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FINA Rapport du Comité

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CHAPITRE 1 : LES ANNÉES 1990 : UN BON DÉPART

Le gouvernement fédéral a modifié sensiblement, en 1992, la façon dont le secteur des services financiers fonctionne au Canada. La division du secteur en « quatre piliers » a pour ainsi dire disparu à la suite de ces réformes. Depuis 1992, la gamme des services financiers que toute institution financière à charte fédérale pouvait offrir était quasi illimitée. Cela s'est fait en partie en renforçant les pouvoirs internes des institutions, mais surtout en autorisant une catégorie d'institution d'avoir une filiale dans un autre domaine financier. C'est ainsi que les banques possèdent aujourd'hui des courtiers en valeurs mobilières, des sociétés de fiducie et des compagnies d'assurances, et que des compagnies d'assurances possèdent des sociétés de fiducie et des banques. Une grande coopérative de crédit de la Colombie-Britannique, la Vancouver City Savings, est propriétaire de la Banque Citizens. La Fiducie Trimark appartient à une société de fonds communs de placement 1. Le visage du secteur a donc beaucoup changé, grâce surtout à ces modifications législatives, depuis 1992.

Les événements économiques et financiers ont aussi contribué fortement à modifier le secteur financier. Les sociétés de fiducie indépendantes, parmi lesquelles seul le Canada Trust continue d'assurer une présence notable, ont presque disparu. Certaines ont été acquises par des banques, mais la disparition de ce secteur vient de l'impossibilité pour elles de survivre et de soutenir la concurrence dans un monde en évolution. À bien des égards, les changements apportés en 1992 pour leur permettre de mieux concurrencer les banques sont venus trop tard.

L'effondrement des piliers



Source: Pièce 2-18 McKinsey & Company

Reconnaissant la nécessité de réformes constantes dans un monde en rapide évolution, le gouvernement avait décidé, au lieu d'examiner le cadre législatif des banques tous les 10 ans, de procéder, à partir de 1997, à un examen quinquennal, et ce, pour l'ensemble du secteur financier. Face aux faillites de plusieurs sociétés de fiducie et de compagnies d'assurance-vie, le secrétaire d'État (Institutions financières internationales) a publié, en 1995, une étude intitulée Renforcer et assainir le secteur des services financiers canadien. Les mesures proposées visaient surtout à réduire le risque, à protéger le consommateur et à renforcer la surveillance gouvernementale. L'étude et la mesure législative qui en a découlé étaient motivées par le désir de solidifier le système financier. C'est ainsi que le mandat du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a été établi et que la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada (SADC) a été modifiée de manière à permettre l'adoption de règlements créant des primes de risque.

Le livre blanc intitulé L'examen de 1997 de la législation régissant les institutions financières : propositions de modifications, publié en 1996, a été le point de départ des modifications législatives proposées dans le projet de loi C-82. Cet examen visait à déterminer si le cadre établi en 1992 était toujours valable et si les buts des réformes antérieures étaient atteints.

Le livre blanc était l'aboutissement de consultations amorcées en 1995 auprès des intervenants du secteur. L'annonce que le gouvernement fédéral voulait étendre l'option de la démutualisation aux grandes compagnies d'assurance-vie, comme aux petites, en a été l'un des principaux résultats; un projet de règlement relatif à ces conversions a paru en août 1998 et un projet de loi a été déposé le 30 novembre de la même année. Il était pourtant clair, aux yeux du gouvernement, que le livre blanc et le processus qui l'a précédé ne sauraient contrer efficacement certaines des forces très vives de changement qui façonnaient le milieu mondial des finances et rendaient les institutions financières canadiennes moins aptes à s'adapter aux changements économiques, technologiques et démographiques. De profondes réformes s'imposeraient vraisemblablement pour que le Canada jouisse d'un secteur de services financiers de classe internationale.

Le gouvernement a donc chargé un Comité consultatif sur le système de paiements d'examiner ce dernier, en lui demandant de collaborer aux travaux du nouveau Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, auquel il a confié l'étude de tous les aspects du secteur. Le Rapport de ce Groupe de travail faisait l'objet de notre propre étude et constitue le sujet du présent Rapport.

ÉVOLUTION DU SECTEUR DES SERVICES FINANCIERS

En moins d'une décennie, comme nous l'avons mentionné, une branche entière du secteur des services financiers (celle des sociétés de fiducie indépendantes) a presque disparu. Aussi dramatique qu'il puisse paraître, ce changement n'est qu'un des nombreux événements qui se sont produits, et il n'est rien en regard de ce qui semble se dessiner dans un très proche avenir.

Les dépôts gardent une place importante parmi les actifs financiers des ménages, mais leur croissance par rapport à celle de l'actif global plafonne et elle devrait diminuer progressivement. (Ce renseignement et tous les autres sont tirés des documents d'information préparés pour le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.)

Les Canadiens acquièrent aujourd'hui des services financiers bien différents de ceux qu'ils achetaient il y a quelques années à peine. Il suffit, pour le faire ressortir, de songer à la croissance explosive de l'industrie des fonds communs de placement. Les Canadiens ont toujours eu la réputation d'être des épargnants prudents. Rassurés par la garantie qu'offre un régime d'assurance-dépôts, ils plaçaient jusqu'ici leurs économies dans des comptes bancaires ou des certificats de placement garantis et achetaient de l'assurance-vie. Rien de bien risqué. Pourtant, de la fin de 1991 au milieu de 1998, les actifs nets des fonds communs de placement du Canada sont passés de 50 milliards de dollars à 323 milliards. D'autre part, les dépôts ont cessé de croître et régressent même lentement d'un sommet d'environ 450 milliards de dollars. Le fait que les actifs des fonds communs de placement pourraient dépasser les dépôts2 dans quelques années témoigne d'une partie des changements rapides qui se produisent. Les produits et les institutions financières traditionnels ne nous servent manifestement plus de moyens d'épargner. En plus de montrer l'évolution de ce que le consommateur demande, cela comporte de réels engagements pour les institutions pour lesquelles les dépôts sont la forme traditionnelle d'entrée de capitaux. Il leur faut maintenant financer par d'autres moyens les prêts et les investissements que les dépôts leur permettaient de financer dans le passé.

Depuis 20 ans, le pourcentage des avoirs des ménages investis dans les comptes d'épargne a diminué de 31 % à 25 %, tandis que la partie investie dans les fonds mutuels est passée de 1 % à 14 %.

Servis de manières différentes, les Canadiens se voient offrir des produits par des institutions absentes de ce marché il y a peu de temps encore, comme ING Direct, Banque Citizens, MBNA, mbanx et Wells Fargo. Nous faisons des transactions financières par téléphone et par Internet, et nous avons adopté en masse la carte de débit comme moyen de paiement. Ce sont ces changements, dont la demande du consommateur est le moteur, et la mondialisation du marché financier qui déterminent le nouvel environnement des services financiers. Les institutions financières adoptent aussi de nouvelles technologies pour offrir leurs services, et les consommateurs n'ont qu'une petite idée de ce que l'avenir nous réserve à cet égard.

Lorsqu'il envisageait, dans les années 1980, des façons d'intensifier la concurrence des grandes banques canadiennes, le gouvernement songeait à des institutions assez semblables à nos propres banques, aux filiales de banques étrangères de l'annexe II et aux sociétés canadiennes de fiducie. De nos jours, les nouveaux concurrents des banques canadiennes sont toutefois des institutions qui ne veulent pas ressembler aux banques canadiennes traditionnelles. Nous avons ainsi des banques qui n'ont aucune succursale, des guichets bancaires dans les supermarchés et des cartes de crédit d'institutions étrangères dont c'est l'unique produit et par rapport auxquelles les activités de cartes de crédit de nos propres banques sont peu de choses. Nos petites entreprises obtiennent par ailleurs des prêts d'une banque californienne qui n'a aucun bureau au Canada. Nous achetons des polices d'assurance par téléphone, nous faisons des transactions bancaires par Internet, et l'argent liquide disparaît graduellement de notre société. Notre paie est déposée directement dans notre compte en banque dont sont automatiquement débitées nos factures mensuelles. Le monde de 1998 diffère grandement de celui de 1992, et il n'y a aucun doute que celui de 2002 sera encore très différent.

La vague mondiale de regroupements, concentrée surtout aux États-Unis, mais aussi en Europe, est l'autre élément dominant du secteur des services financiers. En Europe, le désir de réduire les coûts et de profiter de l'union monétaire prochaine pousse les sociétés à fusionner. Aux États-Unis, cela découle surtout des réformes législatives qui permettent enfin la création de banques nationales, comme c'est déjà le cas au Canada. BankAmerica s'est lancée, par exemple, dans une série de fusions, si bien que ses transactions s'étendent maintenant d'un océan à l'autre et que ses actifs dépassent d'environ 75 % ceux de la Banque Royale et de la Banque de Montréal conjugués. Elle est pourtant présente dans moins de la moitié des États de notre voisin du Sud. La fusion, aux États-Unis, de Citicorp (une banque) et de Travelers (une institution financière non bancaire) est aussi frappante. À la limite de ce que la législation américaine actuelle autorise, elle a donné naissance à un conglomérat financier semblable, quoique beaucoup plus gros, à ceux qui caractérisent déjà l'industrie bancaire canadienne.

Cette tendance aux acquisitions et aux fusions se manifeste aussi au Canada. Depuis 1992, les institutions financières canadiennes sont devenues de véritables conglomérats financiers. En 1997, la Great-West a ravi la London Life à la Banque Royale. Le plus dramatique cependant, c'est que certaines banques canadiennes aimeraient participer à ce mouvement de fusions; la Banque Royale a proposé de fusionner avec la Banque de Montréal en janvier 1998, puis la Banque Canadienne Impériale de Commerce a annoncé en avril son intention de fusionner avec la Banque Toronto-Dominion. Ces fusions ne sont l'objet ni du Rapport du Groupe de travail, ni du présent Rapport du Comité. La forme du secteur des services financiers qui émergera, une fois que le Rapport du Groupe de travail aura fait l'objet de débats et qu'on y aura donné suite, constitue néanmoins le contexte dans lequel ces projets de fusion et ceux qui suivront seront évalués. Les pressions à la fusion et à la restructuration persisteront au Canada et dans le monde. Nous examinerons ici les mesures recommandées par le Groupe de travail pour faciliter la fusion et la méthode d'évaluation de ces transactions proposée par le Groupe de travail pour s'assurer qu'elles sont dans l'intérêt du public.

POURQUOI LE RAPPORT DU GROUPE DE TRAVAIL EST-IL SI IMPORTANT?

Le Rapport du Groupe de travail deviendra sans doute l'un des documents les plus importants sur les services financiers jamais produits au Canada. Il redéfinira le secteur financier tout comme la Commission Porter l'a fait il y a trois décennies. Ce Rapport ne traite pas des projets de fusions bancaires. Son importance vient du fait qu'il porte sur une industrie, aussi vaste que changeante, qui est absolument vitale tant au bien-être des Canadiens qu'au bon fonctionnement de notre économie. Cette branche d'activité transcende les activités bancaires et les banques prises isolément.

Le Rapport MacKay est excellent. Il est très équilibré. Parfois, en le lisant, je me disais qu'il cherchait à plaire à tout le monde dans les milieux financiers. C'est une chose très difficile à faire, mais je trouve que le groupe a fait un excellent travail.

Liam Hopkins (directeur exécutif, IFC Vancouver)

Le secteur des services financiers forme à bien des égards une industrie sans pareil. Comme toute autre branche d'activité, il sert la clientèle en lui fournissant les produits et les services demandés. Des entreprises canadiennes y participent, créant du même coup de la richesse et des emplois. Ce secteur emploie directement plus de 550 000 Canadiens et compte pour 5 % de notre PIB, en plus de contribuer 20 % des impôts fédéraux sur le revenu des sociétés et de verser un montant total de 8,5 milliards de dollars en taxes chaque année. C'est aussi une grande industrie d'exportation, puisque plus de 30 % des recettes bancaires et d'assurance-vie viennent de l'étranger. Certaines institutions sont beaucoup plus tournées vers l'exportation. La Banque de Montréal tire 58 % de ses recettes de l'étranger, et la Financière Manuvie, 55 %. Environ les deux tiers des prêts consentis par Newcourt Credit, une des institutions financières canadiennes qui croît le plus rapidement, le sont maintenant à l'étranger.

Je travaille dans le domaine des politiques depuis des années et j'ai lu de nombreux rapports, mais je dois dire que ce rapport est l'un des meilleurs que j'aie lus. Il est équilibré, clair et bien rédigé. Je tenais à le signaler.

Peter Nares (directeur exécutif, Self-Employment Development Initiatives)

D'après la revue The Banker, les banques canadiennes ont une optique tout à fait mondiale. Si on les classait en proportion d'actifs étrangers, elles viendraient au 20e (CIBC), au 21e (Banque de Montréal), au 27e (Banque Scotia) et au 39e (Banque Royale) rang parmi les banques mondiales. La CIBC et la Banque de Montréal ont toutes deux 44 % d'actifs étrangers, et cette dernière tire 58 % de ses revenus de l'étranger, contre 49 % pour la Banque Scotia et 28 % pour la Banque Royale.

Plus de la moitié de toutes les obligations de sociétés canadiennes sont aujourd'hui émises sur les marchés étrangers tout comme 20 % de toutes les obligations du gouvernement canadien.

La Banque de Montréal et la CIBC présentent, sur ce plan, un caractère plus mondial que la Chase Manhattan, la Banque de Tokyo et ING.

Le penchant à l'exportation du secteur financier canadien montre qu'il est possible de servir la clientèle au loin à partir du Canada. Nous commençons cependant à reconnaître que les institutions étrangères peuvent aussi, de très loin, servir les Canadiens.

Une vision possible du Canada est celle où nous sommes présents à la table des négociations à titre de principal centre financier en Amérique du Nord (contrôlé par des Canadiens et dont le siège social est au Canada) et qui a une influence sur les affaires financières mondiales. L'autre possibilité est de quitter notre piédestal et de perdre graduellement notre influence sur les affaires financières et, par le fait même, sur les affaires mondiales. Le Canada demeurera peut-être un marché financier sain du point de vue national, mais il ne constituera pas une force financière mondiale.

Charles Baillie (président et chef de la direction, Banque Toronto-Dominion)

Le Grand Toronto métropolitain (GTM), qui forme le principal centre canadien de services financiers, avec plus de 165 000 emplois directs dans ce secteur en 19953, pourrait devenir un centre régional de services financiers en Amérique du Nord. Il vient au troisième rang, derrière New York et San Francisco, pour la concentration de ses services financiers en Amérique du Nord. Comme la moitié des emplois dans ce secteur sont susceptibles de déménager ailleurs, le GTM pourrait facilement, par contre, se retrouver avec un rôle bien réduit et beaucoup moins d'emplois.

Le Boston Consulting Group a analysé les catégories d'emplois dans le secteur des services financiers afin de déterminer lesquels sont mobiles et pourraient, de ce fait, quitter le GTM, voire le Canada. Les emplois sont catégorisés comme exportés (c.-à-d. ceux qui peuvent être situés ailleurs) ou non exportés (c.-à-d. ceux qui, à l'heure actuelle, doivent être faits régionalement). Cinquante-cinq pour cent des emplois sont considérés comme exportés et 45 %, comme non exportés4.

Sur les emplois exportés, un tiers sont considérés comme bien ancrés dans le GTM, alors que les deux tiers pourraient être mobiles. Parmi les emplois bien ancrés, il y a notamment ceux-ci :

  • Les fonctions du siège d'une banque
  • Certaines fonctions de banques d'entreprise
  • Le commerce de produits en dollars canadiens
  • Les activités de placement liées aux assurances.

Dans le cas des emplois dans les sièges sociaux de banques, il est présumé que le contrôle demeurera entre des mains canadiennes.

Parmi les emplois exportés considérés comme possiblement mobiles, il y a notamment ceux-ci :

  • Les services de soutien, spécialement les centres d'informatique, de traitement des données et d'appels
  • La plupart des fonctions bancaires liées aux placements
  • Les activités de l'assurance-vie et de l'assurance- maladie.

Quarante-cinq pour cent de tous les emplois sont considérés comme non exportés. Mais la technologie a un impact grandissant sur la mobilité des emplois. Sur les emplois non exportés, 40 % deviendront des emplois exportés et mobiles. Parmi ces emplois qui évoluent, mentionnons:

  • Les fonctions de ventes au détail effectuées au téléphone ou sur Internet
  • Les centres de traitement des données.

Parmi les emplois qui devraient demeurés non exportés dans l'avenir, on note :

  • Les services de conseil personnels
  • Le réseau de banques au détail
  • La planification financière personnalisée.

Ces emplois non exportés représentent un peu plus du quart de tous les emplois.

C'est la technologie qui est responsable de la nature évolutive des emplois et de la situation géographique des occasions d'emploi. Avec la baisse des coûts des télécommunications et des services informatiques, ainsi que le perfectionnement de la technologie d'imagerie, des fonctions qui par le passé se faisaient sur place peuvent maintenant se faire dans un endroit centralisé. Mais cela signifie aussi que les emplois qui se font maintenant à proximité des sièges canadiens des institutions financières, pourraient se faire ailleurs, voire à l'extérieur du Canada. Ces emplois demeureront au Canada seulement si le secteur financier est assez compétitif pour qu'il soit rentable de les garder ici.

Les Canadiens ont été avantagés du fait que nos institutions ont des ambitions mondiales et qu'elles créent des emplois au pays pour servir les marchés mondiaux. Rien ne garantit qu'il continuera d'en être ainsi. Presque tous les facteurs de production deviennent de plus en plus mobiles. Pour les attirer et les retenir, il faut un cadre qui permette aux institutions financières d'être compétitives.

L'apport du secteur des services financiers à l'économie n'est donc pas négligeable, mais son importance vient surtout du rôle spécial qu'il y joue. Contrairement à d'autres secteurs, c'est un élément vital de quasi toutes les transactions économiques. Le secteur financier imprègne tellement l'économie qu'il influe sur son fonctionnement de façon qu'aucune autre branche d'activité ne pourrait égaler. C'est de lui que dépendent vraiment, par le processus d'intermédiation financière, le bon fonctionnement et l'efficacité de l'économie. Ceux qui désirent épargner n'ont pas à trouver d'emprunteurs dignes de confiance. Les institutions financières le font pour eux. En plus de réduire fortement les coûts des transactions liées à l'épargne et aux emprunts, cela atténue sensiblement les risques auxquels les épargnants s'exposent. Ces derniers n'ont pas besoin de savoir évaluer le risque que présentent des emprunteurs ou des projets d'investissements particuliers, car les institutions spécialisées le font pour eux. Et comme elles y affectent des experts, elles réalisent des économies d'échelle et de gamme.

Une autre fonction importante du secteur financier consiste à assurer un système efficace de paiements, et celui du Canada fait l'envie du monde entier. Des moyens de transaction sûrs et efficaces favorisent les échanges économiques. Cela permet, en outre, aux intervenants de se spécialiser et donc de maximiser les rendements.

Pour que son économie prospère, le Canada a besoin d'un secteur des services financiers qui, tout en étant solide, stable, efficace et compétitif, sache innover et offrir aux Canadiens une vaste gamme de choix. Les institutions doivent s'adapter à mesure que le monde qui les entoure évolue. Bref, il nous faut un secteur des services financiers de classe mondiale.

L'IMPACT DE LA TECHNOLOGIE

La rapidité des changements, dont la technologie est l'un des moteurs, touche le secteur financier. La chute rapide des frais de télécommunications et de traitement des données permet maintenant d'offrir des services financiers selon des façons et à des endroits impossibles jusqu'ici, et qui pourraient se révéler dépassés et peu rentables demain. Les transactions peuvent se faire très rapidement. Ces changements amènent certaines institutions à se restructurer de fond en comble pour centraliser la prestation des services, au lieu de les offrir sur place comme elles le faisaient dans le passé. Certaines institutions adoptent aussi l'impartition pour certaines activités. Si certaines se lancent dans de nouveaux créneaux, d'autres abandonnent ceux où elles ne peuvent pas faire concurrence et d'autres encore forment des coentreprises. Tous ces changements visent à réduire les coûts, ce que l'apparition de nouveaux concurrents rend nécessaire.

Nul doute que la puissance des ordinateurs continuera à grimper et les prix, à baisser. En 1982, les microprocesseurs ayant une capacité d'un million d'instructions par seconde (c.-à-d. un MIP) coûtaient près de 1 000 $. Aujourd'hui, un MIP coûte environ 1,30 $; dans 10 ans, nous estimons qu'il coûtera autour de 0,001 $.

L'évolution technologique a aussi eu pour résultat de faire apparaître de nouveaux produits financiers, surtout dans le système de paiements, mais aussi sous forme de produits destinés à réduire le risque et à accroître les possibilités d'obtenir un meilleur rendement sur l'épargne. Le commerce des produits dérivés, les cartes de débit et les cartes à valeur stockée en sont des exemples. Ces changements ont ceci de frappant qu'ils n'avantagent pas que les grandes institutions ou les riches; les familles canadiennes typiques en tirent aussi des avantages tangibles. Par exemple, les Canadiens qui ne peuvent pas investir plus en valeurs étrangères à l'intérieur de leur REER peuvent acheter des fonds communs de placement dont le rendement est lié à des indices boursiers américains, ce qui a pour effet de court-circuiter la limite de 20 % en valeurs étrangères imposée aux investisseurs. Les Canadiens qui veulent la sécurité d'un certificat de placement garanti (CPG) tout en s'exposant à une partie des risques que présentent les investissements en valeurs mobilières peuvent acheter un CPG dont le rendement est lié à des indices boursiers canadiens. Ce sont les nouveaux produits dérivés qui le permettent dans les deux cas5.

Les principales banques de gros sur la scène mondiale mettent au point, en moyenne, un nouveau produit par semaine. Dans la plupart des grandes banques d'investissement, il y a un groupe ou des groupes de mathématiciens et de statisticiens diplômés qui s'efforcent sans cesse de concevoir des ensembles de produits tant pour les émetteurs que pour les investisseurs.

L'évolution de la technologie du savoir transforme aussi le secteur. La mise au point de techniques d'évaluation de la cote de crédit en vue d'évaluer le risque permet aux institutions d'examiner rapidement les demandes de prêt à peu de frais. Par son système de demande et d'approbation de prêts via Internet, mbanx est en mesure d'approuver une demande d'hypothèque en 30 secondes dans 80 % des cas. Les frais administratifs des prêts évalués ainsi s'en trouvent fortement réduits. Les institutions peuvent maintenant accorder à profit de petits prêts qu'elles ne pouvaient pas offrir dans le passé.

Les logiciels perfectionnés d'analyse des données, par exemple, ont permis aux institutions financières de concevoir des programmes de marketing par bases de données sophistiqués et hautement prédictifs. Des sociétés de cartes de crédit ultraperformantes, comme la MBNA, ont exploité avec succès ces programmes pour cibler des clients à valeur élevée avec plus d'efficacité sur leurs marchés tant intérieurs qu'étrangers.

La nouvelle technologie du savoir et de nouvelles méthodes de marketing permettent aussi à des prêteurs comme la Wells Fargo de servir le marché canadien à distance. Ce genre de service ouvre tout grand le marché interne et répond au désir des consommateurs d'obtenir plus de choix en faisant abstraction des initiatives gouvernementales.

LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION

Le vieillissement de la population est une autre forme de changement qui influe sur l'évolution du secteur. Qui plus est, la structure d'âge de la population est telle que ceux pour qui l'épargne est d'une importance primordiale prennent plus d'importance par rapport à ceux qui se soucient davantage d'obtenir des capitaux. Pour les institutions financières, les ménages sont non seulement des clients qui ont besoin de capitaux, mais ils sont aussi de plus en plus des clients qui ont besoin d'aide pour gérer leur patrimoine. C'est pourquoi les institutions s'efforcent toujours davantage d'établir des relations d'affaires globales avec leurs meilleurs clients.

Quelque 9,8 millions de Canadiennes et de Canadiens, soit environ le tiers de la population, jouent un rôle prépondérant sur le marché des services financiers de détail.

L'accent mis sur la gestion du patrimoine découle, outre le vieillissement de la population, de plusieurs changements. La fortune se transmet d'une génération à l'autre par de gros transferts forfaitaires qu'il faut gérer sagement. Enfin, les Canadiens travaillent de plus en plus à leur compte, de sorte qu'ils doivent pourvoir eux-mêmes à leurs allocations-santé et à leurs prestations de retraite. Pour servir ces Canadiens, nos institutions financières doivent relever de nouveaux défis et se recentrer sur le plan des services offerts.

La génération des baby-boomers héritera bientôt d'un patrimoine sans précédent, légué par la génération précédente. Selon une estimation, un trillion de dollars d'actifs nets seront transférés d'une génération à l'autre.

Conjuguées à un climat de faible inflation et à la faiblesse des taux d'intérêt, ces tendances ont modifié profondément le type de produits que les Canadiens désirent. Les gens veulent de meilleurs rendements et sont prêts, à cause de leurs horizons d'investissement toujours plus longs, à assumer plus de risques.

Le travail indépendant représente maintenant 17,9 % du nombre total d'emploi au Canada, contre 13,3 % en 1986. Onze pour cent des Canadiens ayant un emploi déclarent travailler principalement à partir de leur domicile. Près de la moitié (48 %) des Canadiens ayant un emploi déclarent qu'ils travaillent régulièrement ou occasionnellement depuis leur résidence.

LA MONDIALISATION DES MARCHÉS

L'évolution technologique et démographique échappe, pour l'essentiel, à l'emprise de l'État. Les gouvernements ont toutefois ouvert davantage les marchés internes à des institutions étrangères par diverses ententes internationales. Conjugué à la conversion des économies dirigées en économies de libre marché, cela change du tout au tout les possibilités qui s'offrent aux entreprises commerciales et financières. La plupart des pays ouvrent leurs marchés à des institutions étrangères en anticipant la réciprocité de la part d'autres pays pour aboutir à une réelle mondialisation des marchés. Si ces mesures renforcent la concurrence locale, elles aident aussi les entreprises commerciales à obtenir l'accès homogène aux services financiers du monde entier. La Banque Scotia est un excellent exemple d'institution financière canadienne qui a suivi sa clientèle à l'étranger, ce qui en fait la banque canadienne la plus tournée vers le reste du monde et lui permet de rappeler, non sans fierté, qu'elle avait des bureaux à Kingston, en Jamaïque, avant d'en avoir à Toronto.

La position relative des différentes catégories d'institutions a évolué avec le temps. Après avoir perdu des parts de marché à divers intervenants qui sont apparus et ont disparu avec les ans, les banques, qui étaient autrefois les intermédiaires financiers dominants, détiennent maintenant une proportion beaucoup moindre des actifs financiers.

QUEL EST LE BUT DU COMITÉ?

Le Comité permanent des finances de la Chambre des communes entreprend cet examen pour envisager les façons dont les recommandations du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien peuvent contribuer à doter le Canada d'un secteur financier de classe internationale. Il nous faut reconnaître clairement que le rôle de l'État est restreint. Comme le signale le Document de discussion du Groupe de travail : « Le Parlement [. . .] ne peut adopter une loi portant que les institutions financières canadiennes doivent offrir des services d'une qualité de niveau international, que la petite entreprise progresse rapidement ou que les Canadiens se maintiennent à la fine pointe du progrès en ce qui touche la mise en place d'industries fondées sur le savoir 6. » Il peut cependant réitérer son engagement à maintenir un cadre réglementaire solide et efficace en le combinant à un environnement qui laisse libre cours à la souplesse, à l'innovation, à la concurrence et à la possibilité pour les institutions financières de servir les Canadiens de façon rentable.

Le Comité reconnaît que l'avenir offre à la fois des possibilités et des défis. Nous en avons la preuve aujourd'hui. Sans se dérober aux défis, il faut aussi s'assurer de saisir les occasions. C'est ce que le Comité vise réellement par la création d'un cadre législatif et réglementaire dans lequel le secteur financier pourra relever avec succès les défis devant lui et saisir les nouvelles occasions qui s'offrent à lui et dans lequel tous les Canadiens peuvent profiter d'un système financier de classe internationale.

Le prochain examen législatif, que ce soit en 2002 ou avant, sera décisif. S'il est couronné de succès, c'est que les défis de la mondialisation, des nouvelles technologies, de la promotion d'un secteur de services financiers progressif et de la protection du consommateur auront été relevés.

Relever le défi international : Nous voulons nous assurer que les Canadiens ne soient pas tenus à l'écart des diverses innovations bénéfiques qui se produisent dans le monde. Par Canadiens nous entendons ici tant les consommateurs que les fournisseurs de services financiers. Les nouveaux produits et les nouvelles institutions menaceront la part de marché des entreprises canadiennes actuelles. Par contre, loin d'entraver les efforts des institutions canadiennes pour devenir compétitives sur la scène internationale, le gouvernement devrait au contraire les encourager et leur faciliter la tâche. Même si le Comité ne croit pas opportun de promouvoir l'expansion dans le seul but d'avoir de plus grosses institutions, il ne faudrait cependant pas laisser la phobie des gros empêcher nos institutions financières de se lancer à la conquête de nouveaux défis, à la condition toutefois qu'ils soient dans l'intérêt public. Le gouvernement devrait plutôt établir un cadre rigoureux pour évaluer l'incidence de la fusion, et s'arranger pour que le marché canadien fasse l'objet de concurrence autant que faire se peut. C'est la seule façon de s'assurer que le secteur peut relever le défi de la mondialisation et que les consommateurs canadiens de services financiers ont droit à ce que le secteur financier mondial peut offrir de meilleur.

Relever le défi technologique : La technologie contribue à l'évolution des services financiers. En plus de donner accès aux services financiers de façons nouvelles, par le biais de banques virtuelles entre autres, nous pouvons aussi acheter des produits novateurs. La technologie donne aux résidents des milieux ruraux et des collectivités isolées l'accès à de meilleurs services financiers que dans le passé, mais de façons différentes.

La technologie peut aussi apporter des défis. À mesure que les institutions trouvent des façons de l'utiliser pour réduire les coûts, la pression concurrentielle les pousse à laisser tomber le contact personnel traditionnel. Les Canadiens ne peuvent malheureusement pas tous s'adapter rapidement à l'évolution technologique. Le défi consiste à s'assurer de continuer à servir tous les clients pendant cette période de transition d'un paradigme à l'autre.

La croissance économique par le secteur des services financiers : Pour que l'économie canadienne puisse prospérer, l'accès aux capitaux et à une variété de services financiers est primordial. Dans l'ensemble, l'économie est bien servie par le secteur financier, mais certains secteurs le sont moins. Le plus grave, c'est que ce sont ceux qui ont le plus de potentiel, à savoir les PME (petites et moyennes entreprises) et les industries du savoir.

Le secteur des services financiers doit absolument trouver moyen de servir ces importants segments de l'économie canadienne. La réforme du secteur devrait avantager à la fois les PME et les industries du savoir. Si les joueurs actuels ne sont pas en mesure de bien les servir, il se peut que de nouveaux intervenants y arrivent, surtout s'ils apportent avec eux de nouvelles façons de faire des affaires, comme de nouveaux modes d'évaluation du risque ou de nouvelles attitudes à son égard. Dans la mesure où ces nouveaux intervenants renforcent la concurrence, les institutions en place seront contraintes de trouver de meilleures façons de servir leur clientèle actuelle.

Pour contribuer au bon fonctionnement de l'économie canadienne, le secteur des services financiers doit être efficace. Ces services sont l'un des intrants du processus de production. Plus le secteur est efficace, mieux l'économie sera servie. La conjugaison de la concurrence et de l'efficacité fera baisser les prix et rehaussera la qualité du service.

Pour un secteur des services financiers prospère et productif : Étant donné les tendances du secteur financier, il est parfois difficile d'en connaître l'étendue et les intervenants. L'intensification de la concurrence résulte de sources inhabituelles, voire étonnantes. Elle découle de plus en plus d'institutions qui échappent à la réglementation canadienne.

Il est important que le secteur financier soit assez souple pour s'adapter aux besoins changeants des Canadiens et à l'évolution de son cadre de travail. Sinon, les Canadiens et les non-Canadiens se tourneront vers d'autres fournisseurs. En plus de s'assurer du contraire, le gouvernement du Canada doit s'employer à faire en sorte que les institutions canadiennes ne ratent jamais pareille occasion de servir des marchés étrangers.

Il est impossible de prédire l'avenir du secteur des services financiers. Nous ne savons ni quels nouveaux produits feront leur apparition, ni quels genres de produits les consommateurs voudront. Nous ne savons ni comment ces services seront fournis, ni même qui les offrira. La seule chose qu'on peut affirmer avec certitude au sujet de l'avenir, c'est que toute tentative d'imposer un modèle rigide au secteur des services financiers produira probablement l'effet contraire, du point de vue tant des institutions financières que des consommateurs canadiens.

Préserver la confiance, la fiabilité et la solidité : Par rapport aux autres secteurs économiques, celui des services financiers est et continuera d'être fortement réglementé. À bien des égards, cette réglementation est une source de vigueur en inspirant confiance aux consommateurs. Cette confiance est un bien collectif en ce sens qu'aucune entreprise ne peut se l'approprier. Elle avantage tous les intervenants du secteur et renforce donc celui-ci. Une réglementation excessive, inefficace ou inadaptée constitue cependant un fardeau dont les consommateurs font les frais, directement par une hausse des frais de service ou un choix moindre, ou indirectement lorsque des règles du jeu divergeantes pénalisent certaines institutions par rapport à d'autres. Il serait important que le gouvernement trouve un bon compromis entre la réglementation prudentielle qui favorise le secteur et la réglementation excessive qui lui est néfaste.

Le Comité donne, dans les chapitres qui suivent, plus de détails au sujet des quatre thèmes abordés dans le Rapport du Groupe de travail - l'intensification de la concurrence et de la compétitivité, le renforcement du pouvoir des consommateurs, l'amélioration du cadre réglementaire et les façons de répondre aux attentes des Canadiens - ainsi que des recommandations formulées sur chacun.


CHAPITRE 2 : LE NOUVEAU VISAGE DU SECTEUR DES SERVICES FINANCIERS DU CANADA

La mondialisation, la fusion d'entreprises, l'arrivée de nouveaux joueurs canadiens, les innovations technologiques réclamées par des consommateurs de plus en plus avertis qui exigent des modes de prestation meilleurs et plus pratiques et les tendances démographiques : tous ces facteurs sont sur le point d'entraîner des changements spectaculaires dans le secteur des services financiers qui auraient été impensables il y a seulement quelques années. Certains de ces changements sont déjà observables, tant du côté de l'offre que du côté de la demande, mais il va s'en produire encore bien davantage, et beaucoup plus rapidement. Cette transformation que subit le paysage des institutions financières canadiennes n'est pas unique au Canada. En effet, des forces puissantes sont à l'oeuvre qui vont entraîner des restructurations dans le monde entier et au Canada. Compte tenu de ce qui s'est passé au cours des 10 dernières années et de ce qui se produira, on a du mal à imaginer ce que l'avenir nous réserve.

Le tableau suivant donne une idée de l'évolution de l'importance relative des diverses institutions financières.





Source : The Canadian Financial Services Industry, The Year in Review, 1991-1992 et 1997, le Conference Board du Canada.

i. La mondialisation

La mondialisation suscite un accroissement de la concurrence et des choix plus nombreux pour les entreprises et les ménages du Canada. Cette concurrence accrue va se traduire par des services financiers de meilleure qualité, des choix plus variés et des prix plus bas. Les institutions financières canadiennes connaissent depuis longtemps les avantages et le potentiel de croissance des placements étrangers. Au Canada, de nouveaux joueurs comme Wells Fargo, MBNA, Capital One et ING Direct ont déjà un impact sur le secteur et sur les consommateurs. Les nouveaux joueurs arrivés sur le marché par la voie d'acquisitions (l'achat de Midland Walwyn par Merrill Lynch, par exemple) vont aussi changer le visage du secteur des services financiers.

ii. Fusion

Le Groupe de travail considère que le mouvement de fusion et de restructuration du secteur est une stratégie légitime, voire souhaitable dans certaines circonstances, et il formule plusieurs recommandations qui faciliteraient la fusion d'institutions. C'est une des façons de s'adapter à des conditions et un contexte changeants.

Au demeurant, le phénomène de la fusion ne date pas d'hier. Il a déjà servi d'instrument de politique pour réagir à la faillite d'institutions financières. Mieux encore, il importe de se rappeler que c'est la fusion qui a donné naissance, il y a longtemps, à nos banques nationales.

Il existe d'ailleurs des exemples plus récents de ce phénomène. Il suffit de penser à la récente tentative avortée de la Banque Royale de prendre le contrôle de la London Life, laquelle a finalement été achetée par la compagnie d'assurance-vie Great-West. Il ne faut pas oublier non plus les restructurations qui ont eu lieu dans le secteur des entreprises de fiducie. À leur apogée, entre 1988 et 1991, les sociétés de fiducie comptaient pour environ 22 % des dépôts au Canada. Après la faillite d'un certain nombre d'entre elles, grandes et petites, dans les années 1980 et au début des années 1990, dont beaucoup se sont soldées par l'acquisition des sociétés concernées par des banques, il ne reste plus qu'une seule grande société de fiducie indépendante (Canada Trust) et environ 30 petites contre 81 en 1993. Collectivement, ces sociétés contrôlent actuellement environ 9 % des dépôts.

Les fusions comptent parmi les stratégies les plus visibles, et donc parmi les plus controversées, qu'on puisse mettre en oeuvre pour effectuer une restructuration dans le secteur des services financiers. Le nombre des fusions a légèrement diminué au Canada depuis 1994, mais le nombre des transactions effectuées chaque année, de 1993 à l'heure actuelle, est beaucoup plus élevé qu'à la fin des années 1980. Le Conference Board du Canada a dénombré plus de 350 fusions dans le secteur des services financiers canadien au cours des 10 dernières années.

Pensons aussi aux restructurations qui ont frappé l'industrie des valeurs mobilières au moment où les banques ont été autorisées à entrer sur ce marché en 1987. Presque toutes les maisons de courtage moyennes ont disparu. Au total, il y a eu plus de 350 fusions et acquisitions dans le secteur des services financiers canadien dans les 10 dernières années.

iii. Nouveaux joueurs

L'exemple le plus visible de l'entrée de nouveaux joueurs dans le secteur des services financiers canadien a été le résultat des modifications apportées en 1980 à la Loi sur les banques qui ont permis à des banques étrangères d'exploiter des filiales au Canada. Il existe actuellement 44 filiales de banques étrangères en exploitation au Canada, contre 56 en 1991. Une seule, la Banque Hongkong du Canada, possède un vaste réseau de succursales et une part de marché importante. Globalement, les banques étrangères contrôlent maintenant environ 10 % des actifs nationaux7.

Cette tradition d'obstacles à l'accès des banques étrangères ressort bien de l'enquête sur la compétitivité dans le monde, du Forum économique mondial, qui classe le Canada 41e sur 53 pays au chapitre de la concurrence exercée par les banques étrangères.

