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CIMM Rapport du Comité

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LA PROTECTION DU DROIT
D’ASILE — MAINTENIR LES ENGAGEMENTS
DU CANADA ENVERS LES RÉFUGIÉS

INTRODUCTION

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, le Canada a accueilli au-delà de 700 000 personnes cherchant à échapper à la persécution dans leur pays d’origine ou déplacées par des conflits. En 1986, il est devenu le premier et le seul pays à recevoir la Médaille Nansen, qui est décernée par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés en reconnaissance d’une contribution remarquable à la cause des réfugiés. Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés de l’époque, M. Jean-Pierre Hocke, avait alors félicité le Canada pour son attachement aux valeurs humanitaires qui est manifeste dans l’accueil traditionnellement réservé aux réfugiés, et avait souligné que cet attachement n’était pas étranger au fait que le Canada avait gardé sa porte ouverte aux réfugiés à un moment où d’autres pays fermaient leurs frontières. La Médaille Nansen marque un jalon dans l’histoire de la protection des réfugiés au Canada, d’autant que le bilan antérieur du Canada à ce chapitre n’a pas toujours été aussi reluisant : avant la Deuxième Guerre mondiale, plus de 900 réfugiés juifs voyageant à bord du SS St. Louis se sont vus refuser l’asile au Canada et dans plusieurs autres pays. Après le retour forcé du SS St. Louis en Europe, la plupart de ses passagers ont péri dans des pays qui ont plus tard été occupés par les nazis.

En septembre 2006, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes a entrepris une étude sur des questions qu’il jugeait pressantes pour le système canadien de détermination du statut de réfugié. Quatre sujets distincts ont été retenus : le Programme de parrainage privé de réfugiés; la mise sur pied de la Section d’appel des réfugiés; la situation des demandeurs d’asile déboutés qui cherchent refuge dans des églises; et le statut des ressortissants de pays visés par un moratoire sur les renvois. Depuis, d’autres sujets se sont ajoutés, comme l’arriéré des demandes d’asile à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR), attribuable à la pénurie actuelle de commissaires; l’Entente sur les tiers pays sûrs conclue avec les États-Unis; le processus d’examen des risques avant renvoi; et les difficultés touchant l’établissement des réfugiés.

Pendant son étude, le Comité a entendu différents témoins, notamment le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR), l’Alliance canadienne du secteur de l’établissement des immigrants, Initiatives canadiennes œcuméniques pour la justice (KAIROS), la Conférence des évêques catholiques du Canada et diverses autres organisations représentant les groupes confessionnels et le secteur de l’établissement des réfugiés. Des fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) et de la CISR et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration sont venus compléter les témoignages présentés au Comité. Les membres du Comité sont allés à Montréal pour participer à la consultation annuelle du Conseil canadien pour les réfugiés, où ils se sont entretenus avec des représentants de nombreuses organisations qui, dans tout le Canada, défendent les droits des réfugiés et les aident à s’établir.

La politique applicable aux réfugiés oblige souvent à concilier la sécurité des êtres humains avec l’efficience. Comme la décision sur le statut de réfugié peut être une question de vie ou de mort, il est nécessaire que les demandeurs d’asile disposent de protections juridiques et de recours contre les décisions arbitraires ou peu judicieuses. Conscient du fait que des réfugiés pourraient compromettre la sécurité et le bien-être économique du pays, le gouvernement du Canada restreint leur admissibilité et examine à la loupe toutes les demandes d’asile. En revanche, des conditions d’admissibilité trop restreintes ou l’inefficacité du processus de traitement des demandes d’asile peuvent menacer ce que CIC appelle « l’intégrité du système ». Les demandeurs dont la revendication est légitime devraient être rapidement admis au Canada, mais ceux qui ne sont pas des réfugiés authentiques devraient par contre être renvoyés sans délai. La plupart des questions étudiées par le Comité correspondaient, au fond, à des arguments sur l’obligation qu’a le Canada d’assurer une protection étendue sans alourdir indûment le système. Le Comité a essayé, dans son rapport, de concilier certaines nécessités administratives du système canadien de détermination du statut de réfugié avec l’intégrité du système même. Il présente des recommandations qui, espère-t-il, serviront la justice tout en contribuant à l’efficience.

PROGRAMME DE PARRAINAGE PRIVÉ DE RÉFUGIÉS (PPPR)

Le Programme de parrainage privé de réfugiés (PPPR) permet à des Canadiens de parrainer des réfugiés, et leur famille qui vivent à l’étranger, et de les aider à se faire une nouvelle vie après leur arrivée.

En vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[1] (Loi) et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (Règlement) [2], le demandeur doit appartenir à l’une des trois catégories suivantes : réfugiés au sens de la Convention outre-frontières, personnes de pays d’accueil ou personnes de pays source. Les réfugiés au sens de la Convention se trouvent à l’extérieur de leur pays de citoyenneté ou de résidence habituelle et ne peuvent y retourner parce qu’ils craignent avec raison d’être persécutés pour des motifs précis. La catégorie des personnes de pays d’accueil englobe les demandeurs qui se trouvent hors de leur pays de citoyenneté ou de résidence habituelle et qui ont été gravement et personnellement touchés par la guerre civile, un conflit armé ou des violations des droits de la personne. Quant à la catégorie des personnes de pays source, elle comprend les demandeurs d’un pays figurant à l’annexe 2 du Règlement (actuellement la Colombie, le Salvador, le Guatemala, la République démocratique du Congo, la Sierra Leone et le Soudan) qui ont été touchés par un conflit armé ou ont été détenus sans inculpation et craignent avec raison d’être persécutés.

Un agent d’un bureau canadien des visas à l’étranger détermine si la personne appartient à l’une des trois catégories. Pour prendre sa décision, il se fonde sur une entrevue avec le demandeur, sur les documents présentés par celui-ci et par le groupe de parrainage et sur les renseignements supplémentaires dont il dispose, comme des données récentes sur la situation du pays. Pour que son réétablissement au Canada soit accepté, le demandeur doit satisfaire aux exigences d’un examen médical et d’un contrôle de sécurité. L’agent des visas évalue aussi la capacité du demandeur de s’établir avec succès en vérifiant différents facteurs, notamment si le demandeur a de la famille au Canada, s’il parle le français ou l’anglais ou a la capacité d’apprendre une des deux langues et quel est son potentiel d’emploi. Lorsqu’une famille présente une demande, la capacité d’établissement est évaluée pour l’ensemble de ses membres. L’agent n’évalue pas cette capacité s’il estime que le demandeur a un urgent besoin de protection.

Des groupes divers peuvent parrainer des réfugiés dans le cadre du PPPR : ce peut être aussi bien des signataires d’entente de parrainage, c’est-à-dire des organismes constitués en personne morale qui ont conclu avec CIC des ententes de parrainage officielles approuvées au préalable, que des groupes d’au moins cinq citoyens canadiens ou résidents permanents qui décident de parrainer collectivement un réfugié. Les groupes qui désirent parrainer des réfugiés doivent fournir, à leur centre local de CIC, la preuve qu’ils répondent aux exigences établies, à la suite de quoi CIC approuvera ou non la demande de parrainage.

La période de parrainage est généralement d’un an. Toutefois, si l’agent des visas détermine que le réfugié ou une personne à sa charge a des besoins spéciaux et manque de temps pour s’établir, il peut demander au groupe de parrainage de prolonger la période en la portant jusqu’à 36 mois.

Les répondants sont censés fournir une aide financière au réfugié et aux personnes à leur charge, notamment pour le loyer, la nourriture, le chauffage, l’électricité et les autres dépenses de la vie quotidienne comme les vêtements, les meubles et les articles ménagers. Ils peuvent aussi être appelés à trouver des interprètes; à choisir un médecin et un dentiste et à faire les démarches nécessaires pour obtenir la couverture de l’assurance-maladie; à inscrire les enfants à l’école et les adultes à des cours de langue; à expliquer le fonctionnement de services publics, comme les opérations bancaires et les transports; et à faciliter la recherche d’emploi.

Le PPPR a été adopté par des organisations religieuses et des groupes communautaires, ce qui a permis à de nombreux réfugiés de se réinstaller avec succès au Canada. Comme l’a indiqué un témoin :

Toutes les collectivités canadiennes, grandes et petites, peuvent accueillir des réfugiés par l’entremise du parrainage privé. Cela permet aux communautés de connaître personnellement des réfugiés, de s’engager à conserver la tradition d’aide humanitaire du Canada, de contribuer à la réussite de l’intégration et à réduire la xénophobie[3].

Le programme s’est attiré un concert d’éloges : en 1986, par exemple, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a décerné aux Canadiens la Médaille Nansen en reconnaissance de leur contribution exceptionnelle au réétablissement des réfugiés dans le cadre du PPPR.

Depuis quelques années, cependant, des indications portent à croire que le PPPR ne fonctionne pas aussi bien qu’il le pourrait, ce qui amène certains groupes à réévaluer leur participation. Des personnes qui ont comparu devant le Comité, en particulier les représentants du Conseil canadien pour les réfugiés et de la Conférence des évêques catholiques du Canada, se sont dites préoccupées par :

§        les objectifs peu élevés pour le parrainage privé;

§        les longs délais avant de faire venir au Canada des réfugiés parrainés par le secteur privé;

§        le fait que les répondants ne comprennent pas pourquoi les bureaux canadiens des visas à l’étranger refusent autant de demandes de parrainage privé, surtout pour les membres de la famille.

Ces préoccupations, d’après les témoins, tempèrent l’enthousiasme des organisations et des citoyens et compromettent le succès du PPPR.

Le Plan d’immigration de 2006 qui figure dans le rapport annuel de CIC au Parlement pour 2005[4] préconisait l’établissement de 3 000 à 4 000 réfugiés parrainés par le secteur privé en 2006. Le Comité constate que CIC n’a pas atteint la fourchette minimum de cet objectif, puisque le Canada n’a accueilli que 2 976 réfugiés pendant la période visée[5]. Le Plan d’immigration de 2007 contenu dans le rapport annuel de CIC au Parlement pour 2006 fait état d’un objectif maximal un peu plus élevé (4 500), mais le minimum reste de 3 000[6]. Il ne semble donc pas que le gouvernement ait l’intention d’accueillir beaucoup plus de réfugiés parrainés par le secteur privé en 2007 qu’en 2006. Aux yeux d’organismes comme le Conseil canadien pour les réfugiés et la Conférence des évêques catholiques du Canada, ces objectifs peu élevés dénotent que le gouvernement n’appuie pas clairement le parrainage privé ou que la classe politique ne tient pas à en assurer le succès.

Les représentants de CIC, qui ont comparu devant le Comité en mai 2006, ont indiqué que 14 855 demandes de parrainage privé étaient en instance dans des bureaux canadiens à l’étranger. L’arriéré peut être lié aux objectifs peu élevés, c’est-à-dire que CIC consacre moins de ressources au traitement des demandes. D’autres facteurs peuvent aussi contribuer aux objectifs peu élevés et à l’existence de l’arriéré. Par exemple, l’ex-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a précisé au Comité que le taux de refus des demandes de parrainage privé était de 52 p. 100, et que les bureaux des visas finissent par consacrer trop de temps et de ressources à l’examen des dossiers de demandeurs qui, finalement, ne sont pas des réfugiés.

Des témoins ont dit au Comité que les longs délais entraînent une désaffection pour le programme :

Les gens sont très excités par ce programme. Ils répondent parce qu’ils savent que quelqu’un est dans le besoin, et puis ils attendent. Très souvent, en tant que signataire d’une entente de parrainage, je ne peux pas expliquer au groupe d’accueil pourquoi cela prend tellement de temps. Alors, les gens passent à autre chose. C’est vrai. Nous avons constaté une chute de l’intérêt pour le programme, qui est principalement due au fait qu’il s’est passé tellement de temps avant que des gens arrivent, et il n’y a pas de bonne explication[7].

Des témoins ont aussi fait valoir au Comité que la situation peut évoluer pendant les longs délais de traitement. Une demande considérée au départ comme recevable peut devenir irrecevable. Une témoin a cité l’exemple du Soudan, où les longs délais de traitement rendent toute demande inutile : le réfugié sera rapatrié bien avant que l’agent des visas n’arrive à traiter la demande[8].

Un autre témoin a fait valoir que lorsque son organisme parraine un réfugié, il doit démontrer qu’il dispose des fonds nécessaires pour en assumer la responsabilité financière. Ces fonds doivent être gardés en réserve pendant toute la durée des longs délais de traitement, de sorte que dans l’intervalle, les ressources ne peuvent être utilisées à d’autres fins[9]. On estime à 44 millions de dollars le montant des fonds ainsi immobilisés dans le système.

Les représentants du Conseil canadien pour les réfugiés, qui ont comparu devant le Comité en octobre 2006, se sont dits préoccupés par les affirmations de CIC selon lesquelles le PPPR sert à faire venir par des moyens détournés des membres de la famille qui ne sont pas nécessairement des réfugiés. Ils ont indiqué que cette perception frustre les groupes de parrainage, qui mettent du temps et de l’énergie dans la sélection des cas à parrainer pour bien faire en sorte que les personnes entreront dans l’une des trois catégories prévues par le programme. Le Comité central mennonite a affirmé qu’il est parfois difficile pour les répondants d’évaluer la situation des réfugiés à distance :

Le printemps dernier, j'ai passé plusieurs semaines en Afrique en compagnie de six de mes collègues du Canada et de deux autres travaillant sur ce continent. Nous nous sommes intéressés aux problèmes liés à la protection des réfugiés au Kenya et en Afrique du Sud. Nous avons notamment visité de nombreuses ONG, des bureaux centraux et satellites du HCNUR ainsi que le haut commissariat du Canada dans ces pays. Il en est ressorti notamment un commentaire que nous ont réitéré à maintes reprises les ONG s'occupant de réinstallation. Ces intervenants ont indiqué qu'il devait être très difficile pour les signataires d'une entente de parrainage d'évaluer les dossiers des réfugiés exclusivement à partir du Canada, alors qu'ils jugent eux-mêmes cette tâche extrêmement complexe malgré le fait qu'ils œuvrent directement à la source[10].

Le gouvernement, pour sa part, a signalé que les groupes de parrainage pourraient choisir avec plus de soin les personnes à parrainer, ce qui ferait baisser le taux de refus et aiderait les bureaux des visas à traiter plus rapidement les demandes. Certains des groupes de parrainage affirment être conscients de la nécessité d’améliorer la présélection des réfugiés potentiels et travaillent de concert avec CIC pour trouver une solution à ce problème :

Nous ne prétendons pas que les répondants ont toujours fait un travail de vérification irréprochable; même le plus chevronné des agents des visas ne peut s'en targuer. Mais de nombreux répondants ont participé aux activités de formation en vue de l'admissibilité organisées par CIC. Grâce à l'amélioration de la transmission des renseignements par CIC, ils ont de meilleurs outils de vérification et disposent d'informations sur l'admissibilité, les pays, les changements que ceux-ci connaissent, etc. En toute franchise, on est aussi plus conscient de la nécessité d'effectuer des vérifications.

Mais certains dossiers actuellement à l'étude ont été soumis avant que les répondants ne disposent de ces outils. Le programme est hanté par le passé; cela crée des perceptions défavorables au sein de CIC et des bureaux de visas à l'étranger. Nous voulons faire avancer les choses. Nous arrêter aux erreurs du passé ne sera bon pour personne, ni les répondants, ni les réfugiés, ni le gouvernement[11].

