statistiques nous montrent que la moitié des causes devant les tribunaux pour jeunes concernent des adolescents de 16 et 17 ans. Grâce à mon projet de loi, ces jeunes de 16 et 17 ans seraient traités comme des adultes. Ils seraient mis en accusation et poursuivis devant les tribunaux pour adultes. À mon avis, ce changement constituerait une mesure de dissuasion efficace qui empêcherait les autres jeunes de 16 et 17 ans de violer la loi.

De même, mon projet de loi ramènerait l'âge minimum à 10 ans. Selon certaines personnes, on ne devrait pas mentionner un âge minimum dans la définition de jeune contrevenant. Mais nous connaissons tous ce qui s'est produit en Grande-Bretagne où deux jeunes de 10 ans ont été reconnus coupables de meurtre. Au Canada, des adultes se servent d'enfants de moins de 12 ans pour commettre des infractions criminelles. En outre, certains de ces enfants commettent des infractions graves de leur propre chef. Par conséquent, en abaissant l'âge limite, on permettrait aux services policiers d'amener ces enfants devant les autorités compétentes afin qu'ils soient traités adéquatement.

(1120)

Mon projet de loi définirait l'adolescent comme toute personne de 12 à 15 ans inclusivement. Les jeunes de 16 et 17 ans connaissent très bien la différence entre le bien et le mal; ils saisissent la nature et les conséquences de leurs gestes et devraient donc être poursuivis devant les tribunaux pour adultes. Comme les députés le savent, l'âge constitue toujours une circonstance atténuante dans la détermination de la peine par un tribunal pour adulte.

La deuxième partie de mon projet de loi, que le ministre a déjà indiqué qu'il appuyait, ferait passer de cinq à dix ans la peine maximale pour les meurtres au premier degré. Je félicite le ministre qui a récemment confirmé sa position à cet égard. Il y a quelques années, la peine maximale pour un meurtre au premier degré n'était que de trois ans.

À Scarborough, par exemple, nous avons eu le cas d'un jeune contrevenant qui avait commis un triple meurtre avec circonstances aggravantes et qui pourtant n'a été incarcéré que trois ans seulement avant d'être relâché. Cette peine est maintenant de 5 ans, mais j'affirme respectueusement qu'elle devrait être fixée à 10 ans pour un meurtre au premier degré.

Le troisième aspect de mon projet de loi autoriserait la publication des détails de l'infraction et de l'identité du jeune contrevenant après la deuxième condamnation pour infraction grave. À l'heure actuelle, toute publication de renseignements de ce genre est interdite.

Le cas en Colombie-Britannique, et il existe des douzaines de cas semblables, montre bien la nécessité pour le public, les voisins, le système scolaire d'être informés des infractions graves commises par un jeune contrevenant. Le jeune dont il était question avait été condamné pour attentat contre de jeunes enfants. Une fois libéré, il a violé et tué une enfant de six ans. Cette tragédie aurait pu être évitée si la population, la police et les voisins avaient été au courant, car les gens auraient été en mesure de prendre les précautions nécessaires.

Ce projet de loi donnera deux chances aux jeunes contrevenants. Lorsqu'ils auront commis deux délits graves, la population sera en droit alors de connaître les détails de l'affaire et leur identité. Je le répète, cela devrait avoir un effet dissuasif sur les jeunes contrevenants.

Permettez-moi de terminer par où j'ai commencé. Il faut absolument modifier rapidement le système. Je sais que certains pensent qu'il s'agit d'une réaction instinctive au meurtre qui a eu lieu à Hull ou à celui d'Ottawa ou aux dizaines d'autres meurtres, viols et agressions sexuelles dont nous avons été témoins dernièrement, mais je tiens à leur dire qu'ils se trompent. Ils jouent à l'autruche et il est temps qu'ils se rendent à l'évidence.


3736

Ce n'est pas une chose qui s'est produite du jour au lendemain. Il s'agit d'un problème qui se pose depuis dix ans. J'exhorte mes collègues dans cette enceinte à adopter sans tarder ces modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je souhaiterais qu'à la fin de ce débat, à midi aujourd'hui, nous ayons le consentement unanime de la Chambre pour renvoyer ce projet de loi et son objet au Comité de la justice afin que ce dernier puisse entreprendre immédiatement l'examen de cet aspect de notre système de justice pénale.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi du député de York-Sud-Weston, véritable ballon d'essai pour le gouvernement libéral sur la question des jeunes contrevenants.

Depuis le début de la 35e législature que l'on parle de modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants au ministère de la Justice. Pour des raisons que lui-même connaît, il semble que cette loi était une priorité.

D'ailleurs, dans le fameux red book dont on parle depuis le 25 octobre, le Parti libéral proposait de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants en proposant des mesures concrètes de réadaptation, disaient-ils, et en alourdissant les peines des jeunes criminels.

Étant donné que personne ne peut être contre des mesures de réadaptation, le gouvernement libéral teste donc aujourd'hui l'humeur et la sensibilité de l'électorat sur la question de l'alourdissement des peines. Avec un tel projet de loi émanant de ce député, je comprends pourquoi il se retrouve à l'extrême droite du premier ministre.

(1125)

Malheureusement, ce virage à droite, face aux jeunes contrevenants, est amplifié par une équation faussée de la violence et des jeunes. Pour le commun des mortels, jeunesse rime avec violence et l'âge ingrat est synonyme de délinquance. Pourtant, rien n'est plus faux.

Au Québec, depuis 1979, les crimes de tout acabit chez les jeunes ont diminué substantiellement, près de 8 p. 100 pour le Québec et de 34 p. 100 pour la métropole montréalaise. Est-ce que le gouvernement, ou plus précisément est-ce que le député est au courant de ces chiffres-là pour présenter un projet comme celui dont nous sommes saisis aujourd'hui?

On ne peut pas continuer d'être alarmiste à outrance parce que cela fausse la réalité et on se retrouve avec des projets de loi alarmants, car ce projet de loi, je le considère comme étant alarmant.

C'est bien beau de plaider la tolérance zéro, mais cette dernière doit-elle passer nécessairement par l'abaissement de l'âge limite des délinquants qui relèveront des tribunaux de la jeunesse, par des peines plus sévères et une publicité des noms des jeunes délinquants récidivistes? Cette compréhension de la tolérance zéro équivaut à dire à tous les jeunes délinquants: «En-dedans, bonjour, bonsoir et on s'en lave les mains». C'est trop facile.

C'est un raisonnement de petit bourgeois des années 1950. La solution n'est pas dans la punition chez les jeunes, mais davantage au niveau de l'aide, de l'encadrement et de la réinsertion du jeune délinquant.

On comprendra que je suis contre le projet de loi simpliste que nous avons devant nous aujourd'hui. Encore, si c'était un projet de loi qui pouvait faire économiser de l'argent au gouvernement qui est «cassé comme un clou», on pourrait en parler, on pourrait y voir un certain avantage à ce niveau-là. Mais non, au contraire, en augmentant les peines et en abaissant l'âge pour être considéré jeune contrevenant, on accélère le remplissage des prisons et on multiplie les jeunes inactifs qui resteront au crochet de la société le reste de leur vie.

La pression publique actuelle pour une plus grande sévérité de la Loi sur les jeunes contrevenants peut se comprendre, surtout dans l'Ouest. Les cas sensationnels des journaux aident cette mauvaise perception du problème. Cependant, y répondre directement par des modifications semblables dénote une confusion et un changement de cap important dans les objectifs poursuivis par la Loi sur les jeunes contrevenants adoptée en 1984, c'est-à-dire au niveau de la dissuasion, de la rééducation et de la protection de la société.

Au Québec, on a compris les grands principes de la protection de la jeunese et de la société. On mise sur la réhabilitation et la réintégration des jeunes délinquants. On s'éloigne le plus possible de la criminalisation d'un dossier impliquant un jeune.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux et la direction de la Protection de la jeunesse au Québec prennent en charge le jeune délinquant pour l'aider, et les résultats sont surprenants. Au Québec, on investit dans la réhabilitation parce qu'on y croit. Les chiffres sont là. Selon une étude très sérieuse, faite au Québec, entre les années 1968 et 1983, l'investissement financier de la société pour la réadaptation d'un jeune homicidaire se rembourse en moins de cinq ans par la productivité du jeune adulte, soit par son travail, ses impôts qu'il rentre dans la société, par les achats qu'il fait car il fait rouler l'économie.

Dans l'Ouest canadien, l'intolérance est compréhensible parce qu'on n'investit pas comme chez nous. Ce n'est pas une préoccupation. Il semble y avoir peu de ressources, aucune prise en charge. Le jeune délinquant est laissé à lui-même en fin de compte. On se limite à caser les jeunes en prison dans une aile différente de celle des adultes.

On peut voir dans l'appréciation de cette loi un autre élément du caractère distinct du Québec. Ce n'est pas seulement sur la langue ou la culture que nous sommes distincts du reste du Canada. Nous avons des croyances, des préoccupations et une philosophie différente et distincte du reste du pays. Nous ne voyons tout simplement pas les choses de la même façon et le projet de loi que nous avons sous étude ce matin en est un bon exemple.

Je m'en voudrais avant de terminer de ne pas mentionner que l'objectif visé par les modifications proposées au projet de loi pourrait être atteint par une application de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants. Il semble que l'objectif du projet de loi du député libéral est de rendre comptables et responsables certains


3737

jeunes délinquants de leurs actes délictueux afin qu'ils subissent un procès devant les tribunaux ordinaires.

Le renvoi à la juridiction normalement compétente ou si vous préférez le renvoi devant un tribunal pour adultes d'adolescent accusé d'un acte criminel n'est pas monnaie courante dans notre système judiciaire, même si les modifications d'avril 1992 en facilitent le processus.

Avec le double souci de concilier la réadaptation de l'adolescent fautif et la protection de la société, ce n'est pas surprenant qu'avocat et magistrat ont des réticences à demander pour l'un et d'ordonner pour l'autre le renvoi.

(1130)

Selon mes informations, au Québec, pas plus de 5 p. 100 du total des dossiers ne font l'objet d'une demande de renvoi des jeunes en chambre criminelle.

La réticence s'explique très facilement: si un jeune est reconnu coupable devant une cour pour adultes, l'adolescent s'expose naturellement à une sentence très sévère, lui offrant peu de possibilités de réhabilitation. En plus, une libération conditionnelle ne peut venir qu'après cinq ou dix ans de détention, selon qu'il s'agisse d'un meurtre au deuxième ou au premier degré.

Pourquoi forcer la main de la justice, si cette dernière, pour des considérations légales et sociales ne le fait pas? Même si elle pouvait traiter certains jeunes comme des adultes comptables et responsables de leurs actes, elle ne le fait pas. Si le député veut aider la société, il devrait plutôt présenter un projet de loi dont les objectifs seraient de sensibiliser le public au fait que la meilleure protection demeure un programme d'aide et de responsabilité qu'une mesure punitive, efficace seulement le temps de son application.

Plus encore, il devrait prôner le transfert de juridiction complet aux provinces avec le budget y afférent. De cette façon, nous pourrions traiter nos jeunes délinquants comme bon nous semble dans chacune des provinces.

De plus, l'effet dissuasif recherché par l'allongement des sentences dans ce projet de loi n'est pas, actuellement, appuyé par la documentation dans le domaine. Au contraire, Crime and Delinquency publiait, en janvier dernier, les résultats d'une étude faite dans plusieurs États américains qui démontrent complètement l'inverse de ce qu'on avance ce matin.

Donc, le député fait comme son gouvernement; il manque carrément la cible avec ce projet de loi. Si cette loi mérite des modifications, ce serait pour forcer la réhabilitation et la réinsertion sociale du jeune contrevenant, mais cela n'est pas de la juridiction de cette Chambre.

Il faudrait que la société soit plus tolérante et qu'elle se donne comme but non pas de rendre nécessairement l'adolescent conforme à ce que son milieu, sa famille, l'école ou elle-même attend de lui, mais de le rendre capable d'accéder, avec le moins de limitations possible, à son autonomie et à sa réintégration dans un bonheur corrigé et responsable.

[Traduction]

M. Rex Crawford (Kent): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre aujourd'hui la parole pour manifester mon appui total et sans réserve au projet de loi C-217, Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants, la Loi sur les contraventions et le Code criminel en conséquence. Ce projet de loi a été présenté par mon collègue, le député de York-Sud-Weston. Je le félicite d'avoir présenté cette mesure et d'avoir accompli un travail aussi soigné pour porter à l'attention de la Chambre la question des jeunes contrevenants, qui a grandement besoin qu'on s'y attarde.

Quand j'ai été élu député, l'un de mes objectifs était de donner plus de poigne à la Loi sur les jeunes contrevenants. Des événements récents survenus dans ma circonscription n'ont fait que renforcer ma détermination à réclamer des peines plus sévères.

Comme beaucoup de députés le savent probablement, les 43 000 habitants de la ville de Chatham, en Ontario, sont encore ébranlés par le meurtre brutal du petit Daniel Miller, un enfant de sept ans assassiné la semaine dernière. Il s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Un membre d'un gang de jeunes de l'endroit a été accusé de meurtre au premier degré pour avoir battu la victime à mort.

Je sympathise de tout mon coeur avec la famille Miller, qui a perdu un fils, mort avant d'avoir atteint le meilleur de la vie, avant même que son avenir n'ait pu se dessiner. Ce crime a donné lieu à des manifestations de citoyens en colère et à une pétition réclamant des mesures de prévention des actes de violence.

Le pont de chemin de fer où le corps du garçon a été trouvé était couvert de graffitis laissés par un gang, qui s'identifie sous le nom de Criminally Minded Corporations, ou CMC. Un jeune citoyen touché par les événements a repeint le pont, en fin de semaine, pour effacer le langage ordurier des graffitis. Le CMC est un des six gangs de jeunes de Chatham. Il compte plus de 100 membres, et c'est le mieux organisé. De nombreux membres de gangs portent des bottes d'armée, dont la couleur des lacets a un sens particulier.

Ce meurtre absolument gratuit semble n'être qu'un exemple de plus du déclin de notre société, de la morale et des valeurs familiales. Le lendemain, un jeune de 17 ans s'est attaqué à un gardien de sécurité qui surveillait le chantier abandonné où le meurtre avait eu lieu. Il a été accusé de voies de fait causant des blessures corporelles.

Où cela s'arrêtera-t-il? Des parents et d'autres résidants de l'endroit entendent faire régner la justice. Ils ne font pas confiance à l'appareil judiciaire actuel, qui laisse aller des criminels après une courte réprimande et ne fait rien pour les victimes qui restent marquées pour la vie.

(1135)

Un résidant, Jason Gale, nouvellement arrivé à Chatham avec ses deux filles, sa mère, et sa grand-mère, a déclaré ce qui suit: «Ces jeunes terrorisent la population. Si les habitants de Chatham prenaient leur revanche, si certains membres de ces bandes recevaient une bonne raclée ou s'il leur arrivait quelque chose, la situation s'améliorerait.» Notre société en est-elle rendue là?


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J'invite les gens calmes et raisonnables de ma circonscription à prendre l'initiative. Nous devons améliorer notre appareil judiciaire de telle sorte que les criminels paient pour leurs crimes. Le projet de loi C-217 permettrait de franchir un grand pas dans la bonne direction.

Il y a quelques années, l'ancien gouvernement conservateur a mis en vigueur des peines plus sévères. Par exemple, la peine maximale en cas de meurtre a été portée de trois à cinq ans. Au moment de la présentation du projet de loi, j'avais affirmé ce que je soutiens toujours aujourd'hui, soit que la Loi sur les jeunes contrevenants est trop indulgente, que ce n'est pas sérieux.

J'ai fait signer par plus de 25 000 personnes les pétitions qu'ont fait circuler Roy Asselstine fils et ses parents pour demander de resserrer la loi. Des avocats et des policiers me disent que des jeunes considèrent comme un honneur d'être poursuivis aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est une marque de distinction, du moins c'est ce qui se dit dans la rue. Ce n'est pas en restant dans leur tour d'ivoire que les parlementaires vont changer la réalité. Or, cette réalité n'est pas seulement présente à Toronto, Montréal ou Vancouver, mais aussi dans un grand nombre de petites villes comme Chatham.

Le projet de loi C-217 va intensifier le débat. Comme le député de York-Sud-Weston l'a fait remarquer, la mesure qu'il présente reçoit l'appui de l'Association canadienne des policiers et des Victimes de la violence, et elle est co-parrainée par 17 parlementaires.

Le projet de loi a un triple but: premièrement, un jeune contrevenant aurait désormais entre 10 et 15 ans, de sorte que les jeunes de 16 et 17 ans devraient désormais répondre de leurs actes criminels devant des tribunaux pour adultes; deuxièmement, la peine maximale en cas de meurtre au premier et au deuxième degrés serait portée de cinq à dix ans; troisièmement, après une deuxième condamnation, le nom d'un jeune contrevenant pourrait être rendu public.

Ces changements modifieraient de façon raisonnable la présente Loi sur les jeunes contrevenants, qui ne constitue pas une mesure dissuasive efficace et ne donne pas vraiment aux agents de correction l'occasion de réadapter les jeunes. Le projet de loi C-217 contribue grandement à assurer l'équilibre entre les besoins de la population et ceux des jeunes.

Oui, nous devons prévenir la criminalité, redonner espoir aux jeunes et leur faire comprendre qu'ils peuvent jouer un rôle important dans l'avenir et que leur vie peut faire toute une différence dans notre société. La réadaptation doit donc être un élément crucial de toute nouvelle loi.

Je suis heureux d'appuyer ce projet de loi. J'invite les députés à le renvoyer au Comité de la justice qui pourra l'étudier plus en profondeur.

En terminant, je voudrais vous signaler un article publié dans le journal de Chatham, où l'on pouvait lire en manchette: «La famille de l'adolescent battu par une bande de jeunes quitte Maple City». Il s'agissait des Asselstine, dont le fils a dû être hospitalisé après avoir été battu par une bande de jeunes appelée CMC. Immédiatement après avoir reçu son congé de l'hôpital, le jeune Asselstine et ses parents ont circulé dans la région de Chatham pour faire signer une pétition. Victimes de harcèlement depuis ce temps, ils ont décidé de déménager sans laisser d'adresse. Ce n'est pas ce que nous voulons vivre dans la société d'aujourd'hui.

C'est donc en leur nom et au nom du jeune Daniel Miller que j'interviens aujourd'hui à la Chambre des communes pour appuyer le projet de loi C-217.

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer ce projet de loi en principe, car il est plus qu'urgent de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants.

La question a certes été soulevée maintes fois au cours de la campagne électorale dans des assemblées politiques locales.

(1140)

En conséquence, compte tenu que des Canadiens de tout le pays se sont dits préoccupés par les lacunes de la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est avec désarroi que nous, de ce côté-ci de la Chambre, avons constaté que le gouvernement ne mentionnait même pas cette loi dans le discours du Trône. Nous avons ultérieurement exercé des pressions auprès du gouvernement pour qu'il accorde à cette affaire toute la priorité qu'elle mérite et le ministre de la Justice nous a promis de présenter une série de modifications.

Toutefois, aux dernières nouvelles, le projet de loi gouvernemental tant attendu ne serait présenté qu'en juin. Comme le gouvernement a tendance à s'enliser, c'est à se demander s'il présentera jamais un projet de loi visant à modifier la Loi sur les jeunes contrevenants avant que la Chambre ne s'ajourne pour l'été.

Par conséquent, je suis persuadé que c'est avec un sentiment de frustration que le député a présenté son propre projet de loi d'initiative parlementaire. J'ai entendu dire que, pour l'essentiel, ce projet de loi n'a pas l'appui du gouvernement, ce qui, vu d'ici, est plutôt déconcertant.

La Loi sur les jeunes contrevenants a un titre et ce projet de loi a pour objet de faire que ce titre soit juste. La Loi sur les jeunes contrevenants doit effectivement viser les jeunes contrevenants et non les jeunes adultes. Je voudrais certes que la loi subisse une réforme beaucoup plus complète. Toutefois, nous, de ce côté-ci, sommes tout disposés à appuyer ce projet de loi.

Le projet de loi comporte plus précisément trois volets. Il abaisse les limites d'âge qui définissent qui est une jeune personne aux fins de l'application de la loi. Il permet aussi que soit publié le nom d'un jeune contrevenant ayant été reconnu coupable par deux fois déjà d'un délit punissable. Cela ne constitue pas une grosse amélioration, mais c'est certes un pas dans la bonne voie.

En outre, le projet de loi porte à dix ans la peine d'emprisonnement maximale pour un meurtre au premier ou au second degré. Le ministre de la Justice a déjà fait allusion à ce dernier point. Toutefois, ce projet de loi ne touche pas aux autres mesures, alors que le ministre de la Justice se propose de reprendre d'une main ce qu'il aura donné de l'autre en limitant les dispositions relatives au transfert.

Je sympathise avec le député, car il fait partie d'un groupe qui est si peu en contact avec les Canadiens qu'il doit présenter son propre projet de loi. Bien que ce projet de loi prévoie des demi-mesures timides, il n'a toujours pas l'appui du Cabinet.

J'ai travaillé avec les jeunes à l'époque de la Loi sur les jeunes délinquants. Je me souviens trop bien des dix années de confé-


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rences fédérales-provinciales et de négociations qui ont mené à l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants durant les derniers jours d'un gouvernement libéral.

On avait assuré aux Canadiens que la Loi sur les jeunes contrevenants était une mesure parfaitement équilibrée. Je me souviens aussi d'avoir entendu certaines personnes dire, même à la Chambre, que la LJC n'envoyait pas le bon message à la collectivité, particulièrement aux jeunes contrevenants.

Nous vivons avec la Loi sur les jeunes contrevenants depuis une dizaine d'années. Elle a été modifiée trois fois en réponse aux préoccupations de la collectivité. Dans le domaine du droit pénal, c'est la mesure législative la plus critiquée par les Canadiens. On pourrait penser que, après dix ans, on en serait arrivé à une mesure qui soit satisfaisante, mais ce n'est absolument pas le cas.

L'expérience sur le terrain a prouvé que la Loi sur les jeunes contrevenants est essentiellement mauvaise parce qu'elle est fondée sur de fausses hypothèses quant à la nature humaine et sur l'attitude paternaliste du gouvernement selon laquelle la collectivité ne sait pas vraiment ce qui est bon pour elle.

Les députés réformistes réclament depuis un certain temps un examen sérieux de la question parce que c'est ce que veut la collectivité. Le taux d'homicide a doublé depuis la dernière fois qu'on a eu recours à la peine de mort en 1962. La croissance a été encore plus forte pour les crimes de violence en général. Le taux de criminalité est fondamentalement trop élevé.

Nous savons qui sont les contrevenants. Nous devons protéger la collectivité et reconnaître davantage les victimes. Nous avons des ressources considérables à notre disposition pour aider les contrevenants. En fait, nous devrions même accroître les possibilités d'auto-réforme pour les contrevenants. Toutefois, avec la Loi sur les jeunes contrevenants, nous sommes sur la mauvaise voie en ce qui concerne les victimes de la criminalité chez les jeunes.

Dans ma circonscription, ce sont les élèves du secondaire qui réclament le plus énergiquement une réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ils savent trop bien le sentiment qui existe dans la rue au sujet de ce qui arrive à un jeune qui commet une infraction grave à l'égard d'un autre jeune. Beaucoup d'élèves des écoles secondaires ont peur, surtout les filles. On a l'impression que rien n'arrive aux jeunes contrevenants, qu'ils n'ont pas vraiment à subir les conséquences de leurs actes. Les étudiants respectueux des lois n'ont aucune confiance dans le système judiciaire.

Les jeunes sont dans une période d'apprentissage où ils résistent aux limites qu'on leur impose. Ils défient l'autorité et regardent comment la collectivité réagit. La Loi sur les jeunes contrevenants ne rend service à personne en n'envoyant pas le bon message au sujet de l'importance du respect des droits d'autrui. Elle ne rend pas service aux jeunes ni à la collectivité.

Nous pouvons lire encore dans les journaux aujourd'hui qu'un jeune de 16 ans, Marwan Harb, de la rue Dompierre, a été déclaré mort à l'hôpital après avoir été poignardé dans le dos. Un jeune de 15 ans, qui a été arrêté deux heures après l'incident, sera accusé de meurtre.

(1145)

Un groupe d'adolescents traversait un parc à pied et, pendant une discussion, un des garçons a frappé l'amie de Harb au visage et lorsque celui-ci a voulu la défendre, une bataille a éclaté et Harb a été poignardé dans le dos. Ce n'était qu'une querelle de jeunes. Ce n'était pas une guerre de gangs. Ce n'était pas non plus un incident raciste. La victime et l'accusé s'étaient connus à l'école secondaire. Lorsqu'ils ont été vus, les jeunes se sont enfuis, laissant Harb étendu sur le sol. La répétition de ce genre d'incidents dans tous les coins du Canada nous montre bien qu'il faut s'occuper du problème de la violence chez les jeunes.

Les jeunes sont armés. Il existe un certain consensus au sein de notre société sur notre responsabilité dans le maintien de la loi et de l'ordre et dans les sanctions contre les délinquants. À certains égards, nous voyons des jeunes se comporter comme si la loi et l'ordre n'existaient plus et comme s'ils vivaient dans un système anarchique où la règle serait «chacun pour soi, protège toi toi-même parce que personne ne le fera à ta place».

Il existe des liens d'interdépendance complexes entre la loi, son application et l'ordre social. Pourtant, les Canadiens de partout ont fait savoir que la Loi sur les jeunes contrevenants n'offrait pas un équilibre acceptable entre la dissuasion, les droits des victimes et les possibilités de réhabilitation.

J'ai récemment rédigé un projet de loi d'initiative parlementaire et il a été rejeté parce qu'il a été jugé trop semblable au projet de loi C-217, qui était déjà dans le système. Malheureusement, il n'y aura pas de vote sur le projet de loi C-217, mais je félicite le député pour avoir porté la question à l'attention de ses collègues. J'espère qu'ils se secoueront et qu'ils procéderont à des modifications de fond.

Le Parti réformiste aura beaucoup à dire sur sa solution de remplacement constructive à la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous nous sommes mis à l'écoute de la population. Notre programme a été élaboré par la base. Le groupe de travail national du Parti réformiste sur la loi et l'ordre a élaboré une série de modifications de fond à apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants et nous les mettrons de l'avant.

Cependant, il est temps d'écouter la voix de la raison et de regarder la réalité en face. La Loi sur les jeunes contrevenants a besoin d'être modifiée. Le projet de loi, même s'il ne va pas assez en profondeur, est un pas dans la bonne direction. Il faut appuyer les initiatives en ce sens. Le projet de loi ne doit pas être appuyé uniquement par les gens qui appuient ce qui y est proposé, mais il doit être appuyé au nom des jeunes de tout le Canada. Les principes de base de la Loi sur les jeunes contrevenants sont faussés et ils seront un jour modifiés, mais peut-être faudra-t-il attendre un gouvernement réformiste pour que cela se fasse.

Entre temps, les remplaçants de la loyale opposition de Sa Majesté appuieront toute proposition de mesures sensées et équilibrées allant dans le sens de ce que souhaite la population. Modifions la Loi sur les jeunes contrevenants sans attendre et faisons clairement comprendre aux délinquants et à ceux qui


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risquent de le devenir que la liberté d'une personne s'arrête là où commence celle de l'autre. Il faut dénoncer les actes criminels.

Il nous faut une loi contre la délinquance adaptée à notre culture et reflétant un équilibre entre les besoins et les droits des criminels et des victimes. La population doit retrouver confiance dans le système judiciaire et c'est pourquoi j'appuie le message qu'envoie ce projet de loi.

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke): Monsieur le Président, je voudrais dire quelques mots ce matin au sujet de la mesure à l'étude. Je félicite le député de York-Sud-Weston d'avoir soulevé la question, car elle préoccupe beaucoup tous les députés et certainement aussi le public en général. Il y a quelques éléments très particuliers de la Loi sur les jeunes contrevenants auxquels il faudrait consacrer un examen très attentif.

Cette question est comme toute autre question importante qui surgit et devient un sujet de préoccupation. À la suite de certains événements graves qui attirent l'attention des médias sur la question, les gens estiment que rien ne va plus. Certains éléments de la loi donnent de bons résultats, d'autres non. Il faudrait examiner les lacunes de la loi afin d'y remédier.

Toutes les lois ont besoin d'être modifiées de temps à autre pour réagir aux tendances qui apparaissent dans la société et aux changements qui s'y produisent. Il y a cependant une chose sur laquelle je suis en désaccord. Certains prétendent que les jeunes contrevenants ne comprennent pas les conséquences de leurs actes. À titre d'ancien enseignant, je puis vous assurer, après avoir enseigné à beaucoup d'adolescents avant d'être élu au Parlement, qu'ils savent très bien ce qu'ils font. Inutile de faire valoir cet argument, ça ne prendra pas.

(1150)

Cet argument présente un autre aspect regrettable; c'est que les gens pensent automatiquement parfois que ces jeunes viennent de foyers pauvres où ils n'ont pas reçu d'éducation. Dans certains cas, c'est vrai, mais il y a aussi des cas où des jeunes ont reçu une bonne éducation dans leur famille et s'égarent quand même à cause des très fortes pressions de leurs pairs qui les incitent à entrer dans des gangs et à s'engager dans la mauvaise voie.

Je suis intervenu plusieurs fois au cours de la dernière législature sur le sujet des jeunes contrevenants parce que nous avons connu un cas grave dans ma circonscription, dans le village de Barry's Bay. Le problème, ou du moins l'un des principaux problèmes, c'est que le marchandage de plaidoyers qui se pratique dans les tribunaux n'est tout simplement pas justifiable et ne peut être toléré. Je me réjouis d'apprendre que le Comité de la justice entreprendra, à la demande du gouvernement, un examen sérieux de la loi à cet égard et s'y emploiera d'ici juin ou du moins au cours du mois de juin. Je le félicite d'entreprendre ce travail.

Il faut mettre fin au marchandage de plaidoyers qui se pratique dans nos tribunaux aujourd'hui si nous voulons modifier la Loi sur les jeunes contrevenants, de même en fait que d'autres lois visant à lutter contre la criminalité. On ne peut absolument pas tolérer que les avocats continuent de marchander à la baisse les lois du pays. Le Parlement a adopté des lois pour qu'elles soient appliquées, et c'est dans cette intention que les législateurs les ont approuvées.

Mais je refuse catégoriquement qu'un groupe d'avocats, de procureurs de la Couronne et de magistrats se concertent et décident que si l'un renonce à telle chose, l'autre fera telle autre concession. Voilà qui mène à des situations comme celle que mon collègue, le député de Victoria-Haliburton, a portée à mon attention récemment: un individu entre dans un commerce avec un fusil de chasse tronqué pour y perpétrer un vol à main armée; il prend la fuite, mais finit par être arrêté et est traduit devant les tribunaux qui lui infligent une peine de quatre mois d'emprisonnement sur lesquels il ne purgera probablement que deux mois et demi. Avant, on infligeait des peines de 10, 12 ou 15 ans, pour un vol à main armée.

Ce n'est pas cela la justice. Ce n'est pas cela aux yeux de la population, et la peine n'est certainement pas proportionnelle au crime. Voilà ce qu'il faut changer.

On ne saurait tolérer que, dans notre pays, le Canada, des gens commettent des crimes, qu'ils s'en tirent et qu'ils se moquent des lois. Or, c'est justement ce qui se produit actuellement. On ne saurait tolérer que des individus qui circulent dans les rues abattent un brillant diplômé sur un trottoir d'Ottawa ou qu'ils fassent une autre victime à Toronto ou ailleurs, tuant ainsi de braves citoyens.

Il faut examiner le système en profondeur, et non pas simplement l'étudier superficiellement et en discuter. Je souhaite la meilleure des chances aux membres du Comité de la justice qui s'attelleront à cette tâche et je remercie le député de York-Sud-Weston d'avoir saisi la Chambre de cette question et de lui permettre d'en discuter. Je sais qu'il tient beaucoup à faire adopter ce projet de loi pour qu'il puisse ensuite être étudié plus en profondeur et renvoyé au Comité de la justice.

Ce qu'il faut retenir en l'occurrence, c'est que les législateurs adoptent des lois dans l'espoir qu'elles soient respectées et appliquées, dans l'espoir qu'elles ne comportent pas d'échappatoires permettant le marchandage de plaidoyers par des avocats désireux de régler une affaire et d'obtenir un verdict favorable pour des gens qu'on ne devrait pas laisser circuler dans les rues. Quand un individu remis prématurément en liberté récidive, il se crée toutefois un grand courant de sympathie et l'on dit qu'il n'aurait pas dû être en liberté.

Je comprends qu'il n'aurait pas dû l'être! Il faut appliquer les lois, et certaines prévoient déjà qu'une personne incarcérée ne devrait pas être libérée avant d'avoir reçu les traitements médicaux nécessaires et avant que les autorités médicales ne l'aient jugée apte à mener une vie acceptable une fois libérée.

(1155)

S'il y a une amélioration que nous devrons apporter parallèlement à ce projet de loi, c'est de nous assurer que les traitements, les soins médicaux et les services de consultation nécessaires soient en place pour que ces jeunes gens puissent réintégrer la société et mener une vie productive.


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Certains jeunes qui ont été jugés en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants sont devenus des citoyens très productifs de la société. Il faut aussi le reconnaître et nuancer la situation. Nous pouvons toutefois tâcher d'améliorer celle-ci en rectifiant ce qui ne fonctionne pas actuellement.

Je veux revenir brièvement sur les aspects que j'ai abordés, soit les traitements médicaux des individus concernés, la modification du système de marchandage de plaidoyers de manière que celui-ci étaye les lois que nous avons adoptées, la publication des noms des jeunes contrevenants dans certaines circonstances, tel que le propose le projet de loi dont nous sommes saisis ce matin, et le fait que ces jeunes gens savent parfaitement ce qu'ils font.

Examinons ces questions d'une manière très constructive et apportons les correctifs nécessaires, à l'appui de ce qui fonctionne actuellement.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour appuyer le projet de le loi C-217. À l'instar d'un autre député de mon parti, j'en approuve le principe, mais il y a quelques aspects sur lesquels je souhaiterais des modifications mineures.

Toute mesure dans le sens proposé par le projet de loi sera favorable à notre ressource la plus précieuse, c'est-à-dire nos jeunes, car ce sont eux qui sont les plus désavantagés par l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants.

Je suis parfaitement d'accord avec le député de York-Sud-Weston pour dire que ce projet de loi aurait dû faire l'objet d'un vote. Il y a vraiment quelque chose qui cloche dans le système si nous pouvons nous prononcer sur un projet de loi faisant du hockey le sport national du Canada, mais non sur une mesure comme celle-ci qui intéresse directement les jeunes. C'est renversant.

Des jeunes gens viennent me voir fréquemment et me disent: «Comme élève du secondaire, mon plus grave problème est qu'on se méfie toujours de moi.» Il est probable que beaucoup de députés et de leurs électeurs, lorsqu'ils voient des jeunes dans l'autobus ou des rassemblements de jeunes, présument le pire parce qu'il y a quelques mauvais éléments.

Nous devons modifier la Loi sur les jeunes contrevenants non seulement pour protéger la propriété et lutter contre la violence, mais avant tout pour aider les jeunes, eux qui sont notre ressource la plus précieuse. Qui sont ces jeunes? Beaucoup participent à des activités comme les expo-sciences. Ce sont des manifestations passionnantes et j'invite tous les députés et le grand public à s'y rendre.

Beaucoup d'entre eux appartiennent à des clubs ou à des organisations scolaires, ou encore sont inscrits chez les cadets, les scouts, les guides. Un grand nombre fréquentent l'église, des groupes de jeunes ou sont animateurs dans des camps d'été. Ils font partie de fanfares, de clubs 4-H, de camps forestiers, de clubs d'informatique, de clubs de sport et de camps divers. Ces jeunes gens actifs sont les plus désavantagés par cette mesure.

Comme adultes, nous devons remettre de l'ordre dans nos priorités. Protégeons nos ressources les plus précieuses. Beaucoup de nos jeunes gens travaillent l'été, et nous considérons souvent ce travail d'été comme de la création d'emplois artificiels. Comme les députés le savent, si cette main-d'oeuvre n'était pas là l'été, bien des travaux de nettoyage ne se feraient pas. Les jeunes travaillent dans les entreprises touristiques et dans les services de loisirs. Ils travaillent dans les services d'information des entreprises.

Les parents doivent collaborer à l'éducation des jeunes, ils doivent les conseiller, ils doivent participer. . .

M. Nunziata: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je m'excuse d'avoir interrompu le député, mais le Règlement prévoit que le débat doit prendre fin dans environ une minute.

Je crois savoir qu'un bon nombre d'autres députés veulent prendre part à ce débat. Le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice s'est levé. Il voudrait prendre la parole. Le député pourrait-il conclure pour que je puisse demander s'il y a consentement unanime à ce que le débat sur cette très importante question soit prolongé d'une heure jusqu'à 13 heures.

(1200)

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Il ne semble pas y avoir consentement unanime. La parole est au député pour un deuxième rappel au Règlement.

M. Nunziata: Monsieur le Président, pouvez-nous nous dire qui a refusé le consentement unanime? Je n'ai rien entendu à ce bout-ci.

Le vice-président: Si le député avait été assis ici, il aurait sûrement entendu.

M. Nunziata: C'est regrettable, monsieur le Président, si on considère l'importance relative du prochain projet de loi à l'ordre du jour pour la population canadienne, mais ceux qui ont refusé le consentement unanime devront rendre compte à leurs électeurs et à la population du Canada et leur dire pourquoi ils estiment qu'une heure de débat sur la Loi sur les jeunes contrevenants c'est trop.

Compte tenu donc de l'importance de ce projet de loi, je demande s'il y a consentement unanime à ce que la Chambre adopte le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture et le renvoie au Comité de la Justice pour une étude plus approfondie.

[Français]

Le vice-président: Est-ce qu'il y a consentement unanime des députés?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

3742

Le vice-président: Encore une fois, je dois indiquer aux députés qu'il n'y a pas consentement unanime de la part des députés de ce côté-ci.

[Traduction]

M. Nunziata: J'invoque encore le Règlement, monsieur le Président. Les séparatistes devront expliquer au reste du Canada pourquoi ils ne veulent pas qu'il y ait de débat ni même de discussion sur ce projet de loi.

Je demande donc s'il y a consentement unanime non pas à ce que le projet de loi soit adopté à l'étape de la deuxième lecture, mais à ce que l'objet de la Loi sur les jeunes contrevenants soit renvoyé au comité pour que celui-ci puisse en discuter.

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime à ce que l'objet du projet de loi soit renvoyé au comtié?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Encore une fois, il n'y a pas de consentement unanime.

La période réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. Conformément au paragraphe 96(1), cet article est rayé du Feuilleton.

