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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 11 mars 1997

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LA LOI SUR LE CASIER JUDICIAIRE

    Projet de loi C-382. Adoption des motions de présentation et de première lecture 8869

PÉTITIONS

LE FONDS D'INDEMNISATION DES AGENTS DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

LA FISCALITÉ

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

L'AVORTEMENT

    M. Harper (Simcoe-Centre) 8870

L'ÂGE DU CONSENTEMENT

    M. Harper (Simcoe-Centre) 8870

LA JUSTICE

LA CONTREBANDE

LA TUTELLE

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL

    Projet de loi C-66. Motion visant à la troisième lecture 8870

QUESTION DE PRIVILÈGE

PROJET DE LOI C-46

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL

    Projet de loi C-66. Reprise de l'étude de la motion de troisième lecture 8883
    M. Speaker (Lethbridge) 8890
    M. Speaker (Lethbridge) 8893
    M. Speaker (Lethbridge) 8899

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA COMMISSION SCOLAIRE DE SCARBOROUGH

L'ANTISÉMITISME

LA JUSTICE

LE JOUR DE COMPASSION POUR LES TRAVAILLEURS

M. JOE A. SELLORS

LES RELATIONS FÉDÉRALES-PROVINCIALES

LA CHINESE GOLDEN AGE SOCIETY

LE PEUPLE TIBÉTAIN

LE PARTI RÉFORMISTE

    M. Hill (Prince George-Peace River) 8901

LA FISCALITÉ

L'EXPLOITATION MINIÈRE

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

LES SOINS DE SANTÉ

LES DROITS DE LA PERSONNE

LA JUSTICE

    M. White (North Vancouver) 8902

LE BLOC QUÉBÉCOIS

QUESTIONS ORALES

LE DÉFICIT

    M. Martin (LaSalle-Émard) 8903
    M. Martin (LaSalle-Émard) 8903
    M. Martin (LaSalle-Émard) 8903
    M. Martin (LaSalle-Émard) 8904
    M. Martin (LaSalle-Émard) 8904

LA JUSTICE

LES COMMISSIONS D'ENQUÊTE

L'IMMIGRATION

LE PATRIMOINE CANADIEN

L'ENLÈVEMENT D'ENFANTS

    M. Tremblay (Rosemont) 8909
    M. Tremblay (Rosemont) 8909

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

L'EMPLOI

LES CHEMINS DE FER

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LA QUESTION DE PRIVILÈGE

LE PROJET DE LOI C-46

    M. White (North Vancouver) 8912

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL

    Projet de loi C-66. Reprise de l'étude de la motion de troisième lecture 8912
    M. Speaker (Lethbridge) 8912
    M. White (North Vancouver) 8915
    M. Speaker (Lethbridge) 8922

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LES VICTIMES D'ACTES CRIMINELS

    Reprise de l'étude de la motion 8930
    Rejet de l'amendement par 161 voix contre 29 8930
    Rejet de la motion par 161 voix contre 29 8931

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

    Projet de loi C-250. Reprise de l'étude de la motion de deuxième lecture 8932
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 8932

MOTION D'AJOURNEMENT

LA SOMATOTROPHINE BOVINE

    M. Chrétien (Frontenac) 8940

8869


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 11 mars 1997


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à huit pétitions.

* * *

(1010)

[Traduction]

LA LOI SUR LE CASIER JUDICIAIRE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.) demande à présenter le projet de loi C-382, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire (infractions sexuelles contre des enfants).

-Monsieur le Président, je suis heureux de déposer un projet de loi qui vise à modifier la Loi sur le casier judiciaire et à changer la façon dont le gouvernement traite le pardon des personnes trouvées coupables d'infractions sexuelles contre des enfants.

Actuellement, lorsqu'un pardon est accordé à quelqu'un qui a purgé sa peine, les renseignements au sujet de son crime sont retirés de la base de données du CIPC, le Centre d'information de la police canadienne. Si l'ex-contrevenant veut ensuite postuler un emploi où il sera en situation de confiance avec des enfants, le groupe ou la personne responsable du bien-être des enfants ne peut vérifier son dossier parce que celui-ci ne figurera plus dans les données du CIPC.

Comme le taux de récidive est très élevé parmi les pédophiles, il est très important que les groupes communautaires aient accès à ces renseignements. Mon projet de loi n'interdirait pas l'octroi du pardon aux auteurs d'infractions de nature sexuelle, mais il permettrait de garder en permanence des données informatisées sur leur casier judiciaire, de manière à protéger les enfants canadiens.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

PÉTITIONS

LE FONDS D'INDEMNISATION DES AGENTS DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai aujourd'hui deux pétitions à présenter. La première vient de Delta, en Colombie-Britannique.

Les pétitionnaires veulent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que nos policiers et nos pompiers risquent quotidiennement leur vie pour offrir les services d'urgence dont tous les Canadiens ont besoin. Ils précisent également que, dans bien des cas, les familles des pompiers ou des policiers tués dans l'exercice de leurs fonctions sont souvent laissées sans moyens financiers suffisants pour respecter leurs obligations.

Les pétitionnaires exhortent donc le Parlement à établir un fonds d'indemnisation des agents de la sécurité publique, qui recevrait des dons et des legs destinés aux familles de policiers et de pompiers tués dans l'exercice de leurs fonctions.

LA FISCALITÉ

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition vient de Port Perry, en Ontario.

Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que gérer un foyer et s'occuper d'enfants d'âge préscolaire constituent une profession honorable qui n'est pas reconnue comme elle le devrait par notre société.

En conséquence, les pétitionnaires prient le Parlement de prendre des initiatives visant à éliminer toute discrimination fiscale contre les familles qui décident de s'occuper, chez eux, d'enfants d'âge préscolaire, de personnes handicapées, de malades chroniques ou de personnes âgées.

[Français]

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter cette pétition signée par 25 citoyens, dont la majorité viennent de mon comté de Trois-Rivières. Cette pétition est pilotée par le Club automobile du Québec.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'exercer des pressions sur le gouvernement fédéral pour que celui-ci se joigne aux gouvernements provinciaux, afin de rendre possible l'amélioration du réseau routier national.

8870

[Traduction]

L'AVORTEMENT

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, au nom d'électeurs de ma circonscription, Simcoe-Centre, j'ai deux pétitions à présenter à la Chambre aujourd'hui. La première pétition porte sur l'avortement.

Les pétitionnaires demandent qu'il se tienne un référendum pour déterminer si la population canadienne devrait avoir à payer les avortements avec leurs impôts.

L'ÂGE DU CONSENTEMENT

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition concerne l'âge du consentement d'après la loi.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de fixer à 18 ans l'âge du consentement afin de protéger les enfants de l'exploitation et des agressions sexuelles.

LA JUSTICE

M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais présenter une pétition qui vient d'habitants de ma circonscription, Athabasca.

En tant que citoyens qui s'intéressent vivement à la question, les pétitionnaires estiment qu'invoquer la provocation comme moyen de défense, comme le font actuellement devant les tribunaux des maris accusés du meurtre de leur femme, a pour effet de détourner l'attention du comportement de l'accusé et de son intention de tuer pour la porter inopportunément et injustement sur le comportement de la victime.

C'est pourquoi les pétitionnaires demandent au Parlement d'examiner et de modifier les dispositions pertinentes du Code criminel pour faire en sorte que les hommes assument la responsabilité de leur comportement violent envers les femmes.

(1015 )

LA CONTREBANDE

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter la pétition suivante.

Les pétitionnaires signalent à la Chambre que la contrebande de personnes en Asie du Sud coûte des centaines de vies chaque année, y compris celles des plus de 200 habitants de l'Asie du Sud qui se sont présumément noyés dans le naufrage d'un bateau de réfugiés le 25 décembre 1996.

Par conséquent, les pétitionnaires prient instamment le Parlement d'encourager le gouvernement à dire aux gouvernements étrangers en Asie du Sud-Est qu'il faut imposer des sanctions sévères aux agences de voyage qui s'adonnent à la contrebande de personnes pour leurs activités illégales et inhumaines.

LA TUTELLE

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, j'ai des électeurs de la religion islamique qui veulent la tutelle comme solution de rechange à l'adoption.

La tutelle est un concept acceptable selon leurs croyances religieuses et les pétitionnaires demandent au gouvernement du Canada de voir à ce que cette option soit possible.

LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une autre pétition à présenter. Elle est signée par des électeurs qui demandent au gouvernement de collaborer avec leurs homologues provinciaux et territoriaux pour la remise en état de notre réseau routier national.

L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Finalement, monsieur le Président, il existe une loi prévoyant une rémunération égale pour un travail d'égale valeur, et ces électeurs demandent au gouvernement de faire appliquer sans délai tous les éléments de cette loi.

* * *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.

Le vice-président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


8870

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre du Travail et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) propose: Que le projet de loi C-66, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie 1), la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence, soit lu une troisième fois et adopté.

-Monsieur le Président, je suis très heureux, aujourd'hui, de pouvoir m'adresser à la Chambre au sujet du projet de loi C-66 qui vise à modifier la partie I du Code canadien du travail.

Nous entreprenons, aujourd'hui, la troisième lecture de ce projet de loi, ce qui veut dire que nous arrivons au terme d'une importante étape de la modernisation du Code canadien du travail. En effet, l'adoption du projet de loi C-66 marquera la première révision en profondeur de la partie I du Code depuis les années 1970.

Il est très important pour notre gouvernement que le Code soit modernisé. En effet, cette mesure a été désignée comme une priorité dans le tout dernier discours du Trône, car les relations patronales-syndicales favorables qui en découlent sont propices à la croissance économique et à la création d'emplois.


8871

[Traduction]

Tout d'abord, je reprendrai en mes termes un passage du rapport du groupe de travail Sims intitulé Vers l'équilibre pour dire à la Chambre que nous avons présenté le projet de loi pour tenter d'instaurer un meilleur équilibre, et je crois que nous avons réussi.

Il peut exister des divergences d'opinions sur la formulation de certaines dispositions, mais je reste convaincu que le projet de loi C-66 reflète fidèlement les constatations faites lors de l'examen. Tous les aspects du code du travail abordés dans le projet de loi ont été couverts par le groupe de travail ou lors des consultations.

Je dois dire que l'un des aspects les plus rafraîchissants de tout le processus a été de voir les résultats des consultations transposés dans des mesures concrètes.

[Français]

Trop souvent, lorsque j'étais dans l'opposition, j'ai vu le gouvernement de l'époque lancer un processus de consultation publique, pour ensuite en mettre les résultats de côté. Rien n'est plus décourageant que de se faire demander son avis et de voir ensuite que l'on n'en tient pas compte.

Je suis heureux que nous ayons pu récompenser, par les mesures concrètes que l'on retrouve dans le projet de loi C-66, la confiance et le travail acharné des gens qui ont pris part à nos consultations.

(1020)

L'étape la plus récente du processus de consultation a eu lieu juste avant le congé de Noël, lorsque le Comité permanent du développement des ressources humaines a étudié le projet de loi.

Enfin, il me faut également reconnaître chaleureusement les efforts des nombreux syndicalistes, représentants d'employeurs, universitaires, responsables de l'application des lois du travail, autres spécialistes et simples particuliers qui ont aussi étudié nos propositions et veillé à ce que les dispositions législatives cadrent avec la réalité.

[Traduction]

Tous ces gens ont contribué à l'élaboration du projet de loi. Compte tenu des divergences d'opinions apparues sur certaines questions, on ne s'attend pas à ce que tous réagissent tous de la même façon aux différents éléments du projet de loi. Cela a été particulièrement évident dans le cas des dispositions sur les travailleurs à distance, les expéditions de céréales et les travailleurs de remplacement.

Prenons l'exemple des travailleurs à distance. Les modifications contenues dans le projet de loi permettront aux syndicats d'entrer en communication avec les employés qui travaillent ailleurs que sur des lieux de travail traditionnels. Certaines personnes se sont dites préoccupées par cette disposition pour des motifs de protection de la vie privée et de sécurité. Je peux affirmer ici que ces inquiétudes ne sont pas fondées. La vie privée et la sécurité des personnes touchées seront protégées par le nouveau Conseil canadien des relations industrielles. À mon sens, cette modification témoigne de la sensibilisation du gouvernement aux lieux de travail de l'avenir et je ne permettrai pas que ce nouvel accès aux employés soit utilisé de façon abusive.

Nos modifications concernant l'expédition des céréales constituent un autre élément controversé du projet de loi. Nous exigeons en effet que le chargement des céréaliers dans les ports se poursuive même en cas d'arrêt de travail. En d'autres mots, à partir de maintenant, tout le grain apporté aux quais devra être chargé sur les navires peu importe qu'il y ait ou non un conflit de travail dans les ports.

Cette modification est très importante pour le Canada. L'exportation de céréales est une activité économique qui génère des milliards de dollars. Nous exportons dans plus de 70 pays. Le moyen de subsistance de plus de 130 000 agriculteurs et de leurs familles est directement lié à notre réputation comme fournisseur sur qui on peut compter.

On ne saurait trop insister sur l'importance de l'exportation de céréales pour l'économie canadienne, en particulier pour l'économie des provinces des prairies. En fait, la production de céréales a été déclarée une activité d'intérêt général pour le Canada.

[Français]

Un autre avantage de la modification à cet égard est la contribution qu'elle fera aux relations patronales-syndicales dans les ports. Nous savons tous que lorsqu'un arrêt de travail interrompt les exportations de grain, le Parlement intervient sans délai pour mettre un terme, dans les ports, aux différends qui menacent ces exportations et les résoudre.

Les parties en sont donc venues à s'attendre à ce que le Parlement intervienne. Cela les dégage de la responsabilité d'avoir à régler leurs propres problèmes, et leur permet d'imputer au Parlement toute répercussion négative. Cela va à l'encontre de notre résolution de favoriser des relations de travail constructives et positives.

[Traduction]

Certains députés veulent que tous les conflits patronaux-syndicaux dans les ports et dans tout le secteur du transport du grain, y compris dans les chemins de fer, se règlent par un processus d'arbitrage obligatoire connu sous le nom d'arbitrage des propositions finales. Je ne suis pas en faveur de cette façon de procéder, à l'instar de la grande majorité des employeurs relevant de la compétence du gouvernement fédéral, des syndicats et du groupe de travail Sims. Ce dernier a signalé que l'arbitrage des propositions finales n'est pas un mécanisme efficace de règlement des différends pour les conflits complexes.

Le groupe de travail a prôné une approche moins individualiste qui se reflète dans le projet de loi C-66. Cette méthode illustre la façon dont notre gouvernement sert de catalyseur à un changement positif. Nous allons encourager les parties à régler leurs différends en ayant moins recours à la confrontation.

(1025)

[Français]

L'aspect le plus controversé du projet de loi C-66 demeure la disposition relative aux travailleurs de remplacement. La différence d'opinion de longue date qui existe entre le milieu syndical et le milieu patronal signifie qu'il s'agit là de l'un des secteurs au sujet


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duquel le groupe de consensus patronal-syndical du groupe de travail Sims ne pouvait s'entendre.

En fait, même les membres du groupe de travail Sims ne sont pas parvenus à se prononcer de manière unanime sur cette question litigieuse. La disposition relative au travail de remplacement a été ébauchée dans l'intention d'englober le texte de la recommandation majoritaire du groupe de travail Sims. Ce que nous disons, essentiellement, c'est qu'il ne devrait pas y avoir d'interdiction générale au sujet du recours à ces travailleurs. Ces derniers peuvent servir à poursuivre des objectifs de négociations légitimes.

Les employeurs ne peuvent se servir des travailleurs de remplacement pour miner la capacité des syndicats de représenter leurs membres. Il s'agirait d'une pratique déloyale. Si le nouveau Conseil canadien des relations industrielles en arrivait à cette conclusion, il aura le pouvoir d'ordonner à l'employeur de cesser d'utiliser des travailleurs de remplacement.

Je crois que les modifications que nous proposons permettent d'aborder d'une manière équilibrée une question délicate et complexe. Les employeurs auront toujours le droit de faire appel à des travailleurs de remplacement, mais ce droit sera limité par deux points importants: premièrement, les employeurs ne pourront pas recourir à des travailleurs de remplacement pour des fins illégitimes; deuxièmement, ils devront réembaucher les travailleurs qui étaient en grève ou en lock-out, plutôt que leurs remplaçants, une fois qu'un arrêt de travail aura été réglé.

Certains groupes d'employeurs ont fait valoir que le libellé de cette disposition est trop large et absolu, qu'il permet aux syndicats de contester tous les cas où l'on fait appel à des travailleurs de remplacement. Ces groupes d'employeurs ont cité des suggestions de représentants syndicaux selon lesquelles la simple présence d'un travailleur de remplacement minerait la capacité de représentation d'un syndicat.

Je tiens à dire très clairement qu'une telle interprétation n'est pas valable et qu'il ne s'agit pas là de l'intention du projet de loi. Je peux assurer la Chambre que s'il tel avait été le cas, le libellé de la disposition aurait été plus restrictif.

[Traduction]

Par contre, le Congrès du travail du Canada dit craindre que l'article en question ne s'applique de façon très étroite et n'entre en vigueur que lorsque le comportement de l'employeur est particulièrement inadmissible. Le fait que les syndicats et la direction aient des positions opposées sur cet article m'amène à penser que nous sommes parvenus à l'équilibre voulu.

Quoi qu'il en soit, je suis persuadé que le nouveau conseil, représentatif et équilibré, interprétera les dispositions de façon intelligente et appropriée. En fait, je crois que le Conseil canadien des relations industrielles pourrait bien se révéler la caractéristique la plus importante du nouveau Code du travail modernisé.

[Français]

Le groupe de travail et le groupe de consensus patronal-syndical ont tous deux proposé ce nouvel organisme. Le Conseil canadien des relations industrielles sera composé d'un président neutre et de vice-présidents, de même que de trois membres à temps plein représentant le milieu syndical et trois membres à temps plein représentant le milieu patronal.

Dans les régions, des membres à temps partiel seront également nommés. L'ajout de représentants du milieu syndical et du milieu patronal au Conseil rendra manifestement ce dernier plus sensible aux besoins de ceux et celles qu'il dessert. Cela garantira aussi aux parties que ses membres comprendront bien leur dossier.

(1030)

Il y a aussi des chances que les décisions que rendra un conseil représentatif aient davantage de crédibilité aux yeux des parties. Le projet de loi prescrit que les membres représentatifs du Conseil sont nommés après que le ministre a consulté les organismes syndicaux et patronaux compétents.

[Traduction]

Alors que nous parlons de la composition du conseil, je tiens à signaler que, à la suite de l'adoption de cette mesure législative, le principal critère pour la nomination à la présidence ou à la vice-présidence du conseil est la compétence et non l'allégeance politique.

On a ajouté un nouvel article qui dit:

Le président et les vices-présidents doivent avoir une expérience et des compétences dans le domaine des relations industrielles.
On accordera au nouveau conseil des pouvoirs et des responsabilités supplémentaires et une plus grande souplesse pour qu'il puisse traiter rapidement les questions courantes et urgentes et pour éviter des retards inutiles.

On va élargir les pouvoirs de redressement du conseil pour garantir une négociation de bonne foi. Une modification va confirmer la capacité du conseil de forcer une partie à inclure des conditions spécifiques dans sa position de négociation ou à en retirer pour remédier à l'incapacité de négocier de bonne foi.

Aussi important soit-il d'accroître les pouvoirs du conseil, le gouvernement a accepté deux recommandations du comité permanent ayant pour objectif de veiller à ce qu'on n'en abuse pas.

Il s'agit de contrôler de façon raisonnable les pouvoirs du conseil, d'exiger la présentation de documents à n'importe quelle étape de la procédure et de modifier les conventions collectives à la suite d'une restructuration des unités de négociation.

Enfin, je voudrais mentionner une autre modification contenue dans cette mesure législative, soit celle touchant le Service fédéral de médiation et de conciliation ou SFMC. À la suite de l'adoption du projet de loi C-66, on va reconnaître dans le code le rôle extrêmement important de cet organisme.

On va préciser son rôle et déléguer de nouveaux pouvoirs au chef de ce service. Il convient de noter que dans le nouveau code, le chef du SFMC va relever directement du ministre du Travail comme le proposait le rapport Sims.

Une étude attentive des modifications apportées au cycle de négociation va montrer qu'elles conduisent au même objectif: la rationalisation du processus de conciliation. C'est une chose que les


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syndicats et le patronat réclament depuis déjà pas mal de temps. Je suis fier que notre gouvernement ait donné suite à leurs demandes.

[Français]

J'aimerais dire en terminant que le projet de loi C-66 représente un grand pas en avant pour ce qui est de préparer le milieu de travail canadien à l'arrivée du siècle prochain.

L'économie mondiale, de plus en plus concurrentielle, requiert que nos entreprises fonctionnent de la manière la plus efficace et productive possible. L'amélioration des relations de travail qui découlera du Code modifié mènera à une productivité accrue, une meilleure sécurité d'emploi et une plus grande participation des travailleurs aux décisions prises en milieu de travail.

Le projet de loi C-66 illustre qu'une bonne politique du travail est aussi une bonne politique des affaires. Toutefois, bien que nous arrivions au terme du processus relatif au projet de loi C-66, en ce qui concerne la présente Chambre du moins, il reste encore bien du travail à faire pour préparer le Code canadien du travail en prévision du prochain siècle.

Dans les mois à venir, nous proposerons des changements destinés à moderniser d'autres parties du Code canadien du travail, des changements axés sur des questions telles que la santé et la sécurité, ainsi que les normes du travail.

J'espère que le gouvernement pourra compter sur le même concours énergique de la part des députés et d'autres parties intéressées que celui dont nous avons pu bénéficier lors des travaux concernant la partie I. J'espère que tous les députés de cette Chambre se joindront à moi pour appuyer le projet de loi C-66.

Avant de terminer, permettez-moi de remercier tous les députés, surtout les membres du Comité du développement des ressources humaines de la Chambre des communes, qui ont fait un travail exceptionnel dans un cadre aussi exceptionnel.

(1035)

J'aimerais remercier mes deux collègues, le porte-parole du Bloc québécois et celui du Parti réformiste, pour leur collaboration. C'est dans cet esprit de collaboration que nous voulons continuer. J'espère qu'on pourra toujours compter sur leur collaboration et que ce projet de loi sera adopté dans cette Chambre, dans l'autre Chambre et que bientôt, il deviendra une loi dans le vrai sens du terme.

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, je désire également saluer le projet de loi. Même si nous aurons l'occasion d'y revenir, le projet de loi mérite des amendements considérables. Nous aurions souhaité que le ministre soit plus audacieux, il le sait, au chapitre des travailleurs de remplacement, concernant les changements technologiques, mais le fait demeure que j'ai la conviction que le ministre a travaillé de bonne foi, qu'il a mis à la disposition du comité tous les renseignements que nous lui avons demandés et, à ce titre, je désire le remercier, ainsi que ses collaborateurs, Albano Gidaro et Pierre Tremblay. Je veux remercier également notre recherchiste, Marc-André Veilleux, qui a travaillé très fort pour proposer les amendements, tous plus pertinents les uns que les autres.

Cela étant dit, il nous faut rappeler qu'un projet de loi comme celui-là est plus qu'une loi ordinaire, qu'une simple loi, parce qu'il s'agit du Code. Donc, plusieurs instances devront, à partir de la clarté, à partir du libellé que l'on retrouve dans le Code, rendre des décisions extrêmement importantes, s'agissant à la fois de la démocratie syndicale et de l'équilibre qu'on est en droit de rechercher concernant les relations patronales-syndicales.

J'aurais souhaité que le gouvernement aille beaucoup plus loin. Je comprends que les conditions, lorsque l'on est ministre du Travail d'un pays continental comme le Canada, où il y a des forces conservatrices extrêmement présentes qui se manifestent, ne sont pas les mêmes qu'au Québec. Au Québec, on aura l'occasion d'y revenir, mais vous savez que toute la question de la démocratie syndicale, celle des travailleurs et des travailleuses de remplacement, y a été réglée depuis déjà une décennie au moins, voire deux décennies cette année.

Commençons par le début, les points positifs du projet de loi. Je crois que toutes les parties ont signalé que le défunt Conseil canadien des relations de travail, qui devient maintenant le Conseil canadien des relations industrielles, sera beaucoup plus représentatif. C'était quelque chose qui avait été demandé par les parties que cette possibilité d'être associé à la nomination, et le nouveau Conseil aura trois membres permanents issus du milieu patronal et trois membres permanents issus du milieu syndical. C'est positif.

Dans le projet de loi, il y a également une volonté de faire en sorte que le Conseil des relations industrielles, qui a vécu, il y a quelques mois, une crise importante qui a quasi mené à son éclatement-ceux qui ont suivi ça à l'interne comprendront à quoi je réfère-le projet de loi a une volonté de donner plus de pouvoir au Conseil, d'en préciser la portée et également de préciser les pouvoirs de son président en titre, ce qui est positif.

Nous saluons également la possibilité qu'aura le Conseil de réunir un banc composé d'une seule personne. Donc, ce sera un processus beaucoup plus diligent. On pourra agir avec plus de célérité, et je crois qu'au total, toutes les parties vont y gagner.

Nous saluons également la volonté du gouvernement de préciser le rôle du directeur ou de la directrice; à l'instant où on se parle, c'est un directeur, mais nous saluons la volonté du gouvernement de préciser le rôle du directeur du Service fédéral de conciliation et de médiation qui est appelé à intervenir à toutes les étapes du conflit et à faire des recommandations extrêmement importantes au ministre, et nous pensons qu'il est sage que son rôle soit précisé.

Certainement qu'une des bonifications les plus remarquables du projet de loi qui étaient appelées par toutes les parties est cette possibilité maintenant, en vertu du nouveau Code du travail, qu'il y ait, à l'étape de la conciliation, dans le processus de conciliation, et j'aurai l'occasion d'y revenir, qu'une seule et même étape et non pas, comme cela était possible, deux et trois étapes, tant et si bien que le processus était extrêmement long et que ce n'était pas évident, que c'était un plus pour le rapprochement des parties.

(1040)

Cela étant dit, il aurait été possible pour le ministre d'être beaucoup plus téméraire, beaucoup plus audacieux, beaucoup plus entreprenant.

Il nous faut constater que pour intéressants que soient un certain nombre d'amendements, il demeure que, lorsqu'on qualifie cette réforme, on peut dire que c'est une réforme inachevée. Il n'en demeure pas moins qu'il y a des revendications extrêmement importantes qui ont été formulées, tant par la partie patronale que la


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partie syndicale, qui n'ont pas reçu un écho favorable de la part du gouvernement.

Je vous donne quelques exemples. Tout d'abord, il y a un fait reconnu depuis extrêmement longtemps, c'est que les policiers de la GRC, les travailleurs et travailleuses de la GRC, vivent une situation de discrimination. Le rapport Sims, que le ministre s'est plu à citer tant et plus, a bien révélé qu'il était quand même, et qu'il est aberrant que tous les corps policiers, au Canada, puissent avoir accès à la négociation collective, sauf ceux de la GRC.

On ne parle pas du droit de grève, il n'y a aucun porte-parole de la GRC, tant dans un passé récent que dans les témoignages qu'ils ont présentés devant le Comité permanent du développement des ressources humaines, qui ait demandé le droit de grève. Ils comprennent la nature de leur travail. Mais ils ont demandé légitimement de pouvoir négocier, d'avoir accès à la négociation collective, comme c'est le lot de la totalité des travailleurs de la fonction publique.

Malgré le fait que les libéraux, lorsqu'ils étaient de ce côté-ci de la Chambre, aient présenté des motions, aient appelé, de tous leurs voeux, le droit des travailleurs et travailleuses de la GRC de se syndiquer, eh bien, ces mêmes libéraux, aujourd'hui, ce gouvernement, les laissent cruellement tomber.

On se rappellera en cette Chambre, que l'opposition officielle a déposé une motion et que les libéraux ont refusé de débattre de ces questions. On se retrouve, aujourd'hui, face à une situation de discrimination entretenue, perpétuée et corroborée par un gouvernement qui devrait avoir honte de priver des gens aussi importants dans le fonctionnement d'une société que les travailleurs et travailleuses de la GRC du droit à la syndicalisation.

C'est le même scénario concernant l'Alliance canadienne de la fonction publique et l'Institut professionnel de la fonction publique. Ils ont tous deux faits des représentations auprès du gouvernement pour avoir accès à la syndicalisation, sous l'égide de la première partie du Code canadien des relations de travail. Ils ont fait cette revendication en comité. Ils ont rencontré privément le ministre, et pourtant, au terme du processus, on refuse toujours de reconnaître à ces travailleurs et travailleuses, malgré que ce soit là leur intérêt supérieur, le droit de pouvoir négocier sous l'emprise de la partie I du Code canadien du travail.

Pourquoi les travailleurs et travailleuses de l'Alliance canadienne de la fonction publique et de l'Institut professionnel de la fonction publique ont-ils demandé ce droit? Tout simplement parce que l'Alliance, soumise à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ne peut pas négocier des clauses aussi importantes que la sécurité d'emploi, la protection contre les changements technologiques-j'aurai l'occasion d'y revenir-l'Alliance ne peut pas négocier la classification des postes, les nominations, les avancements, les mutations, autant de données extrêmement importantes concernant un plan de carrière.

Qu'est-ce que cela aurait été, pour le gouvernement, de reconnaître qu'il est avantageux, qu'il aurait été un facteur de motivation extrêmement important pour les travailleurs et travailleuses de la fonction publique de pouvoir négocier sous l'égide de la première partie? Il faut reconnaître que le gouvernement, dans ce dossier particulièrement, a manqué de sensibilité. Cette sensibilité qui fait la différence entre les grandes et les petites réformes.

On n'est pas en présence d'un amendement qui aurait amené des déboursés faramineux pour le Trésor public. On comprend l'état actuel des finances publiques. On est en présence d'un amendement qui, je le répète, aurait été un facteur extrêmement important pour la motivation des travailleurs et des travailleuses. Il est pour le moins triste et navrant, et je suis particulièrement chagriné de constater que le gouvernement a fait la sourde oreille. Je sais que mes collègues partagent mon chagrin.

M. Lebel: Absolument.

M. Ménard: Je les remercie de partager un chagrin aussi grand que transparent finalement.

(1045)

Le secrétaire parlementaire peut bien rire, mais il s'est fait le complice du gouvernement. Il est resté muet, silencieux, taciturne, discret, cachottier même, je dirais, lorsqu'il s'est agi de prendre la défense des travailleuses et des travailleurs de la fonction publique dans ce dossier.

Autre lacune du projet de loi, autre lacune extrêmement importante que j'aimerais souligner au niveau du comité. Tous les députés de cette Chambre passent énormément de temps en comité, certains vont dire trop. Nous aurions souhaité que le comité puisse être associé aux nominations, que le comité puisse être associé à un certain nombre de décisions stratégiques qui concernent le Conseil canadien des relations industrielles.

Nous avons été extrêmement solidaires des amendements du gouvernement, lorsque ces amendements ont eu pour conséquence de faire en sorte que le Conseil canadien puisse agir avec plus de célérité, avec beaucoup plus de diligence. Nous avons cru, et nous croyons toujours, qu'une des façons de bonifier le processus des relations de travail aurait été, s'agissant des nominations et d'un certain nombre de décisions stratégiques, que le Comité permanent du développement des ressources humaines, composé d'élus de tous les partis politiques, puisse y être associé. Nous nous sommes frappés à un mur d'indifférence concernant ce dossier, et nous en sommes tristes.

Je vais vous faire part d'une autre lacune du projet de loi, et celle-là, je suis sûr que vous allez, monsieur le Président, vous joindre à mon analyse pour dire que nous sommes sur le terrain du ridicule. Par une journée ensoleillée où le Comité permanent siégeait, nous avons reçu la CSN. La très énergique CSN est venue nous rencontrer, ainsi que des travailleurs de la minoterie Ogilvie qui ont vécu un conflit de travail long, pénible, périlleux, qui a laissé des séquelles extrêmement tangibles, tout cela faute de dispositions antibriseurs de grève de la législation fédérale, mais j'aurai l'occasion d'y revenir.

Nous avons présenté un amendement, en apparence anodin, qui ne demandait pas au gouvernement de déboursés additionnels, qui ne changeait pas la philosophie du gouvernement. Qu'avons-nous demandé? Je vous le donne en mille. Nous avons demandé que les minoteries, la farine, soient de juridiction provinciale. Eh bien, croyez-le ou non, c'est un amendement qui n'a pas été pris en considération. Pourtant, nous avons été extrêmement clairs sur la nécessité que les minoteries soient de juridiction provinciale.

Est-ce que quelqu'un en cette Chambre, le secrétaire parlementaire peut-il se lever et nous expliquer en vertu de quelle rationalité les minoteries étaient de juridiction fédérale dans un contexte aussi extraordinaire que la Seconde Guerre mondiale? On comprend,


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dans ce contexte, que les minoteries aient pu échoir au gouvernement fédéral, mais en vertu de quelle rationalité? Je suis convaincu que si on faisait un petit tour d'horizon et qu'on demandait aux gens dans les tribunes s'ils peuvent nous expliquer pourquoi les minoteries, en 1997, sont de juridiction fédérale, il n'y en aurait pas un qui pourrait l'expliquer.

Tout le monde comprend bien qu'il serait beaucoup plus simple, beaucoup plus sage, beaucoup plus intelligent que les minoteries soient de juridiction provinciale.

Croyez-le ou non, avec une espèce de sans-gêne éhonté, le gouvernement a rejeté notre amendement. J'avais parié moi-même, vous savez que je le fais très rarement, mais je m'étais dit: «S'il y a un amendement du Bloc québécois qui peut recevoir un accueil favorable de la part de ce gouvernement, ce n'est pas celui sur les travailleurs de remplacement, ce n'est pas celui sur le vote de grève, c'est celui sur les minoteries.» Eh bien, mon amendement a été rejeté. Je me suis retrouvé les deux pieds dans la farine.

Je veux vous lire ce que nous ont dit les gens de la CSN: «La plupart des personnes qui interviennent dans nos relations de travail pour la première fois s'étonnent toujours d'apprendre que les travailleurs et les travailleuses de production de la farine relèvent du Code canadien du travail. Quant à nous, après plus de 30 ans d'existence de notre syndicat, cela nous intrigue toujours. Pourquoi? Parce qu'avant l'entrée en vigueur des lois modernes régissant les relations collectives de travail, le gouvernement fédéral, utilisant son pouvoir déclaratoire-et je sais que le député de Chambly, en juriste qu'il est, comprend bien la portée du pouvoir déclaratoire-a décrété que les minoteries étaient sous sa juridiction.»

(1050)

Le témoin poursuit: «Peut-être qu'à l'époque des guerres mondiales et du protectionnisme, une telle initiative pouvait se justifier, mais plus aujourd'hui, surtout depuis que les Américains ont le contrôle de la majeure partie de cette production, surtout depuis qu'on a aboli le tarif du Nid-de-Corbeau et que le blé peut passer la frontière américaine plus facilement. La logique n'est plus là.»

Et ce n'est pas le Bloc québécois qui le dit, ce n'est pas le porte-parole de l'opposition pour les relations de travail, c'est un témoin aussi neutre que la CSN, finalement. Alors, la CSN nous dit: «La logique n'est plus là, tout comme la production de bière-ah, voilà un exemple qui ne laissera personne indifférent-la production de farine devrait relever de la compétence des provinces.»

Rien n'y fit. J'ai eu beau plaider, j'ai eu beau présenter le mémoire, j'ai eu beau questionner les témoins, le dossier n'a pas levé. Voilà pour ce qui est de la farine.

Il y a un autre changement extrêmement important qui est passé sous silence de la part du gouvernement. Les syndicats ont fait des demandes, avec énormément de pertinence, vu qu'on est dans un contexte de changements technologiques. Les mots «changements technologiques» sont sur toutes les lèvres. On sait bien, d'ailleurs, c'est une réflexion que nous devons faire là-dessus, dans un cycle de production, il y a de très bonnes chances que la personne qui a 20 ans aujourd'hui se retrouve, dans sa vie d'adulte, à occuper cinq, six ou sept postes de travail différents. On n'est plus dans un contexte comme celui que mon père a connu.

Mon père, que je salue d'ailleurs, a occupé le même emploi pendant 30 ans, et il était heureux de le faire. Il a commencé sa carrière dans une entreprise, il a gravi tous les échelons, évidemment, mais il a toujours été dans la même entreprise, en faisant à peu près le même travail.

Aujourd'hui, l'homme et la femme modernes du marché du travail occuperont cinq, six ou sept carrières. Qu'est-ce que ça veut dire tout ça? Ça veut dire que les individus doivent être mobiles, et c'est pour cela qu'on parle de formation continue, mais cela veut dire aussi que les circuits de production sont extrêmement changeants. Et la façon dont on produit un bien, en 1997, risque de ne pas être la même que ce que l'on connaissait en 1985 et ne sera pas la même que ce que l'on va connaître en 2003, 2004. C'est pour cela que les syndicats ont demandé que tout ce qui est changement technologique, que l'implantation d'un changement technologique puisse permettre la réouverture de conventions collectives.

Non seulement permettre la réouverture de conventions collectives, mais les syndicats souhaitent être associés à l'implantation d'un changement technologique. Et pour que les procédés de production puissent être une formule gagnante, il faut que ce soit consensuel, il faut que la partie patronale, que les dirigeants d'entreprises préviennent, non seulement préviennent mais associent les travailleurs et les travailleuses. Croyez-le ou non, le Code canadien du travail, que l'on prétend avoir modernisé, est demeuré absolument silencieux sur une question aussi importante que les changements technologiques.

Encore une fois, nous avons joué notre rôle d'opposition, nous avons présenté un amendement, nous avons plaidé, et qu'est-ce qu'a fait le gouvernement? Il a défait d'une façon cavalière nos amendements. Je veux que nos téléspectateurs sachent bien, de toutes les régions de ce pays qu'est le Canada, que tous les amendements du Bloc québécois-nous en avons présenté une cinquantaine-eh bien, le gouvernement n'en a retenu aucun, malgré le fait que nous avons travaillé avec énormément d'acharnement, que nous avons été présents à toutes les séances du comité, que nos questions ont donné un éclairage spécifique aux témoins.

Malgré le fait que nous avons été des collaborateurs, malgré le fait que nous avons été là à toutes les séances du comité, croyez-le ou non, le gouvernement n'a retenu aucun de nos amendements, ce qui est une leçon de vie pour la suite des événements.

L'aspect le plus lacunaire du projet de loi, là où le ministre a été le plus frileux, là où le ministre a été le plus peureux, là où le ministre a manqué de courage, là où le ministre n'a pas eu de colonne, si on me permet de le dire, c'est concernant les travailleurs et les travailleuses de remplacement.

Je vais dire quelques mots sur le dossier parce que, comme vous le savez, j'ai deux collègues qui, en cette Chambre, ont déposé des projets de loi à cet égard.

(1055)

Le député de Bourassa, qui est lui-même issu de cette grande centrale syndicale qu'est la FTQ, a déposé, aux premières heures de sa vie de député, un projet de loi en ce sens. Il a toujours manifesté un intérêt pour la question des travailleurs de remplacement, et on sait combien c'est un élément d'équilibre important lorsque survient un conflit, mais j'y reviendrai. Je sais que le député de Bourassa s'exprimera sur cette question. Notre collègue, le député


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de Manicouagan, si je ne me trompe pas, a déposé, lui aussi, un projet de loi à cet égard, très tôt.

Lorsque nous avons formé l'opposition officielle, nous avons posé des questions au gouvernement, nous avons sollicité son intervention, nous avons déposé des projets de loi. De quoi parle-t-on? On parle de la réalité suivante. On sait qu'une grève, c'est un élément ultime, c'est vraiment le dernier recours dans la gradation des moyens à la disposition du syndicat pour faire valoir un point de vue. Personne ne va en grève de propos délibérés, par plaisir. Lorsqu'on recourt à un moyen aussi ultime que la grève, c'est vraiment parce qu'on a le sentiment qu'il n'y a pas d'autres moyens à notre disposition pour faire entendre notre point de vue.

Il est important que l'on sache qu'en vertu du Code canadien du travail, aucune grève ne peut être autorisée sans que le ministre n'ait donné son accord. C'est dire que ce n'est pas un processus anarchique, c'est un processus encadré. Il y a des étapes qui sont prévues, des délais qui sont prévus. Il y a même le recours à la conciliation qui est possible en une seule étape, c'est une des bonifications du projet de loi. Que valent tous ces amendements si on se retrouve dans une situation où l'employeur peut avoir recours à des travailleurs de remplacement? Qu'est-ce que cela signifie?

Cela signifie que lorsqu'une unité de négociation est en grève, que cette unité de négociation a reçu l'aval du ministre du Travail, il est possible que des travailleurs dûment autorisés à faire la grève voient une partie de leurs tâches, une partie de leur travail effectuée par ce qu'on appelle des «scabs». C'est extrêmement négatif dans un milieu de travail, parce qu'on conçoit que cela crée deux catégories de travailleurs et de travailleuses. Cela crée un climat d'hostilité.

Nous aurions souhaité que le gouvernement canadien s'inspire de ce qui existe au Québec. Au Québec, en 1977, le ministre du Travail du temps, Pierre-Marc Johnson, membre du Cabinet Lévesque, a présenté une législation faisant en sorte d'inclure dans le Code du travail du Québec une disposition déclarant pratique déloyale l'utilisation de travailleurs de remplacement.

Quand un employeur a recours à des travailleurs ou à des travailleuses de remplacement, cela donne droit à un recours automatique pour le syndicat. C'est considéré comme une pratique déloyale qui peut être sanctionnée et qui peut amener des poursuites pénales et des amendes. Ce n'est pas équivoque, c'est clair. C'est une règle du jeu admise et partagée par tous. C'est un moyen ultime, je le rappelle.

On ne dit pas qu'on ne demande pas d'abord aux parties de négocier, ou que la possibilité de recourir à des conciliateurs et des médiateurs n'existent pas. On vous dit que lorsque tous les recours ont été épuisés et qu'il est impossible de s'entendre, on exerce le droit de grève de façon telle qu'on s'assure qu'il n'y ait pas de travailleurs et de travailleuses de remplacement qui soient utilisés.

Le gouvernement canadien n'a pas eu le courage de ses convictions. Lorsque les libéraux étaient dans l'opposition, ils souhaitaient que l'on adopte des politiques pour restreindre le recours à des travailleurs de remplacement. Maintenant qu'ils forment le gouvernement, ils sont aussi frileux que peureux.

Soyons clairs. Peut-il y avoir, dans une société, un consensus sur cette question? Bien sûr que non. Il n'y en avait pas au Québec, en 1977, quand Pierre-Marc Johnson a proposé cette législation. Le Conseil du patronat menaçait de recourir aux tribunaux.

Je vous prie de m'excuser, monsieur le Président, je relève d'une grippe. Mais je veux me faire extrêmement rassurant à l'endroit du gouvernement, je serai sur les rangs aux prochaines élections, car j'ai une capacité de récupération à nul autre pareil. Donnez-moi deux jours, et je serai un homme neuf.

(1100)

S'agissant des travailleurs de remplacement, je veux vous rappeler que l'argument qu'a invoqué le gouvernement ne résiste pas à l'analyse, parce que le gouvernement dit que dans le rapport Sims, il n'y avait pas de consensus.

Bien sûr qu'il n'y avait pas de consensus. Est-ce qu'il peut y avoir un consensus sur un élément aussi délicat que celui-là? Pensez-vous que si le gouvernement du Québec, dirigé à ce moment-là par le gouvernement de René Lévesque, avait attendu qu'il y ait un consensus, que le Québec aurait eu une loi comme celle dont je vous parle? Bien sûr que non.

Il y a des moments, en politique, où ce n'est pas par consensus qu'il faut procéder, des moments où il faut être animé par une certaine dose de courage, un certain don d'élévation. Vous allez comprendre que le gouvernement qui est devant nous en a été, lui, totalement dépourvu.

Qu'est-ce qu'une loi interdisant le recours à des travailleurs de remplacement depuis 1977 a donné au Québec? Cela a fait en sorte que les conflits de travail ont été moins nombreux. Bien sûr, ce n'est pas une résolution automatique des conflits, mais cela a fait en sorte qu'on a, non seulement moins de conflits de travail, mais surtout que ces conflits-là durent moins longtemps et sont moins violents.

On comprend que, sur les piquets de grève, il y a moins de violence, puisqu'il n'y a pas de travailleurs de remplacement. Ne pourrait-on pas s'inspirer ou prendre exemple de ce qui s'est passé à la minoterie, chez les travailleurs d'Ogilvie où il y a eu de la violence, où le conflit a duré en longueur et où ce fut extrêmement pénible? Est-ce qu'on n'a pas le devoir, comme législateurs, de se rappeler que, lorsqu'il y a une grève, ce sont, non seulement les travailleurs et les travailleuses qui en souffrent, mais c'est également leurs familles.

Quand un travailleur est en grève pendant un an et demi, deux ans ou deux ans et demi, cela a des conséquences extrêmement importantes pour sa famille. Cela veut dire un manque à gagner sur le plan financier; cela veut dire, dans un certain nombre de cas, un découragement, une déprime, ce qui est tout à fait humain, tout à fait légitime.

Il aurait été possible de prendre fait et cause pour les travailleurs et les travailleuses en ayant le courage de nos convictions. Ce gouvernement aurait pu nous inviter à adopter des dispositions anti-travailleurs de remplacement et il aurait obtenu le concours indéfectible de l'opposition officielle. Tous les députés de l'opposition officielle, quels que soient leur région, leur formation ou leur âge, auraient voté en faveur d'une disposition comme celle-là. Malheureusement, le gouvernement a refusé d'aller de l'avant.

Je vous disais qu'on ne s'est pas préoccupé des arguments de l'opposition officielle s'agissant des minoteries, des travailleurs de remplacement et des changements technologiques. On a fait fi de la collaboration de l'opposition. C'est malheureux et nous ne l'oublierons jamais. Nous ne pourrons pas vivre assez longtemps pour oublier un mépris de l'opposition comme celui qu'on a connu. Je le dis sans gêne, parce que j'ai travaillé extrêmement fort dans ce dossier. Si c'était à refaire, nous déposerions à nouveau les mêmes


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amendements et nous tiendrons les mêmes arguments, parce que nous sommes des gens de principe.

Une autre disposition lacunaire au projet de loi: le gouvernement aurait pu s'inspirer de ce qui se fait au Québec. Lorsqu'une convention collective est expirée au Québec, il y a une clause de tacite reconduction, ce qui veut dire que jusqu'à ce qu'une nouvelle convention collective prenne force et soit signée par les parties, il y a ce qu'on appelle une clause de tacite reconduction.

Je ne pourrais pas vous le dire en latin, bien sûr, d'autres pourraient le faire, mais il n'en demeure pas moins que sur le principe, cela fait en sorte qu'aucun travailleur ou travailleuse n'est privé de la protection que peut leur offrir leur convention collective parce qu'ils sont dans un processus de négociation.

Vous pouvez deviner ce qui s'est passé: le gouvernement a disposé de notre amendement comme il l'a fait pour le reste. Cet amendement a été défait. Je sais que c'est un sujet de surprise pour mes collègues, mais la réalité est celle que j'exprime.

Je crains que mon temps soit expiré. Monsieur le Président, pouvez-vous m'indiquer combien de temps il me reste?

Le vice-président: Il vous reste dix minutes.

M. Ménard: Monsieur le Président, c'est le bonheur total. Dix minutes, c'est beaucoup plus de temps qu'il ne m'en faut.

(1105)

Je voudrais également soumettre à votre réflexion ce que le rapport Sims dit. Si le projet de loi a été bonifié dans un certain nombre de ses dispositions, le fait demeure que nous sommes en présence d'un projet de loi qui, à certains égards, est particulièrement paternaliste.

Pensez au pouvoir qu'a le ministre d'imposer, de demander aux parties de tenir un vote secret concernant la grève. C'est là un élément extrêmement paternaliste, parce que ce que les syndicats sont venus dire, c'est qu'ils n'ont pas besoin du ministre pour tenir un vote secret, c'est une pratique syndicale qui est déjà en force. On ne reconnaît pas au ministre ce pouvoir autoritaire, paternaliste, passéiste, désuet, d'un autre temps, alors que dans les conventions collectives, dans les pratiques syndicales, on reconnaît que, lorsqu'il y a un élément aussi important, une décision aussi stratégique, une décision aussi liante pour les parties que celle du recours à la grève, d'entrée de jeu, d'emblée, doit être soumise au vote des travailleurs et des travailleuses. Ce pouvoir que s'arroge le ministre est tout simplement de mauvais goût. Vous comprendrez que nous avions déposé un amendement pour le restreindre.

Dans le Code canadien du travail, il y a un certain nombre de vestiges d'un autre temps qui prennent la marque d'un paternalisme éhonté que je veux vous citer. D'ailleurs, le rapport Sims proposait que huit pouvoirs, présentement détenus par le ministre, soient dévolus au Service fédéral de médiation et de conciliation.

On parle bien sûr du paragraphe 57.5 qui est le pouvoir de nommer les arbitres et les conseils d'arbitrage; le pouvoir conféré en vertu de l'article 59 concernant la possibilité de recevoir, d'abord et avant tout, de façon privilégiée, des copies des sentences arbitrales; le pouvoir conféré en vertu de l'article 71, concernant les avis de différend; le pouvoir conféré en vertu de l'article 72, de nommer les conciliateurs et les commissaires-conciliateurs; le pouvoir conféré en vertu de l'article 105 de nommer les médiateurs; le pouvoir, le plus extravagant sans doute, conféré en vertu de l'article 108.1 d'ordonner la tenue d'un scrutin sur les dernières offres de l'employeur; et l'article 97(3) qui est la possibilité que le ministre autorise une des parties, le syndicat, à déposer une plainte devant le Conseil canadien des relations de travail, concernant des allégations de mauvaise foi.

