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CC38 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité législatif chargé du projet de loi C-38


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 2 juin 2005




¼ 1805
V         Le président (M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.))
V         Mlle Karen Cohen (directrice générale associée et régistraire, Association canadienne de psychologie)
V         Le président
V         M. Khurrum Awan (membre, Congrès islamique canadien)

¼ 1810

¼ 1815
V         Le président
V         M. Ted Seres (coordonnateur national, Ministères spécialisés, Assemblées de la Pentecôte du Canada)

¼ 1820

¼ 1825
V         Le président
V         M. David Brown (avocat, à titre personnel)

¼ 1830

¼ 1835
V         Le président

¼ 1840
V         M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC)
V         M. David Brown
V         M. Rob Moore

¼ 1845
V         M. David Brown
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Rob Moore
V         M. David Brown
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ)
V         Mme Karen Cohen
V         M. Réal Ménard
V         Mlle Karen Cohen

¼ 1850
V         M. Réal Ménard
V         Mlle Karen Cohen
V         M. Réal Ménard
V         Mlle Karen Cohen
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         M. Réal Ménard
V         Mlle Karen Cohen
V         M. Réal Ménard
V         Mlle Karen Cohen

¼ 1855
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas)
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         M. David Brown
V         M. Réal Ménard
V         M. David Brown
V         M. Bill Siksay
V         Mlle Karen Cohen
V         M. Bill Siksay
V         Mlle Karen Cohen
V         M. Bill Siksay

½ 1900
V         M. Ted Seres
V         M. Bill Siksay
V         M. Ted Seres
V         M. Bill Siksay
V         M. Ted Seres
V         M. Bill Siksay
V         M. Ted Seres
V         M. Bill Siksay
V         Le président
V         L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.)

½ 1905
V         M. David Brown
V         L'hon. Don Boudria
V         M. Ted Seres

½ 1910
V         L'hon. Don Boudria
V         M. Khurrum Awan
V         L'hon. Don Boudria
V         Le président
V         M. Mark Warawa (Langley, PCC)

½ 1915
V         M. David Brown
V         M. Mark Warawa
V         M. David Brown
V         Le président
V         M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.)

½ 1920
V         M. Ted Seres
V         M. Michael Savage
V         M. Khurrum Awan
V         M. Michael Savage

½ 1925
V         Le président
V         M. Réal Ménard
V         M. David Brown

½ 1930
V         M. Réal Ménard
V         M. David Brown
V         M. Réal Ménard
V         M. David Brown
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         M. David Brown
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.)
V         M. David Brown

½ 1935
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. David Brown
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Ted Seres

½ 1940
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         M. Ted Seres
V         M. Bill Siksay
V         M. Ted Seres
V         M. Bill Siksay
V         M. Ted Seres
V         M. Bill Siksay
V         M. Ted Seres
V         M. Bill Siksay
V         M. Ted Seres
V         M. Bill Siksay
V         M. David Brown
V         M. Bill Siksay
V         M. David Brown
V         M. Bill Siksay
V         M. David Brown
V         M. Bill Siksay
V         M. David Brown
V         M. Bill Siksay

½ 1945
V         M. David Brown
V         M. Bill Siksay
V         M. David Brown
V         M. Bill Siksay
V         M. David Brown
V         M. Bill Siksay
V         M. Bill Siksay
V         M. David Brown
V         M. Bill Siksay
V         M. David Brown
V         M. Bill Siksay
V         M. David Brown
V         M. Bill Siksay
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Khurrum Awan

½ 1950
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Khurrum Awan
V         Le président
V         M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC)
V         Mme Karen Cohen

½ 1955
V         M. Brian Jean
V         Mlle Karen Cohen
V         M. Brian Jean
V         Mlle Karen Cohen
V         M. Brian Jean
V         M. David Brown
V         M. Brian Jean
V         M. David Brown
V         M. Brian Jean
V         Le président
V         M. Brian Jean
V         M. David Brown
V         M. Brian Jean
V         M. David Brown
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         M. Réal Ménard

¾ 2000
V         M. Ted Seres
V         M. Réal Ménard
V         M. Ted Seres
V         M. Réal Ménard
V         M. Ted Seres

¾ 2005
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         Le président
V         M. Brian Jean
V         Le président
V         M. Brian Jean
V         Le président










CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-38


NUMÉRO 011 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 juin 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¼  +(1805)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.)): Bonsoir, et bienvenue au comité législatif qui étudie le projet de loi C-38.

[Français]

    Bonsoir et bienvenue au Comité législatif chargé du projet de loi C-38.

[Traduction]

    Merci à nos témoins d'être ici ce soir. Nous vous savons gré de votre coopération. Nous vous remercions d'être ici.

    L'interprétation est assurée, bien sûr. Vous connaissez probablement le système.

    Comme vous le savez, vous avez droit à un exposé de dix minutes. Après quoi nous passons aux questions. Le premier tour est de sept minutes pour chaque parti, pour les questions et réponses, après quoi les tours sont de cinq minutes.

    Nous allons entendre l'Association canadienne de psychologie, le Congrès islamique canadien, les Assemblées de la Pentecôte du Canada, et M. Brown, à titre personnel.

    Nous allons commencer avec Mme Cohen de l'Association canadienne de psychologie.

+-

    Mlle Karen Cohen (directrice générale associée et régistraire, Association canadienne de psychologie): Merci.

    Bonsoir. L'Association canadienne de psychologie remercie M. Proulx, le président, et les honorables membres du comité qui nous donnent l'occasion aujourd'hui de vous faire part de nos vues sur cette mesure législative importante, le projet de loi C-38.

[Français]

    Je ferai ma présentation en anglais, mais cela me fera plaisir de répondre aux questions en français s'il y en a.

[Traduction]

    En guise de préface à mon exposé, qu'on me permette de résumer les antécédents et la participation de l'Association canadienne de psychologie, l'APC, dans le débat national sur le mariage entre conjoints de même sexe.

    Comme bon nombre d'entre vous le savez peut-être, l'APC est l'association nationale des psychologues professionnels. Elle regroupe environ 14 000 psychologues canadiens dont les activités scientifiques et la pratique ont trait aux déterminants biologiques, sociaux et psychologiques du comportement humain.

    En 1984, puis en 1986, l'APC a publié deux énoncés de politique qui ont un rapport direct avec notre appui au projet de loi C-38. Le premier, celui de 1984, se prononce contre l'utilisation des renseignements scientifiques dans la promotion de la discrimination, et le second, celui de 1996, s'oppose à la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

    À l'automne de 2003, l'APC a publié un communiqué de presse dans lequel elle réfutait les arguments de ceux qui disent que les personnes homosexuelles sont inaptes à être parents, ainsi que les arguments de ces personnes et groupes opposés au mariage entre conjoints de même sexe qui faisaient état des effets des unions homosexuelles sur les enfants. L'APC a pris position publiquement sur la question du mariage entre conjoints de même sexe et, par extension, sur le rôle parental des gais et des lesbiennes parce que c'est une question que nous connaissons bien.

    L'homosexualité ne constitue pas en soi un problème psychologique ou un désordre, et il y a près de 30 ans que les professionnels de la santé mentale sont de cet avis. En outre, la preuve scientifique dont nous disposons indique que les enfants de parents gais et lesbiens ne sont pas très différents des enfants de parents hétérosexuels sur le plan psychosocial et en ce qui concerne le développement de la sexualité et de l'identité.

    Comme l'ont également affirmé publiquement nos collègues de l'American Psychological Association, la recherche psychologique démontre que les hommes gais et les lesbiennes valorisent les relations durables. Les coupes homosexuels sont comparables aux couples hétérosexuels lorsqu'il s'agit de mesurer une relation de qualité. Les parents lesbiens et gais sont tout aussi capables que les parents hétérosexuels d'assurer à leurs enfants un milieu encourageant et sain. L'identité sexuelle, la personnalité et la sociabilité se développent de la même façon chez les enfants de parents homosexuels ou hétérosexuels.

    Même si l'orientation sexuelle des parents ne cause pas d'entraves psychologiques chez les enfants, le fait que ces familles peuvent être stigmatisées et isolées en conséquence des préjugés publics et systémiques ainsi que de la discrimination peut en effet causer des souffrances.

    La croyance selon laquelle les adultes gais et lesbiens sont inaptes à être parents ou que le développement psychosocial des enfants de parents gais et lesbiens soit compromis ne repose sur aucune base scientifique. Notre position se fonde sur un examen d'environ 50 études empiriques et sur au moins 50 articles et chapitres de livre, et non sur les résultats d'une seule étude. Ces articles sont parus dans des revues comme Developmental Psychology, Journal of Child Psychology and Psychiatry,American Psychologist, Marriage & Family Review, American Journal of Orthopsychiatry, et dans des revues traitant de relations familiales, de rôles sexuels et de travail social.

    On peut en fait trouver une bibliographie commentée sur cette question sur le site Web de l'American Psychological Association.

    En résumé, l'APC se déclare publiquement en faveur du mariage entre conjoints de même sexe. Cet appui se fonde sur le fait que nous croyons dans le traitement juste et non discriminatoire des personnes dans toutes les sphères de la société, et sur notre opposition à ceux qui détournent le savoir pour justifier le traitement discriminatoire des personnes.

    Aucun ouvrage de psychologie ne démontre que les gais et les lesbiennes sont moins aptes à être parents que les personnes hétérosexuelles. Aucun ouvrage de psychologie ne démontre que l'identité psychosociale et sexuelle ainsi que le développement des enfants sont compromis par l'orientation sexuelle des parents.

    Nous remercions une fois de plus les honorables membres du comité qui ont accepté de nous entendre aujourd'hui sur cette loi dont l'importance sociale est immense, et nous vous remercions de mettre votre zèle et votre conviction au service de l'égalité de tous les Canadiens sous le régime de la loi.

    Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons maintenant entendre le Congrès islamique canadien, M. Awan, 10 minutes.

+-

    M. Khurrum Awan (membre, Congrès islamique canadien): Merci.

    Monsieur le président et membres du comité, bonsoir. Je m'appelle Khurrum Awan, et je représente ici aujourd'hui le Congrès islamique canadien.

    Le Congrès islamique canadien fait valoir les intérêts et les préoccupations des dizaines de milliers de Canadiens musulmans qui sont issus de divers pays, nationalités et ethnies. Nous sommes ici pour faire valoir, au nom de notre communauté, l'inquiétude que nous inspire ce que nous considérons être le détournement du mot mariage, mot qui, historiquement et présentement, dans toutes les langues et cultures, signifie l'union entre un homme et une femme. Le mot « mariage » exprime cette notion fondamentale universellement et depuis toujours. Une mesure législative comme le projet de loi C-38 aurait des répercussions sociales profondes, et pourrait peut-être même faire en sorte que des mots aussi communs que mari et femme deviennent politiquement incorrects.

    Nous tenons à rappeler ici que le Congrès islamique canadien soutient les droits fondamentaux de tous les groupes, dont les communautés gaies et lesbiennes du Canada. Cependant, à notre avis, les droits des minorités n'ont rien à voir avec la déformation du sens d'un mot et d'une institution qui ont une signification universelle et qui sont reconnus par toutes les sociétés.

    Nous ne nous opposons pas à un contrat civil liant deux adultes pour les besoins de la cohabitation dans les cas où un tel pacte est défini par un terme comme union civile ou tout terme autre que mariage, mot qui, à notre avis, dans son sens historique et actuel désigne une union entre un homme et une femme. Par conséquent, nous voudrions que le projet de loi C-38 soit amendé pour respecter cette terminologie.

    Nous nous préoccupons vivement du fait que le projet de loi C-38 ne donne aucune garantie légale explicite interdisant les poursuites en vertu des codes des droits de la personne dans les cas où les institutions religieuses ou leur personnel refusent de reconnaître une union civile ou de certifier le mariage de couples homosexuels. Nous aimerions qu'une telle garantie soit inscrite explicitement dans le projet de loi C-38 afin que soit protégée la liberté de religion et de conscience. Toute ambigüité à cet égard doit être complètement supprimée.

    Même si le projet de loi C-38 dit que cette loi n'a pas pour effet de porter atteinte à la garantie dont fait l'objet la liberté de conscience et de religion, la substance de cette information n'est pas claire étant donné que la compétence en matière de célébration des mariages est impartie aux provinces en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867. La Cour suprême a également souscrit à cette opinion dans le renvoi sur le mariage entre conjoints de même sexe.

    Par conséquent, non seulement nous voulons que soit insérée une garantie explicite dans le projet de loi C-38, nous encourageons fortement le gouvernement à pratiquer le fédéralisme coopératif avec les provinces pour s'assurer qu'une garantie explicite est inscrite dans les lois provinciales qui protègent les droits des autorités religieuses, les institutions et des commissaires au mariage civil sur le plan de la liberté de religion et de conscience.

    Parmi les autres amendements au projet de loi C-38 que nous préconisons, nous voudrions qu'il soit amendé afin que soit différencié explicitement l'âge limite pour les mariages traditionnels et les unions civiles entre conjoints de même sexe. À notre avis, la limite d'âge actuelle de 16 ans, qui s'applique aux unions civiles, est insuffisante, car du fait des réalités biologiques et sociales, il faut habituellement plus de temps aux personnes pour définir leur sexualité et s'éloigner avec assurance de la norme hétérosexuelle.

    En ce qui concerne le processus démocratique lui-même, nous aimerions que ce projet de loi soit soumis à un vote libre. Nous nous inquiétons de voir les chefs de parti obliger leurs députés à voter pour ou contre ce projet de loi. Exiger une telle chose serait à notre avis contraire à l'essence de la démocratie parlementaire et constituerait une grave atteinte à la liberté d'expression, non seulement des parlementaires eux-mêmes mais des Canadiens que ces parlementaires représentent. À notre avis, les citoyens du Canada élisent des personnes au Parlement pour faire valoir leurs intérêts et non pour les soumettre au mot d'ordre des chefs de parti.

    Nous tenons à rappeler aux distingués parlementaires qui nous écoutent aujourd'hui que les cours provinciales d'appel et la Cour suprême du Canada donnent des réponses juridiques aux questions juridiques. Cependant, lorsqu'il est question de l'institution du mariage, c'est une question sociale beaucoup plus large à laquelle il faut répondre. Cette question sociale plus large est entre les mains de nos parlementaires, conformément à la division des pouvoirs dans le système constitutionnel canadien. Ce sont eux, et non les juges, qui représentent les citoyens du Canada qui possèdent les outils et le mandat qu'il faut pour se prononcer sur les grandes questions sociales que les juges ne prennent pas en compte.

    Par conséquent, nos parlementaires doivent s'acquitter de la responsabilité qu'ils ont de débattre de ces questions sociales comme il se doit et en profondeur, et non se cacher derrière les tribunaux. Nous rappelons également que la Cour suprême a refusé de répondre à la quatrième question du renvoi sur le mariage entre conjoints de même sexe que le gouvernement du Canada lui avait soumise. À la question 4, on demandait en effet à la cour si l'exigence actuelle relative au mariage entre conjoints de sexe opposé était inconstitutionnelle.

    Dans les motifs qu'elle a donnés pour son refus de répondre à la question 4 du renvoi, la cour a dit que le gouvernement semblait avoir fait siens les jugements des tribunaux provinciaux inférieurs concernant le mariage entre personnes de même sexe, un jugement qui, à notre avis, ne tient pas compte de toutes les dimensions sociales de cette question. Il appartient aux parlementaires de traiter de ces autres dimensions sociales. Il ne convient pas, à notre avis, qu'un gouvernement ou un parti fasse siens les avis des tribunaux sans débattre des dimensions sociales et religieuses de cette question, ce qui est aussi leur obligation constitutionnelle et démocratique.

¼  +-(1810)  

    Je terminerai en abordant l'opinion selon laquelle le maintien de la définition traditionnelle du mariage pourrait nécessiter le recours à l'article 33, appelé aussi disposition de dérogation, de la Charte des droits et libertés. En fait, le préambule du projet de loi C-38 empêche explicitement le recours à l'article 33 pour préserver la définition traditionnelle du mariage. Certains partis politiques ont suggéré de modifier la loi pour rétablir la définition traditionnelle du mariage issue de la common law et établir un régime parallèle pour les couples homosexuels qui serait conforme à la Charte; ainsi il ne serait pas nécessaire d'invoquer l'article 33. Cela pourrait être faisable, mais jetons un oeil critique sur le refus explicite de permettre le recours à l'article 33 de la Charte qui figure au préambule du projet de loi C-38.

    Que pensons-nous du fait qu'il faille invoquer l'article 33 pour préserver la définition traditionnelle du mariage? À notre avis, pour répondre à cette question, il faut examiner la relation entre les tribunaux et l'organe législatif du gouvernement au sein du système constitutionnel canadien.

