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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la santé


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 3 février 2003




¹ 1540
V         La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.))

¹ 1545
V         Mme Colleen Fuller (présidente, Society for Diabetic Rights)
V         La présidente
V         Mme Colleen Fuller
V         La présidente
V         Mme Colleen Fuller

¹ 1550

¹ 1555
V         La présidente
V         Mme Brenda Johnson (vice-présidente, Society for Diabetic Rights)
V         La présidente
V         Dr Jan T. Braaten (endocrinologue et professeur associé, Département de médecine, Université d'Ottawa)

º 1600

º 1605
V         La présidente
V         Mme Julia Hill (directrice générale intérimaire, Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé)

º 1610

º 1615
V         La présidente
V         M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne)
V         Mme Brenda Johnson

º 1620
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Brenda Johnson
V         Mme Colleen Fuller
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Brenda Johnson
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Brenda Johnson
V         Mme Julia Hill

º 1625
V         Mme Brenda Johnson
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Julia Hill
V         M. Rob Merrifield
V         Dr Jan Braaten
V         M. Rob Merrifield
V         Dr Jan Braaten
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Julia Hill
V         M. Rob Merrifield
V         La présidente
V         Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.)
V         Mme Julia Hill
V         Mme Yolande Thibeault

º 1630
V         Mme Julia Hill
V         Mme Yolande Thibeault
V         La présidente
V         Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD)
V         Mme Colleen Fuller

º 1635

º 1640
V         La présidente
V         Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)
V         Mme Colleen Fuller

º 1645
V         Mme Carolyn Bennett
V         Mme Colleen Fuller
V         Dr Jan Braaten
V         Mme Carolyn Bennett
V         Dr Jan Braaten
V         Mme Carolyn Bennett
V         Dr Jan Braaten
V         Mme Carolyn Bennett

º 1650
V         Dr Jan Braaten
V         Mme Julia Hill
V         Mme Carolyn Bennett
V         Dr Supriya Sharma (directrice, Division des produits biologiques et biotechnologiques commercialisés, Direction des produits de santé commercialisés, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé)
V         La présidente
V         M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC)
V         La présidente
V         M. Greg Thompson
V         Mme Brenda Johnson
V         M. Greg Thompson
V         Mme Brenda Johnson
V         M. Greg Thompson
V         Mme Brenda Johnson
V         M. Greg Thompson
V         Mme Brenda Johnson

º 1655
V         M. Greg Thompson
V         Mme Brenda Johnson
V         M. Greg Thompson
V         Mme Julia Hill
V         M. Greg Thompson
V         La présidente
V         M. Greg Thompson

» 1700
V         Mme Julia Hill
V         M. Greg Thompson
V         Mme Julia Hill
V         M. Greg Thompson
V         Mme Julia Hill
V         La présidente
V         Mme Maureen Thompson (gestionnaire, Programme du diabète, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, ministère de la Santé)
V         La présidente
V         Mme Maureen Thompson
V         La présidente
V         M. Georges Nadon (pharmacien-conseil, Programme des services de santé non assurés, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, ministère de la Santé)

» 1705
V         M. Greg Thompson
V         M. Georges Nadon
V         La présidente
V         Dr Supriya Sharma
V         La présidente
V         Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.)
V         Mme Brenda Johnson
V         Mme Brenda Chamberlain
V         Mme Brenda Johnson
V         Mme Brenda Chamberlain
V         Mme Brenda Johnson
V         Mme Brenda Chamberlain
V         Mme Brenda Johnson

» 1710
V         Mme Brenda Chamberlain
V         Mme Julia Hill
V         Mme Brenda Chamberlain
V         Mme Brenda Johnson
V         Mme Colleen Fuller
V         Mme Brenda Chamberlain
V         Mme Julia Hill
V         Mme Brenda Chamberlain
V         Mme Julia Hill
V         Mme Brenda Johnson

» 1715
V         La présidente
V         Mme Brenda Chamberlain
V         La présidente
V         Mme Brenda Chamberlain
V         La présidente
V         Mme Brenda Chamberlain
V         La présidente
V         Mme Brenda Chamberlain
V         La présidente
V         Mme Carolyn Bennett
V         La présidente
V         Mme Julia Hill
V         La présidente
V         Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne)
V         Mme Brenda Johnson
V         Mme Carol Skelton
V         Mme Brenda Johnson
V         Mme Carol Skelton
V         Mme Brenda Johnson

» 1720
V         Mme Carol Skelton
V         Mme Brenda Johnson
V         Mme Carol Skelton
V         Mme Brenda Johnson
V         Dr Jan Braaten
V         Mme Colleen Fuller

» 1725
V         La présidente
V         Mme Carolyn Bennett
V         La présidente
V         Dr Supriya Sharma
V         La présidente

» 1730
V         Mme Julia Hill
V         La présidente
V         Mme Julia Hill
V         La présidente
V         Mme Julia Hill
V         M. Greg Thompson
V         La présidente
V         Mme Julia Hill
V         M. Greg Thompson
V         La présidente
V         M. Ian MacKay (chef d'unité, Unité d'accès spécial aux médicaments, Programme des essais cliniques et d'accès spécial, Bureau du conseiller médical principal, Direction des produits thérapeutiques, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé)
V         La présidente
V         M. Ian MacKay
V         La présidente

» 1735
V         M. Ian MacKay
V         La présidente
V         M. Ian MacKay
V         La présidente
V         M. Ian MacKay
V         La présidente
V         M. Ian MacKay
V         La présidente
V         Mme Julia Hill
V         La présidente
V         Mme Julia Hill
V         La présidente
V         Mme Julia Hill
V         La présidente
V         Mme Julia Hill
V         La présidente
V         Mme Colleen Fuller
V         La présidente
V         Mme Colleen Fuller
V         La présidente
V         Mme Julia Hill
V         La présidente
V         Mme Julia Hill
V         La présidente
V         Mme Julia Hill
V         La présidente
V         Mme Julia Hill
V         La présidente
V         Mme Carolyn Bennett

» 1740
V         Mme Colleen Fuller
V         La présidente
V         Mme Judy Wasylycia-Leis

» 1745
V         La présidente
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Mme Colleen Fuller
V         La présidente
V         Mme Carolyn Bennett
V         La présidente
V         Mme Brenda Chamberlain
V         La présidente










CANADA

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 018 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 3 février 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1540)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs.

    J'ai grand plaisir à déclarer ouverte la première réunion de travail de la nouvelle année et d'accueillir en votre nom les représentants de la Society for Diabetic Rights, l'Université d'Ottawa et le ministère de la Santé.

    Nous avons convoqué cette réunion en réponse à une série de communications adressées par la Society for Diabetic Rights et de particuliers de partout au Canada qui s'inquiétaient de divers aspects entourant l'insuline synthétique par opposition à l'insuline naturelle. Nous espérons que vous nous expliquerez non pas simplement une série de symptômes, mais ce qui, à votre avis, cloche dans un système qui est censé vous permettre de soigner le diabète.

    Je cède la parole à mesdames Colleen Fuller puis Brenda Johnson.

    Madame Fuller.

¹  +-(1545)  

+-

    Mme Colleen Fuller (présidente, Society for Diabetic Rights): Merci.

    À combien de temps devons-nous limiter notre exposé?

+-

    La présidente: Votre organisme a droit à 10 minutes. C'est à vous de vous partager ce temps comme bon vous semble.

+-

    Mme Colleen Fuller: Bien. C'est moi qui commencerai, et j'imagine qu'il y aura ensuite une période de questions à laquelle ma collègue et moi répondrons. Cela convient-il?

+-

    La présidente: Certainement.

    Je vous suggère de ne pas vous étendre longuement sur votre association. Certains témoins ont tendance à expliquer longuement qui ils sont, en nous donnant le nombre de leurs membres, et toutes sortes d'autres détails. Ce qui nous intéresse, c'est de savoir comment nous pouvons vous aider.

    Merci.

+-

    Mme Colleen Fuller: Bien.

    Je m'appelle Colleen Fuller et je viens de Vancouver, en Colombie-Britannique. Je suis la présidente de la Society for Diabetic Rights que vous connaissez tous bien.

    Je remercie le comité de prendre le temps de nous entendre et de nous permettre de faire cet exposé aujourd'hui.

    Nous comptons quelque 250 à 300 membres partout au Canada, et nous nous intéressons à cette question sans pour autant être des spécialistes. Nous regroupons des gens souffrant de diabète et des parents d'enfants diabétiques, notamment.

    Nous demandons au comité permanent de tenir des audiences publiques sur les constatations faites par des Canadiens qui utilisent de l'insuline synthétique. Cette utilisation pose en effet certaines questions pointues. Nous savons que vous avez tous reçu la correspondance que nous vous avons fait tenir, mais nous espérons que le comité se penchera néanmoins sur certaines questions précises et le genre de recommandations qu'il pourra faire à Santé Canada.

    Tout d'abord, on comprend mal ce qui se passe quand on utilise de l'insuline synthétique et on ne sait pas non plus combien de Canadiens ont eu de mauvaises expériences en l'utilisant. On signale à Santé Canada, surtout depuis un an ou deux, un nombre croissant de réactions indésirables dus à l'insuline synthétique; on parle d'environ 630 à 635 cas de réactions indésirables.

    On nous a évidemment signalé des cas de partout au Canada et les comptes rendus que nous recevons sont assez uniformes, tout comme il y a aussi uniformité entre ce qui se passe au Canada et ailleurs dans le monde en ce qui concerne les types de problèmes qui sont signalés. Mais on ne sait pas vraiment quelle est la situation au Canada. En effet, il y a à notre avis un laisser-aller dans la surveillance des cas de réactions indésirables au Canada après la mise en marché d'un produit, et je ne parle pas ici uniquement de l'insuline mais de tous les médicaments mis sur le marché.

    On estime en gros de 1 à 3 p. 100 le nombre de cas d'effets indésirables attribuables à l'utilisation d'insuline. En effet, bon nombre de médecins canadiens estiment que de 1 à 3 p. 100 de diabétiques canadiens ont eu des effets indésirables parce qu'ils avaient utilisé de l'insuline synthétique. Au Royaume-Uni, l'organisation nationale d'aide aux diabétiques, appelée Diabetes UK, évalue à environ 20 p. 100 le nombre de diabétiques qui ont de la difficulté à contrôler leur diabète avec l'insuline synthétique.

    La correspondance entre le gouvernement de la Suisse et l'Organisation mondiale de la santé, que nous venons de recevoir, révèle qu'on évalue à environ 10 p. 100 le nombre de diabétiques éprouvant des problèmes avec l'utilisation de l'insuline synthétique. Voilà pourquoi le gouvernement de la Suisse a demandé à l'OMS de se pencher sur la question de l'accès à l'insuline de porc, ce qui laisse croire qu'il y a aussi des problèmes en ce sens dans ce pays.

    Selon certaines études effectuées en Europe on estime qu'il y a jusqu'à 53 p. 100 des diabétiques qui auraient des difficulté à contrôleur leur diabète depuis qu'ils utilisent ce type d'insuline. Or, aux États-Unis, la Food and Drug Administration affirme que l'insuline Humulin, fabriquée par Eli Lilly, arrive au huitième rang des médicaments en regard desquels on a signalé des réactions indésirables.

    Cela porte à croire que l'on ne s'est pas assez intéressé suffisamment aux problèmes et aux difficultés qu'ont connues les Canadiens. La fourchette dont il est question est très vaste, puisqu'on parle de 3 à 53 p. 100 des Canadiens diabétiques sans savoir où la réalité se situe.

    Nous voudrions que le comité permanent se penche de plus près sur la situation et que, s'il le juge approprié—tout comme nous bien entendu—il recommande à Santé Canada d'intensifier son programme de surveillance de l'insuline synthétique après la mise en marché.

    Nous souhaiterions également que l'on scrute davantage qu'on ne le fait actuellement les monographies de produits, car celles-ci posent un problème, à notre avis. Nous n'avons pas réussi à mettre la main sur toutes les monographies, mais nous en avons obtenues quelques-unes grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

    Le «Cochrane Review» qui est peut-être mentionné dans la correspondance qui vous est parvenue, fait mention des anticorps. On y expliquait, ce qui m'avait fort intéressé, que ce qu'affirmaient les fabricants au sujet des anticorps formés à la suite de l'absorption d'insuline synthétique servaient plutôt à promouvoir leurs produits et ne se fondaient pas sur de véritables preuves scientifiques.

    Tout cela était fort intéressant, et en fouillant dans nos documents, j'ai constaté qu'en novembre 1987, au moment où Novo Nordisk demandait l'approbation de son insuline, la personne qui examinait les preuves soumises par la compagnie Novo Nordisk affirmait ceci:

    Ce qui me préoccupe dans cette façon de faire
...on parle ici de la compagnie publiant la monographie de produits...

c'est qu'en rendant disponible l'information et la conclusion selon lesquelles «le passage des insulines animales (boeuf/porc de Connaught/Novo à l'insuline humaine Novalin résulterait en une diminution importante des niveaux d'anticorps contre l'insuline après le passage» pourrait être considéré comme de la publicité...

    C'est également ce dont s'inquiétaient les gens qui s'intéressaient à la question à cette époque-là. Ils se demandaient si l'information transmise par les entreprises au sujet des anticorps était exacte ou si elle ne servait qu'à faire la promotion de leurs produits.

    Nous pensons que c'est justement pour cette raison et pour d'autres raisons connexes sur lesquelles je reviendrai plus tard, qu'il est nécessaire d'examiner la véracité des monographies de produits.

    Quelles mesures a prises Santé Canada pour sensibiliser la population en général, le milieu médical, les spécialistes du diabète et les diabétiques eux-mêmes, à la possibilité d'avoir recours à de l'insuline de porc comme solution viable de traitement pour les diabétiques qui connaissent des réactions indésirables à l'insuline synthétique. Il est sans doute inutile pour moi d'expliquer au comité à quel point on ignore au Canada qu'il est possible d'avoir accès à de l'insuline de porc, ce qui a porté préjudice à tous ceux qui ne savaient pas qu'il leur suffisait de changer d'insuline plutôt que de continuer à subir ces réactions indésirables horribles.

    À notre grand désarroi, nous avons également entendu dire qu'il était parfois difficile de mettre la main sur de l'insuline malgré le programme d'accès spécial. Nous espérons qu'il sera possible d'en parler lors d'une audience publique.

    Ce qu'il nous faut actuellement au Canada, c'est une stratégie nationale en vue de rendre accessible l'insuline animale, à court terme, mais aussi à plus long terme. Nous entendons par là l'insuline de porc et de boeuf, qui doit être rendue accessible à bon nombre de gens. On ne parle pas ici d'avoir le choix du marché. Il ne s'agit pas ici non plus de choisir entre deux types d'insuline; il s'agit ici d'avoir accès à une insuline qui vous permettra de continuer à mieux vivre et qui ne sera pas une menace pour vous, en compromettant votre santé ou, à vrai dire, en la mettant en danger.

¹  +-(1550)  

    Nous remercions le comité d'avoir écouté notre exposé. J'ai apporté un texte écrit, mais comme on n'a pas eu le temps de le faire traduire, il n'est qu'en anglais. Mais je serai très heureuse de le remettre aux membres du comité. Nous répondrons également avec plaisir à vos questions.

    Merci beaucoup.

¹  +-(1555)  

+-

    La présidente: Merci, madame Fuller.

    Malheureusement, nous ne pouvons distribuer un texte uniquement en anglais. Toutefois, notre greffier fera traduire votre mémoire et le fera distribuer ensuite.

    Madame Johnson.

