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PACP Document pertinent de comité

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Pour répondre à Gomery – L'avenir de la fonction publique au Canada
Le 15 novembre 2005


VUE DE LA COLLINE

Notes pour une allocution par John williams, député d'Edmonton-St. Albert, président du Comité permanent des comptes publics et président de la Global Organization for Parliamentarians Against Corruption (organisation mondiale des parlementaires contre la corruption) (GOPAC)

PRIORITÉ AU DISCOURS PRONONCÉ

En premier lieu, je souhaite remercier les organisateurs de cette conférence, l'Institut d'administration publique du Canada et l'École de politique publique et d'administration de l'Université Carleton, qui nous ont invités à y participer.

Le commissaire John Gomery a publié il y a deux semaines son premier rapport sur ce qu'il est convenu d'appeler le scandale des commandites; le document porte sur les faits tels qu'il les a constatés. Nous devrons attendre en février pour connaître les mesures qu'il proposera pour résoudre les problèmes qu'il a relevés et pour empêcher qu'ils se reproduisent.

Le scandale des commandites a coûté aux Canadiens au bas mot 200 millions de dollars : 100 millions de dollars dépensés presque en pure perte, selon la Vérificatrice générale du Canada, et environ 100 millions de dollars de plus pour chercher comment un tel programme a pu dériver à ce point. Mais les coûts ne sont pas que financiers; il y a aussi eu perte de réputation et d'honneur. Que pouvons-nous apprendre d'un programme qui a été altéré à ce point, du scandale qu'il a créé et de ses retombées?

Je m'adresse à vous aujourd'hui en qualité de président du Comité des comptes publics, poste que j'occupe depuis près de 10 ans.

Ce ne sera certainement pas le discours le plus partisan de ma carrière, malgré ce qu'a pu vous indiquer la lecture des journaux d'aujourd'hui et ce que la semaine prochaine pourrait nous réserver.

À titre de président du Comité des comptes publics, je dois parler au nom de tous les membres du Comité, qu'ils soient du gouvernement ou de l'opposition. Je dis souvent que c'est toute l'institution du Parlement qui tient le gouvernement responsable, sauf que les membres du gouvernement sont sympathiques au programme du gouvernement et doivent l'être, tandis que nous, députés de l'opposition, sommes plutôt hostiles au programme d'action du gouvernement. D'où la politique partisane.

Le Comité des comptes publics a effectué un travail utile en examinant les conclusions de la Vérificatrice générale dans son rapport de novembre 2003, déposé à la Chambre des communes en février 2004.

Le Comité a tenu 47 réunions sur une période de 4 mois et a entendu 44 témoins, dont certains plus d'une fois. Nous nous serions réunis plus souvent et nous aurions entendu plus de témoins si des élections générales n'avaient pas été convoquées. La dissolution de la Chambre a été proclamée le 23 mai 2004 en vue d'élections générales le 28 juin. À la dissolution de la Chambre, le Comité avait une liste de 147 témoins qu'elles voulait encore entendre.

Lorsque la Chambre a été rappelée, le 4 octobre 2004, pour le début de la 38e législature, le programme avait changé. La Commission Gomery était en marche et entendait des témoignages. Le Comité des comptes publics a été reconstitué en octobre 2004, avec un nombre considérable de nouveaux membres. Il n'aurait pas été convenable que nous revenions en arrière pour réentendre les témoins que nous avions reçus au printemps; le Comité devait donc prendre une décision. Le Parlement ne pouvait se désintéresser d'une question aussi sérieuse et j'ai cru qu'il serait préférable que nous mettions un terme à notre enquête interrompue avec un rapport au Parlement.

Il ne faut pas perdre de vue que le Parlement est l'institution de la reddition de comptes; étant donné l'énormité du scandale, il était inconcevable que le Parlement puisse n'avoir rien à dire à ce sujet.

Le Comité des comptes publics est l'un des comités les moins partisans de la Chambre. Certes, les membres du Comité sont fiers de leur parti et de leur allégeance, mais leur principal souci, à titre de membre du Comité, n'est pas la politique, à l'instar du vérificateur général. Ils se préoccupent avant tout de l'administration et de la mise en pratique de la politique. Par-dessus tout, nous sommes le comité de la responsabilité.