C'est très explicite; c'était très clair, dans le rapport Sims, que tous ces pouvoirs devaient être transférés au Service fédéral de conciliation et de médiation.

Voilà une autre série d'amendements qui auraient été avantageux pour le gouvernement, qui lui auraient permis d'obtempérer et d'offrir son concours à l'opposition officielle.

Je le rappelle, et je me résume de la façon suivante: nous reconnaissons que le projet de loi a été bonifié parce qu'il y a un certain nombre de dispositions qui permettent au Conseil canadien des relations de travail d'agir avec plus de célérité. Nous reconnaissons que le Conseil canadien des relations de travail, qui va devenir le Conseil canadien des relations industrielles, devient plus représentatif des parties, et c'est quelque chose que nous saluons.

Mais nous pensons que le ministre aurait eu avantage, aurait pu être beaucoup plus entreprenant, beaucoup plus courageux, beaucoup plus téméraire, et qu'il aurait pu doter le Code de dispositions très claires concernant les travailleurs et les travailleuses de remplacement et qu'il aurait dû, comme l'a fait le Québec, en faire une pratique déloyale.

Nous reconnaissons également qu'il aurait été important que ce Code canadien puisse se prononcer sur l'avènement des changements technologiques, que nous reconnaissons comme quelque chose d'inévitable, et qu'il aurait été avantageux, avant-gardiste, visionnaire pour le gouvernement de permettre aux syndicats d'être associés à l'implantation de changements technologiques. Non seulement d'y être associé, mais ultimement, faute d'être d'accord, de pouvoir réouvrir les conventions collectives.

Nous pensons également que parmi les choses pertinentes à ce projet de loi, nous aurions dû permettre à l'Alliance canadienne de la fonction publique et à l'Institut professionnel de la fonction publique de pouvoir être régis comme ils le demandent depuis bientôt une décennie, que leurs travailleurs et leurs travailleuses puissent être régis par la partie I du Code canadien des relations de travail.

(1110)

Mais la honte la plus grave va s'abattre sur le gouvernement lorsque l'on va constater, dans la population canadienne, l'état de discrimination dans lequel ils entretiennent les travailleurs et les travailleuses de la GRC parce que, je vous le rappelle, peu importe où on a les pieds à travers le pays, les corps policiers ont accès à la négociation collective.

Est-ce quelque chose d'acceptable de savoir que, lorsqu'un grief émerge dans le milieu de travail de la GRC, c'est le commissaire de la GRC qui est appelé, qui est à la fois juge et partie. Cela va à l'encontre du principe le plus fondamental, un principe de justice naturelle qui est foulée du pied.

Alors, c'est une réforme inachevée, une réforme qui a manqué d'envergure, je pense qu'on doit le dire, une réforme qui a manqué


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d'aplomb, une réforme qui a manqué d'allant, mais nous avons été là, nous avons présenté des amendements. Tout le monde doit savoir que le gouvernement a fait peu de cas de nos amendements; on les a défaits de façon cavalière, alors que ces amendements auraient contribué énergiquement à bonifier le projet de loi.

Mais c'est ma conclusion, et si c'était à refaire, si nous étions à nouveau saisi du projet de loi, nous n'hésiterions pas, parce que nous sommes des gens de principe, à présenter exactement les mêmes amendements.

[Traduction]

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, la première phase des modifications du Code canadien du travail sera bientôt renvoyée à l'autre Chambre pour qu'elle l'entérine d'office. Tout indique également que les modifications aux parties I et II du code devront attendre jusqu'à une autre législature. Il est à espérer que la prochaine législature regardera d'un oeil plus impartial les révisions qui s'imposent.

Durant le débat à l'étape du rapport j'ai préposé 16 amendements au projet de loi. Aux yeux des réformistes, ces amendements avaient le mérite de clarifier le projet de loi et de l'améliorer. Nous voulions fournir aux syndicats et au patronat un mécanisme leur permettant de régler leurs différends. Mais le gouvernement préfère s'attirer les bonnes grâces des séparatistes plutôt que de proposer des lois du travail équilibrées.

Les questions liées au travail qui relèvent du gouvernement fédéral sont de portée interprovinciale et internationale. Le Code canadien du travail régit moins d'un million de Canadiens, mais les industries relevant de la compétence du gouvernement fédéral sont principalement axées sur les services et participent à la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes au Canada. En raison du caractère unique du régime fédéral, il arrive souvent que des sources de remplacement ne soient pas disponibles. L'exploitation de ces secteurs industriels est essentielle à l'économie nationale et au fonctionnement quotidien de notre pays.

Le Canada a un système de transport et une infrastructure de communications de classe internationale qui devraient être à l'abri des fermetures. Une interruption dans les opérations quotidiennes dans les secteurs vitaux du transport mettrait en danger le fonctionnement de l'économie canadienne. Les conséquences potentielles d'un arrêt de travail, même de courte durée, dans n'importe quel service fédéral, sont catastrophiques pour l'entreprise canadienne et pour l'économie du pays dans son ensemble.

Une grève dans le secteur du rail, le transport routier ou les secteurs desservant l'industrie automobile canadienne qui doit quotidiennement acheminer les produits finis, les matières premières et les pièces dans toute l'Amérique du Nord pourrait être catastrophique. Par exemple, deux millions d'emplois manufacturiers dépendent du secteur relevant de la compétence fédérale pour les services et l'infrastructure qui sont essentiels à leur existence. De nombreux manufacturiers fonctionnenent selon le mode d'approvisionnement juste à temps et une interruption de la source d'approvisionnement se fait sentir immédiatement.

Ainsi, chaque jour, General Motors utilise plus de 100 wagons et 925 camions pour acheminer des pièces à ses usines canadiennes et plus de 225 wagons et 180 camions pour assurer le transport desproduits finis vers toutes les régions du Canada et des États-Unis. Un arrêt de travail dans ces secteurs vitaux touche tous les employés de GM qui risqueront des licenciements lorsque des pièces et des composants font défaut. Les entreprises doivent être flexibles, adaptables et efficaces pour pouvoir suivre les changements et les besoins nouveaux des consommateurs.

(1115)

Le gouvernement devrait limiter ses intrusions sur le marché du travail et dans les relations employeur-employés en adoptant une loi qui permette aux deux parties de négocier dans des conditions équitables et justes.

La loi et la réglementation doivent aider à créer un environnement qui favorise la croissance économique, l'investissement et des relations de travail harmonieuses.

Je voudrais parler brièvement de l'arbitrage des propositions finales. Ce n'est évidemment pas la première fois que j'aborde la question à la Chambre. Dans son discours, le député de Hochelaga-Maisonneuve a vanté à plusieurs reprises les avantages d'une loi interdisant le recours à des travailleurs de remplacement.

L'adoption de l'arbitrage des propositions finales éliminerait la nécessité d'une telle loi car dans le cas où les deux parties ne pourraient pas parvenir à une entente, les propositions de l'une ou l'autre leur seraient imposées. Les réformistes préfèrent cette solution à l'autre, que le Parlement a déjà utilisée à tant de reprises.

Lorsque le gouvernement adopte une loi de retour au travail, comme il l'a fait à 19 reprises au cours des 20 dernières années, les parties doivent ensuite se soumettre à l'arbitrage des propositions finales et parvenir à un règlement.

Si cette approche est valable dans une situation donnée, pourquoi ne serait-elle pas disponible au départ? Le secrétaire parlementaire a convenu avec nous que l'adoption de lois forçant le retour au travail n'était pas une méthode efficace. En fait, il dit-et je suis d'accord avec lui-qu'elle encourage les syndicats et le patronat à dépendre de l'adoption de lois forçant le retour au travail.

L'arbitrage des propositions finales a entre autres ceci d'unique qu'il ne diminue en rien le processus de négociation. Il l'améliore en ce sens qu'il aide à rapprocher au maximum les deux parties qui savent que si elles ne font pas un effort, elles risquent de devoir faire face à un arbitrage final qui ne les satisfera pas du tout.

Ce qui donne son caractère unique à l'arbitrage des propositions finales, c'est que s'il est là pour être utilisé au cas où les parties n'arriveraient pas à s'entendre, le but est d'éviter d'y avoir recours. Il encouragerait les deux parties à arriver d'elles-mêmes à une


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entente. Toute entente conclue par les parties elles-mêmes est préférable pour tous.

Des relations de travail stables encourageront l'investissement et le réinvestissement dans un pays considéré par les employeurs comme instable sur le plan des relations de travail. Les employeurs peuvent être tentés, sinon forcés, d'aller s'installer dans d'autres pays.

Notre économie est telle que nous ne pouvons nous permettre que des entreprises créatrices d'emplois aillent s'installer dans d'autres pays. Il nous incombe, à nous législateurs, de créer un climat permettant de veiller à ce qu'un aussi grand nombre de personnes que possible restent employées à l'intérieur de nos frontières. Nous devrions encourager les entreprises, les fabricants et les employeurs de toutes sortes à s'établir au Canada et à employer des Canadiens. Sinon, nous risquons de perdre notre réputation d'exportateur et de fournisseur mondial. Nous risquons aussi de voir les employeurs aller s'installer dans d'autres pays où la législation du travail leur est un peu plus favorable.

(1120)

L'arbitrage des propositions finales ne favorise aucune des parties. C'est un instrument auquel peuvent recourir l'une ou l'autre partie. Les deux parties doivent se mettre d'accord sur le choix d'un arbitre. Elles doivent soumettre les points de l'entente sur lesquels elles sont tombées d'accord et ceux sur lesquels elles n'ont pas réussi à s'entendre, et leurs positions finales sur ces derniers.

À partir de là, l'arbitre choisit globalement l'une ou l'autre des positions. Grâce à ce processus, les deux parties se rapprochent le plus possible d'un accord, sachant très bien que l'arbitre peut trancher en faveur d'une position ou l'autre. Évidemment, la décision de l'arbitre est exécutoire.

Il faut mettre en place un processus de règlement permanent et équitable qui ne soit pas soumis aux caprices du gouvernement. Les lois de retour au travail sont devenues trop fréquentes. Les parties patronales et syndicales s'y sont habituées et comptent parfois là-dessus. Une mesure législative permanente offrirait aux deux parties des règles prévisibles et un calendrier de négociation.

On a parlé des emplois au Canada. Je ne crois pas qu'il y ait un seul député à la Chambre qui ne s'inquiète pas du taux de chômage élevé au Canada en ce moment. Nous devrions tous chercher des moyens de faire en sorte que de plus en plus de Canadiens travaillent, et je suis sûr que c'est ce que nous faisons. Les mesures qui sont prises à la Chambre devraient contribuer à éliminer les facteurs qui menacent les emplois au Canada.

Si les différends ne sont pas réglés, des emplois seront perdus dans le secteur des exportations et ceux dans les ports seront gravement menacés. Au point où nous en sommes, les utilisateurs des services de transport maritime se tourneront vers d'autres ports, si nous ne pouvons pas régler la question des arrêts de travail, surtout dans les ports de la côte ouest du Canada. Que cela nous plaise ou non, nous devons faire concurrence aux ports de la côte ouest des États-Unis, surtout celui de Seattle.

Toute interruption des services prévus à la partie I du Code canadien du travail peut avoir des conséquences dévastatrices pour l'économie canadienne. Les divers ordres de gouvernement doivent prévoir une certaine réglementation. Il ne sert à rien de prendre des mesures inutiles chaque fois que les parties syndicale et patronale n'arrivent pas à s'entendre. C'est ce qui se produisait auparavant. On peut résoudre les différends entre les deux groupes sans interrompre le déroulement ordinaire des travaux du gouvernement.

Nous ne parlons pas de mesures qui décourageraient ou menaceraient le processus de négociation collective. Nous parlons d'une façon de l'améliorer, c'est-à-dire l'arbitrage des propositions finales.

Chaque fois qu'on a eu recours à une loi pour imposer le retour au travail au Canada, on a obtenu des effets qui ne sont pas censés se produire au Canada. Cette façon de faire abolit le droit de grève ou de lock-out et usurpe le processus de négociation collective. Cette pratique devrait être remplacée par l'arbitrage des propositions finales.

(1125)

Selon certains, le fait d'inclure dans ce projet de loi les grains et le chargement des navires lorsque les grains sont déjà rendus au port améliorera la situation. Comme l'a souligné l'orateur précédent, les meuneries et les élévateurs à grains relèvent de la compétence fédérale depuis la Seconde Guerre mondiale. On les avait alors considérés comme des secteurs essentiels pour l'intérêt national.

Le fait que les grains déjà rendus au port seront maintenant chargés sur les navires constitue une bien mince amélioration. Autrement dit, cela équivaut à déclarer que le service fourni par un groupe en particulier est un service essentiel. Je suis très surpris que l'on ne soit pas parvenu à cette fin en désignant un groupe de personnes comme entité chargée d'un service essentiel.

Compte tenu des critères qui font du grain un produit essentiel sur le plan de l'intérêt national, on doit admettre que bien d'autres produits appartiennent aussi à cette catégorie. La potasse, le charbon, le soufre et le bois sont autant de produits qui ont eux aussi un impact considérable sur l'économie. La lacune du projet de loi c'est qu'aucun de ces produits n'y est mentionné.

Au cours des 20 dernières années, le Parlement a été prié ou du moins il s'est senti dans l'obligation de mettre fin à 19 arrêts de travail. Nous voyons que grâce à l'article 87.7, lorsque les grains arrivent au port ils sont sûrs d'être chargés. Toutefois, il n'y a aucune disposition qui garantisse que ces grains arriveront effectivement au port. Beaucoup d'arrêts de travail peuvent se produire entre l'exploitation agricole et le port et perturber tout le système. La Chambre pourrait alors encore avoir à intervenir en adoptant une mesure de rappel au travail.

Je suppose que nous devrions être heureux d'avoir une demi-mesure, mais pourquoi devons-nous progresser par demi-mesures? Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas faire des modifications


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au système qui permettrait d'assurer la concurrence avec d'autres ports très compétitifs comme celui de Seattle.

Dans l'intérêt national, l'arbitrage des propositions finales serait une façon bien plus efficace de garantir le transport continu des grains vers les marchés nationaux.

Les grains représentent environ 30 p. 100 du commerce du port de Vancouver. Je suis d'accord avec le gouvernement pour dire que c'est une denrée importante, mais ce n'est pas la seule denrée qui est importante pour l'économie nationale. Un groupe comme l'Association des employeurs maritimes de la Colombie-Britannique représente 77 sociétés d'exploitation des quais et terminaux et sociétés de manutention, à Vancouver et Prince Rupert. Ces sociétés craignent que la disposition concernant les grains n'aggrave une situation historiquement difficile dans le domaine des conflits de travail au port. Si les débardeurs peuvent continuer à gagner leur salaire en chargeant les navires, ils pourraient être moins enclins à mettre rapidement fin à leur grève.

Nous devons maintenir notre réputation de fournisseur fiable. Je dirais qu'il est très facile de nuire à notre crédibilité et d'inciter les clients à chercher ailleurs. Ces clients sont souvent contactés par d'autres fournisseurs. Pour eux l'important c'est de ne pas attendre trop longtemps que les navires soient chargés. Ils doivent obtenir leur cargaison et la faire livrer pour pouvoir continuer de payer leurs employés et satisfaire leurs clients. Nous sommes dans une situation où nous devons, que nous le voulions ou non, concurrencer des ports dynamiques, tournés vers les marchés.

(1130)

C'est certes dans notre intérêt de régler ces différends le plus rapidement possible et de veiller à ce que lorsque les navires arrivent pour venir chercher du charbon, du grain, du bois d'oeuvre ou n'importe quel autre produit, ils puissent obtenir une pleine cargaison de ce qu'ils sont venus chercher et être suffisamment impressionnés par le service offert pour revenir une autre fois.

Cela cadre très bien avec la position du gouvernement qui voudrait créer des emplois et, bien entendu, il ne peut pas simplement créer des emplois à partir de rien, mais il peut certes établir un climat dans lequel les entreprises et les industries peuvent prospérer et créer certes des emplois. La création d'emplois n'est pas une fin en soi, mais nous devons avoir des clients pour acheter les produits que les titulaires des emplois en question produisent ou fabriquent.

On estime qu'en 1994, la grève dans les ports de la côte ouest a coûté aux Canadiens plus de 125 millions de dollars. Les coûts indirects s'élèvent probablement à deux fois cela. En ce qui concerne la perte possible de ventes de grain à l'avenir, on estime qu'il en coûterait à l'économie canadienne 5 milliards de dollars.

Je prétends donc qu'il doit y avoir certaines dispositions dans ce projet de loi qui protègent l'économie et les tierces parties innocentes contre des arrêts de travail dans le secteur public, lorsqu'il n'y a aucune autre solution de rechange. Ou nous utilisons le secteur public pour transporter nos produits ou nous ne les transportons pas. Le Canada a un réseau de transport et une infrastructure en matière de communications de réputation mondiale qui ne devraient pas être vulnérables en cas d'interruptions de travail.

Certains des témoins qui ont comparu devant notre comité permanent avaient des points de vue extrêmement intéressants en ce qui concerne l'importance accordée au grain. Je voudrais vous citer Donald Downing, président de l'Association charbonnière canadienne, qui a déclaré: «Il est impossible d'adopter cette modification puisqu'elle effectue une discrimination entre des produits de base et vise à faire de l'un d'eux un cas à part. Elle laisse entendre que le gouvernement du Canada accorde aux céréales une priorité et un statut particuliers qu'il nous serait impossible d'expliquer à nos précieux acheteurs de charbon dans plus de 20 pays.»

Sharon Glover, vice-présidente principale de la Chambre de commerce du Canada, déclare que «ce ne sont pas uniquement les céréales qui sont touchées par un conflit portuaire et les répercussions économiques de la fermeture d'un port sont tout aussi importantes pour les exportateurs et les importateurs d'autres produits comme les produits forestiers, le charbon, le soufre, la potasse et les produits pétrochimiques. Nous sommes convaincus que ce genre de dispositions qui créent des règles du jeu inégales pour divers secteurs de l'économie est inutile et ne favorisera pas les investissements au Canada.»

Mon collègue s'est longuement prononcé sur la nécessité d'une loi anti-briseurs de grève. Ce sont environ 700 000 employés canadiens qui sont ainsi visés par le Code canadien du travail.

J'affirme pour la nième fois que si nous adoptions l'arbitrage des propositions finales, nous n'aurions que faire d'une loi anti-briseurs de grève.

(1135)

Si les deux parties ne parvenaient pas à s'entendre sur une convention collective ou achoppaient sur un point litigieux quelconque, elles soumettraient leurs différends à un arbitre qui trouverait une solution, car il va de soi qu'en cas d'impasse une des parties ferait appel à l'arbitrage.

La particularité de l'arbitrage des propositions finales est la suivante: c'est un outil qui, poussé à la limite, fait qu'on ne l'utilise pas du tout. En somme, les parties trouvent d'elles-mêmes une solution sans que le gouvernement ait à intervenir.

Ce projet de loi anti-briseurs de grève est une mesure qui n'est ni chair ni poisson. D'une part, le gouvernement n'a déclaré aucun service comme étant essentiel et, d'autre part, il n'a pas interdit le recours à des travailleurs de remplacement.

Toutefois, le projet de loi confère au Conseil canadien des relations industrielles le pouvoir de décider si le recours à des travailleurs de remplacement empiète sur les responsabilités d'un syndicat ou mine son travail. Nous savons tous que les dirigeants syndicaux vont insister énormément auprès du conseil en disant qu'un recours


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à des travailleurs de remplacement nuit toujours à un syndicat. De toute évidence, c'est la position que défendront les syndicats.

Le ministre a donné l'assurance que les nominations au conseil ne seront pas politiques, mais qu'elles seront fondées sur le mérite et la compétence. J'ai très hâte de voir ce qui va se produire. Peu importe les qualités des membres du conseil, ils devront notamment faire preuve de détermination, parce qu'ils feront l'objet d'un lobbying à toute épreuve, surtout de la part du mouvement syndical, pour traiter cette disposition comme une interdiction visant les travailleurs de remplacement.

Je n'envie pas du tout les membres du CCRI qui se pencheront sur ces dispositions. Si le gouvernement voulait une mesure législative sur les travailleurs de remplacement, il aurait dû se dépêcher et l'inscrire dans le projet de loi.

Le gouvernement a souvent procédé comme cela. Il adopte une idée qu'un parti d'opposition a fait valoir et la dilue tellement que le parti d'opposition ne peut plus l'approuver. Les membres du gouvernement disent alors qu'ils ont fait de leur mieux, qu'ils ont essayé de nous donner satisfaction, mais que nous avons rejeté leur proposition. C'est précisément dans cette position que se trouvera le Parti Québécois, quand le projet de loi aura été mis aux voix.

Cette disposition laisse trop de pouvoir au CCRI. Ses membres subiront une forte pression, surtout de la part des syndicats et des membres du conseil qui viennent du milieu syndical. Une pression sera exercée sur le conseil pour qu'il en vienne à considérer que le recours à des travailleurs de remplacement mine toujours l'action syndicale.

Il n'y a aucun équilibre. Le ministre a déclaré que son objectif consistait à établir un équilibre. C'est un objectif valable, mais je ne vois pas comment ce projet de loi permet de l'atteindre.

Nancy Riche a déclaré ce qui suit: «À mon avis, chaque fois qu'on fait appel à des travailleurs de remplacement, cela compromet la capacité de représentation de l'unité de négociation.» Elle a ajouté: «Cependant, tous ceux qui ont quelque chose à voir avec cette disposition nous disent que ce n'est pas ainsi qu'elle doit être interprétée. Nous verrons ce que dira le conseil.»

(1140)

Elle a absolument raison sur ce point, le Conseil se prononcera. Dans tous les cas d'utilisation de travailleurs de remplacement, le Conseil sera saisi, soit par la direction de l'entreprise, soit par les membres du syndicat qui ne sont pas d'accord avec la grève et qui tentent de franchir les lignes de piquetage, et il devra se prononcer.

Voici ce que disait M. Ed Guest, directeur général de la Western Grain Elevator Association: «Nous nous opposons vigoureusement à la disposition du projet de loi qui créera un handicap potentiel pour les employeurs qui utilisent les services de travailleurs de remplacement. Le projet de loi fait intervenir le Conseil canadien des relations industrielles dans le conflit et donne a une partie seulement, la partie syndicale, le droit d'intenter des poursuites à ce sujet. Cela, en soi, crée un terrible déséquilibre dans le projet de loi. Un concept à sens unique qui empêche un employeur d'exploiter son entreprise par quelque moyen que ce soit pendant un conflit de travail supprime toute notion d'équilibre dans la confrontation économique entre les parties.»

Encore ce mot, «équilibre». Voilà encore quelqu'un qui soutient que le projet de loi ne parvient pas à l'équilibre qu'il s'était proposé d'établir.

À propos des travailleurs à distance, le projet de loi C-66 donne au CCRI le pouvoir d'ordonner à un employeur de divulguer les noms, adresses et autres renseignements pertinents concernant ses travailleurs à distance aux syndicats et aux syndicalistes qui cherchent à obtenir une accréditation syndicale. L'obligation de donner des renseignements sur les travailleurs à domicile et même à donner aux syndicats l'accès aux systèmes de communication électronique de l'entreprise soulève de sérieuses inquiétudes en matière de protection de la vie privée et de sécurité des employés. On foule aux pieds les droits des individus en permettant ainsi de divulguer les noms, adresses, etc., des travailleurs à distance.

Plusieurs des témoins entendus devant le comité ont dit craindre le risque de violation de la vie privée si on donne aux syndicats l'accès à l'adresse personnelle des employés sans leur approbation. Voilà les mots clés, sans leur approbation. Si les employés ne voient pas d'objection à ce que l'on communique ces renseignement à des organisations syndicales, pas de problème. Il s'agit d'un contrat entre deux individus ou entre l'individu et le syndicat. S'ils s'y opposent, cependant, ils devraient pouvoir exiger que l'on garde ces renseignements confidentiels. Le projet de loi ne prévoit rien à cet égard. Nous avons proposé un amendement qui a connu le sort de tous les amendements que proposent les partis d'opposition à la Chambre. Notre amendement visait à donner à l'employeur le choix de partager ou non ces renseignements avec le syndicat.

Le 3 septembre 1996, le ministre du Travail a annoncé la création d'une commission de 600 000 $ chargée d'étudier le milieu de travail en évolution. Encore une autre commission. Cet aspect, parmi ceux qui sont pris en considération, devrait faire l'objet de consultations et d'une étude avant d'être mis en oeuvre. Le gouvernement est toutefois déterminé à faire adopter ce projet de loi ici et à l'autre endroit le plus tôt possible. En fait, il voudrait bien en finir avec lui cet après-midi et s'attaquer ensuite à d'autres mesures législatives inscrites au Feuilleton.

Nous croyons toutefois que ces dispositions ne permettent pas d'atteindre le niveau d'équité souhaité par le ministre. Nous croyons qu'elles privilégient le syndicat au détriment de l'employé ou de l'employeur.

Je voudrais encore une fois citer certains témoins. Michael McCabe, président-directeur général de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, a dit ceci: «Nous estimons essentiel pour le syndicat de pouvoir communiquer avec tous les employés membres de l'unité de négociation. Toutefois, le fait que le paragraphe 109.1(1) n'exige pas que l'employé autorise la communication de pareils renseignements personnels nous préoccupe. Si l'employeur communique cette information au syndicat sans le consentement de l'employé, il y aura violation des rapports de confiance et de confidentialité qu'entretient l'employeur avec l'employé. De plus, de nombreux employés refusent que des renseignements personnels


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à leur sujet soient communiqués par crainte de compromettre leur sécurité personnelle.»

Je suis tout à fait de cet avis. Les syndicats devraient pouvoir obtenir une accréditation et s'organiser, mais cela devrait se faire en respectant rigoureusement ceux de qui on veut obtenir de l'information. Il s'agit d'une question très fondamentale, celle de savoir si les renseignements personnels sur quelqu'un devrait être divulgués en vertu de la loi ou avec l'autorisation de la personne visée.

(1145)

Je voudrais citer une autre personne, Mme Sharon Glover, vice-présidente directrice de la Chambre de commerce: «Ces dispositions, qui traitent des travailleurs à distance, un aspect qui n'a pas été abordé lors des consultations générales des deux dernières années et qui a figuré dans le rapport du groupe de travail Sims, n'auraient pas dû faire partie du projet de loi.»

Le Conseil canadien des relations industrielles, qui s'appelait auparavant Conseil canadien des relations de travail, s'est vu confier des pouvoirs vaguement définis, mais importants, en matière de travailleurs de remplacement. Nous devons également nous occuper des travailleurs à distance et des droits du successeur.

Le gouvernement a tenté de régler le problème initial dans le projet de loi en modifiant l'article traitant de l'industrie du transport aérien. Toutefois, il n'a pu résister à la tentation d'ajouter une disposition qui conférerait au Cabinet le pouvoir d'accorder, à son gré, des droits du successeur à toute composante de l'industrie du transport aérien. Voici encore un projet de loi qui accorde une latitude et des pouvoirs excessifs au gouverneur en conseil.

Nous nous rendons compte que le gouverneur en conseil doit avoir une certaine latitude. Nous sommes d'avis qu'il n'est pas nécessaire, en légiférant, de tout prévoir dans les moindres détails. Le ministre et le Cabinet doivent disposer d'une certaine latitude. Mais dans l'industrie du transport aérien ou d'autres secteurs, je crois que le ministre a une trop grande latitude.

En guise de conclusion, je voudrais souligner que les syndicats et les employeurs doivent disposer des outils nécessaires pour régler leurs différends d'une manière juste et équitable sans que pèse sur eux la menace d'une intervention de l'État. En fait, j'estime que si le gouvernement se retirait d'un grand nombre de secteurs, les Canadiens verraient une amélioration dans l'économie. Les parties ne sont pas portées à négocier sérieusement quand l'adoption d'une loi de retour au travail est inévitable. C'est un fait incontournable.

Je voudrais présenter un autre argument en faveur de l'arbitrage des propositions finales. Je sais que le ministre n'est pas un partisan de cette formule, mais c'est une solution viable. Malgré ce que prétend le ministre, bien des gens sont en faveur de cette formule qui, à mon avis, améliorerait les relations patronales-syndicales.

Le but d'une grève est de forcer un règlement et l'arbitrage des propositions finales est un mécanisme qui forcera aussi un règlement, mais avec ceci de particulier qu'il est tellement contraignant que les parties feront tout pour éviter d'y recourir. Il pousse les parties à s'entendre.

Comme je l'ai dit à maintes reprises, une solution négociée est certes la meilleure solution pour tous. Cette formule incite les deux parties à faire des efforts et il ne suffit pas de dire: «Peu importe qu'il y ait une grève ou un lock-out, ce sera pour peu de temps.» Je ne pense pas que cette façon de penser soit bien productive pour quiconque.

(1150)

L'arbitrage des propositions finales n'enlève pas le droit de grève. Le fait qu'une loi de retour au travail prive les travailleurs du droit de grève aurait dû être pris en considération. Le projet de loi aurait dû être reformulé de telle façon que l'on n'ait plus jamais besoin de recourir à une loi forçant le retour au travail.

Les modifications proposées au Code du travail du Canada n'auront pas un effet favorable sur les affaires, les investissements ou la création d'emplois. Les charges sociales ainsi que la réglementation patronale-syndicale vont augmenter les coûts des entreprises au Canada et décourager les investissements. C'est bien triste.

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

PROJET DE LOI C-46

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Je soulève la question de privilège. J'estime que mes droits de député ont été lésés à cause d'une mauvaise interprétation et d'une mauvaise application du paragraphe 108(2) du Règlement.

Le projet de loi C-46 a été mis à l'étude à la Chambre et fait l'objet d'un débat. Ce texte porte sur la production de documents dans les causes d'infractions sexuelles. J'ai pris part au débat de deuxième lecture et exprimé de sérieuses réserves parce que j'estime que cette mesure porterait atteinte aux droits fondamentaux du prévenu, qui doit pouvoir se défendre.

La Chambre poursuivra l'étude de ce projet de loi cet après-midi. Le débat de deuxième lecture n'est pas terminé. Pourtant, au moment où je vous parle, le Comité de la justice étudie le projet de loi en vertu du paragraphe 108(2). Cela me pose de graves difficultés, car je tiens non seulement à suivre le débat à la Chambre, mais aussi à poser des questions aux témoins qui comparaissent au Comité de la justice. Je ne peux pas le faire tant que le débat n'est pas terminé à la Chambre.

Le Comité de la justice s'est donné le mandat d'examiner la teneur du projet de loi C-46 en vertu du paragraphe 108(2) du Règlement. Lorsque la Chambre est saisie d'un projet de loi, la teneur et le texte du projet de loi sont une seule et même chose. Si la Chambre examine le projet de loi maintenant, elle ne peut pas l'examiner sans en examiner la teneur du même coup. Par conséquent, si le projet de loi est à l'étude à la Chambre, on ne peut pas examiner la teneur du projet de loi C-46 sans examiner le projet lui-même.

Le paragraphe 108(2) du Règlement donne les autorisations suivantes aux comités permanents pour qu'ils puissent étudier un projet de loi ou sa teneur. En réalité, ce paragraphe ne donne pas au

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comité permanent, selon moi, le droit d'étudier un projet de loi avant que l'étape de la deuxième lecture ne soit terminée.

J'attire très rapidement l'attention des députés sur les divers éléments du paragraphe 108(2):

En général, les comités sont individuellement autorisés à faire une étude et présenter un rapport sur
a) les textes législatifs liés au ministère qui leur est confié;
Je ferai observer que le projet de loi C-46 n'est pas encore loi. Il est encore à l'état de projet. Le comité permanent n'a donc pas le droit de l'étudier à cette étape-ci. Le paragraphe dit ensuite que le comité permanent peut faire une étude sur

b) les objectifs des programmes et des politiques du ministère. . .
Cela ne s'applique pas en l'espèce. Il peut encore étudier

c) les plans de dépenses immédiats, à moyen terme et à long terme
du ministère. Cela ne s'applique pas ici. Il peut faire

d) une analyse de la réussite relative du ministère. . .
Etc., etc. Mais rien de tout cela ne s'applique dans ce cas-ci

Enfin, le paragraphe dit que le comité peut étudier

e) d'autres questions liées au mandat, à l'administration, à l'organisation ou au fonctionnement du ministère. . .
Selon moi, le Comité de la justice n'a pas le mandat de priver un député de l'occasion de prendre pleinement part aux délibérations sur une mesure législative à l'étude à la Chambre.

Je veux écouter tout le débat sur le projet de loi C-46 à la Chambre et y participer pour que, lorsque le comité entamera ses délibérations sur le projet de loi, je puisse m'y présenter en connaissant tous les aspects de cette mesure, participer à l'étude et poser des questions pertinentes aux témoins.

À cause de l'interprétation qu'il donne du paragraphe 108(2) du Règlement, le comité me refuse le droit de comparaître et de prendre part à des délibérations qui sont importantes pour tous les Canadiens et les intéressent.

(1155)

Le vice-président: Je remercie le député. La présidente du Comité de la justice n'est pas présente pour l'instant, puisque, comme le député l'a dit, le comité siège.

La présidence peut prendre note de l'intervention du député et, avec sa permission, j'en présenterai la transcription à la présidente du comité. Elle pourra peut-être alors exposer son point de vue, si elle le souhaite, à 16 heures. Avec l'indulgence du député, je vais renvoyer la question à 16 heures. Il serait très utile qu'il soit alors présent.


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-66, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I), la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. George Proud (secrétaire parlementaire du ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux d'intervenir à nouveau dans le débat sur le projet de loi C-66, qui modifie la partie I du Code canadien du travail, et qui a été présenté par le ministre du Travail.

Je sais que beaucoup de députés voudront prendre part au débat aujourd'hui, mais je tiens à féliciter les députés d'Hochelaga-Maisonneuve et de Wetaskiwin d'avoir exprimé leurs commentaires, leurs préoccupations et leurs inquiétudes quant à certains éléments qui se trouvent dans le projet de loi et à d'autres qui ne s'y trouvent pas. À notre avis, c'est un projet de loi très bien équilibré. Il est vrai qu'il ne contient pas toutes les mesures que nous devons prendre pour les travailleurs et les employeurs sous la responsabilité du gouvernement fédéral, mais il en contient beaucoup.

Le projet de loi a deux objectifs très importants. Tout d'abord, il met à jour les dispositions relatives aux négociations collectives afin les rendre plus efficaces. Deuxièmement, il accroît l'efficacité de l'administration du droit du travail fédéral.

J'appuie fermement le projet de loi parce que je suis un ardent défenseur du processus de négociations collectives. À mon avis, le projet de loi mérite un appui enthousiaste de la Chambre des communes parce qu'il est bon pour les travailleurs, bon pour les employeurs et bon pour l'économie canadienne.

Les députés se souviennent peut-être que, en novembre 1994, le gouvernement fédéral a présenté un document intitulé Innovation: la clé de l'économie moderne. Dans ce document, le gouvernement reconnaît que les organisations d'employés et la collaboration entre les travailleurs et les employeurs comptent parmi les facteurs nécessaires pour stimuler la croissance de l'emploi et l'augmentation de la productivité. On peut lire dans ce document: «Des travailleurs bien formés, des conditions de travail souples, des relations syndicales-patronales efficaces, la participation des travailleurs à l'entreprise et des milieux de travail sécuritaires, voilà autant de facteurs contribuant directement au rendement économique d'une entreprise et au bien-être des travailleurs.»

Autrement dit, le gouvernement fédéral reconnaît que le mieux-être économique et le développement humain dépendent non seulement du matériel technologique et de la virtuosité scientifique, mais aussi de nos relations sociales et de nos processus sociaux.


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Les mécanismes que nous avons mis en place pour régler les conflits politiques, économiques et sociaux sont aussi importants pour le bien-être national que les structures que nous avons établies pour fabriquer des robots, produire de nouveaux logiciels et transporter nos ressources. De façon générale, on peut dire que le processus de négociation collective fonctionne bien au Canada. La Chambre de commerce du Canada a écrit ceci à ce sujet: «Le système actuel de négociation collective, aussi imparfait qu'il puisse être, a bien servi le Canada en cette période de turbulence dominée par la concurrence économique mondiale et une restructuration massive.»

Dans le mémoire qu'il a présenté au groupe de travail Sims, le Congrès du travail du Canada a signalé que, malgré les plaintes formulées et les améliorations suggérées, le code est accepté par les personnes qui y sont assujetties.

Je suis certain que les députés ont entendu dire bien des fois que, dans la grande majorité des cas, les négociations collectives aboutissent à un règlement sans qu'il n'y ait arrêt de travail. Je crois que la proportion est de plus de 95 p. 100. Toutefois, en cas d'impasse, les parties peuvent faire appel à des médiateurs hautement qualifiés et très respectés tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Le Service fédéral de médiation et de conciliation a été particulièrement efficace pour ce qui est d'empêcher et d'aider à résoudre les conflits de travail.

(1200)

Les changements qui nous sont présentés par le ministre du Travail sont un investissement important dans le capital social du pays. Ils modernisent la loi fédérale en matière de travail sans en altérer la structure de base qui bénéficie de l'appui général des syndicats et du patronat. Ils rendront l'administration de la loi plus efficiente et, du même coup, rehausseront la légitimité du processus de négociation collective.

Je m'attarderai quelques instants sur les modifications au code relatives aux droits de négociation. Les modifications visent à améliorer l'accès à la représentation syndicale pour les employés. Une des modifications importantes apportées à cette disposition prévoit le maintien des droits de négociation et de la convention collective lorsqu'une entreprise provinciale devient régie par le gouvernement fédéral, par exemple à la suite d'une vente.

Le code autorise actuellement la continuation des droits de négociation prévus dans les conventions collectives uniquement si le vendeur et l'acheteur relèvent tous deux de l'autorité fédérale. Cette modification arrive à propos, compte tenu de la rapidité avec laquelle les mouvements de capitaux s'effectuent de nos jours.

Le groupe de travail Sims soulignait d'ailleurs dans son rapport que les entreprises qui réussissent sont rarement statiques. Les réorganisations, fusions, acquisitions, cessions, transferts et locations d'entreprises, en tout ou en partie, sont maintenant choses courantes. Les changements de propriété peuvent se produire très rapidement et s'accompagner d'un changement de l'autorité compétente.

Les membres du groupe de travail ont affirmé avoir entendu dire que certaines entreprises prennent des mesures délibérées pour passer sous l'autorité d'un autre gouvernement afin de se soustraire à leurs obligations en matière de négociation. Ce genre de pratique est inacceptable. C'est une chose quand les employés d'une entreprise votent contre la syndicalisation, mais c'en est une autre quand un employeur utilise des tours de passe-passe pour se dérober à ses obligations relatives à la négociation. C'est pourquoi j'appuie cette modification.

La deuxième modification dans la catégorie générale des droits de négociation se rapporte aux nouveaux fournisseurs. Le ministre propose qu'un employeur qui en remplace un autre comme fournisseur de services de sécurité pré-embarquement dans l'industrie des transports aériens soit tenu de payer aux employés qui assurent ces services le même traitement que celui que versait l'employeur précédent.

Cette disposition a été incluse dans le projet de loi parce que, dans le passé, les changements de fournisseurs survenus dans ce secteur d'activité entraînaient pour les travailleurs, dont beaucoup sont des femmes et des immigrants, une diminution de traitement et des pertes d'emplois à la fin de chaque convention collective.

La mesure proposée par le ministre dissuadera les employeurs de se concurrencer les uns les autres pour offrir les salaires les plus bas. Elle créera des règles du jeu équitables pour les fournisseurs dont les employés sont syndiqués et elle contribuera à réduire le taux de roulement, un facteur de sécurité important dans l'industrie des transports aériens.

Cette modification ne s'appliquera qu'aux services de sécurité de l'industrie des transports aériens. Cependant, sur la recommandation du ministre du Travail, le gouvernement serait en mesure d'en étendre l'application au cas où une situation similaire se produirait dans d'autres industries régies apr le gouvernement fédéral.

Enfin, une modification du code permettrait au Conseil canadien des relations industrielles de communiquer à un représentant autorisé d'un syndicat une liste des noms et adresses des employées qui travaillent normalement ailleurs que dans les locaux de l'employeur.

Le conseil pourra aussi autoriser un syndicat à communiquer avec les employés à distance au sujet de toute question pratique. Toutefois, les conditions à respecter pour protéger la vie privée et la sécurité des employés à distance devront être précisées.

La modification arrive à point, étant donné la croissance rapide de l'emploi non conventionnel, notamment le travail à domicile. Il donnera un choix aux travailleurs relevant de la compétence fédérale. Si, par suite de cette modification, le conseil accorde à un syndicat le droit de communiquer avec des travailleurs à distance, ceux-ci pourront décider eux-mêmes s'ils veulent ou non être représentés à la table des négociations collectives. Actuellement, ils n'ont pas le choix.

Ce sont les principales propositions législatives concernant les droits de négociation des travailleurs. Elles sont équitables et raisonnables. Elles traitent fort bien des réalités du monde du travail des années 90. Elles permettront de réaliser l'objectif qu'elles sont


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censées atteindre, c'est-à-dire améliorer le processus de négociation collective pour toutes les parties intéressées.

(1205)

Je ne pense pas qu'un employeur relevant de la compétence fédérale pourrait honnêtement qualifier ces modifications de pénibles. À la fois les travailleurs et les employeurs assujettis au Code canadien du travail devraient être satisfaits de l'équilibre des modifications dont le ministre du Travail a saisi la Chambre.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Madame la Présidente, j'aimerais participer, aujourd'hui, au débat en troisième lecture sur le projet de loi C-66 modifiant le Code canadien du travail. Il s'agit d'une réforme de la partie I du Code relative aux relations de travail.

Les modifications principales portent sur la création du Conseil canadien des relations industrielles, la modification du processus de conciliation, la clarification des droits et obligations des parties devant un arrêt de travail, l'obligation pour les parties de maintenir les services essentiels lors d'un conflit où la santé et la sécurité du public sont en cause, l'interdiction de miner la capacité de représentation d'un syndicat durant une grève ou un lock-out, ou la possibilité pour les travailleurs à distance d'avoir un meilleure accès à la négociation collective.

Le Code canadien du travail n'a pas été remanié en profondeur depuis le début des années 1970. Nous savons tous que les relations de travail changent et évoluent à un rythme accéléré. En 1995, la ministre du Travail de l'époque avait mis sur pied un comité de travail composé d'experts dans le domaine des relations de travail dont Rodrigue Blouin, un professeur de relations industrielles à l'Université Laval, Mme Paula Knopf, et le président, M. Andrew Sims.

Le mandat de ce comité consistait à recommander des modifications à la partie I du Code. Leur rapport intitulé «Vers l'équilibre» a été rendu public en février 1996. Les syndicats et les employeurs des entreprises privées, de compétence fédérale, se sont déclarés en faveur de plusieurs recommandations générales du groupe de travail. Cependant, il n'y a pas eu de consensus sur des questions très importantes, telles que les travailleurs de remplacement. Ce projet de loi contient des aspects positifs, je le reconnais. Mais il contient également beaucoup de carences.

Il faut mentionner que le Code s'applique à quelque 700 000 travailleurs et à leurs employeurs relevant de compétence fédérale. Ce secteur comprend les banques, les transports ferroviaire, routier, par pipeline et maritime interprovincial et international, les aéroports et les lignes de transport aérien, la radiodiffusion et les télécommunications, les opérations portuaires et le débardage, la manutention des grains et d'autres industries déclarées être à l'avantage général du Canada, ainsi que certaines sociétés d'État. Ce Code s'applique aussi aux employeurs et travailleurs du secteur privé dans les Territoires.

Le Conseil canadien des relations industrielles, composé d'un président et de vice-présidents et d'un nombre égal de membres représentant les employeurs et les travailleurs, remplacera l'actuel Conseil canadien des relations du travail. Ces personnes seront nommées par le gouvernement. Je crains ici, comme dans d'autres organismes tels que la CISR, que le critère principal de nomination soit l'affiliation politique des candidats et non pas la compétence, malgré le discours, qui se voulait rassurant, du ministre du Travail plus tôt.

On s'attend à ce que le Conseil traite rapidement des questions routinières et urgentes. Certaines affaires pourront être entendues par un vice-président seul plutôt que par un banc de trois personnes, comme c'est la cas actuellement. Une des difficultés importantes, aujourd'hui, ce sont les longs délais dans le traitement des dossiers par le Conseil.

Je me suis déjà adressé au ministre du Travail pour lui faire part des graves problèmes existant au sein du Conseil et particulièrement sur le manque de leadership de son président. La réponse ministérielle n'était pas satisfaisante, ni appropriée.

(1210)

J'espère qu'à l'avenir, le fonctionnement de cet organisme s'améliorera avec les modifications apportées par ce projet de loi. Il est souhaitable que certains pouvoirs du Conseil soient clarifiés, notamment en ce qui a trait à la révision des unités de négociation et de vente d'entreprises. Il devra aussi apporter des redressements appropriés à l'encontre de certaines pratiques de travail déloyales, telles que celles reliées aux négociations de mauvaise foi. Il pourra également accréditer un syndicat, même s'il n'obtient pas l'appui majoritaire des membres, en cas de pratiques déloyales par un employeur.

Le Conseil aura le pouvoir discrétionnaire d'accorder à un représentant autorisé du syndicat la liste des noms et adresses des employés qui travaillent à l'extérieur des locaux de l'employeur et d'autoriser le syndicat à communiquer avec lui.

Je suis contre le projet de loi C-66 pour plusieurs raisons, même si je reconnais plusieurs points positifs dans ce texte. Il s'agit d'une réforme insuffisante et inachevée. Le gouvernement libéral a manqué de courage sur des sujets très importants, tels que les dispositions antibriseurs de grève. Les travailleurs de remplacement pourront encore être utilisés, car le ministre n'a apporté qu'un changement cosmétique à ce niveau.

Dans ce domaine, le gouvernement s'est montré incapable de prendre le parti des travailleurs. Il a plutôt fait preuve d'un préjugé favorable aux employeurs. Comme dans d'autres projets de loi, il a accentué son virage à droite en cédant aux pressions patronales. Il faut se rappeler que le Parti libéral du Canada avait voté en faveur des dispositions antibriseurs de grève quand il était dans l'opposition.

Ma critique majeure à ce projet de loi vise à l'absence de véritables mesures antiscabs. Comme vous le savez, j'ai oeuvré19 ans au sein de la FTQ, la principale centrale syndicale au Québec, qui représente presque un demi-million de membres, plus précisément 480 000 membres, et qui a commémoré, le 16 février dernier, son 40e anniversaire de fondation. J'ai participé à cette fête dans la ville de Québec, au Château Frontenac, dans la même salle où


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s'était tenue l'assemblée de fondation en 1957. Un vidéo a été visionné sur l'histoire de la FTQ. C'était très bien fait.

C'était émouvant d'entendre les premiers dirigeants de cette centrale, dont plusieurs vivent encore, centrale qui joue aujourd'hui un rôle capital dans la société québécoise. Je suis très fier d'avoir milité dans cette organisation à côté de dirigeants remarquables comme Louis Laberge, Fernand Daoust, Clément Godbout, Henri Massé, Claude Ducharme, Émile Boudreau, etc.

C'est justement à la suite d'une longue grève de plus de 18 mois chez United Aircraft, aujourd'hui Pratt & Whitney, à Longueuil, menée en 1974-1975 par le Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile affilié à la FTQ, que le gouvernement du Parti québécois et l'Assemblée nationale avaient adopté, en 1976, un projet de loi antiscabs. C'était la première législation de cette nature au Canada. Elle est entrée en vigueur en 1977.

Contrairement au régime québécois, l'absence de dispositions antibriseurs de grève dans le Code canadien du travail permet à des employeurs de faire appel impunément à des travailleurs de remplacement durant un conflit de travail, et permet également l'existence d'un déséquilibre qui bloque la tenue de négociations libres de bonne foi. Elle constitue aussi une source de frustration et de violence. La présence des briseurs de grève, escortés par des agents privés de sécurité, souvent par la police, est inacceptable, voire choquante. Les travailleurs qui ont bâti la réputation d'une entreprise ou d'une institution voient, chaque jour, défiler des scabs sous leurs yeux.

J'ai déjà dénoncé à la Chambre des communes l'utilisation de briseurs de grève dans le cas de la minoterie Ogilvie à Montréal, où les travailleurs sont représentés par la CSN. Nous avons constaté également la violence dans d'autres conflits de travail, particulièrement dans le secteur du rail.

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J'ai donc jugé bon de déposer en Chambre, le 22 octobre 1996, le projet de loi C-338 visant à introduire des dispositions antibriseurs de grève dans le Code canadien du travail et dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique fédérale. Il contient également des dispositions quant au maintien des services essentiels lors d'une grève ou d'un lock-out.

Si adopté, ce projet de loi s'appliquera à plus de 700 000 travailleurs canadiens qui oeuvrent dans des secteurs sous juridiction fédérale.

En déposant ce projet de loi, j'ai rempli un engagement pris avant mon élection en tant que député. Malheureusement, jusqu'à présent, il n'a pas dépassé l'étape de la première lecture, n'ayant pas encore été choisi par le tirage au sort.