Si elles sont mises en oeuvre, les recommandations du Groupe de travail vont modifier encore davantage les possibilités qui s'offrent aux institutions financières, agir sur l'équilibre de la concurrence et favoriser d'autres restructurations découlant de la volonté des institutions financières de constituer des alliances qui les rendront plus fortes et plus rentables. Toutes les institutions financières canadiennes, grandes et petites, devront évaluer leur position sur le marché pour, dans certains cas, se repositionner ou, dans d'autres, repenser leur stratégie commerciale. Certaines décideront éventuellement de se départir de leurs activités non compétitives. D'autres pourraient décider de fusionner ou d'acquérir d'autres institutions pour élargir leur gamme de produits. Il y a fort à parier que le paysage du secteur des services financiers canadien sera totalement différent à l'avenir.

iv. Innovations technologiques

Le nouveau visage du secteur des services financiers est le fruit de pressions qui viennent à la fois du côté des institutions (qui sont poussées par l'évolution rapide des techniques) et du côté des consommateurs, qui exigent des services plus pratiques (de plus en plus de Canadiens adoptent les nouvelles technologies). Pour que les changements technologiques se produisent, les deux côtés de cette équation doivent être bien alignés. Si les institutions offrent de nouveaux mécanismes électroniques, il faut qu'il y ait suffisamment de consommateurs qui acceptent de les utiliser. Si les consommateurs veulent de nouveaux produits, il faut qu'il y ait des institutions désireuses et capables de les leur fournir. Les institutions, les produits et les modes de prestation changent donc très rapidement. Pour relever ce défi technologique et faire face à l'accroissement de la concurrence, le secteur des services financiers canadien a été forcé d'investir des sommes considérables dans les nouvelles technologies. En 1996, ce secteur a affiché des dépenses de 2,92 milliards de dollars au chapitre des technologies de l'information (dont 2,42 milliards de dollars ont été dépensés par les 6 grandes banques à charte)8.

Les budgets consacrés aux technologies de l'information par Citicorp et la Chase Manhattan - les plus dépensières à cet égard - sont évalués à 2 milliards de dollars américains environ pour chaque institution en 1997. On estime qu'une poignée d'autres grandes banques américaines et européennes consacrent bien au-delà de 1 milliard de dollars américains à ce poste de dépenses. De leur côté, les plus grandes banques canadiennes dépensent, selon les estimations, des sommes de l'ordre de 400 à 600 millions de dollars américains par année.

Le secteur se trouve en plein dans une importante transformation de la prestation des produits, un des aspects les plus visibles du secteur des services financiers. Les immeubles de même que le papier sont progressivement remplacés par des signaux numériques. Le Rapport du Groupe de travail signale que, entre 1988 et 1995, le volume des transactions de paiement sans papier a crû à un rythme annuel de 13,9 %, tandis que les transactions par chèques ont diminué en moyenne de 1,5 % par an9. En trois ans seulement, la proportion des transactions bancaires effectuées dans des succursales est passée de la moitié à 30 % du total10, ce qui représente une baisse de 40 %.

Les grandes institutions financières internationales consacrent chacune nettement plus de 1 milliard de dollars américains chaque année à la mise au point de technologies nouvelles, les dépenses de certains établissements, comme Citicorp et la Chase Manhattan, étant évaluées à près de 2 milliards de dollars américains.

La principale solution de rechange à la succursale est le guichet bancaire automatique, mais même lui pourrait bientôt devenir désuet11. Les guichets automatiques existent depuis déjà plus de 20 ans. Il a fallu beaucoup de temps pour que cette technologie l'emporte sur les transactions effectuées dans les succursales. En revanche, les cartes de débit ont été offertes aux Canadiens il y a seulement quatre ans et elles ont crû à un rythme extraordinaire depuis lors : 30 millions de cartes en circulation, 235 000 détaillants offrant le paiement direct par Interac et plus d'un milliard d'transactions en 1997, contre 185 millions en 1994.

L'accessibilité des services de paiement semble bonne au Canada par comparaison avec l'étranger. Le nombre de succursales et de guichets automatiques par personne place le Canada au deuxième rang dans l'OCDE, notre pays venant en troisième place pour le nombre de terminaux au point de vente par personne.

Les TEF/PDV12 et les transactions par téléphone font plus que doubler chaque année et ils représentent maintenant 18 % et 10 % des transactions respectivement, ce qui demeure loin derrière les 38 % des transactions réalisées par guichet automatique. Cependant, les transactions par téléphone et les TEF/PDV progressent à un rythme annuel beaucoup plus élevé (50 % et 91 % respectivement) que les transactions par guichet (11 %). Ces deux modes de distribution vont sans doute bientôt succéder aux guichets automatiques.

Au cours des 10 dernières années, le pourcentage de maisons où il y a des ordinateurs au Canada est passé de 10 à 35 %. En outre, les clients se branchent rapidement à Internet. Le Canada se classe aujourd'hui au septième rang pour ce qui est du nombre d'hôtes Internet par habitant, et ces services augmentent chaque année. Certains spécialistes prévoient même que d'ici 5 à 10 ans il y aura autant d'ordinateurs personnels et de branchements à Internet qu'il y a de téléphones actuellement.

Les services bancaires sur PC viennent ensuite. Ils représentent encore une très petite proportion des transactions, mais ils se répandent rapidement. Ensemble, les transactions par téléphone et les TEF/PDV dépasseront dès l'année prochaine les transactions effectuées en succursale. Ce sera ensuite le tour des transactions sur PC et sur Internet. La proportion des ménages canadiens équipés d'un ordinateur personnel est passée de 10 % en 1986 à 36 % en 1997; 28 % des ménages ont maintenant accès à Internet. Proportionnellement, ce sont les jeunes ménages qui effectuent le plus de transactions financières, et ils vont rapidement adopter de nouvelles formes de services bancaires comme l'argent électronique et les cartes à puce. À mesure que ces nouveaux véhicules financiers et que le commerce électronique occuperont une place de plus en plus importante dans notre économie, les guichets automatiques tels que nous les connaissons vont devenir de plus en plus désuets. Ils vont devoir être transformés lorsqu'ils perdront graduellement leur rôle essentiel de machines distributrices de billets.

Les Canadiens semblent se mettre volontiers au diapason des nouvelles technologies. Depuis une dizaine d'années, le nombre de ménages possédant un ordinateur à la maison a plus que triplé. Selon Statistique Canada, la proportion des ménages ayant un ordinateur est passée de 10 % en 1986 à plus de 36 % l'an dernier.

Pour comprendre pourquoi les pressions du changement sont fortes dans les modes de distribution, il suffit d'étudier la nature de ces questions et les coûts qui y sont associés. Les transactions en succursale sont généralement réalisées face à face avec les clients et reposent largement sur du papier. Or, c'est de loin la façon la plus coûteuse d'effectuer une simple transaction bancaire. Dans l'échelle des coûts, les guichets automatiques viennent au deuxième rang - ils représentent environ le tiers du coût d'une transaction en succursale. Les transactions par guichet automatique sont elles aussi des transactions sur papier, mais la main-d'oeuvre y est utilisée de façon beaucoup plus rationnelle.

De 1988 à 1995, le volume des instruments de paiement sans papier (c.-à-d. autres que les espèces ou les chèques) a augmenté à un rythme annuel moyen de 13,9 %, tandis que les transactions par chèques diminuent de 1,49 % en moyenne par année.

Les transactions bancaires par téléphone sont légèrement moins coûteuses que les transactions par guichet automatique. Elles ne consomment pas de papier et représentent une exploitation rationnelle de la main-d'oeuvre. Enfin, le canal de distribution de loin le moins coûteux est Internet, où les coûts par transaction représentent environ 1 % seulement du coût des transactions en succursale. Ce service non seulement ne consomme aucun papier, mais n'exige presque qu'aucune main-d'oeuvre.

Pour les deux tiers (67 %) des Canadiens, il était extrêmement important de pouvoir effectuer des transactions bancaires en personne dans une succursale.

Certains Canadiens résistent à la transition des succursales vers les autres canaux de distribution. C'est en partie une question de génération, mais cela tient aussi en partie au fait que les frais de transaction facturés par les institutions de dépôts ne sont pas proportionnels au coût des divers canaux13. Elles s'attendent sans doute que les consommateurs adopteront ces solutions de rechange parce qu'elles sont plus pratiques pour eux.



Par conséquent, ce dont nous sommes témoins déborde de loin une simple désaffection pour les réseaux bancaires fondés sur la brique et le mortier. Nous sommes témoins non seulement de changements rapides, mais de changements qui s'accélèrent et de flux sous la forme de nouveaux canaux de distribution offerts aux Canadiens par les institutions financières canadiennes et étrangères. Si les sociétés à produit unique ont autant de succès, c'est parce qu'elles ont réussi à bien adapter leurs produits financiers en sachant exploiter les ressources des techniques modernes. Ces nouveaux modes de prestation des services financiers à forte intensité technologique vont accroître la concurrence et élargir l'éventail des choix qui s'offrent aux consommateurs disposés à les accepter.

v. Tendances démographiques

Les tendances démographiques jouent deux rôles importants sur le plan des services qui sont offerts. Comme on l'a dit précédemment, avec la jeune génération, plus instruite et plus ouverte aux nouvelles technologies, les progrès technologiques vont se multiplier dans les services bancaires. D'un autre côté, les générations mûres qui approchent de la retraite et la génération du baby-boom (dont beaucoup sont des travailleurs indépendants) qui va bientôt profiter d'un transfert de richesses intergénérationnel exigent des produits d'épargne, des services de courtage et des services de gestion de fortune et de gestion de retraite nouveaux et innovateurs.

Les clients canadiens délaissent les produits traditionnels protégés par le gouvernement, comme les dépôts, pour les titres transigés sur les marchés et les fonds communs de placement. En 1992, l'actif financier était composé, dans une proportion de 31 %, de dépôts de base; en 1997, ce pourcentage était tombé à 26 %. Dans l'avenir, les Canadiens prendront vraisemblablement plus de risques en transférant une partie encore plus grande de leurs actifs financiers discrétionnaires dans des véhicules à long terme. Les actifs à long terme exprimés en pourcentage de l'ensemble des actifs discrétionnaires devraient passer de 40 % en 1996 à plus de 60 % d'ici 2006.

Les facteurs démographiques contribuent par ailleurs aux changements les plus importants des caractéristiques des ménages canadiens, à savoir la façon dont ces ménages investissent leur fortune. Nous sommes tous au courant de l'expansion spectaculaire des fonds communs de placement durant la décennie. Or, un changement beaucoup plus impressionnant s'est produit dans les 25 dernières années. En effet, les ménages détiennent une part croissante de leur richesse sous la forme d'avoirs financiers (fonds communs de placement, dépôts, actions, obligations et produits d'assurance) que sous la forme de biens matériels (maisons et autres biens, voitures, etc.). En 1997, 55 % des avoirs des ménages canadiens prenaient la forme d'actifs financiers et 45 % d'actifs matériels. Il y a 25 ans, les proportions étaient inversées.

La place de plus en plus grande des avoirs financiers est un facteur important pour expliquer la croissance des services financiers par rapport au reste de l'économie. En même temps que les avoirs financiers des ménages ont augmenté, les Canadiens changeaient la forme sous laquelle ils détenaient ces avoirs. Le changement le plus spectaculaire est représenté par les fonds communs de placement. Par ailleurs, la croissance des demandes de pension est elle aussi impressionnante. La part relative des dépôts, des actions et des obligations a baissé depuis 20 ans. Ces changements se sont produits en grande partie en réaction à la demande émanant des consommateurs, laquelle est influencée par les facteurs économiques et démographiques. Les bas taux d'intérêt de ces dernières années, combinés à l'impression qu'ont les gens qu'ils doivent devenir de plus en plus autonomes sur le plan de leur sécurité financière, ont entraîné une accélération de la tendance vers la désintermédiation, c'est-à-dire le processus dans lequel les épargnants investissent directement dans des titres, en particulier dans des titres à long terme14, au lieu de passer par l'intermédiaire d'une institution de dépôts. L'évolution démographique est telle qu'une proportion croissante de la population se trouve maintenant dans les principales tranches d'âge d'épargne. Tous ces facteurs ont des répercussions sur le secteur des services financiers et sur les divers intervenants.

Avoirs financiers des ménages par produit
(en pourcentage du total des avoirs financiers des ménages canadiens)





Source : Changement, défis et possibilités, pièce 4.1.

vi. Conclusion

Le secteur des services financiers canadien est sur le point de se transformer comme jamais auparavant. Au lieu de résister aux forces du changement, au lieu de rechercher le statu quo, les décisionnaires et les organismes de réglementation devraient instituer un cadre qui aidera les institutions et les consommateurs à s'adapter rapidement, facilement et de façon ordonnée. Nous avons l'occasion unique de modeler l'avenir du secteur des services financiers. Les gouvernements ont à relever un défi stimulant qui influera sur la vie de millions de personnes pendant de nombreuses années.


CHAPITRE 3 : CONCURRENCE ET COMPÉTITIVITÉ

La concurrence est une caractéristique des marchés économiques. Au sens large, le secteur des services financiers est un tel marché. C'est un marché d'instruments d'épargne pour les consommateurs et un marché de crédit pour les ménages et les entreprises. Mais dans le passé, ce secteur avait tendance à se partager en plusieurs marchés distincts. Chaque « pilier » fournissait un ensemble de services financiers qui n'étaient pas substituables aux services d'autres piliers. Un compte d'épargne dans une banque n'était pas la même chose qu'un portefeuille d'actions ou qu'un fonds commun de placement. Et il en était de même du côté du crédit.

Aujourd'hui, les institutions financières se ressemblent de plus en plus, ce que le Rapport MacKay n'a pas manqué de reconnaître. De sorte qu'en théorie comme dans les faits, nous avons de plus en plus affaire à un seul marché financier. Les nouveaux produits et les nouvelles façons de les livrer rendent les différences entre les institutions et instruments financiers de moins en moins marquées. Cette convergence ne permet plus aux institutions de se cacher derrière un « pilier » pour se protéger de la concurrence. On en voit des exemples avec les consommateurs qui peuvent acheter presque n'importe quel produit financier d'une banque ou d'une de ses filiales. De plus en plus, les compagnies d'assurance-vie proposent des instruments d'épargne plutôt que de l'assurance. De même, le consommateur qui souhaite acheter un instrument d'épargne dont le rendement est lié au marché boursier canadien peut acheter des certificats de placement garanti (CPG) liés au TSE dans une banque, un fonds distinct auprès d'une compagnie d'assurances, des fonds mutuels d'une société indépendante de fonds mutuels ou des fonds mutuels vendus par une banque.

Cette tendance à la convergence n'exclut pas pour autant la spécialisation et l'exploitation de créneaux. Les consommateurs qui souhaitent passer par un guichet unique peuvent le faire tout en profitant des institutions spécialisées (également appelées « monogammes ») qui peuvent donner des conseils sur une gamme limitée de produits. Ce que la convergence implique, toutefois, c'est que les services de créneaux doivent être en mesure de soutenir la concurrence des institutions qui offrent toute la gamme de services.

Par ailleurs, la concurrence oblige les institutions nationales à soutenir la concurrence du marché. Si les notions de compétitivité et de concurrence vont souvent de pair, il se peut que ce ne soit pas toujours le cas15. Dans un marché libre et avec des institutions nationales compétitives, les consommateurs canadiens ont de meilleures chances de profiter de la concurrence et de pouvoir se procurer les meilleurs produits aux meilleurs prix. Mais l'inverse est également vrai. Plus la concurrence est forte sur le marché intérieur, plus les institutions canadiennes feront bonne figure sur les marchés internationaux. La concurrence oblige les entreprises à être efficaces et à utiliser les technologies, les pratiques commerciales et les méthodes de gestion les plus récentes.

C'est ainsi qu'on peut considérer que la concurrence est un élément important surtout du point de vue du consommateur, alors que la compétitivité est une caractéristique d'une institution ou d'un groupe d'institutions qui leur permet de se tirer d'affaire dans un monde de concurrence.

LA CONCURRENCE

Il y a trois grandes façons d'accroître la concurrence sur le marché, quel que soit le service financier : l'arrivée de nouveaux acteurs nationaux, celle de nouveaux acteurs étrangers, ou en permettant aux institutions existantes d'offrir une plus large gamme de produits. De l'avis du Groupe de travail, il est également vital d'accroître le pouvoir des consommateurs, car cela aide le marché à discipliner les institutions, ce qui signifie que les consommateurs sont mieux servis. Nous examinerons chaque point à tour de rôle et nous verrons comment les recommandations du Groupe de travail favorisent la concurrence. À cela, nous pourrions ajouter un cinquième élément, la réglementation. Il est capital que la réglementation n'empêche pas l'adoption de méthodes et de technologies plus efficaces, ni la capacité d'offrir une combinaison économique de produits. C'est une chose d'élargir la gamme d'institutions qui peuvent offrir des services au Canada, mais si elles doivent le faire à des prix excessifs, non seulement les consommateurs ne pourront pas profiter des avantages de la concurrence, mais les institutions ne pourront pas bénéficier de l'avantage concurrentiel dont elles jouiraient normalement.

Les Canadiens sont-ils bien servis par le secteur des services financiers?

Pour mesurer le niveau de concurrence sur le marché canadien, le Groupe de travail MacKay s'est donné un ensemble de critères qui lui permettraient d'évaluer le marché. Ces critères sont pour l'essentiel des mesures de performance utilisées par d'autres pays développés. C'est à partir de ces normes que le Groupe de travail s'est demandé dans quelle mesure les Canadiens étaient bien servis par le secteur des services financiers.

Parce que la plupart [des grands] projets [de SNC] sont effectués à l'extérieur du Canada, il nous faut pour la plupart les financer. Parfois, ce financement revêt une importance presque aussi grande que les aspects techniques de ces projets. Afin de réunir ce financement, il nous faut un réseau bancaire canadien plus solide afin de nous permettre de maintenir notre compétitivité et notre réussite sur les marchés mondiaux.

Jacques Lamarre (président et directeur général, Groupe SNC-Lavalin Inc.)

Il est arrivé à la conclusion que les Canadiens sont généralement bien servis par le secteur des services financiers. Si nous ne bénéficions pas des meilleurs produits ou des meilleurs prix du monde, les services que nous recevons sont de haut niveau. C'est une conclusion semblable qui se dégage des enquêtes auprès des consommateurs : dans l'ensemble, le secteur fournit des services de haute qualité, mais il est clair que certains secteurs de l'économie sont moins satisfaits de leur sort.

Dans les services bancaires de gros, par exemple, le marché des obligations est maintenant vraiment mondial, comme en témoigne la convergence dans la tarification des obligations entre les principaux marchés. Les émissions nettes de titres d'emprunt totalisent environ 2,5 billions de dollars US et augmentent à un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 17 %. De ce montant, les émissions internationales représentent 540 milliards de dollars, une part de 2 % allant au Canada.

Les grandes entreprises sont très bien servies, ce qui n'est pas étonnant, étant donné les choix qu'elles ont. Elles profitent déjà de la mondialisation, elles font un recours accru aux marchés financiers et elles représentent le secteur de marché qui intéresse le plus les filiales des banques étrangères. De fait, l'écart des taux d'intérêt sur les prêts bancaires consentis aux grandes entreprises au Canada est inférieur de 75 points de base à celui des États-Unis.

Les petites entreprises sont moins bien servies, ce qui n'est pas étonnant non plus, étant donné que leurs choix sont limités. Elles paient des frais de service qui sont inférieurs à ceux des États-Unis, mais supérieurs à ceux qui ont cours en Europe16. Plus important est le fait que les PME déplorent souvent l'absence de crédit, et il y a des indices que la fourchette de faibles taux d'intérêt au Canada traduit de fait la crainte du risque de la part de nos banques. Les PME qui obtiennent du crédit bénéficient de bons taux d'intérêt, mais ce que les PME déplorent, c'est qu'en tant que groupe elles n'obtiennent pas assez de crédit. Cela va dans le sens de l'observation entendue fréquemment que les institutions financières canadiennes sont réticentes à passer à un niveau de risque supérieur et à consentir des prêts à des entreprises à risques élevés.

La satisfaction des ménages canadiens à l'égard du secteur financier est aussi mitigée. Sur le marché des prêts hypothécaires résidentiels, la concurrence est forte. Les consommateurs ont le choix entre plusieurs prêteurs, de sorte qu'ils bénéficient de tarifs très avantageux sur le coût des hypothèques. Pour une hypothèque d'un an, la fourchette des taux d'intérêt est à peu près ce qu'elle est aux États-Unis, et inférieure d'un tiers aux taux des Pays-Bas, de presque deux tiers à ceux de la France et de plus des trois quarts aux taux italiens. Sur les prêts personnels, le Canada jouit encore de taux parmi les plus bas de tous les grands pays. Les taux sont inférieurs de moitié à ceux qui se pratiquent en Suisse, en Suède, en Allemagne ou en Australie. Mais les ménages canadiens sont moins choyés dans le cas des cartes de crédit. Nous payons des taux plus élevés (environ 200 points de base) et des frais de service plus élevés que les Américains, et nos frais bancaires sont légèrement au-dessus de la moyenne des pays étudiés par le Groupe de travail.



Par contre, les services liés à notre système des paiements font l'envie des autres pays. À l'échelle du pays, nos chèques sont compensés aussi rapidement que les chèques américains le sont sur place. Notre système de compensation en un jour fait mal paraître les systèmes suisses et australiens, qui demandent cinq jours pour compenser un chèque, et le système britannique, qui en demande quatre.

Il est donc évident que les Canadiens jouissent de très bons services financiers, mais il y a moyen de faire des améliorations sur certains points. Si certains éléments du secteur financier canadien sont de niveau international, il faut dire qu'il y en a qui ne le sont pas. Il s'agit donc d'identifier et de supprimer les freins qui nuisent à l'adoption de normes de niveau international dans ces secteurs particuliers du marché.

Mais même dans les gammes de produits où nous semblons jouir de normes élevées de service, il n'y a pas lieu de nous en contenter et de priver les consommateurs canadiens de services qui pourraient encore s'améliorer. Il ne faut pas que la politique gouvernementale soit entravée par la doctrine du « mieux est l'ennemi du bien ». Les Canadiens n'étaient pas mal servis par les quincailleries indépendantes et les magasins à succursales avant l'arrivée de Home Depot. Et pourtant, avec son arrivée, le marché a été considérablement transformé, la concurrence a augmenté et les consommateurs en ont profité, grâce à un choix plus vaste et à de meilleurs prix. Si nous nous contentons de regarder le présent, nous fermons les yeux sur ce qui pourrait être. Nous ne pouvons pas savoir quels avantages de nouvelles institutions ou de nouveaux produits peuvent apporter.

Le même principe s'applique au secteur financier. C'est à ceux qui veulent restreindre l'entrée qu'il incombe d'apporter des preuves, pas à ceux qui veulent l'élargir. C'est à ceux qui veulent résister au changement que revient le fardeau de la preuve, pas à ceux qui sont en faveur du changement. Aussi longtemps que la fiabilité et la solidité, la concurrence ou l'intérêt public ne sont pas menacés, il faudrait toujours aller dans le sens du changement.

Nous appuyons les recommandations du groupe de travail qui inciteront à plus de concurrence dans le secteur bancaire. En particulier, nous croyons que tout doit être fait pour encourager le développement de nouvelles banques canadiennes. Nous aimerions voir, très sincèrement, une solution « fait au Canada » pour assurer de la concurrence, et pas seulement ouvrir toutes grandes les portes à des institutions étrangères.

Paul J. Lowenstein (président, Canadian Corporate Funding Limited)

1. Encourager les nouveaux concurrents

Une caractéristique frappante du secteur des services financiers au Canada est l'absence de nouveaux concurrents, notamment dans la branche des dépôts. Les Canadiens sont fiers que notre secteur financier ait été plus stable que celui de notre voisin du Sud. Il y a à la fois du bon et du mauvais. Si le secteur financier canadien a connu beaucoup moins de départs pour cause de faillite, il a par contre assisté à beaucoup moins d'arrivées. Dans un marché mondial, où les fusions sont de plus en plus courantes, l'absence de nouveaux acteurs nationaux n'est certes pas une tradition que nous souhaitons maintenir.

Le Groupe de travail a reconnu plusieurs obstacles à la création de nouvelles institutions financières au Canada, le plus important étant la règle de participation de 10 % dans les banques nationales. Bien qu'une nouvelle banque nationale puisse appartenir à peu d'actionnaires au départ, elle doit se conformer à la règle du 10 % dans les 10 ans. Comme il faut plusieurs années pour qu'une banque devienne rentable, les entrepreneurs hésitent à prendre le risque de former une nouvelle banque, étant donné qu'il leur faudra se départir de la vaste majorité des actions alors même qu'elles pourraient commencer à rapporter.

Pour surmonter cet obstacle, le Groupe de travail recommande un nouveau régime de propriété fondé sur la taille et non plus sur le type d'institution (voir recommandations 29 à 43). Ainsi, d'après la recommandation 32 du Rapport, une nouvelle banque (ou une compagnie d'assurances ou une société de fiducie fédérale) pourrait être établie et n'avoir qu'un actionnaire jusqu'à ce que son avoir atteigne 1 milliard de dollars, et avoir un actionnaire principal jusqu'à ce que l'avoir atteigne 5 milliards de dollars. Cet actionnaire principal pourrait détenir jusqu'à 65 % des actions si les autres appartiennent à un grand nombre d'actionnaires et sont cotées en bourse. Ce n'est qu'une fois que l'avoir dépasse 5 milliards de dollars qu'une institution financière fédérale devrait avoir un capital largement réparti. Cette recommandation élimine effectivement l'obstacle à la création de nouvelles banques nationales, et le Comité la fait sienne.

La législation financière fédérale (les lois sur les banques, les sociétés de fiducie et de prêt, les sociétés d'assurances) constitue également un obstacle au lancement de nouvelles institutions du fait qu'elle exige un capital minimum de départ. À l'heure actuelle, ce capital est de 10 millions de dollars. Si cette condition a pu être justifiée pour des raisons de fiabilité et de solidité, cela veut dire qu'un capital de 10 millions de dollars représente la taille minimale pour qu'une institution soit efficace. Il y a pourtant de nombreuses institutions plus petites qui sont fiables et solides, et dont le capital est suffisant pour leurs activités. Les coopératives de crédit, qui appartiennent aux membres, sont différentes des institutions qui appartiennent à un entrepreneur, et elles présentent des risques prudentiels qui sont aussi différents. Ce sont néanmoins des institutions de dépôts, comme les banques et les sociétés de fiducie, et elles ont en général un capital inférieur à 10 millions de dollars. Le tableau ci-dessous indique le capital moyen des coopératives de crédit et des caisses populaires à la fin de 1996. Ce n'est qu'en Colombie-Britannique que les coopératives de crédit ont en moyenne un capital de 10 millions de dollars, et ce chiffre est faussé en raison de la présence de 5 institutions assez importantes.



Le Groupe de travail a recommandé que le ministre des Finances ait la possibilité d'autoriser la création de nouvelles institutions qui exerceront des activités limitées, avec un capital inférieur à 10 millions de dollars. Cela va dans le sens du Rapport du Comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes, paru en 1994 et intitulé Pour financer le succès de la PME, qui est d'avis que, sous réserve de dispositions destinées à assurer la fiabilité et la solidité, le gouvernement devrait permettre la création de petites institutions financières.

Le Groupe de travail a également recommandé que les demandes soient approuvées dans un délai de 120 jours et que les exigences réglementaires soient proportionnées à la taille et à la nature des activités de l'institution. Le Comité appuie toutes les propositions que renferme la recommandation 4.

Le dernier élément de la stratégie pour favoriser la création de nouvelles institutions financières concerne l'impôt sur le capital qui s'applique à ces institutions. Le capital est l'assise d'une institution financière saine, et pourtant, les gouvernements canadiens ont choisi de l'imposer assez lourdement. Pour les grandes institutions qui font des profits, ce n'est peut-être pas un fardeau bien lourd, mais pour les petites institutions nouvelles, qui accusent habituellement des pertes les premières années, un tel impôt peut être prohibitif. Le Groupe de travail signale qu'une institution financière avec un capital de 10 millions de dollars doit payer des impôts qui grugent 2,2 % de son capital de base chaque année. Comme ces jeunes sociétés sont plus vulnérables, ces impôts constituent un obstacle important à leur entrée sur le marché. Ainsi, le Groupe de travail recommande une exonération fiscale fédérale de 10 ans pour les nouvelles institutions financières et invite les gouvernements provinciaux à en faire autant (voir recommandation 5). S'ajoutant à d'autres recommandations, cela contribuerait fortement à inciter les entrepreneurs canadiens à créer de nouvelles institutions financières.

Le Comité appuie l'objectif de cette recommandation, mais il a des réserves à propos de la recommandation 5 concernant l'exonération fiscale. Le secteur financier se transforme rapidement, les institutions se défont et se regroupent. La forme de société de portefeuille proposée renferme la possibilité de structures de société encore plus complexes. Quelle serait alors la définition de la nouvelle institution financière aux fins de l'exonération fiscale? C'est ce côté peu pratique de la recommandation qui incite le Comité à la rejeter et à proposer à la place que le gouvernement mette davantage l'accent sur la création d'un régime fiscal qui soit pratique et efficace pour le secteur financier. Cette question sera examinée plus longuement à la fin du chapitre.

2. Le rôle des institutions étrangères

Les institutions financières étrangères constituent une source de concurrence de plus en plus forte. Si, par le passé, elles n'ont eu qu'un impact marginal sur le secteur financier (les banques de l'annexe II, par exemple, n'ont jamais détenu plus de 8-10 % de tous les avoirs du secteur bancaire), elles ont aujourd'hui un impact qui dépasse de beaucoup leur taille réelle au Canada.

Ces institutions contribuent grandement à la concurrence, pas seulement parce qu'elles sont nombreuses ou qu'elles détiennent une large part du marché, mais parce qu'elles initient les Canadiens à des façons nouvelles et innovatrices de faire des affaires. Les nouvelles banques étrangères ne ressemblent pas à la banque canadienne classique, et l'impact sur la concurrence est beaucoup plus fort que si elles avaient tenté d'entrer sur le marché comme des sosies des banques canadiennes.

Le véritable avantage de ces nouveaux arrivants est le fait qu'ils introduisent sur le marché canadien des façons nouvelles et innovatrices de faire des affaires. La somme des prêts que Wells Fargo consent aux petites entreprises est très faible par rapport au marché des prêts dont les PME canadiennes disposent. L'important ce sont les modalités de prêt et le groupe qui est ciblé. Grâce à des techniques comme la cote de crédit, Wells Fargo peut réduire ses frais administratifs de façon appréciable et servir des marchés qui étaient laissés de côté par les institutions en place. Mais le plus important est qu'elle a introduit une nouvelle technique bancaire dont d'autres pourront s'inspirer le moment venu.

[On] propose à nouveau un accroissement de la propriété étrangère comme remède pour accroître la concurrence. Manifestement, les banques étrangères chercheront à occuper des créneaux rentables. Elles ne voudront pas s'approprier des créneaux difficiles à pénétrer et peu rentables du secteur du détail. Elles écumeront les grands centres urbains rentables et s'occuperont des commerces et des entreprises plus lucratifs.

Peter Bleyer (directeur exécutif, Conseil des Canadiens)

L'arrivée de nouvelles institutions « monogammes » repré- sente un avantage semblable. En n'offrant qu'un seul service, mais en offrant de la qualité à bon prix, elles obligent les concurrents « multiservices » à faire face à la concurrence. Si ceux-ci ont pu par le passé se servir de ces sous-marchés pour interfinancer d'autres produits, ils n'ont plus cette possibilité aujourd'hui.

Certains critiquent les services des institutions « monogammes », parce qu'elles viendraient « écrémer » la clientèle au Canada, c'est-à-dire qu'elles souffleraient aux institutions nationales les meilleurs clients, les plus sûrs et les plus rentables. Ce n'est certes pas le cas de Wells Fargo, de Capital One ou de Norvest, qui recrutent des clients plus à risque que la moyenne. Et même si l'accusation d'« écrémage » était fondée, ce serait un signe d'une concurrence inexistante, car les bons clients ne se laisseront « entraîner » que si on leur demande des taux trop élevés. Si, grâce à des coûts d'exploitation plus bas, les « monogammes » peuvent réduire les prix courants des services ou en améliorer la qualité, c'est dire que ce sont ces prix et ces niveaux de qualité que les consommateurs canadiens devraient pouvoir obtenir. Le Comité ne croit pas que les lois et les règlements devraient servir à protéger les fournisseurs qui sont chers contre les fournisseurs qui le sont moins, puisque cela n'est pas dans l'intérêt du consommateur.

Dans le cadre de l'OMC, le Canada a accepté de permettre aux banques étrangères de s'établir directement au Canada à compter de 1999. Avec le Mexique, le Canada est le seul pays à interdire la création de succursales. Cette proposition a reçu un très large appui. Nous sommes d'accord et nous appuyons donc la recommandation 9.

À notre avis, [. . .] il ne devrait pas y en avoir entre les fusions bancaires proposées et la possibilité de permettre aux banques étrangères d'exploiter des succursales. Peu importe la décision qu'on prendra au sujet des fusions proposées, il est nettement rationnel de permettre aux banques étrangères d'exercer leurs activités au Canada par l'entremise de succursales de l'institution mère. Tous les secteurs financiers et commerciaux, comme les grands partis politiques, les médias et la population, appuient fortement l'idée de permettre aux banques étrangères d'exercer directement leurs activités par l'entremise de filiales et reconnaissent que ce sera très bénéfique pour le Canada et les Canadiens.

Gennaro Stammatti (président et directeur général, Comité de direction des banques étrangères et président de la Banque commerciale italienne)

Comme l'a clairement dit Gennaro Stammati, de l'Association des banquiers canadiens (Comité de direction des banques étrangères), les retards créent de l'incertitude qui, à son tour, empêche les institutions financières de se donner des plans adéquats pour servir le marché. Il a affirmé au Comité : « Le gouvernement fédéral ne devrait certainement plus reporter son autorisation aux banques étrangères d'exploiter des succursales. Il est presque impossible à une banque étrangère de prospérer et de mettre en oeuvre un plan d'entreprise cohérent pour ses activités canadiennes quand on s'attend constamment à voir modifier les règles de base, sans que cela se produise jamais. » Aussi, nous sommes d'avis que le gouvernement devrait sans tarder faire le nécessaire pour permettre aux banques étrangères d'ouvrir des succursales au Canada.

Le Comité fait également sien l'avis du Rapport du Groupe de travail qu'on ne devrait pas empêcher les Canadiens d'utiliser une technologie comme Internet pour « magasiner » des services financiers à travers le monde. Le gouvernement ne devrait pas tenter de contrecarrer cette pratique, mais devrait plutôt s'employer à fournir le plus d'informations possible et participer aux initiatives internationales destinées à établir un cadre réglementaire plus cohérent.

L'intégration internationale est une caractéristique évidente des marchés financiers de gros. À mesure que la déréglementation a fait disparaître bon nombre de barrières aux transactions transfrontalières, l'intégration internationale a pris de l'ampleur. Et la technologie y a contribué en facilitant l'accès et en abaissant le coût de ces transactions.

Le Canada a toujours accepté la mondialisation. En tant que pays commerçant, notre histoire en est le témoignage. Par suite d'une mondialisation accrue des marchés financiers, la concurrence se déplace vers les marchés mondiaux plutôt que vers les marchés nationaux, ou même régionaux.

3. Le lien entre la technologie et la concurrence étrangère

Les ménages canadiens n'ont pas encore vraiment senti les effets de la mondialisation, mais la croissance phénoménale d'Internet devrait changer cela. Il y a une chose qui freine la croissance du marché à l'heure actuelle, c'est le manque de confiance des consommateurs dans la sécurité des transactions en direct. Une fois cet obstacle franchi, la mondialisation des marchés financiers se fera sentir au niveau des ménages, d'une manière dramatique et irréversible.

Et une fois la mondialisation pleinement réalisée, les entreprises et les ménages canadiens auront accès à des produits et à des services partout dans le monde. Les innovations commerciales atteindront les Canadiens à une vitesse que nous ne pouvons même pas imaginer aujourd'hui. Les institutions canadiennes qui souhaitent garder leurs clients n'auront d'autre choix que d'être aussi performantes que les meilleures au monde, indépendamment du lieu où elles se trouvent ou de leur taille. De fait, les institutions étrangères seront voisines de leurs concurrentes canadiennes.

Dans l'avenir, c'est cette forme de concurrence étrangère qui pourrait avoir le plus grand impact sur les institutions financières canadiennes. Ce ne sont pas tellement ces institutions qui pénétreront sur le marché canadien, mais plutôt les Canadiens qui, virtuellement, iront se procurer des services financiers à l'étranger.

Les recommandations 119 à 124 du Groupe de travail portent sur la question de la fourniture de services financiers à partir de l'étranger. Ces recommandations ont pour but de créer un régime réglementaire international pour les fournisseurs de services financiers transfrontaliers, d'établir un cadre pour le commerce électronique, de fournir en temps utile des renseignements aux consommateurs et de mettre en place une procédure d'agrément pour les institutions financières. Ces recommandations ont l'appui du Comité et seront examinées plus en détail dans le chapitre 3.

Enfin, le traitement fiscal des paiements d'intérêts transfrontaliers constitue un autre frein à une meilleure concurrence de la part des institutions étrangères. Une retenue fiscale de 25 % est appliquée aux intérêts versés aux prêteurs étrangers. Dans certains cas, cette retenue tombe à 10 % en raison de traités fiscaux. Comme elle s'applique au revenu brut des intérêts et pas aux marges ni aux profits, c'est un impôt au taux très élevé. Cela a pour effet soit d'augmenter les coûts d'emprunt pour les Canadiens ou de leur interdire l'accès aux sources de crédit à l'étranger. Cette retenue fiscale a un impact direct sur des prêteurs tels que Wells Fargo, qui a dit au Comité que cette retenue représentait environ la moitié de sa marge de profit sur les prêts aux Canadiens17. Le Comité appuie la recommandation 8, qui demande l'élimination de toutes les retenues fiscales sur les emprunts sans lien de dépendance.

Cette recommandation tire son origine du Rapport du Comité technique de la fiscalité des entreprises (le Rapport Mintz). En droit fiscal canadien, il existe déjà une exemption pour les emprunts à long terme. Si l'emprunteur n'est pas tenu de rembourser plus de 25 % du principal avant 5 ans, aucune retenue fiscale ne s'applique aux intérêts18.

La recommandation 8 va dans ce sens et ne fait qu'appliquer cette mesure aux emprunts à plus court terme.

4. Élargissement des pouvoirs des institutions existantes

Pour le Rapport du Groupe de travail, ce sont les institutions financières existantes qui renferment le plus fort potentiel d'une concurrence accrue. C'est la continuation de tendances antérieures, lorsque l'écroulement des piliers financiers a multiplié les choix pour les consommateurs canadiens, introduit des innovations dans la prestation des services et forcé les institutions financières à s'adapter à la nouvelle réalité économique.

Cela découlait dans une certaine mesure des forces du marché. Les institutions financières souhaitaient pénétrer de nouveaux marchés : les compagnies d'assurances commen- cèrent à proposer des produits d'épargne liés à l'assurance, les sociétés de fiducie, à ressembler aux banques, et les banques, à garantir les dettes de leurs entreprises clientes. Cette évolution a incité le gouvernement à légiférer pour mettre fin au système des piliers, renforçant ainsi les tendances dues au marché.