Le Comité a entendu une témoin décrire un projet pilote de l’Église unie du Canada destiné aux réfugiés désignés par un bureau des visas. Dans le cadre de ce projet, les agents des visas approuvent au préalable les demandes des réfugiés potentiels et les dirigent ensuite vers le groupe de parrainage; ce qui accélère le processus et contribue à son efficacité. L’organisme en question affirme s’être engagé à s’occuper de 20 cas de réfugiés par année, mais le CIC n’a toujours pas donné suite à son offre[12].

Certains témoins, et plus particulièrement Initiatives canadiennes œcuméniques pour la justice (KAIROS), ont indiqué que le PPPR est peut-être le seul moyen de faire venir des membres de la famille élargie au Canada du fait que la catégorie du regroupement familial a une définition très restreinte selon la Loi sur l’immigration. C’est pourquoi des réfugiés installés au Canada demandent aux groupes confessionnels et à d’autres organismes de parrainage d’envisager le parrainage privé de parents, comme les frères et sœurs ou les oncles et tantes. Dans son témoignage présenté devant le Comité en avril 2005, au cours de la session parlementaire précédente, KAIROS a recommandé que le gouvernement rétablisse la catégorie des parents aidés en vue de donner aux réfugiés installés au Canada une autre avenue que le parrainage privé pour faire venir des membres de leur famille[13].

De l’avis d’une ONG entendue par le Comité, la seule solution pour venir à bout de l’arriéré actuel réside, en bout de ligne, dans l’accroissement des ressources consacrées par CIC au PPPR et dans l’amélioration de la présélection effectuée par les organismes de parrainage :

Je suis vraiment convaincue que nos agents des visas, le personnel, ne sont pas assez nombreux. Il faudrait qu'il y en ait plus. Il faudrait qu'ils disposent de plus de ressources. Nous avons une certaine responsabilité, et nous avons peut-être soumis certaines demandes parce que nous en constations le besoin pour des raisons humanitaires. Nous en soumettons moins maintenant et nous faisons une sélection préalable. Mais, quoi que nous fassions, tant qu'il existe un arriéré et qu'on ne cherche pas systématiquement à le faire disparaître, rien ne fonctionnera[14].

Le Comité constate que les groupes de parrainage et CIC estiment que le PPPR est un excellent moyen d’accueillir des réfugiés au Canada. Il est du même avis que l’ex-ministre Solberg, qui a déclaré dans son témoignage : « Pour ce qui est des gens qui viennent en tant que réfugiés parrainés par des particuliers, les résultats sont généralement meilleurs parce qu’ils arrivent au sein d’une communauté où il y a des gens qui se préoccupent de leur sort et qui veulent leur venir en aide[15]. »

Le Comité trouve encourageant que CIC ait indiqué, dans son rapport annuel au Parlement pour 2006, qu’il avait fait ou faisait des efforts en vue d’améliorer le programme, notamment par les moyens suivants :

§        allocation de fonds pour le détachement temporaire, au début de 2005, d’agents chargés de réduire l’arriéré dans plusieurs des bureaux les plus touchés;

§        création en août 2005 d’un sous-comité formé de représentants d’ONG et du gouvernement, qui rencontre chaque mois des représentants élus des signataires d’entente de parrainage pour échanger des renseignements sur les activités et les politiques qui touchent le PPPR;

§        production d’un bulletin d’information trimestriel destiné au milieu du parrainage privé[16].

Le Comité recommande :

§        Que le gouvernement du Canada continue à appuyer et à étendre le PPPR, qui est un élément clé du programme canadien pour les réfugiés puisqu’il permet aux particuliers et aux collectivités de tout le Canada de contribuer au maintien de la longue tradition humanitaire du Canada.

§        Que CIC rehausse le niveau inférieur de l’objectif annuel fixé en ce qui concerne l’accueil de réfugiés parrainés par le secteur privé, et que le gouvernement investisse suffisamment dans l’infrastructure et dans le financement du programme pour soutenir la réalisation de cet objectif.

§        Que CIC augmente sensiblement les ressources consacrées au traitement des demandes de parrainage privé et des autres catégories d’immigrants dans les bureaux des visas à l’étranger, afin d’éliminer l’arriéré actuel et d’accroître le nombre de personnes admises en vertu du PPPR.

§        Que CIC donne aux groupes de parrainage des lignes directrices claires sur les critères utilisés pour évaluer les demandes présentées dans le cadre du PPPR et motive clairement ses décisions de refus, en vue de réduire les taux élevés de refus.

§        Que le conjoint et les enfants d’une personne admise en vertu du PPPR soient immédiatement autorisés à entrer au Canada, et que leurs demandes soient traitées au Canada.

§        Qu’un enfant admis comme réfugié soit autorisé à parrainer ses parents et que ceux-ci soient immédiatement amenés au Canada afin que leur dossier soit traité.

§        Que CIC établisse de nouveaux types de partenariats à l’étranger et envisage le recours à différents modèles d’entente de parrainage de nature à accélérer le traitement des dossiers de réfugiés par les bureaux des visas.

§        Que CIC étende la notion de réfugiés désignés par un bureau des visas, c’est-à-dire de réfugiés dont la demande de réétablissement au Canada en vertu du PPPR a été préalablement approuvée par un bureau des visas à l’étranger, pour qu’elle englobe tous les groupes de parrainage.

LA SECTION D’APPEL DES RÉFUGIÉS

La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié tranche les demandes d’asile présentées au Canada même. La décision de donner droit ou non à la demande est rendue par un commissaire agissant seul. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit la création d’une autre section de la Commission, soit la Section d’appel des réfugiés (SAR), devant qui seraient portées en appel les décisions négatives de la Section de la protection des réfugiés. Les appels se tiendraient sans audience. La SAR jugerait l’appel en se fondant sur le dossier de la Section de la protection des réfugiés et sur les observations écrites du demandeur d’asile, de CIC et d’un représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Elle serait autorisée à confirmer la décision initiale, à substituer sa propre décision à la décision initiale ou à renvoyer l’affaire à la Section de la protection des réfugiés en vue d’une nouvelle audience. Les dispositions de la Loi sur la SAR ne sont toutefois pas entrées en vigueur.

En vertu de l’ancienne Loi sur l’immigration[17], les demandeurs d’asile étaient entendus par deux commissaires. En cas de partage, la décision favorable au demandeur était généralement réputée être la décision de la Commission. Aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, le nombre de commissaires requis pour rendre une décision a été réduit à un seul par souci d’efficience administrative. La SAR devait servir de dispositif de sécurité dans ce contexte. Cependant, en avril 2002, le gouvernement a annoncé que la mise sur pied de la SAR serait retardée en raison du fort volume de demandes en instance et de la nécessité d’appliquer d’autres éléments de la Loi. En mars 2005, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, l’honorable Joe Volpe, s’est engagé à revoir le dossier; or, ni le gouvernement précédent ni le gouvernement actuel n’ont pris de mesures pour implanter la SAR ou un autre mécanisme d’appel sur le fond pour les demandeurs déboutés.

Le Comité a entendu un témoignage selon lequel le passage de deux à un commissaire n’a pas eu d’incidence négative sur le taux d’acceptation des demandes de statut de réfugié. Voici, par exemple, ce qu’a dit une fonctionnaire de CIC à ce sujet :

lorsque les tribunaux de la CISR comptaient deux membres, les décisions partagées étaient très peu nombreuses. La plupart des décisions étaient unanimes. De fait, moins de 1 p. 100 des décisions étaient partagées. La différence d’opinion était donc très limitée.

De plus, lorsque les tribunaux sont passés de deux membres à un membre, nous n’avons pas observé, disons, de diminution soudaine du taux de refus à la CISR[18].

Dans le processus actuel, un demandeur débouté peut s’adresser à la Cour fédérale du Canada pour solliciter un contrôle judiciaire de la décision. Le ministre peut aussi demander une révision judiciaire d’une décision rendue concernant une demande d’asile. Les demandeurs déboutés peuvent également demander la résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire et un examen des risques avant renvoi; un contrôle judiciaire est possible dans les deux cas si l’autorisation est donnée. Il est rare cependant qu’une telle autorisation soit accordée : sur les 6 939 causes portant sur le statut de réfugié tranchées par la Cour fédérale en 2005, seulement 1 034 demandes d'autorisation de contrôle judiciaire ont été accueillies favorablement[19].

Les six motifs de contrôle par la Cour fédérale sont énoncés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales autorisent la cour à infirmer les décisions de la SPR dans différentes situations, notamment pour des raisons de compétence ou de procédure, ou si la décision se fonde sur un fait erroné ou une erreur de droit[20]. La SAR accueillerait les appels portant sur une question de fait, de droit ou les deux, mais n’accepterait aucun nouvel élément de preuve. Un témoin du Service administratif des tribunaux judiciaires a affirmé dans son témoignage que les motifs d’appel auprès de la SAR sont identiques à ceux d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale.[21]

Le Comité a entendu différents témoins qui ont plaidé pour la mise sur pied de la SAR, en faisant valoir que ce mécanisme était nécessaire à cause du risque d’erreurs et des profondes répercussions des erreurs possibles. Un témoin a résumé ainsi ce point de vue :

Inévitablement, des erreurs sont commises. Toute décision prise par un être humain risque d’être erronée. C’est d’autant plus vrai dans le cas de la détermination du statut de réfugié, qui est un processus très difficile qui est lié à des situations qui se produisent dans différents pays et dans le cadre duquel l’information est souvent limitée et les témoignages sont habituellement entendus par l’entremise d’un interprète. Les conséquences d’une mauvaise décision sont dramatiques. Il peut s’agir d’une question de vie ou de mort… pourtant, on ne procède à aucun examen valable des refus. Le seul examen possible est un contrôle judiciaire, qui est un examen juridique restreint et qui, par-dessus tout, est effectué uniquement sur autorisation[22].

Le Comité note qu’au cours de ses séances d’étude de la Loi en 2001, des représentants de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ont indiqué avec franchise que la SAR servirait à concilier les droits des réfugiés et l’intégrité du système. Comme l’a dit le président de la Commission, M. Peter Showler, en 2001 :

Les audiences tenues par un commissaire unique sont un moyen beaucoup plus efficace de trancher les revendications. Il est vrai que les revendicateurs ne pourront plus tirer profit du bénéfice du doute actuellement accordé par un tribunal composé de deux commissaires. Toutefois, cet inconvénient perçu est largement compensé par la création de la section d’appel des réfugiés, la SAR, où tous les demandeurs d’asile déboutés et le ministre pourront interjeter appel des décisions rendues par la SPR[23].

François Crépeau, professeur de droit international à l’Université de Montréal, a fourni un résumé utile des arguments en faveur de la mise en place de la SAR, dans l’un des mémoires présentés au Comité :

La Section d’appel des réfugiés est indispensable pour le bon fonctionnement du système canadien de détermination du statut de réfugié pour quatre raisons :

Efficience : Une Section des appels spécialisée est une bien meilleure utilisation des ressources limitées que la Cour fédérale, qui n’est pas spécialisée dans les questions d’immigration. Elle serait beaucoup mieux placée pour corriger des erreurs de droit et de fait et pour empêcher des comportements inacceptables dans les salles d’audience.

Uniformité du droit : Une Section des appels qui rendrait une décision sur le fond est le seul organe capable d’assurer la cohérence de la jurisprudence dans l’analyse des faits et dans l’interprétation de concepts juridiques au sein du plus important tribunal administratif du Canada.

Justice : La décision de refuser le statut de réfugié se fonde habituellement sur une analyse des faits, elle s’appuie souvent sur une preuve incertaine et peut avoir de graves conséquences (mort, torture, détention, etc.). Tout comme dans les questions de droit pénal, le droit d’appel à un tribunal plus élevé est essentiel pour bien administrer la justice.

Réputation : Mesure de sauvegarde administrative, la Section d’appel des réfugiés renforcera la crédibilité de la CISR aux yeux du public, tout comme les cours d’appel provinciales renforcent l’ensemble du système judiciaire. Les détracteurs de la CISR — aussi bien ceux qui la trouvent trop laxiste que ceux qui la trouvent trop stricte — auront beaucoup moins de possibilités d’étayer leurs critiques et le système canadien de détermination du statut de réfugié sera mieux en mesure de défendre sa réputation de haute qualité[24].

Plus récemment, des témoins ont dit au Comité que la décision de ne pas mettre sur pied la SAR était un affront au processus parlementaire qui a conduit à l’adoption de la Loi. Selon un témoin, « [l]a mise en œuvre de la loi excluant le droit d’appel va à l’encontre de la volonté du Parlement et mine le processus démocratique. Les députés ont convenu de faire passer de deux à un le nombre de décideurs pour chaque cas étant donné que les demandeurs du statut de réfugié auraient le droit de faire appel[25]. » Autrement dit, comme le gouvernement a renié sa promesse de mettre sur pied la SAR, la Loi n’exprime pas de façon valable les intentions du Parlement.

Les représentants de CIC ont souligné les autres moyens mis à la disposition des demandeurs pour demeurer au Canada, par exemple les demandes pour des motifs d’ordre humanitaire et l’examen des risques avant renvoi. Ils ont ajouté que toutes ces demandes, y compris les demandes d’asile refusées, pouvaient faire l’objet d’un contrôle judiciaire de la Cour fédérale du Canada. Ils estiment donc que la SAR est inutile étant donné le caractère déjà généreux du système canadien de détermination du statut de réfugié. Voici ce qu’en a dit l’ex-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, l’honorable Monte Solberg :

Le système tel qu’il est aujourd’hui prévoit divers recours. Je sais que certains ont l’impression qu’il n’y a pas de mécanisme permettant de vérifier les mérites d’un cas particulier. Je le comprends. Nous hésitons toutefois à implanter cette mesure avant d’avoir discuté d’autres changements, car nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où certains cas nécessiteront un traitement encore plus long qu’actuellement. Comme vous le savez, il faut parfois de nombreuses années pour régler un cas, vu les multiples recours que nous offrons actuellement et, en toute honnêteté, les demandeurs peuvent s’en prévaloir pratiquement sans frais parce qu’ils font appel aux services provinciaux d’aide juridique. En conséquence, certains demandeurs peuvent rester ici 10 ans ou 15 ans — j’ai même vu 17 ans — et ils encombrent le système[26].

Les représentants du Ministère ont soutenu que l’absence de SAR avait permis de rationaliser le système de détermination du statut de réfugié et de réduire l’arriéré des demandes d’asile. À leur avis, il faudrait que les discussions concernant la mise sur pied de la SAR portent aussi sur la réforme de tout le système de détermination. L’ex-ministre Solberg a déclaré : « Je ne m’oppose pas à une discussion concernant la section d’appel des réfugiés, mais cette discussion doit se faire dans le cadre d’un débat plus large, dans le but de rendre tout le système plus efficace[27]. »

Un certain nombre de témoins ont fait état du recours que constitue le contrôle judiciaire. Ils ont affirmé que l’autorisation d’un contrôle judiciaire n’est accordée que dans un faible pourcentage des cas et que, de toute façon, le contrôle judiciaire d’une décision de la Commission a une portée plus limitée que l’appel qui serait interjeté devant la SAR. Comme l’a indiqué le représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés : « Le contrôle judiciaire de la Cour fédérale n’est pas un processus d’appel au mérite. La Cour fédérale ne peut, à partir d’un jugement, renverser une décision prise par la CISR[28]. » Enfin, les tenants de la SAR ont fait remarquer que l’organisme aurait une expertise que la Cour fédérale du Canada ne possède pas en matière de détermination du statut de réfugié et qu’il établirait, au fil du temps, une jurisprudence qui rendrait les décisions moins arbitraires. Ils ont aussi fait valoir qu’en mettant sur pied la SAR, le gouvernement économiserait du temps et de l’argent, car les demandeurs déboutés auraient moins tendance à s’adresser à la Cour fédérale.