Cependant, de nombreux dirigeants syndicaux, avocats, professeurs universitaires et experts en relations industrielles ont manifesté leur appui à cette initiative. Certains syndicalistes ont même écrit à leur député leur demandant de voter, le moment venu, en faveur de C-338. Bien que le gouvernement ait manqué de courage dans ce domaine, je sais que plusieurs députés libéraux sont d'accord avec une telle législation. Naturellement mon parti, le Bloc québécois, s'est déjà prononcé en sa faveur et m'appuie dans mes démarches. Il va falloir que le mouvement syndical fasse lui aussi beaucoup de pressions pour que l'État fédéral se dote enfin d'une loi antibriseurs de grève.

Le projet de loi C-66 devant nous ne prévoit pas l'interdiction générale du recours aux travailleurs de remplacement pendant un arrêt de travail ou un lock-out. Il les interdit dans un seul cas très restreint. C'est ainsi que le nouvel article 94 du Code se lira comme suit:

Il est interdit à tout employeur ou quiconque agit pour son compte d'utiliser, dans le but de miner la capacité de représentation d'un syndicat, les services de toute personne qui n'était pas un employé de l'unité de négociation collective à la date, de remise de l'avis de négociation et qui a été par la suite engagée ou désignée pour exécuter la totalité ou une partie des tâches d'un employé de l'unité de négociation visée par une grève ou un lock-out.
Malheureusement, le ministre, dans son discours de ce matin, en réponse aux critiques patronales, interprète déjà cet article d'une façon encore plus restrictive.

C'est le Conseil des relations industrielles qui décidera si une pratique déloyale mine la capacité de représentation d'un syndicat. Voilà une preuve difficile à faire. Dans un tel cas, le Conseil pourrait enjoindre l'employeur de cesser d'avoir recours à des travailleurs de remplacement pendant la durée du différend. J'espère que le Conseil agira avec diligence dans des dossiers de cette nature. S'il attend trop de temps pour trancher, l'article 94 restera inefficace. Le conflit sera alors réglé avant la décision du Conseil au désavantage, probablement, d'une des parties.

Il faudrait que le gouvernement s'inspire de l'expérience du Québec qui, depuis 1977, a été très positive. Les dispositions antibriseurs de grève ont diminué les tensions et la violence sur les lignes de piquetage. Il faut se rappeler que ces mesures législatives avaient engendré, à l'époque, la colère et des réactions très négatives du patronat québécois qui a même contesté la constitutionnalité de ces dispositions devant les tribunaux. Une décision de la Cour suprême du Canada lui a accordé sa requête à titre de représentant des employeurs. Cependant, plus tard, le CPQ renonçait à poursuivre la contestation, car il considérait que le climat de relations de travail au Québec avait beaucoup changé depuis l'adoption de ces mesures et, par conséquent, il ne voulait pas les antagoniser. Le patronat canadien devrait aussi avoir cette même ouverture d'esprit.

J'ai plusieurs autres critiques à l'égard du projet de loi C-66. Par exemple, l'exercice du droit de grève et de lock-out sera assujetti à trop de conditions. Pourquoi un syndicat doit-il tenir un vote par scrutin secret dans les 60 jours avant la grève? Pourquoi doit-il donner un préavis de grève d'au moins 72 heures?

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Cette disposition oblige le syndicat à tenir plusieurs votes, si les négociations traînent en longueur. Les mandats de grève auront tendance aussi à disparaître. Le préavis est trop long, voire non nécessaire. À cause de ces obligations difficiles à remplir, plusieurs grèves deviendront illégales. Mais ce qui est encore plus inacceptable, c'est le pouvoir que possède le ministre du Travail de forcer la tenue d'un vote au scrutin secret sur les dernières offres de l'employeur. Je condamne cette intrusion indue du pouvoir politique en


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matière de relations de travail. C'est une ingérence injustifiée par une tierce partie dans le processus de négociation collective.

J'ai déjà dénoncé l'utilisation de cette disposition, adoptée par le Parlement en 1993, dans le conflit opposant les TCA et Les Lignes aériennes Canadien, l'année dernière. Le vote a été tenu, les salaires ont été coupés, des concessions ont été faites par les employés qui s'ajoutent à d'autres concessions et coupures salariales imposées auparavant. Mais ce n'est pas encore certain que la compagnie aérienne Canadien pourra encore survivre.

J'ai déjà mentionné certains problèmes de fonctionnement du Conseil canadien du travail. Le projet de loi prévoit certaines réformes de cet organisme, mais il aurait dû aller un peu plus loin. Par exemple, le gouvernement s'engage à consulter le mouvement syndical et les employeurs au sujet des nominations, mais il a refusé de procéder à de telles nominations sur la base de listes fournies par les parties. Le ministre a manqué une bonne occasion pour faire en sorte que le Conseil devienne vraiment représentatif des parties. Le favoritisme politique, qui est une marque de commerce de ce gouvernement, se poursuivra de cette façon.

Le Conseil n'a pas été doté, non plus, de pouvoirs étendus lui permettant d'ordonner toute réparation qui, selon son jugement et son expérience, corrige de façon raisonnable toute violation du Code et tout préjudice qu'une telle violation peut avoir causé.

D'autre part, le projet de loi n'aborde pas une demande formulée depuis plusieurs années par l'Alliance de la fonction publique du Canada selon laquelle les fonctionnaires devraient être régis par la partie I du Code canadien du travail. L'Alliance ne peut actuellement négocier la question de la sécurité d'emploi, la protection des changements technologiques, la classification des postes, les nominations, les avancements, les mutations, etc., car elle est régie par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Aussi, le projet de loi ne permet pas aux agents de la GRC de se syndiquer et de négocier collectivement leurs conditions de travail, ce qui est regrettable.

Dans le domaine des changements technologiques, le gouvernement aurait pu, là aussi, être un peu plus audacieux. Il aurait pu aller plus loin dans ce secteur qui revêt une grande importance dans le développement économique d'un pays aujourd'hui. Il faut associer les travailleurs et les syndicats aux changements technologiques.

J'aimerais aussi dire quelques mots sur le retrait préventif. La condition reproductive des femmes entraîne de graves discriminations dans les conditions de travail. Le Code canadien du travail ne protège pas efficacement, encore aujourd'hui, les droits des femmes enceintes ou qui allaitent. C'est donc pour cette raison que j'appuie la campagne menée par l'Alliance de la fonction publique du Canada, campagne qui vise à rétablir cette situation pour le moins déplorable.

La grossesse ne devrait normalement pas empêcher les femmes de travailler. Toutefois, les conditions de travail devront être saines et sécuritaires, afin de ne pas nuire à la santé des femmes ainsi qu'à celle de son enfant qu'elles portent ou qu'elles allaitent.

Malheureusement, les employeurs ne respectent pas tous ce principe. Plutôt que de réaménager le milieu de travail en un milieu plus sain et sécuritaire-ce dont bénéficieraient toutes les travailleuses et tous les travailleurs-plusieurs préfèrent la méthode facile et ainsi retirer les femmes enceintes de leur travail.

C'est donc pourquoi le Code canadien du travail devrait prévoir des dispositions spéciales pour assurer le maintien des femmes enceintes ou qui allaitent dans un milieu de travail sain et sécuritaire. Les femmes devraient recevoir une indemnité financière équivalente à leur salaire. De plus, il est important qu'une telle législation puisse s'appliquer à toutes les femmes canadiennes. Il est maintenant temps que la société prenne ses responsabilités.

(1225)

Les femmes ne devraient pas être les seules à supporter tous les désavantages de la reproduction. Encore une fois, je demande au gouvernement de déposer un projet de loi en cette matière.

D'autre part, le rapport Sims recommandait que certains pouvoirs détenus par le ministre du Travail soient transférés au Service fédéral de conciliation, ce qui malheureusement n'a pas été fait.

Enfin, je regrette que la majorité ministérielle n'ait accepté aucun amendement proposé par le Bloc québécois qui visait à améliorer le projet de loi. Pour tous ces motifs, je voterai contre le projet de loi C-66.

[Traduction]

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Madame la Présidente, je veux aussi intervenir sur le projet de loi C-66.

Je commence par souligner l'importance de cet enjeu, surtout qu'il touche les producteurs de grain des Prairies qui sont souvent victimes des conflits de travail dans le système de transport du grain.

On risque fort de ne pas se rendre compte de l'importance de cette mesure pour les gens. En tant que députés, nous devons prendre garde de ne pas passer à côté de la réalité et bien prendre conscience des difficultés qu'éprouvent des gens qui n'y sont pour rien, quand des événements complètement indépendants de leur volonté influe sur leur mode de subsistance.

Si c'est quelque chose comme une inondation, comme on en voit parfois à la télévision, la dernière survenue aux États-Unis ayant emporté des maisons et détruit des biens, ces gens ont toute notre sympathie. Nous trouvons qu'ils n'ont pas mérité cela et que ça n'aurait pas dû leur arriver, mais ils ne peuvent rien contre les éléments. Très souvent, ces gens bénéficient d'un mouvement de charité, et c'est normal. Nous reconnaissons les mérites de ceux qui aident leur prochain quand les temps sont durs.

Quand c'est un conflit de travail qui empêchent d'autres personnes de gagner leur vie, aussi sûrement que le ferait une inondation


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ayant emporté tout ce qu'elles possèdent, nous n'y sommes pas aussi sensibles. Nous ne reconnaissons pas la gravité de la situation.

Il y a des milliers de familles d'agriculteurs dans les Prairies qui dépendent de l'acheminement du grain vers les ports à des fins d'exportation. C'est ce qui leur permet de payer les factures. C'est ce qui met du pain sur la table d'un bon nombre de mes électeurs, dans Kindersley-Lloydminster. C'est ce qui leur permet de s'offrir des petites choses, comme un nouveau lave-vaisselle, des cours de musique ou cette nouvelle machine que l'agriculteur attend depuis si longtemps de pouvoir se payer.

Ce sont des décisions bien réelles que prennent des gens en chair et en os. C'est très décourageant quand on essaie de payer toutes les factures et de rattraper le retard accumulé, surtout lorsque le prix des produits augmente, comme il y a deux ou trois ans, et qu'un conflit de travail vient annihiler toute chance de remonter la pente. C'est très difficile pour un député de rentrer chez lui et de dire à ses électeurs que la Chambre ne s'est pas trop préoccupée de leur sort, qu'elle s'est davantage penchée sur d'autres questions, comme celle de la société distincte au Québec ou les pensions des députés et ainsi de suite, et qu'elle ne trouve pas particulièrement inquiétant qu'il y ait sans cesse des grèves et des lock-out puisque, depuis 30 ou 40 ans, on n'a pas fait grand-chose pour remédier à la situation.

Les gens qui vivent dans une région rurale ont l'habitude de prendre des risques. Ils savent qu'ils exercent un métier comportant des risques. Leur succès dépend des conditions atmosphériques et des fluctuations du marché international. Ils reconnaissent qu'ils ne contrôlent pas entièrement leur avenir. Or, le problème de l'incertitude des ventes à cause des problèmes de transport et des interruptions du service est une autre menace dont ils n'ont pas besoin. Cela vient s'ajouter aux autres risques inévitables et c'est certainement un gros problème.

(1230)

On a pu voir la gravité de la situation il y a quelques semaines lorsqu'il y avait 40 navires ancrés dans English Bay, à Vancouver, ce qui coûtait aux agriculteurs des Prairies environ 10 000 $ par jour d'attente pour prendre livraison du grain.

Le problème dans le système de manutention du grain ne découlait pas d'un conflit de travail, mais, le plus souvent, c'est le cas dans le système du transport du grain.

Que ce soit un conflit de travail, un problème de matériel ou une question d'intempérie, c'est le producteur qui finit par en faire les frais. Pourtant, dans tous les cas, le producteur n'a aucun contrôle sur la situation.

Je voudrais rappeler une situation qui s'est produite lorsque j'ai été élu pour la première fois en 1993. Au début de 1994, pour être plus précis, il y avait un conflit de travail sur la côte ouest. Nous avons porté le problème à l'attention de la Chambre. Le ministre de l'époque, qui est actuellement ministre des Affaires étrangères, a déclaré ceci: «Je pense que nous pouvons résoudre ce problème.» Le ministre du Travail de l'époque a dit: «Nous ne pensons pas que ce sera un problème sérieux. Ce lock-out prendra fin. Nous sommes confiants que les parties s'entendront et résoudront leur différend.»

Je ne sais pas pourquoi le ministre pensait cela. L'histoire nous montre que ce n'est pas ainsi que se terminent ces conflits de travail, ces arrêts de travail. En fait, depuis 1972, six conflits de travail concernant les ports de la côte ouest ont été réglés par des lois de retour au travail. Deux autres conflits de travail ont été résolus de la même façon en 1988 et en 1991. Au total, il y a eu huit conflits en moins de vingt ans et chacun a coûté des millions de dollars aux producteurs.

Nous avons présenté deux projets de loi à la Chambre, l'un en 1994 et l'autre en 1995, pour obliger les travailleurs à retourner au travail. Je soutiens qu'il n'appartient pas en priorité à la Chambre d'adopter régulièrement des lois de retour au travail.

En notre qualité de législateurs, nous avons certainement le pouvoir de le faire et nous l'avons fait. Cependant, on pourrait croire que, voyant qu'on devait avoir recours à cette méthode à maintes et maintes reprises, quelqu'un quelque part se serait réveillé et aurait réalisé que ce n'est pas une façon de résoudre le problème puisqu'il semble s'envenimer.

Cela ressemble à l'art d'élever des enfants. Si l'on n'ose pas affronter les situations difficiless, elles sont susceptibles de se répéter. Les gens doivent trouver une solution aux problèmes, qu'il s'agisse du comportement ou de la santé de leurs enfants.

Si un problème ne disparaît pas, s'il se répète sans cesse, ils iront consulter un médecin ou un autre intervenant qui pourra leur conseiller une façon de remédier à la situation.

Nous sommes confrontés à des conflits de travail qui ne cessent de se reproduire sur la côte ouest. Ils ne sont pas toujours attribuables aux travailleurs, ni aux employeurs. Ces deux groupes se partagent sans doute la responsabilité à parts égales.

Néanmoins, chaque fois, nous recourrons aveuglément à une loi de retour au travail, nous réglons ponctuellement le problème et, entre temps, les producteurs des Prairies essuient des pertes de millions de dollars. Puis nous continuons notre petit bonhomme de chemin en espérant que le problème ne se posera plus.

Bien évidemment, quelques mois plus tard ou l'année suivante, il surgit à nouveau, et nous reprenons le même débat en pensant qu'on va résoudre le problème. Le gouvernement se traîne les pieds. Enfin, la situation devient intolérable et il présente à contrecoeur un projet de loi de retour au travail, tient un autre débat, adopte le projet de loi et force les travailleurs ou la direction à reprendre les activités pendant qu'on règle le problème.

En l'occurrence, rien ne pousse les deux parties qui sont en désaccord à résoudre leurs problèmes. Elles savent que le Parlement va le faire pour elles. Ainsi, elles adoptent des positions intransigeantes. Elles ne profitent pas au maximum des possibilités qu'offre le processus de négociation collective.

S'il s'agissait simplement d'une société de camionnage, d'un grand magasin ou d'une autre organisation confrontée à une grande


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concurrence, il ne serait pas très important que les deux parties au conflit ne puissent résoudre leurs problèmes et que la direction mette les travailleurs en lock-out ou que les travailleurs déclenchent une grève. Cela ne pose pas de problème, car s'il s'agit d'une société de camionnage, on peut avoir recours aux services de 1 000 autres sociétés de camionnage. S'il est question d'acheter une automobile, si un grand fabricant d'automobiles est paralysé par un arrêt de travail, on peut compter sur d'autres compagnies.

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Ce qui importe dans les Prairies, c'est que lorsqu'il y a une interruption de travail sur la côte ouest ou dans le réseau de la voie maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs, c'est alors un revenu essentiel pour un secteur important du Canada qui est menacé. C'est pourquoi cette situation est si grave. C'est la raison pour laquelle on doit y remédier en adoptant une mesure législative constructive et progressiste.

Je parle du grain aujourd'hui car en tant que porte-parole en matière d'agriculture pour le Parti réformiste, il m'incombe de représenter cette industrie et les gens qui en dépendent. Cependant, ce serait la même chose pour la potasse ou le charbon. Les grandes sociétés minières et forestières sont touchées de la même façon. Elles ont aussi de bonnes raisons de réclamer un bon service ininterrompu en ce qui concerne le transport de leurs produits vers les marchés.

Si on prend tous les secteurs ensemble, on s'aperçoit que des millions d'emplois et le gagne-pain de millions de gens dépendent du transport efficient des produits aux fins d'exportation. Après tout, le Canada est un pays exportateur et lorsque nous n'exportons pas de façon efficiente, nous subissons de graves répercussions au Canada même.

J'ai parlé de toutes les interruptions du travail et de la présentation de lois d'urgence à la Chambre. Enfin, le ministre du Travail de l'époque a reconnu qu'il était important de mettre fin à ce conflit de travail et qu'il fallait agir. J'étais alors leader du Parti réformiste à la Chambre. Nous nous sommes réunis et avons convenu d'adopter rapidement un projet de loi à la Chambre. La deuxième fois que nous avons présenté un projet de loi lorsqu'un autre problème de relations de travail a surgi, la collaboration a fait défaut à la Chambre. Sauf erreur, la Chambre a dû siéger un week-end, y compris le dimanche, pour adopter le projet de loi, car les partis n'ont pas tous collaboré.

Une mesure législative d'urgence s'impose lorsque le gouvernement a attendu trop longtemps pour présenter un projet de loi. Il faut alors régler les détails techniques pour tenter d'adopter rapidement le projet de loi, avant que d'autres torts ne soient causés. Cela ne se passe pas toujours ainsi. Parfois, certains partis, le NPD ou le Bloc québécois, ne collaborent pas. Il peut même s'agir des libéraux. Lorsqu'ils étaient dans l'opposition, ils ont fait volte-face sur des questions de ce genre. Néanmoins, le projet de loi n'est pas assuré d'être adopté sans encombre à la Chambre des communes.

Les parties au conflit ne sont pas motivées à parvenir à une entente, car elles savent que, à défaut d'une entente, la Chambre des communes adoptera une mesure législative les forçant à retourner au travail, à un coût supplémentaire pour les contribuables. Souvent, il coûte moins cher aux parties d'être assujetties à une loi de retour au travail que de résoudre leurs différends d'une façon plus constructive.

Enfin, nous avons effectivement adopté une mesure législative d'urgence aux frais des contribuables. Les contribuables sont les tiers innocents. L'économie des Prairies a perdu des millions de dollars. En substance, rien n'a été réglé, car la même situation pourrait se produire d'ici des mois. Elle se produira assurément d'ici un an ou deux.

Qu'allons-nous faire à cet égard? J'ai cerné le problème. À mon avis, les députés conviennent qu'il s'agit là d'un problème qui se présente périodiquement. Mais il ne suffit pas de cerner le problème.

Le gouvernement a déclenché une enquête. Il n'a pas son pareil pour déclencher des enquêtes. Ce fut la commission d'enquête sur les relations industrielles dans les ports de la côte ouest. Cette commission a reçu un mandat et a tenu des audiences, surtout dans l'Ouest, parce qu'elle s'intéressait particulièrement au cas des ports de la côte ouest. Le problème ne se limite cependant pas aux ports de la côte ouest. Il y a partout au pays des conflits de travail qui gênent la circulation des produits destinés à l'exportation. Quoi qu'il en soit, les ports de la côte ouest étaient les premiers visés quand le nouveau ministre du Travail, qui occupe toujours ce poste aujourd'hui, a commandé l'enquête.

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Il y a eu des audiences et le Parti réformiste a eu le privilège d'y présenter un mémoire. Nous avons établi dans ce mémoire que les coûts directement liés au conflit de travail dans les ports de la côte ouest en 1994 étaient supérieurs à 125 millions de dollars. Les coûts indirects, notamment ceux liés à la perte de contrats à venir, ont dépassé les 250 millions de dollars. D'après les chiffres fournis par l'ancien ministre du Travail et actuel ministre des Affaires étrangères, les pertes éventuelles en ventes de grain ont avoisiné 500 millions de dollars. Voilà pour les coûts potentiels entraînés par le conflit de travail dans les ports de la côte ouest en 1994.

La commission a entendu des mémoires émanant de diverses sources, dont le Parti réformiste. La position du Parti réformiste dans le dossier du transport du grain depuis qu'il s'est prononcé pour la première fois sur la question, avant même les élections de 1993, est que le transport du grain doit être désigné service essentiel. Nous reconnaissons l'importance de ce secteur, la nécessité de faire en sorte que le transport du grain soit rapide et efficace. En parlant avec des gens de l'Ouest et de partout au pays, en parlant avec les intervenants du secteur, nous nous sommes rendu compte qu'il existait peut-être une meilleure solution au problème. Je veux parler de l'arbitrage des propositions finales.

Un des nôtres, le député de Lethbridge, a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui a fait l'objet d'un débat à la Chambre. Il proposait la mise sur pied de ce mécanisme de résolution des différends patronaux-syndicaux qui touchent le transport du grain


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vers les ports. Malheureusement, les députés d'en face n'ont pas souscrit à cette mesure législative. Je suis partisan de ce concept dans le contexte du projet de loi C-66 qui, malheureusement, ne s'appuie pas sur l'idée de l'arbitrage des propositions finales.

Le Parti réformiste croit au processus de négociation collective. Ce processus réunit la direction et le syndicat pour tenter d'aplanir leurs différences et convenir d'un nouveau contrat de travail en s'assoyant à la table de négociation. Nous respectons et appuyons le droit de la direction et du syndicat de procéder ainsi.

Aucune de nos propositions concernant l'arbitrage des offres finales n'empêche le processus de négociation collective de suivre son cours normal ou ne le retarde. Au terme d'une négociation collective qui échoue-ce qui arrive à l'occasion-, au lieu d'un lock-out ou d'une grève, les deux parties se rencontreront et engageront un processus d'arbitrage des offres finales. La loi exige que les deux parties s'assoient et cherchent à s'entendre sur un arbitre qui sera la personne qui se chargera de la médiation de leur différend. Si les deux parties ne peuvent s'entendre sur la désignation d'un arbitre, la loi confère au gouvernement le pouvoir de trouver un arbitre neutre qui choisira la personne chargée de surveiller le processus.

Les deux parties se présentent alors devant l'arbitre et expliquent quels points font l'objet d'un accord ou d'un désaccord. Quand il y a désaccord, chaque partie est invitée à présenter sa meilleure offre. Les deux parties-qui ignorent les meilleures offres de l'autre-attendent la décision de l'arbitre. L'arbitre se penche sur les offres des deux parties et juge laquelle est la plus raisonnable, compte tenu des positions défendues et des points qui ont pu fait l'objet d'un accord ou d'un désaccord. Il retient alors l'offre complète d'une partie.

Il n'est pas nécessaire d'être un génie pour comprendre que cela suffit pour faire rapidement entendre raison à des négociateurs déraisonnables. Si une partie au conflit présentait une proposition très exagérée, elle courrait un grand risque, car l'autre partie présentera peut-être une proposition plus raisonnable et pourrait donc la faire accepter dans le processus d'arbitrage des propositions finales. C'est elle qui en sortirait gagnante.

Au lieu d'être déraisonnables, les deux parties tâcheront donc d'être aussi raisonnables que possible et de présenter une proposition légèrement meilleure que celle que présente l'autre partie. C'est un changement radical dans le mécanisme de règlement des conflits, et un changement très constructif, je me permets d'ajouter.

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Je sais que mon temps de parole est presque écoulé. Il ne s'agit pas d'un mécanisme de règlement qui n'a pas été mis à l'essai. Il a servi à plusieurs reprises. Dans le projet de loi de retour au travail qu'il a fait adopter en 1994, le gouvernement a imposé un processus d'arbitrage des propositions finales pour régler le conflit.

Si le gouvernement l'a imposé aux deux parties dans ce conflit-là, pourquoi ne pas l'imposer dans le projet de loi C-66 pour étouffer le problème dans l'oeuf, de sorte que nous n'ayons pas à revenir sans cesse sur le problème, à présenter des mesures législatives d'urgence et peut-être même finir par mettre en oeuvre le processus d'arbitrage des propositions finales, de toute façon?

C'est logique, mais, malheureusement, le gouvernement libéral ne semble pas tenir beaucoup à faire quelque chose de logique. Il semble plutôt tenir à compliquer les choses autant que possible.

Je rappelle au gouvernement que les entreprises céréalières, les sociétés ferroviaires, les compagnies de transport maritime et les clients continuent de vivre et survivront probablement très longtemps, mais que les familles agricoles et les millions de personnes dont le gagne-pain dépend des exportations canadiennes ne pourront pas jouir d'un niveau de vie aussi élevé que celui dont elles devraient pouvoir jouir dans un pays comme le Canada. Elles ne seront pas en mesure de donner à leurs enfants certains des plaisirs et des privilèges tout simples dont jouissent la plupart des Canadiens, simplement parce que notre mécanisme de règlement des conflits est vieillot.

Je signale ce fait à la Chambre. Je demande au gouvernement d'écouter ce que nous disons et de remédier au problème au lieu de conserver cette façon de faire improvisée et idiote que nous adoptons depuis plusieurs années.

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Madame la Présidente, j'ai une petite question à poser au sujet de la discussion qui a cours à l'heure actuelle. Y a-t-il une meilleure solution à toute cette affaire? Le conseil qui sera établi conformément au projet de loi dont nous sommes saisis sera-t-il en mesure de satisfaire aux exigences des agriculteurs?

Faisant moi-même partie de l'industrie, je reconnais que les agriculteurs ne sont pas représentés dans cette démarche. Le gouvernement met-il en place une structure pour offrir aux agriculteurs la représentation dont ils ont besoin afin de protéger ce secteur industriel et l'aider à demeurer viable?

M. Hermanson: Madame la Présidente, je remercie le député de Lethbridge de poser la question. Il signale à juste titre un problème, à savoir que, comme d'habitude, on a oublié les agriculteurs dans tout ce processus. La nouvelle structure ne permet pas à des tierces parties innocentes de participer à la recherche de solutions aux conflits de travail que nous avons vus dans le passé.

Les agriculteurs sont des spectateurs dans toute cette démarche. Ils ont toujours été des spectateurs. C'est pénible pour eux. Ce sont eux qui souffrent et ils n'ont aucun mécanisme de défense.

Le ministre a proposé le projet de loi C-66. Nous en sommes à la troisième lecture et ce ne sera pas facile à arranger. Le gouvernement a encore raté une occasion de proposer une solution constructive. Il pourrait écouter ce qu'ont à dire toutes les parties touchées par le conflit, pas seulement la direction et le syndicat. L'industrie dans son ensemble risque de souffrir en permanence d'un arrêt important dans le transport des céréales ou de tout autre produit d'exportation canadien.


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Le député a raison de dire qu'on a oublié les agriculteurs. Les agriculteurs ont l'habitude d'être oubliés par le gouvernement libéral. Ce n'est pas faute de solutions proposées par le Parti réformiste.

Je le répète, le député de Lethbridge a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui aurait remédié à la situation. Des députés réformistes ont présenté des mémoires dans le cadre de l'enquête sur les ports de la côte ouest qui auraient réglé la question. Nous avons aussi proposé d'apporter au projet de loi C-66 des amendements constructifs qui auraient inclus la voix des agriculteurs et d'autres tierces parties innocentes et leur auraient accordé un rôle à jouer dans le règlement de ces conflits patronaux-syndicaux. Ce n'est pas arrivé parce que les libéraux n'y étaient tout simplement pas prêts.

(1250)

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Madame la Présidente, le député de Kindersley-Lloydminster a-t-il remarqué la partie du projet de loi qui oblige les parties impliquées dans une grève ou un lock-out à maintenir les activités qui sont nécessaires pour protéger la santé et la sécurité du public? Pense-t-il qu'il faudrait aussi prévoir cette obligation dans les cas où l'arrêt de travail pourrait nuire à l'économie canadienne?

Les grèves et les lock-outs dans certains ports de l'Ouest en particulier ainsi que dans le secteur du transport ferroviaire ont eu des effets dévastateurs ou auraient pu tout au moins avoir des effets encore plus dévastateurs sur l'économie canadienne si les travailleurs en grève ou en lock-out n'avaient pas été obligés par la loi à retourner au travail.

Mon collègue pourrait-il nous dire ce qu'il pense de la possibilité de prévoir une telle obligation dans les cas où l'économie canadienne risque de souffrir d'un arrêt de travail?

M. Hermanson: Madame la Présidente, je remercie le député de Wetaskiwin de sa question. Il soulève un excellent point.

Lorsqu'on parle de loi de retour au travail ou de services essentiels dans des situations d'urgence, on pense habituellement aux travailleurs du secteur de la santé comme les médecins ou aux policiers. S'ils interrompent leurs services, il peut y avoir du chaos, des morts ou des blessés graves qui restent sans soins.

Nous n'avons jamais vraiment pris en considération les répercussions de tout le processus de règlement de conflits patronaux-syndicaux lorsque des industries sont menacées. En pareil cas, on ne peut pas nécessairement parler de répercussions sur la sécurité publique ni de sécurité nationale compromise. Ce n'est pas le cas, mais cela reste tout de même un problème très réel.

Le député soulève un véritable problème qui, j'en conviens, a des répercussions économiques dont on devrait tenir compte quand on propose des dispositions législatives de cette nature ou qu'on en discute, à plus forte raison lorsque des tierces parties innocentes sont touchées.

Si nous avions de bonnes installations ferroviaires et portuaires dans les quatre régions frontalières de notre pays, en cas de grève sur la côte ouest, nous pourrions nous tourner vers le Mississipi, les installations de Churchill ou celles de la côte est. Nous aurions d'autres solutions de rechange, et ce type de projet de loi serait inutile.

Mais il en est autrement. Presque que toute notre production est acheminée par la côte ouest ou par le Saint-Laurent, la majeure partie l'étant par les ports de la côte ouest. Il n'y a pas d'autres solutions. Ce qu'il faut, c'est prévoir d'autres voies d'acheminement pour transporter nos produits jusqu'aux ports et à nos clients. Nous sommes en faveur de cela, mais l'infrastructure en place ne permet pas à la concurrence d'intervenir comme il se doit dans la commercialisation et le transport de nos produits.

À cause de cette limite qui pèse sur notre industrie, il est important de prévoir un mécanisme de règlement qui évitera les préjudices économiques graves qui peuvent presque compromettre la sécurité publique. Nous avons besoin d'un mécanisme de règlement pour les situations graves, par exemple, lorsqu'un conflit de travail risque de sonner le glas de toute une industrie.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Madame la Présidente, c'est avec le sentiment du travail non terminé que j'interviens aujourd'hui en troisième lecture sur ce projet de loi, pourtant si important pour les travailleurs et les travailleuses du Canada. C'est un projet de loi qui, de plus, va certainement avoir de l'influence sur les autres codes qui font la loi des parties dans les provinces. Le travail n'est pas terminé, compte tenu de l'extrême rapidité avec laquelle les travaux ont été menés au Comité du développement des ressources humaines qui est, rappelons-le, au plan parlementaire, le lieu où les études et débats doivent se faire.

(1255)

Le ministre a préféré procéder par un groupe de travail dont les consensus auraient été, nous dit-on, consignés dans un projet de loi soumis à toute vapeur, et presque sans modification, au Comité du développement des ressources humaines. Je rappelle que l'étape de la deuxième lecture avait été escamotée par le gouvernement qui a préféré envoyer le projet de loi directement au Comité du développement des ressources humaines, soi-disant pour donner davantage de souplesse au moment du débat, souplesse que nous aurions aimé voir mais que, malheureusement, nous n'avons pas vue, d'aucune espèce de façon.

Je tiens ces préliminaires parce qu'il m'apparaît extrêmement dommage que cette occasion d'une révision en profondeur de ce Code canadien ait été ratée. Je m'explique finalement en disant qu'ici au Parlement nous adoptons plusieurs types de lois.

Il y a des lois que nous adoptons, par exemple sur le budget, qui ne feront jamais l'objet d'appel d'aucune espèce de façon. C'est un moyen pour le gouvernement de codifier ses décisions. Mais, quand une loi sera la loi des parties, qu'elle sera interprétée, qu'elle fera l'objet de demandes d'appel devant les divers tribunaux, et possiblement jusqu'en Cour suprême, un tel type de loi devrait être étudié minutieusement.


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On devrait donner aux parties toutes les occasions de s'entendre, de discuter et de faire valoir leur point de vue, ce que nous n'avons pas fait. Je regrette infiniment, et de toute façon ces propos resteront consignés pour la postérité. J'espère que les représentants du Québec ne seront plus à la Chambre des communes la prochaine fois que ce Code canadien du travail sera révisé. Mais mes propos valent aussi bien pour n'importe quel parti d'opposition dans des situations semblables.

Étant donné que le temps m'est compté, je vais aller aux critiques essentielles de ce projet de loi. Ce projet de loi a voulu transformer fondamentalement certains des mécanismes qui avaient été prouvés, et notamment le Conseil canadien des relations de travail, dont on change le nom, qui devient le Conseil canadien des relations industrielles. Cela marque l'intention du gouvernement d'en transformer la nature, mais le sens de ces transformations n'est pas vraiment limpide puisque la première caractéristique, dit-on, de ce nouveau Conseil canadien, c'est qu'il devrait être représentatif.

Or, dès le point de départ, il y a confusion sur l'utilisation de ce mot «représentatif». Un organisme est représentatif quand les personnes qui y sont nommées représentent effectivement des groupes ou corps constitués qui nomment des délégués à un conseil qui, dès lors, est représentatif. Il est représentatif des groupes ou corps qui délèguent.

Dans le cas qui nous occupe, le Conseil canadien sera formé de représentants d'employeurs et de représentants de travailleurs qui vont être choisis par le ministre, après consultation de groupes dont lui-même décide de la nature, des représentants bien sûr des travailleurs et des employeurs, mais qui agréent au ministre.

De dire qu'un conseil ainsi formé est représentatif des travailleurs et des employeurs, c'est largement abusif. Cette appellation risque même d'entraîner des inconvénients graves dans des situations de crise parce que le Conseil a vraiment besoin d'être au-dessus de tout soupçon.

(1300)

Il doit pouvoir arbitrer, dans des conditions difficiles, les conflits les plus importants, les plus lourds au plan économique et social de ce pays. Il ne faut pas qu'en partant, il soit constitué sur une utilisation abusive des mots. Or, si on lit ce qu'il y a dans le projet de loi, on utilise de façon abusive le mot «représentatif».

J'étais, pour ma part, extrêmement étonnée, d'une manière, et satisfaite, de l'autre, que la représentante du CTC soit venue dire que d'aucune façon, le CTC n'avait été d'accord sur les mécanismes dits de représentativité. Elle partageait absolument notre point de vue. Il n'y a pas là de mécanismes représentatifs. Pourtant, cette représentativité est présentée comme l'une des pierres angulaires de ce projet de loi.

Ce projet de loi veut aussi prévoir que ne puissent se représenter les problèmes vécus par le Conseil, problèmes qui ont eu des échos jusqu'au Comité permanent du développement des ressources humaines, et qui ont paralysé, pendant un temps trop long, le Conseil. Malheureusement, les dispositions prévues dans le Code ne permettraient pas d'empêcher qu'une crise comme celle que le Conseil canadien des relations de travail a connue se développe.

Les rapports conflictuels entre le président et les membres étant à la source même de ce conflit, ce qui est disponible dans le Code ne touche que le comportement des membres et non celui du président. Le ministre ne s'est pas donné les moyens pour régler une crise comme celle qui s'est présentée au cours des deux dernières années de vie du Conseil canadien.

Dans ce projet de loi destiné à régler, au sens de prévoir le déroulement et les règlements, des conflits, que ce soit à partir de la demande d'accréditation jusqu'à une première convention collective ou jusqu'au règlement d'une convention collective dans les cas où le syndicat était déjà existant, dans ce coeur, dans ce corps du Code, le gouvernement a opéré des changements profonds.

Ces changements étaient voulus et souhaités pour moderniser, pour augmenter l'aptitude du Conseil canadien à régler les problèmes vécus, aujourd'hui, dans le monde du travail. Force est de constater qu'au lieu de donner au Code cette souplesse et au Conseil l'utilisation d'un outil plus souple pour aider à la conclusion de conventions collectives dans des conditions difficiles, il y a eu, au contraire, comme un durcissement, une rigidification des règles du Code, de l'exercice du droit de grève et de lock-out qui pourrait se traduire-loin de moi l'idée d'appeler de telles choses-par des grèves ou des lock-out illégaux, compte tenu de la difficulté d'application légale de telles règles.

J'essaierai de les résumer pour montrer à quel point elles changent les choses. Je n'ai pas encore parlé des services essentiels. Les syndicats ou les entreprises qui veulent faire la grève ou exercer un lock-out auront une limite de 60 jours pour aller chercher un mandat de grève et l'exercer.

(1305)

Autrement, si à l'intérieur des 60 jours ils n'ont pas exercé leur mandat, ils doivent retourner chercher un autre mandat. À sa face même, plutôt que d'aider au règlement, cette disposition risque à bien des égards de les faire achopper.

Les syndicats qui sont couverts par le Code canadien du travail sont souvent des syndicats pancanadiens d'une côte à l'autre qui, par conséquent, pour réunir les conditions d'un mandat de grève, doivent mettre du temps. Ce temps est compté de façon très parcimonieuse parce que si le fait de réunir un mandat de grève peut accélérer la négociation de la convention collective, il faut quand même laisser un certain temps à cette négociation pour qu'elle puisse se dérouler.

Or, ce que nous constatons, c'est que si au bout des 60 jours le syndicat et l'employeur étaient sur le point de régler le conflit mais qu'il leur fallait encore du temps, ils ne pourraient pas. Le syndicat risquerait, s'il a d'abord besoin de l'accord de l'employeur, de refuser de se mettre dans cette situation-là. Au lieu de continuer les négociations, le syndicat ou l'employeur selon le cas, parce qu'on sait que les deux positions peuvent être prises indifféremment dépendant de celui qui a l'initiative ou le rapport de force suivant les conditions où ça se déroule, pourrait décider qu'il ne prendra pas la chance de se retrouver avec un mandat expiré alors que les négociations ne sont pas terminées.


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Au lieu de mettre tous ses oeufs dans la négociation, le syndicat en question va, au contraire, arrêter la négociation pour pouvoir aller chercher un nouveau mandat de négociation. C'est un péril réel et je souhaite qu'il ne produise pas les effets que je prévois. Ses effets sont dangereusement présents et au lieu d'assouplir, d'aider les parties à arriver à un règlement, ce Code rigidifie les conditions dans lesquelles l'exercice du droit de grève va se faire.

D'autre part, cet exercice du droit de grève ne peut se faire sans qu'il n'y ait eu un avis de 72 heures donné par l'employeur ou par le syndicat; 72 heures dans certains cas. Les représentants des syndicats des ports sont venus devant le comité dire que si les travailleurs débardeurs d'un port du Saint-Laurent avertissent leur employeur 72 heures avant de faire une grève, il est certain qu'il n'y aura aucun bateau à décharger dans le port en question, les bateaux auront pris une autre direction. En fait, cette disposition enlève le droit de grève c'est clair, net et précis.

Par ailleurs, cette disposition de 72 heures, appliquée par un employeur qui dit que dans 72 heures il va exercer un lock-out, risque de provoquer dans l'entreprise les inconvénients les plus graves qui peuvent faire en sorte que l'employeur, plutôt que de prendre ses 72 heures, va vouloir exercer le lock-out tout de suite.

Il me semble que c'est ne pas connaître comment fonctionnent les relations de travail que d'imposer des règles de ce type-là, surtout quand on parle du secteur privé dans son ensemble. Ce sont des règles qui ne sont pas applicables. Si l'avis avait été à l'intérieur de 8 jours là au moins il y a une souplesse. Le syndicat ou l'employeur ne sont pas obligés de télégraphier leur stratégie, mais dans le cas qui nous occupe, c'est tout à fait le contraire.

Donc, je doute énormément de la pertinence de ces dispositions pour aider à avoir des relations de travail harmonieuses. J'arrive à la disposition sur les services essentiels.

(1310)

Nonobstant ce que les collègues du troisième parti disent, je pense que cette disposition sur les services essentiels était manquante dans le Code canadien du travail. Je veux réaffirmer un principe qui est appliqué mondialement: quand on reconnaît aux travailleurs le droit de s'associer, ce droit doit avoir comme contrepartie celui de faire la grève. Si cette grève semble nuire à la sécurité publique, on demandera aux travailleurs en question de respecter un certain nombre de services essentiels.

Là où on a essayé d'interdire la grève, l'insuccès est total; les grèves se font, mais elles sont illégales. Ce qu'on cherche dans tous les pays, c'est de régler, de faire en sorte que les relations de travail, même dans les conflits, se déroulent de la façon la plus conforme à l'intérêt de la santé et de la sécurité du public.

Donc, les dispositions sur les services essentiels sont des dispositions valides, si je mets de côté la question de l'utilisation des travailleurs de remplacement. Il me semble que même dans le cas du grain de l'Ouest, elles pourraient s'avérer être une amélioration, parce qu'on convient que les travailleurs et les employeurs sont tenus, dans le cas du grain, d'assurer le chargement du grain sans discontinuité.

C'est surtout du grain dont on a entendu parler comme étant une urgence dans l'Ouest. Malheureusement, c'est dans le cas du grain qu'on a dû procéder à l'adoption de lois spéciales. Là où ces services essentiels présentent deux failles, une mineure et une majeure, c'est dans les éléments suivants.

La faille mineure, c'est que le Conseil n'a pas à statuer sur l'entente qui serait faite entre les travailleurs et l'employeur. D'autres codes, comme celui du Québec, prévoient que même dans le cas d'ententes, il doit y avoir une soumission de l'entente au Conseil. Là où c'est vraiment plus grave, c'est que, compte tenu que le Code n'interdit pas les travailleurs de remplacement, on pourrait se trouver dans la situation aberrante où il y a, à la fois, l'utilisation des dispositions sur les services essentiels, c'est-à-dire que l'employeur et le syndicat seraient tenus, par le Conseil, de répondre, pour la santé et la sécurité du public, à un certain nombre de conditions, et qu'en même temps, l'employeur, lui, aurait recours à des travailleurs de remplacement.

Il m'apparaît y avoir un trou béant dans ce Code qui pourrait entraîner des problèmes énormes et, au lieu de régler une situation et de faire en sorte qu'un conflit se déroule, tout en étant un conflit, le mieux du monde, il me semble qu'on crée des conditions pour qu'au contraire, le conflit soit perturbant pour l'entreprise, les travailleurs et l'employeur.

Je vais conclure en disant que le trou majeur de ce Code, c'est qu'il n'y a pas d'interdiction des travailleurs de remplacement, qui sont malheureusement à la source de bien des problèmes et de la violence qu'on constate dans les relations de travail régies par le Code canadien du travail.

[Traduction]

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Madame la Présidente, la députée a fait allusion aux problèmes du grain sur la côte ouest. Je lui en sais gré. Elle a précisé que les perturbations dans cette industrie ne devraient pas nuire au chargement du grain ni à son expédition sur les marchés internationaux.

Comme la députée l'a si respectueusement souligné, c'est un problème urgent dans l'Ouest. Je le répète, c'est un problème urgent dans l'Ouest.

(1315)

Ce n'était pas un problème de relations de travail qui a arrêté le transport du grain en janvier et en février de cette année, c'étaient les chemins de fer. C'étaient eux qui ne livraient pas le grain. Cette perturbation du marché coûtera entre 65 millions et 100 millions de dollars aux agriculteurs en frais de surestarie. C'est un manque à gagner pour la campagne agricole en cours.

Au cours de la présente législature, il y a eu un arrêt de travail sur la côte ouest qui a coûté entre 20 millions et 30 millions de dollars aux agriculteurs de l'Ouest. La députée peut-elle nous dire, en ce qui concerne le maintien du processus de négociation collective, comment l'agriculteur, en tant que producteur et expéditeur sur le


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marché international, peut-il avoir un mot à dire dans ce processus de négociation collective, tout en essayant de garder intact le modèle idéal de convention collective?

[Français]

Mme Lalonde: Madame la Présidente, j'espère avoir bien compris la question du collègue. Quand il y a des syndicats et des employeurs, la seule chose à faire, c'est de négocier, il n'y a pas d'autre solution. Ce qu'il y a dans le Code relativement aux services essentiels, c'est une réglementation de ce qui arrivera en temps de conflit.

Par rapport à l'ancien Code, c'est quand même une amélioration. Je me souviens, ayant été porte-parole du Bloc québécois lors de la grève du rail, je disais: «If the Canadian economy cannot afford the Canadian Labour Code, then change it; but until then, we defend those who abide by the Code.»

Nous sommes maintenant à l'étape de la modification du Code canadien du travail et c'est sûr que ce Code régit les relations de travail entre les travailleurs et les employeurs. J'ai vu beaucoup de problèmes. Je ne trouve pas que ces changements améliorent les règles de négociation. Je ne peux pas vous dire que toutes les solutions seront présentes, mais il y a au moins une disposition relativement aux services essentiels qui devrait changer la situation pour l'Ouest.

[Traduction]

M. Speaker (Lethbridge): Madame la Présidente, l'une des suggestions que le Parti réformiste a faites à la Chambre, c'est d'adopter l'arbitrage des propositions finales. L'agriculteur, en tant que producteur, n'a rien à voir avec le processus de négociation collective et cette formule lui donne certaines garanties quant à l'expédition de son grain sur le marché.

La députée pourrait-elle donner son avis là-dessus ou existe-t-il d'autres moyens, à son avis, qui permettraient à l'agriculteur, au producteur, à celui qui dépend d'autrui pour acheminer son grain sur le marché international, d'avoir son mot à dire?

[Français]

Mme Lalonde: Madame la Présidente, j'ai été longtemps professeure de relations de travail et l'offre finale ne m'est jamais apparue comme étant un moyen de régler, de se substituer à une négociation conclue, même après l'utilisation d'un rapport de force. Je pense que c'est un peu un leurre, parce que, si ce mécanisme ne permet pas vraiment de régler les problèmes et n'est que la conclusion insatisfaisante d'un processus de négociations qui n'aurait pas abouti, à ce moment-là, cela ne réglera pas le problème.

(1320)

Le problème va se manifester autrement, légalement ou pas. Je comprends que cela soit satisfaisant intellectuellement. On dit: «On est sûr qu'il n'y aura pas de grève parce qu'au bout du processus on fera choisir les travailleurs entre l'offre patronale et l'offre syndicale.» Sauf qu'on pourrait imaginer plusieurs situations où cela ne règle pas le problème. À ce moment-là on aurait un conflit qui ne serait pas ordonné, un conflit qui éclaterait et qui ne serait pas soumis aux règles qu'on prévoit là.

Dans le fond, l'offre finale, c'est une tentative pour empêcher qu'il y ait grève ou lock-out. Si cette formule avait eu le succès qu'elle serait censée avoir ou que vous lui prêtez, elle se serait généralisée d'une façon rapide, or ce n'est pas le cas. S'il y avait une solution, je serais bien contente de l'avoir mais il n'y en a pas.

[Traduction]

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Madame la Présidente, je sais que le parti de la députée de Mercier voudrait bien que soit précisée la disposition sur les travailleurs de remplacement.

Y a-t-il des cas où, selon elle, des travailleurs de remplacement pourraient être utilisés sans que la partie syndicale affirme que cela nuit à sa position?

Je sais que la députée de Mercier a une grande expérience dans ce domaine et j'aimerais entendre son point de vue à cet égard. Y a-t-il des cas où la députée appuierait le recours à des travailleurs de remplacement?

[Français]

Mme Lalonde: Madame la Présidente, dans le Code québécois-je vais vous répondre par un code qui existe-aussi longtemps que la grève est légale, il n'y a pas d'utilisation ou de recours aux travailleurs de remplacement.

Ou bien les relations de travail sont basées sur la reconnaissance réciproque d'un employeur qui a des droits et des travailleurs qui ont des droits et, si les relations sont réciproques, ces travailleurs organisés en syndicat deviennent responsable, et l'employeur est responsable d'avoir des rapports ordonnés, ou bien la règle qu'il y a entre les travailleurs et les employeurs est la loi de la jungle. C'est la force, c'est la violence.

Dans le fond, il n'y a pas de choix. Il y a deux sortes de régime. Si on veut que ce soit des rapports ordonnés, si on veut que les syndicats soient responsables, il faut les reconnaître. Si on ne les reconnaît pas et si, à la première occasion, on les remplace par des travailleurs de remplacement dont on espère au bout du compte qu'ils remplaceront même le syndicat, on ne peut pas faire autrement que d'avoir en contrepartie des attitudes irrespectueuses et des attitudes irresponsables. À la limite on a des attitudes violentes qu'on provoque.

Ce n'est pas pour rien que je répète que quand le premier ministre Robert Bourassa a repris le pouvoir en 1985, après que le Parti québécois ait fait adopter en 1977 la Loi antibriseurs de grève, Robert Bourassa a dit au patronat: «Ne cherchez pas à me convaincre, nous avons au Québec la paix sociale et c'est un bien précieux.»

Effectivement, c'est au Québec que vous trouvez le plus de relations de travail où les syndicats et les employeurs sont dans un rapport responsable. Ils vont développer ensemble des positions pour la création d'emplois. Il me semble que c'est un type de relation de travail qui correspond à l'ensemble de la reconnaissance


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mutuelle qu'on se donne. Cela ne veut pas dire qu'on a toujours les mêmes intérêts, mais ce sont des rapports ordonnés.

