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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 22 juin 1994

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

M. CHARLES MUNROE

LA TRAVERSÉE INTERNATIONALE DU LAC MEMPHRÉMAGOG

L'ATTRIBUTION DE TEMPS

    M. Mills (Red Deer) 5719

L'IMMIGRATION

LA BATAILLE DE NORMANDIE

LE TEMPLE D'OR

L'AGRICULTURE

L'ATTRIBUTION DE TEMPS

LES FANFARES MILITAIRES

«HABITAT FOR HUMANITY»

L'EMPLOI

L'IMMIGRATION

LA SAINT-JEAN-BAPTISTE

LES CASQUES BLEUS CANADIENS

L'ATTRIBUTION DE TEMPS

    M. Hill (Macleod) 5722

LE PATRIMOINE

LE TISSU SOCIAL CANADIEN

LE DÉCÈS D'ED MCCULLOUGH

LES PAGES

QUESTIONS ORALES

LE RAPPORT DU COMITÉ DES FINANCES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 5723
    M. Martin (LaSalle-Émard) 5723
    M. Martin (LaSalle-Émard) 5724

LE COMMERCE INTERPROVINCIAL

L'ATTRIBUTION DE TEMPS

LA RECONVERSION DE L'INDUSTRIE MILITAIRE

L'ÉCONOMIE

LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES ET ACADIENNE

L'ÉCONOMIE

    M. Harper (Calgary-Ouest) 5727
    M. Martin (LaSalle-Émard) 5727
    M. Harper (Calgary-Ouest) 5727
    M. Martin (LaSalle-Émard) 5727

LE COMMERCE INTERNATIONAL

L'INDUSTRIE DES PÂTES ET PAPIER

    Mme Blondin-Andrew 5728

L'AGENT TODD BAYLIS

LE TRANSPORT AÉRIEN

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 5729
    M. Martin (LaSalle-Émard) 5729

LES PROGRAMMES DE RÉADAPTATION

    Mme Stewart (Brant) 5730

LES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES

LE PRIX DE L'ESSENCE

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

CONSEIL CONSULTATIF CANADIEN SUR LA SITUATION DE LA FEMME

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

JUSTICE ET QUESTIONS JURIDIQUES

LOI CANADIENNE SUR LA COMMERCIALISATION DES POMMES DE TERRE

    Projet de loi C-266. Adoption des motions portant présentation et première lecture 5731

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

POLITIQUE CANADIENNE DE DÉFENSE

    Adoption de la motion 5731

PROCÉDURE ET AFFAIRE DE LA CHAMBRE

    Motion portant approbation du 28e rapport 5731

FINANCES

    Motion portant approbation du neuvième rapport 5732
    M. Speaker (Lethbridge) 5745
    Adoption de la motion 5747

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LA TAXE D'ACCISE

    Projet de loi C-32. Reprise de l'étude de la motion portant troisième lecture 5747
    La motion est adoptée par 125 voix contre 76 5753
    Troisième lecture et adoption du projet de loi 5754

AFFAIRES COURANTES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

LES RAPPORTS DES COMITÉS

    Adoption du projet de loi 5754

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DES PREMIÈRES NATIONS DU YUKON

    Projet de loi C-34. Motion portant troisième lecture 5754
    Adoption de la motion par 152 voix contre 35 5763
    Troisième lecture et adoption du projet de loi 5764

LOI SUR LE RÈGLEMENT DES REVENDICATIONS TERRITORIALES DES PREMIÈRES NATIONS DU YUKON

    Projet de loi C-33. Motion portant troisième lecture 5764
    M. Harper (Churchill) 5764
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 5770
    Le projet de loi est adopté par 153 voix contre 35 5773
    Troisième lecture et adoption du projet de loi 5773

LE MINISTÈRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

    Projet de loi C-35. Étude à l'étape du rapport, sans amendement 5774
    Motion portant approbation 5774
    Adoption de la motion 5774
    Adoption de la motion; troisième lecture et adoption du projet de loi 5780

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA SÉCURITÉ, COMPAGNIE D'ASSURANCES GÉNÉRALES DU CANADA

    Projet de loi S-3. Motion portant deuxième lecture 5780
    Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loi; étude en comité; rapport; approbation du projet de loi et, troisième lecture et adoption du projet de loi 5780
    Adoption de la motion 5780

5719


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mercredi 22 juin 1994


La séance est ouverte à 14 heures.

_______________

Prière

_______________

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

M. CHARLES MUNROE

M. John Finlay (Oxford): Monsieur le Président, dimanche dernier, le 19 juin, M. Charles Munroe, un habitant de toujours du comté d'Oxford, a été élu au Temple de la renommée agricole de l'Ontario.

C'est en 1941 qu'il a commencé sa carrière dans le domaine de l'agriculture à titre de président des jeunes agriculteurs d'Oxford. Par la suite, il a été successivement président des éleveurs de bovins Holstein d'Oxford, président de la Fédération de l'Agriculture de l'Ontario et président de la Fédération canadienne de l'Agriculture. Enfin, de 1972 à 1974, il a assumé les fonctions de président de la Fédération internationale de l'Agriculture, à Paris, en France. À l'évidence, M. Munroe a consacré sa vie au service des agriculteurs, au Canada et dans le monde entier. Il s'est fait le porte-parole des agriculteurs canadiens en participant à de nombreuses réunions internationales qui l'ont conduit de Tel Aviv à Tokyo.

Ses réalisations lui valent la reconnaissance non seulement du secteur agricole, mais également de l'ensemble des Canadiens. Aussi est-il le récipiendaire de la médaille du centenaire du Canada.

Au nom de tous les parlementaires, je voudrais féliciter Charlie Munroe de cet honneur insigne et bien mérité.

* * *

[Français]

LA TRAVERSÉE INTERNATIONALE DU LAC MEMPHRÉMAGOG

M. Gaston Péloquin (Brome-Missisquoi): Monsieur le Président, la Traversée internationale du lac Memphrémagog constitue assurément un attrait touristique majeur dans ma circonscription de Brome-Missisquoi. Cette seizième édition qui aura lieu du 15 au 24 juillet représente un tournant important et un défi de taille, tant pour la poursuite de ce succès indéniable que par son ampleur et sa qualité.

Je suis assuré que les quelque 400 bénévoles impliqués dans cet événement fort attendu avec l'aide du comité organisateur sauront perpétuer la longue tradition d'excellence qui a toujours caractérisé cette traversée d'envergure internationale.

J'invite donc toute la population canadienne et québécoise à venir partager les exploits et les émotions des meilleurs nageurs et nageuses de longue distance au monde qui se réunissent chaque été à Magog pour relever le grand défi de la Traversée internationale du lac Memphrémagog.

* * *

[Traduction]

L'ATTRIBUTION DE TEMPS

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, le recours abusif des libéraux à la clôture pour en finir au plus vite et partir en congé a déclenché une véritable sonnerie d'alarme.

Le Parti libéral, qui siège de l'autre côté de la Chambre, a promis aux Canadiens, aux dernières élections, que les choses seraient différentes quand il serait au pouvoir. Il prétend vouloir redonner au système son caractère d'intégrité et, pourtant, hier soir, nous avons assisté à un retour aux tactiques de bras de fer de la période Mulroney.

Quand le Canada va-t-il avoir un gouvernement vraiment démocratique qui agit dans l'intérêt du peuple? Quand va-t-on arrêter de prendre les décisions à huis clos et de nous cacher les véritables intentions du gouvernement? Quand va-t-on arrêter de faire comme si tout était normal?

L'imposition de la clôture témoigne d'un manque total de respect à l'égard de la démocratie et montre que la Chambre est tombée bien bas. Les Canadiens sont bouleversés à l'idée de revivre un style de politique à la Mulroney et manifesteront leur mécontentement aux prochaines élections.

* * *

L'IMMIGRATION

M. Gar Knutson (Elgin-Norfolk): Monsieur le Président, je suis fier de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui, le 22 juin, pour souligner cette journée qui marque le 125e anniversaire de la première loi canadienne sur l'immigration et de la création du service d'immigration du Canada.

C'est pour moi un honneur que de représenter le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration au moment où celui-ci participe à une cérémonie spéciale commémorative, au Palais des congrès, à Hull. Le ministre marque cet anniversaire par une cérémonie


5720

spéciale dédiée aux résidents permanents et à la cour de la citoyenneté, ce qui illustre le lien vital entre l'immigration et la citoyenneté que symbolise son nouveau ministère.

Au nom de tous les Canadiens, je tiens à rendre hommage aux employés dévoués qui servent ce ministère aujourd'hui et aux pionniers d'hier qui ont aidé à bâtir notre pays grâce à l'immigration, depuis exactement 125 ans.

* * *

LA BATAILLE DE NORMANDIE

M. Ivan Grose (Oshawa): Monsieur le Président, ce message est adressé par une génération à une autre. Il y a 50 ans aujourd'hui, une bataille d'une férocité inimaginable se déroulait sur les plages de Normandie, une bataille dont on parlera pendant mille ans et qui sera connue comme la journée de la plus grande bravoure.

Nous faisons partie de la génération des Canadiens ordinaires qui n'ont jamais connu les angoisses de la guerre et de la séparation, et nous vivons aujourd'hui dans la liberté et la prospérité. Nous souhaitons donc adresser quelques mots à la génération précédente qui a participé à cette bataille. Nous désirons la remercier de son courage, de son sacrifice et de ses hauts faits.

Ce message de gratitude vient de gens ordinaires qui se sont rendu compte que, s'ils laissaient passer cette occasion sans saluer ceux qui sont arrivés avant eux, ce déplorable oubli désolerait sûrement les générations à venir. Quelles que soient les batailles qu'il reste à livrer, espérons tous que la plus grande est désormais derrière nous.

Ce message a été adressé par Gary Hesketh à son père, Red Hesketh, un ancien combattant qui se trouve être mon ami. Il a été publié sous forme d'annonce d'une pleine page dans le Toronto Star du 6 juin 1994.

* * *

LE TEMPLE D'OR

Mme Colleen Beaumier (Brampton): Monsieur le Président, ce mois-ci, les sikhs du monde entier commémorent le dixième anniversaire de l'attaque tragique menée par l'armée contre leur temple le plus sacré, le Temple d'or.

En 1984, le Temple d'or et 37 autres lieux de culte et sites historiques ont été détruits par des attaques sauvages de l'armée. Les sikhs qualifient de martyrs ceux qui ont été tués lorsque ces attaques ont eu lieu. À l'occasion du dixième anniversaire de cette tragédie, je demanderais à tous les députés de rendre hommage aux milliers d'innocents, de femmes, d'enfants et de personnes âgées, qui ont été tués au cours de ces attaques.

* * *

[Français]

L'AGRICULTURE

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est): Monsieur le Président, contrairement à ce que prétend Ottawa, ce ne sont pas nos engagements sur la scène internationale qui bouleversent nos politiques agricoles. La responsabilité des chambardements incombe au gouvernement fédéral.

(1405)

C'est le gouvernement libéral qui réduit les subventions agricoles pour répondre aux exigences du GATT, alors que nous avons déjà rempli nos engagements. C'est aussi le gouvernement libéral qui plie devant les exigences des Américains en matière de commerce extérieur.

Il faut stimuler notre économie agricole et cela, par des gestes réfléchis. Les modifications apportées à la subvention du Nid-de-Corbeau devraient respecter l'équité entre les producteurs de l'Est et de l'Ouest. Le gouvernement libéral devra établir un moratoire d'un an sur la vente de l'hormone STB et toute concession sur la scène internationale devra, en retour, procurer des avantages aux producteurs canadiens. Voilà comment un gouvernement responsable devrait préparer l'économie agricole de l'an 2000.

* * *

[Traduction]

L'ATTRIBUTION DE TEMPS

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord vous lire une citation: «Un bon gouvernement se mesure aux conditions de dignité et de justice ainsi qu'aux perspectives d'avenir qu'il peut offrir.»

Ce sont là de belles paroles qui, je le crains, ne veulent rien dire. Ces mots ont été prononcés par le premier ministre et publiés dans le fameux livre rouge. Malheureusement, hier soir, le gouvernement a montré que ce n'était rien de plus que de belles paroles. En invoquant la clôture à l'égard de plusieurs mesures législatives importantes, il a affiché ses vraies couleurs.

Peut-on servir les fins de la justice, de l'équité et des perspectives d'avenir en mettant fin aux débats? Quiconque avait encore des doutes sur le rôle du Bloc québécois, en tant que parti de l'opposition officielle, les a vus s'envoler hier soir.

L'opposition officielle a-t-elle parlé au nom de la liberté et de tous les Canadiens? Non. À présent, les Canadiens peuvent voir le Bloc québécois sous son vrai jour. Le gouvernement et le Bloc québécois sont tous deux à blâmer pour la situation vraiment scandaleuse d'hier soir.

* * *

LES FANFARES MILITAIRES

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona): Monsieur le Président, je tiens à protester contre une décision que le ministère de la Défense nationale a prise récemment au sujet de la présence de cornemuses dans les fanfares des 15 régiments Highland de la milice canadienne.

La suppression des cornemuses au sein des milices et les préjudices que cette mesure risque de causer à de nombreuses bonnes fanfares, comme le Queen's Own Cameron Highlanders, de Winnipeg, ou le Black Watch, de Montréal, portent un coup regrettable et exaspérant à une bonne tradition et au moral des régiments et de leurs supporters.


5721

Aucune mesure semblable n'a été prise à l'égard des fanfares de cuivres, et je demande au ministre de la Défense nationale d'annuler cette décision discriminatoire et insensée. La Musique Black Watch Pipe est une institution canadienne très prisée à Montréal. Les libéraux devraient la préserver, au lieu de revenir à leurs vieux tours et de s'en prendre à tout ce qui rappelle la tradition britannique.

* * *

«HABITAT FOR HUMANITY»

M. Andrew Telegdi (Waterloo): Monsieur le Président, je suis heureux d'informer la Chambre que Catherine et Ron Hewson effectuent une traversée du Canada à bicyclette, en compagnie d'Irene et de Jake Pauls qui leur servent de soutien. Cette randonnée d'un bout à l'autre du Canada a débuté le 28 mai à St. John's, Terre-Neuve, et doit se terminer à Victoria, en Colombie-Britannique, le 29 juillet.

Ces jeunes Canadiens, qui habitent dans ma circonscription, consacrent leur temps et leur énergie à la promotion de «Habitat for Humanity». «Habitat for Humanity Canada», organisme créé en 1985, compte maintenant 22 sections dans six provinces. Plus de 29 nouvelles sections vont bientôt voir le jour dans d'autres provinces.

«Habitat for Humanity» est un organisme chrétien qui s'est donné comme vocation d'éliminer les logements insalubres partout dans le monde et de faire de la construction de logements décents une affaire de conscience et une obligation concrète.

Je suis heureux que le bureau principal canadien de cette excellente organisation soit situé à Waterloo, sous la direction compétente de Wilmer Martin. Ce sont des exemples comme celui-ci qui font du Canada un pays où il fait bon vivre.

* * *

L'EMPLOI

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest): Monsieur le Président, je tiens à rappeler à cette Chambre que le gouvernement s'est engagé fermement à créer des emplois pour les Canadiens et à veiller à ce que les Canadiens soient les premiers à en profiter.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Le Nordic Challenger est un pétrolier-navette qui transporte du pétrole de la côte de la Nouvelle-Écosse vers des ports canadiens et étrangers. Il est exploité par la société Lasmo Nova Scotia Limited. Depuis quelques années, l'équipage de ce pétrolier ne comptait que des travailleurs étrangers. En avril, l'exemption pour l'emploi de membres d'équipage étrangers devait être renouvelée.

Malgré les tentatives de la société Lasmo pour justifier l'embauche de seulement 12 Canadiens, ce gouvernement a tenu bon et a refusé de prolonger l'exemption. Le gouvernement précédent renouvelait automatiquement ces exemptions sous prétexte que c'était pour le bien de l'économie.

(1410)

La priorité de ce gouvernement est la création d'emplois pour les Canadiens. C'est pourquoi le ministre du Développement des ressources humaines et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ont pris la part des travailleurs canadiens et ont refusé que des intérêts étrangers prévalent.

* * *

L'IMMIGRATION

M. John Cannis (Scarborough-Centre): Monsieur le Président, tous les Canadiens devraient applaudir l'annonce qui vient d'être faite concernant les modifications apportées au processus de détermination du statut d'immigrant. Ce premier pas est un outil précieux pour obliger le système à rendre des comptes au public canadien. Le rôle traditionnel du Canada en tant que pays ouvert à tous ceux qui sont animés d'un désir réel de se refaire une vie est ainsi maintenu et protégé.

Contrairement aux multiples accusations dont il est la cible, le ministre n'a pas pris cette décision en réaction aux incidents rapportés par les médias. Bien au contraire, ces modifications ont été mûrement réfléchies et sont le fruit des consultations que notre gouvernement s'était engagé à entreprendre dans le livre rouge. Ces modifications nous donnent les outils nécessaires pour refouler ceux qui cherchent à abuser de la générosité du Canada.

J'aimerais féliciter le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration pour son dur labeur et pour les efforts qu'il déploie au nom de tous les Canadiens, ainsi que pour l'introduction de ces modifications qui arrivent à point nommé.

* * *

[Français]

LA SAINT-JEAN-BAPTISTE

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est): Monsieur le Président, le 24 juin, c'est le Jour de la Saint-Jean-Baptiste, le patron de la ville de Montréal. Aujourd'hui, je voudrais souhaiter à tous les Québécois et à toutes les Québécoises une bonne journée de ma part et de la part de mes commettants et commettantes de Vancouver-Est.

Venant d'Italie et précisément de Turin, la ville où le patron est aussi Saint-Jean-Baptiste, je connais l'importance des journées des patrons. J'espère que le 24 juin sera une journée heureuse pour tous les Québécois et toutes les Québécoises et j'espère aussi qu'on ira la célébrer tous ensemble, comme Canadiens, dans les années futures.

De la côte du Pacifique, où je demeure, jusqu'à la côte de l'Atlantique et de la frontière américaine jusqu'au Pôle Nord, les Canadiens désirent renforcer les liens entre les provinces et territoires canadiens pour résoudre tous ensemble les problèmes qui nous touchent et créer une atmosphère plus acceptable à tout le pays. United we stand, on dit, et l'on doit rester unis.

Bonne journée de la Saint-Jean-Baptiste à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes.

* * *

LES CASQUES BLEUS CANADIENS

M. Maurice Godin (Châteauguay): Monsieur le Président, la guerre croate a vu tomber un homme de plus hier. Une mine placée sur le chemin du caporal Mark Robert Isfield lui a enlevé la vie, et cette mort absurde nous enlève encore aujourd'hui un


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peu d'espoir que les belligérants laissent enfin tomber les armes. C'est souvent lors de la perte d'un proche que l'on réalise toute l'horreur que vivent les peuples en guerre en ex-Yougoslavie.

Les Casques bleus canadiens, dans cette région du monde, jouent un rôle essentiel pour tenter d'amener toutes les parties vers une solution pacifique à leurs conflits historiques. Mais c'est là tout le paradoxe de l'action de ces soldats qui travaillent sans relâche pour la paix au milieu d'une guerre sanglante. Ceux qui ont été proches de la guerre disent souvent qu'il n'y a pas de héros, il n'y a que les victimes et les autres. Il y a ce soldat et aujourd'hui, les autres, c'est nous.

Au nom de tous les députés de cette Chambre, j'offre mes plus sincères condoléances à la famille.

* * *

[Traduction]

L'ATTRIBUTION DE TEMPS

M. Grant Hill (Macleod): Monsieur le Président, un de mes amis très chers, héros de maints combats, nous a quittés sans bruit, sans attirer l'attention des médias blasés, vaincu par des forces cyniques. Ce poème exprime ma douleur:

Tu as remporté des batailles
Là où d'autres sont tombés.
Tu as défendu la liberté
Lorsque d'autres ont renoncé.
Tes derniers jours ne seront jamais oubliés.
Nous pleurons ta mort,
Car l'étendard s'est déchiré.
Oui, la clôture tue la démocratie. Nous pleurons, amis, nous pleurons.

* * *

LE PATRIMOINE

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester): Monsieur le Président, en 1985, l'UNESCO, reconnaissant la valeur historique insurpassée du quartier du vieux port de Québec, le plaçait sur la liste des sites de grande importance historique et culturelle qui appartiennent au patrimoine mondial. Depuis lors, il y a eu une intrusion constante de projets de construction au coeur même du vieux port.

En 1986, le gouvernement fédéral a bâti un immeuble en copropriété de huit étages, recouvert d'aluminium, qui a été déclaré une barrière visuelle insurmontable sous tous les angles. Le gouvernement fédéral a aussi en construction, dans le quartier du vieux port, une école de formation pour la réserve de la marine et il propose maintenant un cinéma IMAX avec un stationnement attenant de plusieurs étages. Hier soir, lors d'une réunion à l'hôtel de ville, 12 des 14 mémoires présentés étaient contre le nouveau projet.

J'espère que le ministre du Patrimoine canadien ne permettra pas que continue cette intrusion des promoteurs publics et privés dans une zone qui appartient au patrimoine international. Il est dans l'intérêt de tous les Canadiens de protéger le port du vieux Québec.

* * *

(1415)

[Français]

LE TISSU SOCIAL CANADIEN

M. Peter Adams (Peterborough): Monsieur le Président, aujourd'hui, je veux parler des liens entre ma famille, ma circonscription de Peterborough et le Québec.

Je suis arrivé à Montréal comme immigrant. J'y ai étudié et j'y ai épousé ma femme. Deux de nos enfants sont nés là. Plus tard, j'ai travaillé dans la ville minière de Schefferville, le lieu de naissance d'un autre de nos enfants. J'ai déménagé à Peterborough pour enseigner à l'université de Trent, qui a bâti sa réputation sur les études du Canada, de ses peuples autochtones et de ses nations fondatrices. Notre équipe de hockey, les Petes, a fourni plusieurs grands joueurs au club de hockey Les Canadiens de Montréal. Bob Gainey est né à Peterborough.

Ce sont quelques exemples des millions de liens qui forment un pays grand et fier, le Canada.

* * *

[Traduction]

LE DÉCÈS DE M. ED MCCULLOUGH

M. John Solomon (Regina-Lumsden): Monsieur le Président, je prends la parole à la Chambre, aujourd'hui, pour rendre hommage au regretté Ed McCullough, un des pionniers de la Fédération du commonwealth coopératif ou CCF et ancien député de la circonscription de Moose Mountain, en Saskatchewan. M. McCullough est mort dimanche, à son domicile de Cannington Lake, des suites d'une longue maladie. Il avait 85 ans. Né à Moose Jaw, il avait grandi sur sa ferme, près de Ponteix, dans le sud-ouest de la Saskatchewan.

Ed McCullough était un des 18 députés du CCF élus en Saskatchewan en 1945. Il fut défait en 1949, mais réélu en 1953 et 1957.

Tous ceux qui connaissaient Ed savaient combien il était généreux. Exploitant agricole près de Cannington, il a longtemps milité dans le mouvement coopératif, à la fois au sein du syndicat des grains de la Saskatchewan et dans plusieurs coopératives locales.

C'était un homme de vision et un homme à principes. Il fut de ces pionniers canadiens qui ont tant contribué à la qualité de la vie de leur communauté, de leur province et de leur pays. C'était une inspiration pour ceux qui le connaissaient et pendant toute sa vie il a travaillé à promouvoir les principes coopératifs.

Les funérailles ont lieu aujourd'hui à l'Église unie de Wawota. Au nom du caucus du Nouveau Parti démocratique et de tous les députés, je désire présenter mes condoléances à sa femme, Madge, sa fille Peggy Monson et sa famille que je connais bien, ainsi qu'à tous les proches parents d'Ed McCullough.

5723

LES PAGES

Le Président: Chers collègues, sans présumer de ce qui se passera à la Chambre, je vous rappelle que le groupe de pages de cette année est sur le point de nous quitter pour aller vers d'autres buts et d'autres aspirations.

Ces pages, les vôtres et les miens, donnent un bon exemple du potentiel des jeunes Canadiens.

[Français]

Je remercie ces 42 jeunes femmes et hommes qui nous ont si bien servis en ce début de la 35e Législature.

[Traduction]

En tant que députés, nous espérons que tous les pages ont bénéficié de leur expérience à la Chambre et qu'un jour, ils y reviendront pour servir à nouveau leur pays. Ils ont consacré beaucoup de temps et d'énergie à nous rendre la vie plus facile et à mieux connaître leur Parlement et leur pays. Ils l'ont fait tout en poursuivant leurs études à plein temps en première année d'université.

[Français]

Je sais que tous les députés se joindront à moi pour leur souhaiter tout le succès possible dans leurs futures entreprises.

Merci, mes chers pages.

Des voix: Bravo!

_____________________________________________


5723

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE RAPPORT DU COMITÉ DES FINANCES

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, quelques heures après son dépôt, le rapport des députés libéraux du Comité des finances a été rejeté de façon cinglante par plusieurs provinces, dont l'Ontario et le Manitoba.

(1420)

Le premier ministre et le ministre des Finances ont tous deux rapidement pris leurs distances par rapport à cette proposition de mettre en place une TPS cachée intégrant les taxes de vente provinciales. Autrement dit, le rapport libéral est déjà sur les tablettes.

Alors que le gouvernement est revenu à la case départ, en désavouant ainsi le rapport des députés libéraux, le ministre des Finances peut-il nous dire quelle proposition de remplacement de la TPS il entend soumettre à la Conférence fédérale-provinciale des ministres des Finances qui doit avoir lieu la semaine prochaine?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Malheureusement, monsieur le Président, le chef de l'opposition n'a pas raison. D'ailleurs, j'ai devant moi des citations du ministre des Finances de Terre-Neuve, M. Winston Baker, qui dit qu'il est en faveur d'amorcer les discussions; pour M. Allan Maher, le ministre des Finances du Nouveau-Brunswick, c'est la même chose.

Je dois vous dire que le chef de l'opposition citait M. Rae. J'ai la citation exacte de M. Rae; je vais le citer en anglais, puisqu'il l'a dit en anglais.

[Traduction]

M. Rae a dit qu'il était prêt à collaborer avec Ottawa pour remplacer la taxe. «Cette taxe nous donne l'impression de partager une chambre à coucher avec un gorille.» Si seulement on avait des propositions à faire pour sortir le gorille de la chambre, je serais heureux d'en discuter.

Je ne sais pas trop comment m'y prendre avec un gorille dans une chambre à coucher, mais cela me semble assez compliqué. Je crois cependant que le premier ministre ontarien voulait dire qu'il était prêt à collaborer.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, il faut surtout se demander qui est le gorille. Je serais porté à dire que c'est le ministre des Finances-et laissez-moi vous dire que je ne tiens pas du tout à ce qu'il partag

[Français]

Monsieur le Président, je demande au ministre des Finances s'il reconnaît que la réaction négative des provinces, -il le sait, elle est négative cette réaction- s'il reconnaît que cette réaction contre la proposition de remplacement de la TPS, mise de l'avant par ses collègues libéraux desquels il semble se dissocier maintenant, constitue un nouvel affront à l'endroit de son gouvernement dans ses rapports avec les provinces, affront qui s'ajoute à ceux sur la réforme des programmes sociaux, le Forum national sur la santé et les négociations relatives au commerce interprovincial.

[Traduction]

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, je sais que je parle au nom de M. Rae. Tous les deux, nous aimerions mieux partager une chambre à coucher avec un gorille que l'un avec l'autre.

[Français]

C'est très clair, monsieur le Président, le rapport du Comité des finances. . . D'ailleurs, je dois féliciter les membres de tous les partis qui ont fait partie de ce comité. Ils ont entendu, je pense, 500 témoins, ils ont lu au moins 500 mémoires, en tout cas, ils ont reçu beaucoup de monde. Je crois qu'ils ont fait un travail extraordinaire et nous allons certainement l'accepter comme base de discussion avec les provinces.

Je crois que la recommandation principale, c'est-à-dire une harmonisation avec les provinces, c'est quelque chose que tout le monde, c'est-à-dire la communauté des affaires et les consommateurs, veut avoir.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, devant le rejet de fusion de la TPS et des taxes provinciales qui heurte de front l'autonomie fiscale des provinces, le


5724

ministre des Finances ne reconnaît-il pas que le meilleur moyen de redresser la situation actuelle, de simplifier l'imbroglio actuel est d'abolir la TPS et d'effectuer le transfert de ce champ fiscal aux provinces, comme le suggère le Bloc québécois?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Il faut dire, monsieur le Président, comme je l'ai mentionné hier, que la Chambre de commerce du Montréal métropolitain veut avoir une harmonisation des deux taxes, ainsi que la Chambre de commerce du Québec, l'Association des manufacturiers du Québec, et le candidat péquiste, pas le député.

(1425)

Je dois vous dire que c'est clair pour le Conseil du patronat, que la majorité des intervenants au Québec veulent avoir une harmonisation, c'est-à-dire que la majorité des intervenants ne sont pas d'accord avec le Bloc québécois à cet égard et dans toutes les autres choses aussi.

* * *

LE COMMERCE INTERPROVINCIAL

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre.

En dépit de leur engagement à conclure une entente sur la libéralisation du commerce interprovincial avant le 30 juin, les négociations entre Ottawa et les provinces seraient dans l'impasse. Le quotidien La Presse affirme que les négociateurs fédéraux parlent même de la possibilité d'un échec dans le contexte où plusieurs provinces multiplient des demandes d'exception à l'accord.

Ma question est la suivante: Au moment où se poursuivent aujourd'hui les négociations à Toronto, la vice-première ministre confirme-t-elle que ces négociations sont dans l'impasse en raison de la volonté de plusieurs provinces de préserver la capacité d'intervention de leurs sociétés d'État?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, je pense que le député a répondu à sa propre question. Il affirme qu'aujourd'hui les négociations se poursuivent. Évidemment, si elles se poursuivent, c'est parce qu'il n'y a pas d'impasse.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, j'imagine que la vice-première ministre n'a pas souvent négocié.

Je lui pose tout de même une deuxième question: Est-ce qu'elle confirme les propos d'une source ministérielle à l'effet que, et je cite: «Le gouvernement fédéral envisage maintenant la possibilité de ne pas signer une entente qu'il jugerait imparfaite»? Cet échec ne confirme-t-il pas l'incapacité du gouvernement fédéral de négocier avec les provinces, une autre fois?

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, le député d'en face vient d'affirmer que les négociations continuent. Il n'y a eu aucune rupture des négociations. Les discussions et les négociations se poursuivent et nous nous attendons à ce qu'elles portent fruit.

Je sais que c'est dur pour le Bloc québécois. Je sais que les députés du Bloc québécois aimeraient bien que les négociations échouent, afin de pouvoir continuer à formuler leurs fausses accusations, en disant que le Canada ne fonctionne pas.

En réalité, le Canada fonctionne très bien. Au cours des six derniers mois, tous les ministères de notre gouvernement ont signé des accords d'harmonisation avec les provinces, pour faire en sorte que le gouvernement fonctionne mieux.

Je suis désolée que les événements ne respectent pas les plans du Bloc, mais plutôt ceux du gouvernement libéral.

* * *

L'ATTRIBUTION DE TEMPS

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, ma question s'adresse au leader du gouvernement à la Chambre qui, en mars, m'a invité à lui signaler tout recours excessif à l'attribution de temps ou à la clôture.

Je voudrais citer à la Chambre quelques remarques qui ont été faites au sujet de la clôture. Le député d'Ottawa-Vanier a dit que c'était loin d'être démocratique. Le député de Winnipeg-St. James a dit que c'était une mesure draconienne. Quant au député de Kingston et les Îles, il a dit que c'était immoral. Ces remarques viennent de députés libéraux qui siègent maintenant de l'autre côté de la Chambre.

Ma question est la suivante: le leader du gouvernement à la Chambre partage-t-il l'opinion de ses collègues à l'égard de la clôture?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, les remarques citées sont très pertinentes lorsqu'il y a recours excessif à la clôture.

Malheureusement pour le député, ce qui s'est passé hier n'avait rien à voir avec la clôture. Nous nous sommes servis des dispositions relatives à l'attribution de temps prévues dans le Règlement de la Chambre, et nous ne l'avons pas fait pour imposer une décision à la Chambre. Les motions d'attribution de temps ont fait l'objet d'un vote et ont été acceptées par la majorité des partis à la Chambre ainsi que par le NPD. C'est ça, la démocratie.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, plusieurs amendements ont été présentés à la Chambre et n'ont presque pas été débattus à cause des motions de clôture et d'attribution de temps.

Lorsqu'ils étaient dans l'opposition, les députés qui forment aujourd'hui le gouvernement ont toujours soutenu que ces mesures étaient antidémocratiques et entravaient le fonctionnement de la Chambre. Voilà maintenant que ces mêmes députés défendent le recours à la clôture pour faire adopter à la hâte des projets


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de loi avant que ceux-ci aient pu faire l'objet d'un examen normal et adéquat.

Comment le leader du gouvernement à la Chambre explique-t-il cette terrible contradiction?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, comment le leader parlementaire du Parti réformiste explique-t-il la tentative de son parti en vue de retarder indûment l'adoption d'un accord élaboré de façon démocratique, sur une période de 21 ans, par les habitants du Yukon? Il ne peut certainement pas l'expliquer parce que son parti a eu tort d'agir ainsi.

(1430)

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, on n'a pas assez de quelques heures pour examiner une brique de neuf pouces portant la mention «Confidentiel».

Je voudrais citer un extrait du livre rouge du Parti libéral. Ce passage, tiré du chapitre fantaisiste intitulé «Pour restaurer l'intégrité parlementaire», dit ceci: «Cette désaffection semble tenir à plusieurs causes: certains élus ont commis des indélicatesses, d'autres ont gouverné avec arrogance. Les citoyens sont mécontents parce qu'ils ne sont pas consultés, parce que leurs vues ne sont pas prises en considération, parce que les affaires publiques, lorsqu'elles deviennent cruciales, sont traitées à huis clos.»

Durant sa campagne, le gouvernement a promis de restaurer l'intégrité parlementaire. Le leader du gouvernement à la Chambre peut-il expliquer où est l'intégrité de son gouvernement après que nous ayons vu celui-ci prendre une décision sans précédent hier soir en appliquant la clôture et l'attribution de temps à au moins quatre mesures législatives. . .

Le Président: Chers collègues, il est vrai que nous nous approchons de la fin, mais je souhaiterais tout de même que les questions et les réponses soient un peu plus succinctes.

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, les Canadiens, principalement ceux du Yukon, qui d'un bout à l'autre du pays, nous regardent aujourd'hui voudront certainement savoir que ces projets de loi ne sont pas apparus soudainement hier. Ils sont accessibles au public depuis des jours, sinon des semaines, et ont été étudiés en comité pendant plus de 20 heures.

Au lieu de soulever ces questions spécieuses, le leader parlementaire du Parti réformiste devrait plutôt s'excuser auprès des députés, des habitants du Yukon et de tous les Canadiens pour avoir nui au débat à la Chambre.

* * *

[Français]

LA RECONVERSION DE L'INDUSTRIE MILITAIRE

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, la semaine dernière, les plus importantes entreprises militaires du Québec, nettement insatisfaites des politiques d'Ottawa, ont annoncé qu'elles se regroupaient afin de faire pression auprès du gouvernement fédéral pour que ce dernier modifie son approche pour faciliter la reconversion militaire.

Le ministre responsable du développement économique du Québec ne voit-il pas dans ce geste le désaveu le plus complet des entreprises militaires du Québec à l'endroit de la politique du gouvernement fédéral et qu'entend-il faire maintenant pour donner suite aux promesses électorales de son parti à l'égard de la reconversion de ces entreprises?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, comme l'honorable collègue le sait, le ministre responsable de ce dossier, le ministre des Sciences et de la Technologie, a toujours été très clair dans ses réponses, à savoir que la transition au secteur privé, qui va avoir lieu avec tous les changements sur la planète en ce qui a trait aux activités militaires, va être très complexe. Nous sommes confiants que toute concertation au Québec, qui peut aider à nous amener des solutions, va certainement être considérée de façon très importante.

Cela ne sera pas facile, ce n'est pas facile au Canada, ce n'est pas facile ailleurs, où le même genre d'activité a lieu, mais nous sommes fort intéressés à voir quelle sorte de solutions ce regroupement peut nous apporter.

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, je suis navré que le ministre des Finances ait des problèmes d'identité politique, aussi je lui adresse quand même ma question. Compte tenu du fait que le porte-parole de cette nouvelle association, M. Claude Daigneault de la SNC Lavalin, a annoncé lui-même que 6 500 emplois manufacturiers seront perdus dans le secteur de la production militaire, le ministre du BFDRQ peut-il prendre l'engagement qu'il fera l'impossible pour assurer la reconversion de ces emplois manufacturiers, qui sont cruciaux pour l'économie du Québec?

[Traduction]

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, j'ai eu l'occasion au cours des derniers mois et encore cette semaine à Montréal de rencontrer des représentants de SNC Lavalin.

La reconversion de l'industrie militaire à des fins privées et civiles est un défi que doivent relever tous les pays libres du monde entier.

La tâche ne sera pas facile au Québec. Elle ne sera pas facile au Canada. Nous comptons sur les députés, comme mon collègue, pour nous dire exactement ce qu'il est possible de faire.

(1435)

Naturellement, si SNC Lavalin ou le consortium dont parlait le député nous propose des solutions à ce problème très complexe, le gouvernement du Canada et les autorités provinciales tenteront de les appliquer, dans la mesure du possible.


5726

L'ÉCONOMIE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire d'État chargé des Institutions financières internationales.

La presse rapporte aujourd'hui que, d'après le secrétaire d'État, le gouvernement présentera en septembre un exposé économique dans lequel des réductions de dépenses seront annoncées. Comme cela fait des mois que les réformistes réclament une telle mesure, je veux m'assurer que cette déclaration reflète bien la position du gouvernement.

Doit-on déduire des propos du secrétaire d'État que le gouvernement est désormais disposé à dire clairement aux investisseurs, aux contribuables et aux créanciers qu'il annoncera effectivement en septembre des compressions budgétaires plus marquées?

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales)): Monsieur le Président, on ne m'a pas bien cité. Je n'ai ni promis ni annoncé de mini-budget.

Le député saura que j'ai simplement réitéré la promesse faite dans le budget de février dernier, à savoir qu'un exposé économique sera présenté à l'automne comme nous l'avons promis au début de la série de consultations tenues en prévision du budget de février 1995.

Si le député avait pris connaissance du budget de février 1994, cela n'aurait rien de nouveau pour lui. C'est exactement ce qui a été dit.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, des déclarations de ce genre et la déclaration antérieure ne font qu'ajouter à la confusion et à l'incertitude qui perturbent le marché.

C'est maintenant la dernière chance qu'a le gouvernement, avant le congé d'été, de cesser de tourner autour du pot en ce qui concerne la réduction des dépenses et du déficit. C'est sa dernière chance de vraiment sabrer les dépenses afin de réduire le déficit.

Y a-t-il quelqu'un du côté du gouvernement-le premier ministre, la vice-première ministre, le ministre des Finances-qui soit disposé à promettre au nom du gouvernement que des réductions marquées des dépenses seront annoncées en septembre?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, à propos de confusion, je crois avoir entendu le chef du tiers parti dire, la semaine dernière, qu'il nous faudrait une crise constitutionnelle pour remettre notre pays sur la bonne voie.

Des voix: Oh, oh!

Mme Copps: Le seul parti qui soit malheureusement dans la confusion totale, c'est le parti d'en face qui n'arrive pas à y voir plus clair.

[Français]

LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES ET ACADIENNE

M. Bernard Deshaies (Abitibi): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine canadien. Des représentants du ministère du Patrimoine ont rencontré récemment divers organismes représentant les communautés francophones et acadienne pour leur confirmer que les subventions fédérales seraient à nouveau coupées et aussi pour tenter de réajuster les relations du ministère avec eux.

Or, l'orientation proposée par le ministère est jugée inacceptable et je cite pour cela la porte-parole de la Coalition franco-ontarienne, en parlant du document de discussion du gouvernement: «Nous nous sommes rendu compte qu'il n'y est pas question de ce que nous voulons discuter. Nous voulons une politique globale qui respecte les principes de la Charte».

Le ministre du Patrimoine canadien, qui se prétend le défenseur des francophones de l'Atlantique au Pacifique, confirme-t-il que son document d'orientation a été rejeté par la Coalition franco-ontarienne?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, il faut savoir ce dont on parle. Dire maintenant qu'il y a des réductions budgétaires, ce n'est pas la plus grande découverte du monde, c'est vrai. C'est vrai, il y a des réductions budgétaires, il suffit tout simplement de lire le dernier Budget de mon collègue des Finances.

Ce que nous faisons en dialogue avec les communautés francophones, c'est voir comment nous pouvons décentraliser le système d'administration pour leur donner plus d'autorité et la possibilité de mieux identifier leurs besoins de façon à servir les communautés qu'elles représentent.

M. Bernard Deshaies (Abitibi): Monsieur le Président, justement, je cite à nouveau le porte-parole de la Coalition des Franco-Ontariens: «On est en train de couper dans l'os».

