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SDEV Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 2 décembre 2004




¿ 0900
V         Le président (L'hon. David Kilgour (Edmonton—Mill Woods—Beaumont, Lib.))
V         L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD)
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.)
V         Le président
V         M. Tenzin Dargyal (coordonnateur national, Bureau national, Comité Canada-Tibet)

¿ 0905
V         Le président
V         M. Tenzin Dargyal
V         Le président
V         M. Tenzin Dargyal
V         Le président
V         M. Tenzin Dargyal

¿ 0910
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         M. Navdeep Bains
V         Le président
V         M. Tenzin Dargyal
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         Le président
V         M. Tenzin Dargyal
V         Le président
V         M. Tenzin Dargyal
V         Le président
V         Mme Suzanne Tamas (directeur, Bureau des relations gouvernementales, Bahá'í Community of Canada)

¿ 0915

¿ 0920
V         Le président
V         Mme Suzanne Tamas
V         Le président
V         Mme Suzanne Tamas
V         Le président

¿ 0925
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         M. Navdeep Bains
V         Le président
V         Mme Grace Wollensak (coordonnatrice nationale, Falun Dafa Association of Canada)
V         M. Joel Chipkar (personne contact avec les médias, Falun Dafa Association of Canada)

¿ 0930
V         Mme Grace Wollensak
V         M. Joel Chipkar

¿ 0935
V         Le président
V         M. Ajit Singh Sahota (président, World Sikh Organization)

¿ 0940

¿ 0945
V         Le président
V         M. Ajit Singh Sahota
V         Le président
V         M. Peter Bhatti (Christian Liberation Front Canada)

¿ 0950
V         Le président
V         M. Peter Bhatti
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         M. Peter Bhatti
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         M. Peter Bhatti
V         Le président
V         Dr Janet Epp Buckingham (directrice, Loi et politique publique, Alliance évangélique du Canada)

¿ 0955
V         Le président

À 1000
V         Le rév. Majed El Shafie (président, One Free World International)

À 1005
V         Le président
V         Mme Anu Bose (directeur éxécutif et gérante de projet, Bangladesh Hindu Buddhist Christian Unity Council)
V         Le président
V         Mme Anu Bose
V         Le président
V         Mme Anu Bose
V         M. Amar Chakraborty (président, Bangladesh Hindu Buddhist Christian Unity Council)

À 1010

À 1015
V         Le président
V         M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC)

À 1020
V         Le président
V         M. Navdeep Bains
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         M. Joel Chipkar

À 1025
V         Mme Grace Wollensak
V         Le président
V         M. Navdeep Bains
V         M. Joel Chipkar
V         M. Stockwell Day
V         M. Navdeep Bains
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         Mme Suzanne Tamas
V         Le président
V         Mme Suzanne Tamas
V         Le président
V         M. Tenzin Dargyal
V         Le président
V         M. Ajit Singh Sahota

À 1030
V         Le président
V         M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC)
V         Le président
V         M. Amar Chakraborty
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent

À 1035
V         Le président
V         M. Marcus Pistor (attaché de recherche auprès du comité)
V         Le président
V         M. Stockwell Day

À 1040
V         M. Navdeep Bains
V         M. Stockwell Day
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Navdeep Bains
V         Le président
V         M. Navdeep Bains
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         Mme Grace Wollensak

À 1045
V         Le président
V         M. Ajit Singh Sahota
V         Le président
V         Dr Janet Epp Buckingham
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         M. Peter Bhatti
V         Le président
V         Mme Suzanne Tamas

À 1050
V         Le président










CANADA

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 décembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0900)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. David Kilgour (Edmonton—Mill Woods—Beaumont, Lib.)): Chers collègues, nous sommes ravis d'accueillir Mme Brunelle, la députée de Trois-Rivières.

    Vous le savez tous déjà, mais j'aimerais vous lire un texte que je trouve pertinent, en guise d'introduction :

Le XXe siècle a indéniablement été le pire de l'histoire sur le plan de la violence dirigée contre les fidèles de toutes les confessions religieuses. On a pu dire qu'un plus grand nombre d'entre eux

... de plusieurs confessions religieuses. Je ne veux pas viser une religion en particulier pour l'instant...

ont été tués durant le dernier siècle qu'au cours des XIXe siècles précédents.
On estime que le nombre d'être humains de toutes nationalités qui sont morts prématurément à cause de leur foi entre 1900 et 2000 atteint le chiffre consternant de 169 millions,

[Français]

ce qui inclut 70 millions de musulmans; 35 millions de chrétiens;

[Traduction]

11 millions d'Hindous; neuf millions de Juifs; quatre millions de Bouddhistes; deux millions de Sikhs et un million de Baha'i.

    Nous sommes ravis que tout le monde ait pu venir à cette réunion ce matin.

    Monsieur Broadbent.

+-

    L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD): Monsieur le président, je m'excuse de vous interrompre, mais je ne connais pas ces chiffres. J'ignore quelle en est la source, mais j'aimerais avoir copie de ce texte.

+-

    Le président: En fait, c'est un article que j'ai écrit, mais je ne voulais pas me citer moi-même.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Eh bien, monsieur le président, surtout si c'est vous qui avez écrit ce texte, si vous pouviez au moins m'en envoyer une copie, je vous en serais très reconnaissant.

+-

    M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.): J'aimerais aussi en avoir une copie, s'il vous plaît.

+-

    Le président: Très bien. Magdalene, j'espère que vous avez entendu cela.

    Merci pour vos aimables paroles.

    Qui veut prendre la parole en premier? Vous savez tous que vous avez environ cinq minutes chacun.

[Français]

parce que nous avons beaucoup de témoins ce matin.

[Traduction]

    Voudriez-vous commencer, monsieur Tenzin, au nom des Tibétains? Est-ce que ce serait acceptable? Oui.

+-

    M. Tenzin Dargyal (coordonnateur national, Bureau national, Comité Canada-Tibet): Bonjour.

    Au nom du Comité Canada-Tibet, de la communauté tibétaine du Canada et des millions de Canadiens qui appuient la cause du Tibet, surtout les partisans du message de paix et de non-violence de Sa Sainteté le Dalai Lama, j'aimerais vous dire chaleureusement tashi delek. Cela veut dire bienvenue en tibétain.

    Je vous remercie de me donner l'occasion d'intervenir une fois encore devant votre comité aujourd'hui. Ce fut vraiment une année extraordinaire pour notre communauté tibétaine et nos partisans partout au Canada. La visite au Canada de Sa Sainteté le Dalai Lama en avril dernier a clairement prouvé à notre petite communauté que les Canadiens se soucient vraiment du Tibet.

    Une majorité claire au Parlement du Canada s'est également prononcée en faveur d'un rôle actif du Canada dans la résolution pacifique de la question du Tibet. La visite a suscité un extraordinaire mouvement de sympathie et de bonne volonté. Mais aujourd'hui, plus de neuf mois après la visite, en dépit du message clair envoyé par le public canadien et le Parlement canadien, nous continuons à lutter pour obtenir des gestes concrets de la part du gouvernement du Canada.

    C'est particulièrement vrai dans le domaine de la persécution religieuse. En 1971, le gouvernement du Canada a pris ce qui était peut-être sa première mesure constructive quand il a accueilli des familles de réfugiés tibétains venues de l'Inde qui avaient échappé à la persécution chinoise dans le Tibet occupé. Parmi eux se trouvaient mes parents et c'est ainsi qu'en conséquence directe de ce geste posé par le Canada il y a plus de 30 ans, moi, Tibétain canadien, né et élevé dans la belle province de Québec, je prends aujourd'hui la parole devant le comité.

    Aujourd'hui encore, des centaines de Tibétains continuent de fuir à pied, comme mes parents l'ont fait en 1959, à cause de l'oppression continue au Tibet. La persécution religieuse fait partie de la dure réalité.

    La religion, ou plus précisément le bouddhisme tibétain, est au coeur même de l'identité tibétaine, elle définit notre culture, nos arts et même notre musique. C'est la base même de la vie de chaque Tibétain. En un mot, le bouddhisme est notre mode de vie à nous, Tibétains.

    Le gouvernement de Chine le sait très bien. C'est pourquoi il cible stratégiquement tous les aspects de la religion tibétaine. Depuis l'occupation illégale du Tibet en 1949, la Chine a détruit plus de 5 000 monastères tibétains. Les Chinois ont emprisonné, torturé ou tué d'innombrables moines et religieuses sans défense. Même la simple possession d'un portrait du chef spirituel des Bouddhistes tibétains dans le monde entier est un crime d'État.

¿  +-(0905)  

+-

    Le président: Qu'il soit consigné au compte rendu que vous tenez actuellement une photographie du Dalai Lama.

+-

    M. Tenzin Dargyal: Merci, monsieur le président.

    Nous voudrions seulement signaler que la persécution religieuse dans le Tibet occupé a été bien documentée par votre comité au cours des séances précédentes. Le Comité Canada-Tibet, de même que d'autres organisations, notamment Amnistie internationale, Droits et démocratie et Freedom Now ont fait des exposés devant le comité le 5 mai et le 12 mai 2004.

    C'est pourquoi, dans le but de poursuivre le travail entrepris ensemble durant la dernière législature, nous demandons que le témoignage que nous avons donné ces deux jours-là soit annexé au compte rendu d'aujourd'hui et fasse officiellement partie du rapport au Comité permanent des affaires étrangères de la Chambre des communes.

[Français]

+-

    Le président: C'est d'accord.

[Traduction]

+-

    M. Tenzin Dargyal: De plus, dans l'intérêt du public canadien, nous demandons que les témoignages des 5 et 12 mai soient disponibles sur le site Web parlementaire, car ils ne le sont pas aujourd'hui.

+-

    Le président: Est-ce qu'un député peut en faire la proposition? D'accord.

+-

    M. Tenzin Dargyal: Merci.

    Aujourd'hui, le bouddhisme tibétain continue d'être pratiqué dans un état de crainte au lieu d'un état de foi. Et ce, en dépit de la protection de la liberté religieuse qui est garantie dans la constitution chinoise. Peut-être le dossier le plus urgent en matière de persécution religieuse est-il celui de Tenzin Delek Rinpoche. Il est un moine bouddhiste tibétain jouissant d'un grand respect et un leader communautaire dans la partie orientale du Tibet. Aujourd'hui, le 2 décembre, marque la fin d'une suspension de deux ans de la peine de mort à laquelle il a été condamné. Il pourrait être exécuté d'un jour à l'autre par le gouvernement chinois pour un prétendu crime qui n'est même pas corroboré par une preuve le moindrement crédible. Il n'a pas eu de procès équitable, il n'a pas eu un procès public et il est notoire qu'on s'en est pris à lui à cause de son appui au Dalai Lama et de ses activités pour promouvoir et enseigner la langue, la culture et la religion tibétaines.

    En conséquence, compte tenu de l'extrême urgence de la situation, nous exhortons le gouvernement du Canada à intervenir directement dans le dossier de Tenzin Delek Rinpoche. Il mérite d'être libéré purement et simplement ou tout au moins de bénéficier d'un procès juste et public.

    Nous estimons par ailleurs qu'il est très important de rappeler au comité et à la population du Canada que l'espoir d'une amélioration du sort du peuple tibétain est étroitement associé à l'espoir d'en arriver à une solution négociée sur toute la question du Tibet avec les représentants de Sa Sainteté le Dalai Lama en Chine. C'est ainsi que nous, le Comité Canada-Tibet, ainsi que l'ensemble des Tibétains du Canada, estimons que le Canada est vraiment dans une situation unique, compte tenu de ses liens d'amitié avec la Chine, car la Chine entretient avec le Canada des relations qu'elle n'entretient avec aucun autre pays occidental. Le Canada peut intervenir et servir d'intermédiaire pour aider à réaliser ces négociations sur toute la question du Tibet.

    Monsieur le président, on m'a informé que M. Broadbent, qui est un ami de longue date du Tibet et que Sa Sainteté a rencontré lors de sa visite à Ottawa, aimerait déposer une motion. Si c'est le cas, je l'invite à le faire pendant le temps qui m'est accordé.

¿  +-(0910)  

+-

    Le président: M. Broadbent souhaite-t-il faire cela?

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Cela me ferait grand plaisir. J'ai fait distribuer le texte de la motion, parce que je ne veux pas utiliser trop de temps. Il y a d'autres témoins qui doivent intervenir. Je m'en remets à vous, monsieur le président; je peux simplement lire la motion, ou bien...

+-

    Le président: Il nous faut le consentement unanime.

[Français]

    Les interprètes en feront la traduction.

    Une voix: Je l'ai déjà en français.

    Le président: D'accord.

[Traduction]

    Vous voulez donc lire la motion?

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Oui, merci.

    Que le sous-comité, compte tenu des témoignages entendus le 2 décembre 2004 dans le cadre de son étude sur la persécution religieuse au Tibet et de la bonne volonté engendrée par la visite de Sa Sainteté le Dalai Lama à Ottawa en avril, demande au gouvernement du Canada de mettre à profit ses relations amicales avec la Chine pour l'exhorter à entamer des négociations dignes de ce nom, sans conditions préalables, avec les représentants de Sa Sainteté le Dalai Lama, afin de régler la question du Tibet.

+-

    Le président: Y a-t-il consentement unanime?