[Traduction]

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre part au débat sur le projet de loi C-66. J'aimerais m'arrêter à trois aspects de ce projet de loi. Premièrement, je voudrais parler de la situation de l'industrie des céréales et des problèmes qu'ont les agriculteurs parce qu'ils ne peuvent pas acheminer leurs céréales jusqu'aux ports. Ces problèmes ne sont pas apparus hier, mais je tiens tout de même à en parler un peu.

(1325)

Deuxièmement, je voudrais expliquer pourquoi nous sommes dans cette situation et quels changements les gouvernements auraient dû faire pour éviter que les choses en viennent là.

Je parlerai ensuite de ce que le Parti réformiste a fait. Je mentionnerai les amendements que nous avons proposés et qui, malheureusement, ont été rejetés par le gouvernement. Tout au long de mon intervention, je me reporterai au projet de loi.

Comme le sait tout député qui connaît un peu l'ouest du Canada et l'agriculture, l'Ouest est à nouveau plongé en pleine crise. Le transport des céréales ne se fait pas. Par conséquent, nous avons des accumulations de grain dans les exploitations agricoles, les silos et les champs, et le printemps s'en vient. C'est là une situation dangereuse. Il risque d'y avoir beaucoup de pertes.

Il est difficile pour les agriculteurs d'acheter des intrants pour la campagne de cette année puisqu'ils ont vendu très peu de leurs récoltes de l'an dernier. J'ignore l'état du carnet de commandes de la commission du blé et des autres organismes de commercialisation, mais je crois que la principale raison de la paralysie c'est que les chemins de fer ne transportent pas les céréales. Pourquoi? J'y reviendrai brièvement tout à l'heure.

Des agriculteurs m'ont dit-et je n'ai aucune raison de douter de leur parole-qu'il leur sera impossible d'ensemencer les champs le printemps prochain s'ils ne parviennent pas à expédier très bientôt des céréales. Il y a déjà les problèmes causés par le fait que les projections faites par la Commission canadienne du blé pour le prix du blé étaient loin d'être exactes. Le prix du blé n'est qu'aux deux tiers de ce que la commission avait estimé et même plus bas dans certains cas. De plus, dans bien des secteurs des Prairies, la qualité du produit est très basse, ce qui a contribué à réduire le prix davantage.

Les agriculteurs seront loin d'avoir le revenu qu'ils prévoyaient avoir. C'est une réalité avec laquelle les agriculteurs doivent composer année après année. Il faut maintenant ajouter à cela le fait que les céréales qu'ils ont, qu'elles soient de piètre qualité ou non, ne sont expédiées nulle part.

Ce problème ne cesse de refaire surface. Nous avons dû étudier plusieurs projets de loi de retour au travail pour les manutentionnaires céréaliers de la côte ouest depuis mon arrivée à la Chambre. Le deuxième discours que j'ai fait était sur ce sujet. J'en reparlerai un peu plus tard.

Les agriculteurs et les compagnies céréalières, sans que ce soit leur faute, sont des expéditeurs captifs. Ils n'ont vraiment pas d'autre choix, sur le plan économique, que d'expédier leurs céréales par rail. Je reconnais qu'ils ne sont pas les seuls dans cette situation. Les producteurs de charbon, de produits forestiers et de potasse sont aussi des expéditeurs captifs puisque le transport ferroviaire est la seule option économiquement viable pour expédier leurs produits.

Encore une fois, sans que ce soit leur faute, les agriculteurs voient leur gagne-pain menacé. C'est une menace très sérieuse. Dans ma région, je crois qu'il y a des agriculteurs qui perdront leur ferme si les céréales ne peuvent pas être expédiées. Ils n'auront tout simplement pas l'argent nécessaire pour assumer le coût des intrants des récoltes de cette année. Les banques hésitent de plus en plus à prêter de l'argent aux agriculteurs qui continuent d'avoir des problèmes année après année.

Dans ma région, les agriculteurs ont éprouvé beaucoup de difficultés ces dernières années à cause de la sécheresse et d'une qualité de grain inférieure à la normale. Voilà la situation.

(1330)

À cause de la situation dans laquelle nous sommes, les agriculteurs ont un revenu instable et ne peuvent pas être certains que leur produit se rendra jusqu'au marché afin qu'ils puissent avoir le revenu dont ils ont besoin. Ces problèmes d'expédition des céréales leur a fait perdre des ventes. C'est un problème à long terme qui m'inquiète énormément et qui inquiète de nombreux agriculteurs. Les arrêts de travail qui se succèdent et les problèmes qui surgissent constamment entraînent des pertes économiques graves pour les agriculteurs. Les ventes perdues sont une des pertes les plus importantes subies par les agriculteurs.

Le transport du grain sur la côte ouest était paralysé à cause d'un lock-out en 1994. À ce moment-là, on avait fait des estimations des pertes à long terme. Les ventes perdues étaient estimées à des centaines de millions de dollars. Il n'existe aucun moyen d'évaluer de façon tout a fait précise les pertes passées et futures, mais il est certain que de nombreux clients qui achètent nos grains, nos oléagineux et autres produits semblables commencent à se lasser du manque de fiabilité du Canada en tant qu'expéditeur.

Le problème tient-il principalement à l'incapacité de produire des agriculteurs? Non, ce problème ne se pose même pas en période de sécheresse. Ils réussissent à produire suffisamment pour répondre à la demande. Faut-il attribuer la situation à l'incapacité des agriculteurs d'acheminer leurs produits jusqu'aux silos régionaux ou jusqu'à un terminal céréalier régional? Non, ce n'est pas non plus le cas. Les agriculteurs livrent la marchandise dès qu'ils en ont la possibilité, et souvent même lorsqu'ils n'obtiennent pas le prix qui leur paraît juste, parce qu'ils savent que le système de transport n'est pas fiable et qu'ils ont intérêt à profiter de toutes les occasions d'acheminer leur grain. Le problème n'est pas là non plus.

Le problème réside dans l'inefficacité du transport du grain d'un bout à l'autre du système, depuis les élévateurs régionaux jusqu'aux


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systèmes de chemins de fer et de manutention sur la côte ouest ou sur les lacs. C'est là que le bât blesse et c'est là que le projet de loi intervient.

Le projet de loi modifie le code du travail. Il vise les arrêts de travail qui affectent le transport du grain et d'autres produits. Malheureusement, le seul article du projet de loi, qui en compte plus de 90, qui concerne le transport du grain n'est pas adéquat. J'y revendrai un peu plus tard.

Les agriculteurs se trouvent encore une fois placés dans une situation injuste. Cela ne doit plus se produire. Le problème tient au transport du grain. En quoi le projet de loi à l'étude améliorera-t-il le transport du grain? Il serait peut-être plus juste de se demander en quoi toutes les lois adoptées jusqu'à maintenant par le gouvernement ont contribué à améliorer l'efficacité du système de transport. Je dirais qu'elle n'a pas fait grand-chose. De certaines façons, le système n'est peut-être plus aussi bon qu'il ne l'était avant que la loi ne soit modifiée.

Les réformistes ont appuyé, par exemple, l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau. Nous avions un plan pour aider à faire face aux problèmes qui surviendraient. Le gouvernement l'a ignoré et a éliminé la subvention.

Je ne me souviens pas avoir vu les libéraux de l'autre côté faire campagne en faveur de l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau. Je ne me souviens pas les avoir vu faire campagne en faveur de changements importants à la Loi sur les transports au Canada ou de la privatisation de CN Rail. Ils n'ont pas abordé ces thèmes. Il n'en a été question dans aucun discours, parce que, pendant la campagne électorale, ils se sont bien gardés de proposer des changements d'importance qui touchent un grand nombre de Canadiens.

Ils ont apporté des changements et nous en avons appuyé certains, dont l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau. Nous avions un plan pour aider à faire face à certains problèmes. La privatisation du CN était certes la chose à faire, mais le projet de loi posait beaucoup de problèmes.

(1335)

Durant l'examen à toutes les étapes, nous avons fait valoir les trois grandes mesures législatives: la loi d'exécution du budget qui éliminait la subvention du Nid-de-Corbeau, la modification de la Loi sur les transports au Canada et la privatisation du CN. Nous avons demandé que des modifications soient apportées avant que les mesures législatives ne soient adoptées. Nous avons demandé que des changements soient mis en oeuvre pour rendre le système compétitif et réduire les coûts.

En ce qui concerne le grain, nous avons demandé que des changements soient apportés au système d'attribution des wagons. Nous les attendons encore. Ces changements auraient dû être effectués avant de penser à en faire d'autres. C'était fondamental. Nous l'avons souligné maintes et maintes fois, mais ça ne s'est pas fait. La confusion règne.

Le gouvernement doit écouter les agriculteurs et doit nous écouter aussi, parce que nous sommes la voix des agriculteurs de l'Ouest, plus que tout autre parti politique.

Nous avons aussi réclamé des changements qui auraient donné aux expéditeurs captifs, comme les agriculteurs céréaliers, un certain pouvoir de s'entendre directement avec les services ferroviaires qui ne leur donnent pas les services qu'ils désirent. On n'a pas répondu à cette demande.

Pour ce qui est de la loi du travail, plus précisément, nous réclamons des changements depuis ma deuxième intervention à la Chambre, le 8 février 1994. J'ai entendu le député d'en face dire qu'il souhaitait n'avoir jamais entendu cela ou quelque chose du genre. Je le comprends, étant donné que les chances sont très minces qu'il soit réélu aux prochaines élections, justement parce que nous avons réclamé ces changements. C'est parce que nous avons fait ces propositions. Les agriculteurs de l'Ouest le savent, c'est pourquoi je comprends que ça l'inquiète.

Le 8 février 1994, nous avons commencé par mon intervention sur la nécessité de mettre un terme au lock-out sur la côte ouest. J'ai proposé que nous imposions l'arbitrage des offres finales pour prévenir les conflits ultérieurs. Le député de Lethbridge a déposé un projet de loi d'initiative parlementaire dont nous avons débattu à la Chambre. S'il avait été adopté, ce système d'arbitrage des offres finales serait maintenant en vigueur.

Cette façon de faire aurait permis d'empêcher les blocages dans l'acheminement du grain entre le silo et la côte, et les négociations collectives pourraient se poursuivre. Les deux enjeux auraient été assurés. C'était la véritable solution au problème. Chaque fois qu'un conflit se profilerait et qu'une échéance approcherait, on pourrait imposer l'arbitrage des offres finales. Si le processus de négociation collective ne fonctionnait pas comme il le devrait, et c'est si souvent le cas entre parties syndicales et patronales, l'arbitre choisirait la meilleure offre entre celle des travailleurs et celle de la direction. L'arbitre pourrait choisir l'une ou l'autre des deux offres. On peut parier que, dans une telle situation, le syndicat et la direction feraient des offres très sérieuses. On laisserait le processus de négociation collective se poursuivre jusqu'à l'ultime étape.

C'est très efficace. Cela donne lieu à des négociations honnêtes entre le syndicat et la direction. Cela aiderait à dissiper certains des sentiments négatifs qui existent entre le mouvement syndical et le patronat en raison des lacunes de la législation du travail. C'est la solution que nous avions proposée. Je suis convaincu que, si ce système avait été mis en place, nous n'aurions pas été aux prises avec un grand nombre de problèmes que nous avons eus à cause la rupture des communications entre employés et employeurs.

Le député de Wetaskiwin pilote le projet de loi au nom du Parti réformiste. Il a proposé l'arbitrage des propositions finales. Notre porte parole en matière d'agriculture, le député de Kindersley-Lloydminster, a également proposé cette solution. Jusqu'à maintenant, elle est tombée dans l'oreille d'un sourd. Bien que la partie syndicale ne l'ait pas accueillie à bras ouvert, elle ne l'a pas non plus rejetée d'emblée. Les syndicats savent que notre solution est de loin supérieure à celle qu'ont retenue le gouvernement actuel et les gouvernements conservateurs précédents. Leur solution était de


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tout laisser échouer, de laisser le processus de négociation collective échouer. Le patronat et les syndicats savent pertinemment que, lorsqu'il échoue, le Parlement intervient et adopte une loi obligeant le retour au travail. C'est leur solution.

(1340)

Est-ce que cela s'appelle laisser le processus de négociation collective faire son oeuvre? Je ne crois pas. Ce n'est pas du tout une façon raisonnable de régler ces problèmes. Pourtant, c'est ce que le gouvernement fait. C'est ce que les gouvernements font depuis 20 ou 30 ans.

J'ai grandi dans une ferme qui cultivait les céréales et élevait du bétail. Nous dépendions surtout du grain. À maintes et maintes reprises, lorsque je grandissait, j'ai vu mon père faire les quatre cents pas et subir un stress démesuré pour quelqu'un qui doit nourrir sa famille, tout simplement parce que l'on ne pouvait pas faire transporter le grain. C'était souvent à cause de conflits de travail entre le patronat et les travailleurs. Cela n'aurait jamais dû se produire.

Le gouvernement affirme que ces questions doivent être réglées entre patrons et employés. Il n'est pas entièrement vrai qu'ils sont les seuls en cause dans ces négociations. Par exemple, des dizaines de milliers de producteurs de grain se fient sur le bon fonctionnement du système. Les patrons et les employés peuvent retourner la question dans tous les sens, qu'ont-ils à perdre, en réalité? Ils perdront une part de leur salaire, ce qui n'est pas facile pour les chefs de famille, j'en conviens. Mais qu'arrive-t-il aux agriculteurs? Ils ont perdu des revenus année après année. Pourtant, ils ne sont pas admis à la table des négociations. Ce sont d'innocentes victimes qui n'ont pas un mot à dire. Il faut que cela change.

L'arbitrage des propositions finales contribuera à ce changement. Il est temps que le gouvernement examine nos propositions en oubliant tout esprit de parti, car ce sont probablement les meilleures options jamais présentées. Ces solutions ne sont pas uniquement le fruit de réflexions des députés réformistes. Elles ont été proposées par des agriculteurs de l'Ouest et d'un peu partout au Canada.

Un de mes collègues vient tout juste de me faire remarquer que ceux d'en face qui nous interrompent sans cesse ne comptent pas sur le bon fonctionnement du système de manutention du grain pour assurer leur subsistance. Ils ne relèvent pas de la Commission canadienne du blé.

Nous avions réclamé d'autres modifications à la Commission canadienne du blé pour que les agriculteurs aient le choix de faire leurs expéditions par l'intermédiaire de la commission, d'une société privée ou par leurs propres moyens. De cette façon, la commission aurait eu de la concurrence.

La commission peut continuer à faire son travail, mais si un agriculteur le désire, il n'est pas tenu de passer par elle pour le transport de son grain. Voilà encore une modification qui aurait dû être faite avant de présenter la législation dans ce dossier à la Chambre. Je veux parler bien entendu de la mesure législative qui a éliminé le tarif du pas du Nid-de-Corbeau et qui a modifié la Loi sur les transports au Canada.

En conclusion, les choses que j'ai dites sont importantes pour les agriculteurs canadiens, mais aussi pour les gens de l'industrie de la potasse, l'industrie forestière et l'industrie minière qui sont des expéditeurs captifs. Ces victimes innocentes n'ont pas leur place à la table des négociations et ne profiteront en rien de la mesure présentée à la Chambre.

Le seul article qui traite de l'acheminement du grain par le système jusqu'à la côte ouest ne suffit pas. C'est un élément positif, bien sûr, mais il n'aide pas à assurer l'acheminement du grain de l'élévateur jusqu'à la côte ouest.

Malheureusement, je dois dire une fois de plus que je ne peux pas appuyer cette mesure. C'est un pas en arrière plutôt qu'un pas en avant. J'espère que le gouvernement verra son erreur et présentera l'arbitrage par acceptation d'une des offres finales.

(1345)

M. Morris Bodnar (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Madame la Présidente, je signalerai au député, pour sa gouverne, que la Saskatchewan est régie par la Commission canadienne du blé. Ce n'est peut-être évident vu de l'autre bord de la frontière, mais nous savons ce qu'est la Commission canadienne du blé. Ça l'étonne peut-être.

Il a fait allusion à une grève qui a eu lieu en 1994 dans le transport et la manutention du grain dans l'Ouest en particulier, et au Canada en général, et dont les coûts ont été excessivement élevés, puisqu'on parle de centaines de millions de dollars. Cette grève aura en effet coûté à l'économie canadienne dans les 200 millions de dollars par jour. Le gouvernement a donc jugé qu'il y avait lieu de siéger le samedi et le dimanche afin d'adopter une loi pour obliger les employés à regagner leurs postes et arrêter l'hémorragie dont souffrait l'économie canadienne. Ce qui fut fait, et les gens se remirent au travail.

Le député pourra peut-être nous expliquer pourquoi ce samedi-là seulement six réformistes étaient présents et pourquoi seulement 12 ou 13 se sont présentés le dimanche pour voter alors qu'il n'y avait pas. . .

M. Gouk: Madame la Présidente, j'attire votre attention sur les mots qu'emploie le député. Si c'est réglementaire, dans la mesure où ce sont les règles du jeu, nous ne manquerons pas de faire allusion à leur propre assiduité. À ma connaissance, on ne peut faire allusion aux présences à la Chambre. Mais, si le Règlement le permet, je serais très heureux de pouvoir jouer à ce petit jeu.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): J'ai pris en considération le rappel au Règlement du député et je conviens avec lui que les députés ne devraient pas faire allusion à la présence ou à l'absence d'autres députés.

M. Bodnar: Madame la Présidente, je vais reformuler la question. En ce qui concerne la loi de retour au travail qui a obligé la Chambre des communes à siéger un samedi et un dimanche, le député réformiste peut-il indiquer de quelle façon son parti a montré l'intérêt qu'il portait aux agriculteurs de l'Ouest le week-end où nous avons étudié cette mesure législative visant à obliger les travailleurs à regagner leurs postes afin que le grain puisse circuler


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dans l'Ouest? De quelle façon les réformistes ont-il montré leur préoccupation dans ce dossier au cours de ce week-end?

M. Benoit: Madame la Présidente, si le député vient bien prendre la peine de consulter le compte rendu, il s'apercevra que nous avons appuyé cette loi de retour au travail. Je me suis prononcé en faveur de cette mesure à l'instar de beaucoup de mes collègues.

Il est stupide de la part du député d'affirmer que les lois de retour au travail sont la façon de remédier à ces interruptions continuelles dans le système de manutention du grain. Je l'invite à se rendre dans les régions rurales autour de Saskatoon, d'où il vient, pour dire aux agriculteurs que les lois de retour au travail sont la façon de résoudre le problème. Il est évident que ce n'est pas le cas.

En ce qui concerne la possibilité pour la Chambre de siéger durant la fin de semaine, cessons ce petit jeu. Nous savons pertinemment que si le gouvernement veut faire adopter un projet de loi à la Chambre des communes, il va le faire. Les députés libéraux et les députés de l'opposition peuvent tous rentrer chez eux et le premier ministre et un petit groupe de deux, trois ou quatre députés pourront continuer de prendre les décisions, comme ils le font maintenant. Cela ne fera aucune différence. Nous pourrions tous rentrer chez nous.

La seule raison d'être des députés de l'opposition à la Chambre est d'essayer d'influencer l'opinion publique. Le député et les autres ministériels peuvent également rentrer chez eux, puisqu'ils n'ont pas le droit de s'opposer à ce que le gouvernement propose. Arrêtons de dire n'importe quoi. Les libéraux peuvent adopter envers et contre tous cette mesure. Ils ont invoqué la clôture à des dizaines de reprises à la Chambre. Ils ont établi des records à cet égard.

(1350)

Le premier ministre a fait savoir comment il concevait la démocratie. Seuls trois députés libéraux se sont prononcés contre le projet de loi sur le contrôle des armes à feu alors qu'environ 60 ministériels ont déclaré que leurs électeurs voulaient qu'ils s'opposent à cette mesure. Comment a-t-on récompensé ces trois députés qui ont représenté leurs électeurs? On les a chassés de leurs comités respectifs. Le premier ministre a déclaré publiquement après cela que si un ministériel osait à l'avenir voter contre un projet de loi d'initiative ministérielle, il ne signerait pas sa déclaration de candidature et sa carrière politique serait alors terminée. C'est le type de démocratie dans lequel le Parti libéral croit.

Arrêtons de dire n'importe quoi et commençons à parler de façon honnête à la Chambre. Si nous avons des divergences d'opinions sur des questions, eh bien soit. Si les libéraux ont une opinion différente de la démocratie comme c'est manifestement le cas, ils devraient le dire clairement. Nous allons continuer de défendre notre opinion de la démocratie qui consiste à faire en sorte que nos électeurs aient vraiment leur mot à dire dans ce qui se passe à la Chambre.

Le Parti réformiste a proposé de réaliser cet objectif par l'entremise de plusieurs mécanismes. Par exemple, on a proposé de donner aux électeurs le droit de révoquer un député, la capacité de mettre à la porte un député, et il y en a peut-être qui auraient été flanqués à la porte si cette disposition était en place. On a recommandé de tenir des votes plus libres à la Chambre des communes pour qu'on puisse rejeter une mesure ministérielle sans que cela entraîne nécessairement la chute du gouvernement. Il faudrait adopter une motion distincte de défiance pour causer la chute du gouvernement. On aurait recours à des référendums sur des questions essentielles comme la peine de mort et l'avortement. Ces mesures, ainsi qu'un Sénat élu, égal et efficace feraient du Canada un pays vraiment démocratique. Le Parti réformiste a présenté des mesures législatives dans tous ces domaines.

Le député parle d'agir dans l'intérêt des électeurs. S'est-il prononcé en faveur du projet de loi sur le contrôle des armes à feu? Oui. Ses électeurs voulaient-ils qu'il le fasse? Pas du tout.

M. Blaikie: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je croyais savoir que nous débattions le Code canadien du travail. Si la présidence peut me démontrer que les toutes dernières interventions ont un rapport avec le Code canadien du travail, je lui en serai éternellement reconnaissant.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Il reste deux minutes à la période de questions et d'observations.

M. Benoit: Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir expliquer le lien qui existe entre un processus démocratique et cette mesure législative, le projet de loi C-66.

Si nous avions une véritable démocratie à la Chambre, si nous avions le pouvoir de révoquer des députés, si nous avions des votes libres à la Chambre des communes, ce que le gouvernement avait promis et qu'il a rejeté, si nous avions des référendums pour trancher des questions comme la peine capitale et l'avortement, à mon avis, le projet de loi. . .

M. Bryden: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je voudrais poser une question pertinente au député de Végréville s'il veut bien m'en donner l'occasion.

M. Benoit: Absolument, madame la Présidente. Qu'on pose la question, et j'y répondrai brièvement.

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Madame la Présidente, le député de Végréville a mentionné le seul article du projet de loi qui traite des expéditions de céréales. Nous sommes tous d'accord pour dire que limiter l'interruption des expéditions des céréales à la suite d'arrêts de travail de tierces parties constitue une mesure progressiste remarquable.

Étant donné que cet article est si important et si progressiste et qu'il contribuera grandement à encourager le transport des céréales, le député va-t-il rejeter le projet de loi et, par conséquent, cet article, parce qu'il ne répond pas à toutes ses autres attentes?

M. Benoit: Madame la Présidente, bien qu'il soit vrai que cet article est important pour les céréaliculteurs et qu'il permettra au moins le chargement des céréales qui sont acheminées vers la côte, que dire du reste du système? Les libéraux n'ont rien fait pour s'occuper du reste du système. Nous avons proposé une solution de rechange de fond, l'arbitrage des offres finales, pour qu'il n'y ait absolument aucun arrêt de travail.

Ils ont fait contrepoids à cette mesure, qui est positive, par une mesure négative qui interdirait et empêcherait le recours à des

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travailleurs de remplacement par l'intermédiaire du Conseil canadien des relations industrielles. Cette modification fera aux agriculteurs beaucoup plus de tort que de bien. À tout prendre, le projet de loi nuira beaucoup aux agriculteurs au cours des années. Cette modification est positive. Les autres modifications feront plus de tort que celle-ci fera de bien.

(1355)

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Madame la Présidente, je poursuis le débat sur la question dont la Chambre est saisie, soit celle du Code canadien du travail.

Une de nos principales préoccupations réside dans la façon dont le gouvernement se comporte depuis son arrivée au pouvoir, en 1993. Quand il y a un problème, il évite de s'y attaquer ou alors il le fait uniquement lorsque le problème a dégénéré en crise. C'est toujours la même chose. Pendant huit ans, ces députés ont siégé dans l'opposition, de ce côté-ci de la Chambre. Selon Beauchesne, quand un parti est dans l'opposition, il est censé se préparer à former le gouvernement.

Tous les libéraux qui ont occupé les banquettes de ce côté-ci, avec le premier ministre comme chef et l'actuel leader du gouvernement à la Chambre, ont eu le temps de se préparer. Mais ils ne se sont pas préparés à légiférer ni à agir comme des dirigeants du pays. Que s'est-il passé?

Nous avons été élus au Parlement et, en 1994, une grève nous a forcés à siéger pendant un week-end. À titre de députés de l'opposition, nous avons collaboré. Nous étions là pour aider à régler le problème, mais le gouvernement a eu recours à la gestion de crises. Voilà l'argument que je tenais à faire valoir au début de mes observations.

Nous avons adopté un loi établissant un système d'arbitrage afin de régler la grève et forcer le retour au travail. Ce sont les faits. Les travailleurs sont rentrés au travail. C'était de la gestion de crises. Cet exemple illustre comment le gouvernement a fonctionné depuis 1993, à maintes reprises.

Nous examinons le projet de loi C-66. Sommes-nous en train d'étudier un problème qui risque de se présenter de nouveau dans l'ouest du Canada? Les agriculteurs pourront-ils vendre leur blé avec confiance sur le marché international? Rien dans le projet de loi ne le garantit.

Cette mesure met à la disposition du gouvernement une clause supplémentaire qui lui permet, dans le cas du blé qui se trouve sur la côte, juste à côté des navires, de forcer le chargement sur les navires, ce qui améliore un peu la situation. Mais qu'en est-il du blé qui reste dans les prairies et des agriculteurs qui sont lésés parce qu'ils ne peuvent livrer leur produit sur le marché international? Il n'y a pas de solution.

Nos vis-à-vis veulent à tout prix former le gouvernement et avoir du pouvoir, et ils ne font rien pour planifier et élaborer des mesures législatives. Ils protègent les intérêts dévolus des syndicats, des grandes sociétés. Ils veillent soigneusement sur leurs droits acquis. Si l'on voulait vraiment s'occuper de ces questions, on s'y prendrait autrement.

Le Président: Comme il est maintenant presque 14 heures, nous allons passer aux déclarations de députés.

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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA COMMISSION SCOLAIRE DE SCARBOROUGH

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour féliciter la commission scolaire de Scarborough qui a implanté un programme très fructueux dans les écoles de Scarborough.

Les actes de violence avec usage d'armes dans les écoles de Scarborough ont diminué de 61 p. 100 depuis que la commission scolaire a institué une politique de tolérance zéro il y a trois ans.

En vertu de la politique de sécurité appliquée dans les écoles de Scarborough, il est obligatoire de tenir des audiences préalables à l'expulsion pour une variété d'infractions violentes avec usage d'armes. La violence à l'école a diminué considérablement depuis la mise en oeuvre de cette politique.

(1400)

Si l'unification des municipalités se produit, ce programme pourrait peut-être s'appliquer à l'échelle métropolitaine et servir de point de référence. Les élèves de Scarborough ont beaucoup bénéficié du fait que la commission scolaire a su leur fournir les programmes et les services dont ils ont besoin tout en maintenant bien sûr les coûts de fonctionnement au niveau le plus bas par élève dans la région métropolitaine.

Il faut louer la commission scolaire de Scarborough d'avoir pris cette initiative dans le but de réduire la violence et la criminalité dans nos écoles. Je félicite encore une fois la commission scolaire, son président et les commissaires.

* * *

[Français]

L'ANTISÉMITISME

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, le rapport dévoilé vendredi dernier à Montréal par la ligue B'nai Brith révèle une baisse considérable de 26 p. 100 des incidents antisémites au Canada entre 1995 et 1996.

Au Québec, où la communauté juive est une des plus importantes au Canada, la diminution de tels incidents a été de plus de 40 p. 100. Reconnu pour sa tolérance, le Québec devient ainsi une région où le fléau de l'antisémitisme sévit le moins, avec 12 p. 100 des incidents pour 24 p. 100 de la population.

En septembre 1996, j'ai visité le Musée de l'Holocauste à Washington. J'ai pu constater l'ampleur de la tragédie et des souffrances du peuple juif au cours de la Seconde Guerre mondiale. J'invite les gouvernements à continuer la lutte pour éliminer définitivement l'antisémitisme de nos sociétés.

Enfin, je profite de cette occasion pour rendre hommage à la communauté juive pour sa contribution exceptionnelle au développement du Québec et du Canada.


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[Traduction]

LA JUSTICE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, voici quelques exemples des priorités du gouvernement libéral en matière de justice.

S'assurer que les administrateurs de la Commission canadienne du blé coupables de délits criminels ne puissent être punis. Veiller à ce que les agriculteurs qui vendent leur blé au meilleur prix aillent en prison. Poursuivre les gens qui refusent de remplir le formulaire de recensement. Protéger les libéraux haut placés en faisant des menaces au juge Krever, de la commission d'enquête sur le sang contaminé. Mettre fin à la commission d'enquête sur les événements en Somalie afin que nous ne sachions jamais qui a camouflé les meurtres. Promouvoir l'établissement de peines alternatives grâce auxquelles un violeur dans ma circonscription est remis en liberté parce qu'il a parfois manifesté de la compassion. Frapper les coureurs automobiles de lourdes amendes s'ils mentionnent le nom d'une compagnie de tabac à la télévision. Payer des millions de dollars en honoraires d'avocats et en coûts de règlement dans les affaires complètement bâclées de l'acquisition d'avions Airbus et de l'aéroport Pearson. Permettre à des criminels notoires expulsés d'autres pays de venir revendiquer le statut de réfugié au Canada.

Et la pire initiative de toutes en matière de justice de la part du premier ministre et du gouvernement actuels, c'est de donner à des tueurs comme Clifford Olson une tribune nationale et le droit de tourmenter davantage les familles de ses victimes.

C'est absolument honteux.

* * *

LE JOUR DE COMPASSION POUR LES TRAVAILLEURS

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, la semaine dernière, dans la circonscription de Winnipeg Transcona, un employé de chemin de fer a accidentellement perdu la vie à cause d'un déraillement qui s'est produit derrière les ateliers du CN.

Je suis persuadé que, en présentant mes condoléances à la famille et aux amis de M. Dan McNeil ainsi qu'à ses compagnons des Travailleurs unis des transports, je puis me faire le porte-parole de tous mes collègues.

Le décès de M. McNeil doit nous rappeler que, tous les jours et toutes les semaines, des Canadiens travaillent dans des conditions qui peuvent mettre leur vie en danger, et que nous devons leur être reconnaissants des services qu'ils rendent ainsi. Le transport ferroviaire est un secteur dangereux, tout comme le sont les mines, les services policiers, la lutte contre les incendies, et bien d'autres.

Plus tard cette année, nous célébrerons une journée nationale de deuil à la mémoire des personnes tuées au travail. Nous devons cette journée nationale à l'ancien député néo-démocrate de Churchill, Rod Murphy. Cette commémoration est certes justifiée, mais nous regrettons que, d'année en année, il y ait tant de nouveaux noms à ajouter à la liste des disparus.

M. JOE A. SELLORS

Mme Colleen Beaumier (Brampton, Lib.): Monsieur le Président, le samedi 8 mars, j'ai assisté aux célébrations organisées par le Lorne Scots Peel, Dufferin and Halton Regiment en l'honneur de l'adjudant-chef Joe A. Sellors pour fêter ses 50 années de services éminents.

Joe Sellors a amorcé sa distinguée carrière avec la fanfare The Lorne Scots à titre de cornemuseur junior en octobre 1946. Son talent et son travail acharné l'ont mené aux plus hauts sommets. Grâce au soutien de son épouse Alice et de sa famille pleine de magnétisme, il est devenu le cornemuseur-major de la fanfare au début des années 1950 et, en 1975, il a obtenu le grade d'adjudant-chef.

Joe Sellors a rempli son devoir avec dignité et fierté. C'est avec grand plaisir que j'offre aujourd'hui mes meilleurs voeux à Joe Sellors, à son épouse et à leurs enfants au nom de tous les habitants de Brampton. Je remercie Joe pour 50 années d'excellent travail et lui dis:

Ton front est ceint de fleurons glorieux.

* * *

LES RELATIONS FÉDÉRALES-PROVINCIALES

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, l'accord qu'ont conclu le premier ministre du Canada et le premier ministre Clark de la Colombie-Britannique le 6 mars dernier met un terme à de graves conflits, notamment à l'obligation imposée par le gouvernement provincial, selon laquelle les assistés sociaux devaient avoir vécu trois mois en Colombie-Britannique avant de pouvoir toucher des prestations, et à la décision préjudiciable prise à propos des paiements de transfert fédéraux versés à la Colombie-Britannique dans le but de couvrir les coûts de l'intégration des immigrants dans la communauté.

(1405)

Cet accord crée des précédents. Premièrement, il reconnaît qu'il faut de nos jours la collaboration de tous les ordres de gouvernement, fédéral, provincial et municipal, pour trouver une solution raisonnable à la plupart des problèmes. Il est impossible de préserver un fédéralisme usé axé sur la confrontation, où le pouvoir souverain est compartimenté en éléments bien distincts et définis, fédéral ou provincial, et où les décisions prises en partenariat relèvent de l'utopie.

Deuxièmement, bien que l'Acte constitutionnel de 1982 ait pu ériger de grands obstacles juridiques aux modifications ultérieures, les constitutions peuvent évoluer au moyen de conventions spéciales portant sur des arrangements intergouvernementaux et des mesures d'adaptation administrative, tout cela fondé sur le bon sens et l'entraide.

C'est cela, le nouveau fédéralisme pragmatique axé sur la coopération.

* * *

LA CHINESE GOLDEN AGE SOCIETY

Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine, Lib.): Monsieur le Président, vendredi dernier, j'ai eu l'honneur de participer à la


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célébration du 25e anniversaire de la fondation de la Chinese Golden Age Society.

Les bénévoles de cette organisation organisent des sorties, mènent des campagnes de financement et offrent compagnie et soutien moral aux autres personnes âgées de la communauté sino-canadienne.

Il est tellement important pour nous tous, peu importe notre âge, d'avoir des amis et d'appartenir à une communauté. En cette étape de la vie où il est plus difficile de se déplacer, la Golden Age Society s'assure que personne ne se sente laissé pour compte. La société est aussi un excellent exemple d'entraide entre communautés et entre personnes âgées et un modèle de succès pour tout groupe similaire.

Les membres de la communauté sino-canadienne de Beaches-Woodbine et moi-même félicitons et remercions la Golden Age Society pour 25 années de dur labeur et lui souhaitons 25 autres années de succès.

* * *

[Français]

LE PEUPLE TIBÉTAIN

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, le Bloc québécois tient à souligner le 38e anniversaire du soulèvement national tibétain contre l'occupant chinois.

Le 10 mars 1959, dix ans après l'invasion du Tibet par la Chine, le peuple tibétain se soulève contre l'oppresseur chinois. L'armée chinoise écrase alors le mouvement légitime de contestation du peuple tibétain.

Au cours des semaines suivantes, plus de 80 000 civils trouvent la mort. Depuis ce temps, le dalaï-lama représente les Tibétains en exil et fait campagne pacifiquement pour la souveraineté et l'autodétermination de son peuple.

Le gouvernement chinois poursuit toujours sa campagne de colonisation et d'assimilation du Tibet et refuse d'appliquer les résolutions onusiennes demandant le respect des droits fondamentaux du peuple tibétain, y compris le droit à l'autodétermination.

Le Canada ne peut continuer à passer sous silence auprès des autorités chinoises la situation catastrophique prévalant au Tibet. Aujourd'hui, l'opposition officielle rappelle au gouvernement canadien ses responsabilités internationales.

* * *

[Traduction]

LE PARTI RÉFORMISTE

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je suis fier cet après-midi de voir que mes deux filles sont à la tribune.

J'ai commencé à oeuvrer au sein du Parti réformiste du Canada, il y a près de dix ans, parce que je m'inquiétais pour leur génération. Je me suis rendu compte que des réformes importantes s'imposaient si nous voulions que les jeunes de notre pays bénéficient des mêmes possibilités que nous.

En 1987, notre dette nationale se situait à la moitié des 600 milliards de dollars qu'elle atteint aujourd'hui et nous, réformistes, voulions alors réduire le coût du crédit pour les programmes sociaux. En 1987, les recettes fiscales étaient de 97 milliards de dollars environ. Elles sont maintenant de 135 milliards de dollars. Et nous avions alors l'impression d'être surtaxés.

En 1987, nous soupçonnions que les gouvernements se préoccupaient davantage des droits des criminels que des droits des victimes. Depuis, ils l'ont prouvé. En 1987, nous croyions que le Parlement avait besoin de subir une métamorphose démocratique complète. Aujourd'hui, nous le savons. En 1987, je croyais que la seule chance d'un avenir meilleur pour nos enfants était la vision réformiste d'un Canada renouvelé. Aujourd'hui, j'en suis persuadé. 1997 sera l'année d'un nouveau départ pour tous les Canadiens.

* * *

LA FISCALITÉ

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, les serveurs et serveuses du Nouveau-Brunswick ont lancé une campagne de sensibilisation nationale afin de renseigner les deux paliers de gouvernement sur les pourboires.

La plupart des serveuses et serveurs gagnent le salaire minimum et comptent sur les pourboires pour joindre les deux bouts. Plus de 80 p. 100 des travailleurs de cette catégorie sont des femmes. Une forte proportion sont des chefs de familles monoparentales. Bon nombre ont un diplôme universitaire, mais aucune autre possibilité d'emploi.

Revenu Canada considère que leurs pourboires sont imposables et en tient compte pour déterminer leur admissibilité à la prestation fiscale pour enfants et au remboursement de la TPS. Les pourboires n'entrent toutefois pas en considération dans le calcul de leurs prestations d'assurance-chômage, de leur indemnisation comme accidentés du travail, du Régime de pensions du Canada et de leurs prêts bancaires, ni aux fins du calcul de la cotisation autorisée à un REER. Il semble y avoir certaines iniquités lorsqu'un gouvernement considère un pourboire comme un revenu aux fins de l'impôt, mais n'en tient pas compte dans le calcul des prestations.

(1410)

J'exhorte le gouvernement à envisager des modifications qui permettront aux serveurs et aux serveuses de bénéficier pleinement de leurs pourboires, de manière à ce que cette injustice puisse être corrigée.

* * *

L'EXPLOITATION MINIÈRE

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, en tant que président du Comité permanent des ressources naturelles, je félicite le gouvernement et, en particulier, la ministre des Ressources naturelles d'avoir donné suite au rapport final de notre comité sur la rationalisation de la réglementation environnementale en matière d'exploitation minière.

Je suis heureux que les réformes proposées traduisent fidèlement les recommandations que le comité a formulées à la suite de vastes consultations auprès des groupes intéressés. Ces réformes donneront aux investisseurs davantage de certitudes quant aux exigences, elles réduiront les délais et les coûts inutiles et elles assureront la


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nécessité d'un régime de protection environnementale solide et efficace.

L'industrie minière emploie quelque 350 000 Canadiens, et des centaines de localités des régions rurales et du Nord en dépendent. C'est un aspect important par rapport à l'engagement que le gouvernement a pris envers les régions rurales canadiennes.

Le rapport du comité et la réponse du ministère témoignent aussi de l'engagement du gouvernement qui consiste à favoriser la croissance économique et la création d'emplois, le développement durable ainsi que la mise en place d'une réglementation efficiente et efficace pour les entreprises.

* * *

[Français]

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Monsieur le Président, beaucoup de Canadiens sont très préoccupés par les coupures qu'on a faites à Radio-Canada. La question est très émotive. C'est une question d'unité, de message pareils de la côte de l'Atlantique à la côte du Pacifique jusqu'à la côte de l'Arctique.

Radio-Canada nous a accompagnés toute notre vie et est devenue partie de notre existence.

[Traduction]

Depuis un an, j'ai organisé trois assemblées publiques sur la SRC. Les deux dernières, qui ont eu lieu au cours des deux mois qui viennent de s'écouler, ont attiré beaucoup de monde. Pendant les assemblées, les gens ont exprimé leur profond attachement à cette institution.

Au moment de la dernière assemblée, Nigel Peck, un électeur, avait réussi à recueillir plus de 23 000 signatures. J'ai été informé que dès qu'elle comprendra 50 000 signatures, la pétition me sera alors adressée. Près de 13 000 signatures supplémentaires ont déjà été obtenues. Les pétitionnaires demandent un arrêt des compressions et le rétablissement du financement de la SRC. La ministre s'est rendue à leurs arguments et a réaffecté 10 millions de dollars à la SRC.

La principale préoccupation concerne les compressions touchant la programmation régionale. Ces compressions ont pour effet d'enlever un moyen d'expression aux Canadiens vivant à l'extérieur du Québec et de l'Ontario.

* * *

LES SOINS DE SANTÉ

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole pour exprimer mes craintes au sujet de l'érosion du régime d'assurance-maladie universel en Ontario. Le gouvernement de Queen's Park semble imposer de plus en plus de frais d'une semaine à l'autre. Outre les frais pour les médicaments d'ordonnance, les patients hospitalisés en attente d'un transfert dans un autre établissement doivent payer des frais de 43 $ par jour. Pensez à ce que ces frais quotidiens font pour la santé de ces personnes qui sont déjà malades.

Le gouvernement fédéral est le seul ordre de gouvernement qui puisse protéger les services de santé de tous les Canadiens. J'exhorte les ministres de la Santé et de la Justice à déterminer avec soin si le gouvernement de l'Ontario se conforme aux exigences de la Loi canadienne sur la santé.

* * *

[Français]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, la 53e session de la Commission des droits de l'homme de l'ONU vient tout juste de s'ouvrir à Genève. Cet exercice important permet à la communauté internationale de s'informer et de se concerter sur des problèmes graves de violation des droits de la personne.

En cette ère où le marché impose son diktat, le gouvernement se doit d'être à la hauteur de sa réputation passée. Il faut briser le silence qui octroie une sorte d'impunité internationale à des régimes qui bafouent les droits les plus élémentaires. Il faut dénoncer vigoureusement ce qui se passe, entre autres, en Birmanie, en Turquie, en Algérie, au Timor oriental, au Nigeria et dans la région des Grands Lacs africains.

Ce gouvernement s'est donné comme mandat de promouvoir les valeurs canadiennes. Ce gouvernement va-t-il s'affirmer et assumer le leadership sur cette question fondamentale des droits de la personne? Pendant qu'on continue à commercer impunément, des hommes, des femmes et des enfants sont torturés, emprisonnés et tués chaque jour. Il est grand temps de joindre à la dénonciation des gestes concrets et fermes.

* * *

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, le système de justice du Canada s'est graduellement détérioré au point où il n'est plus qu'une machine juridique qui tourne à vide. Il ne sert plus les intérêts de la société ni des victimes du crime, mais fait plutôt l'étrange promotion des prétendus droits des criminels.

L'audience d'Olson aux termes de l'article 745, qui commence aujourd'hui, est un exemple de cette étrange promotion des droits des criminels. Dieu merci, Olson est sans doute l'un des rares criminels pour qui cette procédure ne sera vraiment qu'une faible lueur d'espoir.

Pour près de huit criminels sur dix qui en font la demande, comme tous le reconnaissent, à part le gouvernement, l'article 745 est en fait une garantie de libération. Cet article force les victimes à revivre les événements qui ont si tragiquement changé le cours de leur vie.

(1415)

La population du Canada demande l'abrogation pure et simple de l'article 745. Il est à peu près temps que celui qui se fait passer pour le ministre de la Justice fasse ce que la population lui demande.

8903

[Français]

LE BLOC QUÉBÉCOIS

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, les délégués au congrès d'orientation et à l'élection du chef du Bloc québécois ne manqueront pas de remarquer la présence très dominante de leur ancien chef, M. Lucien Bouchard.

Il est prévu qu'il prenne la parole au moins à deux occasions, en plus de toutes les rencontres informelles auxquelles il participera. C'est quand même assez particulier de voir ce chef politique provincial prendre autant de place dans un congrès d'un parti politique fédéral.

Le chef du PQ a-t-il l'intention de noyauter le congrès bloquiste, afin d'éviter qu'on lui impose un virage dont il ne veut pas? Ou est-ce tout simplement qu'il veut réaffirmer qu'il est le vrai et le seul chef de ce parti?

Quoi qu'il en soit, j'espère que les délégués bloquistes réserveront un bon accueil à Lucien Bouchard, sinon, ils risquent eux aussi de le voir quitter pour aller bouder.

______________________________________________


8903

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE DÉFICIT

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances visait, pour 1996-1997, un déficit de 24 milliards de dollars. Ses prévisions ont été réajustées à l'occasion du dernier budget, voilà trois semaines, à 19 milliards.

Des voix: Bravo!

M. Gauthier: Aujourd'hui, après dix mois, le déficit accumulé serait de 7,3 milliards, ce qui pourrait vouloir dire un déficit réel de 10 à 12 milliards en 1996-1997, au lieu des 19 milliards annoncés il y a trois semaines.

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Ou bien le ministre des Finances savait qu'il avait une si grande marge de manoeuvre et il l'a caché aux citoyens, ou bien il ne le savait pas, parce qu'il avait été incapable de le prévoir. Est-ce que le ministre des Finances est un cachottier ou un incompétent?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, lorsqu'on regarde les critiques qu'on avait à l'égard de mon prédécesseur, lorsqu'il était incapable d'atteindre ses objectifs, le fait qu'on me critique maintenant que je fais beaucoup plus qu'atteindre mes objectifs est certainement une critique que je suis prêt à accepter.

Comme le chef de l'opposition doit le savoir, il reste encore un mois et demi avant la fin de l'année financière, nous n'avons pas les données pour le mois de février, nous n'avons pas les données pour le mois de mars. En même temps, le chef de l'opposition doit savoir qu'il y a beaucoup d'ajustements qui sont faits dans le mois de mars qui peuvent changer les chiffres.

Ce que j'ai donné est peut-être un chiffre prudent, mais je suis convaincu qu'encore une fois, nous allons bâtir sur la crédibilité que le gouvernement a établie.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, il faudrait que le gouvernement fasse un déficit de 12 milliards dans deux mois pour atteindre les chiffres absolument extraordinaires du ministre des Finances, ceux qu'il nous a donnés il y a trois semaines.

M. Duceppe: Ah, les drapeaux de Mme Copps.

M. Gauthier: Il sait bien que cela n'a pas de bon sens. . .

M. Loubier: Ça n'a pas d'allure.

M. Gauthier: . . .en homme raisonnable. Et je sais que sa réponse n'a pas d'allure.

M. Loubier: Alors, il est incompétent. C'est de l'incompétence.

M. Gauthier: Je vais lui demander: pourquoi, avec une telle marge de manoeuvre, n'a-t-il rien fait pour les pauvres, pour les sans-emploi qui sont légion au Canada, plutôt que de saupoudrer quelques petites mesures dans son dernier budget?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, regardons ce que nous avons fait: une dépense de 850 millions de dollars pour aider les familles pauvres ayant des enfants, nos investissements dans le tourisme, nos investissements dans la recherche et développement, nos investissements dans l'éducation, tout ça, dans le but de créer des emplois.

Alors, la question que je pourrais peut-être poser au chef de l'opposition est celle-ci: puisque, à la suite de la demande de M. Landry et d'autres ministres des Finances, le président du Conseil du Trésor a prolongé le Programme des infrastructures, justement pour créer des emplois, comment se fait-il que M. Landry n'ait pas encore accepté l'offre faite par le président du Conseil du Trésor relativement aux infrastructures?

(1420)

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, avec une erreur de quelque 12 milliards dans ses prévisions, le ministre des Finances aurait été avisé de ne pas couper 4,5 milliards aux provinces, de ne pas couper 5 milliards aux chômeurs.

Doit-on comprendre que ce que le ministre des Finances s'apprête à faire, avec une sécurité invraisemblable de quelque 12 milliards, c'est de saupoudrer partout, à travers tout le Canada, au cours de la prochaine campagne, quelques milliards par ci, quelques milliards par là, pour gagner la faveur des électeurs?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, la vie doit être dure pour le chef de l'opposition lorsque la seule chose qu'on peut reprocher au ministre des Finances du gouvernement c'est qu'il a été trop prudent dans ses projections.

Est-ce que je peux suggérer au chef de l'opposition qu'il demande à la maison mère d'accepter l'offre du gouvernement pour


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prolonger le Programme d'infrastructures pour qu'on puisse, le plus vite possible, créer des emplois à Montréal et au Québec?

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Nous apprenons, trois semaines après le budget que la marge de manoeuvre du ministre des Finances est encore plus grande que celle que le Bloc québécois avait anticipée. Elle dépasse tout entendement. Dès cette année, c'est au moins 12 milliards de plus dont dispose le ministre des Finances par rapport à ce qu'il prévoyait dans son budget 1996; l'année prochaine ce sera 17 milliards.

Il y a, aujourd'hui, au Canada, trois millions d'assistés sociaux, 1,5 million d'enfants pauvres, 1,5 million de chômeurs. Pourquoi le ministre des Finances a-t-il préféré conserver une marge de manoeuvre colossale plutôt que d'utiliser cet argent pour redonner de l'espoir à ces gens?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, hier, en répondant à une question du chef de l'opposition, je voulais citer quelqu'un et vous m'avez coupé la parole.