    Le professeur Peter Hogg, l'un des plus grands constitutionnalistes du pays, a avancé une théorie sur cette relation à la lumière de la Charte. Cette théorie, celle du dialogue, a par la suite été reconnue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Vriend c. l'Alberta. En vertu de la théorie du dialogue, l'examen judiciaire est essentiellement entre les tribunaux et les assemblées législatives et non pas un monologue où les cours dictent leurs agissements aux assemblées législatives. C'est ce dialogue qui détermine comment on peut le mieux concilier les valeurs individuelles de la Charte et la protection et le renforcement des valeurs de la collectivité.

    Aux termes de la Charte, les tribunaux jouent un rôle correctif auprès des assemblées législatives, en ce sens qu'ils leur suggèrent des mesures correctives quand ils annulent une loi. Les assemblées législatives peuvent alors adopter ces changements si elles le souhaitent et adopter les lois de nouveau. De même, la Charte confie un rôle correctif aux assemblées législatives à l'égard des tribunaux à l'article 33. D'ailleurs, selon la théorie du dialogue, l'article 33 facilite le dialogue entre les législateurs et les tribunaux et ce qui explique, en partie, pourquoi on a conféré autant de pouvoirs aux juges non élus par rapport aux députés élus.

    Quand un tribunal ne tient pas compte de toutes les considérations sociales d'une question, comme en l'occurrence, le législateur devrait envisager le recours à l'article 33. Par conséquent, à notre avis, l'exercice du rôle correctif confié aux législateurs aux termes de l'article 33 de la Charte est justifié, surtout quand il s'agit de grands enjeux sociaux qui outrepassent les compétences du tribunal. Selon nous, c'est précisément le cas du mariage entre conjoints de même sexe parce que les tribunaux ont donné une réponse juridique à une question juridique sans examiner toutes les dimensions sociales de cet enjeu. Il incombe au Parlement d'étudier les dimensions sociales et, après avoir pris en compte les opinions des Canadiens, le Parlement devrait être prêt à exercer le rôle correctif qui est le sien aux termes de la Constitution du Canada, tout comme les tribunaux ont exercé leur rôle correctif auprès des assemblées législatives aux termes de la Constitution. Par conséquent, nous sommes d'avis que le préambule du projet de loi C-38 devrait être modifié par la suppression de l'interdiction explicite d'invoquer l'article 33 de la Charte.

    Cela met fin aux remarques du Congrès islamique canadien. Je vous remercie de nous avoir invités à vous les présenter aujourd'hui.

¼  +-(1815)  

+-

    Le président: Merci.

    Je cède maintenant la parole aux Assemblées de la Pentecôte du Canada.

    Monsieur Seres, vous avez la parole.

+-

    M. Ted Seres (coordonnateur national, Ministères spécialisés, Assemblées de la Pentecôte du Canada): Merci.

    En reconnaissance du processus démocratique du Canada et du privilège qu'ont les groupes d'intérêt d'offrir leurs opinions au Parlement et ses organismes et comités autorisés, les Assemblées de la Pentecôte du Canada, APDC, représentant 1 100 congrégations dans toutes les régions du Canada au service d'approximativement 250 000 Canadiens, présentent leur mémoire au comité législatif sur le projet de loi C-38.

    J'ai envoyé la version écrite de notre mémoire, mais il est probable que vous ne le recevrez pas à temps après qu'il aura été traduit en raison de ce qui s'est passé récemment au gouvernement.

    Selon notre compréhension des écritures, nous ne pouvons approuver les relations homosexuelles et lesbiennes, mais les écritures préconisent la justice dans la pratique et la vie quotidienne; dans nos remarques, nous ne comptons pas imposer notre moralité à ceux qui n'adhèrent pas à notre foi et à notre pratique religieuse. Mais à titre de citoyens responsables et de membres d'une société pluraliste, nous vous présentons notre position dans l'espoir que le bien commun de la société canadienne s'accomplisse.

    Permettez-moi de vous toucher quelques mots du caractère unique du mariage. La contribution des deux sexes crée un environnement familial où le mari et la femme peuvent remplir leurs rôles de façon complémentaire. Une saine compréhension du caractère distinct des deux sexes donne des familles saines qui produisent des citoyens sains. Bien des études ont révélé comme il est néfaste pour les enfants de grandir dans un foyer où ils doivent composer avec une structure familiale modifiée.

    Les unions de conjoints de même sexe ne peuvent offrir une famille fondée sur la différence sexuelle. Inclure les relations entre conjoints de même sexe dans la définition du mariage équivaudrait à dire aux Canadiens que la différence sexuelle n'a rien à voir avec la formation d'une famille et de la société en générale. Cela équivaudrait aussi à dire que la collectivité et les familles que les hommes et les femmes créent n'ont rien d'unique.

    J'aimerais maintenant vous parler brièvement de la monogamie dans le mariage. Le mariage reflète le modèle monogame de la relation de cohabitation. La fidélité conjugale est courante dans le mariage traditionnel et est d'ailleurs essentielle au maintien de la relation. Dans une grande mesure, la fidélité n'est pas présente dans les relations homosexuelles.

    Songez à ce qui suit : dans son étude des profils sexuels de plus de 2 500 homosexuels âgés publiés dans le Journal of Sex Research, Paul Van de Ven a constaté que la gamme modale du nombre de partenaires sexuels était de 101:500. De plus, entre 10,2 et 15,7 p. 100 des personnes étudiées avaient eu entre 501 et 1 000 partenaires et entre 10,2 et 15,7 p. 100 ont indiqué avoir eu plus de 1 000 partenaires sexuels au cours de leur vie.

    Dans son étude de l'homosexualité masculine et des préceptes et pratiques sexuelles occidentales du passé et du présent, M. Pollak a constaté que peu de relations homosexuelles duraient plus de deux ans et que bien des hommes indiquaient avoir eu des centaines de partenaires au cours de leur vie.

    Même quand on n'étudie que les couples homosexuels se considérant comme dans une relation stable, les chiffres ne diffèrent pas beaucoup. Dans les couples gais, les auteurs McWhirter et Mattison signalent que dans une étude de 156 hommes dans une relation homosexuelle existant depuis un à 37 ans, seulement sept couples avaient une relation sexuelle totalement exclusive et ces hommes vivaient ensemble depuis moins de cinq ans. Autrement dit, tous les couples dans une relation depuis plus de cinq ans avaient des activités sexuelles extraconjugales. La plupart d'entre eux estimaient que telle était la norme et considéraient l'adoption de la norme monogame comme un acte d'oppression.

    Dans Male and Female Homosexuality: A Comprehensive Investigation, par M. Saghir et E. Robins ont indiqué que la cohabitation entre hommes homosexuels durait en moyenne de deux à trois ans. Dans Journal of Sex Research, Van de Ven a constaté que 22,7 p. 100 des homosexuels âgés avaient eu un seul partenaire sexuel au cours de leur vie. En comparaison, entre 75 et 90 p. 100 des couples hétérosexuels indiquent avoir été monogames toute leur vie. Cela démontre que les relations homosexuelles stables ne peuvent fondamentalement donner lieu à la fidélité et à l'engagement caractéristique de l'institution du mariage.

    Compte tenu de tout cela, donc, le mariage qui inclurait les couples de même sexe minerait cette caractéristique dont dépend le mariage, la monogamie. Si le mariage se définit actuellement comme une relation monogame, le projet de loi C-38 redéfinirait essentiellement le mariage qui deviendrait alors bien moins qu'une relation d'amour exclusivement entre deux personnes. Cela équivaudrait à priver le mariage de l'une de ses caractéristiques distinctives. Les familles canadiennes deviendraient une unité instable. Ce n'est pas le bien commun que les Canadiens envisagent. La nation canadienne en souffrirait.

    Parlons maintenant un peu des enfants. Dans tout ce débat, ce sont probablement les enfants qu'on néglige le plus. Il n'a pas été tenu compte des conséquences que l'adoption de ce projet de loi aurait pour les enfants. Il est irresponsable pour le gouvernement d'envisager l'adoption d'une mesure législative qui redéfinirait la nature de la famille sans d'abord étudier les effets de cette mesure sur les enfants.

¼  +-(1820)  

    L'argument le plus courant contre le mariage entre conjoints de même sexe se rapporte aux enfants et est appuyé par la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant : il s'agit du droit de l'enfant d'être élevé par ses parents biologiques. Grâce au progrès de la procréatique, il sera possible pour des conjoints de même sexe d'avoir des enfants dans leur mariage. En fait, cela deviendrait presque immédiatement un droit, grâce au projet de loi C-38. Cela se ferait aux dépens des enfants, puisqu'ils ne pourraient être élevés par leurs parents naturels. Ils ne peuvent s'exprimer et ce sont eux qui souffriront le plus, pour les raisons que je vais vous donner.

    Les enfants de mariages entre conjoints de même sexe n'auront pas le même attachement qu'avec des parents biologiques.

    Étant donné le mode de vie homosexuel dont j'ai déjà parlé, les enfants de mariages homosexuels n'auront pas le privilège d'un environnement stable où les parents sont loyaux l'un envers l'autre. En fait, il est probable que ces enfants seront forcés de s'adapter à de nombreux changements dans les relations familiales.

    Les enfants de mariages entre conjoints de même sexe vivront dans des familles dont les parents ne sont pas monogames et transposeront probablement cette prédisposition dans leurs relations conjugales futures.

    Les enfants de mariages entre conjoints de même sexe n'auront pas droit à la complémentarité du sexe opposé pour leur épanouissement global.

    De nombreuses recherches ont prouvé que les enfants traversent mieux les diverses étapes du développement, sont plus sûrs de leur identité sexuelle et ont un meilleur rendement scolaire, en plus d'avoir moins de troubles émotifs et d'être des adultes plus fonctionnels s'ils sont élevés par des parents des deux sexes.

    En outre, après un bilan de 49 études selon lesquelles les relations homosexuelles n'avaient pas d'effet sur les enfants dans ces ménages, Lerner et Nagai en viennent à la conclusion suivante :

Bon nombre d'études sont constamment citées pour prouver que l'orientation sexuelle d'un couple n'a aucune influence sur le bien-être des enfants. [...] Est-ce que ces études résistent bien à un examen scientifique? Ce sont les questions que nous posons. Notre démarche se concentre sur l'analyse de la méthodologie employée dans les études actuelles sur les parents de même sexe. Nous concluons que lesdites études ont une méthodologie si déficiente qu'elles ne prouvent rien. [...] Leurs conclusions sont sans fondement.

    Cameron et Cameron dans Children of Homosexual Parents Report Childhood Difficulties, du Family Research Institute, affirment que :

Censées à la fois appuyer et affaiblir la cause du vécu parental chez les homosexuels, 57 descriptions de la vie d'enfants ayant des parents homosexuels publiées par Rafkin en 1990 et Saffron en 1996 ont fait l'objet d'une analyse de contenu. Les enfants ont parlé d'un ou de plusieurs problèmes ou préoccupations dans 48 des 52 familles, ou 92 p. 100 d'entre elles. Parmi les 213 problèmes signalés, 210, ou 94 p. 100, étaient attribuables à l'homosexualité des parents. [...] Ces conclusions ne cadrent pas avec l'hypothèse selon laquelle les enfants de parents homosexuels ne sont pas vraiment différents de ceux qui vivent avec des parents mariés...

    En outre, étant donné le comportement à risque élevé des couples homosexuels, comme nous le disions plus tôt, les enfants de ces ménages seraient exposés à ces risques pour la santé du simple fait de leur proximité et de leur intimité avec leurs parents.

    Parlons maintenant un peu de la liberté d'expression.

    Les milieux religieux craignent beaucoup que la loi proposée n'offre aucune garantie aux membres du clergé et aux membres des groupes religieux contre des poursuites civiles s'ils refusaient de célébrer le mariage d'un couple de même sexe. Malgré la disposition prévue dans le projet de loi C-38, la Cour suprême du Canada a clairement énoncé que ce genre de protection ne relève pas de la compétence fédérale. La liberté de religion est garantie par la Charte, mais cela ne rassure pas beaucoup les praticiens de la foi, étant donné les décisions récentes de divers tribunaux provinciaux et de tribunaux des droits de la personne.

    De plus, dans les provinces, nous commençons à en voir les effets. Des décisions ont été rendues en faveur des mariages entre conjoints de même sexe. En Colombie-Britannique, au Manitoba, en Saskatchewan et à Terre-Neuve, on a déjà dit aux commissaires de mariage qu'ils étaient tenus de célébrer les mariages entre conjoints de même sexe, faute de quoi ils perdraient leur licence. Le Club des Chevaliers de Colomb de Port Coquitlam, en C.-B., fait l'objet d'une plainte en matière de droits de la personne pour avoir refusé de louer sa salle de réception à un couple de même sexe qui voulait y tenir sa réception.

    Nous sommes aussi préoccupés par la situation des aumôniers employés par le gouvernement fédéral ou qui ont un contrat avec lui. Il s'agit des aumôniers des Forces canadiennes et du Service correctionnel. Sont-ils suffisamment protégés, s'ils refusent pour des raisons de confiance, de marier des couples de même sexe? Il faut à tout le moins modifier le projet de loi C-38 de manière à protéger le statut des organismes de charité ainsi que les aumôniers fédéraux qui s'opposent au mariage entre homosexuels pour des raisons religieuses.

    Des expériences ont déjà été menées ailleurs dans le monde. Dans les années 20, l'Union soviétique a essayé de redéfinir le mariage pour en faire une institution moins répressive. On a assoupli les lois en matière de divorce et éliminé les distinctions juridiques entre la cohabitation et le mariage en transformant celui-ci en une union civile destinée, entre autres... À cause de cela, en quelques années à peine, la vie familiale a été déstabilisée. Le taux de divorce a augmenté, le nombre de mariages a baissé de même que la natalité et plus important encore, davantage d'enfants se sont retrouvés dans des foyers brisés, sinon à la rue. Ces répercussions étaient si graves qu'en 1936, le gouvernement a renversé la vapeur pour une partie de cette législation.

    Des réformes semblables ont eu lieu en Suède, en Hollande et au Canada, avec les mêmes résultats : une baisse du nombre de mariages et de la natalité, une hausse du taux de divorce, une augmentation du nombre de couples vivant dans des formes de cohabitation temporaire et de plus en plus de parents vivant seuls avec leurs enfants, sans parler des conséquences qu'on imagine pour les enfants eux-mêmes.

¼  +-(1825)  

    En conclusion, nous déclarons que l'institution du mariage est l'union permanente d'un homme et d'une femme. C'est le contexte le plus propice à la vie familiale. C'est la nature complémentaire d'un homme et d'une femme vivant intimement qui donne au mariage son statut particulier dans notre société. Par définition, il ne saurait inclure d'autres types de relations.

    Étant donné les récentes contestations de l'institution du mariage, nous encourageons le Parlement à veiller à ce que la définition actuelle du mariage soit protégée par nos lois, pour le bien commun de la société canadienne. Les questions d'égalité pour les autres couples, y compris ceux qui vivent dans des relations de dépendance non conjugales doivent certainement être traitées, mais pas aux dépens de l'institution du mariage.

    Pour les Assemblées de la Pentecôte du Canada, il faut pour le bien commun de tous les Canadiens que le Parlement songe sérieusement à toutes les répercussions de l'adoption du projet de loi C-38. Ce projet de loi enlèvera au mariage l'une de ses valeurs fondamentales, la monogamie. Il laissera entendre que la multiplicité des partenaires sexuels cadre bien avec les paramètres du mariage. Il minimisera aussi la nature complémentaire de ce que chaque sexe apporte au mariage. Il causera des torts irréparables à ceux qui ne peuvent se défendre, auxquels on songe le moins dans ce débat, les enfants. Les membres du clergé et de groupes religieux auront aussi bien peu de protection, s'ils en ont, pour leurs convictions religieuses.

    Pour que l'institution du mariage et la famille soient protégées pour tous les Canadiens, voici nos recommandations, en ordre de préférence : premièrement, que le projet de loi C-38 soit retiré. Deuxièmement, qu'un référendum national ait lieu pour permettre aux Canadiens de décider si la définition civile du mariage doit comprendre les couples de même sexe. Troisièmement, qu'un registre civil soit créé pour comprendre toutes les relations de dépendance qui ne cadrent pas avec la définition du mariage, à savoir l'union d'un homme et d'une femme. Quatrièmement, que le projet de loi C-38 soit modifié pour protéger le statut d'organisme de charité des groupes religieux qui s'opposent au mariage entre conjoints de même sexe et aussi pour protéger la liberté de religion des aumôniers et membres du clergé qui sont employés directement ou par contrat par le gouvernement canadien. Cinquièmement, que l'adoption du projet de loi C-38 soit suspendue jusqu'à ce qu'une loi soit adoptée pour protéger la liberté de religion des membres du clergé, des groupes religieux et de ceux qui sont nommés pour célébrer le mariage dans toutes les provinces et tous les territoires.

    J'ajoute qu'avant de mettre en oeuvre quelque loi que ce soit, vous devez penser aux enfants. Ce sont eux qui sont probablement les plus vulnérables lorsque nous redéfinissons la famille de quelque façon que ce soit. Les enfants ne peuvent s'exprimer et ce sont probablement ceux qui en souffriront le plus.