+-

    Mme Brenda Johnson (vice-présidente, Society for Diabetic Rights): Plutôt que de vous faire un exposé, je préférerais répondre à vos questions.

+-

    La présidente: C'est bien. Merci.

    Nous entendrons maintenant Jan Braaten de l'Université d'Ottawa.

    Monsieur Braaten vous avez la parole.

+-

    Dr Jan T. Braaten (endocrinologue et professeur associé, Département de médecine, Université d'Ottawa): Merci.

    Je viens ici pour vous expliquer quelles ont été les différents types d'insulines utilisées au fil des ans et ce que sont les nouveaux analogues de l'insuline, appelés aussi insuline synthétique. Je devrais sans doute parler plutôt d'analogues, étant donné que l'insuline de boeuf et l'insuline de porc font partie des analogues de l'insuline. Mais pour l'instant, ils sont regroupés sous l'appellation d'insuline synthétique.

    Tout le monde sait que l'insuline a été découverte en 1921 par Banting et Best et que au cours des cinquante années qui ont suivies, on n'avait accès qu'à de l'insuline animale, utilisée dans différentes combinaisons. Il y a eu l'insuline—zinc—protamine, l'insuline lente, puis l'insuline isophame plus tard—ce sont toutes des insulines à action prolongée—mais il faut comprendre que pendant les cinquante premières années, il n'existait que l'insuline animale et que pendant les trente à quarante premières années, seule existait l'insuline à action rapide. Les diabétiques qui y ont eu recours pendant ces années-là sont toujours vivants, et plusieurs d'entre eux se portent toujours très bien même après cinquante ans et plus d'utilisation. Il ne faut donc pas considérer l'insuline animale comme étant mauvaise. Le problème vient de ce que l'insuline de boeuf, avec trois changements des éléments constitutifs, avait tendance à créer plus d'anticorps. Elle agissait donc plus longtemps que l'insuline humaine, mais la création des anticorps réagissant contre l'insuline posait problème.

    L'insuline de porc ne présente qu'un changement d'éléments constitutifs par rapport à l'insuline humaine, mais son action est presque identique. Par conséquent, le passage de l'insuline de porc à l'insuline humaine n'a que peu de conséquences, tandis que le passage de l'insuline de boeuf à l'insuline humaine peut avoir des conséquences très graves pour certains patients.

    Laissez-moi vous donner un exemple précis: Une de mes patientes utilisait un mélange d'insuline boeuf et porc. Il faut savoir qu'en Amérique du Nord, on utilise surtout de l'insuline de boeuf, puisque c'est un animal que l'on a en Amérique du Nord en plus grande quantité que le porc, alors que c'est l'inverse en Europe, là où on utilise plus fréquemment de l'insuline de porc, mais que c'est là une considération accessoire.

    Cette patiente—dont le cas n'est pas secret puisqu'il a été divulgué dans les journaux—a été hospitalisée et traitée avec de l'insuline humaine pour son acidocétose. La chute rapide de glucose dans son sang a entraîné chez elle deux arrêts cardiaques, à la suite de quoi elle a refusé catégoriquement de recommencer à utiliser l'insuline humaine. Que je sache, elle est la seule personne à importer actuellement de l'insuline de boeuf de Grande-Bretagne. Elle en est entièrement satisfaite et son diabète est bien contrôlé. Elle souffre de certaines complications, mais cela est accessoire.

    En 1980, nous avons obtenu de l'insuline humaine, grâce à la découverte du gène de l'insuline humaine. On l'a d'abord transférée dans des bactéries, puis dans des levures—expliquer simplement, le gène a été inséré d'abord dans des bactéries, puis dans des levures—et ces levures ont fabriqué ensuite de l'insuline humaine. Maintenant que l'insuline est produite dans des réservoirs énormes, un peu comme la levure de bière, on obtient autant d'insuline humaine que l'on veut à partir du gène humain.

    Mais ce n'est pas ce que l'on appelle de l'insuline synthétique. C'est au fond de l'insuline humaine qui est la même que celle que produit notre corps, qui en a exactement la même composition, qui ne présente aucune différence par rapport à celle-ci et qui n'entraîne la formation d'aucun anticorps.

    On a cru que cette insuline serait l'insuline idéale, mais malheureusement ce ne fut pas le cas. Certains diabétiques n'aimaient pas l'insuline humaine car elle s'injectait difficilement et entraînait quelques complications. Certains ont demandé à ravoir l'insuline de porc ou de boeuf. Toutefois, la compagnie Lilly tout récemment, et la compagnie Novo Nordisk avant elle, ont cessé toutes les deux de produire de l'insuline animale parce qu'elle se vendait moins bien et qu'il était plus difficile d'obtenir les pancréas de ces animaux et d'en extraire l'insuline, etc. Il est en effet beaucoup plus facile de cultiver de l'insuline dans un énorme réservoir, à partir de levure évidemment.

    C'est donc l'insuline humaine qui a pris la relève et qui a eu pratiquement le même effet que l'insuline de porc. Mais quelques personnes ont constaté certaines différences entre l'insuline de porc et l'insuline humaine. Parmi les personnes qui sont passées de l'insuline de boeuf à l'insuline humaine, beaucoup ont éprouvé des difficultés. C'est que l'insuline humaine réagit beaucoup plus rapidement et qu'aucun anticorps n'a été développé pour permettre d'en atténuer l'effet. Le résultat, c'est que des personnes qui auparavant contrôlaient très bien leur diabète avec une injection d'insuline par jour, c'est-à-dire de l'insuline de boeuf de ou porc, ou de l'insuline de boeuf—surtout parce que l'insuline de boeuf se compose d'environ 80 p. 100 d'insuline nord-américaine boeuf-porc—ont eu de la difficulté à contrôler leur taux de glucose, ce qui provoqué des lipoglycémies. Ils ont dû alors s'administrer deux, trois ou peut-être quatre injections par jour sans parvenir à contrôler leur diabète comme ils le faisaient auparavant.

    C'est un phénomène que j'ai constaté à maintes reprises. Je suis ici depuis bien des années et j'ai eu un certain nombre de patients qui ont connu tous ces développements. Je les ai suivis de façon constante. Il ne fait aucun doute que bien des personnes qui arrivaient à bien contrôleur leur diabète par le passé, c'est-à-dire des diabétiques à long terme, ont eu de la difficulté à régulariser leur taux de glucose et ont dû passer à l'insuline humaine à cause de ce problème d'action rapide et de contrôle irrégulier.

    C'est un phénomène que ne reconnaissent pas toujours les médecins qui voient très peu de patients diabétiques. Il faut en voir beaucoup pendant bien des années avant d'être convaincu qu'il s'agit d'un problème réel. Je peux vous dire que c'est un problème réel, cela ne fait aucun doute.

    Puis, et j'en ignore précisément la raison, il y a eu les analogues de l'insuline. Dans ces insulines synthétiques, on remplace l'un des éléments constitutifs de la molécule d'insuline humaine par un autre élément, ou amino-acide. L'insuline compte 51 amino-acides ou éléments constitutifs. L'un de ces amino-acides est remplacé par un amino-acide différent, ce qui provoque un effet différent. La molécule change de forme, modifie l'adhésion aux récepteurs et a un léger effet différent.

    Malheureusement, la première insuline a entraîné des tumeurs dans le foie des rats. On a donc abandonné ce type d'insuline. En ce qui concerne les deux qui sont maintenant sur le marché, l'une fabriquée par la société Eli Lilly et l'autre par Novo Nordisk—on a établi qu'elles ne présentaient aucun risque de développement de tumeurs.

    La particularité de ces deux analogues synthétiques, appelées Lispro ou Humalog, et Aspart ou NovoRapid, c'est qu'elles agissent très rapidement. Leur action est d'environ cinq heures alors qu'avec l'insuline normale ou régulière, elle est d'environ huit à dix heures. Et ce, avec le même nombre de molécules d'insuline. Donc, cela signifie que pour une personne qui s'administre de l'insuline rapide, qui agit en cinq heures, comparativement à une personne qui s'administre de l'insuline normale qui agit sur 10 heures, l'effet de cette insuline sur leur taux de glucose est évidemment beaucoup plus intense. C'est donc le problème provoqué par les nouvelles insulines, à savoir que ces personnes éprouvent beaucoup plus rapidement des symptômes d'hypoglycémie.

    Ce problème n'est pas aussi marqué chez les diabétiques récents, disons au cours des dix premières années et peut-être même jusqu'à 15 ans, lorsque leur corps conserve encore un certain mécanisme de régulation. Mais chez les diabétiques de longue date, c'est-à-dire 20, 30 ou 40 ans, que je vois assez souvent, ces personnes ont perdu le mécanisme de régulation leur permettant de vraiment combattre l'hypoglycémie. Le diabète à long terme réduit la réponse des hormones de stress qui permettent aux gens de se défendre contre l'hypoglycémie et perturbe toutes sortes de mécanismes normaux de régulation. Le problème, pour ces personnes, c'est que leur taux de glucose dans le sang baisse rapidement. Ce n'est pas un problème sur lequel on semble insister parce que peu de médecins ont l'occasion de voir beaucoup de personnes qui souffrent de diabète à long terme, parce qu'elles ne sont pas très nombreuses. Le principal problème que cause cette nouvelle insuline, c'est la baisse rapide du taux de glucose dans le sang.

º  +-(1600)  

    On dit de cette nouvelle insuline qu'elle est une insuline prandiale. Si on l'administre avant le repas, elle agit pendant cinq heures car son action est plus marquée pendant l'absorption normale de nourriture. C'est évidemment le cas, mais si on utilise de l'insuline ordinaire et qu'on l'administre une demi-heure avant le repas, on obtient pratiquement le même effet. Il n'est donc pas absolument nécessaire d'utiliser cette nouvelle insuline comme une insuline prandiale. Alors, il faut aussi l'utiliser trois à quatre fois par jour. Si on agit ainsi, on s'attend à parfaitement contrôler le taux de glucose. On peut contrôler l'hypoglycémie postprandiale, le taux de glucose élevé, et tout devrait être parfaitement contrôlé.

    Il a été démontré que le contrôle général du taux de glucose à l'aide de ces nouvelles insulines n'est pas nécessairement meilleur que dans le cas des anciennes insulines. L'hémoglobine A1C, qui représente le taux de contrôle général, n'a pas changé. Cela ne signifie pas qu'il ne change pas dans certaines études, selon la façon dont l'étude est faite et quel en est l'objectif, mais que dans la pratique, sur plusieurs années, il aurait été impossible de dire que ces nouvelles insulines étaient meilleures que les anciennes parce que le taux de contrôle était essentiellement le même. La raison, c'est que lorsqu'on utilise uniquement cette insuline d'action rapide, il y a certains intervalles de temps où le taux de glucose est plus élevé—il n'y a plus d'insuline. Lorsque vous utilisez les anciennes insulines, le contrôle du taux de glucose est plus constant.

    Donc ce n'est pas aussi simple que de parler d'insuline prandiale. C'est idéal pour les repas mais un peu plus compliqué que cela car il faut contrôler le taux de glucose pendant 24 heures, et il y a bien des fois où l'intervalle entre les repas est long et on a besoin d'insuline à action prolongée.

    Aujourd'hui, un nouvel analogue de l'insuline, ou insuline synthétique, fait son entrée sur le marché au Canada. Il est utilisé aux États-Unis. Il est plus ou moins stable pendant 24 heures ou plus. Un peu comme l'insuline-zinc-protamine utilisée par le passé, qui était une insuline de source animale. Il s'agit de l'insuline «glargine»—c'est probablement un nom difficile à retenir—qui comporte des changements supplémentaires à la molécule de l'insuline humaine. Cette insuline semble assez efficace, mais nous n'en avons pas fait l'expérience, donc nous ne pouvons pas nous prononcer. Il y a donc un certain nombre d'autres expériences qui se déroulent à l'heure actuelle comportant toutes sortes de changements à la molécule de l'insuline de sorte qu'on obtiendra toute une série d'insulines—et je ne crois pas que nous en ayons besoin, mais c'est une autre question; c'est très subjectif.

    Il faut que le traitement du diabète soit individualisé. Nous avons des gens qui ont besoin de moins de 20 unités par jour—même une demi-unité à la fois—et d'autres personnes qui ont besoin de 60, 70, 100 unités par jour et qui sont assez stables. Les variations d'une personne à l'autre sont tellement énormes qu'il nous est impossible de faire de déclaration à propos de l'insuline qui soit absolument universelle. Chaque cas doit être traité de façon individuelle et il faut examiner la situation en fonction de leur constitution, parce que chacun développe des complications de façon différente, réagit différemment à l'insuline, à un rythme diurne différent et réagit différemment à d'autres hormones que l'insuline. Les différences sont tellement nombreuses que nous ne pouvons pas déclarer de façon catégorique «voici ce qui convient et voici ce qui ne convient pas». Les anciennes insulines présentent des problèmes et les nouvelles insulines aussi. Il ne s'agit malheureusement pas d'une situation simple.

    Je me ferai un plaisir de répondre aux questions s'il y en a.

º  +-(1605)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant céder la parole à Julia Hill, du Ministère de la Santé, qui pourra peut-être nous expliquer comment Santé Canada a suivi la situation et a réagi aux—je ne sais pas si c'était 300 ou 600—rapports défavorables que vous avez reçus l'année dernière à propos de patients sur qui l'insuline synthétique ou humaine a entraîné des réactions défavorables.

+-

    Mme Julia Hill (directrice générale intérimaire, Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé): Je me ferai un plaisir d'aborder cette question. J'aimerais aussi indiquer au comité que nous sommes très reconnaissants à la société pour l'approche constructive dont elle a fait preuve dans ses rapports avec le ministère. Cela a été aussi pour nous une très bonne expérience de sensibilisation.

    Le fait est—et c'est notre première déclaration—qu'il existe de toute évidence des Canadiens qui ont besoin d'insuline de source animale pour gérer leur diabète. Cela ne fait aucun doute dans notre esprit.

    Nous reconnaissons que c'est un sujet je préoccupation. L'état actuel de la science ne nous permet pas de comprendre pourquoi les insulines synthétiques ou les insulines humaines ne fonctionnent pas aussi bien pour certaines personnes que les insulines de source animale, mais c'est clairement le cas, et il s'agit de vraies personnes qui expriment de vrais problèmes. Par conséquent, nous prenons effectivement cette théorie au sérieux.

    Les insulines humaines et de source animale répondent toutes deux aux exigences en matière de sécurité. Lorsque les deux types d'insuline ont été évalués, ils ont répondu aux besoins en matière de sécurité. Et de toute évidence, il y a de très nombreux Canadiens qui utilisent l'insuline synthétique ou humaine en toute sécurité, mais nous sommes préoccupés par ceux qui ont besoin d'insuline de source animale. Les données dont nous disposons en ce qui concerne les effets indésirables des médicaments sont en fait comparables pour les deux types. Si on tient compte du fait qu'il y a un nombre beaucoup plus élevé des personnes qui utilisent l'insuline humaine, il y a un nombre beaucoup plus élevé de réactions indésirables à un médicament. Mais lorsque l'on fait la comparaison, rien ne nous indique qu'un type pose de plus graves problèmes que l'autre.

    Le fait est que le diabète est une maladie très grave, qui peut être mortelle. Cela fait de nouveau ressortir la nécessité pour chaque patient de pouvoir choisir le produit qui correspond à ses propres besoins.