Il est clair que cette évolution a été à l'avantage des consommateurs. Mais les mesures prises se sont arrêtées à mi-chemin. Par exemple, les sociétés de dépôts à charte fédérale n'étaient pas autorisées à vendre de l'assurance aux particuliers et le crédit-bail automobile était interdit à toutes les institutions fédérales. L'interdiction de la vente d'assurances aux particuliers a été réitérée dans le budget de 1996, pour la raison que le secteur financier ne s'était pas encore pleinement ajusté à la réforme financière de 1992. À l'époque, le gouvernement n'a pas fermé la porte complètement au « réseautage » en matière d'assurances.

Notre secteur exhorte donc le comité à donner son aval aux recommandations concernant le système de paiements et à appuyer la suggestion du Groupe de travail voulant que des mesures soient prises au plus vite.

Chris McElvaine (président et directeur général, Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes)

L'autre domaine où l'écroulement des piliers n'a pas donné tous les résultats attendus est celui de l'accès au système de paiements. La réforme de 1992 devait permettre aux compagnies d'assurances d'accéder au système de paiements en étant propriétaires de succursales de dépôts. D'autres entreprises financières et commerciales ont depuis longtemps la possibilité de le faire en étant propriétaires de sociétés de fiducie. Mais il n'en est pas résulté grand-chose, puisque c'était une solution coûteuse et que bon nombre d'obstacles auxquels les sous-adhérents étaient confrontés demeurent.

Le système des paiements fait également l'objet d'un grief de longue date du secteur des assurances. [. . .] Essentiellement, cela signifie que chaque fois que nous payons un de nos clients, et nous versons des milliards de dollars tous les ans à nos clients, nous envoyons en fait de l'argent à un concurrent, qu'il s'agisse d'une banque, d'une coopérative de crédit ou d'une caisse populaire.

Claude Garcia (président et directeur général, Compagnie d'assurance Standard Life)

À cet égard, le Groupe de travail recommande que les sociétés d'assurance-vie, les fonds communs de placement et les courtiers en valeurs mobilières aient pleinement accès au système de paiements (voir recommandation 13). Ces trois groupes offrent des produits qui sont des quasi-dépôts, de sorte que le Groupe de travail a jugé qu'il était normal qu'ils participent à ce système. John Kaszel, de l'Institut des fonds d'investissement du Canada, a fait valoir que faire partie de l'Association canadienne des paiements « nous aiderait énormément. La participation au système de paiements permettrait une circulation ininterrompue de fonds entre nos clients et nous. Cela représenterait des économies pour tout le monde, des diminutions de coûts et un meilleur rendement. Par meilleur rendement je veux dire que les pertes seraient minimisées pendant la circulation des fonds et qu'il y aurait une plus grande concurrence. » Donald Stewart, de la Compagnie d'assurance-vie Sun Life, a affirmé : « L'évolution de la technologie, les attentes des consommateurs et l'intensification de la concurrence font en sorte qu'il est maintenant essentiel de pouvoir accéder au système de paiements pour attirer et fidéliser la clientèle. »

L'accès au système des paiements permettrait aux sociétés de valeurs mobilières d'offrir directement des comptes-chèques à leurs clients. Les sociétés d'investissement seraient donc placées sur le même pied que les banques pour gérer les actifs de leurs clients, et nos clients pourraient ainsi se lancer résolument dans le commerce électronique en ayant directement accès au réseau Interac.

Joseph Oliver (président et directeur général, Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières)

Nous abondons dans le sens de ces témoins et nous recommandons que le gouvernement fédéral suive de près les règles et les règlements de l'ACP afin de prévenir tout nouvel obstacle à l'accès au système destiné à contourner l'esprit de la recommandation 13 du Groupe de travail. Nous appuyons également les recommandations 14 et 15 qui autorisent le ministre des Finances à approuver des règlements et à émettre des directives pour modifier les règlements. Un règlement qui, de l'avis du Comité, nuit à la concurrence est la règle H-4 de l'ACP, qui interdit les prélèvements électroniques ou ponctuels entre institutions financières. Le Comité estime qu'une telle règle n'a pas de raison d'être, sauf à des fins de sécurité.

[Le Groupe de travail] recommandait aussi que le ministre ait le pouvoir de revoir toutes les règles nouvelles ou révisées de l'Association canadienne des paiements (ACP) et de révoquer toutes celles qu'il juge contraires à l'intérêt public. Compte tenu du nombre considérable de règles de l'ACP, du caractère très technique de la plupart d'entre elles et de la nécessité que l'ACP puisse réagir rapidement aux questions émergentes, l'approche du Groupe de travail serait manifestement une formule plus efficiente que l'obligation de faire approuver d'avance toutes les règles par un organisme gouvernemental.

Robert Hammond (directeur général, Association canadienne des paiements)

Il est également important pour la stimulation de la concurrence que de nouveaux réseaux soient développés, en particulier Interac. Comme l'a fait valoir Donald Stewart, de la Sun Life : « [. . .] pour maximiser le potentiel concurrentiel des acteurs en place, il faudra leur donner, à des conditions raisonnables, libre accès à d'autres réseaux. En particulier, nous appuyons fortement la proposition d'élargir les fonctions offertes par le réseau Interac . » Les recommandations 16 et 17 du Groupe de travail reconnaissent l'importance de ce réseau. Là aussi nous sommes d'accord. Le ministre des Finances devrait suivre de près les activités d'Interac pour s'assurer que la concurrence s'exerce librement. Rendre les réseaux plus fonctionnels favorisera très nettement la concurrence en aidant à la création de l'équivalent de réseaux à grande échelle, même pour les petites institutions de dépôts locales. Mais avant de permettre les dépôts interbancaires dans des GAB, les questions techniques et de sécurité doivent être réglées. En outre, rendre le système plus fonctionnel, comme le recommande le Groupe de travail, pourrait nuire à l'efficacité du système de paiements électroniques si cela signifiait un recours accru à des transactions « sur papier », alors que le système s'automatise de plus en plus.

Nous reconnaissons que les consommateurs pourraient profiter de services supplémentaires. [. . .] Toutefois, nous croyons que les spécialistes qui conçoivent et élaborent des solutions technologiques sont les mieux placés pour déterminer comment mettre en oeuvre les solutions innovatrices aux besoins des consommateurs. La solution proposée dans la recommandation 17 est une façon d'aborder le service aux consommateurs, mais votre comité doit prendre conscience qu'il s'agit d'une solution coûteuse et complexe.

Judith Wolfson (présidente, Association Interac

Dans le même sens, le Comité croit que les institutions de dépôts peuvent, dans les bonnes circonstances, stimuler la concurrence grâce à des pouvoirs accrus en matière de réseautage d'assurances et de crédit-bail automobile. Étendre les pouvoirs des institutions financières à charte fédérale peut être une mesure favorable aux consommateurs. Mais cela demeure un domaine très sensible. C'est pourquoi nous approfondissons la question plus loin dans le Rapport.

Le Groupe de travail recommande l'ouverture de l'ACP à de nouveaux membres. Je tiens à signaler que, dès le début du processus d'examen, l'ACP a fait savoir qu'elle n'avait pas d'objection de principe à l'ouverture de l'ACP. Elle a aussi fait valoir que les décideurs devraient alors bien peser les ramifications d'une telle décision sur les attributs du système de compensation et de règlement auxquels les Canadiens attachent tant de prix, à savoir l'efficience et la sécurité.

Robert Hammond (directeur général, Association canadienne des paiements)

5. Renforcement du pouvoir des consommateurs

Par des mesures telles qu'une politique de la concurrence, les gouvernements peuvent tenter de stimuler la concurrence sur le marché, mais, en définitive, c'est le comportement des consommateurs qui fait que la concurrence s'exerce effective- ment. Ceux-ci doivent non seulement avoir des choix, mais sentir aussi qu'ils peuvent en profiter. Il a été dit plus tôt que les institutions monogammes avaient le potentiel de contribuer à la concurrence, mais si les consommateurs se sentent contraints de demeurer avec les fournisseurs de multiservices, ils pourraient ne pas prendre avantage de ces nouveaux services. En pareil cas, les concurrents qui exploitent des créneaux pourraient demeurer impuissants.

Le Comité estime qu'il est important que les consommateurs se sentent libres de choisir entre les divers services financiers et entre les fournisseurs. Il est important non seulement qu'ils aient la capacité de magasiner, mais aussi qu'ils en soient bien conscients. Ils doivent savoir qu'ils peuvent compter sur la politique du gouvernement. Aussi, le Comité recommande que le public en soit bien informé, non seulement par les institutions financières concernées, mais par le gouvernement fédéral également.

Par ailleurs, le Comité est conscient que les mesures destinées à protéger le consommateur sont coûteuses pour les institutions, et que ces coûts se répercutent sur le consommateur. Il y a donc un compromis à trouver, car mettre en place une protection légale accrue, qui coûte cher, peut ne pas être dans l'intérêt des consommateurs.

Le Comité appuie plusieurs des recommandations du Groupe de travail visant à renforcer le pouvoir des consommateurs, même si elles vont bien au-delà de ce qui existe et qu'elles pourraient faire augmenter les coûts de conformité. Le Groupe de travail fait valoir que ces recommandations protégeraient les consommateurs contre les abus qui pourraient découler de l'élargissement du pouvoir des entreprises.

Les mesures de protection des consommateurs recommandées par le Groupe de travail sont vastes, aussi seront-elles examinées plus longuement dans ce Rapport.

6. Réglementation

Le dernier outil pour favoriser la concurrence, l'instrument réglementaire, a toujours été d'une importance vitale dans le secteur financier, et il le devient de plus en plus. Le cadre réglementaire a un très gros impact sur le profil du secteur financier, pour le meilleur ou pour le pire. On dit souvent que c'est un facteur critique dans la compétitivité des institutions financières, mais il n'est pas moins vrai que la structure de la réglementation peut aussi avoir un impact direct sur la concurrence.

Plus tôt, le Comité s'est prononcé en faveur de la recommandation 4, destinée à favoriser l'arrivée de nouveaux concurrents dans le secteur financier. En demandant de « ne plus assujettir toutes les institutions à des règles identiques », la recommandation 4(c) vise précisément les petites institutions. L'idée de conformité avec la réglementation évoque la notion d'économies d'échelle. Pour les petites institutions, cela représente un coût disproportionné, alors qu'elles ne présentent qu'un petit risque pour le secteur financier. Si nous voulons promouvoir la concurrence au moyen d'institutions financières de second rang, il est important que le gouvernement ne nuise pas aux perspectives financières de ces institutions. Il est important que des mesures réglementaires comme les primes liées au risque de la SADC ou les mesures de protection des consommateurs ne nuisent pas à la compétitivité d'un groupe donné d'institutions.

ACCROÎTRE LA CONCURRENCE EN ÉLARGISSANT LES POUVOIRS DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES

Un marché se caractérise par l'existence ou l'absence de concurrence, sur la base du comportement effectif ou potentiel des participants. Le nombre des participants est un indicateur utile de la structure d'un secteur d'activité, mais il ne dit pas tout.

Si rien n'entrave l'entrée sur un marché donné, et s'il existe un groupe d'institutions qui pourraient entrer sur ce marché, celui-ci présenterait probablement des signes de concurrence. Si les entreprises rivalisent et s'efforcent chacune d'obtenir une plus grande part de marché, il y aura concurrence. Si une entreprise essaie de profiter de sa position sur le marché pour augmenter ses prix, les autres réagiront immédiatement, car elles verront dans ces prix plus élevés une occasion d'accroître leur part de marché et d'augmenter leurs bénéfices.

Le Rapport MacKay essaie de stimuler la concurrence en jouant sur ces deux variables. En réduisant les obstacles qui entravent l'accès aux marchés, on rend le marché plus concurrentiel, car les nouvelles institutions à la recherche de parts de marché stimulent la compétitivité.

On peut faciliter l'accès au marché de plusieurs manières : en permettant plus facilement aux institutions financières étrangères de servir le marché canadien, en donnant à un certain type d'institutions financières davantage accès au système de paiements, en abaissant les exigences de capital pour les nouvelles institutions et en réduisant leur impôt sur le capital, en encourageant la création de banques coopératives et en accroissant les pouvoirs des centrales des coopératives de crédit de manière à leur permettre de mieux servir leurs membres. On peut aussi permettre aux institutions financières existantes d'offrir des produits qu'elles ne pouvaient pas vendre auparavant ou leur permettre de recourir à des mécanismes de prestation nouveaux et plus efficaces. C'est cette question qui nous intéresse ici. Ces mesures semblent stimuler la concurrence en augmentant la compétition et en permettant à de nouveaux joueurs d'entrer dans le jeu.

Soucieux d'accroître la concurrence dans le secteur des services financiers, le Groupe de travail MacKay a recommandé que soient élargis les pouvoirs des institutions financières. Les recommandations 13 à 17, qui portent sur le système de paiements et d'autres réseaux comme Interac, ne sont pas très controversées et sont généralement bien acceptées. Ces recommandations étendraient l'accès au système de paiements aux compagnies d'assurance-vie, aux sociétés de fonds communs de placement et aux courtiers en valeurs mobilières. Elles auraient aussi pour effet d'élargir les fonctions du réseau de guichets automatiques, ce qui, d'après la Banque Hongkong du Canada, entraînerait l'apparition d'une foule de nouveaux concurrents.

Les institutions financières sont de plus en plus semblables. Elles offrent des produits d'épargne très similaires et découvrent que les consommateurs veulent trouver dans l'institution financière avec laquelle ils font affaire un plus vaste éventail de produits financiers. C'est le système de paiements, et en particulier le système de paiements électronique, qui va de plus en plus définir le système financier de l'avenir. C'est l'élargissement de l'accès au système de paiements qui va, en dernière analyse, faire définitivement disparaître le système traditionnel des quatre piliers. Tant que les nouveaux participants répondent aux conditions de solvabilité et de liquidité, il n'y a pas de raison de penser que leur entrée sur le marché risque de compromettre la solidité et la haute qualité du système de paiements que nous avons actuellement19. Ces recommandations sont bien acceptées et ne prêtent pas à controverse.

En somme, tout le Rapport MacKay s'arrête à ce qui est avantageux pour le secteur des services financiers et les banques. Il ne tient pas compte de ce qui est bon ni pour les petites entreprises, ni pour les petites localités, ni pour l'industrie automobile, ni pour les consommateurs au bout du compte.

Gilles Richard (président sortant, Corporation des concessionnaires d'automobiles de Montréal et président, Le Circuit Mercury (1977) Ltée)

Ce n'est pas le cas cependant des recommandations 18 à 21, lesquelles conféreraient aux institutions de dépôts sous réglementation fédérale le pouvoir de vendre des produits d'assurance au détail (assurance-vie ou assurances IARD) dans leurs succursales et de se servir des renseignements qu'elles possèdent sur leurs clients pour cibler la commercialisation de ces produits, sous réserve de mesures de protection des renseignements personnels plus strictes et légiférées. Ces recommandations permettraient aussi à toutes les institutions financières sous réglementation fédérale de faire du crédit-bail de véhicules légers, c'est-à-dire du crédit-bail automobile. Le Groupe de travail prévoit que ces recommandations n'entreraient en vigueur qu'après l'établissement de règles appropriées régissant la protection des renseignements personnels et les ventes liées. Ces règles, qui font l'objet des recommandations 64 à 75, légiféreraient un régime complet de protection des renseignements personnels dans lequel elles deviendraient un droit fondamental. Les consommateurs devraient donner leur consentement express à la divulgation des renseignements qui les concernent et à leur utilisation à de nouvelles fins, et un code exécutoire de protection des renseignements personnels serait institué. Ces recommandations élargiraient par ailleurs la portée de l'interdiction actuelle visant les ventes liées et forceraient les institutions financières à remettre à leurs clients, avant la signature de tout contrat, une description écrite des ventes liées avec coercition indiquant clairement que cette pratique est illégale.

Les petites institutions aussi pourraient profiter de cet élargissement des pouvoirs une fois que des mesures de protection des consommateurs seront instituées. Les grandes institutions, c'est-à-dire celles dont l'avoir des actionnaires dépasse 5 milliards de dollars, ne pourraient pas se prévaloir de ces nouveaux pouvoirs jusqu'en l'an 2002.

La Banque Nationale du Canada accueille très favorablement la possibilité de vendre des assurances, surtout que notre principal concurrent au Québec le fait. Ce dernier a le pouvoir de vendre non seulement des assurances-vie, mais des assurances IARD. J'estime également qu'il incombe au gouvernement fédéral d'harmoniser la législation qui régit les institutions financières. Si le fait qu'une institution soit constituée sous le régime de la loi fédérale dans une province en particulier pose problème, il faut absolument prendre des mesures pour régler ce problème. On ne peut pas se permettre de l'ignorer.

Léon Courville (président, Banque des particuliers et des entreprises, et chef des opérations, Banque Nationale du Canada)

Le Groupe de travail justifie essentiellement la vente d'assurances dans les succursales bancaires en disant que cela élargirait les choix des consommateurs sans compromettre grandement la protection des renseignements personnels ni accroître le risque de pratiques abusives. D'après des sondages d'opinions, moins du tiers des Canadiens sont inquiets au sujet de cette dernière éventualité. Les ménages à faible revenu seraient mieux servis, et à moindre coût, si l'on pouvait vendre de l'assurance dans les succursales des institutions de dépôts. Au demeurant, le Canada est une anomalie à cet égard à l'échelon international. En effet, que ce soit en France, en Allemagne, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni, les institutions de dépôts peuvent avoir comme filiales des sociétés d'assurances, peuvent vendre de l'assurance au détail dans leurs succursales et peuvent exploiter les renseignements qu'elles possèdent sur leurs clients pour commercialiser cette assurance. L'information contenue dans les renseignements sur les clients permet aux agents d'être plus productifs et donc d'abaisser les coûts de distribution. Pour leur part, les institutions de dépôts américaines ne peuvent pas avoir comme filiales des sociétés d'assurances, mais elles peuvent en revanche vendre de l'assurance au détail et exploiter à cette fin les renseignements qu'elles possèdent sur leurs clients.

Le Groupe de travail conclut, en outre, que les institutions de dépôts ne risquent pas d'évincer les institutions et les réseaux de distribution traditionnels. Les deux canaux coexistent dans d'autres pays, et il est fort probable que, comme les compagnies d'assurance-vie auront les reins plus solides grâce à la démutualisation et à l'accès au système de paiements, on ne compromettra pas leurs possibilités de coexistence avec les institutions de dépôts20.

Les institutions à capitaux étrangers jouent un rôle prépondérant dans le secteur de l'assurance générale. Même s'il existe beaucoup d'entreprises canadiennes dynamiques dans ce secteur, les sociétés à capitaux étrangers ont accaparé environ 68 % des primes nettes souscrites au Canada en 1997, comparativement à environ 63 % en 1991.

Il devrait en aller de même des assurances IARD. Les nouveaux canaux de distribution gagnent déjà des parts de marché au chapitre des assurances de particuliers et de l'assurance-automobile, et cela tient au fait que le produit est assimilable en quelque sorte à un « produit de consommation ». L'assurance commerciale, beaucoup plus complexe, continue d'être offerte par les canaux traditionnels.

En ce qui concerne le crédit-bail automobile, le Groupe de travail fait remarquer que, là encore, le Canada se distingue des autres pays industrialisés. Aux États-Unis, où les banques peuvent consentir du crédit-bail automobile, les consommateurs bénéficient de choix plus nombreux. Ces choix sont offerts au détriment des sociétés de financement captives. Or, au Canada, celles-ci possèdent actuellement 80 % du marché du crédit-bail automobile. Trois entreprises accaparent à elles seules 70 % du marché.

Les recommandations du Groupe de travail suscitent passablement de controverse, malgré les mesures de protection des consommateurs très strictes qui seraient imposées avant de conférer aux institutions des pouvoirs additionnels en matière de vente d'assurance et de crédit-bail automobile. Le Comité a entendu de nombreux témoins, en particulier des courtiers d'assurances IARD, qui sont contre l'élargissement des pouvoirs des banques. Leurs critiques tournent autour de plusieurs thèmes fondamentaux, notamment l'aptitude des banques à se livrer à des ventes liées en usant de méthodes coercitives, l'avantage injuste dont jouissent les banques du fait qu'elles ont accès à des renseignements personnels sur leurs clients et l'aptitude des banques à recourir à l'interfinancement pour décrocher des parts de marché. Ils affirment, en outre, que cet élargissement des pouvoirs des banques va entraîner l'éviction de courtiers d'assurances privés du marché, ce qui aura pour effet de réduire la concurrence et non de l'accroître.

D'après les estimations tenant compte des fusions les plus récentes, les 5 plus grandes sociétés d'assurance-vie détiendront maintenant environ 59 % du marché de l'assurance individuelle et 62 % du marché de l'assurance collective, comparativement à 42 % et 43 % respectivement en 1991.

Abstraction faite de ces doléances des courtiers d'assurances, les constructeurs et les concessionnaires d'automobiles voient un conflit d'intérêts potentiel si les banques sont autorisées à louer des automobiles directement en même temps qu'elles financent les stocks des concessionnaires. On a aussi argué que les banques jouissent d'un avantage important sur le plan du coût de l'argent dont elles pourraient se servir pour évincer leurs concurrents.

Les groupes qui seraient touchés par les recommandations du Rapport MacKay ne protestent pas tous avec la même vigueur. Les agents et les courtiers d'assurance-vie, par exemple, ne sont pas aussi inquiets que les courtiers d'assurances IARD et les concessionnaires d'automobiles. La compagnie d'assurance-vie Great-West et sa société mère, Power Corporation, ont dit qu'elles ne pouvaient pas soutenir la concurrence des banques si celles-ci vendaient de l'assurance dans leurs succursales, mais qu'elles n'avaient pas d'objection à ce que les banques soient propriétaires de compagnies d'assurances et vendent leurs produits de la manière traditionnelle, comme c'est le cas actuellement. La Sun Life, en revanche, privilégie des choix plus grands pour le consommateur et ne s'oppose donc pas à la recommandation du Groupe de travail voulant que les banques soient autorisées à vendre de l'assurance dans leurs succursales. La Compagnie d'Assurance du Canada sur la Vie non plus n'est pas contre cette recommandation; 75 % de son actif concerne des produits d'épargne et non des produits d'assurance, et elle pourrait soutenir la concurrence des banques. D'ailleurs, elle le fait déjà sans problème au Royaume-Uni et en Irlande, où la bancassurance existe depuis plus de 10 ans. La Financière Manuvie elle aussi croit pouvoir être aussi compétitive que les banques, même si celles-ci étaient autorisées à vendre de l'assurance au détail dans leurs succursales, à la condition que la transition soit progressive. La Mutuelle du Canada hésite, mais elle n'est pas carrément contre la vente d'assurance par les banques; elle pense cependant qu'il faudrait attendre la disparition des inégalités sur le plan de la concurrence entre les compagnies d'assurance-vie et les institutions de dépôts avant de conférer aux banques de nouveaux pouvoirs en matière d'assurance.

Le Rapport du Groupe de travail admet que les produits d'assurance-vie et d'assurance générale sont très différents, mais conclut aussi que les problèmes de réglementation que pose la combinaison des activités de prise de dépôts et des activités de vente d'assurance sont les mêmes pour les deux types de produits. Il a donc concentré son analyse sur les produits d'assurance-vie, car c'est dans ce secteur que l'expérience est le plus grande au niveau international.

[L']évaluation [du Groupe de travail] des territoires où les institutions de dépôts sont autorisées à vendre de l'assurance et à offrir du financement par crédit-bail montre que les assureurs traditionnels, les sociétés de financement par crédit-bail et les concessionnaires d'automobiles peuvent bel et bien coexister, se livrer concurrence et prospérer dans ce marché aux côtés des institutions de dépôts.

Raymond Protti (président et chef de la direction, Association des banquiers canadiens)

Les études de fond et les rapports techniques étudient l'expérience internationale de la vente d'assurance-vie dans les banques. La bancassurance existe en Europe depuis un certain temps. Elle résulte de l'évolution démographique et des avantages fiscaux que présentent certains produits d'assurance. En France, où les banques vendent de l'assurance depuis les années 1970, la part des banques du marché de l'assurance dépasse 50 %. La part des banques est aussi élevée en Italie (plus de 33 %). Dans les autres pays, les banques n'ont pas réussi à s'imposer autant sur le marché de l'assurance. Les avantages des nouveaux canaux de distribution sont essentiellement d'ordre financier et concernent les coûts. Le coût de distribution de produits d'assurance dans les banques représente environ la moitié du coût associé à la vente d'assurance par un courtier indépendant.

Les banques vendent surtout de l'assurance-vie, mais la Royal Bank of Scotland a innové en vendant de l'assurance générale par le biais de centres téléphoniques. Aux États-Unis, les banques vendent des produits d'assurance, notamment ceux de nombreuses compagnies d'assurance-vie canadiennes.

Notre secteur exhorte donc le Comité à recommander que l'adoption et la mise en place de mesures efficaces relatives au système de paiements et aux mécanismes d'indemnisation des consommateurs précèdent toute modification du cadre législatif et réglementaire actuellement applicable à la distribution de l'Assurance par les institutions de dépôts.

Chris McElvaine (président, Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes et président et directeur général, Empire Life)

Le Comité n'est pas convaincu que la concurrence ne sera pas accrue si les institutions financières fédérales obtiennent de nouveaux pouvoirs. Ce qu'il faut, c'est un train de réformes préalables qui feront en sorte que les pouvoirs accrus seront bénéfiques. Voici ce que le Comité pense des divers arguments avancés.

En règle générale, les détracteurs de l'élargissement des pouvoirs des banques supposent une absence de concurrence dans le secteur bancaire, maintenant et dans l'avenir. Ils ne croient pas tellement aux effets des tendances actuelles du marché qui avivent la concurrence et n'ont pas grande confiance dans les recommandations du Groupe de travail conçues pour stimuler la concurrence et améliorer la protection des consommateurs. Ainsi, pour eux, toute mesure visant à permettre aux banques d'accroître leur part de marché est forcément préjudiciable à la concurrence. Ce sont là, toutefois, des affirmations gratuites qui restent à démontrer.

La présence accrue des banques dans certaines branches d'activité ne signifie pas pour autant que la concurrence s'en trouve réduite. On a beaucoup fait valoir le fait que les banques occupaient maintenant une position dominante dans la prestation de certains services qui leur étaient auparavant interdits. Or, si les banques se sont taillé une place parce qu'elles sont plus efficaces et qu'elles peuvent par conséquent offrir les services en question à un meilleur prix, les consommateurs, loin d'être perdants, y gagnent.

Le marché du crédit à la consommation en est un bon exemple. Les sociétés de financement ont perdu du terrain au profit des banques parce que celles-ci pouvaient pratiquer des taux moins élevés. Les taux pratiqués sur le crédit à la consommation ont baissé lorsque les banques se sont mises de la partie. L'écart entre les taux du crédit à la consommation et le taux d'escompte est plus faible aujourd'hui que dans les années 1950, lorsque la part de marché des banques représentait la moitié de celle dont elles jouissent aujourd'hui21.

Dans l'ensemble, les sociétés de financement ne sont pas réglementées, si bien que leur marché est très ouvert. Si les banques profitaient de leur position pour pratiquer des prix élevés, ces sociétés pourraient facilement revenir récupérer leur part de marché. Le fait qu'elles ne l'aient pas fait dans les 40 dernières années montre que le marché est compétitif. Le fait que les banques accaparent maintenant les deux tiers du marché du crédit à la consommation est le résultat de la concurrence et non pas la marque de l'absence de concurrence. La même chose vaut pour le crédit hypothécaire à l'habitation. Les banques ont maintenant la moitié du marché, comparativement à environ 10 % dans les années 1970, et pourtant on s'entend généralement pour dire que c'est celui des services financiers où la concurrence est la plus vive. L'écart des taux d'intérêt hypothécaires correspondant à l'écart entre le taux hypothécaire et le rendement moyen des obligations à trois ans et à cinq ans du gouvernement est bien moindre que ce qu'il était dans les années 197022.

Il en va de même dans le secteur des valeurs mobilières. Dans les 10 dernières années, les banques ont saisi les trois quarts du marché par la voie d'acquisitions, pourtant, à de nombreux égards, les frais de service ont diminué, en partie à cause de modifications de la réglementation et en partie directement à cause de l'accroissement de la concurrence23. Là encore, ce n'est pas ce à quoi on s'attendrait dans un marché où les banques domineraient en totalité.

Il est aussi important de tenir compte des changements qui se produisent et qui continueront de se produire même si l'on ne conférait pas de pouvoirs nouveaux aux institutions sous réglementation fédérale. La position des joueurs actuels est déjà menacée. L'assurance IARD est dans une large mesure assimilable bien davantage à un produit qu'à un service financier, et elle sera de plus en plus vendue selon des modes non traditionnels, par exemple par vente directe, par le biais de centres téléphoniques, et ainsi de suite.

Le secteur de l'assurance de biens et de risques divers est parvenu à maturité au Canada. Si la commercialisation de l'assurance se fait en majorité par l'intermédiaire des courtiers indépendants, ce n'est pas parce qu'il y a une affinité entre les assureurs et les courtiers, mais plutôt parce que l'on s'est bien rendu compte que le réseau de distribution des courtiers était efficace et rentable. Ces éléments propres à l'industrie et bien d'autres facteurs ont été totalement passés sous silence par le Groupe de travail MacKay.

Gil Constantini (président élu, Insurance Brokers Association of Ontario)

À de nombreux égards, les sociétés d'assurances IARD se trouvent devant le même dilemme que les banques. Elles ont un réseau de distribution qui les a bien servies dans le passé, mais les changements technologiques et les exigences des consommateurs les forcent à trouver de meilleures manières d'assurer la prestation de leurs produits. Elles doivent traverser cette transition sans s'aliéner les consommateurs qui se satisfont de canaux de distribution courants. Selon une étude réalisée par Coopers & Lybrand pour le compte du Groupe de travail, « [. . .] comme il a été possible de le constater dans d'autres pays, une partie importante du marché du courtage pourrait s'effriter rapidement à mesure que les assureurs continueront de rechercher de nouveaux canaux de distribution qui offrent les avantages de la rapidité et de la commodité aux consommateurs 24. »

Il se passe un peu la même chose dans le secteur de la vente d'automobiles, ce qui explique peut-être en partie l'opposition des concessionnaires à la participation directe des banques au crédit-bail automobile. L'apparition de courtiers sur Internet, comme Auto-by-Tel, a pour effet de réduire les marges des concessionnaires sur les ventes d'automobiles25, ce qui va devenir de plus en plus courant. Le fait que les banques pratiquent directement du crédit-bail automobile ne pourrait qu'accentuer cette tendance.

Arguments contre l'élargissement des pouvoirs

Interfinancement : Un des arguments invoqués contre l'entrée des banques sur le marché de la vente d'assurance au détail est le fait que les banques peuvent recourir à l'interfinancement des produits d'assurance pour accaparer des parts de marché. Cependant, l'interfinancement ne dépend pas de la distribution en succursale. Il est déjà possible maintenant. Ce qui inquiète, c'est l'ampleur éventuelle du phénomène et la possibilité que cela nuise à la concurrence, le cas échéant.

L'interfinancement permet de vendre un produit à un prix inférieur au coût de production, la différence étant financée par les recettes provenant d'une autre gamme de produits. Cette pratique exige l'existence d'une gamme de produits qui n'est pas exposée à la concurrence et qui peut donc générer les profits excédentaires nécessaires au financement de la gamme de produits subventionnés. Il faut une absence de concurrence entre les institutions de dépôts, ce qui est précisement ce que les opposants disent du secteur financier au Canada.

La proportion du financement des entreprises reliée aux prêts bancaires est passée d'un sommet de 50 % en 1982-1983 et a depuis chuté à moins d'un tiers. Les entreprises se sont tournées vers des sources de capitaux à meilleur marché et vers des sociétés de prêt sur actif pour répondre à leurs besoins de financement.

Les banques sont confrontées à une concurrence de plus en plus forte. Elle vient des institutions monogammes qui pénètrent le marché des cartes de crédit. Elle vient des marchés financiers où les entreprises court-circuitent les banques pour se financer directement26. Elle vient des fonds communs de placement qui se substituent aux dépôts bancaires et aux CPG27. La question est de savoir toutefois si ces tendances et les effets de réformes proposées par le Groupe de travail pourront contrer les éventuels impacts négatifs sur la concurrence du réseautage des assurances.

Il existe un autre facteur important, à savoir la structure du marché dans lequel l'interfinancement pourrait se produire. S'il est très facile d'y entrer, pas un prédateur ne pourrait exploiter la part de marché acquise par interfinancement parce que de nouvelles institutions viendraient immédiatement lui faire concurrence. L'interfinancement devient alors une façon coûteuse d'obtenir des gains à court terme qui n'ont pas de retombées avantageuses à long terme.

Le secteur des assurances IARD est facile d'accès, comme l'admettent les assureurs eux-mêmes, et on peut en dire autant de celui du crédit-bail automobile, à peu près pas réglementé.

Utilisation des renseignements sur les clients: Certains affirment par ailleurs que la vente d'assurance au détail par les banques présente un autre effet néfaste pour la concurrence, qui tiendrait à l'avantage « injuste » des banques et d'autres qui peuvent exploiter les renseignements personnels sur leurs clients pour cibler la vente d'assurance. Les banques sont mieux renseignées sur les Canadiens que n'importe quelle autre institution.

Le Rapport répond à cette préoccupation en recommandant plusieurs réponses. D'abord, le Groupe de travail MacKay recommande plusieurs mesures conçues pour protéger les consommateurs, notamment des dispositions législatives pour la protection des renseignements personnels, des interdictions plus strictes concernant les ventes liées et un poste d'ombudsman indépendant. Les risques d'abus sont grandement réduits si les consommateurs peuvent définir eux-mêmes leurs rapports avec une institution financière. Aujourd'hui, bien des Canadiens estiment qu'ils ne sont pas adéquatement protégés contre les atteintes à leur vie privée. Si le niveau de protection des consommateurs n'est pas accru, le réseautage des assurances pourrait les exposer à des atteintes encore plus grandes.

Ventes liées abusives: Enfin, il y a la question des ventes liées avec coercition. Le Comité traite de cette question ailleurs dans le présent Rapport et souscrit aux recommandations du Rapport MacKay qui renforceraient sensiblement les interdictions relatives aux ventes liées. Compte tenu des autres mesures de protection des consommateurs recommandées par le Groupe de travail, il semble que les consommateurs seront protégés efficacement lorsqu'elles seront appliquées.

Toutes les institutions financières ont une réputation à préserver, et c'est cette réputation qui leur permet d'attirer de nouveaux clients et de les garder. Plusieurs institutions ont indiqué clairement au Comité qu'un comportement mal inspiré de leur part risque de compromettre sérieusement leurs relations avec leurs clients. Les tentatives d'appliquer des méthodes coercitives peuvent non seulement faire avorter de nouvelles affaires, mais également entraîner la perte d'affaires existantes. Cet effet dissuasif sur les pratiques abusives ne peut s'exercer que si les consommateurs ont la possibilité de changer de fournisseur.

En somme, le Rapport MacKay, c'est la vision de ce qui est bon pour les banques. Ce n'est pas ce qui est bon pour la petite entreprise, ce n'est pas ce qui est bon pour les localités, ce n'est pas ce qui est bon pour l'industrie automobile, et ce n'est pas ce qui est bon pour le consommateur à long terme.

Gérald Drolet (président, Corporation des Associations de détaillants d'automobiles)

L'avantage injuste du coût des fonds : Les concession- naires d'automobiles qui s'opposent avec véhémence au crédit-bail direct par les institutions financières fédérales mentionnent souvent l'avantage injuste dont jouissent les banques par rapport aux donneurs à bail traditionnels, en raison de leur capacité de recueillir des fonds grâce aux dépôts à bon marché. Les donneurs à bail ne pourraient donc jamais lutter à armes égales avec les banques.

Outre l'intérêt qu'elles versent sur les dépôts, les institutions de dépôts doivent acquitter toute une panoplie de frais. Le différentiel de taux d'intérêt n'est donc pas indicatif des marges de profit. Ce qui importe davantage, c'est que les grandes sociétés de crédit-bail comptent parmi les firmes les plus stables et les plus rentables du monde. Avec leurs excellentes cotes de solvabilité28, elles peuvent obtenir des fonds à très bon marché grâce aux effets de commerce, sans être obligées de soutenir un réseau étendu de succursales de détail.

Deuxièmement, les dépôts deviennent de moins en moins avantageux comme sources de fonds, surtout parce que les consommateurs se tournent vers les fonds communs. Il y a déjà davantage de placements dans des fonds communs que de dépôts personnels dans les banques, et leur taille dépassera bientôt celle de tous les dépôts. À la limite, les institutions de dépôts qui financeraient le crédit-bail automobile à l'avenir obtiendraient leurs fonds par des moyens qui ne sont sans doute guère différents de ceux qu'utilisent les donneurs à bail actuels. Elles ne jouiraient donc pas d'un avantage important.

orsque vous entreprendrez cette révision, il est important que vous sachiez que le Rapport MacKay contient plusieurs erreurs cruciales. Ce dernier, par exemple, allègue que les caisses populaires du Québec louent directement des véhicules, alors pourquoi les banques ne pourraient-elles pas le faire elles aussi? En réalité, cette affirmation est fausse. Au Québec, les caisses populaires ont avec des concessionnaires une entente écrite stipulant qu'ils ne feront pas de location directe.

Gilles Richard (président sortant, Association des marchands d'automobiles de Montréal, et président, Le Circuit Mercury (1977) Ltée)

Conflit d'intérêts : L'un des arguments les plus anciens à l'encontre du crédit-bail automobile direct par les banques est que ces dernières se trouveraient en conflit d'intérêts par rapport aux concessionnaires, dont les stocks sont également financés par les banques. D'une part les concessionnaires seraient leurs clients, d'autre part ils seraient leurs concurrents.

À cet égard, l'Association des marchands d'automobiles de Montréal a cité une déclaration faite en 1990 par le sous-ministre adjoint des Finances de l'époque :

Essentiellement, le gouvernement a conçu cette politique (de limitation des pouvoirs des banques en matière de crédit-bail) parce qu'il percevait un énorme conflit d'intérêts potentiel à l'échelon local. Si les banques participaient également au marché du crédit-bail, nous ne sommes pas persuadés qu'il serait possible de régler les conflits en question par des règlements et des limites. [. . .] Je suis gérant de banque à Perth, en Ontario [. . .] Je suis là en train de prendre des décisions concernant le crédit-bail du concessionnaire d'autos installé de l'autre côté de la rue, mais je fais moi-même de la location à bail dans une section de ma banque. Est-il possible de résoudre ce dilemme d'une manière fondamentale, substantielle?

Cette préoccupation se justifie dans la mesure où les concessionnaires sont obligés de faire appel aux banques pour leur financement. Toutefois, tous les constructeurs d'automobiles ont des sociétés de financement captives dont les activités contribuent à l'écoulement de leur production. À l'heure actuelle, le crédit-bail constitue la majeure partie des activités en question, mais cela peut changer. Ces sociétés captives accordent aussi des prêts et, si les concessionnaires ont l'impression que les banques les traitent injustement, ils peuvent toujours demander aux premières de financer l'acquisition de leurs stocks. Mais, chose plus importante, si la concurrence s'accroissait suffisamment, les concessionnaires auraient un plus grand choix pour financer leurs stocks.

