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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 11 décembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Français]

    Mesdames et messieurs, je constate qu'il y a quorum.

[Traduction]

    J'ai été informé de l'absence du président et du vice-président de sorte que le premier point à l'ordre du jour est l'élection d'un président suppléant. Je suis maintenant disposé à recevoir des motions en ce sens.
    Monsieur Dosanjh.
    Je propose la candidature de Russ Hiebert.
    M. Dosanjh propose que M. Hiebert assume la présidence.
    Le comité a entendu l'énoncé de la motion. Plaît-il au comité d'adopter la motion?

[Français]

    Est-ce qu'on peut faire d'autres propositions?
    On peut présenter une seule motion à la fois. Nous devons d'abord voter sur la motion de M. Dosanjh.
    On va la traiter...
    Si la motion est rejetée, on pourra en proposer une autre.

[Traduction]

    Il est proposé que M. Hiebert assume la présidence.
    (La motion est adoptée.)
    Monsieur Hiebert.
    Je suis ravi de vous voir tous là aujourd'hui. Nous avons hâte d'entendre vos témoignages.
    Nous avons un horaire chargé cet après-midi puisque nous entendrons deux groupes de témoins.
    J'invite Mme Swords à nous faire son exposé, puis nous passerons à Mme Nölke. Nous entendrons ensuite le colonel Herfst et M. Rigby, dans cet ordre.
    Allez-y.
    Monsieur le président, honorables membres du comité, vous avez demandé à entendre des témoins concernant toute entente de transfert à d'autres forces de détenus capturés par les Forces canadiennes sur le théâtre d'opérations. C'est avec plaisir que je réponds à cette demande en me présentant devant vous ici aujourd'hui.
    Je brosserai un tableau général de l'approche canadienne concernant la question des détenus en Afghanistan, et j'expliquerai les circonstances qui ont amené le Canada à conclure un arrangement sur le transfert des détenus. Je parlerai aussi du rôle joué par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et par la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan (CIDHA). Enfin, j'aborderai brièvement les efforts que nous déployons pour renforcer les capacités du système correctionnel en Afghanistan.

[Français]

    Mon collègue du ministère de la Défense nationale, M. Vincent Rigby, vous expliquera plus en détail le contexte opérationnel en Afghanistan et la façon dont les Forces canadiennes appliquent cet arrangement sur le transfert des détenus.
    Je voudrais aussi vous présenter Mme Sabine Nölke, directrice adjointe de la Section du droit onusien, des droits de la personne et du droit humanitaire au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Elle vous donnera d'autres informations juridiques au sujet de notre politique en matière de détention.
    Comme le montrent les récents travaux du comité, l'engagement du Canada en Afghanistan est un dossier qui intéresse beaucoup les Canadiens et les parlementaires. Dans ce contexte, le transfert des détenus en Afghanistan est une question clé qui retient particulièrement l'attention et qui revêt une importance considérable pour le gouvernement.
    Comme l'indiquent ma présence et celle de M. Rigby ici, la politique canadienne à cet égard relève de l'ensemble du gouvernement.

[Traduction]

    Je vous dirai tout d'abord que le Canada et ses partenaires internationaux font oeuvre utile en Afghanistan. Il est en effet dans notre intérêt à tous de contribuer à faire de l'Afghanistan un pays stable, sûr, démocratique et autosuffisant. Les événements du 11 septembre 2001 ont démontré que notre sécurité est liée à ce qui se passe ailleurs dans le monde. Il appartient donc à la communauté internationale de veiller à ce que l'Afghanistan ne redevienne plus jamais un asile pour les terroristes et un facteur d'instabilité régionale et internationale. Les Afghans, l'ONU, l'OTAN et nos Alliés se sont impliqués à fond dans cette entreprise essentielle.
    Plusieurs résolutions successives du Conseil de sécurité des Nations Unies ont avalisé nos efforts globaux en Afghanistan.
    La résolution 1510 de 2003 reconnaît le leadership de la FIAS par l'OTAN et autorise l'élargissement du mandat de la Force internationale d'assistance à la sécurité pour lui permettre, dans la mesure des ressources disponibles, d'aider l'Autorité intérimaire Afghane et ses successeurs à maintenir la sécurité dans les régions de l'Afghanistan en dehors de Kaboul et ses environs.
    La plus récente résolution du Conseil de sécurité, la résolution 1707 adoptée le 12 septembre 2006, réaffirme que la communauté internationale est attachée à la souveraineté de l'Afghanistan, et qu'il appartient aux Afghans eux-mêmes d'assurer la sécurité et de maintenir l'ordre dans tout le pays. Or, les efforts déployés par la communauté internationale, y compris ceux du Canada et de ses Alliés de l'OTAN, visent précisément à renforcer cette capacité.
    Au moment même où nous défendons notre intérêt collectif et aidons le gouvernement Afghan à répondre aux besoins de la population, ils se trouvent des gens qui cherchent à empêcher la communauté internationale et les Afghans eux-mêmes de rebâtir le pays. L'insurrection, nous l'avons vue, cible les symboles du progrès et de la normalité; elle s'attaque aux écoles et aux civils, même aux travailleurs de l'aide, ainsi qu'aux bureaux gouvernementaux et aux fonctionnaires.
    Dans le cadre de leurs opérations courantes, et depuis que le Canada a informé en 2001 le Conseil de sécurité de l'ONU qu'il allait commencer sa mission militaires d'autodéfense individuelle et collective contre al-Qaïda et les talibans en Afghanistan, les Forces canadiennes ont capturé et par la suite transféré des individus soupçonnés d'avoir commis ou de vouloir commettre des actes terroristes contre les forces internationales ou les Afghans eux-mêmes.
    J'aimerais maintenant parler de l'arrangement conclu par le Canada après les Accords de Bonn conclus en décembre 2001 et le Pacte pour l'Afghanistan de 2006, en reconnaissant que le gouvernement afghan nouvellement formé est souverain et responsable des personnes à capturer sur son territoire, nous avons conclu un arrangement aux termes duquel les détenus faits par les Forces canadiennes sont transférés aux autorités afghanes.
    Je pense que cet arrangement et les modalités de son implication sont la principale raison de notre présence devant vous ici aujourd'hui. Je m'attarderai donc à en faire la genèse dans les grandes lignes, et en expliquer les fondements.
    Cet arrangement a été signé le 18 décembre 2005 par le Gen Hillier, au nom du gouvernement du Canada, et par M. Wardak, ministre Afghan de la défense, au nom de la République islamique d'Afghanistan. Pour faciliter la discussion, nous avons fournit au comité une copie de l'arrangement.
    Cet arrangement vise surtout à donner aux commandants sur le terrain des indications claires quant aux modalités du transfert des détenus. Il pose deux principes clés.
    Le premier reconnaît la nécessité de traiter les détenus avec humanité en toutes circonstances, et dans le respect des normes établies par la Troisième Convention de Genève relativement aux détenus de guerre.
    Le deuxième repose sur la conviction que les autorités afghanes, dans l'exercice de la souveraineté sur leur territoire, devrait être, en définitive, responsables des détenus qui y sont transférés et détenus. Cela répond à l'objectif clé du Canada en Afghanistan, c'est-à-dire aider les autorités de ce pays à renforcer les capacités et la bonne gouvernance locales.