_____________________________________________


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI SUR CERTAINS ACCORDS CONCERNANT L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 29 avril, de la motion: Que le projet de loi C-22, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité; ainsi que de l'amendement et du sous-amendement.

Mme Christiane Gagnon (Québec): Monsieur le Président, le gouvernement actuel pratique, de façon éhontée, la politique de deux poids, deux mesures. En effet, ce même gouvernement qui attaquait tout récemment les moins bien nantis de notre société s'apprête maintenant à protéger et dédommager des gens qui n'ont comme seul mérite que de garnir les coffres des deux grands partis politiques fédéraux.

C'est ce même gouvernement qui annonçait, il y a moins d'un mois, des coupures à l'accessibilité au programme d'assurance-chômage, projetant ainsi un grand nombre de travailleurs et travailleuses sur les rangs des prestataires d'aide sociale.

À l'inverse des sans-emploi, les lobbyistes et les directeurs de corporations bien branchées, eux aussi, aux partis politiques, ne peuvent encourir de pertes. On ne leur coupera certainement pas leurs prestations, rémunérations, compensations, il n'en est pas question. Leurs intérêts sont bien protégés, puisqu'ils sont directement reliés à ceux des finances des partis.

Les tractations entourant la privatisation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport Pearson constituent un exemple saisissant de politique avec un petit p dont l'histoire des gouvernements canadiens regorge, malheureusement, trop souvent. Les nombreux orateurs et oratrices qui sont déjà intervenus dans le débat ont tracé avec moult détails l'historique de cette saga. Je n'y reviendrai pas.

L'objet de mon propos d'aujourd'hui est de souligner l'odieux de toute l'histoire et de l'attitude des deux gouvernements qui se sont succédé dans ce dossier.

(1205)

Qu'on pense tout d'abord à la manière dont on a sollicité les soumissions pour la privatisation. Un délai de 90 jours est absolument anormal pour un contrat d'une telle envergure. Quelqu'un au sein de l'administration fédérale a-t-il protesté? Que non! On était en famille et on entendait bien y rester.

Le résultat est bien connu. Les seuls soumissionnaires ont été Paxport et Claridge Corporation. Le rapport Nixon est d'ailleurs très éloquent à ce sujet. Bien que le passage en question soit assez long, il mérite d'être lu et relu, et je cite:

Comme la demande de proposition ne comportait qu'une seule phrase et obligeait leurs auteurs à présenter leurs offres, le tout dans un délai de 90 jours, l'un d'entre eux s'est trouvé fortement avantagé, à mon avis, du fait qu'il avait déjà une proposition pour la privatisation et l'aménagement des aérogares 1 et 2. Les autres sociétés de gestion et de construction qui n'avaient pas trempé dans le magouillage antérieur à la demande de propositions, n'avaient alors aucune chance de faire assez vite pour préparer leur avenir dans les brefs délais impartis.
La gagnante, on le sait, fut Paxport, même si elle était aux prises avec de graves problèmes financiers, d'où une autre question qu'il faut soulever à nouveau. Comment le gouvernement a-t-il pu accorder un contrat d'une telle importance à une compagnie dont il n'avait pas vérifié les états financiers? Pouvons-nous nous imaginer un seul instant qu'une personne sur le chômage qui veut mettre sur pied une petite entreprise se verrait accorder une subvention, un prêt ou un contrat, sans avoir à faire preuve de sa rentabilité?

Poser la question, c'est y répondre. Jamais, au grand jamais, une telle situation ne pourrait se présenter. On invoquerait l'obligation de gérer sainement les fonds publics. La politique des deux poids deux mesures, encore et toujours. Si on est riche et près du pouvoir, les critères habituels ne s'appliquent tout simplement pas, ou très peu.

Une autre inconnue dans cette histoire est le rôle joué par les lobbyistes pour l'obtention des contrats. On sait que la Loi concernant l'enregistrement des lobbyistes a été adoptée par le gouvernement conservateur, en 1988, et est entrée en vigueur en septembre 1989. Il est intéressant de s'arrêter un bref moment aux principes de base qui ont sous-tendu l'adoption de la loi. Ils sont au nombre de trois.

L'accessibilité, qui veut que le public possède le droit de faire connaître ses vues et de jouir d'un libre accès au gouvernement; deuxièmement, la transparence, qui veut que les activités auprès des gouvernements devraient être claires et transparentes; la troisième, la simplicité qui veut que l'administration du système d'enregistrement doit être simple. À ces fins, les lobbyistes doivent s'enregistrer auprès du directeur, suivant l'une ou l'autre de ces catégories créées par la loi. Théoriquement, il n'y a pas plus simple.


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Je suis une lobbyiste, je m'enregistre auprès du directeur et toute personne qui consulte le registre saura que j'oeuvre à titre de lobbyiste. En fonction de la catégorie dont je fais partie, les renseignements sur mes activités seront plus ou moins élaborés. De nombreux problèmes ont déjà été identifiés concernant l'application de la loi, mais il n'en reste pas moins que le noyau est valide.

Voyons maintenant le rôle des lobbyistes impliqués dans le dossier de l'aéroport Pearson et le traitement relevé à la loi. Trois personnages ont joué un rôle important et retiendront pour l'instant notre attention. Il s'agit de M. Donald Matthews, M. Hugh Riopelle et M. Patrick MacAdam. Le premier, M. Matthews, est président du groupe Matthews qui contrôle Paxport à 40 p. 100. M. Matthews fut, on le sait, président de la campagne d'investiture de Brian Mulroney en 1983. Il fut également président du Parti conservateur et président de campagnes de financement de ce même parti.

M. Riopelle, quant à lui, est l'ancien chef de Cabinet de l'ex-premier ministre conservateur Joe Clark. Il fut ensuite nommé à la tête de l'équipe de transition de la première ministre Kim Campbell. M. Riopelle fut engagé comme lobbyiste par le président de Paxport, à l'époque, Ray Hession.

Le troisième lobbysite est M. MacAdam. Ce dernier est un ami de M. Mulroney et près du Parti conservateur. Ces trois lobbyistes ont une caractéristique commune qui retient notre attention: ils ne sont jamais inscrits comme lobbyistes.

La loi ne doit-elle pas s'appliquer également à tous? Il semble bien que ça ne soit pas le cas pour les lobbyistes conservateurs. Qu'en est-il des lobbyistes libéraux? La question est ouverte. Nous croyons qu'il est tout indiqué d'étudier aussi de plus près les compagnies de lobby qui ont été impliquées dans les transactions de l'aéroport Pearson, et en voici quelques-unes. Au compte de Paxport, on rencontre la compagnie Government Business Consulting Group Inc., dont le président-directeur général est J.A. Fred Doucet. Or, surprise, M. Doucet est l'ancien chef de cabinet de M. Mulroney et conseiller senior de la campagne de Kim Campbell. Comme le monde est petit.

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La compagnie J.S.L. Consulting Services Limited est présidée par John Legate. M. Legate, en toute coïncidence, a été engagé comme lobbyiste par le président de Paxport, alors qu'il avait accès au cabinet conservateur via le ministre responsable de Toronto, à l'époque, Michael Wilson. On se rappellera que l'aéroport est situé dans cette ville.

Enfin, et non la moindre, mentionnons la société Atlantic Research Canada Inc. Son président, au début de la saga privatisation, était Ray Hession, le même qui présidait également la société Paxport. M. Hession était sous-ministre à Approvisionnements et Services du gouvernemet libéral de Pierre Elliot Trudeau. Une fois le contrat accordé à Paxport, il quitta la présidence pour y être remplacé par le fils de Don Matthews.

Pour Claridge Properties, le groupe Earnscliffe Strategy Group Inc., un des lobbyistes, est représenté par William J. Fox. Ce dernier est un ancien attaché politique et ami personnel de Brian Mulroney.

Chez Near Consultants and Associates Limited, on trouve M. Harry Near, qui est également impliqué dans le groupe Earnscliffe. M. Near milite depuis longtemps au Parti conservateur.

Nul besoin de continuer cette litanie de noms et de compagnies, la conclusion est claire et évidente: tous les acteurs étaient interreliés les uns aux autres et aux deux partis politiques fédéraux qui se sont succédé au pouvoir.

D'autres interrogations se posent: Qui, plus précisément, ces gens et ces compagnies représentent-ils? Qui sont ces administrateurs nommés des diverses compagnies impliquées? Il faut faire la lumière. Ces personnages ont été très influents auprès des décideurs politiques, à tel point que le gouvernement précédent passait outre à un important principe parlementaire qui veut qu'un gouvernement en fin de régime ne prenne aucune décision susceptible de mettre en péril le pouvoir décisionnel d'un prochain gouvernement.

Ils ont été influents à un tel point que le gouvernement libéral déposait, le 13 avril 1994, le projet de loi C-22 qui fait aujourd'hui l'objet des débats. Par le biais de cette mesure législative, on veut permettre au gouvernement de verser à des sociétés, dont la principale bénéficiaire serait la société en commandite T1 T2, des sommes importantes reliées à l'annulation de l'entente. Leur influence est telle que ce gouvernement nous demande d'entériner une autre transaction dont les bénéficiaires seront des corporations liées aux deux partis traditionnels. Leur influence est telle que ce gouvernement nous demande d'oublier que toutes les transactions entre les sociétés et le ministère des Transports ont été faites en flagrante contradiction avec les politiques gouvernementales en vigueur. Leur influence est telle que le gouvernement nous demande d'oublier que ces politiques avaient pour but de favoriser la commercialisation des aéroports, leur contribution au développement économique et leur sensibilisation aux préoccupations et aux intérêts locaux.

Nous voulons savoir quelle économie on voulait développer. Nous voulons savoir quelles préoccupations et intérêts locaux ont été servis par ces ententes. Nous voulons savoir qui en a retiré des bénéfices: les contribuables, les communautés locales ou les corporations.

Ces questions révèlent la transparence des affaires gouvernementales et l'accessibilité du public aux renseignements sur ces dernières. On se rappellera que ce sont ces principes qui sont visés par la loi, et que les lobbyistes se doivent de respecter.

Le tableau que nous venons de brosser nous renvoie la vision d'un groupe de personnages influents, bien branchés et liés aux


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partis politiques, qui peuvent influencer à leur avantage financier les décisions gouvernementales.

Nous avons beaucoup de questions et très peu de réponses. Or, nous savons tous et toutes qu'un processus décisionnel doit d'abord passer par l'étape nécessaire des réponses aux questions.

Les contribuables canadiens et québécois ont besoin d'éclairage dans ce dossier, et ils ont besoin d'un éclairage intense et lumineux. C'est pourquoi le Bloc québécois requiert la mise sur pied d'une commission royale d'enquête sur cette question.

M. Michel Daviault (Ahuntsic): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir en cette Chambre sur le projet de loi C-22.

J'aimerais rappeler la chronologie des événements clés qui ont présidé à l'élaboration de ce contrat de privatisation, mais puisqu'il y a tellement de détails, de détours et de manoeuvres suspectes dans cette transaction et puisque d'autres collègues l'ont déjà fait avant moi à maintes reprises, je mettrai plutôt l'accent sur quelques aspects de ce projet qui mettent en cause la prétendue transparence de ce gouvernement dans tout ce dossier.

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Ce gouvernement fait miroiter au peuple canadien les attraits de la consultation populaire, mais en réalité toutes ces prétendues séances de consultation, ces exercices de séduction populaire ne sont que des mirages, car lorsque ces artifices de transparence placent le gouvernement sur la défensive, alors il proclame sans ambages qu'il a été élu pour prendre des décisions et c'est ce qu'il fait. Mais à jouer les apprentis sorciers, ce gouvernement de gérants d'estrade, comme le qualifiait le premier ministre libéral Daniel Johnson, nous mènera directement au chaos social. La population n'est pas dupe.

Qu'est-ce qui différencie ce gouvernement de l'ancien gouvernement conservateur? Rien, sinon peut-être la couleur de son carnet de route. Un gouvernement centralisateur, faut-il encore le rappeler, un gouvernement qui n'hésite pas à maintenir les dédoublements et les chevauchements; un gouvernement qui continue à envahir les champs de juridiction provinciale en occupant tout simplement unilatéralement le terrain. Où est la transparence? Ne voit-on pas se dessiner une ligne directrice entre les récentes querelles Ottawa-Québec sur la formation de la main-d'oeuvre, le programme de formation jeunesse, les subventions fédérales en éducation, la réforme des programmes sociaux, les brevets pharmaceutiques, la téléphonie, la câblodistribution. Tous ces dossiers ne démontrent-ils pas l'évidence des visées centralisatrices d'Ottawa? Où est la transparence?

Sur le projet de loi C-22, je citerai à nouveau les propos du journaliste Greg Weston du Ottawa Citizen dans sa rubrique du 9 mars dernier. M. Weston écrivait:

Les libéraux ont accompli leur remarquable exploit de transformer un contrat hautement suspect et secret des conservateurs, en un processus d'annulation hautement suspect et secret des libéraux. Une enquête secrète, suivie des négociations en cours, en vue d'établir le montant des dédommagements.
Voilà, tout est là fort bien résumé. Il m'apparaît évident que l'article 10(1) ouvre la porte à l'arbitraire, et que l'autorisation accordée au ministre de fixer des dédommagements constitue un pouvoir discrétionnaire dont ce gouvernement ne devrait pas se prévaloir, s'il désire vraiment gouverner avec transparence et crédibilité; car ce gouvernement libéral n'est pas à l'abri du patronage, surtout lorsqu'on jette un coup d'oeil rapide sur les amis du parti qui sont mêlés de près ou de loin à ce scandale. C'est pourquoi nous réclamons une commission d'enquête publique.

Les circonstances de la signature à la hâte du contrat de réaménagement de l'aéroport Pearson sont extrêmement troublantes, mais plus troublante encore est l'attitude de ce gouvernement qui lui aussi veut agir à la hâte en désignant un ancien ministre libéral, M. Bob Nixon, pour mener une enquête à huis clos.

Dans l'octroi de ce contrat, quel a été le rôle du sénateur libéral Léo Kolber, ancien membre du conseil d'administration de Claridge Properties Inc, groupe étroitement lié au Parti libéral du Canada, et celui de Herb Metcalfe, lobbyiste libéral du groupe Capital Hill, représentant de Claridge Properties et ancien organisateur de l'actuel premier ministre? Quel a été le rôle de Ramsey Withers, lobbyiste libéral, ayant des liens connus avec l'actuel premier ministre et ancien sous-ministre des Transports durant le processus d'appel d'offres concernant l'aéogare no 3 de l'aéroport Pearson?

Quel a été le rôle de Ray Hession, ex-sous-minstre de l'Industrie et haut fonctionnaire à Approvisionnements et Services, là où les contrats étaient octroyés? M. Hession était président de Paxport Inc. et a engagé une batterie de lobbyistes tels Bill Neville, très près de MM. Mulroney et Clark, de Mme Campbell, M. Hugh Riopelle ancien «PR», représentant d'Air Canada, ayant accès à M. Don Mazankowski, homme fort du Cabinet Mulroney, M. John Legate, un proche de Michael Wilson, etc. Quel bourbier!

Y a-t-il eu entente entre le premier ministre actuel et M. Charles Bronfman, propriétaire de la société Claridge Properties et partenaire principal de la Pearson Development Corporation, lors de ce fameux dîner entre amis à 1 000 $ le couvert, durant la campagne électorale? Seuls des enquêteurs, indépendants du pouvoir politique actuel et passé, pourraient contraindre les gens impliqués à tout mettre sur la table, pas une timide enquête maison tenue en privé et sans pouvoir judiciaire.

Monsieur Nixon constate lui-même que le rôle des lobbyistes dans ce dossier dépasse les normes accceptables. Ainsi, l'appel d'offres de 90 jours est étonnamment court. N'oublions pas que ce contrat était de très grande durée, 57 ans, et d'une très grande complexité, ce qui a eu pour effet d'empêcher plusieurs groupes de présenter une soumission valable. Or, voilà, comme par hasard, Claridge et Paxport, déjà impliquées dans l'administration de l'aéroport, ont pu, elles, présenter des soumissions qui, d'ailleurs, furent les seules retenues. Maintenant, une seule société aurait le contrôle direct des trois aérogares, et ce en dépit du fait que le gouvernement d'alors considérait que la concurrence devait être un des principaux facteurs dans la privatisation des aérogares 1 et 2. On reconnaît maintenant le monopole qui se dessinait.


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(1220)

Enfin, monsieur le Président, la liste des irrégularités est fort longue et c'est pourquoi nous réclamons une enquête publique, enquête que les libéraux s'obstinent à refuser. Le gouvernement libéral actuel, dans sa grande transparence, veut annuler le contrat. Mais il se garde un pouvoir discrétionnaire, à l'article 10, pour dédommager, «s'il le juge à propos», certains amis du régime ou bailleurs de fonds de la caise du parti qui auraient pu tremper dans ce scandale. Car, comme l'a dit le chef de l'opposition, «ce dossier fourmille de lobbyistes, des gens qui trafiquent dans les corridors du pouvoir des deux grands partis».

Actuellement, M. Bob Wright, ami de notre très honorable premier ministre, négocie très fort et en privé lui aussi, en vue de déterminer le montant des dédommagements à accorder, à on ne sait trop qui.

En fait, on ne nous offre à connaître que la partie visible de l'iceberg, et on nous demande, un peu facilement, s'il ne serait pas plus sage d'oublier tout cela, par souci d'économie, dit-on.

Le député libéral de York-Sud-Weston déclarait de son côté, mardi en cette Chambre, que les dédommagements de la Pearson Development Corporation pourraient atteindre près de 200 millions de dollars.

Monsieur Bronfman et le consortium qu'il dirige, des amis du parti libéral, ont déjà présenté une réclamation de 30 à 35 millions de dollars pour leurs frais non remboursables. Ceci mis à part les déductions fiscales qu'ils pourraient réclamer à Revenu Canada, pénalisant ainsi les contribuables canadiens.

Le député de Thunder Bay déclarait en outre dans cette Chambre:

Il ne convient pas de songer à verser une compensation uniquement à la Pearson Development Corporation pour ses débours. Nous devons tenir compte aussi des dépenses de tous ceux qui ont consacré beaucoup de temps et d'argent pour présenter des propositions.
Et ce, en dépit du fait que tous ces gens savaient très bien ce qu'ils faisaient puisque le premier ministre actuel avait déjà annoncé qu'il annulerait le contrat.

Les faits mis à jour par une enquête publique permettraient au gouvernement de légiférer pour que ne se reproduisent plus de tels systèmes de patronage. Alors, je vous demande: Qu'est-ce qui est le plus économique? Une enquête publique, et non pas une étude et des négociations privées, ou plutôt des indemnisations accordées à ceux qui financent les partis politiques canadiens?

On pourrait parler du financement des partis politiques, mais on y reviendra. Le député de Thunder Bay-Nipigon, prétend de plus qu'une commission royale coûterait trop cher et qu'elle constituerait une perte de temps sur «quelque chose que nous savons déjà». Peut-être que nos collègues d'en face en savent plus que nous sur ce contrat.

Comme le souligne M. Nixon lui-même dans son rapport d'enquête privée:

La non-divulgation de l'identité complète des parties à cet accord et d'autres importantes dispositions du contrat éveillent inévitablement la méfiance du public. À mon avis, quand le gouvernement du Canada propose de privatiser un bien public, la transparence devrait être de mise.
Monsieur Nixon ajoute encore:

Mon examen m'a mené à une seule conclusion. Valider un contrat inadéquat comme celui-là, qui a été conclu de façon si irrégulière et, possiblement, après manipulation politique, serait inacceptable.

Avec de pareils propos on ne peut justifier d'indemniser des gens ou des entreprises qui ont tenté de profiter de ces irrégularités.

La transparence et la crédibilité d'un gouvernement ont-elles un prix? Ces valeurs démocratiques que nous voulons maintenir sont-elles une perte de temps?

C'est pourquoi nous insistons pour qu'une enquête publique et indépendante soit mise sur pied, pour que le gouvernement fasse toute la lumière sur ces tristes événements.

Nous dénonçons une telle tentative et ce projet de loi.

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, je m'en voudrais de ne pas m'exprimer sur le projet de loi en cours qui démontre bien, de toute façon, le vrai visage des gens en face de nous. Il faut se rappeler l'engagement pris par le premier ministre, durant la campagne électorale, d'abolir ce contrat-là et de faire la lumière sur des enjeux de couloirs politiques. Pris probablement dans un espace médiatique de fin de campagne, il s'est emporté et est peut-être allé un peu trop loin.

(1225)

Ces amis le lui ont rappelé, ces mêmes amis qui paient 1 000 $ le couvert pour aller lui chuchoter des mots à l'oreille. Ces amis lui ont seulement dit: «Il faudrait faire attention, on a encouru des frais là-dedans.» Et là, aujourd'hui, on a un portrait plus complet où maintenant, on va pouvoir les dédommager en adoptant cela ici, au Parlement, et on veut même passer cela assez rapidement. Heureusement, il y en a qui veillaient au grain et qui se sont aperçus de cela. Maintenant, on peut dénoncer cela haut et fort.

Il y a deux objectifs là-dedans. Le premier, comme je l'ai dit, vise effectivement à annuler le contrat qui était rempli d'anormalités, et cela, c'est correct. Mais, maintenant, les mécanismes de compensation qui se feront, encore une fois, en coulisses, sont peut-être beaucoup plus douteux.

Dès son arrivée au pouvoir, ce gouvernement avait fait de la transparence un de ses enjeux majeurs. Il avait aussi pris un certain nombre de décisions. Faisons un bref bilan des décisions majeures qu'il a prises depuis son arrivée: il a annulé le contrat des hélicoptères, il a annulé le contrat de l'aéroport Pearson et il a proposé le programme d'infrastructures. Il s'agit de trois dossiers, mais depuis, il n'y a eu à peu près rien, sauf pour un budget et un mauvais budget, en plus. Depuis ce temps-là, c'est la routine, le quotidien seulement. Maintenant, dans les trois dossiers qui, apparemment, avaient une note positive pour le gou-


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vernement, on en trouve un où on peut peut-être baisser la note, et on se demande même s'il atteint la note de passage. On peut fortement en douter.

Cela m'agace d'entendre parler de transparence. Un peu plus et chacun des députés libéraux se promèneraient avec une bouteille de M. Net, tellement ils en font un enjeu majeur. Mais quand vient le temps de le mettre en pratique, plus rien, on oublie cela; les députés deviennent tout à coup muets. On n'en parle plus. On ne cherche pas à vraiment faire la lumière. On ne cherche par à trouver les causes d'un problème. On ne cherche pas à éviter que cela se reproduise dans l'avenir. Mais non, maintenant, on est au pouvoir. Il ne faudrait pas qu'on s'en aperçoive. Il ne faudrait pas que le public voit ce qu'on a envie de faire dans l'avenir.

C'est terrible. Faisons un petit retour sur ce processus de privatisation et parlons des entreprises impliquées, Paxport et Claridge. Lorsqu'on regarde qui se trouve dans ces entreprises-là-et ici, je ne ferai pas l'énumération, mes collègues l'ont fait-mais c'est un spectacle peu élogieux. Tous ces gens-là, reliés de très près au gouvernement fédéral, ont utilisé leur influence pour déplacer des gens de postes pour s'assurer d'arriver à leurs fins.

De ces gens-là, plusieurs vivent encore, et ils ne sont pas tellement loin de la machine encore aujourd'hui. Comment peut-on avoir confiance en ce gouvernement, alors que plusieurs de ces gens-là sont leurs amis et continuent d'être dans l'entourage. On refuse d'entreprendre une enquête qui blâmerait publiquement ces gens qui peuvent être associés à leur parti politique.

On ne veut pas aller dans ce sens-là, cela serait beaucoup trop dangereux. Le rapport Nixon, dans le court laps de temps qu'il a eu, a tenté de faire un peu de lumière sur ceci, suffisamment pour nous dire que, effectivement, il fallait annuler ce contrat. C'était une évidence seulement à la lecture de quelques articles de presse bien faits durant la fin de la campagne électorale et durant les moments qui entouraient les points forts, l'annonce d'une entente pour la privatisation de l'aéroport. On savait déjà qu'il y avait des choses qui n'allaient pas.

En campagne électorale, on avait donné l'impression qu'il ne s'agissait que d'amis conservateurs et on a blâmé l'ancien gouvernement. Maintenant, on découvre-et on l'avait découvert aussi avant-que c'est plein de libéraux, aussi, autour de cela. Quand l'intérêt économique devient important, ces gens-là n'ont plus beaucoup de conviction politique. Ils sont prêts à s'associer à n'importe qui et à n'importe quel prix.

Aujourd'hui, dans ce projet de loi, il y a quelque chose d'intéressant. On va pouvoir cibler, de façon très pointue, qui on veut compenser, et s'assurer qu'on compense seulement les bons amis. C'est encore plus merveilleux. Quel bel outil politique.

Ce genre d'attitude décourage profondément la population. Cela démontre beaucoup de cynisme face à la classe politique, face à la façon de gérer les fonds publics. Et là, on aurait une occasion idéale de faire la lumière sur un exemple de dossier majeur, où des gens ont utilisé leur influence, où le lobby a été beaucoup trop intensif, beaucoup trop influent surtout. Mais, non, on va attendre. On va attendre quoi? Cela, on se le demande.

Il y a quelques citations du fameux livre rouge que j'aimerais mentionner. Ce gouvernement nous avait dit qu'il contrôlerait l'activité des lobbyistes à son arrivée au pouvoir. Il faut croire que des choses prennent beaucoup plus de temps que d'autres à se faire, mais je vous cite ceci:

Nous rédigerons un code de déontologie à l'intention des ministres, des sénateurs et des députés, des personnages politiques et des fonctionnaires pour bien encadrer leur rapport avec des groupes de pression.
Un peu plus loin:

Nous désignerons un conseiller indépendant pour émettre des avis à l'intention des titulaires de charge publique et des groupes de pression sur l'application du code de déontologie. Le conseiller sera nommé après concertation avec les chefs de tous les partis représentés à la Chambre des communes.
(1230)

Probablement qu'à ce moment-là, on était loin de se douter que le chef de l'opposition officielle serait un député du Bloc québécois. Il est possible que cela les énerve un peu. Mais il y avait des voeux intéressants là-dedans. Maintenant qu'on est au pouvoir, c'est autre chose. Ces gens-là ont été longtemps dans l'opposition. Ils ont eu beaucoup de temps pour se préparer. Un parti qui était dans l'opposition depuis 1984 aurait eu le temps d'arriver avec beaucoup de choses à mettre sur la table. Les gens apprécieraient qu'il le fasse. Mais non, maintenant on a tendu le bâton aux lobbyistes: «On va vous faire peur, on va vous faire quelque chose». Donc, ces gens-là doivent être très gentils avec le gouvernement présentement. Les coffres doivent se remplir assez facilement. On doit vouloir éviter cette législation-là à tout prix ou prendre assez de temps pour s'assurer qu'elle aura le moins d'effets possibles.

Dans le fameux projet de loi qu'on a présentement sous les yeux, ce qui choque le plus, c'est l'article 9 mais surtout l'article 10 qui le suit. L'article 9 dit qu'il n'y aura pas de compensation pour les parties impliquées. Je dirai rapidement que les articles 1 à 8 visent surtout à s'assurer que le gouvernement ne fera pas l'objet de poursuites. À l'article 9: pas de compensation-le gouvernement souhaiterait peut-être que les gens se découragent après la lecture de cet article. L'article 10 dit: «Sous réserve de l'autorisation du gouverneur en conseil» Maintenant, le ministre pourra faire des compensations, mais pas pour les frais qui auront été encourus pour payer des lobbyistes. C'est la moindre des choses car ces frais sont déjà déductibles pour l'impôt. Si en plus il fallait les compenser autrement, cela aurait été aucune dépense pour le gouvernement. Ces gens-là voient comme un investissement le fait de payer des lobbyistes. Eh bien, ils doivent en payer le prix quelque part.

Ce n'est rien pour nous rassurer de savoir que c'est le conseil des ministres qui aura ce pouvoir-là, dans l'obscurité, de verser des compensations qui atteindront quel montant? Qui sait? Qui le saura? Le saurons-nous un jour? Cela reste à voir. Pourtant, un objectif de transparence viserait à faire la lumière sur le dossier, mais en plus s'il y a des compensations qui devraient être versées, que les gens aient accès à cette information-là beaucoup plus facilement. Au moins, que certains parlementaires, un certain nombre, puissent se pencher là-dessus. Mais non, la transparence, c'est pour plus tard.


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Avant de terminer-mon collègue veut que j'aille rapidement-je m'en voudrais de ne pas mentionner une des sources réelles du problème actuel, c'est-à-dire le financement des partis politiques. Je nous exclus, parce que nous nous sommes soumis à des contraintes beaucoup plus sévères. Mais lorsqu'on est financé par des gens qui ont des intérêts corporatifs très prédominants, lorsqu'on accepte le financement de ces corporations et que c'est même une des sources principales de son financement, on est soumis à cette pression-là. Les gens qui contribuent à des partis politiques exercent un certain contrôle.

Personnellement, je préfère de beaucoup que ce soit une base militante à coups de petits dons qui puisse exercer ce pouvoir-là plutôt que des gens qui le fassent à coups de grands dons, qui sont dans le domaine des affaires et qui essaient d'être très près du gouvernement via ces dons-là. Je pense que c'est là une contrainte de laquelle le gouvernement devrait se libérer. S'il est sérieux lorsqu'il parle de transparence, il a un modèle à la portée de la main. Le Québec a déjà une législation qui peut-être n'est pas totalement parfaite, mais qui est déjà beaucoup plus adéquate que ce qu'il y a ici et on pourrait s'en servir comme base pour travailler. Mais non! On refuse de regarder cela. Pourquoi? Parce que maintenant qu'on est au pouvoir, on veut profiter de la manne. On a neuf années de disette à récupérer maintenant. Il faut en profiter un peu. Peut-être même qu'on songera un peu plus tard à faire quelque chose pour contenter le public, mais rien de substantiel. En conclusion, s'il y a un héritage que j'aimerais léguer avant de quitter le régime fédéral, c'est bien de pouvoir laisser aux Canadiens une loi sur le financement des partis politiques qui s'assurerait d'avoir des élus beaucoup plus près des gens, dans un système beaucoup plus transparent, mais pour vrai, cette fois-là.

(1235)

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, le projet de loi C-22 dont nous parlons aujourd'hui est un projet de loi assez particulier. Il s'agit d'un projet de loi dont le texte vise des accords qui découlent de la demande de proposition en vue du réaménagement des aérogares à l'aéroport Lester B. Pearson et des négociations qui ont suivi.

Ce projet de loi déclare ces accords comme n'étant pas entrés en vigueur et comme n'ayant aucun effet juridique. De plus, ce projet de loi empêche d'intenter certaines actions ou autres procédures contre Sa Majesté du chef du Canada à l'égard des accords.

Ce projet de loi est extrêmement sérieux. Effectivement, le gouvernement précédent a conclu un contrat avec des corporations, et il s'agit maintenant de renier ce contrat avec ces corporations en prétendant qu'il n'a jamais eu lieu.

Pourquoi? Je demontrerai tantôt que la démarche qui a été suivie a été entachée d'un certain nombre d'irrégularités et que, effectivement, il y a tout lieu de ne pas donner suite à de telles propositions au contrat.

Le même projet de loi autorise aussi le ministre, avec l'approbation du gouverneur en conseil, à conclure des ententes en vue du versement de sommes liées à l'application du texte. Cette deuxième partie paraît convenante pour s'assurer que des personnes ou des corporations qui auraient été lésées puissent être convenablement dédommagées à la suite de l'annulation du contrat dont il est question.

Or, si d'une part il semble que ce soit convenant d'agir ainsi, d'autre part, le texte de la loi nous laisse perplexe, et certaines autres connexions que l'on peut faire entre divers événements nous laissent également perplexes, et je tenterai de démontrer qu'il y a lieu, à cause de ces éléments qui risquent de laisser dans l'opinion publique un arrière-goût amer, d'aller plus avant dans le déroulement de ce qui s'est produit antérieurement à la négociation et à la conclusion des ententes et dans le déroulement de ce qui se produit maintenant.

Pour bien situer le texte de la loi, à l'article 3, on déclare que les accords, que l'on sait avoir été conclus:

ne sont pas entrés en vigueur et n'ont aucun effet juridique.
De plus, l'article 4 stipule:

4. Il demeure entendu que sont déclarés inexistants (. . .) tous les engagements, droits, titres, intérêts, domaines et obligations prévus par les accords, ainsi que la responsabilité qui y est liée.
Le texte du projet de loi ajoute, à l'article 9:

9. Nul ne peut obtenir d'indemenité contre Sa Majesté en raison de l'application de la présente loi.
Jusque-là, on pourrait se réjouir de cette loi, mais ce qui gâche un peu la sauce, c'est l'article 10:

10. (1) Sous réserve de l'autorisation du gouverneur en conseil, le ministre peut, s'il le juge à propos,
s'il le juge à propos

...conclure au nom de Sa Majesté des ententes en vue du versement des sommes qu'il estime indiquées en raison de l'application de la présente loi, sous réserve des conditions
-et on répète à nouveau-

qu'il estime indiquées.
Je ne me permettrai pas de douter du bon jugement du ministre ni non plus du gouverneur en conseil. Cependant, j'aimerais me référer maintenant, pour étayer les doutes dont j'ai manifesté la présence dans le fond de mon coeur il y a quelques instants, et vous citer quelques passages du rapport de M. Robert Nixon, dont les services avaient été retenus par le premier ministre de cette législature, le 28 octobre dernier. Le rapport de M. Nixon a été déposé un mois plus tard, le 29 novembre. Qu'est-ce que ce rapport nous dit? Je cite M. Nixon:

Avant la signature de l'accord juridique, le chef de l'opposition (l'actuel premier ministre) affirma clairement que, si les parties à cette transaction décidaient de la conclure, elles le feraient à leurs propres risques et que le futur gouvernement n'hésiterait pas à adopter une loi pour bloquer la privatisation des aérogares 1 et 2, si la transaction allait à l'encontre de l'intérêt public.
(1240)

Or, le rapport de M. Nixon poursuit: «Le 7 octobre 1993, le négociateur en chef du gouvernement du Canada reçut des directives écrites précisant que le premier ministre-on devrait peut-être dire la première ministre, puisque c'était le cas à ce moment-là-avait demandé expressément que la transaction soit


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faite le jour même. Ce jour-là fut donc conclu cet accord prévoyant la privatisation et le réaménagement des aérogares 1 et 2.»

Or, il ne s'agit pas d'un mince accord. En effet, lorsqu'on parle des aérogares 1 et 2, on parle d'une plaque tournante du transport aérien dans le pays. Effectivement, et je cite toujours le rapport Nixon:

D'après une étude de Transports Canada datant de 1987, l'aéroport Pearson a des retombées économiques directes de 4 milliards pour l'économie de l'Ontario et a donné directement ou indirectement de l'emploi à plus de 56 000 Ontariens. Il représente à tous points de vue plus que la somme de ses parties ou que le total de ses actifs et de ses passifs.
C'est un contrat dont la portée est énorme sur l'économie d'une région que de confier à des intérêts privés la gestion d'une aérogare de cette dimension, alors qu'on sait que depuis nombre d'années, les aéroports de la région de Montréal sont sous-alimentés. Il s'est créé, au centre du territoire canadien, une force d'attraction sur le trafic aérien qui est capable de rendre exsangues les autres aéroports majeurs du pays, et notamment ceux de la région de Montréal.

Pour combien d'années encore parle-t-on de voir ce contrat être conclu? Je cite toujours M. Nixon: «L'aérogare 3 sera louée à des intérêts privés et exploitée par ceux-ci pendant-j'étais pour dire 25 ans minimum, mais non, monsieur le Président-encore 57 ans.» Non seulement notre génération, non seulement nos enfants, mais les enfants de nos enfants seront sous le joug ou auraient été sous le joug d'un tel contrat, d'une telle entente. Encore, si cette entente avait cheminé normalement. Je cite toujours M. Nixon: «Comme la demande de propositions ne comportait qu'une seule phrase»-un cachier des charges qui ne contient qu'une seule phrase, monsieur le Président, c'est non seulement inusité, c'est extrêmement troublant-«et obligeait leurs auteurs à entreprendre la définition de projet et à présenter leurs offres, le tout dans un délai de 90 jours».

J'ai déjà été en affaires, j'ai déjà reçu des appels d'offres gouvernementaux, et croyez-moi, les cahiers de charge, c'est déjà un morceau de les lire tous. C'est épais, c'est dense, il faut porter attention. Ensuite, faire une proposition, faire une offre, c'est quelque chose également de complexe. La première de nos préoccupations, bien sûr, c'est de faire une offre qui ne nous mettra pas en faillite. Il faut offrir à bon prix, mais faire quand même un profit, parce que, de toute manière, si on ne fait pas de profit, on ne sera pas capable de livrer. Alors, faire une offre à bon prix et être en mesure de faire une profit, c'est la première chose.

La deuxième chose, c'est de s'assurer que l'offre que l'on fait va être compétitive avec les autres soumissionnaires et par conséquent, on ajuste le prix très finement de manière à avoir une bonne chance de remporter cette offre, et ensuite, d'obtenir le contrat.

(1245)

Mais, voyez-vous, monsieur le Président, lorsqu'on a 90 jours pour quelque chose d'aussi complexe, on se doute vraisemblablement qu'il n'y aura pas beaucoup de compétition, et par conséquent, le prix qui est soumissionné n'est sans doute pas celui qui aurait le mieux servi les intérêts du public, et je cite encore M. Nixon: «En résumé, je suis d'avis que le processus de privatisation et de réaménagement des aérogares 1 et 2 de Pearson est très loin de favoriser au plus haut point l'intérêt public.»

Or, tout ceci s'est fait sous l'administration conservatrice précédente. Voir ici les libéraux renier ce contrat, c'est très bien. Voir cependant la clause dont je faisais mention tout à l'heure à l'effet que le ministre peut accorder des indemnités, ça, c'est plus inquiétant, et c'est d'autant plus inquiétant que l'on sait que certains des acteurs importans dans l'affaire Pearson ont un lien avec le Parti libéral.

On va parler de Claridge Properties, société appartenant à M. Bronfman; on va parler de M. Colbert, de Claridge, qui recevait, à 1000 $ le couvert, M. Bronfman et l'actuel premier ministre. Je ne doute pas de la probité des députés et des ministres du Parti libéral. Ce que je dis, c'est qu'il y a apparence de conflit et pour le public canadien et pour le public québécois et pour le Bloc québécois et pour moi-même, cette apparence de conflit doit être éliminée, et la bonne façon de le faire, c'est d'avoir une commission d'enquête qui va faire toute la lumière sur le sujet.

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, ce contrat a libéré des odeurs de magouille et ce n'est, comme l'a dit le chef de l'opposition officielle, que par une commission royale qui fera la lumière sur toute cette question, que ces odeurs s'évanouiront.