Enfin, le conflit d'intérêts décrit dans la citation qui précède s'applique à une situation où la succursale bancaire dispose de son propre stock de voitures. Mais les banques disent que ce n'est pas de cette façon que le crédit-bail serait offert. Les Canadiens ne peuvent passer outre au concessionnaire lorsqu'ils font l'acquisition d'une nouvelle voiture. Cela est vrai, peu importe qu'ils effectuent leur achat par le truchement d'Internet ou qu'ils obtiennent un crédit-bail d'une coopérative de crédit. Ce que les banques disent vouloir, c'est la possibilité d'offrir une autre option aux concessionnaires. Au lieu de devoir faire affaire seulement avec des sociétés de financement captives (comme GMAC ou Crédit Ford), des donneurs à bail indépendants comme Newcourt et GE Capital, et certaines institutions provinciales comme les caisses populaires et les coopératives de crédit, le concessionnaire pourrait également se prévaloir des services des banques. Le concessionnaire serait toujours l'intermédiaire du crédit-bail. Si les banques ne peuvent acheter de voitures directement du manufacturier, il est possible qu'elles aient de fait un stock de voitures d'occasion à l'expiration des baux initiaux. C'est à ce moment-là qu'on craint qu'elles ne deviennent les concurrents directs des concessionnaires.

Mais il y a des banques qui offrent des produits qui sont des quasi-baux, comme des prêts rachetables, qui peuvent les amener à prendre possession des voitures à la fin du contrat. Elles préparent la vente de ces voitures avec d'autres institutions et ne les vendent pas elles-mêmes.

Crédit-bail et risque : Les opposants à l'entrée des banques sur le marché du crédit-bail automobile craignent que ces dernières ne fassent une concurrence déloyale aux donneurs à bail actuels, mais ils jugent également que les banques ne connaissent pas assez bien le marché. Elles ne comprennent pas le risque résiduel de la même façon que les protagonistes en place. Ils invoquent comme preuve l'exemple des banques américaines qui ont perdu de l'argent dans ce secteur et se sont par la suite retirées du marché.

Il importe que les banques comprennent les risques liés à toutes leurs activités. Le BSIF se préoccupe lui aussi de la situation. Mais les institutions financières évaluent constamment des risques de toutes sortes. Lorsqu'elles s'engagent dans le commerce des instruments dérivés, elles doivent évaluer des risques que la plupart des simples citoyens ne pourraient comprendre. Il est peu probable que les risques liés au crédit-bail automobile soient à ce point incompréhensibles, surtout que les banques offrent déjà des produits qui s'y apparentent de près et qui supposent qu'elles comprennent la nature des risques en question.

Déduction pour amortissement : Un argument invoqué vers la fin des audiences concerne la déduction pour amortissement liée au crédit-bail direct. Les banques voudraient louer à bail afin de profiter de la déduction pour amortissement et mettre à l'abri de l'impôt leurs profits déjà très élevés.

La déduction pour amortissement peut être utilisée par tous les donneurs à bail et, dans la mesure où elle permet de réduire les impôts courants, elle favorise tout le monde, pas uniquement les banques. Toutefois, le plus important est qu'elle ne peut s'appliquer qu'au revenu provenant du crédit-bail des biens d'équipement sujets à la déduction. Elle ne peut mettre d'autres sources de revenu à l'abri de l'impôt courant.

En conclusion, le Comité estime que les arguments des opposants des pouvoirs élargis ne sont pas définitifs. Les exigences des consommateurs évoluent, tout comme les méthodes de distribution des produits. Ces facteurs agissent sur les fournisseurs en place dans tous les secteurs de l'économie. Les recommandations du Groupe de travail auront pour effet d'accélérer ces tendances, mais elles ne constituent pas la source des pressions qui s'exerceront dans l'avenir sur les courtiers d'assurances et les concessionnaires d'automobiles.

Le Comité croit que l'élargissement des pouvoirs des institutions financières fédérales soulève effectivement des préoccupations légitimes liées aux intérêts des consommateurs. C'est pourquoi nous recommandons qu'on mette en oeuvre rapidement un système amélioré de protection des consommateurs. Les préoccupations concernant la concurrence sont légitimes. C'est pourquoi nous appuyons également les recommandations du Groupe de travail favorisant l'arrivée de nouveaux acteurs.

Le Comité est d'avis que, sous réserve des considérations touchant la sécurité et la qualité, les différentes institutions financières devraient pouvoir établir leurs propres stratégies d'affaires et fournir les produits qu'elles considèrent appropriés de la manière qu'elles jugent la plus efficace. Elles devraient pouvoir donner suite aux changements qui se produisent au sein de l'économie. Il s'agit de décisions de gestion. De même, les consommateurs devraient avoir la possibilité d'acheter leurs services financiers selon les modalités qui les avantagent le mieux. Il s'agit là de décisions individuelles. À condition que ces deux types de décisions soient prises dans un marché compétitif, les consommateurs en profiteront.

Le crédit-bail de véhicules neufs représentait 35 milliards de dollars en 1997, ce marché étant détenu dans une proportion de 70 % à 80 % par les sociétés de financement affiliées aux grands constructeurs d'automobiles.

Le marché de la vente au détail d'automobiles évolue rapidement et le crédit-bail devient de plus en plus populaire, dans une large mesure à cause de la hausse du prix des voitures. À l'heure actuelle, 46 % des nouvelles voitures sont louées à bail, contre seulement 4 % en 1990. Pourquoi un changement des habitudes des consommateurs devrait-il écarter les institutions financières fédérales de ce marché, où elles font affaire depuis longtemps en fournissant des prêts-automobiles? Pourquoi seraient-elles tenues à l'écart, alors que certains de leurs concurrents réglementés à l'échelon provincial ne le sont pas? Pourquoi certaines sociétés de financement étrangères seraient-elles protégées ici de la concurrence des banques, alors qu'elles ne le sont pas dans leur pays d'origine? Aux États-Unis, les banques peuvent louer à bail des automobiles depuis les années 1960, et il semble qu'elles aient exercé cette activité surtout aux dépens des sociétés de financement captives. C'est également le cas dans la plupart des autres pays. Qu'y a-t-il de si différent au sujet de l'économie canadienne qui justifierait qu'on refuse cette option aux consommateurs?

La situation est analogue du côté des assurances. À l'heure actuelle, de nombreux pays permettent aux banques de vendre de l'assurance au détail, ce qui offre aux consommateurs des choix à moindre coût. De fait, dans les pays où les banques peuvent proposer des produits d'assurance, le système de distribution a une meilleure productivité qu'au Canada. Pourquoi le Canada ne pourrait-il pas tirer parti de ce facteur et pourquoi devrait-il demeurer l'exception à la règle internationale?

Dans une publication récente de l'Institut C.D. Howe, on mentionne ce qui suit au sujet de l'entrée des banques sur le marché de l'assurance en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Malgré le nombre relativement important de protagonistes qui occupaient le marché des assurances en Australie et en Nouvelle-Zélande, l'entrée des banques a fait augmenter de façon marquée le niveau de concurrence. Cela s'est produit parce que les banques ont instauré une nouvelle technologie de distribution au sein de l'industrie, et non en raison d'un manque de concurrence auparavant.29. . .

Cet exemple est intéressant parce qu'il répond directement à certains des arguments invoqués par les personnes qui s'opposent à l'élargissement des pouvoirs des banques. Que ce soit au sujet de la vente d'assurance au détail ou du crédit-bail automobile, celles-ci affirment souvent que le marché compte déjà un grand nombre de participants et que, de ce fait, il bénéficie déjà des effets avantageux de la concurrence. Pour elles, « le mieux est l'ennemi du bien ». Le Comité estime que les consommateurs pourraient être avantagés par de nouveaux fournisseurs de crédit-bail automobile et de nouvelles méthodes de distribution des produits d'assurance. Mais nous ne croyons pas que ce soit le bon moment.

Le Comité estime que la concurrence dans le secteur des services financiers au Canada sera accrue par les recommandations du Groupe de travail. Il estime également que la protection des consommateurs est inadéquate. Il recommande que le gouvernement accorde une haute priorité à la mise en place d'un nouveau régime de protection des consommateurs, et qu'il le fasse sans tarder. Un tel régime comprendrait notamment les mesures suivantes :

  • Une meilleure transparence des contrats et la divulgation complète et rapide des modalités des contrats (recommandations 57 à 62);
  • Des mesures élargies et prévues dans la loi assurant aux consommateurs le contrôle de l'usage qui est fait des renseignements les concernant personnellement, en exigeant le consentement explicite du consommateur, qui peut être retiré par la suite (recommandations 64 à 69);
  • L'interdiction plus large des ventes liées avec coercition par une mesure législative, la mise en place d'un mécanisme de recours et l'exigence imposée aux institutions financières d'informer leur clientèle de ce que constitue une vente liée avec coercition avant de conclure une transaction (recommandations 70 à 75);
  • L'instauration d'un mécanisme de recours comprenant un ombudsman indépendant pour le secteur des services financiers (recommandations 76 à 80);
  • La mise sur pied d'un bureau de protection du consommateur.

Le Comité recommande que le Comité permanent des finances de la Chambre des communes soit chargé d'évaluer le nouveau régime de protection des consommateurs et de concurrence afin de déterminer s'il est efficace et s'il protège mieux les consommateurs. Cette évaluation devra se faire avant le prochain examen de la législation fédérale sur les institutions financières et associer les parties prenantes au processus.

Ainsi, l'interdiction qui est faite aux institutions de dépôts sous réglementation fédérale de vendre des produits d'assurance aux particuliers dans leurs succursales sera réexaminée seulement une fois connus les résultats de cette évaluation.

COMPÉTITIVITÉ

Le Comité souhaite que la concurrence soit renforcée, parce qu'il se préoccupe du bien-être des consommateurs. Comme l'ont déclaré de nombreux témoins, l'objectif ultime de la réforme financière doit être de mieux servir le consommateur. C'est l'intérêt du consommateur qui procure les avantages les plus intéressants aux Canadiens. Un secteur financier qui sert les intérêts des consommateurs, qu'il s'agisse de ménages ou d'entreprises, sert l'intérêt économique de tous les Canadiens.

Cela dit, le Comité tient à préciser que la politique fiscale devrait également permettre aux institutions canadiennes de prendre des mesures en vue de devenir plus compétitives à l'échelle internationale. Autrement dit, nous devrions privilégier les mesures qui permettent à nos banques de devenir des institutions de classe internationale à tous les égards. Après tout, ce secteur emploie directement plus d'un demi-million de Canadiens, et a un impact considérable sur l'économie. Par ailleurs, comme nous l'avons déjà mentionné, les consommateurs canadiens sont beaucoup plus susceptibles de tirer parti de la concurrence si les marchés sont ouverts et les institutions financières nationales compétitives.

À mon avis, la meilleure façon de protéger le système bancaire canadien est de lui donner l'envergure nécessaire et la possibilité de réaliser des économies d'échelle de façon qu'il soit en mesure de faire face à la concurrence. La concurrence est bel et bien là. Je ne pense pas que les fusions se solderont par la création d'un monopole; ce sont les forces du marché qui prévaudront. Si j'en crois ce qu'indiquent les forces du marché, les fusions auront un effet positif, car cela nous donnera des institutions financières de classe internationale.

Glen Calkins (propriétaire-exploitant, Restaurants McDonald's de Saint John et de Lquispansis)

La compétitivité est un trait caractéristique d'une institution, d'un groupe d'institutions ou d'un secteur. Les institutions financières canadiennes, si elles veulent être en mesure de livrer une concurrence efficace et rentable sur la scène mondiale, doivent avoir les outils qu'il faut. Elles doivent fournir les mêmes produits que leurs concurrents, ou de qualité supérieure. De plus, il faut que leurs coûts, si elles souhaitent réaliser un profit, soient comparables à ceux des autres institutions.

Les institutions financières canadiennes sont, depuis de nombreuses années, soumises à la concurrence étrangère sur les marchés internationaux. Elles sont confrontées au même défi, et ce, de plus en plus, sur le marché intérieur.

Les profits des banques canadiennes se comparent très bien à ceux des banques étrangères de plusieurs pays.

De manière générale, les institutions financières canadiennes occupent une bonne position par rapport à leurs concurrents internationaux. Elles ne figurent pas parmi les meilleures, mais se classent, de manière générale, parmi les premières. De plus, les banques et les sociétés d'assurance-vie sont plus actives à l'échelle internationale que bon nombre de leurs concurrents internationaux. D'après la revue The Banker, par exemple, les banques canadiennes ont toutes des activités à l'étranger. Elles occupent le 20e (CIBC), le 21e (Banque de Montréal), le 27e (Banque Scotia) et le 39e (Royale) rang à l'échelle internationale pour ce qui est de leurs avoirs étrangers. La CIBC et la Banque de Montréal tirent respectivement 44 % et 58 % de leur revenu des activités menées à l'étranger. Pour la Banque Scotia, la proportion est de 49 %, et pour la Banque Royale, de 28 %. Ainsi, la Banque de Montréal et la CIBC ont une vocation beaucoup plus internationale que la Chase Manhattan, la Banque de Tokyo et l'ING.

Dans son Rapport de 1997, Le Forum économique mondial accorde au système financier canadien le cinquième rang au niveau de la compétitivité parmi les 53 pays les plus développés.

En outre, le régime de réglementation canadien a permis aux institutions canadiennes de devenir plus concurrentielles. En effet, les réformes adoptées en 1992 et avant ont favorisé l'émergence de conglomérats financiers à l'échelle nationale, contrairement à ce qui s'est produit dans d'autres pays comme les États-Unis.

Néanmoins, des initiatives peuvent être entreprises dans certains domaines pour renforcer la compétitivité des institutions financières canadiennes et faire du Canada un centre international de services financiers.

Comme nous l'avons déjà indiqué, le Rapport du Groupe de travail recommande que la convergence des fonctions se poursuive dans le secteur financier. Cela permettra d'offrir de meilleurs choix aux consommateurs et de renforcer la compétitivité des institutions, puisqu'elles pourront mieux servir les clients et, partant, devenir plus rentables. Comme le précise un rapport de la Banque du Canada, c'est la rentabilité qui permet d'établir si les institutions financières sont véritablement efficientes. En effet, ce n'est pas tellement la taille des fournisseurs de services financiers qui compte, mais plutôt la nature de leurs activités30. Il est essentiel, à notre avis, que les institutions financières canadiennes offrent aux Canadiens les services qu'ils désirent. Cela leur permettra d'être compétitives. Le Comité propose que le gouvernement tienne compte de ces deux facteurs au moment d'évaluer les recommandations.

Il existe une autre façon de renforcer la compétitivité des institutions : soit au moyen des règles qui régissent la propriété et la structure des institutions financières. Nous allons examiner ici les quatre principaux groupes de recommandations qui figurent dans le Rapport du Groupe de travail, à savoir le régime de propriété, l'assouplissement de la définition d'une large répartition du capital, la démutualisation des grandes sociétés d'assurance-vie et le modèle de la société financière de portefeuille. En outre, nous allons analyser les problèmes auxquels font face les coopératives qui souhaitent devenir une force concurrentielle sur le marché national.

Régime de propriété

D'après le Groupe de travail, le régime de propriété doit tenir compte des tendances actuelles et éventuelles vers une plus grande convergence des fonctions. Il recommande que toutes les institutions financières réglementées au niveau fédéral soient assujetties aux mêmes règles, en fonction de leur taille. Le régime de propriété peut présenter certains avantages d'une part, mais entraîner certains coûts d'autre part. Le Groupe de travail a jugé que toutes les institutions, qui, à la longue, vont être en mesure d'offrir les mêmes services, devraient bénéficier des mêmes avantages et assumer les mêmes coûts sur le plan de la réglementation.

La Financière Manuvie est d'accord avec les recommandations du Groupe de travail en ce qui concerne le maintien à perpétuité du régime de la large répartition du capital - qu'on appelle également la règle des 10 % - pour les grandes institutions financières. Cette politique a bien servi notre secteur et le pays dans son ensemble. Je suis convaincu qu'en l'absence d'une telle politique notre secteur des services financiers ne serait jamais devenu aussi dynamique ni concurrentiel qu'il l'est actuellement, et ne serait pas non plus contrôlé par des intérêts canadiens, ce qui est également vrai.

Dominic D'Alessandro (président et directeur général, Financière Manuvie)

Les recommandations 29 à 41 traitent des règles de propriété qui devraient s'appliquer aux institutions financières réglementées au niveau fédéral. D'après le Groupe de travail, il ne devrait pas y avoir une série de règles pour les banques et une autre pour les institutions non bancaires. Ces recommandations abordent également la question du régime de propriété qui doit s'appliquer aux sociétés d'assurance mutuelle qui se transforment en sociétés par actions. Le tableau suivant, qui s'inspire de données tirées du Rapport du Groupe de travail, classe les grandes institutions financières canadiennes en fonction de leurs avoirs; il indique aussi le rang qu'elles occuperaient relativement aux nouveaux seuils établis.



La recommandation 29 définit les trois grands principes qui sous-tendent le régime de propriété. Ce dernier devrait favoriser l'esprit d'entreprise et la concurrence, la solidité et la stabilité du système financier, ainsi que le maintien du contrôle canadien.

Les recommandations 29 à 41 proposent certains changements aux règles de propriété des institutions financières. Ces recommandations, une fois acceptées, influeraient largement sur les règles actuelles. Certaines banques de l'annexe 1 et les sociétés d'assurance mutuelle se transformant en sociétés par actions n'auraient plus besoin d'avoir un grand nombre d'actionnaires. Les exigences en matière de propriété seraient fondées sur la taille de l'institution. [. . .] Nous croyons, et c'est une opinion que partagent la plupart des responsables de la réglementation, que des institutions financières à peu d'actionnaires augmentent l'étendue du risque et que des gains commerciaux amplifient celui-ci. L'historique des faillites institutionnelles au Canada tend à soutenir ce point de vue.

John Palmer (surintendant, Bureau du surintendant des institutions financières Canada)

Pour le Groupe de travail, le fait d'obliger les grandes institutions (celles dont l'avoir des actionnaires ne dépasse pas 5 milliards de dollars) à avoir un capital largement réparti favorise la solidité et la stabilité des institutions, tout en leur permettant d'éviter les problèmes et les conflits qu'entraînent les alliances commerciales. Cette méthode facilite aussi le maintien du contrôle canadien sur les institutions, puisque aucune banque étrangère ne pourrait mettre la main sur une institution nationale par le biais d'une offre publique d'achat hostile. Par ailleurs, en permettant aux petites institutions (celles dont l'avoir est inférieur à un milliard de dollars) d'être contrôlées par un seul actionnaire prépondérant, on favorise le lancement de nouvelles institutions et l'esprit d'entreprise. À l'heure actuelle, les entrepreneurs peuvent créer et contrôler des sociétés de fiducie et des compagnies d'assurances. Le Groupe de travail propose que, pour la première fois, les entrepreneurs puissent créer et contrôler des banques nationales. Les institutions financières dont l'avoir est supérieur à un milliard de dollars mais inférieur à 5 milliards pourraient avoir un capital fermé, à condition que 35 % de leurs actions avec droit de vote soient réparties dans le public et cotées en bourse. Ces règles correspondent plus ou moins aux règles de propriété31 qui s'appliquent actuellement aux institutions non bancaires réglementées au palier fédéral dont l'avoir est supérieur à 750 millions de dollars.

Le Groupe de travail recommande de permettre aux nouvelles institutions bancaires dont l'avoir des actionnaires est inférieur à 1 milliard de dollars d'avoir un capital fermé ou même d'appartenir à une personne ou à une société, et aux institutions dont l'avoir des actionnaires est supérieur à 1 milliard de dollars, mais inférieur à 5 milliards de dollars, d'avoir au moins 35 % de leurs actions participantes avec droit de vote réparties dans le public et cotées en bourse. Cette recommandation contribuera grandement à accroître le nombre de fournisseurs de services financiers au Canada, et elle sera très bien reçue par les entreprises moyennes, de même que par les plus petites.

Paul J. Lowenstein (président, Canadian Corporate Funding Limited)

Dans les cas où un actionnaire détient un intérêt dans plus d'une institution réglementée au palier fédéral, c'est l'avoir combiné des institutions qui permettra de déterminer les paramètres applicables en matière de propriété.

Le Groupe de travail propose une forme de propriété plus élargie pour les gros établissements dont la faillite aura des répercussions sur l'ensemble du système. Si la propriété est largement diffusée dans le public, cela ne veut pas dire simplement que l'on renforce la propriété canadienne, c'est une mesure de sécurité et de protection parce que, tout bien considéré, les établissements dont la propriété est largement diffusée dans le public ont tendance à être plus sûrs que les établissements à propriété restreinte.

John Palmer (surintendant, Bureau du surintendant des institutions financières Canada)

Selon le Comité, le régime proposé offre un bon compromis entre les règles conflictuelles actuelles et la taille des institutions existantes. Seules la Canada Trust et la Great-West Life Co. ne respectent pas les règles proposées, la première, parce qu'elle n'a pas 35 % d'actions en circulation, comme l'exige le Groupe de travail, et la deuxième, parce qu'elle constitue une entreprise à capital fermé dont l'avoir est supérieur à 5 milliards de dollars. Le Rapport recommande que les règles de propriété actuelles s'appliquant aux deux institutions soient maintenues. Le contrôle des institutions pourrait changer de main une fois, sans que cela n'influe sur les droits acquis. Toutefois, il faudrait, lors de tout changement de contrôle subséquent, que les institutions se conforment aux nouvelles règles de propriété.

En vertu de cette proposition, toutes les grandes banques canadiennes doivent continuer d'avoir un capital largement réparti; la plus petite des cinq banques, c'est-à-dire la Banque TD, disposait d'un avoir de 7,3 milliards en octobre 1997. La Sun Life et la Manuvie, une fois transformées en sociétés par actions, seraient également tenues d'avoir un capital largement réparti. Toutes les autres institutions financières canadiennes pourraient continuer d'avoir un capital fermé et 35 % d'actions en circulation ou non. Certaines entreprises à capital largement réparti, comme la Canada Life et la Mutuelle du Canada, pourraient à la longue avoir un capital fermé. La Banque Nationale, la Banque Laurentienne et la Banque canadienne de l'Ouest auraient toutes le droit d'être reclassées dans une autre catégorie et de devenir des institutions à capital fermé.

Ce régime offre beaucoup de souplesse aux entrepreneurs qui veulent créer des institutions financières ou en faire des joueurs majeurs avant d'en céder le contrôle. Le plafond de 5 milliards de dollars pour le capital largement réparti est un seuil qui correspond à la moitié de l'avoir de la Banque Royale et de la CIBC, les deux plus grandes institutions financières du Canada.

Les nouvelles règles de propriété pourraient changer le visage du secteur financier canadien. Par exemple, les banques et les chaînes de détail participent à divers projets en vue de fournir aux consommateurs de nouveaux moyens d'obtenir des services financiers. Mentionnons, par exemple, le PC Financial offert par Loblaws et la CIBC, l'entente de marketing entre la Banque TD et Wal-Mart et la prestation de services financiers de l'ING par l'entremise des magasins Canadian Tire. Ces initiatives créent de nouveaux canaux de distribution, non pas de nouvelles institutions financières.

Le nouveau régime de propriété proposé par le Groupe de travail offre de nouvelles possibilités (p. ex., une banque Loblaws, une banque Wal-Mart). Ces banques seraient véritablement de nouvelles institutions, et non pas de nouveaux moyens de fournir des services existants. Rien n'indique que les entreprises vont profiter des changements proposés par le Groupe de travail. Toutefois, cette possibilité ouvre la voie à l'arrivée de nouveaux joueurs sur le marché.

Une définition souple de participation élargie

Dans le cadre de ce régime, le Groupe de travail propose une approche souple quant à la définition de propriété élargie, laquelle, à l'heure actuelle, signifie qu'aucun actionnaire ou groupe d'actionnaires ne peut détenir plus de 10 % d'une catégorie d'actions. D'après le Rapport, la propriété élargie ne s'applique plus aux banques de l'annexe I, mais plutôt à toutes les grandes institutions financières à charte fédérale. La propriété élargie garantit un contrôle canadien, point que le Rapport juge aussi important pour préserver les emplois canadiens que pour servir le marché canadien. Cependant, la propriété élargie limite également la capacité des institutions à créer des alliances et à faire des acquisitions. Comme le reconnaît le Groupe de travail, le capital-action est souvent une monnaie d'échange utilisée pour les acquisitions de sociétés. En limitant les actions individuelles à 10 %, la valeur de cette monnaie d'échange diminue pour les institutions canadiennes, surtout lorsqu'elles font de très grandes acquisitions. Par conséquent, il est recommandé de conférer au ministre des Finances le pouvoir d'autoriser des actions quelque peu plus concentrées dans certains cas. Les regroupements globaux visant à réaliser de plus grandes efficiences étant devenus une réalité, le Groupe de travail a tenté de faciliter la participation des institutions financières canadiennes à cet égard. Le Comité approuve les propositions de la recommandation 33.

Les participations de plus de 10 % ne sont pas autorisées pour les investissements de portefeuille, mais doivent plutôt contribuer à une stratégie commerciale visant à favoriser les alliances et les acquisitions susceptibles de rehausser la compétitivité de l'institution financière. La recommandation 33b), qui limite à 45 % le total de la participation des actionnaires qui ont été autorisés à détenir plus de 10 % d'une catégorie d'actions, limite le nombre de fois où une institution financière peut avoir recours à cette stratégie - elle pourrait avoir 3 actionnaires détenant 15 % des actions chacun ou 2 détenant 20 % des actions. Faudrait-il interdire une transaction qui sert l'intérêt du public uniquement parce qu'une exemption à la règle des 10 % a déjà été utilisée? Le Comité considère donc qu'il faut clarifier l'intention de toute restriction, comme celle que l'on retrouve dans la recommandation 33b).

La troisième partie de la recommandation 33 permet au ministre d'autoriser temporairement une participation supérieure au plafond de 20 %, dans certains cas, même si l'actionnaire ne peut exercer son droit de vote sur les actions en sus. Là encore, le Comité souscrit à la recommandation en principe, mais est d'avis qu'elle est trop vague. Le Groupe de travail envisage-t-il une participation temporaire de 25 % ou de 35 %? Le plafond de 45 % indiqué dans la recommandation 33b) engloberait probablement cette participation excédentaire temporaire et pourrait ainsi empêcher de futures alliances stratégiques. Là encore, le Comité est d'avis que le gouvernement devrait clarifier les conditions dans lesquelles une telle exemption serait accordée, ainsi que les conséquences qu'elle aurait pour les institutions financières. Il devrait également indiquer la période au cours de laquelle la cession de participation doit avoir lieu. Le Comité considère que, dans la mesure où le gouvernement accepte la recommandation 33, il doit également fixer des paramètres définissant clairement les limites d'un tel pouvoir discrétionnaire.

Le Comité appuie également la recommandation 32e) qui se lit comme suit: « Une institution financière réglementée dont le capital est largement réparti et qui est constituée au Canada devrait pouvoir posséder jusqu'à 100 % d'une autre institution financière réglementée, peu importe sa taille . » Cette recommandation intéressante pourrait modifier en profondeur le secteur financier. Elle signifie que, sous réserve du processus d'examen des fusions bancaires, les grandes banques canadiennes pourraient, pour la première fois, autant que l'on s'en souvienne, faire l'objet d'une offre hostile de prise de contrôle par une autre banque ou une autre institution financière à capital très largement réparti. Alors qu'il apparaît très clairement qu'une banque de l'annexe I et la Sun Life ou la Manuvie sont de taille différente, il n'est pas inconcevable qu'elles pourraient faire une offre de prise de contrôle de l'une des banques actuelles de l'annexe I. La possibilité de faire une telle offre pourrait être accentuée par la définition souple de propriété élargie recommandée par le Groupe de travail.

Comme il est indiqué ci-dessus, le nouveau régime de propriété que propose le Groupe de travail comprend une disposition relative aux droits acquis, laquelle permettrait à la compagnie d'assurance-vie Great-West et à la Canada Trust de maintenir leur structure de propriété actuelle. Ces deux sociétés pourraient prendre de l'expansion et faire l'acquisition d'autres institutions, sans que leur société mère n'ait à se départir de ses actions excédentaires.

La disposition relative aux droits acquis impose toujours cependant certaines restrictions à ces deux institutions. Bien que les deux puissent faire l'acquisition d'autres institutions, aucune ne peut faire l'acquisition d'une institution dont l'avoir dépasse 5 milliards de dollars, étant donné qu'une telle institution doit être à capital très largement réparti. Ces règles ne les empêchent pas de faire l'acquisition de plusieurs institutions de moindre importance. Ainsi, pour revenir au tableau précédent, il est évident que la compagnie d'assurance-vie Great-West pourrait acheter Canada- Vie ou la Mutuelle du Canada, voire la Banque Nationale. Elle ne pourrait pas acheter Manuvie, à moins que son propriétaire ne soit prêt à vendre sa participation majoritaire. Par contre, Manuvie pourrait acheter l'Assurance-vie Great-West.

Le Canada Trust est restreint de la même manière par ces droits acquis. Au total, ces deux sociétés gagnent plus des réformes proposées par le Groupe de travail qu'elles ne perdent dans le nouveau régime de propriété. Les réformes envisagées par le Groupe de travail ouvrent de nouveaux horizons en matière d'acquisition et de pouvoirs. La possibilité de devenir de grandes institutions est renforcée plutôt que diminuée par les recommandations du Groupe de travail. Le Comité appuie donc ces dispositions relatives aux droits acquis.

L'importance du contrôle canadien

Le Groupe de travail recommande l'adoption d'une politique plus souple et plus innovatrice en ce qui concerne la propriété des institutions financières canadiennes. On faciliterait ainsi la création d'alliances stratégiques et on aiderait les institutions financières à devenir plus compétitives sur le marché canadien et à s'établir comme des institutions d'ordre mondial. De plus, la politique permettrait aux entrepreneurs et aux entités commerciales de se porter acquéreurs de petites institutions et ferait en sorte que les grandes institutions n'aient pas de liens commerciaux qui peuvent parfois nuire à la sécurité et à l'intégrité du secteur des services financiers. Grâce aux propositions faites par le Groupe de travail, le gouverneur en conseil pourrait autoriser l'acquisition, par des intérêts étrangers, de grandes institutions canadiennes dans des circonstances exceptionnelles, si cette acquisition coïncide avec les intérêts canadiens.

La possession canadienne d'établissements mondiaux signifie en bout de ligne le maintien de plus d'emplois au Canada. À titre de centre financier solide, nous avons l'occasion de maintenir et de consolider un bassin de talents mondiaux. Mais si nous sommes retenus et que les géants du Sud arrivent à pénétrer nos marchés tout en gardant presque tous les emplois pour eux [. . .] qu'adviendra-t-il de nous?

Charles Baillie (président et chef de la direction, Banque Toronto-Dominion)

Le nouveau régime est structuré de manière à préserver le contrôle national des plus grandes institutions financières canadiennes. En fait, presque tous les témoins entendus durant les audiences s'entendaient sur le besoin de garder la maîtrise de notre secteur des services financiers. En règle générale, on faisait bon accueil à l'idée d'y admettre des institutions étrangères, mais la plupart des témoins estimaient crucial que l'industrie demeure essentiellement canadienne et que les grandes institutions soient de propriété et de contrôle canadiens.

Le Groupe de travail définit une institution financière sous contrôle canadien comme étant « [. . .] gérée par des institutions établies au Canada, assujettie aux exigences canadiennes en matière de régie et non soumise à l'influence d'un intérêt étranger dominant 32. » Selon cette définition, l'institution à grand nombre d'actionnaires étrangers pourrait tout de même être sous contrôle canadien. Toutefois, il est plus facile d'exercer le contrôle si la propriété est canadienne.

Le Comité estime que la propriété et le contrôle canadiens nous ont bien servis par le passé et qu'ils continueront de le faire. Le Canada n'est pas le seul à vouloir faire en sorte que ses grandes institutions financières demeurent sous son contrôle. De fait, la Nouvelle-Zélande est le seul pays parmi les pays industrialisés à avoir un secteur bancaire sous contrôle étranger.

Le contrôle canadien comporte d'importants avantages. Le premier est d'ordre réglementaire. Comme les décisions sont prises au Canada, les instances de réglementation peuvent user de persuasion morale pour arriver à leurs fins, ce qui ne serait pas possible si les décisions étaient prises ailleurs. Comme le laisse entendre le Groupe de travail, sur le plan de la réglementation, c'est la régie des institutions qui compte. Le contrôle canadien donne l'assurance que ce sont des Canadiens qui sont aux commandes des institutions au Canada. En réalité, la Nouvelle-Zélande a essentiellement renoncé à contrôler elle-même ses institutions financières, puisque l'industrie n'est plus sous contrôle national.

Ce n'est pas le seul avantage économique direct. Le contrôle canadien signifie que les emplois de cadre supérieur dans ces institutions se trouvent au Canada. D'autres emplois de qualité et très spécialisés demeureraient aussi au Canada, ce qui créerait un important bassin de compétences canadiennes (avocats, informaticiens, analystes en logiciel, spécialistes du marketing, agents de prêt, économistes, comptables, etc.). Ainsi, on compte 165 000 travailleurs employés directement par le secteur des services financiers dans la seule grande région de Toronto. Les banques du Canada sont d'importants employeurs du secteur privé. En 1997, ces banques ainsi que leurs filiales employaient directement plus de 221 400 Canadiens. Si ce n'était du contrôle canadien, bon nombre de ces emplois seraient créés ailleurs. Les institutions canadiennes servent leur clientèle internationale en grande partie à partir du Canada, ce qui signifie qu'elles emploient des Canadiens et qu'elles paient des impôts canadiens. Si nous n'exercions pas un contrôle canadien sur notre secteur des services financiers, l'inverse pourrait facilement être vrai. Les institutions étrangères qui fournissent des services à des Canadiens le font à partir de l'étranger. Elles emploient donc des non-Canadiens et paient leurs impôts ailleurs.

Un secteur des services financiers sous contrôle canadien signifie également que l'on est plus attentifs aux besoins des Canadiens. On a en effet soutenu que les institutions sous contrôle étranger se retiraient du marché canadien durant les périodes de ralentissement économique. C'est effectivement ce qu'ont fait les banques japonaises aux États-Unis vers la fin des années 1980.

Le contrôle canadien signifie également que ces institutions contribuent davantage à la société canadienne et y participent plus. Par exemple, les banques canadiennes ont donné 66 millions de dollars à des oeuvres de bienfaisance canadiennes en 1997. Grâce à leurs dons et à leurs commandites, elles contribuent à des programmes de soutien axés sur les jeunes, l'éducation, la santé et l'aide sociale, les arts et la culture ainsi que le développement économique.

Les institutions financières canadiennes dont le siège se trouve au Canada paient des impôts au Canada. En 1996, les institutions financières ont versé au total 8,4 milliards de dollars en impôt fédéral, provincial et municipal.

Enfin, bien que le Canada ne fasse pas partie des grandes ligues sur les places financières mondiales, il importe que des institutions financières canadiennes y assurent une présence. En effet, le Canada tire son pouvoir économique en partie de la présence sur les marchés internationaux d'un secteur des services financiers canadien fort, sain et fiable. Sa souveraineté est assise en partie sur des institutions sous contrôle canadien fortes qui sont plus susceptibles d'échapper aux effets extraterritoriaux des lois étrangères.

Le Comité estime que le contrôle des institutions financières canadiennes devrait demeurer essentiellement au Canada. Il faudrait bien sûr admettre au sein de notre marché des institutions étrangères. L'essentiel, toutefois, est que nos institutions canadiennes puissent continuer de prospérer. Le nouveau régime de propriété que propose le Groupe de travail et qu'appuie le Comité sera plus souple. Il ira donc dans le sens des intérêts du Canada.

La meilleure façon de continuer à avoir une industrie sous contrôle canadien est de faire en sorte que les institutions canadiennes soient capables de livrer concurrence et de se développer dans un contexte de plus en plus marqué par la mondialisation. La plus grande menace que pourrait affronter le service des secteurs financiers sous contrôle canadien est le manque d'efficacité et une piètre rentabilité. Les recommandations du Groupe de travail favorisent en règle générale le maintien du contrôle canadien puisqu'elles aident à rehausser notre compétitivité.

Le Groupe de travail MacKay indique dans son Rapport qu'à son avis la démutualisation sera vraiment dans l'intérêt des compagnies mutuelles et des titulaires de leurs polices, tout en étant bénéfique pour l'évolution future du secteur des services financiers. Nous sommes tout à fait du même avis, et notre conseil d'administration a d'ailleurs demandé à Canada-Vie de préparer un plan d'action pour la démutualisation, plan que nous élaborons activement à l'heure actuelle.

David A. Nield (président et directeur général, Canada-Vie)

La démutualisation

Plusieurs de nos grandes compagnies d'assurance-vie fonctionnent en vertu d'une structure de propriété unique telle que certaines catégories de détenteurs ont des droits qui ressemblent en quelque sorte à des droits de propriété. Cette forme mutuelle de propriété a protégé les institutions d'éventuelles prises de contrôle, mais a également limité leur capacité de réunir des capitaux et, par conséquent, de se développer, à l'interne ou au moyen d'acquisitions. Les plus grandes compagnies mutuelles ont donc annoncé leur décision de se transformer et de passer du statut de société mutuelle à celui de société par actions.

À l'instar du Groupe de travail, nous appuyons les propositions du gouvernement permettant aux grandes compagnies mutuelles d'assurance-vie de se transformer en sociétés par actions. Nous appuyons également les mesures de protection des détenteurs proposées par le gouvernement et souhaitons aussi protéger ces compagnies d'une éventuelle prise de contrôle hostile tout de suite après leur transformation. Le Comité convient avec le Groupe de travail que les compagnies transformées devraient avoir plus de latitude en matière d'affiliations susceptibles de rehausser leur compétitivité.

Dans le cas de la Financière Manuvie, vu la qualité de nos franchises et le potentiel considérable de nos diverses activités dans le monde entier, une fois que la démutualisation sera réalisée, nous - et, à mon avis, d'autres compagnies démutualisées également - deviendront des cibles intéressantes d'offres publiques d'achat. Le Groupe de travail a d'ailleurs reconnu cette réalité et recommande, par conséquent, une période de transition de trois ans au cours de laquelle les compagnies démutualisées ne pourraient faire l'objet d'offres publiques d'achat (OPA) hostiles ou de projets de fusion. Cependant, cette période de transition nous semble trop brève. Une période de transition de cinq ans nous semble plus réaliste pour ce qui est de permettre à ces compagnies de devenir des sociétés ouvertes, dynamiques et indépendantes.