(1440)

Comment le ministre peut-il réduire substantiellement les subventions aux organismes qui sont en première ligne pour défendre les intérêts des francophones avant même qu'il n'ait arrêté la politique globale du développement des communautés francophones et acadienne, qui est sur la table à dessin de son ministère?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Je ne crois pas que nous ayons besoin de réexaminer fondamentalement les politiques de ce gouvernement en matière de langues officielles. Elles existent, elles sont défendues, elles ont été expliquées et donc, je crois que nous allons les poursuivre. Ce que nous allons essayer de faire, et ce qui est sur la planche à dessin, c'est comment nous pouvons améliorer et ajouter à ces politiques.


5727

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président. . .

Des voix: Bravo!

M. Harper (Calgary-Ouest): Je ne sais pas ce que j'ai fait.

Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Le gouvernement a reconnu hier que des taux d'intérêt plus élevés que prévu ont un effet sur ses projections budgétaires, mais que cela se trouverait neutralisé par des recettes plus fortes que prévu.

Nous savons que les taux d'intérêt plus élevés que prévu ont déjà une incidence sur l'économie et sur les dépenses des consommateurs. Le ministre des Finances reconnaît-il que, si les taux d'intérêt restaient élevés, cela pourrait ralentir la croissance économique et compromettre ses projections de recettes?

Va-t-il produire de nouvelles projections sur tous ces aspects en septembre?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, ce que je ferai en septembre, c'est exactement ce que le secrétaire d'État a dit plus tôt.

Voici ce que j'ai dit dans mon exposé budgétaire: « Le gouvernement publiera un exposé qui indiquera de manière complète et claire les changements de perspectives économiques et financières intervenus depuis le dernier budget, ce qui constituera une importante innovation. Des scénarios économiques pour l'évolution future seront présentés. Les objectifs économiques et financiers du gouvernement, ainsi que des propositions générales sur la manière de les atteindre dans le prochain budget, seront publiés. »

C'était là un engagement que nous avons pris dans le budget, et j'ai l'intention de le respecter. Je tiens à féliciter le nouveau député qui vient de poser une de ses premières questions à la Chambre.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, je me demande où était le ministre.

[Français]

Hier, le gouvernement a complètement changé sa stratégie. Avant, il blâmait le gouvernement conservateur qui n'existe plus et maintenant il blâme un gouvernement péquiste qui n'existe pas encore.

Monsieur le Président, tout le monde sait bien que le vrai problème est la gestion fédérale et la dette fédérale de plus de 500 milliards de dollars, ce n'est pas un des bénéfices du fédéralisme.

J'adresse ma question supplémentaire au ministre des Finances. En septembre, quels efforts particuliers fera-t-il afin de convaincre les Québécois et les autres Canadiens que son gouvernement ne les mènera pas à la faillite?

[Traduction]

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, on peut certainement juger quelqu'un d'après ses amis.

[Français]

Ce que nous avons l'intention de faire, c'est exactement ce que le premier ministre a dit à maintes reprises. D'ailleurs, ce que les Canadiens et les Canadiennes sont très confiants que nous allons faire, c'est donner un bon gouvernement. Nous allons le faire. Nous sommes en train de le faire et ce sera évident lorsque nous ferons notre énoncé au mois de septembre. C'est aussi clair que, quoique nous soyons un pays trop endetté, c'est vraiment à cause des déclarations irresponsables certainement de la part de certains qui nous ont moussés avec les taux d'intérêt. . .

[Traduction]

Ce n'est pas uniquement de la part de Jacques Parizeau que nous entendons des déclarations irresponsables. En tant que Canadien, je désapprouve les propos du chef du Parti réformiste, qui souhaitait la semaine dernière une mini-crise comme moyen de résoudre nos problèmes au Canada.

* * *

[Français]

LE COMMERCE INTERNATIONAL

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, force est de constater que depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux, les intérêts économiques du Canada se font bousculer comme jamais auparavant par notre plus grand partenaire commercial, les États-Unis. Ce sont les Québécois et les Canadiens qui font les frais de cette attitude américaine inacceptable et peu respectueuse des principes du libre-échange.

(1445)

Ma question s'adresse au ministre du Commerce international. Le ministre peut-il nous expliquer pourquoi son gouvernement est incapable, après des mois de négociations infructueuses avec les autorités américaines, d'en arriver à des ententes qui satisfassent les intérêts économiques et commerciaux des producteurs québécois et canadiens?

[Traduction]

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, la raison en est très simple. Les exigences des États-Unis ne sont pas raisonnables.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, nous avons entendu ce genre de réponse creuse tout au long de la session.

Je désire quand même poser une question complémentaire au ministre du Commerce international. Vu l'incapacité du gouvernement de mettre un terme au harcèlement et aux menaces que font subir les Américains à nos producteurs de lait, de volaille et d'oeufs, de bois d'oeuvre, d'uranium, de blé et j'en passe, comment le ministre peut-il expliquer son peu de succès jusqu'à présent?


5728

[Traduction]

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, le gouvernement s'est employé vigoureusement à ce que les négociations de l'Uruguay Round, dans le cadre du GATT, soient menées à bien, ce qui contribuera dans une large mesure à résoudre certains problèmes concernant les modes de règlement des différends que les États-Unis ont décidé d'invoquer de façon tout à fait déraisonnable et injustifiée.

Évidemment, lors de l'adoption de l'ALENA, notre gouvernement a aussi exigé que le Canada, les États-Unis et le Mexique discutent entre eux de diverses pratiques, surtout des mesures antidumping auxquelles les États-Unis recourent plus qu'à toutes autres pour exercer un harcèlement constant à l'égard des exportations canadiennes destinées aux États-Unis, cela, en vue de trouver une solution à ce genre de problème.

* * *

L'INDUSTRIE DES PÂTES ET PAPIERS

M. Guy H. Arseneault (Restigouche-Chaleur): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

D'après un rapport récent, les usines de pâtes et papiers prévoient faire de 15 000 à 20 000 mises à pied avant l'an 2000. Étant donné que cette industrie est l'une des plus anciennes et des plus importantes du secteur manufacturier au Canada, en raison tant de sa contribution à l'économie nationale que du nombre d'emplois qu'elle procure, quelles mesures le gouvernement prend-il pour empêcher ces mises à pied massives qui auraient un effet dévastateur sur ma province, le Nouveau-Brunswick, et sur l'ensemble du Canada?

L'hon. Ethel Blondin-Andrew (secrétaire d'État (Formation et Jeunesse)): Monsieur le Président, à l'instar de mon collègue, je reconnais l'importance capitale de cette industrie qui emploie actuellement plus de 72 000 Canadiens et qui soutient l'économie d'innombrables collectivités rurales d'un océan à l'autre.

Le ministre du Développement des ressources humaines, ses collègues du Cabinet et moi-même examinons actuellement ce rapport qui a été commandé par le ministère. Les recommandations clés du rapport au sujet de la formation accrue sont certainement très compatibles avec la ferme détermination du ministre de mettre notre main-d'oeuvre au travail.

Je tiens à assurer à la Chambre que notre gouvernement travaillera en étroite collaboration avec tous ses partenaires pour trouver des solutions novatrices qui aideront et revitaliseront cette industrie ainsi que les collectivités touchées.

* * *

L'AGENT TODD BAYLIS

Mme Deborah Grey (Beaver River): Monsieur le Président, l'agent Todd Baylis sera enterré aujourd'hui.

Lundi, le ministre du Développement des ressources humaines a dit que l'homme qui a été accusé du meurtre de cet agent n'avait pas été expulsé parce que le gouvernement canadien avait eu de la difficulté à obtenir des documents de voyage pour lui. Nous avons appris depuis que les documents de voyage de Clinton Gayle étaient en règle, mais que le ministère de l'Immigration avait perdu son dossier. Le consul-général de la Jamaïque a affirmé que son bureau n'avait aucun dossier prouvant que les autorités canadiennes avaient demandé de tels documents.

Le ministre a promis de faire une enquête immédiatement après cette tragédie. La session est sur le point de prendre fin. Nous voulons une réponse aujourd'hui. Le ministre de l'Immigration peut-il nous dire aujourd'hui quels sont les résultats de son enquête?

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, nous voudrions encore une fois offrir nos plus sincères condoléances à la famille du policier qui a été tué dans l'exercice de ses fonctions.

Le ministre était à Toronto lundi et il a partagé la peine ressentie par la collectivité dans ces terribles circonstances. Il m'a demandé d'assurer à la Chambre que des hauts fonctionnaires sont en train de recueillir tous les faits, mais qu'il ne convient pas d'en dire plus pour le moment.

Mme Deborah Grey (Beaver River): Monsieur le Président, on a dit qu'il s'agissait là d'un cas rare. Cela n'est pas de nature à réconforter la famille en cause. L'an dernier on a procédé à moins de 9 000 des 25 000 explusions qui avaient été ordonnées. De ce nombre, plus de 3 000 ont trait à des immigrants criminels qui ne peuvent être trouvés. C'est à se demander combien il y a de Clinton Gayle en liberté.

(1450)

Hier, les fonctionnaires de l'Immigration à Toronto ont refusé de rassembler les personnes à expulser sans l'aide de la police. Un fonctionnaire de l'Immigration a dit qu'ils n'avaient pas assez de personnel, qu'ils n'avaient ni la formation ni l'équipement voulus. Il est évident qu'il y a des trous béants dans le système.

Le ministre va-t-il amorcer une enquête exhaustive sur le système d'explusion tout entier et rendre public son rapport avant la rentrée, en septembre, pour prévenir d'autres tragédies?

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, à maintes reprises, le ministre de l'Immigration a dit à la Chambre et à l'extérieur de celle-ci qu'il ne tolérait absolument pas ceux qui abusaient du système.

Des modifications ont été apportées à la Loi sur l'immigration la semaine dernière pour traiter des questions de la criminalité. Parfois, les données citées par la députée pourraient être considérées comme un peu faussées, d'autres fois pas; le problème, c'est qu'il faut tenir compte de considérations liées à la protection de la vie privée.

Le ministre a assuré à la Chambre, et je réitère cette assurance en son nom, qu'une enquête était en cours et qu'il prendra toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des Canadiens.


5729

[Français]

LE TRANSPORT AÉRIEN

M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.

Depuis des mois, le ministre des Transports, à toutes les questions posées sur la circulation aérienne, limite ses réponses à la notion de sécurité. Cette semaine, il a ajouté le bilinguisme aux préoccupations de son ministère dans la gestion de la navigation aérienne au Canada. Or, le bilinguisme du ministre ne semble même pas s'appliquer à tout le territoire québécois.

Le ministre reconnaît-il, une fois pour toutes, que la portion du territoire québécois non desservie par un service en français pourrait l'être à partir de l'unité de contrôle terminal de Québec, que le ministre s'entête à vouloir fermer le mois prochain?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, s'il y a quelqu'un d'entêté à la Chambre aujourd'hui, ce n'est certainement pas le ministre des Transports. Ce qu'on essaie de faire, c'est d'expliquer à nos amis du Bloc québécois que nous nous sommes engagés à assurer la sécurité du système de navigation aérienne, au Québec et au Canada.

Dans la mesure du possible, avec la technologie qui est disponible, nous essayons par tous les moyens d'assurer ce service. L'honorable député sait très bien, s'il a bien pris ses renseignements, que la seule situation qui existe où il n'y a pas une communication en langue française au-dessus du sol québécois est dans la région des Îles-de-la-Madeleine et ce, pour des avions qui voyagent à 29 000 pieds d'altitude.

Nous allons poursuivre nos efforts en vue d'assurer un service dans la langue du choix du pilote, au-dessus du sol québécois. Nous allons continuer de le faire à partir de tous nos moyens, et j'espère que mon honorable collègue ne veut pas laisser aux gens qui voyagent au Canada l'impression qu'il y a des situations qui seraient moins que sécuritaires, parce que c'est le grand danger de continuer à soulever de telles questions.

M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Monsieur le Président, le ministre ne croit-il pas que la politique de bilinguisme de son ministère devrait exiger que le service de contrôle radar dans les deux langues officielles soit disponible partout au Canada et plus particulièrement dans les provinces où vivent d'importantes communautés francophones, comme en Ontario et au Nouveau-Brunswick?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, comme je faisais allusion à l'intérêt porté par le Bloc québécois au bilinguisme dans les questions précédentes, maintenant je le sais, car on vient de le confirmer, ce n'est pas une question de sécurité ou de protection des intérêts des gens qui voyagent à travers le pays, c'est simplement encore une question de petite politique. Occupe-toi de tes oignons, et moi, je m'occuperai des miens.

Des voix: Oh, oh!

(1455)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Chers collègues, je vous demanderais encore, pour les quelques minutes qui nous restent, de toujours vous adresser à la Présidence. Le député de Calgary-Centre a la parole.

* * *

[Traduction]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, ils s'adoraient hier soir et voici que l'idylle est déjà terminée. C'est curieux. Que s'est-il passé?

Ma question s'adresse au ministre des Finances. L'élimination de la TPS était une pièce maîtresse de la stratégie électorale des libéraux. Les Canadiens ont écouté le point de vue des libéraux, ils ont pris connaissance de leur plan, mais que sont devenues ces belles promesses?

Au moment où le Parlement s'apprête à ajourner pour l'été, le ministre des Finances peut-il expliquer à tous les contribuables, sans parler du livre rouge ni s'en prendre aux séparatistes, comment son parti a pu promettre d'éliminer une taxe pour ensuite, sans sourciller, maintenir cette taxe en lui donnant un autre nom?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, nous nous sommes engagés à instaurer une taxe plus simple sur le plan administratif, plus juste pour les Canadiens et beaucoup plus facile pour les PME. C'est exactement ce que nous faisons.

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, la lune de miel est terminée pour le gouvernement. Il est temps d'exiger des comptes. Lorsqu'il siégeait dans l'opposition, le ministre des Finances a dit qu'il abolirait la TPS. Aujourd'hui, il se porte à la défense de cette taxe, qu'il qualifie de taxe de remplacement.

Le ministre des Finances va-t-il renoncer à son habituel double langage, comme celui que nous venons d'entendre et qui est carrément insultant pour le contribuable canadien, et admettre que lui-même, le premier ministre, la vice-première ministre et le ministre du Commerce international vont devoir renier leur promesse d'abolir la taxe de type TPS?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, si on cherche des exemples de double langage, il n'y a qu'à voir le rapport minoritaire du Parti réformiste sur la TPS.

Les réformistes disent qu'ils n'ont pas à proposer de solution de rechange parce qu'ils vont éliminer le déficit en trois ans. À maintes reprises, ils ont refusé dans les débats prébudgétaires de présenter leurs plans, malgré nos exhortations. Le temps est venu de mettre cartes sur table.

5730

LES PROGRAMMES DE RÉADAPTATION

Mme Jane Stewart (Brant): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général.

Le ministre de la Justice a récemment déposé un projet de loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants et le régime de détermination de la peine, lequel laisse clairement entendre que le gouvernement est prêt à appuyer un recours accru aux stratégies communautaires de prévention de la criminalité et de réadaptation.

Je m'inquiète, cependant, de décisions antérieures visant à modifier la participation financière du gouvernement fédéral à nos partenaires locaux, comme la société Saint-Léonard, ce qui risque de compromettre leur capacité d'atteindre cet objectif.

Le solliciteur général pourrait-il revoir ces stratégies de financement et donner à la Chambre l'assurance que nos partenaires locaux auront les moyens de maintenir et d'améliorer leurs programmes communautaires de réadaptation des criminels assujettis ou non à la détention?

(1500)

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, à l'instar de ma collègue, je crois que des organisations, comme la société Saint-Léonard, qui oeuvrent dans les localités de Brantford et de Windsor et dans de nombreux autres endroits, font du très bon travail.

Je tiens à donner à la députée l'assurance que le Service correctionnel du Canada va collaborer avec des organismes bénévoles de toutes les régions, au cours des prochains mois, afin d'examiner et d'améliorer les structures de financement et les normes de prestation de services. Je serais heureux d'accepter les suggestions de la députée qui nous permettraient d'effectuer cette étude en tenant compte des intérêts de ces organisations et des communautés qu'elles desservent.

* * *

[Français]

LES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES

M. Jean Landry (Lotbinière): Monsieur le Président, le Parti libéral du Canada s'est associé au précédent gouvernement lors de la défunte entente de Charlottetown. Le gouvernement libéral, quant à lui, n'a toujours pas dit s'il comptait rembourser le Québec pour les 26 millions de dollars que les contribuables ont payé en double pour ce référendum. Voilà sans doute le nouveau type d'harmonisation que ce gouvernement pratique sur le dos des provinces.

Le ministre des Affaires intergouvernementales ne reconnaît-il pas qu'avant de se lancer dans un nouvel et hypothétique scénario référendaire pour mettre encore le Québec à sa place, le gouvernement fédéral devrait avant toute chose payer ses dettes?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, il me fait plaisir de réaffirmer que le gouvernement fédéral prend ses responsabilités en essayant de réconcilier ses vues avec celles des provinces chaque fois que c'est nécessaire.

Le problème de la dette canadienne est un problème qu'il nous faut régler de concert avec les provinces et nous allons continuer de nous efforcer de régler ce problème avec le genre de coopération que nous avons eue dans le passé.

* * *

[Traduction]

LE PRIX DE L'ESSENCE

M. John Solomon (Regina-Lumsden): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre.

Les habitants de la Saskatchewan ont récemment connu une hausse spectaculaire et inexpliquée du prix de l'essence. Les prix de l'essence ont grimpé sans qu'il n'y ait d'augmentation des taxes, sans qu'il n'y ait d'augmentation de l'inflation, sans qu'on n'enregistre des augmentations du prix du brut et malgré le fait que les grandes sociétés pétrolières aient annoncé de substantielles augmentations de leurs bénéfices.

Étant donné la situation, votre gouvernement a-t-il transmis ma demande d'enquête concernant l'établissement des prix de l'essence. . .

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Le député voudrait-il poser sa question à la présidence?

M. Solomon: Monsieur le Président, la question que je pose, par votre intermédiaire, à la vice-première ministre est la suivante: le gouvernement du Canada a-t-il transmis au Bureau de la politique de concurrence ma demande d'enquête concernant la détermination des prix de l'essence? Si c'est le cas, quand informera-t-il les Canadiens à ce sujet et allez-vous créer, ou songer à créer, une commission d'examen des prix de l'énergie pour qu'elle se penche sur tous les cas d'augmentation du prix de l'essence dans toutes les régions du Canada, afin de protéger les consommateurs canadiens. . .

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je donne maintenant la parole à la ministre des Ressources naturelles.

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles): Monsieur le Président, en réponse à la première question du député, je dois dire que je n'ai pas transmis sa requête au Bureau de la politique de concurrence. C'est une question dont je vais saisir mon collègue, le ministre responsable de l'Industrie.

Quant à la deuxième question du député, la réponse est simplement non.

_____________________________________________


5730

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement,


5731

j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 19 pétitions.

* * *

(1505)

CONSEIL CONSULTATIF CANADIEN SUR LA SITUATION DE LA FEMME

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, au nom de la secrétaire d'État à la Situation de la femme, je suis heureuse de déposer deux exemplaires bilingues du rapport de 1992-1993 du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme.

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

JUSTICE ET QUESTIONS JURIDIQUES

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le troisième rapport du Comité permanent de la justice et des questions juridiques.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, votre comité a convenu de recommander ce qui suit: en ce qui a trait aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui régissent l'utilisation de ces renseignements, la divulgation constante aux députés des noms et adresses des nouveaux citoyens canadiens à la seule fin de leur faire parvenir une unique lettre de félicitations, à laquelle pourraient être joints des renseignements au sujet de la circonscription, est à la fois dans l'intérêt public et avantageuse pour ces nouveaux citoyens, comme le prévoit l'alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration devrait reconnaître ce fait.

M. Althouse: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement et demande à présenter un projet de loi d'initiative parlementaire.

Le président suppléant (M. Kilger): Pour répondre au député de Mackenzie, ses motions sont inscrites au Feuilleton des avis. Pour ce faire, il faudrait obtenir le consentement unanime. Le député de Mackenzie demande-t-il ce consentement?

M. Althouse: Oui, votre Honneur. Selon les rumeurs, nous ne serons peut-être pas ici demain. Compte tenu des délais de présentation, il ne pourrait normalement être déposé que demain.

Le président suppléant (M. Kilger): Les députés ont entendu la demande. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

* * *

LOI CANADIENNE SUR LA COMMERCIALISATION DES POMMES DE TERRE

M. Vic Althouse (Mackenzie) demande à présenter le projet de loi C-266, Loi concernant la commercialisation méthodique des pommes de terre. -Monsieur le Président, ce projet de loi aura pour effet de créer un organisme qui servira de comptoir unique de commercialisation des pommes de terre produites au Canada. Il propose la création d'une commission de commercialisation afin de permettre aux producteurs de passer par un comptoir unique pour l'établissement des prix, la commercialisation et le classement des pommes de terre.

(1510)

Cette idée, qui fait son chemin depuis plus de vingt ans, a presque abouti à plusieurs reprises, mais s'est toujours heurtée à l'opposition des milieux de la pomme de terre. La création d'une commission de commercialisation permettrait, à mon avis, d'éviter cela et de mettre à la disposition des producteurs un comptoir de commercialisation unique.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

POLITIQUE CANADIENNE DE DÉFENSE

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Monsieur le Président, je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour adopter la motion qui suit. Je propose:

Que, nonobstant son ordre de renvoi du mercredi 23 février 1994, le Comité mixte spécial sur la politique de défense du Canada, soit habilité à présenter son rapport final au plus tard le lundi 31 octobre 1994, soit à la même date que le Comité mixte spécial sur la politique étrangère du Canada doit présenter son rapport final; et qu'un message soit transmis au Sénat pour en informer Leurs Honneurs.
Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre consent-elle à l'unanimité à ce que le secrétaire parlementaire présente la motion?

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. Kilger): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion.

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, vous constaterez qu'il y a unanimité pour adopter, sans débat, la motion portant approbation du 28e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui est inscrit à mon nom au Feuilleton.

Le rapport traite de l'attribution des locaux aux divers comités et entrerait en vigueur aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il serait en vigueur à l'automne quand les comités reprendront leurs travaux.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre consent-elle à l'unanimité à ce que le secrétaire parlementaire présente la motion?

Des voix: Non.


5732

FINANCES

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, je propose que le neuvième rapport du Comité permanent des finances, présenté à la Chambre le lundi 20 juin 1994, soit agréé.

M. Walker: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. La présidence pourrait-elle préciser le but de cette motion?

Le président suppléant (M. Kilger): Il s'agit du neuvième rapport du Comité permanent des finances, déposé à la Chambre le 20 juin 1994. On demande qu'il soit agréé.

M. Silye: Monsieur le Président, je voudrais parler de deux points concernant le neuvième rapport du Comité permanent des finances qui porte sur le remplacement de la TPS et les options pour le Canada. Je voudrais également présenter les réformes fiscales qui font partie du programme du Parti réformiste.

Les deux points dont je voudrais parler sont, premièrement, les promesses faites dans le livre rouge et, deuxièmement, les promesses que les libéraux ont faites au cours de la campagne électorale. Il y a une nette différence entre les deux, même si le gouvernement tente actuellement de faire croire aux Canadiens que ce sont les mêmes.

Premièrement, dans le livre rouge, que tous peuvent lire, les libéraux ont promis de remplacer la TPS par une taxe plus simple et plus juste pour les petites entreprises, une taxe qui soit harmonisée avec les provinces.

(1515)

Le gouvernement a l'intention de l'appeler la nouvelle taxe nationale sur la valeur ajoutée, mais ce n'est rien de plus qu'un voeu pieux. Il n'a rien de concret à proposer. Il n'a que des options à soumettre aux provinces et aux Canadiens. Il se dérobe à ses responsabilités en laissant aux provinces le soin de décider du contenu de cette proposition. Il essaie de tirer son épingle du jeu. Si les provinces n'embarquent pas, ce seront elles qui seront blâmées et le gouvernement fédéral dira qu'il a fait ce qu'il devait faire en se fondant sur le rapport présenté par un comité.

Deux de mes collègues parleront également de cette question. Je leur laisse le soin de vous exposer les préoccupations que nous avons au sujet de cette nouvelle taxe sur la valeur ajoutée qui, avant longtemps, probablement avant Noël, s'appellera la taxe vraiment abominable et que les Canadiens supplieront le gouvernement de ne pas adopter.

Mes deux collègues parleront également des lacunes fondamentales que les taxes sur la valeur ajoutée ne peuvent régler.

Je voudrais passer au deuxième aspect de. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Mississauga-Sud a la parole pour un rappel au Règlement.

M. Szabo: Monsieur le Président, j'avais compris que la motion portait sur l'adoption d'un rapport déjà déposé à la Chambre. Il me semble plutôt que nous débattons de discussions qui ont eu lieu au comité et non des recommandations ni des. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Je ne crois pas qu'il y ait lieu d'invoquer le Règlement. Malgré tout le respect que je lui dois, le député veut engager le débat.

M. Silye: Monsieur le Président, grâce à cette interruption, le deuxième point que je voulais soulever concerne ce rapport qui a été déposé.

On essaie, au moyen de ce rapport, de remplir une promesse électorale. Il est très opportun de parler maintenant des promesses électorales du Parti libéral, de la différence entre le comportement de ce parti alors qu'il était dans l'opposition et son comportement actuel, et de ce que ce parti a dit aux Canadiens pour être élu, particulièrement en Ontario où il a volé tous les sièges sauf un.

Des voix: Oh, oh!

M. Silye: Je ne voulais pas dire voler; je retire ce commentaire. Je voulais plutôt dire en Ontario où il a remporté tous les sièges sauf un, où il a été élu démocratiquement.

L'actuel ministre des Finances a dit en août 1990 qu'il abolirait la taxe; le ministre du Commerce international avait déclaré en 1989 qu'il imposerait une taxe sur les médicaments de prescription et les aliments. Le premier ministre lui-même a affirmé durant la campagne électorale qu'il abolirait la taxe. Aussi récemment qu'en février de cette année et le 4 mai 1994, en réponse à une de mes questions, le premier ministre a déclaré qu'il détestait cette TPS et qu'il l'abolirait.

Ils font des commentaires comme ceux-là, mais ils proposent maintenant une taxe de remplacement qui, à toute fin pratique, est identique à la TPS actuelle. C'est une reproduction, un clone de la TPS qui porte un nouveau nom et ils voudraient que le public canadien admette qu'ils ont rempli une promesse électorale, qu'ils n'ont pas simplement remplacé la taxe, mais qu'ils ont vraiment aboli cette abominable TPS.

Si le gouvernement va de l'avant avec cette proposition, nous aurons une taxe vraiment abominable, identique à la TPS. Le public canadien se sentira trahi.

Je présente ici au gouvernement, et au public canadien qui nous écoute, une situation fort intéressante. La vice-première ministre a dit qu'elle démissionnerait si le Parti libéral n'abolissait pas la TPS. Elle a fait cette déclaration dans une émission d'affaires publiques de Radio-Canada. Il s'agit d'un engagement ferme et je sais qu'elle tient toujours parole. Cependant, comment déterminer si cette nouvelle taxe à la valeur ajoutée abolit la TPS? Si le public canadien constatait qu'elle n'abolit pas la TPS, je me verrais contraint de demander à la vice-première ministre qu'elle tienne sa promesse et qu'elle démissionne.

(1520)

Non seulement elle, mais le premier ministre, le ministre des Finances et le ministre du Commerce international devraient admettre qu'ils ont fait une promesse électorale qu'ils ne peu-


5733

vent pas tenir. Plutôt que d'être francs avec la Chambre et de dire aux Canadiens: «Nous ne pouvons tenir notre promesse», ils continuent a tenir un double langage dans l'espoir que la population canadienne ne les tiendra pas responsables.

Cela ne marchera pas, monsieur le Président. La lune de miel est terminée et au cours de l'été et de l'automne, le gouvernement commencera a être tenu responsable. Je me demande bien comment les députés de la majorité vont voter sur cette motion d'approbation qui ferait presque de ce rapport la politique gouvernementale.

Comme nous le savons, le ministre des Finances et le premier ministre essaient, dans les médias, de se distancer de ce rapport préparé par le comité. Ils n'acceptent pas d'emblée les recommandations du comité, parce qu'ils savent bien que, politiquement, c'est une patate chaude.

Pour moi, c'est une honte que de voir le leader de ce pays faire des promesses qu'il ne peut pas tenir. C'est un leader populiste et la chose populaire à faire lorsqu'on s'est trompé, c'est de l'admettre plutôt que de continuer à tenir un double langage en espérant que la population n'y verra que du feu.

Je suis un peu offusqué des réponses du ministre des Finances à mes questions d'aujourd'hui, où il dit que c'est nous qui tenons un double langage dans notre rapport minoritaire sur le remplacement de la TPS qui a été déposé en même temps que le neuvième rapport du Comité permanent des finances.

Je présenterai ensuite certains des éléments de ce rapport minoritaire pour les mettre en évidence, et je laisserai aux Canadiens le soin de décider s'il s'agit de double langage.

Le Parti réformiste ne peut approuver intégralement le rapport majoritaire du Comité des finances sur le remplacement de la TPS. Le remplacement proposé répond en partie aux préoccupations présentées au comité, mais nombre d'entre elles ne pourront être dissipées qu'après d'autres négociations avec les provinces. Si les provinces n'acceptent pas l'intégration, si elles n'acceptent pas d'harmoniser leurs taxes avec la nôtre, cette proposition aura été une perte de temps, et tous les témoins qui auront présenté des propositions sages et constructives au comité auront perdu leur temps.

La recommandation du rapport majoritaire ne fait que modifier la TPS actuelle et ne respecte pas la promesse libérale d'abolir cette taxe. Nous sommes d'avis qu'une bonne partie des problèmes soulevés durant les audiences ne peuvent être réglés par la taxe sur la valeur ajoutée.

Le Parti réformiste recommande que l'objectif premier du gouvernement soit la réduction des dépenses. En outre, tout le système actuel d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée devrait être remplacé par un système d'imposition proportionnel simple et visible, semblable au principe de la taxe unique que l'un des ministériels plus futés a proposée, qui respecte tous les principes d'équité au plus bas taux possible. Entre-temps, le parti appuiera les réformes du régime actuel, si elles vont en ce sens.

La stratégie du Parti réformiste pour la réforme fiscale se présente ainsi: nous sommes convaincus qu'une réforme fiscale doit comporter un certain nombre d'éléments. En premier lieu, elle doit se fonder sur un examen des dépenses visant à équilibrer le budget dans un délai aussi court que possible, avec le moins de conséquences possibles pour l'économie. Nous croyons que cela peut se faire en trois ans. Nous avons été élus sur ces idées, nous avons recommandé cette façon de faire, mais le ministre des Finances a dit que c'était trop radical. Selon lui, comprimer les dépenses de 6 p. 100, c'est trop radical. Cela fait trois ou quatre semaines que je lis dans la presse qu'il a l'intention de réduire le budget de 12 p. 100 l'an prochain.

Deuxièmement, nous croyons en un régime fiscal simple et visible basé sur l'équité, la simplicité et les taux les plus bas possibles. Le Parti réformiste s'oppose à ce que la taxe soit incluse dans le prix, ce qui revient à la cacher, comme c'est le cas de la taxe sur l'essence. Personne ne sait de combien elle est, mais nous savons que le gouvernement vient de l'augmenter et bientôt les Canadiens auront encore perdu de vue le montant des impôts qu'ils paient. C'est la façon des libéraux de se donner toute latitude pour augmenter les taxes à l'avenir et c'est la raison pour laquelle les Britanniques l'appellent la «taxe vraiment abominable», car c'est ce qui s'est passé dans leur pays.

Cacher les taxes va à l'encontre du principe de la fiscalité directe essentiel au bon fonctionnement de la démocratie ouverte. Indiquer le montant de la taxe sur les reçus de caisse maintient une certaine transparence dans le régime fiscal, mais comme le prouve l'expérience européenne, les consommateurs finissent par ne plus trop s'apercevoir qu'elle existe.

(1525)

Troisièmement, le Parti réformiste croit que la réforme fiscale doit être synonyme d'allégement du fardeau fiscal. Nous croyons que le montant des impôts préoccupe autant sinon plus les Canadiens que la façon dont ils sont perçus. Par conséquent, si nous demandons aux Canadiens de faire des sacrifices, il faut les récompenser pour leurs efforts. Et quelle plus belle récompense que l'élimination de la TPS une fois le budget équilibré?

Nous sommes d'accord avec ceux qui disent qu'en introduisant la TPS, le gouvernement a favorisé l'épanouissement de l'économie souterraine, suscité un manque de confiance généralisé à l'égard des politiciens et fait naître la conviction que les gouvernements ont perdu le contrôle de leurs finances. Le gouvernement actuel croit pouvoir éliminer cette réticence en modifiant le mécanisme. Il est d'avis qu'en faisant disparaître la TPS ou en la rebaptisant, il viendra à bout de l'antagonisme que soulève une nouvelle taxe à valeur ajoutée.

À mon avis, si le gouvernement envisage la tournure des événements de cette façon, il se prépare de bien mauvaises surprises et il se demandera s'il avait vraiment besoin de cela.

Les Canadiens en auront assez des changements apportés au régime fiscal si, au bout du compte, ils doivent consacrer de 30 à 60 p. 100 de leur revenu pour maintenir en place un gouvernement qui est incapable de contrôler ses propres dépenses. Non seulement il ne les contrôle pas, mais il ne veut même pas discuter de propositions visant à réduire ses dépenses. Les ministériels nous invitent à leurs bureaux, nous leur proposons des


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coupes de 9 à 12 milliards de dollars et ils nous disent: «Ces coupes sont impossibles, puisqu'elles vont à l'encontre de notre philosophie.» Or, chaque fois que nous remettons en question leur philosophie, ils changent de sujet.

C'est uniquement lorsque les Canadiens verront réellement une réforme des dépenses et une réduction du déficit, c'est uniquement lorsque les Canadiens en auront pour leurs dollars d'impôts qu'ils accepteront de porter le fardeau fiscal nécessaire pour payer les services qu'ils reçoivent.

Le plan de réforme fiscale du Parti réformiste rejette la structure fiscale actuelle car elle ne nous permettra jamais d'entrer du bon pied dans le XXIe siècle. Selon notre plan, il faut modifier non seulement le mécanisme, mais aussi le niveau d'imposition. Notre plan reconnaît que la réduction du déficit doit être une partie intégrante de la réforme fiscale.

Le plan de réforme fiscale de notre parti comprend un plan exhaustif en vue de réformer les dépenses ainsi qu'un plan pour éliminer le déficit en trois ans. En même temps, comme je l'ai mentionné précédemment, le Parti réformiste s'efforcerait de mettre en oeuvre un impôt proportionnel visible et simple. Troisièmement, une fois clairement établi que la stratégie de réduction du déficit mène à un budget équilibré, le Parti réformiste éliminerait progressivement la taxe sur la valeur ajoutée nationale, la TPS, la deuxième génération de TPS, ou peu importe comment vous appelez le résultat de la volte-face des libéraux, la TPS, la TVA, la TVAN, et mettrait en oeuvre, pour les particuliers et les sociétés, une taxe fondée sur les principes de l'impôt proportionnel.

Le Parti réformiste admet que la réforme fiscale est un processus difficile. Nous craignions un peu que le temps limité imparti au comité ne lui permette pas de se livrer à un examen adéquat du genre de réforme générale qui s'impose pour remédier à toutes les préoccupations suscitées par la TPS. Notre appréhension se révèle fondée en ce sens que le rapport ne règle pas bon nombre des problèmes posés par la TPS, comme vous le diront mes collègues un peu plus tard, et que ces problèmes sont reportés aux futures négociations ou tout simplement ignorés.

Pour le Parti réformiste, la TPS, devenue la taxe sur la valeur ajoutée nationale ou l'équivalent, est une taxe temporaire qui est du domaine provincial. Dans la mesure où elle sera temporaire, le Parti réformiste appuie les changements destinés à en simplifier le fonctionnement et à éliminer bon nombre des problèmes qu'elle pose en attendant de pouvoir adopter des réformes fiscales beaucoup plus étendues pour alléger le fardeau et simplifier le régime. Cette réforme englobera l'élimination de la taxe fédérale sur la valeur ajoutée.

Dans les quelques minutes qui me restent, je voudrais faire valoir le point suivant. J'en suis à mes débuts en politique. J'ai voulu siéger à la Chambre des communes pour être responsable sur le plan financier. Je veux que le gouvernement vive selon ses moyens. Il y a deux mois et demi, j'ai été nommé membre du Comité des finances. La première tâche qu'on m'a confiée a été de collaborer à l'étude d'une solution de rechange à la TPS au nom du gouvernement.

Tous les membres du comité, sans exception, ont travaillé avec acharnement et de façon constructive. Ils ont écouté tous les témoins et essayé le plus longtemps possible, dans l'intérêt des Canadiens et des provinces, de collaborer à la rédaction d'un rapport unanime. En tant que membre du comité, je peux vous assurer, monsieur le Président, que nous avons tous essayé d'atteindre cet objectif.

J'ai consulté le rapport précédent qui a été déposé à l'époque où les conservateurs ont proposé la TPS et où de nombreux députés d'en face siégeaient au Comité des finances, notamment le ministre de l'Industrie, le whip du Parti libéral et d'autres députés.

(1530)

À l'époque, les gens d'en face recommandaient de n'introduire ni TPS, ni taxe à la consommation. C'est l'opinion qu'ont exprimé au comité de nombreux députés de ce parti, il y a deux ans et demi. Certains libéraux se sont présentés devant notre comité. Pas de TPS. Il faut abolir la TPS, la remplacer par un meilleur régime de taxation ou l'abolir sans prévoir de remplacement, ou encore l'abolir tout en réduisant les dépenses. Pourtant, leur parti n'a pas tenu compte de ces recommandations. En deux ans et demi, ils n'ont rien fait pour atteindre leur objectif et créer un régime de taxation simplifié, plus équitable et plus efficace.

En tant que nouveau député, je suis très déçu. Vous avez la chance de vous lever et de répéter ce que vous avez dit deux ans et demi plus tôt et vous ne le faites pas. Le pouvoir corromprait-il tant les gens?

Le président suppléant (M. Kilger): Puisqu'il y a eu de nombreuses demandes des deux côtés de la Chambre au sujet des pétitions, je voudrais, avant de passer aux questions et observations, rappeler aux députés qu'ils peuvent décider de déposer leurs pétitions auprès du greffier et que, bien sûr, elles ne paraîtront pas dans le hansard, mais dans les Procès-verbaux.

Je laisse à chaque député le soin de décider ce qu'il fera.

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Monsieur le Président, je remercie le député de Calgary-Centre, qui se dit lui-même nouvelle recrue, de nous donner la possibilité de discuter du rapport sur la TPS et d'approuver l'objectif que vise la majorité libérale.

Avec ce rapport, nous voulons préparer le terrain pour apporter quelques modifications de fond au régime fiscal canadien et je tiens à féliciter publiquement mes collègues du côté ministériel, ainsi que les députés de l'opposition d'avoir fait diligence.

Puisqu'il n'y a que deux membres du Comité permanent des finances qui ont déjà siégé à un comité de la Chambre, soit le président et moi-même, je tiens à rendre un vibrant hommage à ceux qui faisaient leurs premières armes au sein du comité, car ils ont fait preuve d'une grande capacité de travail, de sagesse et de diligence, non seulement à Ottawa, mais dans tous nos déplacements d'un bout à l'autre du Canada dans le cadre de l'étude de ce projet de loi très difficile.


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Tout le monde sait que le gouvernement a hérité d'une taxe très complexe. Cette taxe représente aussi un lourd fardeau pour les Canadiens. Cette taxe a été, ces dernières années, un facteur essentiel de la révolte fiscale et de la révolte contre le gouvernement, et il y a sans doute de nombreux députés qui doivent leur présence à la Chambre aujourd'hui à cette désaffection générale du public à l'égard du gouvernement précédent.

Nous nous sommes attaqués à ce problème. C'est une des premières choses que nous avons faites lorsque la Chambre a entamé sa session. Je me rappelle avoir présenté au nom du gouvernement une motion à cet égard dès la première semaine de nos travaux au Comité des finances. Nous avions déclaré très clairement dans le discours du trône, et au comité dès le premier jour, que nous allions remplir l'engagement que nous avions pris dans le livre rouge.

Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier les membres du caucus de l'ancienne opposition libérale et les membres de l'ancien cabinet du chef de l'opposition officielle, de tout le travail qu'ils ont accompli pour préparer le livre rouge.

J'ai participé de très près à l'élaboration des politiques du Parti libéral du Canada, et il nous a fallu des années pour amener les gens à reconnaître que la meilleure façon de réussir en politique consistait à proposer aux Canadiens un mandat clair, un choix clair, quant à ce que nous entendions faire une fois au gouvernement.

Le livre rouge constitue le premier effort sérieux d'un grand parti pour présenter un document substantiel. Le fait que nous l'utilisions comme point de référence dans nos actions est tout à l'honneur du premier ministre et de son cabinet.