  (1535)  

    Je tiens à préciser que si cet arrangement n'est pas juridiquement contraignant, il n'en incarne pas moins et réaffirme les engagements et obligations juridiques déjà contractées tant par le Canada que par l'Afghanistan aux termes du droit international concernant le traitement des détenus et plus particulièrement ceux qui découlent de la Troisième Convention de Genève. Dans ce contexte, il n'était donc pas nécessaire de conclure à ce sujet un arrangement juridiquement contraignant avec le gouvernement de l'Afghanistan.
    J'ajouterai ici que les arrangements analogues conclus entre les autorités afghanes et d'autres membres de l'OTAN, par exemple des Pays-Bas, le Danemark ou encore le Royaume-Uni, ne sont pas non plus de nature juridiquement contraignante.
    L'arrangement souscrit par le Canada établit la procédure à suivre advenant le transfert d'un détenu, et renforce l'engagement des deux parties à respecter leurs obligations en droit international. Plus précisément, cet arrangement comporte l'engagement à traiter les détenus avec humanité et en conformité avec les normes établies par la Troisième Convention de Genève relativement aux détenus de guerre (cela donne aux détenus l'assurance d'être traités selon les normes les plus élevées, qu'importe leur statut, et évite également la nécessité de déterminer ce statut); la reconnaissance du droit du Comité international de la Croix-Rouge de visiter les détenus en tout temps pendant leur détention; l'obligation, pour les deux parties, de notifier le CICR du transfert d'un détenu, conformément à leurs obligations en droit international; l'engagement que les détenus transférés aux autorités afghanes par les Forces canadiennes ne seront pas sujet à la peine capitale; la reconnaissance par les deux parties du rôle légitime de la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan concernant le traitement des détenus.
    Vu le contenu de l'arrangement, il serait utile, je crois, que j'explique brièvement les rôles respectifs du comité international de la Croix-Rouge et de la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan, ainsi que la relation du Canada avec ces deux organisations.
    Le CICR est un organisme humanitaire international hautement respecté. Il constitue pour nous un partenaire important et estimé, et nous soutenons fermement le rôle qu'il joue dans la promotion et la protection du droit humanitaire international. Dans le cadre de son mandat internationalement reconnu, le CICR visite les détenus et surveille leur situation, pour s'assurer qu'ils sont traités humainement et dans le respect des normes établies par la Convention de Genève.
    Le Canada entretient un dialogue ouvert et constructif avec le CICR concernant les détentions en Afghanistan, et cela tant sur le terrain qu'à Ottawa. Le président du CICR, le Dr Jacob Kellenberger, a d'ailleurs effectué à Ottawa plus tôt cet automne une visite au cours de laquelle il a exprimé son appréciation pour notre coopération soutenue dans ce dossier.
    Le Canada notifie aussi la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan, car il reconnaît le rôle qu'elle joue dans la surveillance des droits de la personne en Afghanistan. La Commission offre aux Afghans un moyen supplémentaire d'obtenir des informations permettant de retrouver un proche qu'ils estiment être détenu par les forces étrangères, y compris canadiennes.
    Enfin, je vous signale que le Canada notifie également la FIAS, c'est-à-dire la Force internationale d'assistance à la sécurité, lorsqu'il y a transfert d'un détenu. Les renseignements partagés avec l'OTAN sont les mêmes que ceux fournis au CICR et à la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan.
    Permettez-moi de dire quelques mots au sujet du renforcement des capacités. S'appuyant sur la prémisse voulant que les autorités afghanes doivent en définitive être responsables des détenus transférés et détenus sur leur territoire, le Canada contribue activement aux efforts visant à renforcer les capacités de l'Afghanistan en ce domaine. Se faisant, il aide le pays à remplir ses obligations concernant le traitement humain et les conditions de détention des détenus. Le Canada détache depuis trois ans un spécialiste des services correctionnels auprès de la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan. Cette mesure cadre avec le leadership qu'il exerce en matière de réforme du système de justice et de sécurité dans le sud de l'Afghanistan, et plus particulièrement à Kandahar, et correspond également à son solide attachement aux normes du droit humanitaire international et aux droits de la personne.

  (1540)  

    Plus récemment, un spécialiste principal du Service correctionnel du Canada a procédé à une évaluation des besoins à Kandahar et présenté des recommandations concernant une éventuelle participation du Canada dans le secteur correctionnel.
    Dans le cadre de cette évaluation, il a consulté les représentants du CICR en Afghanistan et d'autres intervenants. Son rapport contient des recommandations concrètes en vue d'activités immédiates et à long terme qui permettraient de renforcer les capacités en ce domaine, y compris dans la province de Kandahar. Nous étudions présentement ces recommandations qui pourraient inclure le déploiement d'agents du SCC au sein de l'Équipe provinciale de reconstruction, dans le but de contribuer aux activités de formation et aux projets de renforcement des capacités dans cette province.
    Pour conclure, je dirai que le Canada s'efforce de maintenir un processus ouvert et transparent en ce qui concerne la question des détenus et qu'il soutient sans réserve les efforts visant à renforcer les capacités et la bonne gouvernance en Afghanistan.
    Je répondrai maintenant avec plaisir aux questions que le comité pourrait vouloir poser et qui relèvent du ministère des Affaires étrangères.

  (1545)  

    Merci, madame Swords.
    Si personne ne souhaite ajouter autre chose, nous entendrons maintenant le deuxième groupe de témoins.
    Allez-y.
    Honorables membres du comité, j'aimerais d'abord exprimer mon accord avec les propos de Mme Swords. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour parler de l'approche adoptée par le Canada en ce qui concerne la question des détenus en  Afghanistan. C'est un grand privilège.
    J'aimerais présenter le colonel Bert Herfst, Juge-avocat général adjoint/Opérations, qui sera en mesure de vous donner un aperçu général du point de vue juridique des Forces canadiennes concernant notre politique de détention durant les opérations de déploiement, y compris en Afghanistan.

[Français]

    Ma collègue, Mme Swords, a exposé de façon assez détaillée les principes et les dispositions particulières de notre entente avec le gouvernement de l'Afghanistan en ce qui concerne les détenus. Elle a notamment décrit les rôles essentiels que jouent le Comité international de la Croix-Rouge et la Commission indépendante afghane des droits de la personne. Elle a également abordé la question importante liée au soutien apporté aux autorités afghanes pour les aider à renforcer leur système carcéral et correctionnel. Si vous me le permettez, je vais vous expliquer comment les Forces canadiennes mettent en oeuvre cette entente sur le terrain.

[Traduction]

    Permettez-moi tout d'abord de vous situer dans le contexte de notre politique de détention en général avant de parler plus particulièrement de la situation en Afghanistan.
    Je tiens avant tout à souligner que les Forces canadiennes exécutent toutes leurs opérations internationales conformément aux lois nationales et internationales en vigueur. Leur politique consiste à traiter humainement toutes les personnes détenues selon les normes établies par la Troisième convention de Genève relativement au traitement de prisonniers de guerre.
    De plus, nos militaires sont spécialement formés pour appliquer cette politique. Je sais que le comité a visité tout récemment les bases des Forces canadiennes à Petawawa et Edmonton. On vous a sûrement informé durant ces visites du fait que tous les membres Forces canadiennes qui participent à des opérations internationales assistent, avant leur déploiement, à des séances d'information et reçoivent de l'instruction. Ce processus comprend de l'instruction visant à s'assurer que les membres déployés comprennent le statut de prisonnier de guerre et le traitement de ces prisonniers et des détenus.
    Le Juge-avocat général adjoint offre aussi un cours intitulé « Le droit des conflits armés ». Ce cours vise à sensibiliser les membres des Forces canadiennes aux lois et traités qu'ils doivent respecter lorsqu'ils prennent part à des opérations militaires internationales, et en particulier au traitement et aux soins adéquats des civils, des détenus et des prisonniers malades ou blessés.
    Par ailleurs, le Juge-avocat général a publié un document intitulé Code de conduite du personnel des FC lequel sert à l'instruction élémentaire qui est donné au niveau des unités et qui porte sur le droit des conflits armés, y compris le traitement des détenus.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais parler de la situation en Afghanistan.
    Comme le savent tous présents dans cette pièce, notre mission en Afghanistan est complexe et englobe un large éventail d'opérations militaires, y compris le conflit armé. Or, peu importe les conditions opérationnelles particulières qui peuvent se présenter sur le théâtre, les Forces canadiennes doivent appliquer en tout temps les normes du droit humanitaire international, y compris celles des Conventions de Genève.
    Comme l'a déjà expliqué Mme Swords, le Canada a l'intention de remettre les personnes détenues par les Forces canadiennes en Afghanistan aux autorités afghanes, et ce, en vertu de son entente avec le gouvernement afghan. Cette entente concernant les détenus s'applique à tous les membres des Forces canadiennes en Afghanistan, peu importe la structure de commandement de laquelle ils relèvent, à savoir le commandement national, la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) de l'OTAN ou l'opération Enduring Freedom sous l'égide des États-Unis.
    Les Forces canadiennes exécutent la plupart des opérations conjointement avec les Forces de sécurité nationale afghane. L'approche privilégiée consiste à laisser les autorités afghanes se charger de tous les aspects de la détention — après tout, elles assument la responsabilité première concernant les fonctions liées à l'application de la loi dans leur propre pays. Cependant, si des membres des Forces canadiennes capturent une personne, ils sont autorisés, en vertu des procédures opérationnelles nationales et de celles de la FIAS, à détenir cette personne temporairement avant de la transférer aux autorités afghanes le plus tôt possible.
    Dans le camp des Forces canadiennes situé à l'aérodrome de Kandahar se trouve une petite installation de détention pour y détenir temporairement les personnes avant les transférer, bien qu'il convienne de noter que des transferts sont effectués sur le terrain.