Nos réunions sont souvent animées – ce qui est normal; toutefois, quand il s'agit de produire un rapport, nous nous efforçons de faire des recommandations constructives. Tous les membres qui siègent à la table du Comité souhaitent que les services gouvernementaux soient fournis de la manière la plus efficace, la plus efficiente et la plus économique qui soit.

Cette démarche apolitique est reflétée dans le fait que pratiquement tous nos rapports sont unanimes. À titre de comité, nous les membres, tous autant que nous sommes – du gouvernement et de l'opposition – répondons de ce que nous affirmons.

Et cela vaut pour les rapports que nous avons produits et déposés à la Chambre des communes au sujet du Programme des commandites.

Pour mémoire, l'enquête a été menée pendant que le Parti libéral, l'accusé dans l'affaire du Programme des commandites, formait un gouvernement majoritaire, et deux des rapports ont été préparés et déposés pendant que le même Parti libéral était en situation de gouvernement minoritaire. Néanmoins, nous avons réussi à produire des rapports unanimes appuyés par les députés du gouvernement et de l'opposition, au sujet d'une question très controversée, pour laquelle il aurait été difficile de tracer des lignes de parti plus nettes.

J'estime qu'il faut féliciter le Comité et ses membres pour cette remarquable réalisation, que les médias ont malheureusement négligé de souligner.

Nous n'avons pas produit qu'un rapport mais bien trois importants rapports sur le Programme des commandites.

Le premier rapport a été déposé à la Chambre des communes le 20 mars 2003; il s'appuyait sur la vérification réalisée en 2002 par la Vérificatrice générale et portant sur trois contrats de commandite attribués à Groupaction.

Le Comité présentait 12 recommandations dont quelques-unes sont résumées ci-dessous :

  • que soit mis en place un système de promotions fondées sur le rendement, pour les fonctionnaires affectés à l'approvisionnement;
  • que le gouvernement fasse son possible pour recouvrer les deniers publics versés pour des services non rendus;
  • que le Secrétariat du Conseil du Trésor surveille de plus près les activités contractuelles des ministères;
  • que le pouvoir de vérification interne soit centralisé et que l'on évalue les ressources affectées à la fonction de vérification interne;
  • que soient produits chaque année des rapports à la Chambre sur les cas de fonctionnaires qui tirent la sonnette d'alarme et (AU CHOIX)
  • que l'on examine la politique sur les employés exonérés des ministres qui revendiquent un poste dans la fonction publique.

Le deuxième rapport sur le scandale des commandites a été déposé le 7 avril 2005, en tant que neuvième rapport du Comité des comptes publics, le jour même où le commissaire Gomery a rendu public le témoignage de Jean Brault, de sorte que la publication du rapport a été perdue dans la frénésie médiatique qui a entouré la comparution de Jean Brault.

Comme je l'ai dit plus tôt, le Comité a jugé qu'il devait au Parlement et aux Canadiens une explication sur ce qu'il a appris et ce qu'il préconise pour prévenir la gabegie et les fautes qui ont caractérisé le Programme des commandites.

Ce rapport résumait la preuve recueillie par le Comité pendant quatre mois d'audiences (42 audiences et environ 45 témoins) et contenait 29 recommandations.

Les recommandations s'inscrivaient dans les catégories suivantes :

  • resserrement des procédures d'approbation du paiement des contrats;
  • renforcement de la vérification interne et du rôle de surveillance de l'activité contractuelle;
  • sanctions pouvant aller au congédiement pour défaut d'appliquer les règles sur la gestion des contrats;
  • élargissement des pouvoirs du vérificateur général pour ce qui est de « suivre l'argent » (c'est-à-dire contrôler les récipiendaires de fonds gouvernementaux); à noter que plusieurs provinces et notamment la Colombie-Britannique autorisent leur vérificateur général à le faire;
  • abrogation des parties de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique qui permettent à des employés exonérés des ministres de revendiquer un poste dans la fonction publique.

Le troisième rapport du CCP sur le Programme des commandites, déposé à la Chambre des communs en tant que dixième rapport, portait sur la gouvernance.

Nous en sommes arrivés à la conclusion que le rapport entre le ministre des Travaux publics et son sous-ministre a contribué de façon significative aux problèmes qui ont été causés dans le cadre du Programme des commandites.

Les fonctionnaires qui administraient le programme, Charles Guité et Pierre Tremblay, ont contourné le sous-ministre et ont rendu des comptes directement au ministre.

Le sous-ministre, la personne même qui était censée diriger le ministère, était, pour reprendre ses mots, complètement hors circuit.