Notre étude faisait suite à l'engagement que le gouvernement avait pris dans le livre rouge de demander au Comité des finances de «faire rapport sur toutes les solutions de rechange à la TPS pour la remplacer par un dispositif qui produira des recettes tout aussi élevées, qui sera plus juste à l'égard des consommateurs et des petites entreprises, qui sera moins un casse-tête pour les PME et qui encouragera les pouvoirs publics fédéraux et provinciaux à coopérer et à harmoniser leurs politiques fiscales».

Fait à signaler, dès le premier jour de séance du comité, cette motion a été adoptée à l'unanimité et les députés des trois partis ont voté pour que le comité commence ses travaux.

C'est dans un grand esprit de coopération que les témoins ont été convoqués et interrogés, et je crois que les membres du comité ont vite constaté la complexité de la TPS en tant que taxe fédérale à la consommation.

(1535)

Peu le savent, mais le gouvernement fédéral a commencé à percevoir des impôts sur le revenu en 1917, à la suite des dépenses budgétaires qu'il avait engagées durant la Première Guerre mondiale. Il a instauré une taxe à la consommation, sous diverses formes, en 1923.

En conséquence, le gouvernement impose une taxe à la consommation sous une forme ou une autre depuis 70 ans. Les membres du comité ont montré beaucoup de maturité lorsqu'ils ont commencé à examiner la réforme de ces taxes, leur restructuration et l'établissement d'une nouvelle taxe complètement différente de la TPS qui, je dois le reconnaître, a été une grande source de frustration pour presque tous les Canadiens que j'ai rencontrés.

Au moment où je vous parle, de nombreux Canadiens n'ont pas pu prendre connaissance du rapport, puisqu'il a été déposé il y a à peine 48 heures et qu'il commence tout juste à être distribué. Le comité a divisé son travail en cinq parties. Il a examiné l'histoire de la taxe et les raisons pour lesquelles elle a suscité autant de mécontentement. Il a pris en considération le fait que la TPS est devenue une occasion ratée.

À titre de député de l'opposition. . .

M. Silye: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je voudrais simplement savoir si le député va poser une question ou s'il fait une observation.

Le président suppléant (M. Kilger): Voyons si je peux aider le député. J'ai appelé une période de questions et observations à la fin de l'intervention du député de Calgary-Centre. Comme personne ne demandait la parole, j'ai ordonné la reprise du débat, lequel se poursuit.

M. Walker: Monsieur le Président, je dois dire que c'est le député qui a d'abord évoqué l'image sportive de la recrue. Je pense que nous sommes tous des recrues qui jouent encore la tête basse. Portez attention au débat et écoutez toutes les subtilités du Président.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Je voudrais interrompre le député, si je puis. Je voudrais rappeler à tous les députés que, même s'il est possible que nous ajournions nos travaux au cours de la semaine, ils doivent encore s'adresser directement à la présidence.

M. Silye: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'estime que le député devrait retirer ses observations. S'il veut jouer au football, je suis prêt à l'affronter n'importe quand. S'il veut déclencher une guerre de mots. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Ce n'est pas un rappel au Règlement. C'est un débat qui devra se tenir un autre jour et ailleurs.

M. Walker: Monsieur le Président, je prends vos propos au sérieux et je m'excuse si j'ai contrarié la présidence de quelque façon que ce soit.

Revenons-en à la TPS et au travail accompli par le comité. Le comité en est venu à la conclusion que si l'on voulait vraiment procéder à une réforme de la TPS, il importait de rendre publiques les principales options possibles.

Ces options incluent diverses propositions formulées par le public. Par exemple, certains témoins souhaitaient que le gouvernement fédéral élimine complètement les taxes à la consommation. D'autres ont proposé une restructuration du système et l'imposition d'une taxe sur les opérations commerciales. D'autres encore étaient en faveur de modifier les dispositions relati-


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ves à l'impôt sur le revenu et d'amorcer une étude plus globale de la fiscalité.

En fin de compte, le comité a conclu qu'un certain nombre de changements à la TPS étaient absolument indispensables si l'on voulait améliorer cette taxe. Le comité s'est montré très sensible à la situation des petites et moyennes entreprises.

À plusieurs occasions, des représentants de ce secteur ont, comme ils l'avaient déjà fait dans le passé, insisté sur les coûts élevés liés à la perception de la TPS. Certains d'entre eux estiment que ces coûts correspondent à 16 p. 100 du montant de leurs recettes. Dans le cas des grandes entreprises dotées d'autres systèmes de gestion de la perception, ce pourcentage se situe autour de 2 p. 100, mais le fardeau est lourd pour les petites entreprises.

Des révisions ont été faites afin de simplifier la perception de la taxe pour les entreprises dont le chiffre d'affaires se situe autour de 200 000 $, et certaines options sont possibles pour celles dont les ventes annuelles se situent entre 200 000 $ et 500 000 $. C'est là une importante amélioration. Je suis certain que les députés connaissent, dans leur circonscription, des petites et moyennes entreprises pour lesquelles ces changements permettront de dissiper le vif antagonisme qui s'était créé entre elles et le gouvernement.

(1540)

Une opposition s'est aussi développée entre les petites et moyennes entreprises d'une part et les consommateurs d'autre part, en raison du fait que le prix d'achat est trompeur. Les gens veulent que le prix indiqué soit le prix total. Au Manitoba et en Ontario, il faut respectivement ajouter 14 p. 100 et 15 p. 100 au prix mentionné pour obtenir le prix total. C'est une situation très désagréable pour les consommateurs.

Si vous avez l'esprit occupé et que vous magasinez avec des enfants, vous risquez de penser qu'il vous en coûtera 10 $ pour un article, alors qu'en réalité il vous faudra débourser 11,50 $. Chaque fois que vous faites un achat, il vous en coûte 1 $, 2 $ ou 3 $ de plus que le prix indiqué. Cette situation est très contrariante. La plupart des familles ont de la difficulté à joindre les deux bouts en raison du lourd fardeau fiscal qui leur est imposé et des coûts élevés liés aux besoins de leurs enfants. Là encore, les gens souhaitent que le gouvernement améliore la situation.

Nous avons proposé diverses façons d'intégrer la taxe au prix indiqué en magasin. Il faudra toutefois se pencher sur des considérations d'ordre provincial, ce que nous serons heureux de faire avec les gouvernements provinciaux.

S'il était possible d'avoir un prix intégré incluant la taxe sur la valeur ajoutée et d'indiquer sur la facture le pourcentage correspondant à la taxe, nous pensons que les consommateurs pourraient mieux calculer leurs dépenses et savoir exactement ce qu'il va leur en coûter. Ceux-ci n'auraient plus de mauvaises surprises au moment de payer à la caisse.

Le comité a par ailleurs constaté l'existence d'un problème très sérieux, à savoir l'intégration de la taxe fédérale à celle des provinces et leur harmonisation. Pour quiconque prend au sérieux la réforme fiscale dans notre pays, je pense que le travail d'un comité doit être considéré comme l'étape la plus importante qui ait été franchie au cours des dix dernières années.

Le comité a dit ceci au gouvernement et à la Chambre: «Si vous voulez transformer ce pays en profondeur, vous devez obtenir l'appui des provinces pour harmoniser et intégrer la taxe de vente, la taxe sur la valeur ajoutée et la taxe à la consommation.»

À mon avis, c'est vraiment le problème fondamental. Nous sommes peut-être l'unique pays industrialisé à avoir dix systèmes et, si on ajoute celui qui manque, nous nous retrouverons avec onze variantes de la taxe de vente aux désignations presque infinies. Ceux qui veulent commercer avec nous ou voyager ici ont du mal à croire qu'un pays qui ne compte que 28 millions d'habitants n'arrive même pas à unifier ses taxes à la consommation.

Nous devrions remercier le comité, ainsi que la majorité des gens qui, en voyant la situation, ont dit: «Rencontrons les provinces le plus tôt possible pour débattre de la question avec elles. Il y a bien des questions dont nous pouvons traiter.»

Par bonheur, la réunion qui se tient régulièrement entre le ministre fédéral des Finances et ses homologues provinciaux aura lieu la semaine prochaine, à Vancouver. Ce rapport encore tout chaud, qui a été largement cité dans les médias, offrira aux ministres l'occasion d'établir un programme de collaboration. Je sais que notre ministre des Finances a bien hâte de prendre part à la réunion.

Je suis persuadé que les ministres provinciaux sont également favorables à une plus grande harmonisation et à une plus grande intégration de la taxe de vente dans l'ensemble du pays. Bien sûr, le recouvrement et la répartition des recettes ne vont pas sans poser un grand nombre de problèmes.

En politique, ce qui est un problème pour l'opposition est une occasion pour le gouvernement. Nous sommes extrêmement fiers de nous être penchés sur cette situation très difficile en février, d'avoir constaté les problèmes et de chercher maintenant à établir un programme très positif.

À bien des égards, les députés de l'opposition officielle comprennent la nécessité de trouver une solution positive. Eux aussi cherchent des moyens d'améliorer le régime de taxe à la consommation dans notre pays. Ils ont une stratégie précise qui, à mon avis, ne fonctionnera pas, car elle affaiblirait beaucoup trop certaines provinces. Cependant, il faudra en discuter. Eux aussi savent que le régime actuel ne fonctionne pas.

Dans les médias, on a beaucoup parlé de l'élargissement de l'assiette fiscale. Le comité était disposé à examiner les options qui s'offraient au gouvernement. Un des sujets de discussion les plus controversés est ce qu'il faudrait inclure dans une assiette élargie. Lorsqu'un gouvernement adopte une nouvelle taxe, il se heurte toujours à la difficulté de décider à quoi elle s'appliquera.


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(1545)

Un des domaines qui a suscité beaucoup de confusion et de controverse depuis l'adoption de la TPS, est celui des produits alimentaires. Il y a un prix à payer lorsqu'on exempt la nourriture de la TPS; en effet, en exemptant certains produits de base comme les aliments et les produits pharmaceutiques, le gouvernement précédent a été contraint de fixer le taux de la taxe à 7 p. 100, de sorte qu'elle est devenue très visible et agaçante. Par ailleurs, en assujettissant ces articles à la taxe, nous éliminerions en grande partie la confusion qui règne au sujet des exemptions, nous pourrions réduire le taux et, du coup, nous pourrions élargir l'assiette fiscale.

Il va sans dire que le sujet dont nous discutons est très controversé. Je tiens, cependant, à souligner officiellement que le comité n'oriente pas la discussion sur l'élargissement de l'assiette en tirant une conclusion ou en formulant une recommandation. Il dit simplement aux Canadiens qu'il y a peut-être moyen de réduire le taux en élargissant l'assiette fiscale. Si les Canadiens persistent à dire, par l'intermédiaire des députés et dans le cadre des discussions qui auront lieu cet été, ou encore par le truchement des gouvernements provinciaux et de leurs représentants, que la nourriture ne doit pas être taxée, le comité ne formulera certainement pas de recommandation en sens contraire.

Le comité dit clairement, à la page 52, et je cite: «Le comité a pour objectif d'indiquer les questions difficiles auxquelles il faut répondre, de rendre compte des témoignages qu'il a reçus et d'informer le gouvernement et les citoyens de ce qu'il considère comme la meilleure façon de procéder.»

À la page 54, cette section se termine sur ce qui suit: «Quoi que choisissent les gouvernements-assiette universelle ou exonération des nécessités-nous leur recommandons que le fardeau fiscal net des Canadiens à faible revenu n'augmente pas par rapport à celui que leur imposent la TPS et la taxe de vente provinciale.»

Cette recommandation rejoint l'essence même des principes des libéraux, plus particulièrement le principe d'équité. Aucun changement n'accroîtra le fardeau des familles de travailleurs, des familles à faible revenu, des particuliers et des personnes âgées. À la différence du Parti réformiste et du gouvernement précédent, notre approche prévoit qu'aucune modification du régime fiscal-et le comité a été très clair à ce sujet-n'affectera de quelque façon que ce soit le bien-être des travailleurs canadiens. Non seulement le comité, mais tous les députés de mon caucus partagent ce point de vue.

Compte tenu de la rapidité avec laquelle le député de Calgary-Centre a examiné la position de mon parti, il l'a peut-être ramenée par inadvertance aux éléments sur lesquels le Parti réformiste est d'accord avec nous. Je me permets de citer un extrait tiré de la page 123: «Nous convenons avec le rapport que la structure actuelle laisse beaucoup à désirer et que des changements s'imposent. Le rapport majoritaire répond à certaines des préoccupations soulevées lors des longues audiences dans lesquelles le comité s'est engagé.» On a donc écouté. Il était très important de le préciser. Ce rapport dit ensuite, et je cite:«. . . d'autres [préoccupations] sont laissées de côté, du moins en attendant la conclusion des négociations avec les provinces.»

La motion dont est saisie la Chambre est donc en fait prématurée. Comment la Chambre peut-elle agréer le rapport que nous avons devant les yeux avant que les négociations avec les provinces n'aient été entamées? À mon avis, nous devrions attendre de savoir ce que les provinces ont à dire avant de faire quoi que ce soit. Par exemple, comme le ministre responsable du logement-qui suit attentivement le débat-le sait, la façon d'avoir une bonne politique de logement dans ce pays, c'est de traiter directement avec les provinces. Pareillement, la façon d'avoir une bonne politique fiscale, c'est de traiter directement avec les provinces, et non d'agir de façon prématurée. Nous remercions le Parti réformiste d'avoir reconnu que les négociations fédérales-provinciales sont essentielles pour régler ce dilemme fiscal.

À la page 128 du rapport du comité, on peut lire en conclusion, et je cite: «Le Parti réformiste félicite le gouvernement d'avoir tenté de répondre aux préoccupations soulevées lors des audiences au sujet des frais de perception des entreprises, de l'harmonisation et des organismes de charité.» Et ça recommence! Encore une fois, en ce qui concerne la question de l'harmonisation, l'opposition se rend compte que la majorité est très attentive et très soucieuse de changer la taxe.

(1550)

Depuis que ce gouvernement est au pouvoir, de grands progrès ont été faits sur le plan de la politique fiscale pour ce qui est d'amener les Canadiens à parler plus ouvertement des questions capitales pour leur propre bien-être. Non seulement la TPS est en elle-même une taxe à la consommation, elle représente pour nombre de Canadiens tout ce qui ne va pas dans le régime fiscal au Canada et dans la façon dont la taxe a été imposée.

Le gouvernement prendra son temps et fera ce qu'il faut. Il respectera les engagements qu'il a pris dans son livre rouge et produira pour les Canadiens une taxe fondamentalement différente de la taxe actuelle, une taxe efficace tenant compte de la situation financière du gouvernement national, dont dépendent la survie de centaines de milliers de Canadiens, la protection de leur gagne-pain, de leur santé, de leur bien-être et de leur éducation.

Le gouvernement ne compromettra pas sa situation financière en agissant à la hâte. En fait, nous produirons une taxe qui sera mieux, plus productive et plus fiable que la TPS actuelle. Nous attendons impatiemment les discussions avec les provinces.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, j'aimerais poser une question à deux volets au secrétaire parlementaire.

Je l'ai entendu dire que le rapport de la majorité libérale du Comité ne se prononçait pas sur le fait que la base devait être élargie à l'alimentation, aux médicaments et à ces produits-là. Cependant, on dit dans le même rapport qu'on va mettre un système simplifié pour les petites entreprises qui feront simple-


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ment une déclaration annuelle disant qu'elles prendront l'ensemble de leurs ventes duquel elles soustrairont leurs achats.

Si on veut que ce système soit plus simple, et cela s'appelle une taxe sur les opérations commerciales, il est évident que tout doit être taxé. Et c'est l'hypothèse qui sous-tend ce modèle-là. Si tout n'est pas taxé, c'est un système. J'aimerais qu'il me le dise. Est-ce que la recommandation pour les petites entreprises ferait en sorte que la comptabilité actuelle de ces entreprises-là serait suffisante pour permettre de faire les déclarations que le rapport du Comité libéral suggère ou s'il devrait encore une fois y avoir une comptabilité différente qui tiendrait compte des achats taxés, des achats non taxés, des ventes taxées, des ventes détaxées? J'aimerais qu'il me réponde là-dessus. S'il y a encore des exceptions, ce système-là ne s'appliquera pas. Donc, son hypothèse de dire que le rapport ne se prononce pas sur la taxe à l'alimentation, c'est un manque de courage. Les hypothèses derrière le modèle de simplification de la taxe sur les opérations commerciales le disent très bien.

Mon deuxième volet est qu'il a fait référence au fait que les personnes à faible et moyen revenu seraient compensées, peu importe le nouveau système. Comment peut-il expliquer qu'une famille avec deux enfants, deux très jeunes enfants, qui pour toutes sortes de raisons, un des deux enfants peut être malade, peut avoir besoin de médicaments, une famille avec deux enfants de 12 et 14 ans, de 14 ans et 7 ans, elles auront le même crédit parce que c'est une famille avec deux enfants? Peut-il me garantir que c'est le même pattern de consommation qu'elles ont? Peut-il être sûr que c'est le même montant en taxation qui est dépensé par ces deux familles-là? Comment peut-il dire que ce système de crédit est efficace? Ce sont les deux questions que je pose au secrétaire parlementaire.

[Traduction]

M. Walker: Je remercie le député de sa question, monsieur le Président. Je me contenterai de dire que cette série de questions hypothétiques n'est rien d'autre que cela. On a pris grand soin de ne pas présenter de situations hypothétiques dans le rapport. Ma propre expérience m'a appris que, dans le domaine des taxes, lorsqu'on commence à spéculer sur des situations hypothétiques, on ne peut s'attendre à rien d'autre qu'une suite de difficultés.

La majorité des membres du comité ont fait état de leurs positions respectives et j'ai réitéré celle du gouvernement, soit qu'il n'imposera aucune nouvelle taxe qui alourdirait le fardeau des familles à faible revenu. Je l'affirme catégoriquement, l'intention de ce gouvernement est, et demeurera, de rétablir l'équité du système fiscal pour les personnes et les familles à faible revenu et aucune mesure ne sera prise qui pourrait être contraire à cet engagement de quelque façon que ce soit.

(1555)

Quant à faciliter la tâche des petites entreprises devant déclarer cette taxe, je crois que le rapport du comité renferme une analyse très complète des options et que, selon ce document, on veillera définitivement à ce que la nouvelle taxe soit plus facile à gérer pour les petites entreprises. Celles-ci, par le truchement de leurs représentants, se sont montrées vraiment déterminées à collaborer avec nous afin de simplifier la gestion de la taxe; en fait, elles sont très satisfaites des recommandations. Nous comptons sur leurs suggestions et leur aide pour leur faciliter la tâche.

M. John Solomon (Regina-Lumsden): Monsieur le Président, tout le monde au Canada sait bien que la TPS n'était qu'un moyen de transférer le fardeau fiscal des sociétés aux Canadiens ordinaires. En tant que néo-démocrates, nous sommes contre ce genre de transfert d'un secteur à un autre.

Je veux demander au député si le comité a examiné d'autres possibilités, à part celle de simplement renommer la TPS. Par exemple, il reste au Canada un certain nombre de fiducies familiales qui ne sont pas imposées. Je pense qu'elles représentent en tout quelque 70 milliards de dollars. C'est un moyen de ne pas payer d'impôt qui est offert aux familles très riches de notre pays. C'est une exonération d'impôt que l'ancien gouvernement libéral avait offerte à ces gens pour une période de 20 ans. Le gouvernement conservateur l'a maintenue pendant encore 20 ans, et le gouvernement actuel n'a rien fait pour changer cela.

Je me demandais si le comité a fait un examen particulier de cette question. Peut-être aussi a-t-il étudié certains des transferts à l'étranger de bénéfices de sociétés établies au Canada. Je prends l'exemple de la Compagnie pétrolière impériale. L'an dernier, cette société a déclaré des dividendes de 580 millions de dollars. On sait que la société américaine Exxon Corporation possède 70 p. 100 de ses actions. C'est pourquoi 405 millions de dollars sont partis aux États-Unis, par un astucieux tour de passe-passe qui permet d'échapper à l'impôt.

Nous avons ainsi perdu une partie de ce qui, à notre avis, revenait de droit au Canada et aurait dû être injecté dans notre économie ou être versé à l'impôt. Je veux donc savoir si le gouvernement étudie cette question, ou s'il se penche sur le cas des quelque 63 000 sociétés rentables du Canada qui n'ont pas payé deux sous d'impôt sur les bénéfices substantiels qu'elles ont réalisés.

Je me demande si le comité a envisagé d'exploiter certaines de ces très importantes sources de recettes fiscales, plutôt que de s'en prendre une fois de plus aux gens à faible revenu ou à revenu moyen et à d'autres qui, avec leur famille, connaissent dans le moment des conditions très difficiles sur le plan financier et ont de la difficulté à joindre les deux bouts, au Canada.

M. Walker: Monsieur le Président, je félicite le député d'avoir résumé autant de fausses perceptions en une très courte question.

Pour commencer, comme il le sait, nous avons tenu 40 séances. Je rappelle que la structure des comités est telle que n'importe quel député peut participer aux délibérations. Beaucoup de ces questions ont été soulevées. Je suis convaincu que lorsque le député aura eu l'occasion de lire le compte rendu des délibérations, pendant les vacances d'été, il saura que les députés des trois autres partis ont posé d'excellentes questions aux person-


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nes qui voulaient que l'on change plus radicalement la structure fiscale.

Pour en venir à certaines idées fausses, le gouvernement a bien abordé la question des fiducies familiales. Un document a d'ailleurs été publié ce mois-ci par le ministère des Finances et il a été présenté au comité permanent la semaine dernière. On a demandé à la présidence du comité de voir avec l'opposition la possibilité de tenir des audiences et d'établir une façon de procéder.

Je suis sûr que le critique du Bloc québécois sera intéressé par les fiducies familiales. Il doit savoir que le rapport du comité est disponible. Nous allons voir avec les autres membres du comité et avec le comité directeur comment nous pourrions procéder à l'analyse de cette question.

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu des sociétés et la part des sociétés dans l'assiette fiscale canadienne, le député sait que le budget, présenté le 22 février par le ministre des Finances, ferme plus d'échappatoires pour les sociétés que jamais auparavant. Nous sommes fiers de ce que nous avons fait.

Enfin, vu l'augmentation des bénéfices des sociétés, nous prévoyons -je ne voudrais pas anticiper les statistiques qui seront publiées au cours de l'année-mais nous prévoyons, et le député en sera heureux, que les sociétés paieront leur juste part.

(1600)

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, je vous annonce que je partagerai le temps qui m'est alloué avec mon collègue de Témiscamingue.

Je suis très heureux de prendre la parole au sujet de l'alternative présentée par le Parti libéral du Canada à l'actuelle taxe sur les produits et services. Après trois quarts de million de dollars, après avoir dépensé 750 000 $ pour trouver une alternative à la taxe sur les produits et services, surtout pour abolir cette taxe, comme le premier ministre en a fait la promesse à maintes reprises, nous sommes obligés de constater que le gouvernement libéral a échoué de façon lamentable. Il a échoué de façon lamentable pour plusieurs raisons, mais je vais vous en donner une fondamentale et cinq plus précises.

La première, c'est que pour 750 000 $, on a changé quatre trente sous pour une piastre. C'est honteux d'utiliser les fonds publics de cette façon pour présenter une position cosmétique, visant non pas à abolir la TPS comme l'actuel premier ministre s'y était engagé, comme tous les membres du Parti libéral s'y étaient engagés aussi de façon très convaincante, en déchirant une pleine van de chemises, mais simplement pour présenter une nouvelle TPS qui, au minimum, ressemblera à l'ancienne et qui, au maximum, sera encore plus complexe que la taxe sur les produits et services.

En fin de compte, et c'est cela la farce monumentale, après avoir dépensé 750 000 $, les consommateurs québécois et canadiens vont toujours continuer à payer la taxe sur les produits et services, chaque fois qu'ils feront une transaction.

Nous nous opposons à cette farce monumentale pour cinq raisons fondamentales. La première, à part l'argument général que je viens de vous présenter, c'est que le rapport de la majorité libérale présente comme alternative, mais qui n'en est pas une, à la TPS, une taxe cachée. Ils invoquent la possibilité de cacher sournoisement, hypocritement, la nouvelle taxe sur les produits et services à l'intérieur du prix.

Lorsqu'on dit que sur le coupon de caisse, on pourra voir le montant de la taxe, cela est inexact. Le rapport de la majorité libérale ne spécifie pas cela. Au mieux, on a indiqué, lors des nombreuses délibérations du comité, qu'on pourrait indiquer au bas du coupon de caisse que le prix total payé par les consommateurs québécois et canadiens inclut une taxe sur les produits et services, une taxe odieuse imposée par le gouvernement libéral, de 7, 10 ou 12 p. 100, peu importe.

C'est une porte ouverte à toute augmentation sournoise, insidieuse, à l'insu des consommateurs québécois et canadiens que le rapport de la majorité libérale nous présente dans son énoncé.

La deuxième raison fondamentale pour laquelle le Bloc québécois s'oppose avec véhémence, avec vigueur à ce rapport de la majorité libérale, c'est qu'on ouvre la porte, et dangereusement, à un élargissement de l'assiette fiscale visant à taxer l'alimentation, les soins médicaux et les médicaments. J'entendais le secrétaire d'État tout à l'heure dire qu'il n'en est pas question, que ce serait des choses à négocier avec les provinces, l'intention du gouvernement libéral de taxer les trois items de base est bien là. Je dirais que cette intention a toujours existé, depuis le début des travaux du Comité des finances et ceux qui en font partie adhéreront à cette idée.

Depuis le début, on a soulevé le scénario fort réaliste selon la majorité libérale de taxer l'alimentation, les soins médicaux et les médicaments. Et comme le mentionnait dans sa question mon collègue de Témiscamingue, il est pratiquement impossible, avec le premier niveau de taxation dont nous avons fait mention tout à l'heure, c'est-à-dire la taxe sur les opérations commerciales appliquée aux petites entreprises, il est pratiquement impossible d'exclure ces items du nouveau système de taxation présenté dans le rapport de la majorité libérale.

J'entendais tout à l'heure le secrétaire d'État dire qu'il avait beaucoup de compassion pour les plus démunis de la société, alors que c'est le même qui menait le combat pour que la mesure budgétaire du gouvernement présentée dans le dernier budget libéral visant à couper l'assurance-chômage, il était de ce combat-là pour maintenir cette mesure avec des arguments fallacieux et souvent démagogiques.

(1605)

Je lui dirai que concernant le rapport de la majorité libérale, on passe sous silence l'indexation du crédit de taxe, le remboursement qu'on donne aux familles les plus démunies. On passe sous silence cette indexation alors que les conservateurs-les conser-


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vateurs pour lesquels de l'autre côté de la Chambre, on a déchiré des chemises-les conservateurs, eux, parlaient au moins d'une indexation du crédit du remboursement de taxe de l'ancienne TPS. Ces gens n'ont aucune sensibilité, aucune compassion pour les plus démunis et le but de leur proposition n'est pas de les aider, soyez-en certain.

Troisièmement, la proposition du rapport de la majorité libérale du Comité des finances en vue de remplacer la TPS est une charge centralisatrice sans précédent dans les champs de juridiction des provinces. Lorsqu'on parle de négocier avec les provinces une assiette fiscale de biens et de services qui serait la même d'est en ouest au Canada, et d'assujettir cette assiette élargie pour inclure l'alimentation, les médicaments et les soins médicaux à une loi fédérale, cela enlève toute possibilité aux gouvernements provinciaux, en particulier le gouvernement du Québec, qui voudraient moduler les taux de taxation et leur assiette pour tenir compte de leurs objectifs économiques, de leurs priorités en ce qui a trait au développement, à la croissance économique et au soutien aux secteurs qui pourraient être en difficulté.

Je reviens à certaines mesures qui avaient été prises par le passé par le gouvernement du Québec et qui visaient à exempter le secteur du meuble, du vêtement, et en particulier le vêtement pour enfants. Devant la proposition de la majorité libérale, le gouvernement du Québec qui voudrait soutenir ces secteurs pour les aider à reprendre du poil de la bête et pour aider aussi les consommateurs les plus démunis à passer à travers les temps difficiles auxquels nous sommes confrontés serait dans l'impossiblité, comme le gouvernement de toute autre province, de faire une telle modulation, d'aider les plus démunis de la société. Et c'est tout à fait inacceptable.

La quatrième raison qui fait en sorte que le Bloc québécois s'oppose au rapport insidieux, pernicieux de la majorité libérale, c'est le fait que non seulement on échange «quatre trente sous pour une piastre» comme je l'ai mentionné, mais on ajoute une complexité inouïe au système de taxation à la consommation n'incluant non pas uniquement une TPS comme celle qu'on a à l'heure actuelle, mais aussi une taxe sur les opérations commerciales pour les petites entreprises.

Le Bloc québécois estime que cette nouvelle taxe sur les opérations commerciales, la TOC ou la BBT en anglais, constituera un véritable cauchemar à administrer pour les entreprises. Je laisserai le soin à mon collègue du Témiscaminque qui a une formation en administration des affaires de vous expliquer cette complexité. C'est le résultat de ce deuxième niveau de taxation introduit dans la proposition libérale.

On dit que les libéraux en partant disaient qu'ils voulaient abolir la TPS et la remplacer par un système plus facile. Ils viennent de compliquer davantage le système de taxation à la consommation en introduisant ce deuxième système de taxation qu'on appelle la taxe sur les opérations commerciales.

La cinquième raison fondamentale pour laquelle nous nous opposons de façon virulente à cette proposition, ce maquillage systématique de la TPS actuelle, c'est le fait qu'on a le nez collé sur l'arbre et qu'on oublie la forêt. Depuis le tout début des audiences du Comité permanent des finances sur la TPS, le Bloc québécois soulève la nécessité de réviser l'ensemble de la fiscalité canadienne. On nous a dit et la semaine dernière, le premier ministre et le ministre des Finances disaient que par le passé, nous avons essayé d'effectuer une telle révision et que cela s'est avéré un échec.

Mais par le passé, le Canada n'était pas confronté aux difficultés considérables qu'il rencontre à l'heure actuelle. Il n'avait pas 511 milliards de dette, il n'avait pas un déficit record non plus. Je vous dirais qu'il s'agit du deuxième record des libéraux parce que dans la première administration libérale, on a aussi établi un record au niveau du déficit annuel de l'administration fédérale. Ce record était imputable au ministre des Finances d'alors qui est l'actuel premier ministre.

Je vous dirais que l'on vient de tenter sans réussir de modifier l'actuelle TPS, de l'éliminer et de la remplacer par un système plus simple.

(1610)

Non seulement on n'a pas réussi, mais on a rendu les choses encore plus difficiles, non seulement pour les petites et moyennes entreprises, mais aussi pour les consommateurs qui ne se retrouveront pas dans ce système.

Déjà, en étant publié, le rapport a pris la direction des tablettes, sinon des poubelles. Même le premier ministre disait hier qu'il ne se sentait pas lié par ce rapport. Il disait même qu'il conservait ses distances face à ce rapport, et je le comprends. Plusieurs premiers ministres de provinces démographiquement importantes se sont prononcés contre cette proposition libérale.

Si vous me permettez, monsieur le Président, j'aimerais énoncer la proposition du Bloc québécois. Le Bloc québécois a proposé une voie viable, une voie d'avenir et qui ne nous condamnera pas, justement, à négocier pendant deux ans avec les provinces pour constater un échec, comme les conservateurs, avant les libéraux, ont pu le faire. On ne peut pas harmoniser, de la façon dont on le présente, avec une salve centralisatrice sans précédent, un système de taxe à la consommation. Alors, la proposition du Bloc québécois est, premièrement, d'abolir la TPS, donc de respecter la promesse du premier ministre, et de remettre ce champ de taxation aux provinces, avec un ajustement des dépenses fédérales, bien entendu.

Monsieur le Président, je vous remercie et j'attends impatiemment les questions.

[Traduction]

M. Barry Campbell (St. Paul's): Monsieur le Président, j'ai une très brève observation à faire.

Je suppose que le député d'en face n'aime pas beaucoup le rapport. C'est dommage, car il a consacré énormément de temps et d'effort à écouter les Canadiens de toutes les régions du pays exprimer leur opinion à propos de la TPS actuelle et recommander des solutions de rechange.

Toutes ces opinions se trouvent exprimées et reflétées dans le rapport. Il est dommage que le député et l'opposition officielle n'aient pas eu le courage d'exposer par écrit des solutions de remplacement. Les députés réformistes au moins ont eu le courage d'exposer par écrit leurs points d'accord et de désaccord.


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Alors que les députés du Bloc québécois acceptaient et appuyaient le mandat confié au comité d'examiner des solutions de remplacement à la TPS actuelle et y consacraient beaucoup de travail, que font-ils à la fin de cette étude? Ils disent: «Ce n'est pas satisfaisant. Pourquoi ne pas donner ce pouvoir de taxation aux provinces et les laisser imposer cette taxe de vente?»

Nous avons assisté à une volte-face. Durant la campagne électorale, les députés du Bloc québécois ne trouvaient rien à redire à la TPS. Voilà maintenant qu'elle ne leur plaît plus et qu'ils préconisent davantage de taxes provinciales. Ils se livrent par ailleurs à ce que je qualifierais de gros mensonge en disant que le rapport recommande d'étendre la taxe aux aliments et aux médicaments. Nulle part, dans les plus de 100 pages du rapport, on ne trouve ce genre de recommandation.

Je vais leur faire une offre qu'un de nos collègues, chez nos voisins du sud, faisait un jour au Parti républicain: «Si vous cessez de mentir à notre sujet, nous cesserons de dire la vérité à votre sujet.»

[Français]

M. Loubier: Monsieur le Président, je vais répondre très succinctement aux propos un peu borderline, comme on dit, et pas nécessairement parlementaires du député.

J'invite mon collègue, qui est justement un des vice-présidents du Comité des finances, à lire notre rapport minoritaire. On a déposé un rapport minoritaire et on l'a fait avec nos propres moyens. On l'a traduit en anglais par nos propres moyens et on l'a déposé, nous. Nous, on a déposé, dans les deux langues officielles, notre rapport minoritaire en vue de la conférence de presse d'avant-hier. Vous n'avez pas été en mesure de nous offrir ce travail de traduction à temps pour analyser la copie préliminaire du rapport.

Alors, je pense que notre collègue n'a pas à se vanter du fait qu'il n'ait pas lu notre rapport minoritaire, alors qu'il était dans les deux langues officielles et traduit par le Bloc québécois. Le parti gouvernemental n'a pas daigné nous tendre la main, sauf à une condition: il fallait qu'on prenne notre rapport minoritaire et qu'on l'annexe au rapport général. Nous avons choisi, et la liberté est toujours de ce monde, de le déposer à part. Et je pense que nous avons pris une bonne décision.

Je vous dirai, monsieur le Président, que notre solution de rechange, si le député veut bien lire notre rapport, s'il veut bien daigner nous faire l'honneur de lire notre rapport, comme nous avons lu le rapport de la majorité libérale et à plusieurs reprises, en anglais et en français, s'il veut bien lire notre rapport minoritaire, il lira ce qui suit: «Le Bloc québécois rencontre la promesse faite par le premier ministre d'abolir la TPS et de transférer ce champ de taxation aux provinces.»

(1615)

De cette façon, on évite deux choses: premièrement, de se diriger vers un sixième échec des négociations constitutionnelles entre le fédéral et les provinces, parce qu'après le forum de la santé, le commerce interprovincial, etc., on pourra en ajouter un autre, parce que les conservateurs ont expérimenté pendant deux ans la négociation avec les provinces en vue d'une harmonisation comme celle qu'on nous présente dans le rapport majoritaire. Donc, on évite ces frictions-là. On en évite trois. La deuxième chose qu'on évite, c'est justement d'en arriver à continuer avec les duplications et les chevauchements.

On offre au gouvernement justement de se retirer de certains champs de dépenses en vue de compenser le transfert du champ de taxation, la TPS, aux provinces. Troisièmement, on contribue à alléger le fiasco des finances publiques. Les députés libéraux devraient nous remercier du travail qu'on a fait et sérieusement, parce que c'est la seule alternative qui reste à l'heure actuelle, après les nombreuses déclarations des premiers ministres provinciaux, et surtout des grands spécialistes, et je pense entre autres à Yvon Cyrenne de Martin, Chabot, Paré et Associés. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre, s'il vous plaît. Je regrette d'interrompre l'honorable député. Nous reprenons le débat avec l'honorable député de Témiscamingue.

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, c'est à mon tour de prendre la parole sur ce fameux rapport du Comité libéral des finances sur la TPS, un dossier sur lequel, avec mon collègue de Saint-Hyacinthe et celui de Charlevoix, on a travaillé très fort depuis l'introduction, depuis le début des travaux.

C'est avec beaucoup de déception, en voyant l'ébauche du rapport la première fois, de constater l'orientation que le Parti libéral s'apprêtait à prendre après toutes les audiences, alors que personne n'était venu suggérer une telle alternative d'une taxe hybride qui s'appelait ainsi au départ, une taxe hybride. Essayez d'expliquer aux gens qu'on va se retrouver avec deux systèmes de taxation, alors qu'ils vont remplacer l'actuelle TPS par une taxe relativement semblable.

Ceux-là qui ont dénoncé cette taxe-là vigoureusement, à son introduction et en campagne électorale, qui la trouvaient si mauvaise, en passant par le premier ministre, la vice-première ministre qui a dit qu'elle démissionnerait si elle n'abolissait pas la TPS, le ministre des Affaires étrangères et l'ensemble des députés libéraux, ils la trouvaient tellement mauvaise cette TPS que maintenant, ils demandent aux provinces de retirer leur taxe et de la remplacer par la TPS. Scandaleux, monsieur le Président! Une taxe qu'on trouve mauvaise, mais maintenant on veut en répandre son utilisation, l'appliquer à tout le monde. Cela n'a aucun bon sens.

En plus de l'élargissement qu'on veut faire aussi, l'élargissement à l'assiette. On veut maintenant taxer les produits alimentaires, les médicaments, les soins de santé. En plus de cela, en plus du coup de force qu'on veut faire aux provinces, on se vante de la simplifier, pour les petites entreprises. C'est là que je veux élaborer un peu plus, parce que c'est quelque chose qui, jusqu'à maintenant, est peut-être passé un peu inaperçu. Mais avec le temps, les gens vont réaliser que c'est encore une fois de la poudre aux yeux qu'on lance, ce sont simplement des mots. Je vais vous expliquer pouquoi.

Maintenant, on dit que les entreprises dont le chiffre d'affaires est de 200 000 $ et moins vont pouvoir se prévaloir d'un système qui s'appelle la taxe aux opérations commerciales, mais qu'on ne veut pas appeler par son nom, donc, on va l'appeler TVA. C'est une forme de TPS. C'est une taxe à valeur ajoutée. Une TPS, c'est une taxe à valeur ajoutée. Il faut bien comprendre cela. Pour les entreprises de 200 000 $ et moins de chiffre d'affaires, on leur dit: «Vous pourrez maintenant simplement prendre l'ensemble de vos ventes, soustraire l'ensemble de vos achats, faire une


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déclaration annuelle». Ce qu'on ne leur dit pas et ce que le rapport n'a pas le courage de leur dire, c'est qu'elles devront, pendant toute l'année, en attendant le rapport annuel, tenir une comptabilité qui devra tenir compte des achats taxés, des achats non taxés, des ventes taxées, des ventes non taxées, exactement comme on le fait avec l'actuelle TPS, exactement la même chose.

Maintenant, qu'est-ce qu'on va faire? Il y avait un système de méthode rapide, disait-on, pour les petites entreprises. Quelle est la différence? Probablement, que ce sera pire que la méthode rapide qui n'était pas tellement utilisée. Probablement qu'on aurait dû faire davantage la promotion de la méthode rapide et ne rien changer tant qu'à faire ça. Mais non, monsieur le Président!

On dit que ce sera plus simple pour 80 à 90 p. 100 des PME. Il faut se rappeler que les entreprises ayant incorporé, ayant un chiffre d'affaires de 500 000 $ et plus, font 94 p. 100 des ventes au Canada. Quel changement pour les conservateurs? Quatre-vingt-quatorze p. 100 des ventes sont encore assujettis à la même TPS. Seulement les 6 p. 100 qui restent seront assujettis à un système plus compliqué et là, ce sont les petites entreprises dont on parle.

Lorsqu'elles prendront connaisance de la proposition, elles vont réagir vigoureusement. Je vais vous donner quatre cas où ce sera plus compliqué. Mais j'ouvre une parenthèse avant, parce que là, le rapport ne se commet pas trop, on n'est tellement pas sûr qu'on dit: «Peut-être qu'on devrait même laisser la porte ouverte pour les entreprises entre 200 000 $ et 500 000 $». Là, on a changé d'idée en cours de route. Finalement, dans la version finale, on dit: «On pourrait peut-être leur laisser l'option pour le chiffre d'affaires entre 200 000 $ et 500 000 $».