+-

    M. Navdeep Bains: J'aurais une toute petite question. Nous en avons discuté en privé, mais je voudrais qu'il nous donne des précisions, si possible, sur le sens du libellé. Il dit « sans conditions préalables ». Quel est le but de cette expression?

+-

    Le président: Monsieur Dargyal.

+-

    M. Tenzin Dargyal: La position de Sa Sainteté est très simple. Il dit : tournons-nous vers l'avenir et oublions le passé. Malheureusement, le gouvernement de Chine a demandé à Sa Sainteté de reconnaître que Taïwan et le Tibet ont toujours fait partie de la Chine. Nous croyons, dans un esprit de réconciliation et de dialogue, qu'il ne devrait y avoir aucun obstacle et que nous devrions simplement nous présenter à la table de négociation et discuter. C'est ce que nous voulons dire par « sans conditions préalables ».

+-

    Le président: Monsieur Broadbent.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: C'est parfait. Merci.

+-

    Le président: Voulez-vous proposer la motion?

+-

    L'hon. Ed Broadbent: J'en fais la proposition, monsieur le président.

+-

    Le président: Très bien.

[Français]

    Y a-t-il consentement unanime?

    (La motion est adoptée)

+-

    Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

    Avez-vous fini, monsieur Dargyal?

+-

    M. Tenzin Dargyal: J'en suis à ma conclusion.

+-

    Le président: Très bien.

+-

    M. Tenzin Dargyal: En terminant, je voudrais citer quelqu'un d'une grande nation occidentale réputée pour ses activités de maintien de la paix. Cette citation saisit bien l'esprit et l'espoir de Sa Sainteté le Dalai Lama et du peuple tibétain relativement à leur demande d'une résolution pacifique de la question du Tibet :

Nous croyons que les États doivent accepter la responsabilité de protéger leurs propres citoyens contre la violence ethnique et les catastrophes humanitaires. S'ils choisissent de ne rien faire, la communauté internationale a la responsabilité, de son côté, de s'appliquer à trouver de nouveaux moyens, plus pertinents, d'intervenir rapidement et de façon décisive lorsqu'une crise éclate. C'est la raison pour laquelle le Canada met de l'avant un nouveau concept de multilatéralisme, une initiative qui permettra, en bout de ligne, à toutes les nations de jouir d'une sécurité accrue dans le monde.

Cette déclaration a été faite à Halifax par l'honorable Paul Martin, premier ministre du Canada, hier matin.

    Le Tibet traverse aujourd'hui une période de crise. Une nation, une culture, un peuple se meurt. La communauté internationale reconnaît généralement la catastrophe humanitaire et religieuse qui se passe au Tibet. Peu de mouvements, peu de personnalités ont été aussi synonymes de la notion de paix que le Dalai Lama et le peuple tibétain. Le Tibet n'a pas besoin d'aller chercher davantage de sympathie, ce qu'il lui faut, c'est une action rapide et décisive de votre part. La cause du Tibet doit susciter un geste concret du Canada. Nous demandons un examen complet des politiques et des mesures du Canada dans le dossier du Tibet. La responsabilité du Canada est d'agir et de s'assurer que les mouvements pacifiques l'emportent, non seulement pour le peuple tibétain, mais pour notre espoir de mettre fin à la guerre et au terrorisme, et aussi notre espoir d'un monde plus sûr et plus pacifique.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Peut-être que Suzanne Tamas voudrait être le témoin suivant. Je sais que vous avez beaucoup d'expérience dans le contexte du processus de Madras, etc. Voulez-vous prendre la parole maintenant?

+-

    Mme Suzanne Tamas (directeur, Bureau des relations gouvernementales, Bahá'í Community of Canada): Bonjour, mesdames et messieurs les membres du sous-comité. Je m'excuse d'être arrivée en retard.

    Merci beaucoup de m'avoir invitée à prendre la parole devant vous pour vous parler de la persécution religieuse. J'ai pensé qu'il pourrait être utile de commencer par passer en revue les mesures internationales qui sont en place pour protéger la liberté de religion et de croyance, car ce sont nos efforts pour faire appliquer ces mesures et la nécessité de déployer davantage d'efforts dans ce domaine qui résultent en la poursuite de la persécution.

    Le droit à la liberté religieuse et de croyance est protégé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, à l'article 18. Aux termes de l'article 18, toute personne a droit à la liberté de conscience et a le droit de manifester sa religion ou sa conviction par le culte, l'enseignement, la publication de documents, tout en vivant en paix dans une communauté. L'article 18 a été inscrit dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, aux articles 18, 26 et 27, aux termes desquels le droit à la liberté de religion et de croyance a été explicité davantage. Le droit à la liberté de religion et de croyance est également protégé à l'article 14 de la Convention sur les droits de l'enfant et ensuite, en 1981, grâce à l'adoption de la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la croyance.

    L'Assemblée générale des Nations Unies et la Commission des droits de la personne adoptent chaque année des résolutions sur l'élimination de la discrimination au motif de la religion et de la croyance. Le Comité des droits de la personne, organe de contrôle du traité, oblige les États à rendre des comptes tous les cinq ans relativement à leurs activités dans le domaine des droits de la personne. L'une des vérifications porte sur la mesure dans laquelle le droit à la liberté de religion et de croyance est protégé dans un État donné, ou bien si l'on observe des persécutions dans cet État.

    Le Rapporteur spécial sur la liberté de religion et de croyance, nommé par la Commission des droits de la personne, fait rapport chaque année sur la situation religieuse dans les pays du monde, reçoit des plaintes sur les droits individuels et exprime ses préoccupations. Dans un résumé de ses 11 années de service l'année dernière à la Commission des droits de la personne, il a dit que ce n'était pas suffisant, que le niveau de persécution est vraiment inquiétant, que l'intolérance religieuse semble à la hausse et que les États n'en ont pas encore fait assez pour protéger les gens contre la persécution et pour poursuivre ceux qui persécutent. Essentiellement, il a appelé les États à prendre vraiment au sérieux cette obligation. C'est parce que nous ne le faisons pas que nous souffrons dans le monde entier les conséquences de la persécution religieuse sous forme d'instabilité, d'insécurité et de l'absence de prospérité.

    Il ne s'agit donc pas simplement de décréter que la religion et la croyance est un droit. En fait, c'est un prérequis à une société ordonnée. Les attitudes de discrimination et d'intolérance qui se manifestent sous forme de persécution religieuse sont les mêmes attitudes qui entraînent l'inégalité des femmes et les abus commis contre les gens d'ethnies différentes, et il faut s'attaquer à ces attitudes.

    Je voudrais prendre quelques instants pour vous faire part de l'expérience de la communauté Baha'i dans deux pays, l'Iran et l'Égypte. Il y a 300 000 Baha'is en Iran, qui est le lieu de naissance de la foi Baha'i. Ils font partie d'une communauté mondiale de plus de cinq millions de croyants qui viennent de 211 000 groupes ethniques et tribaux vivant dans 116 000 localités dans 188 pays indépendants. Ils ont été reconnus par le Département de l'information publique à l'ONU en 1948 à titre d'ONG internationale avec statut consultatif à l'ECOSOC, statut consultatif auprès de l'UNICEF, et jouissant d'un bilan de longue date d'interaction coopérative et d'édification de la société auprès des organisations nationales et internationales et des gouvernements.

    Les Baha'is sont persécutés en Iran exclusivement à cause de leur religion. Il n'y a aucun facteur aggravant d'ethnicité, de langue ou de race—rien d'autre. C'est purement une question d'intolérance religieuse. Il n'y a aucun comportement antisocial. En fait, les Baha'is sont appelés par les enseignements de leur foi à faire preuve d'obéissance et de loyauté envers leur gouvernement, de sorte qu'ils ne représentent aucune menace. Néanmoins, depuis le début, les Baha'is d'Iran ont souffert de persécution, surtout depuis la révolution islamique en 1979.

¿  +-(0915)  

    Au début, il y a eu des exécutions et incarcérations massives, des biens ont été confisqués et des passeports ont été refusés. Quand la communauté internationale a réagi, la persécution s'est atténuée quelque peu, mais elle se poursuit et l'objectif demeure l'éradication de la communauté Baha'i en Iran. Récemment, nous avons été témoins de la confiscation et de la destruction de lieux sacrés Baha'i—des lieux qui sont sacrés pour la communauté Baha'i du monde entier.

    Depuis la révolution, les Baha'i instruits et qualifiés pour entrer à l'université n'ont pas été autorisés à fréquenter l'université parce que le formulaire de demande pour passer l'examen d'entrée à l'université stipule qu'il faut préciser sa religion. Si quelqu'un inscrit « Baha'i », il est refusé. S'il laisse la case en blanc, il n'est pas admis à l'examen. Cette année, subissant d'intenses pressions internationales de la part de plusieurs organes de l'ONU, le gouvernement iranien a annoncé qu'il supprimerait l'exigence de préciser sa religion sur le formulaire de demande. Plus de 800 étudiants Baha'i ont présenté leur candidature et ont été admis à l'examen. L'un d'entre eux a eu la plus haute note au pays, mais lorsque les étudiants ont eu les résultats de l'examen, il était écrit sur la carte qu'ils étaient musulmans, que leur religion était l'Islam. Or ils ne sont pas musulmans. Ils aiment beaucoup l'Islam. Ils vénèrent Mahomet, mais ils sont Baha'i. Quand ils ont protesté, les fonctionnaires ont demandé à dix d'entre eux de venir les rencontrer. Quand ces Baha'i se sont présentés, les fonctionnaires ont dit qu'ils rayeraient le mot islam et leur donneraient une carte sans religion. Quand ils ont demandé ce qu'il adviendrait des 790 autres, les fonctionnaires ont dit qu'ils ne pouvaient rien faire pour eux. C'est ainsi que des étudiants Baha'i d'Iran qui ont eu des notes élevées à l'examen d'entrée se voient interdire de fréquenter l'université.

    Les Baha'is ne peuvent trouver d'emploi dans de nombreux domaines en Iran, surtout dans le secteur public. Ils ne peuvent pas enterrer leurs morts dans des tombes identifiées. Ils n'ont pas le droit d'hériter. Devant les tribunaux, ils n'ont pas gain de cause et les documents judiciaires précisent sans vergogne que c'est parce qu'ils sont membres d'une secte dévoyée.

    En Égypte, il y avait une communauté Baha'i petite, mais florissante jusqu'en 1960, date à laquelle Nasser a adopté le décret présidentiel 263 par lequel on a démantelé les institutions Baha'i, confisqué tous leurs biens et leur argent et interdit toute activité de ces institutions. Il faut préciser que la foi Baha'i ne comporte pas de clergé. Nous élisons au scrutin secret, sans aucun processus de mise en candidature, des gens aux niveaux local, national et international qui servent notre communauté. Quand ils sont empêchés de s'organiser, les Baha'i sont privés de leadership spirituel et administratif et c'est effectivement le cas en Égypte.

    Actuellement, leur situation est très grave parce que l'Égypte a décidé d'informatiser toutes ses cartes d'identité. C'est logique. Alors que dans le passé, les Baha'i pouvaient rayer d'un trait la case réservée à la religion, alors que parfois même un fonctionnaire leur permettait d'inscrire Baha'i, on leur dit maintenant qu'ils doivent se déclarer chrétiens, musulmans ou juifs, les trois religions reconnues, faute de quoi ils n'obtiennent aucune carte d'identité. Pour nous, cela ne fait aucune différence. Nous n'avons pas besoin de carte d'identité pour mener à bien toutes les transactions de la vie quotidienne. Mais en Égypte, que l'on veuille aller à un hôpital gouvernemental, ou toucher une pension, ou encore aller à la banque, pour toutes les activités civiques normales et pour tout service qu'on voudrait obtenir, il est impératif d'avoir une carte d'identité.

    Le ministère des Affaires étrangères du Canada a été éminemment utile et très accessible et nous les tenons au courant de ce qui se passe dans ce pays. Mais il faut faire davantage. Ce que je voudrais suggérer humblement, c'est que cet examen de la politique internationale qui est actuellement en cours représente une magnifique occasion de se pencher sur la question et de se demander dans quelle mesure le Canada poursuit activement l'objectif de promouvoir la liberté de religion et de croyance. Si nous pouvons promouvoir la liberté de religion et de croyance; si nous pouvons faire ce que tous les pays du monde ont convenu de faire à Madrid en 2001, quand on a célébré le 20e anniversaire de la Déclaration sur l'élimination de la discrimination religieuse; si nous pouvons enseigner la tolérance religieuse aux enfants à l'école; si nous pouvons changer les attitudes; si nous pouvons parrainer un dialogue nourri entre les confessions religieuses, amenant les gens à se respecter mutuellement et à accepter leurs différences théologiques et à collaborer comme membres d'une même société, alors le Canada aura apporté une contribution importante à la communauté mondiale. C'est un besoin urgent. Les conséquences de l'intolérance et de la persécution religieuse vont bien au-delà de la communauté religieuse en particulier qui souffre de persécution.

    Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de soulever cette question et je vous remercie de m'avoir consacré de votre temps et de m'avoir écouté.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Tamas. Aimeriez-vous que l'un des membres du comité propose que le comité recommande au gouvernement de se pencher sur cette question que vous venez de soulever?

+-

    Mme Suzanne Tamas: Oui.