Le Comité note cependant que, selon le libellé actuel de la Loi, un appel devant la SAR ne donnerait lieu qu’à un examen sur dossier de la décision initiale et qu’aucun nouvel élément de preuve ne pourrait y être présenté.

Le Comité a entendu le témoignage de Jean-Guy Fleury, ex-président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui a pu donner une idée générale des ressources nécessaires pour mettre sur pied la SAR. D’après les estimations faites en vue de l’entrée en vigueur de la Loi, il faudrait 20 nouveaux décideurs avec du personnel de soutien, donc moins de 70 autres fonctionnaires, pour assurer la bonne marche de la SAR.[29] Un témoin de la CISR évalue les frais de démarrage à environ 8 millions de dollars et les coûts annuels d’exploitation, entre 6 et 8 millions de dollars.[30] Un témoin a calculé que l’augmentation des dépenses des dépenses au titre de l’aide juridique offerte aux réfugiés est de l’ordre de 6 à 9 millions de dollars[31].

Ce n’est pas la première fois que le Comité étudie la mise sur pied de la SAR. En décembre 2004, il a adopté à l’unanimité une motion demandant que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration mette sur pied la SAR ou lui propose sans délai une solution de rechange. L’historique de la décision du gouvernement de ne pas créer la SAR, notamment les témoignages devant le Parlement des ministres de l’Immigration successifs, est présenté en annexe au présent rapport.

Avant la publication du présent rapport, le Comité a étudié et adopté un projet de loi d’initiative parlementaire visant à obliger le gouvernement à mettre sur pied la SAR. Le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (entrée en vigueur des articles 110, 111 et 171), s’il est adopté par le Parlement, fera entrer en vigueur les dispositions de la LIPR relatives à la SAR, à l’exception de celle visant à autoriser le gouvernement à en appeler auprès de la SAR.

Le Comité recommande :

1. Que le ministre de Citoyenneté et Immigration Canada prenne immédiatement des mesures pour mettre sur pied la Section d’appel des réfugiés, comme le prévoit la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

LES PERSONNES QUI CHERCHENT REFUGE DANS UNE ÉGLISE

Par le passé, le « droit d’asile » était accordé dans les lieux sacrés aux personnes qui tentaient d’échapper à la justice. À l’époque biblique, les personnes qui fuyaient la persécution ne pouvaient demander l’asile, en entrant dans un sanctuaire, que si elles parvenaient à l’autel et saisissaient l’une des quatre « cornes » qui en formaient les coins. Le principe de l’asile existait dans les civilisations grecque et romaine et, à partir du quatrième siècle, a été intégré à la doctrine chrétienne. L’islam a perpétué sa propre tradition d’asile en faisant en sorte que les personnes qui fuyaient la persécution puissent trouver refuge dans les enclaves sacrées à l’intérieur de la Mecque, et toute violation de l’immunité des personnes, qui se plaçaient sous la protection de la Mecque, était considérée comme une grave démonstration d’impiété ou comme un sacrilège[32]. En Angleterre, au Moyen-Âge, la loi autorisait les fugitifs à se protéger contre des poursuites judiciaires en trouvant refuge dans une église, à la condition de quitter le sol anglais dans un délai de 40 jours. Ceux qui ne se conformaient pas à cette règle étaient passibles de poursuites. Les fugitifs ont perdu ce droit d’asile en 1623.

Bien que la loi ne consacre plus ce droit, des organisations religieuses ont donné refuge à de nombreux demandeurs d’asile déboutés depuis le début des années 1980. Les personnes qui bénéficient de cette aide se retrouvent dans une impasse, incapables qu’elles sont de quitter l’église qui les abrite de peur de se faire arrêter et renvoyer du Canada.

Le Comité remarque que l’asile est souvent offert aux réfugiés déboutés qui ont épuisé tous les recours juridiques pour demeurer au Canada, à savoir qu’une décision défavorable a été rendue sur la demande d’asile initiale, que les demandes de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire et d’examen des risques avant renvoi ont été rejetées, et que l’autorisation pour obtenir un contrôle judiciaire de la décision initiale a aussi été refusée.

La décision de donner asile est généralement respectée par la police canadienne. Un cas d’exception récent, toutefois, montre que les autorités sont disposées à investir les lieux de culte. En mars 2004, des policiers sont entrés dans l’église Saint-Pierre de Québec et ont arrêté Mohamed Cherfi, Algérien dont la demande d’asile avait été refusée et qui militait activement pour les droits des Algériens sans statut. La police l’a arrêté et détenu pour violation présumée des conditions de l’ordonnance de cautionnement rendue à la suite de sa participation à une manifestation. M. Cherfi a été expulsé aux États-Unis, où il a fini par recevoir le statut de réfugié.

L’arrestation de M. Cherfi a déclenché un débat public sur le bien-fondé de l’asile offert par les églises. En 2004, la ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration à l’époque, l’honorable Judy Sgro, a indiqué que les églises ne devraient pas servir de refuge aux demandeurs d’asile déboutés[33].

À la fin de 2004, la ministre Sgro a toutefois rencontré une délégation de dirigeants ecclésiastiques et a par la suite autorisé un demandeur d’asile qui avait successivement trouvé refuge dans des églises d’Ottawa et de Montréal à quitter son abri et à présenter une demande pour obtenir le statut d’immigrant reçu sans crainte d’être renvoyé. Voici en quels termes l’une des témoins entendue par le Comité a décrit les résultats de la rencontre avec l’ex-ministre Sgro :

Aucun dirigeant ecclésiastique ne dit à sa congrégation d'offrir le refuge à quelqu'un. Aucun dirigeant ecclésiastique ne peut nous faire arrêter. Je mentionne cela parce que j'ai fait partie d'une délégation de dirigeants ecclésiastiques qui a rencontré l'ex-ministre de l'Immigration, Judy Sgro. Il s'agissait de dirigeants dont la congrégation avait offert un refuge, et la ministre était dérangée par le nombre croissant d'églises qui offraient le refuge. À l'occasion de cette rencontre, elle leur a demandé de dire à leur congrégation d'arrêter, et elle leur a offert des voies secrètes leur permettant de résoudre leurs difficultés. La ministre a dit que les dirigeants ecclésiastiques pourraient la rencontrer en privé une fois par année et lui soumettre 20 cas sur lesquels on se pencherait en coulisse, sans trop faire de bruit. Les dirigeants ont refusé cette option — ce qui est tout à leur honneur, d'ailleurs — pour la simple raison qu'ils ne voulaient pas d'un processus privé qui n'était pas offert à d'autres groupes religieux, qui n'était pas offert à d'autres groupes de revendication.

Deuxièmement, fait plus important encore, ils ont reconnu que personne n'avait demandé à ces congrégations de faire cela, et qu'on ne peut les faire arrêter, car c'est une question de conscience[34].

Les témoins représentant les groupes confessionnels et les organisations religieuses qui donnent refuge aux demandeurs d’asile déboutés voyaient leur geste comme une manifestation de foi :

La décision d’offrir un refuge naît d’un appel à la conscience. Une personne — une mère, un père, une personne seule — frappe à la porte de l’église et demande de l’aide. Le ministre du culte, le prêtre, ou un membre de la congrégation, parfois même une secrétaire, se retrouve alors en face d’un autre être humain, désespéré, et ces chrétiens se voient forcés d’agir en toute bonne conscience et d’ouvrir la porte à ce réfugié[35].

Les organisations religieuses ont insisté sur le fait que toute décision d’offrir l’asile est toujours mûrement réfléchie et longuement débattue, étant donné qu’elle suppose souvent un engagement à long terme à l’endroit du demandeur d’asile débouté. Bien des organisations se sont dotées d’une politique en matière d’asile afin d’éviter que celui-ci ne soit accordé à la légère. Un témoin a qualifié la politique de son église de « prudente » et précisé que celle-ci voyait le refuge « comme un dernier recours[36]» Une autre témoin a dit au Comité que son église s’efforçait de protéger sa crédibilité et de n’accorder l’asile qu’à ceux qui en ont le plus besoin :

Nous avons refusé davantage de demandes que nous n'en ayons jamais accepté. Cela va peut-être vous surprendre, mais ce n'est pas quelque chose que nous voulons faire. Il s'agit plutôt quelque chose que nous devons faire […]. Nous essayons toujours d'éviter de recourir au refuge, lorsque cela est possible, car c'est une démarche épuisante, sur le plan physique et affectif; c'est coûteux, c'est pénible et, au bout du compte, c'est tout simplement ennuyeux. Mais lorsque nous prenons un engagement envers un réfugié, nous respectons cet engagement. Nous agissons avec fermeté et persistance à l'égard de ce que nous croyons être la vérité[37].

Certains témoins considéraient l’octroi d’un refuge comme une forme de désobéissance civile rendue nécessaire par les failles existant dans le système canadien de détermination du statut de réfugié et, tout particulièrement, par la décision du gouvernement de ne pas mettre sur pied la Section d’appel des réfugiés, qui aurait offert un recours en cas de décision négative. On a aussi fait valoir que les groupes confessionnels et les organisations religieuses sont plus nombreux à vouloir donner l’asile à ces gens parce qu’à leur avis, le système actuel, avec son tribunal formé d’un seul commissaire, est injuste. Des groupes confessionnels ont fourni des données montrant que la décision du gouvernement a fait augmenter la fréquence des cas. À titre d’exemple, les représentants d’un groupe ont dit au Comité avoir donné refuge 14 fois depuis 1983, dont six depuis l’entrée en vigueur de la Loi.

Il reste toutefois à déterminer dans quelle mesure la seule mise sur pied de la Section d’appel satisferait les groupes qui donnent refuge aux demandeurs d’asile déboutés. Un témoin a fait observer que, si la Section d’appel voyait le jour, « beaucoup moins de demandes de refuge seraient adressées à notre église », mais aucun des témoins n’a dit que la mise en place de la Section d’appel mettrait fin aux offres de refuge.

Après mûre réflexion, le Comité reconnaît que l’octroi d’un refuge dans un lieu de culte est une réaction compréhensible de la collectivité aux failles du système canadien d’immigration et de détermination du statut de réfugié, en particulier à la décision du gouvernement de ne pas mettre sur pied la Section d’appel des réfugiés.

Le Comité recommande :

§        Que CIC, l’Agence des services frontaliers du Canada et les services d’application de la loi respectent le droit des groupes confessionnels et des autres organisations religieuses de donner refuge aux personnes qui, à leur avis, ont besoin d’être protégées, mais que la reconnaissance officielle des refuges soit décidée au cas par cas et assujettie à des limites raisonnables.

§        Que CIC, l’Agence des services frontaliers du Canada et les services d’application de la loi se donnent les moyens d’entretenir une communication ouverte et transparente avec les organisations religieuses concernées et cherchent à négocier un règlement avec elles ou avec les demandeurs d’asile déboutés auxquels celles-ci offrent l’asile.

§        Que dans les cas d’octroi d’un refuge, les fonctionnaires observent une stricte politique de non-ingérence à l’endroit des enfants des demandeurs d’asile qui peuvent être pénalisés par la décision de leurs parents de chercher refuge dans un lieu de culte et respectent notamment le droit des enfants de fréquenter l’école (c’est-à-dire d’y aller et d’en revenir) sans craindre qu’eux ou des membres de leur famille soient arrêtés ou mis en détention.

§        Qu’en cas d’urgences médicales, les personnes réfugiées dans un lieu de culte et les membres de leurs familles puissent recevoir les soins médicaux que requiert leur état sans crainte d’être arrêtés ou mis en détention.

LES RESSORTISSANTS DE PAYS VISÉS PAR UN MORATOIRE SUR LES RENVOIS

Aux termes de l’article 230 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés[38], le ministre de la Sécurité publique peut imposer un sursis à une mesure de renvoi vers un pays si la situation qui y règne expose la population civile à un risque généralisé qui découle soit d’un conflit armé, soit d’un désastre environnemental, soit d’une circonstance temporaire et généralisée. À l’heure actuelle, le Canada applique cette mesure aux ressortissants de huit pays : l’Afghanistan, le Burundi, la République démocratique du Congo, Haïti, l’Irak, le Libéria, le Rwanda et le Zimbabwe. Les sursis aux renvois sont aussi appelés moratoires sur les renvois.

Si un ressortissant d’un pays visé par un moratoire fait une demande d’asile au Canada et si la Commission lui accorde l’asile, alors tout va pour le mieux. Si sa demande est refusée, par contre, il se retrouve dans une situation précaire. Le moratoire met le ressortissant à l’abri d’un renvoi pendant sa durée d’application,[39] mais ne constitue en rien une voie de recours pour obtenir la résidence permanente au Canada. Le sursis accordé est censé être temporaire, mais son application peut durer des années si la situation dans les pays visés par un moratoire ne s’améliore pas.

Il existe d’autres mécanismes auxquels les demandeurs déboutés peuvent avoir recours pour devenir résidents permanents. S’ils sont mariés ou vivent en union de fait avec un citoyen canadien ou un résident permanent, ils peuvent présenter une demande de résidence permanente en vertu de la politique de CIC concernant les époux au Canada[40]. Les demandeurs déboutés qui viennent de pays visés par un moratoire peuvent aussi faire une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire. Selon la politique de CIC sur les motifs d’ordre humanitaire, une décision favorable peut être justifiée si les demandeurs sont établis au Canada depuis un certain temps parce que des circonstances échappant à leur contrôle les empêchent de partir[41].

Les fonctionnaires de CIC qui ont témoigné devant le Comité en décembre 2006 ont indiqué que la grande majorité des ressortissants de pays visés par un moratoire qui font une demande d’asile au Canada se voient accorder le statut de réfugié. D’après les statistiques fournies par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, leur nombre s’élève à plus de 15 000, le taux d’acceptation étant de presque 80 p. 100. Les fonctionnaires ont précisé que, dans le cas des personnes qui ne sont pas considérées comme des réfugiés, le taux d’acceptation pour des motifs d’ordre humanitaire est élevé, lui aussi.[42] Ils ont indiqué enfin que, même si les ressortissants de pays visés par un moratoire se voient refuser les motifs d’ordre humanitaire, ils ont droit, pendant leur séjour au Canada, aux mêmes avantages que les travailleurs étrangers temporaires sur le plan social et en matière d’emploi, peuvent fréquenter l’école et bénéficient du Programme fédéral de santé intérimaire.

En ce qui a trait aux taux d’acceptation, CIC a indiqué qu’environ 90 p. 100 des demandeurs d’asile originaires de pays visés par un moratoire finissent par obtenir leur statut de résident permanent[43]. Le Comité remarque que le taux d’acceptation de 90 p. 100 est, selon CIC, un chiffre global qui tient compte à la fois des décisions rendues concernant les demandes d’asile, de la politique d’intérêt public concernant les époux au Canada et du processus relatif aux considérations d’ordre humanitaire.