(1620)

Monsieur le Président, pensez à cela. Une entreprise vendrait des produits qui seront taxés et d'autres non taxés. Mais qu'ils nous disent qu'ils ne veulent pas taxer l'alimentation ou qu'ils ne le disent pas dans le rapport. Donc, à ce moment-là, il y aura encore des exceptions.

S'il y a des exceptions, comment les entreprises ayant un chiffre d'affaires de 200 000 $ et moins pourront-elles avoir un système simplifié, si elles vendent différents types de produits? Qu'est-ce qui arrive si elles prennent de l'expansion? Une entreprise qui a un chiffre d'affaires de 400 000 $ et qui prévoit prendre de l'expansion, comme on espère tous qu'il y aura de la croissance économique, que va-t-il arriver? Lorsqu'elle va franchir le cap des 500 000 $, elle devra changer son système de taxation, changer sa comptabilité. C'est un scandale, c'est terrible!

Les entreprises vont devoir évaluer quel système est le plus rentable pour elles. Elles vont passer du temps à dire: «Est-ce que je choisis la TOC, est-ce que je choisis la TPS? Et elles vont voir que ce sont des systèmes relativement semblables. Donc, elles vont probablement préférer garder la TPS. Plusieurs entreprises vont préférer garder la TPS. Si leur seuil est à 200 000 $, c'est encore pire. Quel changement! La plupart des entreprises qui prévoient avoir une croissance ne changeront pas de système. Les entreprises qui font du commerce interprovincial-parce qu'il y aura encore des taux différents dans les provinces, il ne faut pas penser qu'on va avoir un taux uniforme à travers le Canada-devront tenir compte, dans leur comptabilité, des ventes effectuées dans d'autres provinces et des achats effectués dans d'autres provinces.

Donc, encore une comptabilité qu'elles ne doivent pas tenir, actuellement. On dit que présentement, ces petites entreprises pourraient, à partir de déclarations annuelles d'impôt, tout simplement réussir à faire les déclarations qu'on veut leur faire faire. Mais, elles ne pourront pas, elles vont devoir tenir une comptabilité au jour le jour, encore. En plus, si elles achètent des non-inscrits, c'est-à-dire de ceux qui ont un chiffre d'affaires de 30 000 $ et moins et qui ne sont pas obligés de s'inscrire à la TPS, lorsqu'on achète de ces entreprises, on ne peut pas réclamer le crédit pour les achats effectués dans ces entreprises. Donc, il va falloir tenir une comptabilité spéciale encore pour cela.

Et c'est cela, le système plus simple pour les petites entreprises? Est-ce que c'est ça? C'est de la bouillie pour les chats! Ce n'est pas vrai du tout que ça va être plus simple. C'est de prendre les gens pour ce qu'ils ne sont pas, que de leur dire de telles choses.

Il y a un certain nombre de choses que je veux dire dans les quelques minutes qui me restent. Plus simple à gérer, dit le rapport, est un objectif du rapport. Pour qui? Pour le gouvernement? Pensez-vous qu'avec la même équipe qui existe actuellement à Revenu Canada, on va être capables d'assumer l'introduction d'une nouvelle taxe sur les opérations commerciales pour les petites entreprises, dont elles ne se prévaleront probablement pas, pour plusieurs, mais elles vont quand même évaluer, elles vont avoir besoin d'information, il va falloir embaucher des gens pour leur expliquer, leur donner de l'information et ensuite il va falloir la gérer.

Et comme la TPS va être encore largement utilisée, il faut garder les gens qui s'occupent de ce système. Probablement que les coûts d'administration déjà très élevés, au moins 600 millions de dollars, vont augmenter. Quel gâchis, quel gaspillage! C'est cela, la TPS libérale, c'est cela l'amélioration qu'ils veulent faire? Jamais les gens ne vont accepter cela, jamais!

Pour les entreprises non plus, cela ne sera pas plus simple. Tout à l'heure, j'entendais parler du crédit d'impôt pour les personnes à faible revenu. Cette partie, qui avait fait l'objet d'un débat vigoureux, ici, partout, on avait fait signer des pétitions monstres pour dire que ce crédit devait être indexé, que ce n'était pas correct d'avoir une taxe régressive. Maintenant, on n'a même pas le courage de dire dans le rapport que les crédits pour les personnes à faible revenu, s'il doit encore exister une taxe à valeur ajoutée, devront être indexés avec les années.

Ce ne sont pas toutes les années, comme cette année, où il y aura une inflation très faible. Il y a des années où il y aura de l'inflation. S'il y a une reprise économique, il va y en avoir, de l'inflation. Mais, à ce moment-là, le crédit ne sera pas augmenté, donc il va y avoir de l'érosion avec le temps. Et en plus, cette taxe est cachée. On nous dit que non, que le montant sera visible sur la facture, pas du tout, pas du tout! Parce que sur le reçu, on pourra simplement inscrire ce montant total qui comprend une taxe de x p. 100.


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Imaginez-vous les petites entreprises qui doivent tenir compte, maintenant, du montant des achats qu'elles ont faits, le montant de taxe payé, elles vont devoir entrer le montant total, prendre leur calculatrice, diviser, programmer, si c'est sur ordinateur. Quel cauchemar, quel cauchemar! Et c'est cela, la TPS libérale. C'est cela, l'amélioration. Est-ce que c'était cela, leur engagement? La population ne se laissera pas tromper. Ce n'était pas cela, leur engagement. C'est une rupture majeure avec leur promesse électorale, majeure!

Mais nous leur suggérons une alternative. On leur suggère une alternative, ce n'est pas le monde à l'envers, c'est l'opposition qui essaie de respecter l'engagement du gouvernement. On leur dit: «Si vous voulez abolir la TPS, il n'y a qu'une seule solution; vous l'abolissez et vous laisser ce champ fiscal aux provinces. Vous le leur laissez. Évidemment, il y aura une perte de revenus, mais en conséquence, vous jouerez dans les transferts aux provinces, particulièrement dans les domaines où il y a des tonnes de duplication.» Et c'est aussi un objectif du livre rouge de réduire les chevauchements. Vous pourriez atteindre plusieurs objectifs en même temps.

Vous me faites signe qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, monsieur le Président, effectivement, je vais conclure. Je vais conclure en vous lisant un article de Michel Vastel, un journaliste très réputé, ici, sur la Colline parlementaire. Son article de ce matin disait: «Une autre solution, qu'évoque d'ailleurs le comité. . .» Le Comité l'évoque d'ailleurs, mais il ne l'aurait pas regardé parce que ce n'était pas son mandat. Je reprends la citation: «Une autre solution qu'évoque d'ailleurs le Comité et que recommande le Bloc est d'abolir la TPS et de récupérer le manque à gagner en abolissant des transferts aux provinces.»

(1625)

Il dit aussi plus loin: «On éliminerait d'un coup plusieurs dédoublements et un joli paquet de fonctionnaires. Tout cela est évidemment trop simple et dangereux pour un gouvernement fédéral qui veut affirmer sa visibilité.» Il aurait pu ajouter «qui a une soif de pouvoir et de contrôle absolu, qui cherche constamment à confronter les provinces». Et c'est pour cela que le premier ministre de l'Ontario les compare à un gorille. J'aurais honte de me faire comparer à un gorille, par un premier ministre en plus. Mais il a raison. Et les gens de l'Ontario devraient écouter le premier ministre de l'Ontario parce que dans ce dossier-là, il se comporte très bien.

Je conclus en disant que c'est un non-respect de leur engagement électoral et jamais ils ne vont passer cela à la population, ni du Québec, ni du Canada.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): J'aimerais tout simplement, après ce discours éloquent en défaveur du rapport de la majorité libérale, du rapport odieux, scandaleux et trompeur pour la population québécoise et canadienne, souligner le travail admirable de mon collègue de Témiscamingue et de mon collègue de Charlevoix au sein du Comité des finances et dans l'élaboration de notre position qui est la seule position valable à l'heure actuelle, la seule base de négociation possible avec les provinces, étant donné que les provinces majeures ont rejeté d'emblée le rapport de la majorité libérale.

Je rappellerai tout simplement, mon collègue de Témiscamingue l'a soulevé un peu mais cela m'a fait réfléchir, lorsque le secrétaire parlementaire tout à l'heure a mentionné que nous étions le seul pays au monde avec dix systèmes de taxe différents, je lui rappellerais qu'avec la proposition de la majorité libérale qui impose non seulement une TPS mais une TOC avec cela, il y a déjà deux systèmes de taxation multipliés par dix taux différents, dix taux globaux différents d'une province à l'autre. Alors, nous serons le seul pays au monde avec la majorité libérale à avoir vingt systèmes de taxation différents au lieu de dix. Belle amélioration!

Je félicite, encore une fois, mes collègues pour leur excellent travail dans l'élaboration de cette merveilleuse position du Bloc québécois.

M. Brien: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de Saint-Hyacinthe-Bagot de ses propos. Je tiens moi aussi à souligner l'excellente collaboration et l'esprit d'équipe qu'on a eus ici au Bloc québécois à travailler sur ce dossier-là, de même qu'avec un certain nombre de députés libéraux du Comité qui sont certainement en désaccord avec la position, mais qui ne pourront pas le faire à cause du fonctionnement du régime politique, parce qu'ils sont muselés. Je sais très bien aussi que nos collègues du Parti réformiste ont donné une bonne collaboration dans tout ce dossier-là, et je tiens à les en remercier.

Je tiens à dire une chose. Mon collègue a fait référence au fait d'avoir un système compliqué, il a fait des comparaisons au niveau international. Ce que je veux dire, c'est qu'il n'existe nulle part dans le monde une taxe de ce type-là, qui est une taxe hybride, un système pour un type d'entreprise et un autre système pour une autre entreprise. J'ai participé à l'ensemble des audiences, j'ai assisté à de nombreuses rencontres, j'ai fait la tournée des provinces, il n'y a pas un seul intervenant qui a suggéré cette alternative.

À quoi bon tenir des audiences publiques qui coûtent des fortunes où on gaspille beaucoup d'argent, l'argent des contribuables, si, en bout de ligne, on ne les écoute pas, et qu'en plus, après seulement quelques jours, on fait tellement un mauvais travail que le premier ministre est obligé de rappeler à l'ordre les fonctionnaires du ministère des Finances qui ont beaucoup collaboré à la rédaction du rapport et de leur dire: Écoutez, cela s'en va sur les tablettes. C'est le genre de chose qui décourage profondément la population et qui la laisse très sceptique. Je suis sûr que cela va faire très mal au Parti libéral, de la façon dont il a mené ce dossier.

[Traduction]

M. Hermanson: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Au nom du coordonnateur de notre caucus, j'aimerais informer la Chambre que, conformément au paragraphe 43(2) du Règlement, nous nous partagerons notre temps de parole.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je vais expliquer à la Chambre les raisons pour lesquelles le Parti réformiste s'oppose au rapport majoritaire sur la TPS.

Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais féliciter le président de ce comité, le député de Willowdale, pour l'avoir dirigé de main de maître et pour tout ce que nous avons appris


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sous sa houlette. Il a présidé aux audiences avec grande équité et a su traiter les témoins avec le plus grand doigté.

(1630)

Au début des audiences, j'étais un ardent défenseur de la TPS. J'avais donné des cours à ce sujet et je pensais en maîtriser parfaitement les principes. J'en comprenais bien les principes, mais je n'en avais pas saisi les difficultés.

Au début, de nombreux témoins sont venus nous dire de maintenir la TPS puisqu'on avait déjà dépensé des milliards à la mettre en place et qu'il serait stupide de ne pas utiliser cet investissement, de tout réapprendre, de modifier à nouveau les caisses enregistreuses, etc.

Nous avons également entendu des représentants très éloquents et très raffinés de regroupements des grandes industries situés à Ottawa, qui nous ont tous dit qu'il fallait maintenir la TPS, qu'il n'y avait pas d'autre solution. Ils nous ont conseillé d'élargir l'assiette fiscale, d'harmoniser la taxe avec celles des provinces et d'apporter quelques autres améliorations qui permettraient d'abaisser le coût d'administration de la TPS.

J'ai longtemps cru que c'était la solution, du moins la seule qui serait sensée pour le comité et pour le pays. Toutefois, j'ai vécu une expérience qui m'a laissé très sceptique. Avec le comité, je me suis rendu dans le plus grand nombre possible de capitales de notre grand pays. Au cours de ces déplacements, ceux qui sont, pourrait-on dire, sur la ligne de feu, en ce qui concerne l'administration et l'application de la taxe, nous ont rapporté des incidents dont il n'avait pas été question aux audiences plus formelles, où c'était surtout les représentants plus subtils des grandes organisations industrielles qui se faisaient entendre.

J'ai changé d'opinion et j'en suis arrivé à la conclusion que la TPS était irrécupérable. Cette taxe ne fait pas du tout l'affaire; c'est un cauchemar et, même si on apportait toutes les modifications proposées, ce serait toujours un cauchemar.

Aux fins du compte rendu notamment, je voudrais m'arrêter sur ce que je considère être les conséquences inéluctables d'une taxe à valeur ajoutée, dans l'hypothèse fort peu probable d'une harmonisation totale avec les provinces. Simplement pour administrer la taxe à la valeur ajoutée, il en coûte extrêmement cher. En effet, les entreprises sont tenues d'assurer constamment le suivi de leurs intrants et de leurs ventes. Il faut appliquer toutes sortes d'autres méthodes de comptabilité.

Nous savons que le gouvernement consacre de 300 à 400 millions de dollars par an pour administrer la TPS. Nous savons qu'il y a plus de 1,5 million d'inscrits, soit des gens qui sont tenus de présenter régulièrement des déclarations et à qui correspondent des adresses et des numéros introduits dans le système informatique. Il faut assurer une supervision. Il faut communiquer avec les inscrits qui ne présentent pas de déclaration. Il y a constamment des entreprises qui font faillite et d'autres qui sont établies. Il en coûte très cher simplement pour assurer le suivi de ce 1,5 million d'inscrits.

Même pour effectuer ce suivi, le gouvernement a dû faire des exemptions par le biais de la définition d'une entreprise. Tous les représentants des produits Tupperware ou Avon doivent présenter des déclarations de TPS. Or, j'ai appris que ces gens ont conclu un contrat spécial selon lequel c'est le distributeur qui se situe à l'échelon immédiatement supérieur qui acquitte la TPS.

(1635)

Ce système a été mis en place afin de réduire l'effet régressif de la taxe de vente, de façon à ainsi limiter son incidence sur les personnes à faible revenu.

Ce système coûte très cher et est difficile à administrer. Nous devons retracer tous les déclarants admissibles. Nous devons leur faire parvenir les chèques. Or, comme vous le savez, un grand nombre de ces déclarants ne peuvent être retracés. Les chèques ne leur parviennent pas. Par contre, d'autres reçoivent des chèques alors qu'ils ne le devraient pas, comme par exemple des personnes en prison. Bref, ce système coûte très cher et est difficile à appliquer.

Le député du Bloc québécois a aussi mentionné, entre autres, les inconvénients subis par les grosses familles. Notre voisin, le géant américain, n'a pas de TPS. Par conséquent, certains Canadiens qui prennent leurs vacances aux États-Unis, notamment les retraités qui y séjournent durant des mois, ne paient pas de taxes canadiennes pendant ce temps, mais ont néanmoins droit aux services dispensés dans notre pays lorsqu'ils y reviennent.

Cette situation a été évoquée par plusieurs témoins qui la trouvaient injuste. Je vous fais part ici des points de vue de Canadiens.

L'une des expériences les plus traumatisantes pour moi fut d'écouter un homme d'affaires d'une ville frontière dont le commerce avait été détruit par la TPS. Là où il y avait auparavant dix supermarchés, il n'en reste plus que deux. Là où il y avait 15 stations-service, il n'y en a plus que trois. La nouvelle taxe sur la valeur ajoutée ne réglera absolument pas ce problème.

Je suis d'avis que si, par le biais d'une harmonisation, on ajoute la taxe provinciale à la taxe sur la valeur ajoutée, cela incitera encore davantage les gens à faire des achats aux États-Unis, avec tous les problèmes que cette situation crée tout le long de la frontière.

Beaucoup nous ont dit que la taxe sur la valeur ajoutée favorise la fraude fiscale. Ce problème va lui aussi s'accentuer s'il y a harmonisation des taxes fédérale et provinciale, étant donné qu'il s'ensuivra des écarts de prix encore plus importants. À l'origine, la taxe ne devait pas avoir d'incidence au niveau du commerce international.

Comme vous le savez, le tourisme est un secteur très important. Des représentants nous ont dit qu'il n'était pas possible d'éliminer l'effet de distorsion de la TPS sur cet important secteur d'activité commerciale internationale. On nous a aussi dit qu'il serait impossible de taxer les consommateurs du secteur financier. Une étude comparative a révélé qu'aucun pays euro-


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péen, n'a pris cette mesure parce que celle-ci est tout simplement impossible à appliquer sur le plan technique.

Ces problèmes existent parce que la taxe sur la valeur ajoutée est fondamentalement imparfaite lorsque le pays voisin n'applique pas une telle taxe, et lorsque nous vivons dans une démocratie qui se préoccupe du sort des personnes à faible revenu qui, autrement, subiraient un préjudice.

(1640)

M. Nelson Riis (Kamloops): Monsieur le Président, c'est avec intérêt que j'ai écouté l'exposé de mon collègue sur le rejeton de la TPS, appelé TVA, ou VAT en anglais. Je crois qu'on appellera désormais le ministre des Finances «Vatman» ou quelque chose du genre.

Qu'en pense le député? Les librairies sont aujourd'hui remplies d'ouvrages de conseils sur la façon de frauder le fisc ou de réduire son revenu imposable, par exemple. Je dirais que la fraude fiscale est devenue pour beaucoup de Canadiens un véritable sport national. De plus en plus de Canadiens semblent profiter malheureusement de toutes les occasions qu'ils ont de frauder le fisc et de participer à l'économie souterraine.

Comment le député explique-t-il cela? Les Canadiens en général auraient-ils perdu confiance dans notre régime fiscal? Douteraient-ils que ce régime soit juste et équitable et que tout le monde contribue sa juste part? Serait-ce pour cela qu'ils sont prêts à faire n'importe quoi pour frauder le fisc? Parce qu'ils croient qu'ils paient probablement beaucoup trop d'impôts?

M. Grubel: Monsieur le Président, j'ai participé il y a deux mois, à Vancouver, à une conférence sur l'économie souterraine, dont le compte rendu devrait être publié par le Fraser Institute. C'était un magnifique sujet de discussion. Les sondages montrent que les Canadiens sont devenus extrêmement cyniques à cet égard. Le député a très bien résumé la situation.

Par ailleurs, toutefois, les spécialistes de la question ont laissé entendre dans leurs témoignages que l'économie souterraine n'est pas un phénomène aussi répandu qu'on serait porté à le croire. Elle frappe certains secteurs industriels, tels la rénovation de maisons, la cordonnerie et les services d'entretien ménager, qui, somme toute, ne comptent pas pour une très grande partie du revenu national.

La plus grande partie du revenu national est produite par les grands secteurs industriels, tels le secteur automobile et les banques, qui ne peuvent pas frauder le fisc comme on l'a laissé entendre. Néanmoins, la tentation est très forte à l'heure actuelle et cela, à cause de la TPS. Les gens qui rénovent les maisons ou qui offrent divers services directement chez les consommateurs demandent à leurs clients s'ils veulent payer la TPS et cela, tout à fait impunément.

Et les consommateurs ne voient pas pourquoi ils n'épargneraient pas cet argent, surtout si les considérations d'éthique sont tombées ou ont été érodées par suite du mécontentement suscité par les dépenses et les déficits élevés du gouvernement.

Il se peut qu'il soit très difficile de changer cela. La confiance dans le gouvernement et dans la fiscalité est peut-être épuisée. On l'a beaucoup répété à la conférence.

Nous espérons qu'elle se rétablira dès que les dépenses seront maîtrisées et que les impôts seront abaissés, comme le prévoit le programme de certains partis, mais ce sera long.

M. Ray Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, en tant que député, je voudrais tout d'abord dire que les travaux du comité sur ce sujet ont certainement été très productifs et très enrichissants.

Comme mon collègue vient de le faire, je voudrais rendre hommage au président du comité, le député de Willowdale, ainsi qu'aux fonctionnaires qui ont eu l'obligeance de nous fournir des renseignements et des conseils.

L'une des choses que j'ai remarquée, à l'amorce de nos travaux, c'est que les audiences de notre comité semblaient être des reprises des audiences de 1990.

(1645)

Nombreux sont les témoins qui nous ont dit très clairement: «Je l'ai déjà mentionné au cours de mon exposé sur la TPS en 1990, mais je crois qu'il serait bon de le répéter encore une fois en 1994.» Un certain nombre de témoins ont fait cette déclaration. Fait intéressant à noter, certaines recommandations qui avaient été faites à l'époque et qui avaient été jugées inacceptables semblaient plus acceptables au cours de la session du printemps dernier de la Chambre des communes.

Un peu plus tôt, l'un des députés se demandait si nous pouvions nous prononcer au sujet de ce rapport ou l'adopter sans nuire aux négociations avec les provinces. Il y a certainement malentendu. Le rapport crée un cadre en vue des négociations avec les provinces. Il propose diverses façons de négocier et d'examiner la responsabilité du gouvernement dans le remplacement de la TPS. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi la Chambre ne pourrait pas se prononcer sur cette question et approuver le rapport à ce stade-ci. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions le faire, même si nous n'approuvons pas certains éléments du rapport.

Qu'avons-nous vraiment appris au cours de ces audiences? Qu'est-ce que les Canadiens nous ont dit? C'est ce qu'il importe de savoir. Je crois qu'ils ont clairement signifié que la TPS était pleine de lacunes et d'embûches et qu'elle leur paraissait inacceptable à bien des points de vue.

Toutefois, ils ont aussi déclaré qu'ils ont dépensé beaucoup d'argent en 1991 pour prélever la TPS et respecter les exigences du gouvernement. Ils ont dépensé beaucoup d'argent et n'ont pas l'intention de répéter l'expérience. Voilà le message clair qu'ils ont envoyé au gouvernement, et j'espère que celui-ci ne l'oubliera pas lorsqu'il appliquera la TPS.

Ils ont aussi affirmé que l'harmonisation était une grande priorité. Cet objectif a été mentionné maintes et maintes fois devant le comité. Ils ont dit qu'il fallait harmoniser les systèmes fédéral et provinciaux. Cela a souvent été dit, mais d'après ce que


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j'entends de la part des provinces, je crois que cela ne se fera pas sans difficultés.

Par exemple, des ministres de l'Alberta m'ont dit clairement que dans l'état actuel des choses, ils ne voulaient pas que le gouvernement fédéral intervienne dans le champ de la taxation directe, dans la taxe sur les ventes au détail. Donc, dans l'état actuel des choses, nous avons une province qui a adopté une position diamétralement opposée à celle du gouvernement fédéral.

D'autres provinces se demandent quels avantages elles pourraient retirer de cette harmonisation. Je crois que si le gouvernement fédéral ne peut pas régler les questions de contrepartie et d'application, on ne voit pas quelles améliorations pourraient être apportées à la situation actuelle. À mon avis, au moins 70 p. 100 des personnes et organismes qui ont témoigné classaient l'harmonisation au rang des grandes priorités.

Les témoins ont aussi dit qu'il nous fallait simplifier la taxe en éliminant le travail et les complications au niveau local. Beaucoup des détaillants propriétaires consacrent des heures de travail et beaucoup d'argent à remplir les formulaires sur la TPS. Des hommes et des femmes reviennent après la fermeture de leur commerce pour calculer combien ils doivent envoyer à Ottawa. Il faut simplifier les formalités.

Je peux dire à la Chambre que nous améliorerions beaucoup la situation rien qu'en modifiant les formalités pour permettre aux gens de calculer une seule fois par année le montant de TPS perçue qu'ils doivent envoyer à Ottawa. Le rapport contient une recommandation en ce sens et j'estime que c'est une mesure provisoire que pourrait prendre le gouvernement.

La question de la visibilité de la taxe a aussi été soulevée. Je dirais que 50 p. 100 des gens veulent qu'elle soit cachée et 50 p. 100 veulent qu'elle soit visible. Les Canadiens ont examiné les deux possibilités et trouvent des avantages aux deux. Le Parti réformiste a déjà déclaré que toute taxe devait être visible pour que les gens sachent ce qu'ils paient et ce que leur coûte le gouvernement du Canada.

(1650)

Une autre chose très importante qui est ressortie des audiences sur la TPS, c'est que le gouvernement devrait contrôler ses dépenses afin de réduire le déficit. Le message était clair et net.

Les Canadiens ont également soulevé la question de l'engagement que le gouvernement actuel a pris à l'égard de la TPS. Il est clair pour les Canadiens que le gouvernement libéral a dit qu'il remplacerait la TPS. Lorsque cette promesse a été faite durant la campagne électorale et répétée à maintes reprises, même à la Chambre, les Canadiens ont compris que la taxe leur coûterait moins cher, qu'elle serait beaucoup plus simple et qu'elle n'entraînerait pas de frais administratifs supplémentaires.

Ils pensaient aussi que cette taxe prendrait une nouvelle forme. Je ne sais pas exactement quelle forme ils croyaient qu'elle prendrait ni comment ils en sont arrivés à cette conclusion compte tenu des solutions de rechange à la disposition du gouvernement.

J'ai demandé à mes électeurs ce que, selon eux, on devrait faire au sujet de la TPS. Au milieu d'avril, j'ai envoyé mon bulletin parlementaire à mes électeurs. Au total, 5 300 d'entre eux ont répondu au questionnaire dans lequel je leur demandais leur opinion sur la TPS, entre autre choses. Je crois que le gouvernement devrait tenir compte de cette opinion, car elle est un bon indice de la façon dont les Canadiens réagiront aux changements qui seront apportés au cours des deux prochaines années.

Voici ce que mes électeurs ont dit. Tout d'abord, 61 p. 100 d'entre eux voulaient que la taxe soit incluse dans le prix des produits et services. Cela est très intéressant, car beaucoup de personnes qui ont témoigné devant le comité ont dit la même chose. Dans le cas de mes électeurs, la proportion était de 61 p. 100.

Deuxièmement, 65 p. 100 voulaient supprimer complètement la TPS, mais seulement une fois que le déficit aura été éliminé.

Il vaut la peine de s'arrêter un instant sur ce point, car ce que les répondants disent réellement, c'est que la TPS ou son remplacement devraient être une mesure fiscale provisoire produisant des recettes d'environ 14 ou 15 milliards de dollars, mais qu'une fois réglé le problème du déficit, cette forme de taxe devrait être supprimée. Voilà ce qu'ils recommandent.

Une grande lacune du rapport présenté à la Chambre tient au fait qu'on n'y aborde pas cette question. Le gouvernement n'a pas pris d'engagement quant à la durée d'application de cette taxe. Elle finira probablement comme l'impôt sur le revenu. À l'époque de la guerre, l'idée d'un impôt sur le revenu a été mise en oeuvre uniquement à titre provisoire, et cet impôt devait être supprimé après un certain temps. Nous connaissons la suite. Aujourd'hui, nous payons toujours de l'impôt sur le revenu, et cet impôt ampute notre chèque de paie d'un fort montant.

Il est vraiment malheureux que les salariés canadiens aient à sacrifier 30 ou 40 p. 100 de leur revenu à l'impôt. Cette proportion est vraiment élevée.

Quoi d'autre mes électeurs avaient-ils à dire? Quatre-vingt-neuf pour cent des répondants veulent que la TPS serve à éponger la dette accumulée, une fois que le gouvernement aura éliminé le déficit. Ils veulent donc également que la taxe serve à payer la dette accumulée. Par ailleurs, 54 p. 100 préféreraient voir diminuer les taux d'imposition après que la taxe aura été supprimée.

(1655)

Le message est très clair. Ils estiment qu'il est temps que nous nous attachions à réduire le déficit, à réduire les dépenses publiques et, partant, à réduire la fiscalité pour que nous disposions d'une plus forte proportion de notre revenu pour répondre à nos propres besoins, à ceux de notre famille ou à ceux de notre collectivité. Il est donc temps de changer d'attitude.

Telles sont les lacunes du rapport. Tout d'abord, il parle d'instituer une taxe, mais il ne dit pas en quoi elle consistera.

5747

Deuxièmement, il n'aborde pas le thème de la réduction du déficit.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je propose, appuyé par le secrétaire d'État aux Affaires parlementaires:

Que la Chambre passe maintenant à l'ordre du jour.
Le président suppléant (M. Kilger): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les oui l'emportent.

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée.)

_____________________________________________


5747

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LA TAXE D'ACCISE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 21 juin 1994, de la motion: Que le projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur l'accise et la Loi de l'impôt sur le revenu, soit lu pour la troisième fois et adopté.

Le président suppléant (M. Kilger): La dernière fois que la Chambre a étudié le projet de loi C-32, il restait au député de St-Albert 15 minutes pour terminer son intervention.

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, je prends encore une fois la parole dans le cadre du débat sur le projet de loi C-32 et, comme j'ai été le dernier à intervenir sur cette mesure législative hier, je devrais peut-être récapituler ce que j'ai dit pour les députés d'en face.

J'ai dit qu'un pays n'est pas un pays s'il ne peut défendre ses frontières et appliquer ses lois. L'hiver dernier, nous avons constaté que ce grand et merveilleux pays qui est le nôtre a permis que ses frontières soient franchies illégalement. Le gouvernement a refusé de les défendre à maintes occasions, pendant que des millions, voire des milliards de dollars de marchandises entraient en contrebande dans notre pays.

Le non-respect de nos frontières et le refus du gouvernement de défendre ses propres frontières ont déshonoré le Canada.

La contrebande se faisait surtout par certaines réserves qui chevauchent la frontière entre le Canada et les États-Unis, et je crois savoir que c'est ce que nous appelons une zone interdite à la GRC.

Le gouvernement a même refusé d'envoyer la police pour rétablir l'ordre et faire appliquer les lois canadiennes auxquelles les gens de la région dérogeaient de façon éhontée.

Nous pouvions le constater tous les jours à la télévision. Il ne s'agissait ni de la Bosnie ni de Belfast; il s'agissait de nos propres frontières. Les motoneiges et les bateaux traversaient le Saint-Laurent, faisant passer des articles de contrebande dans notre pays. Nous pouvions entendre siffler les balles. On se serait cru dans une zone de combats.

Nous avons même entendu des gens affirmer, à la télévision, que si le gouvernement envoyait la GRC, ce serait la guerre à la frontière. Selon moi, cela aussi est honteux pour le Canada. Il n'y a pas de quoi se vanter non plus que les droits de la démocratie aient été bafoués à la Chambre hier soir. Reste que, dans notre propre pays, la GRC ne fait pas respecter nos lois et ne défend pas nos frontières. Comme si cela n'était pas encore assez insultant, ces cigarettes étaient exportées légalement par les fabricants canadiens qui étaient parfaitement conscients que 70 p. 100 de toutes les cigarettes qu'ils exportaient refranchissaient la frontière illégalement. Le gouvernement savait parfaitement ce qui se passait, et il a attendu que la situation tourne à la crise avant d'intervenir.

(1700)

Les fabricants se sont faits sciemment les complices des contrebandiers. Grâce aux exportations, ils ne perdaient pas leur marché. Au contraire, ils l'alimentaient et l'élargissaient. Ils savaient que les cigarettes exportées aux États-Unis revenaient ici et se vendaient moitié moins cher que dans le commerce, à cause des taxes élevées qui étaient perçues chez nous.

Profitant de ces bas prix, de plus en plus de gens fumaient. Les fabricants étaient donc les complices empressés de cette contrebande qui a fait perdre des milliards au Canada, dont les lois et les frontières ont été violées par des gens qui ne respectent pas notre grand pays et ne s'en soucient guère. Les fabricants, les exportateurs, les camionneurs étaient tous dans la légalité, mais ils savaient parfaitement qu'ils contribuaient à une activité illégale, privaient le gouvernement de recettes fiscales et mettaient en danger des emplois et le bien-être de notre pays.

Nous avons des lois qui visent à protéger notre société. Le gouvernement a fini par intervenir et il a proposé, en février dernier, des mesures qui se retrouvent dans le projet de loi C-32. Il a alors réduit de 5 $ la taxe fédérale sur la cartouche de cigarettes. Il a dit que, pour chaque dollar de réduction de la taxe provinciale, jusqu'à concurrence de 5 $, il proposerait une réduction équivalente, ce qui pouvait donner une réduction totale de


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15 $. Au Québec, où le problème de la contrebande était de loin le plus grave, on est même allé plus loin, et la taxe provinciale de vente a été réduite encore davantage.

Le gouvernement a également prévu une taxe d'accise de 8 $ sur les exportations de cigarettes à destination de pays où il n'y a pas de taxe. Cette mesure s'explique par le fait que des cigarettes exportées vers un pays étranger d'où ils peuvent se retrouver dans des réserves ne sont pas taxées. La taxe d'accise relève la valeur des cigarettes exportées, réduit la différence avec les cigarettes vendues au Canada et atténue donc le problème de la contrebande.

En outre, le gouvernement a imposé une surtaxe de 40 p. 100 sur les bénéfices des fabricants de cigarettes canadiens. J'estime que c'était là une punition raisonnable pour reconnaître le fait que ces fabricants avaient été des complices volontaires dans les activités de contrebande. Il fallait leur dire qu'ils ne pouvaient tirer des bénéfices de ce genre d'activités illégales. Le gouvernement leur a donc imposé cette surtaxe de 40 p. 100 en leur disant: «Nous avons besoin de cet argent pour apprendre aux jeunes que le tabagisme a des conséquences très graves non seulement sur le plan financier, mais encore sur celui de la santé.»

Mon collègue, le député de Macleod, qui est médecin, comme chacun sait, nous a donné une description frappante et animée qui n'était pas bien jolie. La description était bonne, mais le portrait de ce qui arrive aux fumeurs n'était pas très beau. Mieux vaut se reporter au compte rendu pour lire ce qu'il a dit exactement. Il a fait une bien meilleure description que je ne pourrai jamais faire.

(1705)

Les répercussions du tabagisme sur la santé des jeunes sont très graves. Évidemment, cela se répercutera plus tard sur les coûts de santé si ces jeunes souffrent de divers problèmes pulmonaires, d'emphysème ou même du cancer. Ces coûts s'ajoutent aux problèmes que nous devrons régler si les gens continuent de fumer. Le gouvernement a également adopté une mesure portant de 16 à 18 ans l'âge auquel on peut acheter des cigarettes.

Il y a quatre mesures fondamentales. La première supprime la taxe d'accise. La deuxième crée une taxe à l'exportation. La troisième impose une surtaxe aux fabricants. La quatrième relève l'âge auquel on peut acheter des cigarettes.

Sur ces quatre points, je peux approuver la taxe d'accise de 8 $, de même que la surtaxe imposée aux fabricants, car ils avaient conspiré de leur plein gré. Mais je ne peux pas approuver la réduction des taxes imposées sur les cigarettes puisque, selon les statistiques, plus elles sont bon marché, plus il est probable que les jeunes commenceront à fumer.

Pour les jeunes qui subissent les pressions de leurs pairs, le prix abordable des cigarettes est un des principaux facteurs qui les amèneront à décider de commencer ou non à fumer. Si nous pouvons en augmenter le prix au-delà de leurs moyens financiers, les obligeant ainsi à utiliser leur argent ailleurs, nous leur rendons service en les encourageant à ne pas acquérir cette habitude. Par conséquent, je ne peux pas approuver la réduction de la taxe qui était prévue dans le projet de loi C-32.

D'autant plus que la contrebande se faisait principalement au Québec et en Ontario, mais surtout au Québec, si je ne me trompe. Elle ne se faisait pas dans l'Ouest, et je représente une circonscription de l'Alberta. Ce problème n'était pas grave dans ma province, même s'il y avait une différence marquée entre le prix des cigarettes en Alberta et aux États-Unis. Nous n'avons pas de réserves indiennes qui chevauchent la frontière et qui peuvent réclamer une sorte de compétence nationale en prétendant que les lois canadiennes ne les visent pas. Bien sûr qu'elles les visent. Elles visent tous les Canadiens, et c'est là où j'en étais hier, lorsque j'ai traité des projets de loi C-33 et C-34. Je voudrais aborder ces questions très importantes, car le gouvernement refuse d'en parler, comme nous l'avons vu hier soir.

Le fait est que, maintenant que le gouvernement a réduit le prix des cigarettes ici, dans l'est du Canada, nous constatons qu'elles sont considérablement plus cher dans l'Ouest, où nous tentons toujours de décourager les Canadiens de fumer. Nous aurons maintenant un problème de contrebande de l'est à l'ouest, entre les provinces, plutôt que du nord au sud, entre le Canada et les États-Unis. Je ne saurais souscrire à l'idée de baisser sensiblement le prix des cigarettes en réduisant la taxe d'accise.

L'autre aspect que j'aimerais aborder, c'est qu'on a élevé l'âge légal que doivent avoir les jeunes pour pouvoir acheter des cigarettes, le faisant passer de 16 à 18 ans. Au début de mon discours, j'ai dit qu'un pays qui ne pouvait pas défendre ses frontières ni faire respecter ses lois n'était pas un pays. Même si le gouvernement a introduit cette mesure législative, je me demande s'il a l'intention de la faire respecter. C'est à peine s'il a fait observer la loi dans le cas des jeunes de moins de 16 ans qui achetaient des cigarettes. Voilà maintenant qu'il fait passer l'âge légal à 18 ans. Les députés croient-ils que le gouvernement va tout faire pour faire respecter la loi? Va-t-il placer des agents de la GRC devant toutes les épiceries et tous les dépanneurs? J'en doute.

Tel est le problème. Non seulement encourageons-nous les enfants et les adolescents à fumer, mais nous leur disons qu'ils peuvent impunément faire un pied de nez à la loi, car nous ne nous en soucions guère. Nous établissons des lois que nous n'avons pas l'intention de faire respecter. Nous avons, à la Chambre, des Canadiens qui ont été élus pour représenter la population et établir des lois qui soient dans l'intérêt de la société.

(1710)

À mon avis, nous n'avons pas fait preuve de leadership et de responsabilité dans ce dossier. En terminant, je dois donc faire savoir que je ne peux pas appuyer le projet de loi C-32. Si cette mesure renferme quelques bonnes idées, elle ne propose pas les vrais moyens de réduire le tabagisme chez nous, car c'est bien pour cette raison, au départ, qu'on a imposé des taxes élevées sur les produits du tabac. Je ne peux certainement pas souscrire à une mesure qui préconise de baisser les taxes et qui donne à croire


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aux jeunes que c'est correct de fumer et de se moquer de la loi. Le moment venu, je voterai donc contre le projet de loi.

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk): Monsieur le Président, j'ai trouvé la déclaration du député fort intéressante. On dirait que c'est la même personne qui a écrit tous les discours des députés d'en face et que tous les réformistes, sans exception, ont été mal informés.

Le député a dit que ce problème concernait l'est du Canada. Je me demande où il a pris ce renseignement. Il sait que c'était un problème important en Alberta. Nous avons reçu un certain nombre de plaintes de gens non seulement de cette partie du pays, mais aussi de partout. La contrebande était un problème généralisé qui touchait toutes les provinces.

D'autres députés d'en face ont dit que nous avions échoué à cet égard et le député a dit, hier, que cela avait fait augmenter la consommation de tabac. Ça m'a intrigué. J'ai donc appelé Statistique Canada aujourd'hui pour savoir ce qu'il en était. Selon Statistique Canada, les Canadiens ont fumé environ 3,6 milliards de cigarettes au cours de l'année qui s'est terminée en avril 1994, comparativement à environ 4,3 milliards de cigarettes l'année d'avant. Il semble que la consommation de tabac a énormément diminué. Cela tient en grande partie aux politiques que le gouvernement a adoptées et surtout à l'excellent travail que la ministre de la Santé a accompli.

L'une des choses que ces députés semblent laisser entendre tout le temps, c'est qu'il s'agit simplement d'un problème d'autochtones, qu'il existe, en quelque sorte, deux systèmes juridiques dans notre pays, l'un pour les autochtones et l'autre pour les autres Canadiens. Je trouve plutôt troublant que des députés puissent laisser entendre cela. Il n'y a pas deux systèmes de lois dans ce pays. Nous avons un ensemble de lois pour tous les Canadiens.

Il y avait un problème avant notre arrivée au pouvoir. La GRC avait du mal à faire face à certaines situations dans certaines réserves. Je souhaiterais que les députés de l'autre côté aillent visiter ces réserves. La situation n'est pas aussi simple. Ce n'est pas en envoyant des agents de la GRC qu'on va régler le problème de ces gens. Ce sont de braves gens. Ce sont des Canadiens et la majorité de ceux qui vivent sur les réserves respectent la loi. Ils voudraient que tous les Canadiens sachent qu'ils sont des citoyens respectueux de la loi. Certes, il existe des problèmes sur les réserves. Certes, il s'y trouve des personnes qui ne font pas cas de la loi.