  (1550)  

[Français]

    Selon la doctrine des Forces canadiennes, des militaires canadiens spécialement formés à cet effet pourraient procéder à un interrogatoire initial et à l'examen préliminaire des personnes qui sont sous leur garde en vue d'obtenir des renseignements d'une utilité immédiate sur le plan tactique.
    Pour ces interrogatoires, les militaires utilisent des techniques d'interrogation et d'entrevue autorisées et conformes aux lois canadiennes ainsi qu'à toutes les lois et conventions internationales pertinentes, y compris la Troisième Convention de Genève. L'interrogatoire initial est mené également pour déterminer si les personnes capturées doivent être libérées ou détenues, pour obtenir des détails pour nos propres dossiers et pour avertir le CICR, l'OTAN et la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan.

[Traduction]

    Lorsqu'une personne sous garde canadienne est transférée aux Forces de sécurité nationales afghanes, les renseignements concernant cette personne, par exemple, son nom, âge, sexe et condition physique, sont communiqués par les Forces canadiennes sur le théâtre, par l'entremise du Quartier général de la Défense nationale, à la Mission permanente du Canada à Genève qui, à son tour, informe le Service de protection du Comité international de la Croix-Rouge au moyen d'une note diplomatique.
    Des renseignements semblables sont transmis au niveau local à la FIAS et à la Commission indépendante afghane des droits de la personne. La confidentialité des renseignements est assurée.
    Les Forces canadiennes peuvent retarder le transfert des personnes aux autorités afghanes locales à l'endroit de la capture s'il y a des raisons de croire que les détenus pourraient être maltraités. Dans de telles circonstances, elles n'effectueraient pas les transferts tant qu'un contact n'aurait pas été établi avec des autorités afghanes en qui nous avons confiance.
    Le comité se souvient peut-être d'un incident rendu public au printemps dernier quand des soldats canadiens ont détenu deux insurgés suspects durant une opération de bouclage et de recherche. Les Canadiens avaient des raisons de mettre en doute les intentions des autorités afghanes locales dans ce cas en particulier. Ils ont donc transporté ces personnes à Kandahar et les ont transférées à des interlocuteurs fiables des Forces de sécurité nationales afghanes.
    Tout ce dont j'ai parlé jusqu'à présent s'articule autour d'un point commun qui est le suivant : toutes les personnes détenues par les Forces canadiennes en Afghanistan sont traitées humainement conformément aux normes des Conventions de Genève de façon à assurer leur sécurité, leur bien-être et leur santé, ainsi que le respect de leurs coutumes et de leurs croyances religieuses.
    Par exemple, si une personne a subi des blessures quand elle a été capturée, elle recevrait des soins médicaux conformes aux normes des Forces canadiennes. Elle ne serait pas transférée tant que les médecins militaires ne seraient pas convaincus que son rétablissement ne serait pas compromis.
    Si des membres du personnel des Forces canadiennes détiennent une femme, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à maintenant, ils feraient tout pour la traiter conformément aux pratiques religieuses et culturelles en vigueur, dans la mesure où cela est possible sur le plan opérationnel. Plus précisément, les prisonnières seraient gardées à part des prisonniers, on chargerait le personnel féminin des Forces canadiennes d'assurer leur garde et on interdirait au personnel masculin l'accès à la zone de détention des prisonnières, sauf dans le cas où celui-ci serait escorté par une gardienne.
    Permettez-moi d'aborder une dernière question qui est souvent soulevée dans le contexte des détenus. Il s'agit des détails relatifs aux cas de chaque détenu. Compte tenu des exigences opérationnelles et conformément à l'article 15.(1) de la Loi sur l'accès à l'information qui porte sur les opérations militaires, les renseignements concernant le nombre des détenus transférés et l'état actuel des prisonniers arrêtés par les Forces canadiennes en Afghanistan, et ainsi que l'identité des autorités auxquelles ces personnes ont été transférées ne peuvent pas être communiqués au public.
    Je termine en réitérant certains principes clés qui soutiennent notre politique de détention lors des opérations de déploiement. Mme Swords en a mentionné plusieurs, mais ils méritent d'être répétés.

[Français]

    Les Forces canadiennes mènent toutes leurs opérations, y compris en Afghanistan, conformément aux lois internationales et nationales en vigueur.
    Les Forces canadiennes traitent humainement toutes les personnes détenues en Afghanistan et autour du monde selon les normes établies par la Troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre.
    Tous les membres des Forces canadiennes qui participent à des opérations internationales, y compris en Afghanistan, assistent à des séances d'information et reçoivent des instructions avant d'être déployés, pour qu'ils comprennent le statut des prisonniers de guerre et le traitement de ces prisonniers et des détenus.
    Le gouvernement du Canada appuie le principe selon lequel les autorités afghanes devraient assumer la responsabilité des détenus capturés sur le territoire souverain du pays.
    Le développement et la mise en oeuvre de la politique du Canada concernant la détention en Afghanistan est une responsabilité interministérielle. Des représentants du ministère de la Défense nationale collaborent de près avec leurs homologues du ministère des Affaires étrangères, du Service correctionnel et d'autres ministères et organismes gouvernementaux pour s'assurer que cette politique est appliquée adéquatement et efficacement.

  (1555)  

[Traduction]

    Je vais terminer là-dessus, monsieur le président. Je serais heureux de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser sur le rôle de la Défense nationale dans l'application de sa politique concernant la détention en Afghanistan.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Rigby.
    Nous allons maintenant entamer le premier tour de la période de questions et chacun aura sept minutes. M. Dosanjh a la parole.
    Merci.
    Monsieur Rigby, vous nous avez dit qu'il y a des restrictions qui s'appliquent à l'information que vous pouvez nous divulguer. Je dois vous dire que je ne sais pas en quoi la sécurité nationale serait menacée si vous nous expliquiez, sans donner de noms, combien de prisonniers ont été capturés par nos Forces, combien ont été transférés aux autorités afghanes et combien ont pu être transférés aux forces de pays tiers.
    Ces restrictions sont-elles imposées à la discrétion du ministre ou d'une autre personne au ministère ou est-ce une exigence d'une loi quelconque?
    Monsieur Dosanjh, c'est la pratique usuelle qui existe au ministère de la Défense nationale depuis quelque temps déjà. Je crois savoir que la quasi-totalité de nos alliés de l'OTAN respectent la même règle.
    Ce serait plutôt risqué que nous divulguions de l'information au sujet du nombre de détenus ou que nous donnions d'autres détails sur des aspects précis des opérations. Cela peut donner lieu à d'autres questions qui touchent aux exigences opérationnelles précises, ce qui pourrait techniquement mettre en péril la vie des soldats et nous mettre dans une situation difficile.
    C'est l'idée qui a inspiré cette pratique. Je le répète, à ma connaissance, c'est pratique courante dans tous les pays membres de l'OTAN.
    Peu m'importe que ce soit pratique courante au sein de l'OTAN. Ce qui m'intéresse c'est que vous nous dites que c'est la pratique établie chez nous.
    Pouvez-vous m'expliquer comment le fait de révéler le nombre de personnes capturées, sans donner de nom, et le nombre de détenus transférés aux autorités afghanes ou à des pays tiers, autre que l'Afghanistan, pourrait mettre en péril la sécurité? Je me soucie au plus haut point de la sécurité de notre personnel militaire. Je ne demande qu'à être convaincu — si ce n'est pas une politique prévue dans la loi et qu'il n'y a pas d'interdiction législative, et j'aimerais savoir comment cela pourrait mettre en péril la sécurité et du même coup l'information opérationnelle ou la vie de nos soldats.
    Monsieur Dosanjh, tout ce que je peux vous dire c'est que la décision opérationnelle a été prise de ne pas divulguer ces renseignements au sujet des détenus.
    C'est une décision opérationnelle prise par qui?
    A ma connaissance, elle aurait été prise par nos commandants militaires.
    A-t-elle été prise par le chef d'état-major de la Défense ou par une personne sur le terrain en Afghanistan?
    Je crois qu'elle a été prise au plus haut niveau de la chaîne de commandement.
    Par le chef d'état-major de la défense?
    Je crois que oui.
    D'accord.
    J'aimerais savoir, de façon générale, dans quelle mesure les Canadiens ont accès à ces détenus s'ils choisissent d'exercer ce droit d'accès, ou encore dans quelle mesure la Croix-Rouge internationale a accès à ces détenus. Comment les choses se passent-elles sur le terrain?