+-

    Le président: Notre attaché de recherche, toujours dévoué, est en train de transcrire vos propos dans une motion. Peut-être pourrions-nous y revenir.

+-

    Mme Suzanne Tamas: Merci.

    J'ai apporté de la documentation pour les membres du comité et des trousses de recherche pour votre attaché de recherche et le greffier.

+-

    Le président: Merci.

    Le temps nous est compté et nous allons donc passer tout de suite à l'intervenant suivant pour revenir ensuite à votre motion, si c'est acceptable.

    Grace, voulez-vous être la suivante? Grace Wollensak et Joel Chipkar, vous avez tous deux la parole.

¿  +-(0925)  

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Monsieur le président, aurons-nous le temps de poser des questions?

+-

    Le président: Bien sûr, je crains que si nous ne commençons pas par entendre tout le monde, nous pourrions manquer de temps. Pourrions-nous interroger tout le monde ensemble à la fin?

    Une voix: Bien sûr.

    Le président: Ensuite, au nom de Falun Gong...

    Je signale que nous vous avons déjà entendu. Peut-être aimeriez-vous proposer, à l'instar de M. Dargyal, que votre témoignage antérieur soit annexé au compte rendu.

    Est-ce que quelqu'un pourrait en faire la proposition en votre nom, puisque vous n'êtes pas autorisé à le faire? Voulez-vous le proposer, monsieur Bains?

+-

    M. Navdeep Bains: Oui, j'en fais la proposition.

+-

    Le président: La motion est proposée.

    (La motion est adoptée)

+-

    Mme Grace Wollensak (coordonnatrice nationale, Falun Dafa Association of Canada): Merci, monsieur le président.

    Bonjour, honorables membres du Sous-comité des droits de la personne et du développement international, et mesdames et messieurs les observateurs.

    Je vous invite à jeter un coup d'oeil sur les photos qui sont là-bas. Nous avons là une présentation visuelle accompagnée de photos.

    Le nom de cette femme est Gao Rongrong et elle a 36 ans. Elle a été arrêtée pour sa croyance Falun Gong et envoyée au Camp de travaux forcés de Longshan, dans la province de Liaoning. Le 22 mars 2004, Mme Gao a été torturée pendant six à sept heures dans un camp de travail, à l'aide d'une matraque électrique, ce qui fait qu'elle a maintenant le visage carbonisé et qu'elle est défigurée.

    La photo suivante est celle de Mme Zhu Xia, âgée de 32 ans, qui a été détenue dans un centre de lavage de cerveau dans le comté de Xinjin, province de Sichuan. Elle a été violée à répétition et humiliée pendant sa détention, jusqu'à ce qu'elle devienne complètement folle. Le 2 avril 2004, elle a été libérée, mais elle n'était plus la même personne que lorsque la police était venue l'arrêter. Il lui arrivait souvent de frapper comme une folle aux portes et aux fenêtres; elle n'était plus capable de s'occuper d'elle-même, souillait ses vêtements de manière incontrôlable et même chez elle, la nuit, il lui arrivait souvent de se protéger la tête de ses bras en criant « Allez-vous encore me violer? »

    La photo suivante est celle de Mme Wu LIngxia, âgée de 37 ans, avec son fils. Par la suite, elle a été torturée à mort par la police.

    Tout cela est arrivé en Chine à cause de la persécution systématique et sanctionnée par l'État de la foi Falun Gong.

    Les livres que je tiens à la main, un rapport des Nations Unies et des rapports d'Amnistie internationale et d'autres organisations des droits de la personne, ou ONG, documentent des cas qui représentent moins de 1 p. 100 des cas signalés, et qui ont déjà été affichés sur l'Internet. Ces cas comprennent les violences suivantes : décès; violence contre les femmes, abus psychiatrique, lavage de cerveau, arrestation et détention arbitraires; torture, viol, avortement forcé, choc électrique, congélation, brûlure, gavage forcé, suffocation et injection de drogues. Dans ce rapport de l'ONU, on donne force détails, accompagnés de photos, sur de nombreuses méthodes de torture utilisées actuellement en Chine contre les fidèles de la foi Falun Gong.

+-

    M. Joel Chipkar (personne contact avec les médias, Falun Dafa Association of Canada): Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas Falun Gong, c'est une discipline spirituelle profonde qui met l'accent sur les principes de la vérité, de la compassion et de la tolérance, avec l'objectif de cultiver l'esprit, le corps et l'intelligence en vue d'assimiler les principes et de recouvrer son véritable moi originel, ce que les religions occidentales appellent le ciel. Le Falun Gong comporte une croyance au divin profondément ancrée.

    En 1992, le Falun Gong a fait ses débuts en Chine et était alors respecté, appuyé et récompensé par le gouvernement chinois. Des gens de tous les niveaux de la société et de tous les milieux ont pratiqué le Falun Gong en Chine jusqu'en 1999, date à laquelle, d'après un sondage gouvernemental, plus de 100 millions de gens pratiquaient le Falun Gong en Chine. Le Falun Gong n'était pas régi par le gouvernement chinois. À cause de l'insécurité et par jalousie, l'ancien président de Chine, Jiang Zemin, a alors décrété une répression massive du Falun Gong.

    En août 2001, le Washington Post a publié un article intitulé « La torture frappe le Falun Gong : la Chine s'efforce d'éradiquer systématiquement ce groupe », dénonçant l'arme privilégiée utilisée pour éliminer le Falun Gong, à savoir la propagande haineuse, comme d'ailleurs dans le cas de tous les autres génocides recensés dans l'histoire. Au cours des six premiers mois, en Chine et à l'étranger, on estime à 300 000 le nombre d'articles diffamatoires qui ont été publiés, dénonçant les praticiens du Falun Gong qu'on qualifiait de tueurs, d'assassins, de suicidaires et de fous.

    En mars 2004, un article du National Post publié ici au Canada signalait une vague de « propagande haineuse » de grande envergure de la part de fonctionnaires chinois ici même au Canada. J'ai personnellement poursuivi le vice-consul général de Chine pour m'avoir diffamé dans un journal local. Soit dit en passant, j'ai gagné ma cause; cependant, la propagande haineuse se poursuit ici même au Canada.

¿  +-(0930)  

+-

    Mme Grace Wollensak: Jiang Zemin a déclaré qu'il prendra toutes les mesures nécessaires pour éliminer le Falun Gong. Depuis cinq ans, la persécution du Falun Gong et la campagne de propagande haineuse associée ont pénétré profondément et systématiquement dans tous les recoins de la société chinoise. Tous les niveaux de gouvernement et la police se sont engagés dans un effort d'élimination des praticiens du Falun Gong, les persécuteurs étant eux-mêmes menacés de perdre leurs postes.

    Le système judiciaire tout entier est manipulé. Les avocats et les juges reçoivent l'ordre de ne pas défendre, mais plutôt de criminaliser les praticiens du Falun Gong. Le système d'éducation tout entier force les élèves et les étudiants, depuis l'école maternelle jusqu'à l'université, à condamner le Falun Gong, sous menace d'expulsion. Les employeurs étatiques et privés persécutent les praticiens sur les lieux du travail. Ceux-ci sont congédiés, on leur enlève leur logement ou on les envoie à des séances de lavage du cerveau. Les citoyens sont récompensés pour espionner et dénoncer les praticiens du Falun Gong.

    M. Lizhi He, qui est assis à l'arrière là-bas, était célèbre en Chine. Il a passé trois ans et demi dans les prisons chinoises pour avoir envoyé des lettres à ses collègues sur le Falun Gong. Il a presque été torturé à mort. Il a connu les camps de travail, la torture par choc électrique, un lavage de cerveau intense et un harcèlement psychologique. Amnistie internationale Canada l'a considéré comme un prisonnier de conscience et a réclamé qu'on lance d'urgence une campagne d'intervention pour le faire libérer.

    La Australian Broadcasting Corporation a déclaré que « les praticiens du Falun Gong représentent près de la moitié de tous les Chinois détenus dans des camps de travail, ce qui n'exige aucune décision judiciaire ». Beaucoup d'autres sont détenus dans des prisons, des hôpitaux psychiatriques et d'autres lieux d'incarcération partout en Chine.

    M. LIzhi He est seulement l'une des 120 victimes qui vivent maintenant au Canada. La petite fille dans cette photo s'appelle Rongrong. Elle est la nièce d'un citoyen canadien. Son père a été torturé à mort dans le camp de travail de Wangcun. Sa mère a été enlevée par la police il y a trois ans et on n'a plus de nouvelles d'elle. Elle n'était que l'une des centaines d'enfants, tel que documenté dans ce rapport d'une ONG, qui ont souffert directement de cette persécution. La famille de Rongrong n'est que l'une des millions de familles qui ont souffert de cette campagne de crimes contre l'humanité en Chine.

    Mme Wang Lixuan et son jeune fils de huit mois ont été enlevés par la police. Les deux ont été torturés à mort. Des marques sur les chevilles du bébé montraient qu'il avait été pendu par les pieds et frappé à la tête.

    Durant le mois d'octobre, on a signalé 42 décès. Les experts estiment que le nombre de 1 140 décès vérifiés n'est rien en comparaison du nombre réel de décès. Nous savons que la majorité des agressions brutales ne sont pas signalées, car le régime chinois a imposé un blocus de l'information et même une opération de camouflage. Quiconque révèle ces dossiers est accusé du crime grave d'avoir « divulgué des secrets d'État ». Comme une ONG l'a documenté dans l'un de ses rapports, 108 praticiens ont été condamnés à des peines de prison allant jusqu'à 12 ans pour avoir utilisé l'Internet pour recevoir et envoyer de l'information sur le Falun Gong. Trois d'entre eux ont été torturés à mort.

+-

    M. Joel Chipkar: Nous vous remercions de nous donner l'occasion de présenter notre plaidoyer dans ce bref laps de temps. Nous demandons une enquête indépendante officielle sur la persécution du Falun Gong, à cause de la gravité et de l'ampleur du problème.

    Nous espérons aussi que le sous-comité adoptera une motion tendant à condamner la persécution du Falun Dafa en Chine, y compris le harcèlement et l'incitation à la haine ici même au Canada, motion qui pourrait ressembler aux résolutions 188 et 304 des États-Unis, qui ont été adoptées à l'unanimité au Congrès des États-Unis.

    Le régime communiste chinois a déployé beaucoup d'efforts pour imposer le silence aux gouvernements et aux médias en exerçant des pressions et en proférant des menaces de perte d'occasions d'affaires et commerciales, et il a eu beaucoup de succès. Nous espérons avoir sensibilisé toutes les personnes ici présentes et nous espérons que vous interviendrez pour briser le silence et aider à mettre fin à ces atrocités.

    Merci.

¿  +-(0935)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant passer à Janet Buckingham.

    Voulez-vous intervenir tout de suite, monsieur? Très bien. Je ne pense pas que nous devions respecter un ordre quelconque.

    Au nom de l'Organisation sikh mondiale, monsieur Sahota.

+-

    M. Ajit Singh Sahota (président, World Sikh Organization): Je m'appelle Ajit Singh Sahota. Je suis président de la World Sikh Organization. C'est la vingtième année que je viens dans cette même salle au nom de l'organisation, pour soulever des questions relatives aux droits de la personne et à des activistes de l'Inde qui ont été depuis longtemps torturés, tués, frappés de disparition. Ils ne sont plus là, mais leur combat se poursuit.

    Mais je vais vous parler aujourd'hui d'une affaire différente qui nous touche énormément. Je vais citer des passages.

    La moralité, c'est la religion mise en pratique. La religion, c'est la moralité dans les principes. La liberté de religion est un droit, pas un privilège.

[Français]

La liberté de religion est un droit, pas un privilège.

[Traduction]

    Un grand écrivain, Ralph Waldo Emerson, a dit : « La vérité, l'espoir de toutes les époques, doit toujours être recherchée parmi les minorités. »

[Français]

Il faut en tout temps chercher la vérité et l'espoir au sein des minorités.

[Traduction]

    Le traitement de ses minorités est le meilleur étalon de toute démocratie.

    Honorable président, monsieur Kilgour, honorables députés du Parlement et coinvités, je suis très heureux de voir autant de visages chaleureux et connus et je suis ravi d'avoir cette occasion de renouer avec vous pour discuter des enjeux importants que sont les droits humains, la perception religieuse, le commerce international et le développement.

    De nombreux facteurs déterminent les réactions des Canadiens à des situations spécifiques de besoin, de crise, d'oppression et de génocide dans le monde. Lorsque la diplomatie, la politique ou la science ne réussit pas à prévenir ou à atténuer une vague de souffrances humaines, le Canada est généralement parmi les premiers pays à prendre l'initiative et à offrir son aide.

    Parfois, les efforts véritablement nobles du Canada ont provoqué davantage de peur, de pauvreté et d'oppression qu'on avait espéré soulager. Les Canadiens issus de tous les milieux ethniques, religieux et culturels sont frustrés de voir que les décisions que prend le Canada en matière de politique étrangère ne reflètent pas leurs expériences du monde.

    Les Sikhs ne sont pas convaincus que l'appui direct du Canada au développement des institutions et des pratiques démocratiques à l'étranger ait fait l'objet d'une recherche sérieuse ou adéquate. Nous savons que le Canada serait indigné de savoir que des personnes dont on sait qu'elles ont perpétré des violations des droits de la personne et qu'elles ont toujours réussi à éviter de rendre des comptes au plan légal et administratif pour des atrocités commises contre l'humanité en Inde, ont bénéficié d'une aide au développement du gouvernement du Canada.