Lorsqu'il a introduit ce projet de loi, le gouvernement s'est engagé à veiller à ce que la GRC soit envoyée sur ces réserves pour régler les problèmes. Le député se trompe quand il suggère que nous devrions en quelque sorte militariser les réserves, y envoyer la police, et subjuguer ces gens par la force pour mettre fin à la contrebande.

(1715)

Cela ne ferait que créer de l'animosité, de la méfiance. Ce ne serait pas un bon exemple pour les Canadiens.

Le député croit-il vraiment qu'il existe plusieurs systèmes de lois dans ce pays, ou est-ce pour se conformer à la ligne du Parti réformiste qu'il dit cela? Croit-il vraiment qu'il y a dans ce pays des Canadiens. . .

M. Strahl: Croyez-vous vraiment à votre question?

M. Speller: Oui, j'y crois. Le député pense-t-il vraiment qu'il existe plusieurs systèmes de lois dans ce pays? Dans ce cas, que propose-t-il afin de régler les problèmes qu'il a décrits?

M. Williams: Monsieur le Président, après tout cela, je devrais avoir droit à 15 minutes de plus.

Le député a parlé de désinformation, mais je crois que toute la désinformation provient de l'autre côté de la Chambre. Les faits dont nous avons parlé correspondent à la réalité. Mon collègue a cité des chiffres de Statistique Canada. Si on prête attention aux dates, il comparait visiblement les chiffres qui s'appliquaient avant le dépôt du projet de loi C-32, avant que le gouvernement ne réduise les taxes d'accise.

Je ne doute nullement que le tabagisme va prendre de l'ampleur par suite de la réduction importante du prix des produits du tabac. Statistique Canada montre qu'il existe un lien direct entre l'un et l'autre. Je suis convaincu que le tabagisme va augmenter, en particulier chez les jeunes et surtout, comme on le constate maintenant, chez les jeunes femmes.

Pour ce qui est des autres points soulevés par mon collègue, il parle de plusieurs ensembles de lois au Canada. Hier, nous avons tenté de le faire comprendre aux députés d'en face, mais nous n'avons pas pu parce qu'ils ont eu recours à la clôture.

Le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord a déposé un projet de loi qui soustrait les autochtones de ce pays, au Yukon et ailleurs, aux termes des accords visés dans les projets de loi C-33 et C-34, à l'application de la Charte des droits, contrairement à tous les autres Canadiens. Il y a donc clairement au Canada deux ensembles de lois pour deux groupes distincts, et cela, à la grandeur du pays et dans le cas plus restreint des réserves qui chevauchent la frontière.

Je me rappelle que le ministre de la Défense nationale était présent au débat qui avait fait suite aux tirs dirigés contre un hélicoptère qui effectuait, au-dessus d'une réserve, un vol de surveillance relié à la contrebande du tabac. Le gouvernement avait très peur de prendre des mesures et le ministre avait déclaré que l'incident n'était pas grave, puisque l'hélicoptère n'avait pas été atteint par les projectiles.

Voilà que le ministre de la Défense nationale, qui a toutes les ressources à sa disposition, déclare qu'on peut tirer sur nous, à condition de ne pas nous toucher, car nous ne tenons pas à riposter. Pourtant, quiconque au Canada s'en prendrait aux biens ou au personnel du gouvernement aurait à en répondre en justice.

En réponse à la question du député, la désinformation vient de l'autre côté. Regardez les faits. La situation est sérieuse.


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Je termine an disant qu'un pays doit défendre ses frontières et appliquer ses lois et ce sont justement là les principes fondamentaux qui ont été violés. Le gouvernement devrait y veiller ou s'assurer que les lois qui ne peuvent pas être appliquées ne le sont pas ou ne sont jamais proposées.

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de reprendre le débat, j'aimerais indiquer à la Chambre que nous passons maintenant à la prochaine étape du débat. Les députés pourront faire des interventions de 10 minutes au maximum, sans période de questions ou d'observations.

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Et moi qui avait hâte d'entendre les questions et observations, monsieur le Président.

(1720)

Nous tiendrons une séance spéciale à l'extérieur après.

Monsieur le Président, merci de me donner ainsi l'occasion de participer à ce débat. Comme vous le savez, le projet de loi C-32 constitue une partie très importante du budget que nous avons présenté le 22 février 1994.

J'aimerais consacrer une partie de mon temps à une revue des principales caractéristiques de ce projet de loi, mais je voudrais aussi réagir à certains commentaires formulés durant le débat d'hier. Vous savez que parfois, étant donné le rythme des débats, nous ne prenons pas le temps de lire sérieusement les déclarations des autres et de songer aux conséquences de ce que les autres députés peuvent dire.

Le premier point que j'aimerais soulever concerne une déclaration qui se trouve à la page 5626 du hansard d'hier. Un député demande: «Pourquoi le gouvernement libéral actuel semble-t-il toujours s'empresser de nous présenter des projets de loi sans avoir les rapports des comités mis en place à cet effet?»

Je tiens à rassurer les Canadiens; ce gouvernement ne précipite jamais l'étude des projets de loi importants. Nous avons lancé ce débat ouvertement, non pas en février, mais dès décembre de l'année dernière, et nous l'avons poursuivi en janvier et février, jusqu'à la présentation du budget par le ministre des Finances.

Les mesures contenues dans ce projet de loi ont été clairement expliquées dans les documents originaux du budget et ce projet de loi purement technique permettra au gouvernement de mettre en oeuvre ces mesures, très importantes pour la réussite du budget.

Comme les membres de notre propre parti, les partis de l'opposition ont eu l'occasion de convoquer des témoins et certains témoins se sont effectivement présentés afin de discuter du projet de loi C-32. Le fait est que la coalition n'a pas fait une, mais deux présentations concernant la partie de cette mesure qui porte sur le tabac.

Il est donc important que les députés de l'opposition n'interprètent pas trop librement les activités du gouvernement et ne donnent pas la fausse impression que nous étions pressés et que nous ne leur avons pas laissé l'occasion de parler. Je tiens à dire à la Chambre que tous ceux qui ont demandé au Comité des finances de parler de cette mesure législative ont pu le faire et nous avons promis, à l'avenir, de donner aux partis d'opposition et à nos propres députés la possibilité d'inviter des gens à parler d'une mesure législative à l'étude.

Bien sûr, les députés de l'opposition sont invités à présenter des amendements en comité et à l'étape du rapport pour que l'on puisse, si besoin est, améliorer la mesure.

Cette mesure-ci porte principalement sur la contrebande de cigarettes. Comme les députés l'ont dit ces derniers jours et auparavant, il y avait eu une augmentation soudaine de la contrebande de cigarettes au Canada. Celle-ci avait de graves conséquences pour le gouvernement, les affaires et les citoyens. La pénétration accrue des produits de contrebande avait entraîné une baisse massive des recettes des gouvernements. Ces recettes sont importantes et servent à financer des programmes et des services dans de nombreux domaines de responsabilité.

En conséquence, le gouvernement a annoncé, le 8 février 1994, une initiative destinée à éliminer l'essentiel de la contrebande. Le plan national d'action comprenait un renforcement des mesures de répression, notamment par l'accroissement des ressources de la GRC et des Douanes, pour qu'elles puissent intensifier leurs efforts le long de la frontière avec les États-Unis et s'attaquer aux réseaux organisés faisant la contrebande de cigarettes et d'autres produits.

Outre les changements précis apportés à la taxe d'accise et à l'impôt sur le revenu, le projet de loi C-32 prévoit aussi un certain nombre de mesures d'importance pour le succès à long terme d'un plan d'action national en matière de contrebande. Cette mesure législative prévoit une remise intégrale des taxes sur les stocks, à la suite de la réduction de la taxe d'accise de 5 $.

Tous les détaillants et grossistes sont admissibles à la pleine remise des taxes sur les cigarettes, les bâtonnets de tabac et le tabac fin libérés de taxe qu'ils avaient en stock à minuit, le 8 février 1994.

Revenu Canada est responsable de l'administration du programme de remise sur les stocks. Dès qu'il aura reçu la sanction royale, ce projet de loi habilitera le ministre du Revenu national à verser ces remises.

Plusieurs questions ont été soulevées et je tiens à assurer à la Chambre que nous en avons tenu compte. Dans le cas de la réduction des taxes, la question qui revient le plus souvent est: «Pourquoi le plan d'action national en matière de contrebande prévoit-il une réduction des taxes sur le tabac?»

En 1992, le gouvernement avait annoncé une vaste gamme de mesures visant à faire appliquer la loi, en réaction à l'importante


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augmentation de la contrebande du tabac que la hausse des taxes fédérale et provinciales avait déclenchée.

(1725)

Ces mesures prévoyaient notamment un contrôle beaucoup plus serré de la distribution et de la vente des produits du tabac libérés de taxe, des sanctions beaucoup plus importantes pour les contrebandiers, de nouvelles dispositions pour la poursuite des criminels et l'allocation de ressources supplémentaires substantielles au bureau des douanes et à la GRC pour leur permettre de resserrer la surveillance, à la frontière et ailleurs au Canada.

Ces mesures ont aidé à la lutte contre la contrebande du tabac, mais elles n'ont pas permis de maîtriser le problème. La différence de prix entre les produits du tabac canadiens taxés et les produits de contrebande était telle que les profits de la contrebande compensaient largement le risque encouru. C'est pourquoi, en dépit de ces mesures, la contrebande a continué à augmenter, passant de 15 p. 100 des ventes totales de tabac au Canada en 1991, à 25 p. 100 en 1992, puis à 40 p. 100 en 1993.

Le plan d'action national du gouvernement contre la contrebande est un plan intégré à plusieurs volets comprenant l'action policière, la réduction de la taxe sur les cigarettes, des mesures visant les fabricants de produits du tabac et des mesures en vue de freiner la consommation de ces produits, sans oublier la taxe à l'exportation. La taxe à l'exportation des produits du tabac est conçue pour contrôler de plus près les envois à l'étranger et pour éviter qu'ils ne se fassent en quantités telles qu'ils approvisionneraient le trafic illégal, comme cela s'est déjà produit.

Par ailleurs, le projet de loi C-32 prévoit certaines exemptions limitées permettant aux fabricants de satisfaire la demande à l'exportation en vue d'une consommation légitime à l'étranger. Ces exemptions sont basées sur les niveaux d'exportation traditionnels, qui étaient de 2 à 4 p. 100 du total de la production nationale avant que la contrebande ne devienne un problème au Canada. En outre, si un fabricant peut fournir une preuve satisfaisante que les taxes imposées sur les produits par le gouvernement national du pays importateur ont été payées, il bénéficie d'une exemption en vertu du principe que les produits du tabac libérés de taxe ne servent pas à approvisionner le marché des cigarettes de contrebande.

Cette taxe n'est imposée qu'aux fabricants de produits de tabac car eux seuls peuvent exporter ces produits en franchise de taxes et droits canadiens.

Il y a également une surtaxe destinée à la promotion de la santé, qui sera en vigueur trois ans. D'aucuns ont demandé pourquoi ne pas la rendre permanente? Elle constitue l'un des volets du plan d'action national du gouvernement de lutte contre la contrebande. Conçue pour contrer les risques d'augmentation de la consommation due à la baisse de la taxe sur les cigarettes, elle fournira les fonds nécessaires pour lancer une vaste campagne anti-tabac visant à décourager les gens de se mettre à fumer. Le gouvernement s'attend à ce que les taxes sur le tabac ne demeurent pas indéfiniment aussi basses qu'elles le sont à l'heure actuelle. C'est pourquoi il a été jugé qu'il ne convenait pas de faire de cette surtaxe un élément permanent du régime fiscal.

Hier, un député de l'un des partis de l'opposition a fait observer avec beaucoup d'à-propos que j'avais soulevé ce point dans mon témoignage devant le comité des finances de la Chambre. On peut lire dans le compte rendu des délibérations du comité que la consommation de tabac est un sujet de préoccupation pour nous, comme pour tous les députés d'ailleurs, et que les mesures prises par le gouvernement ne contribuaient pas à la faire augmenter.

Afin d'aider les autorités fédérales ainsi que les provinces à exercer un certain contrôle sur le détournement de produits du tabac, le projet de loi C-32 contient de nouvelles dispositions concernant la responsabilité et les infractions relatives à la taxe d'accise. Une taxe d'accise supplémentaire sera imposée au grossiste ou au commerçant de détail sur toute vente à une personne d'une autre province de produits du tabac estampillés. La loi rend en outre illégal pour quiconque de vendre ou d'offrir de vendre des produits du tabac estampillés destinés à être consommés dans une province à un consommateur vivant dans une autre province, et les contrevenants seront passibles d'une amende.

Je peux assurer à la Chambre que ce sujet inquiète beaucoup les Manitobains. Cette disposition était destinée à répondre aux préoccupations des gens de l'Ouest.

Je dois dire que, dans le cadre de mon intervention, je tenais à attirer l'attention de la Présidence sur le fait que la réaction des députés à certaines mesures est parfois exagérée. Permettez-moi de citer un député qui a déclaré ceci hier. La citation figure à la page 5649 du hansard.

Cette diminution des taxes sur les cigarettes est le geste de sabotage le plus désastreux pour la santé des Canadiens qu'un gouvernement ait jamais posé de toute l'histoire du pays.
C'est un peu fort. J'ajouterai qu'un autre représentant du même parti a pour sa part déclaré, et je cite la page 5629 du hansard:

Nous appuyons le versement immédiat des remises de taxe aux détaillants et aux distributeurs canadiens.
Des voix: Oh, oh!

M. Walker: Récapitulons un peu pour les députés qui n'auraient pas suivi. D'abord, cette diminution des taxes sur les cigarettes est le geste de sabotage le plus désastreux pour la santé des Canadiens qu'un gouvernement ait jamais posé de toute l'histoire du pays et ensuite qu'ils sont en faveur du versement immédiat des remises de taxe aux détaillants et aux distributeurs canadiens. Qu'est-ce que ce serait si quelque chose de vraiment grave se produisait au Canada?

Je voudrais aussi attirer l'attention de la Chambre sur quelques autres points. L'opposition ne comprend pas très bien, semble-t-il, les modifications apportées à la taxe de transport aérien. Il convient de signaler que le nouveau régime de taxe de


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transport aérien a pour but de réduire le prix des vols à courte distance.

Ce point a été porté à notre attention par un témoin venant de la province de Québec. Il a également été soulevé à la Chambre hier par un député du Québec. Je tenais à rappeler que la taxe de transport aérien sera réduite à l'égard de la plupart des vols parce qu'ils répondent au critère de courte distance.

Il est très important que le gouvernement puisse faire preuve de souplesse pour répondre aux besoins du marché local et des gens d'affaires qui trouvent que le coût du transport ralentit les affaires. Le député d'en face l'a fait observer et je suis tout à fait d'accord avec lui, le prix de ces vols revêt une grande importance. Des prix élevés ralentissent les affaires partout dans l'ouest du pays. Nous nous sommes cependant efforcés, par cette mesure, de réduire la taxe d'aéroport à l'égard de vols à courte distance et de majorer plutôt celle applicable aux vols à longue distance. Cela nous paraît plus juste ainsi.

Monsieur le Président, j'aurais encore beaucoup à dire à propos des commentaires qui ont été formulés à la Chambre, mais je veux laisser le débat suivre son cours, comme vous d'ailleurs. J'exhorte néanmoins tous les députés à adopter le projet de loi C-32 le plus vite possible.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

M. Milliken: J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour suspendre l'étude des initiatives parlementaires afin que nous puissions terminer le débat sur le projet de loi C-32.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre a entendu la motion. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. Kilger): D'accord. Nous reprenons le débat sur le projet de loi C-32.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin): Monsieur le Président, je suis heureux de me lever à la Chambre aujourd'hui pour intervenir au sujet du projet de loi C-32, au nom du Parti réformiste. Malheureusement, certains de mes collègues avaient rédigé des discours en vue d'intervenir eux aussi, mais ils n'auront pas la chance que j'ai eue.

Nous avons vu hier soir l'interprétation que donnent les libéraux d'une démocratie ouverte, quand ils ont invoqué la clôture à l'égard de ce projet de loi et d'autres mesures législatives discutables dont la Chambre est saisie.

Nous avons ici un autre projet de loi omnibus qui traite de questions aussi variées que la taxe d'aéroport, les modifications aux indemnités de repas et les activités de lutte contre la contrebande. Aujourd'hui, mes observations vont porter sur la contrebande de cigarettes et la partie du projet de loi concernant l'imposition. Je pense que cette mesure est un pas dans la bonne direction. Nous devons sensibiliser le public aux dangers liés à la consommation de produits du tabac. Je suis d'accord avec l'imposition d'une taxe à l'exportation relativement à ces produits.

Les députés de notre parti sont en faveur de mesures de répression plus rigoureuses en ce qui a trait à la contrebande. Le corps policier canadien est l'un des meilleurs au monde. Nous avons aussi des lois. Par conséquent, j'ai vraiment beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi ce problème est traité si différemment des autres. Prenez le cas de ceux qui font des excès de vitesse. Le fait que les gens ne respectent pas les limites de vitesse n'est pas une raison pour changer les lois et supprimer ces limites de façon à permettre aux automobilistes de rouler à n'importe quelle vitesse. Non. Nous trouvons plutôt des moyens d'intercepter les contrevenants et nous leur imposons des peines parce qu'ils ne respectent pas les lois.

En ce qui a trait à l'observation des lois, nous avons aussi un problème avec la contrebande d'est en ouest au Canada. Il me semble que nous sommes plus que prêts à appliquer la loi dans le cas de la contrebande internationale, mais que nous sommes très réticents à en faire autant dans le cas de la contrebande au niveau interprovincial.

Combien d'argent pensez-vous que le gouvernement perd avec sa nouvelle politique de réduction des taxes?

(1735)

Il a pour politique d'élargir l'assiette fiscale et pourtant, il se prive volontairement de centaines de millions de dollars de revenu. Si le gouvernement libéral réduit les taxes sur les cigarettes dans tout le pays et se prive ainsi de centaines de millions de dollars de recettes, il ne pourra pas, me semble-t-il, ramener comme il le veut le déficit à 3 p. 100 du PIB en trois ans sans compenser ce manque à gagner ailleurs, d'autant plus qu'il hésite à réduire sensiblement ses dépenses.

Ici comme dans les assemblées législatives provinciales, beaucoup de débats ont sans doute conclu à la nécessité de hausser les taxes sur le tabac afin, non seulement de tirer des recettes additionnelles de ces prétendues taxes sur le péché, mais encore de décourager les gens de fumer. La réduction des taxes sur les cigarettes n'a aucun sens à cet égard.

En outre, ce projet de loi vise à hausser l'âge à partir duquel on peut acheter des produits du tabac, ce qui est fort louable, mais, par ailleurs, le gouvernement rend plus abordable le prix du tabac et des cigarettes. Maintenant que les cigarettes coûtent moins cher, notre système de soins de santé déjà surchargé s'en ressentira-t-il? Des statistiques ont été citées ici à l'appui de l'une ou l'autre des hypothèses, à savoir qu'on fume plus ou qu'on fume moins par suite de cette mesure.

Cela m'amène à me demander si les statistiques de Statistique Canada tiennent compte des cigarettes qui sont entrées au Canada en contrebande.


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Pour prendre une tangente légèrement différente, je dirai qu'un précédent me semble avoir été clairement établi ici. Nous avons déterminé que, pour mettre fin à la contrebande, il fallait réduire la taxe pour que les contrebandiers ne puissent plus réaliser de profits.

La contrebande de l'alcool constitue aussi un sérieux problème au Canada. Il est facile d'établir un parallèle entre la contrebande du tabac et la contrebande de l'alcool. Au Canada, une bouteille d'alcool coûte à peu près le double ce qu'elle coûte aux États-Unis et les taxes représentent 87 p. 100 de son prix. Cela signifie que les fabricants d'alcool ont 13 p. 100 du prix vente de chaque bouteille pour produire, embouteiller, annoncer, transporter l'alcool, pour payer leurs immobilisations et leurs employés et pour retirer leur profit.

Dans une telle situation, doit-on s'étonner qu'il y ait de la contrebande d'alcool entre les États-Unis et le Canada? J'ai l'impression que nous sommes en train de favoriser l'émergence d'une nouvelle génération de contrebandiers. D'après les statistiques que j'ai ici, quatre millions des 17 millions de caisses d'alcool vendues au Canada chaque année sont vendues par des contrebandiers. Cet alcool entre au Canada illégalement. Il s'agit d'alcool exporté du Canada et qui repasse illégalement la frontière pour être vendu sur le marché canadien.

Nous sommes arrivés au chiffre de quatre millions de caisses en communiquant avec les sociétés des alcools provinciales, en établissant des comparaisons entre la consommation par habitant au Canada et aux États-Unis, en menant des sondages sur les habitudes de consommation et en consultant les organismes de Revenu Canada chargés de l'application des lois.

Il y a un vaste débat sur ce que devrait dire le texte de loi et sur le système à deux niveaux. A-t-on une loi pour un groupe de citoyens et une autre loi pour un autre groupe? Peut-être y aurait-il lieu de débattre de cette question. Une chose est sûre, c'est que la loi n'est pas appliquée partout de la même manière.

Nous sommes devant un problème de respect des lois. Nous aurions dû appliquer les lois de façon plus sévère. Nous avons des lois et nous avons des services de police pour les appliquer. Il suffit simplement de le faire.

(1740)

Si nous partons du principe que la réduction des taxes est le meilleur moyen d'empêcher la contrebande de cigarettes, alors je crois qu'il faudrait faire exactement la même chose avec l'alcool. Comme je l'ai dit, nous devons appliquer les lois de façon plus vigilante et accroître les sanctions imposées aux contrebandiers. À mon avis, la réduction des taxes ne devrait même pas faire partie de la solution.

Je trouve cela extrêmement difficile d'appuyer ce projet de loi sous sa forme actuelle et je n'ai donc pas l'intention de le faire à ce moment-ci.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (M. Kilger): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. Kilger): Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 79)

POUR

Députés
Alcock
Allmand
Anderson
Assad
Assadourian
Augustine
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bellemare
Berger
Bethel
Blondin-Andrew
Bodnar
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Chan
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Copps
Cowling
Crawford
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky
Duhamel
Dupuy
Easter
English
Fewchuk
Finlay
Flis
Fontana
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gauthier (Ottawa-Vanier)
Godfrey
Goodale
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Grubel
Guarnieri
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Ianno
Iftody
Irwin
Jordan
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
LeBlanc (Cape Breton Highlands-Canso)
Loney
MacLaren (Etobicoke North)
Maloney
Marleau
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Minna
Mitchell
Morrison
Murphy
Murray
Nault
O'Brien
O'Reilly
Pagtakhan
Parrish
Peric
Peterson
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Proud
Reed
Regan
Richardson
Robichaud

5754

Rompkey
Scott (Fredericton-York Sunbury)
Shepherd
Sheridan
Silye
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Northumberland)
Stinson
Szabo
Thalheimer
Tobin
Torsney
Ur
Valeri
Vanclief
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Young
Zed-125

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Bachand
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brien
Brown (Calgary Southeast)
Bélisle
Canuel
Caron
Chatters
Crête
Cummins
Daviault
Debien
de Savoye
Dubé
Duceppe
Duncan
Epp
Fillion
Forseth
Frazer
Gilmour
Godin
Gouk
Grey (Beaver River)
Guay
Hanrahan
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Jacob
Johnston
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lebel
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loubier
Marchand
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
McLaughlin
Mercier
Meredith
Ménard
Nunez
Paré
Penson
Pomerleau
Ramsay
Riis
Ringma
Rocheleau
Sauvageau
Schmidt
Scott (Skeena)
Solberg
Solomon
Speaker
Strahl
Taylor
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)-76

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Députés
Asselin
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Bertrand
Bonin
Bouchard
Dalphond-Guiral
Deshaies
Dumas
Finestone
Fry
Gagnon (Québec)
Gauthier (Roberval)
Gerrard
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lincoln
Maloney
Picard (Drummond)
St-Laurent
Stewart (Brant)
Verran

(1800)

(Le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)

(1805)

M. Milliken: Monsieur le Président, je fais appel au Règlement. Vous constaterez, je pense, qu'il y a consentement unanime au sujet de quelques motions.

_____________________________________________

5754

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

LES RAPPORTS DES COMITÉS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Je propose:

Que, nonobstant les pratiques habituelles de la Chambre, tous les comités sont habilités à déposer leurs rapports auprès du Greffier de la Chambre les jours où la Chambre est ajournée conformément à l'article 28(2) du Règlement, et que ces rapports soient de ce fait réputés avoir été présentés à la Chambre.
(La motion est adoptée.)

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je pense que vous constaterez qu'il y a consentement au sujet de la motion suivante. Je propose que le 28e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre le vendredi 10 juin 1994, soit agréé.

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

M. Milliken: J'ai une autre proposition, monsieur le Président; que nous continuions de suspendre l'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires et que nous passions au projet de loi C-34.

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


5754

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DES PERMIÈRES NATIONS DU YUKON

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) propose: Que le projet de loi C-34, Loi relative à l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon, soit lu pour la troisième fois et adopté.

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Monsieur le Président, je suis extrêmement heureux de prendre la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-34, qui donne effet à un accord historique établissant l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon.


5755

C'est un plaisir particulier pour moi étant donné que lorsque j'étais ministre des Affaires indiennes, en 1976-1977, j'ai pris part aux négociations initiales sur ces questions. À l'époque, le Conseil des Indiens du Yukon avait formulé une revendication intitulée «Together Today for our Children Tomorrow», qui avait été présentée par Elijah Smith, un chef remarquable des Indiens du Yukon. Peu après, j'ai traité avec le nouveau président des Indiens du Yukon, Daniel Johnson.

J'ai appuyé cette revendication à l'époque-il y a longtemps-et je suis heureux aujourd'hui qu'elle soit finalement, après bien des hauts et des bas, conclue et ratifiée par la Chambre des communes. Je tiens à faire remarquer que le retard accumulé pendant de nombreuses années est dû au fait que les Indiens du Yukon ont présenté, et c'est à leur mérite, leurs revendications territoriales de la façon traditionnelle, mais ont voulu aussi inclure l'autonomie gouvernementale des autochtones dans leurs revendications. C'est ce qui a retardé les négociations.

Il est aussi intéressant de noter que certaines personnes qui, en 1976-1977, jouaient un rôle actif au sein du Conseil des Indiens du Yukon en jouent encore un aujourd'hui. Hier soir, j'ai noté la présence à la tribune de personnes comme David Joe, Harry Allen et Vic Mitander. Je tiens à les féliciter, ainsi que Judy Gingell, la nouvelle présidente des premières nations du Yukon, pour leur ténacité et leur engagement à l'égard de leur revendication. Je les félicite d'avoir persévéré dans leur revendication bien que les négociations n'aient pas toujours été faciles.

(1810)

Il est intéressant de noter également que quand nous avons entamé ce processus dans les années 70, très peu de Canadiens comprenaient et appuyaient ce que nous faisons aujourd'hui. Les gens ne comprenaient et n'appuyaient guère les revendications territoriales des autochtones, encore moins l'idée de leur autonomie gouvernementale. Au fil des ans, cependant, de grands progrès ont été réalisés, notamment en ce qui concerne la sensibilisation du public, à tel point qu'aujourd'hui ces revendications jouissent d'un formidable appui.

Ce succès est en partie attribuable aux autochtones, mais aussi au Comité spécial sur l'autonomie politique des Indiens qui était dirigé, dans les années 80, par Keith Penner, l'ancien député du nord de l'Ontario. Je faisais aussi partie de ce comité. Le processus qui a abouti à l'Accord de Charlottetown prévoyait des dispositions sur l'autonomie gouvernementale des autochtones et ces dispositions, à ce moment-là, avaient recueilli énormément d'appui chez les Canadiens. Même si les Canadiens ont rejeté l'Accord de Charlottetown, les dispositions sur l'autonomie gouvernementale des autochtones ont reçu beaucoup d'appui.

Les Canadiens ont dû faire beaucoup de chemin avant de comprendre et d'appuyer l'autonomie gouvernementale des autochtones. Malheureusement, tous n'y souscrivent pas encore. J'ai le regret de dire qu'il y a encore, à la Chambre, un certain nombre de députés, du Parti réformiste notamment, qui ne semblent pas encore comprendre cet important concept et qui ressortent toujours les vieux mythes et les stéréotypes concernant les autochtones. Je demanderais très sincèrement à ces députés de jeter un regard neuf sur la question. Il est encore temps, pour eux, de voter en faveur de cette importante mesure législative.

Il ne faut pas oublier que les peuples autochtones du Canada, en particulier, et de l'Amérique du Nord, en général, ont vécu ici pendant des milliers d'années avant l'arrivée des Européens. En ce temps-là, ils avaient leurs terres, leurs gouvernements, leurs langues, leurs cultures, leurs lois et leurs économies. Ils étaient des nations et vivaient sur les terres que nous occupons aujourd'hui.

Quand les Européens, dont nous descendons pour la plupart, sont arrivés, les autochtones ont tout d'abord cru qu'ils partageaient les terres avec eux. Ils n'avaient certes pas l'intention de leur céder leurs terres. Ils n'ont jamais dit qu'ils leur cédaient leurs droits et leur souveraineté à l'égard de ces terres, ni leurs cultures, leurs traditions ou leurs gouvernements. Malheureusement, nous, qui descendons des Européens, les leur avons pris progressivement.

Il n'est que juste que les revendications et les droits des autochtones soient enfin reconnus par cet accord et les traités et accords de règlement des revendications territoriales qui suivront. Nous avons convenu de conclure avec les autres nations autochtones le même genre d'entente que celle que nous concluons aujourd'hui avec les premières nations du Yukon.

Nous sommes rendus à la troisième et dernière lecture du projet de loi C-34 qui porte sur l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon. Les accords dont il est question dans cette mesure législative sont, à maints égards, les plus complexes que nous ayons jamais cherché à conclure dans notre pays. Ils sont uniques, car ils sont les premiers du genre à être directement liés à une revendication territoriale complète qui soit ratifiée simultanément.

(1815)

Cette mesure législative sera adoptée en même temps que le projet de loi C-33, Loi portant sur les revendications territoriales du Yukon. Il s'ensuit que la question des revendications et celle de l'autonomie gouvernementale seront réglées simultanément chez ces premières nations qui ont signé des accords sur l'autonomie gouvernementale.

Il s'agit aussi de la première mesure législative sur l'autonomie gouvernementale à s'appliquer à toutes les premières nations d'une province ou d'un territoire. Les accords sur l'autonomie gouvernementale n'étaient conclus jusqu'ici qu'avec une seule bande, soit la bande Sechelt en Colombie-Britannique, par exemple, ou avec un groupe régional, comme les Cris et les Naskapis du nord du Québec.

Le règlement touchant le Yukon, une initiative du Conseil des Indiens du Yukon, englobe la plupart des peuples autochtones du territoire, soit près d'un quart de la population totale du Yukon.

Cette mesure législative est également la première loi portant sur l'autonomie gouvernementale à regrouper plusieurs cultures et communautés autochtones différentes. Le Yukon compte sept groupes linguistiques distincts au sein de sa population autochto-


5756

ne. On dénote 16 communautés au Yukon qui, toutes ou presque, comptent une importante population autochtone.

Enfin, la loi portant sur l'autonomie gouvernementale du Yukon est la première à conférer aux premières nations le pouvoir d'offrir certains programmes et services, non seulement à ceux qui vivent sur les terres octroyées par l'accord, mais également aux membres des premières nations qui vivent hors de ce territoire. C'est là un autre précédent.

Étant donné ces caractéristiques uniques, il n'est pas étonnant que de longues négociations aient précédé la conclusion des accords définitifs. En raison de la complexité et de la diversité des communautés autochtones du Yukon, le gouvernement a accepté de négocier et de signer des accords d'autonomie gouvernementale avec chacune des 14 premières nations. Quatre de ces accords ont été finalisés et cinq autres font actuellement l'objet de négociations actives.

Le gouvernement a bon espoir de mener les négociations à terme d'ici quelques années. Chaque accord comportera des dispositions propres aux particularités et besoins de chacune des premières nations, mais tous les accords négociés jusqu'à maintenant comporteront des traits communs.

Le premier est la reconnaissance des structures gouvernementales des premières nations. À la différence de la structure de bande régie par la Loi sur les Indiens, qui sera remplacée, les premières nations auront des pouvoirs étendus, comparables à ceux des autres gouvernements, qui leur permettront de passer des contrats, d'acquérir et de conserver des biens et de constituer des sociétés. Ces pouvoirs sont indispensables si nous voulons que les premières nations puissent administrer efficacement leur autonomie gouvernementale et prendre des mesures pour améliorer la situation économique et sociale des communautés autochtones.

Deuxièmement, ces accords remplacent la Loi sur les Indiens. Aux termes de l'accord, la Loi sur les Indiens ne régit plus aucune première nation du Yukon, ses citoyens ou ses terres. Seules quelques dispositions mineures restent en vigueur, par exemple celles qui concernent les personnes considérées comme des Indiens aux termes de la Loi sur les Indiens et les dispositions sur le traitement à appliquer aux terres des réserves sous un régime d'autonomie gouvernementale, puis les dispositions qui concernent le traitement des fonds de fiducie pour des mineurs.

Troisièmement, les accords créent un processus permanent de transfert des programmes du ministère des Affaires indiennes aux premières nations. Les accords prévoient implicitement que les gouvernements des premières nations administreront de nombreux programmes et services qui relèvent actuellement des gouvernements fédéral ou territoriaux. Les gouvernements autochtones seront notamment responsables des services sociaux, des services de santé et de l'éducation.

Le transfert de compétences se fera au cours d'une période transitoire où les premières nations désigneront les programmes qu'elles sont disposées à prendre en main et l'ordre dans lequel elles entendent le faire. Des rencontres annuelles permettront au gouvernement et aux premières nations d'examiner les priorités et de s'entendre sur le moment opportun des transferts et de leur financement.

(1820)

Ce processus prendra du temps, mais le gouvernement est sûr qu'au cours des prochaines années, le ministre pourra réduire d'environ 75 p. 100 les opérations du ministère des affaires indiennes et inuit au Yukon. Il ne conserverait qu'un personnel restreint chargé de voir aux responsabilités et aux obligations directement liées au transfert des responsabilités fédérales, dans le cadre de l'autonomie gouvernementale. Je tiens à féliciter le ministre pour les mesures qu'il a prises à cet égard.

Quatrièmement, ce projet de loi donne aux premières nations le pouvoir de légiférer pour régir la conduite de leurs citoyens et l'administration des terres qui leur sont attribuées. Les premières nations resteront soumises aux lois fédérales d'application générale, mais elles auront le droit d'adopter des lois sur la gestion interne, la prestation de services, les impôts fonciers sur leur territoire et des questions semblables.

Cinquièmement, pour ce qui est du financement des premières nations du Yukon dans le cadre de l'autonomie gouvernementale, de nouvelles ententes quinquennales de financement global remplaceront les accords de financement actuels. Les premières nations auront ainsi beaucoup plus de marge de manoeuvre et de souplesse pour établir leurs priorités et planifier un développement harmonieux des collectivités.

Ce sont là les principales dispositions générales de la mesure législative, qu'on retrouvera dans toutes les ententes d'autonomie gouvernementale conclues au Yukon. Il y aura tout de même certaines différences entre les ententes, d'une nation à l'autre, au Yukon. Par exemple, la procédure de ratification de l'entente et les pouvoirs précis conférés aux collectivités, à l'intérieur de leurs frontières, pourraient différer.

L'aspect le plus intéressant de l'autonomie gouvernementale est la possibilité d'un développement économique à l'intérieur même des communautés autochtones. Les chefs autochtones et le gouvernement sont tous deux préoccupés par le chômage qui demeure très élevé chez les autochtones. C'est nettement l'un des principaux obstacles à l'amélioration des conditions économiques et sociales de la population autochtone du Canada. Comme le gouvernement l'a déclaré, c'est une question d'envergure nationale. Le potentiel non exploité des autochtones représente un manque à gagner pour tout le Canada.

La population autochtone du Yukon est jeune puisque plus de la moitié des gens ont moins de 24 ans. La croissance démographique des autochtones, dans cette région comme au Canada en général, est bien supérieure à la moyenne nationale. À cette situation s'ajoute le fait que les jeunes autochtones de tous les coins du pays, y compris le Yukon, s'intéressent de plus en plus à l'éducation depuis quelques années. À l'échelle du pays, le nombre de jeunes autochtones qui fréquentent l'école jusqu'en douzième année a doublé au cours des dix dernières années et le nombre de ceux qui poursuivent des études postsecondaires et


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universitaires a presque doublé au cours des cinq dernières années.

C'est là une évolution extrêmement positive qui rend hommage aux chefs des communautés autochtones et aux gouvernements qui ont soutenu leurs efforts. Elle signifie aussi que le nombre de jeunes autochtones aptes au travail augmente et qu'ils arrivent sur le marché du travail remplis d'espoirs, d'aspirations et d'attentes d'une ampleur jamais vue auparavant. À moins qu'on ne puisse répondre raisonnablement à ces aspirations et à ces attentes, elles se transformeront bien vite en déception et en désespoir.

L'entrée en vigueur des ententes sur l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales créera un environnement plus certain et plus stable au Yukon. Cette stabilité aura à son tour un effet favorable sur les investissements, surtout dans les secteurs importants de l'exploitation minière et de l'industrie des minéraux. Un recrudescence de l'activité dans ces secteurs clés aura certainement un effet d'entraînement sur toute l'économie du Yukon et créera des emplois, tant pour les autochtones que pour les non-autochtones.

(1825)

Notre gouvernement, le gouvernement libéral, est convaincu que le développement économique des autochtones doit venir principalement de la base et que les entreprises communautaires dirigées par des autochtones ainsi que des organismes de développement communautaire efficaces seront les moteurs de la croissance économique des autochtones et de la collectivité tout entière. Nous sommes en outre convaincus que la combinaison des pouvoirs inhérents à l'autonomie gouvernementale et des fonds prévus dans le cadre des accords de règlement des revendications territoriales créera un climat favorable à un tel développement et à l'épanouissement des institutions.

L'autonomie gouvernementale peut donner lieu à la création d'emplois et à l'accumulation de richesses si elle a été soigneusement préparée et que les autochtones concernés sont prêts et capables de profiter au maximum des occasions qui leur sont offertes. C'est certainement le cas en ce qui concerne les premières nations du Yukon. Les accords d'autonomie gouvernementale ont été conclus après des années de négociations minutieuses.

Les chefs des premières nations du Yukon sont prêts à assumer leurs responsabilités et à présider à la reconstruction de leurs communautés. Il n'y a aucune raison d'attendre davantage. Par contre, nous devons nous dépêcher d'étudier et d'adopter cette mesure législative pour que l'autonomie gouvernementale devienne une réalité. Je crois que le gouvernement a eu raison de proposer hier soir les motions nécessaires pour que ce projet de loi soit adopté avant que la Chambre ne s'ajourne pour l'été.

Je dois cependant ajouter que l'autonomie gouvernementale n'est pas une panacée. Comme l'ont rappelé plusieurs chefs autochtones dernièrement, le seul fait de signer un document ne règlera pas, comme par enchantement, tous les problèmes de leur peuple. Par ailleurs, ce gouvernement est convaincu que tous ces problèmes, que ce soit dans le domaine du logement, des services sociaux, de l'éducation ou du développement économique seront plus facilement réglés dans le cadre d'une autonomie plus grande, d'un régime financier plus sain, et de relations d'égal à égal dans un climat de respect, à tous les paliers de gouvernement. L'autonomie gouvernementale, en gros, c'est ça. C'est la raison pour laquelle ce gouvernement a présenté cette mesure législative à la Chambre.

Je termine en exhortant tous les députés ici présents, y compris mes amis réformistes, à voter en faveur de ce projet de loi.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, enfin, nous sommes à quelques minutes d'adopter un projet de loi sur lequel mon parti, ainsi que le gouvernement et les amis du Parti réformiste, ont travaillé pendant de multiples heures.

Avant de me lancer dans la mécanique sur la façon dont je conçois le projet de loi qui est devant nous, je veux vous expliquer comment la vision que je me faisais du travail parlementaire a pu être modifiée, comparativement à ce que je vois aujourd'hui. On est à des années-lumières de ce que je m'imaginais comme travail parlementaire, particulièrement lorsqu'on est critique d'un dossier aussi difficile et nuancé que celui des affaires indiennes. On s'imagine quelquefois que la vie parlementaire, avant d'y accéder, est quelque chose de très facile et qu'on fréquente les cocktails tous les soirs.

Depuis que je suis ici à Ottawa, tout particulièrement au cours des deux dernières semaines, je n'ai pas eu le temps de fréquenter les cocktails et j'ai seulement eu le temps de me plonger dans des ententes d'un pied d'épais et de me faire aussi des idées très rapidement.

Pour ce qui est de la vie parlementaire d'avant et de maintenant, en ce qui a trait à ma vision, je dois dire je suis devenu, depuis quelque temps, un homme que je crois être plus nuancé. Nuancé parce que la question autochtone étant canadienne et étant dans un parti souverainiste, j'ai toujours conçu et je comprends très bien qu'il y a deux nations au Canada, le Québec et le reste du Canada. Cela démontre clairement que la façon de négocier les dossiers au Québec et au Canada peut être différente.