Le public canadien et les citoyens de la région de Toronto ont droit à savoir la vérité et à être certains qu'il n'y aura pas de compensations indues pour ces contrats, qui avaient tout l'air de favoriser les amis et les amis au sens large des partis qui se sont échangés à tour de rôle le pouvoir.

Monsieur le Président, si le Bloc québécois, l'opposition officielle, propose une commission royale d'enquête, ce n'est pas pour ralentir les travaux qui doivent être effectués dans les deux aéroports, parce que-permettez-moi de vous le dire- la région de Montréal connaît les effets dévastateurs d'un climat d'incertitude qui entoure le développement des aéroports.

Je vais donc me permettre de rappeler, justement, les effets dévastateurs qui ont entouré le développement de ce qui est devenu les deux aéroports de Montréal et je vais souligner combien il sera urgent que Transports Canada et ensuite la Airport Authority de Toronto prennent la place et veillent au développement de Toronto, parce que son non-développement suffisant limite même les possibilités d'expansion d'autres aéroports, y compris celui de Montréal.

Mais, permettez-moi de rappeler que dans le domaine des aéroports, faire des prévisions de très longue durée risque d'être parfois périlleux. C'est au milieu des années 1960 que les autorités fédérales avaient cru bon de planifier la construction d'un deuxième aéroport à Montréal, soit Mirabel.

Les prévisions faites en 1967 pour les années 1980 laissaient entrevoir 14 millions de passagers pour 1985. Or, la réalité a été tout autre.

En 1985, pour Dorval et Mirabel combinés, le trafic passager a été de 7 millions, c'est-à-dire la moitié de ce qui avait été prévu initialement.


3749

(1250)

Or, on sait l'importance dramatique pour le développement d'une région d'infrastructures aéroportuaires efficaces. Pourquoi? Parce que c'est la porte d'entrée des investisseurs et c'est le point de départ vers l'extérieur des ressources matérielles et humaines. C'est donc un levier économique considérable.

Mon collègue a cité l'étude de Transports Canada sur Pearson qui date de 1987 et qui dit que Pearson a un effet économique direct de 4 milliards-mais c'était en 1987-sur l'économie de la province d'Ontario et est responsablle directement ou indirectement de 56 000 emplois. Or, à Montréal, on peut dire que si on ajoute non seulement les emplois directs et indirects, mais également les emplois induits, on totalise également 48 500 emplois. Ce développement économique lié aux aéroports est un développement qui tient non seulement au transport du fret, mais également au transport des passagers.

Je voudrais souligner que Toronto l'a échappé belle quand les autorités fédérales avaient décidé également de doter Toronto de deux aéroports situés à une distance respectable; le deuxième devait être situé à Pickering. Or, les protestations de la population de Pickering sont parvenues à convaincre les autorités fédérales de ne pas développer un deuxième aéroport et donc de développer à la place les deux aéroports Pearson et même, on l'a vu par la suite, un troisième sur un emplacement qui, lui, est facilement intégrable.

On peut dire que Toronto l'a échappé belle, mais ce n'est pas le cas de Montréal. Montréal, malgré toutes les protestations qu'on a faites à Mirabel, et on sait qu'on a exclu de la culture pendant de très nombreuses années parmi les meilleures terres arables de la région, Montréal, lui, s'est vu divisé entre deux aéréports qui, à eux deux, n'ont pas fait les prévisions qu'on avait pour un seul avant. Le gouvernement fédéral n'a pas tenu compte du désir ni des populations ni des sociétés aériennes, mais il faut souligner que les deux aéroports, s'ils avaient été liés par une liaison directe et rapide, auraient pu sans doute donner des résultats différents. Or, en 1975, on avait annoncé une liaison rapide au coût de 400 millions de dollars, ce qui n'a jamais été fait.

Toronto s'est donc développé pour diverses raisons et il est aujourd'hui en voie d'être un «hub» ou le principal «hub»-expression qui, je pense, est propre au milieu et qui dit que c'est une plaque tournante, un lieu vers lequel les compagnies comme les voyageurs sont intéressés.

Parce que Montréal a deux aéroports non reliés efficacement, Toronto a accentué son écart de 1969 à 1983, de 27 à 116 p. 100 au niveau des passagers. C'est extrêmement important. Les effets négatifs de l'inefficacité de Montréal se sont fait sentir non seulement sur le développement de l'aéroport, mais également sur le développement économique. Cependant, ce qui est grave, les autorités fédérales ont tardé à donner aux municipalités montréalaises, au milieu montréalais, la gestion de leur aéroport. Il faut qu'à Toronto, ce milieu, ces municipalités aient la gestion des aéroports rapidement.

(1255)

On peut penser que si le gouvernement fédéral mettait les investissements suffisants et à Toronto et à Montréal, on pourrait se retrouver avec deux hubs, un à Toronto, qui a un potentiel, et un autre à Montréal qui a un potentiel d'entrée pour l'est du pays.

Donc, cela me fait conclure que si on veut une commission royale d'enquête, ce n'est pas pour ralentir, parce qu'on sait les effets de l'incertitude sur le développement économique. Mais il nous semble absolument essentiel que cette magouille qui a entouré le développement des deux aéroports, et du troisième, soit dissoute, qu'elle s'évanouisse, et la seule façon de le faire, à notre avis, ce n'est pas avec un autre arrangement à la sauvette entre portes closes, mais c'est une commission royale d'enquête.

[Traduction]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Le vote porte sur le sous-amendement. Plaît-il à la Chambre d'adopter le sous-amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur du sous-amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: Convoquez les députés.

Après l'appel du timbre:

Le vice-président: Conformément à l'alinéa 45(5)a) du Règlement, le whip en chef de l'Opposition demande que le vote soit différé.

[Français]

En conséquence, conformément à l'article 45(5)a) du Règlement, le vote par appel nominal sur la question dont la Chambre est maintenant saisie est reporté à 15 heures demain, alors que le timbre se fera entendre pendant au plus 15 minutes.

M. Gagliano: Monsieur le Président, je pense que vous obtiendrez le consentement unanime, étant donné que demain est une journée d'opposition, pour que la période pendant laquelle le timbre sonnera demain à 15 heures soit reportée à la fin du débat sur la motion d'opposition, afin de ne pas pénaliser les partis d'opposition au cours de leur débat.

Le vice-président: Est-ce que tous les députés sont d'accord et donnent leur consentement unanime?

Des voix: D'accord.


3750

[Traduction]

LOI SUR LE RÈGLEMENT DE LA REVENDICATION TERRITORIALE DES DÉNÉS ET MÉTIS DU SAHTU

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 25 avril, de la motion: Que le projet de loi C-16, Loi approuvant, mettant en vigueur et déclarant valide l'entente conclue entre Sa Majesté la Reine du chef du Canada et les Dénés de Colville Lake, Déline, Fort Good Hope et Fort Norman, ainsi que les Métis de Fort Good Hope, Fort Norman et Norman Wells, représentés par le conseil tribal du Sahtu, et modifiant une autre loi, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Le vice-président: Lorsque le débat a été interrompu la dernière fois, il restait six minutes au député de Cariboo-Chilcotin. Je ne crois pas que le député soit ici. Je passe donc la parole au député de Skeena pour la reprise du débat.

(1300)

M. Mike Scott (Skeena): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour m'opposer au projet de loi C-16, également connu sous le nom d'Entente sur le règlement de la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu. Avant d'examiner les clauses de cette entente, je tiens à dire au sujet de l'important monde que forment les médias dans notre pays quelque chose qui, je crois, a fort besoin d'être dit.

Au cours du débat sur le projet de loi C-16, qui a commencé lundi dernier, le 25 avril, les députés de côté-ci de la Chambre ont fait part ouvertement et en toute honnêteté de leurs préoccupations au sujet de cette entente. Voilà qui marque un précédent, car c'est la première fois qu'est rompue la tradition des partis politiques de l'ancienne garde voulant que de telles questions ne soient pas débattues en public.

Tout cela, parce que les réformistes estiment que nous ne devons pas avoir peur de parler en toute franchise des revendications des autochtones au chapitre des territoires et de l'autonomie gouvernementale. À moins de tenir un tel débat, nous ne pouvons pas nous attendre à trouver des solutions valables aux défis que nous devons relever, en tant que nation.

Après le débat de lundi, j'ai parcouru avec empressement les journaux et écouté les bulletins de nouvelles, à la télévision, pour voir comment la question était traitée par les médias. Savez-vous ce que j'ai constaté, monsieur le Président? Que la presse l'avait totalement mise de côté. Il n'était question nulle part du projet de loi C-16.

Il est vrai que bon nombre de projets de loi qui sont débattus à la Chambre ne sont pas très intéressants ou ne méritent pas vraiment de faire parler d'eux aux nouvelles, mais ce n'est sûrement pas le cas du projet de loi C-16, qui cèdera pour toujours à 1 800 autochtones des avantages sur un territoire immense, dont la superficie correspond à 50 fois celle de l'Île-du-Prince-Édouard, à peu près au tiers de celle de la Colombie-Britannique.

Étant donné toutes les revendications territoriales non réglées,on penserait que la presse s'intéresserait à la question, jusqu'à un certain point. Il y a, dans ma circonscription, des personnes que la chose intéresse, et je suis certain qu'il y en a aussi en Colombie-Britannique et dans les autres régions du Canada. Comment se fait-il que le compte de dépenses d'un député ou l'aspect théâtral de la période des questions puissent faire la une des journaux pendant des jours et qu'une question qui a des répercussions, aussi importantes pour tous les Canadiens, autochtones et non-autochtones, laisse les médias dans la plus profonde indifférence?

J'en déduis que cette indifférence tient à la paresse ou à une entente tacite de ne pas traiter de façon sérieuse les questions qui n'iraient pas dans le sens du programme des libéraux qu'un grand nombre de médias importants de ce pays ont si bien accueilli et adopté sans réserve.

Cela dit, je voudrais parler des éléments de ce projet de loi que je désapprouve. Comme bon nombre de députés réformistes l'ont souligné à la Chambre, l'entente conclue avec les Dénés et les Métis du Sahtu constitue une cession massive de terres et d'avantages à un groupe se composant de moins de 1 800 personnes, dont la moitié sont des enfants.

Il est peu probable qu'il y ait beaucoup de protestations de la part des non-autochtones qui vivent sur les terres revendiquées, car ceux-ci sont très peu nombreux. Pourtant, ces terres sont importantes pour tous les Canadiens, car elles pourraient générer, dans l'avenir, une richesse énorme, de nombreux emplois et des recettes fiscales importantes. Ces possibilités seront sérieusement entravées par la conclusion de cette entente.

On ne peut s'empêcher d'être frappé par l'immense superficie des terres cédées. Plus de 42 kilomètres carrés par adulte en fief simple. Pendant ce temps-là, la grande majorité des Canadiens ne possèdent que leur propre terrain, celui sur lequel est bâtie leur maison, et passent la plus grande partie de leur vie active à payer leur hypothèque pour qu'ils puissent enfin posséder leur terrain en fief simple quand ils arriveront à la retraite.

Selon le recensement effectué par Statistique Canada en 1991, le Canada compte actuellement 21,5 millions d'adultes. Si le gouvernement cédait 42 kilomètres carrés de territoire à chacun de ces Canadiens adultes, il faudrait disposer d'une superficie d'environ un milliard de kilomètres carrés.

Étant donné que la superficie actuelle du Canada dépasse à peine neuf millions de kilomètres carrés, il faudrait posséder cent fois cette superficie pour remplir cette obligation.

Comme le taux de croissance démographique actuel dans le monde demeure élevé et que de nombreux pays ont une densité démographique de plusieurs centaines d'habitants au kilomètre carré, il serait impossible de céder autant de territoire.

Je demande aux autochtones de tenir compte de la situation actuelle. Des immigrants et des réfugiés de partout dans le monde continuent de venir s'établir au Canada. Les niveaux actuels d'immigration ne font peut-être pas l'unanimité, mais l'immigration elle-même a l'appui de tous les Canadiens et de tous les députés à la Chambre. L'immigration est un bienfait non seulement pour ceux qui viennent s'établir ici, mais également pour le reste de la population canadienne, tout comme la venue


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des Européens en Amérique du Nord, il y a de nombreuses années, a été bénéfique pour notre pays et pour les autochtones.

(1305)

Il faut reconnaître que la colonisation a créé beaucoup de souffrances et d'injustices pour ces derniers, et je crois que les Canadiens reconnaissent qu'il s'agit là d'une réalité incontournable de notre histoire. Or, quand j'examine l'aspect territorial de cette entente, elle m'apparaît, au mieux, comme un produit du XVllle siècle, alors que le XXe siècle tire à sa fin.

Outre qu'il céder a quelque 40 000 kilomètres carrés de territoire en fief simple, le gouvernement fédéral paiera environ 130 millions de dollars, au cours des quinze prochaines années, au conseil tribal du Sahtu. Cela représente plus de 130 000 $ pour chacun des adultes visés par l'entente.

Pour situer la question dans son contexte, si chaque Canadien recevait la même somme, le gouvernement devrait disposer de trois billions de dollars en banque pour pouvoir signer les chèques. Trois billions de dollars, c'est quatre fois plus que les 700 milliards de dollars auxquels s'élève la dette totale du Canada, c'est-à-dire la dette globale des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux.

En outre, même après ce transfert massif de terres et d'argent, rien dans l'accord n'interdit aux Dénés et aux Métis du Sahtu de bénéficier d'autres avantages dans le cadre des programmes destinés aux autochtones. Dans les entretiens que j'ai eus avec mes électeurs en ce qui concerne les revendications territoriales, j'ai entendu bien des opinions sur la façon d'aborder le dossier.

Un des thèmes qui revient le plus fréquemment à propos de cette affaire, c'est la finalité. La population veut être sûre que le règlement des revendications territoriales comporte des mesures visant la réduction systématique et la suppression progressive des programmes financés par les contribuables et que le gouvernement met à la disposition des autochtones. Cet accord n'atteint pas cet objectif.

J'aimerais maintenant toucher un mot des bénéficiaires des 130 millions de dollars versés au Conseil de bande du Sahtu. Seul un montant sera accordé à des particuliers sous forme de subventions uniques. La presque totalité des avantages que cet accord confère aux Dénés et aux Métis du Sahtu seront entre les mains des chefs, plutôt que d'être accordés aux particuliers.

Or, c'est bien connu, tous les gouvernements, y compris celui-ci, sont de mauvais gestionnaires des richesses et des ressources. C'est sûrement aussi l'avis de la plupart des Canadiens. Si j'étais un Déné ou un Métis du Sahtu, tout ce qu'il y a de plus ordinaire, j'aimerais beaucoup mieux toucher directement un avantage personnel que de voir cet argent et ces terres confiés aux mains d'un conseil de bande.

Je reçois constamment des autochtones qui vivent sur des réserves dans ma circonscription et qui viennent se plaindre des injustices qu'ils subissent de la part de leurs dirigeants. Ils me signalent des cas de népotisme, d'emplois réservés à la bande et d'autres à-côtés concédés à des parents ou à des amis de dirigeants autochtones, tandis que d'autres sont privés de tout.

C'est ainsi que tout gouvernement fonctionne. Si les députés en doutent encore, ils n'ont qu'à observer les agissements du gouvernement fédéral. C'est pour ces raisons que je crois à la valeur et à la dignité de l'individu par opposition à la collectivité, sans égard à la collectivité. Je préconise vivement les règlements de gouvernement à individu, et non de gouvernement à gouvernement.

Soit dit en passant, j'estime que la raison pour laquelle une majorité d'autochtones ont voté contre l'accord de Charlottetown, c'est que les gens ordinaires qui vivent dans les collectivités autochtones ont reconnu que l'autonomie gouvernementale n'était pas forcément dans leur intérêt, mais plutôt dans celui des dirigeants indiens. Ils savent que le pouvoir qui est détenu par une poignée de personnes est rarement une bonne chose. Il n'a pas été une bonne chose pour le Canada dans le cas de nos gouvernements fédéraux ou des gouvernements provinciaux et, en cette période où les institutions nationales luttent pour être plus près du peuple, pour briser les barrières de l'élitisme arrogant et politique, les autochtones du Canada ne désirent pas aller à contre-courant.

Par conséquent, avant que je ne puisse souscrire à toute mesure législative concernant l'autonomie gouvernementale ou le règlement des revendications territoriales, je voudrais que les autochtones intéressés puissent décider par référendum s'ils veulent l'autonomie gouvernementale et, dans le règlement des revendications territoriales, s'ils désirent que les fonds et les terres soient remis aux personnes ou aux dirigeants des bandes.

Ce qui me préoccupe au plus haut point au sujet de ce projet de loi, c'est qu'il crée un précédent pour les négociations de revendications territoriales à venir. L'entente des Dénés et des Métis du Sahtu, ainsi que celle du Nunavut et d'autres ententes conclues récemment dans le Nord font sans aucun doute l'objet d'un examen minutieux par les autochtones du reste du Canada, notamment de la Colombie-Britannique.

Il y a actuellement 38 revendications territoriales enregistrées en Colombie-Britannique, et d'autres suivront. Dans cette province, la première revendication territoriale que le gouvernement fédéral a accepté de négocier est celle du Nishga, qui est situé dans la circonscription de Skeena. Les négociations se poursuivent depuis maintenant quelque temps, à huis clos, donc, dans une tribune où mes électeurs n'ont aucune idée des terres et des ressources qui font l'objet des négociations. Lorsque mes électeurs se disent vivement inquiets d'être exclus du processus, les représentants du gouvernement leur disent de façon condescendante de ne pas s'inquiéter, car on agit dans leur intérêt. Ce sont en grande partie les mêmes personnes qui nous avaient affirmé que l'accord de Charlottetown était bon pour nous et que nous devrions nous prononcer en faveur de cette entente.

(1310)

On peut donc comprendre pourquoi les gens de ma circonscription doutent fort qu'on protège leurs intérêts. L'entente conclue avec les Dénés et les Métis du Sahtu n'apaisera pas leurs craintes, bien au contraire.

Si les Canadiens n'avaient pu se prononcer sur l'accord de Charlottetown dans le cadre d'un référendum, on nous l'aurait


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imposé, même si une majorité de Canadiens et presque 70 p. 100 des gens de la Colombie-Britannique le trouvaient inacceptable.

Il faut absolument que les gens de Skeena puissent voter sur le règlement proposé de revendications territoriales visant leur circonscription, afin que cet accord ne leur soit pas imposé d'en haut. Cela dit, permettez-moi de garantir aux Indiens qui pourraient nous écouter que les Canadiens sont tout à fait équitables et je suis persuadé qu'ils souscriront à tout règlement proposé qui serait juste et équitable.

Je voudrais vous lire une lettre que j'ai récemment envoyée au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et qui résume les préoccupations de mes électeurs relativement aux revendications territoriales:

Monsieur le Ministre,
Comme nous le savons tous deux, les négociations entre les Nishgas du nord-ouest de la Colombie-Britannique, le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Colombie-Britannique se poursuivent depuis un certain temps en vue de régler la revendication territoriale des Nishgas.
Les terres réclamées par les Nishgas se trouvent dans ma circonscription de Skeena et ainsi, cette question préoccupe beaucoup mes électeurs. Je reçois d'innombrables coups de téléphone, lettres et instances d'électeurs qui craignent les répercussions que pourrait avoir ce règlement sur eux.
Étant donné que l'économie, dans Skeena, repose sur le secteur primaire, la pêche, ainsi que l'exploitation forestière et minière, et que ces ressources sont liées de façon inextricable aux terres, dont les autochtones revendiquent la propriété, il est facile de voir pourquoi les gens sont inquiets.
Les négociations en cours sur les revendications territoriales se déroulent à huis clos, loin du regard du public, et cela ne fait qu'accroître les craintes et l'incertitude.
Je vous ai écrit plus tôt ce printemps au nom d'Andy Burton, maire de Stewart, qui souhaitait qu'on permette à un représentant de sa localité de faire partie de l'équipe de négociation. Cette requête a été rejetée.
Je vous écris donc aujourd'hui pour obtenir des renseignements détaillés et précis pouvant aider à rassurer mes électeurs.
1. Quel est le délai prévu pour le règlement de la revendication territoriale des Nishgas?
2. Quand un accord de principe devrait-il être signé?
3. Tous les Nishgas auront-ils le droit, à titre individuel, de voter pour accepter ou rejeter l'entente?
4. Les membres de la bande pourront-ils recevoir directement du gouvernement les sommes prévues par l'entente ou cet argent sera-t-il versé au Conseil de bande pour eux?
5. Les non-autochtones habitant la région touchée par la revendication territoriale auront-ils le droit, à titre individuel, de se prononcer pour ou contre l'entente?
6. Votre ministère a-t-il évalué les répercussions socio-économiques possibles du règlement de cette revendication territoriale sur les localités non autochtones avoisinantes? Dans l'affirmative, pourriez-vous me transmettre les chiffres à cet égard et dans la négative, êtes-vous prêt à vous engager à procéder à une évaluation de ce type avant de signer un accord?
7. Avez-vous songé à l'effet cumulatif possible que plus de 40 revendications territoriales pourraient avoir sur l'économie de la Colombie-Britannique?
8. Étant donné que la revendication territoriale des Nishgas est la première à être négociée en Colombie-Britannique et qu'elle établira non pas le plafond, mais le plancher des avantages accordés et des terres cédées, allez-vous vous engager à entreprendre une étude détaillée de l'effet cumulatif possible susmentionné?
9. Avez-vous étudié la question des impôts versés par les industries primaires établies dans la région et qui profitent directement à tous les Canadiens, et savez-vous dans quelle mesure ces derniers pourraient être touchés par le règlement de revendications territoriales?
10. Entendez-vous indemniser de façon équitable toutes les personnes autres que les Nishgas qui vont subir des préjudices économiques ou devront déménager ailleurs à la suite du règlement de cette revendication? Dans l'affirmative, pouvez-vous me donner des détails sur votre politique d'indemnisation? Je ne parle pas simplement des pêcheurs, des travailleurs forestiers ou des mineurs, mais également des milliers d'emplois dans les secteurs de la vente au détail et des services, ainsi que dans le secteur commercial qui dépendent de ces industries.
11. Les règlements en vigueur pour protéger et mettre en valeur nos ressources renouvelables s'appliquent-ils aux ressources cédées aux Nishgas?
Ces derniers auront-ils le droit de vendre des billes de bois aux fins d'exportation? Dans l'affirmative, quel pourcentage de leurs ressources forestières est visé par cette pratique?
Monsieur le Ministre, ce sont là des questions graves qui méritent une réponse et je suis persuadé que vous allez répondre à chacune d'entre elles de façon franche et détaillée.
(1315)

Ce que je voulais dire dans cette lettre, c'est que la question des revendications territoriales ne touche pas simplement les autochtones, mais également la façon dont nous allons continuer de fonctionner en tant que société sur les plans économique et politique. En définitive, nos besoins sont fondamentalement les mêmes, quelles que soient nos origines linguistiques, culturelles ou ethniques. Nous voulons avoir la possibilité de vivre et travailler dans un pays libre, dans une économie qui nous permet de nous nourrir, nous loger et nous vêtir décemment, d'éduquer nos enfants et de profiter des bienfaits de la technologie moderne pour améliorer notre mode de vie.

L'entente sur la revendication territoriale des Dénés et des Métis du Sahtu ne tient pas compte des intérêts à long terme de tous les Canadiens, y compris les autochtones concernés, et elle ne fait qu'inquiéter encore davantage mes électeurs relativement au règlement des revendications territoriales.

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir participer à un débat historique et qui, je crois, établira un précédent.

Tout d'abord, je crois que les libéraux profiteront de leur majorité pour faire adopter le projet de loi C-16, sans égard aux conséquences que cela pourra avoir pour les futures générations de Canadiens.

Deuxièmement, mes collègues et moi tenons à faire connaître notre opposition. Nous croyons que le projet de loi C-16 ne permettra pas de créer un Canada meilleur pour les Dénés et les Métis du Sahtu, ni pour aucun autre Canadien. Il ne prévoit rien qui assure des relations futures plus harmonieuses entre les Canadiens. Cet après-midi, je vais expliquer pourquoi je crois que cette entente n'atteindra pas son but.

L'entente permettra difficilement d'atteindre son objectif premier, qui est de «déterminer de façon certaine les droits de propriété et d'utilisation des terres et des ressources.» C'est clair


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que l'objectif est d'établir avec certitude les droits de propriété des Dénés et des Métis du Sahtu, appelés «participants» dans le texte de l'entente. Voyons quels sont ces droits.

Il s'agit d'un très petit groupe, qui compte 153 Métis, 829 Dénés et 773 enfants, pour un total de 1 775 personnes, soit un peu moins de 2 000. Toutefois, d'autres personnes pourraient éventuellement s'ajouter aux collectivités du Sahtu, si des habitants de la région visée ont des ancêtres autochtones et sont acceptés comme membres par une de ces collectivités.

Les conditions de l'admission de nouveaux membres ne sont pas définies dans l'entente, qui précise seulement qu'il faut un répondant qui est aussi un participant et que la demande soit approuvée selon un processus à déterminer par les membres de la collectivité intéressée.

Quelles sont les conséquences de ces dispositions? Selon le libellé actuel, l'entente s'applique à un groupe de personnes bien identifié. Il n'y a pas de définition claire de ce que sera le groupe visé dans le futur. Nous savons seulement que toute personne ayant un répondant et ayant été acceptée selon un processus encore inconnu pourrait s'y ajouter. Le choix des nouveaux membres serait décidé uniquement par la collectivité visée. Ainsi, tous ceux qui pourraient être intéressés pourraient profiter des avantages de cette entente plus tard. Par conséquent, il se pourrait qu'un jour, le groupe de bénéficiaires de l'entente diffère grandement du groupe pour lequel l'entente a été conçue.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien suppose que les nouveaux membres ne seront pas nombreux, et qu'il n'y a donc pas de raison de s'inquiéter. C'est peut-être vrai. Pensons cependant à la richesse et au pouvoir croissants des collectivités qui auront commencé à exploiter les ressources naturelles et à faire la prospection de pierres précieuses, ainsi qu'au libre accès aux ressources en eau. N'est-il pas raisonnable de supposer, dans les circonstances, que de plus en plus de gens voudront participer à l'entente? Le contexte incitera les intéressés à se joindre à une collectivité du Sahtu.

(1320)

Examinons certains détails concernant la propriété dont il est question. Il existe trois genres de propriétés.

Il y a d'abord la propriété de la région visée par le règlement, d'une superficie de 280 000 kilomètres carrés, c'est-à-dire l'équivalent de 108 200 milles carrés ou 108 200 sections de terrain, soit 54 sections par participant si vous arrondissez leur nombre à 2 000 pour faciliter le calcul, ce qui représente un peu moins du tiers de la province de la Colombie-Britannique comme mon collègue l'a mentionné. Cette zone renferme le Grand lac de l'Ours, le lac Horton, le lac Colville et une grande partie de la vallée du fleuve Mackenzie.

Il y a ensuite le deuxième genre de propriété, soit la propriété en fief simple de 41 437 kilomètres carrés, ou 16 000 milles carrés, soit 8 sections de terrain par participant. Si vous préférez l'exprimer en acres, il s'agit alors de 5 120 acres.

Vient enfin le troisième genre de propriété, c'est-à-dire les terres municipales, qui se divisent en deux types, les terres situées à l'intérieur des limites de municipalités et celles situées à l'extérieur de ces limites.

Quelle est donc l'importance de tout cela? En premier lieu, les terres à l'extérieur des limites de municipalités doivent appartenir à une ou plusieurs organisations du Sahtu et, je tiens à insister sur le fait qu'elles ne peuvent être transférées à une ou des personnes. Toutefois, les terres situées à l'intérieur des limites de municipalités peuvent être transférées à une personne. Que signifie cette différence?

Les terres du Sahtu ne peuvent être grevées d'une hypothèque ni déposées en garantie. Si des terres du Sahtu sont transférées à une personne, elles ne sont plus alors des terres du Sahtu. Quelles conclusions peut-on tirer de tout ceci? Puisque les terres municipales du Sahtu peuvent être transférées à une ou des personnes et qu'elles cessent alors d'être des terres du Sahtu, elles peuvent à ce moment être hypothéquées et données en garantie.

Il n'est pas nécessaire de faire un gros effort de raisonnement pour constater qu'au fil des ans, les terres décrites comme des terres du Sahtu à l'intérieur des limites de municipalités pourraient devenir la propriété de personnes n'appartenant pas au Sahtu. Ridicule dites-vous? Il nous suffit d'observer ce qui se produit et ce qui s'est produit ailleurs au Canada.

Au moment où je vous parle, certaines institutions financières se sont entendues avec une bande indienne afin d'accorder des hypothèques pour le développement d'un ensemble résidentiel sur les terres d'une réserve. Si ça s'est déjà fait, il est possible et même probable que ça se produise à nouveau, surtout si des profits considérables sont en jeu.

Un autre exemple est celui des difficultés entourant les certificats de propriété. Ces certificats confirment l'appartenance des terres de certaines réserves indiennes à des autochtones dans le cas des réserves où de telles dispositions existent.

Dans le passé, je doute que les Indiens ait accepté cela. Aucune personne ne peut posséder une terre faisant partie d'une réserve. Pourtant, cela s'est produit. Ces gens ont dit: «Ce n'est pas égoïste à cause de la façon dont le transfert de propriété foncière s'effectue.» D'après moi, il est clair que ces transferts donnent lieu à de nombreux retards, des inexactitudes et des transferts d'une personne à un autre; de plus, il a même été prouvé que certains étaient frauduleux. Est-ce que cela se produira, dans ce cas-ci? Je l'ignore; le gouvernement aussi d'ailleurs. Or, le projet de loi comporte une disposition l'autorisant. Par conséquent, l'objectif déclaré consistant à déterminer en toute certitude et en toute clarté les droits de propriété et d'utilisation des terres veut tout dire sauf certifier la propriété des Dénés et des Métis du Sahtu.

Arrêtons-nous un moment sur les limites des terres municipales qui sont définies à l'article 23.2.1. L'entente prévoit la possibilité de modifier ces limites. Il faut noter la pertinence particulière des dispositions à cet effet, dont voici un extrait:

Si des changements sont apportés en ce qui concerne l'étendue ou l'emplacement des terres municipales du Sahtu, conformément à la présente entente, les sous-annexes XV et XVI doivent être modifiées pour tenir compte de ces changements. . .
J'insiste sur les mots suivants:


3754

. . .qui ne sont pas considérés comme des modifications de l'entente.
Les sous-annexes XV et XVI décrivent les terres municipales du Sahtu, c'est-à-dire, à la sous-annexe XV, les terres arpentées et, à la sous-annexe XVI, les terres non arpentées.

La liste des terres municipales comprend Déline, Fort Norman, Norman Wells, Colville Lake et Fort Good Hope. Ces noms sont éloquents pour tous ceux que l'exploration du pétrole, du gaz et des ressources naturelles intéresse.

(1325)

Je suis d'avis qu'on n'a pas accordé l'attention qu'il fallait au développement que cette région canadienne pourrait éventuellement connaître, surtout en ce qui concerne l'incidence des dispositions de l'entente portant sur un tel développement dans la région.

En effet, je crois que même si l'entente clarifie certains points, elle en obscurcit d'autres.

L'entente, qui est aussi inscrite dans la Constitution, dit très clairement: «Ce traité qui, une fois que le Parlement lui aura donné effet par la loi de mise en oeuvre,» autrement dit, par le projet de loi C-16, «sera reconnu comme un accord sur des revendications territoriales au sens de la Loi constitutionnelle de 1982.»

Cela signifie que cet accord, une fois qu'il sera en vigueur, ne pourra être modifié que par l'application du mode de révision décrit dans la Loi constitutionnelle du Canada de 1982. Il y a six façons de modifier la Constitution. Il faut donc déterminer le mode de révision qui s'applique. Selon un constitutionnaliste:

Au moment de l'élaboration du mode de révision, on n'a pas songé à concevoir une formule s'appliquant à un accord sur des revendications territoriales conclu entre une bande indienne et le gouvernement fédéral du Canada et consacré dans la Constitution. L'article 43 est ce qui ressemble le plus à ce genre de formule de révision, puisqu'il porte sur une modification à la Constitution ne touchant qu'une province. Dans de telles circonstances, la modification fait l'objet de résolutions que doivent adopter le Parlement du Canada et l'assemblée législative de la province concernée. Cependant, cet article de la Constitution ne s'applique pas vraiment, puisque les Dénés et Métis du Sahtu, même ensemble, ne forment pas une province. Mêmes les territoires ne sont pas considérés comme des provinces aux termes du mode de révision.
Il faudra peut-être avoir recours dans de tels cas à l'article 41, appelé le mode général de révision. Si un projet de modification ne cadre pas avec les modalités plus précises du mode de révision. . .
Ce qui est le cas ici, à mon avis.

. . .seul le mode de révision décrit à l'article 41 pourra alors s'appliquer. L'incongruité dans tout cela, c'est que l'article 41 exige non seulement une résolution adoptée par le Parlement, mais également une résolution approuvée par l'assemblée législative d'au moins sept provinces. C'est inconcevable dans les circonstances, étant donné naturellement que les provinces ne sont pas visées ou directement touchées par l'accord sur les revendications territoriales en question. Néanmoins, la procédure de modification de la Constitution ne souffre aucun raccourci ni aucune mesure improvisée.
Certains diront que cet accord n'est pas la Constitution et qu'il ne fait qu'offrir la protection de la Constitution. Pour que cette protection signifie quoi que ce soit, il faut que le processus de modification de l'accord respectent les dispositions de la Constitution.

Même si nous pouvions trouver des solutions aux problèmes que nous avons soulevés jusqu'à maintenant, il reste à déterminer s'il existe des précédents sur lesquels peuvent se fonder ces revendications.

Dans l'affaire Gitksan, le juge en chef Allan McEachern a rejeté une revendication de ce genre, affirmant que la jurisprudence canadienne sur ce point allait à l'encontre de telles prétentions à la souveraineté. Le gouvernement a-t-il raison de négocier et même d'accélérer le règlement des revendications territoriales, quand il semble, d'après les dernières décisions des tribunaux, que ces revendications ne sont nullement fondées?

Comme il s'agit d'un territoire 50 fois plus vaste que l'Île-du-Prince-Édouard, elle-même une province, on peut presque parler de création d'une nouvelle province. Aux termes de la Constitution, pour créer de nouvelles provinces, il faut l'approbation de toutes les provinces et du Parlement canadien. Avec le projet de loi C-16, on tente de contourner cette exigence.

En établissant qu'une région sera gouvernée conformément à un nouveau recueil de lois et en accordant à un groupe défini de Canadiens connus sous le nom de Dénés et de Métis de Sahtu un droit de propriété simple et absolu sur 41 000 km2 de terrain, on se trouve en fait à créer une nouvelle région géographique et politique au Canada, on se trouve à bien des égards à créer une nouvelle province. À mon avis, toutes les dispositions de la Loi constitutionnelle de 1982 visant la création de nouvelles provinces devraient aussi s'appliquer dans ce cas-ci.

On pourrait m'accuser de contester toute entente ou tout accord avec les Dénés et les Métis de Sahtu en ce qui concerne leurs revendications territoriales. Ce serait pure sottise de déformer ainsi mes observations. Tous les Canadiens doivent se montrer justes. Ils doivent notamment reconnaître et corriger les injustices faites à des gens tels que les Dénés et les Métis de Sahtu.

(1330)

D'accord. Tout ce que je dis, c'est que le projet de loi C-16 n'atteint pas ses propres objectifs, à savoir clarifier et certifier les droits de propriété territoriaux, il est inutilement compliqué à administrer, il coûte trop cher et fait que, à l'avenir, toute modification devra passer par une modification de la Constitution.

Il faut se demander enfin si cette entente favorisera l'unité canadienne et aidera à déterminer comment les Canadiens veulent s'autogouverner. Pour le savoir, il faudrait répondre d'abord à trois autres questions. Premièrement, est-ce en donnant des territoires et de l'argent aux Dénés et aux Métis de Sahtu qu'on va favoriser des relations harmonieuses entre eux? Non.

Deuxièmement, le règlement des revendications territoriales va-t-il promouvoir la reconnaissance, la compréhension et l'acceptation des valeurs, des principes sociaux, des croyances religieuses et des méthodes de prise de décisions respectifs des participants entre eux ou chez les autres Canadiens? Encore une fois, la réponse est non.


3755

Troisièmement, est-ce en créant une autre série de conseils au-dessus, en-dessous ou au sein de la bureaucratie qui administre à l'heure actuelle les affaires indiennes et du Nord qu'on va mieux gouverner notre pays? La réponse est toujours non.

Étant donné que les réponses à ces questions sont toutes négatives à mon sens, comment peut-on justifier de conclure l'entente en adoptant le projet de loi C-16? J'estime que ce que le Parlement devrait faire, c'est construire un Canada plus fort, plus uni et plus concurrentiel sur le plan international. Je le dis à la Chambre et à tous les Canadiens: s'il est adopté, le projet de loi C-16 va diviser les Canadiens en créant des fiefs politiques, des divisions administratives qui seront peu rentables et même risquées au niveau économique et un véritable cauchemar à gérer.

S'il est adopté, le projet de loi créera un environnement dans lequel des pouvoirs se concurrenceront en faisant valoir égoïstement leurs intérêts propres à l'exclusion de ceux des autres. La collaboration fera place à la compétition. Songez seulement aux barrières commerciales qui existent aujourd'hui entre les provinces canadiennes. Enfin, le Canada deviendra de moins en moins concurrentiel sur les marchés internationaux.

Bref, il faut régler équitablement les revendications des Canadiens autochtones. Il faut aussi reconnaître que ce n'est pas avec l'entente qui fait l'objet du projet de loi C-16 qu'on y arrivera.

Je demande à tous les députés de rejeter le projet de loi C-16 et de trouver un autre moyen de redresser les torts qui nous séparent des Dénés et des Métis de Sahtu.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour parler du projet de loi C-16. L'entente dont il est question dans cette mesure législative a été signée le 6 septembre 1993 et déposée à la Chambre le 10 mars 1994.

Je sais que les Dénés et les Métis du Sahtu ont appuyé ce projet de loi en masse lors d'un vote de ratification et il semble qu'ils soient plus que satisfaits de l'entente. Toutefois, je crois que ce serait de la négligence de notre part, péché que d'autres partis ont commis dans le passé, si nous ne nous penchions pas sur certains des problèmes contenus dans le projet de loi C-16.

Mes collègues du Parti réformiste et moi-même sommes certainement prêts à appuyer la notion d'autonomie gouvernementale pour les autochtones, mais seulement dans les situations où il est clair que les autochtones deviendront autosuffisants dans la société canadienne. Malheureusement, le projet de loi C-16 ne s'applique pas à une situation de ce genre.