    Merci de nous avoir écoutés.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Brown, vous avez la parole.

+-

    M. David Brown (avocat, à titre personnel): Merci, monsieur le président.

    Je remercie le comité de son invitation. Quand votre greffier m'a téléphoné hier, il a dit que les députés conservateurs m'avaient inscrit sur la liste des témoins. Je remercie donc le Parti conservateur, mais je tiens à dire d'emblée que je comparais devant vous à titre de citoyen. Je ne suis pas partisan et j'ai probablement donné autant d'argent aux deux partis qui sont ici au cours des cinq dernières années. Je prie messieurs Ménard et Siksay de m'excuser; je n'ai pas encore donné d'argent à leur parti, mais on peut toujours espérer.

    Je suis avocat et j'exerce ma profession. Je suis ce qu'on appelle un avocat de Bay Street. Je travaille pour un des grands cabinets canadiens. Je pratique le droit commercial. Je travaille dans le domaine des litiges commerciaux et du droit de l'énergie. Au cours des 20 dernières années, j'ai toutefois travaillé chaque année dans des dossiers constitutionnels. Ces dossiers se sont accumulés au fil des ans et je crois pouvoir prétendre qu'en ma qualité d'avocat, j'ai autant d'expérience que bien d'autres dans deux domaines. Le premier est celui des affaires constitutionnelles portant sur les droits des couples de même sexe. J'ai participé à l'affaire M. c. H., le renvoi sur le mariage, les affaires Halpern et quelques autres dossiers. Le second domaine est celui des questions de liberté de religion.

    Je suis intervenu dans ces causes depuis le milieu des années 80, à l'époque où j'étais stagiaire. Mon patron est devenu par la suite le juge Sopinka, à la Cour suprême du Canada. J'ai écrit de nombreux articles sur les questions de la liberté religieuse. Un de mes articles sera bientôt publié dans le National Journal of Constitutional Law et un autre dans le Supreme Court Law Review. Je suis également professeur adjoint à la faculté de droit Osgoode Hall.

    Je vous raconte tout cela pour vous expliquer un peu mes antécédents, et montrer l' aide que je peux apporter à votre comité. Je témoigne devant vous à titre personnel, comme citoyen qui essaie d'aider le comité. J'ai ma propre opinion au sujet du projet de loi. J'estime que c'est une mauvaise loi, mais j'ai fait valoir mes arguments devant les tribunaux et ils ne les ont pas acceptés. Je suis au courant des commentaires que M. Boudria a faits devant le groupe précédent, c'est-à-dire que ce projet de loi a été adopté en seconde lecture.

    J'ai préparé un mémoire qui vous sera distribué, je suppose, après que cette mesure législative aura reçu son vote final. Dans ce mémoire, je parle de trois grandes conséquences juridiques générales qu'aura le projet de loi C-38. Deux de ces conséquences sont liées à l'analyse de l'égalité. En résumé, s'il adopte le projet de loi C-38, le Parlement acceptera une conception du mariage et une certaine analyse de l'égalité qui feront perdre tout son sens au mariage. Cette institution n'aura plus de limite.

    En fait, dans le récent renvoi sur le mariage entre conjoints de même sexe, la Cour suprême du Canada a déclaré de façon explicite, dans son arrêt, qu'elle n'est pas prête à définir ce qu'est le mariage. C'est le thème qui en ressort constamment. Dans l'examen du renvoi sur le mariage, l'un des avocats a dit que le mariage était une coquille vide à laquelle on pouvait donner le sens qu'e l'on veut. C'est la conséquence qu'aura le projet de loi C-38 et l'analyse de l'égalité sur laquelle il repose.

    La deuxième grande conséquence juridique est qu'en adoptant ce projet de loi et en acceptant le concept d'égalité qui le sous-tend, vous vous lierez les mains pour les 20 prochaines années en matière législative. Les tribunaux ont clairement statué que la procréation n'est plus un élément essentiel du mariage, et qu,elle ne peut donc pas constituer un critère légitime pour établir la distinction.

    Vous avez tous consulté les rapports démographiques. Le taux d'accroissement de la population ne suffira pas à compenser les pertes d'ici 2050 environ, d'après un rapport des Nations Unies il y a quelques mois. Je soupçonne que d'ici les 20 prochaines années, les parlementaires envisageront probablement d'adopter des lois qui établissent une distinction entre les citoyens, en fonction de leur capacité de procréer. L'analyse de l'égalité qui sert de fondement à cette mesure législative vous en empêchera ou vous rendra la tâche très difficile, car elle vous obligera à adopter une opinion contradictoire sur l'égalité.

    J'ai expliqué ces arguments de façon détaillée dans mon mémoire, et je n'en dirai donc pas davantage. Je souhaite vous apporter une aide pratique. Cette aide, je peux vous l'offrir en ce qui concerne la troisième grande conséquence juridique, qui porte sur la liberté de conscience et la liberté de religion.

    J'estime que le projet de loi C-38 n'offre aucune protection légale aux personnes qui s'opposent au mariage homosexuel et que, par conséquent, il n'offre aucune protection contre les efforts juridiques accrus qui visent à obliger les groupes religieux et d'autres, les personnes sans religion, à modifier leur idée du mariage. J'ai plaidé des causes, entre autres tout récemment devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique et ailleurs, disant que la société canadienne d'aujourd'hui est foncièrement divisée en deux camps en ce qui a trait à la moralité sexuelle. L'un de ces camps est celui des Canadiens qui croient en l'existence du bien et du mal dans le domaine de la moralité sexuelle ou de la conduite sexuelle. Pour l'autre camp, il n'y a foncièrement rien de mal. Les pratiques sexuelles ne peuvent pas être qualifiées de bonnes ou mauvaises; elles ne sont répréhensibles que lorsqu'elles nuisent à quelqu'un.

¼  +-(1830)  

    Ce sont les deux groupes fondamentalement différents que l'on trouve actuellement au Canada. Ce projet de loi, à mon avis, ne fait qu'insister sur la division entre ces deux groupes.

    On est donc amené à se demander de façon très pratique comment le législateur va pouvoir donner satisfaction à ces deux groupes dans la décision qu'il va prendre. On a proposé le mot « tolérance » comme principe déterminant qui permettrait à ces deux groupes de cohabiter. Ces temps-ci, les tribunaux ont tendance à considérer la tolérance non pas comme l'aptitude à être ou ne pas être d'accord, mais comme une acceptation forcée de ce que l'autre pense. Dans son opinion dissidente sur l'arrêt Chamberlain rendue il y a deux ans, M. le juge Gonthier a bien schématisé cette division, et j'ai reproduit ses propos à votre intention dans mon mémoire.

    Le thème de la tolérance soulève à mon sens une question essentielle quant à la forme de protection juridique qu'on pourrait incorporer au projet de loi C-38 au profit de ceux qui refusent toute modification de la définition du mariage. Dans sa version actuelle, le projet de loi ne leur offre aucune protection. L'article 2 de l'ancien projet de loi, qui traitait du clergé dont la formulation était très semblable à celle de l'actuel article 3, a été considéré par la Cour suprême comme allant au-delà de la compétence législative du Parlement lorsqu'elle a répondu à la première question. Disons carrément que l'article 3 du projet de loi actuel ne vaut pas le papier sur lequel il est imprimé. Il est tout simplement inutile au plan juridique.Pour être franc, je ne sais pas pourquoi il figure toujours dans le projet de loi, étant donné que la Cour suprême vous a déjà dit que vous n'aviez pas la compétence voulue pour en assurer l'application.

    Cela étant dit, même si je le considère juridiquement inutile, j'en comprends le principe. De toute évidence, les députés des deux côtés de la Chambre s'entendent pour dire que le projet de loi devrait assurer une certaine protection à ceux qui ne sont pas d'accord. C'est à mon sens un consensus parlementaire admirable. Reste à savoir comment on peut lui conférer pratiquement une valeur juridique contraignante.

    J'ai une proposition à vous faire à ce sujet. On pourrait ajouter au projet de loi un amendement qui assurerait une protection juridique réelle. Cette protection juridique est indispensable parce que le gouvernement fédéral a des pouvoirs constitutionnels extraordinaires. Tout d'abord, votre pouvoir de dépenser est sans doute le principal élément de votre activité législative. Vous dépensez dans tous les domaines. Vous avez même dépensé dans des domaines de compétence provinciale, comme la santé. Les tribunaux vous ont autorisés à le faire et les provinces ne sont pas tenues d'accepter votre argent, mais vous pouvez imposer des conditions à ceux qui peuvent en bénéficier et quant aux façons de le dépenser. Vous avez compétence dans le domaine des droits de la personne, qui font l'objet d'une loi fédérale distincte. Vous avez compétence en matière de fiscalité, ce qui pose la question des exemptions, en particulier pour les oeuvres de charité. Vous invitez les gens à soumissionner sur différents avantages et services contractuels, et vous pouvez accepter leurs soumissions ou les rejeter.

    Dans ce très vaste contexte des pouvoirs fédéraux, je vous recommande d'ajouter au projet de loi une clause essentielle qui ne devra pas figurer dans le préambule—les préambules ne servent à rien—et qui ne devra pas être une disposition d'interprétation, étant donné que ces dispositions ne servent à rien, comme on l'a vu à propos de l'article 1.1 du projet de loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations. Dans tous les procès auxquels j'ai participé, la Cour suprême ne leur a accordé aucune importance. Vous devriez donc remplacer l'actuel article 3 par une nouvelle disposition pour laquelle je vous propose la formulation suivante : 1) personne ne peut être privé d'un avantage découlant d'une loi fédérale à cause de ses opinions et de ses pratiques concernant la définition du mariage; et 2) personne ne peut être soumis à une quelconque obligation découlant d'une loi fédérale en raison de ses opinions et de ses pratiques concernant la définition du mariage.

    C'est la façon de couvrir à la fois les avantages et les inconvénients de la législation fédérale. Voilà, à mon sens, le genre de disposition essentielle qui permettrait à ceux qui contestent le projet de loi pour des raisons religieuses ou autres de se dire en définitive : « Je ne suis pas d'accord sur ce qui s'est passé, mais du moins, je n'aurai pas à en souffrir, je ne serai pas privé d'un quelconque avantage et je ne subirai pas d'inconvénients à cause de mes opinions. » À mon avis, compte tenu de vos vastes compétences en matière de dépenses, de fiscalité et de droits de la personne, cette disposition assurerait une protection tout en mettant la loi à l'abri d'une contestation devant les tribunaux.

¼  +-(1835)  

    Je vous invite instamment à envisager un amendement de ce genre. Je crois que cela assurerait une vraie protection. Comme je l'ai dit, je crois m'adresser à un comité où l'on souhaite des deux côtés inscrire une protection en ce sens dans le projet de loi.

    Voilà qui conclut mon exposé, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci.

    Nous passons maintenant au premier tour des questions et réponses. Nous allons commencer avec le Parti conservateur.

    Monsieur Moore, vous avez sept minutes.

¼  +-(1840)  

+-

    M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC): Merci, et merci à tous les témoins qui ont fait un exposé aujourd'hui, et peut-être avec un court préavis. Nous vous en sommes reconnaissants.

    Ma question s'adresse à M. Brown.

    Merci de nous avoir proposé cet amendement de fond. Je crois qu'il est utile, et je trouve également instructif de vous entendre dire que l'article 3 tel qu'il est maintenant est essentiellement inutile sur le plan juridique.

    J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de détails. Avant de vous entendre, nous avons reçu l'Association du Barreau canadien. Certains éléments de son argument m'ont troublé. J'ai dit d'ailleurs à ces représentants qu'ils ne parlaient pas au nom de tous les avocats en prenant position sur ce qui constitue à mon avis un choix de société, mais ils ont pris position quand même.

    Un de leurs commentaires était une affirmation générale selon laquelle « les droits des conjoints de même sexe ne s'opposent pas aux droits des groupes religieux. Ils ne sont également pas en concurrence. Ils sont confirmés et protégés et par la Charte et, selon l'ABC, par le projet de loi C-38. »

    Vous venez de dire que la disposition qui prétend protéger la liberté de religion a essentiellement été déclarée inconstitutionnelle.

    Je leur ai demandé leur avis à ce sujet, et j'admets avoir pris beaucoup de temps pour poser ma question, et ils n'ont pas eu la chance de répondre. Pourriez-vous nous parler particulièrement de certains dont nous avons été témoins, par exemple, celui de l'évêque Fred Henry de Calgary ou des Chevaliers de Colomb de la Colombie-Britannique, où nous avons été témoins de ce que j'appellerais une collision enter les droits de ceux qui ont des convictions religieuses et les droits des couples homosexuels.

+-

    M. David Brown: C'est une question intéressante, monsieur Moore. Un de mes articles a paru il y a deux ans dans la Revue nationale de droit constitutionnel justement au sujet des droits concurrents. Selon moi, cette concurrence entre les droits à l'égalité et la liberté de religion vont faire l'objet de litiges dans les 10 années à venir. En tant qu'avocat plaidant, je suppose que je ne devrais pas m'en plaindre; les affaires seront bonnes, n'empêche que cela soulève des questions essentielles.

    Je pense que nous verrons ces droits se heurter dans deux domaines. Le premier relève essentiellement de la compétence des provinces; il s'agit des mesures législatives protégeant le droit des personnes à avoir accès à des services. Il y a eu une affaire de ce type en Ontario, il y a quelques années, l'affaire Brockie. Un groupe gai souhaitait faire imprimer certains matériaux publicitaires ou un logo; un imprimeur qui était chrétien a refusé; l'affaire a fini devant les tribunaux. C'est un domaine où vont apparaître des conflits de ce type. On en aurait un exemple typique quand les Chevaliers de Colomb mettent certains services à la disposition de la population, pour des fêtes, etc.

    Le second domaine où les droits vont entrer en conflit est celui de l'expression. Je viens d'ailleurs de plaider la cause d' un intervenant dans l'affaire Kempling, devant le tribunal d'appel de la Colombie-Britannique.

    Le Canada, contrairement à bien des pays, a deux caractéristiques: une disposition contre le crime de haine dans le Code criminel; et des dispositions contre les propos haineux dans la plupart des lois provinciales, ainsi que fédérales, je crois. Le libellé de certaines de ces dispositions est très englobant, de telle sorte que si l'observation est péjorative, elle entraînera une responsabilité au titre de la loi. Où les problèmes vont-ils se manifester, de nos jours? Mettons qu'une personne exprime son opposition au mariage entre personnes de même sexe ou défende une morale qui n'approuve pas les partenaires de même sexe; peut-on qualifier ces propos de péjoratifs et peut-on faire taire la personne qui les exprime?

    Je pense que cela aura de profondes conséquences pour la liberté d'expression au Canada. Il reste à savoir comment nous allons vivre ensemble. Nous n'allons pas gagner à notre opinion les gens d'avis contraire. Comment, alors, coexister, avec des opinions différentes, sans qu'un côté ou l'autre n'invoque le pouvoir de l'État pour faire taire ses opposants.

    Je pense que c'est dans les deux domaines que j'ai mentionnés, l'accès aux services et le droit de s'exprimer sur des questions de moralité sexuelle, que se livrera la bataille au cours des 10 années à venir.

+-

    M. Rob Moore: Merci.

    Reprenez-moi si je me trompe, mais dans son arrêt de renvoi, la Cour suprême du Canada a dit que le Parlement fédéral était totalement impuissant dans les domaines de compétence provinciale; je remarque d'ailleurs que votre amendement renvoie à la loi fédérale. Nous sommes donc limités à la sphère fédérale. Certains des scénarios que vous avez évoqués interviendraient de toute façon, quoi que nous fassions, à moins que nous nous abstenions de changer la définition du mariage.

    Il y a une autre partie du mémoire avec laquelle je ne suis pas d'accord et sur laquelle j'aimerais avoir votre opinion. L'Association du barreau canadien dit que le projet de loi C-38 est requis par la Charte des droits et des libertés.

    Selon vous, sommes-nous tenus par la loi d'introduire ce projet de loi? Nous savons que dans divers endroits, les tribunaux ont assumé la responsabilité de changer la définition du mariage; je sais aussi que la Cour suprême du Canada n'a pas tranché la question de savoir si la définition traditionnelle du mariage selon la common law était contraire à la Constitution. Que pensez-vous de cette affirmation selon laquelle nous serions légalement tenus d'introduire le projet de loi?