Dominic D'Alessandro (président et directeur général, Financière Manuvie)

Le projet de loi C-59 propose une transition de deux ans. Le Rapport MacKay recommande une transition de trois ans. Nous ne voulons pas qu'elle soit portée à cinq ans comme cela a été demandé, car nous sommes d'accord avec la recommandation de trois ans. D'après le Comité, la période de transition protège l'institution nouvellement transformée de certaines situations et ne sert certainement pas à lui passer une camisole de force, ni à l'empêcher de se lancer dans des stratégies commerciales. Tout comme ces compagnies ont indiqué qu'il était nécessaire d'entamer rapidement le processus de démutualisation, nous croyons que les compagnies nouvellement transformées devraient pouvoir se lancer rapidement dans des stratégies commerciales qui leur permettraient de mieux soutenir la concurrence avec les groupes financiers bancaires actuels, ainsi qu'avec d'autres conglomérats étrangers qui se sont formés ou sont en train de le faire. Le secteur financier évolue rapidement et tout retard peut coûter cher. Étant donné que deux propositions de fusion bancaire sont actuellement présentées et que des regroupements ont lieu dans le monde entier, il est crucial que le reste du secteur puisse prendre les mesures nécessaires permettant l'émergence de nouveaux et solides concurrents. Par conséquent, le Comité recommande que le ministre puisse examiner des demandes de fusion ou d'acquisition présentées par les conseils d'administration d'institutions transformées au cours de la période de transition. De telles demandes ne devraient pas être examinées à moins qu'elles n'aient été approuvées par les actionnaires.

Les sociétés financières de portefeuille

Dans le cadre de la stratégie visant à rehausser la compétitivité, il est proposé d'autoriser les institutions financières à s'organiser sous l'égide d'une société financière de portefeuille réglementée. La société mère serait une société inactive servant uniquement à réunir les capitaux nécessaires pour appuyer les activités des institutions financières filiales. Elle serait assujettie à une très légère forme de réglementation, le BSIF s'intéressant essentiellement aux transactions entre institutions affiliées et à celles entre la société mère et ses filiales.

Bien que le Rapport du Groupe de travail souligne que le recours au modèle de la société de portefeuille pourrait permettre une réglementation plus nuancée, il ne précise pas les nuances en question. En fait, le Rapport n'examine pas beaucoup les possibilités de réforme réglementaire que pourrait permettre un modèle de société financière de portefeuille. Beaucoup d'analystes ont recommandé le recours au modèle de sociétés financières de portefeuille afin de réglementer comme il le faut les activités qui méritent le plus d'attention en la matière et d'alléger la réglementation dans le cas des activités qui ne présentent pas de problèmes prudentiels. Ce faisant, le recours à un tel modèle pourrait rendre notre réglementation plus efficace et permettrait une plus grande uniformité en la matière, tout en résolvant certains des déséquilibres qui existent actuellement ou qui pourraient surgir.

Le Comité est d'avis que le Groupe de travail aurait pu aller plus loin et profiter des occasions présentées par le recours au modèle de la société de portefeuille. En fait, le Groupe de travail reconnaît que la concurrence accrue qu'il souhaite pourrait en fait produire un déséquilibre concurrentiel entre institutions financières nationales et étrangères. Le modèle proposé de société financière de portefeuille, tel que le recommande le Groupe de travail, ne résout pas nécessairement cette question. Tout comme la concurrence ne devrait pas être sacrifiée pour permettre aux institutions nationales de devenir plus compétitives, la compétitivité ne devrait pas être sacrifiée pour assurer une meilleure concurrence. Le Comité croit fortement que concurrence et compétitivité sont des alliées naturelles et que la politique du secteur financier devrait le refléter.

Nous sommes heureux de constater que le Groupe de travail va dans le sens de notre intervention en refusant d'accorder aux établissements réglementés par le gouvernement fédéral la possibilité de s'organiser au moyen d'une société de portefeuille. Tout le monde sera ainsi placé sur le même pied pour ce qui est des entreprises n'obéissant qu'à un minimum de réglementation dans des secteurs tels que le financement et le crédit-bail à grande échelle.

Joseph Oliver (président et directeur général, Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières)

Le Comité a parfaitement conscience des avantages que pourrait offrir le modèle de la société de portefeuille aux petites institutions qui souhaitent former des alliances avec d'autres afin de mieux soutenir la concurrence. Nous croyons qu'il faudrait donner rapidement suite à cette recommandation.

Le gouvernement pourrait toutefois aller plus loin. Alors que nous pensons que le modèle est prometteur et devrait être poursuivi, nous sommes frappés par le manque général d'enthousiasme de la part des témoins que nous avons entendus. Peu d'institutions financières et de témoins ont manifesté beaucoup d'intérêt en la matière. Donald Stewart, de la Sun Life, a déclaré : « Nous croyons que la structure de la société de portefeuille peut présenter des avantages considérables, notamment un accroissement de l'efficacité de la réglementation, une plus grande latitude pour se procurer des capitaux et la possibilité d'offrir une meilleure valeur aux actionnaires de la société de portefeuille. » Un tel enthousiasme est toutefois rarement manifesté.

Le Comité recommande donc que les institutions financières qui profitent du modèle de la société de portefeuille soient autorisées à constituer des filiales non réglementées, assurant ainsi une uniformité en matière de traitement par rapport aux actuelles sociétés de portefeuille non réglementées. Cela assurerait également une plus grande uniformité de traitement des institutions financières étrangères qui peuvent percer le marché canadien autant comme institutions financières réglementées que comme institutions non réglementées. Le Comité recommande donc également que la réglementation imposée aux sociétés de portefeuille soit aussi légère que possible et que, avec le temps, les sociétés de portefeuille non réglementées le deviennent. Ce phénomène serait déclenché par la vente d'une institution une seconde fois.

Règles comptables

Les règles comptables qui s'appliquent aux institutions financières relativement à certains types de fusions ont été critiquées parce qu'elles compliquent la réalisation des mesures nécessaires pour que ces institutions puissent devenir plus efficientes. Ces règles ont un effet néfaste sur les revenus des institutions financières et sur leur valeur au marché et, par conséquent, sur leur capacité de se servir de leurs actions comme monnaie aux fins d'acquisitions. Elles favorisent aussi les fusions entre égaux.

De plus, on peut constater un manque de cohésion, dans ces règles, entre la manière dont l'actif doit être déclaré dans les registres et celle dont le BSIF traite le même actif comme la base de capitaux des institutions financières. Le Groupe de travail suggère une modification des règles comptables en vigueur au Canada afin que soit neutralisé l'effet négatif qu'elles exercent sur la capacité des institutions canadiennes de se restructurer (voir recommandations 42 et 43).

Le meilleur expert des problèmes concernant les règles comptables a été Henri-Paul Rousseau, de la Banque Laurentienne. Il a expliqué que, lorsque des institutions financières de tailles différentes fusionnent, il y a écart d'acquisition. Cet écart ne constitue pas, aux yeux du BSIF, une part du capital de base. Il doit cependant être intégré aux éléments d'actif inscrits au bilan de l'entreprise et être amorti sur une certaine période. Cet amortissement doit être imputé sur le revenu déclaré; les projections de profits de l'institution sont donc plus faibles et, par voie de conséquence, sa valeur boursière aussi. De plus, l'institution acheteuse doit démontrer au BSIF qu'elle dispose d'un capital suffisant pour soutenir son acquisition, tandis qu'elle impute à l'exercice une partie de l'actif qu'elle vient d'acquérir. M. Rousseau a très bien su résumer le problème qui se pose : « Sur le plan comptable, cet actif est reconnu, mais il ne l'est pas sur le plan réglementaire. On crée ainsi la première différence entre le bilan comptable et le bilan réglementaire [. . .] [N]on seulement vous avez besoin de capitaux supplémentaires, mais une partie des liquidités que vous versez disparaît purement et simplement parce que l'écart d'acquisition n'est pas reconnu comme actif. On se retrouve donc frappé d'une double malédiction. »

Ces règles réduisent les incitatifs qui encouragent les institutions financières canadiennes à se restructurer et créent un déséquilibre dans la concurrence avec les institutions américaines, lesquelles sont mieux en mesure de se restructurer sans que soit créé un écart d'acquisition amortissable. Bien que ce généreux traitement comptable américain soit susceptible d'être modifié dans le futur, il sera probablement adapté au modèle en vigueur au Royaume-Uni, où l'écart d'acquisition est traité comme un élément d'actif, mais n'est amorti que s'il est négatif33.

Le Comité a appris que l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA) a annoncé il y a quelques semaines que de nouvelles règles comptables devraient être en place pour l'automne 1999. Il appuie cette initiative. Il estime qu'une révision des règles comptables non seulement augmenterait la compétitivité des institutions financières, mais améliorerait aussi la qualité de la concurrence. Les institutions financières désireuses de fusionner auront plus de choix, à l'échelle nationale et internationale, et ne seront pas obligées, comme c'est le cas maintenant, de fusionner entre égaux.

Le secteur coopératif

Dans tout le Canada, les institutions financières coopératives offrent un choix aux institutions d'entreprise à but lucratif, nombreuses dans le secteur. L'actif des coopératives de crédit et des caisses populaires représente 10 % de l'actif total des institutions de dépôts au Canada. Leur vigueur varie cependant largement d'une province à l'autre. Ainsi, au Québec et en Saskatchewan, l'actif des coopératives représente plus de 35 % de l'actif des institutions de dépôts, au Manitoba, il est de 25 %, alors qu'à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse et en Ontario, il ne compte que pour 5 % ou moins de l'actif des institutions de dépôts.

Ces données font clairement ressortir la vigueur du mouvement coopératif. Ses points forts et son attrait varient dans tout le pays, cependant, en fonction des différences de culture sociale ou d'options du marché.

Le mouvement coopératif fait néanmoins preuve d'une grande vigueur. Il faut donc déterminer comment tirer parti de cette vigueur et rendre ces institutions plus compétitives et, de là, stimuler la concurrence. Ces institutions sont généralement de très petite taille et ont souffert de ne pas pouvoir réaliser des économies d'échelle. Seules les coopératives de crédit de la Colombie-Britannique disposent en moyenne d'un actif de plus de 200 millions de dollars34. Cela est attribuable au fait que l'actif de 5 coopératives de crédit, dont la Vancouver City Savings, qui a près de 5 milliards de dollars, dépasse 900 millions de dollars. En Alberta, l'actif moyen se situe à environ 50 millions de dollars, tandis que la moyenne des coopératives du Manitoba est légèrement plus élevée. Dans toutes les autres provinces, l'actif moyen des coopératives de crédit et des caisses populaires se situe au-dessous de la barre des 50 millions de dollars.



Parce que ces institutions sont des coopératives, il leur est difficile d'obtenir un capital suffisant pour alimenter leur croissance. Comme elles sont de petite taille, elles ne peuvent pas tirer parti des pouvoirs qu'elles ont d'ailleurs, seulement 75 % des coopératives de crédit offrent une gamme complète de services. Pour preuve, les revenus d'activités facturées des coopératives de crédit et des caisses populaires équivalent à environ 20 % des revenus nets d'intérêts. Dans les banques, par contre, cette proportion dépasse les 50 %35, ce qui signifie qu'elles vendent une grande quantité de services outre le crédit direct.

Les restrictions auxquelles sont soumises les coopératives de crédit sont augmentées de l'interdiction qui leur est faite de fournir des services hors des frontières des provinces où elles se situent.

Il existe deux façons de régler ces problèmes. L'une des solutions proposées est la création d'une ou de plusieurs banques coopératives (voir recommandation 22). Le Comité accepte cette recommandation. Puisque les institutions coopératives sont en fait la propriété d'un grand nombre d'actionnaires, nous ne voyons pas de raison de refuser à ces derniers la possibilité de posséder collectivement des banques, ce qui est compatible avec la politique fédérale en vigueur actuellement. La Vancouver City Savings, une coopérative de crédit, est propriétaire de la Citizens Bank. Si une seule coopérative de crédit peut posséder une banque, pourquoi un groupe de coopératives ne pourrait-il pas en faire autant? De plus, les sociétés d'assurance mutuelles sont autorisées à posséder des banques, parce qu'elles ont un grand nombre d'actionnaires.

Enfin, nous remarquons que le nouveau régime de propriété que propose le Groupe de travail fait place à une plus grande souplesse. Les institutions de petite taille, c'est-à-dire celles dont les capitaux propres ne dépassent pas 1 milliard de dollars, peuvent être la propriété d'un seul actionnaire. Le principe d'une banque coopérative ne serait donc pas incompatible avec ce nouveau régime de propriété.

Lorsque les auteurs de la proposition relative à la banque coopérative ont témoigné devant le Comité à Vancouver, ils ont recommandé que les dépôts soient assurés jusqu'à concurrence de 100 000 dollars. Ils ont précisé, pour soutenir cette recommandation, que l'assurance-dépôts, pour les membres des coopératives de crédit, varie d'une province à l'autre et est souvent plus généreuse que l'assurance que fournit la SADC. Certaines provinces jouissent en fait d'une garantie illimitée. En dépit du fait que le président de la SADC n'a soulevé aucune objection majeure à cette recommandation, le Comité la rejette. Une banque coopérative serait dotée de tous les pouvoirs des banques actuelles. C'est ainsi qu'il doit en être. Une telle banque ne devrait pas jouir de privilèges particuliers et devrait être traitée de la même manière que les autres banques membres de la SADC.

Par contre, les coopératives de crédit ne tiennent pas toutes à faire partie d'une banque. Il leur semble plus important que les lois fédérales et provinciales qui régissent les centrales de coopératives de crédit soient amendées de manière à leur permettre d'offrir à leurs membres de meilleurs services et de devenir plus efficientes. La Loi sur les associations coopératives de crédit leur fait obstacle sur ce plan. Le Comité appuie les amendements à la Loi et recommande que le gouvernement fédéral agisse promptement. Nous appuyons donc la recommandation 24 visant à autoriser les centrales de coopératives de crédit à fournir des services financiers de détail directement aux membres des coopératives de crédit locales plutôt qu'uniquement aux coopératives de crédit, comme c'est actuellement le cas.

Un autre facteur qui limite la capacité des centrales de mieux servir les membres des coopératives de crédit est l'obligation qui leur est faite de créer des sociétés de service pour offrir des services à des tiers, et cette prestation de services est limitée aux institutions financières actionnaires en grande partie de la société en question. Ces services privilégiés permettent d'importantes économies d'échelle. Une centrale ne peut réaliser de telles économies d'échelle qu'en offrant aux institutions qui ne sont pas des coopératives de crédit la même qualité de service qu'aux coopératives de crédit. Les restrictions dont il est question plus haut font obstacle à la réalisation de telles économies d'échelle. Bill Knight, de la Centrale des caisses de crédit du Canada, résume très clairement le problème : « [. . .] Si les centrales souhaitent servir d'autres entités financières ou fournir des services financiers de détail, elles doivent le faire par l'entremise de leurs propres sociétés affiliées. » Pour réaliser des économies d'échelle, les centrales de coopératives de crédit devraient pouvoir se lier à des sociétés affiliées qui offrent des services à d'autres institutions financières sans exiger de ces clients qu'ils investissent d'abord dans la filiale prestataire des services. Nous appuyons donc les changements recommandés dans le Rapport du Groupe de travail.

Taxation

Nous avons déjà parlé de l'effet de la taxation sur la compétition. Nous traiterons ici des effets qu'elle peut avoir sur la compétitivité des institutions financières.

Selon une étude récente de Statistique Canada, le secteur financier représentait 25 % de l'ensemble des impôts payés par les sociétés en 1994 (comparativement à 14 % en 1988), contre seulement 12,5 % du total des recettes d'exploitation. De 1988 à 1994, la contribution du secteur financier à l'ensemble des impôts acquittés par les sociétés a à peu près doublé, tandis que celle des autres secteurs augmentait de 5 %.

En 1996, le secteur des services financiers canadien a versé plus de 8,4 milliards de dollars en impôts aux gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux. L'impôt qu'a versé le secteur financier représente près de 20 % de l'impôt fédéral sur les sociétés, bien que ses profits n'aient constitué que 17 % du total des bénéfices des sociétés. Le taux moyen d'imposition s'appli- quant aux institutions de dépôts était de 26 % (comparativement à 6 % pour l'industrie minière, à 12 % pour l'agriculture, la foresterie et les pêches et à 17 % pour le secteur des communications)36.

L'impôt fédéral des grandes sociétés, au taux de 0,225 % du capital, s'applique aux sociétés dont le capital dépasse 10 millions de dollars, c'est-à-dire à presque toutes les institutions financières.

Les institutions financières sous réglementation fédérale sont assujetties à des impôts sur les sociétés qu'elles sont les seules à payer. En effet, outre l'impôt au taux de 0,225 % du capital qui s'applique aux grandes sociétés dont le capital dépasse 10 millions de dollars au Canada, l'industrie doit aussi payer des impôts fédéraux et provinciaux sur le capital qui lui sont particuliers. L'impôt fédéral sur le capital (l'impôt de la partie VI qui s'applique aux institutions dont le capital dépasse 200 millions de dollars) est perçu au taux de 1,25 % auprès des institutions de dépôts depuis 1986 et auprès des compagnies d'assurance-vie depuis 1990. Ces impôts ne s'appliquent pas aux institutions financières non réglementées. Depuis 1985, s'ajoute également une surtaxe temporaire (surtaxe sur le capital de la partie VI) qui s'applique aux grandes institutions de dépôts et qui doit prendre fin en 1999. Il y a aussi une surtaxe progressive qui vise les compagnies d'assurance-vie.

En 1996, les institutions financières réglementées ont payé pour 350 millions de dollars d'impôts fédéraux sur le capital et 522 millions de dollars d'impôts provinciaux sur le capital.

Plus de 60 % des 872 millions de dollars perçus en impôts sur le capital auprès des institutions financières ont été prélevés par les provinces.

Les impôts sur le capital ont de nombreux effets pervers. Ils sont nuisibles, étant donné qu'ils augmentent le coût du capital et rendent les transactions plus coûteuses. C'est pourquoi le secteur des services financiers au Canada est moins compétitif.

Les impôts sur le capital nuisent aussi à une bonne gestion prudentielle. Les institutions financières doivent conserver du capital pour des raisons prudentielles, mais le régime fiscal les incite à réduire au minimum l'excédent de capital qu'elles détiennent.

Comme l'indique le Rapport du Groupe de travail37, une petite institution de dépôts ayant un capital de 10 millions de dollars seulement doit s'attendre à payer 219 500 $ d'impôts sur le capital par année, soit 2,2 % de son capital, même si elle ne réalise pas de bénéfice. Cette situation est particulièrement critique pour les nouvelles institutions financières qui n'ont pas de bénéfice auquel l'impôt sur le capital pourrait être appliqué. Dans ces circonstances, les nouvelles institutions pourraient être obligées d'épuiser des ressources financières, ce qui risque de les affaiblir.

Pour ce qui est de la fiscalité, le Groupe de travail MacKay a également dit que l'impôt sur le capital n'est pas approprié. Nous sommes tout à fait d'accord là-dessus, et nous insistons à nouveau sur le fait qu'il existe un écart entre le traitement qui nous est réservé par rapport à d'autres institutions. Par exemple, le Mouvement des caisses Desjardins au Québec paie très peu d'impôts sur le capital, alors que nous en payons beaucoup. Au début de l'année, son obligation fiscale est déjà inférieure de 100 millions de dollars à la nôtre. C'est un beau cadeau à recevoir au 1er janvier.

Léon Courville (président, Banque des particuliers et des entreprises, et chef des opérations, Banque Nationale du Canada)

Les banques canadiennes auxquelles s'applique l'impôt des grandes sociétés et les surtaxes de la partie VI sont assujetties à un taux d'imposition beaucoup plus élevé que les coopératives de crédit et les institutions non financières. Le traitement fiscal n'est manifestement pas équitable dans le secteur des prêts au Canada. Le régime fiscal rend donc les banques moins compétitives sur le marché intérieur.

L'observation des impôts sur le capital coûte cher en raison du manque de coordination entre les différents paliers de gouvernement. En effet, les impôts sur le capital varient d'une administration publique à l'autre. Le Groupe de travail soulève aussi le problème de l'incidence de la taxation multiple - par exemple la TPS, les taxes de vente et les taxes sur les primes - ,qui peut avoir des incidences sur les consommateurs.

Le Comité admet que les charges fiscales imposées aux institutions financières canadiennes nuisent à la compétitivité des entreprises canadiennes et alourdissent les coûts subis par les utilisateurs canadiens de services financiers. Il est urgent que le gouvernement adopte un mode d'imposition des institutions financières qui soit juste et acceptable et qui tienne compte de l'activité économique réelle. Robert Astley, de La Mutuelle du Canada, a bien cerné le problème quand il a déclaré devant le Comité : « [. . .] Je préconiserais l'adoption d'un régime d'impôt sur le revenu des entreprises pour remplacer l'impôt sur le capital qui comporte des éléments dissuasifs. »

L'imposition des taxes sur le capital pénalise les institutions dont les principes de gestion dictent des niveaux de capitaux plus élevés afin de protéger leurs clients. Nous approuvons la recommandation du Groupe de travail visant à éliminer la taxe spéciale sur le capital et nous comptons sur les législateurs pour instaurer des changements dans ce domaine.

Richard May (vice-président, Association canadienne des sociétés fraternelles)

Les recommandations formulées par le Groupe de travail sur l'impôt sur le capital et la taxation multiple (voir recommandation 44) devraient être suivies dès que la situation budgétaire des gouvernements fédéral et provinciaux le permettra. Les recommandations 44b) (ii) et (iii) n'auront pas d'effet négatif sur les recettes des gouvernements.

Comme on l'a indiqué plus tôt, les impôts sur le capital peuvent représenter un obstacle de taille à l'accès des nouvelles et des petites institutions. Le Groupe de travail propose que les nouvelles institutions financières soient exonérées pendant 10 ans des impôts fédéraux sur le capital (voir recommandation 5). Le Comité n'approuve pas cette recommandation, compte tenu de ce qui vient d'être recommandé, c'est-à-dire que les charges fiscales devraient être reportées sur les bénéfices au lieu de peser sur le capital. Même si cette recommandation du Groupe de travail favoriserait les nouvelles institutions et accroîtrait probablement la compétitivité, elle n'éliminerait aucun des effets pervers causés par les impôts spéciaux sur le capital auxquels sont assujetties les institutions financières. Par exemple, comme l'indiquait Gerald Soloway, de l'Association des compagnies de fiducie du Canada : « [L]'impôt sur le capital constitue un obstacle important à l'entrée d'institutions de plus petite envergure. Mais pourquoi faudrait-il limiter l'exonération de 10 ans d'impôt sur le capital aux nouvelles institutions? Nous pensons que les membres actuels et les nouveaux membres du secteur devraient bénéficier de ce genre de soutien. Nous estimons que le gouvernement devrait aller plus loin et qu'il devrait éliminer l'impôt sur le capital pour les plus petites institutions, tant nouvelles qu'existantes. »

Qui plus est, si elle est définie de façon générale, cette trêve fiscale pourrait profiter aux institutions financières étrangères (y compris les grandes institutions de dépôts), rendant encore plus désavantageuses les règles du jeu sur le marché intérieur.

Enfin, il reste à voir quelle serait la définition de « nouvelle » institution financière. Désignerait-elle seulement les institutions sous contrôle canadien, ou désignerait-elle aussi les filiales dans lesquelles une institution financière ne détient que peu d'intérêts? Les recommandations 44b) (ii) et (iii) offrent une solution immédiate, sans rendre encore plus désavantageuses les règles du jeu. À long terme, il faudrait accorder la priorité aux recommandations 44a) et 44b) (i), qui traitent de la neutralité du régime fiscal et de l'élimination des impôts spéciaux sur le capital des institutions financières.


CHAPITRE 4 : REGROUPEMENTS DANS LE SECTEUR FINANCIER ET PROCESSUS D'EXAMEN DES FUSIONS

Les institutions financières du monde entier regroupent leurs activités et se repositionnent face au nouvel environnement du marché. En plus de fusionner avec d'autres institutions financières de leur pays, elles visent de plus en plus des institutions d'autres parties du monde. Nous traversons, comme l'affirmait Grant Reuber, de la SADC, « [...] une ère de turbulence dans le secteur des services financiers du monde entier ». Cette nouvelle ambiance dynamique est caractérisée par l'arrivée de méga-institutions financières de portée mondiale.

Fusions et acquisitions dans le monde entier

La vague de fusions et d'acquisitions qui déferle sur l'Europe, l'Amérique du Nord et l'Asie transforme le visage du secteur bancaire international. L'industrie des services financiers, qui est, dans le monde entier, le théâtre de 4 000 fusions et acquisitions par an, subit un mouvement de regroupement mondial qui s'accélère38.

En Europe, bon nombre de grandes fusions et acquisitions ont été annoncées depuis 1997 : Unicredito/Credit Italiano (avril 1998), Générale de Banque/Fortis (mai 1998), UBS/SBS (décembre 1997), ING/BBL (novembre 1997), Crédit Suisse/ Winterthur (août 1997) et Vereinsbank/Hypobank (juillet 1997).

Bien des forces poussent les banques européennes à se regrouper39 : la surcapacité sectorielle, la concurrence accrue de puissantes banques américaines, la perte de la protection nationale, la déréglementation, la faible croissance des bénéfices dans bien des secteurs bancaires et les revendications croissantes de meilleurs rendements de la part des actionnaires. L'imminence de l'Union monétaire européenne intensifie la pression.

Pour les banquiers européens, la taille fait une différence. Selon eux, les banques européennes doivent grossir pour étaler les coûts croissants de la technologie de l'information et du traitement des données sur une plus grande assiette de revenu. La nécessité d'accroître la valeur boursière est un autre facteur-clé derrière bien des fusions bancaires en Europe. Les gouvernements européens et leurs organismes de réglementation semblent s'être rangés du côté de ceux qui jugent crucial de grossir pour réduire les coûts et créer des banques solides.

En Europe, les gouvernements de pays plus petits, comme la Hollande et la Belgique, ont encouragé leurs banques à fusionner pour améliorer leur efficacité et assurer le maintien d'un secteur bancaire vigoureux qui puisse soutenir la concurrence accrue d'institutions financières de bien plus grande envergure dans les pays voisins.

Al Flood (président et directeur général, Banque CIBC)

Aux États-Unis, les choses vont aussi très vite. Trois grandes fusions ont été annoncées en l'espace de trois joursen avril 1998 : le mariage transcontinental de NationsBank/ BankAmerica, l'intégration au coeur du pays de First Chicago NBD/BancOne et l'acquisition de Citicorp par Travelers Group. Wells Fargo a annoncé, depuis lors, la conclusion d'un pacte avec Norwest. Pour dresser une liste partielle des fusions gigantesques qui se sont produites aux États-Unis depuis 18 mois, il faudrait ajouter les fusions annoncées par National City/First of America, Salomon/Travelers et NationsBank/Barnett Bank ainsi que toutes les fusions de banques américaines avec des maisons de courtage (BankAmerica/Robertson Stephens, NationsBank/Montgomery Securities et Bankers Trust/Alex Brown, entre autres).

Pour indiquer l'ampleur des regroupements, il suffit de mentionner que, entre 1980 et 1997, le nombre total d'organismes bancaires est passé de 12 333 à7 122 aux États-Unis. Ce phénomène s'est accompagné d'une concentration croissante du marché, illustrée par le fait que la proportion de l'ensemble des dépôts détenue par les 25 plus grandes institutions est passée pendant cette période de 29 % à 47 %.

Bien des raisons peuvent servir à expliquer cette tendance aux États-Unis, par exemple, la conviction que la taille est un facteur important pour pouvoir concurrencer dans le monde bancaire, la pression des dépenses croissantes en technologie de l'information, les économies d'échelle dans des domaines comme la gestion d'actifs et la garde mondiale de titre, le désir de réduire les coûts sur le marché interne par l'amalgamation de structures qui se chevauchent et les avantages qu'il y a à regrouper sous un même toit les activités bancaires avec d'autres services financiers. Une autre force, propre aux États-Unis, à savoir la levée de l'interdiction de longue date des services bancaires nationaux, est aussi intervenue.

La valeur totale des fusions relatives aux banques en 1997 a atteint 73,5 milliards de dollars américains, à peu près le double du chiffre enregistré en 1996, et ce, bien que le nombre de regroupements soit tombé de 357 à 304 d'une année à l'autre. Cela s'explique par les primes d'acquisition sans précédent qui ont été payées en 1997.

À mesure que la clientèle commerciale des banques, et ses besoins financiers, se mondialisent et que l'innovation technologique progresse, la pression à fusionner s'intensifie. En plus de tenter de se réorienter par des fusions intersectorielles et sur les marchés internes, les institutions financières cherchent de plus en plus à franchir les frontières nationales. Elles considèrent depuis des années les institutions financières étrangères comme des cibles éventuelles. La banque hollandaise ABN Amro, par exemple, possède la LaSalle National Bank de Troy (New York), Merrill Lynch a récemment fait l'acquisition de Midland Walwyn et la Banque de Montréal a acheté la Harris Bank de Chicago il y a quelques années. Cette tendance ne disparaîtra pas de sitôt. Beaucoup d'institutions financières des États-Unis constituent des cibles de prise de contrôle de premier ordre; c'est ainsi que l'UBS de Suisse lorgne J.P. Morgan, que le Groupe ING des Pays-Bas s'intéresse à Lehman Brothers et que la Banque Dresdner d'Allemagne aurait apparemment jeté son dévolu sur Paine Webber.

Au dernier trimestre, la NationsBank s'est engagée dans deux prêts de presque 4 milliards de dollars chacun. Pour notre taille, nous ne pourrions engager qu'environ la moitié de ce montant, et pour un seul prêt. Le fait est que plus nos clients fusionnent, plus ils voudront des prêts considérables. Les banques plus importantes sont mieux placées pour leur procurer ces prêts.

A. Charles Baillie (président et chef de la direction, Banque Toronto-Dominion)

Au moment de rédiger ces lignes, la plus grande banque allemande, la Deutsche Bank, est sur le point de prendre le contrôle de la Bankers Trust, qui vient au huitième rang des sociétés de portefeuille bancaire aux États-Unis. La transaction est évaluée à 9,7 milliards de dollars US. Des rumeurs portent à croire pendant ce temps en Europe que la compagnie d'assurances française Axa et la banque Chase Manhattan des États-Unis convoitent la deuxième banque en importance de la Grande-Bretagne, Barclays PLC. G.E. Capital Services est en négociation pour acheter la Long-Term Credit Bank of Japan Ltd., alors que Swiss Re, qui se situe au deuxième rang mondial des compagnies de réassurance-vie et de santé, vient d'acquérir Life Re Corp. des États-Unis pour environ 1,8 milliard de dollars US.

D'après un rapport de mars 1998 rédigé par deux économistes de la Banque du Canada, la rentabilité, plutôt que la taille, est la plus importante clé du succès des banques. Selon la revue Fortune, 3 de nos 5 grandes banques-la Banque Royale, la CIBC et la Banque de Montréal-se classent parmi les15 banques les plus profitables du monde et elles sont plus rentables que 5 des 10 plus grandes banques du monde.

Leo Broderick (membre du conseil d'administration, Conseil des Canadiens)

Selon un rapport récent de la Banque du Canada : « Plusieurs grandes institutions financières se transforment en gros conglomérats financiers par des fusions, des acquisitions et des alliances stratégiques, au lieu de demeurer des institutions relativement spécialisées. Certaines très grandes institutions tenteront de devenir des conglomérats financiers mondiaux qui offrent des services de tout genre à tous les types de clients dans tous les grands centres financiers ou presque. Il n'y a cependant de la place que pour 5 ou 10 grandes maisons de ce genre dans le monde. Les autres devront probablement se spécialiser dans certains domaines40.» Personne ne sait avec certitude où ces regroupements mèneront le secteur des services financiers mondial.

Toutes ces fusions, récentes et passées, ont placé les autorités gouvernementales d'autres pays devant le même dilemme que de grandes fusions susciteraient au Canada. Comment concilier le désir de créer, en les regroupant, des institutions nationales fortes et efficaces avec celui de protéger le consommateur et de maintenir la concurrence? La politique gouvernementale a évolué dans bien des pays où les autorités ont fini par se réconcilier à l'idée des fusions, même entre de très grandes entreprises. La Suisse et les Pays-Bas sont des exemples notables de pays dont les gouvernements ont autorisé des fusions afin de créer de très grandes institutions financières internationales. En Australie, l'enquête sur le système financier a rejeté l'idée d'interdire les fusions entre grandes institutions (l'équivalent australien d'« interdire aux gros d'avaler leurs semblables »). Le gouvernement a toutefois affirmé que les fusions ne seraient pas autorisées tant qu'il n'y aura pas plus de concurrence sur le marché interne.

Malgré les différences d'attitude de ces trois pays envers les fusions, leurs coefficients de concentration bancaire ne diffèrent pas tellement, et ne diffèrent guère du nôtre. La récente fièvre de fusions n'est donc pas le facteur déterminant des regroupements bancaires. En réalité, lorsque nous constatons des degrés de concentration bien supérieurs à la norme canadienne, ce sont généralement des facteurs autres que les fusions qui priment. Les États-Unis, où les coefficients de concentration nationale sont faibles simplement parce que la création de banques nationales a longtemps été interdite, en sont un exemple parfait.

Fusions et acquisitions au Canada

Le Canada ne saurait s'isoler des répercussions de la tendance mondiale aux fusions, ni des pressions à se regrouper que les institutions financières subissent. Il est vital, au contraire, que les organismes de réglementation créent un cadre de politiques qui laisse l'industrie des services financiers libre de prendre les meilleures décisions commerciales possible et de tirer parti des meilleures occasions commerciales qui se présentent, qui sont conformes à l'intérêt public. Selon le président et directeur général de Canada Trust, Edmund Clark, le secteur des services financiers canadien fera bientôt face à un nouveau grand mouvement de fusion. Selon lui, « [...] une nouvelle vague de regroupements est inévitable au Canada, il en va de l'intérêt public d'avoir de solides institutions canadiennes».

Le secteur des banques et celui des sociétés d'assurance-vie au Canada se caractérisent tous deux par une forte concentration sur le plan des parts de marché, du capital employé et de la rentabilité. Les 5 plus grandes banques représentent plus de 85 % des bénéfices du secteur bancaire; grâce aux fusions intervenues récemment dans le secteur de l'assurance-vie, la proportion des bénéfices des 5 plus grandes sociétés de cette industrie se rapprochera sans doute de ce pourcentage.

Le secteur canadien des services financiers a connu passablement de fusions dans le passé. Il suffit de regarder les sociétés de fiducie, les maisons de courtage et les compagnies d'assurance-vie du Canada pour constater l'ampleur de cette tendance. Il y a eu plus de 350 fusions et acquisitions dans le secteur depuis 10 ans. La nouveauté des deux projets de fusion vient de leur ampleur41.



Source: The Conference Board of Canada, The Canadian Financial Services Industry: The Year in Review, 1997 Edition.

Absence de mandat d'examen des fusions bancaires

La tâche du Comité était claire lorsqu'il a entrepris son étude. Il avait pour mandat non pas d'examiner les deux projets de fusion bancaire comme tels, mais de se pencher sur les recommandations formulées dans le Rapport du Groupe de travail MacKay. Beaucoup de témoins ont toutefois tenté de convaincre le Comité d'entériner ou de rejeter les projets de fusion. La question des fusions aurait pu fausser le processus de consultation et d'importantes recommandations auraient été laissées de côté si le Comité avait succombé aux pressions exercées sur lui pour l'amener à s'intéresser aux projets de fusion.

J'ajouterai d'entrée de jeu que nous sommes partisans des fusions de banques parce que nous avons foi dans la liberté des marchés et nous croyons que sur les marchés financiers mondiaux d'aujourd'hui la taille d'une entreprise est importante. À bien des égards, nous préférerions que ce ne soit pas le cas, mais nous n'y pouvons rien.

David Banks (président, Newcourt Credit Group)

Les partisans des fusions ont évoqué les économies d'échelle (surtout sur le plan technologique), les économies de gamme, les réductions de coût par l'élimination des réseaux qui font double emploi, l'augmentation des bénéfices tirés d'une gamme de produits élargie, la nécessité d'accroître les capitaux, les répercussions de la concurrence accrue des banques étrangères à produit unique, l'aptitude à concurrencer sur les marchés mondiaux, la croissance de concurrents internationaux plus forts et l'éventualité d'une baisse des prix et d'une amélioration du service au consommateur.

Le Canada peut autoriser la fusion proposée et ainsi donner aux banques et aux autres institutions financières la capacité d'atteindre la taille et la productivité dont elles ont besoin pour se développer, pour faire concurrence et pour financer le système bancaire à service complet, à accès multiples et d'envergure nationale que les Canadiens ont toujours connu.

Matthew W. Barrett (président et chef de la direction, Banque de Montréal)

Les adversaires des fusions ont fait ressortir, de leur côté, la diminution de la concurrence (qui se traduit par une réduction des services, des choix limités, des frais de service plus élevés, moins de prêts aux PME, une incidence négative sur les petites localités et des fermetures imminentes de succursales), des pertes d'emploi et une concentration plus grande du pouvoir économique.

[L]es fusions bancaires élimineront des emplois au sein de nos collectivités. Si ces fusions vont de l'avant, les banques ont déjà refusé catégoriquement de protéger les emplois. Ce qui arrive aux États-Unis lorsque des banques fusionnent est éloquent. En effet, quand des banques fusionnent aux États-Unis, comme cela s'est produit tout récemment, jusqu'à 30 % des employés sont licenciés. Cela signifie qu'au Canada des dizaines de milliers de Canadiens-d'après l'industrie, jusqu'à 30 000 en fait-pourraient perdre leur emploi.

Leo Broderick (membre du conseil d'administration, Conseil des Canadiens)

Bien que le Comité ait résisté aux pressions exercées pour l'amener à traiter des projets de fusion, les enjeux soulevés par les témoins sont cependant ceux sur lesquels il faudra se pencher dans tout examen de projets de fusion à l'avenir.

Les fusions et l'incidence de la taille

Il est difficile de savoir quel sera l'effet exact de la fusion des banques sur les collectivités rurales. Aux États-Unis, ces fusions ont souvent entraîné une réduction des prêts consentis aux entreprises locales.

Carol Rock (directrice générale, Women and Rural Economic Developing)

La présence d'une corrélation positive entre la taille et l'efficience est loin d'être démontrée. Il se peut que de grandes institutions financières à produits multiples ne soient pas aussi novatrices, souples et sensibles aux besoins que de petites institutions offrant une gamme de produits ou de grandes maisons à produit unique. Comme le font valoir les auteurs d'un rapport technique publié par la Banque du Canada : « [...] la question fondamentale n'est peut-être pas tant la taille des fournisseurs de services financiers, mais plutôt la nature des activités dans lesquelles ils s'engagent 42

La plupart des recherches effectuées à ce sujet concluent que les économies d'échelle et de gamme sont limitées pour les grandes institutions financières. [...] pour une grande banque multiproduits de type classique, les gains d'efficience qu'on peut attendre d'une croissance sur le plan de la taille sont limités.[...] Elles concluaient que les économies de gamme n'étaient pas importantes non plus; en fait, dans certains cas, le passage à de nouveaux produits s'accompagnait d'une hausse des coûts.