En fait, le projet de loi C-16 prévoit une bureaucratie accrue, d'importants règlements en espèces, la continuation des programmes du MAINC et des négociations futures sur l'autonomie gouvernementale. La bureaucratie que crée le projet de loi C-16 est absolument énorme.

(1335)

Sept nouveaux offices, groupes et conseils seront établis pour gérer les ressources de 2 200 personnes. Ces nouvelles entités se composeront de représentants des Dénés et des Métis du Sahtu et du gouvernement lui-même.

On se demande pourquoi les représentants des autochtones ne pouvaient pas simplement être invités à siéger aux conseils du MAINC qui gèrent actuellement les ressources dans le territoire visé par l'entente. Le projet de loi C-16 semble vouloir propager la bureaucratie parce qu'il crée des organismes dont le mandat chevauche celui des conseils de réglementation existants et menace de transformer une très petite population en une collectivité de bureaucrates.

Le chaos bureaucratique que ce nouveau régime risque de créer pose un danger très grave, et c'est un point sur lequel nous voulons nous pencher. Nous devons tenir compte du fait que les arrangements en matière de gestion des ressources prévus dans cette entente serviront de points de repère pour des ententes semblables dans d'autres territoires.

Les députés comprennent certainement que les ressources régies par ces offices couvriront une vaste région. Par conséquent, toute question concernant la faune ou l'eau toucherait les divers territoires qui partagent ces ressources. Ces divers territoires, faisant l'objet d'ententes distinctes, auraient tous leur propre régime de réglementation, d'où le risque de chaos bureaucratique dont je parlais tout à l'heure.

Par ailleurs, les divers territoires peuvent avoir des attitudes différentes quant à la façon d'aborder un problème particulier. Les autochtones jouissant de droits exclusifs à l'égard des ressources se trouvant dans leur territoire, les plaintes de mauvaise gestion venant des gouvernements ou des bandes voisines pourraient être difficiles à prouver et à régler.

Bref, il y a un risque énorme de confusion bureaucratique entre les divers offices dans les différents territoires faisant l'objet d'ententes. La position du gouvernement sur les décisions de ces commissions reste nébuleuse et pourrait ajouter au fouillis bureaucratique créé par l'entente.

Les nouveaux offices, le gouvernement territorial et le gouvernement fédéral auront tous leur mot à dire dans la gestion des ressources. La responsabilité de la nouvelle bureaucratie créée par le projet de loi C-16 sera déterminée, comme l'a dit le ministre, par les besoins. Ceux-ci pourraient être définis par un ministre du gouvernement du Canada ou un ministre du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

Les offices autochtones, les ministères des Territoires du Nord-Ouest et les ministères du gouvernement fédéral interviendront tous dans les dossiers concernant les transports, l'environnement et les ressources naturelles, et ils auront tous leur mot à dire dans les décisions se rapportant à ces domaines. De plus, il y aura des querelles de compétence entre les bureaucraties situées dans les régions visées par l'entente et celles des différents paliers de gouvernement.

La conséquence directe de ce fouillis bureaucratique sera une augmentation des coûts, une confusion accrue et des délais pro-


3756

longés dans la mise en oeuvre des mesures nécessaires. De plus, nous devons aussi penser aux effets néfastes possibles sur le développement économique du pays de toute cette réglementation et de toute cette consultation.

Sous le régime instauré par le projet de loi C-16, les entreprises qui voudront exploiter des ressources devront consulter les différentes bureaucraties et le Conseil tribal Sahtu sur des questions comme les répercussions environnementales et les possibilités d'emploi pour les membres du Sahtu. À mon avis, la lourdeur des structures bureaucratiques qui découlera inévitablement du projet de loi C-16 ainsi que les processus prévus dans l'entente pourraient bien dissuader de nombreuses entreprises d'investir dans la région.

Nous allons créer une énorme bureaucratie qui n'aura qu'une base économique restreinte pour la faire vivre. Cette bureaucratie et les pouvoirs qui y seront associés nous éloignent beaucoup de la notion d'autonomie administrative mise de l'avant par le gouvernement. En dépit de la vaste région visée par l'entente, de l'indemnisation de 130 millions de dollars, du pouvoir de réglementation et des redevances sur le pétrole et le gaz, les libéraux se sont quand même engagés à accorder l'autonomie administrative au Sahtu, comme il est dit à l'annexe B de l'entente.

L'incapacité de définir l'expression «droit inhérent à l'autonomie» ne suffit apparemment pas à dissuader le gouvernement d'entreprendre des négociations visant à mettre cette autonomie en oeuvre.

(1340)

Cette entente volumineuse, complexe et coûteuse marque simplement le début d'une série de négociations plus ambitieuses, plus complexes et plus coûteuses sur l'autonomie gouvernementale. Il est de notre devoir de poser des questions pour connaître le genre de structure qu'adoptera ce nouveau palier de gouvernement et quels en seront les fonctions et les pouvoirs.

L'autonomie gouvernementale est-elle même opportune pour une population de 2 200 personnes, dont 982 adultes? Le gouvernement fédéral reconnaît-il ce qu'il en coûte en temps et en argent pour tenir séparément des négociations sur l'autonomie gouvernementale avec chaque bande indienne au Canada, comme il s'y est engagé? Le gouvernement continuera-t-il à nier la réalité de la situation comme il l'a fait en ne croyant pas qu'il soit nécessaire de définir le concept d'autonomie gouvernementale avant d'entamer les négociations?

Le gouvernement actuel n'a aucune définition de l'autonomie gouvernementale des autochtones; c'est comme vouloir entreprendre un voyage sans carte routière. Le gouvernement ne pourra pas tirer le rideau sur ce sujet. Les dispositions de cette entente et les négociations à venir sur l'autonomie gouvernementale frapperont en effet les Canadiens là où ils le sentiront le plus, c'est-à-dire au niveau de leur portefeuille.

Depuis 1990, le budget du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a augmenté d'environ 400 millions de dollars par année. C'est la croissance la plus forte de tous les budgets des ministères. En 1994-1995, le MAINC dépensera environ 5 milliards de dollars, dont 68 p. 100, ou 3,33 milliards de dollars, au titre des subventions et contributions distribuées aux bandes et aux conseils tribaux. Il s'agit d'un processus que le vérificateur général a qualifié de mauvais en 1991, car le Ministère ne pouvait pas établir que les fonds étaient utilisés aux fins prévues ou administrés avec économie, efficience et efficacité.

Malgré cette entente, malgré le projet de loi C-16, il est clair que les Dénés et les Métis du Sahtu continueront d'avoir accès à tous les programmes que le MAINC offre présentement. Cela s'ajoute aux conditions de règlement établies dans l'entente.

Cette entente et les paramètres des négociations sur l'autonomie gouvernementale n'abordent pas le problème des dépenses inefficaces du MAINC qui montent en flèche. Le gouvernement n'aborde pas le problème de l'autosuffisance financière des autochtones du Sahtu. À en juger par cette entente, il semble que toutes les négociations sur l'autonomie gouvernementale contribueront très peu à aider les autochtones à sortir de leur dépendance continuelle du MAINC.

Puisqu'on ne s'attaque pas au problème de l'autosuffisance, il me semble que l'autonomie gouvernementale représentera simplement un autre instrument de dispersion des fonds publics chez les autochtones. Je crois que les contribuables n'ont plus les moyens de payer les dépenses énormes et inefficaces du MAINC et que les autochtones ne veulent pas non plus continuer de dépendre d'un ministère fédéral.

Le projet de loi C-16 ne règle pas clairement ce problème. Fondamentalement, cette entente accroît la bureaucratie et, partant, les dépenses du MAINC. De plus, comme il n'est pas question de l'autonomie des autochtones dans cet accord et que les bénéficiaires de l'entente peuvent continuer de se prévaloir de tous les avantages découlant des programmes du MAINC, des ententes comme celle-ci vont simplement endetter davantage notre pays.

À mon avis, le moment est venu de régler le plus rapidement et le plus équitablement possible toutes les revendications territoriales. Cependant, compte tenu de la situation financière actuelle du Canada, je crois qu'il faut, en réglant toutes ces revendications, chercher à ce que les autochtones ne dépendent plus des fonds de l'État. À mon avis, cela vaut aussi pour toutes les négociations concernant l'autonomie gouvernementale. Sinon, une part encore plus grande des fonds publics seront engloutis dans le MAINC.

Nous n'avons pas besoin d'entente comme celle-ci, d'entente garantissant un financement gouvernemental pendant longtemps encore. Il nous faut une stratégie qui rompra le cycle de la dépendance. Voilà ce que veulent les Canadiens et les autochtones. J'attends avec impatience le jour où les autochtones seront économiquement les égaux des autres Canadiens. Malheureusement, des ententes qui accroissent la bureaucratie et les dépenses ne font qu'aggraver leur dépendance par rapport au gouvernement fédéral.

(1345)

Comme le règlement dont nous sommes saisis fait justement partie de ce genre d'ententes, je dois m'y opposer.

M. Jack Iyerak Anawak (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien):

[Note de l'éditeur: Le député parle en inuktitut.]


3757

[Traduction]

Il est évident, à écouter le député, qu'il n'est pas vraiment favorable à l'autodétermination des autochtones et ne comprend pas vraiment ce que les Dénés et les Métis du Sahtu tentent de faire par cet accord.

Depuis 200 ans, les autochtones qui ont des revendications territoriales sont les bénéficiaires de la générosité d'un autre groupe qui n'a pas compris que, dans ses contacts avec les autochtones, il avait affaire à une culture complètement différente de la sienne.

Les observations du député ne laissent subsister aucun doute: il ne comprend pas et ne veut pas comprendre les aspirations des autochtones.

Il est bien beau de dire: « Il serait bien que les autochtones de cette région parviennent à l'autonomie économique ». Mais ce sont les longues années du régime imposé par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui ont entraîné cette fameuse dépendance. Nous n'aurions pas nécessairement à nous occuper de ce problème aujourd'hui si des bureaucrates prétendument bien intentionnés avaient décidé que les autochtones feraient bien mieux de prendre leurs propres décisions, laissant aux bureaucrates le soin de les appliquer.

J'ai une question à poser au député. A-t-il jamais rencontré les Dénés et les Métis du Sahtu et discuté sérieusement avec eux de leurs préoccupations? A-t-il discuté sérieusement de l'autonomie gouvernementale? Quelle conception se fait-il du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale? Et s'il est tellement en faveur de l'autonomie économique, admet-il qu'il faut reconnaître le droit inhérent des autochtones à l'autonomie gouvernementale? Dans l'affirmative, comment ce droit devrait-il être reconnu aux Communes?

M. Harris: Monsieur le Président, je voudrais dire à mon vis-à-vis que, malheureusement, ce que nous venons d'entendre est la réponse habituelle qu'on donne à quelqu'un qui ose critiquer les programmes destinés aux autochtones. On lui dit: «Vous ne comprenez pas les peuples autochtones.»

Je vis dans une région de la Colombie-Britannique qui compte beaucoup d'autochtones. Je me suis longuement entretenu avec nombre d'entre eux et j'ai pris note de leurs préoccupations. L'une d'elles, c'est qu'ils veulent cesser de dépendre du gouvernement fédéral. Ils veulent subvenir eux-mêmes à leurs besoins.

(1350)

C'est un objectif digne de louanges. Le projet de loi C-16, je le répète, ne mettra pas fin à la dépendance. Il ne fera que la prolonger.

J'estime que toute entente entre le gouvernement fédéral et les autochtones sur les revendications territoriales doit mettre un terme au financement du gouvernement fédéral. Les autochtones doivent avoir la possibilité de se doter des bases économiques qui leur permettront d'atteindre l'auto-suffisance.

Le député d'en face a posé une question au sujet de la définition du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Mon interprétation de ce droit, c'est qu'il a toujours existé et qu'il n'est assujetti à aucun autre pouvoir. Je considère que tous les habitants du pays sont des Canadiens. Nous avons un gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et des administrations municipales. Ma vision de l'autonomie gouvernementale pour les autochtones, c'est qu'elle doit s'exercer dans le cadre de ces trois paliers de gouvernement.

Je ne suis pas en faveur de l'établissement d'autres paliers de gouvernement qui ne seraient pas assujettis aux lois que les autres Canadiens doivent observer.

Le vice-président: Il reste encore deux ou trois minutes pour les questions et observations.

M. Anawak: Monsieur le Président, le député ne comprend pas. Je n'ai pas posé une question standard. C'est peut-être ce qu'il attend de quiconque ne fait pas partie de cette culture. J'ai posé cette question en sachant parfaitement de quoi je parle. C'est la raison pour laquelle j'ai posé la question. Ce n'est pas parce que j'ai lu ça dans une revue ou un journal, mais parce que je sais pertinemment de quoi je parle. Voilà la raison.

En ce qui concerne l'autonomie gouvernementale, je crois que le député ne comprend pas que les autochtones veulent pouvoir exercer leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.

Le député pourrait-il nous dire combien d'autochtones lui ont dit être fort inquiets et de quelle région de la Colombie-britannique sont ces autochtones? Serait-il prêt à dire que ce groupe précis s'oppose à ce que nous essayons d'accomplir en tant que gouvernement? J'ai du mal à croire qu'un vaste groupe d'autochtones puissent dire que ce que nous essayons d'accomplir est contraire aux aspirations des autochtones au Canada.

M. Harris: Monsieur le Président, pour répondre au député, ce que j'ai dit dans ma déclaration précédente, c'est que lorsque quelqu'un ose critiquer une forme d'entente ou de structure proposée dans le cadre de négociations entre les autochtones et le gouvernement fédéral, on lui répond habituellement qu'il ne comprend pas les autochtones ni leurs préoccupations.

Le député a peut-être raison. Il est possible que je ne comprenne pas les autochtones ou que je ne les connaisse pas de façon aussi intime que lui, mais c'est bien normal, puisque je ne suis pas autochtone. Je sais cependant que le gouvernement et les autochtones eux-mêmes ne savent pas clairement ce qui ressortirait de l'autonomie gouvernementale des autochtones.

(1355)

Nous avons posé la question en Colombie-Britannique. La question a d'ailleurs été posée dans presque toutes les provinces et elle l'a également été à la Chambre. J'ai moi-même posé la question au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, mais il n'a pas pu y répondre. Voilà l'essentiel de la question, à l'heure actuelle. L'entente apportera une solution immédiate à certains problèmes, mais elle ouvre néanmoins la porte à d'autres négociations longues et complexes sur l'autonomie gouvernementale des autochtones. Il n'y a pas de carte qui nous montre

3758

clairement la route à suivre. Nous n'avons aucune direction claire ni aucun programme précis qui nous révèle quelle orientation prendront les négociations, ni où elles aboutiront.

C'est un peu comme se lancer dans un voyage en territoire inconnu en espérant atteindre son but.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, je constate qu'il sera 14 heures avant que je n'aie terminé. Je poursuivrai donc jusqu'à ce que vous n'interrompiez.

Je tiens à vous remercier, monsieur le Président, de m'offrir la possibilité de participer au débat sur le projet de loi C-16. Comme beaucoup de mes collègues, cette mesure législative m'intéresse particulièrement. Au cours de ma carrière, j'ai eu l'occasion de travailler directement avec des autochtones comme contremaître de manoeuvres sur un chantier d'hydro-électricité dans les territoires, comme protecteur du citoyen pour la région albertaine du ministère des Affaires indiennes, sous la direction de Harold Cardinal, et comme expert-conseil en administration des affaires.

J'ai été directement témoin des problèmes de ces gens; je parle donc par expérience, sinon avec empathie, des difficultés qu'ils doivent affronter.

À mon avis, les Indiens Dogrib des territoires étaient parmi les gens les plus travailleurs et les plus compétents que j'aie jamais côtoyés. Ils étaient toujours prêts à travailler dans des conditions climatiques difficiles et dans des régions isolées lorsque des emplois leur étaient offerts. Cependant, lorsque les possibilités d'emploi se faisaient rares, ces personnes de bonne volonté et compétentes se retrouvaient au chômage.

J'avais été nommé protecteur du citoyen par Harold Cardinal, qui était directeur général régional pour le ministère des Affaires indiennes, en Alberta. M. Cardinal était un dirigeant autochtone très en vue au Canada et avait présidé l'Association des Indiens de l'Alberta pendant un certain nombre d'années.

Dans l'exercice de ces fonctions, j'ai étudié bon nombre des préoccupations et des doléances des Indiens. En tant qu'expert-conseil, j'ai reçu de nombreuses plaintes de membres de bandes d'un peu partout dans l'Ouest, qui accusaient leurs dirigeants de conseil de bande de corruption et d'utilisation abusive des fonds. Le ministère des Affaires indiennes n'a pratiquement jamais examiné ces plaintes.

Par conséquent, à l'instar de beaucoup de Canadiens, je voudrais que les autochtones du Canada puissent devenir économiquement et politiquement indépendants. Je voudrais que leur dépendance à l'égard des contribuables prenne fin. Si un accord comporte ces ingrédients, il faut l'appuyer. Si on ne les y trouve pas, il n'y a pas lieu de l'appuyer.

Or, cet accord ne satisfait pas à ces critères et voilà pourquoi je ne peux pas souscrire au projet de loi C-16. La région visée par le règlement de la revendication territoriale du Sahtu s'étend sur 280 000 kilomètres carrés et a une population d'environ 1 700 habitants. Je suis disposé à appuyer cette partie de l'accord, même si c'est extrêmement généreux, car il va de soi que ces gens ont besoin d'un territoire d'où ils puissent tirer les ressources qui leur permettront d'être économiquement indépendants et autosuffisants.

Quand on compare ce territoire à celui qui est occupé par l'Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse, qui ont pourtant une population beaucoup plus nombreuse, il est évident que cet accord répond amplement aux besoins territoriaux nécessaires à l'autosuffisance du Sahtu. De plus, cet accord confère non seulement des droits sur les ressources du sous-sol, mais également des redevances sur les ressources actuellement exploitées dans la vallée du fleuve Mackenzie.

Ces éléments de l'accord sont essentiels à l'autosuffisance économique à venir du Sahtu. J'estime qu'un Sahtu fort et économiquement autosuffisant sera à l'avantage de l'ensemble des Canadiens. Cet accord prévoit un transfert de fonds provenant des contribuables canadiens qui s'élève à. . .

Le Président: J'ai pris bonne note que le député disposait encore d'environ 15 minutes. Il pourra reprendre la parole dès que le débat reprendra.

Comme il est 14 heures, conformément à l'article 35 du Règlement, la Chambre passe aux déclarations de députés prévues à l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


3758

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA COUCHE D'OZONE

L'hon. Charles Caccia (Davenport): Monsieur le Président, les plus récentes données d'Environnement Canada sur la couche d'ozone sont préoccupantes. Selon des mesures de l'atmosphère prises au-dessus de Toronto, en avril, la couche d'ozone était de 7 à 9 p. 100 plus mince qu'elle n'aurait dû l'être. La situation aurait été à peu près la même à Montréal et à Vancouver. Comme tout le monde le sait, la couche d'ozone filtre les rayons ultraviolets. Ces rayons peuvent provoquer le cancer de la peau et les cataractes et risquent même d'endommager notre système immunitaire.

Ce sont les hydrocarbures chlorofluorés provenant des climatiseurs d'air, des réfrigérateurs et de certaines industries de l'électronique et du plastique qui ont ainsi rongé la couche d'ozone. Avec une couche d'ozone de 3 p. 100 inférieure à la normale que l'on prévoit pour cet été, il est important que les Canadiens, surtout les enfants et les jeunes, protègent leur peau et leurs yeux contre les rayons ultraviolets nocifs du soleil.


3759

Le message est donc on ne peut plus clair. Protégeons notre santé en nous protégeant contre le soleil!

* * *

[Français]

LA FÊTE INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est): Monsieur le Président, malgré le mauvais temps, plus de 30 000 hommes et femmes, réunis à Montréal et à Québec, ont profité de la Fête internationale des travailleurs du premier mai pour manifester leur mécontentement face à l'absence de véritables politiques de création d'emplois du gouvernement fédéral et pour dénoncer la détérioration de la protection et de l'équité sociales.

Le signal de détresse lancé hier était clair: le gouvernement fédéral devrait s'acharner à susciter de l'espoir en instaurant une véritable politique de création d'emplois, plutôt que d'imposer une réforme des programmes sociaux qui, telle que proposée, risque fort d'hypothéquer l'avenir de plusieurs québécois et canadiens.

Les membres du Bloc québécois veulent ainsi joindre leur voix à celle des travailleurs du Québec et du Canada, dans l'espoir que le gouvernement fédéral puisse enfin entendre ce signal de détresse.

* * *

[Traduction]

L'AFRIQUE DU SUD

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, je voudrais féliciter les habitants d'Afrique du Sud qui ont tenu les premières élections libres de l'histoire de leur pays, mettant ainsi fin à 350 ans d'oppression.

Je voudrais également féliciter Nelson Mandela et l'ANC, qui s'apprêtent à prendre le pouvoir et à guider leur pays dans ce climat pour le moins tendu.

Je demanderais à notre pays de continuer à préconiser l'accession à une société prospère pour tous, car l'Afrique du Sud pourrait être le géant économique capable de donner un élan à toute la moitié sud du continent. Laisser tomber cette région serait la condamner à des décennies de luttes civiles et de misère.

J'espère que les dirigeants de la nouvelle Afrique du Sud sauront, tout comme nous, dans notre pays, tirer une leçon des erreurs grossières commises par d'autres pays de ce continent.

L'octroi d'un statut spécial à un groupe en particulier et le favoritisme constituent des mesures discriminatoires et ne font que semer la discorde dans la société. Par contre, le fait de reconnaître un statut égal pour tous et de n'octroyer de statut spécial à personne crée des liens. . .

Le Président: La députée de Mississauga-Est.

* * *

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est): Monsieur le Président, les Canadiens sont très fiers de la reconnaissance internationale que la Société Radio-Canada a reçue récemment et qu'elle méritait tant.

[Français]

Je suis ravie de rendre hommage, aujourd'hui, au réseau anglais de télévision de la Société Radio-Canada, qui vient de se mériter la prestigieuse Rose d'argent au Festival de Montreux, en Suisse.

[Traduction]

La Société Radio-Canada a reçu la rose d'argent pour la réalisation du documentaire Kurt Browning-You Must Remember This.

[Français]

Aussi, il a été annoncé, au cours d'une conférence de presse tenue la semaine dernière, que la Société Radio-Canada s'est méritée le plus prestigieux des prix offerts au Festival de la télévision de Banff. Cette distinction, remise pour la première fois à un radiodiffuseur canadien, vient couronner l'ensemble des réalisations, et plus spécialement, la qualité des téléromans du réseau français de télévision de notre radiodiffuseur public. Félicitations!

* * *

[Traduction]

LES JEUX INTERNATIONAUX DE L'ENFANCE

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain): Monsieur le Président, du 16 au 19 juin, Hamilton accueillera les jeux internationaux de l'enfance. C'est la première fois, en 25 ans d'existence, que ces jeux ont lieu à l'extérieur de l'Europe.

Les participants, dont l'âge varie de 11 à 15 ans, apprennent, dans le cadre de ces jeux, la valeur de la compétition et de l'esprit sportif et découvrent les cultures d'autres pays. Le thème des jeux, «Rêves de demain», symbolise l'espoir que nourrissent tous les jeunes athlètes de devenir un jour des champions.

La Ville de Hamilton est très fière et très heureuse, à juste titre, d'accueillir cet événement spécial. Nous espérons faire de ces Jeux internationaux de l'enfance des jeux mémorables. Jusqu'à maintenant, trente-huit villes de partout dans le monde ont confirmé leur participation, ce qui porte le nombre d'enfants qui participeront à 750 au total, dont 150 du Canada.

Je voudrais féliciter toutes les personnes qui ont travaillé à la préparation de ces jeux. Hamilton se réjouit à l'idée de donner aux jeunes du monde entier l'occasion de participer à des jeux multidisciplinaires dans un esprit de franche camaraderie et de saine compétition.

* * *

(1405)

[Français]

LES MINORITÉS CULTURELLES

M. Alfonso Gagliano (Saint-Léonard): Monsieur le Président, finalement nous avons la vérité! Un gouvernement québécois dirigé par le Parti québécois ne protégera pas les minorités culturelles dans un Québec indépendant. Le vice-président du parti, Bernard Landry, a confirmé en fin de semaine que son parti rejette l'idée du multiculturalisme et veut que les minorités s'intègrent dans une sorte de melting pot québécois.


3760

Dans un discours prononcé devant le Conseil des citoyens d'origine haïtienne, le vice-président du PQ a aussi souligné que la culture publique et commune du Québec est la culture québécoise. C'est évident que le Parti québécois n'a aucun désir de respecter son engagement envers les différentes minorités de la société québécoise.

Il reste à savoir si le Bloc québécois est d'accord ou non sur les commentaires de M. Landry. Dans l'affirmative, qu'il l'affirme; sinon, qu'il le dénonce!

* * *

LES ÉLECTIONS EN AFRIQUE DU SUD

Mme Christiane Gagnon (Québec): Monsieur le Président, les premières élections libres en Afrique du Sud ont eu lieu la semaine dernière, permettant ainsi à des millions de Noirs de voter pour la première fois de leur vie. Après tant d'années d'apartheid et de répression, cette victoire éclatante de la démocratie témoigne du courage et de la détermination de ceux qui luttaient en faveur de l'égalité de tous les Sud-Africains.

En rejetant clairement les partis politiques prêchant la violence et la vengeance, les électeurs sud-africains ont tourné la page d'un chapitre sombre de leur histoire pour embrasser un avenir qui se veut démocratique et pacifique. Ce rejet de la violence est porteur d'espoir pour tous les Africains et Africaines.

Au nom des députés de la Chambre, je félicite les nouvelles élues et nouveaux élus sud-africains de leur victoire et de leur détermination.

* * *

[Traduction]

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Ted White (North Vancouver): Monsieur le Président, je reçois souvent des lettres d'électeurs frustrés par certains aspects du régime d'assurance-chômage parce qu'ils ne comprennent pas les limites de cette assurance.

La plupart des plaintes concernent les restrictions quant à la formation ou au travail temporaire, deux activités qui, selon les bénéficiaires, leur permettraient de trouver plus facilement un emploi permanent.

Toute personne qui assure une maison ou une automobile reçoit un document écrit où sont expliquées la protection, les déductions et les restrictions. On pourrait prévenir bon nombre de malentendus et de frustrations si les travailleurs recevaient un document semblable expliquant les droits et les déductions associés au régime d'assurance-chômage.

Je prie le ministre de bien vouloir produire un document imprimé décrivant le régime d'assurance-chômage et de le faire afficher dans les lieux de travail ou de le faire remettre aux travailleurs lorsque ceux-ci commencent à cotiser à l'assurance-chômage. Avec le temps, on pourrait préparer toute une gamme de politiques correspondant à divers niveaux de cotisation et ainsi mieux répondre aux besoins des travailleurs et assouplir le régime d'assurance-chômage.

* * *

MME MARGARET MCCAIN

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui à la Chambre pour féliciter une éminente citoyenne de ma circonscription de Carleton-Charlotte, Mme Margaret McCain, qui a été nommée récemment lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick.

Après de nombreuses années de dévouement dans le cadre de plusieurs organisations provinciales et nationales, Mme McCain, de Florenceville au Nouveau-Brunswick, mère de quatre grands enfants, sera la première femme à devenir lieutenant-gouverneur de notre pittoresque province.

Je sais que les députés voudront joindre leur voix à la mienne pour offrir, au nom de tous les députés de cette Chambre, des félicitations sincères et nos meilleurs voeux de réussite à Mme Margaret McCain, le nouveau lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, ainsi que nos remerciements à Son Excellence Gilbert Finn pour son remarquable travail.

* * *

LES PÊCHES

M. Joe McGuire (Egmont): Monsieur le Président, la semaine dernière, le ministre des Pêches et des Océans a annoncé des mesures qui redonneront plus de 500 permis suspendus à des pêcheurs de poisson de fond, qui vouent depuis longtemps un grand attachement à cette industrie. Plus de 200 des permis rétablis appartiennent à des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard.

Les terribles bouleversements qu'on a connus dans ce secteur étaient la conséquence d'une décision prise arbitrairement par l'ancien gouvernement, que je ne nommerai pas. Ce n'était que l'un des gâchis dont nous avons hérité dans le secteur des pêches.

Je félicite le ministre, non seulement pour avoir corrigé la situation, mais aussi pour avoir établi un processus consultatif qui, dans ce cas, a réuni 11 différentes organisations de pêcheurs.

Même si les temps sont très durs pour les pêcheurs de l'Atlantique, ce genre de coopération entre le ministre et les intéressés de l'industrie fera beaucoup pour soulager la misère et les difficultés des gens, pendant la période de restructuration de l'industrie.

Ce nouvel esprit de coopération et de négociation est de bon augure, alors que nous tentons de redéfinir le concept de la pêche commerciale et d'encadrer la pratique future de la pêche.

Faisant suite aux sentiments exprimés par l'Association des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard, je tiens à féliciter le ministre pour la solution qu'il a réussi à apporter à la situation.


3761

(1410)

[Français]

LA SEMAINE DE L'ARBRE ET DES FORÊTS

M. Guy H. Arseneault (Restigouche-Chaleur): Monsieur le Président, je tiens à signaler à la Chambre que nous célébrons cette semaine la Semaine de l'arbre et des forêts.

Les forêts sont la plus grande de nos ressources naturelles et contribuent plus que tout autre à notre balance commerciale. D'un océan à l'autre, le secteur forestier fournit quelque 800 000 emplois directs et indirects.

[Traduction]

Notre industrie forestière est la base de l'économie de quelque 350 villes et villages du Canada. Les habitants des collectivités dont la subsistance dépend de la forêt connaissent la valeur de cette ressource et le rôle vital qu'elle joue dans leur vie. Ils savent qu'il est absolument indispensable de préserver la santé et la croissance de nos forêts pour que les générations futures puissent en tirer les mêmes avantages, c'est-à-dire qu'elles génèrent des emplois et assainisse l'environnement tout en leur procurant une destination de loisirs.

[Français]

Le Canada est une nation exceptionnelle parmi les pays forestiers, car plus de 90 p. 100 de nos forêts appartiennent en majeure partie à la population. La forêt nous appartient. Il nous appartient d'en prendre soin.

* * *

LE TRAIN À GRANDE VITESSE

M. François Langlois (Bellechasse): Monsieur le Président, le premier ministre se moquait, mercredi dernier, de la proposition du Bloc québécois d'aller de l'avant avec la construction d'un TGV entre Québec et Windsor. Selon le premier ministre, il serait difficile pour un train rapide d'être obligé d'arrêter aux frontières d'un Québec souverain.

Peut-être le premier ministre n'a-t-il jamais pris le train Amtrak entre New York et Montréal. Il aurait pu alors se rendre compte que le train ne s'arrête pas à la frontière canado-américaine. Pour le bénéfice du premier ministre, les avions non plus ne s'arrêtent pas aux frontières d'un pays souverain. En fait, le Bloc québécois ne voit pas pourquoi il n'en serait pas de même pour un TGV entre le Québec et l'Ontario.

Si des personnes voulaient ériger des murailles autour d'un Québec souverain, ce ne serait certainement pas les Québécois eux-mêmes. Les Québécois semblent plus conscients que le premier ministre que l'avenir et le développement des États passent par une ouverture sur le monde. Cessons cette démagogie et passons à une discussion rationnelle des véritables enjeux pour le Québec et le Canada.

[Traduction]

LE SIDA

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, imaginons un virus qui attaque le cerveau d'un bébé, de telle sorte que l'enfant ne puisse ni avancer à quatre pattes ni marcher ni parler. Imaginons un virus capable de tuer un enfant avant son deuxième anniversaire, après avoir laissé l'infection ravager complètement son corps. Il n'existe aucun vaccin, aucun remède à ce virus que, tragiquement, le bébé peut attraper de sa propre mère.

Le groupe des femmes hétérosexuelles de race blanche victimes du SIDA est celui qui connaît la plus forte croissance. Un bon nombre de ces femmes ignorent qu'elles sont atteintes. En fait, elles sont même convaincues que cela n'arrive qu'aux autres.

Le nombre des cas de SIDA signalés par les pédiatres ne cesse d'augmenter depuis le début des années 1980. Les dernières statistiques révèlent que 93 enfants ont fait l'objet d'un diagnostic séropositif et que 63 d'entre eux sont déjà morts du SIDA.

Au Québec, une femme enceinte sur 80 est sidatique. Les spécialistes conviennent que la seule façon de contrer la hausse du SIDA chez les enfants est d'empêcher sa transmission aux femmes.

Je demande au gouvernement d'appuyer énergiquement les campagnes de sensibilisation auprès de la population, y compris les efforts visant les femmes. Le problème du SIDA chez les enfants n'est pas près de disparaître.

* * *

[Français]

LE RWANDA

M. Mark Assad (Gatineau-La Lièvre): Monsieur le Président, le drame humanitaire le plus tragique au monde se joue au Rwanda. Avec une population d'environ 5 millions d'habitants, 100 000 morts ont été rapportés à date, et 250 000 réfugiés de ce même pays sont rendus sur les frontières ou à l'intérieur de la Tanzanie et du Burundi.

Un appel général est nécessaire et cela presse. Les forces des Nations Unies qui étaient de 2 000 ont été réduites à moins de 300. L'évêque de l'Afrique du Sud, Edmund Tutu, a lancé un cri d'alarme aux Nations Unies pour retourner au Rwanda pour effectuer un cessez-le-feu et venir en aide à un peuple victime de violence sans précédent.

* * *

[Traduction]

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. John Nunziata (York-Sud-Weston): Monsieur le Président, hier, Marwan Harb, âgé de 16 ans, a été brutalement assassiné à Hull, de l'autre côté de la rivière. M. Harb était le petit cousin de notre collègue d'Ottawa-Centre.


3762

Ce meurtre est le dernier d'une série de crimes violents commis par des jeunes contrevenants un peu partout au Canada. La Loi sur les jeunes contrevenants a un besoin urgent d'être modifiée. Sa révision s'impose absolument.

Plus tôt dans la journée, nous avons traité d'un projet de loi à cet égard au Parlement. Malheureusement, le Bloc Québécois a refusé qu'il y ait consentement unanime pour que le projet de loi soit renvoyé au comité.

(1415)

Je demande instamment à tous les députés, notamment à ceux du Bloc québécois, de se pencher sans délai sur cette importante question. Je prie le gouvernement de présenter dans les plus brefs délais un projet de loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants et de garantir qu'il soit adopté avant. . .

Des voix: Bravo!

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Je suis maintenant prêt à rendre ma décision concernant deux questions de privilège qui ont été soulevées jeudi dernier. Je désire le faire avant la période des questions, car ma décision pourrait influer sur la période des questions même.

Je chronométrai le temps qu'il me faudra pour lire ma décision et prolongerai la période des questions d'aujourd'hui d'autant.

Je le répète, je suis maintenant prêt à rendre ma décision concernant la question de privilège soulevée par l'honorable ministre des Affaires étrangères le jeudi 28 avril dernier, suite à la période des questions. Je répondrai par la même occasion au rappel au Règlement que soulevait l'honorable député de Roberval au même moment.

[Français]

L'honorable ministre a indiqué qu'on portait atteinte à ses privilèges en laissant entendre, dans le préambule de certaines questions, qu'il ne voulait pas répondre à des questions qui lui étaient adressées. Ces commentaires pouvaient ainsi laisser une mauvaise impression sur son travail de ministre et de député.

Il faut en tout temps nous souvenir des principes de base qui régissent la période des questions. Les Présidents Jerome et Bosley ont, dans le passé, éloquemment résumé ces principes lors de déclarations dont on retrouve les points saillants aux commentaires 409 et 410 de la 6e édition de Beauchesne.

Un de ces principes est que l'opposition est libre de poser des questions à tout ministre, mais à la condition que ces questions relèvent de la juridiction administrative du gouvernement. Cependant, comme il est mentionné dans la 6e édition de Beauchesne, au commentaire 410, paragraphe 16, et je cite:

Les seules questions qui peuvent être posées à un ministre ont trait au ministère dont il est chargé à ce moment-là.
Permettez-moi de rappeler à cette Chambre les propos tenus à ce sujet par le Président Lamoureux le 16 octobre 1968 et que l'on retrouve à la page 133 des Journaux de la Chambre, et je cite:

. . .il est permis de poser à un ministre des questions relatives à un ministère qui relève de sa compétence en sa qualité de ministre ou de ministre suppléant, mais il n'est pas permis de poser de questions à un ministre, et il ne lui est pas davantage permis de répondre, en toute autre qualité, par exemple en qualité de ministre représentant une province ou une partie de province, ou encore à titre de porte-parole d'un groupement racial ou religieux.
[Traduction]

Ces propos qui ont été repris par le président Bosley dans sa déclaration du 24 février 1986 s'appliquent aujourd'hui encore plus que jamais et devraient être suivis de façon très rigoureuse par les députés lorsqu'ils posent des questions aux ministres. Les députés se rappelleront que lors de la période des questions de jeudi, j'ai dû rediriger certaines questions aux ministres qui en étaient responsables.

[Français]

C'est pour cette raison également que j'ai jugé que la question de l'honorable député de Portneuf n'était pas acceptable. De plus, à la relecture des Débats, je dois admettre que les questions et les commentaires de l'honorable député de Roberval à l'endroit du ministre des Affaires étrangères et de l'honorable député de Laurier-Sainte-Marie à l'endroit du ministre des Finances étaient non seulement incorrects, mais entièrement inacceptables selon nos règles.

La Présidence reconnaît donc le bien-fondé des arguments soulevés par l'honorable ministre des Affaires étrangères. Cependant, je dois déclarer qu'il n'y a pas ici, de prime abord, une question de privilège. Il s'agit plutôt d'un rappel au Règlement.

Enfin, pour répondre à la question soulevée par l'honorable député de Roberval, à savoir si les ministres peuvent être questionnés sur une déclaration publique non reliée à leur responsabilité ministérielle, je réitère le principe qui veut qu'un ministre soit interrogé durant la période des questions orales sur des sujets directement reliés au domaine touchant son ministère. Le député n'a pas raison de prétendre qu'un ministre du gouvernement peut être questionné sur tout propos qu'il aurait tenu. Les précédents et la pratique parlementaires sont très clairs à ce sujet: un député ne peut pas questionner un ministre au sujet d'une déclaration publique qui n'est pas directement liée à son ministère.

[Traduction]

En terminant, permettez-moi d'ajouter que, depuis le début de cette législature, les échanges pendant la période des questions ont été intéressants et vivants et, dans la grande majorité des cas, empreints du respect que nous nous devons tous et que nous devons à cette Chambre. Je suis certain que nous pouvons poursuivre sur cette voie.

3763

Je remercie l'honorable ministre des Affaires étrangères et l'honorable député de Roberval de la clarté et de la concision de leurs interventions. J'espère que ces commentaires leur seront utiles et pourront aussi servir de guide à tous les députés.

Il est maintenant 14 h 20. La période des questions sera prolongée jusqu'à 15 h 5.