D’autres témoins, et tout particulièrement le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR), ont dit se préoccuper du fait que les motifs d’ordre humanitaire représentent la principale voie à suivre pour les demandeurs d’asile déboutés originaires de pays visés par un moratoire qui souhaitent devenir des résidents permanents du Canada. Le CCR affirme ceci dans son rapport du 6 septembre 2006 intitulé Des vies en suspens :

Et effectivement, la filière des CH [considérations humanitaires] a été la solution pour un grand nombre de ressortissants de pays visés par un moratoire. Toutefois, comme il est souligné dans le rapport du CCR de 2005 intitulé Des vies en suspens, « Le mécanisme des demandes pour des raisons d’ordre humanitaire n’est pas une solution. Plusieurs ressortissants de pays visés par le moratoire se retrouvent sans résidence permanente et cette approche est lourde pour le gouvernement et exige beaucoup de ressources puisque chaque cas doit faire l’objet d’une étude particulière et complexe[44]. »

Le CCR fait aussi mention dans son rapport des anomalies du processus décisionnel touchant les motifs d’ordre humanitaire en signalant que, même si 85 p. 100 des demandes sont acceptées pour les ressortissants de pays visés par un moratoire, les 15 p. 100 de demandeurs déboutés sont victimes d’un mécanisme discrétionnaire intrinsèquement incohérent[45]. Comme l’ont indiqué les représentants du CCR dans leur témoignage devant le Comité en octobre 2006 :

On constate des décisions différentes pour des cas similaires. Cette inconstance est inévitable puisqu’il s’agit d’un processus au cours duquel chaque agent tire ses propres conclusions pour déterminer si les raisons d’ordre humanitaire sont valables[46].

Le CCR a signalé que, même si les ressortissants de pays visés par un moratoire obtiennent l’autorisation d’étudier et de travailler au Canada et bénéficient du Programme fédéral de santé intérimaire, ils continuent de se heurter à une foule de complications lorsqu’ils n’arrivent pas à obtenir la résidence permanente. Selon le CCR, ils éprouvent souvent les difficultés suivantes :

Pour ce qui est du travail, ces personnes peuvent obtenir un permis qui est renouvelable chaque année ou à tous les six mois. Elles ont un numéro d’assurance sociale qui débute par le chiffre 9. Les employeurs savent ainsi qu’elles n’ont pas le statut de résident permanent au Canada, ce qui ne les incite pas à leur confier un poste très spécialisé, à leur faire suivre une formation ou à investir dans leur perfectionnement. La plupart des gens se retrouvant dans une telle situation sont obligés de se tourner vers les emplois au salaire minimum. Quant au développement personnel ou aux études, l’éducation primaire et secondaire ne pose pas de problème, mais après cela, ces personnes sont considérées comme des étudiants étrangers et doivent payer des droits de scolarité en conséquence, ce que la plupart des familles n’ont bien évidemment pas les moyens de faire. Au chapitre de la santé, les gens des pays assujettis aux moratoires ont accès au programme provisoire de santé du gouvernement fédéral, qui s’applique uniquement aux services d’urgence. C’est suffisant dans la plupart des cas, mais si vous avez un problème de santé plus grave ou plus chronique, ça ne va plus du tout. Comme on parle d’un programme fédéral provisoire, il va de soi que l’aide est offerte pendant une brève période, mais les choses se compliquent lorsqu’une personne doit avoir recours à ce programme pendant plusieurs années[47].

Une autre difficulté mise en évidence par les représentants du CCR et de la Conférence des évêques catholiques du Canada est le fait que les ressortissants déboutés de pays visés par un moratoire sont souvent séparés de leur famille sur une longue période. Comme ils ne sont pas des résidents permanents, ils ne peuvent parrainer leur conjoint, leurs enfants et d’autres membres de la famille qui vivent dans leur pays d’origine. Ils ressentent donc à la fois la détresse causée par l’éloignement des êtres chers et l’angoisse quant au sort de leur famille dans un pays où la guerre civile fait rage.

Des témoins ont fait savoir qu’on pourrait remédier à la situation de ces personnes en établissant une nouvelle catégorie d’immigrants ou un programme de régularisation permettant d’accepter les demandes de résidence permanente après un certain temps. Le programme ne reposerait pas sur le bon jugement de fonctionnaires de l’immigration, contrairement à ce qui se produit pour les motifs d’ordre humanitaire. Les demandeurs se verraient accorder la résidence permanente s’ils répondent à des exigences précises, qui incluraient probablement un examen médical et un contrôle de sécurité.

Par le passé, CIC a mis sur pied des programmes de régularisation, tout spécialement la catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée. Ces immigrants pouvaient demander la résidence permanente si leur demande d’asile avait été refusée au moins trois ans auparavant et s’ils n’avaient pas encore été renvoyés du Canada.

Plus de 5 000 personnes ont ainsi obtenu la résidence permanente avant que le programme soit aboli[48]. Les responsables du programme tenaient compte du fait que le demandeur avait travaillé pendant au moins six mois. De plus, les demandeurs n’étaient pas admissibles au programme s’ils avaient commis un crime, étaient considérés comme un « risque pour la sécurité », avaient éludé des mesures d’expulsion et d’immigration, avaient bénéficié de l’aide sociale ou avaient des problèmes médicaux graves qui exigeraient trop des services de santé.

Le Comité recommande :

§        Que le gouvernement prenne un règlement pour créer une nouvelle catégorie d’immigrants, semblable à l’ancienne catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée, de façon à ce que les demandeurs d’asile déboutés originaires de pays visés par un moratoire soient autorisés à faire une demande de résidence permanente s’ils sont au Canada depuis plus de trois ans.

§        Que le programme de régularisation impose des conditions minimales et des critères d’acceptation, notamment des vérifications judiciaires et un contrôle de sécurité.

§        Que CIC rédige et publie des lignes directrices claires sur les critères d’acceptation pour cette nouvelle catégorie d’immigrants afin que les intéressés puissent, avant de présenter leur demande, évaluer s’ils sont ont des chances ou non de satisfaire aux exigences de la catégorie.

§        Que CIC assouplisse les restrictions relatives à l’emploi, aux soins de santé et à l’éducation en ce qui concerne les ressortissants de pays visés par un moratoire.

PROCESSUS DE NOMINATION ET ARRIÉRÉ DE LA CISR

Au cours de l’étude, le Comité a entendu des témoignages troublants au sujet du nombre insuffisant de commissaires de la CISR disponibles pour le traitement des demandes d’asile. Cette situation a entraîné une augmentation de l’arriéré des demandes d’asile.

La CISR est un tribunal indépendant qui rend compte de ses activités au Parlement par l’intermédiaire du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Elle se compose de trois sections : la Section de l’immigration, la Section d’appel de l’immigration et la Section de la protection des réfugiés. Cette dernière statue sur les demandes d’asile présentées au Canada. Les demandeurs d’asile comparaissent devant un commissaire, qui détermine leur statut de réfugié.

Depuis sa création, la CISR est confronté à une perception tenace selon laquelle le mode de nomination de ses commissaires serait foncièrement politique. En 1995, un Comité consultatif ministériel a été créé afin de participer au choix des commissaires. En 1997, le vérificateur général a indiqué que le processus de sélection préliminaire ne permettait pas de garantir la sélection de candidats qualifiés. Bon nombre de critiques dans le domaine ont fait observer que, malgré la création du Comité consultatif ministériel, les nominations demeuraient par trop politiques, et des commissaires n’ayant ni compétence ni formation concernant la détermination du statut de réfugié étaient parfois nommés. En mars 2004, le gouvernement a annoncé la modification du processus de nomination de la CISR, afin d’éliminer tout « favoritisme politique », de resserrer les critères de sélection et d’exercer une surveillance parlementaire plus étroite[49]. Le nouveau processus devait être « transparent et indépendant, fondé sur le mérite » et permettre d’évaluer « la qualification des candidats… d’après de nouvelles normes de compétence de manière à certifier qu’ils possèdent les compétences, les habiletés et les qualités personnelles voulues ».

Le processus de sélection actuel comprend une présélection, un examen écrit, une autre présélection effectuée par un comité consultatif, une entrevue réalisée par un jury de sélection et une vérification des références. Le comité consultatif, composé de représentants du milieu juridique, du milieu universitaire et d’organismes non gouvernementaux, ainsi que de spécialistes des ressources humaines, procède à la présélection des candidats. Le jury de sélection, dirigé par le président de la CISR, interroge ensuite les candidats retenus par le comité consultatif. Selon l’évaluation faite par le comité et le jury, le président de la CISR fournit au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration une liste de candidats qualifiés. Le ministre peut alors recommander au gouverneur en conseil la nomination de commissaires.

Depuis qu’un nouveau gouvernement a été porté au pouvoir en 2006, il semble bien que la nomination de nouveaux commissaires et le renouvellement des mandats des commissaires déjà en fonction ont fait l’objet d’un gel virtuel. Aux dires de certains témoins, cette situation a eu pour effet d’augmenter l’arriéré des demandes d’asile et d’allonger les délais d’attente. Le nombre de demandeurs d’asile en attente d’une audience devant la CISR avait pourtant diminué ces dernières années. Comme l’a expliqué Jean‑Guy Fleury, président de la CISR, dans son témoignage devant le Comité en octobre 2006 :

en mars 2003, nous avions un arriéré de 52 000 demandes. Notre plan d’action a eu pour résultat une plus grande cohérence dans le processus décisionnel et dans la gestion des demandes d’asile. Dans l’année qui a suivi la mise en œuvre du plan d’action, nous avons atteint des résultats sans précédent. Nous avons considérablement réduit l’arriéré, qui est passé de 52 000 cas il y a trois ans à environ 20 000 aujourd’hui. Bien entendu, d’autres facteurs ont contribué à cette diminution, notamment la baisse simultanée du nombre de demandes d’asile[50].

Au cours de la même réunion, M. Fleury a indiqué au Comité que, sur les 156 postes de commissaire existants, 40 sont vacants et que c’est l’une des raisons pour lesquelles la CISR n’a pu réduire son arriéré : « si nous avions tous les commissaires dont nous avons besoin, nous pourrions réduire l’arriéré plus rapidement qu’à l’heure actuelle. Nous avons atteint un plateau pour l’instant…[51] » Selon M. Fleury, si de nouveaux commissaires ne sont pas nommés rapidement, l’arriéré devrait augmenter au cours de l’exercice 2006 pour s’établir à environ 24 000 ou 25 000 cas[52].

Certains témoins estiment que si les postes de la CISR ne sont pas tous dotés, c’est parce que le processus de nomination demeure politique malgré les efforts de réforme de 2004. À ce propos, voici ce qu’a dit au Comité une représentante du Conseil canadien pour les réfugiés :

le système se révèle politique si des candidatures sont éliminées parce que ce sont des gens qui ont été nommés par un gouvernement antérieur, et c’est certainement l’impression qu’on a. C’est ainsi qu’on perd beaucoup de membres hautement qualifiés de la Commission, des gens qui pourraient être des mentors et faire progresser le système. Si on perd un grand nombre de gens qualifiés et qu’on les remplace par des gens nouveaux, les nouveaux peuvent être excellents, mais il leur faudra au moins six mois pour atteindre la bonne cadence, alors il y a beaucoup de gaspillage, et s’ils n’ont pas l’encadrement de membres chevronnés, ils pourraient mettre plus de temps à y parvenir. Alors, nous nous inquiétons de la réticence apparente du gouvernement conservateur à renouveler le mandat de membres compétents et qualifiés actuels[53].

D’autres témoins ont par ailleurs souligné que les difficultés relatives au processus de nomination ont commencé à se manifester avant la transition qui a suivi le changement de gouvernement en 2006. Voici ce qu’a dit à ce sujet Nick Summers, ancien membre du Comité consultatif de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié :

Nos inquiétudes en ce qui a trait au système remontent à l'été 2006. En fait, cela remonte même encore plus loin, car nous étions inquiets du fait que le ministre libéral de l'époque, M. Volpe, nommait très peu de gens à la CISR. Il était clair que nous ne lui donnions pas le nom des personnes qu'il voulait voir nommer. C'était là notre première inquiétude.

Lorsque les conservateurs ont été élus, nous avons été encouragés par les observations selon lesquelles il y aurait un système de nomination ouvert et transparent pour toutes les commissions, et nous pensions que nous commencerions peut-être à voir certaines nominations, dont la CISR avait désespérément besoin. Cela ne s'est cependant pas matérialisé sous le ministre Solberg, et en fait ce que nous avons commencé à constater au cours de l'été 2006 c'est que non seulement il n'y avait pas de nouvelles nominations, mais il n'y avait pas de renouvellement de mandat non plus pour ceux dont la reconduction du mandat avait été recommandée. Il semblerait que c'était tout simplement parce qu'ils avaient été nommés alors que les libéraux étaient au pouvoir[54].

Lorsqu’il a comparu devant le Comité en octobre 2006, M. Fleury lui-même s’est dit d’avis que le pouvoir de recommander au gouverneur en conseil le renouvellement de la nomination des commissaires de la CISR devrait être confié non pas au ministre, mais au président de la CISR :

Contrairement à d’autres tribunaux provinciaux, je n’ai pas le pouvoir de renouveler les nominations. Les gens se tournent donc vers la classe politique… pour obtenir l’appui dont ils ont besoin pour faire renouveler leur nomination.

Je crois qu’on a tort de procéder de cette façon. Ces gens prennent tous les jours des décisions indépendantes sur des questions d’immigration et de statut de réfugié. Cependant, ils ont l’impression que, pour faire renouveler leur nomination, ils doivent s’en remettre à la classe politique… pour avoir du soutien. J’espère qu’on mettra fin à cette pratique.

Je crois que le renouvellement des nominations devrait relever du président. Je n’ai aucune objection à ce que le gouvernement procède aux nominations à l’origine, mais les commissaires devraient par la suite être évalués. Ce processus de renouvellement des nominations est incertain. Je ne peux planifier, et puis il y a toute la question de la partisanerie politique[55].

En novembre 2006, l’ex-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, l’honorable Monte Solberg, a affirmé dans son témoignage au Comité que le problème des nominations allait être réglé sous peu grâce à une campagne de recrutement énergique, prévoyant la publication d’annonces dans les quotidiens du pays. Dans le cadre de cette campagne, 350 demandes d’emploi ont été reçues, dont le traitement nécessitera environ quatre mois. Se fondant sur cette vague de demandes, le ministre estimait que la CISR serait bientôt dotée d’un effectif complet[56].

En 2007, les préoccupations au sujet du processus de nomination à la CISR n’avaient pas toutes été dissipées. En avril 2007, Stephen Green, un représentant de l’Association du Barreau canadien, a indiqué que le manque de commissaires exerçait des pressions sur le système, et avait des répercussions sur la sécurité nationale du Canada :

Bien franchement, il y a une crise à l’heure actuelle. Quand le gouvernement a pris le pouvoir, cinq postes étaient vacants; il y a en a maintenant plus de 50 à combler.

Les Canadiens devraient être préoccupés par ce système de nomination, et ils le sont. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés définit clairement ses objectifs, dont l’un est la réunification des familles. Le problème, c’est que les gens qui témoignent devant cette Commission pour tenter de faire accepter au Canada des membres de leur famille qui ont été refusés attendent jusqu’à trois ans parce qu’il manque de commissaires pour les entendre. Les Canadiens et les résidents permanents sont séparés de leur époux ou épouse, conjoint ou conjointe et parent parce qu’il n’y a personne pour entendre leur cause. Il y a actuellement huit requêtes portant sur cette question particulière déposées à la Cour fédérale : « Je suis Canadien. J’ai mon statut de résident permanent. On a refusé d’accorder un visa à mon épouse. Il n’y a personne pour entendre ma demande. Aidez-moi. » C’est ce qui se produit en ce moment.