    Nous comprenons la préoccupation de la Society for Diabetic Rights à propos de l'accès à l'insuline de source animale. Il ne fait aucun doute que certaines décisions commerciales ont été prises par des entreprises, du milieu jusqu'à la fin des années 90, qui ont entraîné le retrait du marché de l'insuline bovine de même que de l'insuline bovine-porcine. Il ne s'agissait pas d'une décision de Santé Canada de retirer l'autorisation de ce médicament; c'était une décision commerciale prise par l'entreprise. Il nous reste une entreprise autorisée, Eli Lilly, qui continue à fournir de l'insuline porcine au Canada. L'idéal serait de ne pas avoir de monopole. L'idéal serait qu'une autre entreprise offre ce produit; ce serait beaucoup plus rassurant pour tout le monde.

    Cela nous amène à nous interroger sur le rôle de Santé Canada. Selon les lois du pays, le gouvernement ne peut pas obliger le secteur privé à mettre un produit sur le marché; c'est le contexte dans lequel nous travaillons. Cela s'applique aux sociétés pharmaceutiques. Il appartient à Santé Canada de s'assurer que les produits qui sont mis sur le marché répondent aux normes en matière de sécurité.

    Mais ces deux commentaires ne sont pas très rassurants pour ceux qui ont besoin d'insuline de source animale. Donc, si on reconnaît que nous ne pouvons pas obliger une entreprise à mettre un produit sur le marché et que nous ne pouvons pas empêcher une entreprise qui veut cesser de produire un médicament de le faire, que pouvons-nous faire? Nous y avons travaillé. Nous sommes arrivés à mi-chemin, mais il ne fait aucun doute que cette discussion sera très utile et que nous accueillons les idées provenant d'autres secteurs de la collectivité. Il n'y a pas de solution facile. Nous avons pris certaines mesures. Nous devons faire plus. Nous avons publié une première brochure intitulé «Votre santé et vous», qui a donné suite à certaines des premières préoccupations qui nous ont été communiquées à propos de l'innocuité de l'insuline humaine. Nous sommes en train de préparer un nouveau numéro parce que nous devons fournir des renseignements supplémentaires sur les insulines de source animale et sur la disponibilité actuelle des insulines de source animale. Nous sommes donc en train d'y travailler.

    Nous continuons de vérifier que le fournisseur actuel d'insuline porcine a l'intention de continuer à fournir cette insuline. La dernière communication que nous avons reçue de Eli Lilly remonte au 29 janvier et indiquait que pour l'instant, «Lilly n'avait aucun plan de cesser la production de l'insuline porcine purifiée Iletin II.» Les mots «pour l'instant» ne nous ont pas rassurés autant que nous aurions aimé l'être. À vrai dire, il n'y a pas grand-chose que Santé Canada puisse faire pour obliger l'entreprise à fournir plus de détails.

    Nous avons fait des recherches pour trouver d'autres sources d'insuline animale. Nous savons qu'il en existe une au Royaume-Uni, qui nous a été communiquée par notre savant collègue plus tôt, et il est possible d'avoir accès à ces produits par l'entremise du programme d'accès spécial. Nous sommes au courant d'une autre source en France et d'une en Asie. Aucune de ces entreprises n'a demandé l'autorisation de mettre son produit en marché au Canada. Par conséquent, aucun de ces produits ne peut être évalué par Santé Canada ou l'a été. Il faut que nous en recevions la demande de l'entreprise et l'information relative à son produit.

    À l'heure actuelle, l'accès à l'insuline bovine-porcine, et à l'insuline bovine est possible grâce à notre programme d'accès spécial. Il permet aux médecins et aux patients d'avoir accès à des produits dont la mise en marché n'est pas autorisée au Canada. Ce n'est pas une situation idéale, et nous en sommes conscients. Il y a des problèmes. Il s'agit d'un produit qui n'a pas été évalué. Nous ne pouvons pas vraiment parler de l'innocuité et de l'efficacité des produits qui sont fournis dans le cadre du programme d'accès spécial; comme je l'ai déjà dit, l'entreprise n'a pas demandé...et n'a pas fourni d'information.

º  +-(1610)  

    Ce processus impose une démarche supplémentaire à des personnes dont la vie est déjà assez compliquée. Nous sommes conscients des problèmes liés aux coûts et nous espérons que les discussions FPT en cours permettront de les régler.

    Toutefois, étant donné que les entreprises intéressées n'ont pas demandé d'approbation, le programme d'accès spécial reste le seul moyen pour ces patients d'obtenir ces produits. Pas plus tard qu'à l'automne dernier, nous avons discuté avec les dirigeants de la société CP Pharmaceutical du Royaume-Uni qui est le principal fournisseur d'insuline porcine et bovine au Canada. Nous leur avons expliqué les exigences à satisfaire pour présenter une demande. Nous avons parlé des mesures que nous pourrions prendre pour leur faciliter le processus—dans les limites, bien entendu, de nos obligations réglementaires. Mais qu'aurions-nous pu faire pour les encourager? Il y a cinq ans, ils nous avaient parlé de la possibilité de demander une autorisation. Ils ne l'ont pas fait. Qu'aurions-nous pu faire pour les inciter à le faire?

    Je sais, pour en avoir parlé avec Mme Johnson de la société, qu'eux aussi en ont discuté, et nous leur avons expliqué le processus. Je le répète, nous sommes tout à fait disposés à faciliter les choses, mais à ce jour, nous n'avons reçu aucune demande.

    Nous avons toujours à coeur d'encourager ce genre de demande, de discuter avec les entreprises et de nous mettre à leur disposition. Nous souhaitons vivement travailler avec la société et tout autre intervenant du système de soins de santé du Canada pour essayer de trouver une solution. Nous mettrons à jour le bulletin d'information «Votre santé et vous» et veillerons à ce qu'il soit largement diffusé. Nous tiendrons des consultations avant de publier le document final afin de nous assurer de répondre autant que possible aux préoccupations de la société et d'autres groupes intéressés, car il y en a d'autres avec qui nous discutons de ces questions. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

    Je suis en compagnie de trois experts techniques—ce qui n'est pas mon cas—le Dr Supriya Sharma, qui est médecin et qui s'occupe de la surveillance après la mise en marché; M. Harold Rode, un scientifique qui détient un doctorat et qui connaît à fond la question; et M. Ian MacKay, gestionnaire du programme d'accès spécial. Nous sommes prêts à répondre à vos questions et à engager la discussion.

º  +-(1615)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup, quoique je ne suis pas convaincue qu'il nous serait vraiment utile de mieux comprendre la science puisqu'il me semble qu'il s'agit plutôt d'une question de marché et d'économie.

    M. Merrifield posera les premières questions.

+-

    M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Je vous remercie d'être venus. Il s'agit effectivement d'une question importante.

    J'ai discuté à quelques reprises avec les représentants de l'association des diabétiques—au moins une fois dans mon bureau et à d'autres occasions par téléphone—et j'ai reçu des lettres à ce sujet. Au cours de la dernière année, je me suis intéressé à la question car j'ai eu l'occasion de me familiariser un peu avec les difficultés que vivent les diabétiques qui utilisent de l'insuline animale et qui craignent de ne plus pouvoir l'obtenir.

    J'ai quelques questions à poser. Premièrement, pour les sociétés pharmaceutiques, s'agit-il purement et simplement d'une question économique ou y a-t-il d'autres facteurs? Est-ce que la marge bénéficiaire est plus élevée pour l'insuline humaine? Est-il plus rentable de fournir ce genre d'insuline plutôt que de l'insuline animale? Ces questions se posent.

    Comme je suis très conscient du problème, j'ai écrit à la ministre pour voir si elle est au courant du problème. J'ai reçu une réponse vendredi dernier. C'est peut-être un de nos témoins qui a rédigé la lettre—je ne sais pas—mais c'est bien elle qui l'a signée.

    Je pense que la question est de savoir si les médecins sont bien informés. Sont-ils assez informés, est-ce qu'ils prescrivent la bonne sorte d'insuline et ont-ils l'impression que l'insuline animale est un médicament dépassé? D'après vous, est-ce que cela fait partie du problème?

    Je ne sais pas qui veut répondre à cette question; j'essaie simplement de mieux cerner le problème.

+-

    Mme Brenda Johnson: Eh bien, en réponse à votre première question, au sujet des facteurs économiques, pour nous, il est très clair que l'insuline synthétique coûte moins cher à produire. Les sociétés pharmaceutiques ont toujours dit que c'était pour des raisons commerciales qu'elles avaient décidé de ne plus produire d'insuline animale.

    Il est intéressant de savoir également qu'au cours des dernières années des médecins, des hôpitaux, des infirmières, des praticiens et des pharmaciens ne savaient même pas que l'insuline porcine existait toujours. En fait, il a été très intéressant pour nous de découvrir combien de personnes ne savent même pas qu'il existe une solution de rechange. On ne cesse de nous répéter que l'insuline synthétique est meilleure, qu'elle coûte moins cher, qu'il n'y aura jamais de pénurie, etc. La disponibilité de l'insuline porcine est un secret si bien gardé que c'en est absolument incroyable.

    Alors pour répondre à votre question, oui, il s'agit évidemment d'une décision commerciale.

º  +-(1620)  

+-

    M. Rob Merrifield: Si la demande était plus forte, est-ce que cela ne ferait pas baisser le prix?

+-

    Mme Brenda Johnson: Il suffisait de voir augmenter les bénéfices à mesure que certaines formes d'insuline devenaient plus rares pour deviner quel serait le résultat final. D'abord, les sociétés pharmaceutiques ont cessé de produire l'insuline la plus utilisée et la plus populaire, l'insuline bovine-porcine. Ensuite, Novo Nordisk a cessé de produire de l'insuline animale en 1995. Il ne reste plus qu'une société pharmaceutique qui produisait de l'insuline animale et qui la vendait au Canada. Elle jouissait donc d'un monopole. À mesure qu'on a cessé de produire les autres formes d'insuline et qu'on nous a fourni de l'insuline synthétique, qu'on en veuille ou pas, les bénéfices ont augmenté...

+-

    Mme Colleen Fuller: Et le prix a augmenté. Lorsqu'on a introduit l'insuline synthétique au Canada, le prix moyen d'une bouteille était environ 6,50 $ ou 7,00 $, je pense. Je me trompe peut-être de 25 ou 50c., mais c'était à peu près le prix. En 1995, lorsque Novo a retiré toutes ses insulines animales, l'insuline bovine-porcine se vendait environ 10 ou 11 $ la bouteille. Aujourd'hui, l'insuline se vend de 23 à 30 $ la bouteille. Il n'y a pas vraiment de différence entre les prix de l'insuline animale et synthétique. L'insuline animale se vend environ 21, 22, 23 $ la bouteille.

    Lorsqu'on a lancé l'insuline synthétique, les deux entreprises ont fait valoir qu'elles pourraient vendre l'insuline aux diabétiques à un prix moins élevé puisqu'elle coûtait tellement moins cher à produire. Le coût de production à l'unité a considérablement diminué. Par contre, le prix de l'insuline a augmenté de manière astronomique.

    Lorsque j'ai appris que j'étais diabétique, en 1968, le prix de l'insuline était de 1,19 $ la bouteille et ce prix est resté stable pendant de nombreuses années. Puis, il a commencé à augmenter. À mon avis, le coût de production de l'insuline synthétique n'a pas eu de répercussions positives sur le prix de l'insuline. Cependant, il a eu une incidence tout à fait positive sur les niveaux de bénéfices des sociétés pharmaceutiques.

+-

    M. Rob Merrifield: Si j'ai bien compris, le programme d'accès spécial permet qu'on l'importe d'Europe ou de Grande-Bretagne. Est-ce exact, Julia?

    Mme Julia Hill: Exact.

    M. Rob Merrifield: Est-ce que l'insuline obtenue dans le cadre du programme d'accès coûte quelque chose?

+-

    Mme Brenda Johnson: Oui. Pour ma part, j'importe de l'insuline bovine du Royaume-Uni et la première livraison m'a coûté 930 $. Ce n'est pas remboursé par l'assurance et j'espère que j'en aurai assez pour six mois, car je mélange de l'insuline bovine et porcine pour la faire durer plus longtemps.

+-

    M. Rob Merrifield: Est-ce le prix du produit ou le coût du programme?

+-

    Mme Brenda Johnson: C'est le prix du produit plus les frais d'expédition, de manutention, d'importation, des courtiers en douane. J'ai calculé que ce médicament me coûte exactement 56,11 $ par bouteille.

+-

    Mme Julia Hill: J'aimerais simplement ajouter qu'habituellement les formulaires provinciaux n'assurent pas les médicaments obtenus par le biais du programme d'accès spécial. En général, les formulaires n'assurent que les produits dont la mise en marché au Canada a été autorisée. Il y a quelques exceptions, mais c'est la règle générale.

º  +-(1625)  

+-

    Mme Brenda Johnson: On m'a dit que la raison pour laquelle le produit n'était pas assuré par ma société d'assurance privée, c'est qu'il ne portait pas de numéro d'identification du médicament.

+-

    M. Rob Merrifield: Donc, cela peut faire partie du problème de sensibilisation et de mise en marché, parce qu'il ne figure pas dans les formulaires provinciaux. Est-ce ce que vous laissez entendre?

+-

    Mme Julia Hill: En fait, je répondais simplement à la question de coût. Mais si vous me le permettez, j'aimerais ajouter simplement deux choses.

    Nous savons qu'en ce qui concerne de nombreux produits de source bovine, les entreprises sont en train de se demander très sérieusement si elles doivent continuer à les fournir à cause des craintes que suscite l'encéphalopathie spongiforme transmissible et la maladie de la vache folle. C'est donc peut-être un facteur.

    L'autre aspect que j'ai oublié de mentionner, c'est la sensibilisation des médecins. Nous proposerons de collaborer avec l'Association médicale canadienne aux lignes directrices sur le diabète afin qu'il y ait plus de discussions à propos du choix des produits offerts aux patients.

+-

    M. Rob Merrifield: J'ai une dernière question. Ce nouveau produit dont nous avons parlé, monsieur Braaten...

    Dr Jan Braaten: Qui est sur le point d'entrer sur le marché?

    M. Rob Merrifield: Oui. Ce produit permettrait-il de régler les problèmes dont il est question ici? Fonctionnerait-il de la même façon que l'insuline animale? Vous dites que son action pourrait se prolonger sur une période de 24 heures—ou ne le savons-nous pas encore?

+-

    Dr Jan Braaten: D'après la documentation et les renseignements qui nous proviennent des États-Unis, c'est une insuline à action prolongée et qui fonctionnera un peu comme l'ancienne insuline animale, l'insuline-zinc-protamine de boeuf, ayant une stabilité sur 24 heures. Quant à savoir si cela correspond à la situation dans la réalité, nous n'en sommes pas encore sûrs.

    Quant à savoir si nous en avons vraiment besoin, c'est une autre question, mais elle pourrait remplacer l'insuline bovine.

+-

    M. Rob Merrifield: La mise en marché est-elle encore loin, et quels sont les coûts prévus?

+-

    Dr Jan Braaten: Elle est sur le marché aux États-Unis depuis au moins un an maintenant, et j'ai des patients qui traversent la frontière pour s'en procurer. Mais c'est une autre question.

+-

    M. Rob Merrifield: Elle n'est donc pas approuvée au Canada. C'est bien ce que vous êtes en train de dire?

    Dr Jan Braaten: Pas encore.

    M. Rob Merrifield: Oh, les demandes de brevet.

+-

    Mme Julia Hill: Je m'excuse, mais elle a été approuvée au Canada; cela vient d'être confirmé. On n'a tout simplement pas encore décidé si on la mettrait sur le marché.