Le ministre et ses employés personnels se sont ingérés dans l'administration du programme, une réalité qui ressort clairement des témoignages.

Quant aux bureaucrates responsables du programme, ils ont enfreint pratiquement chaque règle existante, selon la Vérificatrice générale.

Le sous-ministre est fautif, lui qui devait assurer l'administration de son ministère.

Et le trésor public a été pillé.

Nous nous sommes demandé pourquoi.

Afin de comprendre les subtilités de la philosophie du gouvernement responsable et de son intégration auprès des sous-ministres, nous avons tenu une série distincte d'audiences sur la gouvernance dans la fonction publique. Nous avons mis l'accent sur l'obligation ministérielle et sous ministérielle de rendre des comptes.

Nous avons entendu les témoignages de personnes que vous connaissez sans doute : le greffier du Conseil privé, Alex Himmelfarb, l'ancien sous-ministre Arthur Kroeger et le professeur C.E.S. Frank de la Queen's University.

Nous avons appris que les sous-ministres détiennent en propre des pouvoirs légaux. Ils sont spécifiquement nommés dans la Loi sur la gestion des finances publiques. Ils exercent des pouvoirs qui leur sont confiés à eux seuls par le Secrétariat du Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique.

Cependant, selon la définition de responsabilité ministérielle du Conseil privé, les sous-ministres qui comparaissent devant un comité parlementaire ne peuvent parler qu'au nom de leur ministre. Selon le Conseil privé, ils ne peuvent rendre des comptes sur les pouvoirs qui leur sont attribués exclusivement.

Le Comité a également appris qu'il n'existe pas de procédure écrite que doivent suivre les sous-ministres, dans le cas où le ministre leur demande de faire quelque chose qu'ils jugent contraire à l'éthique.

On nous a dit que les sous-ministres qui se trouvent dans une telle situation peuvent s'en ouvrir au Greffier du Conseil privé (serait-il le juge suprême des questions d'éthique au gouvernement?).

Nous savons tous que le Greffier du Conseil privé est, entre autres choses, le « sous-ministre » du premier ministre, car il est nommé par ce dernier et il occupe le poste selon son bon vouloir.

Et nous savons que le premier ministre, au moment du Programme des commandites, se montrait grandement et directement intéressé par l'administration du programme, ce qui est fort inhabituel.

Comme nous l'a indiqué l'ancien sous-ministre Ran Quail, il n'était pas nécessaire de lui faire un dessin pour qu'il comprenne que le premier ministre attachait une grande importance à ce programme.

Le Comité a compris assez vite que le fait pour un sous-ministre de s'adresser au Greffier du Conseil privé pour se plaindre des instructions de son ministre risquait d'avoir un effet limitant sur sa carrière. Surtout qu'il n'existait pas de filière officielle de traitement des plaintes ou de résolution des problèmes, après un examen approprié de la situation. En fait, tous savaient qu'il s'agissait du programme du premier ministre.

Nous savons également que la culture de la fonction publique attache une grande importance à la loyauté au ministre. Et cela est normal. Toutefois, en raison de cette loyauté et de l'absence de filière officielle, le Comité croit qu'un sous-ministre hésitera énormément à s'adresser au Greffier du Conseil privé. Or, Alex Himmelfarb a admis au Comité qu'au moins trois fois des sous-ministres ont discuté des implications des propositions de leur ministre pour ce qui est de l'éthique.

Dans le cadre du régime parlementaire canadien, les relations entre le Parlement et les ministres sont régies par la doctrine de la responsabilité ministérielle.

Le Comité des comptes publics est un ardent défenseur de la responsabilité ministérielle. Le Parlement est une institution fondée sur la responsabilité, non pas sur la gestion. Le Parlement a comme tâche de veiller à ce que le gouvernement rende des comptes. Nous ne voulons pas limiter la responsabilité – nous voulons qu'elle fonctionne.

La doctrine est importante mais le Comité a néanmoins conclu que, actuellement, les choses fonctionnent de la même façon que lorsque le gouvernement était petit, lorsque ses dépenses étaient modestes et que sa participation à la société était minuscule par rapport aux normes actuelles.

Pour comprendre comment la doctrine devrait fonctionner, le gouvernement s'est tourné vers le Bureau du Conseil privé. Le juge Gomery a fait de même lorsqu'il a rédigé le chapitre III de son rapport.