    Comme bon nombre d'entre vous le savez déjà, la religion sikh a enchâssé dans ses écrits son adhésion à la paix, l'égalité et la justice 500 ans avant la Déclaration internationale des droits de la personne. Les Sikhs croient que tous les gouvernements ont non seulement l'obligation mais aussi le devoir d'être les gardiens des libertés. Les Sikhs continuent de protéger les droits de toutes les croyances en faisant la promotion d'une définition inclusive et égalitaire du sécularisme.

    En France et au Québec, les Sikhs et les musulmans se retrouvent dans la position peu enviable d'avoir à éduquer et rééduquer des générations de leurs compatriotes. Retournant à maintes et maintes reprises devant les plus hauts tribunaux de divers pays dans le monde, les Sikhs veulent obtenir la garantie que toutes les pratiques religieuses sont non seulement reconnues et tolérées mais aussi acceptées et comprises.

    En France, il ne reste aux Sikhs aucun recours pour faire valoir leurs droits que ce soit devant la Commission européenne des droits de la personne ou devant le Tribunal international. D'ailleurs, les avocats leur donnent très peu de chances d'obtenir une abrogation du moratoire sur le port de leur couvre-chef religieux une fois celui-ci mis en vigueur. En France, le conflit perdure avec une égale intensité alors que les Sikhs en turban et même les religieuses chrétiennes font face à la persécution à la suite de l'interdiction imminente de porter un couvre-chef religieux. Bien que les problèmes qui agitent la société française ne soient pas uniques, ils sont symptomatiques de générations de mésinformation, de peur et d'ignorance.

¿  +-(0940)  

    Un turban n'est pas un symbole. Un symbole se définit comme quelque chose qui représente ou évoque quelque chose d'autre, habituellement par convention ou association, le plus souvent un objet matériel est utilisé pour représenter quelque chose d'abstrait. Le dastar sikh ou le hijab musulman sont similaires. Demander à un Sikh de retirer son dastar, c'est comme demander à un chrétien de cesser de communier ou à un Juif d'abandonner la pratique du Sabbat. C'est comme demander à tout croyant de se départir de ses sens, son intelligence, toute son identité.

     En dépit d'antécédents exceptionnels de non-violence, les Sikhs sont devenus suspects, sans raison aucune. Nous ne pouvons plus voyager par avion, par train ou par bateau en conservant notre identité religieuse même si nous n'avons commis aucun crime. Des chauffeurs de camion m'ont dit qu'ils étaient victimes de profilage racial et de harcèlement aux postes frontières alors que les « procédures de sécurité » continuent d'entraver la libre circulation des idées, des idéologies et des biens. Des enfants m'ont confié être en butte à un milieu extrêmement hostile à l'école, dans les autobus et même dans l'intimité de leur propre salon.

    Un bon ami à moi m'a raconté avoir vu à la télévision un dessin animé qui racontait la première colonisation de la lune. Il a remarqué avec amusement que même lorsque les premiers colons lunaires ont atterris, ils ont été surpris d'être accueillis par un chauffeur de taxi sikh.

    Pourtant, on demande encore aux Sikhs, qui sont très répandus et visiblement distincts de retirer les articles de leurs croyances sur les photographies officielles pour les passeports et les permis de conduire dans un grand nombre de pays du monde, présumément dans un effort pour nous rendre plus reconnaissables. Peut-être que comme en France, en Allemagne, en Belgique et au Québec, on souhaite que nous ayons une identité moins distinctive et par conséquent plus reconnaissable. Cela n'a tout simplement aucun sens.

    Le Canada a l'obligation de mener la bataille pour un sécularisme d'inclusion. Avec nos amis disséminés dans plusieurs nations partout dans le monde, nous pouvons faire preuve du même leadership que les gourous sikhs en reconnaissant que toute l'humanité est une.

    J'ai fait une liste de certaines recommandations, mais je voulais vous dire que l'autre jour, j'ai eu une conversation avec l'ambassadeur de la Turquie. Ce pays tente d'intégrer l'Union européenne, et on a posé comme condition à son admission, qu'elle signe et ratifie 16 instruments concernant le respect des droits de la personne. Je suppose que la Turquie a acquiescé à cette requête. Paradoxalement, la France, qui a été un membre fondateur de l'Union européenne et qui a formulé ces instruments viole les principes même qu'ils demandent à d'autres peuples d'embrasser. C'est navrant.

    Notre propre premier ministre, M. Paul Martin, nous a écrit l'autre jour une très belle lettre. En voici un passage :

La mission de faire en sorte que nous vivions dans une société ouverte où des individus de toutes croyances et nationalités peuvent se rassembler et célébrer leur diversité est une responsabilité que partagent tous les Canadiens. Ainsi, c'est grâce à la détermination d'instances comme la World Sikh Organization que nos valeurs fondamentales, notamment la liberté d'expression et le respect des droits de la personne et de la diversité, sont maintenues et renforcées.

    J'aimerais faire une recommandation importante. Lorsque l'on accorde une aide à des pays étrangers, il faudrait que cette aide soit conditionnelle à leur bilan pour ce qui est du respect des droits de la personne. Le projet de loi C-36 a une incidence sur l'ensemble de la législation dans de nombreux domaines. L'autre jour, nous avons comparu devant le Comité de la justice. Il est plutôt curieux que l'on cible les organismes de charité qui ont envoyé des fonds à l'étranger pour un hôpital où certains terroristes ont été traités ou quelque chose du genre. Et notre gouvernement donne de l'argent à des États qui terrorisent leurs propres citoyens et se rendent coupables de torture et de meurtre.

    Monsieur Kilgour, monsieur Broadbent et monsieur Day, je suis sûr que vous êtes déjà au courant de bien des événements qui sont survenus en Inde. Présentement, nous faisons face à une situation grave en France, et nous ne trouvons pas de solution.

     Merci de m'avoir écouté.

¿  +-(0945)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Sahota.

    Souhaitez-vous remettre ces recommandations au comité également, celles que vous avez sur votre feuille?

+-

    M. Ajit Singh Sahota: Elles sont dans la trousse que nous vous avons donnée.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je pense que nous allons recevoir une recommandation de chaque groupe ce matin.

    Monsieur Bains, voulez-vous—ou quelqu'un d'autre veut-il intégrer la recommandation de lier l'aide à la liberté religieuse?

    Dans ce cas, nous allons poursuivre parce que je sais que le temps va nous manquer.

    Monsieur Bhatti, c'est à votre tour.

+-

    M. Peter Bhatti (Christian Liberation Front Canada): Je suis très reconnaissant au président et au Comité des affaires étrangères de me donner le privilège de parler des chrétiens du Pakistan. Le Christian Liberation Front (CLF) a été fondé au Pakistan en 1985 et au Canada en 2001. C'est aussi l'organisation soeur de la All Pakistan Minorities Alliance et les deux organismes partagent le même fondateur, M. Shahbaz Bhatti. La All Pakistan Minorities Alliance est le fer de lance de la lutte contre l'intolérance religieuse et la persécution au sein de la communauté pakistanaise.

    Depuis la naissance du Pakistan, la communauté chrétienne a toujours contribué au bien-être, à la prospérité, à la sécurité et à la solidarité de sa mère patrie. Au moment de la création du Pakistan, les dirigeants chrétiens de l'époque ont voté en faveur des chrétiens au Pakistan.

    Dans les domaines de l'éducation, de la santé et de la défense, la communauté chrétienne a apporté une contribution inégalée. Les chrétiens de toutes les conditions sociales servent leur pays avec tout leur coeur et toute leur âme.

    Mais en retour, les chrétiens sont victimes de discrimination sur les plans tant constitutionnels que religieux. Les textes législatifs, les articles, les dispositions et les amendements spéciaux, comme les lois sur le blasphème, sur la preuve et autres textes discriminatoires sont intégrés périodiquement dans la constitution du Pakistan par des dirigeants fanatiques, particulièrement sous le régime de la loi martiale du général Zia Ul haq—qui a abaissé les chrétiens en les ostracisant et en en faisant des citoyens de second ordre au Pakistan. En raison d'une discrimination constitutionnelle et institutionnalisée, les chrétiens du Pakistan sont victimes de nombreuses injustices. Les pouvoirs publics violent très souvent les droits fondamentaux des hommes et des femmes appartenant à des minorités religieuses uniquement parce qu'ils adhérent à des fois et à des croyances différentes de celles de la société dominée par les musulmans. Victimes de discrimination religieuse, subjugés socialement et dépossédés économiquement, les chrétiens demeurent un groupe défavorisé et ils ont été forcés d'accepter cette situation depuis la création du Pakistan. 

    Les lois discriminatoires dont je viens de parler ont rendu intenable la vie des chrétiens. De nombreux chrétiens innocents ont été mis à mort après que des fanatiques islamiques les aient traités de blasphémateurs. La plupart des accusations en vertu de la loi sur le blasphème ont été fabriquées de toutes pièces contre des chrétiens à cause de la discrimination religieuse.

    Des femmes et des enfants chrétiens ont été enlevés et violentés par des intégristes islamistes. Le recours abusif à ces lois a suscité un climat de peur parmi les chrétiens. D'ailleurs, tous les individus appartenant à une communauté minoritaire sont qualifiés de blasphémateurs et d'infidèles. La peine minimale pour un blasphémateur est la mort.

    Après le 11 septembre, les groupes intégristes religieux du Pakistan ont rendu la vie misérable aux chrétiens en perpétrant de fréquentes attaques contre les églises, les écoles, les hôpitaux et d'autres institutions.

    Nous faisons appel au Comité des droits de la personne et du développement international étant donné que le Canada est un ardent défenseur des droits humains aux Nations Unies ainsi que dans notre propre pays. Nous souhaitons que le gouvernement protège les droits humains fondamentaux des minorités religieuses en détresse au Pakistan. En tant que Canadiens d'origine pakistanaise, nous vous présentons les recommandations suivantes.

    Premièrement, abolir la loi sur le blasphème et les autres lois qui exercent une discrimination envers les minorités religieuses. De telles lois n'ont pas leur place dans une société pluraliste et servent uniquement à créer des tensions entre les divers éléments de la société.

    Protéger la vie et la propriété des chrétiens pakistanais en prenant immédiatement des mesures tangibles en ce sens.

    Créer une commission judiciaire chargée d'examiner les cas des chrétiens qui sont en instance de procès ou en prison à la suite de fausses allégations faites en vertu de la loi sur le blasphème et prendre des mesures pour assurer leur libération immédiate. La commission devrait également consulter les dirigeants de la minorité chrétienne et d'autres minorités impartiales.

¿  +-(0950)  

    Arrêter et punir tous ceux qui ont attaqué et tué des chrétiens, qui ont violé, enlevé et torturé des femmes chrétiennes.

    Assurer la sécurité et la protection des dirigeants minoritaires au Pakistan qui luttent au nom des chrétiens persécutés et d'autres minorités au Pakistan.

    Nous appuyons la lutte menée au Pakistan. Nous avons préparé une brochure intitulée Our Struggle for Minority Rights, que nous vous remettrons à la fin de la séance.

+-

    Le président: Ces deux documents et vos recommandations feront donc partie du compte rendu, monsieur Bhatti?

+-

    M. Peter Bhatti: Oui.

+-

    Le président: Pouvez-vous nous les fournir?

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Monsieur le président, le témoin en aurait-il par hasard un exemplaire pour chaque membre du comité?

+-

    Le président: C'est une bonne idée.

+-

    M. Peter Bhatti: Oui, je peux faire des copies.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: J'aimerais en obtenir un exemplaire.

+-

    Le président: Oui, bien sûr. De façon analogue, si vous avez des documents dont vous pouvez fournir un exemplaire à chaque membre du comité, ce serait très utile.

+-

    M. Peter Bhatti: J'ai des copies des recommandations.

+-

    Le président: Nous pouvons faire des copies.

    Merci beaucoup, monsieur Bhatti.

    Nous allons passer à Janet Epp Buckingham et à l'Alliance évangélique du Canada.

    Êtes-vous seule, docteure Janet Epp Buckingham?

+-

    Dr Janet Epp Buckingham (directrice, Loi et politique publique, Alliance évangélique du Canada): Oui. Merci.

    Bonjour, honorables députés. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous ce matin.

    L'Alliance évangélique du Canada est une association nationale de chrétiens évangéliques. Nos membres englobent 40 confessions religieuses et plus de 75 ministères. Nous avons mis sur pied une commission d'enquête sur la liberté de religion en 1997 pour examiner les problèmes entourant l'exercice de la liberté religieuse dans le monde. L'Alliance évangélique du Canada participe activement à l'Union évangélique universelle d'alliances présentes dans 121 pays et qui représentent plus de 335 millions de chrétiens dans le monde. L'Union évangélique universelle a le statut d'observateur auprès de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, et j'ai l'honneur de représenter l'organisation à l'occasion de la réunion annuelle de la commission, à Genève.