+-

    M. Rob Merrifield: Qui n'a pas décidé?

    Mme Julia Hill: La société.

    M. Rob Merrifield: Je vous remercie.

+-

    La présidente: Madame Thibeault.

[Français]

+-

    Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Merci, madame la présidente.

    J'ai besoin que vous m'éclairiez. Je comprends difficilement tout ce processus pour se procurer ce médicament à l'étranger. Vous avez ce que vous appelez le Programme d'accès spécial. Est-ce que vous pouvez me dire comment ça fonctionne, étape par étape? J'imagine qu'on va d'abord voir son médecin, mais après, qu'est-ce qui arrive? Qui est éligible à ce programme? Comment devient-on éligible?

    Deuxièmement, je voudrais savoir si M. ou Mme Tout-le-Monde peut décider d'écrire à une compagnie en Angleterre, par exemple, ou en France, et demander qu'on lui envoie une certaine quantité de médicaments, sans passer par ce Programme d'accès spécial.

+-

    Mme Julia Hill:

    Il y a deux questions. Je vais peut-être vous référer à mon collègue, M. MacKay, si jamais je me trompe.

    Alors le médecin, après avoir discuté avec le patient, décide que c'est le produit désiré. À ce moment-là, le médecin nous envoie une requête et un formulaire. Nous regardons la requête et nous répondons dans un délai de 24 heures. Tel qu'expliqué tout à l'heure, le produit n'est pas évalué par Santé Canada; nous n'avons pas les détails du produit. Cependant, si nous savons qu'il y a des problèmes particuliers relativement au produit en question, nous en discutons avec le médecin. Mais la décision revient quand même au médecin et au patient. Même s'il y a des risques associés, c'est leur décision. Autrement dit, c'est une pratique de médecine. Alors, à ce moment-là, nous confirmons qu'il y a une autorisation pour que le produit soit envoyé. Le médecin communique directement avec la compagnie, et ils font leurs arrangements à ce moment-là.

    Pour la question de M. et Mme Tout-le-Monde, il y a des lois sur l'importation de produits pour l'utilisation personnelle. Une importation personnelle de produits ne peut donc pas être faite par n'importe qui, n'importe comment.

+-

    Mme Yolande Thibeault: Donc, il faut passer par le programme?

º  +-(1630)  

+-

    Mme Julia Hill:

    Oui.

+-

    Mme Yolande Thibeault: Merci, ça va pour le moment.

[Traduction]

+-

    La présidente: Madame Wasylycia-Leis.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, madame la présidente.

    Tout d'abord, je voudrais remercier Colleen et Brenda pour leur persévérance tout au long de l'année. Il y a un peu plus d'un an, je pense, vous êtes venues sur la Colline avec des membres de plusieurs familles, des personnes qui avaient été directement touchées par les réactions à l'insuline synthétique. Certaines personnes avaient perdu des êtres chers, d'autres avaient souffert de déficience importante à cause de réactions à l'insuline synthétique. Cela nous a tous beaucoup touchés.

    Nous voici un an plus tard. À l'époque, nous avions posé des questions à la Chambre et au ministre qui nous avait dit qu'il avait bien pris note des questions de l'offre, de la monographie et d'éventuels effets indésirables que nous avions mentionnés. On nous avait dit qu'il n'y avait pas matière à s'inquiéter. Il est clair que ce n'était pas le cas.

    Vous avez alors écrit au ministre en juillet, il y a sept mois, et vous avez écrit à Chris Turner il y a six mois. Avez-vous obtenu des réponses aux questions que vous avez posées alors? Je sais que le 9 janvier, vous n'aviez obtenu aucune réponse, alors je me demandais si cela avait changé depuis.

    Je sais que nous avons parmi nous des fonctionnaires qui expliquent en partie ce qui s'est passé et il est clair que nous avons avancé. Le ministère semble vouloir reconnaître le problème et travailler avec vous, mais je n'ai pas l'impression que vous ayez reçu des réponses à vos questions. Nous sommes ici aujourd'hui pour entendre les témoins et pour faire des recommandations.

    Alors au sujet de ces trois questions fondamentales... D'abord, en ce qui concerne le système de signalement des réactions indésirables, en existe-t-il un, ou est-ce quelque chose que vous allez devoir mettre en place?

    Ensuite,—je m'adresse aux représentants du public et à ceux du ministère—y a-t-il eu un changement de la part du ministère au sujet de la monographie et du fait que vous pensez qu'il y a de l'information trompeuse? Cette monographie est fondée sur l'entreprise elle-même et sur l'information que celle-ci fournit, ce qui crée des problèmes. Où en sommes-nous à ce sujet?

    Troisièmement, je veux parler de l'offre. L'idée la plus déprimante et la plus inquiétante dont nous avons parlé aujourd'hui, c'est que Santé Canada, qui est l'agence censée résoudre les problèmes du marché, protéger les patients face aux aléas du marché, nous dit tout simplement qu'elle ne peut absolument rien faire.

    Je ne peux pas accepter ça, parce que les responsabilités de la Direction générale de la protection de la santé sont claires. La loi est explicite au sujet de la protection des Canadiens.

    Si l'on applique cette logique de manière générale, où s'arrêtera-t-elle? Est-ce que ça veut dire que pour mon fils, qui a besoin quotidiennement d'acide valproïque liquide pour arrêter ses crises, je n'aurai pas le choix, même si c'est une question de vie ou de mort, lorsqu'une compagnie décidera de ne plus le produire? Nous traitons de la vie et de la mort des gens.

    Il est évident que le gouvernement a la possibilité d'exercer des pressions sur ces compagnies, qui dépendent de notre système de santé, font des profits exorbitants et à qui nous ne pouvons pas dire quels produits fournir.

    Je veux soulever ces questions. Si les fonctionnaires disent qu'on ne peut pas exercer de pression selon eux, alors il s'agit d'un défi politique et c'est une question qu'il faudra soulever auprès du ministre et au Conseil des ministres, car ce n'est pas acceptable.

    Je suis désolée, j'ai parlé trop longtemps, mais j'espère que vous pourrez répondre à certaines de ces questions.

+-

    Mme Colleen Fuller: Tout d'abord, nous avons effectivement écrit au ministre en juillet et avons soulevé nos préoccupations à propos de certaines des questions que vous venez de soulever. Nous n'avons toujours reçu aucune réponse, pas même un accusé de réception.

    En août, après que la commission Cochrane eut publié son rapport, un examen très important des indices actuels, nous avons communiqué avec le Dr Turner et lui avons demandé de retirer son bulletin sur la foi de l'information contradictoire contenue dans le rapport Cochrane. Nous n'avons pas eu de réponse du Dr Turner.

    En novembre, j'ai contacté le bureau de la ministre pour demander quand nous pourrions nous attendre à recevoir sa réponse; on m'a répondu qu'il s'agissait d'une question politique toujours à l'étude, ou quelque chose du genre. Je ne me souviens pas exactement de ce que la jeune femme m'a dit. Elle m'a recommandé de continuer à réclamer une réponse; c'est ce qui allait garantir que j'allais en recevoir une. C'est donc ce que nous faisons. Nous avons envoyé une autre lettre en janvier.

    Nous avons le sentiment qu'il y a des gens à Santé Canada désireux de régler le problème plus à fond. Ce n'est qu'un sentiment. Nous ne savons pas exactement qui ils sont ni quoi que ce soit d'autre. Nous recevons des signaux de différentes personnes et nous pensons que certains souhaitent travailler là-dessus et étudier certains des problèmes que nous avons soulevés.

    Nous pensons que la notification des effets indésirables des médicaments au Canada n'est pas très efficace. Nous savons que les notifications déposées auprès de Santé Canada représentent entre 1 et 10 p. 100. C'est pitoyable. C'est un problème généralisé. C'est un problème qui nous touche tous.

    Des gens entrent en contact avec nous. Quand ils le font, nous les encourageons à communiquer avec Santé Canada. Je sais que c'est la raison pour laquelle les rapports envoyés à Santé Canada ont augmenté parce que lorsque quelqu'un nous contacte, tous les gens—enfin, pas tous—mais beaucoup de gens qui ont averti Santé Canada nous avaient d'abord contactés, nous. Nous les encourageons à le signaler s'ils estiment qu'il y a un lien entre les difficultés qu'ils éprouvent et l'insuline qu'ils consomment. Nous ne leur disons pas de le faire uniquement s'ils prennent de l'insuline synthétique. Nous leur disons que s'ils éprouvent des ennuis qui sont attribuables à cela, signalez-le.

    Nous pensons que Santé Canada devrait encourager les gens à faire des notifications, devrait les encourager. Si on ne le fait pas, comment le ministère va-t-il savoir ce qui se passe? Cela fait partie du système de notification des EIM.

    En ce qui concerne les monographies des produits, nous ne les avons pas toutes vues. C'est un problème. Je sais que Santé Canada tient actuellement des discussions pour trouver le moyen de faciliter l'accès de la population à ces monographies. Je suis pour. C'est important. Actuellement, les monographies qui guident les praticiens sont inadéquates à mon avis.

    Je vais vous donner un petit exemple. En Alberta, une femme qui fait partie de notre association a connu des problèmes horribles. Dans une étude que je mentionne dans une de mes lettres, on lui donne le nom de syndrome de «myalgie arthralgie/arthrite». Celui-ci a été documenté par un dénommé Galloway qui a travaillé pour Eli Lilly; j'ignore s'il travaillait pour Eli Lilly lorsqu'il a fait l'étude. Ils ont établi que c'est un syndrome spécifiquement lié à l'ADNr et à la proinsuline, deux types d'insuline biosynthétique. Tous ceux qui en souffraient ont vu leurs effets disparaître ou s'atténuer lorsqu'ils ont cessé d'en prendre.

    Il y a maintenant une femme en Alberta qui a signalé la même affection, et en réalité pas mal d'autres personnes. On leur fait prendre d'autres médicaments pour corriger le problème parce qu'il n'y a pas d'information sur le syndrome dans la monographie du produit ou ailleurs. Les médecins de l'Alberta lui disent qu'il n'y a pas de réaction immunitaire à l'insuline synthétique. C'est faux.

º  +-(1635)  

    Ni les médecins ni les pharmaciens ne peuvent obtenir l'information à partir de la monographie. Pourquoi n'y figure-t-elle pas? De là nos interrogations à propos des monographies thérapeutiques. Nous savons que certains des problèmes sont signalés et nous avons vu des études qui définissent le problème mais les médecins et les pharmaciens n'en savent rien. Il y a donc quelque part un chaînon manquant.

    Pour ce qui est du problème des approvisionnements, je ne peux pas accepter non plus que le ministère de la Santé soit impuissant. Au fait, il y a tellement d'information erronée ici et j'espère que les gens citeront la lettre que nous avons envoyée à Anne McLellan à ce propos. Nous avons reçu de l'information de la Fédération internationale du diabète qui nous a appris qu'Eli Lilly a déjà révélé sur la scène internationale qu'elle ne produit plus d'insuline porcine.

    Eli Lilly nous informe nous. Elle informe nos membres qui la contactent. Elle informe les médecins qui se renseignent et elle informe le ministère de la Santé qu'elle n'envisage pas à l'heure actuelle de retirer l'insuline porcine du marché. Il y a des choses que l'on cache à la population canadienne. La Fédération nous a confirmé que le renseignement lui avait été communiqué par le représentant d'Eli Lilly en juin 2001. Nous nous retrouvons maintenant, un an et demi plus tard, et elle ne nous a toujours pas donné la même information qu'elle communique à ses contacts internationaux...ou aux membres de la Fédération.

    S'agit-il d,un problème politique? Que doit-on faire?

    Les Laboratoires Connaught produisent de l'insuline animale. C'était une des conditions de leur permis d'activité au Canada. Novo fournit cette insuline par l'intermédiaire de Connaught au marché canadien et a dû respecter certaines conditions pour le faire.

    Si le ministère de la Santé ne peut pas forcer une compagnie à produire de l'insuline et si nous ne pouvons pas obtenir l'insuline dont nous avons besoin, ce sont nos vies qui seront menacées. Beaucoup d'entre nous vont mourir si nous n'obtenons pas d'insuline porcine.

    Si le ministère de la Santé ne peut pas intervenir sur le marché, il lui revient de produire lui-même l'insuline. C'est mon avis.

º  +-(1640)  

+-

    La présidente: Merci, madame Wasylycia-Leis.

    Madame Bennett, vous avez la parole.

+-

    Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci.

    J'ai des problèmes à propos de l'efficacité. L'étude du Centre de collaboration Cochrane dit ne pas avoir décelé de différence importante dans la formation d'anticorps entre l'insuline humaine et l'insuline de porc. Elle dit qu'il n'y a pas de différence importante du nombre d'accidents hypoglycémiques et que ce sont les forces du marché qui ont dicté un changement de politique.

    J'en déduis que c'était moins cher, que c'était aussi bon et qu'ils l'ont conservé.

    J'ai besoin de savoir s'il s'agit d'un cas d'arthralgie ou d'un des effets que l'on retrouverait normalement dans une monographie thérapeutique. Parallèlement, qu'arrivait-il à l'hémoglobine A1C des gens, y avait-il des accidents hypoglycémiques, comment sait-on qu'ils devront peut-être tolérer certaines douleurs dans les articulations pour mieux contrôler leur maladie, avoir moins de cas de rétinopathie ou de néphropathie?

    Pour ma part, je préfère souffrir de moins de rétinopathie et de néphropathie et avoir un peu mal aux articulations. Pour sûr, les douleurs aux articulations doivent figurer dans la monographie si elles sont importantes pour que les gens ne lui attribuent pas d'autres causes.

    Je me demande quelle est la solution si le problème a trait au marché? Quelle est la position de l'Association canadienne du diabète? Pourrait-elle se lancer dans l'importation du produit?

    Quand je siégeais au conseil de la Société royale de sauvetage du Canada, il y avait des gilets de sauvetage que nous estimions être de meilleure qualité et nous avons commencé à les importer, ce qui nous a rapporté un certain revenu.

    Comment l'État peut-il obliger une entreprise à faire quelque chose qui n'est pas commercialement défendable? Et si le produit est si bon, pourquoi est-ce que l'Association canadienne du diabète ne s'en charge pas? Quelle solution demandez-vous?

+-

    Mme Colleen Fuller: J'aimerais d'abord répondre à vos remarques sur l'étude Cochrane. Dans presque toutes les études, on a examiné les effets du remplacement de l'insuline animale par l'insuline synthétique après moins de six mois.

    Il n'y a eu aucun essai clinique aléatoire à long terme permettant d'établir l'incidence de l'insuline sur les complications du diabète. Nous ne savons donc pas s'il y a eu des améliorations relativement à la rétinopathie diabétique, d'insuffisance rénale, de problèmes cardiovasculaires, etc. Nous ne le savons pas. Nous n'avons pas suffisamment de preuves là-dessus. Aucun essai clinique aléatoire n'a été effectué sur cette question.

    Il n'y a pas eu non plus d'essais cliniques aléatoires sur l'incidence de l'insuline sur la qualité de vie ou sur le taux de mortalité.

    Nous ne savons tout simplement pas ce qu'il en est à ces sujets. Ce que nous savons, c'est que six mois après le remplacement de l'insuline animale par de l'insuline synthétique, il n'y a pratiquement pas de différence en ce qui a trait à l'hypoglycémie. Cela correspond d'ailleurs à bien d'autres rapports que nous avons reçus. Par contre, certains patients, comme moi, ont réagi immédiatement. En moins de 24 heures, je me suis retrouvée dans le coma, comme bien d'autres. C'est ce que moi j'ai vécu. Je dirais que les symptômes sont apparus dans les huit à seize mois suivants chez ceux qui ont connu des problèmes. Ça vous donne une idée assez juste.