Les données sur les économies d'échelle portent à croire que les gains en efficience découlant de la taille cessent généralement à des niveaux d'actifs inférieurs à ceux des grandes banques canadiennes, mais que le regroupement peut clairement permettre à de petites institutions comme les coopératives de crédit d'en réaliser encore. Mais l'argument selon lequel les grandes institutions ne sauraient réaliser des gains en efficience par des fusions n'est pas concluant. Comme le Groupe de travail l'a fait valoir, « [...] il se peut toutefois que la dynamique actuelle modifie les relations entre la taille, les coûts et la rentabilité 43.» Les ouvrages économiques selon lesquels il n'y a pas d'économies d'échelle se fondent peut-être sur des données qui ne tiennent pas compte de facteurs qui sont pertinents aujourd'hui et le resteront à l'avenir. Comme l'a affirmé le gouverneur de la Banque du Canada devant le Comité : « [...] les données à ce sujet ne permettent pas d'arriver à une conclusion ferme[...] Il y a effectivement des économies d'échelle jusqu'à un certain point, mais au-delà nous ne sommes pas très sûrs. Il est aussi vrai que bien des changements technologiques, surtout les principaux, sont assez récents, et que l'analyse repose souvent sur des données moins récentes. Sans vouloir être trop catégorique, on ne saurait pencher de l'autre côté et affirmer que les mégabanques permettraient des économies d'échelle 44.» L'un des rapports de recherche produits pour le Groupe de travail abonde dans ce sens. Selon Donald McFetridge, « le point de vue très répandu et bien documenté à savoir qu'il n'existe pas d'économies d'échelle importantes dans le secteur bancaire provient des États-Unis et découle d'une période au cours de laquelle la technologie bancaire (tant au chapitre des produits que des procédés) changeait moins rapidement et les banques américaines étaient limitées au chapitre des formes d'expansion et des services ou produits financiers supplémentaires qu'elles pouvaient offrir45 ».

Dans une étude effectuée pour le Groupe de travail, un échantillon de 125 banques américaines ne permettait pas d'établir une relation claire entre l'efficience et la taille. Il ne semblait pas exister non plus de corrélation entre la taille et l'efficience des 6 grandes banques canadiennes.

Les données sur les répercussions des fusions ne sont pas concluantes. Le Comité est d'avis qu'il ne faudrait pas se restreindre à examiner l'état actuel du secteur et ce que les consommateurs réclament maintenant. Il ne faut pas trop se fier aux données passées. Même la meilleure analyse universitaire ne saurait saisir l'intuition de participants au marché dont les décisions exigent à la fois une vision de l'avenir et la compréhension des défis et des occasions qu'offrent les forces du marché.

Le défi pour le secteur financier réside dans le fait que notre productivité, c'est-à-dire le rapport entre nos frais autres que d'intérêts et nos revenus, est invariablement inférieure à celle des institutions financières américaines et internationales qui se démarquent. Et, comme le souligne le Rapport MacKay, cet écart a eu tendance à s'élargir au cours des dernières années. Pourquoi? Parce qu'il devient toujours plus difficile pour notre secteur de financer les investissements massifs nécessaires dans les nouvelles technologies, problème aggravé par les coûts élevés que nous assumons pour maintenir notre réseau de succursales traditionnelles tout en offrant de nouvelles voies d'accès.

Matthew W. Barrett (président et chef de la direction, Banque de Montréal)

Les fusions doivent être jugées par rapport aux attentes de demain. Le monde est un marché en perpétuelle évolution où ce qui est parfois perçu aujourd'hui comme étant contraire au bien public et aux intérêts du secteur des services financiers pourrait bien être essentiel au succès de demain; ce qui veut dire que tout comme le secteur financier, l'économie et la société évoluent, la notion d'intérêt public évoluera également. Les changements technologiques rapides, la concurrence et les relations unissant les fournisseurs aux consommateurs font qu'il est essentiel que la notion d'intérêt public prenne la plus longue perspective de long terme possible.

Premièrement, les fusions ne sont pas nécessaires puisque les études montrent clairement que les grandes banques du Canada ont déjà atteint la taille nécessaire pour réaliser les économies d'échelle qui seraient utiles au secteur bancaire. Il n'est pas nécessaire d'aller au-delà de cela. Les fusions ne sont pas utiles parce que, encore une fois, la preuve empirique n'appuie pas la prétention que les fusions augmenteront l'efficacité et réduiront les coûts pour les consommateurs ni que les fusions amélioreront l'accès au service.

Peter Bleyer (directeur principal, Conseil des Canadiens)

L'intérêt public : la priorité

Les fusions et les acquisitions ne sont pas des transactions commerciales ordinaires et le secteur des services financiers n'est pas une branche d'activité ordinaire. Les fusions de grandes institutions financières pourraient avoir de profondes conséquences économiques. Elles peuvent influer globalement sur la solidité et la fiabilité du secteur financier canadien ainsi que sur l'accès de certains segments de l'économie aux capitaux. Les regroupements peuvent aussi bien se traduire par de nouveaux débouchés pour certains entrepreneurs comme ils peuvent en éliminer pour d'autres. À la longue, ils peuvent produire des institutions financières mieux positionnées, aptes à concurrencer dans le monde entier et donc à créer des emplois au Canada. D'un autre côté, ils peuvent aussi réduire la concurrence sur le marché interne. D'où l'importance d'établir un processus d'examen pour évaluer les répercussions éventuelles du regroupement sur notre mieux-être économique.

[Une] voie consiste à rejeter les fusions, donc à interdire aux grandes institutions de s'acheter entre elles, ce qui revient à dire que nos institutions sont assez grosses pour le Canada, et à s'opposer à une concurrence efficace dans les marchés mondiaux. Les parts de marché national des institutions financières canadiennes s'affaibliraient, devant laisser de la place à des concurrents étrangers beaucoup plus imposants. Ce choix est valable si votre vision du Canada fait fi de l'excellence.

A. Charles Baillie (président et chef de la direction, Banque Toronto-Dominion)

Le Groupe de travail reconnaît dans son Rapport que les regroupements constituent une stratégie commerciale légitime. Il a d'ailleurs recommandé que les fusions et les acquisitions ne soient pas rejetées automatiquement. Certaines des mesures qu'il propose sont même destinées à promouvoir et à faciliter l'amalgamation des institutions financières.

La recommandation 45 va à l'encontre de la politique implicite qui interdit aux grandes institutions de fusionner entre elles depuis 1990. Le Comité convient qu'une politique qui bloque automatiquement les fusions entre grandes institutions financières n'a pas de raison d'être. Toute décision en matière d'amalgamation ou d'acquisition devrait d'abord être perçue comme une décision commerciale légitime. Nous avons parlé plus haut des signes de l'évolution rapide du secteur. Les fournisseurs de services financiers devront absolument s'adapter et les institutions sont mieux placées pour décider comment procéder. Il n'appartient pas aux autorités gouvernementales d'intervenir dans la microgestion des institutions financières. Il leur appartient cependant de protéger en priorité l'intérêt public, et la meilleure façon de le faire est par une analyse vigoureuse et objective.

Si le gouvernement craint une concentration excessive à la suite des fusions, il devrait chercher une solution structurelle (par exemple, les dessaisissements) au lieu d'essayer de réglementer les prix et les autres conditions dans lesquelles nous exerçons nos activités, et, ce faisant, imposer des coûts à l'ensemble des établissements concurrents. [...] Plus on imposera de conditions dans le cadre du processus d'approbation de la fusion, notamment une réduction des prix, plus les nouveaux partenaires seront incités à se dessaisir de certains éléments d'actif, rendant ainsi les règles du jeu plus équitables.

Edmund Clark (président, Canada Trust)

Le rôle du gouvernement devrait consister à examiner les aspects des politiques gouvernementales qui touchent les fusions et à s'assurer que celles-ci sont dans l'intérêt du public, et non pas d'appliquer dans chaque cas des politiques qui préjugent des fusions et des acquisitions. La politique d'interdire aux grandes institutions d'en acquérir d'autres peut aboutir à des choix de politique gouvernementale mal avisés. Le Comité appuie donc fortement la recommandation 45.

Le Rapport du Groupe de travail recommande (voir recommandations 46 à 52) un processus échelonné d'approbation des grandes fusions dont feraient partie des enquêtes du Bureau de la concurrence et du Bureau du surintendant des institutions financières.

Nous pressons le gouvernement de faire preuve d'une diligence accrue. Comme l'a fait remarquer à juste titre le Groupe de travail MacKay, il est impossible de faire marche arrière une fois une fusion de banques approuvée. Il est important, comme l'a recommandé le Groupe de travail, que le ministre des Finances réclame à chacune des parties une étude de l'impact de la fusion envisagée sur l'intérêt public. Le CRBSC est en faveur de cette recommandation.

Stephen Johns (président, Canadian Retail Building Supply Council)

Il incombe au Bureau de la concurrence d'examiner, aux termes de la Loi sur la concurrence, les répercussions qu'aurait sur la concurrence une fusion ou une acquisition. Cet organisme pourrait ensuite suggérer des façons d'apaiser toute inquiétude que le gouvernement pourrait avoir. Le Comité croit que cette étape du processus devrait se faire en concertation et permettre aux entités visées de répliquer aux inquiétudes du Bureau.

Le Bureau du surintendant des institutions financières évaluera également les projets de fusion notables, pour ensuite faire rapport au ministre des Finances de toute conséquence qui pourrait en découler sur le plan de la réglementation prudentielle. La fiabilité et la solidité de notre système financier sont primordiales, et il faudrait autoriser seulement les projets qui répondent à ces critères. Le BSIF devrait chercher à déterminer, entre autres, si la théorie selon laquelle les grandes institutions ne sauraient faire faillite pose de graves problèmes de risque moral. Tout comme le Bureau de la concurrence, nous croyons que le BSIF devrait avoir la possibilité de suggérer des mesures correctives pour apaiser ses inquiétudes et permettre aux entités en cause d'y réagir en temps opportun. Ces deux étapes du processus d'examen sont, pour le Comité, des éléments cruciaux qui guideront le ministre des Finances. Les éléments les plus importants pour déterminer si l'intérêt public est sauvegardé sont la concurrence, la fiabilité et la solidité.

Si les fusions et les acquisitions n'inspirent pas d'inquiétudes sur le plan de la concurrence ou de la fiabilité, il faudrait les autoriser à moins de démontrer qu'elles sont contraires au bien public. Le Groupe de travail recommande une nouvelle étape du processus d'approbation : l'examen de l'intérêt public. Cette troisième composante porterait sur de grandes considérations d'intérêt public. Dans le cadre de ce processus public, on demanderait aux entités en cause de produire une évaluation de l'impact sur l'intérêt public. Le ministre des Finances déciderait alors, en se fondant sur les éléments recueillis et analysés, et après avoir donné aux intéressés l'occasion de se faire entendre, s'il y a lieu ou non d'autoriser ou de rejeter un projet.

Dans un tel processus, le ministre n'approuverait un projet de fusion que s'il estime que cela ne portera pas préjudice à la concurrence sur les marchés financiers, ni ne nuira à la fiabilité et à la solidité, et que la transaction est dans l'intérêt du public. Le Groupe de travail envisage de donner au ministre l'autorité législative nécessaire pour obtenir des parties à la transaction des engagements exécutoires, dont le pouvoir d'imposer des sanctions si ces engagements ne sont pas respectés (voir recommandation 52).

Dans le cadre de l'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public, le Groupe de travail recommande que le ministre des Finances se fonde sur une courte liste de critères pour évaluer les coûts et les avantages qui en découlent pour la population canadienne et le secteur. Les parties à la transaction devraient reprendre ces critères dans leur évaluation de l'incidence sur l'intérêt public. Le Groupe de travail recommande, entre autres critères, les coûts et les avantages qui en découlent pour les consommateurs et les PME, les répercussions régionales, la compétitivité internationale, l'incidence sur l'emploi, l'adoption de technologies innovatrices, l'établissement d'un précédent et toute autre considération d'intérêt public que le ministre des Finances peut juger nécessaire.

Le Comité recommande un changement aux critères recommandés par le Groupe de travail. Selon lui, l'examen des répercussions sur l'emploi devrait englober l'impact à long comme à court terme. D'autre part, il faudrait jauger ces répercussions par rapport non seulement aux effets directs sur les institutions visées, mais aussi aux effets indirects que la fusion pourrait produire ailleurs dans l'économie. Il est manifestement dans l'intérêt du public de considérer les répercussions d'une transaction sur l'emploi au Canada. Mais est-il dans son intérêt d'exiger que les institutions fusionnées maintiennent le même niveau d'emploi qu'auparavant? Qu'en est-il si l'on constate déjà une tendance à un niveau d'emploi à la baisse? Si l'on prévoit que cela favorisera la croissance et l'innovation dans l'économie, et se traduira par plus d'emplois mieux rémunérés pour les Canadiens tant au pays qu'à l'étranger, faudrait-il l'interdire parce qu'une certaine restructuration a eu lieu? Et le processus d'examen devrait-il accorder plus d'importance aux répercussions à court terme qu'à celles à long terme?

Le Comité estime qu'une telle attitude serait une erreur grave. Ce ne serait d'ailleurs pas compatible avec toute l'idée de la concurrence à laquelle le Groupe de travail et le gouvernement souscrivent. La concurrence entraîne toujours certains ajustements, alors que les ressources passent des secteurs qui ne répondent pas aux attentes du consommateur, à ceux qui s'y emploient. Le passage, au Canada, d'une économie fondée sur l'exploitation des richesses naturelles à une économie fondée sur le savoir entraîne aussi certaines suppressions d'emplois. Ce fut le cas aussi du libre-échange. C'est le processus qui permet à la main-d'oeuvre et aux capitaux de se déplacer vers des secteurs plus productifs.

Le Comité souscrit à la liste des critères recommandés pour l'évaluation de l'intérêt public, en y apportant les modifications qui précèdent. Aucun témoin n'a effectivement signalé d'omission dans la liste, ni demandé d'en retirer aucun critère.

Les regroupements de grandes institutions financières ont, comme nous l'avons dit, des répercussions sur l'intérêt public que d'autres n'ont pas. Un processus d'examen public est donc souhaitable. Il est toutefois extrêmement important de bien définir l'intérêt public.

Nous avons énuméré, au début de cette partie, certains motifs qui accélèrent les regroupements d'institutions financières dans le monde entier. Le secteur ne sera probablement pas d'accord dans certains cas. Les parlementaires en jugeront sans doute aussi certains sans fondement. Mais il s'agit de décisions commerciales et il appartient aux actionnaires des institutions financières de juger du bien-fondé de ces décisions. Le gouvernement devrait intervenir dans le processus si les intérêts du public sont en jeu, sur le plan de la concurrence, de la fiabilité et de la solidité, et des critères généraux d'intérêt public. La frontière entre les décisions commerciales et les inquiétudes gouvernementales est parfois assez nébuleuse, mais il est extrêmement important d'éviter de la franchir.

Pour notre part, nous vous recommandons ceci : lorsque vous ferez une déclaration publique sur les incidences que pourront avoir les fusions, nous voudrions que vous la fassiez non pas du point de vue des institutions financières, mais plutôt du point de vue des clients-les manufacturiers et les exportateurs, les détaillants et les autres clients d'affaires-et que vous vous demandiez quel effet pourront avoir ces fusions sur leurs affaires.

Jayson Myers (vice-président principal et économiste en chef, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada)

Le Comité souscrit au processus d'examen de l'intérêt public recommandé. Seules les grandes institutions financières (c.-à-d. lorsque la fusion vise ou crée des institutions dont l'avoir des actionnaires dépasse 5 milliards de dollars) devraient en faire l'objet, à moins que le ministre des Finances le juge nécessaire par ailleurs. Le Comité convient qu'il faudrait en exclure les petites transactions qui présentent peu de risque pour le bien public. Lorsqu'il s'agit d'une institution financière en difficulté, d'autre part, une transaction rapide pourrait sauvegarder la fiabilité et la solidité de notre système financier. Le Comité convient donc qu'il faudrait alors autoriser le Ministre, sur recommandation du BSIF, à approuver rapidement un projet de fusion ou d'acquisition et d'éviter le processus d'examen recommandé.

Dans le cadre de ce processus d'examen, le Groupe de travail recommande que les parties à une fusion présentent une évaluation de l'incidence sur l'intérêt public en y exposant leurs plans d'entreprise et leurs objectifs, et en indiquant les coûts et les avantages de la transaction envisagée pour le public. Les parties devraient aussi indiquer les mesures qu'elles sont disposées à prendre pour atténuer les répercussions négatives de la transaction (p. ex., les engagements envers les PME, les régions rurales, les cessions d'actifs, et ainsi de suite). Le Comité recommande que le gouvernement énonce clairement quelle information les institutions financières devront fournir dans ces évaluations de l'incidence. L'évaluation des fusions et des acquisitions devait se faire au cas par cas dans le processus d'examen de l'intérêt public.

Le processus, dont le succès dépend de l'objectivité avec laquelle il sera mené et de la collaboration des intervenants, devrait aussi, selon nous, englober des tiers que le projet de transaction ne vise pas directement. Certains ont suggéré qu'il comporte des audiences publiques. Le Groupe de travail n'a pas fait de recommandations à cet égard.

Le cadre d'examen des fusions doit être efficace. Nous croyons que la troisième étape de ce processus ne devrait s'enclencher qu'une fois les deux premières franchies. Cette méthode étapiste ne devrait pas retarder le processus. Une fois que le ministre des Finances aura publié les lignes directrices appropriées, les parties aux fusions commenceront vraisemblablement à préparer l'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public pendant que les projets de fusion prennent forme. La troisième étape, qui pourrait se révéler coûteuse, ne serait ainsi entreprise que si elle est nécessaire. Dans un contexte commercial en rapide évolution, où des regroupements se produisent périodiquement, tout retard déraisonnable du processus décisionnel pourrait se traduire par des occasions ratées. C'est pourquoi le Comité recommande que le Bureau de la concurrence et le BSIF rendent leurs décisions rapidement. En Suisse, par exemple, la Commission de la concurrence établit un échéancier de 120 jours. Il faudrait aussi entreprendre de façon rapide le processus d'examen de l'intérêt public. Une fois ce processus terminé, on s'attendrait à une décision rapide de la part du Ministre. Un processus rapide, efficace, exhaustif, coopératif et transparent garantira que le secteur des services financiers pourra s'adapter rapidement aux nouvelles réalités et saisir les meilleures occasions commerciales. Il fera aussi en sorte de fixer rapidement les actionnaires sur l'approbation ou le rejet du projet de regroupement. Il constituera en outre, pour les Canadiens, un moyen d'arriver au meilleur choix possible.

Il faudra que le ministre des Finances soit clairement autorisé et habilié à accepter et à faire respecter en droit, par le biais du gouverneur en conseil, les engagements des parties aux fusions. Si ces engagements ne sont pas respectés, le Groupe de travail recommande d'imposer des sanctions. Le Comité y souscrit. Malgré l'importance des sanctions, le Comité croit également que la divulgation par le Ministre de tout manquement, et le tollé que cela provoquerait sans doute de la part du public, serait un important élément de dissuasion. Comme dans bien d'autres cas, l'exposition au soleil est un antiseptique puissant.

Le Groupe de travail a précisé dans ses recommandations ce sur quoi l'évaluation de l'intérêt public devrait porter, mais n'a rien dit au sujet du déroulement du processus. Comportera-t-il des audiences publiques? Qui les tiendra? Fera-t-il appel aux témoignages et aux analyses d'experts? Ce sont des questions importantes sur lesquelles il faut se pencher, et le Comité est d'avis que le déroulement de cet examen nécessiterait une structure de travail.

Les recommandations du Comité concernant le processus d'examen des fusions proposé par le Groupe de travail sont résumées ci-après.

Le Comité estime que les fusions et les acquisitions constituent des stratégies commerciales légitimes dans le secteur des services financiers tant qu'elles demeurent dans l'intérêt du public.

Le Comité recommande d'établir un processus d'examen tripartite des fusions pour décider si les projets de regroupement sont dans l'intérêt du public.

  • 1re étape : le Bureau de la concurrence s'assure que le projet ne viole pas la Loi sur la concurrence et ne menace pas la concurrence.
  • 2e étape : le surintendant des institutions financières s'assure que le projet de fusion ne porte pas atteinte à la fiabilité ni à la solidité.

Le Comité recommande de chercher activement, en collaboration avec les parties à la fusion, des mesures de redressement. Les institutions en cause devraient pouvoir réagir rapidement à toute mesure de redressement proposée par le Bureau de la concurrence ou le surintendant des institutions financières. Une fois les deux premières étapes franchies, le processus d'examen de la fusion passerait à l'étape finale.

  • 3e étape : le processus d'examen de l'intérêt public, qui englobe une évaluation de l'incidence sur l'intérêt public. Le Groupe de travail a recommandé que cette évaluation comporte les éléments suivants :
    • les coûts et les avantages pour les clients et les PME;
    • les effets régionaux;
    • l'incidence sur la compétitivité internationale;
    • les effets sur l'emploi;
    • l'adoption de technologies innovatrices; et
    • la création de précédents.

Le Comité recommande que le ministre des Finances établisse des lignes directrices pour préciser le déroulement du processus d'examen et ce qu'on attend des parties à la fusion. Le processus doit satisfaire aux trois critères suivants :

  • il doit être transparent pour que le public puisse évaluer les avantages et les coûts des projets de regroupement;
  • il doit être efficace de manière à ne pas retarder le processus d'approbation et à ne faire subir aux participants des coûts et une incertitude inutiles; et
  • il doit faire appel à la collaboration afin que toutes les parties puissent travailler ensemble pour trouver une solution qui avantage tous les Canadiens.

Le Comité souscrit à l'opinion du Groupe de travail pour ce qui est des cas où l'étape 3 sera nécessaire. Il recommande donc que le processus d'examen de l'intérêt public soit obligatoire pour tout projet qui vise ou qui crée des institutions dont l'avoir des actionnaires dépasse 5 milliards de dollars. Le Comité recommande en outre que le ministre des Finances puisse exiger un processus d'examen de l'intérêt public à l'égard de projets de fusion de petites institutions. Il serait important que le Ministre publie des lignes directrices pour s'assurer que ces trois objectifs sont atteints et faire en sorte que les institutions financières qui envisagent de se regrouper sachent exactement ce qu'on attend d'elles.

Le Groupe de travail a recommandé les éléments qu'un tel examen devrait englober, sans suggérer exactement comment procéder. Le Comité juge important de préciser les mécanismes du processus.


CHAPITRE 5 : LA RÉGLEMENTATION

Comme c'est le cas pour d'autres facettes du secteur des services financiers, la structure du système réglementaire canadien comporte à la fois des avantages et des inconvénients. Nous jouissons d'une stabilité qui n'existe pas aux États-Unis. Par le passé, des réformes successives ont permis au secteur de se développer, afin de répondre à la demande des consommateurs, encore une fois à la différence des États-Unis. Et le Canada s'est donné un secteur des services financiers national, dont le système de paiements fait l'envie du monde entier. L'évolution du marché bancaire national a profité du fait que les banques relèvent uniquement de la compétence fédérale.

En tant qu'individu qui a travaillé pour une banque américaine et qui connaît les systèmes réglementaires des deux côtés de la frontière, je peux vous dire que nous pouvons être fiers de la qualité de notre réglementation et des pratiques qui ont été adoptées dans ce pays.

John Cleghorn (président et directeur général, Banque Royale du Canada)

En revanche, nous ne sommes pas aussi ouverts que les États-Unis à l'égard des nouveaux venus qui accèdent au secteur financier et nous sommes handicapés par une réglementation fragmentée de l'industrie des valeurs mobilières. Cette fragmentation fait problème. De plus en plus, l'économie se tourne directement vers les marchés financiers pour financer les besoins des entreprises. Et les consommateurs, eux aussi, s'adressent de plus en plus à ces marchés pour y trouver des occasions d'épargne. Dans ce domaine, ce sont les provinces qui réglementent, et l'on est encore loin d'un marché national. Au fur et à mesure que la mondialisation rendra la coopération internationale plus importante, le cadre réglementaire canadien pourrait bien être en situation de désavantage. Notre régime de réglementation des titres de placement est décentralisé, ce qui rend notre système coûteux et fragmenté. Il suffit de considérer la prise de contrôle récente de Fonorola par Call-Net pour comprendre à quel point la réglementation peut être inefficace et contradictoire.

Il est clair qu'avec 10 responsables distincts de la réglementation des valeurs mobilières au Canada-et en fait il y en a 12, si l'on compte les responsables de la réglementation des valeurs mobilières dans les territoires-on peut s'inquiéter du risque d'une fragmentation de la réglementation dans ce qui est essentiellement un marché des capitaux.

David Brown (président, Commission des valeurs mobilières de l'Ontario)

Depuis des années, on envisage une commission nationale des valeurs mobilières, mais les provinces n'ont jamais pu s'entendre à cet égard. Le Comité se réjouit de la mise sur pied annoncée récemment d'un service canadien de réglementation des valeurs mobilières qui recevra les prospectus déposés par les émetteurs, les inscriptions de courtiers en valeurs, les déclarations d'initiés et autres documents qui, jusqu'à maintenant, devaient être remis à chaque organisme provincial de réglementation. Cette initiative de partenariat, si elle réussit, profitera aux émetteurs et aux investisseurs canadiens.

Raison d'être de la réglementation

Au départ, la réglementation du secteur financier visait à assurer la solidité et la stabilité du secteur, aussi bien dans son ensemble qu'à l'échelle des institutions prises isolément. De plus en plus, la réglementation englobe aussi le comportement des institutions sur le marché, en vue de protéger les consommateurs. Cela est rendu nécessaire en raison de la complexité croissante des instruments financiers et la nécessité qui en découle de protéger les intérêts des consommateurs.

Néanmoins, la réglementation prudentielle, c'est-à-dire celle qui tend à la solidité et à la stabilité, reste la plus courante. Elle vise à réduire le plus possible le risque systémique. La plupart des consommateurs ont du mal à évaluer le degré de solvabilité des institutions financières avec lesquelles ils traitent. Les autorités publiques jouent donc un rôle vital en exerçant une supervision collective des institutions financières et du système financier.

La réglementation prudentielle est justifiée économiquement par l'existence d'externalités dans le secteur des services financiers. Si une institution éprouve des difficultés, celles-ci peuvent se répercuter sur d'autres institutions saines, par un effet de ruée générale. C'est ce qu'on appelle le risque systémique. La fonction traditionnelle des institutions de dépôts est de financer des actifs à long terme non liquides (prêts commerciaux) au moyen d'éléments de passif très liquides à court terme (dépôts à vue). Si la défaillance d'une institution pousse les déposants à retirer leurs fonds des autres institutions, le manque de liquidités de ces dernières risque de les rendre insolvables. Une seule institution en difficulté, surtout si elle est relativement importante, peut déstabiliser le secteur entier, menacer les épargnes des Canadiens et gêner gravement la capacité de fonctionnement de l'économie.

Comme ce risque est associé principalement aux institutions de dépôts, un système d'assurance-dépôts a été instauré il y a 30 ans. Ce mécanisme, pensait-on, peut à lui seul aider à empêcher les mouvements systémiques. Toutefois, il comportait une série de risques nouveaux pour le secteur, à savoir le danger moral qui apparaît lorsque les déposants estiment qu'ils n'ont pas à s'inquiéter de la situation financière des institutions avec lesquelles ils traitent et que les dirigeants de ces institutions cherchent à en profiter en s'engageant dans des transactions et des prêts à très hauts risques. En conséquence, les autorités réglementaires doivent adopter une réglementation prudentielle supplémentaire pour contrer ce danger moral.

Le BSIF est le principal organe de supervision des banques et autres institutions financières constituées en sociétés. Il lui incombe de surveiller toutes les institutions financières de régime fédéral. De plus, la SADC joue un rôle réglementaire indirect par le truchement de ses normes de conduite des affaires. La SADC est une société d'État qui assure les dépôts faits par le public dans les banques et autres institutions de dépôts, aussi bien fédérales que provinciales.

Toutes les institutions de dépôts qui sont membres paient des cotisations pour couvrir leurs obligations en matière d'assurance auprès de la SADC, même si ces obligations sont garanties par le gouvernement du Canada. De plus, la SADC a le pouvoir d'emprunter soit au Trésor soit au secteur privé, si besoin est. Tous les emprunts de ce genre sont au bout du compte remboursés au moyen des cotisations des institutions membres.

Les forces du changement

Le secteur des services financiers canadien se caractérisait autrefois par ses quatre « piliers » - les banques, les courtiers en valeurs mobilières, les sociétés d'assurance et les sociétés de fiducie. Les institutions exerçaient une gamme limitée d'activités et la réglementation était axée sur les institutions.

Les quatre piliers ont commencé à s'effriter en 1987, lorsque le gouvernement fédéral a autorisé les institutions financières à charte fédérale à posséder des firmes de courtiers en valeurs mobilières. Les grandes institutions de dépôts ont toutes profité de cette possibilité, et elles l'ont fait de manière très spectaculaire.

Cette première incursion a été suivie d'un changement profond en 1992, lorsque chaque institution financière fédérale a eu la possibilité de devenir propriétaire de presque n'importe quelle autre catégorie d'institution financière. De plus, les pouvoirs internes des institutions ont été augmentés. Comme conséquence, n'importe quelle institution financière a pu offrir les services de toutes les autres, soit à l'interne soit par l'entremise d'une filiale. Les institutions financières canadiennes sont en train de se transformer en conglomérats. Les regroupements les plus vastes sont ceux que forment les banques de l'annexe I.

Le Groupe de travail soutient que les deux caractéristiques du secteur des services financiers de demain sont : la convergence accélérée, qui estompera la différence entre les catégories d'institutions et les produits qu'elles offrent; et l'évolution technologique rapide, qui permet aux consommateurs de profiter de services entièrement nouveaux et d'avoir accès aux services traditionnels et nouveaux selon des modalités complètement nouvelles. Cette convergence est un phénomène mondial. Cela permet aux consommateurs d'effectuer dans une même institution ou un même groupe financier des transactions bancaires et d'assurance, des transactions sur valeurs mobilières et des opérations de gestion du patrimoine.

La technologie offre des moyens meilleurs et plus efficaces de promouvoir les nouveaux produits et de prendre des décisions. Les télécommunications et l'informatique permettent d'acheminer les produits autrement. Les guichets automatiques, le téléphone et Internet permettent aux gens d'effectuer des transactions financières 24 heures par jour, 365 jours par année, n'importe où au Canada, et même ailleurs dans le monde. Certaines institutions n'ont même pas de succursale au Canada. D'autres n'exercent même pas d'activités, à proprement parler, à l'intérieur de nos frontières.

Les nouveaux conglomérats financiers, qui offrent des produits nouveaux et complexes, livrés instantanément par voie électronique, compliquent la tâche des organes de planification. Le Rapport du Groupe de travail propose certaines mesures qui amélioreraient la capacité du BSIF de remplir ses fonctions plus efficacement dans ce contexte.

Au 30 avril 1999, la SADC aura mis en place un régime de primes liées au risque. Il y a des témoins qui se sont prononcés contre cette initiative, craignant ses effets sur les petites entreprises et les nouveaux concurrents. Gerald Soloway, de l'Association des compagnies de fiducie du Canada, nous a déclaré : « Plutôt que de favoriser des institutions de second rang fortes, nous croyons que cela aurait l'effet contraire. Cela pourrait nuire aux petites sociétés en les rendant moins compétitives. De fait, nous croyons que le système proposé aura pour effet de valoir aux petites institutions des cotes de risque plus élevées. »

Henri-Paul Rousseau, de la Banque Laurentienne, a abondé dans le même sens. Il a dit au Comité que « l'objectif précis de la SADC est de faire en sorte que le nouveau ou le petit joueur apporte plus de concurrence. Si [. . .] par le système des primes on crée de nombreux obstacles à la croissance, alors on n'obtiendra pas le résultat qu'on recherche. » Il est important que le régime réglementaire ne mette pas un concurrent en désavantage vis-à-vis un autre.

Ce qui nous plaît le plus, c'est le fait que, pour la première fois depuis bien longtemps, une institution associée au gouvernement fédéral a reconnu les inégalités qui existent en matière de services financiers, banques et compagnies d'assurance confondues, sur le plan de la concurrence. Ces iniquités ont trait à l'assurance-dépôts et à l'accès au système des paiements.

M. Claude Garcia (président et directeur général, Compagnie d'assurance Standard Life)

Si le régime réglementaire ne doit pas étouffer la concurrence, il ne doit pas la fausser non plus. La tendance étant à la convergence dans le secteur financier, les produits et les institutions sont de plus en plus des rivaux directs. L'Association canadienne des compagnies des assurance de personnes (ACCAP) a affirmé que la moitié des primes annuelles des assurances-vie et des assurances-maladie au Canada provenaient de fortunes protégées par la SIAP. Par ailleurs, les banques et les sociétés de fiducie offrent maintenant des produits compétitifs semblables sur le marché des fortunes qui sont protégées par la SADC, une société d'État.

Si la réglementation avantage un groupe de sociétés ou de produits au détriment d'autres groupes, cela crée des barrières qui pourraient contribuer à réduire la concurrence sur le marché. Le Groupe de travail est d'avis qu'il existe un tel déséquilibre entre les programmes de protection des consommateurs destinés aux clients des institutions de dépôts et des compagnies d'assurance-vie. Les recommandations 12, 117 et 118 proposent la fusion de la SADC et de la SIAP. Le Groupe de travail n'indique pas laquelle des deux options il préfère, le modèle du secteur privé ou celui de la société d'État.

J'aimerais parler [de la question de] l'égalisation des conditions de concurrence. La SIAP est d'avis que, dans l'éventualité de l'insolvabilité d'un établissement financier, quel qu'il soit, les consommateurs devraient pouvoir bénéficier du même soutien de l'État.

Gordon M. Dunning (vice-président exécutif, Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes)

Le Groupe de travail et les témoins du secteur des assurances considèrent que ce déséquilibre tient au fait que les consommateurs ont plus confiance dans la SADC, parce qu'il s'agit d'une société d'État qui a accès aux garanties fédérales et au Trésor. La SIAP a affirmé qu'il ne fait pas de doute que les inégalités actuelles dans les arrangements d'indemnisation des consommateurs créent d'importants désavantages compétitifs pour les compagnies d'assurance-vie et d'assurance-maladie par rapport aux banques et aux fiducies. Dans son mémoire, la SIAP a présenté une étude de cas résumant la décision de l'administrateur d'un important fonds de pension (125 millions de dollars) d'en enlever la gestion à une grande compagnie d'assurances parce que la SIAP n'est soutenue que par l'industrie des assurances, et non par le gouvernement. Tous les sondages montrent que les consommateurs préfèrent nettement les produits garantis par la SADC. Des témoins ont dit au Comité qu'ils avaient perdu des contrats de produits d'épargne au profit des institutions de dépôts simplement parce que les clients considéraient que les produits de l'institution de dépôts comportaient une meilleure garantie.

Le Groupe de travail propose cette initiative [à savoir, revoir la SADC et la SIAP] afin de réaliser deux grands objectifs d'intérêt public : premièrement, l'égalité des déposants et des titulaires de polices; et deuxièmement, une concurrence et une compétitivité accrues. Notre industrie est entièrement d'accord avec le Groupe de travail. Nous exhortons donc le Comité à recommander au gouvernement d'adopter rapidement une démarche visant à mettre sur un pied d'égalité les divers régimes.

Chris McElvaine (président, Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes)

Les consommateurs estiment que les produits d'épargne offerts par les institutions de dépôt jouissent de la garantie du gouvernement, contrairement à ceux qui jouissent de la protection de la SIAP. Or, les instruments d'épargne offerts par les banques et les compagnies d'assurance étant en concurrence directe, cette asymétrie peut avoir des répercussions très réelles et injustifiées sur la concurrence.

À un niveau supérieur, il nous faut prendre en compte les recommandations concernant le système de paiements et la SADC en demandant l'avis de professionnels. Ce sont des questions complexes qui ont des répercussions énormes sur la solidité et la viabilité du secteur financier. Je ne les conteste pas; je dis simplement que des praticiens devront les examiner de très près.

Peter C. Godsoe (président et directeur général, Banque Scotia)

La SADC a affirmé au Comité que les produits des compagnies d'assurances et des institutions de dépôts étaient encore assez différents pour rendre le fusionnement complexe, et peut-être contre-productif. Le Comité est donc d'avis que le gouvernement fédéral devrait envisager sérieusement de se contenter de privatiser la SADC pour répondre à cette préoccupation. Gordon Dunning, de la SIAP, a soutenu ceci : « Nous ne préconisons pas un type de soutien gouvernemental particulier, mais nous pensons que des solutions faisant appel à une aide limitée des pouvoirs publics répondraient bien aux attentes actuelles de la population et de l'État.

Nous exhortons le Comité à recommander que soit adoptée la proposition d'égaliser les conditions de concurrence et que soient étudiées plus en profondeur cette question et les questions connexes de convergence au niveau des institutions et des produits et de la confusion qui règne chez les consommateurs. Il existe plusieurs solutions qui permettraient de régler ces problèmes. Nous nous réjouissons à l'avance de participer à toute réflexion future sur celles qui seraient les plus appropriées.

Alan E. Morson (président, Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes)

La question est certes très complexe. Le Comité appuie le principe des recommandations du Groupe de travail, mais il estime qu'il faut étudier la question plus à fond. Il recommande donc que le gouvernement réfléchisse à la meilleure façon de résoudre ce problème.

La réglementation prudentielle dans un contexte moderne

La vague de changements qui balaie le secteur des services n'a pas pour seule conséquence de remettre en question la capacité du gouvernement d'assurer une réglementation équitable. Elle a un effet considérable sur les organes de réglementation, qui s'inquiètent pour la solidité et la stabilité du secteur financier. Les institutions financières, qu'elles aient leur siège au Canada ou à l'étranger, sont en train de se transformer en conglomérats financiers à activités et à produits multiples. Il est difficile pour le commun des mortels de comprendre bon nombre des produits et des transactions inscrites au menu des institutions. Seuls les spécialistes peuvent examiner en connaissance de cause la structure d'entreprise d'une institution moderne pour mesurer la nature et l'ampleur du risque que celle-ci présente. Les institutions financières canadiennes font dorénavant partie intégrante du marché mondial, puisque la moitié de leurs bénéfices sont gagnés à l'étranger. Non seulement les banques canadiennes gèrent-elles leurs risques à l'échelle mondiale, mais elles doivent aussi gérer ceux de leurs filiales des secteurs de l'assurance, de la fiducie et des valeurs mobilières. Les transactions à grande échelle peuvent se faire instantanément.

Il est donc de plus en plus difficile pour les autorités réglementaires de mesurer le risque associé à telle ou telle institution, ou encore les menaces qui pèsent sur sa solvabilité et sur la stabilité du système financier. Les autorités pourraient bien avoir la propension, dans une situation comme celle-là, à réagir exagérément et à prendre des règlements trop sévères qui risqueraient d'étouffer les initiatives des entrepreneurs. Il faut résister fermement à cette tendance. Le Groupe de travail affirme plutôt que « le défi, pour les responsables de la réglementation prudentielle moderne, consiste à trouver les moyens d'exercer une surveillance efficace sur des institutions plus innovatrices et entreprenantes, sans pour autant entraver la concurrence et le dynamisme qui sont les fruits de l'innovation46. » Le Comité souscrit à cette idée, qui d'ailleurs correspond à sa recommandation antérieure voulant que soit abandonnée l'approche de la réglementation « à taille unique ».

Il est notamment recommandé que le mandat du Bureau du surintendant des institutions financières soit modifié pour qu'y figure également la nécessité de parvenir à un équilibre entre la concurrence et l'innovation, d'une part, et la solidité et la viabilité financières, d'autre part. Cette orientation suscite de graves inquiétudes dans notre industrie. Les responsabilités supplémentaires qu'on propose de confier au BSIF pour encourager la concurrence et l'innovation et pour assurer la protection des consommateurs pourraient l'empêcher de bien s'acquitter de sa tâche essentielle, qui consiste à veiller à la solidité et à la viabilité financières des sociétés. Le mandat du BSIF deviendrait plus difficile et éventuellement plus ambigu du fait des tensions qui existent entre la solidité et la viabilité financières, d'une part, et la promotion de l'innovation, de l'autre.