    On estime à plus de 200 millions le nombre de gens dans le monde aujourd'hui qui sont tués, brutalisés, vendus en esclavage, emprisonnés, torturés, menacés, arrêtés et victimes de discrimination uniquement parce qu'ils sont chrétiens. Quatre cent millions d'autres chrétiens souffrent de discrimination systémique et leur liberté religieuse est entravée. Dans un grand nombre de pays, les chrétiens sont persécutés—et vous avez entendu parler de certains cas spécifiques aujourd'hui, comme le Pakistan, la Chine, ainsi que l'Arabie saoudite et le Turménistan.

    Mais j'aimerais prendre un peu de recul et mettre en lumière deux tendances actuelles qui nous préoccupent particulièrement. Premièrement, nous nous inquiétons énormément de l'adoption et de la multiplication de lois et de décrets religieux dans plusieurs pays récemment. Ces lois sont souvent réputées exister pour assurer la protection des libertés religieuses, mais le plus souvent, elles servent à réprimer les minorités religieuses. De telles ordonnances englobent souvent des lois anti-conversion et des lois interdisant le prosélytisme.

    À l'heure actuelle, ce scénario se déroule au Sri Lanka et au Vietnam et je vais vous expliquer brièvement ce qui se passe dans ces deux pays en ce moment. Qu'il suffise de dire que cette tendance a un effet extrêmement paralysant sur les activités et les libertés des minorités religieuses. Il va de soi que les lois anti-conversion portent atteinte aux normes établies en matière de droits humains dans les instruments et les traités internationaux que Suzanne Tamas a passés en revue avec beaucoup de compétence.

    Environ 70 p. 100 de la population singalaise du Sri Lanka est bouddhiste. La constitution garantit la liberté de religion, mais en juillet de cette année, un projet de loi d'initiative parlementaire soumis au Parlement aurait eu pour effet d'interdire toute conversion religieuse. La Cour suprême du Sri Lanka a jugé anticonstitutionnelles certaines parties de cette mesure conformément à la garantie de liberté religieuse, et le projet de loi a été retiré pour être reformulé. Mais même si cette nouvelle version du projet de loi n'est pas adoptée, le ministère des Affaires bouddhistes doit présenter, avec l'appui du cabinet, un projet de loi ministériel qui va encore plus loin que l'interdiction des conversions. La présentation de cette mesure a donné lieu à une flambée d'activités anti-chrétiennes. Au moins 66 incidents ont été rapportés cette année seulement. Plus de 140 églises ont été obligées de fermer leurs portes à la suite d'attaques, d'intimidation et de harcèlement, mais il n'y a pas eu une seule inculpation pour l'un ou l'autre de ces crimes.

    S'agissant du Vietnam, une nouvelle ordonnance concernant les croyances et les organisations religieuses est entrée en vigueur dans ce pays le 15 novembre de cette année, soit il y a environ deux semaines. Elle ordonne à toutes les organisations religieuses de se soumettre au contrôle de l'État et de lui subordonner toutes leurs activités. Le gouvernement du Vietnam reconnaît un statut légal à 20 p. 100 seulement des 1,2 million de protestants vietnamiens. L'oppression de la majorité des chrétiens protestants dans ce pays, surtout des montagnards minoritaires vivant dans les hauts plateaux du centre et les peuples Hmong et Dao dans les provinces du Nord-Ouest, demeurent systémiques et sévères.

    Je vais maintenant aborder notre second volet : les attaques constantes et croissantes contre le clergé et les dirigeants religieux. Dans de nombreux pays où les chrétiens sont confrontés à la persécution, les dirigeants religieux, y compris le clergé sont ciblés prioritairement et le plus durement. Évidemment, les prêtres sont les membres des minorités religieuses les plus visibles, et selon une perception répandue, si les chefs de l'église sont emprisonnés ou réduits au silence, les chrétiens se disperseront et finiront par abandonner leur foi.

¿  +-(0955)  

    L'Érithrée en est un exemple. En mai 2002, le gouvernement de l'Érithrée a ordonné la fermeture de toutes les églises n'appartenant pas aux confessions orthodoxes, catholiques romaines ou luthériennes. Plus de 36 églises ont fermé leurs portes, mais les 20 000 fidèles ainsi déplacés ont continué à se réunir secrètement dans des maisons. Plus de 400 chrétiens évangéliques ont été emprisonnés à cause de leur croyance, et le président de mon organisation soeur, l'Alliance évangélique de l'Érithrée, est détenu sans qu'aucune accusation n'ait été portée. Il est dans l'impossibilité de communiquer avec sa famille depuis six mois.

    En conclusion, la liberté religieuse est la pierre angulaire de tous les droits humains. Là où il n'y a pas de liberté de religion, d'autres droits fondamentaux sont aussi foulés aux pieds. Nous sommes heureux que le gouvernement du Canada coparraine la résolution sur la liberté religieuse à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, mais nous sommes aussi d'avis qu'il faut faire davantage.

    Nous invitons les députés du Parlement à exprimer leurs préoccupations au sujet de la persécution religieuse et à exiger qu'on surveille la situation et qu'on prenne des mesures au nom des persécutés. Plus précisément, nous souhaitons que vous condamniez les lois qui briment la religion, les pratiques religieuses et les institutions religieuses, et aussi que vous préconisiez la protection du clergé et des chefs religieux.

    Mon intervention fait écho à d'autres commentaires et je ne sais pas trop si je dois demander l'adoption d'une résolution spécifique ou simplement que l'on fasse mention de ces problèmes dans une autre résolution.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Voudriez-vous rédiger certaines motions sur un sujet ou un autre sur le champ?

    Dans l'intervalle, nous pourrions peut-être écouter le représentant de One Free World International, le révérend Majed El Shafie.

À  +-(1000)  

+-

    Le rév. Majed El Shafie (président, One Free World International): Bonjour et merci de m'accueillir.

    Aujourd'hui, je ne parlerai pas tellement de notre ministère ou de notre organisation. Celle-ci s'appelle One Free World International et elle a pour mandat de défendre les droits de la personne, et tout particulièrement les chrétiens persécutés.

    Allons tout de suite au coeur des choses. Un chrétien est persécuté toutes les trois minutes dans le monde. Je peux vous dire dans cette enceinte agréable et paisible, qu'au moins 160 000 chrétiens seront tués cette année uniquement à cause de leur foi. Depuis le début de la chrétienté, plus de 200 millions de chrétiens ont été persécutés et sont morts pour leur foi.

    Permettez-moi de vous donner un petit exemple. En Égypte, il y a quelques semaines, le 21 octobre, 22 musulmans se sont convertis au christianisme, dont Frère Yusuf Samuel Makari Suliman et Mariam Girgis. D'après nos sources et nos documents, il y a entre 6 000 et 7 000 chrétiens au bas mot qui croupissent en prison à l'heure actuelle, au moment même où nous nous parlons, uniquement parce qu'ils sont chrétiens.

    Chose étonnante, c'est en territoire musulman qu'on retrouve 80 p. 100 des chrétiens persécutés partout dans le monde. Si je peux me permettre de mentionner un autre exemple, le 9 septembre 2004, en Iran, le pasteur Hamid Pourmand et 85 autres croyants, tous d'une dizaine d'assemblées de Dieu, ont été arrêtés.

    Au Soudan, trois millions de chrétiens ont été tués à cause de leur foi au cours des dix dernières années. Même s'il y a eu un cessez-le-feu et qu'un accord de paix est en cours de négociation, la bataille fait toujours rage au Darfour.

    En Arabie saoudite, il est impossible d'avoir une église; on ne peut prier nulle part, de sorte que bien des maisons en Arabie saoudite sont devenues des lieux de prière.

    En Chine, il y a énormément de persécution. C'est dans ce pays qu'il y a le plus grand nombre de chrétiens persécutés. Je mentionnerai plus particulièrement l'église SCC et le pasteur Gong Schengliang, qui a été persécuté et arrêté.

    Mises ensemble, la Chine et la Corée du Nord comptent au moins 200 000 politiciens dans des camps de travail, dont des dizaines de milliers sont chrétiens. En parallèle avec la persécution des chrétiens, on note une flambée d'antisémitisme en Europe et au Moyen-Orient et, chose étonnante, ici aussi au Canada.

    Mesdames et messieurs, je serai direct. Après tout cela, après tous les documents que j'ai lus et après tous les chiffres que j'ai cités—et je n'ai que cinq minutes, ce qui m'a forcé à me limiter à quelques exemples, n'est-il pas étonnant que le gouvernement du Canada traite encore avec ces gouvernements? Le Canada traite toujours avec la Chine. Les autorités canadiennes font encore des affaires avec les Chinois et ils échangent toujours avec les pays musulmans comme l'Arabie saoudite, qui persécute les chrétiens, ainsi qu'avec l'Égypte et l'Iran. Je crains qu'en l'occurrence, l'or noir soit plus précieux que le sang chrétien.

    Il faut que je vous dise une chose. Pour moi, la persécution n'est pas théorique. Ce n'est pas un concept dans un livre, dans une chanson ou dans un film. J'ai moi-même été victime de persécution lorsque j'habitais dans mon pays, l'Égypte. J'étais musulman et je me suis converti au christianisme en vertu de la liberté de religion que confère l'article 18 du droit international. Mais d'après le Coran, et plus précisément la sura numéro 2, verset 217, aucun musulman ne peut se convertir, sinon c'est un infidèle.

À  +-(1005)  

    Je ne suis pas ici pour vous parler de la persécution comme d'un sujet que j'aurais étudié. Je suis ici pour vous montrer exactement ce qui est arrivé à bien des gens dans notre pays, avec votre permission.

    Honorables députés du Parlement, voilà ce qui m'est arrivé lorsque j'ai été emprisonné en Égypte. L'officier qui me torturait m'a crucifié et m'a mis sur la croix pendant deux jours et demi. Il a ouvert une plaie dans mon bras gauche dans laquelle il a inséré du sel et du citron. Tout cela parce que je crois en Jésus.

    Je ne suis pas ici pour juger quelque groupe que ce soit. Mon Seigneur, Jésus-Christ, m'a appris à aimer. Il a dit : Aimez vos ennemis; bénissez ceux qui vous maudissent et il l'a prouvé sur la croix lorsqu'il a dit : je leur pardonne. Père, ils ne savent pas ce qu'ils font. Je ne suis pas ici pour dire du mal d'un autre groupe de personnes. Je suis ici pour demander de l'aide.

    Mesdames et messieurs, nous sommes des gens simples. Nous avons des rêves simples. Tout ce que nous voulons, c'est vénérer notre Seigneur. Tout ce que nous voulons, c'est que nos enfants grandissent en ayant la liberté de choix et de religion. J'attends du gouvernement du Canada qu'avant de préconiser le mariage gai, avant de se prononcer sur la loi de la sharia ici au Canada, il se porte à la défense des chrétiens persécutés.

    Je terminerai avec ces mots : les chrétiens persécutés meurent, mais ils continuent de sourire. Ils sont dans une nuit noire très profonde, mais ils ont toujours la lumière du Seigneur. Nos ennemis ont des armées puissantes, des armes sophistiquées, mais nous avons notre Seigneur Jésus-Christ. Nous n'allons pas abandonner le nouveau jour qu'est demain. Ils peuvent tuer le rêveur, mais personne ne peut tuer le rêve.

    Merci. Que Dieu vous bénisse.

+-

    Le président: Merci beaucoup, révérend.

    Nos derniers témoins seront le Dr Anu Bose et Amar Chakraborty. Vous êtes ensemble, si je ne m'abuse?

    Qui est le Dr Bose?

+-

    Mme Anu Bose (directeur éxécutif et gérante de projet, Bangladesh Hindu Buddhist Christian Unity Council): Je ne ferai pas d'exposé ce matin.

+-

    Le président: Êtes-vous timide ce matin, docteur Bose?

+-

    Mme Anu Bose: Non, mais vous m'avez entendue tellement de fois. Vous ne voudriez pas que cela devienne une rengaine, n'est-ce pas?

+-

    Le président: Dans ce cas, je vous remercie.

+-

    Mme Anu Bose: Mais je vais m'asseoir derrière lui, au cas où il aurait besoin de moi.

+-

    M. Amar Chakraborty (président, Bangladesh Hindu Buddhist Christian Unity Council): Bonjour, honorable président et membres du sous-comité, distingués invités et collègues travailleurs humanitaires. Je suis venu de Toronto pour comparaître devant le comité afin d'exprimer ma vive préoccupation au sujet de ce qui se passe dans mon pays d'origine, au Bangladesh. Dans mon pays, j'étais fonctionnaire. J'ai été magistrat pendant dix ans. Ensuite, j'ai dû partir. Il est très difficile pour un être humain de quitter le pays où il est né.

    Ma mission ici est double : informer le comité de la situation des minorités religieuses et ethniques au Bangladesh, qui sont principalement les Hindous, les Bouddhistes, les chrétiens et d'autres peuples indigènes, et demander au gouvernement du Canada de prendre la tête d'un mouvement international pour que les minorités puissent vivre dans la patrie de leurs ancêtres en toute dignité et sur un pied d'égalité avec leurs concitoyens majoritaires, les musulmans. Nous savons que le Canada fait beaucoup sur la scène internationale, particulièrement au Soudan pour mettre un terme à la persécution des chrétiens soudanais. Par conséquent, nous pensons que le Canada, s'il le veut, peut faire la même chose pour les minorités du Bangladesh.