º  +-(1645)  

+-

    Mme Carolyn Bennett: L'étude portait sur une période de six mois, mais d'après votre expérience, les symptômes apparaissent de huit à douze mois plus tard?

+-

    Mme Colleen Fuller: D'après Cochrane, la longueur moyenne des études menées sur le remplacement d'une sorte d'insuline par l'autre est de 5,8 mois. Par conséquent, à mon avis, nous n'avons pas encore suffisamment de données probantes.

    L'Association canadienne du diabète estime que l'insuline animale devrait être disponible. En 1995, Novo a retiré du marché toute l'insuline animale; à l'époque, 45 000 personnes prenaient de l'insuline animale au Canada. Déjà, en 1983, on avait fortement déconseillé à tous les intéressés le remplacement d'une forme d'insuline par une autre de façon générale, mais c'est néanmoins ce qui s'est passé au Canada.

    Au moins 45 000 patients Canadiens se sont fait donner de l'insuline animale, ce qui explique la hausse des problèmes qui ont été signalés peu de temps après.

    Les membres de l'Association canadienne du diabète ont pressé l'organisation de tenter de régler cette crise. Manifestement, beaucoup de gens connaissaient des problèmes et les ont signalés à l'ACD. En Alberta, un groupe de gens a lancé une campagne vigoureuse pour le maintien de l'insuline animale sur le marché.

    L'ACD est d'avis que l'insuline animale devrait rester disponible pour tous les Canadiens. Elle reconnaît qu'il existe une minorité importante de gens qui connaissent des problèmes avec l'insuline synthétique, et pas seulement ceux qui sont passés de l'insuline animale à l'insuline synthétique. Il y a aussi des enfants, des femmes enceintes et des diabétiques nouvellement diagnostiqués, essentiellement.

+-

    Dr Jan Braaten: J'ajouterais seulement qu'il ne fait aucun doute que le remplacement de l'insuline animale par l'insuline humaine a créé beaucoup d'épisodes hypoglycémiques chez des patients qui n'en avaient jamais eus, mais, d'après ma pratique, il s'agissait de diabétiques de longue date, qui avaient connu une certaine instabilité auparavant, et qui souffraient de diabète depuis 20, 30 ou 40 ans. Il est certain que c'était très problématique pour eux. Je n'ai pas beaucoup de statistiques, mais j'ai vu assez de patients dans ce cas pour pouvoir l'affirmer, car cela m'a aussi été confirmé par d'autres médecins ayant une longue expérience dans ce domaine. Il ne fait aucun doute qu'il y a davantage d'épisodes d'hypoglycémie en raison de l'effet réactif et modérateur des anticorps et de l'insuline animale.

    Peut-être que les nouvelles insulines n'entraîneront pas ces effets secondaires. Nous ne pouvons le déterminer encore, mais il ne fait aucun doute qu'il y a davantage d'épisodes d'hypoglycémie qu'il faudrait pouvoir contrôler.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Comme médecin clinicien, avez-vous prescrit à certains de vos patients de l'insuline humaine?

+-

    Dr Jan Braaten: Oui, parce que l'insuline animale n'était plus disponible.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Croyez-vous que la plupart des cliniciens du pays ont fait de même seulement au moment où l'insuline animale a été retirée du marché?

+-

    Dr Jan Braaten: L'insuline animale n'était tout simplement plus disponible. Au début, le produit canadien a été retiré du marché, puis, Lilly a aussi cessé d'en vendre après avoir démoli l'usine. On nous a affirmé que l'usine était vieille et ne pouvait plus assurer la production.

    Je ne suis pas le seul à avoir vécu cela. Chez les diabétiques souffrant de la maladie depuis longtemps et dont le cas est difficile, il y avait...

+-

    Mme Carolyn Bennett: Mais il y avait des patients pour qui l'insuline humaine était préférable à l'insuline animale, n'est-ce pas?

º  +-(1650)  

+-

    Dr Jan Braaten: Pas nécessairement. Certains patients la préféreraient peut-être au stade initial de la maladie. Par contre, ils n'ont peut-être pas eu la possibilité de constater véritablement une différence. Il y a aussi eu des pressions commerciales énormes, mais, ça, c'est une autre question.

+-

    Mme Julia Hill: Madame Bennett, me permettez-vous de demander au Dr Sharma de vous présenter son point de vue de clinicien sur le rapport Cochrane?

+-

    Mme Carolyn Bennett: Oui.

+-

    Dr Supriya Sharma (directrice, Division des produits biologiques et biotechnologiques commercialisés, Direction des produits de santé commercialisés, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé): J'aimerais d'abord remercier la Society for Diabetic Rights de nous avoir signalé cette étude.

    Je sais que, au départ, la correspondance avait été adressée au Dr Robert Peterson de la Direction des produits thérapeutiques. Nous avons reçu un courriel accusant réception de cette correspondance. Une lettre, signée par le Dr Chris Turner, a aussi été envoyée la semaine dernière. Elle a été envoyée par télécopieur, elle devrait donc porter la date de mercredi dernier. Cette lettre explique bien que nous avons pris cette étude très au sérieux.

    Nous avons engagé à contrat un organisme à but non lucratif et indépendant, composé d'universitaires, qui se spécialise dans les examens systématiques et qui avait des connaissances d'expert en biologie. Nous lui avons demandé de se pencher sur l'étude Cochrane.

    En ce qui a trait aux paramètres des résultats, l'une des conclusions de l'étude Cochrane et de l'examen de cette étude, c'est qu'il n'y avait pas de différence significative en ce qui a trait aux événements indésirables liés à l'hypoglycémie dans l'ensemble, et qu'il n'y avait pas non plus de différence significative au niveau de certains résultats mentionnés par le Dr Bennett, notamment les niveaux d'hémoglobine glycosilés. On a aussi examiné certains résultats secondaires, tels que la glycémie à jeun et la dose d'insuline. Autrement dit, s'il y a augmentation de la dose, il se pourrait que cette forme d'insuline ne soit pas aussi efficace qu'une autre chez certains patients.

    Dans l'ensemble, on a obtenu des résultats comparables chez les deux groupes. Encore une fois, il importe de noter qu'il s'agissait d'une étude sur échantillon aléatoire et contrôlé et de nature générale, qui comporte certaines limites. Il n'en reste pas moins que les résultats des deux groupes sont semblables.

    Dorénavant, avec ces informations, nous pourrons modifier les parties du bulletin «Votre santé et vous» portant sur l'insuline en fonction des résultats de cet examen.

    Mais dans l'ensemble, le nombre d'événements hypoglycémiques a été semblable dans les deux groupes, et c'est ce qui semblait être le résultat le plus important.

+-

    La présidente: Merci, madame Bennett.

    Soyez le bienvenu, monsieur Thompson.

+-

    M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Merci, madame la présidente.

+-

    La présidente: Nous devrions faire quelque chose pour souligner l'occasion: vous êtes là.

+-

    M. Greg Thompson: Merci, merci beaucoup. Maintenant que je sais que vous présidez le comité, je serai là de façon régulière.

    Des voix: Oh, oh!

    M. Greg Thompson: Madame la présidente, je suis sûr que vous allez être généreuse pour ce qui est du temps de parole.

    Je voudrais toutefois obtenir de nos témoins, de Mme Johnson ou de Mme Fuller, une brève réponse à la question suivante pour que je puisse en venir là où j'aimerais en venir.

    Combien de personnes au Canada ont le diabète? Combien de personnes souffrent de cette maladie?

+-

    Mme Brenda Johnson: Au total, pour le type 1 et le type 2?

+-

    M. Greg Thompson: Oui, au total.

+-

    Mme Brenda Johnson: Il y en a quelque 3 millions.

+-

    M. Greg Thompson: Très bien, quelque 3 millions. Nous avons 3 millions de personnes qui ont le diabète, et il semble qu'il y a plus de personnes qui meurent du diabète, ou des effets du diabète, qu'il y en a qui meurent du sida, par exemple. Est-ce bien juste?

+-

    Mme Brenda Johnson: Je n'en ai pas la moindre idée.

+-

    M. Greg Thompson: En fait, cela vient du bulletin dont nous avons tous souligné le manque d'exactitude. J'ai pris cela de Santé Canada—si tant est que nous pouvons croire ce que publie Santé Canada. Je suppose que nous pouvons y ajouter foi de temps en temps, même si nous mettons en doute le bien-fondé de certains de leurs propos d'aujourd'hui.

    À la fin de la version anglaise de ce bulletin, qui est daté, je crois, de juillet 2000, on peut lire que le «diabète et les complications qui en découlent tuent plus de personnes chaque année que le sida...Et qu'il faut commencer à prendre le diabète au sérieux.» C'est là un message assez bien senti.

    Voici où je veux en venir: dans la lettre que vous avez adressée à la ministre de la Santé—et je suis heureux que vous l'ayez incluse dans la documentation qui nous a été remise aujourd'hui—et dans la lettre que vous avez adressée au comité permanent, vous signalez qu'il y a eu plus de 550 cas de réactions indésirables à l'insuline humaine ou synthétique. Parmi ces cas, au moins huit personnes sont mortes. Est-ce bien juste? Ces chiffres sont-ils exacts?

+-

    Mme Brenda Johnson Les chiffres les plus récents sont 633 cas de réactions indésirables et neuf décès.

º  +-(1655)  

+-

    M. Greg Thompson: Neuf décès, ce n'est certainement pas négligeable, à mon avis.

    Finalement, ce qui me fâche dans tout cela... et c'est tellement typique de ce qui se fait au gouvernement. Je ne pointe pas du doigt l'actuel gouvernement. Je crois que tous les gouvernements, peu importe leur allégeance politique, pourraient être accusés de la même chose. Mais je sais que vous avez rencontré des représentants de Santé Canada, et que vous demandiez notamment la tenue d'une enquête publique. Est-ce là tout ce que vous avez pu obtenir à ce chapitre de Santé Canada?

+-

    Mme Brenda Johnson: Oui, monsieur.

+-

    M. Greg Thompson: Très bien. Vous vous montrez très polie en me permettant de continuer ainsi.

    Ce qui me fâche, c'est qu'ils ont écrit au ministre il y a sept mois. Il est difficile de croire que la ministre de la Santé n'a pas répondu, parce que c'est un problème politique. Tous les problèmes sont en quelque sorte des problèmes politiques, mais cela ne devrait pas empêcher la ministre de la Santé de s'occuper de quelque chose qui cause de graves inquiétudes tout à fait légitimes. Le sentiment de frustration est d'autant plus grand que Julia Hill, qui représente le ministère de la Santé ici aujourd'hui, a fait remarquer que l'on considère qu'il s'agit d'un problème de marketing.

    Puis, nos témoins, de la société du diabète, disent, dans leur lettre du 22 juillet 2002 que j'ai ici, que:

Les fonctionnaires de Santé Canada nous ont dit à maintes reprises que le gouvernement n'a pas le pouvoir de dicter aux fabricants de produits pharmaceutiques les produits qu'ils doivent mettre en marché.

On leur a répondu de communiquer avec le Bureau de la concurrence, qui relève d'un autre ministère. Le Bureau de la concurrence a indiqué que cette question le préoccupait, mais qu'on lui avait fait savoir qu'il ne pouvait rien faire puisqu'il s'agissait d'une question touchant la santé. Nous sommes donc de retour à la case départ.

    Voici ce que je veux savoir de la représentante du ministère de la Santé, Julia Hill. Que s'est-il passé au ministère quand vous avez appris la chose? Vous êtes-vous réunis dans une salle pour en parler et avez-vous ensuite conclu que vous ne pouviez rien faire? Si je me fie à votre déclaration—et je crois que mes notes sont justes—, vous avez reconnu qu'il y avait des difficultés; vous avez reconnu qu'il y avait des difficultés de marketing; vous avez reconnu la difficulté de les amener à la table et de les obliger à faire quelque chose, mais comment êtes-vous arrivée à cette conclusion-là?

    Avez-vous rencontré votre service du contentieux? Avez-vous des notes de ces réunions que vous pourriez présenter au comité pour que nous puissions examiner ces discussions internes qui ont eu lieu au ministère afin de déterminer ce qu'il convenait de faire du point de vue juridique?

    A-t-il été question à ces réunions entre les hauts fonctionnaires du ministère—comme l'a dit ma collègue du NPD, je crois—d'essayer d'exercer une certaine influence auprès des fabricants de médicaments afin de les sensibiliser à leur responsabilité et de les amener à dire: «C'est un problème de marketing, mais nous produisons ici un médicament synthétique qui nous coûte évidemment moins que la version animale, et nous avons peut-être l'obligation de veiller à faire de notre mieux en tant que fabricant pour aider les personnes que nous avons aidées au fil des ans»?

    Avez-vous fait quelque chose de ce genre? Avez-vous invité certains des représentants de ces entreprises à venir discuter de la chose avec vous au ministère? Et y avait-il à ces discussions des représentants des Services juridiques de votre ministère et du ministère de la Justice pour entendre ce que les fabricants avaient à dire?

+-

    Mme Julia Hill: Ce n'est pas la première ni la dernière fois que nous sommes confrontés à notre incapacité d'exiger d'une entreprise qu'elle commercialise un produit ou qu'elle ne le retire pas du marché. C'est l'une des frustrations au ministère. Nous avons maintes fois consulté des avocats. Nous avons reçu de nombreux avis juridiques sur notre capacité d'obliger une entreprise à commercialiser un produit. Presque chaque fois, on nous a dit que nous n'avions pas ce pouvoir.

    Pour ce qui est de l'influence morale, nous avons en effet des discussions avec les entreprises. Nous leur disons comment nous pourrions faciliter le processus de demande, et les façons dont on peut leur faciliter les choses. La persuasion fonctionne parfois, mais confrontée à la rentabilité de l'entreprise, sa force est bien limitée.

+-

    M. Greg Thompson: Madame la présidente, me reste-t-il encore une ou deux minutes?

+-

    La présidente: Oui. Je suis tellement contente de vous voir ici. Je vais vous gâter un peu, pendant les premières séances, mais ensuite, ce sera le fouet!

+-

    M. Greg Thompson: Merci beaucoup.

    Quand ces rencontres ont lieu et que des avis juridiques vous sont fournis, est-ce qu'on prend des notes, est-ce que des documents sont produits, auxquels vous pouvez plus tard vous référer? On nous dit souvent que le gouvernement hésite davantage à dire oui qu'à dire non, parce qu'il est plus facile de dire «non». Il faut un peu plus de travail et d'ingéniosité pour répondre «oui», et c'est souvent un défi plus difficile à relever.

    Pourriez-vous nous fournir certains de ces avis juridiques et des discussions qui ont eu lieu au sein du ministère? Est-ce que tout cela fait l'objet de la Loi sur la protection des renseignements personnels?

»  +-(1700)  

+-

    Mme Julia Hill: Il faudrait que j'en parle au ministère. Dans certains cas, il s'agit d'avis juridiques fournis au ministre de la Santé, mais je présume qu'il doit y avoir moyen de fournir aux membres du comité des renseignements utiles. Je prends certainement l'engagement d'y voir, à mon retour.

+-

    M. Greg Thompson: Madame la présidente, ces renseignements nous seraient utiles, si on peut nous les fournir. Je pense que nous aurions alors un point de départ. Nous voulons que le problème soit réglé et c'est la raison de notre présence ici aujourd'hui.