  (1600)  

    Monsieur Dosanjh, je crois que jusqu'à maintenant l'expérience a été excellente. Rien dans l'entente conclue avec les autorités afghanes n'empêche le Canada et les membres des Forces canadiennes de demander aux autorités afghanes la permission de visiter les détenus. Il y a certainement eu des membres des forces canadiennes qui se sont rendus dans les centres de détention pour visiter les détenus que nous avions transférés. C'est ce que nous avons constaté jusqu'à maintenant.
    S'agissant du Comité international de la Croix-Rouge, cet organisme a un mandat international qui lui permet de visiter les détenus transférés aux autorités afghanes. Nos relations avec le CICR a toujours été excellente. Il dispose de l'information que nous lui communiquons et ses représentants ont accès aux détenus que nous avons transférés aux autorités afghanes.
    Si nous avons nous-mêmes visité les détenus, à quelle fréquence l'avons-nous fait? Dans quelle condition se trouvaient les détenus que nous avions transférés? Étaient-ils détenus dans des conditions acceptables?
    Jusqu'à maintenant, monsieur, les visites aux centres de détention afghans ont été sporadiques. Je ne peux pas pour l'instant vous donner le nombre précis de visites effectuées par le personnel des Forces canadiennes dans les centres de détention à Kandahar, par exemple, mais il y a eu des visites et nous comptons effectuer à l'avenir des visites plus régulières dans les installations de détention. Nous avons l'intention d'aborder la question avec les autorités afghanes.
    Avez-vous constaté directement ou entendu parler de situation qui vous amènerait à conclure que nous devons réexaminer et améliorer l'arrangement en vigueur?
    À l'heure actuelle, nous estimons que l'arrangement fonctionne extrêmement bien. Nous sommes satisfaits de son libellé et du rôle que joue le Comité international de la Croix-Rouge et la Commission indépendante afghane des droits de la personne et de notre accès, au besoin, aux détenus. Ni le CICR ni la Commission indépendante afghane des droits de la personne ne nous a transmis directement des renseignements au sujet de sévices subis par les détenus transférés aux autorités afghanes par les Forces canadiennes.
    Cela dit, nous sommes en relation constante avec nos collègues du CICR et avec nos collègues des forces de sécurité nationale afghanes. Nous chercherons certainement des façons de contribuer au renforcement des capacités tant en ce qui a trait à la détention et aux services correctionnels — dont a parlé Mme Swords — ainsi que dans le secteur de la réforme de la sécurité et du système de justice, entre autres.
    Merci.
    Merci, monsieur Dosanjh.
    Puisqu'il est maintenant clair que nous n'aurons pas le temps de faire un deuxième tour de table, je propose aux membres du comité d'accorder à chacun huit minutes environ jusqu'à la fin du premier tour. Vous pouvez partager votre temps si vous le voulez.
    Madame Bourgeois, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Mesdames, messieurs, bonjour.
    Je vais adresser ma première question à Mme Colleen Swords. Pour quelle raison les prisonniers sont-ils emprisonnés? Mis à part le fait que ce sont des terroristes, qu'ont-ils fait? C'est beau de dire que ce sont des terroristes, mais je voudrais avoir plus de précisions.

[Traduction]

    C'est une question qu'il vaudrait mieux poser aux militaires sur le terrain mais étant donné que notre opération prend des formes multiples en Afghanistan, certaines des personnes capturées pourraient effectivement être des insurgés. Certaines d'entre elles pourraient même s'être adonnées à des activités criminelles. Voilà pourquoi on estime préférable de les remettre aux autorités afghanes qui pourront alors décider de la meilleure façon d'appliquer le système judiciaire, de la mise en accusation jusqu'à la détention.
    Les situations varient puisque la mission en Afghanistan comporte des aspects multiples. Il s'agit de favoriser la stabilité du gouvernement afghan; ils ne tombent pas dans une catégorie ou une autre.
    Le témoin du ministère de la Défense nationale souhaite-t-il donner la perspective des militaires sur le terrain?
     Tout ce que je pourrais peut-être ajouter,c 'est que d'ordinaire nous ne les désignons pas comme des prisonniers. Nous préférons le terme « détenus » pour décrire ce qu'ils sont. Quand nous capturons une personne — quand nous prenons un détenu sous nos ailes — nous faisons une évaluation pour déterminer si cette personne doit être transférée aux forces de sécurité nationales afghanes ou remise en liberté. Si nous sommes convaincus qu'il s'agit d'insurgés qui ont mené des activités insurrectionnelles en Afghanistan et à l'encontre des forces alliées, nous les transférons aux forces de sécurité nationale afghanes. C'est en général ainsi que les choses se passent.

  (1605)  

[Français]

    Je trouve important que vous nous disiez de quel type d'individus il s'agit, qu'ils soient insurgés, criminels ou prisonniers, comme c'est écrit dans le document.
    On sait que le gouvernement afghan est faible actuellement. J'ai ici une étude de Houchang Hassan-Yari, professeur et directeur du département de science politique et d'économique au Collège militaire royal du canada. Il nous dit que le gouvernement afghan est très faible, que la police, notamment, est frappée par une corruption rampante et que le gouvernement doit trouver une solution au problème de la culture du pavot.
    C'est important que vous nous disiez qui vous avez incarcéré. Si le gouvernement est corrompu, s'il est faible et que vous remettez ces insurgés ou ces criminels au gouvernement, quelle assurance avons-nous que ces gens seront toujours détenus et n'iront pas à l'encontre de la population sur le terrain? C'est le premier élément.
    Deuxièmement, il y a les seigneurs de la guerre. Toutes les études actuelles nous disent non seulement que les talibans prennent du terrain, mais aussi que les seigneurs de la guerre, que nous avons mis en place, comme Canadiens, vont bien souvent à l'encontre des droits de la personne en Afghanistan et contribuent à propager le problème qui s'y pose.
    C'est bien de faire des règlements ou de conclure des ententes, mais je me questionne quant à la sûreté et à la sécurité que vont apporter ces ententes.
    Troisièmement, dans l'entente sur le transfert des détenus conclue entre les Forces canadiennes et le ministère de la Défense de la République islamique d'Afghanistan, au point numéro 8, on dit:
La Puissance détentrice sera chargée d'établir le statut juridique du détenu en vertu du droit international.
     Cela revient à ce que je disais auparavant. Disons que la personne est détenue pour trafic de pavot dans un gouvernement corrompu. Êtes-vous confiant que cela apportera beaucoup de sécurité? Est-ce que cela va empêcher le gouvernement de la laisser aller? Comment peut-on être assuré qu'un gouvernement aussi faible et aussi corrompu poursuivra vos actions? Je suis certaine qu'elles sont excellentes, mais comment peut-on s'assurer qu'elles seront poursuivies?