_____________________________________________


3763

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE RÉGIONAL

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, le premier ministre a désigné le ministre des Finances comme ministre responsable du développement économique régional du Québec. Toutefois, en raison de ses intérêts économiques personnels, que nous ne lui reprochons pas mais qui existent, le ministre des Finances voit sa marge de manoeuvre considérablement réduite sur plusieurs dossiers importants pour l'avenir économique du Québec.

Le premier ministre reconnaît-il en effet que son ministre des Finances a une marge de manoeuvre extrêmement réduite dans plusieurs dossiers économiques majeurs pour le Québec, ne pouvant pas, de son propre aveu, intervenir sur le TGV, sur le traversier des Îles-de-la-Madeleine, sur le bateau multifonctions Smart Ship ainsi que, pour une bonne part, sur la reconversion des industries militaires en industries civiles? Le premier ministre reconnaît-il que le Québec se trouve de ce fait mal servi?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, absolument pas! Nous avons des ministres responsables de chacun des dossiers, et s'il y a quelques dossiers où le ministre des Finances, pour des raisons que tout le monde connaît, ne peut pas intervenir, le premier ministre vient du Québec, alors il peut intervenir. Cependant, le ministre des Transports ou d'autres ministres étudient les dossiers et, lorsqu'il est temps de faire rapport, ils le font. Tout le monde connaît très bien la compétence du ministre des Finances et, compte tenu des responsabilités que nous lui avons confiées, il ne pourrait faire mieux.

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, si le premier ministre a jugé bon de nommer un ministre responsable de la Diversification de l'économie de l'Ouest, responsable du développement des provinces atlantiques et responsable du développement du Québec, j'imagine qu'il avait de bonnes raisons de le faire.

Doit-on comprendre des propos que vient de tenir le premier ministre que le ministre nommé par lui pour être responsable des dossiers économiques du Québec, chaque fois qu'il ne peut pas intervenir, le premier ministre s'engage à devenir, à ce moment-là, le ministre responsable du développement économique du Québec et à plaider comme devrait le faire le ministre responsable du Québec?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, il y a peut-être un ou deux domaines où ça arrive, particulìerement sur les questions de transport, pour des raisons que nous connaissons tous, mais ce sont des dossiers qui sont bien connus de la part de tous les ministres et du premier ministre.

Dans ce cas-ci comme dans la plupart des cas, le ministre des Transports est très au fait de ce qui se passe, alors en aucun moment les intérêts du Québec sont minimisés parce que le ministre des Finances, qui a aussi le reste du dossier en matière de développement régional, se trouve à en être le ministre responsable. Je pense au contraire que le député devrait se lever et dire: «Nous sommes très chanceux que le ministre des Finances vienne du Québec.»

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, est-ce que le premier ministre reconnaîtra que le ministre des Finances est fort mal placé, dans le contexte actuel, pour intervenir dans le dossier d'un traversier pour les Îles-de-la-Madeleine en faveur du chantier MIL Davie de Lauzon, alors qu'effectivement son collègue des transports qui est directement impliqué dans la décision ainsi que le ministre responsable du développement des provinces atlantiques ont, eux, toute la marge de manoeuvre requise pour intervenir en faveur d'un chantier maritime situé dans leur région, dans leur province?

(1425)

Est-ce que le Québec n'est pas défavorisé, du fait que le porte-parole officiel, lui, malheureusement dans ce dossier, a les mains liées, contrairement à ses collègues?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, il faut bien comprendre les objectifs, vraiment, la vocation du Bureau fédéral de développement régional au Québec.

Comme je l'ai annoncé il y a trois semaines, et d'ailleurs, comme le ministre des Ressources humaines l'a annoncé, en ce qui concerne le Western Diversification Fund dans l'Ouest, nous avons l'intention, au Bureau fédéral, vraiment de miser sur la petite et moyenne entreprise.

Nous, au Québec, c'est-à-dire nous, vraiment, les héritiers de la Révolution tranquille, la révolution de l'entrepreneurship, on sait fort bien que l'avenir économique du Québec reste dans nos mains, dans nos petites et moyennes entreprises et nous avons l'intention, nous, du gouvernement fédéral, d'encourager ce dynamisme, et je peux vous assurer, monsieur le Président, qu'il n'y a aucun conflit d'intérêts entre le ministre des Finances et le ministre du Bureau fédéral et l'entrepreneurship de la province de Québec.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances, qui est également responsable du développement régional.

L'avenir du plus important employeur privé de la région de Québec est sérieusement compromis. Il dépend essentiellement de deux décisions du gouvernement fédéral: la première concerne le projet de construction d'un navire pour les Îles-de-la-Madeleine, le second touche le projet de développement d'un navire multifonctionnel appelé Smart Ship.


3764

Le ministre responsable du développement économique du Québec reconnaît-il que l'avenir du chantier MIL Davie repose essentiellement sur les décisions que prendra le gouvernement fédéral dans ces deux dossiers et reconnaît-il du même souffle qu'il ne peut intervenir directement pour défendre les intérêts de la MIL Davie dans ces deux dossiers majeurs?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, comme je le crois, le député le sait très bien, nous venons de recevoir une ébauche du plan d'entreprise pour la MIL Davie. Nos fonctionnaires sont en train de le reviser et quand nous aurons l'occasion de décider avec l'actionnaire qui a la plus grande responsabilité pour la MIL Davie, nous pourrons, peut-être, lui donner un peu de conseils au sujet de la MIL Davie, mais nous sommes très conscients de l'importance de cette compagnie dans la région de Québec.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Ma question s'adresse au premier ministre. Monsieur le Président, le premier ministre ne convient-il pas que le ministre des Finances ne peut répondre à cette question en Chambre, ce qui démontre clairement le problème qu'il a à assumer son mandat de ministre responsable du développement régional du Québec, alors qu'il est incapable d'intervenir en faveur du chantier MIL Davie au Cabinet, contrairement à ses collègues des Transports et des Travaux publics qui, eux, pourront défendre sans aucune contrainte les intérêts des chantiers navals des Maritimes?

[Traduction]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, il est très clair pour moi que l'enquête dans l'affaire des Prairies relève du ministre des Transports. Lui et moi suivons cette affaire de très près.

Je crois que les intérêts de toutes les parties en cause sont fort bien protégés. Le mandat qui a été confié au ministre des Finances ne suppose pas que celui-ci décide à la place du ministre des Transports. Nous avons un excellent ministre des Transports, qui est en train d'examiner les besoins en matière de transport. Il doit peser toutes les options et leur coût et une décision sera prise en temps opportun.

En ce qui concerne les chantiers maritimes, nous avons des ministres responsables. Le service qui relève du ministre des Finances n'a rien à voir avec la MIL Davie, les transports ou la défense. Il s'occupe des petites et moyennes entreprises. Le ministre réussit fort bien à aider ces entreprises.

* * *

L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Hier soir, beaucoup de Canadiens sont restés debout pour remplir leurs déclarations de revenus.

Une voix: Pour regarder le match de hockey.

M. Silye: Non, ils ne regardaient pas le match de hockey. Ils essayaient de se retrouver dans leurs T1, leurs T1CTB, leurs T778, leurs T4 et leurs T5 et, franchement, beaucoup de Canadiens en ont ras le bol de tous ces formulaires aujourd'hui.

(1430)

Chaque année, les Canadiens dépensent des millions de dollars pour faire remplir leurs déclarations de revenus par des comptables et des avocats. La Loi de l'impôt sur le revenu, cette brique de 2 091 pages, est un fouillis total de règles et de règlements et elle a grandement besoin d'être réformée, ce que beaucoup de Canadiens réclament.

Quand le premier ministre ordonnera-t-il à ses ministres et à ses mandarins de simplifier le régime fiscal pour qu'il soit juste, efficient et efficace, réduisant ainsi le fardeau imposé aux Canadiens?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, il est très évident que le député a lu le livre rouge.

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, la motion de l'opposition dont la Chambre sera saisie demain portera justement sur ce sujet, et j'espère que le premier ministre prendra le temps d'écouter les remarques que feront les députés.

Actuellement, la journée d'affranchissement de l'impôt est le 7 juillet. Cette date représente la fin de la période durant laquelle les Canadiens doivent travailler pour financer leur part du plan présenté par le gouvernement libéral dans son livre rouge.

Le premier ministre peut-il nous dire quand les Canadiens peuvent espérer payer moins d'impôt au cours d'une année qu'ils en ont payé l'année précédente?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, les Canadiens seront dans cette position dès que tous ceux qui veulent travailler trouveront un emploi. C'est la meilleure façon de réduire le fardeau fiscal. Toutefois, lorsqu'il y a 11,6 p. 100 de chômeurs, comme c'était le cas lorsque nous avons été élus, il faut faire quelque chose pour corriger la situation. Comment corriger la situation?

La réponse facile, c'est de mettre en place des programmes qui créeront des emplois. Pourtant, j'ai remarqué que, chaque fois que nous voulons mettre sur pied un programme qui créera des emplois, le Parti réformiste s'y oppose.

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, notre régime fiscal est tellement compliqué que le ministère du Revenu est le plus grand employeur dans la fonction publique, comptant plus de 35 000 employés qui lui coûtent 1,8 milliard de dollars. L'effectif de ce ministère est plus nombreux que la population de la ville de Shawinigan.

Le premier ministre peut-il nous dire si le gouvernement a calculé combien de milliards de dollars il pourrait économiser en frais d'administration et combien les contribuables pourraient économiser en frais de préparation de déclarations de revenus s'il mettait en place un régime fiscal juste et intégré?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous avons justement des comités de la Chambre des


3765

communes qui examinent cette question. C'est également une des préoccupations constantes du ministre des Finances.

J'ai remarqué durant le débat sur le budget que, très souvent, lorsqu'on parlait de changer quelque chose, les députés réformistes s'y opposaient. Parfois, les gens ont peur des changements.

Nous essayons maintenant de remplacer la TPS par une autre taxe plus juste. Je suis certain que le comité présentera son rapport le mois prochain et que le ministre des Finances sera en mesure d'étudier les recommandations de la Chambre des communes en vue du remplacement de cette taxe très complexe dont les gens veulent se débarrasser. Je sais que le Parti réformiste veut garder cette taxe très complexe qu'est la TPS. Le chef de ce parti a affirmé que les réformistes aiment bien la TPS. Malheureusement pour eux, nous haïssons cette taxe et nous allons la faire disparaître.

* * *

[Français]

LE RWANDA

M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères. La guerre civile se poursuit au Rwanda où les massacres auraient fait jusqu'à 200 000 morts. Les pourparlers visant à assurer un cessez-le-feu sont dans l'impasse.

Vendredi, le Secrétaire général des Nations Unies a exhorté le Conseil de sécurité à envisager un recours à la force pour mettre un terme au massacre de milliers d'innocents, même si cela nécessite des renforts de Casques bleus.

Alors qu'une dépêche de ce matin rapporte que le ministre de la Défense nationale hésite à appuyer cette démarche du Secrétaire général de l'ONU, le ministre des Affaires étrangères peut-il indiquer si le Canada entend appuyer ou non cette démarche?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, il est évident que le massacre qui continue au Rwanda ne peut être ni toléré ni même accepté par les pays qui ont eu par le passé des programmes de coopération avec cette population.

Le Canada est donc parmi les pays qui essaient, au sein des Nations Unies, ou au sein de l'Organisation de l'unité africaine, de trouver des moyens pour ramener à la raison ces factions qui s'entre-tuent actuellement.

(1435)

Je voudrais dire à l'honorable député que les discussions préliminaires qui ont eu lieu aux Nations Unies n'ont pas apporté les résultats escomptés. C'est pourquoi nous pensons que peut-être un autre forum, l'OUA en particulier, pourrait être mieux placé pour jouer un rôle de conciliation afin d'amener les parties à la raison pour cesser de s'entre-tuer. Toute démarche à cet effet sera certainement supportée par le Canada.

M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Monsieur le Président, compte tenu du nombre croissant de réfugiés rwandais qui fuient la guerre civile et au nom des 30 ans d'étroite coopération entre le Québec et le Rwanda, le ministre entend-il accroître l'aide humanitaire déjà annoncée?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, l'honorable député sait déjà que l'Agence canadienne de développement international a versé un million de dollars pour la fourniture d'aide d'urgence et que, également, nous avons fait une contribution de deux millions de dollars à la Croix-Rouge internationale pour l'aider à secourir des vies humaines et des blessés là-bas. ll reste que c'est peu devant l'ampleur du massacre. Le Canada, en collaboration avec d'autres, essaie de voir quel genre d'aide humanitaire peut être apportée de toute urgence.

Il est évident que tant que les combats continuent et que le carnage se poursuit, il est excessivement difficile d'amener de l'aide humanitaire et que cette aide soit mise à profit. Mais le Canada voudra continuer avec d'autres à trouver des moyens d'aller assister cette population complètement laissée à elle-même.

* * *

[Traduction]

LA JUSTICE

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Le ministre a déclaré publiquement qu'il n'était absolument pas d'accord avec ceux qui disent qu'il existe une crise de confiance dans le système de justice au Canada. Il a également déclaré que le système de justice fonctionnait bien et qu'il était fondamentalement sain. On rapporte aujourd'hui que le ministre appuie ses affirmations sur des statistiques qui font son affaire.

Je voudrais que le ministre nous dise s'il croit vraiment qu'une augmentation de 61 p. 100 des crimes avec violence depuis dix ans ne représente pas une crise dans le système de justice pénale du Canada.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, je dirai tout d'abord que je ne crois pas qu'il soit bien utile de se disputer longuement sur des chiffres. On peut dire cependant que, quel qu'en soit le nombre, il y a toujours trop de crimes au Canada. On pourrait toujours améliorer le système de justice, et nous y travaillons très fort.

Quant aux chiffres et aux statistiques, je ferai remarquer à la députée que les statistiques à ce sujet citées aujourd'hui dans un des journaux portaient sur des chiffres remontant à 1962. Ces chiffres sont intéressants, mais les chiffres plus récents ont peut-être davantage rapport à la situation actuelle.

Depuis 1977, c'est-à-dire au cours des 16 années où l'on a compilé ce genre de données, le nombre des homicides n'a augmenté que de 4 p. 100. Il s'agit de statistiques provenant de la même source que celle que citait le journal de ce matin.

On parle de crimes avec violence, mais si l'on examine ce que recouvrent ces chiffres dans bien des cas, on constate qu'il s'agit souvent de bousculade ou d'échange de coups dans la cour d'école, ce dont les jeunes contrevenants n'étaient pas inculpés avant l'adoption de la loi, contrairement à maintenant, et qui font dorénavant partie des statistiques à cet égard.


3766

Je le répète, quel qu'en soit le nombre, il y a toujours trop de crimes, mais il faut considérer le problème dans son contexte. Je trouve que le système de justice, dans son ensemble, marche très bien.

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Monsieur le Président, on dit aussi que, depuis que la peine de mort a été appliquée pour la dernière fois en 1962, le pourcentage d'homicides a plus que doublé au Canada, par rapport aux statistiques pour cette année-là.

Le ministre va-t-il essayer de convaincre les Canadiens que le système de justice n'est pas en crise en citant les statistiques qui font son affaire, ou le gouvernement est-il disposé à présenter les projets de loi nécessaires pour protéger la société?

(1440)

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, je crois avoir répondu à la question concernant les statistiques. À mon avis, les données plus récentes qui portent sur les 16 dernières années sont plus fiables et significatives. J'inviterais toutefois la députée à laisser de côté les statistiques et à examiner les causes du problème.

Je sais qu'elle et moi sommes d'accord sur une question: il faut améliorer le système de justice afin de réduire les crimes graves avec violence. Il faut pour cela rendre les lois plus efficaces et nous attaquer aux causes sous-jacentes de la criminalité.

Je sais que, dans les semaines à venir, lorsque nous présenterons des mesures législatives à ce sujet à la Chambre, la députée et son parti nous appuieront dans ce dossier.

* * *

[Français]

LES PÊCHES DE L'ATLANTIQUE

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines. Le programme d'adaptation pour les pêcheurs de l'Atlantique soulève des oppositions croissantes. On apprend dans les journaux aujourd'hui qu'un porte-parole des travailleurs terre-neuviens refuse la proposition du ministre visant à obliger chaque pêcheur à signer, sur une base individuelle, un contrat par lequel il doit s'engager à suivre des cours de formation ou à effectuer des travaux communautaires en échange de sa prestation.

Le ministre reconnaît-il que sa proposition de contrats individuels soulève de vives critiques, des craintes légitimes et, en conséquence, est-il prêt à négocier des contrats collectifs avec les syndicats comme le lui propose le porte-parole des travailleurs de la pêche?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, tout d'abord, je tiens à préciser que les paroles ou les citations utilisées par la députée ne reflètent pas exactement ce que le président du syndicat des pêcheurs a déclaré. Il a dit que les pêcheurs avaient des questions sur la nature de ces ententes.

Je signale par ailleurs que dans le cadre d'un certain nombre de programmes du ministère du Développement des ressources humaines, les prestataires doivent déjà signer ce genre d'ententes. Il est normal que, dans le cas des programmes de formation par exemple, ils aient à se conformer à certaines obligations.

Nous tentons d'appliquer un principe de responsabilité mutuelle dans ces programmes et les membres du syndicat des pêcheurs ont eu de nombreuses occasions d'en discuter et d'échanger leurs points de vue sur la question depuis le début de février dernier. En fait, pendant les discussions, aucune objection n'a été soulevée.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, ce qu'on lit dans le journal, ce matin, c'est:

[Traduction]

«Nous ne signons pas d'ententes individuelles; nous signons des ententes collectives.»

[Français]

Le ministre a dû lire ces propos-là.

Le ministre ne convient-il pas qu'après avoir passé par-dessus la tête des provinces, il aurait, au minimum, tout intérêt à s'assurer la collaboration des syndicats des travailleurs des pêches et, à cet effet, s'engage-t-il à rencontrer les syndicats avant de procéder à la signature de contrats individuels?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, tout d'abord, je rappelle à la députée que l'entente sur les pêches de l'Atlantique n'a pas été négociée à l'insu des provinces touchées, mais que chacune d'elles a été consultée et était favorable au programme. C'est un fait.

Deuxièmement, nous avons discuté de tous les aspects de la question avec les syndicats. Chacun des syndicats a été consulté et, lorsque nous avons annoncé le programme, le ministre des Pêches et moi-même avons déclaré que, s'il y avait des problèmes en cours de route ou si quelqu'un avait des inquiétudes, nous étions prêts à nous asseoir pour en discuter et tenter de trouver des solutions.

Donc, monsieur le Président, la députée essaie encore une fois de déformer les faits. Le programme a été élaboré après des consultations très vastes avec toutes les parties en cause et toutes ces parties sont très satisfaites de l'entente.


3767

L'ACCORD GÉNÉRAL SUR LES TARIFS DOUANIERS ET LE COMMERCE

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Selon les dernières informations, le président Clinton se serait officiellement rangé du côté des agriculteurs américains dans le conflit sur le blé dur. Étant donné que la Commission du commerce international des États-Unis elle-même s'est moquée des allégations sans fondement voulant que les Canadiens se livrent à des pratiques commerciales injustes, le premier ministre va-t-il communiquer directement avec le président Clinton pour lui demander de se hisser au-dessus de la politique intérieure et de jouer un rôle de leader dans l'intérêt du libre-échange?

(1445)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Je l'ai déjà fait il y a une semaine. La question arrive un peu tard.

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, question supplémentaire.

Le premier ministre expliquerait-il à la Chambre quelles mesures il prendra personnellement pour éviter que ce conflit commercial ne s'étende et ne dégénère en une vraie guerre commerciale mondiale?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous avons fait ce qu'il était possible de faire.

Le ministre de l'Agriculture a fait valoir notre point de vue depuis janvier auprès de son homologue américain. Le ministre du Commerce international l'a fait auprès de son homologue lui aussi. J'ai abordé la question deux ou trois fois avec le président Clinton. Nous espérons que la raison prévaudra. Nous vendons du blé aux États-Unis parce que la production des agriculteurs canadiens est souvent meilleure.

Le sénateur Bradley, par exemple, a soutenu la semaine dernière que ce n'était pas une bonne idée d'essayer de freiner nos ventes de blé dur parce qu'il a reconnu que le blé dur produit au Canada est bien meilleur pour fabriquer les pâtes alimentaires. J'ai été heureux de constater qu'un sénateur américain employait l'argument que j'ai invoqué il y a un mois.

* * *

[Français]

FUTUROPOLIS

M. Michel Daviault (Ahuntsic): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

La ville de Montréal propose de réaliser un projet baptisé Futuropolis qui serait situé dans le technoparc. La première phase de ce projet pourrait entraîner des investissements de 225 millions de dollars d'ici trois ans et attirer quelque 200 entreprises actives dans les technologies reliées à l'autoroute électronique. La Société de développement industriel de Montréal, la SODIM, s'est engagée a investir 200 000 $ pour une étude de faisabilité du projet à condition qu'Ottawa et Québec fassent de même.

Le ministre de l'Industrie, responsable de l'autoroute électronique, entend-il répondre favorablement à la demande de la ville de Montréal pour le financement de l'étude de faisabilité du projet Futuropolis?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je serai très heureux de recevoir une proposition de la Ville de Montréal pour l'étudier. En ce moment, notre engagement envers le financement de l'autoroute électronique a été limité à notre aide au projet CANARIE qui est en train de former des réseaux partout au Canada pour établir la base de l'autoroute électronique.

De plus, nous sommes en train aussi, comme le député le sait très bien, de préparer la réglementation de l'autoroute électronique.

M. Michel Daviault (Ahuntsic): Monsieur le Président, comme le ministre semble un peu pris au dépourvu relativement à ce projet, il faudrait qu'il se renseigne sur le projet Futuropolis qui permettrait certainement aux entreprises québécoises et montréalaises de bénéficier des retombées éventuelles et pourrait même devenir un pôle central du développement de l'autoroute et de Montréal.

* * *

[Traduction]

L'AFRIQUE DU SUD

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord): Monsieur le Président, Martin Luther King, l'une des figures dominantes du siècle, a dit un jour: «J'ai un rêve.» Aujourd'hui, son rêve s'est réalisé en Afrique du Sud où les Noirs sont enfin libres, de nouveau.

Ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères. Le ministre peut-il dire à la Chambre quels programmes, s'il en est, il est prêt à mettre en oeuvre pour aider les Sud-Africains dans leur marche vers les réformes démocratiques et économiques dans les années à venir?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, j'estime que tous les députés se réjouiront du résultat des élections en Afrique du Sud, qui ont été très pacifiques et bien organisées.

Il est évident que nous sommes très heureux d'avoir participé à l'organisation de ces élections. Le Canada a en effet contribué aux préparatifs de la campagne. M. Gould, le numéro deux d'Élections Canada, a été envoyé là-bas pour se joindre à l'équipe chargée d'organiser les élections. Il a sans conteste fait de l'excellent travail en compagnie des autres organisateurs de ces élections.

Quant aux nouvelles initiatives canadiennes, il faudra d'abord en discuter avec le nouveau gouvernement. D'ailleurs, dès son retour, la Secrétaire d'État pour l'Afrique convoquera les représentants d'ONG, d'associations, de groupes et de particuliers qui voudront discuter de l'aide que le Canada pourrait consentir à l'Afrique du Sud.


3768

(1450)

Après ces consultations, nous pourrons sûrement faire des déclarations à la Chambre en cette matière.

* * *

MICHAEL LAWRENCE DRAKE

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice et concerne l'extradition d'un certain Michael Lawrence Drake.

En mars 1992, Drake a été accusé d'avoir agressé une fillette de deux ans et demi à Washington. En attendant son procès, Drake s'est soustrait à la justice et est venu au Canada. En juin 1992, un tribunal américain a jugé Drake coupable d'agression sexuelle in absentia. La semaine dernière, Drake a été mis en liberté sous caution par les autorités canadiennes en attendant de comparaître devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique pour une audience d'extradition.

Pourquoi les autorités canadiennes ont-elles relâché Drake, alors qu'il a déjà été condamné pour agression sexuelle contre une enfant et qu'il s'est déjà soustrait à la justice aux États-Unis?

Le Président: Je ne sais pas s'il y a un ministre en mesure de répondre à une question aussi précise. Peut-être que le député pourrait essayer d'obtenir cette information par d'autres moyens. Néanmoins, s'il connaît la réponse, le ministre de la Justice peut répondre à la question.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, comme l'a dit le député, c'est maintenant une affaire d'extradition.

Dans cette perspective, l'affaire sera d'abord entendue par un tribunal pour décider de la délivrance d'un mandat de dépôt, puis elle me sera soumise, si c'est bien la procédure à suivre. La personne est libre d'adresser une demande au ministre de la Justice, quelle que soit l'issue de la poursuite judiciaire. Si la personne est incarcérée, le ministre a le droit d'intervenir en vertu de la loi.

Je ne ferai pas de commentaires sur le fond ou sur les avantages de la procédure d'extradition. La question que soulève le député porte sur l'incarcération du détenu et le fait qu'il ait pu être remis en liberté en attendant que son cas ne soit réglé. Je me ferai un plaisir de me renseigner sur ce qui s'est passé et de rapporter les faits au député une fois que je les aurai.

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre): Monsieur le Président, j'apprécie vraiment la franchise avec laquelle le ministre a répondu à ma question. Il s'agit, en fait, de l'incarcération d'une personne qui a été trouvée coupable et qui met en danger les jeunes enfants dans nos collectivités.

J'aurais une autre question à poser au ministre. Quand va-t-on arrêter de se retrancher derrière la loi et quand va-t-on enfin se décider à faire passer en premier la protection des enfants?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, il s'agit là d'une question beaucoup plus générale.

Chaque fois qu'une personne est accusée d'un crime grave, y compris d'attouchements sexuels sur des enfants, les tribunaux se demandent, en tenant compte des dispositions sur le cautionnement qui sont prévues dans le Code, si cette personne doit être libérée dans l'attente de son procès et, en fait, une fois le procès terminé, dans l'attente du prononcé de sa sentence ou d'un appel de la sentence.

Tout ce que je peux dire au député, c'est que je suis certain que tous les procureurs de la Couronne du Canada exercent leur jugement de la façon la plus responsable qui soit et que, chaque fois, les tribunaux tiennent compte de la sécurité de la collectivité lorsqu'ils doivent déterminer s'il faut accorder un cautionnement, en cas de procès ou par la suite.

* * *

[Français]

LE LOBBYISME

M. Richard Bélisle (La Prairie): Monsieur le Président, dans son livre rouge, le Parti libéral énonçait de beaux principes quant à la nécessité d'encadrer les activités des lobbyistes pour le meilleur intérêt de l'administration gouvernementale. Or, six mois après les élections, plus rien. Le gouvernement libéral, comme par magie, se distancie du Parti libéral d'avant les élections.

Comment le premier ministre peut-il expliquer ses hésitations à déposer un projet de loi sur les lobbyistes, alors que ses intentions, annoncées au moment de la campagne électorale, semblaient très claires à ce sujet?

(1455)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous avons pris cet engagement-là et avons l'intention de le respecter. En ce moment, j'essaie de trouver la personne qui pourra en devenir responsable. Je voudrais connaître très bien la personne qui aura cette responsabilité pour qu'elle puisse participer à la rédaction du projet de loi.

Comme je l'ai dit, lorsque nous aurons déniché la personne en question, je consulterai le chef de l'opposition et celui du Parti réformiste avant de la nommer, car je pense qu'il serait convenable qu'ils soient informés du choix de la personne qui jouera ce rôle. J'espère que nous serons en mesure de procéder avant l'ajournement de cette session, soit très bientôt.

M. Richard Bélisle (La Prairie): Monsieur le Président, près de quatre mois après le discours du Trône, le gouvernement n'a toujours pas procédé à la nomination du conseiller en question chargé de l'éthique, comme le premier ministre s'y était engagé au moment de la campagne électorale.

Dans combien de temps le premier ministre entend-il nommer ce conseiller responsable de l'éthique et de l'application de la loi?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, aux dernières nouvelles, on avait un mandat de cinq ans. Nous avons rempli une grande partie des promesses que nous avons faites dans le livre rouge. J'espère que le député ira


3769

voir à la page 107; il sera surpris. Les hélicoptères, le programme d'infrastructures, la création d'emplois pour les jeunes, et j'en passe, ont été mis de l'avant. Cette promesse-là n'est pas encore terminée. C'est sûr qu'on n'est pas capable de tout faire à l'intérieur d'une session de quatre mois. Mais ça va très bien jusqu'à maintenant. Ce problème-là sera réglé-je l'espère bien-à la satisfaction de tout le monde, avant que le Parlement n'ajourne, dans sept semaines exactement.

* * *

[Traduction]

LES POMICULTEURS

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Revenu national.

Les pomiculteurs canadiens ont demandé à plusieurs reprises au ministre de faire cesser immédiatement le dumping des pommes américaines au Canada. Comme d'habitude, le gouvernement parle beaucoup, mais il ne fait rien. Tout ce que le gouvernement a trouvé à dire, ça a été de suggérer aux pomiculteurs d'engager une action antidumping par l'intermédiaire du Tribunal canadien du commerce extérieur. Résultat, il faudra attendre au moins cinq mois pour que la situation s'arrange. Or, c'est aujourd'hui que les pomiculteurs souffrent du dumping.

Le ministre va-t-il intervenir pour mettre fin à la destruction de l'industrie canadienne de la pomme?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.

J'ai rencontré les représentants des pomiculteurs à deux occasions, pas seulement les pomiculteurs de Colombie-Britannique, mais aussi ceux d'ailleurs au Canada. Le député a omis de dire que si nous sommes confrontés à ce problème, c'est parce que les pomiculteurs canadiens ont été déboutés une première fois, si bien qu'ils doivent maintenant faire la preuve de dommages réels avant de pouvoir entreprendre un nouveau procès avec l'espoir de le gagner.

Le député et la Chambre ont intérêt à reconnaître qu'il serait très mal avisé de précipiter les choses avant d'avoir pu recueillir tous les éléments de preuve, vu que nous avons perdu la première manche. Nous devons donc collaborer avec les pomiculteurs à la préparation du meilleur dossier qui soit afin que, lorsque nous nous présenterons de nouveau devant le tribunal, nous ne perdions pas encore notre procès.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Monsieur le Président, le ministre du Revenu national se souviendra que, à l'occasion d'une récente réunion de la Chambre de commerce qui s'est tenue à Penticton, il s'est dit préoccupé au sujet des pomiculteurs du Canada. Il se souviendra aussi d'avoir dit que, lorsqu'une preuve de préjudice serait fournie à son ministère, des mesures seraient prises immédiatement. Je voudrais rappeler au ministre que les producteurs de fruits ont fourni ces renseignements au début d'avril.

Le ministre peut-il dire à la Chambre aujourd'hui quand les Canadiens verront son gouvernement agir?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national): Monsieur le Président, encore une fois, l'hypothèse du député est certes juste. Tous les ministériels et moi-même sommes fort préoccupés par le sort des producteurs de fruits du Canada, notamment des pomiculteurs, qui doivent affronter la concurrence des Américains qui envahissent notre frontière. Il a également raison lorsqu'il dit que nous procéderons dès que nous estimerons avoir une cause que nous pourrons remporter.

Je demande au député, comme je le lui ai demandé à une occasion précédente, à Kelowna, s'il désire que nous prenions le risque de perdre une deuxième fois ou que nous nous assurions d'avoir en main une cause que nous pourrons remporter avant de nous adresser à un tribunal du commerce international.

* * *

(1500)

LE CRÉDIT D'IMPÔT POUR EMPLOI À L'ÉTRANGER

M. Bernie Collins (Souris-Moose Mountain): Monsieur le Président, des députés d'en face ont déclaré que le ministre du Revenu national refusait rétroactivement le crédit d'impôt pour emploi à l'étranger à certains Canadiens.

Le député de Calgary-Ouest a déclaré, à la page 3564 du hansard, et je cite: «Le ministre du Revenu national devrait avoir honte de recourir à un moyen pareil pour supprimer les prétendues échappatoires fiscales.»

Quelle assurance le ministre peut-il nous donner qu'il ne s'agit pas de ponctions fiscales rétroactives?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national): Monsieur le Président, je remercie le député de Souris-Moose Mountain de sa question, car elle me donne l'occasion de dire clairement que le crédit d'impôt pour emploi à l'étranger n'a fait l'objet d'aucune modification législative, rétroactive ou autre.

Les propos du député qu'il vient de citer sont inexacts. Le crédit a été créé pour rendre les sociétés canadiennes plus concurrentielles lorsqu'elles soumissionnent pour l'obtention de marchés à l'étranger. Cette mesure vise à faire en sorte que les entreprises canadiennes qui soumissionnent en vue d'obtenir ce genre de marché aient toutes les raisons d'embaucher des Canadiens et de créer des emplois au Canada. Ce crédit d'impôt n'a jamais eu pour but d'accorder une exonération d'impôt à quelqu'un parce qu'il travaille au Canada pour une filiale dont la société mère se trouve à l'étranger.

En fait, les demandes non admissibles de crédit d'impôt sont refusées et une nouvelle cotisation est établie conformément à la loi.

* * *

[Français]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Monsieur le Président, les terrains utilisés par les Forces armées, soit les bases, les sites d'entraînement et les polygones de tir sont susceptibles


3770

d'être contaminés par des substances spécifiques reliées à l'usage militaire, compromettant ainsi la qualité de l'environnement.

Ma question s'adresse au ministre de la Défense. Le ministre peut-il nous informer s'il existe, au ministère de la Défense, une politique précise traitant de la décontamination des terrains militaires?

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je suis très heureux que le député ait soulevé cette question car il a parfaitement bien énoncé le problème.

À mesure que le ministère de la Défense se retire de certaines installations au pays où des exercices de tir ont eu lieu, on constate des dommages environnementaux assez considérables. Dans le cas d'Ipperwash, par exemple, nous discutons des modalités de nettoyage avec les autochtones qui revendiquent le territoire; nous dépenserons des sommes importantes afin de rétablir l'état original de ces sites en général, et de celui-là en particulier.

Nous sommes aussi confrontés à un problème à Calgary. Comme vous le savez, nous avons déménagé le régiment Lord Strathcona à Edmonton, notamment pour évacuer les terres des autochtones, mais nous devrons là aussi procéder à un certaine décontamination.

Nous avons annoncé, il y a deux semaines environ, dans le cadre de l'expansion du dépôt d'approvisionnements de Montréal, un projet de nettoyage de pointe, au coût de 26 millions de dollars, pour la remise en état du sol contaminé à cet endroit. Notre gouvernement est entièrement engagé à protéger l'environnement.

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Monsieur le Président, je remercie le ministre de sa réponse. J'aimerais que le ministre nous informe du nombre et du type d'interventions rendues nécessaires par la remise en état des terrains militaires sur le territoire canadien, et j'aimerais aussi, si possible, que le ministre dépose la politique de protection de l'environnement pour les terrains militaires, s'il lui plaît.

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, il est évident que je mettrai à la disposition du député toutes sortes de renseignements sur le nettoyage que le ministère adoptera pour s'assurer que le terrain sera absolument sans danger pour l'environnement.

En fait, je crois que ma réponse précédente expliquait bien que nous avons mis en place un programme permanent afin de veiller à ce que tout terrain contaminé à la suite de son utilisation par le ministère soit effectivement ramené à son état original.

LA JUSTICE

M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Les chiffres publiés la semaine dernière par Élections Canada prouvent encore une fois qu'on ne peut pas acheter les voix des Canadiens en dépensant beaucoup.

Maintenant que le résultat du vote sur l'accord de Charlottetown est ainsi renforcé, le gouvernement va-t-il épargner les deniers publics et laisser tomber son appel relativement à la loi du bâillon?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je réponds à titre de leader du gouvernement à la Chambre des communes.

Cette question est importante et de ce fait, je pense qu'elle mérite d'être soumise aux tribunaux.

Je comprends les préoccupations du député. Je me pencherai sur cette question avec le ministre de la Justice, mais je continue de croire qu'on doit s'en occuper du fait de son importance.

M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, un tribunal s'est déjà prononcé là-dessus, mais ce qui importe, c'est de savoir si le gouvernement a évalué le coût pour les contribuables de son appel et dans l'affirmative, s'il va déposer ces chiffres.

(1505)

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je vais demander au ministre de la Justice de se pencher là-dessus.

Je demande au député et à ses collègues de songer aux coûts pour l'économie canadienne et la population canadienne en général si des groupes nantis peuvent influencer de façon indue le résultat d'élections sans être assujettis aux mêmes types de contraintes que les partis politiques. C'est là une question qui mérite d'être étudiée.

J'ignore pourquoi le député refuse que ce soit fait, s'il s'inquiète de la démocratie au Canada.

* * *

L'ENVIRONNEMENT

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe): Monsieur le Président, dans le cadre de son discours du budget, le ministre des Finances a déclaré que son gouvernement était attaché au développement durable. Il a ajouté qu'il entendait établir un groupe de travail chargé de déterminer les obstacles à de saines pratiques environnementales ainsi que les facteurs qui incitent à ne pas adopter ces pratiques.

La ministre de l'Environnement pourrait-elle nous dire où en est ce groupe de travail?

M. Clifford Lincoln (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, le gouvernement attache beaucoup d'importance au développement durable. Les ministres de l'Environnement et

3771

des Finances se sont engagés à créer ce groupe de travail sur le développement durable le plus tôt possible.

Ils ont demandé à leurs ministères respectifs d'en faire une priorité. Ensuite, on organisera une réunion de tous les intéressés pour discuter du mandat de ce groupe de ce travail; après quoi, il sera formé.

* * *

[Français]

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Mes collègues, j'aimerais souligner la présence à notre tribune de Juan Manuel Eguiagaray Ucelay, ministre de l'Industrie et de l'Énergie de l'Espagne.

Des voix: Bravo!

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

ON DEMANDE DES PRÉCISIONS SUR UNE DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, vous avez rendu tout à l'heure une décision que j'accepte, que je respecte et que nous respecterons à l'avenir, bien sûr, mais j'aimerais obtenir quelques explications supplémentaires.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. J'ai relu tous les débats qui ont eu lieu et j'ai pris une décision après avoir réfléchi pendant toute la fin de semaine.

Si l'honorable député veut avoir d'autres renseignements, premièrement, je l'invite à lire ma décision, et s'il a des questions qu'il voudra poser ou à moi au salon privé ou peut-être au greffier, je l'invite à le faire, mais le point est réglé, la décision est prise.

Est-ce le seul point que le député a à souligner?

M. Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, il n'est nullement question de remettre votre décision sur la table. Cela n'a absolument rien à voir. Je vous ai simplement dit d'entrée de jeu qu'on respectait cette décision, mais elle vous amènera à rendre une autre décision. C'est ce que je voulais vous dire, si vous voulez prendre la peine de recevoir ma demande, qui est la suivante:

Vous avez dit dans votre décision, et on l'accepte, qu'un ministre ne doit pas répondre autrement que dans son champ de compétence. Vous avez ajouté que le ministre ne doit pas répondre à une question qui n'est pas dans son champ de compétence.