+-

    Mme Julia Hill: Monsieur Thompson, j'aimerais préciser qu'il n'est pas plus facile de dire «non» que «oui». Lorsque des particuliers nous appellent pour nous parler de leurs problèmes quotidiens, ou lorsqu'un de nos employés diabétiques a lui-même ce genre de problème, il n'est pas plus facile de dire non.

+-

    M. Greg Thompson: Madame la présidente, j'ai une courte question complémentaire.

    Nous savons que chez les Autochtones, le diabète est un problème encore plus grand et que les mécanismes de déclaration ne sont probablement pas aussi bons qu'ils devraient l'être. Avez-vous fait des efforts particuliers pour cerner les problèmes dont vous avez parlé aujourd'hui? Vous avez une responsabilité plus grande, et j'insiste sur ce mot, envers les Autochtones et leur santé; vous avez une responsabilité directe pour les soins de santé des Autochtones. Auriez-vous des statistiques qui sont différentes des statistiques relatives au grand public, et qui montreraient l'ampleur de ce problème chez les Autochtones?

+-

    Mme Julia Hill: Toutes mes excuses, mais je croyais que quelqu'un de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits serait ici. Cette direction a la responsabilité des services directs.

+-

    La présidente: Ah, la voici.

    Je vous demande de venir prendre place à table, et de bien vouloir vous présenter.

+-

    Mme Maureen Thompson (gestionnaire, Programme du diabète, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, ministère de la Santé): Volontiers. Je suis Maureen Thompson et je suis la gestionnaire du programme pour l'initiative sur le diabète chez les Autochtones.

    Je suis restée parmi l'auditoire, plutôt que de venir à la table, parce que notre programme ne porte pas sur l'accès aux médicaments ni sur la notification des effets indésirables des médicaments. Nous nous occupons plutôt de prévention et de sensibilisation, ainsi que de renforcement des capacités des Premières nations et des Inuits à gérer leurs propres programmes sur le diabète. C'est ce que nous faisons dans le cadre de la première étape de la stratégie canadienne du diabète. C'est en cours actuellement.

    Au sujet de la notification des effets indésirables des médicaments, je ne crois pas que cela se fasse en particulier pour les Premières nations. Il est assez difficile de distinguer entre les membres des Premières nations et le public en général, sauf dans les cas où il y a déclaration volontaire.

    J'espère avoir répondu à votre question.

+-

    La présidente: N'avez-vous pas un programme de services de santé non assurés dans le cadre du...? L'un de vos collègues de travail pourrait sans doute répondre à cette question.

+-

    Mme Maureen Thompson: Il y a un programme de services de santé non assurés et je crois que Georges Nadon est ici pour le représenter.

+-

    La présidente: Ah, quelle bonne surprise!

    Approchez, s'il vous plaît.

    Nous sommes si gentils, on se demande pourquoi les gens sont si timides.

+-

    M. Georges Nadon (pharmacien-conseil, Programme des services de santé non assurés, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, ministère de la Santé): Je suis Georges Nadon, l'un des pharmaciens du programme des services de santé non assurés.

    Pour revenir à ce que disait Maureen, les Premières nations reçoivent leurs services de santé des mêmes professionnels—médecins, pharmaciens, etc.—que le grand public. Les mécanismes de notification d'effets secondaires seraient les mêmes que pour le reste de la population. Ils doivent remplir les formules envoyées par Santé Canada pour signaler les effets secondaires. Ils obtiennent leurs médicaments de la même façon que les autres Canadiens, à la pharmacie et sur ordonnance d'un médecin. Ils ont la responsabilité de signaler ces effets secondaires, quand on leur en parle.

»  +-(1705)  

+-

    M. Greg Thompson: Y a-t-il un plus grand nombre de décès attribuables au diabète chez les Autochtones, en comparaison de l'ensemble de la société? Autrement dit, peut-on établir un lien entre le nombre de décès chez les Autochtones et dans la population en général, en fonction du recours à l'insuline animale plutôt qu'à l'insuline humaine?

+-

    M. Georges Nadon: Je ne peux pas établir ce lien.

+-

    La présidente: Mme Sharma pourrait-elle répondre à cette question? Travaille-t-elle avec M. Turner?

+-

    Dr Supriya Sharma: Oui, nous travaillons ensemble.

    Le Programme canadien de surveillance des effets indésirables des médicaments recueille des données sur les effets indésirables au Canada. Sur la formule, il n'y a pas de question sur le groupe ethnique. Si cette information est fournie volontairement dans le cadre du rapport, elle peut être notée.

    Au sujet du nombre de décès dont on soupçonne qu'ils pourraient être associés aux produits d'insuline, il n'y avait pas de précision sur le groupe ethnique et nous ne saurions dire si ces patients étaient ou non autochtones.

    Nous ne faisons pas d'efforts particuliers auprès de ce groupe pour obtenir davantage de rapports. En revanche, il y a des centres régionaux de notification des effets indésirables des médicaments et le financement de ces groupes vient d'être doublé pour rejoindre plus de gens et augmenter le nombre de rapports suscités. Ce n'est pas qu'une question de volume, mais aussi de qualité des rapports, de quantité d'information et de capacité de faire un suivi de ces rapports pour en tirer des renseignements utiles.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Thompson.

    Nous passons à Mme Chamberlain, qui avait demandé que cette séance ait lieu. C'est grâce à elle si nous commençons à recueillir des faits intéressants.

    Madame Chamberlain, vous avez la parole.

+-

    Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.): Merci.

    En toute justice, il faut reconnaître le rôle de la présidente. Après avoir parlé à Brenda Johnson, j'ai immédiatement donné un coup de fil à la présidente qui a accepté que nous parlions de ce sujet, pour voir si le comité devait s'y intéresser. C'est un effort de collaboration et je vous remercie, madame la présidente. C'est très important.

    Je veux voir si j'ai bien compris. Eli Lilly produit de l'insuline animale, n'est-ce pas?

+-

    Mme Brenda Johnson: Ils la produisent aux États-Unis, nous l'importons.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: On peut donc maintenant l'obtenir, ici.

+-

    Mme Brenda Johnson: Oui, depuis aujourd'hui.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Alors pourquoi vous être adressée ailleurs? Ne disiez-vous pas que l'importiez d'outre-mer?

+-

    Mme Brenda Johnson: Oui, de CP Pharmaceuticals. J'importe de cette société de l'insuline bovine. Après des expériences horribles et épouvantables avec l'insuline synthétique, je suis passée à l'insuline porcine. En passant, après être passée à l'insuline porcine, mes symptômes sont revenus, ce qui était une excellente chose, je peux vous l'assurer, après avoir souffert de convulsions, d'évanouissements, de coma, etc., avec l'insuline synthétique.

    Il reste qu'avec l'insuline porcine, le temps d'action est peut-être un peu trop rapide pour moi. C'était un peu trop fort et j'ai décidé que je me devais d'essayer l'insuline bovine qui me convient tout à fait.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Il me semble vraiment que Santé Canada a fait des efforts honnêtes pour voir ce qui pouvait être fait et je pense que vous le comprenez bien. Mais si l'approvisionnement est compromis et si les malades ne peuvent obtenir l'insuline dont ils ont besoin, qu'ils pouvaient avoir jusque-là, il me semble que quelque chose ne va pas au Canada, n'est-ce pas?

+-

    Mme Brenda Johnson: De bien des façons, c'est une tragédie incroyable. Pour commencer, ne serait-ce que parce que c'est le Canada qui est responsable de la découverte de l'insuline, grâce à laquelle on a pu sauver des millions de vies, partout dans le monde. Maintenant, nous n'en produisons plus une goutte. Cela me semble tragique.

    En effet, nous devons venir ici, et supplier un peu tout le monde, que ce soit Santé Canada, les politiciens, la présidente de ce comité, etc. et les implorer en disant que nous avons besoin de ce médicament pour survivre et que l'insuline synthétique n'est pas sûre. S'il est vrai, comme nous croyons pouvoir le prouver, qu'Eli Lilly envisage de cesser la distribution, et a d'ailleurs cessé la production, les stocks actuels suffiront pour notre petit groupe jusqu'en 2004 seulement, ou peut-être jusqu'au début de 2005. Cela ne nous laisse certes pas beaucoup de temps pour faire ce que nous faisons aujourd'hui, en demandant votre aide: trouver un autre fournisseur ou subventionner CP Pharmaceuticals, Novo Nordisk ou quelqu'autre fabricant, pour que leur insuline soit distribuée au Canada. On pourrait subventionner les permis ou en réduire les coûts. Il faut que quelqu'un prenne le taureau par les cornes et dise: «nous avons un grave problème. Très bientôt, d'ici 2004 ou 2005, on ne pourra plus approvisionner ces personnes, tout simplement».

    Lorsque je parlais de mon importation de produits de CP Pharmaceuticals, je signale que cela me coûtait 930 $ pour six mois, ce qui est une somme exorbitante. C'est très injuste pour moi ou pour quiconque. Beaucoup des gens de notre groupe ont un revenu fixe ou des prestations d'invalidité, particulièrement à cause des problèmes vécus depuis des années. Ils ont perdu leur emploi, leur permis, etc., à cause des effets de l'insuline synthétique. Pour eux, 930 $ par six mois, c'est exorbitant. Ils n'en ont pas les moyens. C'est une situation horrible.

»  +-(1710)  

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Madame Hill, dites-vous aussi qu'Eli Lilly va cesser d'offrir ce médicament? En êtes-vous certaine?

+-

    Mme Julia Hill: Non, nous n'en sommes pas certains.

    Comme je le disais dans mon exposé, quand on leur a posé la question, ils nous ont affirmé que la production serait maintenue, pour l'instant. Cela ne nous rassure guère.

    Pour ajouter à ce que disait Mme Johnson, nous savons que dans le secteur de la santé, le diabète est l'une des principales préoccupations, qui prend de plus en plus d'importance, au Canada. Pour l'instant, nous parlons d'un certain nombre de personnes dont nous savons qu'elles ont besoin d'insuline animale. Nous ne savons pas du tout comment leur nombre croîtra, à l'avenir.

    Il s'agit d'une partie très importante et productive de notre société. Il nous faut trouver une solution. Nous sommes prêts à agir, mais nous n'avons pas de baguette magique.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Madame la présidente, et messieurs et mesdames du comité, je crois qu'il faut présenter une motion demandant à Santé Canada de nous présenter des solutions. S'il est vrai, comme le dit Santé Canada, mais pas ce groupe, qu'il s'agit de 200 000 personnes, il s'agit de beaucoup de monde.

+-

    Mme Brenda Johnson: Ce ne sont pas tous des diabétiques insulino-dépendants.

+-

    Mme Colleen Fuller: Nous ne disons pas que toute l'information dans le bulletin est erronée. Nous disons qu'on a mal parlé des questions se rapportant à l'insuline humaine. Il ne contribue pas vraiment à renseigner le secteur médical sur les insulines synthétiques et animales. Voilà ce que nous disons.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Mais essentiellement, Santé Canada ne conteste pas le besoin dont vous parlez. Nous ne savons pas s'il n'y a qu'une source ou si c'est vrai. Je ne sais pas s'il y a moyen de se renseigner, par le ministère ou autrement, sur la cessation de la production. Si la production était arrêtée, ce serait terrible.

+-

    Mme Julia Hill: Si nous savions suffisamment longtemps à l'avance que cette entreprise a l'intention de cesser la production, nous serions plus en mesure de nous tourner vers un autre fabricant, qui pourrait présenter une demande.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: En effet.

+-

    Mme Julia Hill: Mais nous avons posé ces questions. Eli Lilly est en fait...bien franchement, nous n'avons pas de raison de ne pas croire ce que nous dit cette entreprise. En maintes occasions, elle a répété avoir l'intention de maintenir la disponibilité de ce produit au Canada.

    Cela étant dit, je vous avoue que des expressions comme «pour l'instant» et d'autres précautions linguistiques suscitent aussi chez nous des préoccupations.

+-

    Mme Brenda Johnson Notre groupe a reçu une confirmation de la Fédération internationale du diabète. C'est une énorme organisation, qui regroupe des associations à l'échelle mondiale, comme l'American Diabetes Association, et les associations canadienne et britannique. Il y a bon nombre d'années, elle a mis sur pied un groupe de travail sur l'insuline pour se pencher sur le problème du retrait des insulines animales. Nous avons reçu confirmation du groupe de travail à l'effet qu'Eli Lilly avait déjà cessé la production.

    Vous pouvez donc facilement comprendre notre sentiment d'urgence et pourquoi nous sommes venus à Ottawa vous parler de ce problème. Le temps presse, pour nous.

»  +-(1715)  

+-

    La présidente: C'est compréhensible, madame Chamberlain, qu'Eli Lilly ne veuille pas révéler qu'elle cessera la production. Si elle en a des tas et des tas de réservoirs, ou la capacité d'en produire, la société veut profiter du monopole jusqu'à épuisement de ses stocks.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Bien entendu.

+-

    La présidente: La société n'a pas avantage à le crier sur les toits, et à permettre qu'un concurrent s'en mêle tout de suite, ce qui serait fort possible autrement, si ce concurrent étranger savait qu'Eli Lilly allait céder sa part du marché.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: C'est une question à laquelle vous devrez réfléchir, madame la présidente. Nous faudrait-il une séance à huis clos, pour le comité et, peut-être, Santé Canada, pour formuler des recommandations?

+-

    La présidente: Je crois bien, mais tous n'ont pas eu la chance de poser des questions.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Non, vous avez raison.

+-

    La présidente: Pouvons-nous continuer?

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Il n'est pas nécessaire que ce soit aujourd'hui, si vous ne le souhaitez pas. Mais il me semble que ce serait raisonnable comme prochaine étape. Puis, il faudra faire intervenir la ministre.

+-

    La présidente: Merci de ces recommandations.

    Madame Bennett.

+-

    Mme Carolyn Bennett: A-t-on invité Eli Lilly à comparaître?

+-

    La présidente: Non. Nous voudrons peut-être nous réunir en petit groupe pour discuter des prochaines étapes.

+-

    Mme Julia Hill: Madame la présidente, permettez-moi de faire un autre commentaire. Je ne cherche pas à défendre Eli Lilly, mais je voudrais signaler qu'elle a décidé de continuer à occuper le marché pendant que d'autres ont choisi de se retirer. En toute équité, il faut le signaler.

    Merci.

+-

    La présidente: Oui.

    Madame Skelton.

+-

    Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Madame Johnson, vous affirmez importer votre insuline. Êtes-vous obligée pour cela de passer par le programme d'accès spécial de Santé Canada? À combien de portes devez-vous frapper avant de pouvoir obtenir votre insuline? Est-ce difficile?

+-

    Mme Brenda Johnson: Il m'a fallu six semaines pour obtenir ma commande. Depuis, je me suis associée à Ian MacKay et nous essayons de trouver des solutions en vue de remanier les instructions qui sont données aux médecins et aux patients pour que le tout se fasse plus rapidement. Je crois que nous avons présenté de bonnes solutions, mais il faut reconnaître que la paperasserie est énorme et que cela coûte très cher.

    Il est intéressant de noter ceci: étant donné que l'insuline n'est pas considérée comme médicament légal au Canada, elle doit être livrée au cabinet de votre médecin ou à la pharmacie de votre hôpital local. Or, si elle est livrée au cabinet de votre médecin, neuf fois sur dix elle reste dans les boîtes pendant le week-end, et le cabinet ouvre à des heures impossibles. Votre approvisionnement en insuline n'est pas si commode que cela.