[Traduction]

    D'une certaine façon, il y a là trois questions distinctes : Or, elles reviennent toutes à la question fondamentale à savoir que le gouvernement de l'Afghanistan a besoin d'énormément d'aide. Il y a d'énormes défis à relever sur tous les fronts — et si ce n'était pas le cas, nous ne serions pas là — à tel point que nous devons bien commencer quelque part et l'entente à elle seule ne suffit pas à englober tous les cas possibles. Voilà pourquoi, au nom du gouvernement du Canada, nous avons décidé de les aider à améliorer leurs établissements correctionnels.
    En outre, l'Union européenne offre un programme de formation de la police très important et la MANUA met l'accent sur la réforme du système judiciaire.
    Est-ce que cela a été fait hier? Non. Est-ce que cela se fera aujourd'hui? Non. Est-ce que cela sera terminé dans 10 ans? Eh bien, seulement si nous commençons dès maintenant. Si nous disons qu'ils sont incapables de le faire et que nous devons nous en charger nous-mêmes, nous ne contribuerons jamais au renforcement des capacités internes qui permettraient aux Afghans de s'en charger eux-mêmes. La seule façon de les aider est de travailler avec eux dans le cadre de projets précis, en assurant une formation précise qui contribuera au renforcement du système judiciaire et du système correctionnel. Nous ne connaissons pas de meilleures façons d'y parvenir sauf en travaillant avec eux et en commençant sans tarder.

  (1610)  

[Français]

    Toujours selon M. Houchang Hassan-Yari, qui connaît très bien l'Afghanistan puisqu'il travaille ici pour les Forces canadiennes, l'allégeance en Afghanistan va d'abord et souvent seulement au chef de tribu. Le gouvernement central est un corps étranger et lointain, et l'appartenance nationale y est faible.
     Comment un service des Forces canadiennes comme le vôtre ou le service correctionnel peut-il amener les Afghans à avoir confiance dans un gouvernement central, alors que cela ne fait pas partie de la nature afghane? Les Afghans n'ont jamais vécu cela, ils ne connaissent pas ça. Vous semblez aller à contre-courant et vouloir leur faire croire en un gouvernement central fort, juridiquement responsable, et en un service correctionnel qui devrait leur apporter une certaine sécurité. Je ne comprends pas.

[Traduction]

    Il vous reste environ 30 secondes.
    Je crois que vous avez mis le doigt sur l'un des autres défis qu'il faut relever en Afghanistan : la relation entre le gouvernement central et les gouvernements provinciaux.
    Cela dit, je peux vous dire que la situation varie selon la province où l'on se trouve. Certaines des provinces ont un système judiciaire plus robuste que d'autres. Les services correctionnels sont du ressort des provinces et varient énormément d'une province à l'autre.
    La formation présente un autre défi. Très souvent, les pays qui assurent la formation le font au niveau central. Eh bien il n'y a pas toujours de diffusion du savoir au niveau local. Nous avons constaté à Kandahar que nous devons nous-mêmes assurer la formation des policiers et des agents du service correctionnel parce que, même si une partie de la formation a été dispensée par la MANUA, cela a été fait à Kaboul et il faut faire davantage d'efforts sur le terrain, dans les provinces.
    Vous avez mentionné l'un des problèmes, mais nous nous employons à y trouver une solution.
    Madame Black, vous avez la parole.
    Merci d'être revenus. Je suis ravie de vous voir et d'avoir l'occasion d'obtenir de l'information.
    Le ministère a dit à maintes reprises qu'aucune des dispositions de cet arrangement n'empêche les Canadiens de demander à rendre visite aux détenus pour assurer un suivi. Pourtant cela contredit les renseignements que j'ai obtenus, suite à une réponse que j'ai obtenue à une question adressée par écrit au ministre qui m'a dit, le 18 septembre, que le Canada n'avait pas encore demandé à visiter les détenus.
    Si vous êtes d'accord avec le ministre, cela signifie que nous avons seulement présenté de telles demandes après la fin du mois de septembre.
    Combien de détenus avons-nous demandé à visiter et quelles étaient les conditions de leur détention?
    Je pourrais peut-être demander au colonel Herfst s'il peut vous donner des détails mais je crois savoir qu'il n'y a eu que des visites informelles et que nous n'avons pas nécessairement eu à demander officiellement aux autorités afghanes la permission de visiter les centres de détention. Je ne crois donc pas qu'il y ait de contradiction entre ce que j'ai dit et ce que vous a dit le ministre. Il s'agit tout simplement de la façon dont les visites se sont produites.
    Je vais céder la parole au colonel.
    M. Rigby a raison de dire que les démarches se font au niveau local. Elles sont faites par les gens à Kandahar qui régulièrement doivent se rendre au centre-ville et communiquer avec les autorités afghanes pour une raison ou pour une autre. Je pense par exemple aux membres de la police militaire qui, comme l'a indiqué Mme Swords, offrent un programme de mentorat et aident la police locale à renforcer ses capacités. C'est dans ce contexte que nous effectuons les visites.
    Pour ce qui est de la réponse du ministre, je peux vous dire qu'il disait que le gouvernement canadien n'a pas encore demandé à visiter les détenus transférés...
    C'est exact.
    ... et cette réponse date du 18 septembre.
    Cela m'amène toutefois à ma prochaine question puisque vous avez mentionné la police militaire. Dans quelle mesure la police militaire intervient-elle auprès des détenus? Est-ce la police militaire qui s'occupe des modalités de transfert aux autorités afghanes? Ensuite, les agissements de la police militaire canadienne en Afghanistan diffèrent-elles de ceux sur d'autres théâtres d'opérations où le Canada est présent?

  (1615)  

    La réponse à la deuxième partie de votre question est facile. Nous recevons la même formation et nous appliquons les mêmes règles. Nous agissons en conformité de nos obligations en vertu du droit international.
    Oui, c'est la police militaire qui a la responsabilité première de formuler des conseils et de mettre en oeuvre les ententes locales relatives aux traitements et aux transferts des détenus. Elle formule des avis à l'intention du commandant sur le terrain sur le transfert des détenus.
    Ai-je raison de conclure que ce sont les membres de la police militaire canadienne qui transfèrent les détenus aux autorités afghanes?
    Oui, s'il s'agit d'un transfert qui s'effectue non pas là où l'individu a été capturé parce que, de temps en temps, il se peut qu'un individu soit transféré presque directement à des responsables qui s'adonnent à être sur les lieux.
    Il y a en réalité deux possibilités. On peut transférer un détenu sur le théâtre des opérations, à l'endroit de la capture, ou on peut ramener le détenu au centre de détention à Kandahar.
    Ces détenus seraient-ils placés sous la garde de la police militaire canadienne?
    C'est ce que j'ai cru comprendre et, si le transfert se fait sur le théâtre d'opérations, la responsabilité incombe au commandant qui se trouve sur les lieux à ce moment-là.
    Êtes-vous au courant de problèmes concernant des suspects libérés par les autorités afghanes avant qu'on ait la possibilité de faire une enquête complète pour déterminer si des accusations devraient être portées?
    Nous ne préférons pas utiliser l'expression suspects; nous parlons de détenus.
    Très bien, des « détenus ».
    Nous les transférons, et ensuite c'est au Afghans de prendre les mesures appropriées qu'ils souhaitent prendre dans le cadre de leur régime.
    Je vous pose la question parce qu'il y a un article dans le Globe and Mail d'aujourd'hui dans lequel Graeme Smith présente le cas d'un suspect, un détenu — pardonnez-moi si je ne m'exprime pas exactement comme vous le faites — qui a été détenu à cause du décès de Glyn Berry. Dans son article, il affirme qu'un M. Pir Mohammed  a été arrêté comme principal suspect. Selon l'article, les soupçons de la police ont été renforcés après qu'elle ait perquisitionné son logis, et y ait trouvé des armes, des documents et un Kalashnikov. Mais avant qu'une enquête puisse avoir lieu, il a été libéré après moins de deux jours de détention parce que, selon cet article, M. Muhammed avait des amis en haut lieu, des hommes puissants qui l'ont remis en liberté avant que la police ait la possibilité de procéder à une enquête en bonne et due forme. Apparemment, il doit sa libération au Mullah Naqib. On a indiqué que M. Muhammed avait eu la chance de faire partie de cette ancienne tribu de seigneurs de guerre.
    Cette situation soulève des préoccupations très graves, surtout lorsque nous parlons de la vie d'un diplomate canadien et de l'enquête ou l'absence d'enquête qui a suivi.
    Je pourrais peut-être simplement dire, dans le contexte de notre arrangement concernant les détenus, que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes ne sont pas absolument pas au courant de détenus qui transférés aux autorités afghanes, seraient ensuite libérés et reviendraient sur le champ de bataille pour y faire des victimes ou mener des opérations contre nos forces. Nous ne sommes pas au courant de ce genre de situation, je crois.
    J'espère bien que non.
    Si nous étions au courant d'une telle situation, nous ne manquerions pas d'intervenir. Nous en parlerions certainement directement avec les autorités afghanes de la sécurité nationale et les forces nationales de sécurité, et dans le cadre de nos responsabilités résiduelles, nous ferions en sorte d'obtenir des réponses.
    J'ai envoyé une autre question par écrit au ministre, et le ministère m'a indiqué clairement dans sa réponse que les détenus —tous ceux qui sont capturés — n'ont pas droit à un avocat.
    Je me demande comment le ministère est arrivé à une telle position et comment la culpabilité des détenus — j'allais dire des prisonniers —, est déterminée, ou part-on du principes qu'ils sont tous coupables.
    Non. Il s'agit de personnes détenues dans le contexte d'une opération de sécurité très complexe ou même d'un combat. Par conséquent, nous ne les traitons pas de la même façon que nous traiterions, par exemple, une personne soupçonnée d'un acte criminel.
    En ce qui concerne la question de savoir si les droits d'une personne soupçonnée d'un acte criminel ici au Canada au moment de son arrestation sont les mêmes que pour un individu que nous capturons sur le champ de bataille et que nous détenons, à notre avis, cet aspect ne s'applique pas au détenu.
    Très bien. Cet arrangement — appelons-le l'arrangement — a-t-il force obligatoire pour le Canada et pour l'Afghanistan?
    Disons qu'il s'agit d'un document ayant force morale.