J'aimerais citer, aujourd'hui, la même personne en réponse au député. Je serai beaucoup plus bref: «Nous sommes sur la bonne voie, ce n'est pas le temps de lâcher, il faut continuer. Les économies sont en mutation. Il faut redresser les finances publiques, contrôler le déficit et faire en sorte que les taux d'intérêt puissent baisser.» C'est Lucien Bouchard, il a raison, et j'ai raison.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, nous n'avons jamais nié, d'aucune façon, qu'il faille atteindre un déficit zéro à un moment donné. Mais là, il exagère.

Des voix: Bravo!

M. Loubier: Est-ce que le ministre est conscient qu'il pourrait atteindre un déficit zéro avant l'an 2000 en évitant de couper 4,5 milliards dans les programmes sociaux, en laissant aux chômeurs 5 milliards du surplus accumulé, en aidant substantiellement la création d'emplois, et en payant 2 milliards qu'il doit au Québec pour l'harmonisation de la TPS?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, le député n'a pas posé de question. Il a fait une déclaration.

Je vous dirai simplement que lorsqu'on regarde le fait que le gouvernement fédéral transfère au-delà de dix milliards de dollars par année, dont 45 p. 100 des paiement de péréquation versés aux provinces.

Il faut regarder le partenariat technologique mis sur pied par mon collègue, le nombre de compagnies en aéronautique au Québec qui y ont gagné.

[Traduction]

C'est remarquable! Jusqu'à maintenant, l'opposition officielle a posé cinq questions et le pire reproche qu'elle a à faire au ministre des Finances et au gouvernement c'est d'avoir réalisé des déficits inférieurs à leurs prévisions. Nous acceptons ce reproche et je peux dire que nous allons continuer sur notre lancée.

LA JUSTICE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, ce matin, à Vancouver, l'audition préliminaire de la demande de libération anticipée aux termes de l'article 745 du Code criminel présentée par le tueur d'enfants Clifford Olson a commencé.

(1425)

Cette audience sera une épreuve d'une horreur indescriptible pour les familles des victimes. Elle ne devrait pas avoir lieu et elle n'aurait pas lieu si le gouvernement avait agi plus tôt en abrogeant l'article 745 plutôt qu'en y apportant des changements de pure forme.

Des Canadiens indignés manifestent à Vancouver et ailleurs pour demander comment le gouvernement peut être si insensible envers les victimes de Clifford Olson.

Ma question s'adresse à la vice-première ministre. Comment le gouvernement peut-il être assez insensible au sort des familles des victimes de Clifford Olson pour permettre la tenue de l'audience?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, tous les membres du caucus libéral n'éprouvent rien d'autre qu'une profonde empathie pour les tragédies que vivent les familles de ces victimes et pour tous ceux qui ont perdu un être cher aux mains d'un criminel.

C'est à cause des victimes, dans leur intérêt et en leur mémoire que le gouvernement a si souvent apporté des modifications aux lois de droit pénal.

Pour ce qui est de l'article 745, il a été modifié après que j'ai rencontré la veuve d'un agent de la GRC assassiné en Saskatchewan qui m'a expliqué comment elle trouvait dur d'assister aux audiences aux termes de l'article 745 sans pouvoir intervenir. C'est après ma rencontre avec Marie King Forest que j'ai proposé de modifier l'article 745 pour donner un rôle aux victimes lors de ces audiences.

C'est en raison du souci du gouvernement pour le sort des victimes que, l'an dernier, nous avons présenté à la Chambre le projet de loi C-45, qui fait en sorte que l'article 745 du Code criminel ne peut être invoqué que dans les cas les plus exceptionnels et pas dans le cas des criminels qui ont enlevé plus d'une vie. Avec les modifications, un juge doit d'abord se prononcer sur le mérite de chaque cas et un jury doit ensuite accepter à l'unanimité que la demande soit étudiée. Le gouvernement a agi au nom des victimes.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le ministre fait étalage de sa grande empathie et de sa sympathie pour les victimes d'actes criminels et il nous donne une liste de mesures de pure forme.

Quelles mesures concrètes le gouvernement a-t-il prises pour traduire cette sympathie et cette empathie en actes? Il ne fait qu'apporter des modifications mineures à l'article 745 plutôt que de l'abroger. Il s'est dit en faveur de notre déclaration des droits des victimes, mais il la laisse stagner devant le comité. Il consacre des centaines d'heures-personne et des centaines de milliers de dollars


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pour accorder une audience à Clifford Olson, mais il n'investit ni temps ni argent ni énergie en faveur de ses victimes.

Si le ministre éprouve tant de sympathie et d'empathie pour les victimes d'actes criminels, s'engagera-t-il aujourd'hui même à promulguer la déclaration des droits des victimes qui a été présentée à la Chambre des communes il y a 11 mois par le député de Fraser Valley-Ouest?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écrit au président du Comité de la justice pour demander que le comité commence à dresser la liste des modifications à apporter au Code criminel en plus de celles que nous avons déjà proposées au nom des victimes.

Cependant, je tiens à ce qu'il soit bien clair que, aussi loin que je me rappelle, notre gouvernement a fait davantage pour les victimes que tout autre gouvernement du Canada.

La défense fondée sur l'état d'ébriété pouvait être invoquée jusqu'à ce que nous prenions des mesures au nom des victimes pour changer les choses. Encore au nom des victimes, nous avons adopté rapidement une mesure autorisant l'utilisation des tests d'ADN en droit pénal.

Cependant, si nous regardons chez nos vis-à-vis, c'est une tout autre paire de manches. Lorsque nous avons proposé le projet de loi C-37, qui introduisait le concept de déclaration des victimes dans la Loi sur les jeunes contrevenants, le Parti réformiste a voté contre.

Lorsque nous avons présenté le projet de loi C-41, qui contenait des dispositions élaborées sur l'indemnisation des victimes, le Parti réformiste a voté contre.

L'an dernier, lorsque nous avons présenté des modifications visant à empêcher à l'avenir les auteurs de meurtres multiples de se prévaloir de l'article 745, le Parti réformiste a voté contre.

(1430)

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, ce qui importe ici, c'est que, par la faute du ministre, Clifford Olson obtient une tribune nationale. Les victimes n'ont droit qu'à une étude.

L'article de la Charte canadienne des droits et libertés sur les droits juridiques contient 16 dispositions affirmant le droit des personnes soupçonnées de crimes, accusées de crimes ou reconnues coupables de crimes. Il n'y a pas une seule disposition de la charte qui porte sur les droits des victimes d'actes criminels. Les Canadiens ne peuvent plus tolérer un tel déséquilibre. Ils veulent un système de justice qui fait passer les droits des victimes avant les droits des criminels comme Clifford Olson.

Le ministre de la Justice s'engage-t-il dès maintenant à adopter la déclaration des droits des victimes qui croupit devant un comité ou les libéraux ont-ils l'intention de laisser tomber les victimes de Clifford Olson une fois de plus?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, à un certain point, on en vient à se demander pourquoi le chef du tiers parti pose de telles questions puisque, chaque fois que nous présentons une mesure favorable aux victimes, son parti vote contre. Si nous devons présenter de nouvelles propositions, par exemple, si nous proposions de modifier la charte, peut-être devrait-ce être pour interdire l'exploitation éhontée des victimes.

On peut très bien comprendre pourquoi les familles des victimes étaient sur la tribune à Vancouver hier. Elles sont motivées par la douleur que leur causent les tragédies qu'elles ont vécues. On comprend aussi pourquoi les réformistes étaient sur la tribune et pourquoi les réformistes mènent le bal. Ils exploitent les tragédies auxquelles ils se prétendent si sensibles.

J'ajouterai, ce qui est peut-être le plus important, que, en se comportant comme ils le font, les réformistes donnent à Clifford Olson exactement ce qu'il veut le plus obtenir, à savoir une tribune qui lui permettra de devenir un personnage encore plus infâme.

Des voix: Bravo!

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, depuis septembre 1993, la justice américaine demande aux autorités canadiennes l'extradition du Hell's Angels Jacques Émond. Jacques Émond, qui vit actuellement en Colombie-Britannique, est accusé de complot, de trafic de grosses quantités de haschisch et de cocaïne et d'avoir appartenu en permanence à une organisation criminelle de janvier 1976 à février 1990.

Comment le ministre de la Justice peut-il expliquer qu'après trois ans et demi, la cause pour la demande d'extradition ait été reportée huit fois à la demande de la Couronne et que Jacques Émond soit toujours au Canada?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je ne connais pas les détails de ce cas-là. J'ai l'intention de soulever la question avec mes fonctionnaires, et je répondrai dans quelques jours.

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, en reportant ainsi la cause, le ministre doit être conscient qu'il y a danger d'abus de procédure.

Le ministre de la Justice réalise-t-il que son ministère est en train de créer les conditions qui feront en sorte que l'extradition de Jacques Émond sera impossible, protégeant ainsi un criminel?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit, je ne connais pas ce cas, à l'heure actuelle, mais j'ai l'intention de demander des détails aux fonctionnaires du ministère de la Justice et je répondrai dans les jours à venir.

[Traduction]

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, comme nous le savons tous, c'est aujourd'hui que débutaient à Vancouver les audiences concernant la demande de libération conditionnelle anticipée présentée par Clifford Olson, l'homme qui a sauvagement violé et tué onze jeunes enfants. À cause de la demande de Clifford Olson, les familles de ces enfants sont forcées de revivre la douleur et l'angoisse qu'elles ont déjà vécues.


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(1435)

Je demande au ministre de la Justice, qui est directement responsable de ce qui se passe aujourd'hui, quelle mesure il prendra pour s'assurer que ces onze familles n'aient plus jamais à vivre des moments aussi douloureux et angoissants.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, l'an dernier, notre gouvernement a présenté, et le Parlement a adopté, une mesure législative visant à modifier l'article 745 du Code criminel pour voir à ce que cette disposition soit utilisée seulement dans des cas exceptionnels.

Les modifications apportées éliminent toute possibilité d'examen judiciaire pour les auteurs de meurtres multiples à l'avenir, prévoient un mécanisme d'examen préalable du dossier par un juge et exigent l'unanimité du jury saisi de la demande avant que toute réduction de la peine ne soit consentie.

Il me semble que c'est exactement là la façon d'empêcher que les familles des futures victimes n'aient à vivre une expérience aussi éprouvante, tout en laissant suffisamment de latitude pour les cas exceptionnels où il convient de permettre la présentation de telles demandes.

Dans ces circonstances, on se demande pourquoi le député et ses collègues du Parti réformiste ont voté contre ces modifications.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, tous les parents de victimes qui ont témoigné devant le comité permanent qui a étudié le projet de loi C-45 étaient contre cette mesure législative. C'est pourquoi nous exprimons leurs inquiétudes ici aujourd'hui.

Le projet de loi C-234 aurait eu pour effet d'abroger carrément l'article 745 du Code criminel. Le ministre de la Justice a voté contre ce projet de loi. Il se trouve ainsi à avoir voté en faveur de Clifford Olson et contre les onze familles qui ont perdu leurs enfants aux mains de Clifford Olson.

Le ministre de la Justice peut-il expliquer aujourd'hui à ces familles et à tous les Canadiens pourquoi il a voté en faveur de Clifford Olson et contre les familles des victimes?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, au cours des trois ans et demi où j'ai eu le privilège de servir le premier ministre dans le poste que j'occupe actuellement, j'ai rencontré des douzaines de parents de victimes de crime. J'ai rencontré des mères qui ont perdu un enfant, des maris qui ont perdu leur femme.

L'importance que j'accorde à leur expérience, l'importance que j'accorde au respect des victimes se dégage clairement des nombreuses mesures législatives que nous avons présentées à la Chambre pour protéger la position des victimes dans notre système de justice pénale.

Le tribunal est actuellement saisi de la demande de M. Olson. Il ne convient pas de porter quelque jugement que ce soit sur le mérite de cette demande, mais je tiens à dire ceci. Quoi qu'on puisse dire au sujet de la demande de M. Olson, cette procédure aurait pu se dérouler dans l'obscurité à la Cour suprême de la Colombie-Britannique. La douleur ressentie par les familles des victimes serait différente de ce qu'elle est aujourd'hui si ce n'était pas du député et de ses collègues réformistes, qui donnent à Clifford Olson exactement ce qu'il veut, ce qu'il ne peut pas obtenir autrement. Ils satisfont sa soif de notoriété.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Depuis le mois d'août 1995, où le jeune Daniel Desrochers est décédé à la suite d'un attentat à la voiture piégée perpétré par le crime organisé, plusieurs autres bombes ont explosé. Des personnes innocentes ont été blessées; le sang coule. Des villes et villages complets sont sous le choc. Des municipalités, telles que Saint-Nicolas, Montréal et Québec, sont désemparées devant l'ampleur du problème.

Le 21 septembre 1995, le ministre disait qu'il consultait et qu'il était optimiste à l'idée de trouver une solution. Compte tenu que le problème est toujours présent, et même pire qu'en 1995, le ministre peut-il dire à la Chambre quelle solution il a trouvée pour régler le problème des guerres des motards criminalisés?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): En fait, monsieur le Président, j'ai rencontré la mère de Daniel Desrochers, celui qui a été tué dans les rues de Montréal, l'année passée.

(1440)

J'ai travaillé, également, avec mon collègue, le solliciteur général du Canada, et avec les chefs de police du Québec et d'ailleurs pour trouver des moyens d'améliorer le droit criminel afin d'aider les policiers dans leur lutte contre le crime organisé.

Au mois de septembre dernier, le solliciteur général et moi-même avons eu ici, à Ottawa, un colloque sur le sujet du crime organisé. Nous avons invité les chefs de police, les avocats, les procureurs généraux des provinces et nous avons discuté de plusieurs approches pour aider les policiers, pour leur donner les outils dans leur lutte contre le crime organisé. Nous avons identifié une douzaine de mesures concrètes.

Le solliciteur général et moi-même avons l'intention, dans les mois à venir, de déposer des changements au Code criminel pour l'accomplir.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, en dehors des discours creux du ministre qui, de toute évidence, ne solutionnent pas le problème, parce qu'on vit encore le même problème au Québec, aujourd'hui, qu'est-ce que le ministre a à dire à la famille de la petite Marianne qui, à la suite de l'explosion d'une bombe, a reçu des éclats de verre, chez-elle, dans sa couchette? Et qu'a-t-il à proposer aux gens de Saint-Nicolas qui se sentent impuissants devant les organisations criminelles qui occupent tout leur territoire?


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[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement renouvelle son engagement, envers ces Canadiens qui vivent dans la peur ou qui supportent les conséquences de crimes de ce genre, d'améliorer la loi pénale pour que les services de police aient les moyens de combattre les activités de ces gangs.

Il n'existe pas de solution simple à ce genre de problème. Quelqu'un proposait d'adopter un projet de loi anti-gang, mais il est très difficile de concevoir une loi qui soit valable et efficace. Il ne suffit pas de criminaliser ces gangs car ils n'auraient qu'à changer leur nom ou la nature de leur organisation.

Il est plus efficace à long terme, pour les victimes dont parlait le député et pour l'ensemble des Canadiens, de continuer d'oeuvrer de façon constructive avec la police pour modifier les lois pénales afin qu'il lui soit plus facile de réunir des preuves et d'obtenir des témoignages contre ce genre d'activité illégale.

C'est ce que le solliciteur général et moi-même avions en tête lorsque nous avons convoqué un symposium anti-gang en septembre dernier. Nous en sommes revenus avec une douzaine de propositions concrètes de modifications de la loi pénale. Nous entendons y donner suite dans les semaines et les mois à venir, et donner ainsi à la police les moyens de réprimer le genre d'activité dont parle le député.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, Christine, Colleen, Daryn, Sandra, Ada, Simon, Judy, Raymond, Sigrun, Terry Lyn et Louise. Ce sont les noms des victimes de Clifford Olson, ces victimes dont les familles devront encore une fois souffrir à cause du gouvernement libéral.

Le gouvernement libéral offre une tribune à Clifford Olson tandis que ses victimes doivent se battre pour être entendues. Pourquoi le premier ministre refuse-t-il d'adopter une déclaration des droits des victimes afin de reconnaître les droits des victimes avant ceux de criminels comme Clifford Olson?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, si quelqu'un offre une tribune à Clifford Olson, ce sont la députée et ses collègues réformistes. Ils devraient avoir honte d'utiliser une tactique pareille.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens sont heureux que quelqu'un accepte de tenir ce genre de discours en faveur des victimes et de leurs familles.

Le gouvernement libéral est clairement déterminé à privilégier les droits de criminels brutaux plutôt que ceux de personnes innocentes. Comment les Canadiens peuvent-ils confier leur sécurité à un gouvernement qui a des priorités aussi tordues?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la priorité du gouvernement en matière de justice criminelle a toujours été de rendre notre société la plus sûre possible et de témoigner du respect aux victimes d'actes criminels.

(1445)

Toutes les lois pénales que nous avons adoptées en trois ans et demi sont inspirées de notre souci de rendre le système de justice plus sensible et plus respectueux envers les besoins des victimes. La députée et ses collègues réformistes ont cependant voté systématiquement contre les mesures que nous avons proposées pour les victimes.

Le Parti réformiste a voté contre le projet de loi C-41, qui modifiait la loi sur la détermination de la peine et prévoyait le dédommagement des victimes. Le projet de loi C-45 modifiait l'article même au sujet duquel la députée s'est plainte, mais elle et ses collègues réformistes ont voté contre.

La population canadienne aura l'occasion, en temps et lieu, de porter son propre jugement.

* * *

[Français]

LES COMMISSIONS D'ENQUÊTE

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre.

Ce matin, le quotidien The Globe & Mail nous apprenait que le juge Krever s'est plaint par écrit de l'ingérence du gouvernement dans le déroulement de sa commission. Il a affirmé que le gouvernement avait menacé de mettre fin aux travaux de la Commission si celle-ci persistait à porter des blâmes envers certains hauts fonctionnaires et certains ministres.

Comment la vice-première ministre peut-elle justifier, encore une fois, l'intervention de son gouvernement auprès d'une commission d'enquête qui devrait normalement pouvoir compléter ses travaux sans interférence gouvernementale?

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je fais savoir à la députée qu'en décembre 1995, le ministre de la Justice a demandé au tribunal de trancher certaines questions.

Le tribunal qui a entendu la demande du ministre de la Justice l'a rejetée. Par la suite, certaines personnes ont interjeté appel auprès d'une instance supérieure.

La députée voudrait, j'en suis sûr, qu'il soit consigné que le gouvernement du Canada n'a pas fait appel de cette décision qui, je crois, a été prise en juin de l'année suivante.

Je tiens à préciser que ce gouvernement attend avec impatience le rapport du juge Krever. Nous attendons avec impatience de connaître ses recommandations et, que je sache, on n'a jamais eu l'intention de mettre fin à l'enquête du juge Krever de quelque façon que ce soit.


8908

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, dans toute cette affaire, il y a un fait accablant. Les deux commissions, Krever et Létourneau, ont toutes deux été victimes d'obstruction de toutes sortes de la part des fonctionnaires du gouvernement et de ses ministres.

Avec cette façon de faire du gouvernement, la vice-première ministre réalise-t-elle qu'elle discrédite les commissions d'enquête et peut-elle nous dire quel juge, à l'avenir, acceptera de présider une enquête, sachant qu'à tout moment le gouvernement peut intervenir pour l'empêcher de faire son travail?

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je comprends très bien que les députés d'en face soient au désespoir lorsqu'ils portent des accusations aussi ridicules.

La Chambre devrait savoir que la commission a tenu plus de250 jours d'audiences. Elle a entendu plus de 350 témoins, dont près de la moitié étaient des victimes.

Le compte rendu des témoignages fait plus de 40 000 pages. Les pièces justificatives font plus d'un demi-million de pages. La date limite imposée à la commission pour achever ses travaux a été étendue non pas une fois, non pas deux fois mais trois fois et la commission dispose d'un budget de plus de 15 millions de dollars.

C'est nous, alors que nous formions l'opposition, qui avons réclamé une enquête judiciaire dans l'affaire du sang contaminé. Je suis heureux que le juge Krever préside cette enquête et, comme toutes les provinces et tous les intéressés, j'attends avec impatience ses conclusions.

* * *

L'IMMIGRATION

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, le Parti réformiste préconise généralement une réglementation beaucoup plus serrée sur l'immigration de réfugiés. On dirait qu'il a changé de cap, car il s'inquiète du fait que nous ayons imposé des restrictions.

Malgré tout, beaucoup d'habitants de ma propre circonscription m'ont fait part de leurs préoccupations. Il y a beaucoup d'immigrants et de réfugiés dans la région.

La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration pourrait-elle préciser le règlement qu'elle a imposé récemment concernant les réfugiés?

(1450)

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, les commentaires du porte-parole du Parti réformiste m'ont également étonnée. J'en déduis qu'à partir de maintenant, le Parti réformiste appuie notre programme d'admission des réfugiés.

Le Canada a toujours répondu généreusement aux habitants de partout dans le monde qui traversent une période de crise. Nous n'avons jamais, par le passé, imposé de quotas en matière d'immigration. Nous n'avons pas l'intention de le faire à l'avenir.

Au contraire, la nouvelle catégorie de personnes sélectionnées à l'étranger à des fins de rétablissement nous donnera plus de moyens de combler les besoins d'éventuels immigrants. Cette nouvelle façon de faire nous permettra d'être plus généreux que par le passé. Soyons fiers de cette nouvelle catégorie aux fins du rétablissement.

* * *

LE PATRIMOINE CANADIEN

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, Joe Thornley a joué un rôle majeur dans la campagne à la direction de la ministre du Patrimoine. Maintenant, la ministre semble le remercier avec l'argent des contribuables. J'ai des preuves que Thornley a reçu de ce ministère un marché de 30 000 $ dans le cadre du programme national de distribution de drapeaux.

Quelles connaissances spéciales a cet ami personnel de la ministre sur le drapeau canadien qui vaille qu'on lui attribue 30 000 $ pris à même l'argent des contribuables canadiens?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, tous les marchés conclus par mon ministère le sont en conformité des lignes directrices du Conseil du Trésor.

Si le député du Parti réformiste veut faire des accusations diffamatoires, je lui suggère de le faire en dehors de la Chambre, parce qu'il pourra alors faire l'objet de poursuites pour diffamation, comme il le mérite.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, je signale que Thornley n'a pas conclu un seul marché de services avec le ministère du Patrimoine avant l'arrivée de la ministre. Depuis que la ministre a été nommée à ce poste, en janvier 1996, Thornley a réussi à obtenir au moins quatre marchés représentant 60 000 $. Je remarque aussi que l'ami de la ministre est inscrit en tant qu'agent officiel du Parti libéral du Canada.

La ministre du Patrimoine croit-elle vraiment que ces marchés fédéraux attribués à son ami libéral aux bons filons, à son ami personnel, stimulera le patriotisme canadien?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je répète que tout marché attribué par mon ministère l'a été de façon tout à fait conforme aux lignes directrices du Conseil du Trésor.

Si le député a des accusations diffamatoires à faire, je lui suggère de sortir de la Chambre, en vrai parlementaire, et de les faire. Il pourra alors faire l'objet d'une action en diffamation. Il essaie de profiter de la protection accordée à la Chambre, mais il n'aurait pas cette chance s'il tenait des propos aussi diffamatoires à l'extérieur.


8909

[Français]

L'ENLÈVEMENT D'ENFANTS

M. Benoît Tremblay (Rosemont, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre.

Il y a maintenant quatre ans, Karim, le fils de Mme Micheline Tremblay a été enlevé par son ex-conjoint, qui le cache quelque part en Égypte. Mme Tremblay a multiplié les démarches auprès des autorités policières et judiciaires. Interpol a lancé un mandat d'arrestation contre l'ex-conjoint. L'ancien ministre des Affaires étrangères, M. André Ouellet, a promis, au début de 1996, un accord bilatéral avec l'Égypte qui aurait permis de rapatrier l'enfant. Pourtant, Mme Tremblay n'a revu son fils que durant trois heures et elle crie toujours au secours parce que rien n'a vraiment bougé.

Les membres de ce gouvernement qui aiment bien voyager avec Équipe Canada pour la promotion économique resteront-ils insensibles à un cas humanitaire aussi troublant? S'engagent-ils aujourd'hui à intervenir auprès du gouvernement égyptien pour assurer le retour de Karim au Canada?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, nous ne ménageons aucune susceptibilité pour parvenir à nos fins dans cette affaire. Nous suivons la situation de très près. Le ministre des Affaires étrangères a rencontré la mère et nous continuons à faire des démarches auprès du gouvernement égyptien.

La semaine prochaine, un fonctionnaire de notre ministère se rendra au Caire pour poursuivre le dialogue et pour essayer de mener l'affaire à bien.

On me dit également que l'affaire doit passer devant un tribunal égyptien cette année.

[Français]

M. Benoît Tremblay (Rosemont, BQ): Monsieur le Président, chaque fois que le gouvernement est interpellé sur cette question depuis 1993, la réponse est toujours la même. On nous promet un accord, on nous promet des efforts et le gouvernement semble s'agiter chaque fois qu'un enlèvement suscite une tempête médiatique, mais il n'y a jamais de résultat concret.

(1455)

Ma question est simple et elle s'adresse à la vice-première ministre. S'engage-t-elle à signer un accord avec l'Égypte d'ici à la tenue des prochaines élections et s'engage-t-elle à assurer le retour de Karim au Canada?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, apparemment les autorités égyptiennes n'auraient confirmé que récemment que le fils de Mme Tremblay se trouvait bien en Égypte.

Le tribunal saisi de cette affaire lui a accordé le droit de visite. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour mener cette affaire à bien aussi rapidement que possible afin que la mère et le fils puissent être réunis.

* * *

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

Ce matin, devant la commission d'enquête sur la Somalie dont les jours sont maintenant comptés, le major Vince Buonamici a accusé le gouvernement d'avoir camouflé un geste qui fut au moins un homicide involontaire coupable, sinon un homicide coupable. Il a déclaré qu'il existait une conspiration de haut niveau en vue de faire obstruction à l'enquête sur cet assassinat par balle et que cette obstruction a presque certainement causé la mort de Shidane Arone.

Si le ministre est déterminé à mettre fin à l'enquête sur la Somalie, comment entend-il aller au fond de ces incroyables allégations?

L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le député sait très bien que, depuis le début de l'enquête et surtout depuis que je suis ministre de la Défense nationale, je n'ai jamais commenté les témoignages des témoins comparaissant devant la commission d'enquête, parce que c'est aux commissaires qu'il appartient de formuler des recommandations.

Je sais que le député a tout aussi hâte que moi de voir ces recommandations. Le gouvernement a accordé une troisième prolongation à la commission d'enquête en lui demandant de faire rapport au plus tard à la fin de juin et il est certain que la commission traitera de cette question dans son rapport.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, soyons parfaitement clairs sur la conduite du gouvernement.

Un Somalien a été abattu par une balle dans le dos. On a tenté de camoufler l'affaire. On a conspiré en hauts lieux pour retarder l'enquête. Ce retard a causé la torture et la mort de Shidane Arone. Les militaires ont ensuite détruit, déchiqueté et modifié des documents afin de garder le secret. Et maintenant, le ministre de la Défense veille à ce que le camouflage se poursuive afin que les Canadiens et les Somaliens ne découvrent jamais la vérité.

Pourquoi le ministre est-il si déterminé à cacher la vérité au sujet du camouflage mis en oeuvre aux plus hauts niveaux du quartier général de la Défense nationale?

L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, nous avons commencé le 15 mars 1995 à tenter de déterminer ce qui s'est produit en Somalie lors de l'incident dont fait état le député.


8910

Les commissaires ont eu presque deux ans pour convoquer toute une panoplie de témoins et pour choisir ceux qu'ils voulaient entendre.

Le témoignage dont parle le député a été entendu cette semaine, comme il l'a précisé lui-même. Rien n'empêchait cette personne de témoigner il y a un an et demi. Les commissaires savaient parfaitement bien où en étaient les gens chargés de l'enquête sur les incidents.

Nous n'allons pas contredire le chef du troisième parti qui a déclaré, en septembre 1996:

Monsieur le Président, pour garantir qu'il n'y ait pas de camouflage dans l'enquête sur l'affaire somalienne, le premier ministre est-il disposé à donner à la Chambre l'assurance que les résultats de l'enquête seront intégralement rendus publics avant les prochaines élections?
Je fais de mon mieux.

* * *

L'EMPLOI

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

De nombreuses personnes de ma circonscription ont du mal à trouver du travail. Certaines se plaignent de ne pouvoir trouver quelque chose que par l'intermédiaire d'agences de placement temporaire. Il leur est difficile de faire vivre leur famille avec un salaire de travailleur à temps partiel. Beaucoup se demandent si, dans les conditions actuelles du marché du travail, les centres de Ressources humaines Canada ont encore leur raison d'être.

Est-ce que le ministre a des suggestions en ce qui concerne les services de ces centres pour les nombreux Canadiens qui cherchent du travail pour vivre et faire vivre leur famille?

(1500)

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Je remercie le député de son excellente question. Nous sommes très préoccupés par le haut niveau de chômage.

Comme vous le savez, monsieur le Président, la nature du travail évolue beaucoup en ce moment. Il est de plus en plus difficile de s'adapter aux besoins. En tant que gouvernement c'est une chose que nous essayons très fort de faire.

Les agences de placement sont utiles dans un certain nombre de circonstances et nous avons eu de bons résultats avec celles avec lesquelles nous avons travaillé.

Je voudrais que les Canadiens et la Chambre sachent que les centres d'emploi de Développement des ressources humaines Canada fonctionnent toujours très bien et que nous avons un certain nombre de programmes importants. Un des éléments est de réinvestir 800 millions de dollars dans des mesures actives. Nous avons des programmes qui ont eu beaucoup de succès pour aider les Canadiens à trouver du travail.

Le nouveau système électronique qui apparie employeurs et demandeurs d'emplois à un taux de succès extraordinaire de 80 p. 100. Nous donnons toujours des services personnels à ces gens. La banque d'emplois qui apparie les employeurs et les demandeurs d'emploi est assez efficace également.

* * *

LES CHEMINS DE FER

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, ces dernières semaines, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire dit craindre que les problèmes survenus dans le transport du grain, cet hiver, ne se soldent par une perte globale de quelque 65 millions de dollars pour les agriculteurs. Par ailleurs, le gouvernement ne voit rien de mal à accepter qu'on approuve de nouvelles augmentations des tarifs marchandises qui totaliseront 15 millions de dollars.

Le ministre des Transports peut-il justifier cette mesure qui récompense les compagnies ferroviaires de leur piètre performance et leur permet de s'enrichir encore davantage aux dépens des agriculteurs qui travaillent fort?

L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le député a oublié que bien des facteurs interviennent dans le calcul de la déduction pour amortissement en ce qui concerne les tarifs marchandises versés par les céréaliers. C'est l'Office des transports du Canada qui s'en occupe.

Je signalerai au député que des rajustements à la baisse ont accompagné les améliorations enregistrées sur le marché financier, notamment le rajustement dont il a parlé, qui est fonction du risque lié à l'actuel réseau de transport du grain et aux compagnies ferroviaires elles-mêmes.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune d'un homme dont la réputation n'est plus à faire, non seulement dans cette enceinte, mais également dans le monde entier, un récipiendaire du Prix Nobel de la paix, l'ancien président de la république de Pologne, M. Lech Walesa.

Des voix: Bravo!

* * *

(1505)

LA QUESTION DE PRIVILÈGE

LE PROJET DE LOI C-46

Le Président: Ce matin, le député de Hamilton-Wentworth a soulevé la question de privilège et exposé le motif de ses préoccupations. Le Président a alors dit que la présidente du comité mis en cause répondrait ou apporterait des éclaircissements.


8911

Je vais maintenant donner la parole à la députée de Windsor-Sainte-Claire, qui veut revenir sur la question de privilège soulevée ce matin. Est-ce exact?

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Oui, monsieur le Président.

Ce matin, le député de Hamilton-Wentworth a soulevé la question de privilège au sujet des activités du Comité permanent de la justice et des affaires juridiques. Il a soutenu que le comité avait interprété faussement le paragraphe 108(2) du Règlement et, ce faisant, avait violé ses droits de député.

Par une motion adoptée sur présentation d'un rapport de notre sous-comité de la procédure, notre comité directeur, les membres du Comité de la justice et des affaires juridiques, que je préside, ont accepté à l'unanimité que nous entamions l'étude d'une question qui fait maintenant l'objet du projet de loi C-46, étudié par la Chambre à l'étape de la deuxième lecture. Cette mesure vise à modifier le Code criminel relativement à la production de documents dans les causes d'infractions sexuelles.

Le député élève des objections et soutient qu'il a été porté atteinte à ses privilèges. Je n'avais pas été prévenue de ses objections ce matin, mais j'ai la transcription de ses observations. D'après cette transcription, ses allégations semblent reposer sur les faits suivants. Tout d'abord, il a exprimé de graves réserves au sujet de la teneur du projet de loi et, deuxièmement, il veut rester à la Chambre pendant le débat et en même temps poser des questions au cours des séances du comité. Il dit qu'il ne pourra poser ses questions que lorsqu'il aura entendu tout le débat.

À l'appui de sa position, il soutient que rien, au paragraphe 108(2) du Règlement, ne nous autorise à discuter de la teneur du projet de loi dont la Chambre est saisie, à en délibérer ou à l'examiner. Il soutient aussi, dans un argument qui me semble tenir de la tautologie, que le projet de loi est la teneur du projet de loi et vice-versa. On tourne en rond.

En guise de réponse, je dirai que, en juin 1985, le rapport McGrath a proposé que davantage de pouvoirs soient accordés aux comités des Communes, et c'est ainsi que le paragraphe 108(2) du projet de loi a été adopté. C'est une tentative réussie de donner plus de pouvoirs aux comités en leur permettant de bien maîtriser la façon de faire de même que le sujet à l'étude. Outre l'étude des questions qui leur sont renvoyées par la Chambre, les comités peuvent aussi entreprendre de leur propre initiative d'autres tâches qu'ils estiment importantes.

Dans ce cas particulier, l'ordre du jour est très chargé. L'ordre du jour du Comité de la justice est probablement le plus chargé de tous les comités de la Chambre. Nous voulions jeter un coup d'oeil sur les initiatives de politique qui sont désormais contenues dans le projet de loi C-46 et que nous avions résolu d'étudier en priorité. Parce que le comité est très occupé, il a fallu établir un ordre de priorité dans les sujets à étudier. La priorité est allée au projet de loi C-55 sur les délinquants dangereux, dont il a été fait rapport la semaine dernière. Le comité a alors voulu étudier le projet de loi C-46 qu'il voyait venir.

Le sujet du projet de loi C-46 a beaucoup attiré l'attention, suscitant lettres et réactions des Canadiens. Tous les partis représentés au comité, y compris celui dont les membres m'interpellent bruyamment à l'heure actuelle, avaient convenu à l'unanimité que le sujet de ce projet de loi était hautement prioritaire.

L'alinéa 108(1)a) nous autorise à nous réunir pendant que la Chambre siège. Je tiens à le signaler parce que c'est là une des objections du député.

(1510)

Le paragraphe 108(2) autorise les comités à faire une étude et à présenter un rapport sur toutes les questions relatives au mandat-et je paraphrase-des ministères qui nous sont confiées, y compris le ministère de la Justice qui est la première source de notre programme législatif à l'heure actuelle.

Dans le commentaire figurant à la page 324 du Règlement annoté, on affirme ceci:

Les comités permanents sont maintenant autorisés par la Chambre à faire des études et à présenter des rapports sur tous les aspects des ministères qui leur sont confiés[. . .] l'article 108(2) accorde aux comités permanents un mandat d'application générale qui leur permet d'examiner toute question relative aux ministères concernés, et dont ils jugent l'étude nécessaire et légitime.
C'est exactement ce que nous faisons.
Avec le mandat qui tire à sa fin et sachant que l'ordre du jour serait très chargé, les membres du comité ne peuvent vraiment pas nous permettre aucun temps d'inactivité et c'est pourquoi nous avons établi un ordre de priorité dans les sujets à l'étude.
Les initiatives de politique contenues dans le projet de loi C-46 constituent un sujet que nous avons unanimement résolu d'étudier en priorité. Il y a des précédents à cet égard. Le Comité des finances a été le premier à faire cela au cours de la dernière législature et notre comité l'a fait pour les projets de loi C-45 et C-110. Je crois comprendre que le Comité des transports a aussi étudié des questions de cette façon.
Le député veut entendre le débat, puis aller au comité et interroger les gens. Soit. Cela peut se faire de la façon suivante. D'abord, il a accès presque immédiatement aux bleus. J'ai eu les bleus de sa motion avant midi, aujourd'hui. Il a accès au hansard. Les mémoires du comité sont publics et il y a accès. Les listes des témoins sont publiques et il y a accès. Comme tous les députés qui les ont demandés, il a accès aux mémoires des hauts fonctionnaires ministériels. Tout cela peut l'aider à se préparer pour le travail au comité.
Le paragraphe 108(2) autorise, à mon sens, les membres du comité à faire ce que nous faisons. Vraiment, nous veillons seulement à maîtriser notre destinée et à déterminer l'ordre de priorité et la nature de nos travaux.
Je voudrais remercier le vice-président de m'avoir fait part de cet avis de motion et de m'avoir donné la possibilité de prendre la parole.
[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je suis vice-président du Comité de la justice et des questions juridiques.

Ce que la députée mentionne au sujet de la façon dont on a procédé est vrai. Cependant, je pense que la députée a soulevé une question extrêmement importante sur la façon de procéder. Il vaudrait la peine que la Présidence rende une décision très éclairée sur cette question pour qu'on puisse l'utiliser ultérieurement.

Lorsque j'ai donné le consentement, en comité, de procéder ainsi, je connaissais fort bien le sujet, le projet de loi C-46, les conséquences et également la rapidité avec laquelle on voulait l'adopter, compte tenu que c'est un projet de loi qui, de part et d'autre, faisait l'unanimité quant à son objet. On savait également qu'il y avait beaucoup de groupes de femmes, entre autres, et qu'il y

8912

avait des jugements à la Cour suprême du Canada qui avaient été rendus sur le sujet touchant le projet de loi C-46.

Tout cela a fait en sorte que, oui, en toute connaissance de cause, l'opposition a donné son accord pour procéder différemment de ce qui est prévu dans le Règlement. Où je voudrais qu'on éclaircisse véritablement-et c'est votre travail, je pense, monsieur le Président-c'est que je ne suis peut-être pas tout à fait d'accord avec l'interprétation que ma collègue fait relativement aux nouveaux pouvoirs des comités. Je pense qu'il y a un règlement. Le règlement nous dit que le comité, à la suite de la deuxième lecture, est saisi de ce projet de loi, qu'il entend des témoins, et tout cela.

Il y a deux questions auxquelles j'aimerais que vous répondiez. La première est celle-ci: quelle règle prévaut, en conformité du Règlement? Et la deuxième question à laquelle vous devrez répondre pour nous aider éventuellement dans les comités est la suivante: si les membres du comité permanent, dans le cas présent le Comité permanent de la justice et des questions juridiques, de façon unanime, s'entendent pour procéder différemment de ce qui est prévu dans les règlements, est-ce qu'on peut le faire en toute légalité?

[Traduction]

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, sans vouloir me prononcer sur le bien-fondé de la question de privilège, j'ai cru bon, puisque la députée de Windsor-Sainte-Claire a mentionné la réforme McGrath, d'intervenir très brièvement en ma qualité de dernier membre survivant du comité McGrath.

La réforme McGrath ne visait certainement pas la réalisation de plusieurs travaux simultanément. En fait, l'ensemble de la réforme et de la réorganisation des travaux de la Chambre, des comités, et cetera, avait pour but d'éviter les situations où la Chambre et un comité seraient tous deux saisis de la même question en même temps.

(1515)

Les comités sont encore maîtres de leur destinée ou du moins devraient l'être, si nous pouvions changer la culture politique afin que les partis ne dirigent plus les travaux des comités.

Du point de vue technique, la députée a raison. Je voulais simplement signaler que la réforme McGrath avait pour but d'éviter que certains travaux se fassent simultanément.

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, je serai bref. Je veux remercier le député de Hamilton-Wentworth qui a soulevé la question de privilège.

Lorsque vous étudierez la question, monsieur le Président, je vous demande de tenir compte du fait que cela touche tous les députés de la Chambre même si la question de privilège n'a été soulevée que par un seul élu, le député de Hamilton-Wentworth.

Le Président: Le député est intervenu ce matin. Il a soulevé la question de privilège. A-t-il quelque chose de nouveau à ajouter à ce qu'il a dit ce matin?

M. Bryden: Non, monsieur le Président.

Le Président: Je crois que je saisis l'essentiel de la question. Naturellement, vous me permettrez de prendre le temps nécessaire pour examiner tout ce qui a été dit, y compris les renseignements fournis par le député de Hamilton-Wentworth.

J'examinerai tout ce qui s'est dit aujourd'hui. J'étudierai les précédents et tenterai de vérifier ce qui s'est produit, ce que visait le rapport McGrath et, au besoin, je me pencherai sur les deux questions soulevées par le député de Berthier-Montcalm.

Cela me permettra, du moins je l'espère, de mieux comprendre ce qui s'est produit et de découvrir la voie que nous devrions emprunter à l'avenir.

Je ferai rapport à la Chambre dès que j'aurai examiné tous les faits qui m'ont été présentés et les résultats des recherches que je mènerai.

______________________________________________


8912

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-66, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I), la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence, soit lu une roisième fois et adopté.

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, en traitant du projet de loi C-66, nous devons savoir quel est son objectif. Le gouvernement tente de modifier en quelque sorte le cadre de la négociation collective.

Je tiens à souligner que, parfois, on comprend mal la position du Parti réformiste à l'égard de la négociation collective. Il conviendrait maintenant de la préciser clairement.

Nous estimons que la négociation collective constitue un moyen équitable d'atteindre des résultats pour que le travail effectué dans l'industrie ou dans la fonction publique soit rémunéré à sa juste valeur et que, par ailleurs, la direction soit traitée équitablement et puisse continuer d'exercer ses activités ou que la population puisse s'offrir les résultats de la négociation collective.

Nous estimons également que la négociation collective comprend le droit de grève, qui devrait faire partie intégrante du processus. Je dois aussi dire que, dans des circonstances normales, il s'agit là des conditions à réunir lorsque la direction et les employés désirent négocier. Les deux parties doivent pouvoir négocier et


8913

participer activement, et être bien représentées à la table des négociations.

Ce qui préoccupe vivement mes collègues et moi au sujet du projet de loi, c'est qu'il existe des circonstances qui ne sont pas normales. Les personnes qui doivent payer pour les résultats du processus de négociation collective ne sont pas présentes à la table des négociations. Nous croyons qu'on doit prendre des mesures pour protéger leurs intérêts et leurs droits lorsqu'ils ne sont pas là pour se défendre.

(1520)

Comme l'ont dit très clairement à la Chambre les députés de Kindersley, d'Alberta, de Végréville et de Wetaskiwin, on ne traite pas de façon équitable, dans le cadre du processus de négociation collective, les agriculteurs, les producteurs de grain et d'un éventail de produits agricoles, y compris la luzerne et le foin qui sont expédiés sur le marché international et qui sont très demandés parce qu'ils sont des produits de qualité. Nous croyons qu'il faut prendre des mesures pour protéger leurs droits.

À quelle solution sommes-nous arrivés? Nous devrions examiner sérieusement la possibilité d'avoir recours à l'arbitrage des propositions finales. Nous avons soumis cela à la Chambre. Nous avons dit que, de cette façon, la trentaine de syndicats représentés dans le transport des produits de l'exploitation agricole jusqu'au port et dans le chargement des navires ne pourraient déclencher une grève et empêcher que le grain puisse parvenir au port à temps et le faire expédier sur le marché international. Nous connaissons les résultats d'une grève à cause de ce qui s'est produit en janvier et février 1997, alors que notre grain n'a pu atteindre la côte, ce qui a entraîné des coûts importants pour les agriculteurs.

M. Hehn, de la Commission canadienne du blé, a déclaré que la dernière interruption du trafic ferroviaire sur la côte avait coûté aux agriculteurs, selon ses calculs, au moins 65 millions de dollars. Cependant, il y a fort probablement de nombreux coûts directs et indirects qui n'entrent pas dans ce chiffre de 65 millions de dollars. On pourrait plus vraisemblablement atteindre les 100 millions de dollars. C'est un coût important.

Si on prend l'exemple de l'Alberta, cette somme signifie que chaque agriculteur recevrait un chèque d'au moins 14 $ l'acre sur ces 100 millions de dollars. J'ai participé à l'administration de tout un éventail de programmes qui permettaient d'offrir des chèques aux agriculteurs de l'Alberta, une somme de 100 millions de dollars divisée par le nombre d'acres que représente environ ce montant.

Si on examine cela en fonction des coûts de carburant pour faire fonctionner le matériel d'irrigation, qui est d'environ 19 $ à 20 $ l'acre, une somme de 14 $ constitue une perte importante pour cet agriculteur. Pour ce qui est des engrais, qui coûtent entre 30 $ et 60 $ l'acre ou plus dans certains cas, par exemple pour les cultures spécialisées, ce montant de 14 $ ou 15 $ représente une perte importante pour l'agriculteur.

Nous pourrions également parler des taxes et des coûts de carburant qui varient entre 10 $ et 15 $ l'acre. On prend cet argent aux agriculteurs, on le gaspille et, dans bien des cas, on le verse en frais de surestarie qui s'élèvent, comme nous le savons tous, à environ 10 000 $ par navire. Au cours des deux dernières semaines, il y avait quelque 32 navires qui tournaient autour du port de Vancouver et on a versé 320 000 $ par jour à ces bateaux. Ces gens ramènent cet argent dans leur port d'attache qui n'est certes pas au Canada, et tout cet argent est perdu pour l'économie canadienne. Il est tout simplement inacceptable que cela se produise dans la collectivité agricole.

Il faut faire quelque chose à ce sujet. Nous avons proposé comme solution le recours à l'arbitrage des propositions finales.

Dans le projet de loi C-66, on parle des exploitations agricoles, mais, comme d'habitude, ce secteur est relégué au bas de la liste. On en fait mention en ce qui concerne les arrêts de travail et lock-out qu'on pourrait régler dans le cadre du processus relatif au secteur céréalier.

(1525)

Il faut bien comprendre ce que cela veut dire. Si le blé est rendu au port quand la grève éclate, le blé doit alors rester dans la cale du navire. Que dire de tous les autres syndicats qui interviennent entre la ferme et la cale du navire? Ils peuvent interrompre l'acheminement du grain vers le marché, ce qui, comme je le disais tout à l'heure, ferait perdre beaucoup d'argent à l'industrie. Il faut faire quelque chose à ce sujet.

Nous avons, en outre, proposé à la Chambre que le gouvernement règle le cas de la Commission canadienne du blé. Il conviendrait d'envisager l'instauration d'un système de commercialisation double, qui remplacerait le système à comptoir unique dont on se sert actuellement au Canada, et plus particulièrement dans l'Ouest. En vertu de cette loi spéciale que l'on appelle la Loi sur la Commission canadienne du blé, les producteurs canadiens doivent se comporter comme des producteurs, mais ils ne peuvent pas commercialiser leurs produits sans passer par la Commission canadienne du blé. Cela cause des problèmes.

Si l'on établit un rapport entre le projet de loi C-66 et la commercialisation du grain, le problème qui se pose est de taille. Nous vendons notre blé à des syndicats, la Commission canadienne du blé assurant la supervision d'ensemble. Or, la commission joue un rôle déterminant quand vient le temps de nous dire quel service ferroviaire est disponible et de combien de wagons on dispose pour transporter notre grain d'un bout à l'autre du pays en vue de son expédition sur le marché international dans la cale de navires. Ce genre d'intervention ne laisse pas le marché décider, puisque les producteurs ne peuvent pas utiliser ce genre de système sans l'intervention du gouvernement.

Il y a donc une intervention secondaire, qui est primaire dans un certain sens. Par conséquent, dès lors qu'un des syndicats ouvriers fait la grève, cela se répercute sur les producteurs parce que ceux-ci sont les intermédiaires par lesquels notre grain est acheminé entre la ferme et le bateau. L'accès à des moyens détournés, en passant par les États-Unis, en ayant recours au transport par camion ou par d'autres moyens, est limité en raison de l'obligation de passer par la Commission canadienne du blé. C'est en fait un genre d'ingérence


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dont on se passerait volontiers. Raison de plus pour instaurer un système de commercialisation double pour le grain de l'Ouest.

Comme producteur indépendant, si je le voulais, je pourrais faire transiter ma production par le Montana jusqu'à l'État de Washington en faisant appel à des installations de la côte ouest et, à partir de là, faire affaire avec des installations américaines. À l'heure actuelle, je ne peux pas le faire. Dès que j'essaie de le faire, la Commission canadienne du blé intervient. Cela nuit au fonctionnement du libre marché.

D'aucuns soutiennent que tous les producteurs n'auraient pas accès à ce genre d'installations. Ils pourraient former des coopératives, s'ils le voulaient, ou, si le cadre législatif s'y prêtait, ils pourraient se constituer en société. Ils peuvent vendre leurs produits par l'intermédiaire des syndicats du blé de l'Alberta ou de la Saskatchewan, d'autres unions de producteurs de grain ou d'autres organismes de commercialisation du grain. Ils peuvent négocier des contrats avec des vendeurs de grain privés, de sorte qu'ils seraient au courant des options et des possibilités à exploiter.