Voici la question que je voudrais maintenant que vous analysiez à partir de cela: Si ce que vous avez rendu comme décision est dorénavant respecté par tout le monde en cette Chambre, est-ce que, effectivement, quand on questionnera un ministre dans son champ de responsabilité en invoquant une déclaration faite par un de ses collègues, cela veut dire que ce collègue qui est cité n'aura plus le droit non plus de répondre sur cette question?

En d'autres termes, pour être pratique, si je ne peux pas questionner un ministre quelconque sur une déclaration qu'il a faite concernant le ministère des Finances et qu'il n'a pas le droit de répondre, est-ce à dire, si je dirige ma question au ministre des Finances sur une déclaration qu'aurait faite son collègue, que le ministre qui est cité n'aurait plus le droit de se lever et que le ministre des Finances serait tenu, à ce moment-là, de me répondre? C'est ce que je voudrais savoir, parce qu'il y a des implications sur la décision que vous avez rendue. Habituellement, si on cite un collègue d'un ministre, bien souvent, le collègue va se lever et justifier sa décision. Or, vous avez dit dans votre décision qu'il n'a pas le droit de le faire.

(1510)

Le Président: À l'ordre! On peut poser des questions pendant toute la journée au Président. Ce sont des questions hypothétiques. S'il y a quelque chose qui découle de ce que nous parlons ici au Parlement, et si un député, n'importe quel député, a des questions sur ce qui s'est passé à la Chambre, il me fera plaisir de donner des réponses. Mais, s'il s'agit de questions hypothétiques, il faudra voir, à un moment donné, s'il y a lieu de donner des réponses à de telles questions. J'aimerais clore le sujet là-dessus à ce moment-ci. Y a-t-il d'autres questions?

_____________________________________________


3771

AFFAIRES COURANTES

[Français]

PÉTITIONS

L'IMMIGRATION

M. Maurice Godin (Châteauguay): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer une pétition certifiée correcte en vertu des dispositions du Règlement, signée par au-delà de 1 130 personnes qui appuient la cause de la famille Garda de Châteauguay, laquelle demande le statut de réfugié politique.

Ces deux personnes sont de minorité hongroise en Roumanie où elles font face, dans ces conditions, à des menaces et de la persécution.

Les citoyennes et les citoyens du comté de Châteauguay ne veulent pas une autre affaire Maraloï chez eux. Ils veulent que le ministre réponde véritablement aux besoins de toutes ces personnes qui veulent s'intégrer à notre société nord-américaine, dans des délais décents, surtout pour les réfugiés politiques.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

(Les questions auxquelles une réponse verbale est donnée sont marquées d'un astérisque.)

L'hon. Fernand Robichaud (secrétaire d'État (Affaires parlementaires)): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.

3772

Le vice-président: Toutes les questions sont-elles réservées?

Des voix: D'accord.

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3772

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LE RÈGLEMENT DE LA REVENDICATION TERRITORIALE DES DÉNÉS ET MÉTIS DU SAHTU

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-16, Loi approuvant, mettant en vigueur et déclarant valide l'entente conclue entre Sa Majesté la Reine du chef du Canada et les Dénés de Colville Lake, Déline, Fort Good Hope et Fort Norman, ainsi que les Métis de Fort Good Hope, Fort Norman et Norman Wells, représentés par le conseil tribal du Sahtu, et modifiant une autre loi, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Le vice-président: Le député de Crowfoot avait la parole avant la période des questions. Je crois qu'il lui reste 15 minutes.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, poursuivant mon intervention sur le projet de loi C-16, j'affirme que ce sera avantageux pour tous les Canadiens que les nations du Sahtu soient autonomes et autonomes sur le plan économique.

Cette entente prévoit en outre un transfert de fonds versés par les contribuables canadiens représentant 130 millions de dollars répartis sur les 15 prochaines années. C'est plus de 8 millions par année. Apparemment, ces fonds sont destinés à financer des secteurs comme l'éducation, la formation et la préservation du patrimoine.

Je suis sûr que les Canadiens sont favorables à ce transfert des recettes fiscales pour les fins prévues, de même qu'à l'attribution des terres en cause. Cependant, je ne crois pas que la population canadienne approuvera ces dispositions si elles ne sont accompagnées d'aucune indication claire mettant un terme, à un moment donné, à la dépendance financière des nations indiennes à l'égard des contribuables.

L'entente ne donne aucune assurance de ce genre. En fait, elle établit clairement que les nations du Sahtu conserveront le droit de bénéficier des programmes pour les autochtones, actuels et futurs. Par conséquent, elle maintient l'état de dépendance de ces nations, que le gouvernement prétend faire cesser avec cette entente. Elle va donc à l'encontre de son but même.

(1515)

À cet égard, je voudrais commenter un article paru dans le Globe and Mail du 29 mars 1994, selon lequel le gouvernement fédéral a consacré plus de 50 millions de dollars aux négociations sur l'autonomie gouvernementale avec les groupes autochtones depuis sept ans, mais une seule entente en a résulté. Environ 400 collectivités autochtones ont entamé des pourparlers sur l'autonomie gouvernementale, mais la plupart ont abandonné jugeant le processus long, bureaucratique, limité et juridique.

D'après le Globe and Mail, c'était la conclusion d'une vérification fédérale. Cette vérification a apparemment fait état de nombreuses faiblesses dans la politique fédérale servant à négocier les ententes sur l'autonomie gouvernementale au niveau des collectivités et, selon sa conclusion, le processus serait long, lourd et coûteux.

Les paiements versés par le fédéral aux groupes autochtones aux fins de ces négociations ont grimpé de 500 p. 100 depuis le début du processus, au cours de l'exercice 1986-1987. Le ministère des Affaires indiennes a remis 30 millions de dollars aux groupes autochtones pour les pourparlers et il a consacré 20 millions de dollars aux coûts de fonctionnement interne.

Le Ministère a dépensé 50 millions de dollars pour créer une industrie artisanale dans le cadre de ces négociations, dont seuls les avocats et les leaders politiques ont bénéficié, car cet argent n'a absolument pas permis d'améliorer les conditions de vie déplorables des autochtones.

D'après moi, les faiblesses de l'entente avec le conseil du Sahtu reflètent celles qui ont été relevées au cours de la vérification fédérale du processus des négociations. L'entente ne protège nullement les intérêts du contribuable canadien.

Cette entente prévoit les moyens permettant au conseil du Sahtu de demander au gouvernement fédéral d'imposer davantage les Canadiens au profit des autochtones, en plus du territoire immense qui leur est attribué, des importantes redevances sur les ressources qu'il est convenu de leur verser et du règlement de plusieurs millions de dollars en argent qui est prévu.

L'entente n'est juste ni envers le conseil Sahtu ni envers les contribuables canadiens. Elle est injuste envers ces derniers parce qu'elle ne prévoit pas de fin au soutien financier exigé; elle est injuste envers le conseil Sahtu parce qu'elle ne met pas un terme à la dépendance de ses membres à l'égard des contribuables canadiens et, de ce fait, ne trace pas la voie de l'autonomie.

Un dernier aspect préoccupe bien des Canadiens: l'entente crée des droits fondés sur la race et l'origine ethnique; ce document sera donc aussi raciste que la Loi sur les Indiens. L'entente confère au conseil Sahtu un statut spécial fondé sur la race et détruit le principe d'une citoyenneté égale, selon lequel tous les Canadiens sont égaux devant la loi.

Cela ne présage rien de bon pour l'unité de notre pays. À mon avis, les conditions intolérables dans lesquelles les peuples autochtones ont vécu sont liées au fait que, pendant de nombreuses années, ils n'ont pas joui de droits égaux au Canada. Ils ont été victimes de discrimination à tous les niveaux de la société. On a cherché à faire disparaître leur langue, leur religion et leur culture. On n'a offert aucune perspective d'emploi à la majorité des autochtones.


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Si nous voulons corriger la situation, nous devons veiller à ce que tous les citoyens soient égaux devant la loi. Si nous accordons à ces autochtones un statut spécial, nous ne parviendrons pas à l'harmonie et à l'unité.

Pendant que le reste du monde, y compris l'Afrique du Sud, tente d'abolir les barrières entre les groupes ethniques, nous en construisons au moyen de ce genre d'accord. Nous en avons eu la preuve avec l'Accord du lac Meech et l'Accord de Charlottetown, et nous en avons une autre preuve avec l'entente dont nous sommes saisis aujourd'hui. Les gens se voient accorder des droits et des privilèges spéciaux à cause de leur race et de leur origine ethnique.

Ce sont les contribuables canadiens qui paient la note pour ces droits et ces privilèges. Ce genre d'accord n'apporte rien à une société multiculturelle comme le Canada. Nous devons veiller à ce que tous les Canadiens soient égaux devant la loi, peu importe leur race, leur langue, leur culture ou leur religion.

La plus grave lacune de l'accord avec les autochtones du Sahtu réside peut-être dans le fait que l'entente leur donne des droits spéciaux en fonction de leur race et de leur origine ethnique, détruisant ainsi le principe de l'égalité des citoyens canadiens.

Le vice-président: J'avise les députés que nous avons maintenant franchi la limite des cinq heures dans le cadre de ce débat. À partir du prochain orateur, les discours seront d'une durée de 10 minutes et ne seront pas suivis d'une période de questions ou d'observations. Le député de Peace River.

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, j'habite une de ces grandes circonscriptions du Nord qui comptent beaucoup de réserves et de villages métis.

Le précédent que le gouvernement est en train de créer en accordant ce règlement trop généreux me préoccupe beaucoup. J'appuie la notion d'autosuffisance et d'autonomie inhérente au bon règlement des revendications territoriales. Je ne conteste d'aucune façon le principe.

(1520)

Toutefois, j'encourage le gouvernement à supprimer le ministère des Affaires indiennes et à laisser les intéressés s'occuper eux-mêmes de leurs affaires. Cela aurait l'avantage de développer leur sens des responsabilités et de leur laisser, eux qui sont le plus directement intéressés, le soin de prendre les décisions.

Voyons quelle est l'ampleur de ce règlement. Mille sept cent cinquante-cinq personnes vont toucher un montant global de 130 millions de dollars, y compris les intérêts. Le territoire accordé équivaut à huit milles carrés par personne.

Remettons cela en perspective. Lorsque nos ancêtres sont arrivés au Canada, en 1869, soit il y a plus de cent ans, ils ont reçu 210 acres de terre agricole dans la région du lac Muskoka pour une famille de neuf personnes. Ce règlement accorde à chaque personne, et non à chaque famille, 5 120 acres. Devant une telle générosité, on voit très bien pour qui ces 1 755 personnes voteront à l'avenir.

Ma propre exploitation agricole, dans le nord-ouest de l'Alberta, exploitation que mon épouse et moi-même avons mis plus de 30 ans à édifier, compte 1 280 acres ou deux sections. On parle ici de huit sections par personne. Je connais beaucoup d'agriculteurs qui ne verraient aucune objection à ce que leur terre soit visée par un règlement aussi généreux.

N'oublions pas que le traité initial prévoyait que chaque personne reçoive 120 acres seulement, soit environ 5 000 de moins que ce qui est ici proposé.

En plus du règlement plus que généreux en terres et en espèces, les personnes visées continueront de bénéficier de leur statut d'autochtones et auront encore accès à tous les programmes actuels et futurs destinés aux autochtones ainsi qu'aux recettes découlant de l'exploitation des ressources.

Mes collègues ont parlé des grandes possibilités d'exploitation des ressources dans ce territoire. L'entente permet aux habitants du Sahtu de partager les recettes découlant de cette exploitation, avantage que la plupart des Canadiens n'ont pas.

En conclusion, il est clair que le gouvernement crée un précédent très dangereux, un précédent qu'il sera dorénavant forcé de respecter dans le règlement des revendications. Nous savons tous qu'il y a encore beaucoup de revendications territoriales à régler. Je crois vraiment que c'est là un précédent très dangereux. Cela se produit à un moment où notre pays est aux prises avec une dette accablante. Nous ne pouvons pas nous permettre ce genre de règlement.

Je suggère que nous renvoyions ce projet de loi à ses concepteurs. Le gouvernement peut faire mieux et doit faire mieux.

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap): Monsieur le Président, je veux aujourd'hui marquer mon opposition à l'approbation d'office de l'entente sur le règlement de la revendication territoriale des Dénés et des Métis du Sahtu, dans les régions du Grand lac de l'Ours, dans les Territoires du Nord-Ouest, car il s'agit d'une entente dont on ignore les répercussions et qui est susceptible d'établir un précédent.

Tout d'abord, je tiens à préciser que je suis tout à fait en faveur du règlement rapide des revendications territoriales des autochtones et de l'autonomie administrative négociée tribu par tribu.

Pourquoi est-ce que je m'oppose au projet de loi C-16? Je m'y oppose premièrement parce qu'en l'occurrence, l'entente constitue un chèque en blanc et équivaut à céder à vil prix des ressources non renouvelables et des redevances sur des ressources qui appartiennent à tous les Canadiens.

Deuxièmement, je m'y oppose parce que, plutôt que de tout simplement protéger les droits des autochtones et d'offrir à ceux-ci une compétence de type municipal sur la région visée par le règlement, le gouvernement effectue le transfert de vastes territoires et offre une propriété en fief simple à un infime pourcentage de la population du Canada.

Troisièmement, il s'agit d'une entente très complexe dont certains aspects restent à préciser et qui contient certaines dispositions que toute personne s'occupant intelligemment de ses affaires personnelles, et à plus forte raison des affaires de la nation, devrait refuser de signer.

Quant aux ressources, la vallée du Mackenzie est peu peuplée et on ignore encore toutes les richesses qu'elle renferme. En


3774

1977, le Canada a rejeté le pipeline du Mackenzie et a imposé un moratoire de dix ans sur sa construction parce que le marché du pétrole était saturé, mais il se pourrait qu'un jour, en raison du progrès et de nouveaux besoins, notre nation affamée de ressources voie dans cette vallée un corridor de transport important. De plus, au Canada, seul le Saint-Laurent a un débit d'eau douce plus important que le Mackenzie.

(1525)

Les ressources minérales de la vallée du Mackenzie, même si elles restent inconnues encore aujourd'hui, ont quand même provoqué la ruée de prospecteurs vers Yellowknife et le Grand lac de l'Ours ainsi que le projet pétrolier et gazier Canol.

Les politiques gouvernementales actuelles portent sérieusement préjudice à l'industrie minière canadienne qui fut un jour prospère. Un gouvernement plus avisé pourrait voir les milliers d'emplois liés à l'exploitation des ressources dans le bassin du Mackenzie, dont les richesses déjà connues comprennent l'or et peut-être même les diamants de Yellowknife, l'uranium d'Uranium City et d'Echo Bay, le tungstène de la rivière Flat et les gisements plombo-zincifères de Faro, sans compter le pétrole de Norman Wells et les sables bitumineux de l'Athabasca.

À titre de mineur et de prospecteur, je mets le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien ainsi que la ministre des Ressources naturelles au défi de dire aux Canadiens combien de millions de dollars et de ressources non renouvelables sont cédés à jamais aux termes de cette entente qui octroie, à 982 adultes et 773 enfants des Dénés et des Métis du Sahtu, des droits miniers sur 1 800 km2 du bassin du Mackenzie, bassin qui regorge de richesses minérales.

À cela viennent s'ajouter les 15 paiements annuels représentant entre 3,8 et 9,6 millions de dollars qui seront versés en espèces, en dollars de 1990; à cela s'ajoute aussi le pourcentage de redevances sur la production pétrolière et gazière que percevait le gouvernement dans la zone visée par le règlement, y compris le champ pétrolifère de Norman Wells exploité par Esso. Ces deux ministres sont prêts à remettre à 982 adultes et 773 enfants un chèque en blanc pour les ressources minérales.

Je serais curieux de savoir à quel moment, dans l'histoire autochtone, la prospection pétrolière, gazière et autre est devenue un droit autochtone.

La deuxième raison pour laquelle je m'oppose à l'entente visée dans le projet de loi C-16, c'est que cette dernière prive tous les Canadiens de la propriété commune d'une superficie plus grande que l'île de Vancouver, la vallée de l'Okanagan-où je vis-et celle du Fraser réunies et qu'elle en cède la propriété en fief simple à, je le répète, 982 adultes et 773 enfants.

Comme je l'ai dit, je suis tout à fait d'accord pour qu'on règle rapidement les revendications territoriales des autochtones et qu'on encourage l'autonomie gouvernementale de chaque tribu. Je n'aurais rien contre le fait de reconnaître aux Dénés et aux Métis du Sahtu des droits spéciaux les autorisant à continuer de chasser et de pêcher comme le faisaient les collectivités autochtones avant d'être en contact avec les colonisateurs.

Je pourrais même accepter que, aux fins de l'autonomie gouvernementale, un droit de propriété de type municipal soit conféré aux bandes concernées, relativement à leurs grandes zones d'établissement de Fort Good Hope, de Colville Lake, de Deline, de Fort Norman et de Norman Wells.

Dans un mémoire qu'il a rédigé, maître Melvin Smith, c.r., dit toutefois que, à sa connaissance, aucun tribunal canadien n'a établi que l'intérêt des autochtones dans la terre va jusqu'à leur donner la propriété en fief simple ou pleine propriété.

Au nom de tous les Canadiens, mes collègues réformistes et moi-même refusons de régler les revendications territoriales autochtones en cédant tout simplement la propriété en fief simple de vastes superficies de terres. Nous pensons qu'il vaudrait beaucoup mieux que la Chambre, à titre de défenseur des droits de tous les Canadiens, y compris ceux des générations à naître, reconnaisse aux autochtones des droits spéciaux de chasse et de pêche et leur garantisse une représentation particulière au sein de tous les organismes gouvernementaux ayant compétence sur l'utilisation des eaux et des terres dans les zones visées par les revendications. C'est plus qu'excessif. Nous croyons qu'il est imprudent et contraire au droit à l'égalité de traitement pour tous les citoyens de notre vaste pays de céder un si grand territoire en fief simple.

(1530)

Troisièmement, je considère que l'entente elle-même présente plusieurs lacunes graves. Par exemple, l'entente s'accompagne d'une carte qui donne l'impression qu'on s'est entendu sur un territoire donné. Ce n'est tout simplement pas vrai.

L'annexe C de l'entente décrit en détail le processus de sélection des terres qui permettra au conseil tribal du Sahtu et au gouvernement de poursuivre le travail de délimitation et de sélection des terres. Autrement dit, le projet de loi invite le Parlement à approuver la cession d'une grande étendue de terrain qui n'a pas encore été délimitée précisément.

On trouve aux pages 119 et 120 de l'entente des dispositions de nature non déterminée. Au paragraphe 26.4, l'entente prévoit simplement la formation d'un groupe de travail qui sera chargé d'étudier la question et de faire des recommandations afin d'établir une liste d'endroits et de sites historiques. La page 120 est laissée en blanc, sauf pour la rubrique suivante: «Sites sacrés des Dénés et des Métis du Sahtu à déterminer par les parties.»

Peut-on considérer que la signature d'une entente comportant des dispositions de nature non déterminée constitue une bonne curatelle? Peut-on considérer que la signature de cette entente constitue une gestion prudente de terres qui appartiennent aujourd'hui à nos petits-enfants? Je soutiens que non.

Un autre aspect de cette entente que je trouve troublant, c'est la multiplication d'organismes quasi gouvernementaux. Par exemple, elle créera des conseils de gestion des ressources renouvelables pour chaque localité. Elle créera également des conseils pour la planification de l'aménagement du territoire, pour la gestion des droits de surface et pour l'étude des répercussions environnementales, de même que des conseils de gestion des terres et des eaux. Et, bien sûr, il y aura un conseil d'arbitrage.


3775

On me dit que le gouvernement songe à présenter plus tard en 1994 un projet de loi sur la gestion des ressources du fleuve Mackenzie, qui fera naître encore plus de conseils et de comités chargés de coordonner l'activité de tous ces autres organismes, conseils et comités et de réglementer l'aménagement des terres et des cours d'eau qui traversent le territoire visé par l'entente.

Étant donné que la population des Dénés et des Métis du Sahtu ne compte que 982 adultes, on nous pardonnera de nous demander qui restera pour exercer les activités traditionnelles des autochtones, c'est-à-dire la chasse, la pêche et le piégeage, quand ils seront tous partis siéger aux divers organismes, conseils et comités.

Le vice-président: Les dix minutes du député sont terminées. Souhaite-t-il demander le consentement unanime pour poursuivre encore un peu?

Y a-t-il consentement unanime pour laisser le député terminer son intervention?

Des voix: D'accord.

M. Stinson: Monsieur le Président, malheureusement, la réponse est qu'une partie importante de l'argent qui est censé être versé à ces autochtones pour leur bien servira à engager des avocats, des travailleurs sociaux et des négociateurs blancs et d'autres parasites de ce qu'on peut appeler l'industrie indienne pour s'occuper des innombrables complications bureaucratiques de cet accord.

Enfin, en ce qui concerne l'autonomie gouvernementale de ces peuples, l'accord prévoit une sorte de cadre à l'annexe B. Mais il dit aussi que, en cas de divergences, il prime sur tout accord futur d'autonomie gouvernementale.

En outre, selon le ministre des Affaires indiennes, il prime sur toutes les autres lois fédérales, territoriales et municipales, comme on peut le lire dans le hansard du 25 avril. Selon moi, nous avons tort d'établir un précédent selon lequel un accord national sur des revendications territoriales peut l'emporter sur toutes les autres lois fédérales, territoriales ou provinciales et sur tous les règlements municipaux, en matière de revendications territoriales.

En conclusion, j'adresse mes meilleurs voeux aux Dénés et Métis du Sahtu dans leurs efforts pour obtenir un règlement juste et rapide de leurs revendications territoriales. J'admets que bien des gens ont consacré de longues heures et des efforts considérables à l'élaboration de cet accord, mais je m'oppose vigoureusement à certains de ses principes fondamentaux.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur le Président, en prenant part au débat d'aujourd'hui où la Chambre doit se prononcer sur la sagesse d'appuyer le projet de loi C-16, qui porte sur l'entente conclue avec les Dénés du Sahtu, j'ai eu la chance d'entendre nombre d'arguments sensés, sincères et bien informés de la part de députés de tous les partis. Je voudrais reconnaître leur contribution au débat et les en remercier parce que leurs points de vue ont été d'un grand secours aux Canadiens pour évaluer cette entente sur les revendications territoriales des Dénés du Sahtu.

(1535)

Il est toujours difficile d'exprimer des réserves sur de telles ententes. Aussi, quand on le fait, on se fait accuser de manquer de compassion, d'équité et de générosité, comme on l'a déjà entendu dans ce débat.

Je doute que les représentants de la population du Canada aiment être la cible de ce genre d'accusation, mais il faut bien que quelqu'un examine ces ententes d'une manière réfléchie et raisonnable puisqu'il en va du bien-être des gens directement touchés, à savoir les autochtones représentés par le conseil tribal du Sahtu. En outre, il faut également tenir compte des intérêts de tous les Canadiens, des 27 millions de Canadiens qui ont confié leur bien-être aux 295 députés qui siègent dans cette enceinte.

Il est clair qu'un grand nombre d'autochtones vivent dans des conditions socio-économiques épouvantables dans un pays qui vient au troisième rang dans le monde pour le niveau de vie. Il y a eu une petite joute oratoire sur la question de savoir si les autochtones jouiraient d'une vie paisible et autosuffisante s'ils étaient restés les seuls habitants de ce vaste pays que nous aimons, le Canada.

La réalité d'aujourd'hui, c'est que le Canada est peuplé par plus de 27 millions de personnes venant d'une foule d'autres pays à cause de la politique d'immigration de tous les gouvernements canadiens qui se sont succédé, du premier au dernier. Le mouvement d'immigration ne sera pas inversé. Nous avons donc pour devoir de prendre, au nom des Canadiens, des décisions pertinentes, justes et adaptées aux réalités actuelles et à celles de l'avenir prévisible.

Pendant des décennies, les décideurs ont essayé de satisfaire les besoins et les aspirations des autochtones et de s'occuper d'eux en créant une gigantesque bureaucratie dont le coût s'élève à plus de 10 milliards de dollars par année. Et ce montant est en sus des 10 000 $ par tête que le Canada verse à ses 997 000 autochtones. Malheureusement, les personnes à qui ces fonds sont destinés en profitent très peu. Ils servent plutôt à alimenter une bureaucratie sans cesse croissante.

Il est hélas évident que la multiplication de bureaucrates, de conseillers, d'experts-conseils, d'avocats, d'études, de subventions et de politiciens payés à même les impôts a bien peu fait pour améliorer le sort de la vaste majorité des peuples autochtones. Au contraire, elle a eu pour effets un déplorable état de dépendance, une renonciation à toute initiative et l'érosion de la fierté et des valeurs des autochtones.

L'entente dont nous sommes saisis remédie-t-elle résolument et énergiquement à ce système inefficace du passé? Non, pas du tout. Elle laisse plutôt en place les dispositifs qui sont à l'origine de l'état actuel des choses et les renforce encore en augmentant le nombre des commissions et des conseils.


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Cette pluie de dollars qui va tomber sur chacun va-t-elle rétablir l'estime et l'esprit d'initiative de la population du Sahtu? Aucune disposition, aucun processus n'est mis place pour que ce pouvoir d'achat nouvellement acquis serve à rendre les dirigeants et les conseillers du Sahtu comptables envers tous. Je recommanderais fortement que cet élément de responsabilité démocratique soit considéré comme un facteur de dynamisme essentiel dans le cadre des futures négociations sur l'autonomie gouvernementale.

De plus, l'entente ne comporte aucune disposition visant à obliger le Sahtu à se conformer aux lois fédérales, dont la Charte. Cette exigence aurait assurément dû figurer textuellement dans la partie où il est question de négocier des ententes d'autonomie gouvernementale.

Le plus grand sujet de préoccupation soulevé par cette entente, c'est le précédent qu'il crée. Il n'est pas malaisé de constater l'extrême générosité avec laquelle on concède des terres démesurées par rapport aux besoins et aux capactés d'utilisation, alors que le nombre de personnes touchées est très peu élevé, soit moins de 2 000.

Qu'advient-t-il quand le même processus s'applique à un territoire qui est essentiel aux intérêts personnels et économiques d'un grand nombre de Canadiens, voire de gouvernements municipaux ou provinciaux? Comment le gouvernement du Canada va-t-il pouvoir offrir la même superficie de terre et la même quantité de fonds à des peuples autochtones beaucoup plus nombreux? Dans l'impossibilité, comment va-t-il pouvoir justifier une offre moins généreuse au chapitre des dédommagements et du règlement de la revendication territoriale? A-t-il pris en compte des principes fondamentaux d'impartialité et d'équité?

(1540)

Étant donné que tout ce qui est accordé à un groupe est nécessairement tiré de l'avoir et du travail des autres, ce sont les intérêts de nous tous qui seront touchés, à mesure que le processus de règlement des revendications territoriales s'étendra à d'autres groupes d'autochtones dans notre pays. Cela est particulièrement vrai du fait que, comme d'autres députés l'ont fait observer, le règlement accordé ici ne vise aucunement l'élimination ou la réduction des coûteux programmes destinés aux peuples autochtones.

Je pense qu'il faudrait féliciter le gouvernement fédéral de tout ce qu'il a fait dans ce projet. Il a reconnu la nécessité de régler rapidement ces revendications. Pour être juste envers les autochtones du Canada et envers tous les Canadiens, il aurait fallu en arriver à de tels règlements depuis longtemps. Plus on tarde à régler ces revendications, plus le coût à payer est élevé.

Nous sommes très heureux de constater que les personnes visées ont été directement consultées et qu'on a obtenu leur consentement avant de donner suite à cette entente. Dans le projet d'entente, on note également un élément très positif d'autodétermination en ce qui a trait à l'utilisation des ressources et des terres que tous les Canadiens, je crois, approuveront, surtout si cela peut mener à l'autosuffisance et permettre aux autochtones du Sahtu de contribuer au bien-être du pays dans la même mesure que les autres Canadiens.

Je pense également que tant et aussi longtemps que tous les Canadiens seront soumis à la même charte et aux mêmes lois fédérales, il sera bon, pour l'administration de la justice dans cette région, de s'adapter aux coutumes et aux valeurs des collectivités, au niveau judiciaire.

Bref, il y a beaucoup de points positifs dans cette entente. Cependant, je crois que le gouvernement doit tenir compte des nombreuses réserves exprimées à propos des détails de cette entente et les analyser de façon constructive, conformément à l'esprit dans lequel elles ont été formulées.

Il faudrait corriger les lacunes de cette entente avant que le projet de loi ne soit adopté à la Chambre.

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la deuxième dois et renvoyé à un comité)

* * *

LOI DE 1994 SUR LA CONVENTION CONCERNANT LES OISEAUX MIGRATEURS

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien) propose: Que le projet de loi C-23, Loi mettant en oeuvre la convention pour la protection des oiseaux migrateurs au Canada et aux États-Unis, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

(1545)

[Français]

M. Clifford Lincoln (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, dans le cadre de sa modernisation globale de la législation canadienne sur la faune, le gouvernement fédéral a déposé, ce lundi, des modifications à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs.

Le Canada et les États-Unis ont signé, en 1916, la Convention concernant les oiseaux migrateurs pour protéger les populations communes d'oiseaux migrateurs. Ces populations diminuaient fortement au début du siècle. En 1917, le Parlement a mis en oeuvre la convention en adoptant la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs qui réglemente la chasse, qui empêche le trafic et la commercialisation et qui régit les utilisations des oiseaux migrateurs par voie de permis.

La loi permet également la création de refuges d'oiseaux migrateurs afin de contrôler et de gérer des zones importantes pour la protection de ces espèces. Aujourd'hui, le Canada compte 101 refuges d'oiseaux migrateurs qui, collectivement, protègent environ 11,3 millions hectares de terre.

[Traduction]

Seulement des modifications mineures ont été apportées depuis 1917 à cette loi soudain devenue dépassée. Cette loi n'assure plus à nos oiseaux migrateurs la protection dont ils ont besoin. Soixante-dix sept ans de gestion des oiseaux migrateurs sur le continent nous ont appris d'importantes leçons. Il est temps d'en tirer parti et de moderniser la loi grâce à l'adoption, dans les meilleurs délais, de cette mesure législative.


3777

Les modifications que le gouvernement propose d'apporter à la loi mettront les définitions qu'elle renferme à jour et les adapteront aux besoins de la protection des oiseaux migrateurs en cette veille du XXIe siècle. Les interdictions en vertu de la loi seront précisées.

Les dispositions de la loi sont modernisées, surtout en ce qui concerne son application et son exécution. Les moyens de dissuasion et les peines prévus dans l'ancienne loi ne sont plus suffisamment efficaces pour lutter contre les personnes qui ne respectent pas la loi. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le braconnage et les utilisations commerciales illégales des oiseaux migrateurs.

Comme le note la Convention internationale sur la biodiversité que le Canada a signée, un programme législatif solide et efficace est un élément important de toute stratégie destinée à conserver et à protéger nos ressources naturelles.

[Français]

Le braconnage est un crime grave. En tuant des oiseaux migrateurs protégés, le braconnier détruit un héritage faunique commun à tous les Canadiens et aux habitants des pays qui partagent ces oiseaux, en profitent et en dépendent. Les modifications à la loi porteront les sanctions éventuelles à une amende maximale de 25 000 $ ou à un emprisonnement de six mois, ou aux deux peines. Les modifications prévoiront également des amendes supplémentaires égales aux avantages pécuniaires tirés des activités illégales. Les modifications permettront de plus aux tribunaux de délivrer des ordonnances aux contrevenants reconnus coupables de s'être livrés à des activités illégales. Afin que les représentants de la loi disposent d'un plus grand arsenal de moyens pour lutter contre les contrevenants, elles créeront des infractions passibles d'une contravation.

Par ailleurs, les mesures figurant dans les modifications s'attaqueront plus fermement à la commercialisation illégale, par exemple, la vente d'aliments, le commerce d'oiseaux de compagnie et les chasses illégales organisées d'un grand nombre d'oiseaux. Les peines pour la commercialisation illégale correspondront à l'infraction. Elles pourraient comprendre la confiscation des armes, des véhicules, des embarcations, des avions ou même des entreprises que les coupables auront employés pour commettre l'infraction.

[Traduction]

La mise à jour de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs aidera à maintenir les populations d'oiseaux à des niveaux durables. Les modifications qu'il est proposé d'apporter à la loi ont été mises au point après d'intensives consultations auprès des parties intéressées, dont les provinces et les territoires, les groupes autochtones, les groupes environnementaux et les autres organisations non gouvernementales, les chasseurs et le grand public. Ces modifications ont été formulées à la demande de toutes les provinces et de tous les territoires, ainsi que de nombreux groupes intéressés.

(1550)

Le gouvernement s'acquitte de ses responsabilités en ce qui concerne les oiseaux migrateurs en collaboration avec les provinces et les territoires qui forment avec lui un solide partenariat. Les organismes provinciaux et territoriaux de protection de la faune l'aident à faire appliquer la Loi sur les oiseaux migrateurs. Diverses sortes de zones protégées forment un réseau de refuges pour les oiseaux migrateurs, que leurs sanctuaires relèvent des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux.

Ces modifications renforceront ce partenariat encore davantage. Par exemple, avec l'accord des provinces et des territoires, il sera plus facile de désigner leurs agents chargés de la protection aux fins de l'application de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Tout objet de la faune obtenu illégalement et saisi pourra être vendu et les produits remis aux provinces, aux territoires ou au gouvernement fédéral, selon le cas.

Les modifications nous aideront à devenir des intendants meilleurs et plus efficaces de nos sanctuaires d'oiseaux migrateurs, dans le cadre d'une notion globale de gestion souple du paysage et de l'écosystème. Par exemple, à certaines périodes de l'année, comme la saison de reproduction, on devra peut-être recourir à des mesures de protection très sévères pour empêcher les utilisateurs des plages de marcher sur les oeufs de pluviers. À d'autres périodes, on pourra assouplir ces mesures. De bonnes lois, de bonnes mesures d'application et une saine gestion peuvent nous aider à maintenir nos écosystèmes.

[Français]

Il faudrait voir, dans leur perspective élargie, la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs ainsi que la Convention qu'elle met en oeuvre. Il s'agit d'un volet du dispositif de protection, d'un élément de toute une série de partenariats hémisphériques et planétaires visant à protéger les oiseaux et les autres espèces sauvages ainsi que leurs habitats.

Ces partenariats comprennent des programmes de conservation des terres, comme le Programme de l'Amérique latine du Service canadien de la faune par lequel le Canada et ses voisins latino-américains conjuguent leurs efforts pour préserver les habitats méridionaux de nos visiteurs communs. Ils comprennent aussi la Convention sur la diversité biologique, instrument mondial que j'ai mentionné plus tôt.

Cette retombée de la CNUED reconnaît la valeur des espèces sauvages et de leurs habitats pour le monde. Cette valeur tient au fait que la faune et la flore font partie d'un patrimoine naturel sans pareil, qu'elles représentent une ressource socio-économique majeure et qu'elles constituent de plus un important indicateur de la salubrité globale de nos écosystèmes de plus en plus agressés, à preuve, la valeur des goélands et des cormorans pour montrer le niveau de perturbation de l'environnement de la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent.

Il ne faut pas oublier l'importante contribution que les activités liées aux poissons, à la faune et à la flore apportent à l'économie. En effet, Statistique Canada révèle que les Canadiens et les Américains visitant le Canada ont consacré, en 1991 seulement, 1,4 milliard de dollars aux activités récréatives liées aux oiseaux


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d'eau. Ces dépenses ont maintenu plus de 30 000 emplois, elles ont suscité près de un milliard de dollars en revenus personnels et produit 743 millions de dollars en recettes fiscales fédérales et provinciales.

Je voudrais expliquer qu'il y a eu seulement des amendements tout à fait mineurs à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. C'est pourquoi il nous faut agir le plus vite possible pour procéder à ces amendements.

[Traduction]

Les dispositions de la loi sont modernisées, surtout en ce qui concerne son application et son exécution. Les moyens de dissuasion et les peines prévus dans l'ancienne loi ne sont plus suffisamment efficaces pour lutter contre les personnes qui ne respectent pas la loi. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le braconnage et les utilisations commerciales illégales des oiseaux migrateurs. Comme il est mentionné dans la Convention internationale sur la biodiversité que le Canada a signée, un programme législatif solide et efficace est un élément important de toute stratégie destinée à conserver et à protéger nos ressources naturelles.

(1555)

Par conséquent, la modification que le gouvernement apporte à la loi permettra de mettre à jour les définitions qu'on y trouve. Elle les rendra appropriées pour la protection des oiseaux migrateurs au moment où nous entrons dans le XXIe siècle. Les interdictions prévues dans la loi seront clarifiées.

J'exhorte donc tous les députés de la Chambre, sans égard à leur parti politique, à souscrire très fortement à ce projet de loi. Il représente un progrès important dans notre objectif commun, soit le développement durable.

[Français]

J'espère que tous les députés de cette Chambre vont appuyer fortement ce projet de loi.

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne): Monsieur le Président, c'est un plaisir pour moi, en tant qu'adjoint du dossier de l'environnement et du développement durable, de prendre la parole sur le projet de loi C-23.

Ce projet de loi vise à actualiser et à moderniser une loi datant de 1917. Pour mieux comprendre, je crois qu'il nous faut retourner un peu à notre histoire, en regardant la situation au tournant du siècle. Au début des années 1900, les oiseaux migrateurs étaient l'objet d'une exploitation et d'un commerce considérable. De ce fait, leur nombre chutait de façon dramatique. La nécessité d'intervenir afin d'arrêter ce commerce illicite et de protéger les espèces était de plus en plus pressante.

En 1916, le Canada et les États-Unis signaient la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Puis l'année suivante, en 1917, le Parlement adoptait la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Les dispositions de cette loi visent à réglementer la chasse des oiseaux migrateurs, à empêcher leur trafic et leur commercialisation.

Par les moyens de permis, cette loi contrôle l'utilisation faite des oiseaux migrateurs. Plusieurs aspects de la loi de 1917 sont désuets aujourd'hui. Par exemple, les sanctions prévues au sein de cette loi ne correspondent plus à ce que la société est en droit de s'attendre. Des amendes de 10 $ à 300 $ sont prévues en cas d'infraction. Le projet de loi C-23, tel que présenté aujourd'hui, augmente ces pénalités de façon beaucoup plus significative.

Des montants pouvant atteindre 5 000 $, et jusqu'à 25 000 $, selon l'article 13.1 de la loi, verront, nous l'espérons, à dissuader les braconniers. L'évolution de notre société et le seul exemple des sanctions démontrent l'importance d'actualiser et de moderniser cette loi, de renforcer les règles d'application et d'en éclaircir les procédures.