¼  +-(1845)  

+-

    M. David Brown: Avant de répondre, permettez-moi de dévoiler mon préjugé.

    J'ai fait valoir que l'article 15 devrait être interprété de façon à ce que la définition du mariage comme étant l'union d'un homme et d'une femme ne puisse être jugée inconstitutionnelle. Les cours d'appel provinciales n'ont pas retenu cet argument. Mais qu'en est-il aujourd'hui? Nous ne le savons pas. La Cour suprême du Canada a expressément refusé de répondre à la question numéro quatre. La Cour suprême a dit deux choses : premièrement, la Cour suprême refuse de juger inconstitutionnelle la définition du mariage qui se limite à l'union d'un homme et d'une femme. Elle a décidé de ne pas se prononcer sur cette question. Nous n'en connaîtrons donc jamais la réponse. Deuxièmement, la Cour suprême a toutefois déclaré que le gouvernement fédéral possède la compétence législative nécessaire pour modifier la définition du mariage. Mais cela ne veut pas dire que la Charte exige qu'on modifie la définition du mariage; cela signifie simplement que le gouvernement possède la compétence législative de modifier cette définition.

    Donc, pour ce qui est de l'argument de l'association du barreau, selon qui la Charte exige que la définition soit modifiée, l'adoption de ce projet de loi nous donnera une loi très inhabituelle, puisqu'en fin de compte nous ne connaîtrons jamais la réponse, étant donné que la Cour suprême n'a pas répondu à la question numéro quatre. Je n'ai jamais rien vu de ce genre durant ma carrière d'avocat, et ce n'est qu'une des caractéristiques exceptionnelles de cette affaire.

+-

    M. Rob Moore: Me reste-t-il du temps, monsieur le président?

+-

    Le président: Il vous reste 20 secondes.

+-

    M. Rob Moore: Vingt secondes? D'accord.

    Enfin, puisque la cour a refusé de répondre à la question numéro quatre, certains ont dit, entre autres des constitutionnalistes, qu'il serait possible d'adopter en droit une définition du mariage et que cela ne signifierait pas nécessairement... D'autres disent qu'au contraire, nous devons absolument avoir cette définition du mariage. D'autres constitutionnalistes encore ont dit que la Charte permettrait d'accorder des droits égaux aux conjoints de même sexe tout en conservant la définition traditionnelle du mariage alors que d'autres s'y opposent en disant que la décision a déjà été prise.

    Qu'en pensez-vous?

+-

    M. David Brown: Pour ma part, je trouve que c'est un argument valable qui pourrait être invoqué à l'appui de cette mesure législative. Mais nous ne savons pas quelle est la situation aujourd'hui. La Cour suprême a déclaré, très adroitement d'ailleurs, qu'elle ne répondrait pas à la question, et elle vous a renvoyé la balle. La plus haute instance du pays vous laisse vous débrouiller tout seul avec cette question.

+-

    M. Rob Moore: Merci.

[Français]

+-

    Le président: C'est maintenant au Bloc québécois.

    Monsieur Ménard.

+-

    M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ): Merci, monsieur le président.

    Vous ne serez pas surpris que je commence en posant des questions à Mme Cohen. Je meurs d'impatience de lire le mémoire. Je le lirai dès qu'il sera traduit.

    Bien qu'il se dégage de ma personne une très grande robustesse, je suis un homme très sensible. Tout à l'heure, j'ai subi un léger traumatisme. Je vais m'en remettre, mais je veux quand même vous en faire part, parce que cela fait du bien de s'exprimer, comme vous le savez.

    REAL Women of Canada — vous voyez tout de suite que le nom de l'association pose problème, comme s'il y avait de vraies femmes et de fausses femmes, mais c'est un autre débat — a exprimé un point de vue très tranchant, très conservateur en affirmant le plus sérieusement du monde devant le comité que, sur le plan de la psychogénèse — la psychogenèse est l'étude des  stades de développement de la personne  —, quand des enfants grandissent au sein de familles...

    Avez-vous la traduction?

[Traduction]

    Entendez-vous l'interprétation? Voulez-vous réduire mon temps?

[Français]

+-

    Mme Karen Cohen: J'ai compris ce que vous venez de dire, mais j'ai maintenant j'ai la traduction.

+-

    M. Réal Ménard: D'accord.

    Donc, REAL Women of Canada, qui est à la limite de l'homophobie, a dit que les enfants qui grandissent dans une famille homosexuelle, dans une famille homoparentale, ne peuvent pas être des enfants normaux sur le plan de l'identité sexuelle, sur le plan de l'intelligence et sur le plan des stades de développement.

    À votre connaissance, depuis combien d'années a-t-on, au Canada ou aux États-Unis, des recherches sur des cohortes d'enfants issus de familles homoparentales? Que peut-on rigoureusement en conclure, en laissant de côté les préjugés, les truismes et les facilités trop souvent répandus dans certains groupes de droite peu préoccupés par la rigueur scientifique?

[Traduction]

+-

    Mlle Karen Cohen: On fait de la recherche dans ce domaine depuis une vingtaine d'années en Amérique du Nord. Aucune preuve ne corrobore ces affirmations. Je le dis spécifiquement parce que l'objet de la science est de prouver la fausseté d'un point de vue ou d'une hypothèse, et non pas nécessairement de prouver ou de corroborer un point de vue. Les points de vue peuvent être fondés sur d'autres systèmes de croyances religieuses ou sur d'autres valeurs, mais quant à ce que les études scientifiques ont à nous apprendre, rien ne prouve que les enfants des couples lesbiens ou homosexuels présentent un quelconque retard dans leur développement psychologique, qu'il s'agisse de leur identité sexuelle, de leur développement social ou psychologique. Voilà ce que l'on peut dire formellement, et nous le faisons depuis plusieurs années.

¼  +-(1850)  

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Je sais que la professeure Danielle Julien, de l'UQAM , a publié aux États-Unis et au Canada. J'imagine qu'il y a dans votre mémoire des références scientifiques que nous pourrons demander au greffier de nous procurer. Mais avez-vous quelques informations dont vous pourriez faire part au comité quant à la méthodologie scientifique? Comment peut-on se réconforter quant à la façon scientifique d'évaluer un phénomène comme celui-là?

[Traduction]

+-

    Mlle Karen Cohen: Voulez-vous parler de la méthodologie employée dans ces études en sciences sociales?

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Par exemple, on m'a parlé des travaux d'une Mme Patterson aux États-Unis, qui remontent à 25 ans, où on a pris des cohortes d'enfants homosexuels et hétérosexuels. On m'a parlé d'une étude longitudinale, où on a suivi des enfants de la petite enfance jusqu'à l'âge de 22 ou 23 ans.

    C'est de ce type de méthodologie que nous devrions nous parler comme membres du comité avant d'affirmer des grossièretés et des bêtises comme celles que nous avons entendues tout à l'heure.

[Traduction]

+-

    Mlle Karen Cohen: Comme je l'ai indiqué, on trouve une bibliographie annotée sur le site Web de l'American Psychological Association qui, comme je l'ai dit, a compulsé plus d'une centaine d'études et de documents. Notre point de vue ne résulte pas d'une seule étude, et il sera toujours possible de trouver des études dont les conclusions sont différentes. Nos conclusions et nos affirmations sont fondées sur un ensemble de données, qui sont à votre disposition.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Je ne sais pas si j'ai encore le temps de poser une ou deux questions. Le temps ne passe pas si vite.

+-

    Le président: Avec vous, oui.

+-

    M. Réal Ménard: Vous êtes trop charmant, monsieur le président, et attachant de surcroît. Ne prenez pas cela comme des avances, évidemment. Je m'en garderais bien.

    Je suis un fils issu d'une famille de cinq enfants. J'ai un frère jumeau identique, homozygote, comme disent les scientifiques. Je suis homosexuel et mon frère ne l'est pas. Dans ma famille, nous avons tous eu les mêmes références culturelles. Je suis de la génération des Oraliens, de Grujot et Délicat, etc. J'ai fait mon primaire dans les écoles publiques. Je suis né en 1962.

    Je vais vous poser une question de croissance personnelle, qui n'est pas utile pour les témoignages. Seriez-vous plus encline à penser que l'homosexualité est quelque chose d'acquis ou d'inné? Je sais que c'est une question très difficile, mais je vous sens forte et très affirmée.

[Traduction]

+-

    Mlle Karen Cohen: Les études scientifiques nous montrent que c'est quelque chose de complexe et de surdéterminé résultant de nombreux facteurs, mais selon la sagesse actuelle, on y trouve un élément biologique et génétique très fort. Il y a d'autres facteurs, sans doute d'ordre social et psychologique, mais on s'entend pour dire qu'il y a un très fort facteur biologique, et l'homosexualité ne se manifeste donc pas nécessairement à l'âge de 20 ans.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Si vous aviez à vous définir sur le plan professionnel, seriez-vous plus une humaniste, une behavioriste, une freudienne ou une post-freudienne? À quelle école d'intervention souscrivez-vous dans votre pratique de psychologue?

    En ce qui concerne les données scientifiques, vous semble-t-il qu'il y a un courant professionnel ou idéologique qui s'impose plus dans l'investigation? Sont-ce les freudiens, les behavioristes ou les rogériens qui ont travaillé le plus sur cette question? Vous-même, à quelle école souscrivez-vous?

[Traduction]

+-

    Mlle Karen Cohen: Je suis une des responsables de l'Association canadienne de psychologie, et je ne suis donc pas ici à titre de pasychologue pratiquante ou d'experte en matière de sexualité ou de comportement sexuel. Je présente le point de vue de notre association. Elle compte de nombreux membres qui, évidemment, ont des connaissances et une pratique spécifiques dans ce domaine, mais cela dit, je pense que les psychologues s'en tiennent à une pratique axée sur les preuves, ils travaillent sur le comportement et font référence à des données scientifiques qui ont fait leurs preuves.

    J'ai passé la majorité de ma carrière en psychologie de la santé et si vous voulez connaître mes convictions personnelles, en tant que psychologue, je pense qu'il y a une interaction complexe entre ce que nous pensons, ce que nous éprouvons et notre constitution. Mais il est difficile de dire s'il y a 80 p. 100 d'un côté et 20 p. 100 de l'autre.

¼  +-(1855)  

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Je reviendrai au deuxième tour pour discuter de la liberté de religion avec Me Brown.

+-

    Le président: Merci.

[Traduction]

    Nous passons maintenant au Nouveau Parti démocratique.

    Monsieur Siksay, vous avez sept minutes.

+-

    M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais remercier tous nos témoins des exposés qu'ils nous ont présentés ce soir, et qui nous seront très utiles.

    M. Brown a dit craindre que son mémoire ne nous parvienne pas à temps, du moins avant l'adoption du projet de loi. Est-ce qu'on peut nous garantir que ce ne sera pas le cas, de façon que nous puissions lui donner l'assurance que nous allons recevoir cette information bien avant l'adoption du projet de loi?

+-

    Le président: D'après ce que je comprends, tous les mémoires, tous les exposés que nous recevons aujourd'hui, sont déjà rendus à la traduction. C'est une question de jours, sinon d'heures, avant qu'ils soient traduits et distribués.

+-

    M. Bill Siksay: Merci.

+-

    M. David Brown: J'ai apporté 25 copies de la version anglaise. Je les ai remises au greffier. J'ai peut-être fait abattre trop d'arbres, mais il...

+-

    M. Réal Ménard: En tout cas, n'envoyez pas la facture au comité.

+-

    M. David Brown: Je n'ai pas encore été remboursé, n'est-ce pas?

+-

    M. Bill Siksay: J'ai une question pour Mme Cohen.

    Dans son exposé, M. Seres a mentionné quelques études. Il les a nommées. Je crois qu'i a mentionné Lerner et Nagai, Rafkin, Saffron et Cameron et Cameron. Je me demande si vous connaissez ces études. Je sais que vous n'avez pas aimé la façon dont on s'est servi de certaines données. Vous avez dit des choses aujourd'hui qui varient énormément par rapport à ce que d'autres témoins ont dit au sujet de la façon dont les données et les diverses études ont été utilisées. Je me demande donc si vous pourriez nous donner votre opinion sur ces études-là.

+-

    Mlle Karen Cohen: Comme je l'ai dit, je ne suis pas nécessairement experte en ce qui concerne le contenu de ces études, mais je sais que nous avons émis un énoncé de position sur un des auteurs mentionnés par M. Seres, et nous n'approuvons ses positions étant donné le genre de travail qu'il a effectué. Je vous remettrai volontiers une liste de références.

    D'après nous, il est important de ne pas prendre position sur un sujet puis de tenter de trouver les données qui appuient cette position. Nous estimons, en tant que scientifiques, que nous devons analyser les données pour pouvoir justifier notre position.

    Est-ce qu'on peut formuler des arguments méthodologiques pour réfuter ces ouvrages? Oui, mais il est possible de le faire pour réfuter n'importe quel ouvrage, dans n'importe quel domaine, et par rapport à n'importe quel problème de santé ou de comportement.

+-

    M. Bill Siksay: Vous avez abordé toute la question de l'utilisation et de la mauvaise utilisation des connaissances. En tant que non-initié, est-ce qu'il y a des questions que je devrais me poser lorsque je lis une étude susceptible de m'aider à mieux évaluer le texte que j'ai en main? À quoi devrais-je m'attarder?

+-

    Mlle Karen Cohen: Ce qui est essentiel, à mon avis, si vous voulez utiliser des données pour vous faire une opinion, du moins des données psychologiques, il faut que vous trouviez plusieurs études qui montrent les mêmes résultats sur la base des mêmes questions, plutôt que seulement une ou deux études. C'est un point très important. Il a été important pour nous de pouvoir analyser toutes les données, ce qui nous a permis de prendre notre position.

    Ce qui pose problème dans la recherche sur les sciences sociales, évidemment, c'est qu'il ne s'agit pas de recherche expérimentale, puisqu'on ne peut pas changer les gens. Chacun est ce qu'il ou elle est; on observe tout simplement chaque individu. Cela donne lieu à toutes sortes de questions complexes et on doit parfois imaginer le début des choses. Mais je crois que la première question qu'il faut se poser c' est sur quoi est basée une opinion? Sur combien d'études? Pendant combien de temps a-t-on suivi les sujets?

    Par exemple, vous savez probablement qu'il existe beaucoup d'études sur les thérapies de conversion, et certains des arguments méthodologiques portent sur le genre de sujet visé par chaque étude. Qui sont-ils? Si le sujet est une personne qui veut changer son identité, le résultat sera bien différent d'un sujet qui ne le souhaite pas.

    Il y a donc des questions méthodologiques très complexes qu'il faut se poser, mais la question essentielle, à mon avis,c' est combien d'études ont abouti aux mêmes conclusions?

+-

    M. Bill Siksay: Merci.

    Monsieur Seres, vous tracez un portrait très intéressant de la vie de personnes gaies comme moi. Je ne peux pas dire que je m'y reconnais personnellement, mais cela m'amène à me demander comment l'Église pentecôtiste du Canada fait la promotion de la fidélité auprès des personnes homosexuelles. Étant donné la situation où il n'existe pas de réseaux de soutien pour nos relations, faut-il être étonné qu'il y ait des problèmes dans ces relations? Étant donné que nos relations ne sont pas reconnues, n'est-on pas en droit de supposer que ces relations pourraient être plus courtes dans un contexte social comme celui-là?

    Même si les couples hétérosexuels peuvent s'appuyer sur des réseaux de soutien considérables et même si ce genre de relations est accepté par la société, le nombre de mariages qui échouent est assez important dans notre pays. N'y a-t-il pas un rapport entre ces phénomènes, à savoir que si nous avions plus de réseaux de soutien, nos statistiques seraient meilleures?

    Je ne dis pas que j'admets vos statistiques nécessairement non plus, mais n'est-ce pas une affirmation logique?

½  +-(1900)  

+-

    M. Ted Seres: Dites-moi à quels réseaux de soutien vous faites allusion. Je crois comprendre que pour la plupart des couples gais, si ce n'est le fait qu'on ne parle pas de couples mariés, ils ont fait de grands progrès en obtenant sûrement des moyens de soutien et des droits dans d'autres domaines, par exemple dans l'emploi, dans la reconnaissance de leurs relations et au chapitre des prestations au survivant. Quelle différence flagrante y a-t-il au niveau des réseaux de soutien, si ce n'est le fait qu'on ne parle pas de couples mariés?

+-

    M. Bill Siksay: Il me semble qu'il existe un ensemble assez important d'appuis sociaux qui sont offerts, par exemple, par les églises aux Canadiens hétérosexuels, alors que c'est un nombre très limité de Canadiens gais et de lesbiennes qui profitent des mêmes services.

+-

    M. Ted Seres: C'est difficile quand votre foi et votre pratique religieuses ne sont pas favorables à ce mode de vie. Je pourrais dire cependant qu'étant donné que nous représentons plus de 3 000 titulaires de lettres d'accréditation, nous accueillerions sûrement toute personne gaie et lui offririons notre soutien. Nous ne sommes pas contre les gais, nous nous opposons seulement à ce qu'ils se marient dans le cadre de notre foi et de notre pratique religieuses.