Le gouvernement a-t-il vraiment fait quelque chose? A-t-il recherché une solution nouvelle? Non. Il a protégé le vieux système. Il a déclaré: «Nous allons donner un léger coup de coude au processus de négociation collective. Nous allons intervenir un peu dans les activités portuaires. Nous allons intervenir auprès d'un groupe syndical, celui des débardeurs.» Mais cela ne règle pas le problème. La loi sur le travail ne fait rien pour régler le problème de taille que confronte le Canada. Le gouvernement ne s'y attaque pas du tout.

Pourquoi le gouvernement ne cherche-t-il pas des solutions de rechange? D'ailleurs, peut-on s'attendre que le gouvernement étudie des solutions de rechange? Les libéraux veulent préserver le statu quo. Ils veulent surtout ne rien changer. Ils gardent la tête basse et leur unique ambition dans la vie consiste à conserver le pouvoir politique qui leur confère de l'autorité-apparemment pour diriger le pays-, mais cela n'a rien à voir avec de nouvelles idées ou options, des solutions de rechange et des tentatives pour trouver des façons de faire qui soient plus progressives et positives.

(1530)

Le ministre de l'Agriculture a cherché à résoudre le problème concernant l'expédition du grain des fermes en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba vers la Colombie-Britannique et jusqu'aux ports.

Qu'est-ce qu'il a fait? Il a réagi instinctivement à un problème, qui avait atteint des proportions de crise quand il a décidé de tenir une réunion à Calgary. Il a convoqué à une table ronde les entreprises céréalières, les responsables, les sociétés céréalières, le CPR, le CNR et divers agents d'expédition. J'espère qu'il a invité des agriculteurs, mais j'en doute. Il n'a pas oublié les fonctionnaires et tout ce monde a discuté du problème.

La seule conclusion à laquelle ils en sont arrivés c'est qu'il y avait une crise et que six semaines allaient s'écouler avant que le transport du grain ne reprenne. Dans l'intervalle, les agriculteurs ont perdu des millions de dollars.

Pourquoi n'ont-ils pas trouvé de solutions? Pourquoi le ministre n'est-il pas revenu à la Chambre en disant qu'il s'occuperait de ce problème et trouverait des solutions?

Quelles sont ces solutions? Il est temps que les agriculteurs cessent d'être les seuls à subir des coups de la part du gouvernement, des syndicats, de la gestion et de ceux qui sont chargés d'acheminer son produit jusqu'à la côte. Il est temps que quelqu'un d'autre commence à payer, notamment les sociétés céréalières et la gestion.

Lorsqu'il y a un ralentissement ou un arrêt dans l'acheminement du grain, il faut que les sociétés céréalières et la gestion commencent à payer, parce qu'elles ne sont pas assez alertes pour empêcher de telles situations de se produire. Il est temps que la Commission canadienne du blé soit ferme. Encore une fois, elle se sert de l'argent des agriculteurs pour payer ce service. Celle-ci n'assume pas une partie des coûts, alors qu'elle devrait le faire.

Le gouvernement canadien a aussi une responsabilité parce que, à l'heure actuelle, les seuls représentants des agriculteurs à la table des négociations-et souvent à titre très officieux-ce sont le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et le ministre du Travail. Ceux-ci devraient être tenus responsables. S'ils agissent au nom d'autres contribuables de ce pays et que les agriculteurs perdent de l'argent, ces ministres devraient assumer une partie des coûts liés à ces pertes. Il est temps d'appliquer la notion de responsabilité à d'autres qu'aux seuls agriculteurs. Il est temps que les agriculteurs cessent de devoir assumer tous les frais.

Il y a un autre groupe important qui s'en tire impunément. Je fais allusion aux débardeurs, qui font partie de divers syndicats ouvriers. Ils font la grève. La plupart des débardeurs qui travaillent sur la côte n'ont jamais été dans une ferme. Ils ne sont même pas conscients des problèmes qu'éprouvent les agriculteurs. Nous payons les salaires de ces personnes, mais nous n'avons pas un mot à dire au sujet de leur rémunération ou de leurs actions. Lorsque ces débardeurs se mettent en grève, ils devraient payer les frais supportés par les agriculteurs. Ces derniers, qui sont les producteurs au pays, ne devraient pas être les victimes de telles situations.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté le député de Lethbridge qui a certainement beaucoup d'expérience dans le secteur agricole de même qu'une expérience considérable dans le domaine législatif.

J'attire son attention sur une observation que le secrétaire parlementaire a faite le 3 mars, telle que consignée au hansard:

Je vais maintenant aborder les dispositions touchant le grain. Le grain a été déclaré à l'avantage général du Canada. Il s'agit d'une industrie de plusieurs milliards de dollars qui exporte dans plus de 70 pays. Le gagne-pain de 130 000 agriculteurs et de leur famille dépend. . .
Je ne veux certes pas diminuer le moindrement l'importance de l'agriculture pour l'économie canadienne, mais lorsqu'un projet de loi modifiant le Code canadien du travail stipule que le grain qui arrive au port sera chargé, cela revient à demander aux débardeurs de franchir les lignes de piquetage dressées par d'autres syndicats afin d'aller charger ce grain.


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(1535)

Quand on établit une distinction à l'égard du grain, que l'on dit «déclaré à l'avantage général du Canada», on pourrait en dire autant à l'égard de presque tous les autres principaux produits d'exportation du Canada, comme la potasse, les produits pétrochimiques et les produits forestiers.

Le député de Lethbridge pourrait-il nous dire ce qu'il en pense?

M. Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, nous devrions adhérer au principe fondamental voulant que toutes les parties concernées de quelque façon que ce soit par le processus de négociation collective ont le droit d'être présentes à la table de négociation. Ce principe fondamental devrait valoir pour le secteur agricole, pour le secteur de la potasse aussi bien que pour les autres secteurs que le député a mentionnés. Ces secteurs devraient avoir le droit d'être représentés à la table.

Dans mon intervention, j'ai dit que ce n'était pas ainsi que les choses se passaient actuellement. Cela a été une faille importante dans le Code canadien du travail depuis aussi longtemps que je fais de la politique. C'est une question que j'ai abordée à l'assemblée législative de l'Alberta et avec les précédents ministres fédéraux de l'Agriculture. Je leur ai dit qu'ils devaient remédier à ce problème.

En venant siéger à Ottawa, j'avais l'espoir que la nouvelle ministre du Travail, nommée à ce portefeuille juste avant l'arrêt de travail de 1994, tâcherait de régler ce problème. Le ministère a par la suite changé de titulaire, et le ministre actuel du Travail ne voit pas les choses de la même façon. C'est dommage, et maintenant le problème subsiste.

Nous entrerons bientôt dans la prochaine campagne électorale fédérale, et nous n'aurons probablement pas encore réglé le problème, qui devrait revenir sur le tapis au cours de la prochaine législature.

Le problème n'est pas encore réglé. Nous devrons encore nous y atteler d'une façon ou d'une autre. Je ne puis qu'espérer, en ces derniers jours où je siège à la Chambre, que quelqu'un qui écoute prendra le relais et se chargera de résoudre le problème. Il faudrait s'y employer le plus énergiquement possible dans l'intérêt de ceux qui ne sont pas représentés aujourd'hui, comme les agriculteurs, les producteurs d'un vaste éventail de produits ou les industries qui transforment les matières premières en d'autres produits commercialisables dans le monde entier. Il est absolument nécessaire qu'on leur donne un avantage et un sentiment de sécurité dans le processus de négociation collective.

M. Johnston: Monsieur le Président, je n'ai pas souvent l'occasion de poser une question à quelqu'un qui a autant d'expérience législative. Ce pourrait être ma dernière tentative en ce sens.

Mon collègue est un ardent défenseur du processus d'arbitrage des offres finales. Croit-il que l'arbitrage des offres finales soit, de quelque façon que ce soit, préjudiciable au processus de négociation collective? Ou croit-il que les lois imposant le retour au travail portent davantage atteinte au processus de négociation collective? Le député pourrait peut-être nous faire part de ses réflexions sur ces deux aspects et comparer les deux.

M. Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, j'ai répondu tout à l'heure, dans le cadre du débat, à une question semblable de la députée de Mercier.

Dans un premier temps, le processus de négociation collective vise à permettre à la partie patronale et au syndicat de négocier et de déployer tous les efforts possibles pour en arriver à une conclusion qui sera à la satisfaction des deux parties. C'est ce qui devrait se produire. Les parties devraient suivre le processus et prendre le temps nécessaire pour négocier de bonne foi et tenter d'arriver à un dénouement positif. L'arbitrage des offres finales ne change rien à cela.

(1540)

On a ensuite recours à la médiation. La médiation fait intervenir un tiers qui tente d'amener les parties à discuter de la question, simplement et de manière non coercitive. Le médiateur n'a pas le pouvoir d'ordonner quoi que ce soit. Cependant, cela s'inscrit toujours dans le processus de négociation collective et c'est excellent.

Arrive ensuite le moment où l'on peut recourir à l'arbitrage ou celui où les parties peuvent tenir un vote de grève ou décréter un lock-out. À ce moment-là, les tierces parties, les agriculteurs, les producteurs de potasse ou ceux qui veulent expédier leurs produits par train, doivent acheminer ceux-ci jusqu'à leurs marchés étrangers pour respecter leurs engagements, pour conserver la confiance de leurs clients et pour maintenir leur réputation sur les marchés. Lorsque le transport par rail est paralysé en raison d'une grève ou d'un lock-out, il vient un moment où quelqu'un qui n'est pas à la table des négociations est touché. Il faut donc résoudre rapidement le problème.

Tous les syndicats qui interviennent entre l'exploitation agricole ou l'usine de potasse et la côte doivent comprendre qu'il évoluent dans un contexte particulier. Si nous recommandons l'arbitrage des offres finales, c'est pour qu'un arbitre puisse rapidement intervenir. Les deux parties, parce qu'elles se sont employées à présenter une position finale, seront fort probablement très près de cela. Elles seront invitées à présenter leurs offres finales, et l'arbitre choisira l'une ou l'autre. Il n'y a alors pas de grève. Les travailleurs et la partie patronale doivent accepter la décision de l'arbitre, et le producteur principal, l'agriculteur-la tierce partie innocente-ne subit aucun préjudice.

C'est la solution logique.

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole sur le projet de loi C-66.

On a beaucoup parlé jusqu'à maintenant des céréaliculteurs et des problèmes avec lesquels ils sont aux prises dans le transport et le chargement de leur grain sur les bateaux. J'ai pensé qu'il serait intéressant d'avoir un son de cloche légèrement différent sur le projet de loi. Il s'agit d'une lettre d'un de mes électeurs, un certain


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Brian Coles, que j'ai reçue hier. C'est un débardeur qui a 32 ans d'expérience, notamment sur les quais de Vancouver.

Ma circonscription, celle de North Vancouver, donne sur le port. Il y a un important terminal à grain dans ma circonscription, de sorte que tous les habitants et les travailleurs de cette dernière sont touchés par les arrêts de travail au port.

M. Coles habite dans ma circonscription depuis 21 ans. Il m'a écrit pour me faire part de certaines de ses préoccupations du point de vue syndical. J'ai cru qu'il n'était que juste que je fasse état de la teneur de sa lettre.

Dans cette dernière, il dit que, depuis les années 60, il n'y a pas eu de négociations faites de bonne foi avec la BCMEA, que les lock-out et le refus de laisser les débardeurs faire leur travail ont toujours été un problème, même s'ils voulaient le faire. Il dit qu'ils ont même envoyé des émissaires au Parlement pour garantir que le grain serait manutentionné et qu'il ne serait pas nécessaire de recourir à une loi répressive. Toutefois, il estime que cela a toujours été en vain et que l'employeur a toujours eu gain de cause, ce qui a poussé le gouvernement à les obliger à retourner au travail. Cela le préoccupe.

Gardant à l'esprit que c'est le point de vue syndical, il estime que la BCMEA a toujours été davantage favorisé. C'est la main-d'oeuvre la plus productive au Canada. La BCMEA peut téléphoner n'importe quand et obtenir les services d'un ouvrier, d'un chauffeur, d'un aiguilleur, d'un conducteur de machine, d'un manoeuvre, d'un ouvrier, tout ce qu'elle veut, et elle a aussi le gouvernement comme allié.

(1545)

Il estime aussi que ses homologues à Montréal, les débardeurs qui ont fait la grève pendant trois semaines, ont obtenu plus qu'eux sur le plan des équipes de travail, des salaires et des avantages. Il dit qu'il vit dans un pays libre et démocratique, mais qu'il a l'impression que celui-ci est dirigé par les grosses entreprises et une dictature libérale. Il finit sa lettre en me demandant de clarifier ma position et la position du Parti réformiste sur toute cette question.

Il est important de signaler qu'il y a souvent une forte tension qui se crée entre les entreprises et les syndicats, chacun se croyant traité de façon injuste par le gouvernement du jour. C'est une des raisons pour lesquelles le député de Wetaskiwin a proposé 16 amendements au projet de loi. Nous croyions que ces amendements auraient contribué à clarifier et à améliorer le projet de loi, non seulement pour les compagnies et les syndicats, mais aussi pour beaucoup d'autres personnes qui sont touchées par cette mesure législative.

Il était important de donner aux syndicats et aux employeurs des mécanismes pour résoudre leurs différends. Il semble toutefois que le gouvernement soit plus intéressé à courtiser le Bloc québécois qu'à doter le pays de lois du travail équilibrées.

Nous sommes probablement tous d'accord pour dire que le système fédéral de réglementation du travail revêt un caractère unique parce qu'il n'y a habituellement pas d'autres moyens de transport pour amener les céréales jusqu'au port ou d'autres débardeurs pour charger les bateaux. Si notre situation est unique, nous avons besoin d'une solution unique pour chaque problème qui survient.

Le député de Wetaskiwin disait plus tôt que le Canada possède un système de transport de réputation internationale et une infrastructure de communications qui, lorsqu'elle fonctionne bien, nous permet d'assurer le transport du matériel. Toutefois, toute perturbation engendre des problèmes majeurs qui nous empêchent d'assurer le transport des marchandises, que ce soit du matériel de la société General Motors ou du grain à destination de la côte. Ce genre de situation a des conséquences graves sur les travailleurs de toutes les régions du Canada. En peu de temps, des travailleurs sont mis à pied, des entreprises subissent un contre-coup catastrophique et toute l'économie s'en ressent. Le gouvernement actuel, qui ne sait que taxer et dépenser, voit ses revenus diminuer et doit par conséquent emprunter aux frais de nos enfants et de nos petits-enfants.

J'ai lu la lettre de M. Coles plus tôt. J'ai précisé qu'elle correspondait à une approche syndicale. Les entreprises ont bien entendu leur propre point de vue. Ce genre de situation crée un problème unique lorsque des tensions se produisent entre la compagnie et le syndicat, que ceux-ci ne parviennent pas à régler leurs problèmes et s'acheminent vers une grève qui touchera l'ensemble du pays.

Je ne crois pas qu'une loi qui impose un règlement soit satisfaisante. Une solution imposée à l'une ou l'autre partie ne fait qu'engendrer de l'insatisfaction d'un côté ou de l'autre. Nous ne pouvons pas adopter des lois pour obliger les parties à entretenir de bonnes relations de travail. Le gouvernement peut cependant créer les conditions propices à un règlement, des conditions qui encouragent fortement les parties à poursuivre leurs efforts pour parvenir à un règlement. C'est principalement dans ce but que le Parti réformiste a proposé d'avoir recours à l'arbitrage des propositions finales dans ces cas.

Il ne s'agit pas de lier les mains à l'employeur et aux employés, mais de leur fournir une raison majeure de dialoguer en vue de parvenir à une solution, sans avoir à craindre l'intervention d'un médiateur dont les décisions ne seront peut-être dans l'intérêt d'aucune des parties.

On donne aux parties les moyens de résoudre leurs différends. On leur dit: «Écoutez, vous avez une chance de vous asseoir à la table et de négocier. Vous feriez mieux de présenter votre meilleure offre, parce que l'offre d'une partie ou de l'autre sera choisie, si l'on vous impose l'arbitrage des offres finales.»

Il y va de l'intérêt des travailleurs, des employeurs, des producteurs et des entreprises de transformation que ces conflits se règlent avec aussi peu d'intervention que possible de la part du Parlement. Il faut que l'affaire ait pris les proportions d'une crise pour que ça arrive. Ça s'est produit en 1994 quand la Chambre a siégé un samedi et un dimanche pour adopter un projet de loi, parce qu'il était essentiel pour les affaires du pays.

C'est dans l'intérêt de tous les Canadiens d'avoir des services essentiels fiables. Nous voulons garder les emplois de notre côté de la frontière et non pas les perdre au profit des États-Unis. Le port de Seattle est très proche de celui de Vancouver. Chaque fois qu'il y a un problème dans le port de Vancouver, peu importe la cause du problème, Seattle cherche à prendre la relève. Leurs vendeurs sont très agressifs quand il s'agit de nous enlever nos clients. C'est


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essentiel de garder ces emplois au Canada. Tout le monde est d'accord là-dessus. C'est pourquoi il importe que le gouvernement incite les intéressés à s'entendre, plutôt que d'employer la force. Comme je le dis toujours, il faut offrir des carottes et non employer le bâton. L'arbitrage des offres finales ne favorise pas une partie plus que l'autre. Cela donne les moyens aux parties de faire les offres les plus proches possibles, assez proches pour que l'autre partie puisse vivre avec la décision qui sera prise par l'arbitre.

(1550)

Ce n'est que lorsque le syndicat et l'employeur ne peuvent s'entendre et conclure une convention collective qu'ils soumettent conjointement au ministre le nom de la personne qu'ils recommandent en tant qu'arbitre. Le syndicat et l'employeur sont tenus de soumettre à l'arbitre une liste des questions sur lesquelles ils se sont entendus, de toutes les questions réglées. Il n'y a là aucun problème.

Ils soumettent ensuite une liste des points qui ne sont pas encore réglés. Pour ce qui est des questions litigieuses, chaque partie est tenue de faire une proposition finale de règlement.

Dans la plupart des négociations collectives menées dans le secteur privé qui ne relève pas du contrôle fédéral, l'employeur ou le syndicat dit qu'il a fait une proposition finale. Nous savons tous que souvent c'est faux, qu'il ne s'agit pas vraiment d'une proposition finale. C'est une sorte de menace. Quand la grève ou le lock-out est voté, il faut l'approbation du syndicat pour que la grève puisse avoir lieu. Cela permet de faire pression sur l'autre partie.

Comme il s'agit de l'arbitrage des offres finales, il faut vraiment que ce soit une offre finale. Chaque partie comprend ainsi qu'elle doit vraiment se concentrer ce qu'elle désire voir ressortir des négociations.

L'arbitre décide ensuite entre l'offre finale soumise par le syndicat et celle soumise par l'employeur. C'est tout l'un ou tout l'autre. La décision de l'arbitre lie les deux parties.

Ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est que de ce fait les parties sont encouragées à se rapprocher. Elles voudront vraisemblablement s'assurer qu'elles ont fait autant de compromis que possible avant de soumettre la question à l'arbitre.

Nous, réformistes, pensons qu'un processus de règlement permanent et équitable comme celui-ci doit être mis en place pour que le gouvernement n'ait plus aucun contrôle. Les deux parties au conflit choisiraient elles-mêmes leur arbitre. Elle auraient alors le plein contrôle de la position finale qu'elles soumettent à l'arbitre de leur choix. Aucun gouvernement n'interviendrait pour forcer l'une ou l'autre partie à accepter un règlement imprévisible.

Le risque que des Canadiens ne perdent leur emploi serait minimisé. Le risque qu'une entreprise ne déménage à Seattle ou dans un autre port aux États-Unis serait minimisé.

Nous ne pouvons permettre que la situation se détériore comme elle l'a fait par le passé. Des entreprises vont alors s'installer dans d'autres ports aux États-Unis où elles considèrent que la situation est plus fiable et ce, au détriment des ports de la Colombie-Britannique qui voient disparaître le fret et les emplois.

Ce gouvernement et celui qui l'a précédé ont prouvé qu'ils avaient l'habitude de réagir aux urgences au lieu de mettre en place un processus qui fonctionne vraiment et auquel on peut avoir recours à chaque fois que la situation devient urgente. Ils ont eu tendance à attendre que la crise éclate pour passer à l'action.

L'un des principaux avantages de l'arbitrage des propositions finales est que le système existe déjà. Il est déjà en place. C'est l'ultime étape du processus. Avec ce système, il n'est pas nécessaire de rappeler le Parlement d'urgence quand la crise atteint son paroxysme pour adopter une mesure au beau milieu de la nuit ou pendant le week-end. Il n'est pas nécessaire d'interrompre les travaux de la Chambre ni de déranger outre mesure le monde des affaires.

Il est important de souligner que nous ne proposons pas de mettre fin au processus de négociations collectives. Nous proposons de l'améliorer et d'inciter les parties à se rapprocher avant d'en venir à l'arbitrage.

(1555)

Malheureusement le ministre dit maintenant qu'il est opposé à l'arbitrage des propositions finales. Je suppose qu'il fallait s'y attendre. Peut-être s'y oppose-t-il pour la seule raison que l'idée vient du Parti réformiste.

C'est d'ailleurs tout à fait étonnant de voir combien de fois des idées excellentes qui nous sont proposées par le secteur des affaires ou par de simples Canadiens et que nous portons à l'attention de la Chambre sont rejetées par un ministre en dépit du fait qu'elles aient l'appui de nombreux ministériels. Que des idées de ce calibre puissent être rejetées par une ou deux personnes qui détiennent les leviers du pouvoir soulève certainement la question de savoir si cet endroit est vraiment démocratique.

Il y a plusieurs gros silos à grains dans ma circonscription et de ce fait, beaucoup de pigeons. Peut-être que les préposés au recensement devraient compter les pigeons dans ma circonscription au lieu de se promener et d'imposer des amendes à ceux qui n'ont pas rempli leur questionnaire de recensement. Ils seraient sans doute surpris. Un des avantages de la grève, c'est que le nombre de pigeons diminue, car ils manquent de nourriture pendant un certain temps.

Les expéditions de grain sont très importantes pour ma circonscription, mais d'autres marchandises sont aussi expédiées à partir du port. La potasse et le soufre sont expédiés en grandes quantités dans cette région, de même que les copeaux de bois. Il y a un vaste dépôt de soufre sur la côte nord et à Port Moody d'où l'on expédie aussi de la potasse, je crois. Par conséquent, les interruptions dans le transport touchent d'autres secteurs.

Je sais que bien des députés réformistes viennent de régions rurales où ils s'occupent des intérêts des agriculteurs; il a donc beaucoup été question de leurs intérêts durant le débat sur ce projet de loi. Cependant, lorsque l'activité portuaire cesse pour une raison quelconque, d'autres industries souffrent aussi.


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L'article 87.7 proposé dans le projet de loi garantit que le grain, une fois rendu au port, sera expédié, mais il n'existe aucune disposition assurant que le grain se rendra au port. À quoi bon une disposition stipulant que le grain sera obligatoirement expédié alors que rien n'assure sa livraison jusqu'au port? Voilà une lacune majeure du projet de loi; on peut se demander comment une telle mesure fragmentaire a réussi à se glisser dans ce texte. L'un des rédacteurs avait peut-être du mal à se concentrer lors de la rédaction du projet de loi.

Dans l'intérêt national, l'arbitrage des propositions finales aurait peut-être été un outil plus efficace pour assurer le transport du grain et des autres produits jusqu'aux marchés.

Nous savons que la technologie progresse tout le temps. Il y aura bientôt une autre génération de porte-conteneurs qui fera son apparition au nouveau terminal de Vancouver. Il faudra 15 trains avec des wagons portant deux étages de conteneurs pour le déchargement et le chargement d'un de ces navires. Cela représente un nombre impressionnant de wagons et un volume considérable de marchandises. Avec l'amélioration de la technologie, le grain peut être chargé rapidement et le port sera vide et désert avant l'expiration du délai de 72 heures pour la grève ou le lock-out, si nous devions rester dans les anciennes circonstances.

Le grain représente environ 30 p. 100 de l'activité du port de Vancouver. Il est donc important de le considérer au même titre que les autres denrées et marchandises.

Un groupe comme la B.C. Maritime Employers Association représente 77 sociétés d'exploitation des quais et terminaux et sociétés de manutention, à Vancouver et Prince Rupert. Ces sociétés craignent que la disposition concernant le grain n'aggrave une situation historiquement difficile dans le domaine des conflits de travail au port. Si les débardeurs peuvent continuer à gagner leur salaire en chargeant les navires, ils pourraient être moins prédisposés à mettre rapidement fin à une grève.

Les acheteurs de grain utilisent les ports des États-Unis, comme Seattle, parce qu'ils savent que le produit sera livré à la date prévue. Nous ne pouvons pas sous-estimer la menace de ports situés si près de Vancouver. Vancouver est maintenant le premier port canadien, et nous devons vraiment assurer sa stabilité et faire en sorte que nous respections nos promesses. Par conséquent, au fur et à mesure que nous supprimons les subventions, les agriculteurs ne sont plus réellement captifs des ports et des systèmes de transport canadiens. Les deux parties, employeurs et syndicats, doivent reconnaître que les agriculteurs ont de moins en moins de raisons de continuer à utiliser ces routes, surtout si elles ne sont pas fiables. Nous devons nous assurer que nous mettons en place quelque chose de fiable. L'arbitrage des offres finales apporterait une de ces certitudes.

(1600)

Je pourrais parler d'autres aspects plus en détail, mais je dois donc conclure pour donner aux députés le temps de me poser quelques questions sur les dispositions du projet de loi.

M. George Proud (secrétaire parlementaire du ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais commenter brièvement le passage du discours de mon collègue où il est question de l'homme qui lui a écrit une lettre au sujet du secteur du débardage. Il peut rassurer cet homme et lui dire que ce projet de loi répond à sa question.

Voilà des années que les débardeurs se plaignent de ce qu'ils aimeraient bien pouvoir faire du débardage pendant que les manutionnaires de céréales chargent les navires, mais que la BCMEA ou toute autre compagnie les en empêche. Ce cas est maintenant prévu dans le projet de loi. Cette mesure législative le permet. Dorénavant, les débardeurs pourront s'occuper des céréaliers.

Mon collègue de Wetaskiwin et d'autres ont beaucoup parlé du recours à l'arbitrage des propositions finales. Le syndicat et la direction s'accordent toutes deux pour qualifier cette formule de «bandit manchot» des relations patronales-syndicales. Or, le projet de loi n'impose ni arbitrage conventionnel ni arbitrage des offres finales. Il reconnaît expressément le droit des parties à y consentir, s'il le juge bon. Si c'est ce qu'elles souhaitent, qu'elles procèdent ainsi. Si c'est un aussi bon mécanisme de résolution que les députés d'en face l'affirment, les deux parties peuvent, bien sûr, y avoir recours.

Cela répond à la question de l'homme qui a écrit à mon collègue, du moins en ce qui concerne les débardeurs. Ils pourront maintenant se charger de ces activités.

M. White (North Vancouver): Monsieur le Président, j'ignore si je dois remercier ou non le député de son intervention, mais je peux certes répondre aux questions.

Il a déclaré que le projet de loi règle la question que mon électeur avait en tête lorsqu'il m'a écrit. Ce doit être un point de vue libéral du projet de loi. Je vais encore citer un passage de la lettre de mon électeur qui dit clairement ceci:

Je pensais vivre dans un pays libre et démocratique. Cependant, je crois qu'il est dirigé par la grande entreprise et une dictature libérale.
Je ne pense pas que mon électeur est persuadé que les libéraux ont agi dans son intérêt dans ce projet de loi. Ce n'est certes pas la façon dont il voit les choses.

Le député dit également que le projet de loi reconnaît la capacité des parties de s'entendre sur l'arbitrage des propositions finales, si elles le désirent. Beaucoup de faits montrent que, lorsqu'il y a des frictions entre une entreprise et son syndicat, quand le moment de la négociation d'un contrat approche, il n'est pas facile pour eux de s'entendre sur quoi que ce soit. Si, comme c'est généralement le cas, leur «offre finale» n'est pas vraiment finale, mais simplement une position de négociation conduisant à une proposition finale, on peut difficilement s'attendre à ce que les parties s'entendent sur l'arbitrage des propositions finales.

Si le gouvernement avait inscrit cela dans le projet de loi et si les parties savaient qu'il va y avoir un arbitrage des propositions finales à la fin du processus et que leur dernière offre va vraiment être la proposition finale, cela les encouragerait certes à s'assurer que leur dernière proposition est bien la bonne.


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En disant simplement aux parties qu'elles peuvent s'entendre sur l'arbitrage des propositions finales, si elles le désirent, on peut voir ce qui va se produire. Supposons que le syndicat présente vraiment sa proposition finale. Il sait qu'il ne peut bouger. Il dit alors à l'employeur qu'il aimerait avoir recours à l'arbitrage des propositions finales. Entre-temps, l'employeur a joué le jeu et soumis sa proposition finale qui n'en est pas vraiment une. Bien entendu, il ne veut pas accepter l'arbitrage des propositions finales. On peut voir le problème qui s'ensuit immédiatement.

L'inclusion de cette disposition n'est pas l'affaire à faire. Il faut carrément prévoir dans le projet de loi que le processus se termine avec l'arbitrage des propositions finales pour qu'on obtienne des propositions finales. Je pense que cela répond à la question.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, le député est sûrement bien au courant du port de Vancouver et de l'énorme quantité de marchandises qu'il reçoit pour les expédier dans divers pays du monde entier. Que pense-t-il du statut spécial que ce projet de loi confère au grain? À son avis, quelles en seront les conséquences pour d'autres produits qui sont certes importants pour la Colombie-Britannique et pour l'ensemble de l'économie canadienne?

(1605)

Les produits forestiers et les produits pétrochimiques entrent dans la même catégorie que le grain dans la mesure où ils ont des conséquences analogues pour l'économie canadienne et pour les produits à valeur ajoutée qu'ils créeraient.

M. White (Vancouver-Nord): Monsieur le Président, je remercie le député de soulever cette question. J'ai brièvement mentionné plus tôt le statut spécial qui est conféré au grain. Il est vrai que beaucoup d'autres produits passent par ma circonscription et sont chargés dans le port. Il a en mentionné quelques-uns, mais ceux auxquels je pense sont le charbon, le soufre, le bois, les produits du bois d'oeuvre, la potasse, les produits pétrochimiques et le grain.

Beaucoup d'électeurs m'ont demandé ce qui se passait et pourquoi ce projet de loi prévoyait une disposition spéciale pour un produit, alors que, pour une raison ou pour une autre, il fait abstraction des autres. Je ne peux pas conjecturer sur les motifs qui ont poussé le gouvernement à prendre cette décision, mais on a toujours l'impression que, puisque beaucoup de ces autres produits viennent de la Colombie-Britannique, le gouvernement s'en prend peut-être encore une fois à l'Ouest. Je ne devrais pas dire cela, car je suis sûr que ce n'est que par accident que le projet de loi a passé ces produits sous silence. Le gouvernement n'a tout simplement aucune idée de ce qui se passe dans le port et il ne s'est jamais rendu compte qu'il y avait également du charbon, du soufre, du bois, de la potasse, des produits pétrochimiques et une foule d'autres produits qui sont expédiés à partir de ce port, en même temps que le grain.

C'est manifestement une question qu'il faut examiner. Il est très déplorable que le gouvernement ne l'ait pas fait. Cela suscite un sentiment de frustration non seulement chez moi, mais également chez mes électeurs et, certes, chez les entreprises et les travailleurs de ma circonscription.

Je remercie beaucoup le député d'avoir signalé cette question à la Chambre.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais prendre la parole au sujet des modifications que le gouvernement propose d'apporter au Code canadien du travail en vertu du projet de loi C-66, modifications qui toucheront quelque 700 000 travailleurs d'entreprises sous réglementation fédérale.

Je m'oppose à cette mesure parce qu'elle s'attaque au mauvais problème. Aux yeux des ministériels, le problème à régler est celui des conflits de travail qu'il faut régler d'une manière précise. Il aurait été beaucoup plus profitable à long terme de régler le vrai problème, à savoir le fait qu'il existe des entreprises sous réglementation fédérale.

Permettez-moi de résumer mon argumentation. Premièrement, le rôle des syndicats est d'obtenir des salaires plus élevés pour leurs membres. Ils ont beau dire qu'ils ne recherchent que la sécurité d'emploi et d'autres petits avantages comme la réglementation du travail et la sécurité professionnelle, cela se traduit toujours par des avantages financiers. Essentiellement, les syndicats sont là pour veiller aux intérêts des travailleurs.

Il est vrai, par définition, que, si une entreprise en exploitation est forcée de payer des salaires plus élevés à ses employés par suite de leur syndicalisation, elle devra trouver l'argent nécessaire quelque part. Il y a quatre possibilités logiques.

On peut rogner sur les profits-c'est la vieille position idéologique de la lutte entre les capitalistes et la classe ouvrière. Vous vous doutez bien que cette position risque peu d'avoir un effet marqué. Si les profits des sociétés diminuent trop, celles-ci peuvent toujours déménager, même si on peut croire qu'elles sont contraintes de rester là où elles sont. Fait plus important encore, on n'établira tout simplement pas d'usines dans une région trop fortement syndicalisée, la privant de ces investissements. La mesure dans laquelle l'augmentation de salaire versée aux travailleurs provient de la marge bénéficiaire est fonction de l'entreprise; cette solution convient mieux à certaines entreprises qu'à d'autres. Je m'explique dans un instant.

(1610)

La deuxième possibilité est de simplement majorer le prix des produits et des services qu'offre l'entreprise syndicalisée qui fait face à une augmentation soudaine de sa masse salariale. Dans ce cas, la note est refilée directement aux consommateurs. Évidemment, il s'agirait généralement des consommateurs d'une tranche très circonscrite de produits. Par conséquent, l'argent ne sortirait pas seulement de leurs poches.

Si toute la société était syndiquée, si tout le monde faisait partie d'un syndicat, et si tout le monde revendiquait une hausse salariale, il y aurait simplement une hausse des prix. C'est bien évident. La différence que toucherait les travailleurs grâce à un salaire nominal plus élevé serait annulée par les coûts plus élevés de leurs achats. Cette situation s'est produite, par exemple, en Suède, où la syndicalisation était pratiquement universelle, de sorte qu'il y a fallu des


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accords tripartites entre le gouvernement, les industries et les travailleurs pour prévenir ce cycle d'inflation.

La troisième façon de rémunérer des travailleurs qui réclament avec insistance une hausse salariale consiste à le faire aux dépens d'autres travailleurs. Dans un sens, les coûts de production qu'entraîne la hausse salariale des travailleurs syndiqués se traduit par une augmentation des prix. Au bout du compte, c'est le consommateur qui paie la hausse salariale consentie aux travailleurs par suite de l'intervention des syndicats.

Il est également possible que les travailleurs provoquent une substitution de la main-d'oeuvre par du capital, de sorte que la compagnie réalisera toujours les mêmes profits et n'augmentera pas le prix de ses produits pour compenser les coûts plus élevés, mais elle économisera au chapitre de la main-d'oeuvre. Ainsi, ses travailleurs ou ceux qui auraient travaillé dans cette industrie avant la hausse salariale, se retrouvent maintenant dans le secteur non syndiqué où, s'ils trouvent du travail, ils toucheront des salaires plus bas. C'est ce que les économistes ont constaté. Rien d'autre ne distingue les industries, mais, dans celles qui sont syndiquées, les travailleurs touchent des salaires qui sont de 10 à 15 p. 100 supérieurs à ceux des travailleurs des industries non syndiquées.

Quand un syndicat réussit à obtenir d'un employeur une hausse salariale, d'où vient l'argent? Dans certains cas, il vient du gouvernement.

Il serait illogique pour un gouvernement dans le monde industrialisé de s'attaquer directement aux activités des syndicats, aussi égocentriques soient-ils. La syndicalisation et le droit de former un syndicat qui exige plus d'argent pour ses membres sont des questions tellement idéologiques qu'un gouvernement qui s'attaque directement à la capacité du syndicat de revendiquer une telle hausse salariale ne peut qu'en souffrir énormément. C'est une cause qui fait monter les travailleurs aux barricades. Des gens se sont montrés prêts à mourir pour cette cause. Il ne vaut pas la peine qu'un gouvernement s'en prenne directement aux syndicats, mais la société peut choisir de restreindre nettement le pouvoir des syndicats au moyen de certaines politiques. Je suis d'avis qu'il faut éliminer les situations où l'on a accès à un montant d'argent, sinon illimité, du moins très important. Ces situations découlent de la politique gouvernementale comme telle.

(1615)

J'aimerais discuter plus en détail de cette idée fondamentale en traitant de la syndicalisation au sein de quatre groupes d'industries.

Le premier groupe englobe les petites entreprises privées qu'il serait relativement facile de syndicaliser puisque cela ne demanderait pas un investissement important. En général, ces entreprises ne comptent pas plus de dix employés. Elles sont dirigées par un couple, un tailleur, un petit fabricant de rideaux, etc.

Dans ce genre d'entreprise, les gens ne font que survivre. Les employeurs font souvent juste assez d'argent pour demeurer en affaires. Ils sont en affaires parce qu'ils pensent qu'un jour ils vont faire fortune, ou parce qu'ils aiment être à leur compte et être leur propre patron. Si ces personnes évaluaient de façon rationnelle combien d'heures elles travaillent pour le revenu qu'elles gagnent, elles se rendraient compte qu'elles travaillent pour très peu d'argent. En fait, elles pourraient probablement gagner plus ailleurs.

Lorsque je retournerai à l'université et au Fraser Institute, après les prochaines élections, j'espère pouvoir effectuer une étude sur les petites entreprises. Je veux savoir ce qui fait qu'elles sont de si bons employeurs, et je veux évaluer leur contribution à la société.

Les syndicats n'existent pas dans le secteur de la petite entreprise. Pourquoi? Parce que tous savent que si les employés de ces petites boutiques se syndicalisaient pour obtenir des salaires plus élevés, l'employeur pourrait fort bien tout laisser tomber. De toute façon, celui-ci ne fait pas assez d'argent. Par ailleurs, l'entreprise pourrait ne pas survivre parce qu'elle ne peut payer des salaires plus élevés en augmentant ses prix. Si une entreprise essaie de vendre de la crème glacée, des chaussures ou des rideaux a un prix plus élevé que celui de la concurrence, elle ne va pas survivre.

La deuxième catégorie d'entreprises dont je veux parler est celle où l'on exerce une certaine forme de monopole. Par exemple, l'industrie de l'acier jouissait auparavant d'un certain pouvoir monopolistique. Je dis bien «auparavant». Il en est de même de l'industrie automobile. C'était avant que les frais de transport ne diminuent considérablement, et avant que la technologie ne soit rendue accessible partout dans le monde, simplement en appuyant sur un bouton.

Dans le passé, ces industries se trouvaient dans ce qu'on appelle une situation oligopolistique. Elles étaient protégées par des phénomènes naturels au sein de l'économie. Les frais de transport étaient élevés. Il y avait une certaine syndicalisation du fait de l'envergure de l'entreprise nécessaire pour construire une usine automobile ou une aciérie. Dans les circonstances, les travailleurs pouvaient, jusqu'à un certain point, se syndiquer et faire grimper les prix, puisque l'on pouvait refiler les hausses. Comme le prix de l'acier entrant dans la fabrication d'une voiture est encore relativement faible, les prix des voitures ne s'en ressentent pas quand les syndicats de l'industrie sidérurgique font augmenter un peu les prix.

Dans les années 1960, 1970 et jusqu'au milieu des années 1980, nous avons été témoins d'énormes grèves, très perturbantes, dans les secteurs de l'acier et de l'automobile. Cette ère est révolue. Cela, parce qu'il n'y a pas de profits d'oligopole et qu'il n'est pas possible de refiler aux consommateurs les hausses des coûts de production au moyen de prix de vente plus élevés. C'est à cause du libre-échange. C'est à cause des faibles coûts de transport.

Il existe maintenant des limites très rigoureuses au pouvoir des syndicats. Même la présence des syndicats internationaux a diminué alors qu'elle était autrefois presque universelle. Même dans les entreprises canadiennes où c'est le cas, la capacité des syndicats à faire accepter les avantages que leurs membres méritent à leur avis est très limitée.


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(1620)

La troisième catégorie d'activité où les syndicats ont autrefois été très puissants sont les secteurs dans lesquels existe ce que nous appelons la rente économique. Il s'agit de la valeur excédentaire d'un produit par rapport au coût de production. Cela se rencontre habituellement dans le secteur des ressources naturelles.

Prenons l'or. Une mine d'or peut avoir un coût de production de 100 $ l'once, alors que le cours de l'or atteint 450 $. La question qui se pose est de savoir ce que l'on fait des 350 $. C'est dans un secteur comme celui-là que les syndicats étaient puissants parce qu'il voulaient une plus grande part du gâteau. Le même raisonnement peut s'appliquer au cuivre, à l'étain, à tout ce qu'on peut extraire d'une mine.

Cela était également vrai pour le secteur forestier de la Colombie- Britannique. Nous avons hérité de la nature, demeurée vierge durant des milliers, des centaines de milliers d'années, des forêts exploitables où il en coûtait peut-être 3 000 $ pour abattre un arbre, dont le prix de vente pouvait par la suite atteindre 10 000 $. L'État n'essayait pas, à cette époque, d'obtenir les 7 000 $ de bénéfices mais touchait seulement la valeur résiduelle de ce que pouvait représenter le coût de production.

On peut imaginer que, dans ces conditions, les syndicats étaient heureux de faire la grève et les employeurs étaient heureux de céder afin d'obtenir une plus grande part de l'écart de 7 000 $ entre ce qu'il en coûtait pour abattre l'arbre et l'acheminer vers le marché et le prix de vente de 10 000 $. C'est ainsi que, dans les années d'après-guerre, l'industrie forestière de la Colombie-Britannique affichait les salaires les plus élevés au monde.

La lune de miel est terminée dans le secteur des ressources naturelles. Il reste à l'heure actuelle très peu de ressources où il soit possible aux syndicats de profiter de pareille rente économique. Le pouvoir des syndicats en Colombie-Britannique a diminué et continue de diminuer avec la disparition de cette rente économique.

Comme le temps dont je dispose sera bientôt écoulé, je m'empresse maintenant de parler de la quatrième catégorie d'activité où les syndicats sont puissants. Les syndicats les plus puissants se trouvent typiquement dans le secteur qui a de profonds goussets. Et qui a les goussets les plus profonds? L'État.

C'est ainsi que l'on trouve habituellement les syndicats les plus puissants dans les entreprises du secteur public. Quand ces entreprises augmentent les salaires de leurs employés, qui paie la note? Cela ne se paie pas à même le capital de l'entreprise. Cela se fait parfois au moyen de prix plus élevés, mais c'est habituellement, et plus simplement, grâce à de nouveaux crédits de l'État.

Le monde a pris conscience de ce fait et c'est pourquoi, dans tout le monde industrialisé, nous avons privatisé ces industries dont les gouvernements étaient autrefois les propriétaires et les dirigeants. Les subventions sont disparues, mais il existe encore un autre domaine où les choses sont plus subtiles, et dont nous discutons maintenant, celui des industries régies par l'État.

Au Canada, nous avons encore 700 000 travailleurs dans ce secteur. La différence est subtile. Comme il y a réglementation, les entreprises peuvent détenir un monopole. L'État les met à l'abri de la concurrence. C'était autrefois le cas des lignes aériennes. C'est encore le régime des services de messagerie. Il y a encore 700 000 personnes qui travaillent aujourd'hui dans ces secteurs.

Des études nous disent que, à cause du monopole garanti par les gouvernements et les règlements, les coûts du transport aérien ont beaucoup augmenté dans le monde entier.

(1625)

Je n'oublierai jamais que tout a commencé par le mouvement de déréglementation aux États-Unis, qui a ensuite gagné le Canada. Des lignes aériennes qui volaient entre États étaient soumises à la réglementation de l'organisme fédéral des communications. D'autres échappaient à la réglementation parce qu'elles volaient à l'intérieur d'un seul État.

Résultat, un vol entre Boston et Washington coûtait exactement le double d'un vol entre San Francisco et Los Angeles. Le premier était assujetti à la réglementation, et l'autre pas.

Comment la réglementation joue-t-elle? Voici. Les syndicats de pilotes disent: «C'est une très lourde responsabilité de piloter un 747 qui coûte 100 millions de dollars. Je suis responsable de la vie de 500 passagers. Je ne vais pas faire ce travail à moins d'être payé 300 000 $ par année.» Alors, l'employeur dit: «Oh non, vous ne pouvez pas toucher 300 000 $, vous devez accepter 250 000 $. Sinon, allez en grève.» Que s'est-il produit? Après avoir fait toute une histoire, résignant parfois ses employés à la grève, l'employeur déclare: «Désolé, voici vos 300 000 $.» Le conseil de l'aviation civile doit aujourd'hui majorer ses prix parce que ses coûts ont augmenté. Voilà pourquoi le billet coûte deux fois plus cher dans le secteur réglementé que dans le secteur non réglementé.

Il est bien évident que les 700 000 travailleurs canadiens qui doivent se plier à la réglementation doivent réagir aux mêmes incitatifs que les compagnies aériennes réglementées. Songez à ce qui arriverait si le règlement canadien autorisait la déviation des exportations de la commission du blé vers des ports de la côte ouest autres que ceux de Vancouver et de Prince Rupert. Les syndicats seraient-ils aussi forts qu'ils le sont de nos jours? Jamais de la vie. Tout comme les employés de petites boutiques, ils seraient conscients du fait qu'une grève pourrait mener leur entreprise à la faillite, ce qui, en bout de ligne, ferait perdre des emplois.

Je conclus en disant que le projet de loi C-66 s'attaque à un symptôme et non à une maladie beaucoup plus grave, soit la réglementation et la participation de l'État dans certains secteurs, qui fait presque disparaître complètement la concurrence. Rétablissons la concurrence et nous verrons ce qu'il adviendra du pouvoir qu'exercent les syndicats. Voilà ce qu'il faut faire.

[Français]

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement le député réformiste de Capilano-Howe Sound. Je trouve désolant, en 1997, d'entendre des propos qu'on


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pourrait, si on n'avait pas peur des mots, appeler un plaidoyer anti-syndical.

Ce député reproche, entre autres, aux syndicats de défendre leurs propres intérêts. Si les syndicats ne défendent pas les intérêts des travailleurs, qui le fera? Les employeurs? Le gouvernement? Je ne pense pas. Si les syndicats n'ont pas le droit de défendre les intérêts des travailleurs, que défendent alors les entreprises, elles, à l'intérieur de leur corporation et à l'intérieur des chambres de commerce?

(1630)

Est-ce que le député de Capilano-Howe Sound ne croit pas que la rémunération des employés syndiqués exerce un effet à la hausse sur le salaire, sur la rémunération des employés qui ne sont pas syndiqués? Je pense que oui, et je pense que c'est absolument nécessaire qu'il en soit ainsi.

Croit-il qu'en maintenant les travailleurs au salaire minimum, il contribue à enrichir les hommes et les femmes de ce pays? Au bout du compte, si les gens ne sont pas rémunérés équitablement pour le travail qu'ils accomplissent, que doit-on mettre en place? Un filet social qui vient pallier, répondre à la pauvreté créée par les entreprises qui ne rémunèrent pas équitablement leurs travailleurs. Je présume donc que le député de Capilano-Howe Sound est aussi contre l'établissement du salaire minimum.

Je lui pose une dernière question. Avons-nous vraiment besoin d'entreprises qui sont incapables de payer un salaire juste à leurs employés? Je réponds, non. Si des entreprises n'ont pas le moyen de payer un salaire juste, elles n'ont pas le droit d'exister, parce qu'elles génèrent et créent de la pauvreté.

[Traduction]

M. Grubel: Monsieur le Président, je remercie le député de poser la question. Il s'agit d'une question à laquelle on s'attendrait de la part d'un syndicaliste.

On me demande ce qui est juste ou de définir concrètement ce qui est juste. Je ne le sais pas, mais je sais qu'il ne faut plus prévoir des conditions de vaches grasses et laisser les syndicats se débrouiller.

Je ne suis pas contre les syndicats. Comme dans le cas de l'organisme de transport du blé, je suis contre le fait qu'on accorde un monopole à une entreprise, à une poignée de travailleurs, qui se servent alors du pouvoir que leur confère l'État pour en exploiter d'autres.

On semble toujours penser que les salaires n'augmenteraient pas s'il n'y avait pas de syndicats. La semaine dernière, dans l'avion pour Vancouver, j'étais assis à côté d'un homme que son entreprise canadienne envoyait à Singapour. Il m'a parlé des affaires qu'ils faisaient là-bas. Un de leurs plus gros problèmes était qu'ils subissaient chaque année le roulement de 30 à 40 p. 100 de leurs travailleurs. «Ils viennent se faire former par notre société, puis ils partent vers de meilleurs emplois», m'a-t-il dit. Je lui ai dit qu'il y avait une solution à cela. Il a répondu: «Je sais. Il faut leur offrir de meilleurs salaires.»

Voilà comment les salaires augmentent dans une économie libre et de concurrence. Si une entreprise n'arrive pas à garder les travailleurs qu'elle veut, elle doit offrir de meilleurs salaires. Si elle hésite à le faire, elle ne les aura pas. C'est aussi simple que cela.