Alors, il faut faire attention lorsqu'on est critique officiel, dans un Parlement fédéral, et qu'on est souverainiste, de faire en sorte que les positions qu'on véhicule vont s'appliquer. Je suis très heureux de voir aussi que le Québec a tracé la voie à cet égard. Mon honorable collègue le soulevait d'ailleurs plus tôt au niveau de la baie James et de la Convention du nord-est québécois, les Cris et Naskapis. Je pense que c'est une primeur au Canada, et c'est nous qui avons ouvert la voie. Cela m'a quand même doté d'instruments non négligeables. Il y a une nuance aussi parce qu'à l'intérieur de ces deux peuples, on retrouve environ 600 bandes autochtones. Chacune de ces bandes a ses propres spécificités.

(1830)

La nuance s'applique non seulement aux deux peuples avec les 600 bandes autochtones au Canada, mais en plus, nous sommes dans un contexte, particulièrement au Québec, extrêmement difficile relativement à la question autochtone. Elle est extrêmement difficile parce que, malheureusement, du côté de certaines réserves, nous avons d'énormes problèmes. Je pense que le gouvernement fédéral ne fait pas le nécessaire pour régler ces problèmes. Tout cela pour vous dire que c'est un contexte qui


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n'est pas facile pour un parlementaire, surtout un critique aux affaires indiennes.

Il y a d'autres choses qui sont ingrates pour le critique des affaires indiennes. Le ministre dépose un projet de loi en première lecture; en après-midi, nous recevons un pied de document, et le lendemain, je dois me présenter devant vous pour faire deux discours. Imaginez la somme de travail, même si on nous dit par la suite que ces documents étaient d'ordre public, on a d'autres tâches aussi à accomplir. Alors, non seulement c'est très difficile, mais il y a aussi la somme de travail impliquée. Nous en sommes à notre cinquième projet de loi sur les affaires autochtones en deux semaines environ; il s'agit des projets de loi C-16, C-25, C-33, C-34, C-36, et j'ai moi-même piloté une motion sur le Grand-Nord.

Imaginez le travail que nous avons à faire, sans compter le travail du comité permanent. Ce comité doit procéder à cette étude. Encore une fois, je pensais que j'aurais une seule nuit blanche au cours de cette session, j'en ai eu une deuxième grâce à mes amis du Parti réformiste, car nous avons débattu de la question toute la nuit. Heureusement qu'un de mes collègues, celui de Jonquière, est venu à mon secours vers 2 heures du matin parce que je trouvais la session déjà très longue. Mais je vous dis que le travail d'un critique en matière d'affaires indiennes n'est pas facile.

Maintenant, il est important aussi pour un critique de bien renseigner son parti sur l'importance de respecter et de comprendre les nations autochtones. Dans tout le contexte difficile, conjoncturel que je viens de vous expliquer, cela n'est pas toujours facile. Il faut aussi la volonté de le faire. Je pense que le Bloc québécois, entre autres en apportant son appui aux revendications du Yukon et à l'autonomie gouvernementale des nations autochtones, démontre qu'il a la volonté de comprendre ces gens-là.

C'est une bien maigre consolation, mais j'ai quand même été consolé de constater que, malgré tout ce travail, je peux ressentir la frustration des gens qui, dans le Yukon, pendant 21 ans, ont vu, année après année, les négociations achopper. Donc, la somme de travail qui a été requise pour qu'on puisse aujourd'hui se présenter ici en troisième lecture n'est rien à comparer aux frustrations que ces gens ont dû ressentir au cours des années.

Il est donc important d'avoir la volonté de comprendre et de respecter. Vous savez, j'ai dans mon bureau la carte du ministère des Affaires indiennes sur laquelle figure l'ensemble des 600 petits points de bandes partout au Canada. Du côté de la langue, il y a environ une centaine de langues et de dialectes qui sont véhiculés à l'intérieur de ces bandes et de ces Premières nations. Imaginez la richesse de l'ensemble de la culture autochtone, particulièrement en ce qui a trait à la langue.

Je dois également mentionner le respect de l'environnement. Dans notre grille d'analyse économique, on a toujours fait passer dans nos priorités l'environnement au second plan dans nos priorités. C'est souvent le contraire chez eux. On doit arriver, comprendre et surtout avoir la volonté de comprendre que, pour eux, l'environnement est souvent en haut de la liste des priorités. Ce sont des choses importantes dans le contexte de l'adoption d'un projet de loi comme celui que nous avons devant nous, parce que nous allons voir que les dispositions accordent beaucoup d'importance à l'environnement.

Il faut aussi comprendre que l'économie moderne, pour nous, ce sont des actionnaires qui doivent encaisser le plus de dividendes possible sur leurs actions. Pour eux, c'est d'abord l'environnement, et ils nous disent: «Vous voulez nous installer quelque chose qui va hausser ou stimuler notre économie, mais on vous avoue que nous n'en voulons pas, car cela court le risque d'atrophier ou de mettre en péril l'environnement.» De côté-là, il faut comprendre aussi cet aspect de la culture autochtone qui est extrêmement important.

(1835)

Le dernier aspect et non le moindre et je veux le développer un peu plus, c'est la question du pouvoir. J'aimerais beaucoup discuter avec les gens du Yukon pour voir comment ils considèrent le pouvoir et la démocratie, entre autres, la démocratie parlementaire. De voir des gens qui crient Yea et des gens qui crient Nay et des gens qui se lèvent un par derrière l'autre pendant des heures, du côté de la démocratie parlementaire, c'est tout à fait admissible pour nous, mais il y a des gens qui ont un peu de difficulté à comprendre cela parce que leur notion du pouvoir est différente.

À cet égard, je vous soumets des exemples typiques où dans certaines réserves, on s'en va pour négocier quelque chose et le premier réflexe qu'on a, nous, c'est un réflexe de délégation de pouvoir en disant: «Je veux aller rencontrer les autorités compétentes.» On se présente devant le conseil de bande et à notre grande surprise, après plusieurs négociations, nous nous rendons compte que le conseil de bande n'est pas le seul pouvoir sur cette réserve-là. Effectivement, c'est le cas, parce que la question du pouvoir dans les nations autochtones peut diverger et est totalement différente de la nôtre.

Je me suis rendu compte que quelquefois le conseil de bande disait oui, et le lendemain, c'était non. Pourquoi? Il y a d'autres pouvoirs à l'intérieur de la réserve, d'autres pouvoirs que nous ne sommes pas habitués à fréquenter. Entre autres, il y a le pouvoir des aînés. Pour nous, les aînés, ce sont des gens importants, ce sont des gens sages; mais pour eux, cela va encore plus loin que cela. Ce sont des gens qui sont, premièrement, responsables de leur présence là et qui sont empreints d'une très grande sagesse et auxquels ils se réfèrent continuellement.

C'est donc une notion de pouvoir importante, parce que lorsque le conseil de bande a statué sur quelque chose, les aînés, dans la nuit qui suit ou les jours qui suivent, peuvent venir apporter leur incidence sur la décision prise. Il y a les mères de clan, c'est totalement différent de notre société. Les sociétés autochtones sont souvent des sociétés matriarcales alors que nous sommes dans une société patriarcale. Nous sommes habitués à l'autorité du père et nous avons toujours peur de faire fâcher le père, de peur qu'on soit puni par le père. Du côté autochtone, c'est souvent le contraire. Les mères ont une très grande importance, beaucoup plus que dans notre société à nous. D'où l'importance de concevoir ces nouveaux systèmes et ces nouvelles places de pouvoir à l'intérieur de chaque réserve.

Nous sommes habitués à fonctionner, ici, à la Chambre et souvent dans les organismes que l'on côtoie, on fonctionne par majorité simple. C'est 50 p. 100 plus 1 et la décision est prise et on demande à la minorité de se rallier. Pour eux, la question est souvent débattue beaucoup plus longtemps, jusqu'à ce qu'on atteigne un consensus. Ce sont des choses qui me semblent


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importantes, et si je le dis, c'est parce que je veux sensibiliser mes collègues à la notion de négocier avec des nations autochtones et de discuter avec des nations autochtones. C'est très important aussi d'aller voir sur place, comme je l'ai fait à plusieurs reprises, pour essayer d'établir ces relations-là et de voir de quelle façon elles fonctionnent. Même si c'est un dossier ingrat, c'est quand même un dossier extrêmement enrichissant et, du côté culturel, je dois vous avouer que j'aime les côtoyer et que je m'enrichis continuellement.

Maintenant, si j'aborde le projet de loi-excusez cet aparté, il me semblait important de le faire avant de me lancer sur la mécanique-qu'est-ce que l'autonomie gouvernementale? Pour une définition rapide, autonomie veut dire indépendance, possibilité de décider par rapport à un pouvoir central. C'est ce qui va être devant nous aujourd'hui avec le projet de loi. Et «gouvernement», c'est l'action de gouverner et de diriger politiquement. Alors ces gens-là, effectivement, vont avoir la possibilité de décider sur des points bien précis de juridiction qui sont dans l'entente que je vais expliquer tantôt. C'est un peu cela l'autonomie gouvernementale. Il me semblait important de tenter une petite définition au départ.

Dans la logique de ce que j'ai développé tantôt, il n'y a pas une seule entente d'autonomie gouvernementale qui peut ressembler aux autres. Il y a des gens qui, du côté de l'autonomie gouvernementale, vont lier à cela une assise territoriale, c'est le cas qui est devant nous aujourd'hui. Mais il y en a d'autres qui ont déjà une assise territoriale et qui ne demandent pas nécessairement une assise territoriale plus grande, et par contre, veulent se voir donner des points de juridiction spécifiques.

(1840)

Encore là, dépendant de leur culture, ils vont demander au gouvernement, au cours des négociations, que tel point de juridiction, qui peut être l'éducation, la santé, les services sociaux, la police ou la question de la langue, leur soit rétrocédé, et ces points peuvent diverger d'une nation à l'autre et d'une réserve à l'autre.

Il faut comprendre qu'il n'y a pas de modèle général. On ne peut pas dire que, du côté de l'autonomie gouvernementale, cela va se passer pareil pour les 600 bandes du Canada. C'est impossible.

Je parlais plus tôt aussi de l'importance de connaître la culture, la langue et le respect de l'environnement qu'ils ont, c'est-à-dire ce sur quoi ils ont de grandes habitudes et une tradition profondément ancrée, même dans leurs gènes, je dirais. Il y a quand même des prérequis qui doivent s'installer avant d'entreprendre ce type de négociation. Je pense que les Premières nations doivent faire preuve d'une volonté de se prendre en main. Je pense que, du côté des gens du Yukon, depuis que je les fréquente, j'ai constaté cette volonté-là. Ils nous ont fait démonstration par-dessus démonstration de la volonté qu'ils avaient d'assurer leur propre avenir et de se tirer de la fameuse tutelle de la Loi sur les Indiens. Selon cette tutelle, si j'en crois le ministre et le gouvernement libéral, on veut démanteler le ministère des Affaires indiennes et la Loi sur les Indiens.

Alors, je pense que cette entente-là s'inscrit tout à fait dans la logique de se prendre en main et de se débarrasser une fois pour toutes de la Loi sur les Indiens et de la tutelle du ministère des Affaires indiennes.

Il y a aussi une volonté du respect des cultures respectives. Du côté du Bloc québécois, je crois que nous avons aussi fait la démonstration qu'on était capables de comprendre ces gens-là et que, de leur côté, ils nous comprenaient aussi. J'ai constaté un peu de tristesse à voir les débats s'étirer, mais ils doivent comprendre que nous sommes dans une démocratie ou un pouvoir différent du leur et que, malheureusement, ils ont dû se prêter à l'exercice de ce pouvoir qui s'est passé ici ces derniers jours. Donc, je pense qu'ils sont en mesure de comprendre que c'est la façon dont cela doit procéder du côté du gouvernement canadien.

Maintenant, je veux faire un court exposé aussi sur ce que j'ai soulevé en début d'intervention sur l'importance de la Convention de la Baie James qui touche les Cris, comme vous le savez, et de la Convention du nord-est québécois qui touche les Naskapis. C'est une chose sur laquelle le Bloc québécois se doit de tabler parce que ça a été une première, ça a été une convention difficile à acquérir, j'en conviens, mais combien enrichissante et importante pour tracer la voie aux autres nations autochtones.

Je veux ici féliciter le Québec de son entrée en matière dans cette négociation fort complexe qui est de négocier avec des nations autochtones. Non seulement le Québec avait la volonté de négocier, mais il a fait un effort de compréhension et il l'a démontré également par les sommes d'argent qu'il a contribuées.

On constate encore une fois que le Québec, et c'est tout à son crédit, a beaucoup de valeurs, et que ces valeurs-là de respect ont été tout simplement transposées dans ces conventions. Entre autres, du côté de l'impact financier et de l'apport du gouvernement du Québec via Hydro-Québec, dans ces ententes, la plupart des sommes d'argent venaient d'Hydro-Québec et du gouvernement du Québec, alors que les ententes qui sont souvent devant nous ont très peu d'apport des provinces impliquées.

On se rend compte que le fédéral applique une politique très généreuse à l'égard des autochtones en dehors du Québec, mais au Québec, c'est une autre chose. Pourtant, on a relevé le défi de s'entendre avec ces gens-là, dans un respect mutuel. Il a fallu du temps; c'est sûr qu'il y a encore des accrochages aujourd'hui, qu'il y a encore des irritants, mais je peux vous assurer que, du côté du Québec, on travaille, justement, à polir ces irritants.

Il me paraissait important de spécifier que la Convention de la Baie James a été une première qui a été suivie par beaucoup d'autres nations autochtones.

(1845)

D'ailleurs, la liste des points de juridiction dont je vais vous faire part qui font partie intégrante de l'entente devant nous, aujourd'hui, étaient déjà, en grande partie, dans cette entente et c'est pour cela que je dis que la Convention de la Baie James a été une pionnière de ce côté.


5760

Du côté de l'administration, et je reviens au projet de loi qui est devant nous, ces gens-là, dans l'ensemble des programmes que je vais énumérer, vont cesser d'être à la remorque des programmes qui viennent directement du ministère des Affaires indiennes. Ces gens-là vont finalement dire: «Nous, on a des valeurs, nous avons des cultures différentes et donc, nous allons administrer nos affaires à notre façon, en respectant notre culture, nos traditions et en respectant aussi une nouvelle donne, qui est un contrôle plus grand de notre économie», ce qui s'inscrit dans un contexte d'économie moderne.

Je leur souhaite bonne chance du côté de la langue, ceux qui sont dans la tribune ici, aujourd'hui. Il y a six ou sept langues et le dénominateur commun là-bas est l'anglais. Alors, j'espère seulement une chose, c'est que les langues autochtones vont reprendre de la valeur, avec la possibilité que les autochtones auront maintenant d'avoir un contrôle beaucoup plus étanche du côté des langues autochtones. Je leur souhaite aussi qu'il ne leur arrive pas ce qui est arrivé au Québec avec le français.

Vous connaissez la Loi 101, vous connaissez la Loi 178; nous sommes des gens, du côté du Québec, qui se font continuellement attaquer par des décisions de la Cour suprême. Je sais aussi que les Québécois sont très respectueux des conditions qui sont faites aux autochtones. Alors, je pense que du côté des langues autochtones, j'espère que la Cour suprême va rester dans sa cour, justement, et ne fera pas en sorte de venir détruire les langues autochtones au Yukon, comme elle se plaît à le faire du côté du Québec.

Du côté des soins médicaux, les gens vont avoir une plus grande possibilité de contrôle sur leurs soins médicaux, et ce n'est pas négligeable. Ce n'est pas négligeable, parce qu'encore une fois, leur culture nous démontre qu'ils ont une approche tout à fait spéciale du point de vue médical et du côté des soins de santé. C'est une approche holistique, une approche qui est concentrée beaucoup sur la prévention plutôt que la guérison. On assiste entre autres à beaucoup de cercles de discussion et c'est une dynamique qui est bonne et importante à avoir. L'hôpital Kateri, entre autres, de Kanewake, a des approches bien différentes. C'est sûr que les médecins qui desservent l'hôpital ont été dans une école traditionnelle blanche, mais avec leur culture, ils intègrent aussi une approche, comme je disais tout à l'heure, beaucoup plus holistique.

Il y a une série d'autres programmes, je ne veux pas non plus répéter le discours de deuxième lecture. Je vais peut-être m'arrêter un petit peu sur l'importance de l'économie traditionnelle et de l'économie moderne. C'est un de leurs défis et je pense qu'ils seront en mesure de le relever. On sait que l'économie traditionnelle, du côté des autochtones et particulièrement au Yukon, tourne autour du piégeage, de la pêche, de la cueillette de fruits, etc., et ce sont des moyens ancestraux, c'est une économie de longue date qui a toujours existé, et je pense qu'il faut la préserver.

Maintenant, il faut faire en sorte aussi que l'intégration du côté de l'économie moderne ne vienne pas tout simplement saper et saccager non plus cette économie basée sur la tradition. Alors, je pense que, connaissant les nations autochtones et l'importance qu'ils accordent aux moyens économiques traditionnels de cueillette, de chasse, de pêche, parce que cela a dépassé le stade de subsistance, on peut aussi commercialiser de ce côté, ils vont y accorder une importance et ils vont faire en sorte que, du côté de l'économie moderne, le tout puisse s'intégrer harmonieusement.

Il m'apparaît important de parler aussi de l'administration de la justice, parce que je n'ai pas eu la chance d'intervenir sur le projet des jeunes contrevenants, mais il y a énormément de problèmes du côté de la justice dans les réserves autochtones. On conçoit et on comprend de plus en plus que notre système de justice ne peut pas s'appliquer ou s'applique extrêmement difficilement du côté des nations autochtones. On constate des taux de délinquance et d'incarcération élevés. On peut peut-être l'attribuer, oui, dans les faits, à un climat social épouvantable, parce que le contexte économique et social est très amoché et cela fait en sorte que les gens ont tendance à se jeter dans la drogue, dans la boisson, avec toutes les plaies que cela entraîne du côté de la délinquance et des taux d'incarcération. Alors, avec la possibilité qu'ils auront de diriger un peu plus le système de justice, leur système de justice étant un peu différent du nôtre, la justice sera appliquée plus selon leurs normes.

(1850)

Si quelqu'un a commis une infraction, il n'a pas nécessairement à passer devant un juge ni à aller en prison. Ils ont des espèces de cercles de discussion et souvent la communauté entière va discuter d'un problème particulier d'un adolescent et essayer d'établir un plan d'action pour faire en sorte de corriger, sans pour autant devoir enfermer l'individu. Ce sont des choses importantes que l'on se doit de soulever pour expliquer que leur culture est différente.

Ce qu'on peut remarquer, c'est qu'on retrouve dans le projet de loi l'ensemble de ces notions et on pourra donc dire que les gens du Yukon vont prendre en main beaucoup plus leur avenir. Je vais conclure pour laisser un peu de temps à mes amis réformistes. Le Bloc québécois appuiera le projet de loi C-34 comme on l'a dit au comité et en deuxième lecture.

J'aimerais reprendre des termes soulevés par l'honorable confrère qui m'a précédé. Je pense que le Parti réformiste a laissé une mauvaise impression aux autochtones et aussi, je pense, à certains Canadiens qui pensent que les réformistes vont peut-être un peu loin. Je pense que les gens du Parti réformiste pourraient profiter des quelques minutes qui suivent pour tenter d'effacer l'image que les Canadiens et les autochtones ont eu d'eux. Naturellement, je les invite à voter en faveur du projet de loi C-34.

Finalement, les aînés qui ont été là seront heureux de constater que la génération actuelle conclue une entente et que les enfants de leurs enfants bénéficieront de cette entente. Cette entente a été conclue pacifiquement, sans recours aux armes, uniquement par la persévérance. J'invite l'ensemble de mes collègues à voter favorablement pour le projet de loi C-34.

[Traduction]

M. David Chatters (Athabasca): Monsieur le Président, j'aimerais partager mon temps, si c'est possible, avec le député de Calgary-Sud-Est.

Merci, monsieur le Président, de me donner cette occasion de parler du projet de loi C-34. Avant d'aborder les articles de ce projet de loi qui accordera l'autonomie gouvernementale à 14 bandes indiennes du Yukon, je voudrais répéter mon opposition à


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la stratégie que le gouvernement a adoptée en introduisant ce projet de loi dans le processus parlementaire.

J'utilise les mots exacts du ministre des Affaires indiennes: «La portée et la complexité de ces ententes sont sans précédents. Le gouvernement a utilisé tous les moyens dont il disposait pour éviter que le public prenne connaissance de cette mesure législative.» La question qu'il faut se poser est: Pourquoi?

Notre parti n'a pas l'intention de bloquer cette mesure législative et, même s'il le voulait, il ne le pourrait pas. Nous voulions simplement suffisamment de temps pour un examen public adéquat et pour un débat valable. Est-ce que ce harcèlement incessant est simplement pour satisfaire la vanité de quelqu'un ou est-ce, comme des autochtones me l'ont suggéré, pour empêcher un examen adéquat et pour ne pas exposer le fait que c'est une initiative qui exploite la soif d'argent des chefs actuels de bandes indiennes qui acceptent l'extinction de droits ancestraux actuellement protégés par les traités et la Loi sur les Indiens. Le temps nous le dira.

Je voudrais demander aux députés qui étaient dans l'opposition lors de la législature précédente de se souvenir de leurs protestations lorsque le gouvernement conservateur imposait les conditions qu'on nous impose aujourd'hui et je voudrais leur rappeler que les libéraux promettaient, dans le livre rouge, de procéder différemment.

À ceux qui rejettent notre demande de justice, je voudrais citer le préambule de l'accord concernant l'autonomie qui définit la consultation qui, je suppose, aurait dû se tenir ici. Cette définition dit:

Consultation signifie fournir à la partie consultée un avis dont la forme reste à définir contenant suffisamment de détails pour que cette partie puisse préparer son point de vue sur la question, une période de temps raisonnable pendant laquelle la partie à consulter pourra préparer son point de vue, et enfin l'occasion de présenter ce point de vue à la partie tenue de consulter.
La Chambre mérite au moins la même considération que celle que prévoit l'accord lui-même.

(1855)

Comme ces projets de loi ne peuvent pas entrer en vigueur tant que des mesures relatives aux droits de superficie et d'exploitation du sous-sol n'auront pas été déposés à la Chambre à l'automne, il me paraît raisonnable de permettre au moins la poursuite de leur étude en comité durant l'été. On aurait alors pu les examiner plus à fond sans en retarder la mise en oeuvre pour autant.

Avec le recul, je vois de mieux en mieux où le ministre voulait en venir quand, en comité, il m'a attaqué sans provocation. Je lui avait demandé comment il concevait l'autonomie gouvernementale. Je vois maintenant qu'il s'agirait d'États souverains dotés de pouvoirs parfois parallèles à ceux du gouvernement fédéral et subventionnés à 100 p. 100 par les contribuables canadiens.

Le député de Churchill n'a pas cessé, durant les travaux en comité, d'exiger qu'on lui dise qui détiendrait en fin de compte les titres de propriété des terres du Canada. Il m'apparaît de plus en plus clairement que le gouvernement estime que les peuples autochtones sont toujours propriétaires des terres du Canada et que nous, les non-autochtones, nous ne faisons que louer les terres que nous utilisons et occupons. Que tous les Canadiens se le tiennent pour dit, le loyer vient d'augmenter sur les terres que nous occupons.

Je me dois maintenant de formuler au nom de tous les Canadiens nos réserves au sujet de ce projet de loi. Premièrement, il convient de se demander pourquoi il faudrait adopter cette mesure sur l'autonomie gouvernementale à ce moment-ci, alors que seulement quatre des 14 bandes visées ont accepté de signer l'entente en question.

Je sais que toutes les 14 bandes ont entériné l'accord général, mais les dix bandes qui n'ont pas signé doivent être en train d'essayer de négocier des accords très différents. Autrement, nous serions saisis de 14 ententes aujourd'hui au lieu de 4. J'ai la nette impression que si les 10 autres hésitent, cela a fortement à voir avec l'extinction de droits autochtones fondamentaux.

Le gouverneur en conseil devrait-il être autorisé à approuver les dix autres accords sans qu'ils ne soient soumis à l'examen parlementaire? Je n'en suis pas sûr. Ce qui m'amène à me demander qu'est-ce qu'on fait ici au juste. À ces préoccupations s'ajoutent des inquiétudes au sujet des propos tenus par le ministre qui a lancé le débat en disant que ces accords sur l'autonomie gouvernementale ne font l'objet d'aucune garantie constitutionnelle. Il serait toutefois possible d'incorporer cette protection plus tard, une fois que le gouvernement aura défini la notion de droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Je soutiens que de telles déclarations ont de graves répercussions sur les objectifs de clarté et de confiance que l'on cherchait à atteindre.

Ce document contient un certain nombre d'allusions très subtiles qui, à mon avis, et c'est aussi l'avis de notre conseiller juridique, ont des incidences importantes sur notre pays. D'aucuns diront sans doute que ces allusions ne sont que des mots, mais je suis persuadé que la plupart des députés savent très bien quelle différence les mots peuvent faire dans l'interprétation des textes juridiques.

C'est la première fois que je vois une loi qui désigne les peuples autochtones du Canada par le terme «premières nations» et qui appelle les personnes concernées des citoyens plutôt que des participants. Ce libellé subtil pourrait avoir des incidences non seulement dans la communauté internationale mais aussi sur l'auto-détermination d'autres groupes culturels avec lesquels le gouvernement canadien pourrait traiter sous peu.

En légitimisant des nations de plus en plus fragmentées, nous finirons par démanteler la Confédération canadienne. Je me demande si, en tant que Canadiens, nous devrions établir des «homelands» basés sur l'ethnie ou la race, alors que l'Afrique du Sud vient de célébrer l'abolition d'un tel système, que sa population jugeait discriminatoire, porteur de dissensions et odieux, et qui pourrait même être contraire à la Charte canadienne des droits et libertés parce qu'il s'agit d'une forme de discrimination raciale.

Je suis surpris de voir que les libéraux et les néo-démocrates se sont ralliés à ce concept si rapidement. Dans une biographie de T.C. Douglas, le premier chef très respecté du NDP, rédigée par Doris F. Shackleton, celle-ci écrit: «La solution pratique évidente est de se débarrasser des réserves et de la dégradation qui


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accompagne cette forme de tutelle et d'intégrer les Indiens à la société canadienne dans les meilleurs délais.»

Cette ambition est-elle trop évidente et trop pratique pour le NPD d'aujourd'hui? Quand le chef du Parti libéral était ministre des Affaires indiennes, son ministère a publié un livre blanc sur le statut des Indiens. Ce document rédigé par l'actuel Premier ministre proposait que les citoyens indiens deviennent des citoyens égaux des provinces et du pays.

(1900)

Au cours des dernières semaines, on a beaucoup discuté pour savoir si la Charte s'appliquait à l'autonomie gouvernementale des autochtones. Le ministre des Affaires indiennes a déclaré à deux occasions que la Charte s'appliquerait à ce projet de loi. Cela n'a certes pas été le cas.

Bien que notre parti ait présenté un amendement qui nous permettrait d'appliquer la Charte des droits et libertés, le présent gouvernement et la Chambre l'ont rejeté, ce qui nous porte à nous demander si l'amendement a été rejeté parce que les chefs indiens n'en voulaient pas ou parce que le gouvernment n'en voulait pas. Quoi qu'il en soit, il y a des questions sérieuses auxquelles il faut répondre.

L'article 8 du projet de loi, qui fait allusion à une constitution éventuellement adoptée par une structure gouvernementale qui reste à définir, prévoit la reconnaissance et la protection des droits et libertés de ses citoyens. Il existe aujourd'hui un avis juridique établissant que la charte ne s'applique probablement pas aux gouvernements autochtones autonomes, à moins que des dispositions particulières soient prévues.

Nous croyons que la protection manifeste de la charte s'applique pour les raisons mêmes qui ont poussé les femmes autochtones du Canada à rejeter l'Accord de Charlottetown. Il ne s'agit pas là d'une idée ou d'un rêve futile que le Parti réformiste met de l'avant pour faire de l'obstruction. Permettez-moi de rappeler les paroles d'une autochtone qui ont été rapportées récemment dans un article du Free Press. J'insiste en disant que ces paroles ne sont pas de moi, mais d'une autochtone qui est une aînée au sein d'une bande.

Elle a déclaré: «J'ai une certitude et c'est de ne pas être en faveur de l'autonomie gouvernementale. Bien des hommes se prendront alors pour de grands politiciens. Je connais les autochtones. Ils veulent toujours dominer. Ils disposeront alors de tout ce pouvoir. Les hommes autochtones croient que les femmes doivent leur obéir comme des marionnettes.»

Cette aînée a poursuivi en disant: «Les leaders autochtones ont échoué en essayant d'améliorer la situation et ils s'attendent maintenant à assumer encore plus de pouvoir. Toutes leurs initiatives ont fait long feu. Nous sommes censés gérer nos réserves et nous avons des dettes de 1,4 million de dollars. Il n'existe plus le moindre contrôle. Il y a des gens ivres partout. Les trafiquants d'alcool sont omniprésents dans les réserves. Avant, la loi était sévère. Aujourd'hui, il n'y a plus de loi. Comment allons-nous assumer l'autonomie s'il n'y a pas de contrôle? C'est peut-être bon pour Ovide Mercredi et les chefs. Ils peuvent se promener en avion d'un bout à l'autre du Canada. Winnipeg est aujourd'hui un paradis pour nos chefs. Et voilà qu'ils demandent l'autonomie gouvernementale.»

Ces paroles viennent d'une autochtone, de sorte qu'avant de prétendre que tous les autochtones appuient l'accord, il faut tenir compte des opinions divergentes.

Les articles 11, 13 et 20 traitent du pouvoir des gouvernements autonomes d'adopter des lois, tandis que les parties I, II, III et IV de l'annexe III précisent les secteurs de compétence.

La plupart des quelque 44 secteurs énumérés semblent être des domaines de compétence tout à fait logiques pour des gouvernements autonomes. Toutefois, il y a certaines exceptions notables, en ce sens qu'il s'agit de pouvoirs qui, jusqu'à maintenant, étaient uniquement accordés aux provinces.

L'article 7 de la partie III de l'annexe III semble accorder le pouvoir de réglementer le jeu et les loteries.

L'article 13 accorde le pouvoir de réglementer la conduite et l'utilisation des véhicules automobiles.

L'article 14 accorde le pouvoir de réglementer le transport, la vente, l'échange, la fabrication, la fourniture, la possession et la consommation de boissons alcoolisées.

L'article 17 accorde le pouvoir d'administrer la justice.

Il s'agit ici d'un précédent qui soulève des interrogations quant à la démarche qui sera adoptée par les gouvernements autochtones en ce qui a trait à l'accès aux territoires en question. Il existe des indices inquiétants à cet égard. Laissez-moi vous donner quelques exemples.

Un article publié dans l'édition du 8 juin 1994 du Slave River Journal, de Fort Smith, raconte qu'un certain Ray Decorby a été blessé d'une balle à la jambe pour avoir pénétré sur des terres indiennes alors qu'il essayait de photographier des oiseaux.

Un autre exemple qui pourrait être pertinent concerne un lotissement dans le canton d'Archipelago, où la bande indienne de l'endroit a installé une barrière en métal pour bloquer une route, contrôlant ainsi l'accès à des maisons et chalets appartenant à des non-autochtones. La bande en question a exigé 5 million de dollars pour permettre l'accès à ces maisons.

Tous ici sont au courant de ce qui s'est passé dans les réserves mohawks du Québec et du sud de l'Ontario lorsque l'armée canadienne a osé pénétré sur les terres indiennes.

Les pouvoirs accordés sont beaucoup plus étendus que ceux qui sont délégués à n'importe quelle autorité subordonnée aux gouvernements provinciaux du Canada.

(1905)

Le ministre nous a dit, lors de séances d'information, que l'entente favoriserait la transparence et la certitude, et qu'elle se traduirait par des coûts beaucoup moins élevés qu'actuellement pour les gouvernements canadiens ainsi que pour ceux qui veulent faire des affaires au Yukon. On ne peut s'empêcher de se demander comment cela sera possible. En effet, au lieu d'avoir à traiter avec trois paliers de gouvernement au Yukon, ceux qui voudront faire des affaires dans ce territoire devront dorénavant traiter avec 17 gouvernements différents ayant chacun leur bureaucratie, leurs taxes, leurs lois et leur réglementation. Cela me


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semble être un énorme cauchemar bureaucratique qui coûtera cher.

J'ai toujours été en faveur de l'autonomie gouvernementale et de l'autodétermination pour les peuples autochtones. J'appuierai toutes les mesures visant à fournir aux citoyens autochtones les mêmes chances que je veux donner à mes enfants et à mes petits-enfants. Je m'opposerai à toute tentative visant à conférer aux citoyens autochtones un statut particulier fondé sur leur origine ethnique.

Ce projet de loi aura des répercussions considérables. Ces accords, que les autochtones du Yukon désirent ou non. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Aux termes de l'ordre adopté le mardi 21 juin 1994 et conformément au paragraphe 78(2) du Règlement, je dois maintenant interrompre les délibérations et mettre aux voix sur-le-champ toute question nécessaire pour disposer de l'étape de la troisième lecture du projet de loi dont la Chambre est maintenant saisie.

Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. Kilger): Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 80)

POUR

Députés
Adams
Alcock
Allmand
Anderson
Assadourian
Augustine
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Bachand
Baker
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bellehumeur
Bellemare
Berger
Bethel
Blondin-Andrew
Bodnar
Bouchard
Brien
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Bélisle
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Caron
Catterall
Chan
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Daviault

Debien
de Savoye
DeVillers
Discepola
Dromisky
Dubé
Duceppe
Duhamel
Easter
English
Fewchuk
Fillion
Finlay
Fontana
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Godfrey
Godin
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Guarnieri
Guay
Guimond
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jacob
Jordan
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lalonde
Landry
Langlois
Lastewka
Laurin
Lebel
LeBlanc (Cape Breton Highlands-Canso)
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loney
Loubier
MacLaren (Etobicoke North)
Malhi
Maloney
Marchand
Marleau
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLaughlin
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
McWhinney
Mercier
Milliken
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Ménard
Nault
Nunez
O'Brien
O'Reilly
Pagtakhan
Parrish
Paré
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pomerleau
Proud
Regan
Richardson
Robichaud
Rocheleau
Rock
Rompkey
Sauvageau
Scott (Fredericton-York Sunbury)
Shepherd
Sheridan
Solomon
Speller
Steckle
Stewart (Northumberland)
Szabo
Taylor
Thalheimer
Tobin
Torsney
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Ur
Valeri
Vanclief
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Young
Zed-152

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Benoit
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Chatters
Cummins
Duncan
Epp
Forseth
Frazer
Gilmour
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Hanrahan
Hart
Hermanson
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Johnston
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
McClelland (Edmonton Southwest)
Meredith
Morrison
Penson
Ramsay
Ringma
Schmidt
Scott (Skeena)


5764

Silye
Solberg
Speaker
Stinson
Strahl-35

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Députés
Asselin
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Bertrand
Bonin
Crête
Dalphond-Guiral
Deshaies
Dumas
Finestone
Fry
Gagnon (Québec)
Gauthier (Roberval)
Gerrard
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lincoln
Maloney
Picard (Drummond)
St-Laurent
Stewart (Brant)
Verran

(1915)

Le président suppléant (M. Kilger): Je déclare la motion adoptée.

(Le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

* * *

LOI SUR LE RÈGLEMENT DES REVENDICATIONS TERRITORIALES DES PREMIÈRES NATIONS DU YUKON

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) propose: Que le projet de loi C-33, Loi approuvant, mettant en vigueur et déclarant valides les accords sur les revendications territoriales conclues entre Sa Majesté la Reine du chef du Canada, le gouvernement du territoire du Yukon et certaines premières nations du Yukon, permettant d'approuver, de mettre en vigueur et de déclarer valides les accords ainsi conclus après l'entrée en vigueur de la présente loi et modifiant d'autres lois en conséquence, soit maintenant lu pour la troisième fois et adopté.

M. Elijah Harper (Churchill): Monsieur le Président, je suis très honoré de participer au présent débat et de voir qu'on va enfin, après bien des années, résoudre cette affaire. On a mis beaucoup de temps à nous accorder la reconnaissance que nous méritons en tant que premières nations de ce pays qu'on appelle le Canada. Il se trouve que ce nom est un vocable autochtone. Je me demande si les députés réformistes en connaissent la signification. Ils n'ont certes pas saisi la véritable histoire de ce pays qu'on appelle aujourd'hui le Canada. C'est grâce à la bonté et à la générosité des premières nations que tout le monde bénéficie aujourd'hui de ce riche pays.

(1920)

Je sais qu'il est ici question d'accords sur des revendications territoriales déjà conclues et d'autonomie gouvernementale, mais, compte tenu de notre idéologie et de notre façon de penser, nous combinons souvent les deux. Nous ne pouvons pas séparer la terre de la vie quotidienne. Notre existence dépend de la terre et il est très important qu'on le comprenne bien.

Si je remonte dans le temps, je peux dire que les représentants des gouvernements européens ont eu leurs premiers contacts avec les premières nations sur les rives du Saint-Laurent, sur la côte de la Colombie-Britannique, sur les rives de la baie d'Hudson ou à Winnipeg. Les premières nations ont rencontré ces gens et les termes des rapports entre eux n'ont jamais été arrêtés. Certes, beaucoup de traités et d'accords ont été signés avec les premières nations et l'effet de ces traités et accords s'est étendu jusqu'aux Territoires du Nord-Ouest et au Yukon.

Je dis toujours que le premier sujet de discussion avec les premières nations, les premiers habitants du Canada, n'a jamais été vidé. Rien n'a été réglé.

Négocier des traités, c'est établir des rapports. Lorsque les représentants de la Couronne sont arrivés au Canada, ils ont signé des traités avec les premières nations. Que signifient donc ces traités ou ces accords négociés avec les premières nations? Ils signifient que nous nous sommes entendus. Nous avons établi des rapports.

Les traités signés il y a de nombreuses années et ceux que nous signons aujourd'hui signifient que nous établissons des rapports et ils précisent en quels termes nous allons vivre ensemble. Dans l'ouest du Canada, nous avons commencé à signer des traités il y a des centaines d'années et les traités signés sont toujours en vigueur. Les gouvernements canadiens sont encore liés par les promesses qu'ils ont faites dans les traités. En vertu de ces traités, nous détenons encore des droits sur certains territoires et nos revendications ne sont pas toutes réglées. Nous voulons aussi discuter de certaines questions comme celle de l'éducation que l'on avait promis de nous donner.

Il s'agit d'un processus permanent. Des traités ont été signés il y a des années, mais tout n'a pas encore été réglé parce que ces traités fixaient les termes de rapports entre nos peuples.

Comme je l'ai dit souvent, nous n'avons jamais renoncé au droit de nous gouverner nous-mêmes. D'ailleurs, lorsque les représentants de la Couronne ont signé des traités, ils n'ont jamais remis en question les pouvoirs et la compétence des premières nations sur le territoire canadien. Ils ont respecté cela.

(1925)

C'est la relation fondamentale que les premières nations ont avec le gouvernement du Canada, une relation fondée sur les traités. Aucun autre groupe de Canadiens n'a ce genre de relation avec le gouvernement. C'est une relation spéciale qui est sacrée pour nous et qui oblige le gouvernement à honorer ses engagements. Nos aînés nous disent que ces accords sont sacrés.

Ce n'est pas quelque chose qui nous a été donné. Notre façon de penser, notre philosophie, c'est de partager ce que nous avons. Notre philosophie en ce qui concerne les terres, c'est que nous ne pouvons pas les posséder, mais que nous devons plutôt les partager avec les nouveaux venus dans ce pays.

Il y a eu des conflits au sujet des différents systèmes de valeurs que les Européens ont voulu nous imposer à leur arrivée ici. Par exemple, le concept du régime foncier nous était totalement étranger. Les Européens nous ont déclarés propriétaires des


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terres et ont ensuite négocié avec nous pour nous les reprendre afin de justifier leur implantation dans ce pays.

Si on regarde la philosophie indienne, notre façon de penser, les gouvernements n'avaient pas besoin de faire cela parce que notre philosophie, c'est de partager ce que nous avons, y compris les terres et les ressources que nous avons cédées dans les traités, notamment dans les Territoires du Nord-Ouest et, aujourd'hui, au Yukon.

Nous avons été très patients, très généreux, très gentils. Nous n'avons jamais rejeté personne. En fait, nous avons tendu la main au reste du monde pour l'inviter à venir partager avec nous ce beau pays que nous appelons aujourd'hui le Canada.

Parfois je n'arrive pas à comprendre ce qui pousse le Parti réformiste à contester le règlement des revendications foncières des autochtones. Nous n'avons jamais remis en question notre générosité envers les autres habitants de ce pays, car nous sommes toujours prêts à partager ce que nous avons. C'est là notre plus grande force en tant que premières nations.