Toutefois, tandis que le reste du monde a continué d'avancer, le Conseil privé est demeuré solidement implanté dans le paradigme du XIXe siècle. Il interprète la doctrine de la responsabilité ministérielle en grande partie comme elle était interprétée à l'époque où sir John A. Macdonald était premier ministre.

Cependant, notre système a pris de l'ampleur depuis et la façon dont la doctrine est interprétée par le Conseil privé comporte quelques graves lacunes. C'est à cause de ces lacunes que l'ancien ministre des Travaux publics a pu dire au Comité qu'il n'était pas responsable de la gestion du programme des commandites et que, par conséquent, il ne pouvait être tenu responsable. Cette responsabilité incombe aux fonctionnaires.

Ensuite, lorsque nous avons parlé au fonctionnaire en poste au ministère qui a réalisé le programme, il a dit qu'il n'était pas responsable, que c'était le ministre qui était responsable parce que lui même avait été laissé dans l'ignorance et que c'était le ministre qui menait la barque.

On ne saurait tolérer que cette logique du « Oui, monsieur le ministre », qui est ridicule, soit maintenue. Nous avons décidé de combler ces lacunes.

À cette fin, nous nous sommes tournés vers le modèle sur lequel le système parlementaire canadien se fonde – le modèle de Westminster que nous avons hérité du Royaume Uni.

Ainsi, nous avons constaté que les Britanniques avaient réglé ce genre de problème il y a déjà bien longtemps, au cours des années 1880, lorsqu'ils ont introduit le concept de l'agent comptable. Ce faisant, la doctrine et la pratique de la responsabilité ministérielle n'ont aucunement été mises en péril. En fait, la solution adoptée par les Britanniques a mis en valeur la responsabilité des ministres et des sous ministres.

Au Royaume Uni, les sous ministres (ou secrétaires permanents, comme on les appelle) assument les fonctions d'agent comptable dans leur ministère.

Ainsi, ils s'acquittent d'un ensemble de responsabilités clairement établies, qui ne diminuent pas au fil du temps, relativement à la gestion financière de leur ministère et ils ont le devoir de rendre des comptes et de s'expliquer devant le Comité des comptes publics.

En cas de désaccord au sujet de la gestion du ministère entre le ministre et les secrétaires permanents, il existe des procédures simples et claires, connues de tous, qui peuvent régler le problème.

Lorsqu'un désaccord survient entre un ministre et un secrétaire permanent, ce dernier peut :

  1. Discuter avec son ministre de ses réserves sur la ligne de conduite proposée;
  2. Si le ministre maintient la ligne de conduite, le secrétaire permanent doit formuler ses objections par écrit et les communiquer au ministre;
  3. Le secrétaire permanent doit alors transmettre la correspondance pertinente au Treasury (ministère des Finances) et au vérificateur général qui peut en faire part au Comité des comptes publics.

Cette façon de faire donne de bons résultats, à preuve le fait qu'elle n'est pratiquement jamais utilisée. Elle constitue une mesure préventive. En fait, les ministres sont certains que les secrétaires permanents n'hésiteront pas à se faire entendre si ce qui est proposé entraîne la violation des règles établies – et risque de causer de l'embarras en bout de ligne. Ils sont protégés par les procédures.

De plus, les ministres réfléchiraient attentivement avant d'aller de l'avant avec des plans et des politiques contraires à l'éthique. Il y aurait un document – auquel tous pourraient peut-être avoir accès – indiquant qui a décidé que les règles ne s'appliquaient pas à eux.

Le Comité était persuadé que si le modèle des agents comptables avait été en place, le scandale des commandites aurait pu être empêché ou atténué. Nous ne sommes pas les seuls à partager cette opinion.

Le 17 octobre, Norman Spector (ancien chef de cabinet du premier ministre Mulroney) a écrit que, si le modèle des agents comptables avait été en place :

Le sous-ministre des Travaux publics n'aurait pas pu détourner le regard tandis que Chuck Guité accordait des commandites aux agences de publicité amies [1]. [Traduction]

En outre, dans son livre intitulé Breaking the Bargain, Donald Savoie a écrit ceci :

Rien dans le passé n'empêchait des sous-ministres de demander à leurs ministres de leur donner par écrit des instructions quand ils doutaient du bien-fondé d'une ligne de conduite, mais cette responsabilité n'a jamais été reconnue officiellement. Une telle reconnaissance aurait très bien pu renforcer les pouvoirs du sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux [2].