    De plus, il faut comprendre une autre chose importante du programme d'accès spécial: lorsqu'on commande l'insuline bovine de CP Pharmaceuticals, vous devez payer la transaction au complet par carte de crédit ou autrement. De plus, la compagnie n'assume aucune responsabilité dans la livraison de l'insuline. C'est ce qui explique que dans la foulée des attentats du 11 septembre, nous avons entendu dire que certains diabétiques—pas canadiens mais américains—avaient dû attendre pour recevoir leur commande.

    De plus, cela compromet l'intégrité du produit même lorsque l'insuline reste à la grande chaleur sur un quai à New York. Le plus malheureux, c'est celui qui a acheté l'insuline et qui a dépensé 930 $ sans avoir aucun recours.

+-

    Mme Carol Skelton: Vous dites 930 $. Et combien versez-vous à Santé Canada? Êtes-vous obligés de payer quoi que ce soit au ministère pour qu'il permette la livraison?

+-

    Mme Brenda Johnson: Certainement pas.

+-

    Mme Carol Skelton: Je me demandais.

+-

    Mme Brenda Johnson Les sommes mentionnées incluent le coût de l'insuline même. Puis, il y a des frais d'expédition pour la compagnie CP Pharmaceuticals qui dépendent du taux de change et qui avoisinent les 100 $. Puis, il faut assumer des frais de douane et de courtage. C'est ce qui explique qu'il puisse en coûter au total 930 $. Si l'on fait le calcul, cela représente 56,11 $ la fiole.

»  +-(1720)  

+-

    Mme Carol Skelton: Lorsque le médecin découvre que vous êtes diabétique et que vous commencez à prendre de l'insuline synthétique, savez-vous combien de réactions sont immédiates?

+-

    Mme Brenda Johnson: Vous voulez parler du choc insulinique?

+-

    Mme Carol Skelton: Oui. Combien de réactions y a-t-il?

+-

    Mme Brenda Johnson: Cela varie selon la personne. Il y a toutefois une chose que je voudrais signaler au comité. Je me souviens m'être plusieurs fois demandée comment j'allais pouvoir expliquer aux gens la différence entre une réaction induite par l'insuline d'origine animale et une réaction induite par l'insuline synthétique. Comment quelqu'un qui n'a jamais subi cela pourrait-il le comprendre?

    Je déteste citer mon cas comme exemple étant donné que nous sommes des milliers et des milliers à connaître le même problème, mais les différences entre une réaction induite par l'insuline d'origine animale et une réaction induite par l'insuline synthétique sont à la fois très réelles et toute à fait terrifiantes. Je ne pourrais mieux vous l'expliquer.

    L'insuline synthétique a un profil réactif beaucoup plus rapide, inattendu et inexpliqué, et elle vous frappe d'incapacité. J'ai tenté tellement de fois d'expliquer aux gens que non seulement les réactions à l'insuline synthétique étaient plus graves, elles durent également plus longtemps. C'est tout à fait débilitant.

    S'agissant de l'insuline porcine ou bovine, depuis que j'ai recommencé à en prendre, lorsque j'ai une réaction, elle se manifeste en général par des tremblements ou par une sensation bizarre. À ce moment-là, je vais chercher du jus au frigo et je me prends un biscuit par exemple, et cinq minutes plus tard la réaction est passée. Dans le cas de l'insuline synthétique, la réaction peut durer pendant une heure. Je perds la notion du temps, je perds...

    Mme Colleen Fuller: Conscience.

    Mme Brenda Johnson: En effet, je perds conscience.

    Je pourrais fort bien être en train de vous parler ici comme je le fais maintenant et sembler tout à fait bien, puis tout d'un coup être frappée d'un genre d'inconscience qui, même si j'ai les yeux grands ouverts, m'empêche de communiquer. Il y a des convulsions et tout ce qui s'ensuit. Ce genre de réaction ne se produit jamais avec l'insuline d'origine animale.

    Mon dossier est très long. Cela fait 33 ans que je suis diabétique et j'ai utilisé tous les types d'insuline, tous les gadgets et toutes les bébelles qui s'ensuivent, la pompe à insuline, le crayon, l'insuline synthétique, l'insuline bovine, l'insuline porcine, l'insuline bovine-porcine et, croyez-moi, les différences sont terrifiantes.

+-

    Dr Jan Braaten: C'est une histoire que j'ai entendue de très nombreuses fois et elle vous l'a fort bien racontée. C'est exactement ce que disent les autres patients. S'ils prennent de l'insuline d'origine animale, ils sentent la réaction arriver et peuvent la contrôler, mais lorsqu'ils changent d'insuline, ils ont des réactions qu'ils ne peuvent pas contrôler. J'ai entendu cela de très nombreuses fois.

    C'était donc une très belle description de ce que les patients ressentent. C'est tout à fait cela.

+-

    Mme Colleen Fuller: Je pourrais peut-être ajouter autre chose encore.

    Vous avez posé la question au sujet des diabétiques fraîchement diagnostiqués qui n'avaient pas pris d'insuline d'origine animale. Il y a chez nous des gens de tous les âges, de 6 ans à 73 ans. Bien entendu, plus le patient est jeune, moins il risque d'avoir pris de l'insuline d'origine animale.

    Ce que subissent les gens plus jeunes représente un domaine particulier qui nécessite d'être mieux étudié. Ceux qui, comme moi, prennent de l'insuline d'origine animale savent ce qu'une réaction à l'insuline est censée être. Nous savons que l'insuline est censée stabiliser les niveaux de sucre dans le sang et ainsi de suite. Les plus jeunes n'ont pas vécu ce que nous, qui avons pris de l'insuline d'origine animale, avons vécu, et ils sont donc incapables de faire la différence.

    Par contre, nous avons entendu parler de trop nombreux cas de diabétiques fraîchement diagnostiqués qui, après trois ou quatre mois, commençaient à n'être plus capables de dire à quel moment leur niveau de sucre commençait à diminuer, et à n'être plus capables non plus de contrôler ces niveaux de sucre. Je n'ai aucune idée du pourcentage de cas comme celui-là.

    Un des membres de notre organisation représente un groupe de soutien familial de l'Ontario qui compte environ 143 familles. Selon lui, de 20 à 25 p. 100 des enfants dans ces familles ont un profil caractéristique, c'est-à-dire qu'ils sont incapables de dire à quel moment leur niveau de sucre est faible, ils n'ont pas de réaction normale à l'insuline, mais souffrent plutôt d'hypoglycémie grave et de perte de mémoire, ils sont incapables de se concentrer, ils souffrent de diarrhée et de vomissements et ainsi de suite.

    J'ignore combien de diabétiques nouvellement diagnostiqués présentent ces problèmes, mais je pense qu'il faudrait le savoir.

»  +-(1725)  

+-

    La présidente: Merci, madame Skelton.

    J'ai moi aussi quelques questions à poser si le comité accepte de consacrer encore quelques minutes à ce sujet.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Moi aussi, j'ai une petite question à poser.

+-

    La présidente: D'accord.

    Si j'ai bien compris nos attachés de recherche, l'étude Cochrane est considérée dans la plupart des cas comme la référence en ce qui concerne l'analyse, par exemple, des produits pharmaceutiques et des réactions qu'ils provoquent.

    Je me demande pourquoi Santé Canada lance une nouvelle étude, madame Sharma, alors qu'il en existe déjà une, d'autant plus que vous ne semblez apparemment pas connaître l'étude Cochrane et que l'Association du diabète a dû vous en fournir copie.

+-

    Dr Supriya Sharma: En réalité, nous ne faisons pas une nouvelle étude. Ce que nous avons commandé en réalité...

    L'étude Cochrane repose sur une méthodologie qui est considérée comme excellente pour l'examen des thèmes généraux. Elle vous permet, au lieu de devoir examiner 80 patients ici, 800 patients là-bas et 1 000 patients ailleurs, de généraliser les données. Il est manifeste que c'est l'une des méthodes d'analyse systématique possibles.

    L'étude Cochrane est une méthodologie qui peut être utilisée de différentes façons. Dans une certaine mesure elle est normalisée, mais il existe, faute de terminologie plus appropriée, des études Cochrane «qualitativement différentes».

    Il existe ainsi une équipe d'épidémiologistes qui effectuent les études de ce genre, de sorte que pour notre part, nous nous sommes dit, en ce qui concerne ces études Cochrane et ces analyses, qu'est-ce que cela nous donne? De quel genre d'examen qualitatif s'agit-il? Il y a eu d'autres études Cochrane qui, sous l'angle épidémiologique, ne semblent pas très fameuses, et certaines des conclusions qui en ont été tirées ne résistent pas nécessairement à une analyse statistique ou scientifique tant soit peu rigoureuse.

    Par contre, dans le cas de la présente étude Cochrane, ce n'est pas le cas car elle semble avoir été bien composée. Les hypothèses, les autres changements ou analyses qu'on y trouve semblent valides, et les conclusions aussi, mais nous voulions avoir la certitude que des experts de ce genre d'analyse puissent y jeter un coup d'oeil et nous dire oui, c'est une bonne étude, elle a été bien faite et les conclusions qu'elle contient sont valides.

    Ce n'est donc pas une nouvelle étude, c'est un examen de l'étude.

+-

    La présidente: Parfait.

    Maintenant, au bout du compte, si on en vient à conclure que cette étude est effectivement bonne, une des conclusions qu'on doit en tirer c'est que les études sur l'utilisation à grande échelle de certains médicaments devraient tenir compte de l'utilisation qui est faite des différents types d'insuline à l'échelle mondiale, et surtout sous l'angle des pays en développement. Il me semble donc que si nous devons faire de nouvelles études, il faudrait suivre les suggestions contenues dans le rapport Cochrane.

    L'une de ces conclusions était en l'occurrence celle-ci:

... l'insuline «humaine» a été introduite sans qu'on ait fait la preuve qu'elle était supérieure à l'insuline d'origine animale; ces études n'ont pas fait l'évaluation des résultats axés sur le patient comme la satisfaction, la qualité de vie comparée à la santé et la morbidité attribuable au diabète.

Par ailleurs, il ne fait pas non plus l'évaluation quantitative des constats des patients utilisant différents types d'insuline.

    Pour ma part, j'ai trouvé très instructive l'explication que nous a donnée Mme Johnson des différences de réaction dans le cas de l'insuline d'origine animale et de l'insuline humaine. Elle en a fait une très bonne description, de sorte que ce que vous préjugez...

    Ce que je veux dire, et j'ai bien compris, car c'est parfaitement évident, il est impossible de mitiger la réaction comme on pouvait le faire alors en buvant un verre de jus d'orange. C'est parfaitement évident. Et il me semble aussi que personne n'a vraiment pris la peine d'aller compiler ce genre de descriptions auprès des patients eux-mêmes. Par contre, vous nous avez parlé de l'étude.

    Madame Hill, vous nous avez parlé, et je vous remercie pour votre délicatesse ici, des patients qui connaissent ce genre de réaction. Cela est fort bien, mais ensuite vous nous avez parlé de cette brochure qui a pour titre «Votre santé et vous» qui, dans le contexte, dit que les insulines humaines «sont plus efficaces et... que leur innocuité a amplement été démontrée...». C'est peut-être exact pour la majorité des patients, mais vous ne l'avez pas dit.

Et vous ne mentionnez pas non plus le fait que certains patients connaissent des problèmes. Puis, vous allez même jusqu'à faire un peu de publicité pour Eli Lilly et les autres compagnies pharmaceutiques en affirmant que les autres produits sont «tellement populaires» que les compagnies pharmaceutiques ont arrêté de vendre de l'insuline bovine-porcine. Vous donnez donc une raison au retrait des autres produits du marché.

    Je ne pense pas que la popularité ait quoi que ce soit à voir avec cela. C'est simplement une question de coût de production. Une fois qu'on a retiré les insulines de boeuf et de porc, il suffit d'augmenter le prix de l'autre insuline qui est ainsi passée de 7 $ à 22 $. Par conséquent, la marge bénéficiaire triple du jour au lendemain.

    Cela dit, je ne vois cela nulle part. Cela ressemble un peu à une publicité favorable au statu quo qui s'est établi depuis quelques années au lieu d'une remise en question sérieuse dont les médecins pourraient avoir connaissance et qui pourrait effectivement aider ces gens à brasser un peu les choses, parce que c'est bien de cela qu'il s'agit.

    Une voix: Je ne sais pas vraiment s'ils ont besoin d'aide pour le faire.

    Des voix: Oh, oh!

    La présidente: J'aimerais savoir qui a écrit cela. Je veux que vous me disiez par écrit qui est l'auteur de ce texte et qui l'a approuvé, parce que je pense que c'est un véritable scandale.

»  +-(1730)  

+-

    Mme Julia Hill: Et il faudrait vraiment le refaire.

+-

    La présidente: Non, parce que cela n'a jamais été la vérité, c'est une simple publicité.

+-

    Mme Julia Hill: Si vous me le permettez, cela a été rédigé en réponse à certaines questions auxquelles nous nous intéressions à l'époque. Il y avait eu de nombreux échanges dont il ressortait qu'il fallait complètement arrêter de vendre de l'insuline humaine. Certains milieux craignaient une panique.

+-

    La présidente: Je vois.

    Et quand ce texte a-t-il été écrit?

+-

    Mme Julia Hill: Il a été publié en mai dernier.

+-

    M. Greg Thompson: C'était donc, madame la présidente, à peu près au moment où nous parlions des aliments génétiquement modifiés.

+-

    La présidente: En mai dernier? Ce n'est pas si vieux que cela.

+-

    Mme Julia Hill: Si l'on songe à l'évolution et au fait que nous savons...

+-

    M. Greg Thompson: Mais le texte mentionne bien juillet 2000, n'est-ce pas?

+-

    La présidente: Je voudrais poser une autre question. J'ai bien aimé celle de M. Thompson au sujet des recours possibles des gouvernements devant les tribunaux et j'aurais moi aussi deux questions à ce sujet.

    Je sais, pour l'avoir appris il y a longtemps, à ma grande consternation d'ailleurs, qu'il nous est impossible de contrôler les compagnies pharmaceutiques ni ce qu'elles mettent sur le marché. C'est tout à fait regrettable. Par contre, les cas qui sont portés à ma connaissance dans mon bureau de circonscription concernent souvent un seul patient, le seul de ma circonscription, voire de toute la région de Toronto, qui a une maladie vraiment très étrange pour laquelle il existe un médicament en Europe, alors que je sais pertinemment que la compagnie pharmaceutique ne veut pas prendre la peine de faire approuver ce médicament ici, avec tout ce que cela suppose, s'il n'y a que 10 patients qui en ont besoin au Canada. Et je comprends fort bien cela.

    Y a-t-il d'autres cas de gens qui vont devoir se prévaloir de votre programme, monsieur MacKay, et qui représentent potentiellement un nombre de patients aussi élevé que le nombre de diabétiques? Ou alors s'agit-il plutôt de ce dont j'ai eu connaissance moi, un nombre très limité de cas et des maladies relativement rares?

+-

    M. Ian MacKay (chef d'unité, Unité d'accès spécial aux médicaments, Programme des essais cliniques et d'accès spécial, Bureau du conseiller médical principal, Direction des produits thérapeutiques, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé): Le programme d'accès spécial a été créé à l'origine pour répondre aux besoins d'un petit nombre de patients, comme celui dont vous avez parlé. Ce que nous avons pu constater avec le retrait des insulines animales et donc la nécessité de pouvoir avoir accès à ce produit aux États-Unis, ne concerne toujours qu'un tout petit nombre de gens. Je pense que nous traitons avec environ 21 patients, en plus de ceux qui utilisent actuellement de l'insuline de porc approuvée.