    On m'a posé la même question il y a deux ans lorsque j'ai fait un exposé devant le Comité de la justice de la Chambre des communes, qui étudiait la même question. J'ai trouvé la question assez intéressante et j'y réfléchis depuis. Qu'est-ce qui vient en premier? Est-ce que ce sont les appuis sociaux qui viennent en premier et qui sont suivis d'une action, ou est-ce que c'est l'action qui vient en premier? Dans le sujet qui nous occupe, est-ce que le mariage vient en premier, suivi ensuite des appuis sociaux? D'après ma interprétation de l'histoire, le mariage entre un homme et une femme a toujours existé, puis le gouvernement est venu et lui a accordé son soutien parce qu'il a compris la valeur que le mariage apportait à la société. Ce ne sont pas les appuis gouvernementaux qui ont créé cette institution qu'est la relation monogame entre un homme et une femme.

    Je soutiens que peu importe les appuis que vous allez créer, je n'arrive tout simplement pas à voir comment l'on va créer cette relation monogame dont vous parlez. C'est mon avis.

+-

    M. Bill Siksay: Croyez-vous que les hommes hétérosexuels sont intrinsèquement monogames?

+-

    M. Ted Seres: Dans le mariage? La plupart.

+-

    M. Bill Siksay: Non, hors du mariage.

    Vous n'êtes pas vraiment obligé de répondre à cette question.

+-

    M. Ted Seres: Je comprends ce que vous voulez dire.

+-

    M. Bill Siksay: Je pense que l'on pourrait en discuter.

    Je crois que je n'ai plus de questions, monsieur le président.

+-

    Le président: Nous allons maintenant passer au Parti libéral. Nous en sommes au premier tour.

    Monsieur Boudria.

+-

    L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.): Merci.

    Les questions que j'aies concerne la protection de la liberté de religion. Premièrement, nous ne pouvons pas, à mon avis, amender le projet de loi pour lui faire dire le contraire de ce qu'il dit—ce n'est pas seulement mon avis à moi, c'est la jurisprudence parlementaire qui le veut. C'est ce que le conseil ou le président dirait. Par exemple, au lieu d'adopter le projet de loi tel quel, nous l'amendons pour dire que nous invoquerons une disposition dérogatoire. Eh bien, le Parlement peut adopter un autre texte de loi plus tard; je ne serais pas d'accord, mais techniquement, il pourrait le faire. Mais vous ne pouvez pas amender ce projet de loi pour dire cela. Ce projet de loi vise à reconnaître le mariage, et c' est le seul texte que nous pouvons amender. Nous ne pouvons pas amender d'autres lois qui ne sont pas visées par le projet de loi et nous ne pouvons pas amender le projet de loi pour qu'il dise le contraire.

    Cela dit, et je crois que c'est vrai, je veux savoir quel genre d'amendement à votre avis pourrait assurer une plus grande protection pour les ministre du culte, les prêtres et ceux qui dispensent des services matrimoniaux au sein des communautés religieuses? Je crois que ce serait très important pour notre comité.

    Plus tôt aujourd'hui, l'Association du barreau canadien nous a dit que le texte du projet de loi assure parfaitement cette protection. La Commission de droit du Canada nous a dit la même chose hier. L'Église unie a dit la même chose hier. Certains disent que non, qu'il faut améliorer le texte. Nous aimerions savoir quel libellé pourrait clarifier cette protection, si un tel libellé existe. Dire que le fait de ne pas adopter ce projet de loi vaudrait mieux ou quelque chose du genre—et vous avez le droit d'être de cet avis—ne va pas changer grand chose.

    Tout d'abord, est-ce qu'il y a des témoins ici qui croient que le projet de loi pourrait mieux protéger les libertés religieuses? Et, bien sûr, comment pourrait-on le modifier en ce sens?

    Enfin—pardonnez-moi si je passe tant de temps là-dessus—sachant bien sûr que ces mariages sont maintenant autorisés dans sept provinces, il n'existe en ce moment aucune loi qui protège les ministres du culte, les prêtres et d'autres. J'imagine donc que toute protection vaudrait mieux que ce que nous avons maintenant, parce qu'il n'y en a pas, du moins pour 90 p. 100, probablement, de tous les mariages au Canada.

    Voulez-vous réagir à cela? Vous n'avez pas besoin d'avoir le texte. Vous pouvez nous l'envoyer plus tard. Ça va aussi.

½  +-(1905)  

+-

    M. David Brown: Je pense que je peux vous aider ici, monsieur Boudria.

    Tout d'abord, en ce qui concerne ce que le gouvernement fédéral peut faire pour protéger les ministres du culte dans la célébration du mariage, vous ne pouvez rien faire. Vous n'avez pas autorité pour agir. Cela relève de l'article 92 de la Constitution et non de l'article 91. La cour l'a dit au paragraphe (2) de la question numéro un dans le renvoi sur le mariage entre personnes du même sexe. Vous n'avez pas autorité pour agir.

    Toutefois, certaines provinces ont pris les mesures voulues pour assurer ce genre de protection. L'Ontario a voté une loi, dans les quatre dernières semaines, et a modifié les dispositions de la Loi sur le mariage ainsi que du Code des droits de la personne de l'Ontario qui traitent expressément de cette question et qui protègent les ministres du culte. La protection des ministres du culte en ce qui concerne la célébration du mariage est une question qui relève de l'autorité provinciale et non fédérale. Je ne me rappelle pas si vous étiez dans la salle lorsque j'ai fait mon exposé, mais l'article 3 est inutile. Vous n'avez pas l'autorité voulue pour adopter l'article 3, et cet article ne sera pas appliqué par les tribunaux.

    Cependant—et je prends note de votre remarque—il semble que le Parlement va changer la définition. Il y aura un vote majoritaire, et il faut accepter cela, mais je crois que le Parlement doit aussi reconnaître qu'il subsiste un désaccord substantiel au sein du pays à propos de ce changement. Le Parlement a autorité pour dire, eh bien, nous allons modifier la définition, mais ce n'est pas seulement parce que l'on change cette définition que les gens doivent subir le fardeau de la loi, et par conséquent, on ne peut pas se servir du pouvoir de la loi pour forcer les gens à penser différemment.

    C'est là où j'ai proposé un amendement, que le gouvernement fédéral incorpore un article sur le fardeau et l'avantage du fait de votre pensée religieuse, et cette disposition pourrait tenir la route dans le cadre de la juridiction fédérale.

    Tel est mon avis, si cela peut vous être utile.

+-

    L'hon. Don Boudria: Les autres ont-ils une opinion, monsieur le président? Je ne dis pas qu'ils doivent répondre, mais si d'autres veulent le faire, j'aimerais les entendre.

+-

    M. Ted Seres: Eh bien, monsieur Boudria, je ne suis pas avocat, je n'y connais donc rien, mais vous avez à votre service des rédacteurs qui pourraient sans doute trouver le libellé voulu.

    Je dois le répéter, au nom de nos plus de 3 000 titulaires de lettres d'accréditation, que les gens ont très peur. Même si le gouvernement offre des garanties, celles-ci ne sont pas prises très au sérieux.

    J'étais la semaine dernière au Laurentian Leadership Centre, qui fait partie de l'Université Trinity Western, et je me rappelais la bataille qu'on avait menée quelques années auparavant en Colombie-Britannique, qu'ils ont fini par remporter, mais au coût d'heures sans nombre et de centaines de milliers de dollars. Je crains pour les ministres du culte et je sais qu'ils sont très nombreux à éprouver des inquiétudesavoir peur. Ils craignent que même s'ils ont certains droits et qu'il y a peut-être des garanties dans la charte, ils s'exposent toujours à des poursuites; ils s'exposent toujours à des contestations judiciaires. Nos pasteurs n'ont tout simplement pas les ressources ou le temps voulu pour se défendre contre cela.

    S'il y a quoi que ce soit que le gouvernement fédéral peut faire pour contribuer à les protéger et faire en sorte qu'ils puissent s'acquitter honnêtement de leurs fonctions comme ministres du culte sans toute cette peuret inquiétude, tout ce que vous pourriez faire nous serait sûrement utile.

    Je crains aussi pour certains d'entre eux qui sont employés par le gouvernement fédéral, nos aumôniers dans les forces armées et nos aumôniers qui ont des contrats avec Service correctionnel Canada. Pour être employé par le gouvernement fédéral, il leur faut évidemment être accrédités par leur confession. Mais si on leur demande de faire quelque chose qui est contraire aux croyances de leur confession, celle-ci devra les congédier et suspendre leur accréditation. Tout ce que vous pourrez faire pour leur donner des garanties sera sûrement utile.

½  +-(1910)  

+-

    L'hon. Don Boudria: J'imagine qu'il y a des gens dans votre organisation qui ont eu la possibilité... Ont-ils,ou les experts qui travaillent pour eux,t eu la chance de voir s'ils pourraient produire un libellé qui nous aiderait? Tout en admettant, bien sûr, que la Cour suprême a dit au sixième paragraphe, en réponse à la question  no3 «... nous concluons que la liberté de religion garantie par la Charte protège les autorités religieuses de la contrainte d'avoir à marier deux personnes du même sexe, contrairement à leurs croyances religieuses. » 

+-

    M. Khurrum Awan: Dans le cadre de nos recherches, nous avons fait mention surtout du renvoi sur le mariage entre conjoints de même sexe. Il semble que la cour ait décrété sans équivoque que le Parlement fédéral n'est pas habilité à accorder des garanties solides aux autorités religieuses, sinon aux termes de la loi fédérale, comme le professeur Brown l'a laissé entendre. Nous voulions les garanties explicites, pour que l'esprit de cette déclaration soit exprimé, pour que les tribunaux puissent s'en servir comme guide dans l'interprétation des lois. Cependant, la principale option que nous proposons est l'idée du fédéralisme coopératif, que le gouvernement a appliqué dans d'autres domaines comme les soins de santé, c'est-à-dire que l'on négocie avec les provinces pour s'assurer que tout est en place au moment où la loi entre en vigueur. Ainsi, les imams, les rabbins et les prêtes n'ont pas à se faire traîner devant les tribunaux. Voilà ce que je réponds à cette question.

    Je voulais apporter une précision sur un autre point que vous avez soulevé. Quand nous parlions de l'article 33, nous ne disions pas que vous devriez dire « nonobstant » et adopter intégralement la mesure. Nous disions que nous ne nous opposons à ce qu'on l'inscrive dans le préambule. Cela laisse entendre que l'on n'a pas tenu compte plus largement des considérations sociales. Nous croyons que la cour a répondu à une question juridique. Les questions sociétales d'une portée plus large relèvent du mandat du Parlement et il faut en tenir compte. Le Parlement doit garder l'esprit ouvert pour que tous les outils, y compris la disposition dérogatoire, soient déjà inclus.

    Je vous ai donné l'exemple de la théorie du dialogue pour montrer que la disposition dérogatoire n'est pas quelque chose de scandaleux. Elle était censée être utilisée en de rares occasions, mais nous ne pensons pas qu'il faille la rejeter du revers de la main sans en examiner les avantages.

+-

    L'hon. Don Boudria: Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Nous passons maintenant au deuxième tour. Pour le Parti conservateur, M. Warawa. 

+-

    M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais remercier chacun des témoins d'être venus ici aujourd'hui. J'ai assisté à la plupart des réunions. Je les ai trouvées très instructives et je vous remercie de bien vouloir nous consacrer de votre temps aujourd'hui.

    Je viens d'une localité de Colombie-Britannique, appelée Langley. J'ai communiqué avec chaque ménage de ma ville, au moyen d'un bulletin distribué à toutes les adresses et en faisant de la publicité. J'ai demandé à chacun de me faire savoir, par écrit ou par téléphone, comment les gens aimeraient que je vote là-dessus.

    Je suis marié depuis 33 ans, j'ai cinq enfants, quatre garçons et une fille. Le fait d'avoir des enfants des deux sexes m'a donné un point de vue très intéressant. Mon QI n'a pas augmenté, mais mon expérience de la vie a été enrichie par le fait d'élever des garçons et des filles. Ils sont très différents. Ce fut une magnifique expérience. Ils sont adultes aujourd'hui.

    Dans 96 p. 100 de la correspondance que nous avons reçue, mes électeurs ont dit qu'ils veulent protéger la définition traditionnelle du mariage, mais qu'ils veulent aussi assurer une protection, les mêmes avantages et droits, à tous les Canadiens. Dans le cas d'une union de conjoints de même sexe, les gens voudraient que les conjoints aient les mêmes droits et avantages aux termes de notre Charte des droits et libertés, tout en maintenant la définition du mariage.

    Ma question est celle-ci : quelle es la différence? Qu'est-ce qui est supérieur? Certains témoins nous ont remis de la documentation affirmant leurs convictions que le mariage, en tant qu'institution, est supérieur à une union civile, et je voudrais avoir votre opinion là-dessus.

    Monsieur Brown, vos observations m'ont beaucoup plu. Je voudrais que vous nous en disiez plus long sur la définition contradictoire de l'égalité. Vous avez commencé à nous en parler. Où cela nous mène-t-il? Vous avez dit que c'était une mauvaise loi. En quoi cela va-t-il influer sur les écoles confessionnelles, leur liberté d'enseigner comme elles le voudraient? Il y a un conflit au niveau de la liberté d'expression. Cela aura-t-il une incidence sur les écoles confessionnelles? Peut-être que les témoins pourraient commenter l'amendement recommandé par M. Brown,

    Merci.

½  +-(1915)  

+-

    M. David Brown: Écoutez, j'essaie de deviner, mais je crois qu'au cours des cinq prochaines années les choses vont se passer de la façon suivante car c'est ce que l'on a vu aux États-Unis dans un contexte différent.

    Le projet de loi va être adopté. La définition de mariage sera changée. On dira alors que la politique canadienne, ou l'intérêt public canadien veut que ce serait aller contre cet intérêt public que de tenter de dire que le mariage doit se limiter à l'union d'un homme et d'une femme. On dira que le Parlement s'est exprimé et a ainsi exprimé l'intérêt public. Si l'intérêt public exige que le mariage soit l'union de deux personnes, ceux qui préconiseront le contraire préconiseront une position contraire à l'intérêt public.

    Quand on préconise quelque chose de contraire à l'intérêt public, cela touche un certain nombre de régimes législatifs. Au palier fédéral, il y a la Loi de l'impôt sur le revenu, parce que toute la question du statut des organismes de charité dans la common law veut qu'ils ne peuvent exister s'ils sont contraires à la politique du pays. Un des arguments que l'on avancera dans les prochaines années est que les organismes de charité qui adoptent une position contraire au mariage entre personnes du même sexe auront une position contraire à l'intérêt public et à la politique canadienne et ainsi se verront révoquer leur statut d'organismes de bienfaisance.

    On a le précédent de l'Université Bob Jones aux États-Unis. Le contexte était différent, il s'agit de discrimination raciale dans une université, mais dans l'affaire Bob Jones, le statut d'organisme de bienfaisance a été retiré, et c'est le précédent que l'on invoque chaque fois qu'il est question de mariage entre personnes de même sexe ici au Canada et c'est donc la prochaine étape logique. Ce n'est pas être alarmiste que de dire cela, c'est ce qui va se passer.

    Quant aux écoles confessionnelles, beaucoup de régimes législatifs provinciaux comportent deux éléments. D'une part, il faut obtenir l'autorisation de la province pour ouvrir une école confessionnelle. Là encore, toute la question sera de savoir si ce sera dans l'intérêt public ou contraire à l'intérêt public que d'ouvrir une école confessionnelle qui s'oppose au mariage entre personnes du même sexe.

    Dans certaines provinces, en particulier en Colombie-Britannique, il y a une loi qui porte sur les écoles indépendantes. Ces écoles doivent satisfaire à cinq critères pour obtenir des fonds de la province. L'un de ces critères est qu'il faut opérer dans l'intérêt public et défendre les valeurs des citoyens canadiens. C'est là qu'on présentera l'argument suivant : les écoles indépendantes qui voient une objection au mariage entre personnes de même sexe devraient être privées de subventions. La Colombie-Britannique, me semble-t-il, s'est montrée particulièrement stricte à cet égard avec le College of Teachers. L'affaire de Trinity Western qui en est un excellent exemple, et l'affaire Kempling, plus récente ont été cités. Je crois que ce sera de cette façon que l'on avancera ces arguments.

    J'espère vraiment que je me trompe. J'espère que ce ne sera jamais le cas. Toutefois, je m'occupe de ce genre de causes depuis 15 ans et rien ne me porte à croire qu'il en aille différemment. Je vais sûrement avoir du pain sur la planche les 10 prochaines années mais comme l'a signalé à très juste titre M. Seres, pourquoi des particuliers qui prônent un point de vue contraire devraient-ils être traînés devant des tribunaux des droits de la personne? Pourquoi devrait-il y avoir des causes type et tout ce genre de choses, et pourquoi les gens devraient-ils avoir à engager des dépenses pour défendre leurs droits constitutionnels? Le comité a la possibilité de recommander un amendement réel au projet de loi qui prévoirait une véritable garantie de liberté religieuse. Je vous encouragerais à en profiter et à le faire.

+-

    M. Mark Warawa: L'amendement que vous proposez apaiserait-il les deux autres témoins en ce qui concerne la liberté de religion?