  (1620)  

    Je me demande vraiment qu'elle est l'utilité de signer une entente si elle n'a pas force exécutoire.
    Je pense que cette entente n'a pas force exécutoire parce qu'elle vise en renforcer les engagements que nous avons déjà pris, par exemple, dans le cadre de la troisième convention.
    Quelle est la situation en ce qui concerne les Afghans?
    Ils ont eux aussi signé la convention contre la torture. L'Afghanistan est partie à...
    Il semble un peu bizarre que deux nations signent un document qui n'a pas de valeur juridique.
    Ce document indique très clairement quelles sont les responsabilités des personnes sur le théâtre et sur le terrain lorsqu'elles ont des détenus. Il n'est plus nécessaire de s'interroger sur la marche à suivre. Les responsabilités sont très claires. Le document est très succinct. Il indique à qui on doit transférer les détenus.
    Je considère qu'il est très important que les procédures soient consignées par écrit. Je pense que l'un des principaux objectifs de l'arrangement, c'est que les choses soient absolument claires entre le gouvernement du Canada et de l'Afghanistan. Cela s'inscrit également dans le contexte de la définition des rôles du Comité international de la Croix-Rouge et de la Commission afghane indépendante des droits de la personne.
    Je vous remercie, madame Black.
    J'aimerais simplement ajouter qu'il est en fait assez courant d'avoir des arrangements qui sont un peu plus détaillés que ne le sont les traités. C'est le cas par exemple du transfert des contrevenants. Nous avons un traité — le traité sur les transferts des contrevenants, le traité conclu par des gouvernements — mais nous avons aussi des arrangements administratifs qui sont plus détaillés. Il est tout à fait courant en fait d'avoir un arrangement qui est plus détaillé que ne l'est le traité proprement dit. En l'occurrence, les traités proprement dits sont les Conventions de Genève et toutes les conventions sur les droits de la personne auxquelles l'Afghanistan est partie et nous aussi. Donc on ne veut pas les refaire.
    Je sais que nous devons passer à autre chose, mais comme point final, les arrangements que d'autres pays de l'OTAN ont conclu avec les autorités afghanes n'ont pas force exécutoire non plus — par exemple, dans le cas de la Hollande.
    Mais leurs mesures de suivi sont un peu plus rigoureuses que les nôtres.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant céder la parole à M. Hawn.
    Merci beaucoup, monsieur le président et je remercie nos témoins d'être ici.
    En fait, je vais simplement enchaîner un instant sur la question de Mme Black. L'arrangement n'a pas force exécutoire, et je crois comprendre pourquoi, et en comprendre l'aspect pratique, mais certains ont laissé entendre que les décisions prises par les Canadiens aujourd'hui pourraient les obliger à comparaître devant la Cour pénale internationale plus tard. Si cet arrangement n'a pas force exécutoire, à votre avis y a-t-il lieu de s'inquiéter, en partant du principe que les autorités canadiennes s'acquittent effectivement de leurs responsabilités conformément à l'entente?
    Pour aboutir devant la Cour pénale internationale, vous devez avoir commis un crime contre l'humanité ou un crime très grave. Le droit international prévoit en fait et autorise le transfert des détenus, donc il est tout à fait absurde de laisser entendre qu'une personne pourrait aboutir devant la Cour pénale internationale.
    Je vous remercie.
    Parfois nous faisons des hypothèses — qui s'expriment dans la plupart des tribunes comme celles-ci — et nous appliquons des normes canadiennes à des pays comme l'Afghanistan. De toute évidence, cela est impossible.
    Parviendrons-nous un jour à améliorer de façon concrète et à long terme la situation en Afghanistan sans prendre ce que les gens qui adhèrent aux valeurs canadiennes considèrent comme des risques? Ne devons-nous pas prendre certains de ces risques nous-mêmes, si nous voulons travailler avec des groupes comme les autorités afghanes pour améliorer la situation en Afghanistan, en fonction des valeurs que nous considérons être les nôtres? Ne s'agit-il pas d'évaluation du risque?
    Oui, d'une certaine façon, et d'une certaine façon c'est précisément ce que nous tâchons de faire. Je pense que nous ne devons pas perdre de vue que l'Afghanistan est le cinquième pays le plus pauvre au monde, je crois. Il connaît d'énormes difficultés économiques, sans compter le problème avec lequel est aux prises son système judiciaire et son système correctionnel. Nous devons les aider. Nous devons les aider dans bien, bien des secteurs, et cela n'est qu'un aspect de plus.
    Certaines choses qu'au Canada on pourrait considérer comme une violation ou une source de préoccupation en vertu de notre Charte des droits et libertés pourraient être dans les faits, des choses que nous devons vraiment risquer de faire dans notre travail avec les Afghans. Qu'en pensez-vous?
    Je pense qu'il n'est jamais justifié de commettre des violations des droits de la personne et qui vont jusqu'à la torture ou des actes de ce genre. Si nous parlons d'une cellule de prison qui doit avoir une certaine taille et une toilette à chasse, les normes différeront dans certains pays réellement pauvres. Donc je pense que nous devons prendre garde aux normes dont nous parlons.