De plus, le Comité n'est pas seul à demander la mise en place du modèle des agents comptables.

En effet, la Commission Lambert en a fait la recommandation en 1979.

L'ancien premier ministre Jean Chrétien semblait vouloir adhérer à cette école de pensée, en 2002, lorsqu'il a demandé au président du Conseil du Trésor de proposer « la mise en place de nouvelles mesures qui assureront une imputabilité accrue des sous ministres pour la gestion de leur ministère [3] ».

L'adoption du modèle des agents comptables a reçu l'appui de Thomas Axworthy, ancien secrétaire principal du premier ministre Pierre Elliott Trudeau [4]. Norman Spector, dans la chronique que je viens de citer, a également fait valoir que le Canada « devrait adopter le modèle britannique de responsabilité directe devant le Parlement pour la gestion des ministères ». [Traduction]

Tout récemment, Peter Aucoin, de concert avec Mark Jarvis, dans un document publié par l'École de la fonction publique du Canada, a déclaré ceci :

Nous pensons que le moment est venu de reconnaître que les sous ministres sont directement et personnellement responsables devant le Parlement en ce qui a trait aux pouvoirs qui leur sont assignés explicitement (en vertu de la loi) par le Parlement, et aux pouvoirs délégués qui leur sont octroyés directement par la Commission de la fonction publique et le Conseil du Trésor [5].

Si le ministre des Travaux publics avait omis de tenir compte des avertissements donnés par le sous-ministre, agissant à titre d'agent comptable, et était allé de l'avant avec le programme des commandites comme prévu, le Parlement et les Canadiens auraient eu une très bonne idée de qui – ministre ou sous-ministre – devrait être tenu responsable des résultats désastreux.

Il n'aurait pas fallu plus de trois ans et des millions de dollars de l'argent des contribuables pour trouver qui a fait faux bond à la société.

Notre rapport final contient seulement quatre recommandations. L'une d'entre elles précise que le gouvernement devrait maintenir en poste les sous-ministres pendant au moins trois ans.

Dans les trois autres recommandations, nous invitons le gouvernement à adopter le modèle des agents comptables au Canada.

Voici nos recommandations :

  1. si le ministre demande au sous-ministre d'agir de façon contraire à l'éthique, celui ci doit écrire au ministre pour lui en faire part;
  2. si le ministre insiste pour maintenir la ligne de conduite, il doit en donner instruction par écrit au sous-ministre;
  3. si le sous-ministre demeure en désaccord avec le ministre, il doit transmettre la correspondance pertinente au contrôleur général et au vérificateur général.
  4. si le vérificateur général juge opportun d'agir, il fait rapport au Parlement.

À mon avis, il s'agit de l'un des rapports les plus importants jamais produits par le Comité. En outre, celui-ci a reçu l'appui de tous les membres du Comité et de tous les partis représentés. Aucune réserve n'a été exprimée, il n'y a pas eu de rapports minoritaires ni de rapports complémentaires. Nous avons tous reconnu l'importance de parler d'une seule et même voix.

C'est le Parlement du Canada qui se faisait entendre, exprimant de ce fait son désir de changement. La question se pose : qui devrait avoir préséance? Le Parlement ou le Conseil privé?

Le gouvernement a répondu de plusieurs façons à nos rapports.

Il a accepté un certain nombre de recommandations formulées dans le premier et le deuxième rapport dont j'ai fait mention. De plus, le président du Conseil du Trésor a énoncé une série de mesures, le 21 octobre, portant sur plusieurs des préoccupations du Comité concernant la gestion et le contrôle des finances. Ces mesures sont exposées dans deux documents déposés devant le Comité des comptes publics par le président du Conseil du Trésor, le 25 octobre : La Loi sur la gestion des finances publiques : Pour réagir face à la non-conformité et L'amélioration constante de la gestion au sein du gouvernement du Canada – Notre engagement.

Cependant, en ce qui concerne notre troisième rapport et nos propositions concernant les agents comptables, le gouvernement a opposé un « non » catégorique.

À mon avis, le fait que le gouvernement a rejeté nos recommandations sur la nomination d'agents comptables laisse perplexe. Dans le rapport du gouvernement sur l'examen de la responsabilité ministérielle, également déposé devant le Comité par le président du Conseil du Trésor le 25 octobre, on trouve ceci :

Il convient de noter que les responsabilités des agents comptables sont très semblables à celles du sous-ministre en conformité avec les politiques du Conseil du Trésor et la Loi sur la gestion des finances publiques [6].