    Il est très douloureux de voir que le gouvernement proprement dit prend part à une campagne orchestrée de persécution qui est d'une ampleur telle qu'elle devient une campagne de nettoyage ethnique et religieux. De quelle façon? J'ai un plein cartable de documentation tirée de nouvelles publiées à l'échelle nationale et internationale. Je voulais aussi vous informer que 2,5 millions d'acres de terres ont été confisquées aux minorités. Je tire cette information d'un rapport du Département d'État américain sur la situation des droits de la personne en 2001.

    En 1997, au Bangladesh, les minorités représentaient environ 15 p. 100 de la population et la majorité musulmane 85 p. 100. À l'heure actuelle, le pourcentage des minorités est tombé à 9 p. 100. À cause de la torture, du viol et de toutes les violations des droits de la personnes, les minorités quittent le pays.

    Je vais maintenant vous citer l'édition du 29 novembre 2003 du magazine The Economist : « Les minorités religieuses du Bangladesh : en sécurité uniquement dans le salon de départ ».

    Voici une citation de l'édition du 21 juillet 2003 du Guardian : « La torture et le viol vident les villages ».

    Récemment, le 17 mai 2004, le Congressiste américain Frank Pallone a déclaré dans une allocution à la Chambre que cette situation était réminiscente de l'Holocauste juif. Il a dit : « Les maisons hindoues étaient marquées d'un H peint en jaune qui en fait, guidait les pillards. » Et aussi  « En fait, les extrémistes islamistes ont constamment dépossédés les Hindous—tout comme les chrétiens et les Bouddhistes d'ailleurs—de leurs terres et propriétés ancestrales ».

    Voici un extrait du quotidien national du Bangladesh The Daily Jankantha : « Un pourcentage écrasant (98,68 p. 100) des victimes de viol sont issues de minorités, et les violeurs sont des cadres des partis au pouvoir, particulièrement le BNP ».

    Voici une citation d'un autre quotidien national, The Daily Star : « Près de 200 femmes hindoues ont été victimes d'un viol collectif perpétré par des hommes musulmans » dans Char Fashion, Bhola, en un soir et à un seul endroit.

    Ensuite, 17 congressistes américains ont envoyé une lettre au premier ministre, lui demandant d'interdire à son gouvernement de torturer les minorités, mais malheureusement, le gouvernement du Bangladesh n'a pas jugé bon de répondre à la pétition soumise par les congressistes.

À  +-(1010)  

    Le 29 août 2004, on pouvait lire dans The Independent : « De plus, le 26 août, dans Mahalchari Upazila, dans le district de Khagrachari, Chittagong Hill Tracts, 10 villages de montagne comptant plus de 360 maisons et deux temples bouddhistes ont été incendiés ».

    Voilà ce qu'ils font. Ils se servent du viol comme outil pour terroriser la population car dans un pays comme le Bangladesh, la honte du viol retombe toujours sur la victime. En conséquence, la famille de la victime quitte le village et les intégristes musulmans s'approprient ses terres.

    Je sais que le gouvernement du Canada fait beaucoup pour le Bangladesh. C'est l'un de ses principaux partenaires en matière de développement. En outre, il a accordé au Bangladesh certains avantages commerciaux, particulièrement dans le secteur gouvernemental. Nous pensons que si les autorités canadiennes, le peuple canadien, font front commun avec nous, nous pourrons arrêter ce massacre.

    J'exhorte les membres du comité, le président et les députés du Parlement à exercer des pressions sur le gouvernement du Canada pour qu'il use de son influence morale et économique sur le gouvernement du Bangladesh afin que ce dernier mette un terme à cette torture et laisse les minorités vivre en paix dans leur patrie.

    Sur ce plaidoyer, je vais m'arrêter là.

    Merci beaucoup de m'avoir permis de prendre la parole.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Avant de passer aux questions, Grace, voulez-vous que ces documents fassent partie du compte rendu? Et y a-t-il d'autres personnes qui ont des documents?

    Je vous prierais de les donner au greffier. Ils feront tous partie intégrante de notre compte rendu.

    Nous allons passer aux questions.

    Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Nous remercions chacun d'entre vous qui avez pris le temps de venir faire un exposé ici.

    Je sais que certains d'entre vous ont déjà comparu. Je suis sûr que de temps à autre, vous devez vous demander si cela en vaut la peine. La même question nous traverse l'esprit, en tant que députés du Parlement, lorsqu'on nous demande de vous rencontrer individuellement ou en groupes. Nous ressentons un sentiment de frustration. Chaque fois que je suis allé parler aux adeptes, aux praticiens de Falun Gong et de Falun Dafa sur la pelouse du Parlement, lorsqu'ils y sont, j'ai ressenti le même sentiment de frustration. Le problème demeure. Lorsque nous vous entendons raconter ce qui se passe ailleurs dans le monde, lorsque nous voyons les photos que vous mettez au mur, lorsque vous relatez vos expériences, lorsque Majed nous montre ses cicatrices, je veux que vous sachiez que nous nous blindons au plan émotif parce qu'il y a des choses terribles qui se passent dans le monde aujourd'hui. Mais pour mener une action efficace en tant que députés du Parlement, même si nous sommes ébranlés intérieurement, il faut que notre esprit puisse se concentrer pour que nous puissions trouver une solution à ces problèmes effrayants.

    Au moment où nous nous parlons, nous savons que Tenzin Delek a peut-être été exécuté pour le simple crime d'avoir cru quelque chose. Il n'est qu'un symbole. Notre président a cité des chiffres, ainsi que le révérend Majed sur les nombreux croyants de différentes confessions religieuses dans le monde qui risquent de mourir, même aujourd'hui.

    Je sais qu'il y a des réponses. Tout comme mes collègues, au cours des derniers mois, j'ai prononcé davantage d'allocutions sur le sujet de la persécution que je ne l'ai fait au cours des dix dernières années. C'est une bataille qui en arrive à un point culminant, et je crois que le Canada peut permettre une percée dans ce dossier.

    Je vais reprendre une suggestion déjà apportée par Suzanne Tamas, de la foi Baha'i. Elle reflète quelque chose. Lorsque le Dalai Lama était ici—et je pense qu'il a même pris la parole dans cette même salle—, je lui ai demandé quel espoir il entretenait que d'autres pays embrassent la liberté de religion à la fois en principe et en pratique. Si la liberté de religion s'inscrit dans les constitutions mais aussi dans les pratiques de tous les pays, à ce moment-là, on jouit de la liberté d'expression. C'est ce qui s'ensuit naturellement. Et si on a la liberté d'expression, on a aussi la liberté d'association et la liberté de presse. Parfois, en tant que politiques, la presse nous irrite, mais nous jouissons de la liberté de la presse car les gens peuvent dire et imprimer en toute liberté ce qu'ils jugent bon de dire.

    À mon avis, c'est un élément absolument crucial lorsque nous discutons de la paix dans le monde—c'est un gage de paix dans le monde. Mais souvenez-vous que ce n'est pas facile pour nous de croyances différentes. Cela signifie que dans vos pays, au Canada et ailleurs, vous demandez au gouvernement en place de permettre la libre pratique non seulement de votre religion mais d'autres religions également. Et cela représente un gros défi, mais c'est ce qu'il faut viser.

    En conséquence, j'aimerais proposer une motion à mes collègues. Premièrement, je la lirai et ensuite, je vais vous expliquer comment je pense que nous pourrons procéder pour être efficaces. Comme vous le savez, notre gouvernement s'apprête à rendre public un examen de la politique internationale. C'est pour nous une belle occasion de faire en sorte que l'on mette l'accent sur certains éléments cruciaux.

    Voici la motion en question : Que, dans le cadre de l'examen de la politique internationale qui est en cours, on examine les moyens par lesquels le gouvernement du Canada peut faire de la protection et de la promotion à la liberté de religion et de croyance un élément central de ses efforts visant à défendre les droits de la personne à l'échelle internationale.

    Il faut que ce soit un élément central. Ce ne peut être simplement un à-côté dans notre examen de la politique internationale. Si la liberté religieuse est inscrite dans vos constitutions et dans vos pratiques, beaucoup plus qu'autre chose, cela permettra d'avancer la cause de la liberté dans le monde.

À  +-(1020)  

    Vous savez, en tant que gens de croyance, on nous accuse d'être la cause des problèmes. On nous accuse parce que historiquement nous nous sommes fait la guerre. En conséquence, nous devons donner l'exemple et dire : au Canada, un musulman peut bâtir une mosquée, un chrétien peut bâtir une église, un Juif peut bâtir une synagogue et un Sikh un temple.

    Samedi dernier, dans ma ville de Penticton, à l'occasion de notre défilé, une jeune femme suivait le défilé et distribuait une petite brochure au sujet de sa foi. Ce n'était pas ma croyance; c'était une autre croyance, mais elle avait la liberté d'agir ainsi. Il faut donc comprendre, alors que nous embrassons cette cause, que nous, les gens de croyance, sommes accusés de causer des problèmes dans le monde. On dit que nous voulons priver les tenants d'autres croyances de leur droit d'exprimer leur foi. Nous devons donc continuer d'en faire un enjeu central.

    Monsieur le président, j'aimerais proposer cette motion. Je voudrais aussi que nos amis sachent, pour qu'ils ne partent pas avec un sentiment de frustration, qu'au moment opportun, si nous pouvons en arriver à un consensus une fois que le gouvernement aura rendu public son examen de la politique internationale, nous pourrons sans doute répéter cette expérience, mais cette fois-ci, en présence de nombreux ambassadeurs et représentants des médias. Peut-être qu'à ce moment-là les exposés ne dureront pas cinq minutes, mais qu'il y aura de multiples présentations d'une minute. Mais on prendra des photos et les gens pourront s'exprimer. À mon avis, nous pouvons grandement influencer la réflexion des Canadiens et, en raison de vos efforts et de vos souffrances, le Canada peut être un chef de file mondial dans ce domaine.

    Je propose donc cette motion maintenant tout en suggérant à nos amis ce que nous pouvons faire pour projeter cette question sous les feux de la rampe.

    Je soumets cette motion au comité. D'autres personnes en ont-ils vu un exemplaire? Nous aurons aussi besoin de la version française.

+-

    Le président: Oui, je le pense, mais je crois que M. Bains a une version légèrement modifiée ou différente.

+-

    M. Navdeep Bains: Je suis désolé; je voulais simplement faire suite aux commentaires de M. Day.

    Premièrement, je saisis cette occasion pour vous remercier tous d'être venus aujourd'hui pour nous parler. Comme tous les participants, j'ai été profondément touché à maintes reprises.

    Je veux étoffer la motion de M. Day, qui se terminait par les mots suivants : « faire... du droit à la liberté de religion et de croyance un élément central de ses efforts visant à défendre les droits de la personne à l'échelle internationale. » Je veux ajouter ce qui suit : « notamment dans sa politique et ses programmes d'aide au développement international. » De cette façon, nous nous engageons envers les Canadiens ainsi qu'avec les autres gouvernements, nations et institutions avec lesquels nous entretenons des liens à faire en sorte qu'au coeur de l'aide que nous offrons et de toutes les négociations dans lesquelles nous nous engageons, les droits de la personne demeureront un thème central.

    En conséquence, à la fin de votre motion, monsieur Day, j'ajouterais : « notamment dans sa politique et ses programmes d'aide au développement international ». C'est ainsi qu'elle se terminerait. Comme vous pouvez le voir, on poursuit avec le même thème.

+-

    Le président: Accepteriez-vous cela?

+-

    M. Stockwell Day: Je n'y vois pas d'objection.

+-

    Le président: Est-ce acceptable pour vous, monsieur Broadbent?

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Je m'inscris dans la même ligne de pensée. J'envisageais de proposer un amendement qui irait un peu plus loin, mais qui va dans le même sens.

    Peut-être pourrais-je simplement le lire et voir s'il serait jugé acceptable. À mon avis, cette formulation concrétise ce qui a été dit mais, je le répète, elle va un peu plus loin. À la fin de la motion sous sa forme actuelle, je remplacerais le point par un point virgule et j'ajouterais ce qui suit : « et, en particulier, qu'on examine les moyens à prendre pour subordonner l'aide du Canada à l'absence de violation systématique de la liberté religieuse et des autres droits fondamentaux ».

+-

    Le président: L'un ou l'autre de nos panélistes souhaite-t-il commenter ce qui vient d'être dit?

    Monsieur Chipkar.

+-

    M. Joel Chipkar: C'est une situation difficile. Je sais qu'en Chine avec le Falun Gong, et je suis sûr que c'est aussi le cas au Tibet, le régime a perverti la question des droits de la personne de sorte que dans leur répression au Tibet, ils affirment protéger les droits de la personne dans leur pays en s'attaquant au Falun Gong et aux religions qui ne prêtent pas allégeance au parti communiste. Nous avons constaté cette duplicité de la part des dirigeants du régime. Par conséquent, si vous mentionnez la protection des droits de la personne, ils vous rétorqueront « que c'est précisément ce qu'ils font lorsqu'ils répriment le Falun Gong. Nous assurons la protection de nos droits humains ». Ils ont donc recours à cette distorsion des faits et c'est une supercherie très subtile à laquelle nous sommes confrontés. 

    Voilà pourquoi j'estime que dans certains cas, il ne serait peut-être pas...