+-

    M. David Brown: Il faudrait le leur demander.

+-

    Le président: Nous avons largement dépassé le temps alloué. Nous en sommes à sept minutes plutôt que cinq, de sorte que nous reviendrons sur cette question plus tard.

    Maintenant, c'est à M. Savage du Parti libéral.

+-

    M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je me joins aux autres pour vous remercier d'être venus ce soir. C'est une soirée splendide à Ottawa. Nous pourrions être en train de faire bien d'autres choses mais nous sommes ici pour discuter d'un projet de loi important. Je vous remercie d'être venus.

    Je sais bien que nous sommes ici en comité législatif—et nous sommes censés nous intéresser aux aspects techniques mais nous nous sommes largement écartés de notre mandat. Depuis quatre ou cinq mois, je réfléchis à un problème qui touche de près le sujet qui nous occupe et je voudrais que vous me disiez ce que vous en pensez. Il s'agit de savoir si un député doit représenter l'opinion de ses électeurs ou la sienne propre, c'est-à-dire ses propres croyances d'après la foi qu'il pratique, son expérience personnelle, etc.

    Monsieur Seres, vous avez dit qu'à défaut du retrait du projet de loi, vous recommandiez en second lieu un plébiscite national. Il faut dire qu'il n'y aura pas de plébiscite national mais je voudrais vous poser une question hypothétique. S'il y avait un plébiscite national et que le résultat était 50 p. 100 plus un ou plus de partisans pour l'union homosexuelle, cela changerait-il votre point de vue sur la question?

½  +-(1920)  

+-

    M. Ted Seres: Non. Nous reconnaissons que nous vivons dans une société pluraliste. Je pense qu'il faudrait accepter que les Canadiens se seraient exprimés. Cela ne changerait pas mon opinion nécessairement mais nous nous en accomoderions.

+-

    M. Michael Savage: J'ai rencontré certaines personnes dans ma circonscription, comme nous l'avons tous fait et je me souviens d'une discussion en particulier dans mon bureau de circonscription avec une personne croyante qui disait que je devais à tout prix représenter l'opinion de mes électeurs. Il présumait que mes électeurs étaient opposés à ce projet de loi.

    J'ai expliqué clairement ma position dès que le projet de loi a été déposé. À mon avis, c'est une question d'égalité. Il s'agit des droits d'une minorité. J'ai dit que même si je respectais et j'essayais de traduire les sentiments de mes électeurs, sur une question comme celle-ci j'allais agir pour le plus grand intérêt de ce que me dictent ma tête et mon coeur. Ensuite, je lui ai demandé si, à supposer qu'il soit député et que la majorité de ses électeurs appuient le mariage homosexuel, il l'appuierait. Il m'a dit que non parce que c'est immoral.

    Nous avons tendance à penser que tout le monde partage le même point de vue que nous. Depuis cette conversation, j'ai eu l'occasion au mois d'avril, de sonder la population de ma circonscription grâce à 400 échantillons d'une enquête omnibus. Au total, 52 . 100 à 53 p. 100 de gens appuient ce projet de loi, ce dont je suis fort aise.

    Je voudrais savoir ce que M. Awan pense de la notion de demander à une majorité de s'exprimer sur le droit d'une minorité.

+-

    M. Khurrum Awan: Bon, je reconnais que c'est un peu une pente savonneuse mais j'ai le sentiment, par ailleurs, qu'il y a des intérêts divergents qui doivent être pris en compte, et à mon avis c'est le Parlement qui est là pour cela, beaucoup plus que les tribunaux. Un plébiscite ou référendum est effectivement quelque chose à quoi il faudrait songer pour ce genre de question mais je le répète, il y a des intérêts divergents qui doivent être pris en compte.

    Je dirais que tenir un plébiscite ou demander aux gens de voter sur telle ou telle question, rend plus crédibles les processus démocratiques formels , tout en permettant au Parlement... Je veux dire par là que si le résultat donne 53 p. 100 contre 47 p. 100, voir 60 p. 100 contre 40 p. 100, il y aurait effectivement lieu pour moi de protéger le droit de la minorité. Mais si le résultat donne mettons 95 p. 100 contre 5 p. 100, la balance du pouvoir change un petit peu. Même si les tribunaux confirment une décision, il faut à mon avis prendre en compte les deux opinions.

    Mais ici aussi, cela revient à l'une des propositions que j'avais fait valoir au comité au sujet du rapport qui existe entre la structure judiciaire et les assemblées législatives. L'idée est ici qu'un Parlement représente le peuple canadien. Les tribunaux représentent pour leur part une loi naturelle d'un ordre plus élevé à laquelle nous souscrivons dans le cadre de la Charte des droits et libertés. Il faut donc trouver entre les deux un meilleur juste milieu que celui que produit le projet de loi C-38.

    Si on lit le préambule du projet de loi et si l'on songe aux différentes étapes de l'examen du projet de loi qui ont déjà eu lieu à la Chambre, le gouvernement en fait semble vouloir dire qu'il fait cela parce que la Cour suprême ou les tribunaux le lui ont imposé, mais en fait sans qu'il y a ait eu un véritable examen social au sens large de la question et je dirais que c'est contre cela que nous nous exprimons.

+-

    M. Michael Savage: Il arrive que le Parlement trouve le moyen de prendre des décisions en connaissance de cause. Je pense que ce dossier-ci est de ceux-là. Lorsqu'un plébiscite conduit dans les années  80 aurait révélé que la majorité des Canadiens étaient favorables à la peine de mort, le Parlement s'est exprimé contre le rétablissement de la peine capitale, avec d'ailleurs une majorité de députés conservateurs parce qu'à l'époque, c'était le parti conservateur qui était au pouvoir. Lorsqu'on donne aux gens la possibilité de se pencher sur les questions et les examiner en détail, c'est précisément là où, pour moi, le Parlement excelle.

    Mais il ne s'agit pas ici de 95 p. 100 contre 5 p. 100. J'imagine qu'au Canada, les avis sont dans l'ensemble relativement partagés. Et à mon sens, l'une des choses les plus importantes qu'on puisse faire au Parlement, c'est de protéger les droits de la minorité et c'est pour cette raison, sous cet angle-là en particulier, qu'à mon avis c'est de cette façon qu'il faut procéder.

    Je terminerai ainsi par un point de suspension. Je sais que nos points de vue à ce sujet sont différents, mais je pense que mon temps d'intervention est maintenant terminé.

    Merci, monsieur

½  +-(1925)  

[Français]

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons maintenant passer au Bloc québécois.

    Monsieur Ménard.

+-

    M. Réal Ménard: Merci, monsieur le président. Je vais m'adresser à M. Brown, dont je lirai le mémoire avec attention, il va sans dire.

    Je suis d'accord avec vous pour dire que l'article 3 du projet de loi est peut-être un peu faible. Par contre, si on examine la dizaine de jugements ou d'arrêts rendus par la Cour suprême depuis les 10 dernières années en matière de liberté de religion, on se rend bien compte que ce n'est pas une question juridictionnelle. Ici, ce que l'on cherche avant tout à protéger dans la loi, accessoirement à la célébration du mariage, c'est la liberté de religion. On traite de celle-ci dans tous les codes provinciaux ainsi que dans la Charte canadienne des droits et libertés. Elle a été invoquée dans différents contextes, que ce soit relativement à l'observance du congé du dimanche, au port du kirpan ou à l'établissement d'une souccah à Ville Mont-Royal. La Cour suprême a poussé très loin sa façon de définir la liberté de religion. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'elle a toujours fait en sorte d'opter pour la définition la plus libérale possible?

    Ce qui me fait peur concernant votre raisonnement, c'est que vous semblez l'attacher à la locomotive juridictionnelle. Pour moi, ce n'est pas surtout une question de juridiction. Imaginons qu'une contestation judiciaire ait lieu concernant le refus d'une confession religieuse quelle qu'elle soit de célébrer un mariage, autant en vertu de l'alinéa 2a) que de l'une des dispositions des codes provinciaux en matière de droits de la personne. Je me demande comment la cour pourrait en arriver à une conclusion différente, puisqu'il s'agit là d'une situation qui n'est pas discriminatoire et que, pour des raisons de dogme ou de liberté de religion, on ne peut pas forcer les groupes religieux à marier des gens.

    Cette réalité n'est pas de nature juridictionnelle: elle s'inscrit dans une vision de la liberté. Pour cette raison, l'article 3, même s'il n'a qu'un caractère déclaratoire, a selon moi sa raison d'être dans un projet de loi comme celui-là. On peut le renforcer. En outre, on prendra en considération votre amendement. Cependant, je trouve qu'il y a quelque chose d'un peu faux dans le fait de laisser entendre que, pour des motifs juridictionnels, parce que cette protection n'est pas suffisamment musclée, elle n'existera tout simplement pas.

[Traduction]

+-

    M. David Brown: Je pourrais peut-être vous répondre d'abord d'une façon plus précise puis plus générale.J'avoue être tout à fait d'accord avec votre objectif.

    Pour répondre de façon précise, vous avez qualifié l'article 3 de faible. À mon avis, il est plus que cela.

    Je pourrais peut-être vous lire l'alinéa 36 du renvoi sur le mariage entre conjoints du même sexe, et je cite : « L'article 2 de la proposition de loi »—qui est semblable à l'article 3 du projet de loi C-38—« porte sur ceux qui peuvent (ou doivent) célébrer les mariages. La compétence législative en ce qui a trait à la célébration du mariage relève exclusivement des provinces, aux termes du paragraphe 92(12) de la Loi constitutionnelles de 1867 ».

    Par conséquent, en tant qu'avocat, si je lis les alinéas 35 à 39 du renvoi sur le mariage entre conjoints du même sexe, j'y vois que la Cour suprême, tout en reconnaissant le souci légitime de protéger la liberté religieuse au moyen du projet de loi, n'en conclut pas moins que le Parlement n'a pas compétence en la matière. Ça ne marchera pas. Ça n'a aucune force ou effet juridiques.

    Voilà donc pour la réponse précise, mais ensuite, il faut aussi voir comment ce comité peut recommander au Parlement d'atteindre l'objectif général, que vous partagez d'ailleurs sans doute, à savoir protéger la liberté religieuse.

    Il y a deux moyens de s'y prendre. Premièrement, ainsi que je l'ai déjà proposé, on peut présenter un amendement lié aux pouvoirs fédéraux. Pourvu qu'on établisse un lien entre l'amendement et les questions de compétence fédérale, on ne se trompera pas.

    En second lieu, vous pouvez toujours vous abstenir d'agir. Si telle est votre décision, vous aurez aussi tout à fait raison, car encore très récemment, dans les causes Amselem et Village de Lafontaine, les tribunaux ont très fermement protégé la liberté religieuse. Il faut cependant se demander, du point de vue d'un avocat plaidant, dans quelles circonstances la Cour suprême du Canada s'est exprimée ainsi. Dans le contexte de procédures judiciaires des Juifs orthodoxes qui faisaient partie du Syndicat Northcrest à Montréal ont dû poursuivre la société qui gérait leur immeuble en copropriété pour jouir de leurs droits. Aussi, les témoins de Jéhovah de Lafontaine ont été obligés de poursuivre leur municipalité pour exprimer leur foi religieuse en toute liberté.

    Tout ce que je dis, c'est que cela coûte cher, ce que M. Seres a lui aussi mentionné. Par conséquent, peut-être que le projet de loi pourrait parer à cette obligation d'intenter des poursuites si vous y insériez une disposition à cette fin.

½  +-(1930)  

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Je voudrais vous poser une deuxième question par rapport à ce que vous venez de dire.

[Traduction]

+-

    M. David Brown: Bien.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Ce que je veux vous entendre dire, c'est que vous ne pouvez pas conclure de ce libellé qu'il n'offrira aucune garantie.

    L'histoire récente des jugements de la Cour suprême va à l'encontre de cela. Dans Amselem, lorsqu'on a contesté pour Ville Mont-Royal, c'était en vertu de dispositions de la Charte dans des domaines de juridiction provinciale. La cour fait une différence entre l'accessoire et le principal. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas renforcer le libellé. Oui, on regardera peut-être les amendements, mais je trouve que vous êtes injuste sur le plan juridique quand vous dites que cela n'offrira aucune garantie. Ce n'est pas juridictionnel. Lorsque la cour a eu à se prononcer sur les libertés de religion, ce n'était pas en vertu du motif de compétence, mais en vertu du dogme et du discours officiel. Vous donnez une interprétation de l'article 3 qu'aucun des jugements récents en matière de liberté de religion que vous avez cités, Amselem, Northcrest et tous ceux qu'on connaît, n'a donnée. Oui, il faut le « viriliser », sans mauvais jeu de mot, mais ne soyez pas trop sévère envers l'article 3.

[Traduction]

+-

    M. David Brown: Dans ce cas, j'aimerais exprimer clairement ma position.

    Si le Parlement estime que l'article 3 protégera la célébration de mariages et sera reconnu par les tribunaux, il fait fausse route. En effet, la Cour suprême vous a déjà laissé savoir que malgré vos louables efforts, ça ne marchera pas, car le Parlement n'a pas compétence en la matière.

    Cela dit, la Cour suprême ajoutera aussi peut-être qu'en dépit du fait que l'article 3 est nul et non avenu, l'ensemble de droits résultant de l'alinéa 2a) constituera une mesure de protection. Si j'en juge d'après la jurisprudence que vous citez, vous semblez penser qu'il en est ainsi, et je suis d'accord avec vous, monsieur Ménard.

    Là où je veux en venir toutefois, c'est que, au cas où la Chambre tenterait d'insérer des dispositions protégeant la liberté religieuse dans le projet de loi C-38, la Cour suprême vous a déjà dit que cela ne marchera pas. Par conséquent, je vous recommande plutôt de rédiger un amendement qui sera lié aux questions de compétence fédérale.

    Je ne suis pas en désaccord avec vous au sujet de la jurisprudence...

+-

    M. Réal Ménard: Oh, je vous remercie. Allez-vous donner de l'argent au Bloc québécois comme les autres en donnent aux Libéraux?

+-

    Le président: Monsieur Brown, je dois reconnaître que vous l'avez cherché.

+-

    M. David Brown: Quoi ?

+-

    Le président: Il faut s'attendre à ce que M. Ménard vous relance là-dessus.

    On en revient au Parti libéral.

    Monsieur Macklin, la parole est à vous.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup.

    Je me joins à mes confrères pour vous remercier tous d'être venus. Nous savons tous les efforts que vous avez dû déployer pour vous préparer et pour venir ici, et nous vous en remercions. Vous éclairez notre réflexion, et espérons en apprendre toujours encore plus.

    Monsieur Brown, votre présence ici ce soir me rappelle le grand intérêt qu'avait suscité chez moi l'exposé que vous aviez fait il y a quelques années à Toronto, sauf erreur. À l'époque, j'avais été intrigué par les arguments que vous aviez présentés, et ce que vous nous proposez ce soir m'intéresse tout autant. Vous suggérez des façons de mieux ancrer la protection, du moins dans les lois fédérales.

    Toutefois, même si je n'ai pas sous les yeux votre texte, j'ai l'impression, pour vous avoir écouté, que ce que vous proposez a une vaste portée. C'est d'ailleurs ce qui me préoccupe, car d'aucuns pourraient faire valoir que la protection que vous suggérez pourrait servir à faire progresser la polygamie ou même le mariage des mineurs, par exemple.

    Pouvez-vous m'assurer et me convaincre que les craintes que suscite en moi ce que vous proposez ne sont pas fondées?

+-

    M. David Brown: Votre remarque est très pertinente, car j'ai préparé mon texte rapidement hier soir dans l'avion qui m'amenait ici.

    Je comprends que vous puissiez être préoccupé par une application éventuellement trop large de ma proposition. Je pourrais la modifier, mais je voudrais vous faire remarquer que le principe de l'égalité que le tribunaux ont confirmé permet maintenant à n'importe quel groupe qui le souhaiterait de se prévaloir du mariage dans sa définition maintenant élargie. Mais laissons cet argument de côté et revenons à ce qui vous préoccupe.

    Je pourrais sans doute modifier ma proposition et au lieu de dire « en raison de leurs pratiques et de leurs croyances liées à la définition du mariage », je pourrais sans doute parler plutôt de leurs « croyances par rapport au mariage entre personnes de même sexe ». Ainsi, on en ferait une modification de type plutôt corrélatif, puisqu'il renverrait précisément à l'article essentiel du projet de loi, soit l'article 2.

    Autrement dit, si un grand nombre de Canadiens refusent le mariage entre personnes du même sexe, par conviction intime, ils ne seront pas privés de quoi que ce soit ni ciblés de quelque façon que ce soit par les lois du Parlement fédéral. Voilà l'objectif que j'essayais d'atteindre. Je ne voulais certes pas ouvrir la porte encore plus grande. D'ailleurs, vous pouvez vous faire aider par des greffiers législatifs et des avocats qui sont bien placés pour trouver le mot juste.