Puisqu'il en est ainsi et si nous acceptons l'affirmation de Norman Spector selon laquelle « une simple modification de la Loi sur la gestion des finances publiques suffirait » [Traduction] pour mettre en place le modèle des agents comptables, je suis tenté de poser la question : « Quel est le problème? »

Le gouvernement reste attaché à l'interprétation faite par le Conseil privé de la responsabilité ministérielle et, sur certains points, il a étayé sa pensée.

Par exemple, les autorités gouvernementales déclarent maintenant que des efforts seront déployés pour faire en sorte que les ministres se présentent devant des comités permanents pour examiner la gestion et le fonctionnement des ministères qui leur ont été confiés, même lorsque cette responsabilité incombe expressément aux sous ministres en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques.

M. Alcock est d'avis que, puisque le Parlement est une arène politique, les discussions sur la gestion seront inévitablement entachées par la partisanerie et que les sous-ministres ne devraient pas être entraînés dans des débats partisans.

Cependant, je peux vous affirmer que le Comité des comptes publics examine la gestion ministérielle avec des hauts fonctionnaires, y compris des sous ministres, depuis de nombreuses années. Ces travaux sont largement exempts du type de partisanerie que M. Alcock semble craindre.

Le Comité poursuit son examen de la réponse du gouvernement. Il est possible qu'il accepte l'invitation du président du Conseil du Trésor qui a déclaré ceci : « Nous serons heureux de prendre connaissance de vos commentaires (...) à l'égard des mesures proposées dans ce document et au besoin, d'ajuster notre plan d'action [7]. »

À titre de président du Comité des comptes publics et de parlementaire, je suis heureux de l'ouverture d'esprit de M. Alcock. Le dialogue peut donc commencer. En faisant preuve de persistance et de bonne volonté, en acceptant des compromis et, surtout, en étant déterminés à assurer que le Parlement et le gouvernement répondent aux besoins des Canadiens, nous allons réussir.

Cependant, il ne faut jamais oublier que, tandis que le gouvernement a le pouvoir de gouverner, ce pouvoir demeure assujetti à son obligation de rendre compte devant le Parlement. Je ne pense pas que le Parlement et les Canadiens soient d'accord avec le rejet d'une proposition de réforme sérieuse à la suite du scandale des commandites qui a coûté 250 millions de dollars aux contribuables canadiens. Si le gouvernement se montre aussi intransigeant, je perçois des problèmes à l'horizon.

Voilà un aperçu de la position du Comité des comptes publics. En terminant, j'aimerais dire un mot au sujet du personnel qui a appuyé le Comité – et moi même, en tant que président – tout au long de nos travaux sur le programme des commandites.

Grâce aux greffiers, aux interprètes, aux chercheurs et au personnel de soutien, un processus qui s'annonçait difficile s'est déroulé sans heurt. Tout comité parlementaire a la responsabilité de tenir le gouvernement pour responsable sur le plan politique de ses actions. Avec l'appui d'effectifs compétents et dévoués, je crois que nous avons atteint cet objectif.

Maintenant, M. le président, je serai heureux de répondre aux questions.


[1] Norman Spector, « Advice for the Gomery commission », Globe and Mail, 17 octobre 2005, p. A5.

[2] Donald J. Savoie. Breaking the Bargain : Public Servants, Ministers, and Parliament, University of Toronto Press, 2003, p. 259.

[3] Gouvernement du Canada, « Le premier ministre annonce de nouvelles lignes directrices à l'intention des ministres et une nouvelle procédure pour la nomination du conseiller en éthique », Communiqué, Bureau du premier ministre, 11 juin 2002.

[4] Thomas S. Axworthy, « Addressing the Accountability Deficit: Why the Martin Government Must Pay More Attention to the Three A's », Policy Options politiques, décembre 2004-janvier 2005.

[5] Peter Aucoin et Mark D. Jarvis, Moderniser l'obligation de rendre compte du gouvernement : Un code de réforme, École de la fonction publique du Canada, Ottawa, 2005, p. 7.

[6] Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Examen des responsabilités et des responsabilisations des ministres et des hauts fonctionnaires, 2005, p. 41.

[7] Comité permanent des comptes publics. Témoignage No 51, 25 octobre 2005, 0910.