  (1625)  

    Précisément. Je vous remercie.
    Je laisse la parole à ma collègue.
    On a rapporté que le principal suspect de l'assassinat de Glyn Berry a été libéré par la police afghane sur la recommandation ou à la demande d'un mollah local, et que depuis on a perdu la trace du suspect.
    Si nos soldats avaient capturé ce type dans le cadre de l'une de leurs opérations et que le mollah était venu exiger qu'on le libère, qu'est-ce que nos troupes seraient tenues de faire?
    Le rôle de nos forces en ce qui concerne la capture d'insurgés ou de personnes que l'on soupçonne être des insurgés est très claire: nous devons transférer ces détenus aux forces afghanes de la sécurité nationale. Leur mandat est très clair. C'est aussi simple que cela.
    Donc même si nous pouvions capturer cette personne, selon les règles, il pourrait tout simplement être libéré?
    De toute évidence, le commandant sur le terrain peut exercer un pouvoir discrétionnaire. Dans le contexte particulier que vous présentez ici, il pourrait téléphoner à Ottawa ou porter cette question à l'attention de son supérieur hiérarchique et demander des instructions. J'aimerais apporter des éclaircissements. Dans le contexte particulier où nous pourrions capturer une personne que nous avons des raisons de considérer comme l'auteur d'une attaque visant particulièrement le personnel des Forces canadiennes, le commandant, selon toute probabilité, communiquerait avec Ottawa pour demander la marche à suivre, parce que la question que vous présentez est une question très délicate.
    Notre premier objectif est d'assurer la sécurité de nos troupes et leur protection. À cet égard, si les talibans capturaient l'un de nos soldats, auraient-ils droit aux mêmes types de respect des règles internationales que celles auxquelles nous sommes tenus de respecter dans leur cas?
    Heureusement, c'est une situation à laquelle nous n'avons pas eu à faire face.
    Et s'ils étaient capturés?
    Nous ne savons tout simplement pas ce que feraient les talibans.
    Je vais partager mon temps avec mon collègue, M. Blaney.

[Français]

    Essentiellement, on parle d'une entente qui est survenue il y a près d'un an, le 18 décembre 2005. Au fond, la pierre d'assise de l'entente est la Troisième Convention de Genève. On dit qu'autant le Canada que l'Afghanistan s'engagent à traiter les détenus conformément aux exigences établies dans cet accord.
    Pouvez-vous me dire quelles sont les exigences pour les détenus en termes de droit?

[Traduction]

    C'est probablement une question à laquelle devraient répondre les avocats. La troisième Convention de Genève traite des prisonniers de guerre. Elle traite des prisonniers de guerre dans le contexte d'un conflit armé international — ce qui n'est pas le cas à proprement parlé ici parce que nous sommes là-bas pour aider le gouvernement afghan. L'article 3 s'applique au conflit armé non international. Essentiellement, nous avons décidé d'appliquer les normes de traitement humain énoncées dans la Convention de Genève dans tous les cas.
    L'article 12 de la troisième Convention de Genève prévoit la possibilité pour les États de transférer un détenu à une autre partie. C'est essentiellement ce que nous sommes en train de mettre en oeuvre dans le cadre de cet arrangement. Je suis avocate; je ne voulais pas le dire en présence de deux avocats dans la salle, mais il y a ici deux avocats qui s'occupent activement de droit humanitaire, donc ils aimeraient peut-être ajouter quelque chose.
    La Troisième convention de Genève renferme bien entendu un grand nombre de normes, qui ne s'appliqueraient pas toutes nécessairement à un détenu capturé dans le cadre de ce conflit particulier.
    La première norme qui est importante, bien entendu, c'est la disposition concernant le traitement humain — c'est-à-dire que chacun a droit à son intégrité physique et à ne pas être torturé. La principale norme qui nous intéresse surtout également est le droit d'accès au Comité international de la Croix-Rouge. Ce droit ne serait pas normalement accordé aux belligérants non privilégiés ou illégaux; il s'agit d'un privilège dans ce cas particulier.
    La Troisième convention de Genève renferme également un certain nombre d'autres privilèges qui sont accordés... Si vous avez vu des films sur la Deuxième Guerre mondiale, vous aurez vu la façon dont les prisonniers sont groupés dans divers camps de détention. Ce n'est pas le genre de droits dont nous parlons. Nous parlons des normes prima facie des traitements, entre autre le traitement humain et le droit d'accès. Ces droits sont prévus par la Troisième convention de Genève.

  (1630)  

[Français]

    Si je comprends bien, la Croix-Rouge a un droit de regard. Dans le document qu'il nous avait présenté, M. Kellenberger a salué la coopération du gouvernement canadien. À votre connaissance, est-ce qu'il y a eu des préoccupations concernant les détenus que l'armée canadienne a transférés à l'Afghanistan? Est-ce que la Croix-Rouge a fait mention de problèmes qui seraient survenus?

[Traduction]

    Nous ne sommes pas au courant de cas particuliers, comme je l'ai mentionné, de transfert, par les Forces canadiennes, d'un détenu aux autorités afghanes où on aurait appris par la suite, soit par l'intermédiaire du CICR ou directement de la Commission afghane indépendante des droits de la personne que ces détenus auraient été maltraités par les autorités afghanes. Nous ne sommes pas directement au courant de cas de ce genre; il n'existe aucune preuve anecdotique de ce genre de chose, mais nous n'avons certainement pas entendu parler directement qu'aucun de ces détenus aient été maltraités.
    Je vous remercie monsieur Blaney. Notre temps est écoulé.
    Au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants des renseignements que vous nous avez fournis.
    Chers collègues, nous allons suspendre la séance un instant afin de nous préparer à accueillir notre prochain groupe de témoins. Nous reprendrons la séance sous peu.

  (1635)  

    Chers collègues, pourrais-je avoir votre attention? Nous allons maintenant poursuivre nos délibérations. Nous avons un horaire chargé.
    De nouveau, je vais proposer que nous suivions le même ordre, c'est-à-dire qu'au premier tour chaque parti disposera de huit minutes et demie. Cela semble bien fonctionner et nous permet d'utiliser tout le temps dont nous disposons.
    Comme il n'y a pas d'objections, j'aimerais que M. Byers commence. Vous avez 10 minutes.
    Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à parler avec vous de l'arrangement sur le transfert de détenus conclu entre le Canada et l'Afghanistan. Aujourd'hui je vais vous parler de la façon dont l'arrangement est efficace pour prévenir la torture.
    Je travaille sur cette question depuis 1992, lorsque j'ai traité de l'interdiction prévue par la loi d'avoir recours à la torture dans le cadre de ma thèse de doctorat à l'Université Cambridge. En 1998, j'ai fait partie de l'équipe juridique qui représentait Amnistie internationale et d'autres groupes de défense des droits de la personne relativement au cas Pinochet à la Chambre des lords. En janvier 2002, je me suis intéressé de près à la question du transfert des détenus en Afghanistan lorsque j'ai signalé au Globe and Mail les obligations légales du Canada.
    Je ne sais pas combien d'entre vous avez rencontré des victimes de torture. Je suis toujours frappé par leur regard vide. C'est comme s'ils avaient perdu leur âme. La torture, soit le fait d'infliger volontairement des douleurs extrêmes, est une pratique ignoble et inhumaine. C'est pourquoi la torture est absolument interdite par toute une gamme de traités. C'est pourquoi tous les pays civilisés se sont engagés à prévenir et à punir la torture. C'est aussi pourquoi, lorsque nous négocions un arrangement de transfert de détenus, nous devons faire tout en notre possible pour prévenir la torture de détenus une fois qu'ils sont transférés.
    Malheureusement, l'arrangement conclu entre le Canada et la l'Afghanistan ne prévoit pas de mécanismes de protection évidents et raisonnables. D'abord, et contrairement à ce que M. Dosanjh a dit, il ne donne pas aux autorités canadiennes un droit d'accès à nos détenus transférés.
    Comparez cet arrangement au protocole d'entente conclu entre les Pays-Bas et l'Afghanistan. Selon l'ancien ministre de la Défense, Bill Graham, ce protocole aurait servi de modèle dans le cadre de la négociation de notre arrangement avec l'Afghanistan. Dans leur protocole, les Hollandais donnent à leurs autorités le droit d'accès à tous leurs détenus transférés. Le protocole hollandais prévoit aussi un droit d'accès aux institutions onusiennes pertinentes concernant les droits de la personne, une catégorie qui comprend le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture.
    L'arrangement canadien ne prévoit pas cela. Il s'en remet plutôt uniquement au Comité international de la Croix-Rouge, un organisme qui n'informe normalement pas les autres pays lorsqu'un pays en particulier viole le droit des détenus.
    Le 18 septembre 2006, dans une réponse écrite à une question posée par Dawn Black, député, le ministre des Affaires étrangères, Peter MacKay, reconnaissait ce fait. Il a dit :
Dans toutes ses activités, en particulier dans le cadre des visites aux prisonniers, les relations entre le CICR et ses contacts et les autorités de détention sont fondées sur une politique de discrétion... Il arrive que le CICR rende visite à des détenus que nous avons transférés en Afghanistan; et nous sommes confiants qu'il avertirait les autorités afghanes et les autorités de détention s'il avait des préoccupations concernant un détenu en particulier ou les conditions de détention.
    Je vous fais remarquer que M. MacKay a pris soin de ne pas laisser entendre que le CICR informerait les autorités canadiennes puisque, si on se fie à l'expérience, ce ne serait probablement pas le cas. Donc lorsque M. Rigby, qui était ici il y a une heure, laisse entendre qu'aucune information n'avait été reçue du CICR relativement à la violation des droits des détenus transférés du Canada, cela ne voulait pas dire que le CICR n'avait pas constaté de violations. C'est simplement qu'on n'a pas été avertis, conformément à la pratique du CICR. C'est aussi pourquoi, selon moi, il n'y a pas de représentant du CICR qui témoigne ici aujourd'hui. Leur politique de discrétion stricte ne prévoit pas de témoignage à une tierce partie, le gouvernement du Canada en l'occurrence.