Je ne sais pas si cette entreprise est syndiquée ou non, mais l'employeur paie pour former ces travailleurs. Il doit trouver un équilibre entre le coût additionnel que cela comporte et la hausse de salaire qui les empêcherait de partir en aussi grand nombre. Un petit calcul montre qu'il y a un point où il est plus intéressant pour une compagnie de payer des salaires plus élevés et de réduire le roulement du personnel.

Cela explique la hausse des niveaux de vie moyens des travailleurs dans une société libre où le gouvernement n'intervient pas. Le processus est tout à fait naturel et évite les querelles sans fin sur la définition de ce qui est juste. Qu'est-ce qui constitue un salaire raisonnable? Ce qui pourrait paraître raisonnable à l'honorable député ne l'est pas nécessairement à un autre député. Comment le sait-on?

(1635)

Je crois que la solution consiste à laisser les syndicats s'organiser mais à réduire le plus possible les pouvoirs monopolistiques accordés aux employés et à leurs employeurs par le gouvernement. À mon avis, c'est de cette façon qu'on mettra fin à la situation déplorable où les grèves paralysent notre système de transport.

Si les travailleurs savaient qu'il y avait d'autres façons de transporter la marchandise, ils hésiteraient beaucoup plus à faire la grève. Ils sauraient qu'il y a deux possibilités: ou ils acculent la compagnie à la faillite, ou celle-ci continue à faire affaire, mais à un niveau beaucoup plus restreint. Tous les travailleurs seraient mis à pied, et ils forceraient le syndicat à être plus raisonnable.

Ma solution au problème qui tourmente cette Chambre est un peu différente. Ayant une formation en économie et ayant beaucoup réfléchi sur ces questions, je pense que c'est la meilleure solution.

Peu importe si la Chambre règle le problème durant la présente ou la prochaine session, je prévois que la tendance mondiale sera d'obliger les syndicats à servir leurs membres et la société en général.

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, mon collègue a très bien expliqué son point de vue. Il a dit que ses principes s'appliqueraient à quatre catégories d'industries. Il semble s'agir d'industries assez traditionnelles. Pour résoudre le problème, il propose la déréglementation, le désengagement de l'État et la concurrence sur les marchés.

Le ministre du Développement des ressources humaines a parlé de la nouvelle économie en regard de l'assurance-chômage et ainsi de suite. Je sais que mon collègue est plutôt un visionnaire. À son avis, les principes qu'il a énoncés s'appliquent-ils aux changements technologiques, aux nouveaux modes de communication mondiale, ainsi qu'à l'organisation spatiale des travailleurs dans leur milieu de


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travail, ou est-ce que le député a, à ce sujet, d'autres idées plus futuristes qu'il pourrait expliquer à la Chambre?

M. Grubel: Monsieur le Président, mon collègue devrait peut-être lire un article qui est paru dans l'édition du week-end du Globe and Mail, il y a quelques semaines, et qui traitait de cette question. Les opinions divergent beaucoup, mais il semble que, fondamentalement, le chômage n'est pas attribuable aux changements technologiques ni aux exigences syndicales. Je suis aussi de cet avis. Ce sont les programmes sociaux généreux qui en seraient la cause. Je crois que c'est une opinion que partagent une grande proportion d'économistes.

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais simplement rappeler aux députés ce qui a été déjà dit à maintes reprises aujourd'hui pour m'assurer que tous comprennent. Le projet de loi dont nous sommes saisis porte sur le Code du travail du Canada, et non pas sur les codes des provinces. Cependant, il arrive souvent que les mouvements amorcés par un ordre de gouvernement fassent leur chemin vers d'autres ordres de gouvernement.

Je viens de la Colombie-Britannique. Les syndicats ont beaucoup de poids chez nous. Nous avons un gouvernement néo-démocrate. Quand ils ne sont pas au pouvoir, les néo-démocrates représentent les syndicats. Ils parlent des droits des travailleurs et de toutes les bonnes choses qu'ils font pour eux. Toutefois, quand ils arrivent au pouvoir, les néo-démocrates oublient souvent ce sur quoi ils se sont faits élire, de sorte qu'ils ne représentent plus vraiment ceux qu'ils prétendaient représenter auparavant. Telle est la situation en Colombie-Britannique.

(1640)

Quand on parle des syndicats et que l'on pense à leur histoire, on se demande s'ils sont nécessaires. Or, quand on étudie l'histoire du monde ouvrier, on se rend compte que les syndicats ne sont pas seulement nécessaires, mais qu'ils ont absolument indispensables. Les conditions qui étaient imposées aux travailleurs étaient absolument déplorables. Dans l'est du Canada, par exemple, au cours du siècle dernier, les travailleurs qui se regroupaient pour demander une augmentation de salaire risquaient d'être envoyés en prison. Voilà le genre de conditions qui étaient le lot des travailleurs canadiens.

Mentionnons aussi le travail des enfants et des esclaves. Les conditions de travail étaient dangereuses et tout à fait malsaines. Les salaires étaient tels qu'une personne n'arrivait même pas à subvenir à ses besoins. Les syndicats, lorsqu'ils ont fait leur apparition, étaient absolument nécessaires.

Le modèle d'un syndicat est fort simple. Les travailleurs se regroupent, vont voir l'employeur et demandent des conditions sûres ou des salaires raisonnables. Si leurs revendications sont refusées, ils cessent de travailler jusqu'à ce que l'employeur écoute et leur donne un salaire raisonnable ou de meilleures conditions de travail.

Le temps a passé et ce modèle s'est perpétué. Il demeure essentiellement inchangé aujourd'hui. Il a vu le jour en Amérique du Nord au XIXe siècle, et nous travaillons encore avec le même modèle aujourd'hui, à la veille du XXIe siècle.

Un des nombreux attributs des députés réformistes, c'est que nous écoutons ce que disent nos électeurs. Nous écoutons ce que disent les différents groupes au sein de notre société. Non seulement nous sommes différents des autres partis, mais, de temps en temps, il y arrive qu'il y ait des différences au sein de notre propre parti. Nous représentons les intérêts que nous avons été élus pour représenter dans nos circonscriptions, sans toutefois perdre de vue le but commun du Canada.

Je représente la circonscription de Kootenay-Ouest-Revelstoke, dans le sud-est de la Colombie-Britannique. Nous avons deux très grandes compagnies et deux séries de syndicats dans chacune de ces compagnies. Les travailleurs des autres secteurs sont aussi assez bien organisés du point de vue syndical.

J'ai parlé à ces groupes syndicaux des divers problèmes auxquels ils sont confrontés. La popularité des syndicats est à la baisse. Que ce soit bon ou mauvais, la popularité des syndicats et l'affiliation syndicale sont en perte de vitesse. Certains syndicats sont allés trop loin, mais pas tous les syndicats, loin de là. Cependant, quelques syndicats très puissants sont allés trop loin. Le député de Capilano-Howe Sound a fait allusion à certains de ces syndicats. L'image de tous les syndicats est entachée lorsque quelques-uns deviennent trop puissants et exigent trop.

J'ai parlé à ces gens de solutions de remplacement de ce modèle et des raisons qui faisaient que nous entrions dans le XXle siècle avec des solutions de règlement des conflits de travail datant du XlXe siècle.

Une des principales mesures contenues dans le projet de loi gouvernemental vise à interdire le recours à des travailleurs de remplacement. Je ne puis parler au nom de tous les députés de mon parti, mais je ne suis pas en faveur du recours aux travailleurs de remplacement. J'appuie le principe d'interdiction du recours à des travailleurs de remplacement. Lorsque des travailleurs syndiqués sont en grève, ils ne peuvent pas remplacer leur employeur. Dans ce cas, pourquoi l'employeur devrait-il pouvoir remplacer les travailleurs, si nous appliquons un système où ce sont les employés qui retirent leurs services ou l'employeur qui décrète un lock-out? Il m'apparaît absurde qu'une entreprise puisse décréter un lock-out contre ses employés et avoir recours à des travailleurs de remplacement.

Le grand problème est que les grèves ne comportent guère d'avantages pour qui que ce soit. Elles sont un combat économique entre l'employeur et les employés. À moins qu'il n'y ait des avantages très lucratifs ou des concessions considérables à obtenir, aucune partie n'y gagne. Les dommages indirects qui en résultent sont les plus importants. Du point de vue fédéral, en particulier du point de vue du système de transport, les pertes sont catastrophiques.

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Il n'y a pas que les pertes. Ce sont des centaines de millions de dollars qui se perdent durant ces grèves, et qui s'ajoutent à la perte de confiance des acheteurs étrangers dans nos produits et nos services. Ceux-ci commencent à penser qu'ils ne devraient pas faire affaire avec des entreprises canadiennes parce qu'il y a trop de grèves et qu'ils risquent de ne pas pouvoir obtenir ce dont ils ont besoin au moment où ils en ont besoin. Ils préfèrent alors se tourner vers des partenaires commerciaux plus fiables.


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L'ironie de la chose, avec le gouvernement qui impose une restriction sur l'embauche de travailleurs de remplacement, c'est que le gouvernement sait très bien que, en cas de grève ayant entraîné les parties dans une impasse absolue, il imposera une loi de retour au travail.

Ainsi, ce qu'il fait vraiment, c'est se donner plus de pouvoir pour mettre un terme aux grèves. Que se passe-t-il en cas de grève qui nuit à l'acheminement du grain? Le gouvernement adopte une loi pour obliger les manutentionnaires céréaliers à rentrer au travail. Une grève des débardeurs paralyse les activités portuaires. Le gouvernement adopte une loi pour les obliger à retourner au travail. Il l'a fait deux fois en Colombie-Britannique au cours de la présente législature. Les sociétés ferroviaires sont en grève. Le gouvernement adopte une loi pour les forcer à retourner au travail.

Le gouvernement a fait une erreur de raisonnement. Durant des années, le système de contrôle de la circulation aérienne, le système de navigation aérienne, a été assujetti à la loi fédérale. Durant tout ce temps, les contrôleurs de la circulation aérienne n'avaient pas le droit de faire la grève. En principe, ils en avaient le droit, mais en cas de grève, ils avaient tous le statut d'employé désigné. Ils devaient donc aller travailler. Ils devaient remplir leurs fonctions normales. Voilà l'idée que le gouvernement se faisait d'une autorisation à faire la grève. Ou bien le gouvernement joue à des jeux avec les syndicats, prétendant les aider quand, en réalité, il fait le contraire, ou bien il n'a pas suffisamment réfléchi à cette mesure législative.

La population a ses idées. Un grand nombre de nos lois, de nos règlements et de nos politiques sont basées sur la perception du public. L'idée que, parce qu'il fait la grève, un policier assiste sans rien faire à une attaque, un viol ou un meurtre est impensable. Le public n'acceptera pas ça. La police le comprend et accepte le fait qu'elle constitue un service essentiel. Et donc, ça n'arrive pas.

L'idée qu'un groupe de pompiers regardent sans rien faire une maison brûler, avec peut-être un enfant à l'intérieur, est également impensable. Les services assurés par les pompiers sont très importants. Ce sont des services essentiels. Les pompiers l'acceptent et le public a le droit de s'attendre à ce genre de service.

Comment nous y prenons-nous avec ces gens? Prenons une petite entreprise. Je n'en nommerai aucune pour ne pas froisser l'industrie. Si les services qu'elle offre sont de moindre importance que ces deux exemples, que l'employeur et l'employé se livrent à une petite guerre économique pour voir lequel des deux peut se passer assez longtemps de recettes ou de salaires pour être déclaré vainqueur, très bien.

En général, c'est à ce niveau que se situe la lutte. Il peut y avoir des retombées sur les familles des travailleurs ou, si ça se passe dans une petite ville, sur les autres entreprises parce que les gens dépensent moins. Mais c'est surtout sur la compagnie qu'il y en a.

Essentiellement, ce que nous disons, c'est que, comme ils ne sont pas importants, le gouvernement va les laisser interrompre leurs services, il va les laisser mettre leurs employés en lock-out, il va les laisser se livrer une guerre économique et que les plus riches gagnent, car c'est parfois à cela que ça se résume.

Il y a quelque chose qui ne va pas dans ce système. Il permet de limiter le droit de grève des policiers, des pompiers, des aiguilleurs du ciel parce qu'ils sont importants. Par contre, d'autres compagnies, parce qu'elles ne sont pas aussi importantes, ont le droit de faire la grève.

Il y a également ceux qui se trouvent entre les deux, comme les compagnies ferroviaires qui ont le droit de faire la grève pendant un certain temps, jusqu'à ce que le gouvernement déclare que ça a assez duré. Nous avons démontré ce que nous voulions. Nous ne pouvons pas les laisser faire la grève. On adopte alors une loi les obligeant à retourner au travail.

Dans le cas des services essentiels, il devrait y avoir un mécanisme garantissant que ces gens soient traités justement. Si on trouve quelque chose de vraiment juste, pourquoi ne pas l'appliquer à tout le monde.

J'ai mentionné plus tôt que j'avais demandé l'avis de syndicats. J'ai parlé avec eux de moyens de régler un conflit de travail autres que la grève et le lock-out.

(1650)

Lorsque nous parlons de l'arbitrage des propositions finales, les gens pensent souvent que nous voulons entièrement contourner le processus de négociation collective. On l'a déjà dit, mais je pense qu'il faut encore le préciser. Lorsque nous proposons l'arbitrage des propositions finales, il n'est pas question de supprimer les autres étapes des négociations collectives. Le processus de négociation existe encore au complet. Les parties peuvent avoir recours à la médiation. Si elles le désirent, elles peuvent aller en arbitrage. Elles peuvent avoir presque tout ce qu'elles veulent. Mais il faut qu'il y ait un mécanisme lorsque les négociations échouent, lorsqu'on a eu recours à tous les autres moyens pour régler le conflit et qu'il ne reste plus d'option.

Certains leaders syndicaux m'ont fait remarquer que les syndicats en viennent rarement à la grève lors des négociations collectives. Ils ont parfaitement raison, mais ce sont justement les cas où ils ont recours à la grève qui causent des problèmes. Ils affirment que s'ils ont rarement recours à la grève, c'est justement grâce à leur argument massue, c'est-à-dire la menace de grève.

Nous devons donc réinventer la massue. Je crois qu'il faudrait adopter l'arbitrage des propositions finales. Nous en avons amplement parlé aujourd'hui. Si nous ramenons cette proposition assez souvent sur la table, le gouvernement commencera peut-être à y prêter attention. C'est une solution pratique.

Si quelqu'un peut proposer mieux, je suis parfaitement disposé à l'écouter. C'est ce que j'ai dit aux groupes patronaux et syndicaux auxquels j'ai parlé.

Comme certains députés l'ont déjà expliqué, les parties négocient, elles accomplissent tout le processus et tentent de se rapprocher le plus possible l'une de l'autre. Ce qui se produit invariablement lorsqu'on utilise l'arbitrage des propositions finales, c'est que


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chaque partie sait que si elle s'éloigne trop de la norme qu'elle devrait viser elle perdra au moment de l'arbitrage.

Par exemple, si, selon les normes d'une industrie, une entreprise devrait accorder une augmentation de un dollar à ses travailleurs, qu'elle leur offre 90c. et que le syndicat demande 3,75 $, l'entreprise sortira gagnante de l'arbitrage. Par ailleurs, si l'entreprise affirme qu'elle ne peut accorder aucune augmentation pour l'année en cours, qu'elle songeait même à proposer une réduction salariale, mais qu'elle accepterait de signer au même taux et que le syndicat demande 1,35 $, ce dernier gagnera probablement au moment de l'arbitrage.

Le syndicat et l'entreprise sont parfaitement au courant de cela et ils se rapprochent peu à peu, parfois même à un point tel qu'ils parviennent à s'entendre. Cela se produit souvent.

J'ai entendu des gens prétendre que le système pouvait fonctionner s'il s'agissait seulement de salaires ou seulement de quelque chose d'autre. Cependant, la crainte c'est que la compagnie offre une forte augmentation de salaire, une augmentation donnant un niveau égal ou légèrement supérieur à la norme dans l'industrie. La compagnie peut aussi offrir les heures que le syndicat veut et plusieurs autres avantages, mais elle peut avoir ajouté un élément qui n'a pas particulièrement de valeur monétaire, mais qu'il serait grave de perdre pour les travailleurs.

Il n'y a rien qui dit que dans un modèle à prévoir pour l'arbitrage par sélection d'une offre finale on ne pourrait pas séparer ces points. Il n'y a rien qui dit que tout doit être indissociable.

Ce serait des choses à considérer si le gouvernement acceptait enfin un débat valable sur le principe de l'arbitrage par acceptation d'une des deux offres finales.

Ce qui se produit trop souvent c'est que nous aboutissons à une position antagoniste ou les gens doivent se ranger d'un côté ou de l'autre. Ce qui arrive trop souvent dans le cas des syndicats c'est qu'ils partent du principe que toutes les sociétés sont mauvaises; les compagnies à leur tour prétendent que tous les syndicats sont mauvais. C'est de cette façon que nous abordons la négociation.

En psychologie on appelle cela la théorie X et la théorie Y. Dans la théorie X tout le monde est fainéant, personne ne veut travailler, etc. Dans la théorie Y c'est l'inverse. Ce sont ces idées-là qui ont été réellement mises de l'avant ces dernières décennies et on a laissé entendre que la seule façon de faire travailler les employés est de les pressurer. La plupart des gens veulent un emploi décent qui offre un salaire décent.

(1655)

En période d'austérité, la plupart des gens reconnaissent qu'on ne peut pas en demander trop à une entreprise et que les syndicats ont fait beaucoup de concessions. À quelques exceptions près, les syndicats n'ont pas la vie facile, tout comme certaines compagnies d'ailleurs. Nous sommes à une époque marquée par les contraintes budgétaires, le chômage et toutes sortes de problèmes économiques et, pendant ce temps, il y a des banques à charte qui déclarent plus d'un milliard de dollars de profits. Elles nous annoncent qu'elles ont encore fait davantage cette année et, comme elles ont réalisé encore plus de bénéfices, elles sont prêtes, dans leur enthousiasme, à accorder des salaires variant entre 1 et 3 millions de dollars à leur président.

Pas étonnant que les gens commencent à redresser l'échine. Pas étonnant que les gens se mettent à évoquer le cas des riches sociétés et à songer à faire la grève pour les forcer à consentir de meilleurs salaires. De même qu'une poignée de militants peuvent corrompre les syndicats, il suffit de quelques compagnies rapaces pour ternir la réputation des entreprises. La plupart des emplois ne se trouvent pas dans les sociétés offrant des salaires élevés, mais plutôt dans celles qui luttent pour leur survie en ces temps marqués par les restrictions de toutes sortes et la récession. Il faut se rendre à l'évidence.

Voilà pourquoi il convient de chercher à remplacer cette attitude de confrontation qui gêne le règlement des conflits de travail. «Vous me donnez tant, sinon je ne travaille plus. Vous acceptez cette réduction de salaire, sinon c'est le lock-out.» C'était de règle au XIXe siècle. Or, nous sommes à l'aube du XXIe siècle. Il nous faut une solution nouvelle.

J'exhorte le gouvernement à se pencher sur la formule d'arbitrage des offres finales. Je n'ai jamais entendu les ministériels dire quelque chose de substantiel à ce sujet. J'aimerais qu'ils me disent ce qu'ils en pensent. J'ose espérer que le secrétaire parlementaire du ministre formulera une observation à cet égard et que le gouvernement saura amorcer un fructueux dialogue à ce propos. On pourrait parler de progrès, car il vaut mieux faire des progrès que de se livrer à toutes sortes de manoeuvres.

Je crains que les libéraux ne se livrent à toutes sortes de manoeuvres dans le cadre de cette mesure législative. Ils introduisent des dispositions pour donner plus de poids aux syndicats tout en cherchant à nous convaincre du contraire. Ils font en sorte que les syndicats puissent se mettre en grève, mais ils les forcent ensuite à retourner au travail en adoptant une loi. Ils jouent au chat et à la souris. Ils collent du sparadrap sur des plaies béantes. Il nous fait résoudre certains problèmes une fois pour toutes, au lieu de nous contenter de mesures temporaires.

Si les libéraux s'intéressent vraiment aux travailleurs, pourquoi ont-il décrété une augmentation de 70 p. 100 des cotisations obligatoires au Régime de pensions du Canada? C'est toute une augmentation pour l'employé! Pourquoi agissent-ils ainsi au moment même où ils prétendent qu'ils se soucient du sort des travailleurs, qu'ils vont leur conférer des pouvoirs supplémentaires afin qu'ils puissent faire la grève pour obtenir des augmentations salariales? Ils viennent d'obliger tous les travailleurs à demander une augmentation de salaire de 700 $ et de leur dire: «Nous allons prendre votre argent. Nous allons prendre 10 milliards de dollars de plus dans l'économie uniquement pour payer les charges sociales du Régime de pensions du Canada, mais nous allons renforcer le Code du travail pour que vous puissiez faire la grève et soutirer cet argent de vos employeurs.»


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Si le gouvernement voulait bien faire les choses, il n'aurait pas dû augmenter ces charges sociales. J'ai hâte d'entendre le secrétaire parlementaire dire qu'il envisagera l'arbitrage des propositions finales.

Je propose:

Qu'on modifie la motion en retranchant tous les mots suivant le mot «Que» et en les remplaçant par ce qui suit:
«le projet de loi C-66, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I), la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence, ne soit pas maintenant lu une deuxième fois mais qu'il soit lu une deuxième fois dans six mois à compter de ce jour.»
(1700)

Le vice-président: La motion est recevable.

Avant de passer aux questions et aux observations, je dois dire quelque chose avant 17 heures.

[Français]

Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre la question que nous aborderons au moment de l'ajournement ce soir, à savoir: l'honorable député de Frontenac-La somatotrophine bovine.

[Traduction]

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt, comme je le fais toujours lorsque mon collègue de Kootenay-Ouest-Revelstoke parle. Je suis très heureux de constater qu'il a pris le temps de parler avec les syndiqués dans sa circonscription pour leur demander conseil et obtenir des renseignements. Après tout, ce sont ses électeurs.

Je l'ai entendu dire que nous devons examiner des solutions de rechange au système actuel qui semble consister à prétendre que rien ne se produit jusqu'à ce que les travailleurs déclenchent la grève ou soient mis en lock-out. Le gouvernement fédéral intervient alors rapidement, il rappelle le Parlement au besoin et fait voter une loi de retour au travail qui prévoit le règlement final de la situation.

Le groupe de travail Sims n'a pas recommandé l'arbitrage des propositions finales dans son rapport, car il a jugé qu'il y aurait alors un gagnant et un perdant. Cependant, je voudrais que mon collègue nous précise ce qu'il pense de ce scénario qui risque de se produire lorsqu'on impose une loi de retour au travail et l'arbitrage aux parties.

M. Gouk: Monsieur le Président, je serais heureux de parler de la notion de gagnant et de perdant dans le cadre de négociations normales.

Un des problèmes qui se produit c'est que, selon les circonstances, selon qu'on est en période d'inflation ou en récession, certains syndicats seulement, je le souligne, passent d'opprimés à oppresseurs.

En période d'inflation, les syndicats sont très puissants. Comme mon collègue de Capilano-Howe Sound l'a signalé, lorsqu'il y a beaucoup d'argent qui rentre, ils peuvent exiger une plus grande portion de cet argent. C'est à ce moment-là que les syndicats réclament davantage. Ils peuvent être justifiés de le faire dans certains cas, car ils ont été durement frappés durant la dernière récession, mais à l'heure actuelle, nous sommes en récession. Les entreprises affirment que c'est maintenant leur tour. Elles prétendent qu'elles peuvent maintenant faire baisser les salaires des syndiqués, demander des concessions, réclamer des compressions et exiger des travailleurs de faire deux fois plus en étant deux fois moins nombreux. Elles peuvent réclamer toutes sortes de choses. Cela ne veut pas dire qu'elles vont toujours l'obtenir, mais elles peuvent s'essayer.

Curieusement, mon collègue de Wetaskiwin a parlé du fait que j'avais pris le temps d'aller parler aux syndicats. À la suite de ces discussions, j'ai constaté qu'il y a une certaine hésitation face à quelque chose de nouveau et de différent. C'est normal. Cela s'applique à tous les aspects de notre vie.

Cependant, à la réflexion, les syndicats affirment que la proposition a un certain mérite et ils sont intéressés par cette dernière, car la plupart d'entre eux cherchent une solution de rechange raisonnable au déclenchement d'une grève, avec les pertes de salaires que cela entraîne et les problèmes que subiront alors leurs familles. Ils ne veulent pas mettre en danger des entreprises, ce que des grèves font parfois.

Chose intéressante, parce que nous sommes en récession, lorsque je m'adresse aux représentants des entreprises, je constate que les plus grosses sociétés disent qu'elles ne sont pas certaines de vraiment aimer cela. Elles pensent que le système fonctionne très bien comme il est parce que le pendule est maintenant dans une position qui leur convient. Cependant, il ne faut pas oublier qu'il y a toujours le retour du pendule.

(1705)

Il n'y aura pas de moment propice à l'avenir. C'est maintenant qu'il faut apporter ce type de modifications. Si nous attendons que les entreprises disent que le pendule est maintenant en leur faveur et qu'elles peuvent accepter cela, les syndicats seront contre. Il faut adopter cette mesure maintenant. À long terme, je crois que les entreprises et les syndicats en profiteront. Les syndicats ont encore pleinement le droit à la négociation collective.

Tout ce que nous modifions, c'est le mécanisme final de règlement des différends. Les entreprises sauront avec certitude qu'une fois le contrat signé, elles seront en mesure de le respecter et que toutes les modifications aux conditions de travail des employés seront dictées par le marché, par la capacité de l'entreprise de payer, par les salaires versés dans des entreprises comparables, par tous les divers facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte. On peut insérer toutes sortes de garanties dans cette mesure qui est la direction dans laquelle nous devons nous diriger.

Je remercie mon collègue de sa question, mais je suis déçu que certains de nos vis-à-vis n'aient pas dit qu'ils verraient d'un bon oeil certaines des choses dont nous discutons aujourd'hui.

M. Johnston: Monsieur le Président, j'aimerais remercier le député de sa réponse très instructive. J'aurais une autre question à lui poser, lui qui est, à ce qu'il nous dit, en contact avec les syndicalistes de sa circonscription. Les syndicats réclament-ils vraiment des salaires plus élevés de nos jours? Ne cherchent-ils pas


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plutôt, en ces temps difficiles, à garantir la sécurité d'emploi, le simple fait d'avoir un emploi, pour leurs membres?

M. Gouk: Monsieur le Président, la sécurité d'emploi importe beaucoup de nos jours. Pour bien des gens, elle l'emporte sur le salaire. De façon plus générale, je dirais que les gens recherchent l'équité. C'est vrai dans tous les aspects de notre vie, et le travail ne fait pas exception. Les travailleurs veulent un salaire équitable, c'est-à-dire un salaire qui assurera leur subsistance, que leur employeur pourra continuer de leur verser, parce qu'ils ne veulent pas pouvoir dire qu'ils étaient les travailleurs les mieux rémunérés de ma circonscription une fois qu'ils sont au chômage. Ils veulent un salaire convenable qui ne mettra pas leur emploi en danger. Ces deux éléments vont de pair. La sécurité d'emploi, on peut l'avoir en gagnant 1 $ l'heure; ce qu'ils veulent, c'est la sécurité d'emploi en gagnant un salaire raisonnable dans des conditions de travail raisonnables.

Il se trouve bien sûr quelques radicaux qui demandent la lune, de la même façon qu'il se trouve des sociétés qui ne manquent pas une occasion d'exploiter leurs employés. Toutefois, la majorité des travailleurs et des employeurs sont disposés à collaborer. Ce qui fait problème et ce qu'il nous faut chercher à remédier, c'est le mode de gestion des relations de travail axé sur l'affrontement. Sans cet esprit d'affrontement, les deux parties vont se mobiliser pour atteindre un objectif plus véritablement commun qu'à l'heure actuelle. La sécurité d'emploi et d'autres considérations du genre servent l'intérêt des travailleurs et de leur employeur à la fois. Pour l'employé, qui dit sécurité d'emploi dit salaire qui rentre; pour l'entreprise, cela veut dire qu'elle peut continuer de fabriquer son produit, qu'elle peut ensuite vendre pour faire rouler les affaires.

Entreprises et travailleurs doivent apprendre à collaborer au lieu de s'affronter tout le temps. Voilà le sens de la proposition réformiste.

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui, à titre de porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de travail, à l'étape de l'étude en troisième lecture du projet de loi C-66, Loi modifiant la partie I du Code canadien du travail. Bien sûr, cette mesure est importante et, d'une façon générale, devrait recevoir l'appui de tous les députés.

Bien que certains amendements importants aient été rejetés par le gouvernement libéral, je pense que la mesure dont nous sommes saisis reste acceptable, parce qu'elle améliore nettement les dispositions actuelles du Code canadien du travail. Même si le gouvernement aurait dû aller plus loin en rédigeant le projet de loi, il faut féliciter le ministre pour le processus de consultation qu'il a engagé avant l'étape de la rédaction.

(1710)

Comme nous l'avons entendu au cours du débat d'aujourd'hui et en pratique dans la population, la négociation collective est la pierre angulaire des relations syndicales-patronales efficaces. Même le ministre le reconnaît. Tout ce que le gouvernement peut faire pour protéger, appuyer et améliorer le processus de négociation collective en vaut la peine.

Bien entendu, nous savons que les modifications apportées à la partie I du Code canadien du travail ne s'appliquent qu'aux domaines de compétence fédérale. Il s'agit de la loi qui régit les négociations collectives des employeurs du secteur privé et des syndicats relevant de la compétence fédérale. Notons, entre autres, les sociétés de chemins de fer, les lignes aériennes, les société de radiodiffusion, les banques ainsi que les compagnies céréalières et d'expédition. En gros, il s'agit d'entreprises et de syndicats oeuvrant dans les domaines des transports, des communications et des banques.

Selon les renseignements inclus dans le rapport Sims, dont j'espère pouvoir discuter plus tard, la partie I du Code canadien du travail s'applique à environ 680 000 employés, ou 6 p. 100 des travailleurs au Canada. Près de 50 p. 100 de tous les travailleurs relevant de la compétence fédérale sont protégés par des conventions collectives.

Les arrêts de travail dans le domaine public se produisent à l'échelle de tout le Canada. Depuis six ans, les grèves et les lock-out dans les domaines de compétence fédérale ont représenté 4,5 p. 100 du nombre total des arrêts de travail survenus au Canada et 6 p. 100 de toutes les journées-personnes non travaillées à cause d'arrêts de travail. Il n'est pas question ici de circonstances graves.

Une de mes inquiétudes, que partagent d'ailleurs mes collègues néo-démocrates, c'est que la partie I ne s'applique pas aux fonctionnaires fédéraux qui sont plutôt assujettis à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Quant aux membres de la GRC et aux militaires, ils ne sont ni visés par la partie I ni par le LRTFP. Je pense qu'il devrait y avoir une seule loi, une seule commission et une seule compétence pour tous les employés fédéraux.

Il s'est écoulé un certain temps depuis qu'une révision complète a été effectuée dans le but de moderniser le Code canadien du travail. Le processus a été amorcé au début de 1995, lorsqu'un groupe de travail a été mis sur pied par le ministre du Travail pour effectuer une telle révision et, au besoin, formuler des recommandations en vue de modifier la loi.

Le groupe de travail était dirigé par un avocat d'Edmonton, Andrew Sims, et le rapport déposé par ce groupe a été appelé le rapport Sims. Le groupe a fait du très bon travail. La mesure législative dont nous sommes saisis reflète en grande partie les recommandations faites par ce dernier.

Les recommandations du groupe de travail et la réponse du ministre ont fait l'objet de consultations poussées. Sims est parti d'une simple prémisse qui était pleine de bon sens. Permettez-moi de citer un extrait du rapport Sims: «La libre négociation, comme la libre entreprise, fonctionne lorsque les personnes, les groupes, les syndicats et les employeurs prennent des décisions dans leurs meilleurs intérêts et structurent leurs relations dans le cadre de la loi.»


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Sims ajoute: «Les lois ne peuvent régler tous les problèmes, non plus que le Code canadien du travail ou le Conseil canadien des relations du travail ne peut régler chaque différend entre l'employeur et les employés. C'est aux parties qu'il incombe de régler leurs différends.»

Sims poursuit en disant: «Le grand avantage d'un règlement négocié c'est que les parties, du moins sur papier, reconnaissent qu'elles ont fait du mieux qu'elles le pouvaient dans les circonstances. Par conséquent, elles sont plus susceptibles d'être satisfaites du résultat obtenu et d'en assumer la responsabilité. Les solutions négociées collectivement supposent souvent des changements. Or, les changements donnent les meilleurs résultats lorsque les deux côtés s'entendent sur l'orientation à prendre. C'est la raison pour laquelle la négociation collective est tellement utile aux organismes qui vivent des changements. Par conséquent, notre cadre législatif favorise la libre négociation et n'essaie guère, sauf dans des cas exceptionnels, d'imposer des solutions aux parties.»

De toute évidence, si l'on veut atteindre les buts visés avec le projet de loi C-66, il faut appliquer le critère de la libre négociation à toutes les dispositions législatives. Si celles-ci ne satisfont pas à ce critère, alors la loi ratera l'objectif visé. Dans certains cas, le projet de loi ne répond pas au critère des libres négociations collectives et à l'idée que le système fonctionne le mieux quand on laisse les négociations collectives suivre leur cours. Dans d'autres cas, les changements proposés donnent de très bons résultats.

(1715)

Je voudrais parler d'abord du témoignage du Conseil canadien des relations du travail devant le comité permanent qui a étudié le projet de loi. Le Congrès du travail du Canada l'a qualifié de domaine le plus fructueux d'élaboration de consensus patronal-syndical facilité par le groupe de travail Sims.

Le CTC a dit qu'il avait été exaspéré à maintes reprises dans le passé par le manque de consultation de la part du gouvernement avec les syndicats à propos des nominations et des renominations au Conseil. Étant donné que les activités et les décisions du Conseil ont un impact direct sur les travailleurs, les syndicats et le patronat, le CTC a soutenu que la composition du Conseil devrait être «représentative des parties en cause». Les représentants du patronat dans le processus de consultation ont été d'accord, tout comme les membres du groupe de travail.

Le projet de loi C-66 adopte l'idée d'un Conseil canadien des relations industrielles représentatif, et nous appuyons tous cette idée. Il y a cependant quelques problèmes qui ont été abordés au comité, mais qui n'ont pas encore été résolus.

Tout d'abord, les participants au processus de consensus ont recommandé qu'un comité de sélection patronal-syndical puisse examiner les dossiers des personnes à nommer ou à renommer aux fonctions de président et de vice-président du nouveau Conseil et exprimer leur avis à ce sujet. Le groupe de travail a appuyé l'esprit de la recommandation, mais le projet de loi reste muet à ce sujet.

Deuxièmement, le groupe de consensus a recommandé, à propos de la nomination ou de la renomination de membres représentatifs, qu'ils soient choisis parmi les candidats figurant sur une liste de noms fournis par les parties. Là encore, le groupe de travail a appuyé la recommandation, mais le projet de loi ne parle que de consultation des organisations représentant des employés ou des employeurs que le ministre estime indiquées.

Troisièmement, les participants au groupe de consensus ont recommandé que les nominations se fassent de façon échelonnées pour empêcher que toutes les nominations arrivent à terme en même temps. Le groupe d'étude a appuyé la recommandation, mais, encore une fois, le projet de loi est muet à ce sujet.

Il y a d'autres recommandations qui n'ont pas trouvé d'écho dans le projet de loi. Le gouvernement n'a pas vraiment expliqué pourquoi il refusait d'accepter ces recommandations qui feraient tant pour améliorer la loi et donner à toutes les parties une plus grande confiance dans le conseil.

À un autre moment dans le débat et aux audiences du comité, j'ai exprimé de vives inquiétudes parce que le projet de loi ne comportait aucune disposition pour empêcher le recours aux briseurs de grève. Je suis bien conscient qu'il n'a pas été possible de dégager un consensus au sujet des travailleurs de remplacement ni au cours des consultations, ni même à l'intérieur du groupe de travail. Mais il n'y a aucune raison pour que le ministre ne prenne pas solidement position en faveur de la négociation collective en se prononçant en faveur de l'interdiction de tous les travailleurs de remplacement. S'il y a quelque chose de décevant dans le projet de loi C-66 tel qu'il se présente, c'est bien le fait qu'il n'interdit pas les travailleurs de remplacement dans les secteurs de compétence fédérale.

C'est le Québec qui a la plus longue expérience de l'interdiction des briseurs de grève. Le membre du groupe de travail qui a l'expérience la plus immédiate, dans cette province, est Rodrigue Blouin et il appuie inconditionnellement l'interdiction totale des travailleurs de remplacement. Au Québec, ils sont interdits depuis 19 ans, tout semble indiquer que cette mesure législative a été un grand succès.

Permettez-moi de citer les propos de M. Blouin, comme je l'ai fait au cours du débat sur les modifications que j'ai proposées l'autre jour:

Je soutiens que les principes généraux sur lesquels reposent notre régime des rapports collectifs du travail démontre l'illégitimité de la présence des travailleurs de remplacement durant une grève ou un lock-out dont la légalité est assurée. Une déclaration d'illégalité s'impose dorénavant.
Permettez-moi de poursuivre la citation:

L'utilisation des travailleurs de remplacement mine les données structurelles qui assurent la cohésion interne du régime de la négociation collective. Il en est ainsi parce que cette pratique injecte un corps étranger dans un conflit impliquant exclusivement deux parties nettement identifiées, débalance l'équilibre du rapport de force économique, brime la liberté d'expression des grévistes et lock-outés, déplace la zone frontalière originale du conflit et aboutit en fin de ligne à une perception d'une certaine forme d'exploitation de l'individu.
[. . .] Au bilan de notre analyse, il s'ensuit une situation d'ensemble d'illégitimité que le législateur doit carrément dénoncer.


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(1720)

J'ai lu très attentivement le rapport minoritaire de M. Blouin. Je suis très impressionné par son analyse et sa conclusion dans laquelle il dit:

Le législateur a le devoir de rétablir le mince équilibre nécessaire pour que le régime de la négociation collective atteigne sa finalité. La présence de travailleurs de remplacement interfère dans un conflit économique qui a cours sur le lieu de travail, en conformité d'une politique publique qui vise à promouvoir la démocratie industrielle. Cette politique est contrariée par les remplaçants.
Cela me rappelle le témoignage du ministre devant le comité permanent à cet égard. En réponse aux questions de membres du comité, le ministre a déclaré qu'une des priorités du gouvernement consistait à laisser le processus de négociation collective fonctionner.

J'ai prétendu, comme l'a fait M. Blouin, que l'élément de ce projet de loi qui empêche le bon fonctionnement de la négociation collective est la disposition touchant les travailleurs de remplacement. C'est pourquoi je suis tout à fait en faveur d'une interdiction complète de l'utilisation de travailleurs de remplacement et c'est la raison pour laquelle j'ai proposé un amendement que les libéraux ont décidé de rejeter et qui, si on l'adoptait, interdirait à toutes fins utiles le recours aux services d'une personne qui n'était pas un employé dans l'unité de négociation au moment où on a donné un avis de négociation collective.

Le rapport Sims met en lumière plusieurs conflits très visibles dans le secteur fédéral, notamment le conflit à la Giant Mines, à Yellowknife, avec ses circonstances tragiques, ainsi que le recours par la Société canadienne des postes à des travailleurs de remplacement, en 1991, qui a entraîné plusieurs confrontations, afin d'illustrer à quel point il peut être dangereux d'avoir recours à ce genre de travailleurs.

Le gouvernement avait l'occasion de mettre un terme aux affrontements qui ont lieu pendant des grèves et des lock-out, mais ne l'a pas saisie.

Vingt années d'histoire d'une telle mesure législative dans la province de Québec nous offre manifestement l'information dont nous avons besoin pour évaluer l'utilité d'une telle disposition. Il est temps que le gouvernement fédéral prenne les mesures qui s'imposent pour interdire le recours à des travailleurs de remplacement dans les conflits de travail relevant de sa compétence, et mon amendement offre au gouvernement l'occasion de faire exactement cela.

Le projet de loi C-66 n'offre pas la protection globale de l'obligation du successeur qu'exige le climat économique et politique actuel. Comme on l'a dit au comité, les phénomènes de la restructuration économique, de la privatisation et de la cession font en sorte que le code n'arrive plus à assurer la continuité des droits de négociation et la protection des conventions collectives pour les travailleurs qui ont choisi de se syndiquer.

De l'avis du Congrès du travail du Canada, que mes collègues néo-démocrates et moi-même partageons, le code devrait être modernisé afin de tenir compte de plusieurs situations, peu importe qu'une entreprise passe de sa compétence à une autre ou d'une autre compétence à la sienne.

Le CTC reconnaît que la réciprocité entre compétences est nécessaire pour que cela fonctionne. D'autres situations devraient être incluses, telles, par exemple, le travail à contrat qui fait ultérieurement l'objet d'un appel d'offres et est accordé à un autre entrepreneur, les opérations qui tombent entre les mains des administrations ou syndics de faillites, et les opérations qui passent de la portée de la LRTFP à celle du code.

Ce qu'il faut essentiellement ici, c'est une réforme qui empêche que les droits de négociation des travailleurs soient supprimés sans leur participation ni leur consentement. Ces droits devraient être respectés et considérés comme partie intégrante d'une entreprise par une autre. Cela serait parfaitement conforme au préambule et à l'article 8 de la Partie I du code.

Je tiens aussi à dire un mot au sujet de l'article du projet de loi C-66 qui a trait à la manutention du grain, car je représente ici une circonscription rurale et beaucoup de mes électeurs gagnent leur vie dans l'agriculture ou comptent pour vivre sur le succès de leurs voisins agriculteurs. C'est un sujet qui m'intéresse.

(1725)

J'ai toujours pensé que les agriculteurs et les ouvriers ont beaucoup en commun, même s'ils le reconnaissent rarement. Les deux groupes ont été ou sont exploités par une économie organisée par des intérêts supérieurs. Les deux groupes ont dû lutter contre les multinationales pour accroître ou maintenir leurs revenus. Lorsque l'un d'eux entreprend une lutte contre leur ennemi commun, les deux groupes devraient conjuguer leurs efforts pour atteindre leur objectif commun. Malheureusement, lorsque le transport du grain a été en cause, ce fut rarement le cas. Les modifications proposées dans le projet de loi à l'étude rendent toutefois cette perspective plus probable dans l'avenir.

Quand on examine les derniers conflits qui ont paralysé le transport du grain, on remarque qu'un fort pourcentage des arrêts de travail ont eu lieu à la suite d'un lock-out plutôt que d'une grève. Il convient de signaler que le gouvernement fédéral a été appelé à intervenir en adoptant une loi de retour au travail permettant la reprise des activités. Quand on voit cela, on en vient à se demander si les parties, notamment les employés des ports, ne souhaitent pas simplement que le gouvernement intervienne et règle leurs différends à leur place. Je sais qu'il n'en est rien.

Les membres du Syndicat des débardeurs ont déjà été impliqués dans un arrêt de travail qui empêchait le chargement du grain à bord des bateaux, alors qu'ils avaient accepté de charger le grain. Leurs employeurs les en ont empêchés.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui est un hommage aux débardeurs qui ont reconnu l'importance du transport du grain au fil des ans. Ce projet de loi rend possible, voire obligatoire, le chargement du grain en cas de conflit de travail entre les employeurs du port et les membres du syndicat des débardeurs. Mes collègues et moi appuyons cette disposition par respect pour l'IL-


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WU, l'International Longshoremen's and Warehousemen's Union, et les agriculteurs de l'Ouest.

Comme on peut le constater d'après la question que j'ai posée à la Chambre aujourd'hui, je m'inquiète au premier chef du transport du grain et de la façon dont le gouvernement s'est occupé du dernier cas de mauvaise performance offerte par le chemin de fer à cet égard. Ces dernières semaines, le ministre de l'Agriculture a parlé de ce qui l'inquiète, le service offert par les chemins de fer, qui pourrait avoir coûté 65 millions de dollars aux agriculteurs de l'Ouest non seulement en frais de surestarie, mais encore en manque à gagner pour cause de ventes perdues.

Cette semaine seulement, l'organisme qui réglemente les prix de transport et qu'appuie le gouvernement a autorisé une autre hausse des prix qui pourrait s'élever à 15 millions de dollars. Les chemins de fer ont obtenu des prix plus élevés. Mais les agriculteurs ont vu leurs coûts augmenter. Les chemins de fer ont été récompensés pour un service médiocre, et c'est encore les agriculteurs qui en feront les frais. Nous devons veiller à ce que des situations comme celles-ci ne se reproduisent plus.

En guise de conclusion, je dirai que le projet de loi C-66 est une mesure fort complexe, mais que le temps nous manque aujourd'hui pour en aborder tous les aspects. Cependant, je m'attendais à ce que le gouvernement aille plus loin en modifiant certains aspects clés du Code du travail du Canada, notamment en ce qui concerne les travailleurs de remplacement.

Compte tenu des progrès qui ont été réalisés aujourd'hui, nous aurons l'occasion, dans l'avenir, de nous pencher de nouveau sur cette question importante. Sur une échelle de un à dix, ce projet de loi mériterait sans doute huit. C'est pourquoi je suppose que les néo-démocrates à la Chambre l'appuieront.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Madame la Présidente, j'ai écouté avec grand intérêt les remarques de mon collègue. Pense-t-il que cette mesure législative représente un juste équilibre? Je l'ai entendu parler d'équilibre. D'ailleurs, le rapport Sims était intitulé «Vers l'équilibre». Il a cité longuement Rodrigue Blouin, qui a également parlé d'un équilibre.

Nous avons entendu le député donner au projet de loi une note de 8,0. Dans le monde du patinage artistique, c'est une très bonne note. Croit-il que l'ajout de dispositions interdisant le recours à des travailleurs de remplacement dans ce projet de loi aurait renforcé la position des syndicats ou cela aurait-il contribué à renforcer cet équilibre?

(1730)

M. Taylor: Monsieur le Président, je sais que je n'ai pas assez de temps pour donner une réponse complète, mais je crois tout de même que l'ajout de dispositions interdisant le recours à des briseurs de grève aurait renforcé cet équilibre. Le projet de loi a fait beaucoup pour réaliser cet équilibre, mais il aurait pu aller plus loin.

L'équilibre est la capacité de laisser le processus de négociation collective suivre son cours. Tant que les employeurs peuvent bouleverser cet équilibre en ayant recours à des travailleurs de remplacement, le processus de négociation collective demeure déséquilibré. Je crois donc qu'on aurait dû se servir de projet de loi pour régler ce problème.

* * *

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LES VICTIMES D'ACTES CRIMINELS

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 10 mars 1997, de la motion: Que la Chambre reconnaisse que les familles de victimes de meurtres doivent revivre leur expérience marquée par la souffrance et la peur, quand elles sont confrontées à la possibilité de libération du meurtrier en application de l'article 745 du Code criminel, et qu'en conséquence, la Chambre presse le gouvernement libéral de s'excuser officiellement envers ces familles d'avoir refusé à maintes reprises d'abroger cet article; ainsi que de l'amendement.

Le vice-président: Comme il est maintenant 17 h 30, la Chambre procédera au vote par appel nominal différé sur l'amendement relatif aux travaux des subsides.

Convoquez les députés.

(1755)

(L'amendement, mis aux voix, est rejeté par le vote suivant:)

(Vote no 255)

POUR

Députés
Abbott
Ablonczy
Benoit
Blaikie
Chatters
Duncan
Epp
Gilmour
Gouk
Grubel
Harper (Simcoe Centre)
Hermanson
Hill (Prince George-Peace River)
Johnston
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
Mills (Red Deer)
Morrison
Ramsay
Ringma
Solberg
Solomon
Speaker
Strahl
Taylor
Wayne
White (North Vancouver)
Williams -29

CONTRE

Députés
Adams
Alcock
Anderson
Arseneault
Assad
Asselin
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bélisle
Bellehumeur
Bellemare
Bergeron
Bertrand
Bevilacqua
Blondin-Andrew
Bodnar
Boudria
Brien
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Byrne
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Chamberlain
Chrétien (Frontenac)
Chrétien (Saint-Maurice)


8931

Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Crawford
Crête
Culbert
Cullen
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Dion
Discepola
Dromisky
Duceppe
Duhamel
Dumas
Dupuy
Easter
English
Fewchuk
Fillion
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gauthier
Godin
Graham
Grose
Guay
Guimond
Harb
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Irwin
Jackson
Jacob
Jordan
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Landry
Lastewka
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Lee
Leroux (Shefford)
Loubier
MacAulay
MacDonald
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
McWhinney
Ménard
Mercier
Mifflin
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nunez
O'Brien (London-Middlesex)
Pagtakhan
Paradis
Paré
Parrish
Patry
Peric
Peters
Peterson
Pettigrew
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Plamondon
Pomerleau
Proud
Reed
Richardson
Rideout
Robichaud
Robillard
Rocheleau
Shepherd
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Ur
Valeri
Vanclief
Venne
Verran
Volpe
Walker
Wells
Whelan
Wood
Young
Zed -161

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Assadourian
Augustine
Bachand
Barnes
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Canuel
Dubé
Finestone

Finlay
Godfrey
Lalonde
Langlois
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Scott (Fredericton-York-Sunbury)

Le vice-président: Je déclare l'amendement rejeté.