    S'agissant des autres produits, nous en avons vu plusieurs retirés du marché au cours des dernières années, un peu comme certaines insulines. Cela a entraîné un genre de ruée sur ces produits, de sorte qu'on a réclamé l'importation de grandes quantités de ces médicaments pour répondre aux besoins. Par conséquent, même si l'essentiel des activités aux termes du PAS concerne un petit nombre de patients, nous avons constaté que de plus en plus de produits étaient retirés du marché canadien pour des raisons commerciales, de sorte que ces produits doivent maintenant être fournis dans le cadre du Programme d'accès spécial.

+-

    La présidente: Très bien, je vous remercie.

    Y a-t-il des compagnies qui produisent ou qui pourraient produire les quantités nécessaires pour régler le problème de l'insuline humaine?

+-

    M. Ian MacKay: Il est certain que le programme donne actuellement accès à certains médicaments qui ont été retirés du marché canadien et qui intéressent au moins le même nombre de patients que ceux qui connaissent actuellement ce problème d'insuline.

+-

    La présidente: Vous voulez donc dire qu'il pourrait s'agir d'un grand nombre de patients et que les compagnies pharmaceutiques retirent du marché le médicament le plus couramment utilisé, de sorte que ces gens doivent venir vous voir pour pouvoir bénéficier du Programme d'accès spécial? De quel chiffre parlons-nous, quatre, cinq, six, davantage?

»  +-(1735)  

+-

    M. Ian MacKay: Malheureusement, il y en a beaucoup plus que cela.

+-

    La présidente: Combien? Donnez-moi simplement un chiffre approximatif.

+-

    M. Ian MacKay: Depuis quelques années, nous avons dû intervenir dans le cas d'une trentaine ou d'une quarantaine de produits qui avaient été retirés du marché et qui...

+-

    La présidente: Cela représente-t-il un grand nombre de consommateurs?

+-

    M. Ian MacKay: Un grand nombre, non; la moitié environ. Dans les autres cas, il ne s'agirait que d'un plus petit nombre de gens. Il y aurait sans doute environ 15 médicaments qui représenteraient... des médicaments qui ont été retirés alors qu'ils étaient pris par un grand nombre de patients, c'est-à-dire plus que le nombre de diabétiques dont nous nous sommes occupés.

+-

    La présidente: Vous pourriez peut-être nous préparer un tableau qui nous donnerait le nom du médicament, à quoi il sert, quand il a été retiré et combien de gens semblent avoir été affectés par ce retrait. Il ne doit pas être d'une exactitude rigoureuse, contrairement à un tableau scientifique, mais simplement représenter une estimation fondée sur votre expérience de la chose.

+-

    M. Ian MacKay: Nous avons à ce sujet des chiffres très précis qui ne sont nullement des estimations. Nous pouvons donc nous engager à vous faire parvenir cela.

+-

    La présidente: Merveilleux.

+-

    Mme Julia Hill: Cela pourrait peut-être se faire conjointement avec les attachés de recherche du comité. Je ne voudrais toutefois pas que cela nuise trop à l'administration proprement dite du Programme d'accès spécial...

+-

    La présidente: Il a dit qu'il avait déjà ces chiffres, alors je ne vois pas en quoi cela nuirait. Ne lui suffit-il pas d'interroger son ordinateur?

+-

    Mme Julia Hill: Je pensais simplement, madame la présidente, que nous pourrions collaborer pour la réalisation des tableaux et également pour définir au juste ce qu'il vous faut.

+-

    La présidente: Cela vous serait utile, c'est sûr.

+-

    Mme Julia Hill: Je vous remercie.

+-

    La présidente: J'ai une autre question. Mon temps de parole est vraiment écoulé et je suis en train de mettre à l'épreuve la patience de mes collègues.

    Nous tâchons de penser au pouvoir que nous avons, et il y a deux questions qui se posent. Tout d'abord, le gouvernement a aidé Connaught à démarrer, et je crois qu'on s'était entendu pour qu'ils soient responsables de l'insuline. Connaught a été achetée par Aventis Pasteur. Lorsqu'ils ont acheté Connaught, se sont-ils soustraits à ses obligations? Êtes-vous au courant de la situation? Est-ce un aspect au sujet duquel les conseillers juridiques pourraient vous aider, madame Hill?

+-

    Mme Julia Hill: En fait, Mme Fuller vient de me dire qu'elle croit connaître la réponse à cette question.

+-

    La présidente: Madame Fuller.

+-

    Mme Colleen Fuller: Vous vous rappellerez probablement que la vente de Connaught avait suscité tout un tollé.

+-

    La présidente: Oui, mais j'ignorais pourquoi.

+-

    Mme Colleen Fuller: Je ne connais pas tous les détails quant à la façon dont on a réglé la question de l'insuline. Connaught était en partenariat avec Novo Nordisk et au moment où cette société a été vendue à Aventis, elle ne produisait plus sa propre insuline. Il existait un accord de distribution avec Novo Nordisk et elle distribuait les insulines Novo au Canada. Cependant, l'Université de Toronto a intenté des poursuites contre Connaught, je crois, parce que l'entente à propos de l'insuline avait été violée. J'en ignore les détails. C'est tout ce que je sais. J'ignore comment la question a été réglée. La poursuite a été retirée.

+-

    La présidente: L'un des représentants de Santé Canada pourrait-il se renseigner à ce sujet? Je suis sûre que le gouvernement du Canada a à tout le moins observé la poursuite, étant donné qu'il s'agissait du contrat que nous avions conclu avec Connaught pour commencer.

    Madame Hill.

+-

    Mme Julia Hill: Nous pouvons certainement poser la question et voir les renseignements que nous pourrons vous fournir.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    J'ai une autre question. Lorsque vous avez tâté le terrain pour voir si vous pouviez avoir une certaine influence dans ce domaine, avez-vous déjà demandé au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, le CEPMB, de faire enquête ou déposé une protestation auprès de ce dernier compte tenu de la hausse incroyable du prix de l'insuline humaine après le retrait de l'insuline animale?

+-

    Mme Julia Hill: Santé Canada possède un mandat très étroit et précis dans lequel nous sommes tenus de fonctionner. Nous évaluons l'innocuité et l'efficacité des produits. Selon le système en vigueur au Canada, nous ne participons d'aucune façon à l'établissement des prix. Cela permet de s'assurer que...

+-

    La présidente: Le CEPMB relève-t-il alors d'Industrie Canada?

+-

    Mme Julia Hill: Il s'agit d'un organisme indépendant...

+-

    La présidente: Mais cet organisme en particulier relève du ministre de la Santé.

+-

    Mme Julia Hill: Mais il est tout à fait distinct de l'instance de réglementation, et cette séparation est tout à fait délibérée.

+-

    La présidente: Très bien.

    Nous avons une brève question de la part de Mme Bennett et de la part de Mme Wasylycia-Leis.

    Vous avez la parole, madame Bennett.

+-

    Mme Carolyn Bennett: À mon avis, personne ne pense que les patients et leurs cliniciens ignorent les options thérapeutiques qui sont les plus efficaces pour eux. Dans un système de soins de santé optimal, nous devrions être en mesure d'offrir toute cette gamme d'options à ceux qui en ont besoin.

    Par ailleurs, j'aimerais que Brenda et Colleen, qui m'ont beaucoup impressionnée, m'indiquent si elles considèrent que le traitement thérapeutique actuel des diabétiques au Canada a été faussé d'une façon qui défavorise les jeunes, à savoir que chacun doit pouvoir essayer toute la gamme d'options après le diagnostic. Ainsi, un certain nombre de gens se voient immédiatement administrer de l'insuline humaine alors qu'une autre option aurait peut-être été préférable pour eux.

    Ce que je crois comprendre d'après ce que vous dites, c'est qu'en raison de cette absence d'options, certaines personnes risquent de recevoir ce qui n'est pas le meilleur traitement dans leur cas. Est-ce votre avis?

    Avez-vous des propositions à faire quant aux autres personnes à qui nous devrions en parler? Je ne comprends pas pourquoi les fabricants de médicaments génériques ne se sont pas intéressés à cette question. Devrions-nous demander à les entendre? Quels sont les autres témoins que vous aimeriez que nous entendions afin qu'ils nous expliquent la raison de cette absence sur le marché d'un produit pour lequel, d'après vous et ceux à qui vous parlez, il existe un besoin réel?

»  +-(1740)  

+-

    Mme Colleen Fuller: En 1995, 45 000 personnes utilisaient de l'insuline animale, et ce marché a été détruit délibérément par les deux sociétés qui la fabriquent, Novo Nordisk et Eli Lilly. Et je ne plaisante pas, elles ont détruit le marché. Les gens ne se sont pas réveillés un lundi en se disant, «Essayons l'insuline humaine»; ce marché a été littéralement détruit. Je crois qu'il serait difficile pour une autre société d'essayer de recréer le marché et j'ignore comment elle procéderait.

    D'après ce que j'ai pu constater, jusqu'à ce que l'insuline animale devienne très difficile à obtenir, l'Association canadienne du diabète avait adopté comme position que le traitement de première ligne devait être l'insuline animale et qu'il n'y avait aucune raison d'administrer à qui que ce soit de l'insuline humaine à moins que l'insuline animale leur cause des problèmes. À l'époque, l'insuline animale causait des problèmes chez environ 1 p. 100 des gens.

    Ce sont les difficultés qui existent à l'heure actuelle. Un plus grand nombre de gens commencent à utiliser de l'insuline porcine parce que nous avons pris des mesures pour en faire connaître l'existence. Bien entendu, aujourd'hui les gens nous contactent parce qu'ils craignent que cette insuline soit retirée du marché. Cependant, la diffusion de cette information et l'examen et peut-être la révision des lignes directrices en matière de traitement représentent énormément de travail.

    Donc, j'ignore la réponse à votre question mais voici ce que je sais. D'après l'estimation la plus prudente, si le nombre de personnes au Canada qui éprouvent des problèmes est de 1 p. 100, nous avons affaire à 2 000 personnes qui éprouvent des problèmes. Si nous utilisons l'estimation de la Suisse selon laquelle ce pourcentage est d'environ 10 p. 100, il s'agit de 20 000 personnes. Ces chiffres incluent les personnes diagnostiquées et celles qui ne le sont pas encore.

    Je considère qu'il nous faut une stratégie pour faire face à cette situation.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Une brève question de Mme Wasylycia-Leis.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Je vous remercie, madame la présidente.

    Je crois que s'il existait un argument pour établir ou pour tâcher de faire valoir que l'accès aux soins de santé ne doit pas être dicté par le marché, nous l'avons entendu aujourd'hui, et je crois que c'est la question dont notre comité doit s'occuper.

    Madame la présidente, le ministère a indiqué qu'il se sentait dans l'impossibilité d'intervenir à cet égard. Pourtant, nous sommes au courant d'autres exemples d'intervention de la part du gouvernement. Regardez les questions qui entourent la guerre ou la lutte au terrorisme. L'ancien ministre de la Santé s'apprêtait en fait à contourner le droit des brevets pour rendre disponible le vaccin contre l'anthrax. Et si le Canada, Dieu nous en garde, emboîte le pas aux États-Unis dans la guerre contre l'Irak, et qu'il y a une pénurie de vaccins contre l'anthrax, nous savons que quelqu'un trouvera un moyen d'en assurer l'approvisionnement.

    Je crois que nous devons examiner la question générale du rôle du gouvernement et du rôle de la Direction générale de la protection de la santé. Et ce n'est d'ailleurs pas un reproche aux représentants du ministère qui sont ici, mais il faut que nous convoquions devant le comité le ministre ou les hauts fonctionnaires, afin qu'ils soient tenus responsables de cette situation. Parce que ce n'est pas uniquement une question d'autorité morale mais aussi d'autorité légale. Dans le cadre de notre régime juridique, nous avons une loi qui exige qu'on assure l'accès aux médicaments nécessaires.

    Donc je crois que nous devons déterminer comment appliquer les lois et le cadre réglementaire existants en matière d'innocuité et d'efficacité à propos d'éléments aussi fondamentaux que des avis et des renseignements à l'intention des patients, et nous devons examiner la façon de garantir un approvisionnement et prendre les mesures qui s'imposent.

    Contrairement à ce qu'a dit Carolyn, je ne crois pas qu'il vous incombe en tant qu'association du diabète de mettre sur pied une entreprise. Je crois que nous parlons des soins de santé universels et c'est au gouvernement qu'il incombe de s'assurer que...

»  -(1745)  

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    La présidente: Judy, je n'ai pas l'impression qu'il s'agisse d'une question. J'ai plutôt l'impression qu'il s'agit d'un discours.

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    Mme Judy Wasylycia-Leis: Puisque c'est la dernière occasion que nous aurons avant de pousser notre étude plus loin, j'aimerais savoir quelles recommandations concernant le plan d'action vous voulez qu'on fasse au Parlement.

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    Mme Colleen Fuller: Je voudrais que le comité recommande au ministère de la Santé de mettre au point une stratégie pour s'assurer que les diabétiques au Canada qui veulent ou doivent avoir de l'insuline animale peuvent la chercher à la pharmacie locale—l'insuline bovine comme l'insuline porcine. Je pense qu'il faut avoir une stratégie pour atteindre cet objectif.

    Voilà ma recommandation.

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    La présidente: Peut-être il y a 25 ans la tâche de Santé Canada aurait été plus facile, mais je pense que l'adoption de la Loi sur les brevets en 1988 et la création du CEPMB ont érigé des murs entre Santé Canada et les compagnies pharmaceutiques. Tout le mécanisme d'examen des prix des médicaments visait à garantir une situation équitable pour les compagnies pharmaceutiques. Il me semble donc que Santé Canada et différents autres intervenants ont été plus ou moins exclus du processus.

    C'est le problème de ces organismes non liés: l'idée de les créer semble bonne au départ, mais ensuite ils deviennent des obstacles.

    Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que mesdames Johnson et Fuller...il s'agit d'une question de pouvoir—de savoir qui a le pouvoir de faire ce qu'il veut. C'est à nous d'essayer de démêler cela. Je suis donc reconnaissante à nos témoins du travail qu'elles ont fait pour faire avancer le dossier, mais je me dois de conclure que c'est à nous d'agir maintenant. L'influence politique est nécessaire dans ce cas. Les fonctionnaires de Santé Canada ont besoin de notre aide aussi.

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    Mme Carolyn Bennett: Mais un partenariat entre le gouvernement et le secteur bénévole est peut-être possible lorsque le secteur privé se retire.

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    La présidente: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je ne prône pas une solution plutôt qu'une autre. Je dis tout simplement qu'il nous incombe de trouver la solution

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    Mme Brenda Chamberlain: Je pense qu'il ne faut pas s'adresser ailleurs. Je pense qu'il faut essayer de régler ce problème ici même.

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    La présidente: J'en conviens.

    J'espérais que M. MacKay me dise que le retrait d'un médicament n'avait jamais touché autant de gens, mais ce n'est pas ce qu'il m'a répondu. C'est pourquoi j'estime qu'il faut se concentrer sur ce médicament.

    Merci beaucoup, mesdames et messieurs.

    Il se peut que je sois obligée d'annuler la réunion de mercredi. On devait examiner le projet de loi C-260, mais je suis convaincue que vous voudrez être à la Chambre lors du vote sur le C-13. Et si on vote sans nous, qui sait ce qui pourrait arriver au projet de loi. La greffière va continuer à vérifier si la Chambre est saisie de notre projet de loi.

    La séance est levée.