Au plan de la sécurité, il n’y a personne pour entendre les demandes de particuliers qui devraient ou non être renvoyés du Canada. Il manque de commissaires, et nous avons des gens qui ont peut-être été condamnés et qui ont parfaitement le droit dans certaines circonstances de comparaître devant la Commission et de se défendre pour pouvoir rester — ou le ministre fait valoir le contraire —, mais il n’y a personne pour les entendre en raison de la pénurie[57].

Le Conseil canadien pour les réfugiés a décrit en ces termes l’impact du manque de commissaires sur ceux qui sont en attente d’une décision :

Nous voulons souligner les effets dévastateurs de l’incapacité du gouvernement à nommer des commissaires pour les réfugiés et les personnes en attente d’un appel dans les cas de parrainage par la famille. Les revendicateurs doivent attendre de plus en plus longtemps pour une audience parce qu’il n’y a tout simplement pas assez de commissaires pour tenir ces audiences. C’est une situation très pénible pour les réfugiés qui doivent vivre une anxiété incessante en attendant de savoir si le Canada va les protéger. Cette attente est d’autant plus atroce pour les réfugiés qui sont séparés des membres de leur famille immédiate.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Un Irakien qui fuyait la persécution dans son pays est arrivé au Canada il y a 10 mois. Il attend toujours de connaître la date de son audience pour la revendication du statut de réfugié. Son épouse est demeurée avec leur bébé au centre-ville de Bagdad où chacun risque sa vie sans cesse. Si la CISR pouvait compter sur un effectif complet, cet homme aurait probablement déjà eu droit à son audience. Dans la situation actuelle, nul ne sait quand cela se produira ni quand, si sa requête est accueillie, il pourra amorcer les procédures pour faire venir son épouse et sa fille au Canada[58].

La publication en janvier 2007 d’un rapport de la Commission des nominations publiques (CNP) intitulé le Processus de nomination par le gouverneur en conseil — Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada[59] a également mis en relief la question des nominations à la CISR. Ce rapport a été préparé pour le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration conformément à la Loi fédérale sur la responsabilité.

Il examine certaines des lacunes que semble comporter le processus de nomination actuel, comme le fait que l’examen utilisé pour juger des compétences des candidats ne comporte pas de note de passage, et que certains candidats soient recommandés au jury de sélection malgré de faibles résultats à l’examen. Le rapport de la CNP fait état d’un certain nombre d’autres questions : le rythme des campagnes de recrutement; des options de recrutement ciblées; le maintien de la pratique selon laquelle le gouverneur en conseil doit fournir trois noms pour chaque poste vacant; l’information continue des candidats éventuels à des nominations ou à des renouvellements de mandats; des mandats initiaux de trois ans; et des renouvellements de mandats pour une période de cinq ans, puis de deux ans.

Cependant, la recommandation 5, qui prend position en faveur d’un retour aux nominations politiques au comité de sélection des candidats, est l’élément du rapport de la CNP qui a soulevé le plus de controverse. La CNP préconise en fait de regrouper le comité consultatif et le jury de sélection, et formule ensuite la recommandation suivante :

Il y aurait lieu d’appliquer la prérogative ministérielle comme il était prévu au moment de la mise en place du processus de sélection des commissaires de la CISR en 2004 : que le Comité consultatif actuel soit conservé ou qu’un nouveau comité soit constitué (par le regroupement du Comité consultatif et du Jury de sélection du président), le ministre et le président de la CISR devraient nommer chacun la moitié des membres externes. Le président de la CISR devrait présider soit le Comité consultatif ou le nouveau comité.[60]

Après la publication du rapport de la CNP, cinq membres du comité consultatif ont démissionné en guise de protestation[61]. L’un d’eux, Nick Summers, a comparu devant le Comité. M. Summers a expliqué en ces termes la raison de sa démission :

Le processus de sélection que nous avions en place fonctionnait extrêmement bien. Nous avions de très bons candidats, nous transmettions la candidature de gens qui étaient excellents. Le problème n’était pas notre processus de sélection, c’était que le bureau du ministre ne nommait pas de gens.

Nous ne comprenions pas non plus pourquoi il aurait fallu nommer des représentants du ministre au comité de sélection, sauf pour rendre le processus plus partisan. Depuis que nous avions été nommés au comité, avec l’intention ferme qu’il n’y aurait pas de partisanerie dans le processus de sélection, nous étions d’avis que toute tentative pour rendre le processus partisan serait contraire aux conditions dans lesquelles nous avions accepté d’en faire partie, et nous ne pouvions pas accepter cela[62]. Lors de sa comparution devant le Comité, M. Summers a répondu à certaines des critiques du rapport de la CNP et dit que l’examen ne servait pas à sélectionner définitivement les candidats :

Nous avons pu constater qu’il y avait des candidats extrêmement bien qualifiés, selon leur curriculum vitae, qui n’ont pas bien réussi à l’épreuve. En toute équité à leur égard, nous estimions avoir l’obligation de vérifier si l’épreuve témoignait avec justesse de leurs compétences. Puis dans un petit nombre de cas, après y avoir réfléchi et en avoir discuté, nous avons décidé que certains candidats devaient être interviewés.[63]

D’autres témoins entendus par le Comité se sont aussi dits préoccupés par les recommandations du rapport de la CNP. Joseph Allen, de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI), a indiqué que les questions de politiques n’avaient pas leur place dans le processus de nomination :

Les recommandations du rapport qui préconisent la nomination des membres du comité consultatif externe par le ministre s’expliquent partiellement, selon moi, par une adhésion au principe voulant qu’il soit légitime et approprié que les candidats retenus soient au diapason des politiques gouvernementales.

Je dois très respectueusement exprimer mon désaccord à ce sujet. Le mandat et les fonctions des commissaires de la CISR consistent uniquement à entendre les parties en cause et les faits présentés en preuve et à rendre une décision conforme au droit, aux principes de justice naturelle, à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Les politiques gouvernementales ne peuvent pas, et ne devraient jamais, être prises en compte dans ce processus décisionnel[64].

Puis, en avril 2007, le Comité a de nouveau entendu Jean-Guy Fleury, qui a démissionné de son poste de président de la CISR le 16 mars 2007[65]. M. Fleury a expliqué que son départ n’était pas attribuable à des pressions politiques, mais qu’il avait plutôt été rendu nécessaire par la transition à un nouveau gouvernement :

Ni le gouvernement, ni le BPM, ni le greffier, ni le BCP, personne n'a exercé de pression sur moi… J'ai décidé que c'était la meilleure chose à faire pour la commission parce que nous n'arrivions pas à obtenir un nombre suffisant de nominations, quel que soit le système utilisé; la Commission était pénalisée et elle avait besoin d'un nouveau président; le gouvernement avait besoin de nommer un nouveau président[66].

M. Fleury a refusé de se prononcer sur la question de savoir si la CISR était ou non en crise, mais il a dit que « la dernière année avait été extrêmement difficile pour ce qui est des nominations et du renouvellement des nominations » et que, cette année-là, la CISR avait perdu environ « 300 ans d'expérience[67] ». M. Fleury a expliqué qu’il était normal qu’il y ait des postes vacants à la CISR après une élection. Cependant, lorsque le Comité lui a demandé si la période de transition avait été normale ou extraordinaire, il a fait observer qu’il s’agissait d’une « transition difficile[68] ». Il a aussi dit au Comité qu’il fallait intervenir le moins possible dans le processus de renouvellement des nominations :

Si je pouvais utiliser mes propres termes, je dirais que je respecte le fait que le gouvernement peut décider qui il veut nommer, et qu'il peut choisir le genre de processus de sélection qu'il souhaite. Je suis arrivé à la commission et j’ai constaté que si l'on voulait professionnaliser l'institution, il fallait séparer l'étape de la sélection de celle de la nomination. J'estime que lorsqu'on mélange les deux, on politise le processus de sélection, qu'on le veuille ou non.

Je pense que pour les tribunaux administratifs — cela ne vaut pas pour toutes les personnes nommées par le gouverneur en conseil mais pour les tribunaux administratifs,— en particulier pour le nôtre et le travail qu'il fait, il faut séparer les deux[69].

Lorsque le Comité lui a demandé ce qu’il pensait de la recommandation du rapport de la CNP de permettre au ministre de nommer la moitié des membres du jury de sélection, il a répondu : « Ce n'est certainement pas la direction que j'aurais choisie[70] » .

L’ancien président de la CISR a aussi affirmé dans son témoignage devant le Comité que l’arriéré des demandes d’asile à traiter s’accumule au rythme de 1 000 demandes de plus par mois en raison des postes vacants à la CISR[71].

Le Comité croit que la crise actuelle à la CISR est très grave et exige des mesures immédiates.

Par conséquent, le Comité recommande :

§        Que le gouvernement du Canada accélère le renouvellement des nominations des commissaires actuellement en fonction, afin de réduire l’arriéré des demandes d’asile, des demandes de conjoints et des appels interjetés à l’égard de mesures de renvoi, et que ce renouvellement se fonde sur une évaluation des compétences de base.

§        Que le gouvernement du Canada nomme sans délai de nouveaux commissaires à la CISR en se servant du processus de sélection et des critères élaborés en 2004.

§        Que le gouvernement rejette la recommandation 5 du rapport de la CNP.

§        Que le pouvoir du ministre de recommander le renouvellement des nominations soit transféré au président de la CISR, qui se fondera sur une évaluation impartiale des compétences de base des commissaires pour recommander le renouvellement.

ENTENTE SUR LES TIERS PAYS SÛRS

En vertu de la Loi, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration peut désigner des pays où les demandeurs d’asile peuvent être renvoyés pour présenter leur demande[72]. Cette disposition permet au Canada de négocier une entente sur les pays sûrs avec d’autres pays. Les demandeurs qui sont ressortissants de ces pays et qui entrent au Canada peuvent se voir refuser l’accès au système canadien de détermination du statut de réfugié.

La politique concernant les tiers pays sûrs repose sur le principe que les demandeurs d’asile de certains pays ont accès à un système de détermination du statut de réfugié qui s’apparente à celui du Canada sur le plan qualitatif. Si les demandeurs sont déboutés dans ces pays, ils le seront probablement au Canada. On veut ainsi alléger le traitement des demandes d’asile en empêchant la présentation d’un grand nombre de demandes qui feraient nécessairement double emploi avec celles qui sont soumises au processus de détermination du statut de réfugié. On veut aussi dissuader les réfugiés de chercher asile dans divers pays d’accueil jusqu’à ce qu’ils en trouvent un qui leur offrira protection. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a déclaré que, si elles sont étayées de mesures de protection adéquates, les ententes peuvent rehausser la protection internationale des réfugiés grâce au traitement ordonné des demandes d’asile.

Le Canada et les États-Unis ont signé l’Entente sur les tiers pays sûrs (l’Entente) en 2002, après les attentats du 11 septembre, mais les négociations à ce sujet avaient débuté avant. Cette entente est en vigueur depuis décembre 2004. Sitôt en vigueur, elle a eu des répercussions : pour la période allant du 29 décembre 2004 au 30 mars 2005, le nombre de demandes d’asile a chuté de 40 p. 100 aux points d’entrée frontaliers.[73] En 2005, le Canada a reçu 4 033 demandes à la frontière canado-américaine, soit 55 p. 100 de moins qu’en 2004[74]. Jusqu’ici, les États-Unis sont le seul pays désigné par le Canada comme « tiers pays sûr ».

Aux termes de l’Entente, les demandeurs d’asile qui se présentent à des points d’entrée à la frontière canado-américaine ne peuvent se prévaloir du processus de détermination du statut de réfugié au Canada à moins de convaincre l’agent des services frontaliers, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils sont visés par l’une des larges exceptions prévues par règlement. Quiconque se présente à un poste frontalier terrestre peut présenter une demande d’asile au Canada dans les cas suivants :

§        Il a un membre de la famille au Canada qui est citoyen canadien ou résident permanent; qui est accepté à titre de personne protégée; qui fait l’objet d’une mesure de renvoi à laquelle on a sursis pour motifs d’ordre humanitaire; qui est âgé d’au moins 18 ans, qui a présenté une demande d’asile et qui attend une audience de la CISR; qui est titulaire d’un permis de travail ou d’études valide.

§        Il est un mineur non accompagné.

§        Il est titulaire d’un visa pour entrer au Canada (autre qu’un visa de transit) ou est une personne qui peut être admise au Canada sans avoir obtenu un visa, mais qui doit obtenir un visa pour se rendre aux États-Unis.

§        Il a été accusé ou condamné pour un acte criminel punissable par la peine de mort aux États-Unis ou dans un tiers pays.

§        Il est un ressortissant d’un pays visé par un moratoire ou une personne qui n’a pas de pays de nationalité et qui réside habituellement dans un pays visé par un tel moratoire.

Ces exceptions s’appliquent à de nombreux demandeurs. Parmi les 4 041 personnes ayant demandé le statut de réfugié dans un poste frontalier terrestre du Canada entre le 29 décembre 2004 et le 28 décembre 2005, plus de 3 000 ont présenté une demande jugée recevable[75].

Des représentants de CIC ont fait valoir que la baisse du nombre de demandeurs d’asile n’était pas nécessairement attribuable à l’Entente sur les tiers pays sûrs, soulignant la tendance générale des mouvements de réfugiés :

Certains témoins ont attribué la diminution du nombre de demandes d’asile au Canada à l’Entente sur les tiers pays sûrs. Il est important de préciser que le nombre de revendications du statut de réfugié dans les pays industrialisés a diminué d’environ 50 p. 100 depuis 2001. Cette diminution au Canada est conforme à la tendance décelée à l’échelle internationale[76].

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés surveille l’application de l’Entente pour déterminer si le Canada et les États-Unis s’acquittent des obligations que leur impose le droit international. Dans son rapport, il indique que l’Entente est appliquée, de façon générale, conformément au droit international :

le HCR estime que, dans l’ensemble, les parties se sont, de façon générale, conformées aux modalités de l’Entente et, en ce qui concerne ces modalités, au droit international des réfugiés. On donne généralement aux personnes qui demandent la protection une occasion adéquate de présenter une demande d’asile aux points d’entrée, et les décisions relatives à la recevabilité prises en vertu de l’Entente étaient généralement correctes[77]

Bien que le Haut Commissariat ait approuvé les modalités globales de l’Entente, il a relevé certains points qui pourraient être améliorés. Il se préoccupe tout particulièrement du recours soutenu à la « politique de retour temporaire » lorsque les agents aux points d’entrée ne sont pas en mesure de traiter les demandes d’asile. Une entrevue est fixée et le demandeur est renvoyé aux États-Unis en attendant d’être convoqué par les autorités canadiennes. Le Haut Commissariat a recommandé de mettre fin à cette politique afin que des personnes pouvant présenter une demande d’asile recevable au Canada ne soient pas renvoyées dans leur pays d’origine avant d’avoir eu accès au système canadien de détermination du statut de réfugié. Le Comité prend acte que le gouvernement du Canada s’est engagé à éliminer progressivement le recours à cette politique et que, depuis le 31 août 2006, elle n’est appliquée que dans des circonstances exceptionnelles.