Chris McElvaine (président, Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes)

Un rôle élargi pour le BSIF

Le Comité ne souscrit pas à la manière dont le Rapport étend la portée de cette idée en recommandant que le mandat du BSIF soit modifié de manière à exiger explicitement que le Bureau établisse l'équilibre entre le souci de solidité et de stabilité, d'une part, et l'amélioration de la concurrence, de l'innovation de la protection des consommateurs et de la compétitivité internationale, d'autre part. Nous sommes au contraire d'accord avec le maintien de l'actuel mandat du BSIF, qui met l'accent sur la solidité et la stabilité, sans toutefois restreindre la concurrence. Le BSIF « [. . .] doit remplir son rôle en tenant compte de son impact sur la concurrence [. . .] » ce qui l'aide « [. . .] à ne pas succomber à la tentation d'appliquer la réglementation de façon excessive47 », selon John Palmer, actuel surintendant des institutions financières.

Le Groupe de travail cherche à réaliser certains objectifs politiques importants, y compris l'augmentation de la concurrence et l'amélioration de la protection des consommateurs. Toutefois, des recommandations visant ces objectifs pourraient influer négativement sur la capacité du gouvernement d'atteindre d'autres objectifs, y compris la protection des déposants et des souscripteurs et le degré élevé de confiance du public dans la sécurité du système financier.

John Palmer (surintendant, Bureau du surintendant des institutions financières Canada)

M. Palmer a ensuite exprimé son opposition à ces recommandations (recommandations 10 et 112) : « [. . .] la concurrence et l'innovation [. . .], a-t-il déclaré, ne sont pas assujetties au contrôle du BSIF et peuvent entrer en conflit avec la solidité et la stabilité. [. . .] L'ajout d'une responsabilité précise en matière de concurrence et d'innovation pourrait inciter le BSIF à s'abstenir de réglementer, au détriment d'une intervention précoce et d'une résolution rapide des problèmes48. » M. Palmer est même allé plus loin : « [. . .] l'ajout de la responsabilité de la concurrence et de l'innovation au mandat actuel du BSIF pourrait nuire à l'indépendance du BSIF et le rendre plus sensible à des préoccupations non réglementaires. [. . .] Si la concurrence devenait une responsabilité du BSIF, celui-ci pourrait être poussé à approuver la propriété d'institutions financières par des personnes moins recommandables. » Michael Mackenzie, ancien surintendant des institutions financières, partage lui aussi notre inquiétude à propos d'un tel élargissement du mandat du BSIF.

[Le] BSIF doit influer le moins possible sur la concurrence, mais nous ne croyons pas que cela veuille dire que la responsabilité de faciliter la concurrence nous est dévolue. Au lieu de cela, les objectifs du BSIF en matière de dérogation sont de protéger les déposants et les souscripteurs contre les pertes indues et de maintenir la confiance dans le système financier.

John Palmer (surintendant, Bureau du surintendant des institutions financières Canada)

Améliorer la concurrence et promouvoir la compétitivité des institutions nationales est un objectif valide, voire important, pour les pouvoirs publics. Ce ne doit toutefois pas être un objectif pour l'autorité réglementaire prudentielle. Tout comme la Banque du Canada reconnaît que la poursuite d'un seul objectif lui permet de mieux fonctionner et de mener sa politique monétaire avec plus de transparence, ce qui la rend plus responsable devant les Canadiens, de même nous croyons que le BSIF doit avoir un mandat clair et non contradictoire, à savoir, assurer la solidité et la stabilité du secteur financier et des institutions qui en font partie.

Le Rapport MacKay suggère d'étendre les responsabilités du Bureau du surintendant des institutions financières pour qu'il comporte un volet de protection des consommateurs. Je suis en désaccord avec cette recommandation parce qu'elle placera le Bureau du surintendant des institutions financières en situation de conflit. La mission première du BSIF est d'assurer la stabilité et la solvabilité du système financier canadien.

Jean Roy (professeur agrégé de finance, École des Hautes Études Commerciales (à titre personnel))

De cette façon, tout conflit entre les deux objectifs pourra être examiné et débattu en public. Si, par exemple, de l'avis général, un objectif est favorisé à l'excès au détriment de l'autre, la discussion aura lieu au grand jour. Le surintendant des institutions financières et le ministre des Finances pourraient être appelés à comparaître devant un comité parlementaire pour expliquer le conflit en question. Les différends seraient davantage assujettis à la règle de la transparence. Or, cette transparence et le débat public n'auront guère de chances de devenir réalité si les conflits d'objectifs sont résolus au sein d'un même organisme, qu'il soit structuré comme il l'est actuellement ou qu'il comporte un conseil d'administration, ainsi que le propose le Groupe de travail.

Élargir le rôle du BSIF de manière à lui donner des fonctions accrues en matière de protection des consommateurs pose également des problèmes. Ici encore, l'actuel et l'ancien surintendants des institutions financières ont soutenu qu'il n'était pas dans l'intention de l'autorité réglementaire de protéger les intérêts des consommateurs. Et la possibilité de conflit existe ici aussi, quoique pas autant que si le BSIF devait aussi favoriser le jeu de la concurrence. John Palmer a affirmé : « Le BSIF a assurément la responsabilité de protéger les intérêts des souscripteurs. Cependant, quelle est la meilleure façon d'y arriver? En maintenant un niveau adéquat de solvabilité et de stabilité, ou en soutenant les intérêts des consommateurs? On ne sait pas précisément quel rôle l'emporterait en cas de conflit. »

En conséquence, le Comité s'oppose aux recommandations 10 et 112 du Rapport du Groupe de travail. Il recommande en revanche que soit établi un bureau de la protection des consommateurs (BPC). Le Comité recommande que le nouvel ombudsman des services financiers soit responsable de ce bureau. Celui-ci aurait pour champ d'action toutes les mesures de protection des consommateurs qui sont citées dans le Rapport MacKay. Cela coïncide avec la suggestion que formulait le Comité des finances dans une recommandation de son Rapport d'octobre 1996 intitulé « L'examen de 1997 de la législation régissant les institutions financières : Propositions de modifications ». La promotion de la concurrence et de l'innovation devrait être considérée comme un principe fondamental de la politique générale du gouvernement à propos du secteur financier.

En recommandant de créer un bureau de la protection du consommateur, nous ne suggérons nullement qu'il faille se désintéresser du fardeau de la réglementation. Nous souhaitons simplement que tous les organismes de réglementation reçoivent des objectifs et un mandat appropriés.

Alléger les processus réglementaires

Il existe plusieurs façons d'alléger le fardeau de la réglementation, à l'avantage des consommateurs en accroissant la concurrence et à celui des institutions en baissant les coûts et en augmentant la compétitivité. Nous souscrivons aux recommandations du Groupe de travail, selon lesquelles il faudrait alléger le processus d'approbation des nouvelles institutions (recommandation 4b)). La SADC, qui assure les dépôts, a, petit à petit, assumé des fonctions réglementaires élargies. Le Groupe de travail recommande que toutes les fonctions de réglementation et de supervision soient centralisées au BSIF, et le Comité souscrit à cette idée. Grant Reuber, de la SADC, n'est pas en faveur de cette recommandation. Il soutient ce qui suit : « [. . .] en éliminant ou en réduisant les moyens dont la SADC dispose pour renforcer la sûreté et l'intégrité du système, on irait à l'encontre de son mandat actuel qui consiste, entre autres, à réduire le plus possible ses risques de perte. » Le Comité estime que la partie du mandat de la SADC qui exige qu'elle fasse la promotion de saines normes commerciales et financières pour ses membres fait double emploi avec les règles du BSIF. Aussi, le rôle de la SADC dans l'établissement de normes applicables aux pratiques commerciales et financières devrait-il être transféré au BSIF (recommandation 114). La SADC serait l'assureur et s'occuperait de toutes les initiatives correspondant à ce rôle. Une coopération étroite entre le BSIF et la SADC n'est pas seulement utile, elle est nécessaire. Encore une fois, si cette coopération fait défaut, la chose sera probablement rendue publique et fera l'objet d'un examen parlementaire.

Régie du BSIF

La recommandation 113 demande que le BSIF soit doté d'un conseil d'administration, afin d'améliorer sa régie. S'il est vrai que le surintendant a donné son appui de principe à cette recommandation, il a également apporté une réserve, à savoir que le conseil d'administration pourrait saper les pouvoirs du surintendant et du ministre des Finances et avoir des effets néfastes sur la filière de reddition des comptes, qui va du surintendant jusqu'au Ministre, puis du Ministre au Parlement. Le Groupe de travail, dans son Rapport, ne précise pas quel serait le rôle de ce conseil d'administration. Comme l'a déclaré Jean Roy, de l'École des Hautes Études Commerciales : « Dans le cas du BSIF, il sera important d'exprimer explicitement les rôles respectifs du ministre, du surintendant et du futur conseil d'administration. » Le Comité est très préoccupé à cet égard et il recommande que le gouvernement n'applique pas cette recommandation pour l'instant.

Il serait [. . . important que les règles soient harmonisées entre les provinces afin de diminuer les dépenses administratives inhérentes.

Jean-Guy Langelier (président et chef de la direction La Caisse centrale Desjardins, Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec)

Chevauchement intergouvernemental

Le Comité souscrit au principe qui sous-tend les recommandations 115 et 116, visant à réduire le chevauchement réglementaire et à alléger les formalités. Comme la recommandation 115 porte sur les pouvoirs des diverses compétences, le Comité estime que le gouvernement fédéral et le BSIF devraient travailler en étroite collaboration avec leurs homologues provinciaux, afin de trouver des moyens acceptables de corriger ce chevauchement. Si l'application de cette recommandation est un succès, il en résultera des synergies et moins de doubles emplois dans les régimes réglementaires. Yvon Charest, de L'Industrielle-Alliance, s'est exprimé très clairement là-dessus : « À notre compagnie, L'Industrielle-Alliance, nous avons à la fois des compagnies à charte québécoise et des compagnies à charte fédérale [. . .]. Même si la compagnie mère du groupe est à charte québécoise, nous devons remettre régulièrement des informations financières à l'autorité de surveillance fédérale. Dans la mesure où il y aurait respect des juridictions primaires, nous n'aurions pas à transiger avec deux autorités de surveillance différentes. »

La réglementation des nouvelles institutions sans présence physique

Le Groupe de travail a également abordé une question liée à la réglementation qui risque de poser des problèmes croissants aux autorités réglementaires nationales, à savoir la façon de traiter les institutions qui offrent des services aux Canadiens sans avoir établi de présence physique dans notre pays. Ce problème n'est pas nouveau. D'importantes sociétés canadiennes traitent depuis longtemps directement avec des institutions étrangères. Certains voyageurs canadiens maintiennent des relations bancaires au Canada et à l'étranger. Bien des personnes domiciliées non loin de la frontière américaine font affaire avec des banques américaines, à Buffalo par exemple. L'arrivée de la Wells Fargo sur le marché canadien représente toutefois un type entièrement nouveau d'accès aux institutions étrangères. En outre, le développement prévisible des transactions par Internet permettra littéralement aux Canadiens de « faire leurs emplettes financières » dans le monde entier. On les attirera non seulement par des envois postaux massifs, mais aussi par des promotions sur Internet. Les moteurs de recherche d'Internet s'utiliseront, comme Les Pages Jaunes, pour orienter les consommateurs vers les sites Web du type www.cheapestmortgage.com ou www.freechequing.com. À quel genre de protection les consommateurs peuvent-ils et doivent-ils s'attendre?

À l'heure actuelle, aucune loi ni aucun règlement cohérent ne s'applique aux firmes qui pénètrent le marché canadien sans y être présentes physiquement. Les dispositions de la Loi sur les banques ne s'appliquent qu'aux institutions financières qui exercent leurs activités au Canada en y ayant une présence physique. Les autres ne sont assujetties à aucun règlement ni à aucune loi du gouvernement fédéral. En ce qui concerne la Wells Fargo, nous sommes devant le cas d'une institution financière qui s'est donné beaucoup de mal pour remplir les exigences du surintendant des institutions financières. Comme l'a souligné le Groupe de travail, rien ne justifiait ces mesures du point de vue commercial ou prudentiel. Elles visaient simplement à étayer l'affirmation voulant que la banque n'effectue aucune transaction bancaire au Canada.

Dans un tel monde, que faut-il réglementer et comment appliquer cette réglementation? Le Groupe de travail conclut que l'accès virtuel à un marché à partir de l'étranger ne peut être réglementé de façon satisfaisante que par une entente internationale qui fixera des règles communes et attribuera à l'autorité réglementaire nationale la tâche de les appliquer. Dans l'intervalle, il recommande un certain nombre de solutions temporaires, notamment un système d'agrément des prêteurs étrangers qui font de la sollicitation massive, et des moyens par lesquels les consommateurs seront tenus informés au sujet des fournisseurs étrangers. Ce processus d'agrément constitue un moyen de faire en sorte que les sociétés financières étrangères qui traitent avec les Canadiens respectent la déontologie de la réglementation canadienne. Quelle en serait l'efficacité? Cela reste à voir.

Comme le souligne le Groupe de travail, les institutions financières sans présence physique au Canada, qui acceptent des dépôts de clients canadiens, soulèvent une inquiétude beaucoup plus grande pour les autorités réglementaires et les décideurs publics. Il s'agit là d'un problème qui manifestement ne peut être résolu de manière unilatérale et, d'après le Groupe de travail, le Canada devrait agir à l'échelon international pour encourager une approche commune de ce phénomène. Il recommande une réglementation par la compétence locale. Le Groupe de travail a recommandé que, d'ici à ce que les arrangements internationaux aient été pris, le BSIF augmente ses activités de divulgation de renseignements sur Internet.

Nous sommes d'avis que le gouvernement peut prendre dès maintenant certaines initiatives concrètes qui répondraient à beaucoup d'inquiétudes exprimées dans le Rapport. Le Comité recommande que le gouvernement fédéral entame, avec les États-Unis d'abord, des négociations visant à assurer un traitement national des clients des institutions financières. Ainsi, les personnes domiciliées au Canada qui déposent des fonds dans des banques américaines jouiraient des mêmes avantages que les personnes domiciliées aux États-Unis. Les emprunteurs qui résident au Canada seraient protégés par la réglementation au même titre que ceux qui vivent aux États-Unis. La même chose serait vraie pour ce qui est des habitants des États-Unis qui traitent avec des banques canadiennes. Si Citicorp décidait d'offrir une gamme complète de services financiers aux Canadiens par l'entremise d'Internet, à partir d'un lieu quelconque aux États-Unis, les Canadiens pourraient profiter de la même protection du consommateur et de la même assurance-dépôts49 que les personnes domiciliées aux États-Unis qui traitent avec Citicorp.


CHAPITRE 6 : ACCROÎTRE LE POUVOIR DU CONSOMMATEUR

Il y a deux façons de protéger les consommateurs : accroître la concurrence et légiférer pour faire échec aux pratiques anticoncurrentielles inacceptables.

La concurrence peut être considérée comme l'ultime rempart du consommateur. Une fois mises en oeuvre, bon nombre de recommandations du Groupe de travail, approuvées par le Comité, élargiront les choix offerts aux consommateurs. La concurrence entre différentes entreprises permet d'offrir aux consommateurs un plus vaste éventail de choix et assure l'accès aux meilleurs produits à de meilleurs prix. La plus grande variété de choix accroît, quant à elle, la mobilité, de sorte que les consommateurs qui estiment être mal servis par un fournisseur en particulier peuvent facilement se tourner vers un autre qui leur offrira un traitement honnête et convenable. Si les forces concurrentielles fonctionnent parfaitement bien, il ne sera pas nécessaire de légiférer pour contrôler les pratiques des entreprises, puisque les consommateurs insatisfaits n'auront qu'à s'adresser à un autre fournisseur.

Il est bien clair que les institutions financières serviront tous les Canadiens bien et équitablement uniquement si les consommateurs sont responsabilisés, si les règles de transparence et de divulgation sont strictes et complètes, et si un système de responsabilisation globale est promulgué. Il est également évident que les institutions financières, en particulier les banques, doivent servir tous les intervenants bien et équitablement parce qu'elles ont profité historiquement de protections.

Duff Conacher (président, Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire, et coordonnateur, Démocratie en surveillance)

Notre contexte commercial actuel est toutefois très complexe et les forces concurrentielles n'y interviennent pas toujours. Ainsi, il n'est pas toujours facile pour les consommateurs de se prévaloir de tous leurs choix, en raison de l'existence d'intervenants dominants et de pratiques commerciales abusives ou, plus fréquemment, à cause du manque d'information.

Il leur est de plus en plus malaisé de faire des choix en raison de la complexité croissante des produits financiers et de leurs caractéristiques parfois uniques qui rendent difficile toute comparaison. Il suffit de voir comment il est ardu de comparer la multitude de cartes de crédit offertes sur le marché pour comprendre à quel point les produits financiers sont sophistiqués et innovateurs et à quel point il est compliqué pour les consommateurs de s'y retrouver. Cette difficulté est exacerbée par les nouvelles technologies qui élargissent encore davantage l'éventail des choix. Bien des consommateurs feront quand même le tour du marché et choisiront leurs produits financiers auprès de plus d'une institution financière. De nombreux autres, par contre, profiteront des avantages offerts par les services financiers groupés. Les institutions financières sont de plus en plus nombreuses à vouloir établir une relation globale avec leur clientèle. Ainsi, les institutions de dépôts veulent non seulement offrir des comptes de chèques et d'épargne à leurs clients, mais aussi des cartes de crédit, des REER, de l'assurance-vie, des services de courtage et de gestion de la richesse. Pour ce faire, elles ont recours à toute une panoplie de mesures d'encouragement et de compensation (frais moins élevés, taux d'intérêt réduits sur les emprunts, meilleur rendement sur l'épargne, et autres). Dans un tel contexte, les choix des consommateurs deviennent difficiles à évaluer et à influencer. Les conditions suivantes doivent exister pour aider les consommateurs à prendre de bonnes décisions : l'accès à l'information nécessaire pour faire des choix avisés; des mesures qui protègent les renseignements personnels contre toute utilisation abusive; des règles strictes interdisant les ventes liées avec coercition et la possibilité de passer librement d'une institution financière à une autre.

Ventes liées avec coercition

Le Bureau de la concurrence a pour mandat d'examiner le comportement des entreprises dans le secteur des services financiers et dans d'autres industries pour s'assurer que celui-ci ne fait pas obstacle à la concurrence dans le secteur examiné. La politique de la concurrence s'applique toutefois à l'échelon macroéconomique. Elle ne permet pas de garantir à chaque consommateur à titre individuel qu'il ne sera jamais victime de pratiques abusives, ni de garantir que le recours à de telles pratiques est exceptionnel. Elle vise plutôt à faire en sorte que les pratiques commerciales restrictives, comme le refus de faire commerce, la vente liée, la limitation du marché ou l'abus de position dominante, ne permettent pas aux entreprises d'exercer une emprise sur les marchés.

Le Comité a fait ressortir la portée limitée de la Loi sur la concurrence au printemps 1998, lorsqu'il s'est penché sur la question des ventes liées. Il a finalement recommandé que l'article 459.1 de la Loi sur les banques soit promulgué. Il ne fait aucun doute que la Loi sur la concurrence, bien qu'elle soit un instrument important, ne protège pas efficacement les consommateurs contre les pratiques abusives. C'est là un point de vue que partage le Groupe de travail. En fait, celui-ci va même plus loin dans son Rapport en affirmant que la Loi sur la concurrence ne suffit pas à créer un environnement favorable à la concurrence sur le marché financier moderne.

Les Canadiens semblent également préoccupés par les dispositions qui régissent leurs contrats financiers. Une proportion étonnamment élevée de Canadiens (16 %) déclarent que, à leur avis, leur emprunt, hypothécaire ou autre, n'aurait peut-être pas été approuvé s'ils n'avaient pas acheté un autre produit à l'institution prêteuse.

Comme nous l'avons constaté le printemps dernier et comme le confirme le Rapport du Groupe de travail, les ventes liées sont devenues l'une des principales préoccupations des consommateurs et des fournisseurs de services financiers. La vente liée est le mécanisme en vertu duquel un produit peut être acheté seulement s'il y a achat d'un deuxième produit.

[L]e régime anti-vente liée le plus rigoureux n'aura qu'un effet limité si les consommateurs canadiens continuent de se sentir impuissants devant leur agent de prêts bancaires.

David Thibaudeau (président, Association canadienne des conseillers en assurance et en finance)

Il existe des situations où la vente liée peut être profitable et acceptable pour les consommateurs. Dans certains cas, elle est nécessaire en raison de l'aspect technologique des produits ou en raison de la demande des consommateurs. Il arrive aussi parfois que l'interdistritution ou la vente groupée soit avantageuse, c'est-à-dire lorsque le prix d'un ensemble de produits, qui peuvent être achetés séparément ou collectivement, est inférieur à la somme de leurs prix individuels. À cause de la convergence qui s'exerce dans le secteur des services financiers, les institutions ont de plus en plus tendance à regrouper leurs services. Ce genre de pratique est habituellement profitable aux consommateurs.

Comme nous l'avions appris au cours de nos audiences antérieures sur la vente liée et comme nous l'ont confirmé nos présentes audiences sur le Rapport du Groupe de travail, ce qui inquiète les Canadiens, c'est le caractère potentiellement coercitif de cette pratique. La coercition crée une inégalité de pouvoir dans les relations financières dont il faut atténuer l'ampleur, en particulier si les institutions financières doivent se transformer en conglomérats. Non seulement ces pratiques sont-elles abusives à l'endroit des consommateurs, mais elles risquent fort de réduire la concurrence. Il est difficile pour les consommateurs de réagir aux pratiques abusives par l'intermédiaire du marché. Il n'est ni simple ni gratuit pour une entreprise de transférer ses affaires d'une institution à une autre. Conscients de ce fait, les conglomérats financiers pourraient se servir de leur influence pour attirer à eux un grand nombre d'entreprises.

Le Comité a constaté aussi que la pratique des ventes liées relève autant de la perception que de la réalité. Dans la mesure où son influence a pour effet de réduire la concurrence, il est clair que des mesures s'imposent pour corriger la perception aussi bien que la réalité.

Le Groupe de travail a formulé quatre recommandations à cet égard. Le champ d'application de l'article 459.1 de la Loi sur les banques, qui a récemment été promulgué sur la recommandation du présent Comité, devrait être élargi pour englober un plus vaste éventail de services financiers susceptibles d'être liés les uns aux autres. Selon le Groupe de travail, cette mesure devrait être adoptée sans délai. De plus, les consommateurs qui concluent une entente en vertu des nouvelles dispositions doivent être informés du fait qu'il est contraire à la loi de la part d'une institution de recourir à des méthodes coercitives et doivent savoir ce qui constitue une vente liée avec coercition. Enfin, le Rapport recommande l'établissement d'un mécanisme de recours civil.

Le Comité appuie donc les recommandations 70 à 75.

Autres mesures pour accroître le pouvoir du consommateur

En plus d'interdire certaines pratiques, il faut donner aux consommateurs les moyens d'exercer et de faire respecter leurs droits. La liberté d'agir des consommateurs est une condition préalable importante à l'instauration d'une concurrence. Comme il est mentionné précédemment, la concurrence contribue aussi à la compétitivité des institutions financières. La concurence n'est pas seulement une question du nombre de fournisseurs dans un marché ou des niveaux de concentration. Elle dépend de l'attitude. Pour que la concurrence existe sur le marché, il faut que l'ensemble des participants respectent les règles qui la régissent et agissent de façon à en favoriser l'émergence. Un marché fonctionne bien lorsque les participants ont le choix, par exemple, lorsqu'ils peuvent à leur gré se débarrasser des mauvais fournisseurs. Par conséquent, l'adoption de politiques pour accroître le pouvoir des consommateurs peut avoir une énorme incidence sur l'aspect global du secteur des services financiers au Canada. À cet égard, les mesures prises en ce sens peuvent être grandement profitables à l'économie, à condition d'être bien conçues et efficaces.

Le Groupe de travail recommande l'adoption d'une série de mesures visant à élargir les choix offerts aux consommateurs et à leur conférer davantage de pouvoir dans l'exercice de ces choix.

Divulgation et transparence

Une documentation claire et précise devrait compenser pour l'absence de documents de référence traditionnels qu'a apporté la venue du monde Internet.

Rozanne E. Reszel (présidente et directrice générale, Fonds canadien de protection des épargnants)

Comme le signale le Groupe de travail, pour que les consommateurs puissent bien jouer leur rôle, ils doivent être en mesure de voir ce qui distingue un bon produit d'un mauvais produit, une bonne institution d'une mauvaise institution. C'est une condition préalable, mais elle est loin d'être suffisante. En effet, il s'agit là de tout un défi, compte tenu de la nature de bon nombre de produits financiers et de la façon dont s'effectuent les transactions. Ce sont des services complexes qui, la plupart du temps, sont achetés de façon peu fréquente. De plus, les consommateurs hésitent souvent à changer d'institution en raison des coûts engagés pour le faire. Dans ce contexte, les institutions financières estiment pour leur part qu'elles ne risquent pas grand-chose en traitant négligemment leurs clients.

Pour 64 % des Canadiens, l'information reçue au sujet des produits bancaires qu'ils achètent n'est pas suffisante. Le chiffre est comparable (68 %) pour les produits vendus par les sociétés d'assurances.

Un consommateur habile est un consommateur averti. Pour l'être, il doit comprendre les produits qui lui sont offerts et les conditions qui leur sont applicables. En d'autres termes, les transactions doivent se caractériser par leur transparence. L'information doit non seulement être divulguée, mais elle doit l'être d'une façon qui soit facilement compréhensible pour les consommateurs.

La réglementation du contenu des prospectus fait l'objet d'une révision à l'heure actuelle, en particulier pour ce qui est des fonds communs de placement, mais il est évident que le client doit recevoir des informations claires et précises pour qu'il puisse prendre des décisions éclairées. Nous appuyons sans aucune réserve la recommandation 57 qui demande que les documents juridiques soient rédigés en termes clairs et simples.

Rozanne E. Reszel (présidente et directrice générale, Fonds canadien de protection des épargnants)

Les nouvelles règles en matière de divulgation et de transparence permettraient aux consommateurs de comprendre ce qu'on leur offre, à quel prix et à quelles conditions. Il est essentiel à cet égard de recourir à un langage simple. Les formules incompréhensibles et le jargon technique sont à proscrire. L'une des conditions préalables pour assurer la transparence réside dans la divulgation en temps opportun des conditions d'un contrat financier. Les services financiers sont des produits nébuleux et pour savoir ce qu'ils achètent réellement, les consommateurs doivent bien comprendre les conditions applicables à leurs contrats de services financiers. Quiconque a signé récemment un contrat d'hypothèque sait ce que cela veut dire. Rares sont ceux parmi nous qui seraient en mesure d'expliquer ce que sont les surcharges de paiement anticipé sur un emprunt hypothécaire fermé, si on le leur demandait.

À cet égard, le Comité souscrit aux recommandations 57 à 60 contenues dans le Rapport du Groupe de travail.

Tel qu'on l'a expliqué précédemment, le Comité ne croit pas que la responsabilité de faire appliquer les exigences en matière de transparence et de divulgation devrait incomber au BSIF à l'échelle fédérale. En fait, cela pourrait nettement entrer en conflit avec le mandat principal du BSIF qui consiste à promouvoir la solidité et la stabilité du secteur des services financiers, si le surintendant se voyait aussi confier la responsabilité de promouvoir l'innovation, la protection du consommateur et la concurrence, comme le propose la recommandation 112 b) du Groupe de travail. Le Comité est d'avis que cette responsabilité devrait être confiée au nouvel office de protection des consommateurs qui doit relever du nouvel ombudsman des services financiers. En conséquence, le Comité ne peut souscrire à la recommandation 61 dans sa version actuelle.

Le Comité a aussi des réserves concernant la recommandation 62 concernant la divulgation des frais, des commissions et autres rémunérations versés à des employés ou à des tiers. Quelques témoins ont fait part de leur objection à la proposition du Groupe de travail. Par exemple, selon Mario Georgiev (Optimum Réassurance), « [. . .] le Groupe de travail va trop loin dans ses recommandations, surtout lorsqu'il traite de la divulgation de toute forme de rémunération qui pourrait être utilisée dans la distribution des produits financiers ». Le Comité est d'avis que les institutions financières ne devraient être tenues de divulguer que le type de rémunération, de salaire, de gratification et de frais versés aux employés ou aux agents. Il estime que la divulgation des frais, des commissions et autres rémunérations versés n'est pas de nature à aider les consommateurs à faire des choix plus éclairés. En fait, comme l'a fait valoir l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes, dans son mémoire au Comité : « La meilleure solution [. . .] serait d'assurer que le coût total du produit soit clairement affiché à l'avance. Il serait également utile pour le consommateur de savoir si l'intermédiaire reçoit des honoraires, une commission, un salaire ou une gratification [. . .] lors de sa souscription. Chercher à dépasser cet objectif pour expliquer comment les frais de distribution sont répartis dans le cas d'un canal de distribution donné pourrait s'avérer tout à fait impossible et risquerait fort d'induire les clients en erreur. »

Enfin, le Comité rejette la recommandation 63. Si on y donne suite, la recommandation visant à faire en sorte que la modification unilatérale des contrats conclus avec les consommateurs soit interdite par la loi pourrait être préjudiciable aux consommateurs. D'abord, il est tout à fait légitime pour les entreprises de revoir à intervalles réguliers leur échelle de prix et la gamme de services qu'elles offrent. On ne peut pas s'attendre à ce qu'une entreprise gèle ses prix jusqu'à ce les consommateurs consentent à une augmentation. Ensuite, les modifications unilatérales ne sont pas nécessairement néfastes. On n'a qu'à penser, par exemple, aux nouveaux services (par exemple, les cartes à puce ou les services bancaires sur PC) offerts sans frais supplémentaires avec un ensemble de services sur lesquels on s'est déjà entendu. L'important n'est pas tant d'interdire la modification unilatérale des contrats, mais de faire en sorte que les changements soient communiqués intégralement et en temps opportun (comme le recommande le Groupe de travail dans ses recommandations 57 à 60) pour que les consommateurs puissent prendre la meilleure décision possible.

Les Canadiens sont très préoccupés par la protection de leurs renseignements personnels, mais les opinions sont partagées sur la qualité de la protection de leurs droits à ce titre.

Protection des renseignements personnels

La protection des renseignements personnels revêt un caractère unique parce, comme l'a noté le Groupe de travail, elle constitue presque un droit de la personne. Mais elle est aussi un droit économique au sens où elle définit la capacité des personnes à décider du genre de relation qu'elles veulent entretenir avec leur institution financière. Le secteur des services financiers évolue rapidement et devient plus intégré. À mesure que de nouveaux produits financiers font leur apparition et que l'omniprésence des technologies de l'information se précise, les risques d'utilisation abusive des renseignements personnels se multiplient. Comme l'a fait valoir le Groupe de travail, « [é]tant donné que les possibilités d'utilisation illégitime des renseignements personnels se multiplieront, de même que les incitations à le faire, il faudra imposer des normes rigoureuses de comportement afin de préserver l'intégrité de la relation entre les institutions financières et leurs clients50 ». Le Comité est d'accord avec cette observation.

En théorie vous avez beau mettre des fichiers informatiques séparés, vous avez beau dire que les gens qui vont vendre de l'assurance vont être physiquement séparés des autres employés de la caisse, qu'il va y avoir un mur… mais dans une succursale bancaire, vous allez avoir 10 employés dont 2 qui vendent de l'assurance, qui ont tous des objectifs de ventes à rencontrer, qui lunchent ensemble, qui se côtoient 8 heures par jour, la théorie de mettre des murs, en pratique ne permettra pas de s'assurer que les renseignements personnels seront réellement gardés de façon confidentielle.

Yvon Charest (vice-président exécutif, chef, Exploitation, Industrielle Alliance)

Il y a au Canada beaucoup de secteurs où les considérations relatives à la protection des renseignements personnels peuvent intervenir. Le secteur des services financiers s'est pour sa part doté à cet égard de différents codes adaptés à chaque secteur. Le Québec a lui aussi adopté des mesures législatives en matière de protection des renseignements personnels, dont la portée est très générale et étendue.

Nous pensons que les normes minimales de base qui ont été définies ne sont pas trop lourdes et qu'elles protègent effectivement le droit à la protection des renseignements personnels des Canadiens.

Walter Robinson (Fédération des contribuables canadiens)

Le Comité appuie sans réserve la décision du gouvernement de légiférer pour imposer des normes à l'égard de la collecte, de l'utilisation et de la protection des renseignements personnels. Le projet de loi C-54, intitulé Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, s'il est adopté, garantira aux Canadiens que leur droit à la protection de leur vie privée sera respecté lorsque des renseignements personnels à leur sujet seront recueillis, utilisés ou communiqués. Cette mesure législative s'appliquera en premier lieu aux sociétés assujetties à la réglementation fédérale. Les dispositions régissant la protection des renseignements personnels se fondent sur les 10 principes énoncés dans le code type de l'Association canadienne de normalisation (CSA). Le projet de loi C-54 devrait être adopté sans délai par le Parlement. En conséquence, le Comité souscrit aux recommandations 64, 68 et 69.

Avant d'accorder de nouveaux pouvoirs aux banques, nous vous demandons de veiller à ce qu'elles respectent les lois de ce pays, qu'elles respectent la vie privée des consommateurs et qu'elles ne portent pas atteinte à leur liberté de choix en les contraignant à acheter d'autres produits.

Claude Garcia (président et directeur général, Compagnie d'assurance Standard Life du Canada)

Le Groupe de travail recommande que le secteur financier soit tenu d'élaborer d'autres codes sectoriels exécutoires, qui non seulement seraient conformes aux normes prévues dans la loi, mais iraient au-delà de celles-ci (voir recommandations 65 à 67). Le Comité souscrit à l'orientation de ces recommandations. Il souhaite rappeler au gouvernement que le BSIF ne devrait pas être investi de la responsabilité de certifier les codes de conduite et de vérifier s'ils sont respectés (comme le stipule la recommandation 66). Cette tâche devrait plutôt incomber au nouvel office de protection des consommateurs relevant du nouvel ombudsman des services financiers.

Pour ce qui est du caractère privé des renseignements et des droits des consommateurs, je suis personnellement d'accord avec toute l'argumentation qui vise à donner plus de pouvoirs aux consommateurs. Les banques sont dans une position de pouvoir et d'influence considérables face à leurs clients et elles devraient être tenues de rendre des comptes sur la façon dont elles utilisent ce pouvoir.

Christopher Moon (avocat, Davis Webb Schulze & Moon)

L'ombudsman du secteur financier

En 1996, les banques à charte canadiennes se sont dotées d'un ombudsman bancaire canadien. Ses pouvoirs ont été élargis en 1997 pour englober les services bancaires aux particuliers. La participation des banques à l'OBC est volontaire et 12 banques en sont actuellement membres. L'effectif de l'OBC est constitué des ombudsmans désignés par chaque banque. Le client s'adresse d'abord à l'ombudsman de l'institution; s'il n'obtient pas satisfaction, il peut faire appel à l'OBC. L'industrie de l'assurance-vie s'est elle aussi dotée d'un mécanisme d'ombudsman semblable au mécanisme de recours des banques.

[N]ous appuyons fortement l'idée de nommer un ombudsman fédéral des services financiers, d'une personne qui fonctionnerait à l'extérieur du régime actuel des ombudsmans de banques.

Stephen Johns (président, Conseil canadien des détaillants de matériaux de construction)

Le Comité est d'accord avec le Groupe de travail et appuie les recommandations (voir recommandations 76 à 80) selon lesquelles la législation devrait prévoir la création d'un ombudsman du secteur financier. Cette entité pourrait agir comme médiateur et conciliateur pour régler les griefs des consommateurs à l'endroit de n'importe quelle institution financière fédérale, pas seulement les banques. Elle fonctionnerait indépendamment des participants de l'industrie. Avec l'assentiment des provinces, l'ombudsman pourrait intervenir auprès des institutions financières tant fédérales que provinciales. On croit que cette solution permettrait de réduire sensiblement la confusion qui règne chez les consommateurs et faciliterait l'accès au mécanisme de recours. Ainsi, un consommateur qui achète une assurance-vie auprès d'une filiale de fiducie et qui veut déposer une plainte n'aurait pas à se demander quelle filière emprunter pour obtenir réparation. L'intégration de l'ensemble des mécanismes de traitement des plaintes en un seul endroit au service des consommateurs sera un pas important dans la bonne direction.

Deuxièmement, le Rapport suggère d'élargir le rôle de l'ombudsman bancaire canadien pour qu'il puisse agir sur l'ensemble des services financiers. J'appuie pleinement cette recommandation. De plus, je crois que le rôle de l'ombudsman devrait aussi être étendu à tout le champ de la protection des consommateurs et non pas seulement à la médiation de problèmes individuels. Ainsi, je suggère que l'ombudsman s'occupe des questions de transparence des contrats et de normes d'accès aux services financiers.

Jean Roy (professeur agrégé de finance, École des Hautes Études Commerciales (à titre personnel))

Jean Roy, des HEC, soutient que « le rôle de l'ombudsman devrait aussi être étendu à tout le champ de la protection des consommateurs et non pas seulement à la médiation de problèmes individuels ». Le Comité est tout à fait d'accord avec cette affirmation. En conséquence, en ce qui a trait au mandat du nouveau poste, le Comité recommande que le nouvel ombudsman ait la responsabilité de veiller à la protection du consommateur et de s'assurer du respect des exigences en la matière. L'office de protection des consommateurs nouvellement créé devrait aussi relever de ce bureau.

Organisations de consommateurs

Le Groupe de travail recommande la création d'une organisation de consommateurs de services financiers. Il croit qu'un groupe de défense pourrait inciter les consommateurs à être plus vigilants. Le Comité estime qu'une telle organisation serait profitable mais qu'elle ne devrait pas être financée par le gouvernement. À la place, nous croyons qu'Industrie Canada devrait étudier les différents modèles existants pour assurer le financement d'organisations semblables, notamment la diffusion d'information relative aux groupes de défense des consommateurs au moyen d'encarts postaux.

Enfin, le Comité est d'accord avec les recommandations du Groupe de travail concernant les normes de compétence (recommandations 81 à 86). À mesure qu'évolue le rôle d'intermédiaire financier, la notion d'organisme de réglementation unique chargé d'harmoniser les normes de compétence d'un territoire de compétence à l'autre devient plus attrayante. La province de Québec s'est déjà engagée dans cette voie.

En conclusion, le Comité tient à réitérer que l'un des défis qui se pose à notre gouvernement réside dans la façon d'accroître le pouvoir du consommateur dans un monde en constante évolution. Au moment de donner suite aux recommandations 53 à 55, il faut prendre garde de ne pas imposer un fardeau trop lourd au secteur des services financiers ou compromettre sa capacité de s'adapter aux réalités changeantes. Il faut parvenir à un juste équilibre, car une réglementation trop contraignante risquerait de diminuer la concurrence et la compétitivité.