    Je suis sensible à vos préoccupations, et je crois que pour atteindre mon objectif, il suffira de choisir des termes plus appropriés. Mais je continue à croire que la notion ou la structure relative aux fardeaux/avantage pourrait être avantageusement utilisée, et je vous suggère de vous en remettre à vos avocats qui vous diront comment faire.

½  +-(1935)  

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Je vous en suis très reconnaissant, car vous êtes de tous nos témoins celui qui nous a donné le meilleur point de départ. C'était justement ce que nous cherchions à établir.

+-

    M. David Brown: C'est que j'en ai assez de me prendre pour Don Quichotte, je l'ai fait pendant trop longtemps. J'essaie maintenant de vous offrir des solutions pratiques.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Si j'ai le temps, j'aimerais revenir à une ou deux autres choses.

+-

    Le président: Vous avez le temps.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Bien. Merci.

    Monsieur Seres, vous dites être convaincu que cette utilisation du mariage minera les relations monogames. Si je vous ai bien compris, j'aimerais que vous m'expliquiez.

    Ensuite, je n'entends pas nos témoins de ce soir faire la distinction entre le mariage civil et le mariage religieux. Je sais que certains d'entre vous qui croient à la liberté de religion chérissent le mariage religieux et veulent le protéger. Parler comme vous le faites de mariage, de façon absolue, me semble peut-être un peu trop général par rapport à ce que nous souhaitons, puisque vous aurez remarqué que le projet de loi porte précisément sur le mariage civil et uniquement civil. Le projet de loi traite donc exclusivement de celui-là.

    Depuis le début de nos audiences, nous avons entendu la plupart des groupes religieux—mais pas tous—nous dire qu'ils acceptaient la notion d'égalité entre tous les couples, mais exprimaient aussi leur malaise face à l'utilisation du terme « mariage » de façon absolue.

    J'aimerais que vous répondiez à mes deux questions. Nous, législateurs, nous tentons de maintenir la distinction, claire mais peut-être ténue, entre le mariage civil et le mariage religieux. Nous tentons en même temps de protéger la liberté de religion tout en offrant l'égalité, d'un point de vue civil.

+-

    M. Ted Seres: Quand je dis que cela pouvait miner les relations monogames qui étaient représentatives du mariage, c'était parce que nous avons interprété le style de vie de ces couples et qu'il semblerait que la plupart des couples de même sexe ne s'engagent pas à rester monogames toute leur vie.

    Les conjoints de fait, de leur côté, semblent s'être engagés dans une certaine mesure à rester monogames tant qu'ils vivent ensemble, alors que d'après ce que nous avons pu constater—et je sais que l'on peut contester le résultat de nos études—il semblerait que la monogamie soit considérée par les gais comme étant répressive.

    Voilà pourquoi nous craignons que d'inclure ce type de couple—et je ne veux pas le discréditer ici—dans la définition du mariage pourrait miner l'un des principes qui assure la survie du mariage.

    Même si nous tentons de maintenir la distinction entre les mariages religieux et les mariages civils, je crois que la plupart des Canadiens ne le font pas en pratique. Nos écoles enseigneront à nos enfants le mariage, sans faire la distinction entre le mariage à l'église ou devant un juge. On enseignera donc à nos enfants que tous ces couples, peu importe le genre, sont mariés. Ils apprendront donc que peu importe le style de vie choisi, ce genre d'union constitue un mariage.

    Je dois faire preuve d'esprit pratique. Je représente plus de 3 000 membres qui, chaque jour, font affaire avec de vrais Canadiens, qu'ils adhèrent à notre confession ou pas. Je vais essayer de dire ce que j'ai à dire avec le plus de compassion possible. Voici ce qui me préoccupe : nous voyons des enfants de foyers brisés dont les parents ne sont plus mariés. Ce sont des enfants blessés. Nous faisons affaire avec des mères et des pères qui sont blessés, eux aussi. Lorsque nous altérons l'unité sur laquelle s'est édifiée notre pays et qui a permis de le faire grandir...et cela n'a pas commencé lorsque nous avons voulu changer la définition du mariage. À mon avis, nous avons perdu la bataille il y a de cela plusieurs années, dès que nous avons commencé à libéraliser la loi sur le divorce et à faire du mariage une union aussi facile à conclure qu'à briser. Nous en cueillons aujourd'hui les résultats. Notre pays est malade, à bien des égards, et ces citoyens comme ces enfants sont blessés.

    Or, des membres de notre communauté de partout au Canada font face à cette situation quotidiennement. Tout comme les avocats, notre église fera sans doute son beurre de ce projet de loi-ci, car on sait bien que quand tout va mal, les gens se tournent parfois vers l'église pour y trouver quelque réconfort. Ce projet de loi-ci nous fera peut-être travailler plus fort. Mais ce qui m'inquiète, c'est qu'en cherchant de redéfinir un des éléments fondateurs de notre pays, nous ne parviendrons en réalité qu'à l'affaiblir. Mais ces commentaires ne se veulent aucunement méprisants à l'égard des gais et des lesbiennes.

½  +-(1940)  

+-

    Le président: Je suis désolé, mais nous avons largement dépassé le temps prévu.

    Nous retournons à M. Siksay. Avez-vous des questions, monsieur Siksay?

+-

    M. Bill Siksay: Oui, monsieur le président. Merci.

    Monsieur le président, je voulais tout simplement dire que j'ai grandi dans ce pays, et j'ai été vraiment mal dans ma peau, sachant qu'il n'y avait pas de place pour moi au sein de cette société et de ce monde. Si vous voulez parler des enfants qui sont mal dans leur peau, parlons des enfants gais et lesbiens au sein de notre société et de la façon dont ils grandissent. J'aimerais entendre des gens exprimer les préoccupations pour ces enfants qui n'ont pas souvent beaucoup de sympathie de la part de leurs familles, de leurs églises, de leurs écoles, ou de la société. Et c'est toujours le cas aujourd'hui.

    Je dois admettre que je commence à perdre patience un peu, à entendre les gens dire qu'il faut penser aux enfants. Eh bien, pensons vraiment aux enfants. Ce serait bien si les enfants pouvaient grandir sachant qu'ils pouvaient eux aussi suivre le modèle d'un couple gai ou lesbien, marié et dévoué. C'est une des raisons pour lesquelles je consacre autant d'énergie à cette loi.

    Vous parlez des titulaires de lettres d'accréditation aux Assemblées de la Pentecôte. Parlez-vous des ministres du culte? Ou des fidèles?

+-

    M. Ted Seres: Non, il s'agit de ministres du culte.

+-

    M. Bill Siksay: Est-ce qu'il y en a qui ont déjà été—et quelqu'un a employé ce terme—« traînés » devant les tribunaux, forcés à offrir des services religieux à quelqu'un qui, selon eux, pour une raison quelconque, ne satisfaisait pas aux exigences des Assemblées de la Pentecôte ou d'une congrégation?

+-

    M. Ted Seres: Pas à ma connaissance.

+-

    M. Bill Siksay: Donc, ils n'ont pas été forcés à... Je m'excuse, je ne suis pas très familier avec la doctrine en théologie, mais ont-ils été forcés à célébrer un baptême ou à donner la communion ou bien à enterrer quelqu'un qu'ils ne considéraient pas un membre approprié de la congrégation?

+-

    M. Ted Seres: Non, pas du tout.

+-

    M. Bill Siksay: Il n'y a donc pas de cas semblable dans ces circonstances.

    Les Assemblées de la Pentecôte ont-elles dû faire face à une situation où quelqu'un est allé devant les tribunaux pour les obliger à ordonner quelqu'un qui, selon les Assemblées de la Pentecôte, n'était pas acceptable? Je ne sais pas si les Assemblées de la Pentecôte permettent l'ordination des femmes, par exemple. Une femme a-t-elle déjà...?

+-

    M. Ted Seres: Nous le faisons.

+-

    M. Bill Siksay: Toutes? D'accord.

    Savez-vous si l'Église catholique a déjà été confrontée à ce genre de recours juridique de la part d'une femme qui ne pouvait pas se faire ordonner dans l'église catholique? Est-ce que quelqu'un a déjà intenté des poursuites?

+-

    M. Ted Seres: Je ne peux pas parler au nom de... Je ne...

+-

    M. Bill Siksay: Monsieur Brown, vous êtes un expert en la matière, êtes-vous au courant d'une telle situation?

+-

    M. David Brown: Vous posez une question hypothétique.

+-

    M. Bill Siksay: Vous faites des commentaires, vous consultez votre boule de cristal assez souvent.

+-

    M. David Brown: Eh bien, je vais...

+-

    M. Bill Siksay: Donc je vous le demande.

+-

    M. David Brown: Mais vous posez une question hypothétique. Votre question est très valable, mais vous la posez en demandant si cela c'est déjà produit jusqu'ici. En réalité, la loi n'a pas encore été modifiée, donc comment est-ce que cette situation aurait pu se produire?

+-

    M. Bill Siksay: Je vous pose une question précise à propos d'un parallèle raisonnable.

+-

    M. David Brown: Permettez-moi de vous expliquer des situations analogues qui me font dire que cette question sera très contentieuse dans l'avenir : Trinity Western, c'est-à-dire l'inscription des étudiants dans les institutions privées; Chamberlain, c'est-à-dire l'utilisation des matériaux pédagogiques dans des écoles publiques; Brockie et Brillinger, c'est-à-dire les services; et la cause Hall c'est-à-dire le cas de l'Église catholique et le bal des finissants. Ce sont les quatre exemples qui me viennent à l'esprit avec...

+-

    M. Bill Siksay: Dont aucun ne constitue un rite religieux, comme l'ordination ou l'Eucharistie, ou bien les rites funéraires.

½  +-(1945)  

+-

    M. David Brown: Non, ils sont tous des rites religieux.

+-

    M. Bill Siksay: Un bal de finissants constitue un rite religieux?

+-

    M. David Brown: Absolument, parce que...

+-

    M. Bill Siksay: Pas que je sache.

+-

    M. David Brown: ...l'école a déclaré qu'elle n'était pas obligée de permettre à ces deux jeunes garçons d'assister en tant que couple en raison de l'enseignement de l'église. Et le tribunal a dit non; il prévoyait obliger l'école à les autoriser à assister en émettant une injonction.

    Ce sont donc des situations analogues qui me portent à croire que ce sera un domaine très litigieux—et je travaille sur la ligne de front, je suis avocat plaidant—je vois là une cause de beaucoup de tensions au cours de la prochaine décennie.

+-

    M. Bill Siksay: Accepteriez-vous de représenter une femme qui fait appel à vous parce que l'église catholique refuse de l'ordonner, une femme qui veut intenter des poursuites pour avoir le droit de se faire ordonner par l'Église catholique?

    Une voix: Si elle payait en espèces.

+-

    M. Bill Siksay: Non, mais sérieusement, une telle cause, serait-elle raisonnable? Diriez-vous à quelqu'un que ce serait une cause raisonnable à porter devant les tribunaux?

+-

    M. David Brown: Vous me demandez un avis à brûle pourpoint? Je ne crois pas qu'une telle cause pourrait être gagnée.

+-

    M. Bill Siksay: Pourquoi pas?

+-

    M. David Brown: Là, il s'agit du fonctionnement interne d'une association. Quant au fonctionnement interne d'une association—faut-il ordonner quelqu'un ou non—il n'y a pas de lien avec le droit public. Il s'agit des lois d'un organisme privé.

+-

    M. Bill Siksay: Vous empêchez quelqu'un d'avoir accès à un emploi. N'est-ce pas pareil? Vous empêchez quelqu'un d'avoir accès à un service public, institutionnel, comme le mariage. N'y a-t-il pas là un parallèle?

+-

    M. David Brown: Non, mais quant à l'accès à un emploi, bien des codes des droits de la personne des provinces exigent un accès sans discrimination, mais ils prévoient des exceptions pour les institutions religieuses.

    Je crois que la préoccupation à propos des membres du clergé découle du fait qu'ils portent deux chapeaux au Canada. Ils représentent leur organisation religieuse, et en même temps, ils sont des agents accrédités de l'État—et ils doivent l'être afin de célébrer des mariages. Je crois que c'est parce qu'ils portent ce chapeau public que l'on craint que si la définition du mariage est modifiée, ils pourraient être obligés, en raison de leur responsabilité publique, de célébrer des mariages.

    J'essaie d'être franc et honnête avec vous.

+-

    M. Bill Siksay: Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Nous retournons du côté libéral.

    Monsieur Macklin.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Merci.

    Je voulais soulever une autre question avec M. Awan. Le Parlement a adopté la Charte des droits et libertés, par conséquent, le Parlement a établi certaines normes. Il a fallu chercher quelqu'un pour être garant des droits, surtout les droits des minorités, et les tribunaux ont dû assumer cette responsabilité.

    Si nous remontons dans l'histoire, en Allemagne, par exemple, lors de la Deuxième Guerre mondiale, personne n'a défendu les droits des minorités. Il n'y avait pas de garant; si les tribunaux n'agissaient pas, la protection n'était pas là.

    Vous voulez une garantie. Vous voulez une protection. J'imagine que nous parlons ici des membres du clergé. Je reviens au renvoi relatif au mariage, et je crois que M. Boudria a lu un extrait pour les fins du procès-verbal : « En ce qui concerne la Question 3, nous concluons que la liberté de religion garantie par la Charte protège les autorités religieuses de la contrainte d'avoir à marier deux personnes du même sexe contrairement à leurs croyances religieuses. »

    Je crois que la garantie existe. Compte tenu de la déclaration dans la question trois, qui renvoie à cette garantie, vous devriez être assez à l'aise avec cela. Le plus haut tribunal du pays, le garant des droits des minorités, a fait cette déclaration de façon claire et distincte.

    Qu'en dites-vous? Avez-vous toujours des craintes?

+-

    M. Khurrum Awan: Oui, nous conservons des craintes. J'ai étudié le droit constitutionnel pendant mes études de droit. Que le professeur Brown me corrige si je me trompe, mais l'un des principes fondamentaux que défendent systématiquement les tribunaux de dernière instance du Canada, depuis qu'ils rendent des décisions sur des problèmes constitutionnels, est que la Constitution du Canada est un arbre vivant, capable de s'étendre pour couvrir les changements qu'enregistre notre société.

    Que la Cour suprême croit aujourd'hui en ce principe est une chose; qu'elle y croit demain, dans dix ans ou dans quinze ans en est une autre. On le constate dans les décisions rendues sur les mariages entre personnes de même sexe. Il y a eu des occasions où le tribunal a décidé que les droits des personnes de même sexe n'étaient pas enfreints dans ce contexte. Puis, cinq ans plus tard, on se repenche sur la question et on prend une décision favorable.

    Nous ne voulons pas qu'il y ait d'ambigüités, parce que, au fil du temps, les décisions des tribunaux sur une même question évoluent.

    Avant que l'affaire M c. H soit entendue par la Cour d'appel de l'Ontario, il y a eu une affaire où le tribunal a maintenu la définition traditionnelle du mariage—je ne me souviens plus du nom de l'affaire, là, maintenant. N'empêche que les tribunaux prennent des décisions différentes à différents moments. Qu'il s'agisse des décisions liées à la Charte, de l'interprétation du droit à l'égalité, de la signification des libertés de religion, tout cela a évolué au fil du temps. C'est pourquoi nous voudrions une mesure législative où figure une garantie explicite que c'est ainsi que les choses doivent être interprétées et qu'elles continueront d'être interprétées.

    Voici pourquoi nous sommes préoccupés.

½  +-(1950)  

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Si vous avez lu l'article 1 de la Charte, vous savez qu'il indique : « La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. » L'alinéa 2(a) garantit la « liberté de conscience et de religion ».

    C'est là un point fondamental que les gens ne semblent pas accepter. Je pense que ce sont là des garanties absolues, à moins que le Parlement ne modifie la Charte des droits et des libertés. Selon moi, la Cour suprême y voit une garantie couvrant les autorités religieuses. Rien n'empêche jamais personne d'intenter une poursuite à l'encontre de quelqu'un d'autre; mais j'aimerais défendre quelqu'un quand existe une garantie dans notre Constitution.

+-

    M. Khurrum Awan: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je ne nie pas la présence de ces garanties. Il reste à savoir comment la cour interprète ces garanties. Il existe diverses garanties au sein de la Constitution; la cour les pèse en fonction de la portée de la Charte. Au fil du temps, cependant, la place accordée à une garantie aux dépens d'une autre évolue. Cette évolution est même systématique au cours des vingt dernières années de décision au sujet de la charte. Le point de vue des tribunaux sur la disposition en faveur de l'égalité a également évolué, ainsi que leur interprétation de cette disposition.