Le Haut Commissariat des Nations Unies a décrit brièvement d’autres problématiques de l’entente :

Parmi les autres sujets importants de préoccupation du HCR, notons : 1) le manque de communication entre les deux gouvernements pour les cas problèmes; 2) la pertinence des procédures de réexamen; 3) les retards aux É.‑U. dans les procédures de détermination de la recevabilité aux termes de l’Entente; 4) à certains égards, le manque de formation en ce qui a trait aux techniques d’entrevue; 5) le caractère inadéquat des conditions de détention aux É.-U. auxquelles sont soumis les demandeurs d’asile visés par l’Entente; 6) l’information publique insuffisante et/ou inaccessible en ce qui a trait à l’Entente; et 7) le nombre inadéquat d’employés au Canada pour traiter les demandes d’asile[78].

Globalement, les taux d’acceptation des réfugiés sont comparables au Canada et aux États-Unis. Selon les témoignages entendus par le Comité, pour la période allant de 2001 à 2005, le taux d’acceptation global s’élevait à environ 45 p. 100 aux États-Unis, alors qu’il était d’à peu près 43 p. 100 au Canada pour la même période. Des témoins ont fait part au Comité de préoccupations concernant l’exécution de l’Entente. Ils ont fait valoir que les demandeurs d’asile n’étaient pas tous traités de la même façon et que les taux d’acceptation variaient selon le pays d’origine et la nationalité. Des témoins ont dit au Comité que le Canada accepte plus de 80 p. 100 des demandes d’asile présentées par des ressortissants de la Colombie alors que les États-Unis en acceptent moins de 40 p. 100. Deborah Anker, professeure de droit au Harvard Law School, qui a comparu comme témoin, a donné un exemple de situation où des réfugiés colombiens se verraient refuser le statut de réfugié aux États-Unis :

L'un des exemples les plus frappants de l'application de cette règle est le cas des réfugiés colombiens. Les organisations de guérilla, notamment les FARC en Colombie, enlèvent souvent les gens et extorquent des rançons à leurs parents; c'est ainsi qu'elles se procurent leurs fonds, en kidnappant les gens et en rançonnant les familles. Ces dernières, bien entendu, payent la rançon pour ne pas voir leurs parents tués. Mais si elles payent, la loi américaine estime qu'elles ont fourni un « soutien matériel » à une organisation terroriste. Le niveau de contrainte subi, comme le veut le sens humanitaire fondamental que chacun dans cette salle partage, devrait constituer une dérogation absolue à l'interdiction du soutien matériel au terrorisme. Si vous êtes un enfant et que vous vivez dans une zone de conflit et que vous donnez un verre d'eau à une personne participant à ce conflit, vous aurez soutenu une organisation terroriste. C'est ce que dit la loi américaine aujourd'hui[79].

Mme Anker a aussi dit au Comité que lorsqu’il est question d’un enjeu aussi important que la persécution fondée sur le sexe, « [l]e Canada reconnaît clairement la violence faite aux femmes comme une forme de persécution et la persécution fondée sur le sexe comme motif de protection. Le droit américain est incertain à ce stade[80] ». Le délai d’un an pour présenter une demande d’asile en vertu du système américain de détermination du statut de réfugié a aussi été pointé du doigt comme étant moins généreux que les dispositions en vigueur au Canada :

Même si les gouvernements des États-Unis et du Canada soutiennent qu'ils offrent un généreux régime de protection des réfugiés, plusieurs aspects du régime d'asile américain violent les normes juridiques internationales. Par exemple, aux États-Unis, nous avons un délai d'un an, si bien qu'une personne doit demander l'asile dans un délai d'un an après son arrivée aux États-Unis, faute de quoi elle est déclarée inadmissible. Si elle est inadmissible, elle n'a droit qu'à une forme de protection appelée « sursis d'expulsion », qui oblige le requérant à satisfaire à un fardeau de preuve supérieur[81].

À cause de ces lacunes, Mme Anker est d’avis que le Canada devrait réévaluer son engagement en vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs, étant donné la détérioration des mesures de protection offertes aux réfugiés aux États-Unis depuis son entrée en vigueur. Voici ce qu’elle avait à dire à ce sujet :

Aux termes de l'entente, le Canada doit déterminer si les États-Unis sont un tiers pays sûr pour les demandeurs d'asile. Ce n'est pas le cas pour nombre d'entre eux. Un élément crucial me semble être le fait que les renseignements sur lesquels le Canada a fondé sa décision que les États-Unis sont un pays sûr remontent à 2002. Des développements majeurs sont intervenus aux États-Unis au cours des cinq dernières années et je dirais que la plupart des problèmes actuels de notre régime d'asile ont été causés par ces développements[82].

Enfin, des témoins ont affirmé au Comité que l’Entente met des vies humaines en danger parce que, de plus en plus, les demandeurs d’asile potentiels n’ont d’autre choix que de faire appel à des réseaux de traite de personnes :

Le plus grave, c'est que cette politique met clairement en danger des vies humaines. Des personnes se trouvent en danger dans un climat qui encourage les franchissements de frontières clandestins et met les personnes à la merci des trafiquants et pratiques de contrebande dangereuses. Nous savons que l'ASFC et la GRC affirment ne pas posséder de données à cet égard. Rien d'étonnant à cela. Ce sont des pratiques illégales et il n'existe aucune donnée les confirmant. Mais si vous venez me voir dans mon bureau, vous verrez arriver chaque jour des réfugiés. Ils ont franchi la frontière sans se faire prendre et ils ont parfois payé jusqu'à 10 000 $ pour passer au Canada[83].

À la Conférence des évêques catholiques du Canada, on s’est même demandé si l’Entente contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés :

Premièrement, en concluant avec les États-Unis l’Entente sur les tiers pays sûrs, le Canada laisse à un État étranger le soin de décider du sort de personnes à qui nous refusons le statut de réfugié. Cela nous expose à violer nos obligations internationales en vertu de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, et notamment le principe du non-refoulement.

Le principe du tiers pays sûr permet au Canada de se laver les mains de ces obligations en toute impunité en laissant aux agents américains le soin de livrer, de refouler ou de détenir des gens qui auraient présenté autrement une demande de statut de réfugié valide. Comme il n’y a aucune possibilité d’appel, tout donne à penser que l’Entente sur les tiers pays sûrs viole la Charte des droits et libertés[84].

Le Comité recommande :

§        Que le gouvernement du Canada soumette l’Entente sur les tiers pays sûrs à un examen détaillé et approfondi à tous les deux ans, à la lumière de l’évolution du droit des réfugiés aux États-Unis, afin de déterminer si le système américain continue de satisfaire aux normes acceptables à l’échelle internationale.

§        Que CIC prenne des mesures pour mieux faire connaître les exceptions à l’Entente grâce à son site Web et à la diffusion de renseignements à l’intention des groupes américains de défense des réfugiés.

§        Que CIC prenne immédiatement des mesures pour donner suite aux préoccupations du HCNUR au sujet de l’Entente, énoncées dans le Rapport de surveillance du HCR relatif à l’Entente sur les tiers pays sûrs rendu public un peu plus tôt.

RENVOI ET EXAMEN DES RISQUES AVANT RENVOI

La Loi permet aux demandeurs déboutés qui font l’objet d’une mesure de renvoi de demander au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration un examen des risques avant renvoi. Un agent évalue les risques auxquels seraient exposés les demandeurs d’asile s’ils étaient renvoyés dans leur pays d’origine. Exception faite des personnes visées notamment par une procédure d’extradition ou par l’Entente Canada–États-Unis sur les tiers pays sûrs, presque tous les demandeurs d’asile peuvent se prévaloir de cette mesure. Le taux d’acceptation des demandes d’examen des risques avant renvoi est faible. Selon une témoin, il se situerait entre 1 et 3 p. 100[85]. La responsabilité de l’examen des risques avant renvoi incombe à CIC, mais en bout de ligne, c’est l’Agence des services frontaliers du Canada qui se charge de mettre les renvois à exécution.

L’examen est généralement effectué juste avant le renvoi; la demande d’examen des risques avant renvoi doit être présentée dans les 15 jours suivant l’avis, après quoi l’agent chargé de l’examen doit attendre au moins 30 jours pour décider d’approuver ou de rejeter la demande. Les examens se font pour la plupart sur dossier, mais une audience peut s’imposer si l’agent a des doutes quant à la crédibilité du demandeur.

Les agents chargés des examens sont habilités à déterminer si les demandeurs risquent de subir de la persécution ou de la torture ou encore des traitements cruels et inusités s’ils retournaient dans leur pays d’origine. La norme applicable aux examens est la même que celle que la CISR utilise pour statuer sur les demandes d’asile. Si la CISR a déjà examiné les demandes d’asile, seuls de nouveaux éléments de preuve sont examinés, par exemple une preuve indiquant de nouvelles circonstances dans le pays d’origine.

Les personnes jugées en danger peuvent demander la résidence permanente. Dans le cas des personnes visées par une interdiction de territoire pour des raisons de sécurité, de grande criminalité, de criminalité organisée ou d’atteinte aux droits humains ou internationaux, une décision favorable à l’issue de l’examen entraînera le sursis temporaire de la mesure de renvoi. Les demandeurs faisant l’objet d’une décision défavorable doivent quitter le Canada.

Au cours de l’étude, un certain nombre de témoins ont parlé du processus d’examen des risques avant renvoi. Ils se préoccupaient en particulier du niveau de formation des agents chargés des examens et des limites du processus d’examen en tant que filet de sécurité pouvant pallier les lacunes du système. D’autres témoins ont mentionné que de pareils examens ne seraient peut-être plus nécessaires si le système permettait de mieux traiter les demandes d’asile.

En ce qui concerne la formation, le Comité a entendu des témoignages selon lesquels les agents chargés des examens ne reçoivent pas assez de formation pour déterminer si les demandeurs ont besoin de protection. Des représentants de CIC ont expliqué les limites de la formation que devaient recevoir les agents chargés des examens :

Pour ce qui est des compétences et de la formation des agents d’ERAR, ils suivent une période de formation de deux semaines au cours de laquelle ils ont une formation sur l’évaluation des réfugiés et sur la loi sur les réfugiés, la loi internationale et la loi canadienne. Ils ont également des compétences en matière de prise de décision, de pondération et de soupesage — évaluation de la preuve. Ce sont des agents expérimentés au départ, pour ce qui est du programme de l’immigration et de leurs capacités à évaluer l’information, mais ils suivent une formation précise de deux semaines concernant la protection des réfugiés[86].

Monte Solberg, ex-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, a cependant signalé que la période de formation de deux semaines fait fond sur un ensemble de compétences déjà acquises :

Je rappelle que le ministère compte sur des fonctionnaires expérimentés et qui ont acquis une formation considérable au sein du ministère. Ils prennent des décisions tout le temps. Ce sont des décideurs expérimentés. Ce n’est pas comme s’il s’agissait des personnes qui sortent de l’école, et qui prendraient ce genre de décisions au bout de deux semaines[87].

Le Comité a demandé d’autres renseignements sur les compétences et les qualifications des agents chargés des examens, mais les représentants de CIC lui ont dit qu’il ne pourrait obtenir de renseignements détaillés en raison de la Loi sur la protection des renseignements personnels. On a dit au Comité que les agents reçoivent une formation obligatoire et spécialisée d’une durée de neuf jours sur l’examen des risques avant renvoi et que les bureaux régionaux de CIC organisent des activités d’apprentissage continu[88]. On lui a également fait savoir que le Ministère examinera tous les cours de formation portant sur l’examen et que, dans le cadre des activités d’apprentissage continu, il déterminera s’il est nécessaire de réviser la trousse de formation relative aux motifs d’ordre humanitaire et d’élaborer un cours sur la rédaction de rapports d’examen des risques avant renvoi[89].

Un témoin a laissé entendre qu’il y aurait lieu de confier le processus aux représentants de la CISR : « Personnellement, j’aurais souhaité que cette évaluation soit prise en charge par la Commission, parce que là s’y trouvent les experts[90] ».

Des témoins ont exposé au Comité les limites du processus d’examen comme filet de sécurité pouvant remédier aux erreurs possibles dans le traitement des demandes d’asile. Comme l’a indiqué le Haut Commissariat, « [l]’examen des risques avant renvoi, ERAR, est un important filet de sécurité, particulièrement lorsqu’une période de temps relativement longue s’est écoulée entre une décision négative et le renvoi. Comme la demande pour considérations d’ordre humanitaire, l’ERAR est une procédure restreinte qui ne corrige pas une décision négative prise en première instance[91] ».

Comme les demandeurs ne peuvent présenter de nouveaux éléments de preuve après qu’on a statué sur la demande d’asile initiale, l’examen des risques a une portée limitée :

Il existe une autre mesure, l’évaluation des risques avant le renvoi, qui intervient s’il y a un retard important entre le moment où le demandeur est débouté et le moment où il est renvoyé. Cette mesure porte uniquement sur des allégations de circonstances différentes dans le pays d’origine.

Ainsi le demandeur n’a jamais la possibilité de remettre en litige les éléments entendus par le membre unique de la Section du statut de réfugié. Le dossier est clos, à moins que la décision soit cassée par la Cour fédérale à l’occasion du contrôle judiciaire.

Lors de l’évaluation des risques avant le renvoi, on peut faire valoir, éventuellement, des preuves de changement de circonstances dans le pays d’origine, par exemple un coup d’État ou une guerre civile ou quelque chose de semblable, qui rendraient le renvoi dans le pays d’origine dangereux. Mais il s’agit d’un processus très limité[92].

La section francophone d’Amnistie Internationale trouve que le processus d’examen des risques avant renvoi laisse à désirer pour les raisons suivantes :

En analysant les dossiers des demandeurs d'asile déboutés ayant demandé l'appui de nos organisations, nous avons constaté des pratiques nous portant à croire que l'ERAR souffre d'un problème systémique. En voici des exemples pratiques : le rejet d'éléments de preuve apparemment dignes de foi sans mention des raisons ayant mené à ce rejet; la détermination arbitraire des éléments de preuve documentaire; le défaut d'examiner la crédibilité de manière indépendante à la suite d'une conclusion défavorable par la CISR; un niveau de preuve trop élevé en regard de ce que requièrent la loi et la jurisprudence[93].

Des représentants du Ministère ont indiqué que le processus d’examen des risques avant renvoi pouvait faire l’objet d’un contrôle judiciaire et qu’il se voulait, non pas un palier d’appel définitif, mais plutôt un mécanisme de sécurité garantissant que les circonstances n’avaient pas changé depuis la décision initiale.

Un témoin a indiqué au Comité que l’examen des risques avant renvoi constituait une mesure de protection qui n’aurait plus de raison d’être si le système était plus efficient dans l’ensemble :

L’examen des risques avant renvoi est exigé par la loi lorsqu’il y a un retard. La première décision que prend la Section de la protection des réfugiés est l’évaluation du risque et cette évaluation est valable pour un délai raisonnable. Si on attend deux ans avant de renvoyer la personne et une guerre civile et un changement de gouvernement et toutes ces autres choses dans ce pays, il est possible que les conditions objectives sur lesquelles la Section de la protection des réfugiés a fondé sa décision aient totalement changé. Il faut donc faire l’examen du risque avant renvoi peu de temps avant le renvoi. Ce n’est pas du tout nécessaire si la personne est renvoyée très rapidement après la décision initiale[94].