[Traduction]

Le prochain vote porte sur la motion principale. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

M. Epp: Monsieur le Président, je veux simplement rappeler aux députés que la Loi sur le Parlement du Canada permet aux députés de voter comme ils l'entendent. Personne ne peut leur dire comment voter.

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

(Vote no 256)

POUR

Députés
Abbott
Ablonczy
Benoit
Blaikie
Chatters
Duncan
Epp
Gilmour
Gouk
Grubel
Harper (Simcoe Centre)
Hermanson
Hill (Prince George-Peace River)
Johnston
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
Mills (Red Deer)
Morrison
Ramsay
Ringma
Solberg
Solomon
Speaker
Strahl
Taylor
Wayne
White (North Vancouver)
Williams -29

CONTRE

Députés
Adams
Alcock
Anderson
Arseneault
Assad
Asselin
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bélisle
Bellehumeur
Bellemare
Bergeron
Bertrand
Bevilacqua
Blondin-Andrew
Bodnar
Boudria
Brien
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Byrne
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Chamberlain

8932

Chrétien (Frontenac)
Chrétien (Saint-Maurice)
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Crawford
Crête
Culbert
Cullen
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Dion
Discepola
Dromisky
Duceppe
Duhamel
Dumas
Dupuy
Easter
English
Fewchuk
Fillion
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gauthier
Godin
Graham
Grose
Guay
Guimond
Harb
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Irwin
Jackson
Jacob
Jordan
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Landry
Lastewka
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Lee
Leroux (Shefford)
Loubier
MacAulay
MacDonald
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
McWhinney
Ménard
Mercier
Mifflin
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nunez
O'Brien (London-Middlesex)
Pagtakhan
Paradis
Paré
Parrish
Patry
Peric
Peters
Peterson
Pettigrew
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Plamondon
Pomerleau
Proud
Reed
Richardson
Rideout
Robichaud
Robillard
Rocheleau
Shepherd
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Ur
Valeri
Vanclief
Venne
Verran
Volpe
Walker
Wells
Whelan
Wood
Young
Zed -161

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Assadourian
Augustine
Bachand
Barnes
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Canuel

Dubé
Finestone
Finlay
Godfrey
Lalonde
Langlois
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Scott (Fredericton-York-Sunbury)

Le vice-président: Je déclare la motion rejetée.

Comme il est 18 heures, la Chambre passe à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

______________________________________________


8932

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 21 février, de la motion: Que le projet de loi C-250, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada et la Loi électorale du Canada (votes de confiance), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans le débat sur le projet de loi C-250, qui a été présenté par mon collègue de Kindersley-Lloydminster. Il s'agit d'un projet de loi important, en ce sens qu'il porte sur notre institution.

Ce projet de loi a été présenté pour instaurer des élections à date fixe tous les quatre ans et mettre fin à la situation actuelle où un gouvernement peut décider quand des élections auront lieu, ce qui est un peu comme si un employé décidait de ses propres conditions d'emploi. Malheureusement, cela reflète le fait que nous ne vivons pas dans un pays démocratique. Nous vivons dans un système qui ressemble davantage à un système féodal.

Et je ne parle pas à la légère. La population sera intéressée de savoir que ce qui se passe à la Chambre des communes ressemble très peu à ce qui doit se passer en démocratie. Le projet de loi, qui est très bon, vise à faire en sorte que les Canadiens sachent que des élections auront lieu tous les quatre ans. Il vise aussi à enlever au gouvernement du Canada l'avantage injuste dont il bénéficie. C'est une façon de rendre les règles du jeu équitables et de faire en sorte que tous les députés, mais surtout les Canadiens, sachent quand des élections auront lieu. Mon collègue propose que les élections aient lieu la troisième semaine d'octobre tous les quatre ans à compter de 1997.

Ce projet de loi représente un effort modeste mais important pour rendre la Chambre des communes plus démocratique et plus attentive aux besoins et exigences des Canadiens. La Chambre est loin d'être une assemblée démocratique.

Tous les quatre ou cinq ans, les électeurs élisent des députés dans l'espoir qu'ils vont changer le pays, le renouveler et le renforcer. Les Canadiens les élisent pour qu'ils défendent leurs désirs et réalisent les bonnes et belles idées qui animent notre société. Ils espèrent que leurs représentants présenteront ces idées à la Cham-


8933

bre sous forme de projets de loi pour résoudre les nombreux problèmes avec lesquels notre pays est aux prises.

Malheureusement, tous les quatre ans la population canadienne voit s'envoler ses rêves et ses espoirs d'un pays renouvelé et plus fort. Les promesses non tenues et les attentes déçues dissipent ses rêves. C'est une situation malheureuse qui montre bien que le problème n'est pas imputable aux élus. Peu importe leur allégeance politique, les députés viennent siéger à la Chambre pour défendre de leur mieux les intérêts de leurs électeurs et du pays tout entier. Malheureusement, ils arrivent dans un système, dans une Chambre des communes qui n'a rien de démocratique et qui les empêche d'agir dans l'intérêt du pays et de leurs électeurs.

(1810)

Ce qu'ils voient, c'est une Chambre non pas des communes mais des illusions. Ils arrivent dans une Chambre où le pouvoir est concentré entre les mains d'un très petit nombre de gens, quelques ministres, quelques personnes du cabinet du premier ministre et le premier ministre lui-même. C'est une organisation hautement pyramidale où ces gens contrôlent les lois et dictent ce qui se passe dans ce pays, cela grâce à une version bâtarde du système de Westminster, en Angleterre-un système censé s'inspirer du système anglais. Au lieu de cela, le système a été modifié de façon à concentrer le pouvoir entre ce très petit nombre de gens.

Malheureusement, ces gens se servent de whips pour forcer les députés à voter et à agir comme des moutons. C'est une situation très regrettable que l'on observe non seulement au niveau des habitudes des députés en matière de vote, mais aussi au niveau des comités, des projets de loi d'initiative parlementaire et des motions.

Quelle belle occasion de tirer parti de l'immense expertise des députés de la Chambre, de l'expertise des Canadiens, de proposer de grandes idées, d'avoir un débat rigoureux, constructif et dynamique et de trouver des solutions meilleures, des idées meilleures pouvant s'appliquer aux problèmes de ce pays. C'est ainsi que les choses devraient se passer dans une démocratie, mais ce n'est pas du tout ainsi qu'elles se passent. Nous avons encore un système tout à fait antidémocratique et qui semble s'inspirer de coutumes médiévales.

En 1993, le ministre de la Santé, le ministre des Affaires intergouvernementales et le vice-président des comités pléniers de la Chambre nouvellement nommé ont présenté un superbe document sur la manière de démocratiser la Chambre. Le document a été déposé à l'époque où les ministériels siégeaient dans l'opposition. On y parlait de libéraliser la direction, de soumettre au vote les projets de loi d'initiative parlementaire, de faire en sorte que la responsabilité première des députés soit de représenter leurs électeurs et que tous les votes à la Chambre des communes ne soient pas des votes de défiance, que les députés aient le droit de faire part de leurs bonnes idées à la Chambre sans craindre qu'on les fasse taire ou que le whip du parti leur demande de se ranger. C'étaient de bonnes idées.

Qu'est-il arrivé de ces idées? On les a mises de côté. Quand ces députés sont revenus à la Chambre des communes pour siéger sur les banquettes ministérielles, ces propositions ont été complètement oubliées. On n'en a plus parlé. Ce n'est pas rendre service aux députés et c'est encore moins dans l'intérêt des Canadiens. Ça nuit au moral et au fonctionnement du gouvernement. Ça nous empêche de devenir vraiment la grande nation que nous pourrions devenir.

Il y a des solutions que nous pourrions employer. Elles ont été proposées à maintes reprises. Le projet de loi C-250 est un exemple de la manière dont nous pourrions rendre les règles plus équitables, démocratiser notre institution et faire en sorte qu'elle réponde mieux aux besoins des Canadiens.

Selon moi, si le gouvernement voulait vraiment régler les problèmes auxquels ce pays fait face, s'il voulait vraiment tirer profit des connaissances de la Chambre et de la population canadienne, il prendrait plusieurs mesures.

Premièrement, il adopterait le projet de loi C-250. Deuxièmement, il permettrait aux députés de voter conformément aux voeux de leurs électeurs au lieu de se comporter en moutons et de faire ce que leur dit leur chef ou un petit groupe d'élites. Troisièmement, il pourrait faire en sorte que les comités soient entièrement indépendants du ministère et puissent présenter des projets de loi à la Chambre. La participation du public aux travaux des comités serait réelle et les documents publiés par ces derniers ne ferait pas la une des médias pendant une journée pour être ensuite mis aux oubliettes comme des douzaines d'autres rapports de comité disant la même chose.

(1815)

Les comités auraient l'occasion d'inclure les bonnes idées du public dans des projets de loi qui seraient présentés à la Chambre, modifiés et renforcés.

Malheureusement, à l'heure actuelle, lorsque je siège à un comité et que j'écoute des citoyens pleins de bonnes intentions qui nous font des suggestions constructives, cela me fend le coeur car je sais que leur bonnes suggestions vont finir dans un rapport qui va être oublié sur les tablettes.

On n'a pas besoin d'aller voir plus loin que la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, qui a coûté 60 millions de dollars et qui a pris trois ans à mener à bien. Qu'en est-il advenu? Rien. Son rapport traîne sur les rayonnages.

Lorsque j'étais membre du Comité de la santé, ce dernier cherchait à déterminer ce qu'il devrait étudier. Le comité n'a pas tenu compte des vingt premières propositions sur la liste de priorité des députés et s'apprêtait à étudier la santé chez les autochtones.

Mme Rosemarie Kuptana, chef de l'organisme Inuit Tapirisat, a témoigné devant le comité; elle a déposé une pile de documents sur le pupitre et a déclaré: «Si vous avez l'intention de faire encore une autre étude, ce n'est pas la peine. Nous voulons des gestes concrets. J'ai un garage plein de documents comme ceux-ci sur des études à notre sujet.»

Qu'a fait le Comité de la santé? Il a décidé de mener une étude sur la santé mentale des autochtones pendant que la commission royale


8934

procédait à sa propre étude. Il ne s'agit pas d'un incident isolé; cela se produit souvent à la Chambre.

Malheureusement, les députés n'ont pas le courage d'agir à cet égard parce qu'ils ont peur de leur chef. Celui-ci règne sur eux en maître et, avec une poigne de fer, leur dicte quoi faire et quoi penser. S'ils n'obtempèrent pas, ils subissent des représailles.

C'est ce qui rend l'institution totalement inapte à répondre aux besoins, aux attentes et aux souhaits de notre pays et de sa population. En outre, cela constitue un affront pour ceux qui siègent en cette Chambre.

Je termine en disant une dernière chose. Nous avons l'occasion de rendre notre pays vraiment fort en tant que nation. Avant d'y parvenir cependant, nous devons renforcer le Parlement et pour ce faire, nous devons le rendre vraiment démocratique.

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de parler de ce projet de loi d'initiative parlementaire. Le projet de loi C-250 imposerait des dates fixes pour les élections générales et les élections partielles au Canada.

Ce serait une situation diamétralement opposée à la situation actuelle où les élections sont déclenchées à un moment choisi. J'ajouterais que c'est un régime qui résulte de centaines d'années d'évolution du régime parlementaire.

La pratique veut que le premier ministre choisisse un moment propice pour les élections et en avertisse le gouverneur général qui dissout la Chambre.

Dans les circonstances normales, le premier ministre continue d'avoir la confiance de la Chambre. Il demande simplement un renouvellement anticipé du mandat de son gouvernement, c'est-à-dire avant la date prévue par la Constitution et en particulier l'article 4 des modifications de 1982.

Cette disposition est compatible avec nos conventions constitutionnelles et fixe à cinq ans la durée maximale d'une législature, sauf circonstances exceptionnelles comme la guerre ou d'autres crises nationales.

Notre régime repose essentiellement sur l'important lien existant entre la Chambre des communes et l'exécutif. J'aimerais attirer l'attention des députés sur les rôles que remplissent le Cabinet, la Chambre des communes et le premier ministre dans notre démocratie parlementaire.

On se saurait comprendre notre régime uniquement à la lecture du libellé de notre Constitution. Il convient de prendre en compte les conventions constitutionnelles qui sont tout aussi importantes que les conventions écrites et notre Constitution pour comprendre le fonctionnement de notre régime.

(1820)

Une notion constitutionnelle clé est la responsabilité ministérielle. Les ministres sont individuellement et collectivement responsables devant la Chambre des communes. Lorsque nous parlons de responsabilité collective, nous faisons allusion, dans la pratique, au rôle du Cabinet. En discutant de ce projet de loi d'initiative parlementaire, mon collègue, le député d'Ottawa-Vanier, a dit que le Cabinet est responsable en dernier ressort devant la Chambre des communes. Le leadership qu'assure le Cabinet revêt une importance cruciale pour les travaux qui se déroulent au cours d'une session parlementaire. Je répète que c'est dans ce contexte général que le Parlement est convoqué et dissous sur les conseils que le premier ministre donne au gouverneur général, habituellement après avoir consulté les membres de son Cabinet.

La Chambre des communes a amplement d'occasions de tenir le gouvernement responsable, en appliquant les principes de la responsabilité ministérielle individuelle ou collective. Cela comprend les débats de la Chambre, la période quotidienne des questions, les débats sur le budget, les importants travaux des comités parlementaires et les projets de loi et les motions présentés par de simples députés. Qui plus est, le gouvernement ne peut pas demeurer au pouvoir après avoir perdu l'appui des députés de la Chambre des communes.

Le député d'Ottawa-Vanier a souligné une autre dimension importante des rouages de notre démocratie parlementaire. Il a mentionné le rôle du premier ministre, qu'il décrit comme primus inter pares, le premier entre égaux. Cela ne veut pas dire que nous avons un régime présidentiel comme dans d'autres pays. Cependant, le premier ministre peut donner une orientation aux politiques du gouvernement et à un programme législatif et susciter la solidarité du Cabinet, favorisant la cohésion entre les membres du caucus. À mon avis, cela situe dans son contexte approprié le pouvoir de notre premier ministre de déclencher des élections générales. Cela est conforme au rôle de dirigeant que joue le premier ministre et reflète les conventions de notre Constitution au sujet de la responsabilité collective. Cela a bien servi les Canadiens depuis 130 ans.

Selon le projet de loi C-250, des élections générales pour la Chambre des communes auraient lieu tous les quatre ans, le troisième lundi d'octobre. Le premier ministre ne demanderait pas au gouverneur général de dissoudre le Parlement, sauf sur une motion de défiance. Un régime analogue s'appliquerait aux élections partielles, qui seraient tenues en cas de nécessité.

Les députés d'en face ont présenté un certain nombre d'arguments en faveur d'élections à une date fixe. Parmi les avantages qui, selon eux, découleraient du projet de loi C-250, il y a l'équité, l'obligation de rendre compte, une plus grande certitude et la réalisation d'économies. Nous avons aussi entendu critiquer le régime actuel concernant les élections partielles. La période entre le moment où un siège devient vacant et celui où l'on déclenche l'élection partielle est soit trop longue, auquel cas les électeurs risquent d'en souffrir, soit trop courte, favorisant alors la réélection du député sortant.

Il est important d'attirer l'attention de la Chambre sur le rapport de la commission Lortie. Les arguments que nous a présentés notre collègue n'ont rien de neuf. En effet, comme il le sait, la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, mieux connue sous le nom de commission Lortie, a aussi entendu ces arguments en 1990 et 1991.


8935

(1825)

La commission Lortie a fait ressortir plusieurs inconvénients qu'elle jugeait convaincants. Elle n'a cependant pas recommandé l'adoption d'un régime de dates fixes comme celui qui est proposé dans le projet de loi C-250, et cela pour un certain nombre de raisons.

Premièrement, la commission n'était pas convaincue que les élections à date fixe élimineraient l'avantage dont bénéficie le parti au pouvoir du fait qu'il peut déclencher une élection générale au moment qui lui est le plus favorable sur le plan politique. Le parti au pouvoir pourrait toujours s'arranger pour que son propre gouvernement tombe au moment opportun, rendant ainsi nécessaire le déclenchement d'élections générales.

Deuxièmement, la commission craignait que le déclenchement d'élections à date fixe donne lieu à des campagnes électorales plus longues, qui coûteraient par conséquent plus cher. L'expérience relative à la tenue des élections à une date fixe et de campagnes électorales plus longues aux États-Unis constitue un bon argument pour nous, à la Chambre.

La commission a fait allusion à la hausse des coûts des élections présidentielles aux États-Unis, qui sont souvent déclenchées 18 mois ou plus avant la date des élections.

La commission Lortie a aussi relevé des précédents concernant la tenue d'élections pour une durée de mandat fixe. Toutefois, il importe de décrire le modèle précis qui a été mis au jour. D'une façon générale, les mandats d'une durée fixe sont une caractéristique des systèmes présidentiels. Nous connaissons tous le précédent américain. Même si les mandats de durée fixe ne sont pas rares dans les démocraties, ils semblent très rares dans les démocraties parlementaires.

Comme on l'a fait remarquer, par comparaison au système américain, notre système ne fait pas une distinction aussi nette entre les fonctions du législatif et de l'exécutif.

La commission a fait allusion a plusieurs des points énoncés relativement au rôle de la Chambre des communes en tant qu'entité à laquelle le pouvoir exécutif doit rendre compte, et en tant qu'entité chargée de s'assurer que le pouvoir exécutif continue de jouir de la confiance requise. Elle a aussi fait allusion au rôle du premier ministre et à l'importance des règles constitutionnelles régissant la dissolution de la Chambre.

Elle a traité du maintien de l'autorité du premier ministre et de la loyauté du caucus. Comme l'a mentionné la commission, le fait d'éliminer cette règle pourrait nuire à la capacité du premier ministre de s'acquitter de son rôle et de ses responsabilités, tout en perturbant l'équilibre entre le pouvoir exécutif et l'assemblée élue.

À mon avis, il est prudent de préserver un système qui sert bien les Canadiens depuis des centaines d'années.

En ce qui a trait à l'argument selon lequel le fait d'avoir des élections à date fixe favoriserait l'élection d'un gouvernement plus représentatif, permettez-moi de dire que je ne considère pas que cette option soit. . .

Le vice-président: Le temps accordé au secrétaire parlementaire est écoulé.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, il me fait grand plaisir, en cette fin de journée, de prendre la parole, en cette Chambre, sur le projet de loi C-250. Ce projet de loi a été présenté par le député de Kindersley-Lloydminster.

C'est un projet de loi très intéressant en ce sens qu'il prévoit que les élections générales auraient dorénavant lieu à date fixe. La date proposée par notre collègue, dans son projet de loi, est le troisième lundi d'octobre.

Examinons un peu la situation actuelle. Nous savons qu'à l'heure actuelle notre premier ministre s'interroge sur l'opportunité de déclencher des élections dans les mois, peut-être même les semaines, qui viennent. En fait, on s'interrogeait même, l'automne dernier, à savoir s'il n'y aurait pas des élections précipitées.

(1830)

J'imagine que notre premier ministre doit sortir un thermomètre de l'opinion publique et regarder la température. En ce moment, il doit se dire que la température au Québec n'est pas très chaude pour le Parti libéral. Il regarde en Colombie-Britannique et voit que la température est intéressante.

La question qu'il doit se poser sans aucun doute est la suivante: si j'attends encore quelques mois, disons à l'automne, est-ce que la température pourrait s'élever au Québec? Ou encore: si j'attends quelques mois, est-ce que la température va baisser en Colombie-Britannique? Je parle de la température de l'opinion publique bien sûr.

Probablement que dans son raisonnement, il se dira que, même s'il attendait encore quelques mois, la température ne montera vraisemblablement pas au Québec, donc, il n'a pas d'intérêt à retarder les élections. Par ailleurs, s'il attend quelques mois, peut-être qu'en Colombie-Britannique, les réformistes vont s'organiser davantage, peut-être que le Parti conservateur va reprendre du poil de la bête et peut-être que finalement la température va baisser.

Donc, avec un jeu de mesures, le premier ministre en vient à décider du moment le plus opportun pour lui pour déclencher des élections générales. Je ne peux pas blâmer le premier ministre du Canada d'utiliser la manière dont le système fonctionne pour y trouver son avantage, et l'avantage bien sûr de son parti, le Parti libéral.

Mais en même temps, on doit s'interroger sur les conséquences de cette façon de faire. En effet, pendant que nous attendons tous et toutes que le premier ministre prenne sa décision, nous ne pouvons pas planifier d'une façon décisive, d'une façon déterminante, des événements qui risqueraient de se produire durant la campagne électorale. Par exemple, des comités qui devraient entreprendre certains travaux doivent garder en perspective que ces travaux pourraient être interrompus, voire annulés, par la tenue d'une élection générale, par exemple, en mai ou en juin.


8936

Mes collègues et moi-même, députés en cette Chambre, devons, parmi nos défis dans nos comtés, prévoir qu'il ne nous sera peut-être pas possible d'entreprendre certaines démarches en mai ou en juin parce que le premier ministre décidera peut-être de déclencher une élection générale. En fait, vous le réalisez, cette façon de procéder crée un niveau d'incertitude qui est tout à fait contraire aux intérêts de la productivité des députés de cette Chambre.

Effectivement, comment une entreprise pourrait-elle prévoir ses opérations à court, à moyen et à long terme, si elle devait, à l'improviste, et selon la volonté de son dirigeant, les interrompre pour passer à une période d'élection du conseil d'administration? En fait, cette incertitude est nuisible à l'efficience même de cette Chambre et des responsabilités qui incombent à ses députés individuellement ou collectivement, en comité, et davantage collectivement au niveau de la Chambre.

Le mérite du projet de loi qui est devant nous, c'est d'éliminer cette incertitude, c'est de faire en sorte que l'on puisse savoir à l'avance à quel moment des élections seront déclenchées et ainsi, de pouvoir planifier en conséquence et les travaux de cette Chambre, et les travaux des comités, et les travaux qui incombent à chacun et à chacune des députés de cette Chambre.

(1835)

En même temps, n'allons pas croire que cela va priver le parti ministériel et son premier ministre de la possibilité de tirer avantage des nouvelles règles. Le parti ministériel lui aussi saura quand des élections seront déclenchées et, par conséquent, il pourra prévoir l'agenda législatif, il pourra prévoir ses diverses interventions, ses communiqués de presse, ses nouvelles politiques, de manière à mieux servir ses intérêts au niveau de la perception publique, en fonction de la date prévue et connue d'élections.

En fait, il s'agit donc ici, non pas d'ôter à l'aile ministérielle les avantages que lui confère ce pouvoir, mais de changer les règles du jeu, de telle façon que les effets pervers des règles actuelles soient évités.

Je dois vous dire que je me sens un peu inconfortable de discourir ainsi sur une mesure concernant les élections canadiennes, alors que, d'autre part, j'espère, j'anticipe et je souhaite de tout mon coeur qu'il n'y aura plus, au Québec, d'élections canadiennes, le Québec ayant acquis sa souveraineté.

Je dois vous dire qu'au Québec, d'ores et déjà, depuis les commissions sur l'avenir du Québec, on s'est interrogé sur l'appareil parlementaire parce que, effectivement, vous le savez tous et toutes, au Québec, le Parlement est copié sur celui d'Ottawa, lui-même copié sur celui de la vieille Angleterre.

Or, dans un Québec souverain, pourquoi devrait-on conserver un appareil parlementaire qui, sans doute, a eu son mérite dans les siècles passés, mais qui, à l'aube du siècle prochain, semble particulièrement moins bien outillé pour faire face aux défis nouveaux, pour représenter cette démocratie vivante qui évolue, pour assurer une population de plus en plus branchée, par média interposé, sur l'actualité, pour gouverner une population qui est extrêmement éveillée à toutes les dimensions sociales, culturelles et économiques qui se jouent sur le parquet de cette Chambre?

Donc, un parlementarisme nouveau, un parlementarisme réinventé, un parlementarisme qui sera transparent pour la population et qui ira chercher la confiance de la population, puisqu'elle pourra le comprendre, voilà ce que le Québec souverain de demain se doit d'envisager maintenant. Or, voir le même débat sous une forme restreinte, mais sous une forme brillante, être présenté ici en cette Chambre, ce soir, ne peut faire autrement que de recueillir mon assentiment.

[Traduction]

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends part au débat sur le projet de loi proposé par le député de Kindersley-Lloydminster. Le projet de loi C-250 propose des mandats électoraux de durée déterminée, avec une date fixe pour les élections, qui auraient lieu tous les quatre ans.

Je voudrais parler de notre système actuel, car il est tout à fait faussé. Le premier ministre, et lui seul, choisit la date. Je suis sûr que parfois, même lui ne sait pas quand elles auront lieu. Ce semble être le cas en ce moment. Mais cela fausse tout de même le système.

Les libéraux, qui sont au pouvoir en ce moment-tout comme les conservateurs qui étaient là avant eux-, savent quand ils veulent déclencher des élections. Ils consultent les sondages. Si les résultats sont favorables et si les perspectives semblent l'être aussi, ils déclenchent les élections. Dans le cas inverse, comme les libéraux le constatent en ce moment, puisque leur cote baisse un peu, il est possible qu'ils repoussent les élections à un peu plus tard. Ils consultent les sondages et peuvent proposer quelques nouveaux projets de loi ou un budget rassurant comme celui que le ministre des Finances a présenté le mois dernier.

(1840)

Voilà le genre de politique dont les Canadiens n'ont pas besoin. Nous avons besoin de règles du jeu équitables. Nous avons besoin de savoir quand auront lieu les prochaines élections. Le premier ministre pourrait déclencher des élections à l'improviste lorsque les sondages sont favorables au Parti libéral. Il pourrait les retarder si les sondages lui étaient défavorables.

La mesure à l'étude porte sur la responsabilité et la démocratie. Le système n'est pas démocratique parce qu'il est faussé. Il ne favorise pas la reddition de comptes, car lorsque le premier ministre déclenche des élections, il ne rend pas des comptes aux Canadiens, mais au Parti libéral, ce qui est absolument mauvais.

Le député libéral qui est intervenu avant moi a dit que le système canadien est comme il devrait être et qu'on ne tient pas d'élections à dates fixes dans certains autres pays. Je rappelle au député que les mandats de durée déterminée existent en Angleterre depuis 1694. Les gouvernements qui se sont succédés en Angleterre ont gardé le pouvoir pendant des périodes plus ou moins longues, mais le mandat de durée déterminée est toujours demeuré le même. L'Acte constitutionnel de 1852 de la Nouvelle-Zélande a poursuivi la tradition, fixant à cinq ans la durée maximale du mandat. En 1875, la durée du mandat a été ramenée à trois ans, mais les élections se tenaient toujours à dates fixes.

Nos voisins américains tiennent leurs élections le premier mardi du mois de novembre. Les membres de la Chambre des représen-


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tants sont élus tous les deux ans, les membres du Sénat, tous les six ans et le président, tous les quatre ans. Les Américains ont réussi à composer avec cet état de choses depuis 210 ans. J'invite donc le député d'en face à consulter les livres d'histoire, à regarder ce qui se passe ailleurs, parce que la tenue d'élections à dates fixes est un concept qui remonte à des centaines d'années. Le régime canadien est détraqué.

Que dire de l'emploi du temps et des dépenses? Cela coûte cher, lorsque le gouvernement déclenche des élections à l'improviste. Si les élections étaient tenues à dates fixes, nous pourrions planifier nos activités. Nous saurions exactement quand les élections auraient lieu. Tous les partis, y compris les partis de l'opposition, sauraient ce qui se passerait.

Certains diront que le Parti réformiste se lamente parce qu'il veut avancer. Nous ne disons pas que nous serons toujours le parti de l'opposition. Nous serons un jour au pouvoir. Tout parti de l'opposition et tout Parlement a besoin de règles du jeu équitables. Pas seulement pour que le Parti réformiste avance, mais pour que le Canada progresse.

Je rappelle des promesse du livre rouge: une plus grande responsabilité gouvernementale ou, comme nous dirions, des règles du jeu équitables. Que se passe-t-il en face? Les libéraux ont promis une réforme parlementaire. Qu'en est-il des votes libres? Pas plus tard qu'il y a une heure, nous avons vu ce que cela voulait dire à la Chambre. Nous avons voté sur l'article 745 du Code criminel et qu'ont fait les libéraux à un homme et à une femme? Ils ont rejeté cette motion. S'il y avait des votes libres à la Chambre, un certain nombre de libéraux voudraient appuyer la motion. Ils ne l'ont pas appuyée parce qu'on leur a dit de ne pas le faire. C'est ça, les votes libres.

Il faut démocratiser la Chambre des communes. Il faut démocratiser le Sénat. J'aurai peut-être un jour la chance de siéger au Sénat. Le sénateur Len Marchand, de la Colombie-Britannique, doit prendre sa retraite. La Colombie-Britannique a une loi qui permet l'élection d'un sénateur de cette province. Le précédent a déjà été créé. Le sénateur Stan Waters a été élu en Alberta au milieu des années 1980. Qu'est-ce qui empêche cela? Le premier ministre lui-même. Les habitants de la Colombie-Britannique veulent pouvoir élire un sénateur. La loi existe. Le premier ministre de la province dit qu'il veut qu'on élise un sénateur. Qu'arrive-t-il? Le premier ministre dit non. Encore une fois, c'est la démocratie à la façon des libéraux, et cela ne fonctionne tout simplement pas.

M. Hermanson: La démocratie des temps anciens.

M. Gilmour: Vous l'avez dit. C'est exactement cela. Mon collègue est sur la bonne voie. Les libéraux partagent notre avis sur beaucoup de ces questions, mais je soupçonne qu'on leur dira encore une fois de voter en bloc contre ce projet de loi. On leur dira que c'est n'est pas bon pour le Canada. En réalité, c'est pour eux que ce n'est pas bon.

J'appuie entièrement mon collègue. Des élections à date fixe tous les quatre ans, c'est vraiment la meilleure solution.

(1845)

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, moi aussi, je voudrais dire à quel point je suis heureuse de pouvoir intervenir sur le projet de loi que mon collègue, le député de Kindersley-Lloydminster, a présenté sur cette importante question d'intérêt public.

Comme vous le savez, monsieur le Président, et comme le savent aussi les Canadiens qui nous écoutent, les simples députés peuvent, en vertu du Règlement, présenter des projets de loi et des motions sur des questions d'intérêt public auxquelles le gouvernement du jour ne s'intéresse pas.

Toute cette question d'une démocratisation accrue de nos institutions démocratiques en est une dont les libéraux, ce qui est caractéristique de leur part, ont fait beaucoup état avant les élections. En effet, ils ont fait toutes sortes de belles propositions de démocratisation du régime parlementaire, mais une fois élus, quand le temps est venu de passer aux actes, ils ont été pris soudainement de peur et n'ont rien fait ou presque de ce qu'ils avaient promis de faire avant les élections.

Je tiens à donner aux Canadiens l'assurance que le Parti réformiste a l'intention de démocratiser les institutions parlementaires et les procédures de scrutin dans notre pays. Depuis la fondation du Parti réformiste, nous nous sommes engagés à le faire et nous avons en fait déjà rédigé un projet de loi pour apporter les changements qui s'imposent, projet de loi que nous présenterons dès notre élection. C'est une des mesures législatives que nous présenterions.

Nous avons entendu des arguments pour et contre toute cette question de la tenue d'élections à une date fixe. Je prendrai les quelques minutes dont je dispose pour contredire les arguments avancés par les opposants aux élections à date fixe et expliquer aux Canadiens pourquoi nous ne trouvons pas du tout ces arguments convaincants.

Tout à l'heure, un député libéral a laissé entendre que la commission Lortie, une commission qui a fait une étude très complète sur la réforme électorale au Canada et a présenté son rapport récemment, n'appuyait pas l'idée des élections à date fixe. Ce n'est pas exact.

Dans le sommaire du rapport de la commission, on lit ceci: «L'argument en faveur de la tenue des élections fédérales à date fixe repose essentiellement sur la plus grande facilité d'administrer et d'organiser les élections et sur la production de meilleures listes électorales. Un ou deux intervenants ont laissé entendre que la tenue des élections à date fixe était aussi plus démocratique parce que cela enlève au parti au pouvoir la possibilité de déclencher les élections au moment qui lui est le plus favorable.»

Le rapport ne traitait pas de la question de la tenue d'élections à date fixe, sauf pour dire qu'elle avait été soulevée et que des arguments avaient été présentés en faveur de cette idée et contre cette idée. On a induit les gens en erreur en citant certains des arguments qui ont été présentés à la commission contre la tenue


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d'élections à date fixe et en laissant entendre que c'était là la conclusion de la commission. C'est pourquoi je tenais à dire clairement à la Chambre que la commission Lortie ne s'était pas prononcée en faveur de la tenue d'élections à date fixe ni contre cette idée.

On a fait valoir environ huit arguments principaux contre la tenue d'élections à date fixe. Ces arguments ont principalement été présentés dans un document préparé par Eugene Forsey et une autre personne. C'était un document bien rédigé et fort intéressant qui contenait une bonne dose d'humour, mais les conclusions laissaient à désirer, et je vais expliquer à la Chambre pourquoi.

Quatre de ces huit arguments étaient en fait fondés sur l'idée que la tenue d'élections à date fixe empêcherait qu'une motion de défiance ne fasse tomber le gouvernement plus tôt. Ceux qui ont suivi le débat savent bien sûr que le projet de loi de mon collègue continue de prévoir l'éventualité où la Chambre adopte une motion de défiance, et permet par ailleurs à la Chambre de continuer de siéger au-delà de la date fixée pour les élections en cas de guerre, d'invasion ou d'insurrection, comme cela est actuellement prévu dans la Charte canadienne des droits et libertés.

Les arguments selon lesquels les députés ne pourraient pas provoquer la chute du gouvernement lorsque que ce dernier n'a plus la confiance de la Chambre ne tiennent pas non plus. Le projet de loi de mon collègue y répond clairement.

(1850)

Il y a quatre autres arguments, toutefois, dont je voudrais dire quelques mots. Le premier est que, avec des élections à date fixe, il serait plus difficile de se débarrasser d'un gouvernement impopulaire entre les élections, en partie, je suppose, parce qu'on présume qu'il ne saurait y avoir de motion de défiance. Je viens de signaler que ce n'est pas le cas conformément à ce projet de loi. En outre, les gouvernements ne seraient pas soumis aux mêmes pressions si les élections étaient à date fixe.

J'estime que les gouvernements impopulaires ont la belle vie dans cette démocratie où les gouvernements peuvent s'accrocher au pouvoir même passée la période de cinq ans prévue par la Constitution. Plus un gouvernement est impopulaire, plus il semble s'accrocher au pouvoir et éviter de déclencher des élections. À mon avis, des élections à date fixe nous permettraient d'avoir la certitude de pouvoir faire sortir ces coquins à coups de pied quelque part, au lieu de devoir attendre qu'ils déclenchent des élections à la dernière limite.

Le deuxième point est qu'il est des circonstances où un gouvernement a besoin de consulter ou veut pouvoir consulter la population sur des questions importantes, comme le libre-échange, et serait dans une impasse s'il ne pouvait le faire.

Je suis très heureuse de dire que, personnellement, j'ai réglé le problème pour les gens qui m'ont fait cette objection. J'ai déposé un projet de loi d'initiative parlementaire visant à modifier la Loi sur le référendum pour que le public soit consulté sur les grandes questions d'intérêt public à l'initiative d'un gouvernement ou des Canadiens. Ce ne serait pas nécessaire de déclencher des élections. J'ai moi-même déposé un projet de loi et mon collègue de Vancouver Nord en a aussi déposé un pour qu'on puisse avoir recours aux référendums. Cet argument n'est donc pas plus valable.

Le troisième argument, c'est que le déclenchement d'élections est un outil important et légitime pour notre gouvernement. La menace de dissolution permet aux gouvernements de s'assurer l'obéissance des ministériels et de garder l'opposition dans l'incertitude.Si c'est le meilleur argument qu'on puisse invoquer contre l'idée des dates d'élections fixes, nous devrions avoir honte. En fait, dans une démocratie, rien ne devrait jamais justifier que l'exécutif menace les simples députés d'une dissolution du Parlement pour les faire obéir et garder l'opposition dans l'incertitude.

C'est très clair que les gouvernements de notre pays ont presque tous les avantages possibles. Rien ne nous permet de supposer que les gouvernements seraient pénalisés s'ils étaient privés de cet avantage.

La dernière raison invoquée est que nous nous trompons en croyant que les membres des gouvernements sont élus. En fait, ils sont nommés. Ils doivent rendre des comptes à la Chambre des communes et les élections ne concernent que les personnes siégeant à la Chambre des communes. Parmi elles, certaines sont choisies, censément par l'État, pour former le gouvernement. Tout cela est totalement absurde.

Lorsque les gens votent, ils votent pour le parti qu'ils désirent voir à la tête du pays. Les Canadiens ne prévoient pas élire tel ou tel nombre de députés. La grande question est de savoir qui formera le gouvernement. Tous les arguments invoqués contre les élections à dates fixes ne tiennent tout simplement pas debout. Ils ne sont même pas difficiles à réfuter. C'est incroyablement facile.

Je vais conclure en citant un extrait d'un article du chroniqueur Andrew Coyne, publié le mois dernier dans la Gazette de Montréal. M. Coyne écrit: «Le Canada est l'une des rares démocraties qui laissent encore au gouvernement en place le soin de décider quand des élections vont se tenir. Cette prérogative place de toute évidence le gouvernement en situation de conflit d'intérêts. Le gouvernement en place jouit déjà d'un avantage suffisant sans prendre les partis de l'opposition par surprise.

«Les naïfs peuvent penser que les élections sont une occasion pour la population de se choisir un gouvernement. Au Canada, c'est le gouvernement qui s'adresse à la population au moment où il juge que celle-ci est le plus susceptible d'être réceptive. Le seul véritable changement qu'entraînerait le fait d'avoir des élections à date fixe serait d'enlever au gouvernement le pouvoir qu'il détient actuellement de déclencher des élections au moment le plus avantageux pour lui.

«Le fait de tenir des élections à date fixe serait tout à fait compatible avec une structure parlementaire. Ce n'est incompatible qu'avec une dictature parlementaire telle que nous avons au Canada.»


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(1855)

J'exhorte les députés de la Chambre à appuyer ce projet de loi très sensé proposé par le député de Kindersley-Lloydminster.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de participer à ce débat. J'ai été élu ici en tant que réformiste très intéressé à reformer le Parlement. Les gens de Elk Island, surtout les gens de l'Ouest où j'ai grandi et où j'ai passé toute ma vie, ont dit très clairement qu'il fallait faire en sorte que le Parlement travaille dans l'intérêt des gens qui nous ont élus.

C'est avec beaucoup de plaisir que j'appuie ce projet de loi d'initiative parlementaire de mon collègue. C'est une autre façon de demander des comptes au gouvernement. C'est une autre façon de redonner le pouvoir aux Canadiens au lieu de le confier à leur gouvernement entre les élections.

Cela fait partie d'un problème plus large, selon moi. Je suis affligé par le fait qu'on constate sans cesse qu'une poignée de personnes exercent tout le pouvoir au Parlement. On en a déjà parlé, mais j'ai été particulièrement peiné ce soir durant le vote.

Le Règlement m'empêche de parler d'un vote qui a eu lieu et je m'enfreindrai donc pas le Règlement, mais je tiens simplement à dire qu'on voit constamment les ministériels voter comme on le leur ordonne. J'ai bien du mal à croire que sur toutes les questions, ils sont toujours tout à fait d'accord avec ce que le whip du gouvernement dit. Si c'est le cas, je suis très surpris.

Je voudrais voir une véritable liberté au Parlement et la fin de la manipulation à laquelle se livrent le premier ministre et les ministres dans le cadre des votes.

Je voudrais m'arrêter sur la question dont nous traitons ce soir. Il s'agit de la proposition selon laquelle les gens devraient, en fait, être en mesure de planifier à l'avance la date des prochaines élections fédérales.

Je suis nouveau sur la scène politique. J'ai travaillé en tant qu'instructeur à l'Institut de technologie du nord de l'Alberta. À partir de ma nomination en 1992 jusqu'au déclenchement des élections, enfin, à l'automne 1993, j'ai vécu dans l'incertitude pendant 16 ou 17 mois. J'ignorais si je devais oui ou non aviser mon employeur et mes étudiants qu'ils pourraient continuer à compter sur mes services jusqu'à la fin du semestre ou jusqu'à la fin de l'année. Je n'étais pas en mesure de planifier financièrement et je ne pouvais pas planifier non plus ma carrière et ma vie.

J'ai appuyé fortement à l'époque une des propositions faites par le Parti réformiste dans son programme électoral, qui consistait à tenir des élections périodiquement, à des dates déterminées à l'avance.

Pourquoi ne pouvons-nous pas dire aux Canadiens que le gouvernement va gouverner de façon démocratique et leur rendre des comptes en déclenchant des élections? Certains parlementaires disent que la meilleure façon de rendre des comptes, c'est de déclencher des élections pour demander aux gens s'ils sont prêts à nous réélire, ainsi que notre partie en fonction de notre bilan. Je pense que c'est la force de la démocratie. Il n'y a rien au monde qui puisse nous empêcher de procéder ainsi à des dates prédéterminées, selon une certaine régularité. La seule exception admissible serait une véritable urgence nationale.

(1900)

Je suis très favorable à la démocratisation du Parlement, de la Chambre des communes, ce lieu où les Canadiens espèrent que leurs aspirations seront entendues. Les Canadiens s'attendent à ce que leurs désirs soient comblés quant aux règles qui sont élaborées pour régir leur existence et l'usage qui est fait des deniers publics.

Ces réformes parlementaires sont absolument nécessaires. Plus tôt nous les réaliserons, mieux cela voudra. C'est honteux de tergiverser ainsi, j'allais dire pendant des siècles et des siècles, alors que notre pays est encore tout jeune. Nous continuons d'aller notre petit bonhomme de chemin sans nous préoccuper d'évoluer, de changer pour le mieux-être du Canada, d'opter pour une véritable démocratie.

Il est grand temps d'agir, surtout face aux défis auxquels nous sommes confrontés. Il nous faut faire en sorte que les citoyens de ce pays aient la possibilité d'élire un gouvernement juste et intègre, un gouvernement qui tiendra compte de leurs aspirations, un gouvernement qui fonctionnera à leur rythme.

Les grands problèmes ne manquent pas: la dette, la question de l'unité nationale, notre système judiciaire et son incapacité de répondre aux besoins des Canadiens, puis, au Parlement, on se heurte encore et toujours à un mécanisme qui nous empêche de procéder à de véritables changements. Je veux parler de l'impossibilité d'équilibrer le budget. C'est de tout cela dont il s'agit quand on considère la façon dont le Parlement fonctionne.

C'est donc avec grand plaisir que j'exhorte les parlementaires à exercer leur droit, conformément à la Loi électorale du Canada et à la Loi sur le Parlement du Canada. Personne ne devrait pouvoir influencer leur vote. Lorsque viendra le moment de voter sur ce projet de loi, j'espère qu'ils voteront comme il convient, et non simplement comme on leur dira de le faire. Ils devraient y songer individuellement et représenter leurs électeurs. Ce sont eux qui nous ont élus. Ils devraient faire ce qui est mieux pour eux, et non ce qui est mieux pour un parti. Ils ne devraient pas tout simplement essayer de prolonger la période de temps où ils sont au pouvoir. Il n'est plus acceptable que des gouvernements soient au pouvoir en traitant les gens avec arrogance, en faisant abstraction de leurs désirs, en poursuivant leurs activités, pour tenter ensuite de manipuler le vote en choisissant très soigneusement la date des élections.

Lorsque viendra le moment de voter, je vais surveiller les députés autres que réformistes pour m'assurer qu'ils voteront comme il convient, conformément à l'objet réel du débat.

Appuyons ce projet de loi, non pas parce qu'il a été présenté par un député du Parti réformiste, mais parce qu'il se faisait attendre depuis longtemps. Ce projet de loi est nécessaire pour améliorer notre régime démocratique.

8940

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole ce soir pour appuyer de tout coeur le projet de loi à l'étude, comme je l'ai fait précédemment en comité. Je suis heureux de le faire ici, en public, pour que mes propos soient consignés dans le hansard et donner un caractère officiel à mon appui. Ce n'est pas que ma position diffère de celle de mes collègues réformistes. . .

Le vice-président: Je suis désolé, mais la période réservée à l'étude des initiatives parlementaires est écoulée. J'accorderai la parole au député la prochaine fois que la Chambre reprendra l'étude de cette question.

(1905)

[Français]

La période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est reporté au bas de la liste de priorité au Feuilleton.

______________________________________________

8940

MOTION D'AJOURNEMENT

[Français]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LA SOMATOTROPHINE BOVINE

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, jeudi dernier, je posais une question en cette Chambre à l'honorable ministre de l'Agriculture concernant la somatotrophine bovine recombinante.

Cette fameuse hormone qu'on peut injecter à une vache peut augmenter sa production laitière de 10 p. 100, 15 p. 100 et parfois jusqu'à 25 p. 100. Elle devient une vache bionique ou presque.

Évidemment, l'industrie pharmaceutique a investi plusieurs centaines de millions de dollars pour mettre au point cette fameuse hormone miracle. Cependant, on est incertain de l'effet de cette hormone sur les vaches d'abord, mais également chez les consommateurs de ce lait produit grâce à notre vache bionique.

J'ai rappelé à l'honorable ministre de l'Agriculture que les douaniers ont intercepté à au moins trois reprises soit des agriculteurs ou encore des gens malhonnêtes qui importaient cette fameuse hormone qui est interdite de fabrication, d'importation et aussi d'utilisation au Canada.

Un douanier, tout à fait par hasard, a demandé d'ouvrir le coffre arrière d'une automobile rempli de seringues de somatotrophine. C'est un peu comme la drogue. La drogue saisie ne représente même pas 1 p. 100 de ce qui est importé et consommé au Canada. Si on applique le même ratio à la somatotrophine, on peut présumer présentement qu'au Canada, on risque de boire, sans le savoir, du lait produit par des vaches bioniques.

J'ai demandé au ministre ce qu'il entendait faire pour corriger la situation. Il m'a répondu bêtement: «Ce sont les douaniers qui doivent faire leur job, et j'espère qu'ils font bien leur job.» Ça, c'est une réponse que je ne pouvais malheureusement accepter, venant de la bouche même du ministre de l'Agriculture.

D'autre part, nous sommes présentement, pour une année encore, en période de réflexion, d'analyse, ayant un moratoire sur l'utilisation de cette fameuse hormone. Le ministère, le gouvernement, subit, c'est certain, le lobby de la Monsanto, par exemple, la compagnie pharmaceutique qui a mis au point cette fameuse hormone, puisqu'il y a une fortune de liée à la vente de somatotrophine au Canada.

Donc, je réclame de ce gouvernement, et je terminerai là-dessus, une enquête, un débat public sur l'utilisation de l'hormone. Ce serait un débat où les consommateurs seraient invités à faire valoir leurs droits, ainsi que les producteurs, les transformateurs et également les producteurs de somatotrophine, donc l'industrie pharmaceutique.

On n'a pas le droit d'imposer ce produit aux Canadiens et aux Canadiennes, notamment pour protéger la santé publique. On vient d'adopter, supposément pour protéger la santé publique, une loi anti-tabac. Alors, je souhaite que ce gouvernement, qui veut le bien et la santé de nos enfants, tienne un débat public, à savoir si on doit utiliser, produire, vendre ce produit qu'on appelle la somatotrophine.

[Traduction]

M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député d'en face de sa question.

Santé Canada a révélé que, selon son évaluation, le lait et les produits laitiers venant de vaches traitées avec la STbr, ou somatotrophine bovine recombinante, ne présentent aucun risque pour la santé des humains. Toutefois, le ministère continue d'analyser le produit pour assurer la santé des animaux et pour des raisons d'efficacité, et aucune décision n'a encore été prise concernant l'octroi d'une licence au Canada. Par conséquent, l'importation au Canada de STbr à des fins commerciales et personnelles est interdite.

Les fonctionnaires des douanes de Revenu Canada ont fait preuve de diligence pour contrôler l'importation illégale de produits non autorisés. Ils ont intercepté trois livraisons en 1996. Revenu Canada peut porter des accusations contre les personnes qui importent tout produit illégal, et pas seulement la STbr. Autre preuve de cette diligence, une nouvelle alerte douanière a été lancée en janvier dernier.

Quant à la tenue d'un débat sur la STbr, permettez-moi de rappeler à tous les députés que, en 1995, le gouvernement a mis sur pied un groupe de travail pour examiner les questions que soulève ce produit, en dehors des problèmes de santé et de sécurité, comme les coûts et les avantages pour l'industrie laitière canadienne et les conséquences possibles pour la santé et la génétique animales. Une étude a également été commandée sur les réactions du consomma-

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teur américain avant et après l'autorisation de la STbr aux États-Unis. Cette information a été remise au ministre le 1er mai 1995 et, immédiatement après, aux comités permanents de l'agriculture et de la santé.

Pour ce qui est de l'avenir de la STbr au Canada, tant que mon collègue, le ministre de la Santé, n'aura pas décidé si le produit doit être autorisé ou non, je continuerai de soutenir les efforts de son ministère pour étudier le produit, et nous appuierons aussi les efforts que déploie Revenu Canada pour faire respecter la réglementation en vigueur.

[Français]

Le vice-président: La motion portant que la Chambre s'ajourne maintenant est réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à 14 heures.

(La séance est levée à 19 h 12.)