    Nous avançons donc que la jurisprudence des tribunaux est ambiguë. Si on se penche sur les affaires ayant trait au droit à l'égalité, on constate que des décisions fortes ont été rendues contre et qu'il y a souvent eu des avis divergents marqués. Autrement dit, je le répète, la jurisprudence n'est pas aussi tranchée que nous voudrions le croire. Nous voudrions le croire, mais ce n'est pas le cas. C'est pourquoi nous vous suggérons que le Parlement et les législateurs fournissent des garanties explicites. Plus particulièrement, quand un libellé est ambigu, les tribunaux se sentent remarquablement libres d'interpréter un texte à leur façon.

    Les tribunaux ont déjà affirmé qu'ils ne se sentaient pas tenus de respecter les intentions des personnes ayant rédigé la loi constitutionnelle de 1867 ou la loi constitutionnelle de 1982, qui inclut la Charte. Ils pourraient donc avoir une autre interprétation des droits à l'égalité dans dix ou vingt ans et c'est pourquoi nous voudrions avoir une garantie explicite. De l'avis des tribunaux actuels, le droit à la religion protège les institutions et les autorités religieuses; ils peuvent avoir une opinion différente dans dix ans et c'est pourquoi nous sommes préoccupés. C'est pourquoi nous aimerions que le Parlement fournisse une garantie explicite, afin qu'il n'y ait aucune ambigüité sur la question.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Je suis désolé, mais nous commençons à manquer de temps. Nous allons de nouveau donner la parole aux conservateurs.

    Pour ceux que la chose intéressent, la réunion devait durer de 18 heures à 20 heures; toutefois, les membres du comité n'ayant pas atteint le quorum avant 18 h 08, nous allons poursuivre jusqu'à 20 h 08, s'il y a des questions. Je vous remercie.

    Monsieur Jean, allez-y, la parole est à vous.

+-

    M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC): Merci, monsieur le président.

    D'abord, madame Cohen, je suis assez préoccupé par les avis contradictoires que nous avons entendus au sujet des renseignements que vous nous avez soumis. Si cela me préoccupe, c'est manifestement parce que pour moi, comme pour chacun d'entre nous, les enfants sont notre avenir, et nous devrions veiller à les protéger. Je suis curieux. Vous êtes certainement une érudite. Or, il existe des études favorisant des avis différents sur cette question, n'est-ce pas?

+-

    Mme Karen Cohen: Deux études vont nécessairement se poser les mêmes questions ou examiner les mêmes aspects de toutes les questions. Toutefois, malgré le respect que je dois à M. Seres, si l'on veux interpréter des documents de nature psychosociale, il faut s'adresser aux chercheurs qui oeuvrent dans ce domaine et qui dirigent des recherches sur le sujet. Si l'on se pose des questions de nature théologique ou qui portent sur d'autres systèmes de croyance, alors il faut s'adresser à d'autres personnes.

    Ce que je disais plus tôt, c'est que notre objectif n'est pas d'imposer d'emblée une position. Il s'agit plutôt de tenir compte des faits qui nous sont communiqués, non de retenir seulement les faits qui appuient une position donnée. Vous demandez s'il existe des études ayant débouché sur diverses conclusions au sujet d'un sujet donné? Oui, mais il faut tenir compte de la prépondérance de la preuve par rapport aux questions posées. Or, nous l'avons fait. Nous avons réexaminé les études à notre disposition et nous estimons que nos affirmations sont fondées. Y aura-t-il d'autres études orientées en fonction de points de vue différents? Il en sera toujours ainsi.

½  +-(1955)  

+-

    M. Brian Jean: Toutefois, des études pour et des études contre sont arrivées à la conclusion que la situation est soit bonne, soit mauvaise pour les enfants.

+-

    Mlle Karen Cohen: Chacune de ces études arrive à la conclusion très claire qu'il n'y a aucune différence à ces égards chez les enfants de ces deux types d'union. Eh bien, pour ma part, je crois que cela dépend de l'identité de la personne qui lit les études, et je crois avoir déjà abordé cette question.

+-

    M. Brian Jean: Oui, madame Cohen, et l'identité de la personne qui effectue la recherche n'a-t-elle pas une influence également?

+-

    Mlle Karen Cohen: Oui, c'est vrai.

+-

    M. Brian Jean: J'ai enseigné la méthode quantitative à l'université pendant plusieurs années, et je puis vous assurer que, tout comme les avocats, dont je me suis moqué plus tôt, les statisticiens peuvent inventer n'importe quoi.

    Je suis particulièrement préoccupé par... Ma prochaine question s'adresse au professeur Brown.

    Avez-vous été partie prenante de cette cause présentée en 2003, et où le procureur général du Canada a déposé un affidavit relatif à cette étude, affidavit selon lequel il n'y avait aucune différence entre les deux groupes? En fait, je crois que le procureur général a affirmé qu'il avait reçu un affidavit d'un professeur d'une université de la Virginie, qui portait sur ces études et non sur les enfants eux-mêmes ou sur les effets sur les enfants. Il y était simplement dit que les études effectuées étaient insatisfaisantes, que leur méthodologie était défectueuse.

+-

    M. David Brown: Oui, c'était dans l'affaire Halpern; les preuves ont été portées devant la cour divisionnaire et la cour d'appel. D'ailleurs, le groupe que j'ai représenté a aussi déposé des preuves dans cette affaire, je crois. Je ne vais pas me prononcer dans un domaine d'expertise qui dépasse mes compétences, mais je crois me rappeler que les deux parties ont déposé des preuves dans le contexte des témoignages par affidavit.

    Je pense que les requérants du côté des couples homosexuels ont fourni des études indiquant qu'il n'y avait aucune différence en ce qui concerne l'efficacité parentale. Si je me souviens bien, l'affidavit déposé pour l'autre partie par AG du Canada affirmait au fond que les études n'étaient pas basées sur une méthodologie solide; il n'est donc pas possible actuellement d'en tirer des conclusions dans un sens ou dans l'autre. Je crois que l'affidavit n'est pas allé plus loin que cela, et cela date de près de trois ans. Je n'ai aucune idée de l'état des recherches aujourd'hui.

+-

    M. Brian Jean: N'ont-ils pas dit que les preuves n'étaient pas solides, que les études dépendaient des positions particulières, qu'elles étaient basées sur un petit nombre de participants et qu'il y avait eu des groupes de contrôle? Par exemple, en tant que statisticien, je peux vous dire que la sélection au hasard et le nombre de participants ont un impact très important sur n'importe quelle enquête.

+-

    M. David Brown: Tout ce dont je me souviens, comme avocat, c'est qu'il y avait effectivement des allégations à l'effet que l'étude comportait peut-être des biais et que les statistiques n'étaient pas valables. Les détails m'échappent maintenant.

+-

    M. Brian Jean: Ma prochaine question, monsieur Brown...

+-

    Le président: Très rapidement, s'il vous plaît.

+-

    M. Brian Jean: ...est très courte.

    À votre avis, est-ce que le terme « mariage » est un droit, ou pourrait-on associer les mêmes droits et obligations à un autre terme qui s'appliquerait à un groupe de notre société?

+-

    M. David Brown: Je ne suis pas sûr de comprendre votre question.

+-

    M. Brian Jean: Je vous demande si deux termes peuvent accorder les mêmes droits?

+-

    M. David Brown: Je crois que je l'exprimerais différemment. Pour ce qui est de l'état civil, je pense que je dirais qu'il est possible d'avoir deux groupes ayant les mêmes droits juridiques, même si on désigne les groupes différemment. On a fait valoir que la Loi sur la modification de certains régimes d'avantage et d'obligations adoptée par le Parlement au début des années 90, je crois, a effectivement accordé les avantages juridiques aux personnes non mariées dont elles auraient bénéficié en vertu des lois fédérales. C'est donc la réponse que je donnerais à votre question.

+-

    Le président: Merci.

    Nous revenons maintenant au Parti libéral. Monsieur Macklin.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Je crois que M. Ménard attend de poser une question. Je vais lui céder la parole.

[Français]

+-

    Le président: C'est donc le tour de M. Ménard du Bloc québécois.

+-

    M. Réal Ménard: On vit dans un monde d'amitié touchante, monsieur le président, grâce à la très vigilante présidence.

    Monsieur Seres, je voudrais vous poser une question qui va prendre la forme d'un commentaire. Évidemment, je comprends bien que la différence entre le droit et la religion est que le religion est de l'ordre de la conviction et non de la démonstration. On ne peut pas prouver ce soir que Dieu existe ni qu'il n'existe pas, mais on est obligé de respecter les convictions des gens. Ce n'est pas de l'ordre de la science.

    Autour de la table, Bill et moi sommes sans doute ceux qui connaissent le mieux la réalité homosexuelle, qui n'existe qu'au pluriel, par ailleurs. Si vous trouvez la vie hétérosexuelle parfois compliquée, n'allez pas vous imaginer que la vie homosexuelle est beaucoup plus simple.

    Ce qui m'étonne de votre discours, c'est votre certitude que l'engagement, la fidélité et le soutien réciproque ne font pas partie des valeurs de la communauté gaie. Je trouve téméraire de votre part d'affirmer une chose comme celle-là, parce que je vois mal comment ça peut faire l'objet d'investigations. Par ailleurs, ne pourrait-on pas aussi considérer le possibilité que les gens de la communauté gaie veulent avoir le choix? Je ne dis pas que tous veulent se marier: certains le veulent et d'autres ne le veulent pas, mais tous veulent avoir le choix.

    En quoi le fait que des gens veuillent adhérer à une institution qui s'appelle le mariage pourrait en compromettre la pérennité ou l'intégrité?

    Vous serez d'accord avec moi pour dire que ceux qui ont le plus mis à mal l'institution du mariage sont les hétérosexuels en divorçant. Les homosexuels, n'ayant pas accès au mariage, ne l'ont quand même pas fragilisé.

    Le regard de l'orthodoxie de la religion que vous représentez ne pourrait-il pas faire preuve d'ouverture et de charité, et considérer que les gens qui veulent s'engager dans le mariage sont motivés par la fidélité, l'engagement et le soutien réciproque? Ces valeurs existent aussi chez les homosexuels. Je ne vous dis pas que certains d'entre eux ne sont pas un peu volages ou n'ont pas la cuisse un peu hospitalière, mais si on faisait le tour des hétérosexuels, on en trouverait aussi, et j'irais même jusqu'à dire qu'on en trouverait dans ce Parlement; mais je ne mentionnerai pas de noms, rassurez-vous.

¾  +-(2000)  

[Traduction]

+-

    M. Ted Seres: Excusez-moi?

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Ma question est la suivante: ne considérez-vous pas que, sur le plan des valeurs, un minimum de bonne foi devrait vous amener à reconnaître qu'il y a chez les homosexuels des gens qui croient à la fidélité, à l'engagement, au soutien réciproque? Je ne comprends pas que vous vous autorisiez à dire que ces valeurs n'existent pas chez les homosexuels. Ça me semble un jugement de valeur tout à fait gratuit.

[Traduction]

+-

    M. Ted Seres: Je ne pense pas avoir dit qu'elles n'existaient pas. Mais cela semblerait être vraiment la minorité, du moins selon nos études. Cela ne repose pas uniquement sur des données empiriques, c'est également ce que nous disent nos prêtres qui travaillent sur le terrain avec les gais, qui essaient de leur redonner espoir et de soulager leurs maux. C'est ce genre de chose qu'ils nous ont relaté.

    Alors, encore une fois, s'il y a vraiment si peu de gais qui veulent de cette institution qu'est le mariage, pourquoi changer quoi que ce soit et pourquoi restructurer toute l'institution? Vous dites pour votre part, je le sais bien, que c'est quelque chose que j'affirme en partant du point de vue de la majorité et que cela ne protège pas les droits des minorités mais, je le répète, et je sais que nous allons probablement beaucoup plus loin que le mandat du comité—le mariage a de tout temps et dans le monde entier été quelque chose qui se faisait avec la participation des deux sexes. Ce serait un peu comme si, au début du siècle, j'avais été une femme réclamant les mêmes droits que les hommes, je ne redéfinirais pas pour autant ce qu'est un homme afin de pouvoir être incluse dans cette définition.

    Nous ne voulons pas dire que les gais n'ont pas de droits, ce n'est pas cela du tout que nous affirmons. Mais nous définissons cette institution qu'est le mariage comme elle a toujours été définie, et nous ne comprenons pas pourquoi quelqu'un d'autre voudrait la redéfinir afin d'en faire partie.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Vous rendez-vous compte que jusque dans les années 1960, on tenait à propos des mariages interraciaux le discours anthropologique et essentialiste que vous tenez aujourd'hui?

    Monsieur le président, des gens qui, il y a 20 ans, auraient été assis ici nous auraient dit que c'était dans l'ordre des choses. Au nom de l'anthropologie, au nom de ce qu'a toujours été l'humanité, ils nous auraient dit qu'un Noir ne pouvait pas se marier avec un Blanc. Vous vous rendez compte que ce type d'argument peut être extrêmement dangereux. Vous ne le dites sans doute pas de mauvaise foi, mais c'est un argument anthropologique, un argument tautologique qui ne mène à aucune espèce d'évolution.

    De tels arguments existent peut-être au niveau de la religion, mais ils ne peuvent pas exister pour le législateur, qui est animé par l'égalité des droits de la personne.

    Il y a 20 ans, on nous disait qu'au nom de l'être humain, de l'essence des gens, les mariages interraciaux ne pouvaient pas exister. Vous voyez bien que, si le législateur avait été animé par cette logique, il aurait commis une erreur historique. Il y a des gens qui nous tenaient le même discours que celui que vous tenez sur les droits des homosexuels.

[Traduction]

+-

    M. Ted Seres: Je pense que c'est un tout autre argument, bien franchement, parce que le mariage mixte, c'est-à-dire entre personnes appartenant à de races différentes, ne change absolument rien au pilier de l'institution. Il n'y avait absolument rien, du moins selon notre conviction, signifiant que des gens de races différentes ne pouvaient pas se marier entre eux, mais à notre sens il y a quelque chose de très différent entre le fait qu'un homme et une femme se marient—fondent une famille et construisent une nation reposant sur l'unité familiale—et le fait qu'un homme et un homme ou qu'une femme et une femme se marient et essayent de fonder une famille.

    Les différences en l'occurrence sont très grandes et cela va beaucoup plus loin... Certes c'était une injustice et l'église s'est rendue jadis coupable à cette époque en se s'opposant au mariage de personnes de races différentes, mais le fait de permettre à des gens appartenant à des races différentes de se marier ne change pas vraiment l'institution du mariage. Elle ne change pas de façon notable les caractéristiques qui en font partie. Il y a toujours le fait que deux sexes différents y soient partie alors que ce n'est pas du tout le cas avec les mariages gais.

¾  -(2005)  

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Ce n'était pas...

+-

    Le président: Monsieur Ménard, c'est terminé.

+-

    M. Réal Ménard: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay: M. Jean s'est plaint, je crois, il y a deux séances, du fait que noter comité allait procéder de façon différente que les autres en ce concerne la remise des notes documentaires et les avis concernant les témoins. Je voudrais vous dire que ce n'est pas du tout mon avis, du moins en ce qui concerne les comités permanents. Je voudrais savoir si la façon dont nous procédons ici diffère en quoi que ce soit du modus operandi des autres comités et, si c'est le cas, comment nous pourrions rectifier le tir.

+-

    Le président: Vous vous souviendrez que lors de la première réunion du comité, les membres ont voté sur une série de règles. Une de ces règles disait que si un témoin dépose un mémoire ou un document quelconque, il faut que ce document soit rédigé dans les deux langues officielles. Lorsqu'un document nous est remis dans une langue seulement, nous ne le distribuons qu'après avoir obtenu sa traduction dans l'autre langue officielle. Dès que nous aurons donc cette traduction, ce document vous sera remis.

+-

    M. Bill Siksay: J'ai bien compris.

+-

    Le président: Pour ce qui est des retards que cela occasionne, vous devez bien comprendre que ce n'est qu'au début de cette semaine que nous avons pris les décisions en questions.

    Monsieur Jean, très rapidement, je vous prie.

+-

    M. Brian Jean: Je voulais tout simplement dire que je comprends cela et je l'accepte bien dans mes autres comités, mais dans cette situation, on donne d'habitude un avis de 24 heures aux témoins. Je m'attendais à ce qu'ils n'aient pas le temps de faire traduire les rapports dans ce délais.

    Je sais, monsieur le président, que nous devons composer avec la situation actuelle, mais nous ne devrions pas brusquer les choses. Ce qui sera, sera.

+-

    Le président: Nous devons réagir à ce qui s'est passé au comité; avant que nous ayons pris une décision et trouvé un compromis...

+-

    M. Brian Jean: Je comprends très bien, mais les règles de droit prévoient un délai raisonnable, ce que nous n'avons pas.

-

    Le président: Il serait impossible d'inviter des témoins sans en connaître la liste.

    Merci de vos observations.

    J'aimerais remercier sincèrement les témoins. Votre aide nous est précieuse. C'était très intéressant. Vous avez fait de bonnes suggestions. J'ai vu que les membres prenaient des notes. Merci beaucoup de nous avoir aidés dans notre travail.

    La séance est levée.