Dans un mémoire remis au Comité, la section francophone d’Amnistie Internationale formule un certain nombre de recommandations en vue d’une refonte du processus d’examen des risques avant renvoi. Certaines de ces recommandations ne nécessiteraient aucune modification législative. C’est le cas, par exemple, de la mise en place de la Section d’appel des réfugiés, de l’amélioration de la formation des agents responsables de l’ERAR, de la communication par CIC d’information sur les compétences et les conditions de mandat des agents responsables de l’ERAR et de la possibilité d’obtenir une audience. Les solutions à long terme qui nécessiteraient des modifications législatives, portent sur l’adoption de mesures pour retirer à CIC la responsabilité des demandes d’ERAR et confier plutôt à la CISR le soin d’effectuer ces examens, pour permettre à un demandeur d’être entendu, même s’il a déjà une demande antérieure à son dossier et pour renforcer les pouvoirs de la CISR afin de lui permettre de rouvrir les dossiers de demande d’asile si les circonstances changent de manière significative ou si de nouveaux éléments de preuve sont disponibles[95].

Le Comité reconnaît que la mise en place de la SAR aiderait grandement à régler les problèmes relatifs à l’ERAR. L’existence d’un processus d’appel ou d’examen pour juger du bien-fondé d’une demande permettrait d’empêcher que les demandeurs se servent de l’ERAR pour essayer de faire corriger des erreurs commises par la CISR au moment de statuer sur leur demande d’asile initiale.

Le Comité recommande :

§        Que le gouvernement prenne des mesures pour que l’examen des risques avant renvoi (ERAR) ne relève plus de la compétence de CIC mais soit plutôt confié à la CISR.

§        Que le gouvernement abroge les dispositions de la LIPR qui interdisent à un demandeur de présenter une demande d’asile s’il a déjà présenté une demande antérieurement et que celle-ci a été rejetée, retirée ou abandonnée.

§        Que le gouvernement modifie la LIPR pour permettre à la CISR de rouvrir les dossiers lorsque les circonstances ont changé de manière significative ou qu’entre-temps, d’importants nouveaux éléments de preuve se sont fait jour.

§        D’ici à ce que des mesures législatives soient adoptées pour transférer la responsabilité de l’ERAR à la CISR et accorder à celle-ci une plus grande marge de manœuvre en ce qui concerne le réexamen des demandes, le Comité recommande :

§        Que CIC offre une meilleure formation aux agents responsables de l’ERAR, en particulier en ce qui a trait aux règles de présentation de la preuve, à l’interprétation et à l’application de la LIPR et aux normes internationales en matière de droits de la personne. La formation devrait prévoir des consultations avec les intervenants et les parties intéressées au sujet des normes qui devraient s’appliquer à l’ERAR.

§        Que CIC communique aux intervenants de l’information sur les compétences et les conditions de mandat des agents responsables de l’ERAR.

§        Que CIC veille à ce que l’article 167 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés soit appliqué de façon à permettre la tenue d’une audience dès que la crédibilité d’une demande est en cause et chaque fois qu’un demandeur se voit refuser une audience devant la CISR.

§        Que CIC modifie sa politique relative aux renvois pour interdire le renvoi de personnes dans des zones de guerre ou dans des zones de guerre imminente, quel que soit le résultat de leur demande d’ERAR.

§        Que CIC modifie sa politique relative aux renvois pour que toute personne dont la cause a été soumise en arbitrage à un organe international, par exemple au Comité des Nations Unies contre la torture, soit autorisée à demeurer au Canada jusqu’à ce qu’une décision ait été rendue au sujet de sa demande.

DIFFICULTÉS TOUCHANT L’ÉTABLISSEMENT DES RÉFUGIÉS

Pour faciliter l’établissement des réfugiés au pays, le gouvernement du Canada a mis en œuvre plusieurs programmes. Les principaux services d’établissement qu’offre CIC sont : le Programme d’établissement et d’adaptation des immigrants, le Cours de langue pour les immigrants au Canada et le Programme d’accueil. Des organismes communautaires se chargent d’offrir les services en vertu d’ententes de contribution officielles conclues avec CIC. D’autres programmes prévoient des fonds pour l’établissement des immigrants et des réfugiés. Ainsi, dans le cadre du Programme d’aide au réétablissement, des organismes reçoivent des fonds qui les aident à assumer les coûts reliés à divers services : accueil des réfugiés aux points d’entrée, hébergement temporaire et aide nécessaire pour trouver un logement permanent, achat d’articles ménagers essentiels et orientation générale à la vie au Canada. Dans le cadre du Programme des prêts aux immigrants, financé au moyen du Trésor, des prêts sont consentis pour le paiement des frais des examens médicaux à l’étranger, pour l’acquisition de documents de voyage et pour le paiement des frais de transport au Canada.

Au cours de l’étude, le Comité a entendu des témoignages au sujet de l’établissement des immigrants et des réfugiés au Canada. Bien que ces témoignages portaient principalement sur les difficultés d’établissement auxquelles se heurtaient les immigrants et les réfugiés, le Comité n’ignore pas que des défis particuliers se posent aux réfugiés au Canada.

Des témoins œuvrant dans le secteur et représentant CIC ont parlé des dépenses globales reliées à l’établissement des immigrants et des réfugiés. Ils ont parlé du financement et des services d’établissement qui diffèrent d’une province à l’autre, en particulier les cours de langue offerts aux immigrants et aux réfugiés. Des témoins préconisaient l’adoption de normes nationales pour aplanir les disparités. Ils ont aussi fait part de certains problèmes reliés à l’établissement de jeunes immigrants et réfugiés. On a aussi indiqué au Comité que les problèmes d’établissement dans les régions comptant une forte proportion d’immigrants pouvaient se régler uniquement avec la collaboration des collectivités, notamment au moyen de centres d’établissement multiservices.

Les fonds pour l’établissement et l’intégration au Canada ont été bloqués en 1996. En novembre 2006, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il verserait, aux fins de l’établissement, 307 millions de dollars supplémentaires, répartis sur deux ans, aux provinces et aux territoires, sauf au Québec avec lequel il a conclu une entente distincte. Ces fonds visent à épauler les nouveaux venus qui sont de moins en moins en mesure de se tailler une place sur le marché du travail et de tirer parti de la prospérité du Canada. Comme l’a indiqué l’ex-ministre Solberg au Comité, il est « inacceptable de constater que le revenu des nouveaux arrivants était 32 p. 100 plus bas que la moyenne canadienne en 2003, alors qu’il était 25 p. 100 au-dessus de la moyenne en 1980[96] ».

Bien que le Comité se réjouisse des fonds additionnels versés par le gouvernement, les organismes offrant des services d’établissement ont abordé certains des problèmes concrets que pose le mode de financement, en particulier le fait que le financement n’est subordonné à aucune norme nationale ou exigence de rendement aux termes des ententes fédérales-provinciales. À ce sujet, un témoin a dit au Comité :

Je dirais, à propos de la question des services comparables, des normes nationales, compte tenu de cette nouvelle somme de 307 millions de dollars offerte par le gouvernement conservateur, que cet argent devrait être utilisé en appliquant des principes directeurs et des protocoles. Nous craignons que l’absence de services comparables offerts dans les différentes régions du pays ne crée une concurrence entre les provinces qui amènerait les immigrants à rechercher les régions du pays qui leur offrent le plus de soutien[97].

Des témoins se sont plaints des disparités dans la répartition des fonds affectés à l’établissement en vertu des ententes fédérales-provinciales. À leur avis, ces fonds ne sont pas nécessairement alloués aux bénéficiaires auxquels ils sont destinés :

[…] cela dépend des ententes sur l’immigration qui existent ou n’existent pas dans certaines provinces. Par exemple, le ministre est allé en Colombie-Britannique annoncer l’octroi de ces nouveaux fonds à la province, mais comme c’est cette dernière qui les reçoit et qu’il y a eu une entente entre la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral sur l’immigration, cet argent va dans les recettes générales.

Seulement 47 p. 100 des fonds destinés à l’établissement des immigrants en Colombie-Britannique servent à financer les programmes et les services à l’intention des immigrants. Le reste alimente le trésor public[98].

Le Comité reconnaît également la place importante que les enfants et les jeunes occupent dans les familles de réfugiés. Il leur faut souvent acquérir la maîtrise de l’anglais ou du français plus rapidement que les autres membres de la famille, ce qui peut occasionner des tensions et un déséquilibre des pouvoirs au sein de la famille. Les villes canadiennes qui doivent accueillir des immigrants en grand nombre parviennent tant bien que mal à fournir des services d’éducation aux enfants des immigrants et des réfugiés. Certes, l’enseignement du français et de l’anglais aux enfants présente des défis, mais comme l’a souligné une représente membre du district scolaire de Burnaby, le nombre d’étudiants immigrants et réfugiés qui ont des besoins particuliers en matière d’éducation et qui ont souvent des difficultés d’apprentissage de tout ordre a considérablement augmenté[99].

Des témoins œuvrant dans le secteur de l’établissement croient que les fonds affectés à l’établissement devraient être orientés tout particulièrement vers les enfants et les jeunes : « … les fonds de CIC ont toujours été principalement utilisés pour les adultes. Il existe très peu de programmes conçus pour les jeunes. En fait, la seule source de financement pour les jeunes à laquelle nous avons eu accès était Service Canada,… et l’ancien DRHC[100] ».

Des témoins ont signalé au Comité que les réfugiés et les immigrants sont de plus en plus nombreux à s’installer en périphérie des grandes villes canadiennes plutôt que dans les villes elles-mêmes. Il est extrêmement difficile à ces banlieues d’absorber cet afflux extraordinaire de nouveaux arrivants puisque leurs services ne sont pas adaptés et qu’elles n’ont pas l’infrastructure matérielle nécessaire. Ainsi, une témoin de la ville Burnaby a souligné au Comité que parce que bon nombre des services d’établissement sont situés en plein cœur de Vancouver, les nouveaux arrivants de Burnaby doivent parfois s’imposer de longs déplacement dans la grande région métropolitaine de Vancouver pour obtenir des services d’établissement de base.[101]

Le Comité est fort aise d’apprendre, de la bouche de représentants de la ville de Burnaby, en Colombie-Britannique, que la ville compte aménager des centres qui offriront divers services aux immigrants et qui profiteront des économies d’échelle, par exemple des services de traduction.

Le Comité recommande :

§        Que le gouvernement entreprenne la préparation et la publication d’une étude comparative exhaustive des services d’établissement et de leur financement à la lumière des ententes provinciales, notamment en ce qui concerne les cours de langue offerts aux immigrants et aux réfugiés.

§        Que CIC adopte des normes nationales pour remédier aux disparités observées dans les services d’établissement offerts d’une province à l’autre, et fasse en sorte que l’obtention de tous les transferts fédéraux au titre des services d’établissement soit conditionnelle au respect de ces normes par les provinces, sous réserve des dispositions de l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains.

§        Que CIC consacre d’importantes ressources à l’établissement des jeunes immigrants et réfugiés.

§        Que CIC finance la création de centres d’établissement multiservices dans les régions qui accueillent une forte proportion d’immigrants.

LE PROBLÈME DES RÉFUGIÉS APATRIDES AUX PHILIPPINES

Le Comité prend note de la situation des Vietnamiens apatrides aux Philippines qui n’a toujours pas été résolue. En 2001, ce pays comptait au-delà de 2 000 réfugiés apatrides, coincés là-bas depuis plus de dix ans. Bien des pays ont fait leur part pour permettre à ces réfugiés de se réinstaller ailleurs, dont le Canda qui a accueilli 23 réfugiés en 2006. Pour 156 de ces apatrides réfugiés aux Philippines, l’avenir demeure toutefois incertain.

Une motion adoptée par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 28 septembre 2006 et agréée par la Chambre des communes le 12 décembre 2006 exhortait le gouvernement à permettre de toute urgence le rétablissement au Canada des réfugiés vietnamiens coincés aux Philippines[102].

En février 2006, le Comité a entendu un témoignage convaincant de la part de défenseurs de ces réfugiés :

Comme les réfugiés, ma famille a fui le Vietnam à la fin des années 70, en quête de liberté. Comme ces réfugiés, ma famille s'est embarquée sur des petits bateaux qui prenaient l’eau. Ils ont risqué leur vie sur la mer, affronté des tempêtes, à la recherche d'un nouvel espoir. Comme ces réfugiés, ma famille s'est retrouvée dans un nouveau pays, dans un camp de réfugiés, ignorant de quoi le lendemain serait fait.

À la différence de ces réfugiés, ma famille a eu de la chance: le Canada nous a tendu une main compatissante et ma famille a pu s'établir à Vancouver. À la différence de ces réfugiés qui ont eu des enfants dans des camps, je suis né au Canada en 1980. Mes droits ont été respectés, j'ai pu étudier, aller à l'université, devenir un professionnel et contribuer à la vie d'une société qui nous a tant donné, à ma famille et à moi. Sans cette chance, j'aurais fort bien pu être l'un de ces réfugiés philippins, ou l'un de leurs enfants, toujours en rade après 16 ans, ignorant quoi faire leur vie. Leurs droits ne sont toujours pas reconnus. Le problème dure[103].

Au moment de la rédaction du présent rapport, le Comité a appris que les défenseurs des réfugiés apatrides ont eu l’occasion de s’entretenir avec le ministre de Citoyenneté et Immigration et des hauts-fonctionnaires à CIC et au Cabinet du premier ministre et on leur aurait laissé entendre que le gouvernement s’apprête à intervenir dans ce dossier.

Le Comité recommande encore une fois :

Que le gouvernement du Canada intervienne sans délai pour permettre la réinstallation au Canada des 156 réfugiés vietnamiens apatrides toujours coincés aux Philippines.

NOTE SUR LES FRAIS EXIGÉS DES RÉFUGIÉS

Enfin, le Comité souhaite formuler quelques observations sur la question des frais exigés des réfugiés qui demandent le statut de résident permanent. En avril 2005, le Comité a entendu des témoignages au sujet de ces frais qui, pour bien des réfugiés et leurs familles, constituent un obstacle et un fardeau financier de taille, comme en témoignent les propos suivants tenus par une avocate de Parkdale Community Legal Services :

Parce que nous demandons aux réfugiés qui ont reçu l'asile au Canada de payer 550 $ par adulte et 150 $ par enfant pour présenter une demande de résidence, ils retardent le plus possible le dépôt de cette demande ou ne la présentent pas du tout parce qu'ils n'en ont pas les moyens. Dans l'auditoire, aujourd'hui, il y a bien des gens qui ont fait des dons, comme certaines églises et organisations communautaires de Toronto. Mais c'est très frustrant. Si vous vivez et travaillez ici, 550 $ peuvent sembler peu, mais si vous tentez de survivre avec des prestations d'aide sociale de 500 $ par mois, que vous n'avez pas d'emploi et que votre famille est à l'étranger, c'est beaucoup d'argent. Souvent, c'est rédhibitoire[104].

Le Comité abonde dans le même sens et recommande :

Que le gouvernement abolisse immédiatement les frais de 550 $ actuellement exigés des personnes protégées pour traiter leur demande de résidence permanente au Canada, de même que les frais de 550 $ exigé pour traiter les demandes présentées pour des motifs d’ordre humanitaire au nom de femmes et d’enfants qui souhaitent échapper à la violence familiale dont ils sont victime.


[1]              L.C. 2001, ch. 27.

[2]              DORS/2002-227.

[3]              Debra Simpson, membre, Conseil canadien pour les réfugiés, réunion no 17, 3 octobre 2006 (9 h 05).

[4]              Le rapport est accessible sur le site Web de CIC : http://www.cic.gc.ca/francais/pub/rapport-annuel2005/index.html.