À  +-(1025)  

+-

    Mme Grace Wollensak: Je comprends son propos. À son avis, ce que vous dites est bon, mais il serait sans doute particulièrement utile de mentionner les groupes qui sont victimes de persécution. Ce qu'il dit, c'est que si nous adoptons une formulation générale, ils diront que cela n'a rien à voir avec eux. Ils ne penseront pas que le message s'adresse à eux.

+-

    Le président: Monsieur Broadbent, je suis sûr que vous comprenez le fond de cette intervention. Étant donné que nous ne voulons laisser personne pour compte aujourd'hui, je propose que nous formulions une motion plus longue à notre prochaine séance et que nous tentions d'y intégrer spécifiquement ce que réclament tous les témoins aujourd'hui. Dans l'intervalle, si cela ne vous dérange pas, nous pourrions passer cette motion. À ce moment-là, nous consignerions autre chose au compte rendu aujourd'hui.

+-

    M. Navdeep Bains: Très brièvement, je vous signale que vous pouvez être un peu moins inquiet en ce sens que dans la motion de M. Day, la protection et la promotion du droit à la liberté de la religion sont incluses. La liberté de religion est distincte du respect des droits de la personne. À mon avis, le Falun Gong serait protégé en vertu de cet élément.

+-

    M. Joel Chipkar: S'il s'agit de la religion et des croyances spirituelles...

+-

    M. Stockwell Day: En fait, j'ai uniquement parlé de « liberté de religion » et de  croyance.

    Je n'ai pas besoin de vous dire que les adeptes de Falun Gong et de Falun Dafa, en tant que croyants et pratiquants... Je pense que cela est couvert par les termes « religion et croyance ».

+-

    M. Navdeep Bains: Oui, cela est couvert dans la motion.

+-

    M. Stockwell Day: En fait, cela protège aussi les athées. Dans certains pays, si vous êtes athée, vous pouvez être persécuté. Je veux que les croyances de tous soient protégées.

+-

    Le président: Nous allons tenter d'intégrer tout cela.

    Madame Tamas, vous avez une vaste expérience dans ce domaine. Voulez-vous dire quelque chose?

+-

    Mme Suzanne Tamas: Une vaste expérience? Vous êtes vraiment très aimable. Merci.

    Pour ce qui est de mentionner des groupes spécifiques, je pense que la liste est plutôt longue. On risque toujours en pareil cas d'en oublier. Je sais qu'à l'Assemblée générale, cet automne, l'inclusion de groupes spécifiques dans la résolution sur l'intolérance religieuse a semé la consternation. Qu'en était-il des autres? S'ils n'étaient pas mentionnés, cela voulait-il dire qu'ils n'étaient pas inclus?

    Je pense qu'il serait peut-être plus prudent de conserver « religion et croyance ». Comme M. Day l'a signalé, ces deux éléments sont protégés, de même que l'athéisme.

    En second lieu, je voudrais faire une observation personnelle et peut-être poser une question. Je pense qu'il serait assez simple d'obtenir un consensus sur la résolution telle que formulée jusqu'au point où il est question de conditionnalité. À mon avis, le levier de la conditionnalité suscite diverses réactions. Cela est perçu comme si les pays nantis imposent des conditions aux pays dépourvus. Le climat est tellement volatile sur la scène internationale que je me demande si nous ne pourrions pas accomplir la même chose sans être aussi directs.

+-

    Le président: On a signalé que le Bangladesh est le plus important récipiendaire de notre aide, qui s'élève à environ 50 millions de dollars par année. Devrions-nous accorder une aide publique au développement au gouvernement du Bangladesh, alors qu'il se livre à des actes comme ceux qui nous ont été rapportés tout à l'heure?

+-

    Mme Suzanne Tamas: Je pense que la question qu'il faut se poser est la suivante : sans cette aide, qu'arriverait-il à la population elle-même? Toute la question de l'aide liée est délicate et cela va dans les deux sens.

    Par exemple, s'agissant des enfants, l'ACDI a établi que les droits des enfants feraient partie intégrante de l'élaboration et de la mise en oeuvre des programmes destinés à l'enfance. Si nous pouvions prendre le même engagement pour ce qui est de la liberté de religion et de croyance, je pense qu'à ce moment-là nous verrions des progrès.

+-

    Le président: Merci.

    Tenzin Dargyal.

+-

    M. Tenzin Dargyal: Je vais me borner à poser une question au comité. Je n'ai pas entendu prononcer le terme « commerce ». Je sais que c'est une question délicate. J'ai personnellement travaillé comme directeur des ventes de produits technologiques en Chine. J'ai fait passablement d'argent pendant que j'étais en poste là-bas pendant trois ans.

    Notre gouvernement privilégie une approche intégrée en matière de politique étrangère. Y a-t-il une position équilibrée que nous pouvions prendre dans cette motion qui inclurait non seulement l'aide, mais aussi le commerce? Comme nous le savons tous, c'est le commerce qui est le moteur des rapports entre les nations, particulièrement dans le cas de la Chine.

+-

    Le président: Monsieur Sahota.

+-

    M. Ajit Singh Sahota: En Inde, nous avions des lois antiterroristes, TADA et maintenant POTA, en vertu desquelles on persécutait les gens. Lorsque des citoyens étaient tués et torturés, personne ne posait de questions. Après le 11 septembre, pratiquement tous les gouvernements du monde ont élaboré des mesures antiterroristes, y compris le Canada, et en vertu de cette législation, des gens sont persécutés. Ces lois ont été conçues pour s'appliquer aux terroristes, et non aux simples citoyens. Aux termes de l'article 35 du projet de loi C-36, lorsque les Autochtones et d'autres qui ont des droits territoriaux veulent les exercer, ils sont persécutés.

    C'est donc l'application de la loi qui est au coeur du problème. Il faudrait sensibiliser les fonctionnaires chargés d'appliquer ces mesures. En l'occurrence, je parle du Canada. Dans les pays du tiers monde, il est illusoire d'essayer de sensibiliser qui que ce soit. Les dirigeants n'y pensent pas à deux fois avant de recourir à ces lois—c'est un terroriste, disent-ils. Ils veulent protéger leur pouvoir, c'est tout.

À  +-(1030)  

+-

    Le président: Je dois des excuses à Mme Brunelle.

[Français]

Beaucoup de gens parlent en anglais. Excusez-nous.

[Traduction]

    James Lunney.

+-

    M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC): Merci, monsieur le président. Voilà toute l'étendue de mon français.

    Je ne suis pas un membre régulier de ce sous-comité, mais j'ai vécu ici aujourd'hui une expérience très émouvante. Je veux simplement remercier tous les témoins qui sont venus partager leur vécu avec nous ici aujourd'hui. Je suis sûr que tous les membres du comité ont été émus.

    En tant que parlementaire canadien, je ne travaille pas à ce dossier à temps plein. En fait, je vais vous quitter sous peu pour aller au Comité de la santé, auquel je consacre beaucoup d'énergie. Cela dit, comme tous mes collègues du Parlement, je suis conscient que dans notre pays, le Canada, nous jouissons de la liberté. Nous avons eu toutes les libertés. Nous avons reçu tellement. Cela m'a remis en mémoire un proverbe ancien qui dit : de celui qui a trop reçu on attend beaucoup.

    Notre pays a un rôle à jouer pour remédier à ces problèmes. Nous pourrions faire beaucoup plus que nous ne faisons à l'heure actuelle. Nous pourrions nous élever contre cette oppression en tant que Canadiens.

    Je vous salue tous, particulièrement ceux d'entre vous qui sont des nouveaux venus ici et qui sont venus nous raconter leur histoire dans un contexte très difficile, au nom de ceux qui souffrent à l'heure actuelle dans tous les pays qui ont été mentionnés. J'ai la ferme conviction que notre pays peut intervenir pour régler ces problèmes et qu'ensemble, nous pouvons faire davantage. Cela dit, nous avons vraiment besoin de votre apport car pour des gens comme nous qui vivons en paix et à l'aise et qui sommes engagés par les multiples quêtes que permet notre société d'abondance, comparativement à la plupart des autres pays dans le monde, il n'est pas facile de savoir ce qui se passe. On peut aisément fermer les yeux sur les bulletins d'actualité mais lorsque vous venez en personne nous raconter vos histoires, lorsque vous nous montrer vos cicatrices et lorsque vous prenez la parole au nom de vos concitoyens, il est possible pour nous qui n'avons pas vécu la même expérience, de nous identifier avec vous et de lutter à vos côtés pour changer la situation. Il faut espérer qu'ensemble, nous trouverons la motivation d'agir et de faire quelque chose à ce sujet.

    Je suis encouragé par cette motion. Chose certaine, je l'appuierais volontiers. Je pense que nous nous dirigeons vers un consensus : le Canada veut faire davantage.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Amar Chakraborty.

+-

    M. Amar Chakraborty: Je veux faire un seul commentaire.

    Nous ne sommes pas venus ici pour demander que l'on impose des sanctions au Bangladesh. Le Canada vient en aide au Bangladesh et il peut donc certainement nous aider aussi.

    Le gouvernement exclut les minorités de toute initiative et de tout projet. Lorsque des projets sont mis en oeuvre, le Canada peut envoyer des gens pour s'assurer que des représentants de toutes les couches de la société y sont inclus, pour qu'ils puissent aussi participer. C'est que ne fait pas le gouvernement et le Canada peut lui imposer ce genre de choses. Le Canada peut demander au gouvernement de faire cela.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Broadbent.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Monsieur le président, je voudrais revenir sur ce point et sur l'argument connexe qui a été avancé au sujet de la conditionnalité. J'aimerais aussi prendre un instant pour dire quelques mots au sujet de l'adjonction de certains termes sous forme d'amendement. Ils sont inspirés, si je puis dire, par mon expérience de six années à la tête d'un centre international de défense des droits de la personne d'une part et, par les efforts que j'ai déployés pour collaborer avec le gouvernement du Canada, ainsi qu'avec d'autres gouvernements étrangers, d'autre part.

    En ce qui concerne le commerce, il n'en est pas fait mention dans cette résolution, car à vrai dire, je juge sans espoir que dans un avenir rapproché notre gouvernement ou tout autre gouvernement fasse un lien pacifique entre le commerce et le respect des droits et prenne des mesures unilatérales au niveau des échanges commerciaux. J'ai essayé pendant de nombreuses années d'atteindre cet objectif, sous différentes formes, et je pense qu'un jour nous y arriverons, peut-être lorsque nous aurons des ententes multilatérales, comme l'OMC qui, en soi, établiront un lien multilatéral entre le commerce et le respect des droits.

    Pour en revenir aux points qui ont été soulevés, la formulation que j'ai choisie se fonde sur ce que nous pouvons faire nous-mêmes, de façon réaliste. Je vais revenir sur les termes choisis et insister en particulier sur les façons de rendre l'obtention de l'aide canadienne conditionnelle à l'absence de violation systématique de la liberté religieuse et des autres droits fondamentaux. Autrement dit, pour ce qui est de notre politique d'aide envers le Bangladesh, et d'autres pays également, on pourrait envisager une évolution graduelle, même pour ce qui est de l'élaboration de la politique commerciale, un avertissement préalable, si vous voulez, qui pourrait être en vigueur pendant plusieurs années. Par là, je ne veux pas dire des décennies, mais on pourrait faire savoir aux gouvernements visés que si d'ici deux ou trois ans ils ne se sont pas amendés, pour parler sans ambages, et s'ils n'ont pas mis un terme à la violation des droits fondamentaux de leurs citoyens, toute aide cessera. Il faut tout de même qu'il y ait une certaine souplesse dans la mise en oeuvre de la politique.

    Je suis convaincu que si nous faisions un sondage auprès des Canadiens et que nous leur demandions si, à leur avis, le Canada devrait aider des pays qui se livrent à des violations systématiques de la liberté de religion et d'autres droits fondamentaux de leurs citoyens, la majorité d'entre eux diraient non. En même temps, je suis sensible aux répercussions que notre action pourrait avoir sur les citoyens de ces autres pays si nous décidions subitement de fermer le robinet. En tant que pays, nous nous sommes parfois rendus coupables nous-mêmes d'abus, mais il serait bizarre de dire que le Canada n'est pas l'un des meilleurs pays au monde, un pays dont les citoyens jouissent d'un riche amalgame de droits. À mon avis, nous avons envers les citoyens des autres pays du monde une obligation, soit celle d'exercer toute l'influence dont nous disposons pour bien gérer notre aide et pour exercer des pressions sur les gouvernements afin qu'ils respectent la liberté religieuse et les droits fondamentaux de leur population.

    Cette motion renferme un élément de pragmatisme. Pour en revenir à ce que disait M. Day, on demande à notre gouvernement de trouver des moyens de protéger et de promouvoir ces droits, et il me semble que l'une des façons d'y parvenir serait de faire preuve de souplesse, mais aussi de détermination dans l'application de notre propre politique d'aide, de lutter contre l'indifférence et d'aider à promouvoir la liberté religieuse et le respect des droits humains dans ces pays.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Vous vous souviendrez, j'en suis sûr, qu'hier nous avons adopté une motion unanime ayant pour effet d'imposer un embargo à la Birmanie, au Myanmar, en raison de leur violation scandaleuse des droits de la personne.

    Je demanderais à notre attaché de recherche de lire la motion de M. Day, l'ajout de M. Bains et ensuite celui de M. Broadbent, et ce, séparément, si possible.