Plusieurs aspects de cette loi sont pour nous, du Bloc québécois, d'intérêt majeur. Comme je l'ai exprimé dans l'introduction de mon exposé, la modernisation du texte législatif était plus que nécessaire. Notamment, nous espérons y ajouter que ce ne sont plus seulement les oiseaux, leurs oeufs et leurs nids qui sont protégés, mais également les embryons et les cultures tissulaires.

Cette disposition est essentielle dans nos esprits, car compte tenu de l'évolution biotechnologique et des possibilités étonnantes qui existent ou qui existeront à cet égard, cette prévision est plus que souhaitable. Il est clair, cependant, qu'en 1917, on ne pouvait imaginer pareille réussite scientifique et inclure un tel article.

Selon différents groupes environnementalistes, des millions d'oiseaux sauvages sont illégalement emprisonnés, empoisonnés ou chassés de leur nid à travers le monde. D'où la pertinence de notre mode de législation face à ce phénomène.

Dans le Saskatoon Star Phoenix du mois de janvier dernier et dans la Presse, on apprenait que 1000 des 9600 espèces d'oiseaux étaient menacées d'extinction, soit plus de 10 p. 100 de nos oiseaux qui pourraient disparaître et ce, à très court terme. Nous sommes donc d'accord que la situation est urgente.

(1600)

Dans un article de La Presse du 24 mars dernier, on pouvait y retrouver plusieurs commentaires démontrant le sérieux de la situation. L'auteur nous démontre que 70 p. 100 des espèces existantes dans le monde voient leurs effectifs baisser. Une étude dont il nous fait part nous montre que le commerce illégal d'oiseaux sauvages est une menace grandissante pour les espèces, et ce, spécifiquement en Asie du Sud-Est.

Dans la revue américaine World Watch, on explique en partie une des raisons du déclin du nombre d'oiseaux sur la planète et au Canada et je cite cette revue: «La plupart des espèces d'oiseaux sont en déclin parce que les équilibres naturels sont bouleversés par l'expansion globale de l'humanité.»

Évidemment, les problèmes engendrés par le déboisement dû à l'expansion des terres agricoles ou l'étalement urbain, la pollution industrielle et domestique ne sont que quelques facteurs qui contribuent au déclin du nombre d'oiseaux au Canada et partout dans le monde. En Amérique du Nord seulement, le déboisement aurait causé la baisse alarmante de la population d'oiseaux dans 250 espèces qui se reproduisent sur son territoire.

Comme je l'ai dit précédemment, il ne faut pas passer sous silence le commerce illégal des oiseaux. Dans une étude du Fonds mondial pour la nature et la vie sauvage, on apprend donc que ce commerce lucratif est en pleine ascension. Deux mille six


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cents espèces ont été répertoriées au sein de cette activité commerciale au cours des vingt dernières années. L'Asie du Sud-Est est cette partie du monde où ce commerce est particulièrement florissant. Cinq millions de spécimens seraient transigés chaque année et à ces 5 millions, il nous faut ajouter les 3 millions estimés pour la Chine.

Nous sommes à même de constater que ce genre de commerce affecte bien plus que nos deux pays respectifs. En effet, nous légiférons sur une solution bilatérale entre le Canada et les États-Unis mais nous devons voir aussi le problème dans son entier.

Des affirmations graves nous amènent à nous positionner au niveau international sur ce problème. En effet, certaines compagnies aériennes refusent de transporter des oiseaux sauvages. Cela est bien, mais cependant nous apprenons dans l'article du WWF que je cite: «Singapour s'est proclamée plaque tournante de ce commerce pour toute la région.» Des lacunes dans la loi autorisent que des oiseaux sauvages exportés illégalement d'Indonésie, de Thaïlande ou de Malaisie deviennent des marchandises légales quand elles passent par Singapour.

Nous sommes bien loin de notre projet de loi sur les oiseaux migrateurs entre le Canada et les États-Unis, me direz-vous. Mais je vous répondrai que non. Les problèmes environnementaux comme les pluies acides, la couche d'ozone, les déchets dangereux et combien d'autres, ne connaissent pas de frontière. Et les retombées chez nous des différents problèmes nous obligent à nous positionner et à faire la part des choses dans ce domaine.

Il est clair qu'un projet de loi comme le projet de loi C-23 est positif face à cette problématique. Nous ne pouvons être contre la vertu. Mais la problématique internationale de la situation nécessiterait probablement une solution tout aussi internationale.

Les problèmes de la couche d'ozone étant internationaux, nous avons signé avec plusieurs pays le Protocole de Montréal. Le problème d'import-export des déchets dangereux ne pouvait pas se régler avec une législation nationale. Encore une fois, plusieurs pays souverains ont dû s'entendre sur une réglementation concernant l'échange et le transport de déchets dangereux. Il me semble donc que le Canada pourrait être le chef de file en la matière et au sein d'une convention internationale établir des normes visant à garantir un tant soit peu la vie de cette espèce animale.

En terminant, je voudrais réitérer mon apppui au projet de loi C-23, mais je voudrais aussi vous rappeler certains principes juridiques proposés pour la protection de l'environnement et du développement durable, et ces principes sont signés par le Canada.

L'article 2 de ces principes nous dit: «Les États préserveront et utiliseront l'environnement et les ressources naturelles dans l'intérêt des générations présentes et futures». À l'article 3, on y voit que: «Les États assureront le maintien des écosystèmes et des processus écologiques essentiels au fonctionnement de la biosphère et préserveront la diversité biologique et appliqueront les principes d'une efficacité optimale durable dans l'utilisation des ressources naturelles vivantes et des écosystèmes.

(1605)

À l'article 8, on y voit que les États coopéreront de bonne foi avec les autres États dans l'observation des droits et des obligations qui précèdent.

Voici 3 des 22 principes concernant la protection de l'environnement, tels que l'on peut les lire et les retrouver dans le rapport de la Commission Brundtland intitulé Notre avenir à tous.

Je demande donc au gouvernement canadien d'aller vers le futur en ce qui a trait à la protection environnementale et au développement durable, mais tout en ayant en tête les accords déjà signés. En ce cas-ci, nous n'avons aucun choix de protéger les oiseaux migrateurs, cependant, faisons-le de sorte que l'on puisse appliquer nos juridictions. Trop souvent, l'aspect discrétionnaire de nos législations permet au ministre de ne faire appliquer une loi qu'en partie. Nous sommes convaincus que ce n'est pas le cas pour le présent projet de loi. C'est pour cela que mon parti et moi-même proposons qu'il soit étudié en comité afin de l'améliorer.

Tous ensemble, voyons à la protection des espèces menacées.

[Traduction]

M. Jim Abbott (Kootenay-Est): Je suis très heureux de dire que le Parti réformiste appuie le projet de loi C-23 à l'étape de la deuxième lecture. Ce projet de loi vise à protéger les oiseaux migrateurs et, bien entendu, les oiseaux migrateurs et la faune forment un tout.

J'ai la chance d'habiter dans une circonscription magnifique. Bien sûr, tous les députés en disent autant, mais ma circonscription compte trois parcs nationaux. Il y a le parc national de Kootenay, le parc national Yoho et le parc national Glacier, ce qui donne une idée de la magnificence de mon coin de pays.

La région où j'habite comprend également les terres humides du fleuve Columbia, qui courent sur une distance de 180 kilomètres et occupent 26 000 hectares de plaine inondable. J'aimerais lire un court extrait d'une brochure publiée par le service de la faune de la Colombie-Britanique sur le cycle hydrologique du fleuve Columbia.

L'habitat de la plaine inondable du fleuve Columbia nourrit et abrite une quantité exceptionnelle d'oiseaux et de mammifères. Les oiseaux aquatiques, qui regroupent les espèces les plus nombreuses et les plus visibles, se reproduisent et élèvent leurs nichées dans les terre humides, y habitent durant la période de la mue où ils sont sédentaires et y trouvent nourriture et repos durant les périodes migratoires du printemps et de l'automne. On a dénombré jusqu'à 15 000 canards à la fois à l'automne et plus de 1 000 cygnes trompettes au printemps.
J'ajoute que j'ai la chance de vivre tout juste au sud de cette région et que j'ai pu observer des cygnes trompettes sur le lac situé en face de ma maison. Ce sont des oiseaux magnifiques.

Le cygne trompette, une espèce rare, peut aussi être observé pendant la période de migration. Pendant la saison de reproduction, on a dénombré quelque 1 200 couples de bernaches du Canada. Les terres humides abritent également des plongeons, des mouettes, des sternes, des râles, des butors, des aigles, des aigles impériaux, des balbuzards et une centaine d'espèces d'oiseaux chanteurs. Des colonies de grands hérons, qui comptent quelque 300 couples, constituent le second groupe en importance dans l'Ouest.

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Jusqu'à 90 p. 100 des élans d'Amérique, 70 p. 100 des cerfs de Virginie et 15 p. 100 des élans du bassin du haut Columbia dépendent des terres humides pour leur survie.
On peut voir à quel point cette région est à la fois magnifique et vierge. J'ai donc un intérêt certain à appuyer le projet de loi C-23.

En terminant la lecture de la brochure, j'ai mentionné la présence de gros gibier. En Colombie-Britannique, environ 25 p. 100 de toute la chasse au gros gibier se pratique dans ma circonscription de Kootenay-Est.

Je tiens à mentionner que ce n'est pas simplement une question environnementale, même si c'est là un aspect important, mais également une question économique. Nous avons des guides et des pourvoyeurs, des taxidermistes, des magasins de sport, des magasins de matériel de photographie, des fabricants de selles et de matériel de plein air, ainsi que des terrains de camping, des restaurants, des motels, des stations-services, des concessionnaires d'automobiles, des magasins de pneus et des magasins d'alimentation qui profitent tous de ces ressources fauniques, surtout durant la saison de la chasse, à l'automne, lorsque les affaires seraient autrement au ralenti.

Il se trouve que l'une des trois voies migratoires de l'Ouest survole notre région et selon les quantités d'eau dans les Prairies, il est possible de voir à l'automne, et à nouveau au printemps, durant les périodes de migration, des dizaines de milliers d'oiseaux passer au-dessus de nos têtes. C'est une région vraiment magnifique.

(1610)

La principale raison pour laquelle j'appuie le projet de loi C-23, c'est parce qu'il constitue la pierre angulaire nécessaire pour coordonner les activités des organismes de réglementation, ainsi que la réglementation elle-même.

Les députés devraient savoir que le centre des données sur la conservation, qui est un service de la Direction de la faune du ministère de l'Environnement, des Terres et des Parcs de la Colombie-Britannique, a une liste exhaustive des oiseaux qui sont protégés dans notre région, le grèbe de l'Ouest, l'aigle à tête blanche, le faucon pèlerin, la gélinotte à queue fine, le courlis à long bec et j'en passe. Ce sont tous là des oiseaux qu'on retrouve dans notre région dont, je le répète, nous sommes très fiers.

Je voudrais également signaler qu'il y a une grande coopération entre les organismes de réglementation et les utilisateurs industriels de ma circonscription. Toutes les compagnies forestières collaborent avec la direction de la pêche et de la faune de Colombie-Britannique et procèdent à des coupes par blocs coordonnées par cette direction. Dans certains cas, elles ne coupent que 30 p. 100 des arbres afin de parvenir à un aménagement particulier pour certains oiseaux ou animaux, et prennent d'autres mesures dans d'autres cas.

Souvent, lorsqu'on songe au mot «écologiste», du moins dans mon cas, on pense aux pancartes, aux protestations, aux arrestations ou à la désobéissance civile. Je prétends que si nous voulons vraiment voir des écologistes au Canada, nous devrions nous adresser aux organismes de chasse et pêche de nos circonscriptions. Ce sont ces gens qui font tout en leur pouvoir pour préserver et améliorer l'environnement. Pour préparer mon intervention, je me suis entretenu avec les représentants de quatre de ces groupes.

Ceux du Kimberley Wildlife and Wilderness Club m'ont signalé qu'en ce qui concerne les oiseaux migrateurs, c'était l'hydro-électricité qui leur posait le plus de problèmes. Je dois reconnaître que j'avais toujours été un partisan de l'hydro-électricité jusqu'à ce que je prenne le temps d'examiner cette question. Cependant, lorsqu'on étudie les répercussions de l'hydro-électricité sur les oiseaux migrateurs, on s'aperçoit qu'elles sont singulièrement catastrophiques.

J'ai parlé de tous les efforts déployés par les intéressés. Les gens du Golden and District Rod and Gun Club m'ont fait remarquer qu'ils avaient prévu une aire artificielle où les oies pouvaient se poser pour se nourrir. Au cours des 15 dernières années, le Golden Rod and Gun Club a participé à la construction de 100 à 105 de ces aires pour les oies et cinq ou six fois par hiver, ses membres passent toute une journée à l'entretien de ces aires.

J'ai parlé aussi à des représentants du Elkford Rod and Gun Club. Un de leurs problèmes était l'absence de chicots. Il s'agit de troncs d'arbres morts, encore debout, dans lesquels nichent certains oiseaux. Beaucoup avaient été abattus par les exploitants forestiers, pour la protection de leurs employés, mais le service des forêts de Colombie-Britannique a mis sur pied un programme de protection des chicots, en vertu duquel il identifie les chicots à laisser pour la nidification. Cependant, cette identification est faite de telle sorte que la présence de ces chicots est reconnue sûre par la Commission des accidents du travail.

La Sparwood and District Fish and Wildlife Association avait deux questions qui la préoccupaient. L'une, et je sais que c'est quelque chose qui préoccupe tous les Canadiens, c'était que le projet de loi C-23, comme d'autres projets de loi, risquait d'interférer avec des questions autochtones, ce que nous devrions examiner.

La deuxième chose qu'elle faisait valoir, et cela en surprendra peut-être certains, c'est que, présentement, il y a une explosion de la population de grizzlis. Il y a une zone, dans le coin sud-est de ma circonscription, en fait le coin sud-est de Colombie-Britannique, qui est très isolée et où il n'y a qu'un peu d'exploitation forestière. C'est une région très peu peuplée et où, de ce fait, les grizzlis ont déjà atteint une densité de population qui pourrait devenir problématique.

(1615)

Les membres de ces clubs de chasse et pêche sont des citoyens respectueux des lois. Ils s'intéressent profondément à la protection de la faune et de l'environnement. Il y a une chose que je ne comprends pas, parce que je ne suis pas chasseur, mais ils s'intéressent aussi beaucoup à la chasse. La dernière fois que je me suis intéressé à la question, j'ai constaté que les chasseurs avaient des fusils.

Ces gens, étant respectueux de la loi, gardent leurs armes en lieu sûr. Ils suivent toutes les règles d'une utilisation responsable. Ces gens attendent de moi et des autres députés que nous


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nous opposions à l'imposition de certaines valeurs urbaines qui semblent les marginaliser.

Malheureusement, l'imposition de valeurs urbaines vient peut-être du fait que la volaille arrive en ville emballée et congelée et que l'on ne peut pas comprendre quel plaisir une personne peut prendre à chasser de façon responsable pendant la saison d'ouverture, à l'automne.

Nous appuyons le projet de loi C-23 parce qu'il est en faveur de la protection des oiseaux migrateurs et parce qu'il protège les valeurs de ces Canadiens respectueux des lois qui sont aussi des écologistes responsables et actifs.

L'hon. Charles Caccia (Davenport): Monsieur le Président, permettez-moi tout d'abord de féliciter le secrétaire parlementaire, le député de Lachine-Lac-Saint-Louis, pour ses observations préliminaires et le ton qu'il a donné au débat, et le remercier de s'être assuré qu'un examen complet sera effectué à l'étape de l'étude en comité afin que tous les Canadiens intéressés puissent être consultés.

Je voudrais aussi féliciter les députés de Terrebonne et de Kootenay-Est qui ont présenté des observations fort intéressantes qui amélioreront certainement la qualité de l'examen, et qui ont donné de la vie à ce qui aurait été autrement un projet de loi passablement bureaucratique et sans grande valeur. Or, il ne s'agit pas d'un projet de loi futile, ennuyeux et sans intérêt.

Bien au contraire, je dirais même qu'il s'agit d'un projet de loi important que ce nouveau gouvernement présente aujourd'hui à la Chambre, et ce, pour trois raisons. Premièrement parce que les déplacements des oiseaux migrateurs sont importants pour nos agriculteurs car les oiseaux jouent un grand rôle dans l'équilibre écologique en contrôlant les insectes dans le milieu agricole ouvert. Ce rôle est bien connu, c'est certain, mais il n'est jamais souligné suffisamment.

Deuxièmement, ce projet de loi est important pour les citadins car l'arrivée et le départ des oiseaux migrateurs, et leur séjour au Canada durant la belle saison, sont source d'un plaisir énorme et non seulement pour les ornithologues amateurs. Il est bien connu que les Canadiens ont en commun un grand intérêt pour ces espèces magnifiques.

Troisièmement, notre littérature et notre patrimoine sont fondés sur la présence des oiseaux migrateurs, comme en témoigne le fait qu'au cours des décennies, nous avons jugé bon de produire des billets de banque et des pièces de monnaie représentant certains des oiseaux migrateurs les mieux connus au Canada.

Pour toutes ces raisons, on peut présumer qu'au fond du subconscient de la psyché canadienne, on trouve un attachement assez extraordinaire envers la faune de notre pays et que, par conséquent, la migration des oiseaux comporte une signification bien plus profonde que ne laisse entendre ce mot. Elle témoigne d'une attitude ouverte à l'égard de la nature et de la faune, dont on tire une satisfaction profonde qu'il est difficile d'exprimer avec des mots, comme j'essaie de le faire aujourd'hui.

(1620)

Pour ces trois raisons, je considère que nous sommes aujourd'hui saisis d'une mesure importante, qui peut avoir des répercussions majeures pour les générations futures de Canadiens, comme d'autres l'ont déjà fait remarquer, notamment les députés de Terrebonne et de Kootenay-Est.

Cette mesure permet l'établissement de sanctuaires d'oiseaux. Elle détermine la gestion de régions importantes pour la protection des oiseaux migratoires. Il faut noter que, actuellement, nous avons quelque 101 sanctuaires d'oiseaux au Canada, représentant environ 11 millions d'hectares réservés à cette fin.

La nouvelle mesure vise à élargir la définition de l'oiseau migrateur. C'est important, parce que le sperme, les embryons et les cultures de tissus seront dorénavant compris dans la définition. On entend ainsi protéger les espèces contre les développements de la biotechnologie qui pourraient se produire dans les années à venir. C'est une très bonne disposition, proactive et chargée de sens.

Ce projet de loi prévoit l'établissement d'un organisme de réglementation. Tout ce qu'on peut en dire, c'est que, dans l'ensemble, ce projet de loi est louable et très bien conçu.

Cependant, les éléments qui pourraient être contestés dans le débat d'aujourd'hui ont trait aux amendes et à la mise en oeuvre des dispositions-comme c'est généralement le cas avec ce genre de mesure. Très brièvement, je veux mentionner que les amendes actuellement en vigueur en vertu de la loi vont d'une maigre somme de dix dollars à un maximum de 300 $. Elles sont imposées par procédure sommaire. Il y a là de toute évidence un vide qu'il faut combler, et nous devons admettre que cette mesure aurait dû être adoptée depuis longtemps.

Le projet de loi prescrit en cas d'infraction et de déclaration de culpabilité, par procédure sommaire, une amende maximale de 5 000 $ et, par mise en accusation, un amende maximale de 25 000 $.

Or, ces amendes sont-elles vraiment suffisantes? Je suis certain qu'en réponse à cette question, il pourrait y avoir toute une gamme d'opinions différentes. Autrement dit, est-ce que le fait d'encourir une amende de 5 000 $ suffit à empêcher quelqu'un de blesser, tuer, capturer ou vendre illégalement des animaux appartenant à des espèces protégées?

Les observations faites par le député de Terrebonne me portent à conclure que cette amende ne suffit pas et que les législateurs devraient donner au juge toute la latitude voulue pour imposer une amende assez sévère. Cependant, cette amende doit être la plus forte possible pour être significative non seulement cette année ou l'an prochain, mais dans 10 ou 20 ans, quand la loi devra à nouveau être révisée. Cet aspect des amendes soulève donc plusieurs questions intéressantes.


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On peut en dire autant au sujet de l'exécution. Les agents responsables de l'exécution seront nommés aux termes de cette mesure législative. Les pouvoirs de ces agents correspondront mieux à ceux que prévoient les autres lois fédérales et provinciales sur la conservation. L'article 13 porte précisément sur cet aspect de l'exécution.

L'article stipule qu'il est compté une infraction distincte pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue l'infraction. On se demande s'il ne faudrait pas supprimer la référence à chacun des jours, de telle sorte que le juge ne puisse considérer qu'il s'agit d'une infraction moins grave.

(1625)

D'après moi, cet article sur l'exécution devrait être examiné attentivement par le comité, car il doit être plus sévère. Ces dispositions décourageront vraiment ceux qui font le commerce de la faune. La lisibilité du projet de loi ne fait aucun doute. Nous devons conférer assez de pouvoirs au Service canadien de la faune et aux ministères provinciaux de ce domaine pour qu'ils assurent le respect de la loi.

Par conséquent, je voudrais rappeler à la Chambre une déclaration qu'a faite récemment l'Alliance animale du Canada, où elle recommandait de mettre fin à la réduction du personnel chargé de faire respecter la Loi sur la faune, de combler les cinq postes actuellement vacants et d'augmenter le nombre d'années-personnes, pour le faire passer de 29 au nombre promis en 1991, c'est-à-dire à un peu plus de 30.

Dans un pays aussi vaste que le Canada, où le pouvoir du gouvernement fédéral s'exerce sur un aussi grand territoire, il faudrait se poser la question suivante: pouvons-nous réussir, avec quelque trente agents seulement, à faire respecter cette loi importante? De toute évidence, la réponse est négative et, de toute évidence, il nous faudra régler ce problème fondamental.

Il faut consacrer plus de ressources à l'application de la loi. Nous devons augmenter le nombre de postes d'agents d'exécution de la loi, sinon, avec une trentaine d'agents seulement, le Canada risque de ne pas pouvoir respecter les engagements qu'ils a pris dans cette loi, dans la législation sur la CITES ainsi que dans la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial. Un titre de loi bien long.

Il y a un certain nombre de questions que nous devrions nous poser à l'étape de la deuxième lecture. Je les résume brièvement.

Le projet de loi accorde-t-il assez de pouvoirs à la ministre actuelle et aux ministres à venir pour leur permettre de prendre toutes les mesures nécessaires afin de protéger les oiseaux migrateurs?

Maintenant que le Canada a ratifié l'ALENA, la portée de la convention est-elle suffisante? Nos dirigeants politiques et nos spécialistes en la matière devraient-ils entreprendre des initiatives dans le but d'élargir la portée de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, afin d'inclure le Mexique, mais aussi l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud, puisque, comme tout le monde le sait, les oiseaux migrateurs ne respectent pas les frontières?

La convention ne s'applique qu'en Amérique du Nord. Si la portée de la convention n'est pas élargie, un certain nombre d'espèces pourraient être menacées dans les années qui viennent.

Un grand nombre de nos oiseaux au Canada voyagent au-dessus de deux continents. Il faut reconnaître que la faune est une ressource mondiale, qu'elle n'appartient pas seulement au Canada et que notre capacité d'apprécier la présence des oiseaux migrateurs au Canada repose également sur la capacité de protéger ces espèces dans les régions du monde où ils vont passer l'hiver.

Par conséquent, la survie des oiseaux chanteurs du Canada, que nous aimons tous, repose sur les forêts tropicales de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud. Voilà le message politique que nous devons transmettre aux instances internationales si nous voulons élargir le plus possible la portée de cette convention. Autrement, le Canada aura très peu de chances d'améliorer la survie des espèces dans les décennies à venir.

(1630)

Il est question ici aujourd'hui non seulement de la réalité des années 90, mais aussi et plus probablement de celle de la première moitié du prochain siècle étant donné que la Chambre des communes n'est pas fréquemment saisie d'un projet de loi de ce genre.

Bref, j'estime que les modifications que l'on propose d'apporter à cette loi sont essentielles, très souhaitables et évidemment opportunes, et je crois que nous devons nous assurer que des efforts coordonnés soient déployés en vue de mieux protéger les oiseaux migrateurs.

Il faut veiller à ce que les amendes soient vraiment coercitives. Il faut tout faire pour que la loi proposée soit au moins appliquée dans toutes les régions qui relèvent de la compétence fédérale et je suppose qu'il pourrait y avoir une excellente collaboration entre les services provinciaux et fédéraux. Il faut s'assurer que les pouvoirs de créer des refuges sont exercés et que les refuges existants continuent d'être protégés.

Enfin, je le répète, j'implore vraiment la ministre de l'Environnement d'envisager de veiller elle-même à ce que la portée de cette convention soit étendue à tout le continent américain afin que les oiseaux migrateurs soient effectivement protégés dans les décennies à venir.

[Français]

Le vice-président: Conformément à l'article 38, je désire faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement, ce soir, à savoir: l'honorable députée de Mercier-Les programmes sociaux; l'honorable député de Chicoutimi-L'autoroute électronique.


3783

[Traduction]

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe): Monsieur le Président, je suis heureuse d'apporter mon appui au projet de loi visant à modifier la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Je félicite les députés des deux côtés de la Chambre pour le soutien qu'ils apportent au projet de loi. Je tiens tout particulièrement à souligner le travail du député de Davenport qui a examiné attentivement le projet de loi et qui a exprimé certaines préoccupations très sincères.

Tout comme la Loi sur la faune du Canada, la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs a un urgent besoin d'être mise à jour pour refléter les lois actuelles se rapportant à l'environnement, tant au Canada qu'aux États-Unis. Beaucoup de dispositions de la loi actuelle sont inefficaces ou ne sont plus en harmonie avec les lois fédérales, provinciales ou territoriales connexes.

Je voudrais aujourd'hui mettre l'accent sur les répercussions que le projet de loi aura sur les premières nations du Canada qui ont suivi le processus de mise à jour de très près. En fait, le projet de loi à l'étude n'est qu'une mesure d'une série de trois portant sur le même domaine, et qui présentent une importance toute particulière pour les premières nations. Les deux autres sont le projet de modification de la Convention canado-américaine de 1916 sur les oiseaux migrateurs et la mise en oeuvre d'une politique provisoire d'exécution, notamment de dispositions concernant la chasse à la sauvagine par les autochtones.

La convention de 1916 est une entente binationale régissant la protection des oiseaux migrateurs au Canada et aux États-Unis. Au Canada, la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs est la loi d'autorisation de mise en oeuvre de cette convention.

Le règlement d'application de cette loi régit la chasse aux oiseaux migrateurs pendant certaines périodes de l'année. Il fixe également les dates d'ouverture et de fermeture de la saison de chasse pour protéger les espèces pendant les périodes de reproduction et de mue.

Ces mesures, et d'autres aussi, constituent le complément de mesures prises par les États-Unis, les provinces et les territoires ainsi que par des groupes de protection de la faune, le secteur privé et des particuliers pour protéger l'inestimable patrimoine faunique que sont les oiseaux migrateurs.

Dans bien des cas, les différents paliers de gouvernement et différents secteurs ont travaillé en étroite collaboration pour atteindre un but commun. Un excellent exemple de cette collaboration nous est donné par le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine.

(1635)

Dans certaines régions du Canada, spécialement dans le Nord, les oiseaux migrateurs ont toujours été une source de nourriture importante pour les autochtones, et les premières nations continuent de dépendre largement de cette source à diverses époques de l'année. Dans certains cas, les activités protégées par les droits des autochtones ne sont pas prévues dans la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, par exemple la chasse aux oiseaux migrateurs par les autochtones durant la période d'interdiction, soit du 10 mars au 31 août, ou la cueillette d'oeufs. Évidemment, les autochtones chassent également les oiseaux durant la saison de chasse, mais la chasse aux oiseaux migrateurs fait plus que fournir de la nourriture aux premières nations. La chasse traditionnelle revêt une grande importance dans la culture autochtone. Si nous voulons préserver cette culture, nous devons aussi voir à la conservation de la faune canadienne.

Dans sa forme actuelle, la Convention concernant les oiseaux migrateurs ne prévoit pas la chasse ni la cueillette d'oeufs par les autochtones durant la période d'interdiction. Cette omission ne peut être corrigée que par une modification de la convention elle-même, ce qui nécessite des négociations entre le Canada et les États-Unis. Comme je l'ai mentionné, nous cherchons à entreprendre les négociations nécessaires, qui devraient avoir lieu plus tard cette année.

Les premières nations prennent une proportion importante des oiseaux migrateurs chassés au Canada. Selon les plus récentes estimations, les autochtones tuent entre 250 000 et 750 000 canards et environ 350 000 oies chaque année. Dans le cas des canards, cela représente 13 p. 100 des prises pour le Canada et 6 p. 100 des prises totales pour l'Amérique du Nord. Dans le cas des oies, ces proportions sont de 32 p. 100 et de 12 p. 100. Les oies sauvages représentent une importante source de nourriture pour certaines collectivités autochtones, notamment le long des côtes ontariennes et québécoises de la baie James.

Étant donné l'importance de la récolte annuelle et comme nous voulons respecter les besoins de chasse de subsistance des autochtones, nous devons travailler en coopération avec les collectivités autochtones. Nous avons besoin de créer de nouveaux partenariats pour atteindre les objectifs partagés de conservation et de gestion des canards et des oies sauvages.

Une convention modifiée encouragera de tels partenariats, notamment sous la forme d'ententes de cogestion, d'ententes d'autonomie gouvernementale et, bien sûr, sous la forme des dispositions relatives à la gestion de la faune dans les ententes de règlement des revendications globales.

Une certaine cogestion avec les autochtones est déjà mise en oeuvre pour la conservation des caribous, des ours polaires et d'autres espèces. Cette démarche génère les données nécessaires sur la récolte qui peuvent servir de base à un accord sur les objectifs d'exploitation des ressources fauniques. C'est sur la base de ce succès et de nos efforts futurs que nous voulons modifier la convention.

À l'occasion d'ateliers organisés partout au Canada, des représentants du gouvernement, des communautés autochtones, des organismes de protection de la faune et d'autres groupes ont déjà examiné des possibilités de récolte en temps prohibé. Ces consultations nous ont permis de recueillir de précieux conseils pour les négociations à venir avec les États-Unis visant à modifier la convention pour la protection des oiseaux migrateurs, afin de permettre la chasse et la collecte des oeufs par les autochtones.

Les modifications à la convention ainsi qu'aux lois et règlements du Canada doivent, bien sûr, respecter les droits ancestraux ou issus de traités des autochtones de chasser les oiseaux migrateurs. Pour nous assurer qu'elles les respectent bien, il est essentiel de procéder à des consultations approfondies. C'est ainsi que nous en arriverons aux meilleures dispositions possibles pour répondre aux préoccupations des autochtones.


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Des consultations au sujet de telles modifications à la convention sont maintenant en cours avec la participation entière des organismes autochtones, les provinces et les territoires de même que des organismes de protection de l'environnement et de conservation de la faune. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais les discussions ont jusqu'à maintenant été encourageantes. Qui plus est, le Canada et les États-Unis déploient maintenant des efforts convergents alors que nous nous préparons en vue des négociations officielles.

L'une des propositions de modification à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs dont les députés sont actuellement saisis concerne la procédure de modification de la convention elle-même. Le projet de loi à l'étude permettra de modifier par arrêté l'annexe à la loi qui établit la convention. Ce changement permettra au Canada d'honorer rapidement ses obligations à l'égard des États-Unis, de la convention et de tous ceux qui sont visés par une convention modifiée, notamment les autochtones.

D'ici à ce que la convention soit modifiée, une politique provisoire régit l'application de la Loi canadienne sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et de la Loi sur la faune du Canada, relativement au temps prohibé pour la chasse et la collecte des oeufs par les autochtones. Cette politique accorde la priorité à la conservation et restera en vigueur jusqu'à ce que les projets de loi modernisant les deux lois soient adoptés et que la convention elle-même soit modifiée.

(1640)

La politique d'application provisoire souligne aussi l'importance de la consultation et de la coopération, deux éléments indispensables si l'on veut établir avec les premières nations un partenariat pour la conservation.

Il est urgent d'adopter les modifications actuellement proposées à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Il faut du temps pour faire le travail de base qui permettra de modifier la Convention concernant les oiseaux migrateurs de manière qu'elle tienne compte des besoins des autochtones.

Pendant que nous poursuivons nos efforts en ce sens, nous devons toutefois protéger les ressources elles-mêmes. Nous devons nous assurer qu'elles sont utilisées d'une manière durable. À cette fin, le Canada doit agir sans tarder pour mettre à jour ses lois sur la faune et les oiseaux migrateurs, pour renforcer leur application et moderniser leur administration.

Tout délai pourrait compromettre la capacité du Canada d'assurer des niveaux de population soutenables pour les oiseaux migrateurs et autres espèces fauniques. Qu'on songe seulement à la nécessité d'enrayer le problème des ventes commerciales illégales de guillemots et d'autres oiseaux migrateurs. Ce n'est qu'une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons nous permettre de retarder l'adoption de ces modifications.

Pour le bien de la faune canadienne, notre pays doit mettre à jour la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et sa compagne, la Loi sur la faune du Canada. Par ailleurs, nous devons poursuivre de vastes consultations avec les autochtones pour répondre à leurs besoins et tenir compte de leurs préoccupations. Les modifications proposées aux deux lois ne porteront nullement préjudice à l'issue de ces initiatives de plus grande envergure.

La faune canadienne a besoin de protection et elle en a besoin maintenant. C'est pour cette raison que le gouvernement a présenté le projet de loi dont la Chambre est actuellement saisie et qui vise à modifier la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. C'est aussi pour cela que le projet de loi doit être adopté rapidement.

M. Bernie Collins (Souris-Moose Mountain): Monsieur le Président, pour aider les députés à examiner le projet de loi à l'étude, permettez-moi de donner un peu d'information générale sur la question des oiseaux migrateurs et les efforts que le Canada déploie pour les protéger et assurer leur préservation.

La Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs protège plus de 400 espèces d'oiseaux migrateurs au Canada. On trouve, dans cette remarquable variété d'oiseaux, de la sauvagine, des oiseaux de mer, des oiseaux de grève et des oiseaux chanteurs.

Le Service canadien de la faune d'Environnement Canada veille à ce que toutes les espèces d'oiseaux migrateurs puissent survivre pour le plus grand bien des générations à venir. La préservation de ces espèces nécessite de nombreuses mesures différentes, car les oiseaux ont des habitats et des habitudes fort variés.

Dans chaque cas, cependant, la stratégie du Service canadien de la faune comprend les mêmes éléments de base. Il contrôle l'évolution des populations et informe les Canadiens de l'état des oiseaux et de leur habitat. Il coordonne les efforts de diverses instances pour préserver les habitats et il établit et fait respecter des règlements pour limiter les abus dont les oiseaux peuvent être victimes.

Dans certains cas, des recherches s'imposent pour comprendre comment l'activité humaine peut influer sur les chances de survie des oiseaux. Il faut parfois élaborer des plans spéciaux pour aider des espèces menacées à se rétablir. Le Service répond à ces besoins au fur et à mesure qu'ils se présentent.

Dans tous les cas, il est essentiel de recourir à une large approche fondée sur l'écosystème en faisant appel à de nombreux intervenants. Cette approche est cruciale dans le travail du Service canadien de la faune.

Les questions qui requièrent notre attention sont très diverses. Par exemple, la coupe d'arbres peut avoir une incidence sur des oiseaux chanteurs. Les pesticides qui s'écoulent des terres agricoles peuvent nuire à la sauvagine et des oiseaux de mer peuvent se prendre dans les filets de pêche commerciale et se noyer. Les déversements de pétrole et d'autres substances dangereuses peuvent menacer des colonies entières d'oiseaux de mer.

Une mesure cruciale s'impose pour identifier les habitats d'importance critique pour les oiseaux migrateurs non seulement au Canada, mais aussi tout le long de leur parcours. Beaucoup d'oiseaux migrateurs du Canada passent l'hiver en Amérique latine et leurs habitats doivent y être protégés. C'est pourquoi le Service canadien de la faune a mis sur pied un programme spécial pour protéger les oiseaux migrateurs qui hivernent au sud de la frontière américano-mexicaine. Ce programme vise à définir les besoins des oiseaux migrateurs pour


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qu'on puisse en tenir compte dans la planification de la conservation.

Ce programme repose largement sur la collaboration avec d'autres pays et des organisations internationales. Cette coopération est évidente dans le protocole d'entente entre le Service canadien de la faune et les organismes américains et mexicains de protection de la faune visant la conservation des oiseaux migrateurs et de leurs habitats au Mexique.

(1645)

Le Service a également contribué à certaines initiatives internationales. L'une d'elles est le recensement international de la sauvagine réalisé par le Bureau international de recherches sur la sauvagine. Parmi d'autres initiatives, on compte le réseau de la réserve d'oiseaux de rivage de l'hémisphère occidental. Le réseau a pour objectif de déterminer et de protéger les zones critiques pour la migration des oiseaux de rivage. Dans le cadre de cette initiative, le Service canadien de la faune a travaillé avec des pays de l'Amérique latine à l'élaboration d'un atlas des habitats côtiers des oiseaux de rivage.

Ici, au Canada, on a déterminé jusqu'à maintenant deux réserves d'oiseaux de rivage de l'hémisphère, toutes deux dans le haut de la baie de Fundy. Ces réserves ont été jumelées à trois sites marécageux du Surinam désignés comme réserves d'oiseaux de rivage en 1989. Des travaux sont en cours pour déterminer d'autres sites importants au Canada et garantir leur désignation et leur protection au sein du réseau.

Les espèces de gibier à plumes présentent un défi particulier. Elles constituent une ressource de loisirs importante se traduisant par une activité économique non négligeable. En même temps, nous devons veiller à leur protection. Autrement dit, nous devons garantir qu'elles soient exploitées d'une manière durable.

Le Canada gère le gibier à plumes à l'aide d'un processus réglementaire annuel pour le suivi et le contrôle de la chasse. En plus de ce processus, nous tenons des sondages des populations. Un trait distinctif de ce processus est la consultation, notamment avec les provinces et les territoires canadiens ainsi que les organismes américains.

Le Service canadien de la faune suit une démarche à deux volets dans la gestion du gibier à plumes. Cette approche repose, d'une part, sur la réglementation et l'application du règlement, et sur l'amélioration de l'habitat, d'autre part. Dans les deux cas, les efforts sont largement fondés sur l'apport national et international. Au Canada, on note une contribution remarquable de la part des provinces et des territoires, ainsi que, de plus en plus, des conseils de gestion de la faune formés notamment de groupes autochtones.