CHAPITRE 7 : COMPORTEMENT DES ENTREPRISES ET ATTENTES DES CANADIENS

Tous les jours, les clients des institutions financières effectuent des millions de transactions : renouvellement de la marge de crédit d'une PME, dépôt d'un chèque au guichet automatique, paiement d'un compte, dépôt de nuit, change en devises étrangères, paiement direct à l'épicerie, etc.

Tous les jours, des millions de Canadiens se considèrent bien servis, à un prix raisonnable, grâce à l'accès à une vaste gamme de services. Selon les données présentées au Groupe de travail, 91 % des clients des banques sont satisfaits et 67 % n'ont pas changé d'institution financière depuis 5 ans51. Les frais mensuels sont nettement inférieurs à ceux qui sont imposés aux États-Unis ou en Suède, par exemple52. Les consommateurs canadiens jouissent d'un écart moins grand entre les taux d'intérêt des prêts personnels et des hypothèques53.

Tous ces résultats satisfaisants peuvent être contestés par d'autres données, anecdotiques notamment. Le Comité s'est fait dire à maintes reprises que de nombreux Canadiens à faible revenu ont difficilement accès aux services financiers de base et que bien des propriétaires de PME ont du mal à trouver du financement. Les études réalisées pour le Groupe de travail révèlent que seulement 29 % des répondants estiment que les services fournis par les banques étaient de qualité de bonne à excellente54. D'autres données indiquent que 44 % des clients des banques pensent que les frais des services sont injustes55. Les écarts entre les taux d'intérêt sont plus grands au Canada qu'aux États-Unis56.

Il existe certainement des secteurs où le comportement des entreprises est jugé sévèrement et où les attentes des consommateurs ne sont pas comblées. Voilà pourquoi le Groupe de travail recommande des mesures pour corriger les difficultés que de nombreux Canadiens rencontrent dans leurs rapports quotidiens avec les institutions financières. Le Comité estime que le secteur des services financiers doit répondre à des attentes plus élevées que d'autres secteurs de l'économie. Il doit répondre aux besoins des petites entreprises (y compris des micro-entreprises) et des entreprises de risque du secteur du savoir technologique. Le Comité considère également qu'il est important que tous les Canadiens aient accès à un vaste choix de services financiers de qualité, à un prix raisonnable.

Ces obligations des sociétés financières se justifient par le fait qu'elles jouent un rôle spécial dans notre économie. Que ce secteur ne constitue pas une industrie ordinaire, les politiques du gouvernement le reconnaissent depuis longtemps57. Cependant, le Comité tient à souligner que les institutions financières ne sont pas des compagnies de services publics, dont une bonne partie de l'activité commerciale doit être réglementée. Ce ne sont pas des monopoles naturels, contrairement à bien des services publics comme par le passé. Elles fonctionnent dans un environnement qui les soumet à la concurrence. En outre, le Comité, tout comme le Groupe de travail, tient à favoriser la concurrence sur le marché. La réglementation des services publics est tout à fait incompatible avec un contexte aussi concurrentiel.

Financement des entreprises

Le Groupe de travail a formulé plusieurs grandes recommandations sur le financement des PME, des entreprises fondées sur le savoir et des entreprises autochtones.

Les PME jouent un rôle majeur dans l'économie : 75 % des entreprises canadiennes comptent moins de 5 employés et 97 %, moins de 50. On a démontré que les très petites entreprises sont celles qui ont créé de l'emploi de la façon la plus constante depuis 10 ans. En 1996, elles auraient créé 87 % des emplois. Les PME représentent plus de la moitié de l'emploi dans le secteur privé et totalisent 43 % du PIB.

Les coopératives de crédit et les caisses populaires qui, en 1933 et en 1964, avaient une part négligeable du financement des PME, représentaient en 1996 près de 15 % des crédits à ses entreprises.

Les banques détiennent 38 % du crédit commercial total. Elles dominent le marché des prêts aux entreprises, avec 84 %58. Parmi tous les services bancaires aux entreprises, les prêts aux PME sont parmi les plus rentables. On estime qu'en 1997 ces prêts ont engendré 1,3 milliard de dollars de profits et produit un rendement entre 10 et 15 %.

Les sociétés de financement spécial ont enregistré une croissance rapide au cours des dernières années, de sorte qu'elles détiennent maintenant environ 16 % du marché du financement par emprunt des PME, contre 9 % en 1994.

Les banques ont tenté, et tentent toujours, de répondre aux critiques des PME concernant l'accès aux capitaux. Elles ont instauré des mesures qui visent non seulement les PME, mais aussi les industries du savoir. La Banque de Montréal offre un crédit non garanti de 50 000 $ dans un délai de 24 heures; la CIBC consent des prêts de 15 000 $ à 100 000 $ à 1 % de moins que le taux préférentiel; la Banque TD possède de 13 centres bancaires spécialisés dans les industries du savoir et offre un programme de prêts pour la technologie avancée; la Banque Royale dispose de spécialistes de l'industrie du savoir et offre un fonds de risque pour les petites entreprises; la Banque Scotia a un programme de prêts pour le secteur de l'innovation et de la croissance de 50 millions de dollars. Le Comité convient que les mesures prises sont importantes, mais que les institutions doivent faire davantage.

En fait, le Comité s'est fait dire à maintes reprises que les institutions financières serviraient mal les PME. On se plaint généralement de l'accès au financement bancaire et au capital en général, y compris au financement par capitaux propres59. Il semble y avoir un vide qui n'est pas comblé par les institutions financières classiques. En examinant la pléthore de programmes fédéraux et provinciaux créés pour financer les PME, on constate l'ampleur des besoins financiers qui ne sont pas comblés par le secteur privé. Au fédéral seulement, on trouve une longue liste de mesures60. Le gouvernement et le secteur des services financiers devraient être en mesure de mieux évaluer les besoins financiers des petites entreprises.

L'arrivée récente de la Wells Fargo est également symptomatique du fait qu'un segment du marché est mal servi. Cette institution financière de San Francisco offre des services de qualité adaptés aux PME canadiennes en utilisant un modèle exclusif d'évaluation du risque. Les scores de crédit qu'il décerne permettent d'autoriser un prêt en 15 minutes. Par marketing direct, la Wells Fargo offre actuellement des lignes de crédit préapprouvées jusqu'à 50 000 $.

À part des faits anecdotiques, rien ne permet de mesurer concrètement les difficultés des PME à obtenir du crédit. On convient que celles-ci sont moins susceptibles que les grandes entreprises de demander du financement, et plus susceptibles de devoir fournir des nantissements sur leurs emprunts, de payer des intérêts plus élevés et de se voir refuser des demandes de prêt. Cependant, comme le Groupe de travail l'a observé, on manque de données pour orienter clairement les mesures à prendre. Par conséquent, le Comité appuie les recommandations 101, 105 et 106, destinées précisément à combler ce vide de données.

Relation entre les banques et les PME

Les relations entre les banques et les PME sont loin d'être idéales. Comme l'indique le Rapport du Groupe de travail, les chargés de prêts doivent gérer de gros volumes d'emprunteurs et traiter de nombreuses demandes de prêts. À cause du cheminement de carrière imposé par la culture des banques, les chargés de prêts sont souvent mutés dans une autre succursale ou un nouveau service. Une étude récente révèle que 60 % des PME avaient traité avec plus d'un directeur de comptes depuis 3 ans. Le Comité estime que ce taux de roulement rapide de personnel empêche les PME d'établir une relation personnelle et forte avec la banque; il endosse donc la recommandation 102 du Rapport du Groupe de travail.

Devant le Comité, le P.D.G. de la Banque Royale du Canada a annoncé la création d'une nouvelle filiale au service des PME. Le Comité ne peut qu'applaudir à des initiatives de ce genre qui peuvent créer des relations plus fortes entre les emprunteurs et leurs institutions financières. Cela devrait également décentraliser les décisions touchant le crédit, dans le sens de la recommandation 10 3 du Groupe de travail.

Les taux des prêts accordés aux PME au Canada se situent pour la plupart entre le taux de base et le taux de base plus 3 %, la moyenne étant de 1,75 % au-dessus du taux de base. Aux États-Unis, la fourchette est beaucoup plus large, pouvant aller du taux de base au taux de base majoré de 8 %, avec un moyenne de 3,25 % au-dessus du taux de base. Cette fourchette plus étroite au Canada signifie peut-être que les banques canadiennes ne tiennent pas bien compte du risque dans l'établissement des taux, ce qui pourrait se répercuter sur l'accessibilité du crédit pour les PME.

En plus de la hiérarchie dans les banques, l'attitude de ces dernières face au risque nuit également à l'accès des PME aux capitaux. Les prêts aux petites entreprises sont souvent consentis à un taux supérieur de 3 % au taux préférentiel. Le problème est résumé clairement par Terry Norman, de la Chambre de commerce du Grand Halifax : « Si le prêt est considéré plus risqué, on préfère le refuser plutôt que l'accorder à un taux supérieur, comme cela est courant aux États-Unis. » Voilà pourquoi les propriétaires de petites entreprises sont souvent contraints d'utiliser leur carte de crédit personnelle ou l'hypothèque sur leur maison principale pour se financer. Par ailleurs, la Wells Fargo offre en ce moment des prêts au taux préférentiel plus 8 % et trouve preneurs. Plutôt que de refuser du crédit aux emprunteurs qui sont prêts à payer une prime de risque, les institutions financières devraient servir ce marché avec des prêts à un taux convenable. Le Comité endosse la recommandation 104 qui va dans ce sens.

L'une des recommandations concrètes du Rapport MacKay concernant le financement des petites entreprises, pour les aider directement, est que les prêteurs devraient être disposés à offrir des programmes de financement plus innovateurs à des prix appropriés pour les emprunteurs à risque élevé qui, actuellement, ne peuvent probablement pas obtenir de financement. Selon mon expérience, cela constitue une déclaration plutôt naïve puisque dans tous les cas à risque élevé, il n'y a pas de prix approprié qui permette de couvrir le ratio de perte et le coût de l'administration.

Christopher Moon (avocat, Davis Webb Schulze & Moon)

Industries du savoir

Les développements technologiques rapides transforment l'économie canadienne. Nous sommes en train de passer d'une économie fondée sur les ressources à une économie du savoir, où les connaissances seront la clé du succès, dans un pays offrant un haut niveau de vie à ses citoyens. Les compétences, l'innovation, l'invention, la technologie, la R-D et l'entrepreneurship sont les moteurs de cette nouvelle économie. L'industrie du savoir ne dispose pas d'actifs physiques, mais humains. En général, les institutions financières se défient de ces entreprises pour cette raison, et parce que le cycle de développement de leurs produits est très long. Ces entreprises comptent donc davantage sur le nantissement que sur un fond de roulement. L'industrie du savoir présente des problèmes de financement très particulier. Ici encore, Terry Norman, de la Chambre de commerce du Grand Halifax, résume très bien le problème : « La plus grande partie de la croissance des PME est le fait des entreprises du savoir, qui ont des besoins de financement non traditionnels. Une bonne part des actifs de ces entreprises rentre le soir à la maison se coucher. Il faut donc abandonner les prêts basés sur les actifs pour des prêts basés sur les flux d'encaisse, avec une connaissance poussée du marché. Dans certains cas, il faut également des prêts facturés en fonction du risque, ce qui est contraire à la pratique des six grandes banques à charte. » Le Comité appuie les recommandations 106 à 108.

Le Groupe de travail formule des recommandations précises qui devraient faciliter l'accès des Autochtones et de leurs institutions au crédit, même si certaines institutions financières ont déjà pris des initiatives importantes à cet égard. Ainsi, la Banque de Montréal a fondé un programme bancaire autochtone en 1992. Elle exploite aujourd'hui des centres bancaires dans 16 villages autochtones partout au Canada. Elle a annoncé plus tôt cette année, qu'en collaboration avec Postes Canada, elle allait étendre ce service dans 20 autres localités éloignées. La Banque TD a établi une coentreprise avec la Saskatchewan Equity Foundation et a créé la Banque des Premières nations. Des mesures importantes comme celles-là ont eu un effet positif sur la vie des Autochtones, le Comité endosse les recommandations 109 à 111.

[Pour avoir accès à des services bancaires personnalisés, il faut d'abord avoir accès à une banque, puis accès à un compte bancaire. Le Groupe de travail a constaté qu'il y avait effectivement un problème, car 600 000 Canadiens n'ont pas de compte bancaire, soit 3 % de la population adulte.

Serge Cadieux (Syndicat Banque Laurentienne, Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés)

Rendement social

Des groupes comme Options Consommateurs, à Montréal, ont montré clairement comment certaines personnes parmi les plus vulnérables de la société n'ont absolument aucun accès aux services financiers de base. Ainsi, elles ont de la difficulté à ouvrir un compte en banque ou à encaisser des chèques d'aide sociale. En 1997, 3 % des Canadiens adultes ne détenaient pas de compte en banque; ce taux dépassait 5 % en Colombie-Britannique et dans les Maritimes. Au total, 8 % des adultes appartenant à des ménages dont le revenu annuel est inférieur à 25 000 $ n'ont pas de compte en banque de base. Ce phénomène est attribuable à l'exigence des pièces d'identité et au fait que les créditeurs peuvent saisir les fonds déposés dans un compte de banque. Des milliers de Canadiens doivent donc compter chaque semaine sur les services de compagnies d'encaissement de chèques comme Money Mart.

Quatre-vingt-quatorze pour cent des Canadiens estiment qu'il est nécessaire pour les particuliers d'avoir un compte d'épargne ou de chèques. Plus de la moitié (51 %) estiment que cela est « absolument nécessaire. . . »

Ceux qui disposent d'un compte en banque voient leurs dépôts, y compris les chèques du gouvernement, retenus de 5 à 7 jours par les institutions de dépôts. Même si les grandes banques à charte ont convenu avec le gouvernement, en 1997, d'un nouveau régime pour faciliter l'accès des Canadiens à faible revenu aux comptes et aux services d'encaissement de chèque, il semble que très peu de progrès ait été réalisé.

Nous pensons que l'accès aux services bancaires de bases devrait être garanti et devrait être un droit pour tous les Canadiens. Malheureusement, le Groupe de travail a dit que les banques devraient prendre un certain nombre de mesures, mais qu'il allait leur accorder plus de temps. Des groupes de citoyens, des groupes de lutte contre la pauvreté et des groupes de consommateurs exercent des pressions depuis plus de 10 ans et essaient d'obtenir que les banques servent équitablement tous les Canadiens, et ce, à un prix équitable.[. . .] Donnez à tous les Canadiens le droit d'avoir un compte bancaire. Exigez des banques qu'elles donnent accès aux services bancaires de base.

Duff Conacher (président, Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire, et coordonnateur, Démocratie en surveillance)

Le Groupe de travail soutient que ce sont des problèmes de mentalité et de culture qui empêchent ici le progrès. Il affirme que les Canadiens à faible revenu ne sont pas perçus par les institutions financières comme des clients valables. Même si la rentabilité était en cause, les institutions canadiennes ne devraient refuser à personne, quelle que soit sa condition socio-économique, l'accès aux services financiers de base à un prix raisonnable. Comme tous les témoins entendus à ce sujet, le Comité est d'accord avec les recommandations 88 à 92. Cependant, sur la recommandation 90a) voulant que le gouvernement fournisse une pièce d'identité personnelle, le Comité préconise la prudence, étant donné les abus et les fraudes possibles. On n'a qu'à penser aux critiques récentes du Vérificateur général concernant les numéros de carte d'assurance sociale. Il faudrait étudier davantage la question avant de se lancer dans l'émission de cartes d'identité aux citoyens.

Si certains s'imaginent qu'en règle générale la plupart des petites entreprises peuvent effectuer leurs transactions bancaires courantes par voie électronique, ils se trompent sérieusement. [. . .] Les détaillants comprennent les possibilités croissantes de la technologie. Ils savent aussi que la technologie est loin de pouvoir remplacer de façon suffisante et complète les services offerts par les succursales locales d'institutions financières concurrentes.

Diane J. Brisebois, (présidente, Conseil canadien du commerce de détail)

Les fermetures de succursales pénalisent avant tout les personnes âgées, les petits villages, les petites entreprises et les personnes à faible revenu. Les édifices proprement dit, si importants il y a quelques années, sont moins indispensables aujourd'hui. Les transactions électroniques, rendues possibles par les guichets automatiques, le téléphone et l'ordinateur personnel ont bouleversé notre relation avec les institutions financières. Dans quelques années, nous devrions être capables de télécharger de l'argent sur nos cartes à puce, à l'aide d'un téléphone public ou d'un ordinateur personnel. Nul doute que de plus en plus de succursales fermeront leurs portes, car les transactions bancaires évoluent vers le recours à des modes de fonctionnement moins coûteux que les modes classiques.

Nous avons donc été ravis de voir que le Groupe de travail recommandait que les institutions financières s'engagent à fournir un accès général à des services bancaires de base.

Andrew Bolter (directeur, Life Spin - Women's Resource Centre)

Le Comité convient que les institutions financières devaient être obligées de donner un préavis de fermeture d'une succursale à la population touchée. Il appuie donc la recommandation 93.

Nous [. . .] travaillons [sur la question du microcrédit, et] nous espérons pouvoir prendre un engagement ferme en ce qui concerne une nouvelle approche à l'égard du microcrédit dans le futur. Et ce n'est pas qu'une vague promesse, nous allons nous y engager et nous occuper de cette question dans le document portant sur l'évaluation de l'intérêt public.

Matthew W. Barrett (président et chef de la direction, Banque de Montréal)

Depuis plusieurs années, la fondation Calmeadow expérimente des modalités de crédit au profit de personnes qui ont besoin de très petites sommes pour se créer un emploi. On peut considérer le microcrédit comme une façon d'accroître l'emploi autonome chez les Canadiens dont les besoins financiers sont trop modestes pour intéresser les institutions financières traditionnelles. Même si ces prêts ont un coût de traitement qui peut fort bien dépasser le rendement escompté, ils ont un potentiel énorme pour le développement social et individuel. Le Comité s'est fait dire par des groupes comme l'Association communautaire d'emprunt de Montréal que les besoins d'emprunt dont on parle vont de 2 000 $ à 20 000 $. « Mais il y a 20 % de la population qui n'a pas accès au crédit dans les institutions financières classiques. Ce sont des gens qui vivent dans la pauvreté, mais ils ont quand même de bonnes idées. Comment peuvent-ils avoir accès au crédit? Des institutions comme l'Association communautaire d'emprunt de Montréal permettent d'y parvenir. » Le Comité estime qu'il faut encourager des initiatives de ce genre; il appuie les recommandations 94 à 97.

Il y a un point au sujet de l'accès au microcrédit que nous aimerions ajouter à ce que dit à ce sujet le Rapport en question; tant au Canada, aux États-Unis que dans les pays en développement, les programmes d'accès au microcrédit ont donné de meilleurs résultats lorsqu'ils étaient reliés à d'autres genres de services, comme la formation en gestion des petites entreprises ou les conseils techniques.

Peter Nares (directeur exécutif, Self Employment Development Initiatives)

Les institutions financières sont actives dans leur milieu. Ainsi, les cinq grandes banques ont été les cinq plus grandes entreprises à contribuer aux causes philanthropiques au Canada en 1997, avec des dons dépassant 78 millions de dollars à l'échelle du pays61. En plus de cela, les institutions financières et leurs employés donnent de leur temps et jouent un rôle dominant dans les activités communautaires. La Table ronde du secteur bénévole relève plusieurs mécanismes nouveaux permettant de bâtir une société plus solidaire et plus compatissante; ces mécanismes devraient être considérés par le gouvernement et le secteur financier. Le Comité suggère donc aux dirigeants des institutions financières et du secteur bénévole d'envisager de nouveaux partenariats comme le suggère la recommandation 98. Ces nouvelles mesures pourraient améliorer sensiblement le sort de nos collectivités.

Les institutions financières ne donneront pas d'argent sans être eccouragées à le faire, car il y a de fortes chances que certaines entreprises ne survivent pas.

Roger Snelling (membre du conseil d'administration, Association des prêts communautaires de Montréal)

Rapports sur les responsabilités envers la collectivité

Comme le Groupe de travail MacKay, le Comité s'est fait dire par la Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire que le Canada devrait adopter une loi semblable à la Community Reinvesment Act (CRA) qui s'applique aux banques aux États-Unis.

Aux États-Unis, la demande de réinvestir dans le milieu émane du mouvement des droits civiques de la fin des années 60 et du début des années 70. Bien des banques et des institutions d'épargne et de crédit avaient exclu de leur activité les vieux quartiers urbains. Dans certaines villes, on encerclait littéralement de rouge sur une carte certains quartiers pauvres où les banques acceptaient les dépôts mais refusaient délibérément de prêter de l'argent aux entreprises ou aux personnes, à cause de la faiblesse du rendement attendu.

Par conséquent, le Congrès américain a adopté en 1975 le Home Mortgage Disclosure Act, baptisé à l'origine Financial Institutions Reporting Act. Les institutions financières étaient tenues de divulguer à quel endroit elles consentaient des prêts. La loi a entraîné un mouvement de réinvestissement. En 1977, les milieux sociaux sont allés plus loin encore et ont exigé, en plus de la divulgation des chiffres, l'obligation de réinvestir dans les quartiers défavorisés. La CRA impose aux prêteurs l'obligation légale de servir toute la population et de répondre aux besoins du milieu où ils font affaire.

La loi américaine oblige notamment les institutions financières à faire la preuve qu'elles rejoignent tous les segments du marché local du crédit, et qu'elles répondent aux besoins de crédit de toute la population, y compris les personnes à revenu moyen et faible, sans pour autant compromettre leur solidité financière. Elle ne force pas les institutions à prêter à des mauvais créanciers en recourant à des quotas ou à des affectations obligatoires de crédit. Le respect de la CRA par les institutions financières est jugé par quatre organismes fédéraux. Les institutions prêteuses sont évaluées aux 18 ou 24 mois sur des critères comme la répartition géographique des prêts et l'investissement et les services dans les milieux servis. Le gouvernement américain est tenu de considérer le respect de la CRA lorsqu'il doit prendre la décision d'autoriser ou non des fermetures de succursales, des acquisitions, des fusions ou des applications de la charte. Il compte sur les rapports et sur la divulgation des données pour encourager les institutions financières à prêter du capital dans les zones défavorisées. La crainte de voir une demande refusée pour infraction à la CRA est le principal incitatif de la loi.

Inspirée par l'expérience américaine, la Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire affirme que les institutions financières canadiennes devraient rendre davantage de comptes afin de mieux répondre aux besoins des milieux locaux. Elle recommande l'adoption d'une loi semblable par le Canada.

Le Comité n'appuie pas cette démarche. D'abord, dans ce secteur en évolution constante, il serait très difficile et très coûteux d'appliquer cette loi. La nouvelle structure de beaucoup d'institutions financières (holdings financiers) retirera les actifs des filiales bancaires traditionnelles, réduisant du même coup le champ d'application de la CRA. Dans le secteur financier de demain, de nombreuses activités bancaires ne seront plus le fait des institutions traditionnelles et ne concerneront plus les produits traditionnels. On n'a qu'à voir les milliards de dollars que les Canadiens versent chaque année dans les fonds mutuels et les portefeuilles d'actions. Deuxièmement, les critères du classement satisfaisant seraient subjectifs et arbitraires; en outre, comme le phénomène de convergence viendrait brouiller les cartes, ce classement traiterait injustement les concurrents. Troisièmement, le premier effet du règlement serait d'accroître le coût des transactions, en particulier pour les petites institutions et celles qui fonctionnent dans les quartiers défavorisés. Quatrièmement, en voulant bien paraître, les institutions financières pourraient adopter des comportements complaisants et choisir des pratiques bancaires inacceptables. Ces investissements moins qu'optimaux pourraient mettre en péril la solidité et la solvabilité de certaines succursales. Par conséquent, des succursales pourraient fermer dans les quartiers déjà mal servis. Contrairement à ce qui se fait aux États-Unis, rien n'indique que nos institutions financières refusent systématiquement le crédit dans les quartiers pauvres. Au Canada, aucune plainte sérieuse n'a été portée à l'attention des autorités à ce sujet.

En outre, le secteur bancaire et le contexte social du Canada et des États-Unis sont très différents. Nous avons des institutions nationales, ils ont des institutions locales. Les villes canadiennes ne sont pas rongées par le cancer qui caractérise tant de vieux quartiers de villes américaines. Par conséquent, le Comité convient avec le Groupe de travail qu'il n'est pas nécessaire d'adopter une loi comme la CRA au Canada.

Ce qui précède ne veut pas nécessairement dire que les institutions financières ne devraient pas être plus transparentes. Le Groupe de travail reconnaît également que nos institutions financières doivent être plus responsables envers les collectivités qu'elles servent. Pour y arriver, il recommande (recommandation 99) que les institutions de dépôts et les compagnies d'assurance-vie réglementées au niveau fédéral soient tenues par la loi de produire des rapports sur les responsabilités envers la collectivité. Ces rapports feraient état des contributions de l'institution financière au milieu : oeuvres philanthropiques, investissement dans le développement communautaire, emplois créés, impôts versés à tous les paliers de gouvernement, participation des employés aux activités communautaires. Ces rapports seraient communiqués chaque année au ministre des Finances et déposés également devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes.

Le Comité n'est pas d'accord avec le volet légal de cette recommandation. D'abord, l'exigence légale alourdirait sensiblement le fardeau réglementaire déjà imposé aux institutions financières. Il y aurait des coûts supplémentaires, en particulier pour les petites institutions et les nouveaux venus. Edmund Clark, du Canada Trust, s'oppose vigoureusement au rapport sur les responsabilités en ces termes : « [le] règement favorise les grandes institutions financières aux dépens des petites, et pourtant, ce sont les petites qui fournissent la concurrence dont profite le consommateur. . . » Dans son mémoire, l'Association canadienne d'assurance-santé et d'assurance-vie affirme : « L'industrie s'inquiète néanmoins du fait que cette exigence pourrait devenir un règlement lourd et coûteux d'application, alors qu'on cherche déjà à simplifier et à réduire la lourdeur administrative des nombreux rapports qu'on exige déjà de l'industrie.

Deuxièmement, la loi pourrait limiter la transparence et la participation à la vie communautaire. Ainsi, Edmund Clark ajoute, dans son témoignage, qu'une loi exigeant des rapports sur les responsabilités envers la collectivité retirerait la responsabilité morale du DG de l'institution envers la population. Il affirme que le PDG ne devrait rien de plus à la société au-delà de ce qu'exige la loi : « Dites-nous seulement ce qu'il faut faire et nous le ferons. »

Troisièmement, comment définir la collectivité? A-t-elle rapport à la présence d'une succursale dans un quartier, à un code postal, à la distribution géographique des clients? Une succursale située dans un parc industriel devrait-elle déposer un rapport? Comment une banque virtuelle, comme ING, la Citizens Bank ou mbanx, définit-elle sa collectivité locale?

Quatrièmement, comme on l'a déjà dit, les fonctions bancaires d'aujourd'hui sont déjà très différentes de celles d'il y a quelques années, et elles continueront de changer. Les institutions à produits uniques exploitées de l'étranger, comme la Wells Fargo ou la Countrywide Credit, devraient-elles être obligées de remplir un rapport? Le secteur bancaire traditionnel sera-t-il le seul à répondre à cette exigence? Comme l'a dit Jean Roy, de l'École des Hautes Études Commerciales: « [I]l faut réaliser qu'il y a un potentiel de mettre les grandes institutions canadiennes dans une situation difficile puisque, d'une part, on leur demande de jouer un rôle social et, d'autre part, le nouvel environnement financier risque de les mettre en compétition avec divers types de sociétés de financement qui n'auront pas à remplir de telles obligations. »

Enfin, on ne sait pas très bien ce que le Comité permanent des finances de la Chambre des communes devrait faire de ces rapports. Avec des milliers de rapports à examiner sur les responsabilités envers la collectivité, il est peu probable que la démarche d'examen public suggérée par le Groupe de travail soit efficace.

Et finalement, les banques canadiennes doivent répondre à l'attente grandissante des Canadiens qui veut que les compagnies de services financiers fournissent des appuis tangibles aux communautés et poursuivent plus de partenariats avec les communautés clientes.

John Cleghorn (président et chef de la direction, Banque Royale du Canada)

Le Comité s'oppose aux recommandations 99 et 100. Il croit qu'il faut continuer à encourager les mesures volontaires, plutôt que de créer un nouveau règlement. Il estime qu'il est dans le meilleur intérêt du secteur des services financiers de participer à la vie communautaire, et de le faire d'une façon qui réponde aux besoins de cette communauté. Les institutions financières, dans de telles circonstances, voudront rendre des comptes sur leurs activités. Cela relève des bonnes pratiques commerciales, et les institutions financières n'ont pas besoin d'un Comité parlementaire pour leur en suggérer.


1 Bien que cette transaction it relativement récente, elle n'exigeait aucune modification de la législation fédérale.

2 Sans dépasser l'ensemble des dépôts bancaires, les sommes investies dans des fonds communs de placement dépassent maintenant le montant total des dépôts personnels en banque.

3 Boston Consulting Group, Financial Services at the Crossroads, janvier 1997.

4 Ibid., p. 24.

5 Bien que les produits dérivés leur permettent d'assumer de nouveaux types de risque, les investisseurs le paient par des taux de rendement légèrement inférieurs à ce qu'ils pourraient obtenir s'ils investissaient directement.

6 Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, Document de discussion, juin 1997, p. 5.

7 McKinsey & Company, L'évolution du secteur des services financiers au Canada : De nouvelles forces, de nouveaux compétiteurs, de nouveaux choix, Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, pièce 7-10.

8 McKinsey & Company. « L'évolution du secteur des services financiers au Canada », Document de recherche préparé pour le Groupe de travail, septembre 1998, pièce 5.13.

9 Concurrence, compétitivité et intérêt public, Document d'information no 1, p. 16.

10 Ce chiffre est une estimation pour 1998. Voir : CIBC, Why Customer Choice and Canadian Ownership Matter, octobre 1997. Dans le document de recherche rédigé par McKinsey & Company pour le compte du Groupe de travail « L'évolution du secteur des services financiers au Canada », les transactions bancaires dans les succursales ont représenté 21 % du total.

11 À en juger par la diapositive « La redistribution des transactions de succursales aux modes de prestation de remplacement se poursuivra au Canada » dans le document de recherche produit par Ernst & Young pour le compte du Groupe de travail intitulé L'adoption des nouvelles technologies par les institutions financières du Canada (septembre 1998), on pourrait conclure que c'est déjà la solution d'hier.

12 Transferts électroniques de fonds au point de vente.

13 En règle générale, les usagers n'économisent pas grand-chose en utilisant un guichet automatique ou les services bancaires par téléphone au lieu de faire affaire dans une succursale. Ils profitent cependant du fait que ces canaux sont beaucoup plus pratiques. Voir McKinsey & Company, pièce 6-29.

14 Les ménages ne contrôlent que partiellement la distribution de leurs actifs financiers et n'ont en général aucun contrôle sur leurs avoirs sous la forme de régimes de pension institutionnels. Les ménages détiennent maintenant 45 % de leurs avoirs discrétionnaires sous une forme à long terme. Cette proportion devrait passer à 60 % dans les 10 prochaines années, ce qui témoignerait d'une désaffectation encore plus grande vis-à-vis des dépôts.

15 On peut concevoir, par exemple, qu'en faisant leurs transactions bancaires sur Internet, les consommateurs canadiens puissent avoir accès aux services d'établissements financiers étrangers qui offrent les produits qu'ils cherchent (dépôts, prêts, assurances et fonds mutuels) à un seul endroit. Si les institutions canadiennes n'étaient pas autorisées à faire de même, elles ne seraient pas compétitives, alors que les Canadiens profiteraient quand même de la concurrence. L'inverse pourrait être également vrai. Certains pays ont une politique de création de « champions nationaux », c'est-à-dire des établissements nationaux qui sont aussi d'importants acteurs sur la scène mondiale. Ils y arrivent par des fusions qui ont pour résultat de créer des marchés intérieurs hautement concentrés. Si le marché intérieur comporte des barrières qui le rendent inattaquable, cette forte concentration pourrait aboutir à une baisse de la concurrence intérieure. Il y a des pays dont les politiques « sacrifient » la concurrence intérieure au profit d'une compétitivité accrue de leurs institutions nationales sur le marché international.

16 À 18 $ par mois pour un « bouquet » de services habituel, les frais bancaires exigés des PME au Canada se situent à mi-chemin entre les tarifs inférieurs qu'on trouve en Europe et les tarifs pratiqués aux États-Unis. (Document d'information no 1, p. 82.)

17 Comité permanent des finances de la Chambre des communes, Témoignages, 29 septembre 1998, fascicule 116, p. 27.

18 « Rapport du Comité technique de la fiscalité des entreprises », soumis au ministre des Finances en décembre 1997, p. 6.25.

19 « Souplesse d'organisation des institutions financières : un cadre d'intensification de la concurrence », Document d'information no 2, p. 77 à 81.

20 Ibid., p. 111.

21 E.P. Neufeld et H. Hassanwalia, « Challenges for the Further Restructuring of the Financial Services Industry in Canada », dans G.M. von Furstenberg, The Banking and Financial Structure in the NAFTA Countries and Chile, Kluwer Academic, Boston, 1997, graphique 12.

22 Ibid., graphique 13.

23 Les commissions, exprimées en proportion du volume des transactions à la Bourse de Toronto et à la Bourse de Montréal, sont passées de 1,6 % en 1987 à moins de 1 % en 1995. C'est durant cette période que les banques ont pris une position dominante dans le secteur des valeurs mobilières. (Groupe financier de la Banque Royale, Three C's of Canadian Banking: Conduct, Competition, Concentration, février 1996.)

24 Coopers & Lybrand, « L'industrie de l'assurance générale », Rapport de recherche produit pour le compte du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, p. 33.

25 DesRosiers Automotive Consultants Inc., Rapport sur l'élargissement des pouvoirs des banques à la location-bail de véhicules légers, p. 15-16.

26 Les prêts bancaires comptent maintenant pour 34 % de l'endettement des entreprises, contre 44 % il y a 10 ans (Rapport, p. 53).

27 En 1991, les dépôts bancaires des particuliers totalisaient 216,5 milliards de dollars et représentaient 4,3 fois les sommes placées dans des fonds communs de placement. En 1997, les dépôts, de 290,3 milliards de dollars, ne représentaient plus que 1,02 fois l'actif des fonds communs de placement.

28 Par exemple, la cote AAA de GE Credit est supérieure à celle de n'importe quelle banque canadienne.

29 I.J. Horstmann, G.F. Mathewson et N.C. Quigley, « Ensuring Competition: Bank Distribution of Insurance Products », Institut C.D. Howe, mai 1996, p. 86.

30 C. Freedman et C. Goodlet, « The Financial Services Sector : Past Changes and Future Prospects », Banque du Canada, Rapport technique no 82, mars 1998, p. 21.

31 Canada Trust ne remplit pas les exigences du Groupe de travail, puisque 35 % de ses actions en circulation ne sont pas assorties d'un droit de vote.

32 Concurrence, compétitivité et intérêt public, Document d'information no 1, p. 193.

33 Changement, défis et possibilités, Rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, septembre 1998, p. 104-105.

34 « Souplesse d'organisation des institutions financières : un cadre d'intensification de la concurrence », Document d'information no 2.

35 Idem., p. 133.

36 Rapport du Comité technique de la fiscalité des entreprises, décembre 1997, p. 4.2.

37 Rapport du Groupe de travail, Concurrence, compétitivité et intérêt public, Document d'information no 1, page 112.

38 McKinsey & Company, L'évolution du secteur des services financiers au Canada : De nouvelles forces, de nouveaux compétiteurs, de nouveaux choix, Rapport de recherche produit pour le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, septembre 1998, pièce 4-4.

39 Euromoney, Euro-gigantisme, février 1998.

40 Charles Freedman et Clyde Goodlet, The Financial Services Sector : Past Changes and
Future Prospects
, Banque du Canada, Rapport technique no 82, p. 25.

41 En janvier 1998, la Banque Royale du Canada et la Banque de Montréal ont annoncé leur intention de fusionner, suivies en avril 1998 de la CIBC et de la Banque TD. Au 31 octobre 1997, les actifs conjugués de la Banque Royale et de la Banque de Montréal auraient dépassé 450 milliards de dollars, tandis que l'avoir de leurs actionnaires atteignait près de 20 milliards. Les actifs totaux de la TD et de la CIBC dépassaient 410 milliards de dollars, alors que l'avoir de leurs actionnaires était de plus de 17 milliards.

42 Charles Freedman et Clyde Goodlet, The Financial Services Sector : Past Changes and Future Prospects, Banque du Canada, Rapport technique no 82, p. 21.

43 Rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, Concurrence, compétitivité et intérêt public, Document d'information no 1, p. 141.

44 Comité permanent des finances de la Chambre des communes, délibération, 27 octobre, fascicule 144, 20h15.

45 Donald G. McFetridge, Enjeux liés à la politique sur la concurrence, p. 101.

46 « L'amélioration structurelle de la réglementation », Document d'information no 5, p. 25.

47 Comité permanent des finances de la Chambre des communes, Témoignages, fascicule 147, 29 octobre 1998, 18h35.

48 Ibid., 18h40.

49 À l'heure actuelle, l'assurance-dépôts est généralement restreinte aux comptes de dépôt libellés en devises locales. Donc, les comptes en dollars américains dans les banques canadiennes ne sont pas garantis par la SADC, tandis que les comptes en dollars canadiens dans les banques américaines ne sont pas protégés par les garanties de la FDIC.

50 Rapport du Groupe de travail, p. 148.

51 Voir McKinsey & Company, L'évolution du secteur des services financiers au Canada : De nouvelles forces, de nouveaux compétiteurs, de nouveaux choix, septembre 1998, pièces 6.33, 6.34.

52 Ibid., pièce 6.25.

53 Ibid., pièces 6.20, 6.21.

54 Ibid., pièce 6.32.

55 Ibid., pièce 6.23.

56 Ibid., pièce 6.22.

57 On peut affirmer que des mesures comme la restriction à l'accès des banques étrangères, l'assurance-dépôts, l'accès au système de soutien des liquidités de la Banque du Canada et la politique de propriété très large constituent des privilèges accordés au secteur bancaire.

58 Ibid., pièce 2.27.

59 En plus de l'accès au crédit, les critiques concernent le roulement des directeurs des comptes et le prix des services financiers : 60 % des répondants à un enquête de la FCEI signalent qu'ils ont fait affaire avec plus d'un directeur des comptes depuis 3 ans.

60 Loi sur les prêts aux petites entreprises, Banque de développement économique du Canada, fonds des agences de développement régional (APECA, PDEC, Programme de développement économique du Québec), Initiative fédérale de développement économique du nord de l'Ontario, Société d'aide au développement des collectivités, Plan d'investissement communautaire du Canada, Source de financement, Société du crédit agricole, Aide financière aux organismes culturels canadiens, Entreprise autochtone Canada, Programme du développement économique des collectivités, Programme de développement commercial, Programme de négociation de l'accès aux ressources, Programme commercial des Premières nations et des jeunes, incitatifs fiscaux généreux comme le Crédit à la recherche scientifique et au développement expérimental (RSDE) et le Crédit au capital de risque de travailleurs.

61 Ibid., pièce 2.43.