Aujourd'hui, nous essayons de conserver des parties de ce pays, des parties de notre territoire, pour pouvoir continuer à vivre selon nos traditions et avec le reste de la société. Quand on examine les relations qui se sont établies dès le tout début, on constate que les Européens qui sont venus ici cherchaient des trésors et qu'ils voulaient conquérir le monde et ses richesses.

Ils sont venus ici et ont rencontré des gens des premières nations qui étaient très aimables et généreux. Ces derniers ne connaissaient pas le principe de la propriété foncière, celui de posséder des terres. Ce principe leur était aussi étranger que celui de posséder l'air que nous respirons. Voilà à quel point ce principe était étranger à nos aînés lorsqu'ils ont signé les traités.

Les traités visent à établir des relations de manière que nous puissions cohabiter, vivre côte à côte et nous respecter mutuellement, sans chercher à dominer les autres comme cela a été le cas depuis des centaines d'années.

(1930)

Bien des gens qui ont signé les traités ont commencé à mettre en oeuvre une politique gouvernementale qui, aujourd'hui, domine complètement les premières nations. Ils ont adopté la Loi sur les Indiens, qui est en vigueur depuis une centaine d'années et qui a encore aujourd'hui des répercussions dans notre vie quotidienne, pour ce qui est de notre identité. Elle définit qui est un Indien et elle sème même la discorde et la zizanie dans nos collectivités.

Avec l'adoption du projet de loi C-31, il existe un nombre incroyable de catégories d'Indiens; il y a les Indiens inscrits, les Indiens non inscrits, les Indiens assujettis aux traités, les Indiens visés par le projet de loi C-31 et ceux qui font partie de bandes. Les gouvernements ont essayé de nous définir. Mais nous avons toujours dit que nous faisons partie des premières nations. C'est au gouvernement des premières nations qu'il devrait appartenir de définir qui sont les membres des premières nations.

Les gens se demandent souvent pourquoi nous n'améliorons pas nos conditions de vie dans nos collectivités. Nos conditions de logement sont encore déplorables. Nous n'avons ni l'eau courante ni l'électricité. Nos infrastructures sont dans un état pitoyable. Quand on examine les statistiques sur les maladies et le taux de fréquentation des hôpitaux par les membres des premières nations, elles sont très élevées. Je dirais que le taux de suicide parmi nos membres est quatre fois plus élevé que celui à l'échelle nationale. Nos enfants abandonnent leurs études prématurément. Ils sont souvent le produit des conditions sociales dans lesquelles nous vivons et du manque de contrôle qui existe dans nos collectivités.

Nous ne demandons pas au gouvernement de nous faire la charité. Nous demandons au gouvernement de partager ce que nous avons, de respecter nos gouvernements, de reconnaître que nous pouvons prendre notre existence en main, prendre notre avenir en charge. Il ne s'agit pas de vivre dans un autre monde, car le Canada appartient à tous. Pour les autochtones, il ne s'agit pas de séparer; ils ne menacent pas de déchirer ce pays.

Des voix: Bravo!

M. Harper (Churchill): Nous ne demandons pas de territoire. Nous n'avons pas la séparation pour objectif, comme le Bloc québécois. Nous voulons que ce pays reste uni et que tous puissent y vivre ensemble.

Je voudrais revenir aux origines de nos relations, car je crois qu'il est important de comprendre pourquoi nous connaissons de semblables conditions dans les réserves. La première et sans doute la plus destructive des lois qui ont freiné notre épanouissement est la Loi sur les Indiens. J'ai toujours considéré que la Loi sur les Indiens aurait dû établir le cadre des relations entre les gouvernements du Canada et les premières nations et non pas multiplier les entraves incessantes dans notre vie quotidienne. En essayant d'éliminer la Loi sur les Indiens, je crois que le gouvernement peut s'attaquer au problème. Au moins, le contrôle de nos vies et de nos destinées sera remis aux premières nations, car il s'agit là d'un droit que nous n'avons jamais cédé.

Les gouvernements ont banni un grand nombre de nos cérémonies, rendant pour ainsi dire illégale toute la spiritualité indienne, qui est pour nous une façon de vivre. Ils ont interdit la danse, les cérémonies, le potlatch. Ils ont essentiellement rendu illégales les manifestations extérieures de nos relations avec le Créateur. C'était devenu illégal.

(1935)

La spiritualité indienne est un mode de vie, car, pour établir une relation avec soi, avec sa famille, avec sa collectivité, on a besoin de cette spiritualité. Nous en avons besoin pour établir cette relation, pour établir la relation avec les autres qui sont venus dans ce pays qu'est aujourd'hui le Canada, et même pour établir une relation avec l'environnement, avec tout ce qui vit,


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avec la terre, l'air, l'eau, les arbres, les animaux. Nous en avons besoin pour fonctionner comme société, pour fonctionner comme gouvernement.

Il nous faut cette spiritualité pour avoir le sens des valeurs morales, pour accepter le fait qu'il y a plus d'une façon de voir les choses, pas uniquement la sienne. Les gens doivent le reconnaître. On nous a interdit toutes ces choses-là. Le plus bel exemple de cela, c'est qu'on nous battait quand nous parlions notre langue dans les écoles, les pensionnats.

Nombreux sont ceux qui peuvent parler de tous les moyens que le gouvernement a pris pour nous assimiler, pour nous intégrer. Car c'est ni plus ni moins le génocide que voulait nous faire subir le gouvernement. Quand il a interdit notre spiritualité, il a détruit nombre d'entre eux, il a fait d'eux des gens sans âme, des robots sans conscience ni valeurs morales.

Laissez-moi vous dire que cet aspect-là n'a jamais été détruit. Cela a toujours été notre force parce que nous avons survécu à de nombreuses années d'assimilation et à de nombreuses politiques du gouvernement.

J'ai dit dans ma déclaration d'hier au sujet du Jour de solidarité à l'égard des autochtones que nous formions une grande nation, un grand peuple, que la grandeur ne se mesurait pas à la richesse matérielle, mais à la capacité de donner et de partager.

Les Premières nations ont montré au reste du monde quel genre de nations elles étaient aujourd'hui. Je le répète, cela a été notre grande force et nous a permis de surmonter tous les obstacles semés sur notre chemin. Aujourd'hui, nous réglons les revendications territoriales d'une partie des Premières nations du pays, à savoir celles qui vivent dans le territoire du Yukon.

Quand on songe à l'immense contribution des peuples autochtones, cela est un bien petit fragment de ce à quoi ils ont droit. Quand on pense à tous les Indiens, à toutes les Premières nations du pays qui ont signé des traités pour partager la terre et les ressources naturelles, combien cela peut-il valoir? Combien cela vaut-il par rapport à tout ce que les peuples autochtones ont partagé?

La valeur de ces traités se chiffre probablement dans les milliards, voire les billions de dollars, traités grâce auxquels d'autres personnes peuvent vivre dans ce pays.

(1940)

Jetez un coup d'oeil sur ces communautés, elles vivent dans des conditions voisines de celles du Tiers-Monde. Bien des choses qui vont de soi dans le Sud passent pour du luxe dans nos communautés du Nord. Il n'y a ni plomberie ni routes dans nos réserves. Nous ne pouvons y accéder que par avion. Le taux de chômage y est élevé.

Pendant ce temps-là, les habitants du sud du Canada tirent profit des terres et des ressources que nous partageons avec les gouvernements.

Même si nous n'obtenons qu'un faible pourcentage du territoire, ne serait-ce que 5 p. 100 des ressources du territoire, c'est suffisant pour permettre au gouvernement d'honorer son engagement envers les premières nations de ce pays.

Les Canadiens interrogent le gouvernement à propos des deniers publics, mais le gouvernement n'est pas obligé de faire assumer financièrement ses obligations résultant de traités par les particuliers. Je reconnais que nous devons assurer le maintien de programmes sociaux tels que l'assurance-maladie, les allocations familiales ou la pension de sécurité de la vieillesse. Les recettes provenant de l'impôt sur le revenu des Canadiens ordinaires et d'ailleurs, le gouvernement n'est pas tenu de s'en servir pour remplir ses obligations liées à des traités.

Nous nous attendons à ce que le gouvernement utilise les recettes tirées des terres et des ressources que nous avons en commun. Il y a là, pour le gouvernement, suffisamment de quoi s'acquitter de ses obligations et promesses au titre des traités. Je ne sais pas à combien ça s'élève. Ça doit aller chercher dans les milliards de dollars.

Je m'attends à ce que les gouvernements traitent les premières nations d'égal à égal. Il nous sera toujours loisible de négocier des traités. Nous ne nous sommes pas soumis aux gouvernements. Le Parti réformiste devrait comprendre cela. Nous n'avons jamais traité d'égal à égal avec les gouvernements à la table de négociations.

Comme je l'ai mentionné, cela ne présente aucune menace parce que notre garantie réside dans le partage des ressources du territoire. Je pourrais ajouter que notre constitution est rédigé dans nos coeurs et nous commande de partager ce que nous avons.

Je constate souvent que les citoyens et les gouvernements souhaitent que le territoire soit un îlot de certitude. Je sais comment les affaires marchent. Je sais qu'il y a plein d'affaires à développer et que les sociétés recherchent cette certitude que procure la possession du sol. Je crois qu'il y a une autre façon de régler ces questions, dont ne fait pas état ce projet de loi. J'ai d'autres avis à ce sujet et d'autres moyens d'y parvenir. Nous pourrons peut-être y revenir un peu plus tard.

M. Alfonso Gagliano (Saint-Léonard): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je regrette d'interrompre le discours du député. Je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour lui permettre de partager le temps de parole qui lui reste avec la députée du Yukon.

(1945)

[Français]

M. Duceppe: Monsieur le Président, nous avons convenu avec les députés du Parti libéral et ceux du Nouveau Parti démocratique, dans un premier temps, de voter la motion d'ajournement pour ce soir et dans un deuxième temps, le Bloc québécois cédera les 20 minutes qui lui sont allouées à la chef du NPD. Si c'est bien ce qu'on a eu comme entente, j'aimerais que l'adjoint au leader parlementaire du gouvernement le confirme.


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[Traduction]

M. Milliken: Monsieur le Président, je crois qu'il y a consentement unanime pour que, lorsque la Chambre s'ajournera aujourd'hui à la fin de ses travaux, ce soit réputé être demain, à l'heure normale d'ajournement. Autrement dit, à toutes fins utiles, le 22 juin sera condidéré être le 23 juin prévu dans le Règlement et, par conséquent, lorsque la Chambre s'ajournera ce soir, ce sera au 19 septembre. Si les députés sont d'accord, je crois que nous pouvons procéder de cette façon.

M. Hermanson: Monsieur le Président, au cours des négociations que nous avons eues avec les autres partis à la Chambre, nous nous sommes entendus pour que, en dépit du fait que la clôture a été invoquée, hier, au sujet de ce projet de loi, nous disposions de 20 minutes pour parler des projets de loi C-34 et C-33.

Si nous ne pouvons pas avoir 20 minutes de temps de parole, nous retirerons notre consentement unanime pour que la Chambre s'ajourne aujourd'hui.

[Français]

M. Duceppe: Monsieur le Président, ma compréhension est bien à l'effet que le Parti réformiste disposera de 20 minutes. Je pense qu'il y a consentement unanime des deux côtés de la Chambre pour accorder les 20 minutes, tout comme accorder les 20 minutes à la chef du NPD.

[Traduction]

M. Hermanson: Monsieur le Président, j'éprouve sans doute quelque difficulté à saisir la méthode de calcul utilisée, puisque le premier député qui a pris la parole a parlé pendant 40 minutes. Si nous accordons 20 minutes à un autre député, le débat sera évidemment suspendu. Nous ne pouvons donc donner notre consentement unanime, à moins que nous ne recevions l'assurance de tous les députés que nous disposerons des 20 minutes comme convenu.

M. Milliken: Monsieur le Président, je crois que l'entente prévoit que la Chambre s'ajourne ce soir et qu'elle soit réputée s'être ajournée le 23 juin pour les fins du Règlement, que 20 minutes soient accordés à la députée du Yukon, 20 minutes à un autre député du Parti réformiste, avant de passer au vote, conformément à l'ordre spécial adopté hier. Nous devrions ainsi régler le problème.

Je crois savoir que le député de Churchill aura besoin de deux autres minutes pour terminer son discours. Nous pourrions le prévoir dans l'entente, si tous les députés sont d'accord. Dans l'affirmative, nous pourrons fonctionner selon cette entente.

M. Hermanson: Monsieur le Président, je voudrais simplement que la présidence me dise s'il est possible, compte tenu de la motion de clôture qui a été présentée et du délai d'une heure qui a été accordé, qu'un député réformiste puisse avoir la parole pendant 20 minutes ou que deux députés réformistes puissent avoir la parole pendant dix minutes chacun pour parler du projet de loi C-33.

Le président suppléant (M. Kilger): Si je comprends bien, cette entente ne vaut que pour la mesure législative que nous sommes en train d'examiner, c'est-à-dire le projet de loi C-33, et pour aucune autre mesure législative. Il ne vaut que pour le projet de loi C-33. C'est bien cela?

M. Hermanson: Monsieur le Président, nous avions convenu d'accorder à tous les partis 20 minutes pour parler des projets de loi C-33 et C-34. Nous voudrions que cela tienne toujours.

Le président suppléant (M. Kilger): Laissez-moi tirer la question au clair. Ce n'est pas que je veuille faire traîner les choses. Le projet de loi C-34 a été adopté. Le consentement unanime n'est donc demandé que pour le projet de loi C-33, n'est-ce pas?

Des voix: Oui.

Une voix: L'ajournement de la Chambre.

Le président suppléant (M. Kilger): Je comprends cette partie.

(1950)

Donc, si j'accorde cinq minutes au député de Churchill pour terminer son intervention, j'accorderai ensuite la parole à un député de l'opposition officielle, du Bloc québécois, pendant 20 minutes. C'est bien cela?

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Je recommence. Le député de Churchill aurait cinq minutes.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Deux minutes.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): On ne pourra pas me reprocher de ne pas avoir essayé. La députée du Yukon aurait 20 minutes et un député du Parti réformiste aurait 20 minutes également.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Ils pourront, s'ils le désirent, diviser leur temps de parole en deux périodes de dix minutes. Nous passerons ensuite au vote. Y a-t-il consentement unanime de la Chambre?

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. Kilger): Le débat reprend.

[Français]

M. Duceppe: Monsieur le Président, si j'ai bien compris, la motion d'ajournement, ce soir, sera réputée avoir été votée le 23 juin. C'est bien ça?

Le président suppléant (M. Kilger): C'est ça.

[Traduction]

M. Harper (Churchill): Monsieur le Président, je suis très heureux d'approuver cette décision. Bien sûr, nous sommes à l'heure des Indiens.

Des voix: Bravo!


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Le président suppléant (M. Kilger): Nous y allons peut-être un peu fort.

M. Harper (Churchill): Je recommande aux députés de la Chambre des communes d'appuyer ce projet de loi. Je souhaite que les réformistes l'appuient, car il porte sur le Canada, sur l'importance de vivre ensemble dans ce pays, sans chercher à s'aliéner les uns les autres. C'est ce que nous voulons.

Cela a été pour moi un honneur que de traiter de ce projet de loi, et j'espère que la motion sera adoptée à l'unanimité.

Le président suppléant (M. Kilger): J'avais toujours pensé que l'heure des Indiens était plutôt longue que courte. Je remercie le député de Churchill.

[Français]

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon): Monsieur le Président, premièrement, je voudrais remercier les députés du Bloc québécois pour leur gentillesse à me permettre de parler sur un sujet très important pour le Yukon, pour la députée de Yukon, ainsi que pour leur appui à ces projets de loi. Je pense que leur appui est très important et leurs interventions dans ce débat l'étaient aussi. Au Yukon, nous apprécions leur appui à ces projets de loi.

[Traduction]

C'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour traiter de ces projets de loi si importants pour le Yukon et son avenir. Dans ce débat à la Chambre, on a beaucoup parlé de la nécessité d'accorder certaines choses aux Indiens. Ces projets de loi confèrent une grande autonomie à la population autochtone et non autochtone du Yukon. Lorsque les Européens sont arrivés pour la première fois au Yukon et ailleurs au Canada, ils n'ont pas conquis ces terres. Ils les ont prises et se les ont appropriées. Elles ne leur ont jamais été cédées.

Nous assistons ce soir à un événement historique extrêmement important, en ce sens que nous, en tant que députés démocratiques dans un pays démocratique, reconnaissons l'importance de réparer les torts commis à cette époque.

Ces mesures législatives étaient attendues depuis fort longtemps et sont l'aboutissement de plus de 20 années de négociations pénibles. Au cours de ces négociations, nous avons vu quelques générations grandir et, ce soir, nous récoltons les fruits du dévouement et du courage des autochtones. Et nous avons un document vivant, un testament en hommage à la volonté et à l'engagement du peuple du Yukon. Cette mesure législative non seulement répare les torts du passé, mais détient la clé de l'avenir, d'un avenir que tous les Yukonnais-autochtones et non autochtones- peuvent envisager avec fierté et espoir. Cette mesure législative est en effet une célébration de l'esprit yukonnais, de cette détermination à relever les défis, à continuer malgré tous les obstacles, à travailler ensemble vers un but commun même quand ce n'est pas facile.

(1955)

Cette mesure législative n'est pas le produit d'une lutte entre gagnants et perdants. C'est le résultat de nombreuses années de compromis, de négociations. Les choses n'ont pas été faciles. Chaque partie a dû faire des concessions, parfois cela a été dur à expliquer, tant aux autochtones qu'aux autres Yukonnais.

Cette mesure législative représente néanmoins, comme l'a dit le député qui a pris la parole avant moi, une tentative: travailler ensemble dans un esprit de coopération et montrer que différentes cultures peuvent cohabiter de façon harmonieuse-et ce qui est plus important-en respectant mutuellement leur langue et leur culture.

Il a fallu 21 ans pour négocier cette mesure législative. En fait, il serait plus exact de dire que cela a pris 92 ans jusqu'à ce jour, 22 juin 1994, car c'est en 1902 que le chef Jim Boss a parlé au gouvernement de la nécessité de protéger les terres de son peuple. Il a demandé au gouvernement de dire au roi qu'il voulait qu'on fasse quelque chose pour les Indiens qui se voyaient privés de leurs terres et de leur gibier. C'est avec cette simple requête qu'ont commencé les efforts qui nous ont conduits là où nous en sommes aujourd'hui.

Le peuple dont parlait le chef Jim Boss était fait de gens qui, pendant des milliers d'années, avaient vécu de la chasse et de la pêche, avaient élevé leur famille et avaient eu un système de gouvernement, des structures, un système culturel, un système judiciaire, un système d'éducation qu'ils avaient conçus en tant que premières nations du Yukon.

Les preuves anthropologiques révèlent la présence d'autochtones dans la région d'Old Crow, au Yukon, il y au moins 20 000 ans. Avec l'arrivée des chasseurs de baleine à l'île Herschel, des prospecteurs, lors la ruée vers l'or du Klondike, et de milliers d'ingénieurs de l'armée américaine venus construire la route de l'Alaska, ces cultures, ces langues, ces traditions, ces terres ont été perdues ou érodées. Les enfants ont été arrachés à leur famille pour être placés dans des pensionnats, des collectivités ont été affaiblies par la maladie, les clans ont été dispersés, la faune a été décimée, des habitats d'une importance critique ont été détruits ou modifiés, et les lieux sacrés ont été oubliés. On peut se demander comment ces gens ont pu conserver un peu de fierté et de dignité, comment des vestiges de leurs traditions ont pu être préservées. Pourtant, leur culture est toujours là, en partie grâce à la sagesse de leurs anciens et à l'espoir qu'ils ont dans l'avenir.

Il y a un peu plus de 20 ans maintenant qu'Elijah Smith, un Indien du Yukon qui avait servi son pays au cours de la Seconde Guerre mondiale, a entrepris une croisade au sein même de son pays pour défendre les droits de son peuple. C'est lui qui, il y a 20 ans, s'est rendu à Ottawa pour présenter un document intitulé Together Today-For our Children Tomorrow.

Nous vivons une soirée historique, le début d'une ère nouvelle. J'affirme que personne au Yukon ne s'imagine que cette entente réglera tous les problèmes pouvant se présenter à l'avenir, mais elle reste quand même un effort pour développer un esprit de coopération et de partage. Or, cet esprit fait partie de la tradition autochtone et de l'histoire du Yukon, où les gens ont appris que la coopération était indispensable à leur survie.

Cette mesure comporte beaucoup de détails importants, au sujet tant des revendications territoriales que de l'autonomie gouvernementale. Je ne les passerai pas tous en revue. Le projet de loi a d'ailleurs été examiné en détail, à la Chambre aussi bien qu'au comité. Je reviendrai cependant sur certaines préoccupations que les députés ont soulevées. L'une des préoccupations que les députés du Parti réformiste ont mentionnées particuliè-


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rement souvent est la question de l'égalité. Ils disent que ces accords, que ces mesures législatives, ne sont pas équitables, alors qu'il aurait fallu favoriser une plus grande égalité. Je tiens à exprimer mon désaccord fondamental et profond sur ce point de vue. En fait, ces mesures législatives et les négociations qui ont permis d'aboutir à des ententes se fondent sur des principes d'égalité fondamentale, sur le respect mutuel de tous les peuples, et sur la reconnaissance de leur dignité.

(2000)

Les ententes admettent par ailleurs que les collectivités autochtones ne sont pas toutes pareilles. Elles ont différentes cultures, différentes langues et différentes traditions, à l'intérieur même du Yukon. Pour être appliquées avec succès, les ententes doivent donc laisser une certaine souplesse aux premières nations en reconnaissant ces différences.

Où est le précédent? J'ai entendu un très grand nombre d'arguments sur le danger que représentent ces ententes, parce qu'elles établissent un précédent. Nous devrions être tous très inquiets, nous devrions craindre l'apartheid, nous devrions craindre de trop nombreuses formes de gouvernement. C'est tout le contraire. Je pense qu'il faut se réjouir, aujourd'hui, car le précédent que créent ces deux mesures législatives est important pour l'avenir de notre pays. Le précédent c'est que différentes cultures, différents groupes linguistiques, peuvent coexister. Ils peuvent vivre ensemble en harmonie. ils peuvent négocier-et c'est cela qui est important-dans le cadre de notre pays, le Canada.

Je pense qu'il est important de noter que le témoignage du gouverneur du Yukon devant le Comité permanent des affaires autochtones insistait sur le fait qu'il y avait, au Yukon, un fort consensus en faveur de l'adoption de ces mesures législatives. J'ai rarement vu durant mes années à la Chambre des communes et, en fait, mes années en politique, un consensus de cette nature. Il n'a pas été atteint il y a 21 ans. Il a fallu 21 ans pour arriver à ce consensus, mais nous sommes à un point maintenant où l'Assemblée législative du Yukon a adopté les mesures législatives parallèles à l'unanimité. Même les députés indépendants ont voté en faveur. Beaucoup d'autres groupes appuient aussi unanimement ces mesures, notamment la chambre de commerce, des groupes comme les pourvoyeurs, les associations minières, l'Association francoyukonnaise et d'autres.

Certains s'interrogent sur le fait que tout cela s'est déroulé à huis clos. Le chef du précédent gouvernement du Yukon disait dans son témoignage au comité que, sous son gouvernement, il y avait eu plus de 100 consultations publiques. Le chef de l'actuel gouvernement disait aussi qu'il y avait eu de nombreuses consultations avec des groupes, des particuliers, des collectivités et que ces mesures législatives avaient été fréquemment discutées dans toutes les collectivités du Yukon.

Pendant cette période, le Conseil des Indiens du Yukon a aussi mené de vastes consultations. Il a convoqué des assemblées générales pour discuter ces questions et arrêter la position à suivre lors des négociations. Le processus a été long et ardu, mais il a porté des fruits. Pendant deux décennies, les habitants du Yukon ont appris qu'il était parfois nécessaire de faire des compromis, mais qu'en fin de compte ils allaient tous en bénéficier.

La mesure législative concernant l'autonomie gouvernementale va de pair avec celle sur les revendications territoriales. Elle renvoie le colonialisme aux oubliettes une fois pour toutes et affirme que les autochtones ont les compétences nécessaires pour gérer leurs propres affaires et que, dorénavant, ils vont les gérer. J'ai déjà entendu des gens dire que c'était une bonne chose mais que les autochtones n'étaient pas encore prêts. Les gens du Yukon, les premières nations du Yukon et le Yukon sont plus que prêts et il est plus que temps.

(2005)

Passons maintenant à la mise en oeuvre de ces accords. Avant que ces deux projets de loi puissent être proclamés, il faudra attendre l'adoption d'un troisième projet de loi, intitulé Loi sur les droits de surface, qui sera présenté à la Chambre à la rentrée.

En toute honnêteté, je dois dire qu'il y a des gens au Yukon qui s'inquiètent de ce qui va advenir de leurs revendications territoriales. Je suis heureuse que le Comité permanent des affaires autochtones ait reconnu, par exemple, les inquiétudes du conseil Déna Kaska, dont les revendications sont transfrontalières et qui a également d'autres préoccupations. Le conseil a été invité à assister, à titre d'observateur, aux négociations avec le gouvernement fédéral, ce qu'il a accepté, se réjouissant que ses préoccupations soient prises au sérieux. Je félicite bien sûr le président et les membres du comité permanent d'avoir pris leurs préoccupations au sérieux et d'en avoir tenu compte.

Rien ni personne, pas plus moi qu'un autre député, ne peut mieux exprimer l'essence de ce que nous sommes en train d'accomplir ici ce soir que l'aîné Matthew Tom qui a dit, en guise d'avant-propos à son témoignage devant le Comité permanent des Affaires indiennes et à sa prière: «Nous sommes venus pour travailler main dans la main avec vous, pas de manière isolée.» Voilà le sens de cette démarche.

Il m'arrive de penser qu'il y a des gens qui croient inutile de tenir compte du passé, qu'il suffit d'aller droit devant soi pour que ce qui est derrière nous soit oublié. Moi, je crois que dans la vie, on ne peut pas fermer les yeux sur le passé. Comme nous le savons tous, il faut prendre des mesures concernant certaines tragédies du passé pour mieux vivre le présent.

Je ne suis pas près d'oublier ces paroles de Matthew Tom, car elles expriment la raison de ma présence parmi vous à la Chambre des communes. C'est aussi la raison pour laquelle nombre de personnes du Yukon ont fait de la politique avant moi et que tant de membres des premières nations ont consacré leur vie à l'oeuvre dont on voit l'aboutissement ce soir.

Je vois qu'il me reste très peu de temps. Permettez-moi seulement, en terminant, de recommander avec insistance à la Chambre d'appuyer unanimement cette mesure législative. On communiquera ainsi aux Canadiens le message suivant: il est possible, au Canada, de reconnaître et de respecter nos différences, notre histoire et nos traditions. Nous le comprenons. J'invite


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tous les députés à voter ce soir pour un tel respect et pour l'avenir de notre pays.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, veuillez prendre note que je vais partager mon temps de parole.

C'est la première fois que j'ai la chance de prendre la parole sur ce projet de loi. La première fois que j'ai lu l'accord-cadre sur lequel ce projet de loi est fondé, celui-ci a immédiatement soulevé dans mon esprit certaines préoccupations relatives aux accords sur les revendications territoriales au Yukon. Je me suis posé des questions sur le nombre, sur le fait qu'environ 7 300 Indiens du Yukon sur une population totale de 32 000 vont être les propriétaires collectifs de 16 000 milles carrés, ce qui comprend tous les droits d'exploitation souterraine sur 10 000 milles carrés et certains droits d'exploitation souterraine sur les 6 000 milles carrés qui restent.

Qu'est-ce que les autres résidents du Yukon pensent de ces accords sur les revendications territoriales? Outre un paiement en espèces de près de 250 millions de dollars, les premières nations du Yukon toucheront aussi le produit des baux de surface et des redevances pour l'exploitation des ressources non renouvelables. Par ailleurs, les premières nations du Yukon se verront accorder une part préférentielle de l'exploitation des ressources fauniques. Quel impact ces accords auront-ils sur l'accès des non-autochtones aux terres cédées par entente? Nous posons ces questions. Nous avons entendu beaucoup de belles déclarations aujourd'hui, mais nous n'avons pas entendu grand-chose à propos des détails de cet accord et de son impact sur les résidents du Yukon.

(2010)

Les premières nations du Yukon permettront-elles aux chasseurs, aux trappeurs et aux pêcheurs d'avoir accès aux terres cédées par entente et à leurs territoires traditionnels beaucoup plus vastes? Que va-t-il se passer à cet égard?

Une autre de mes préoccupations, c'était qu'aucun bilan financier n'accompagnait ces accords. Je craignais que le gouvernement fédéral doive continuer de verser les mêmes paiements aux Indiens du Yukon. Si j'ai bien compris, le règlement des revendications territoriales et le début des négociations concernant l'autonomie gouvernementale avaient pour objet de réduire les obligations financières des contribuables canadiens, puisque ces recettes devaient être remplacées par des redevances et des recettes découlant de l'exploitation des ressources.

Dans ce cas, pour quelle raison continuerait-on à verser chaque année des sommes accrues aux Indiens, en conformité de ce type d'arrangement? Quel contrôle le Parlement canadien exerce-t-il sur le versement de dollars venant des contribuables aux premières nations du Yukon? Les contribuables canadiens posent ces questions aux réformistes, mais je n'ai pas encore entendu de réponses.

Je crains que, si nous adoptons le projet de loi C-33, les futurs accords sur les revendications territoriales des dix autres bandes du Yukon ne seront pas présentés au Parlement aux fins de débat. C'est vraiment inquiétant. Le Cabinet pourra approuver ces accords par décret. C'est le processus prévu dans l'accord-cadre. Pourquoi le gouvernement essaie-t-il de nier le droit démocratique de la population canadienne d'examiner sous tous ses aspects chacun des accords sur les revendications territoriales au Yukon? Pourquoi lui refuse-t-on ce droit?

Selon l'article 6 du projet de loi C-33, les droits inscrits dans ces accords sont reconnus et affirmés «au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982». Est-ce que cela signifie que les accords sur les revendications territoriales seront désormais inscrits dans la Constitution? Font-ils maintenant partie de notre Constitution? S'ils y sont inscrits aujourd'hui, comment pourra-t-on les modifier?

Si nous voulons modifier ces accords à un moment donné, comment allons-nous procéder? Selon l'article 13 du projet de loi C-33, Les dispositions d'un accord sur des revendications territoriales l'emportent sur toutes les lois fédérales et territoriales. Le gouvernement a-t-il vraiment voulu cela? Est-ce là vraiment ce que veulent les Canadiens? Est-ce que les Canadiens ne voudraient pas plutôt que les lois canadiennes s'appliquent également à tous les citoyens, peu importe où ils habitent? Pourquoi le gouvernement cherche-t-il à adopter ces projets de loi à toute vapeur sans traiter directement avec les Canadiens, comme il l'a fait avec les Indiens du Yukon?

Enfin, je m'inquiète beaucoup du précédent que nous sommes peut-être en train de créer en négociant ces accords sur les revendications territoriales. Les précédents ainsi établis s'appliqueront-ils en Saskatchewan, chez moi? S'appliqueront-ils au Manitoba? Allons-nous poser ces mêmes questions dans un an environ au sujet du règlement des revendications territoriales ailleurs au Canada?

Les ententes futures sur des revendications territoriales renfermeront-elles toutes les mêmes dispositions? Prévoiront-elles la cession des mêmes pouvoirs et d'une superficie proportionnelle de territoire, le même contrôle des ressources, les mêmes dispositions en matière de redevances et ainsi de suite? Cette liste n'est pas exhaustive. Va-t-on créer un précédent? Dans leurs revendications futures devant les tribunaux, les intéressés se fonderont-ils sur les précédents créés dans l'accord sur les revendications territoriales au Yukon? Avons-nous bien réfléchi à tout cela? J'ai entendu beaucoup de beaux discours, mais personne n'a abordé cette question. C'est la raison pour laquelle les amendements que nous avons essayé de faire adopter étaient si importants. Malheureusement, ceux-ci ont été rejetés.

(2015)

Les amendements proposés par le Parti réformiste auraient calmé un bon nombre de mes inquiétudes. Ils auraient rassuré non seulement les membres de notre parti mais aussi tous les Canadiens.

L'autre jour je discutais avec des gens de Halifax au sujet des accords sur les revendications territoriales au Yukon et sur l'autonomie gouvernementale. Un monsieur m'a dit qu'il n'avait pas entendu parler de ces ententes. Les Canadiens sont très peu au courant de ce qui se passe ici. Ils ne sont pas conscients des


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répercussions qu'auront ces accords pour leurs propres provinces.

Le gouvernement a comme point de vue que plus vite il peut faire adopter cette mesure, moins celle-ci fera de bruit. Il préfère que les Canadiens ne sachent pas ce qui se passe ici aujourd'hui. Je suis à Ottawa pour représenter mes électeurs et pour m'exprimer en leur nom. Je ne m'acquitterais pas de mes responsabilités si je ne faisais pas part à la Chambre de leurs préoccupations. Nous devons nous faire entendre.

Ces personnes partagent les préoccupations que j'ai formulées ici aujourd'hui. J'ai même entendu un aîné à ce sujet. Je connais beaucoup d'autochtones en Saskatchewan. Certains d'entre eux sont de mes amis et m'ont fait part de préoccupations semblables à celles que j'ai énoncées aujourd'hui.

Les gens préfèrent ne pas écouter. Ils préfèrent ne pas savoir ce que certains autochtones ordinaires pensent. Ils voudraient que cela ne se sache pas.

C'est là un aspect fondamental de l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui. L'aîné avec lequel j'ai discuté vit dans l'une des réserves de ma circonscription. Celui-ci s'est plaint des tactiques employées par certains chefs autochtones pour étouffer la volonté de leur peuple. Nous avons reçu de nombreuses plaintes similaires du Manitoba.

Les citoyens non autochtones du Yukon ont-ils eu l'occasion d'examiner l'accord et de l'approuver? Ont-ils eu l'occasion d'étudier et d'approuver ces accords? Les gens qui ne savent rien offrent toutes sortes de réponses, mais ceux qui sont au courant ne disent rien. Nous posons ces questions, afin de nous assurer que le Parlement conclue des accords que la majorité des autochtones et des contribuables canadiens appuieront.

On ne sait pas si ces accords pourront être modifiés à l'avenir, par conséquent, il faut absolument que toutes ces questions importantes soient éclaircies avant l'adoption du projet de loi. Une fois que le projet de loi sera adopté, dix autres accords seront conclus sans être examinés par le Parlement.

Voilà pourquoi les réformistes veulent avoir tout le temps nécessaire pour examiner, étudier, débattre et modifier le projet de loi jusqu'à ce que nous en arrivions à une mesure parfaite. Je demanderais aux députés de réfléchir au débat que nous avons tenu aujourd'hui. Nous avons entendu de beaux discours, mais obtenu aucune véritable réponse à nos questions.

Enfin, la question de l'autonomie gouvernementale des autochtones a été soumise à l'approbation des Canadiens pendant le référendum sur l'Accord de Charlottetown, et nous savons ce que cela a donné. Les Canadiens ont rejeté l'idée, et pourtant le gouvernement va de l'avant.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre s'il vous plaît. Je me demande si le député pourrait éclairer la présidence. Comme les dix premières minutes sont écoulées, je voudrais savoir si les députés réformistes prendront chacun dix minutes ou si, en fait, le député de Yorkton-Melville prendra 20 minutes et donnera vers la fin quelques minutes à son collègue de Comox-Alberni.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville): Sur un total de 20 minutes, il me reste environ une demi-minute.

Le gouvernement n'en fait qu'à sa tête. Il applique un concept que les Canadiens n'ont pas eu l'occasion de débattre et d'approuver.

(2020)

Il est évident que le gouvernement ne veut pas que les Canadiens aient l'occasion d'examiner cet accord. Les Canadiens devraient connaître les subtilités de l'entente, puisqu'ils sont parties à cet accord. Il s'agit en effet d'un accord conclu entre les autochtones et le peuple canadien.

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni): Monsieur le Président, je me réjouis de pouvoir prendre ici la parole au sujet du projet de loi C-33, surtout compte tenu du peu de temps que le gouvernement alloue à ce débat.

Ce qui s'est produit ici ces dernières 24 heures m'a déçu et m'a découragé et a déçu et découragé beaucoup de Canadiens. Les principes démocratiques mêmes que la Chambre a violés hier soir sont paradoxalement et scandaleusement violés dans ce projet de loi.

Je doute de la pureté des intentions d'un gouvernement qui empêche les députés de débattre à fond de ce projet de loi. Le gouvernement semble vouloir restreindre le débat et faire adopter ce projet de loi à toute vapeur afin que les Canadiens ne soient pas mis au fait des éléments controversés de ce projet de loi.

Le gouvernement précédent a usé de la même tactique l'an dernier pour l'accord sur le Nunavut. Le présent gouvernement n'a manifestement pas l'intention de procéder autrement que l'ancien gouvernement conservateur. En fait, il semble beaucoup s'inspirer de son prédécesseur, mais il oublie où la politique des portes closes a mené celui-ci.

Comme le projet de loi C-33 établit un dangereux précédent, on ne peut pas en prendre les dispositions à la légère. Je soupçonne beaucoup de députés d'en face de n'avoir même pas lu les conditions de ces accords, encore moins de les avoir examinés à fond. S'ils l'avaient fait, comment pourraient-ils demeurer si longtemps silencieux sur cette question? Comment peuvent-ils en conscience accepter que ce projet de loi soit ainsi adopté à toute vapeur?

Bien des dispositions de ce projet de loi méritent d'être examinées attentivement. Non content d'imposer la clôture à ce projet de loi, le gouvernement en a aussi expédié l'étude au comité. Cela augmente d'autant les risques d'erreurs. Nous n'avons pas vraiment pu tenir de discussions approfondies et un débat sérieux sur le projet de loi car le gouvernement en a précipité l'adoption à toutes les étapes.

Le projet de loi contient beaucoup de défauts qu'il faudrait corriger avant qu'il devienne loi. Il contient notamment un article prévoyant que des modifications pourront y être apportées, devinez comment? Par des petits groupes réunis à huis clos. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-33 permet au Cabinet


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de décider seul de négocier et de modifier la loi. Nous créons là un dangereux précédent, non seulement pour les négociations qui ont déjà cours, mais pour les négociations qui auront lieu sous un prochain gouvernement.

Est-ce ainsi que le gouvernement entend administrer ses affaires? Est-ce la voie que veut dorénavant suivre le gouvernement libéral? Cela ridiculise les engagements en faveur d'un gouvernement plus ouvert et plus démocratique contenus dans le livre rouge.

Je rappelle une fois de plus au gouvernement les engagements qu'il a pris dans le livre rouge et je lui demande d'y réfléchir sérieusement avant d'adopter le projet de loi. On dit dans le livre rouge: «Un gouvernement ouvert sera le mot d'ordre du programme libéral.» Il est honteux que cet engagement ait été trahi dans la pratique.

Pourquoi, dans le projet de loi, le gouvernement prévoit-il que des décisions seront prises par le Cabinet derrière des portes closes? Cela entre en contradiction directe avec la promesse d'ouverture faite dans le livre rouge.

Le Cabinet ne devrait pas avoir le pouvoir de modifier un texte de loi par décret. Toute modification à une loi doit être présentée à la Chambre des communes dans le cadre d'un projet de loi et faire l'objet d'un débat ouvert auquel peuvent participer tous les députés.

Les lois du Canada doivent être le fruit d'un processus démocratique conforme au système démocratique auquel participent tous les parlementaires. Toute nouvelle loi doit être créée selon un processus juste et ouvert-«ouvert» est ici le mot clé. Tous les députés élus représentent leurs électeurs au moment de chaque vote visant à promulguer de nouvelles lois ou à en modifier d'anciennes.

Par souci de justice envers la population canadienne, qui nous a envoyés la représenter au Parlement, nous devons tous avoir la possibilité de participer pleinement au processus démocratique. Le gouvernement a souvent loué le principe selon lequel les députés sont élus pour représenter les désirs de leurs électeurs à la Chambre. Cependant, le Cabinet, à lui seul, ne représente pas démocratiquement la population et ne devrait pas prendre des engagements législatifs.

(2025)

Si nous sommes prêts à permettre au Cabinet de modifier et de réviser des lois sans le consentement du Parlement, pourquoi alors avons-nous élu 295 députés lorsque nous n'avons besoin que de 15 membres du Cabinet pour gouverner le pays? Est-ce là le genre de démocratie dont il était question dans le livre rouge? Les Canadiens méritent d'être représentés de façon équitable, et cela veut dire que, avant d'être adoptée, toute mesure législative doit être présentée à la Chambre des communes pour que tous les députés puissent l'examiner et la débattre.

La portée des décrets concernant les futurs accords est trop vaste. C'est presque comme si c'était le Cabinet qui gouvernait par décrets.

Par ailleurs, il y a plusieurs autres dispositions inquiétantes dans ce projet de loi. Par exemple, l'article 14 dit que sont prélevées sur le Trésor les sommes nécessaires pour satisfaire aux obligations monétaires contractées par le Canada aux termes du chapitre 19. C'est dans le projet de loi.