+-

    M. Marcus Pistor (attaché de recherche auprès du comité): Je pense que c'est possible.

    La motion se lirait comme suit :

Que, dans le cadre de l'examen de la politique internationale qui est en cours, on examine les moyens par lesquels le gouvernement du Canada peut faire de la protection et de la promotion à la liberté de religion et de croyance un élément central de ses efforts visant à défendre les droits de la personne à l'échelle internationale;

    L'ajout proposé par M. Bains est le suivant :

notamment dans sa politique et ses programmes d'aide au développement international;

    L'autre changement, proposé par M. Broadbent, se lirait ainsi :

et, en particulier, qu'on examine les moyens à prendre pour subordonner l'aide du Canada à l'absence de violation systématique de la liberté religieuse et des autres droits fondamentaux.

+-

    Le président: Ce ne sera pas parfait parce que nous faisons cela à la hâte, mais est-ce plus ou moins acceptable pour tout le monde?

    Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day: Je peux dire à nos deux premiers témoins que ce que vous voyez ici, c'est le processus permanent, frustrant mais très nécessaire de la démocratie. Cette démarche s'appelle l'écriture d'un discours par comité, et c'est un travail très dangereux.

    Mais normalement, nous ne rédigeons pas nos motions à l'occasion d'une séance de comité comme celle-ci. Au préalable, quelqu'un propose quelque chose et nous donne un préavis de 24 heures; le processus est plus long. Ce que nous faisons présentement vous montre à quel point tous les partis sont déterminés à agir. Si nous pouvons régler cela ici, aujourd'hui, et éviter un tas de problèmes bureaucratiques, nous allons le faire.

    Cela dit, je voudrais poser une question à M. Broadbent et à quiconque voudrait faire une brève intervention. Le seul problème que me pose l'ajout, monsieur Broadbent, c'est que nous avons déjà précisé que nous voulons que cela soit un thème central de notre politique. Navdeep a proposé d'aller encore plus loin en ajoutant l'aspect de l'aide. Mais si nous adoptons une position tellement ferme que nous ne pouvons même pas aider les gens qui souffrent dans un pays donné en raison de persécution... J'aimerais avoir les commentaires de ceux d'entre vous qui connaissez des personnes victimes de persécution à cause de régimes qui interdisent ce droit. Êtes-vous à l'aise à l'idée que nous pourrions priver d'aide des gens qui souffrent...

    Une voix: Avant que leur gouvernement change...

    M. Stockwell Day: Oui.

À  +-(1040)  

+-

    M. Navdeep Bains: Très brièvement, comme vous le souhaitez, ma seule préoccupation et la raison pour laquelle j'ai demandé cet amendement, c'est que je ne veux pas que nous récompensions un régime corrompu. C'est ma seule préoccupation, et les membres du panel peuvent y aller de leurs commentaires.

+-

    M. Stockwell Day: Je comprends cela, et c'est pourquoi je pense que l'ajout de Navdeep couvre cela, Ed. Il nous faut maintenant soumettre cela au comité plénier et ensuite, au Parlement, et je ne veux pas que quiconque soit en mesure de stopper cette initiative en prétextant qu'à leur avis, la motion va trop loin.

    Comprenez-vous ce que je dis, Ed?

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Oui, et j'apprécie beaucoup les raisons qui motivent cette expression d'inquiétude de la part de mon collègue conservateur.

    Je ne vais pas répéter ce que je viens de dire à l'instant pour expliquer pourquoi j'aimerais que nous tentions cela. Je crois au principe de la chose. Ayant travaillé avec bien des gens dans des pays en développement je peux dire que d'après mon expérience de mes relations avec des organismes de défense des droits de la personne dans le monde, qu'ils oeuvrent au Pakistan ou comme certains groupes à l'extérieur du Tibet, ou dans de multiples autres pays, ces gens se réjouissent de ce type de lien. Nous ne menaçons pas d'agir unilatéralement du soir au lendemain; c'est une mesure graduelle concernant notre aide.

    En conclusion, j'aimerais revenir à l'un des plus grands exemples des temps modernes, celui, évidemment, de l'Afrique du Sud. Là-bas, de sévères sanctions ont été appliquées. Ce sont les représentants de la majorité noire d'Afrique du Sud eux-mêmes qui ont appuyé l'imposition de sanctions contre le régime. Ils étaient conscients que c'est la population qui, au bout du compte, allait souffrir le plus à court terme, mais ils ont estimé que ce type de pression s'imposait.

    En l'occurrence, nous n'allons pas aussi loin. On parle d'une politique mûrement réfléchie qui serait mise en oeuvre graduellement et avec souplesse de sorte que les gouvernements en question seraient avertis au préalable de ce qui les attend et pourraient prendre certaines mesures pour cesser de persécuter les groupes qu'ils persécutent.

    Je dirais ceci à mon ami du Parti conservateur : je préférerais que l'on ajoute mon amendement à la motion et qu'on le laisse tel quel, s'il est accepté, et qu'il soit soumis au comité plénier. Si à ce moment-là, le comité veut le supprimer, qu'il le fasse, mais en tant que membre du Sous-comité des droits de la personne, je préférerais qu'il soit avalisé ici sous la forme que je propose et pour les raisons que j'ai données.

+-

    Le président: Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day: Merci, monsieur le président.

    Alors même que M. Broadbent répondait, j'anticipais, et je me disais que nous pourrions envoyer la motion au niveau du comité plénier. J'accepterais cela comme des amendements amicaux; je n'y vois pas d'objection.

+-

    Le président: Nous avons cependant un problème en ce sens que nous avons une option en quelque sorte. Nous pouvons opter pour « notamment dans sa politique et ses programmes d'aide au développement international » ou pour la version de M. Broadbent « et, en particulier, qu'on examine les moyens à prendre pour subordonner l'obtention de l'aide du Canada à l'absence de violation systématique de la liberté religieuse et d'autres droits fondamentaux ».

+-

    M. Navdeep Bains: Nous pouvons adopter l'une ou l'autre, à mon avis. Il suffit de présenter cela au comité et s'il juge que le libellé est trop vigoureux, ou s'il voit là des problèmes, à ce moment-là nous pourrons opter pour une perspective plus générale.

+-

    Le président: Vous proposez donc que nous utilisions les deux.

+-

    M. Navdeep Bains: Je propose que nous utilisions les deux.

+-

    Le président: Est-ce d'accord?

+-

    M. Stockwell Day: Je considère ces deux ajouts comme des amendements amicaux. Pour autant que notre collègue du Bloc juge la traduction acceptable, ça va.

    (La motion est adoptée)

+-

    M. Stockwell Day: C'est unanime. Formidable.

+-

    Le président: Grace voulait dire quelque chose, et nous allons suivre dans l'ordre.

    Grace, je vous prie.

+-

    Mme Grace Wollensak: Je voulais simplement vous fournir un élément d'information qui pourrait vous être utile. En fait, dans un des rapports que j'ai remis au greffier, dans un gros cartable il y a un rapport sur les ressources financières utilisées pour persécuter le Falun Gong. On y dit que le gouvernement a injecté des milliards de dollars dans des camps de concentration et des centres de lavage de cerveau. Il a aussi eu recours à la surveillance sur Internet. En résumé, sa conclusion c'est qu'un quart des finances nationales a été utilisé pour persécuter ce groupe. Imaginez-vous cela, ils ont mobilisé tout un pays, tous les pouvoirs publics et tous les créneaux de la société—le lieu de travail, le système juridique, l'éducation—pour persécuter 100 millions de personnes et leurs familles. Pour être en mesure d'y arriver, ils ont dû dépenser des sommes d'argent considérables. Je suis passablement certaine que beaucoup de cet argent provient des pays étrangers, mais je n'ai pas de chiffres pour ce qui est de savoir quel pays et comment.

    Je vous communique simplement cette information.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Oui, monsieur Sahota.

+-

    M. Ajit Singh Sahota: Je ne pense pas que ce lien entre le commerce et les droits de la personne va beaucoup nous aider car les pays qui violent ces droits à l'heure actuelle savent comment contourner cela, comment duper les gens. Ils vont créer une commission des droits de la personne pour faire enquête et cette enquête prendra 20 ou 30 ans. Vous êtes au courant du cas de M. Kaira. Depuis 1996, rien n'a été fait. Le gouvernement canadien ne peut même pas obtenir un seul... il affirmait que 25 000 personnes avaient été incinérées pour qu'on ne puisse identifier leurs corps, et on ne sait pas ce qui s'était passé; il a disparu.

    Toutes les organisations de défense des droits de la personne, Amnistie international et les autres, lorsqu'elles demandent que la police leur communique les informations dont elle dispose... Lorsque les autorités policières arrêtent quelqu'un, elles sont censées rendre des comptes. À l'heure actuelle, on se borne à faire disparaître les gens. On ne les arrête pas; on les tue, voilà tout. Le gouvernement sait comment contourner tout cela.

    C'est la même chose lorsqu'il y a des commissions d'enquête. Jusqu'ici, il y a eu sept commissions d'enquête, mais rien n'a été fait depuis 20 ans. Ils savent comment contourner cela, comment duper les autres gouvernements en affirmant qu'ils font quelque chose, alors qu'en fait ils ne font rien.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Docteure Janet Epp Buckingham.

+-

    Dr Janet Epp Buckingham: Le Dr Buckingham suffirait. Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je voulais simplement mentionner qu'à ma connaissance, l'ACDI aborde ces enjeux en recourant davantage à la carotte, en disant que nous allons donner la préférence aux pays qui respectent certaines normes, comme la responsabilisation et la transparence. Je ne suis pas certaine que les droits de la personne figurent sur la liste, mais s'ils n'y sont pas, ils devraient l'être.

    Nous devrions peut-être privilégier la carotte plutôt que le bâton et mentionner notre préférence pour les pays respectueux des règles internationales pour ne pas écarter des gouvernements dont la population est dans une situation désespérée. C'était une simple réflexion.

+-

    Le président: Le Vietnam a été évoqué, et quelqu'un m'a dit qu'apparemment l'ACDI finançait la création de l'équivalent des pensionnats pour les enfants de minorités religieuses dans les montagnes. Je n'aurais peut-être pas dû en parler, mais j'aimerais fouiller la question. Si c'est effectivement le cas, cela ne devrait pas se produire.

    Nous allons manquer de temps. Quelqu'un veut-il avoir le dernier mot, peut-être l'un des membres du comité?

    Monsieur Broadbent.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Ces exposés ont été remarquables.

    Je veux simplement soulever une préoccupation. Il n'y a pas ici de représentant de la communauté juive, alors que l'on constate une montée de l'antisémitisme, non seulement au Canada mais ailleurs dans le monde. En outre, je ne sais pas ce qui s'est passé, mais l'imam de la région d'Ottawa devait être présent. Ce sont donc deux grandes communautés qui ont des préoccupations concernant la religion et la liberté qui n'ont pas comparu devant le comité. Je ne sais pas comment faire pour régler le problème, mais il faudrait sans doute prendre cela en considération.

+-

    Le président: Excellente observation, monsieur Broadbent.

    L'imam n'est pas venu, effectivement, il a des problèmes de santé. Je travaille avec lui assez fréquemment et je présume qu'il a simplement été dans l'impossibilité de se présenter ici ce matin, mais peut-être pourrions-nous essayer de savoir pourquoi il n'était pas là.

    En ce qui concerne la communauté juive, il existe maintenant un comité interconfessionnel de tous les partis au Parlement du Canada, comité que le rabbin Reuven Bulka et moi-même coprésidons. J'espère que ce comité deviendra lui aussi plus actif.

    Vous avez absolument raison. Il y aurait dû y avoir un représentant d'une autre croyance qui fait l'objet de sérieuses persécutions, de harcèlement, etc.

    Oui, monsieur Bhatti.

+-

    M. Peter Bhatti: J'ai une autre recommandation à faire concernant le Pakistan. Lorsqu'une commission internationale se rend là-bas, ses membres ne peuvent jamais rencontrer les minorités. Je souhaiterais que lorsqu'une commission va dans ce pays pour faire enquête, si tant est qu'elle le peut, elle exige de rencontrer les dirigeants des minorités et qu'elle fasse le point sur la situation des minorités dans le pays. Cela pourrait aussi aider le comité à savoir comment traiter avec le gouvernement du Pakistan.

+-

    Le président: Merci.

    Oui, madame Tamas.

+-

    Mme Suzanne Tamas: Je voulais simplement dire que c'est la première fois que j'ai le privilège de prendre la parole devant un comité. Je veux vous remercier tous énormément, de même que mes coprésentateurs. J'ai appris beaucoup et j'ai été très émue par ce que j'ai entendu. J'apprécie aussi l'action que vous avez entreprise car elle en dit long sur votre détermination. Cela me remplit d'espoir.

    Je pense que nous venons d'amorcer un dialogue qui doit s'identifier. J'espère que cette séance permettra d'accélérer les choses et que ce n'est pas la dernière occasion que nous aurons d'explorer diverses façons de faire une différence.

À  -(1050)  

-

    Le président: Merci.

    C'était là une excellente note sur laquelle terminer. Je suis sûr que nous sommes tous entièrement d'accord avec vous. Nous avons eu aujourd'hui des exposés fort utiles et émouvants et j'espère que notre comité ne vous décevra pas et qu'il saura porter plus loin le message que vous nous avez communiqué avec autant d'éloquence.

    Merci dix mille fois.

    La séance est levée.