[5]              Ce chiffre figure dans le Rapport annuel au Parlement sur l’immigration, 2006, accessible sur le site Web de CIC : http://www.cic.gc.ca/francais/pub/rapport-annuel2006/index.html.

[6]              Voir le Plan d’immigration de 2007, contenu dans le Rapport annuel au Parlement sur l’immigration, 2006.

[7]              Debra Simpson, membre, Conseil canadien pour les réfugiés, réunion no 17, 3 octobre 2006, (9 h 05).

[8]              Carolyn Vanderlip, coordinatrice, Parrainage privé pour réfugiés, diocèse anglican de Niagara, Elected Sponsorship Agreement Holders, réunion no 31, 1er février 2007, (11 h 40).

[9]              Martin Mark III, coordinateur, Parrainage privé pour réfugiés, Services catholiques transculturels, diocèse catholique romain de Toronto, Elected Sponsorship Agreement Holders, Ibid., (11 h 50).

[10]           Ed Wiebe, coordinateur, Programme national des réfugiés, Comité central mennonite du Canada, Ibid., (11 h 05).

[11]           Carolyn Vanderlip, coordinatrice, Parrainage privé pour réfugiés, diocèse anglican de Niagara, Elected Sponsorship Agreement Holders, réunion no 31, 1er février 2007, (11 h 25).

[12]           Sarah Angus, membre, Comité consultatif, justice et paix, Église unie du Canada, réunion no 31, 1er février 2007, (11 h 15).

[13]           Voir l’exposé présenté par KAIROS au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes en avril 2005 sur la réunification des familles, accessible sur le site Web de l’organisme : http://www.kairoscanada.org/e/media/letters/ltrBrief_FamilyReunification050413.asp.

[14]           Heather Macdonald, coordonnatrice, Programme des réfugiés et de migration, Groupe de la justice et des relations œcuméniques mondiales, Église unie du Canada, réunion n° 31, 1erfévrier 2007, (12 h 30).

[15]           Monte Solberg, ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, réunion no 3, 10 mai 2006, (17 h 15).

[16]           Voir à la page 29 du Rapport annuel au Parlement sur l’immigration, 2006.

[17]           L.R.C. 1985, ch. I-2, qui a été abrogée par l’article 274 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[18]           Mme Micheline Aucoin, directrice générale, Direction générale des réfugiés, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, réunion n° 27, 5 décembre 2006, (9 h 40).

[19]           M. Raymond Guénette, administrateur en chef par intérim, Bureau de l'administrateur en chef, Service administratif des tribunaux judiciaires, Cour fédérale du Canada, réunion n29, 12 décembre 2006, (9 h 10).

[20]           La Cour fédérale peut infirmer la décision d’un office fédéral si elle estime que celui-ci a agi sans compétence; n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale; a rendu une décision entachée d’une erreur de droit; a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée; a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages ou a agi de toute autre façon contraire à la loi. Loi sur les Cours fédérales, L.R. (1985), ch. F-7, paragraphe 18.1(4).

[21]           M. Raymond Guénette, administrateur en chef par intérim, Bureau de l'administrateur en chef, Service administratif des tribunaux judiciaires, Cour fédérale du Canada, note 19 ci-dessus, (9 h 30).

[22]           Francisco Rico-Martinez, coprésident, Groupe de travail — Protection au Canada, Conseil canadien pour les réfugiés, réunion n17, 3 octobre 2006, (9 h 05).

[23]           Peter Showler, président, Commission de l’immigration et du statut de réfugié, réunion no 5, 20 mars 2001, (9 h 15).

[24]            Les observations du professeur Crépeau sont énoncées dans un mémoire présenté au Conseil canadien pour les réfugiés sous le titre L’appel des réfugiés : Mais est-ce que personne n’écoute?, 31 mars 2005. La version anglaise du mémoire peut être consultée en ligne à l’adresse suivante :
http://www.web.net/ccr/refugeeappeal.pdf.

[25]           Francisco Rico-Martinez, coprésident, Groupe de travail — Protection au Canada, Conseil canadien pour les réfugiés, réunion n17, 3 octobre 2006, (9 h 05).

[26]           Monte Solberg, ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, réunion no 11, 7 juin 2006, (16 h 05).

[27]           Monte Solberg, ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, réunion no 23, 7 novembre 2006, (9 h 55).

[28]           Jahanshah Assadi, représentant au Canada, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, réunion n7, 29 mai 2006, (16 h 30).

[29]           Jean-Guy Fleury, président, Commission de l’immigration et du statut de réfugié, réunion no 7, 29 mai 2006, (15 h 45).

[30]           M. Paul Atterman, directeur général, Direction générale des opérations, Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, réunion no 46, 29 mars 2007, (12 h 50).

[31]           M. John Frecker, président, Legistec inc., réunion no 29, 12 décembre 2006, (10 h 30).

[32]           Ghassan Maarouf Arnaout, Asylum in the Arab-Islamic Tradition, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève, 1987.

[33]           Voir CBC News, The Church as Sanctuary, 14 février 2005, accessible sur le site :
http://www.cbc.ca/news/background/immigration/sanctuary.html.

[34]           Mme Mary Leddy, directrice de Romero House of Refugees, Sanctuary Coalition of Southern Ontario, réunion no 22, 2 novembre 2006, (9 h 00).

[35]           L’Église unie du Canada, Heather Macdonald, coordonnatrice, Programme des réfugiés et de migration, Groupe de la justice et des relations œcuméniques mondiales, réunion n22, 2 novembre 2006, (9 h 15).

[36]           M. Stephen Allen, secrétaire associé, Ministères de la justice, l’Église presbytérienne du Canada, réunion no 22, 2 novembre 2006, (9 h 40).

[37]           Mme Heather Macdonald, coordonnatrice, Programme des réfugiés et de migration, Groupe de la justice et des relations œcuméniques mondiales, l’Église unie du Canada, Ibid., (9 h 10).

[38]           DORS/2002-227.

[39]           Les moratoires sur les renvois ne s’appliquent pas aux demandeurs d’asile interdits de territoire pour raison de sécurité ou pour activités criminelles ou qui ont été déboutés pour avoir porté atteinte aux droits humains ou internationaux. Les demandeurs déboutés peuvent choisir de retourner dans leur pays d’origine malgré l’existence d’un moratoire.

[40]           Les époux et les conjoints de fait au Canada, sans égard à leur statut d’immigration, peuvent présenter une demande de résidence permanente à partir du Canada dans la catégorie des époux ou des conjoints de fait au Canada.

[41]           Voir la section 5.21 du chapitre IP‑5 — « Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire », accessible sur le site Web de CIC :
http://www.cic.gc.ca/manuals-guides/francais/ip/ip05f.pdf.

[42]           Par exemple, les fonctionnaires de CIC ont dit qu’en 2005, 85 p. 100 des demandes présentées pour des motifs d’ordre humanitaire par des ressortissants de pays visés par un moratoire ont été acceptées. Ils ont toutefois signalé que les chiffres préliminaires pour 2006 dénotaient une baisse du taux d’acceptation.

[43]           Citoyenneté et Immigration Canada, Fiches de renseignements sur les questions liées aux réfugiés, accessible sur le site : http://www.cic.gc.ca/francais/politiques/reponses.html.

[44]           Voir le rapport du Conseil canadien pour les réfugiés intitulé Des vies en suspens — Les limites des considérations humanitaires, 6 septembre 2006, page 1, accessible sur le site Web du CCR : http://www.web.ca/ccr/Vies%20en%20suspens%20-%20CH.pdf. Son rapport de juillet 2005 intitulé Des vies en suspens : Les ressortissants de pays visés par un moratoire vivent dans un vide juridique est également accessible sur le site: http://www.web.ca/ccr/viesensuspens.pdf.

[45]           Voir à la page 2 du rapport Des vies en suspens — Les limites des considérations humanitaires, supra.

[46]           Janet Dench, directrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés, réunion no 17, 3 octobre 2006, (9 h 20).

[47]           Janet Dench, directrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés, réunion no 17, 3 octobre 2006, (10 h 20).

[48]           Voir le rapport du vérificateur général du Canada : Citoyenneté et Immigration Canada et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié — Le traitement des revendications du statut de réfugié, avril/octobre 1997, chapitre 25, accessible sur le site Web du Bureau du vérificateur général :
http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/rapports.nsf/html/ch9725f.html.

[49]           Communiqué de CIC, La ministre Sgro annonce une réforme du processus de nomination des commissaires de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, 16 mars 2004.

[50]           Jean-Guy Fleury, président, Commission de l’immigration et du statut de réfugié, réunion no 7, 29 mai 2006, (15 h 35).

[51]           Ibid., (16 h 05).

[52]           Jean-Guy Fleury, président, Commission de l’immigration et du statut de réfugié, réunion no 19, 17 octobre 2006, (10 h 15).

[53]           Janet Dench, directrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés, réunion no 17, 3 octobre 2006, (9 h 55).

[54]            M. Nick Summers, ancien membre du Comité consultatif de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, réunion no 48, 17 avril 2007, (11 h 20).

[55]           Jean-Guy Fleury, président, Commission de l’immigration et du statut de réfugié, réunion no 19, 17 octobre 2006, (10 h 25).

[56]           Monte Solberg, ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, réunion no 23, 7 novembre 2006, (10 h 10).

[57]           Stephen Green, secrétaire, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien, réunion no 49, 19 avril 2007, (11 h 10).

[58]           Janet Dench, directrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés, réunion no 49, 19 avril 2007, (11 h 30).

[59]           Processus de nomination par le gouverneur en conseil — Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, Rapport au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada, janvier 2007, accessible sur le site : http://www.cic.gc.ca/francais/pub/cisr-processus.html.

[60]           Processus de nomination par le gouverneur en conseil – Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, Rapport au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada, janvier 2007, http://www.cic.gc.ca/francais/pub/cisr-processus.html. Dans les témoignages, le rapport est désigné sous l’appellation de rapport Harrison, du nom du fonctionnaire responsable de sa préparation, à savoir M. Peter Harrison.

[61]           PM defends refugee board changes, Toronto Star, 1er mars 2007, accessible à l’adresse
http://www.thestar.com/News/article/186996.

[62]           Nick Summers, ancien membre du Comité consultatif de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, réunion no 48, 17 avril 2007, (11 h 20).

[63]           Ibid., (13 h 40).

[64]           Joseph Allen, avocat et président, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration (AQAADI), réunion no 49, 19 avril 2007, (11 h 25).

[65]           M. Jean‑Guy Fleury, lettre au ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 23 février 2007
http://www.irb-cisr.gc.ca/fr/media/nouvelles/2007/fleury_letter_f.htm.

[66]           Jean-Guy Fleury, ancien président, Commission de l’immigration et du statut de réfugié, réunion no 50, 24 avril 2007, (11 h 40).

[67]           Ibid., (11 h 20).

[68]           Ibid., (11 h 55).

[69]           Ibid., (12 h 00).

[70]           Ibid., (11 h 10).

[71]           Ibid., (12 h 10).

[72]           Aux termes de l’alinéa 101(1)e) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ch. 27, toute demande présentée par une personne « arrivée, directement ou indirectement, d’un pays désigné par règlement […] » est jugée irrecevable et ne peut donc être étudiée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Ce pouvoir existait également dans la Loi sur l’immigration, L.R.C., 1985, ch. I-2, remplacée par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, mais aucun pays n’y était désigné.

[73]           CIC, Les premières statistiques compilées dans le cadre de l’Entente Canada–États-Unis sur les tiers pays sûrs révèlent une baisse du nombre de demandeurs d’asile, juin 2005.

[74]           CIC, Partenariat pour la protection — Examen de la première année, novembre 2006.

[75]           Ibid.

[76]           Janet Siddall, sous-ministre adjointe associée, Opérations, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, réunion no 27, 5 décembre 2006, (9 h 05).

[77]           HCR, Rapport de surveillance du HCR relatif à l’Entente sur les tiers pays sûrs, période du 29 décembre 2004 au 28 décembre 2005.

[78]           Deborah Anker, professeur de droit clinique, Programme pour l’immigration et les réfugiés, Harvard Law School, réunion n 33, 8 février 2007, 11 h 50.

[79]           Ibid.

[80]           Ibid., (12 h 30).

[81]           Ibid., (11 h 00).

[82]           Ibid., (11 h 40).

[83]           Francisco Rico-Martinez, codirecteur , FCJ Refugee Centre, Ibid., (11 h 20).

[84]           Monseigneur Brendan M. O’Brien (archevêque de St. John’s), Commission épiscopale des affaires sociales, Conférence des évêques catholiques du Canada, réunion no 26, 28 novembre 2006, (10 h 15).

[85]           Mme Claudette Cardinal, coordinatrice, Réfugiés, Section canadienne francophone, Amnistie internationale Canada, réunion n34, 13 février 2007.

[86]           Anna-Mae Grigg, directrice, Gestion des litiges, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, réunion no 21, 26 octobre 2006, (9 h 45).

[87]           Monte Solberg, ex-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, réunion no 23, 7 novembre 2006, (10 h 00).

[88]           Réponse de CIC à une demande de renseignements présentée par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 12 décembre 2006.

[89]           Ibid.

[90]           John Frecker, président, Legistec Inc., réunion no 29, 12 décembre 2006, (10 h 20).

[91]           Jahanshan Assadi, représentant au Canada, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, réunion no 7, 29 mai 2006, (16 h 30).

[92]            John Frecker, président, Legistec Inc., réunion no 29, 12 décembre 2006, (10 h 15).

[93]           Mme Claudette Cardinal, coordinatrice, Réfugiés, Section canadienne francophone, Amnistie internationale Canada, réunion no 34, 13 février 2007, (11 h 00).

[94]           John Frecker, président, Legistec Inc., réunion no 29, 12 décembre 2006, (10 h 45).

[95]           Le processus d’examen des risques avant renvoi au Canada, Mémoire présenté au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, Chambre des communes, Ottawa, par Amnistie Internationale, Section canadienne francophone, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes et le Centre Justice et Foi, 13 février 2007.

[96]           Monte Solberg, ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, réunion no 23, 7 novembre 2006, (10 h 30).

[97]           Chris Friesen, secrétaire, Alliance canadienne du secteur de l’établissement des immigrants, réunion no 15, 26 septembre 2006, (9 h 30).

[98]           Wai Young, directrice générale, Alliance canadienne du secteur de l’établissement des immigrants, réunion n25, 21 novembre 2006, (9 h 50).

[99]         Diana Mumford, commissaire, District scolaire de Burnaby, reunion n26, 28 novembre 2006, (9 h 10).

[100]         Farborz Birjandian, membre à titre personnel, Alliance canadienne du secteur de l’établissement des immigrants, réunion no 15, 26 septembre 2006, (10 h 00).

[101]         Mme Karen Roth, infirmière de la santé publique, Burnaby Health Promotion and Prevention, Fraser Health, réunion no 26, 28 novembre 2006, (9 h 20).

[102]         Sixième rapport du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes, 39législature, 1re session, adopté par le Comité le 28 septembre 2006 et par la Chambre des communes le 12 décembre 2006.

[103]         Maxwell Vo, coordinateur de projet, Sauver nos Viet-Phi apatrides, réunion no 19, 10 février 2005, (11 h 20).

[104]         Mme Geraldine Sadoway, avocate, Immigration et Groupe de réfugiés, Parkdale Community Legal Services, réunion no 44, 1ère session, 38e législature, 14 avril 2005.