À l'échelle internationale, le Canada travaille en collaboration avec les conseils des voies migratoires, qui ont été créés afin de gérer les populations d'oiseaux selon leurs voies de migration. Nous travaillons également avec le Comité responsable du Plan nord-américain de gestion de la sauvagine.

Des rapports d'étape sont produits à l'appui des consultations dans le but de mettre au point un règlement sur le gibier à plumes. Ces documents, qui sont à la disposition du public, fournissent des informations sur les populations de gibier à plumes et expliquent les modifications proposées au règlement. Les rapports d'étape sont distribués à de nombreuses organisations canadiennes et américaines qui s'intéressent à la protection des oiseaux migrateurs et peuvent, grâce à ces rapports, influencer l'élaboration des règlements.

Le Service de la faune publie aussi un bulletin annuel qui s'intitule Tendances chez les oiseaux. Il y est question de la situation des populations d'oiseaux canadiens. L'une des principales priorités du Service de la faune consiste à sensibiliser le public aux questions relatives aux oiseaux migrateurs. Il s'agit là de la première étape qui va conduire à la création de réseaux de bénévoles sur lesquels le Service compte pour la transmission des données.

Le Service de la faune et la Fédération canadienne de la nature parrainent un programme d'information et d'éducation sur les oiseaux migrateurs qui s'appelle «À tire-d'aile». Ce programme aide à acquérir une compréhension fondamentale de l'écologie des oiseaux et des populations en apprenant aux participants à identifier, à étudier et à protéger les oiseaux.

Les personnes qui ont suivi le programme avec succès peuvent ensuite prendre part à l'un des programmes de bénévoles mis sur pied par le Service. Ces programmes contribuent en grande partie à appuyer les initiatives de protection des oiseaux migrateurs et permettent au Service de déceler les problèmes et d'y apporter des solutions.

Il est à remarquer que le programme «À tire-d'aile» encourage les Canadiens à participer activement aux initiatives de protection des oiseaux migrateurs. L'une des initiatives de protection des oiseaux migrateurs les plus connues est le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine. Ce plan unique offre à des pays du monde entier un moyen de discuter de diverses questions relatives à la gestion de la sauvagine. Il permet également de prévoir des mesures pour améliorer l'habitat du gibier d'eau.

Dans le cadre de ce plan, divers projets conjoints sont entrepris relativement à des zones habitées par des espèces qui présentent un intérêt particulier.

(1650)

Au Canada, on a pour objectif d'assurer la protection des principaux habitats de la sauvagine dans tout le pays, d'étudier le déclin important des populations de sauvagine de l'Ouest, de commencer à recueillir, à long terme, des indications topographiques concernant les populations de canards de l'Est, ainsi que de délimiter et de surveiller les populations d'oies qui vont nicher dans l'Arctique.

Le Canada, les États-Unis et le Mexique participent au Plan nord-américain de gestion de la sauvagine. Les provinces et les territoires du Canada, de même que les États américains y sont représentés officiellement. Parmi les principaux collaborateurs, mentionnons le gouvernement fédéral, ainsi que des ministères du Canada et des États-Unis. Bon nombre d'organisations non gouvernementales y participent également.

Il y a une grande collaboration à la plupart des activités du Service canadien de la faune. De concert avec les États-Unis, ce Service cherche à protéger les oiseaux chanteurs migrateurs grâce à un programme appelé «Partenaires en vol». Tout comme les autochtones, il fait partie de conseils coopératifs de gestion de la faune. Il participe depuis longtemps à des projets conjoints


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avec les principaux organismes non gouvernementaux du Canada du secteur de l'environnement.

Mais surtout, avec les provinces et les territoires, il veille à faire respecter la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, à préserver les écosystèmes comme habitats fauniques et à régler les problèmes des espèces en péril.

Ces efforts, qui profitent directement à tous les Canadiens, pourront être renforcés grâce aux modifications que l'on se propose d'apporter à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. C'est pourquoi j'appuie ce projet de loi et j'invite tous les députés à faire de même.

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte): Monsieur le Président, en tant qu'ardent défenseur de la conservation de la faune, je suis heureux de donner mon appui au projet de loi qui modifie la Loi sur la faune du Canada.

La faune a une importance particulière au Canada. Elle fait partie d'un patrimoine auquel nous tenons tous. Dans le Nord, de nombreux Canadiens gagnent encore leur vie en exploitant les ressources fauniques. À la grandeur du Canada, les activités liées à la faune constituent un loisir très apprécié d'une grande majorité de gens.

Notre défi est de transmettre ce patrimoine aux futures générations. Dans l'état actuel des choses, cependant, je ne suis pas sûr que nous y parviendrons.

Le faune au Canada est actuellement soumise à des tensions considérables. Un nombre croissant d'espèces sont considérées comme menacées et certaines populations diminuent. Les perspectives ne sont cependant pas complètement sombres. En effet, même si les dangers sont plus grands que jamais, les interventions en faveur de la conservation de la faune et notre compréhension des moyens à prendre pour préserver les ressources naturelles vivantes sont également sans précédent.

Lorsque la Loi sur la faune du Canada a été adoptée dans les années 70, nous pensions essentiellement à protéger les espèces menacées et notre incapacité à reconnaître les avantages sociaux et économiques de la faune limitait nos efforts.

On reconnaît maintenant de plus en plus ces aspects. Nous savons que les activités liées à la faune représentent un apport important à l'économie canadienne. Du seul point de vue financier, la préservation de la faune est essentielle à notre prospérité, à nos communautés et à nos modes de vie traditionnels. C'est pourquoi près de 90 p. 100 des Canadiens veulent que la faune soit mieux protégée.

De plus, nous avons fini par reconnaître que s'intéresser exclusivement à une espèce n'était pas nécessairement la meilleure méthode de protection de la faune. C'est particulièrement justifié dans le cas où une espèce donnée fait l'objet de menaces particulières. Néanmoins, nous nous sommes rendu compte que chaque espèce faisait partie d'un réseau dont elle dépend et au maintien duquel elle contribue. Détruisez ce réseau et de nombreuses espèces auront tôt fait de disparaître. Tissez patiemment ce réseau et vous pourrez ainsi sauver non pas une mais des dizaines d'espèces.

(1655)

Autrement dit, nous avons compris que le moyen le plus efficace de conserver la faune, c'est de veiller à la conservation de leurs écosystèmes. Notre tâche consiste d'abord et avant tout à protéger les écosystèmes-clés, à conserver l'habitat essentiel. C'est ainsi que les futures générations de Canadiens pourront profiter des avantages d'un riche patrimoine naturel.

En 1973, nos prédécesseurs à la Chambre ont été assez clairvoyants pour reconnaître qu'il fallait protéger l'habitat pour assurer la conservation de la faune et ils ont inclus cet objectif dans la Loi sur la faune du Canada. Cette loi permet au ministre de l'Environnement d'acquérir des terres à des fins de recherche, de conservation et d'interprétation. En vertu de la loi, on a créé dans les années qui se sont écoulées depuis 45 parcs fauniques couvrant 287 000 hectares.

Ces parcs sont gérés par le gouvernement fédéral en collaboration avec les autorités provinciales et territoriales, ainsi que des organismes privés. Ils viennent compléter un réseau important de parcs nationaux et provinciaux et d'autres zones protégées qui englobent un immense habitat excellent pour la faune sauvage.

Sur le plan international également, on comprend de plus en plus la nécessité de voir la conservation de la faune en fonction des écosystèmes. C'est ce qui est à la base du Plan nord-américain de gestion de la sauvagine. Il y a également les conventions sur la conservation des marécages d'importance internationale et, chose encore plus importante, la convention mondiale historique sur la biodiversité signée lors du Sommet de la Terre.

La convention de 1992 invite notamment chaque pays signataire à établir un système de zones protégées, afin de protéger la biodiversité. Pour respecter nos engagements aux termes de la Convention, le Canada doit maintenant redoubler d'efforts.

Nous avons eu un début prometteur en 1992 lors de la première réunion conjointe des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la faune, des parcs et de l'environnement. Dans le cadre de cette réunion inter-conseils, on a réclamé l'élaboration d'une stratégie canadienne sur la biodiversité. Elle a également donné un nouvel élan aux efforts entrepris pour compléter le réseau canadien de zones protégées, notamment les régions représentant les zones maritimes.

La portée de ces efforts a été définie de diverses façons. À un moment donné, on a voulu réserver 12 p. 100 du territoire canadien pour des zones protégées. Cependant, ce qui importe plus que de parvenir à un objectif particulier, c'est de protéger des échantillons représentatifs des écosystèmes canadiens. Cela conduit inévitablement à protéger des habitats essentiels dont notre faune dépend.

Le projet de loi dont la Chambre est maintenant saisie améliorera notre capacité de le faire. Il élargit la définition de «terres» dans la Loi actuelle sur la faune du Canada, afin d'inclure les zones terrestres et maritimes jusqu'à la limite des 200 milles. Grâce à cette définition plus large, on pourra davantage administrer la loi en fonction des écosystèmes. En vertu de la nouvelle loi, il sera possible d'établir de nouveaux parcs fauniques nationaux protégeant des habitats où la faune se reproduit, ainsi que des zones, au large des côtes, où elle se nourrit.


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Ainsi, plus notre réseau national de parcs fauniques sera étendu, plus nous pourrons protéger notre faune. Déjà, ce réseau couvre tout un éventail de paysages et d'écosystèmes dans tout le Canada. Il permet des activités aussi variées que la randonnée pédestre, la photographie, l'observation d'oiseaux, le pacage ou la fenaison, ainsi que la chasse, qui peuvent être poursuivies d'une façon compatible avec les objectifs de conservation de la faune dans une zone donnée.

Permettez-moi de décrire quelques-uns des parcs fauniques nationaux qui existent ou qui seront créés sous peu. Au Nouveau-Brunswick, cette année, Portabello deviendra le cinquième parc faunique national établi dans la province. On protégera ainsi plus de 2 000 acres de marais, où les oiseaux aquatiques se reproduisent et font escale au cours de leurs migrations annuelles, ainsi que de forêts à maturité encore peuplées d'orignaux, de cerfs de Virginie et d'ours noirs.

(1700)

Au Québec, Cap-Tourmente est un lieu important pour sa valeur archéologique autant que comme habitat faunique. Situé au nord du Saint-Laurent, cette réserve a d'abord été établie pour protéger le seul troupeau de grandes oies blanches du monde, mais elle recèle par ailleurs des artefacts archéologiques préhistoriques et plus récents. Samuel de Champlain y avait construit une habitation et une écurie, aux premiers temps de la colonisation européenne.

En Ontario, la Réserve nationale de faune de Long Point constitue le coeur d'une réserve internationale de la biosphère. Ce fragile écosystème sablonneux situé sur les rives du lac Erié comporte des habitats uniques en leur genre, dont une partie importante de ce qu'il reste de forêt caducifoliée, et des marais essentiels.

En Saskatchewan, le lac de la Dernière-Montagne est le plus ancien refuge d'oiseaux aquatiques en Amérique du Nord. Le Parlement en a fait une réserve pour la première fois en 1887. Cette année, cette région sera officiellement désignée réserve nationale de faune.

Le Yukon obtiendra sa première Réserve nationale de faune en 1994, avec la désignation du delta de la rivière Nisutlin, dans le cadre de l'entente de règlement de la revendication territoriale des Tlingits de Teslin. La région protégée représente environ 5 200 hectares de delta fluvial intérieur qui sert de lieu de reproduction et d'escale aux oiseaux aquatiques migrateurs.

Cette réserve abritera notamment des spécimens du cygne siffleur, une espèce considérée comme vulnérable, dont il n'existe que 15 000 individus dans le monde.

La réserve de Nisutlin a ceci de particulier que les premières nations ont joué un rôle important dans sa création. Dans les Territoires du Nord-Ouest, la vallée Polar Bear est une réserve nationale de faune depuis 1986. Elle est aussi classée parmi les terres humides d'importance internationale aux termes de la Convention de Ramsar et considérée comme un site biologique important au sens du programme international de biosphère. C'est dans cette oasis arctique que vivent certaines des plus grandes concentrations d'oiseaux et de mammifères du Grand Nord.

Dans l'est de l'Arctique, un nombre considérable d'oiseaux marins font leurs nids dans l'île Coburg et à Nirjutiqavvik, de sorte que la région constitue un milieu d'alimentation pour le béluga, le narval, le morse, l'ours polaire et trois espèces de phoques. Une réserve nationale de faune sera constituée dans cette région en 1994 en vertu de l'accord définitif du Nunavut. Une protection sera assurée sur 3 450 hectares de terres et 14 350 hectares d'étendues d'eau, soit sur un total de 17 800 hectares.

Les Inuit de la région du fjord Grise participeront directement aux décisions concernant la gestion de ce territoire.

Loin au sud de l'île, à l'embouchure du Fraser, en Colombie-Britannique, se trouve la Réserve nationale de faune d'Alasken, constituée en 1976. Cette réserve représente une aire de repos importante pour les oiseaux migrateurs, y compris la petite oie blanche de l'île Wrangel, dans l'Arctique russe.

Ce ne sont là que quelques-unes des réserves nationales de faune du Canada, mais cette courte liste illustre bien la variété et la richesse de ces endroits, ainsi que la flexibilité de la notion de réserve de faune prévue dans la Loi sur la faune du Canada.

Par exemple, dans la réserve de Long Point, en Ontario, il faut surveiller étroitement presque toute activité humaine afin d'éviter tout dommage écologique. Des immeubles qui datent d'avant la constitution de la réserve d'Alasken servent aujourd'hui de bureaux pour les régions du Pacifique et du Yukon du Service canadien de la faune.

D'autres zones fauniques sont ouvertes à de nombreuses activités sportives, y compris la chasse, la pêche et le piégeage qui sont sévèrement réglementés.

(1705)

Dans d'autres régions, les autochtones continuent d'exercer leurs droits de récolte traditionnels. Cette flexibilité est une des clés du succès des réserves nationales de faune.

Dans bien des cas, les endroits que nous voulons protéger sont très importants pour certaines collectivités ou certains groupes. Notre défi consiste à gagner leur appui pour trouver les moyens de collaborer et poursuivre les mêmes buts, notamment celui que représente la conservation de la faune.

C'est vraiment du développement durable. La plus grande valeur de nos réserves nationales de faune, c'est peut-être justement de fournir un modèle de développement durable, modèle qui devrait s'appliquer sur une grande échelle. C'est précisément ce que la Chambre a l'occasion de faire en modifiant la Loi sur la faune du Canada. J'ai bon espoir que les députés verront l'importance de ce projet de loi et l'adopteront rapidement.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté les observations du député d'en face.


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Je me demande si le député d'en face se rend compte que, à bien des égards, les peines prévues par la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs sont beaucoup plus sévères que celles prévues par la Loi sur les jeunes contrevenants. Pour la gouverne des téléspectateurs qui ne dorment pas encore, le député pourrait-il nous dire ce qu'il pense de cela.

M. Culbert: Monsieur le Président, je parlerai d'abord de la partie de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs dont vous avez parlé. Vous trouvez manifestement les peines qu'elle prévoit trop sévères, alors que je les considère comme raisonnablement sévères si nous voulons effectivement protéger nos oiseaux migrateurs.

Comme vous le savez. . .

Le vice-président: Je comprends que le député est nouveau ici, mais aurait-il l'obligeance d'adresser ses observations à la présidence? On ne dit pas ici «vous» en parlant d'un député, mais bien «le député».

M. Culbert: Excusez-moi, monsieur le Président. Certaines observations présentées en préambule à la question sont les bienvenues. Nous savons les préoccupations qui ont été exprimées ici ces dernières semaines au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Les députés des deux côtés de la Chambre ont entendu ce que le ministre de la Justice a répondu aux questions qui lui ont été posées à ce sujet. Je ne vais pas essayer de les interpréter. J'attendrai que le ministre présente ses propositions au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants pour voir quels arguments il invoquera pour amener la Chambre à accepter ces modifications.

J'appuie la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Il faudra peut-être renforcer les peines prévues dans les années à venir afin de protéger notre faune.

M. John Finlay (Oxford): Monsieur le Président, je suis très heureux d'apporter mon appui au projet de loi C-23, qui modifie la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs.

J'ai constaté que cette loi avait été rédigée en 1917. Je ne pense pas que des millions de tourtes faisaient l'aller-retour entre le Canada et les États-Unis au-dessus du lac Ontario en 1917, mais il y en avait des millions avant le tournant du siècle.

Après 75 ans, il est temps de revoir cette loi et d'y apporter les modifications nécessaires. Dans son livre Silent Spring, Rachel Carson nous mettait en garde contre les dangers que les pesticides et les herbicides font peser sur les oiseaux. Nous devons garder cette mise en garde à l'esprit. Il est évident que la situation ne s'est pas améliorée depuis la parution de ce livre et que nous avons beaucoup à faire.

Je sais que nous consacrons de grands efforts à la protection des cygnes siffleurs. J'aimerais encore voir quelques merles bleus au printemps. Il n'y a presque plus de fauvettes. Le Canada assume une responsabilité particulière dans la protection des oiseaux. Chaque année, des centaines d'espèces vont nicher dans nos régions septentrionales sauvages et reprennent la direction du sud à l'automne pour faire profiter nos voisins du sud de leurs couleurs et de leurs chants. Nous devons donc être particulièrement sensibles à notre rôle dans le maintien de la biodiversité chez les oiseaux.

(1710)

Je voudrais parler des résultats d'un sondage important réalisé par le Service canadien de la faune en 1991. Le questionnaire de sondage, qui portait sur les avantages socio-économiques des ressources biologiques au Canada, a été administré à 103 398 Canadiens. C'était le troisième sondage du genre effectué depuis 1981 par le Service canadien de la faune. Je veux en présenter quelques faits saillants.

En 1991, 18,9 millions de Canadiens, soit 90,2 p. 100 de la population, ont pris part à au moins une activité reliée à la faune. Au total, ils y ont consacré 1,3 milliard d'heures et 5,6 milliards de dollars.

La majorité des Canadiens, soit 86,2 p. 100, ont affirmé qu'il était important de maintenir une faune abondante, et 83,3 p. 100 ont affirmé qu'il était important de protéger les espèces menacées ou en déclin.

Du point de vue économique, environ 1,8 million d'Américains sont venus au Canada en 1991 pour s'adonner à des activités liées à la faune et ont dépensé 842 millions de dollars durant ces voyages, ce qui est cinq fois plus que ce que les Canadiens ont dépensé aux États-Unis durant des voyages du même genre.

On est en train de rédiger un deuxième rapport qui examinera de façon plus détaillée les répercussions des activités liées à la faune sur l'économie canadienne du point de vue des recettes et des emplois.

Je vais simplement citer les paroles de la ministre de l'Environnement, qui a dit ceci: «Les conclusions que je tire de ce sondage, c'est que les Canadiens restent très attachés à la protection et à la conservation d'une faune abondante et diversifiée et que les dépenses au titre des activités liées à la faune apportent beaucoup à l'économie canadienne. Ce sont là certaines des raisons qui incitent le gouvernement fédéral à travailler avec les provinces, les territoires, les groupes environnementaux et le secteur privé à des initiatives telles que la conservation des marais et la protection de la diversité biologique du Canada.»

Il y a des oiseaux, comme la sterne arctique, qui parcourent des milliers de kilomètres deux fois par année pour se rendre des régions les plus au nord du Canada jusqu'en Amérique du Sud. Comme les oiseaux ne savent pas reconnaître les frontières municipales, provinciales et nationales, c'est à nous qu'il incombe de modifier la Convention concernant les oiseaux migrateurs pour assurer au monde entier que la biodiversité sera maintenue et que nos amis à plumes seront encore ici pendant de nombreuses années.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, j'aimerais prendre cinq ou dix minutes pour participer à la Chambre au débat sur ce projet de loi.

D'entrée de jeu, je dois dire que j'appuie celui-ci. Je félicite la ministre et son secrétaire parlementaire de leur excellent travail à cet égard, ainsi que tous les fonctionnaires du ministère de l'Environnement.


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Je profite des quelques minutes à ma disposition pour soulever une question d'intérêt local qui préoccupe vivement les électeurs de la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell; elle concerne la faune, et plus particulièrement les oiseaux migrateurs. Certains députés penseront peut-être que les préoccupations que j'expose sont dérisoires, mais je puis donner à la Chambre l'assurance qu'il n'en est rien. Il s'agit d'un problème très important pour les agriculteurs de la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell.

[Français]

Comme vous le savez, les grandes bernaches canadiennes passent l'hiver aux États-Unis et reviennent le printemps pour se rendre vers la péninsule de l'Ungava au nord du Québec.

(1715)

[Traduction]

Jusqu'à il y a quelques années, le plan de vol de ces oiseaux les menait aux environs de Kingston, en Ontario; environ 120 000 oiseaux s'arrêtaient en effet sur l'île Wolfe, avant de poursuivre leur migration vers le nord en suivant une direction nord-nord-est. Pour des raisons que les fonctionnaires du Service de la faune d'Environnement Canada ne comprennent pas tout à fait à ce jour, les oiseaux ont modifié leur plan de vol et, peu à peu, ils se dirigent davantage vers l'est. Ils se déplacent maintenant entre Ottawa et Montréal. C'est à peu près là leur trajectoire actuelle.

[Français]

Les oiseaux s'arrêtent dans ma circonscription pour ensuite se rendre dans la région de Papineauville. D'ailleurs, il y a même un festival consacré à ces grands oiseaux, de très belles bêtes incidemment, qui, ensuite, se dirigent vers le nord.

C'est bien beau et, comme tous mes électeurs, j'aime bien voir ces grandes bêtes et les admirer. Toutefois, il y a une communauté dans ma circonscription qui, pour des raisons très évidentes, que je vous expliquerai, trouve cela un peu moins drôle, et c'est la communauté agricole.

Chez nous, les oiseaux s'arrêtent et, comme je le disais, ils sont peut-être 75 000 ou 80 000 à la fois. Si c'était une région boisée ou presque, cela ne ferait quand même pas trop de dommage. Si c'était même un champ de maïs, cela ne ferait pas grand tort non plus, mais ce n'est pas cela qui arrive. Ces oiseaux s'arrêtent dans un champ de luzerne et il y a des espèces de foin, si vous voulez, très tendres, car justement, ces terrains-là sont riches en protéines pour les animaux. Donc, cela occasionne des pertes épouvantables pour les agriculteurs de ma circonscription.

J'ai en main ici un rapport préparé par le ministère de l'Agriculture, chez nous, qui chiffre les pertes à quelque 240 $ l'acre et on parle de centaines et de centaines d'acres de récoltes qui sont détruites chaque année par ces oiseaux. Je suis intervenu à plusieurs reprises dans le passé auprès du gouvernement fédéral pour demander de l'aide. Avec le gouvernement précédent, malheureusement, je n'ai jamais réussi à obtenir quoi que ce soit.

Je crois que dans ma circonscription, il y a trois solutions ou trois composantes pour solutionner le problème. D'une part, je crois que le gouvernement provincial de l'Ontario, avec le gouvernement fédéral au niveau du ministère de l'Agriculture, devraient établir une politique de pertes par site spécifique, comme il existe au Québec pour fins d'assurance-récolte. En d'autres termes, s'il y a une perte dans un endroit particulier, qu'on puisse le qualifier pour être désigné. Le plan ontarien ne permet pas d'analyser des pertes de ce genre. Ça prend des pertes régionales pour les qualifier ainsi, et bien sûr, les oiseaux ne se rendent pas que dans une région, ils se rendent sur un terrain, détruisent 300 ou 400 acres à la fois, mais pas les champs autour de ceux-là. Alors, il faudrait amender ce plan-là.

Dans un deuxième temps, il y a une difficulté au sujet de la façon utilisée pour contrôler les bêtes lorsqu'elles décident de se poser sur un terrain particulier.

[Traduction]

Les agriculteurs de Glengarry-Prescott-Russell, jusqu'à il y a environ trois ans, obtenaient des permis d'Environnement Canada pour tuer un oiseau. Ils pouvaient obtenir un permis pour tuer un oiseau, le retourner et, conformément aux instructions données par Environnement Canada, lui étirer les ailes. Ce sont de très grands oiseaux. Comme l'oiseau ainsi retourné était visible du ciel, les autres oiseaux le voyaient et ne s'approchaient pas de la ferme pour le reste de la saison. Cette méthode fonctionnait raisonnablement bien.

Il y a trois ans environ, Environnement Canada a décidé que la population d'oiseaux en question diminuait et que cette pratique devait cesser.

[Français]

C'est peut-être vrai, sauf que j'ai un problème avec la proposition. Si l'oiseau est une espèce en voie d'extinction, comment se fait-il qu'à l'automne, on permette la chasse à ces oiseaux-là? Pourquoi ne pas plutôt éliminer la chasse l'automne, si tout cela est vrai? Dans le passé, je ne suis jamais arrivé à faire comprendre le bon sens aux fonctionnaires préposés à ce genre de choses.

(1720)

Si on doit contrôler quelque part, il serait préférable de le faire l'automne, quand c'est un luxe et non pas une nécessité, en fait, de les chasser. Au printemps, on pourrait accorder la permission aux agriculteurs, lesquels sont peut-être seulement 25 à en être affectés, de tuer un oiseau chacun pour, bien sûr, éviter ces grandes pertes matérielles.

De toute façon, on a refusé cela. On a plutôt fourni aux agriculteurs, à des frais considérables pour les payeurs de taxes, des cartouches sans balle, si vous voulez, et des fusils pour leur faire peur. Mais, inutile de dire que ces bêtes sont, à part tout le reste, extrêmement intelligentes, et après qu'on ait tiré dessus trois ou quatre fois, elles n'ont plus peur du fusil. À un tel point, monsieur le Président, que les agriculteurs ont acheté des canons automatiques pour mettre sur place. C'est un canon qui fonctionne au gaz propane et qui tire un coup toutes les demi-heures ou à peu près.

[Traduction]

Les cultivateurs de la région m'ont expliqué que le premier jour les oiseaux partaient dès qu'ils entendaient les coups de feu. Le deuxième jour, ils partaient cinq minutes environ avant les coups de feu. Le troisième jour, ils ne faisaient que lever la tête, écouter les coups de feu, après quoi ils se remettaient à manger. Voilà quel fiasco a été pour mes électeurs la recommandation d'Environnement Canada. Tout cela s'est fait à grands frais pour les contribuables.


3790

Enfin, l'an dernier, j'ai cru que nous avions trouvé la solution quand Environnement Canada a offert à mes électeurs de créer une série de refuges pour la faune.

[Français]

On avait désigné trois territoires, trois sanctuaires pour ces oiseaux, dont un le long de la rivière Nation sud, un autre près de la rivière des Outaouais et l'autre, non loin du lac Cob, dans ma circonscription. On avait tout planifié, mais malheureusement, le gouvernement a retiré son offre de fonds, après avoir fait l'offre lui-même. Mes électeurs n'ont pas apprécié. Ce n'était pas sous le règne de notre gouvernement, bien sûr, c'était sous le gouvernement précédent.

Il n'en demeure pas moins que les pertes matérielles sont considérables et je le porte à l'attention de cette Chambre. Comme je l'ai dit, pour nous qui traitons de dossiers d'un bout à l'autre du pays, cela peut sembler un dossier local et de peu d'importance, mais je vous assure, monsieur le Président, que lorsque vous perdez, et j'ai l'estimation ici devant moi, 240 $ l'acre, et que vous perdez 200 acres de récolte d'un seul coup, vous ne trouvez pas cela tellement drôle.

Plusieurs électeurs, plusieurs agriculteurs de la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell ont subi des pertes à cause de cela. J'ose espérer que d'une part, le gouvernement fédéral réussira à convaincre la province de l'Ontario de modifier le programme d'assurance-récolte pour faire en sorte qu'on puisse dédommager ces agriculteurs.

Dans un deuxième temps, j'espère qu'on arrivera à une solution, comme proposer des mesures, soit de sanctuaire ou de réinstaurer le programme par lequel chaque agriculteur avait le droit d'éliminer une bête par saison, d'autant plus, comme je le disais, que seulement une vingtaine d'agriculteurs en étaient affectés.

Je vous fais part de ces propos, non pas pour dire que je ne suis pas un de ceux qui veulent continuer à protéger cette espèce, bien au contraire. Toutefois, je dois souligner que lorsqu'une communauté s'aperçoit qu'il n'y a plus personne qui veut les écouter, il arrive parfois que les gens prennent la loi dans leurs propres mains. Mais personne ne sort gagnant dans de telles circonstances, parce que les gens vont faire des dommages et ne respecteront plus ces oiseaux. Ce que je veux, c'est m'assurer que cette espèce soit protégée. Après tout, c'est un symbole canadien, et de plus, ce sont des oiseaux très uniques. J'ai eu des séances d'information à propos des grandes bernaches canadiennes.

[Traduction]

La bernache du Canada a été un symbole du Canada jusqu'à ce qu'on mette un huard sur la pièce de un dollar. Avant cela, je suppose que la bernache du Canada était sans doute notre plus fameux oiseau. Il est toujours un merveilleux animal.

(1725)

Je tiens à exprimer ces préoccupations parce qu'elles touchent beaucoup mes électeurs de Glengarry-Prescott-Russell. En ce temps-ci de l'année, je suis inondé d'appels d'agriculteurs qui perdent leurs récoltes à cause des dommages qui y sont causés. J'estime que c'est le rôle du gouvernement, qui fait les lois que j'appuie, de veiller à ce que les lois soient faites de manière à ne pas sacrifier les agriculteurs parce que les deux peuvent fort bien coexister si nous nous efforçons de garantir qu'une espèce ne nuise pas à l'autre.

Cela peut être évité. Tout ce qu'il faut faire, c'est travailler dans un esprit de collaboration. J'ai confiance qu'avec des gens comme la ministre de l'Environnement, le secrétaire parlementaire, qui est fort compétent dans ce domaine, nous réussirons là où nous avons échoué, soit sauvegarder les récoltes des agriculteurs de Glengarry-Prescott-Russell.

[Français]

Et qui sait, en établissant des sanctuaires de ce genre, comme on pourrait le faire et comme, d'ailleurs, le ministère l'avait suggéré il y a un an, on pourrait peut-être augmenter le potentiel, augmenter le nombre de gens qui iraient voir ces belles bêtes sur place, et l'appréciation pour ces grands oiseaux augmenterait, si on travaille tous ensemble. C'est, en tout cas, ce que je veux, et j'espère que le ministère se penchera sur ce dossier qui est fort important pour ceux et celles que j'ai l'honneur de représenter dans cette Chambre.

[Traduction]

Cela dit, je tiens à préciser que j'appuie la mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui et je demande de nouveau au gouvernement de songer aux électeurs de Glengarry-Prescott-Russell et au problème qu'ils éprouvent dans le domaine de la gestion de la faune.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières): Monsieur le Président, je voudrais féliciter et remercier notre collègue de Glengarry-Prescott-Russell de son exposé. On voit combien il est sensible et familier à la question.

J'ai une question technique à lui demander. Il a fait allusion à une des mesures suggérées voulant qu'on recommande que le cultivateurs victimes de l'événement puissent abattre une bête par saison. Je ne comprends pas en quoi cela peut modifier ou améliorer la situation et quel impact cela peut avoir.

M. Boudria: Monsieur le Président, la réponse est assez facile. Lorsque le programme existait, il avait un effet très positif dans le sens que les oiseaux qui survolent et qui voient un des leurs mort au sol et tourné à l'envers, bien sûr, pour qu'on puisse le voir dans toute sa splendeur, étaient effrayés. C'est tout simplement ça.

Cela est tellement efficace que les experts du ministère nous disaient que les autres oiseaux n'iront pas, dans un rayon d'à peu près un kilomètre, là où il voient un autre oiseau mort.

Lorsqu'on étudie ces oiseaux-et j'ai eu la chance de me familiariser avec le dossier, compte tenu qu'il s'agit d'un problème local dans ma région-on peut s'apercevoir combien ces bêtes sont intelligentes. À un tel point, au risque de me répéter, que les oiseaux pouvaient, en deux jours, savoir la différence entre un vrai fusil et un fusil qui était là seulement pour faire du bruit et ne pas leur faire mal.

3791

Il est quand même intéressant de voir un phénomène semblable, et il est intéressant de voir aussi que, lorsque l'oiseau se sent en danger, il va tout faire pour ne pas se trouver dans cette région.

Je me permets d'ajouter que le problème est différent chaque année. Apparemment, c'est relatif à la quantité de chaleur dans le sol. Les oiseaux peuvent détecter, par exemple, à quelle vitesse se diriger vers le Nord, et si le dégel n'est pas suffisamment rapide, il vont rester dans ma région pendant peut-être trois semaines. Imaginez-vous le dommage qu'ils peuvent faire. D'autres années, comme l'an dernier, ils ne sont restés qu'à peu près cinq ou six jours, parce que le sol s'est réchauffé plus rapidement, peut-être que la gelée était moins profonde, que le sol a dégelé plus vite, etc.

L'arrêt chez nous a été plus bref, puis ils se sont dirigés vers le Nord. Inutile de dire que, avec les froids que nous avons subis l'hiver dernier, je soupçonne qu'ils resteront passablement longtemps cette année, malheureusement pour les agriculteurs, heureusement pour ceux qui veulent les voir.

(1730)

C'est probablement ce qui explique qu'on aura leur présence parmi nous pendant encore quelques jours, bien que cela fasse deux ou trois semaines qu'ils sont ici.

[Traduction]

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)

M. Boudria: Monsieur le Président, je demande le consentement unanime, et je crois qu'il sera accordé, pour que nous suspendions la séance jusqu'au débat d'ajournement.

Le vice-président: Le whip adjoint n'est peut-être pas au courant, mais je crois que la Chambre est prête à passer aux questions du débat d'ajournement.

M. Boudria: J'ignorais que les députés étaient déjà à la Chambre. Dans ce cas, je propose plutôt que nous passions immédiatement au débat d'ajournement et que la présidence fasse comme si c'était déjà l'heure de la motion d'ajournement.

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________

3791

MOTION D'AJOURNEMENT

[Français]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office, en conformité de l'article 38 du Règlement.

L'AUTOROUTE ÉLECTRONIQUE

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi): Monsieur le Président, le 25 avril dernier, je m'adressais au ministre de l'Industrie pour qu'il puisse m'expliquer l'absence d'intervenants du milieu culturel sur le Comité consultatif de l'autoroute électronique.

Je lui faisais part également de mon inquiétude concernant l'absence des provinces qui n'étaient pas associées au processus. Aujourd'hui, j'aimerais obtenir des éclaircissements sur ces deux questions.

Je représente la circonscription de Chicoutimi. La région du Saguenay a été la première du Québec à accueillir un centre multimédia, investissement de 80 millions de dollars qui procurera 250 emplois. Je me sens donc concerné par l'autoroute électronique.

Lors du discours du Trône et du discours du Budget, le gouvernement a annoncé son intention de mettre en oeuvre une stratégie canadienne relative à l'autoroute électronique.

Comme nous le savons tous, le gouvernement a procédé à la nomination d'un conseil consultatif relativement à ladite autoroute électronique. Ce conseil est formé de 29 membres, dont un provenant de mon comté, M. Charles Sirois, et je m'en réjouis.

Parmi ces 29 membres, il y a notamment des représentants des secteurs de la câblodistribution, de la radiodiffusion, des télécommunications, mais cependant la culture n'est pas au rendez-vous. Il y a pourtant des forces vives, de l'énergie créatrice, des compétences qui n'attendent qu'à être sollicitées pour exprimer leur vision.

Le milieu culturel est articulé, il possède ses structures, a des représentants chevronnés. Pourquoi les écarte-t-on de ce processus? Au nom de quoi? Les artisans du monde culturel sont incontournables dans ce dossier.

Outre l'établissement d'une infrastructure comme telle, il y a le contenu véhiculé par l'autoroute électronique. L'un des objectifs du conseil est de renforcer l'identité culturelle, anglaise et française. Néanmoins, il n'y a aucun représentant du milieu culturel. Il y a là une contradiction flagrante. Comment peut-on rendre crédible cette opération en ne désignant aucun membre issu du monde culturel, ce qui, pourtant, pourrait apporter une dimension et une expertise extrêmement importantes. Il ne s'agit pas d'un appel que dicte un simple caprice, il en va d'un principe de représentativité. La culture ne sera touchée que de façon incidente. La culture est au coeur de l'autoroute électronique.

Malgré la composition d'un conseil de 29 personnes, le ministre de l'Industrie n'a nommé aucun protagoniste pour faire entendre la voix du secteur culturel. Il y a cependant une forte représentation de l'industrie. Il semble que l'on ait préféré évincer des intervenants qui auraient pu apporter un éclairage nécessaire, utile.

Dans le mandat et les résultats attendus, l'on demande au conseil de se pencher sur la question reliée au droit d'auteur et à la propriété intellectuelle. N'est-ce pas souscrire au fait que les artisans du milieu culturel fournissent un apport considérable? Comment peut-on ainsi constater l'absence de ces acteurs dans le processus qu'a défini le gouvernement?

3792

Le rapport Ostry recommandait la création d'un comité ministériel et la participation des provinces également. Le gouvernement s'en est écarté. L'autoroute électronique s'élaborera plutôt à huis clos, avec un seul joueur, et dans l'arène fédérale. Les provinces écartées, le milieu culturel écarté également, c'est un mauvais départ de concevoir l'autoroute électronique.

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je me réjouis d'avoir cette occasion d'aborder les préoccupations soulevées par l'honorable député de la circonscription de Chicoutimi au sujet de la stratégie du gouvernement relative à l'autoroute de l'information.

Le gouvernement a déjà déclaré clairement qu'il vise trois grands objectifs dans l'élaboration d'une autoroute de l'information: la création d'emplois; donner à tous les Canadiens l'accès à cette autoroute; et renforcer la souveraineté canadienne et l'identité culturelle canadienne.

[Traduction]

Je peux dire au député que le gouvernement est très sensible à la question de l'information et à celle de la culture.

Le conseil consultatif contribuera au dialogue sur le sujet et je crois que nous devrons tous reconnaître que des Canadiennes et des Canadiens de premier plan ont accepté de consacrer temps et effort à cette cause vitale. Le mandat du conseil consultatif prévoit que celui-ci ira au-devant des Canadiens, ce qui l'aidera à délimiter les questions clés et lui permettra de faire participer un large éventail d'intervenants.

[Français]

L'honorable député de la circonscription de Chicoutimi a déclaré que la communauté culturelle n'est pas représentée au conseil consultatif.

En choisissant les membres du conseil consultatif, le gouvernement a cherché à y nommer les personnes les plus qualifiées, celles qui peuvent le mieux mettre leurs connaissances et leur expérience au service de tous les Canadiens.

Dans cette perspective, je crois que le gouvernement devrait être félicité d'avoir nommé des Canadiens aussi remarquables au Conseil consultatif de l'autoroute de l'information.

[Traduction]

Le vice-président: Conformément au paragraphe 38(5) du Règlement, la motion d'ajournement est adoptée d'office.

La Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 17 h 38.)