Aux termes de cet article, plus de 242 millions de dollars seront versés aux 14 bandes indiennes qui ont accepté le règlement global avec le gouvernement fédéral. Pourtant, le gouvernement n'a pas encore déterminé quelles sont ses obligations financières à l'égard de ces bandes. Ce projet de loi donne de l'argent au gouvernement autochtone sans mécanisme visant à assurer une distribution équitable de cet argent. Où est la responsabilité financière?

Quand les Canadiens remettent au gouvernement, sous forme d'impôts, l'argent qu'ils ont durement gagné, ils s'attendent à ce que leur gouvernement soit financièrement responsable, et cet article du projet de loi ne reflète pas cette responsabilité.

Je suis certain que le gouvernement est conscient de sa responsabilité financière envers les Canadiens. Je crois d'ailleurs que cela faisait partie des engagements pris dans le livre rouge. Pourtant, dans cet accord, le gouvernement accepte arbitrairement de verser quelque 242 millions de dollars sans exiger que des comptes lui soient rendus sur la façon dont cet argent est utilisé.

Nous devons tous rendre des comptes au gouvernement à la fin de chaque année. Nous devons tous produire une déclaration d'impôt qui fait état de nos revenus. Les ministères gouvernementaux, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial, ont tous des comptes à rendre à la population. Pourquoi alors les groupes autochtones en sont-ils dispensés? Le projet de loi devrait prévoir un système de responsabilité comptable.

Un autre sujet de préoccupation tient à l'article qui donne aux dispositions des accords de règlement des revendications territoriales ou des accords transfrontaliers encore à négocier la primauté sur toutes les lois fédérales et territoriales. Cela veut dire que ces accords et les modifications à ces accords peuvent l'emporter sur toutes les lois du Canada. Les lois fédérales et territoriales doivent au contraire avoir la primauté sur tous les accords au Canada. On ne devrait même pas avoir à en discuter en ce moment.

Il ne peut y avoir qu'un ensemble de lois régissant les Canadiens. Nous ne pouvons pas avoir un ensemble de lois qui s'applique à un groupe et un autre ensemble qui s'applique à un autre. Voilà clairement un dangereux précédent. Cela constitue deux nations. Cela a pour effet d'exempter un groupe de Canadiens des lois qui régissent le Canada et un autre groupe de Canadiens.

En résumé, le Canada constitue une nation. Nous devons traiter tous les Canadiens également sous le régime d'un seul ensemble de lois, non de deux ou trois ensembles.

Le président suppléant (M. Kilger): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.


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Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les oui l'emportent.

M. Gagliano: Monsieur le Président, je fais appel au Règlement. Vous trouverez, je crois, qu'il y a consentement unanime pour que les résultats du vote que nous venons de tenir sur le projet de loi C-34 s'appliquent au projet de loi C-33.

(2030)

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre a entendu les termes de la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 81)

POUR

Députés
Adams
Alcock
Allmand
Anderson
Assadourian
Augustine
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Bachand
Baker
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bellehumeur
Bellemare
Berger
Bethel
Blondin-Andrew
Bodnar
Bouchard
Brien
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Bélisle
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Caron
Catterall
Chan
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Daviault
Debien
de Savoye
DeVillers
Discepola
Dromisky
Dubé
Duceppe
Duhamel
Easter
English
Fewchuk
Fillion
Finlay
Fontana
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gauthier (Ottawa-Vanier)
Godfrey
Godin
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Guarnieri
Guay
Guimond
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jacob
Jordan
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lalonde
Landry
Langlois
Lastewka
Laurin
Lebel
LeBlanc (Cape Breton Highlands-Canso)
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loney
Loubier
MacLaren (Etobicoke North)
Malhi
Maloney
Marchand
Marleau
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLaughlin

McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
McWhinney
Mercier
Milliken
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Ménard
Nault
Nunez
O'Brien
O'Reilly
Pagtakhan
Parrish
Paré
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pomerleau
Proud
Regan
Richardson
Robichaud
Rocheleau
Rock
Rompkey
Sauvageau
Scott (Fredericton-York Sunbury)
Shepherd
Sheridan
Solomon
Speller
Steckle
Stewart (Northumberland)
Szabo
Taylor
Thalheimer
Tobin
Torsney
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Ur
Valeri
Vanclief
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Young
Zed-153

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Benoit
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Chatters
Cummins
Duncan
Epp
Forseth
Frazer
Gilmour
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Hanrahan
Hart
Hermanson
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Johnston
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
McClelland (Edmonton Southwest)
Meredith
Morrison
Penson
Ramsay
Ringma
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Speaker
Stinson
Strahl-35

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Députés
Asselin
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Bertrand
Bonin
Crête
Dalphond-Guiral
Deshaies
Dumas
Finestone
Fry
Gagnon (Québec)
Gauthier (Roberval)
Gerrard
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lincoln
Maloney
Picard (Drummond)
St-Laurent
Stewart (Brant)
Verran

Le président suppléant (M. Kilger): Je déclare la motion adoptée.

(Le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)


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M. Gauthier (Ottawa-Vanier): J'invoque le Règlement, madame la Présidente. J'essaie d'attirer votre attention.

J'étais à la Chambre, mais je n'ai pas participé au dernier vote parce que j'étais un peu en retard. Cependant, je voudrais que ma voix soit ajoutée à la liste des ministériels ayant voté sur les deux projets de loi.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Y a-t-il consentement unanime pour modifier le vote afin d'y inclure la voix du député?

Des voix: D'accord.

* * *

LE MINISTÈRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-35, Loi constituant le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et modifiant certaines lois en conséquence, dont un comité a fait rapport sans amendement.

L'hon. Brian Tobin (au nom du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), propose que le projet de loi soit agréé.

(La motion est adoptée.)

La présidente suppléante (Mme Maheu): Quand ce projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois? Avec votre consentement, maintenant?

Des voix: D'accord.

M. Tobin (au nom du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Madame la Présidente, je suis très heureuse d'intervenir dans le débat en troisième lecture sur le projet de loi C-35.

Tout d'abord, je remercie tous les députés pour leur collaboration dans l'étude du projet de loi. Même si la création du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration n'est qu'une mesure d'ordre administratif, les députés de tous les partis ont prononcé des discours réfléchis et utiles.

Le projet de loi a un objectif simple et clair: donner un cadre législatif au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Le ministère existe actuellement en vertu d'un décret du gouverneur en conseil. En dépit de sa concision, le projet de loi est important pour plusieurs raisons.

L'une des premières décisions du premier ministre-la députée de Beaver River aimerait peut-être écouter-après son élection, a été de créer le nouveau ministère. Tous les députés savent pourquoi il avait fait de ce ministère une priorité.

Pendant la campagne électorale, le premier ministre n'a pas mâché ses mots. En faisant relever l'immigration d'un ministère de la Sécurité publique, nous aurions transmis exactement le message qu'il ne fallait pas aux Canadiens et à la communauté internationale.

Le projet de loi donne suite aux principes du livre rouge, dans lequel nous réclamions une approche dynamique de l'immigration et un juste équilibre entre les considérations humanitaires et nos besoins d'ordre démographique et économique.

La structure du ministère créé par le projet de loi C-35 reflétera cet équilibre. Unir citoyenneté et immigration relève d'une logique inattaquable. L'alliance est naturelle. L'acquisition de la citoyenneté est une étape importante de l'intégration des nouveaux venus dans la société canadienne. La citoyenneté suppose un engagement personnel envers le Canada, une compréhension des exigences, des droits et des responsabilités indissociables de la citoyenneté canadienne.

(2035)

L'acquisition de la citoyenneté canadienne est l'aboutissement d'un processus amorcé par l'immigration. Le ministère croit que citoyenneté et immigration participent des mêmes valeurs communes et des mêmes objectifs. Comme mon collègue de Hamilton-Wentworth l'a expliqué admirablement l'autre jour, l'immigration est le corps de notre pays et la citoyenneté son âme. Le ministère est donc une entité cohérente qui est pleine de bon sens, réunissant comme il le fait la politique opérationnelle et la promotion de la citoyenneté et de l'immigration.

Le nouveau ministère regroupe des éléments autrefois éparpillés dans trois autres. Il ne suffit pas de prendre un décret pour qu'apparaisse une orientation commune. Il y a près de 20 ans, le distingué romancier et physicien C.P. Snow a dit que le Canada avait la meilleure fonction publique du monde. La plupart des Canadiens n'en sont sans doute pas conscients, mais le fait est reconnu par les fonctionnaires de tous les autres pays. J'espère que les députés sont d'accord avec moi lorsque je dis que nous voulons pouvoir faire de nouveau la même affirmation, et le plus tôt sera le mieux.

Les fonctionnaires pourront, en s'appuyant sur un texte législatif, faire porter leurs efforts encore davantage sur une prestation efficace des services, sachant qu'ils peuvent progresser dans leur carrière comme les fonctionnaires de n'importe quel autre ministère. Plus important encore, comme le ministre l'a dit à l'étape de la deuxième lecture, le projet de loi modernise et rationalise les services pour répondre aux besoins des Canadiens et il nous donne les outils dont nous avons besoin pour régler une multitude des problèmes complexes en matière de citoyenneté et d'immigration.

En regroupant les programmes, les ressources et les responsabilités de plusieurs ministères dans un seul ministère, nous rendons le gouvernement beaucoup plus comptable et plus ouvert.

Le ministère exerce un ensemble de responsabilités claires et logiques, depuis l'instant où une personne fait une demande d'immigration au Canada jusqu'au moment où elle accepte de remplir les obligations qui incombe aux citoyens canadiens. Parmi les responsabilités du ministère, on compte les demandes d'immigration, les niveaux d'immigration et la sélection, les


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relations fédérales-provinciales en matière d'immigration, les exigences relatives aux visas, les questions liées aux réfugiés, l'application de la loi, le règlement des différends, les demandes de citoyenneté et l'enregistrement et la promotion de la citoyenneté.

Évidemment, la citoyenneté ne se résume pas à prêter serment et à obtenir des documents. D'une certaine façon, ce n'est qu'un début. C'est pourquoi le nouveau ministère jouera un rôle de chef de file dans le renforcement des valeurs, de l'identité et de l'engagement requis de tous les citoyens, tant ceux qui sont nés ici que ceux qui ont choisi de venir vivre au Canada. La citoyenneté, comme l'immigration, est une voie à double sens.

Nous célébrons aujourd'hui le 125e anniversaire du service de l'immigration du Canada. Ce projet de loi constitue une autre étape de l'évolution de notre législation en matière d'immigration et de citoyenneté. Ce projet de loi établira le cadre intégré et simplifié dont nous avons besoin pour relever les défis et profiter des immenses possibilités qu'offrent la citoyenneté et l'immigration.

Tous les députés reconnaissent que nous devons réformer nos politiques d'immigration et examiner le rôle à long terme de l'immigration et de l'édification du pays. Nous reconnaissons tous que le système nécessite des améliorations. Nous savons tous qu'il importe de redéfinir et de renforcer nos politiques relatives à la citoyenneté. Et nous savons à quel point les questions liées à l'immigration influent sur le monde d'aujourd'hui.

Notre gouvernement a pris des mesures concrètes sur ces questions, et il continuera de le faire. Et nous le faisons, à mon sens, avec la collaboration réelle de tous dans cette enceinte. En tant que Canadiens, nous devons avoir une vision plus large de l'immigration, nous devons avoir une meilleure idée de nos objectifs et du genre de pays que nous voulons construire. Nous devons régler les problèmes de notre système d'immigration et mettre un terme aux abus d'une poignée d'immigrants qui nuisent à la vaste majorité des nouveaux venus honnêtes et travailleurs.

Un auteur canadien a déjà dit qu'il y avait un réfugié dans chacun d'entre nous. Nous devons nous efforcer davantage d'inciter la communauté internationale à trouver une solution aux problèmes de 20 millions de réfugiés par année et, plus particulièrement, à celui de la protection des femmes qui fuient la persécution fondée sur le sexe.

[Français]

Le gouvernement a pris des mesures à ce sujet et il continuera d'en prendre. Nous le faisons avec la collaboration de tous et toutes à la Chambre des communes. Grâce aux mesures législatives proposées concernant l'établissement du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, nous allons disposer de la structure intégrée et simplifiée essentielle pour nous permettre de régler les problèmes et de profiter des possibilités énormes en matière d'immigration et de citoyenneté.

(2040)

[Traduction]

Cette mesure législative établit une structure moderne, efficace et intelligente. Grâce à cette structure, nous serons mieux équipés pour introduire et appliquer des politiques équitables et ouvertes afin de réunir les familles, d'offrir un abri sûr aux réfugiés, d'utiliser l'immigration comme pierre angulaire de la croissance économique et de promouvoir le concept et les principes de la citoyenneté.

Cette mesure législative n'a manifestement pas pour but d'exposer certains détails de la politique de l'immigration et de la citoyenneté. Le projet de loi C-35 a pour but de constituer un nouveau ministère pour exécuter les politiques dont nous aurons finalement convenu.

Madame la Présidente, J'ai commencé en disant que cette mesure législative était courte et directe. C'est important.

[Français]

Je presse donc les membres de la Chambre des communes d'adopter sans tarder ce projet de loi pour que nous puissions améliorer les politiques de la citoyenneté et de l'immigration et ainsi contribuer à l'avancement de notre pays. Cette loi est un pas en avant.

[Traduction]

Cette mesure positive profitera au Canada et à tous les Canadiens.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa): Madame la Présidente, ce soir, je prends la parole dans le cadre de la discussion en troisième lecture du projet de loi C-35, Loi constituant le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Encore une fois, comme je l'ai déjà fait en deuxième lecture, je vous annonce que je voterai contre ce projet de loi, à peu près pour les mêmes raisons déjà invoquées dans mon discours du 13 juin dernier en cette Chambre.

Comme il n'y avait aucun document écrit expliquant ce projet de loi complexe, car il modifie plusieurs lois, j'ai relu avec attention le discours de présentation prononcé par le ministre lors du dépôt de ce projet de loi. Malheureusement, aucun détail ni aucune justification précise n'a été apporté par le ministre à cette occasion. En fait, dans son long discours, il n'a abordé que les questions générales de politique en matière de citoyenneté et d'immigration et, naturellement, encore une fois, il a fait l'éloge de son gouvernement.

Je suis d'accord avec le principe du projet de loi et avec la fusion des fonctions de l'immigration et de la citoyenneté au sein d'un même ministère. Cependant, il y a des gens, incluant moi-même, qui se posent la question sur le nom du ministère, à savoir s'il ne devrait pas s'appeler le ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté et non à l'inverse, le mot «Immigration» précédant celui de la «Citoyenneté».

En effet, pour les dizaines de milliers de nouveaux arrivants qui viennent s'établir chaque année au Canada, on est d'abord immigrant et, par la suite, après quelques années, on devient citoyen.


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Les principales raisons pour lesquelles je voterai contre ce projet de loi sont les suivantes. D'abord, l'article 4 du projet de loi qui établit que «les pouvoirs et fonctions du ministre s'étendent de façon générale à tous les domaines de compétence du Parlement et liés-et je souligne le mot «liés»-à la Citoyenneté et à l'Immigration.»

Il est évident que cette disposition est trop vague et trop vaste. Depuis toujours, l'immigration est un domaine de juridiction partagée, de compétence fédérale et provinciale, et le Québec a son propre ministère et son propre ministre depuis 1968.

Connaissant les visées centralisatrices du gouvernement libéral et me fiant aux ingérences déjà effectuées au cours de ces quelques derniers mois, je crains que le ministre et le ministère n'empiètent indûment sur les pouvoirs des provinces.

(2045)

Je mentionne ici seulement les cas des COFI que nous avons dénoncés en cette Chambre, suite aux tentatives du ministre d'imposer à cette institution typiquement québécoise l'obligation de promouvoir l'unité canadienne. Quel exemple plus clair d'ingérence dans un champ de juridiction pourtant exclusivement provincial comme l'éducation!

Le ministre est tenu de respecter les ententes signées par le gouvernement fédéral et les provinces, notamment dans le cas du Québec, où l'entente Cullen-Couture et plus tard l'entente McDougall-Gagnon-Tremblay sont très précises. Je veux lancer une mise en garde au ministre pour lui dire que le Bloc québécois ne permettra jamais, ni au ministre, ni à son gouvernement, de s'immiscer dans les champs de compétence provinciaux.

Je vous rappelle que d'autres lois ont précisé et défini les pouvoirs du ministre, parmi lesquels se trouve la loi adoptée récemment par le ministère du Revenu. Pourquoi ne pas l'avoir fait dans le projet de loi à l'étude? Une autre disposition importante est l'article 5 qui stipule que le ministre peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, conclure avec une province, ou l'un de ses organismes, ou un groupe de provinces, ou avec des gouvernements étrangers, ou organisations internationales, un accord visant à faciliter la formulation, la coordination et l'application des politiques et programmes relevant de sa compétence.

Nous avons soumis au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration un amendement afin d'éliminer le mot organisme. C'est le seul amendement qui a été accepté par la majorité libérale, car il est évident que le gouvernement se doit de négocier et de signer les ententes avec les gouvernements provinciaux, dont relèvent ces organismes. Nous avons également proposé un autre amendement à l'effet que les ententes signées par le gouvernement fédéral soient déposées en Chambre. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la majorité libérale a défait cet amendement pourtant légitime et très justifié.

Les libéraux ont même voté contre le dépôt des ententes signées par les ministres avec d'autres gouvernements et avec des organismes internationaux. Pourtant, le dépôt de tels accords constitue une pratique courante et justifiée dans tous les Parlements des pays démocratiques, car parfois, de telles ententes prévoient des dépenses que le Parlement est en droit de surveiller, vérifier et contrôler. Le ministre et son ministère devraient faire preuve de plus de transparence, surtout que dans son dernier rapport pour l'exercice qui a pris fin le 31 mars 1990, c'est-à-dire il y a cinq ans, le vérificateur général du Canada a consacré quatre chapitres à tous les aspects du programme d'immigration.

Il en est arrivé à la conclusion que l'information fournie au Parlement, et donc au public, était incomplète et fragmentaire. L'autre objection majeure que nous avons à ce projet de loi est par rapport à l'article 10 modifiant la Loi sur le ministère du Multiculturalisme et de la Citoyenneté. Cette disposition accorde au ministre du Patrimoine canadien et à sa secrétaire d'État pour le Multiculturalisme le mandat de promouvoir l'identité canadienne. Ce mandat est nouveau et nous comprenons mal pourquoi le ministre inclut cet ajout dans un projet de loi qui, selon ses propres termes, n'est que de caractère administratif.

Pourquoi cette urgence à promouvoir l'identité canadienne, sinon pour combattre le mouvement souverainiste à la veille des élections provinciales au Québec et d'un référendum subséquent en 1995? D'autant plus que lorsque ce gouvernement parle d'unité canadienne, il nie ou il ignore, à toutes fins pratiques, l'identité québécoise.

(2050)

Autre conséquence de cette disposition, c'est qu'elle renforce la confusion déjà inhérente entre le mandat du ministère du Patrimoine canadien et celui de la Citoyenneté et de l'Immigration. Malgré le fait que cette fonction devrait être exclusive au ministre du Patrimoine canadien, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration commence déjà à l'exercer lui-même, en proposant une nouvelle législation sur la citoyenneté dont, selon lui, l'objectif serait de promouvoir non seulement la citoyenneté, mais aussi les grandes valeurs canadiennes.

Malheureusement, le ministre devient de plus en plus obsédé par la question de l'unité canadienne. Avec cette discussion, il ne fait que semer la discorde entre le Québec et le Canada anglais. Ce débat n'est pas du tout unificateur, comme le veut et le pense le ministre. L'échec du fédéralisme, c'est l'échec du Canada comme confédération.

Le ministre a haussé, en mai dernier, le barème à verser pour recevoir les services d'immigration. Par exemple, la demande de résidence permanente pour les réfugiés, l'obtention d'un visa, d'un permis du ministre, d'un passeport, etc., ce qui entraîne beaucoup de problèmes chez les réfugiés qui n'ont pas les moyens de verser 500 $ pour obtenir la résidence permanente.

De plus, le ministre a annoncé hier de nouvelles mesures de financement des services aux immigrants qui entreront en vigueur en 1995-1996. Ainsi, le gouvernement ne paiera pas les coûts des avantages sociaux du personnel qui donne des cours de langue aux nouveaux arrivants, avantages qui sont pourtant prévus dans les ententes collectives.


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Cette décision touche de nombreux organismes qui reçoivent des fonds pour offrir des services aux immigrants dans le cadre des programmes d'accueil, des programmes d'établissement et d'adoption des immigrants et des programmes de cours de langue pour les immigrants au Canada.

Cette décision produira énormement de problèmes au sein de ces organismes qui accomplissent un très bon travail, ainsi que parmi le personnel qui verra ses avantages sociaux réduits.

Le ministre a déposé lundi un autre projet de loi, le projet de loi C-44, modifiant la Loi sur l'immigration, la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur les douanes. En vertu de ce nouveau projet de loi, les grands criminels ne pourront plus demander le statut de réfugié pour rentrer au pays ou pour retarder leur expulsion du Canada.

Nous sommes d'accord avec ces principes, mais nous allons examiner très attentivement toutes et chacune des dispositions du projet de loi C-44. S'il s'avère nécessaire, nous déposerons les amendements qui s'imposent.

Cependant, nous tenons aujourd'hui à exprimer quelques commentaires préliminaires.

D'abord, il me semble que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a réagi de façon excessive et exagérée à un problème qui est réel, mais qui est tout de même marginal et qui ne revêt pas les proportions que le Parti réformiste et les médias voudraient lui attribuer. Je pense que le ministre a cédé trop facilement aux pressions et aux critiques à l'emporte-pièce exprimées par certains députés du Parti réformiste.

Quant à moi, je crois que certaines dispositions de ce projet vont même à l'encontre de la Charte canadienne des droits de la personne.

Une autre disposition de ce projet de loi accorde le pouvoir aux agents d'immigration d'intercepter et de retenir le courrier venant de l'étranger et qui pourrait contenir des documents reliés à l'identité d'un individu pour la simple raison que le fonctionnaire présumerait que ce document pourrait être utilisé de façon frauduleuse. Ne trouvez-vous pas, madame la Présidente, que cette disposition viole de façon évidente les principes et les règles contenues dans la Charte?

(2055)

Comme députés, il est de notre devoir de combattre les préjugés et la discrimination contre les immigrants et contre les réfugiés. Il faut qu'en tant qu'élus du peuple nous fassions preuve de compassion et de générosité, valeurs fondamentales des populations québécoise et canadienne. Avec tout le respect que je leur dois, je pense que mes collègues du Parti réformiste, qui tiennent parfois des propos incendiaires, sont en train de créer dans la population un climat d'intolérance face aux immigrants.

Je suis extrêmement heureux que l'immense majorité des personnes que j'ai rencontrées en Alberta-j'ai fait deux voyages, j'ai visité Calgary, Edmonton et Banff. Entre autres, j'ai rencontré des avocats, des leaders ethniques et des membres des Églises qui ne partagent pas cette approche du Parti réformiste qui est à mon avis, anti-immigrants et anti-réfugiés.

Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à l'Association ethno-culturelle d'Edmonton et au Centre multiculturel de Calgary pour le travail formidable qu'ils effectuent dans le domaine de l'intégration des nouveaux arrivants.

[Traduction]

J'ai visité Calgary à deux reprises et j'y ai rencontré un jeune Salvadorien qui avait trouvé refuge dans un sous-sol d'église. J'ai exprimé ma solidarité à ce réfugié. Malheureusement, ce réfugié n'a pas obtenu l'appui du Parti réformiste. Mais, fort heureusement, une entente est intervenue depuis et ce jeune Salvadorien est maintenant libre.

[Français]

Je dois remercier ici les pasteurs, les professeurs d'université, les professionnels et la communauté latino-américaine qui a aidé ce jeune Salvadorien qui, aujourd'hui, peut rester au Canada. Je suis fier de cette communauté latino-américaine qui a fait un travail formidable à Calgary pour un de ses frères.

Je termine mon intervention en soulignant, à l'occasion du 125e anniversaire du premier programme d'immigration et de la première loi adoptée par le Canada, l'apport exceptionnel des immigrants qui, par centaines de milliers, sont venus enrichir le Canada et le Québec.

J'en profite pour mentionner ici que j'ai participé cette fin de semaine à deux événements ethno-culturels très significatifs dans mon comté de Bourassa à Montréal-Nord. En effet, il s'agissait de la fête organisée par le Centre communautaire multi-ethnique de Montréal-Nord qui a accordé des diplômes et des mentions d'honneur aux étudiants ayant suivi et réussi leurs cours de français. Quel bel exemple d'intégration harmonieuse!

Le deuxième événement auquel j'ai participé était le gala organisé par la Maison des jeunes l'Ouverture qui décernait les prix aux meilleurs étudiants d'origine ethnique de chacune des écoles de mon comté. La plupart de ces étudiants étaient d'origine haïtienne, latino-américaine et vietnamienne. Je félicite la Maison des jeunes l'Ouverture et particulièrement son directeur, Félix St-Élien, pour cette initiative et pour l'excellent travail de rapprochement interculturel entre les jeunes de Montréal-Nord.

Je profite de cette occasion pour souligner les efforts déployés par la communauté haïtienne pour solutionner les problèmes et s'intégrer harmonieusement à la société québécoise. Enfin, j'aimerais saluer chaleureusement et exprimer ma profonde gratitude aux milliers de bénévoles et aux centaines d'organismes qui, partout au Québec et au Canada, oeuvrent d'arrache-pied et effectuent un travail inouï d'accueil et d'intégration de nos nouveaux concitoyens.

(2100)

[Traduction]

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam): Madame la Présidente, je suis heureuse d'apporter aujourd'hui ma contribution au débat sur le projet de loi C-35 qui en est à l'étape de la troisième lecture. Comme les députés le savent, ce projet de loi vise à constituer le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Par contre, il s'agit en fait d'une mesure purement administrative sans grande consistance.

Mes collègues et moi, qui sommes du Parti réformiste, aurions préféré que le gouvernement présente une mesure législative qui règle quelques-uns des nombreux problèmes qui perturbent notre pauvre ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Je suis d'avis que le gouvernement doit se mettre sans délai à la


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recherche de nouveaux objectifs précis et de nouvelles politiques rigoureuses pour ce ministère et, pour cela, s'en tenir à deux critères: la sécurité de la société canadienne et les besoins économiques de notre pays.

La politique d'immigration actuelle du gouvernement autorisera cette année, la venue au Canada de 250 000 nouveaux immigrants, soit à peu près 1 p. 100 de la population canadienne. Où est la justification de ce nombre? Quelle en est la justification économique? Le ministre persiste à dire que ce nombre a été fixé à la suite de consultations d'une envergure sans précédent qui ont donné lieu à une participation jamais vue. Quelles consultations? Qui y a participé? Quels points de vue ont été acceptés?

Je vais vous parler de la méthode de consultation du gouvernement. En fait, le gouvernement a consulté essentiellement des groupes d'intérêts spéciaux, en particulier ceux qui ont un intérêt direct, dans la plupart des cas de nature financière, dans le maintien d'un processus d'immigration complexe, coûteux et lent.

Ainsi, on estime que le traitement du dossier d'un réfugié coûte entre 30 000 $ et 50 000 $. Croyez-vous que les avocats de l'immigration, qui sont consultés abondamment dans le cadre du processus de consultation prolongé du ministre, soient d'accord pour rationaliser le processus décisionnel? Jamais de la vie!

Qu'a-t-on fait des résultats des sondages? Des opinions des simples Canadiens? Nous avons pu en prendre connaissance régulièrement. Les sondages effectués depuis quelques années montrent qu'une majorité de Canadiens croient qu'il faudrait réduire l'immigration, en particulier en période de difficultés.

Or, on préfère, au point de vue des Canadiens, celui des groupes d'intérêts spéciaux et leurs programmes. Encore une fois, la politique d'accroissement de l'immigration que préconise le gouvernement contredit son infâme livre rouge, qui dit que la population est irritée par les gouvernements qui ne la consultent pas et ne tiennent pas compte de ses opinions. Le mot-clé est «population».

Curieusement, cela fait contraste avec le placard publié par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et distribué plus tôt cette année, où l'on demande de participer aux consultations qui seraient en cours à l'heure actuelle. On y dit ceci: «Il est également important que vous et votre groupe fassiez parvenir des renseignements au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.» Vous noterez l'expression «vous et votre groupe». Remarquez que la demande de mémoires écrits devant être présentés au groupe de travail sur les consultations ne s'adresse pas à des personnes, mais plutôt à des groupes.

Qu'est-il advenu de la promesse du gouvernement de consulter les gens sur les questions importantes? En quoi remplit-il la promesse qu'il avait faite dans le livre rouge? Elle n'a pas été respectée et ne le sera pas, car le gouvernement, tout comme les conservateurs, ne s'intéresse tout simplement pas à ce que les Canadiens ordinaires ont à dire.

Sur les 250 000 immigrants arrivés au Canada cette année, seulement 18 p. 100 seront évalués en fonction des avantages économiques qu'ils pourraient rapporter au Canada, de sorte que le niveau de compétence et d'instruction des immigrants par rapport aux citoyens canadiens a diminué au cours des années. Or, le livre rouge, qui relève de la fiction, fait référence à une politique d'immigration qui tient compte des besoins économiques et de notre capacité d'absorber des immigrants et de les aider à s'installer.

Ces promesses électorales des libéraux contredisent carrément leur politique actuelle fixant le plafond à 1 p. 100 et celle qui veut que seulement 18 p. 100 des immigrants soient évalués en fonction des avantages économiques qu'ils pourraient rapporter au Canada. Comment notre politique actuelle d'immigration répond-elle aux besoins économiques du Canada ou à notre capacité d'aider les immigrants à s'établir? Elle n'y répond pas.

Maintenant, en réponse à des pressions répétées, le gouvernement présente un projet de loi qui vise une révision complète du fonctionnement de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Toutefois, en dépit de ces quelques modifications mineures, on craint que la commission ne continue à accumuler un énorme arriéré de dossiers et qu'elle ne mette en danger la sécurité des Canadiens en ne prenant pas les mesures qui s'imposent pour expulser les criminels. Le 22 juin 1992, l'actuel ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, alors qu'il était dans l'opposition, a commenté le système de renvoi et déploré le fait que, même une fois leur demande refusée, certaines personnes n'étaient pas expulsées; il a par la suite déclaré: «Même ceux à qui on a refusé tout cela n'ont pas été expulsés en fin de compte.»

(2105)

En fait, très peu de gens sont renvoyés et cette approche frileuse à l'égard de l'expulsion se poursuit même sous la direction de l'actuel ministre. L'absence de contrôle des sorties et les sursis à l'exécution des ordonnances de renvoi de la CISR ont créé un système d'expulsion inefficace et inepte, qui impose une charge financière énorme aux Canadiens.

L'année dernière, la CISR, dans toute sa sagesse, a accordé 147 sursis conditionnels d'une période de 2 à 5 ans à des gens frappés d'une ordonnance de renvoi, mais ce qui est le plus inquiétant, c'est que 145 de ces 147 personnes avaient un casier judiciaire. Elles avaient été condamnées pour des infractions allant du trafic de drogues à l'homicide involontaire en passant par l'agression sexuelle.

Le fonctionnement de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est une sinistre blague et, vu que nous recevons chaque année quelque 250 000 immigrants, le ministre devrait peut-être s'enquérir de la raison pour laquelle la CISR pense que les citoyens canadiens ont besoin de la compagnie de 145 criminels.

Récemment, la commission a accordé un sursis de cinq ans à un individu au casier judiciaire chargé, responsable de la mort d'une femme à Toronto, en avril. Aujourd'hui même, il y avait des funérailles à Toronto. On inhumait un agent de la police de Toronto qui avait été tué, pendant que son compagnon était blessé, lors d'un échange de coups de feu avec un individu dont la déportation avait été ordonnée il y a trois ans.

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Alors que les gens font la queue pour venir au Canada, pourquoi la CISR annule-t-elle des ordonnances d'expulsion de criminels notoires et pourquoi le ministère ne fait-il pas exécuter les ordonnances d'expulsion? Je crois que le ministre devrait s'efforcer d'en découvrir la raison, et je considère qu'il devrait appliquer aux travaux de son propre ministère les propos qu'il a tenus le 22 juin 1992. Le système est nettement en train de s'écrouler.

Le Canada doit cesser d'être un refuge pour les immigrants et les réfugiés qui ont trempé dans des activités criminelles. Nous serons toujours heureux de recevoir les véritables réfugiés au sens de la Convention, mais nous devons tout faire pour mettre au point une politique d'immigration qui réponde aux besoins économiques de notre grand pays.

Au cours des 25 dernières années, nous avons accepté, en moyenne, au Canada, quelque 150 000 immigrants par année. Cela pourrait nous servir de point de départ. Ensuite, selon l'état de santé et les besoins de notre économie, nous pourrions rajuster ce nombre, à la hausse ou à la baisse. Il ne fait pas de doute que le gouvernement rejettera vigoureusement l'idée d'une telle stratégie, parce que ce sont les groupes d'intérêt qui déterminent les politiques d'immigration.

Le Québec, qui a son propre programme d'immigration et son propre système de contrôle, a décidé de ne recevoir cette année que 16 p. 100 des nouveaux venus au Canada. Pour quelle raison? Pour des raisons économiques, bien entendu. Raisons fondamentales, s'il en est.

L'économie du Québec est trop faible et tourne trop au ralenti pour se permettre d'accueillir et d'absorber des immigrants. Et pour reprendre le livre rouge, si une province utilise cette stratégie, pourquoi serait-il si incompréhensible de suggérer qu'une stratégie similaire soit appliquée à l'échelle nationale? La position du Parti réformiste est claire. Toute politique en matière d'immigration doit tenir compte des besoins économiques de notre pays. Quoi de plus sensé?

Je dirai pour terminer que ce gouvernement doit réformer le système de déportation et de renvoi. La CISR accorde des sursis aux criminels et aux faux réfugiés. Il faut que cela cesse immédiatement, car une telle pratique nuit aux immigrants et aux réfugiés de bon droit ainsi qu'aux contribuables canadiens qui doivent subventionner la représentation par avocat de ces personnes devant soit une commission de l'immigration après l'autre, soit un juge au criminel.

Si la politique d'immigration et le fonctionnement interne du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ne sont pas soumis à une réforme véritable, il ne fait aucun doute que la relance de l'économie canadienne va s'en trouver affaiblie et que la sécurité de nos rues continuera d'être incertaine.

L'heure n'est plus aux petites mesures administratives. L'heure est venue d'arrêter d'écouter les groupes d'intérêts et de commencer à écouter les Canadiens et les Canadiennes. Le Parti réformiste a la ferme intention de talonner le gouvernement sans relâche dans le dossier de l'immigration, tant qu'il n'aura pas apporté aux programmes canadiens d'immigration des modifications constructives, pratiques et axées sur l'économie. Le gouvernement peut en être absolument sûr.

(2110)

J'aimerais aussi dire brièvement que l'idée qu'on puisse appliquer la clôture à un débat sur un projet de loi d'ordre administratif comme celui-ci me consterne. J'aimerais simplement rappeler les paroles du député de Kingston et les Îles:

Je veux d'abord parler du fait que le gouvernement a encore une fois eu recours à l'attribution de temps pour ce projet de loi. Je veux simplement signaler aux députés et à la population l'attitude rigide de ce gouvernement face aux débats à la Chambre.
Voilà ce que le député de Kingston et les Îles a dit en février 1993.

Quant au député d'Ottawa-Vanier, en mai 1991, il a déclaré ceci:

C'est loin d'être démocratique. C'est un abus de pouvoir de la majorité. Nos vis-à-vis sont assez nombreux pour imposer à la minorité un processus répréhensible, c'est le moins qu'on puisse dire.
Le 29 mai 1991, le député de Kingston et les Îles a fait une autre déclaration:

Une nouvelle redéfinition de la démocratie. . .Selon moi, la motion est contraire à toutes les pratiques suivies à la Chambre depuis 124 ans. C'est un sérieux manquement à toutes les convenances de la Chambre des communes. Le Président a déclaré que la motion était recevable et je respecte cette décision, mais je n'en pense pas moins qu'il est immoral de la part du gouvernement de présenter cette motion et d'imposer la clôture pour limiter le débat.
Le 29 mai 1991, le député de Winnipeg St. James a déclaré ceci:

Mais s'il y en a un, qu'il ne soit pas trop long, car après tout, le gouvernement a en réserve une mesure radicale appelée «clôture». Si nous osons dire quoi que ce soit pour protester contre ses propositions ou ses motions, il va nous museler.
Enfin, le 24 mars 1994, le leader du gouvernement à la Chambre des communes a déclaré ce qui suit:

Monsieur le Président, j'ai dit au nom du gouvernement qu'on s'apercevrait au cours de la présente législature que le gouvernement se servirait beaucoup moins fréquemment que son prédécesseur de l'attribution de temps et de la clôture.
Quatre fois en une soirée. Il a poursuivi:

Que le leader parlementaire de l'opposition soulève cette question dans quelques années pour voir si j'ai raison.
Peut-être que la question va être soulevée à nouveau dans quelques années. Ce projet de loi d'ordre administratif ne justifie pas la clôture; sur ce, je conclus mon intervention à titre de dernier orateur avant que la Chambre ajourne pour l'été.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote!

5780

La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Une voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

M. Milliken: Madame la Présidente, vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour modifier l'ordre de priorité des Initiatives parlementaires afin que l'article no 1 devienne le no 8 et l'article no 8 devienne le no 1.

À titre d'information, l'article no 8 porte sur le projet de loi S-3. Une fois l'ordre de priorité modifié, vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour faire passer immédiatement le projet de loi S-3 par toutes les étapes.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Y a-t-il consentement unanime pour adopter cette suggestion?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________

5780

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA SÉCURITÉ, COMPAGNIE D'ASSURANCES GÉNÉRALES DU CANADA

M. Nick Discepola (Vaudreuil) propose: Que le projet de loi S-3, Loi autorisant la continuation de La Sécurité, Compagnie d'Assurances Générales du Canada sous forme de corporation régie par les lois de la province de Québec, soit lu pour la deuxième fois et, avec le consentement unanime, renvoyé au comité plénier.

(2115)

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la deuxième fois et étudié en comité; rapport est fait du projet de loi, qui est agréé, lu pour la troisième fois et adopté.)

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Madame la Présidente, étant donné tout le travail remarquable qu'a accompli la Chambre aujourd'hui, nous ne mettrons pas en délibération d'autres mesures d'initiative ministérielle.

Au nom du leader parlementaire du gouvernement et des membres de son équipe, je voudrais remercier ceux qui ont présidé la séance d'aujourd'hui pour leur collaboration, les greffiers au Bureau ainsi que les pages que le Président a déjà remerciés plus tôt aujourd'hui.

Des voix: Bravo!

M. Milliken: Je voudrais également remercier les leaders parlementaires des autres partis et leur équipe ainsi que tous les députés de tous les partis à la Chambre pour la tolérance, la patience et la collaboration qu'ils ont manifestées aujourd'hui.

Je comprends que la journée a été plutôt dure pour certains, mais je vous suis reconnaissant d'avoir fait preuve, toute la journée ou presque, du même esprit de collaboration qui a marqué la présente session jusqu'à maintenant.

Je tiens à souhaiter d'excellentes vacances à tous les députés. En effet, conformément à la motion que la Chambre a adoptée plus tôt, lorsque la Chambre s'ajournera ce soir, ce sera pour l'été. Nous n'aurons pas à siéger demain et c'est avec plaisir que je propose ici:

Que la Chambre s'ajourne maintenant.
M. Hermanson: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je veux seulement convenir avec le député de Kingston et les Îles que les deux ou trois derniers jours ont été difficiles. Je tiens aussi à assurer à la Chambre que, en dépit de certaines rumeurs, nous, réformistes, étions disposés à siéger jusqu'à 22 heures, demain.

D'autres députés préfèrent apparemment aller jouer au golf, faire du camping ou faire campagne au Québec. Au nom de mes collègues du caucus réformiste, je veux moi aussi remercier les pages et les services du greffier pour l'excellent appui qu'ils nous ont fourni.

Des voix: Bravo!

[Français]

M. Duceppe: Madame la Présidente, moi aussi je veux remercier toute l'équipe des pages, toute l'équipe de la Présidence, également, le gouvernement, avec qui nous avons bien collaboré depuis deux jours et quelque peu avant, et je remercie le Parti réformiste de s'être fait violence et d'avoir accepté d'ajourner ce soir.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Comme je n'étais pas ici lorsque le Président a eu l'occasion de remercier les pages, je tiens à dire à quel point j'ai trouvé agréable de travailler avec vous tous. Merci beaucoup.

La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

La présidente suppléante (Mme Maheu): Comme il est 21 h 22, aux termes de l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre s'ajourne au lundi 19 septembre, à 11 heures, conformément au paragraphe 28(2) du Règlement.

(La séance est levée à 21 h 22.)