  (1640)  

    Comme Mme Bourgeois l'a dit, l'Afghanistan est un pays pauvre, un pays faible. Sa police militaire et ses institutions juridiques et correctionnelles subissent des transformations en profondeur, lesquelles sont loin d'être terminées. Reconnaître cela n'est nullement une critique du gouvernement de l'Afghanistan. La corruption et les violations des droits de la personne sont communes dans ce pays. Nous l'aidons à améliorer sa situation, mais les améliorations ne sont pas encore suffisantes.
    En se fiant au CICR pour surveiller la situation des détenus et pour assurer la liaison uniquement avec les autorités afghanes en cas de violations, le Canada ne se préoccupe pas des détenus qui sont dans une situation où leurs droits sont loin d'être assurés. Le Canada ne se soucie pas non plus de la possibilité que l'Afghanistan transfère certains des détenus vers d'autres pays, y compris des pays qui pratiquent toujours la torture. L'arrangement entre le Canada et l'Afghanistan ne prévoit pas que le Canada soit averti à l'avance de tels transferts. Voilà une autre différence comparativement au protocole hollandais, qui prévoit un droit d'être avisé.
    Ces omissions posent problème relativement à l'obligation du Canada, en vertu de l'article 3 de la Convention de Genève de 1949, qui, comme Mme. Swords l'a expliqué, s'applique aux conflits non internationaux comme celui qui se déroule en Afghanistan. L'article 3 protège « les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes »; il s'applique donc à tous les détenus. L'article 3 précise que certains gestes « sont et demeurent prohibés en tout temps et en tout lieu », y compris « les traitements cruels et la torture » et « les atteintes à la dignité des personnes ». Le caractère absolument illimité dans le temps et dans l'espace de l'article 3 fait en sorte que le Canada contreviendrait à ses obligations si un détenu qu'il a transféré était torturé ou subissait de mauvais traitements en Afghanistan ou dans un tiers pays.
    L'arrangement canadien ne prévoit pas de protection suffisante contre les violations de la convention de 1984 contre la torture, dont l'article 3 précise que « aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elles risquent d'être soumises à la torture. » Le Comité des Nations Unies contre la torture a indiqué que le terme « autre État » à l'article 3 comprend tout autre pays où un prisonnier pourrait ultérieurement être transféré. Pour cette raison, l'obligation du Canada est également de voir à ce que tout détenu soit protégé contre la torture non seulement lorsqu'il est transféré en Afghanistan, mais également s'il est transféré par la suite vers un tiers pays.
    Je ne suis pas d'accord avec Mme. Swords en ce qui a trait au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Je crois que l'arrangement canadien ne prévoit pas une protection adéquate contre les violations possibles du Statut de la CPI. L'article 8 de ce statut énonce ce en quoi constituent des crimes de guerre, et on compte parmi eux les violations graves de l'article 3, y compris les traitements cruels et la torture.
    L'article 25 du Statut de Rome précise que « une personne est pénalement responsable et peut être punie pour un crime relevant de la compétence de la cour si », notamment, « en vue de faciliter la commission d'un tel crime, elle apporte son aide, son concours ou toute autre forme d'assistance à la commission ou à la tentative de commission de ce crime, y compris en fournissant les moyens de cette commission ». Je dirais que le transfert d'un détenu fournit les moyens de commettre un crime de guerre.
    Le Canada a ratifié le Statut de Rome en juillet 2000. Par conséquent, toute torture, traitement cruel ou autre atteinte à la dignité des personnes facilitée par un soldat canadien en Afghanistan relève de la compétence de la CPI. J'ai suffisamment confiance dans le système de justice militaire canadien pour croire que de tels crimes feraient l'objet d'un procès devant une cour martiale canadienne, mais ça n'empêcherait pas la CPI de prendre des mesures, et ce serait dommage, parce que notre pays a lutté vigoureusement à l'échelle internationale pour obtenir la CPI. L'arrangement canadien ne protège pas le Canada contre la possibilité qu'un soldat canadien puisse un jour répondre d'accusations de crime de guerre à La Haye.

  (1645)  

    Que faire? Voilà la grande question. L'arrangement entre le Canada et l'Afghanistan devrait être renégocié afin qu'on y ajoute tous les mécanismes de protection prévus dans le protocole conclu entre les Pays-Bas et l'Afghanistan.
    Comme les Hollandais le démontrent dans le Sud de l'Afghanistan aujourd'hui, ces mécanismes de protection n'ont pas eu de conséquences néfastes sur les opérations. Il n'y a aucune raison de croire que les autorités afghanes s'opposeraient à une renégociation, puisqu'elles ont déjà accepté les modalités du protocole hollandais. Je ne crois pas non plus, comme Mme. Swords l'a laissé entendre, que ces mesures de protection nuiraient au développement d'une capacité gouvernementale afghane de quelque façon que ce soit.
    Enfin, il y a une autre mesure de protection. Il s'agit d'une mesure de protection entièrement raisonnable que nous devrions ajouter à l'arrangement renégocié, soit un droit de veto sur tout transfert proposé vers un tiers pays. De toute évidence, sans droit de veto le droit d'être avisé perdrait en bonne partie son effet pratique.
    Monsieur le président et membres du comité, l'arrangement actuel conclu entre le Canada et l'Afghanistan a été rédigé à la hâte. Les troupes canadiennes se dirigeaient déjà vers Kandahar. Le ministre de la Défense à l'époque a été distrait par une campagne électorale. Nous pouvons tous comprendre qu'il est facile de commettre des erreurs dans de telles situations.
    Je ne cherche pas à blâmer qui que ce soit. Mais aujourd'hui, ayant eu l'occasion d'étudier la situation soigneusement, j'espère que vous allez reconnaître qu'il est temps de renégocier cet arrangement. On peut faire mieux. En fait, on doit faire mieux.
    Merci beaucoup de votre attention.

  (1650)  

    Monsieur Neve.
    Bonjour, membres du comité.
    Amnistie internationale vous remercie de l'occasion que vous lui donnez aujourd'hui de parler de ses préoccupations et de formuler des recommandations concernant la politique et la pratique du gouvernement canadien en ce qui a trait au traitement des prisonniers en Afghanistan.
    J'aimerais d'abord souligner qu'Amnistie internationale soulève ces préoccupations auprès du gouvernement canadien depuis maintenant près de cinq ans. Il ne s'agit pas d'un phénomène récent. Nous avons d'abord soulevé ces questions en janvier 2002 dans une lettre adressée au ministre de la Défense nationale de l'époque, M. Art Eggleton. Nous exhortions alors les Forces canadiennes à ne pas transférer de prisonniers aux Forces américaines -- c'était la question à l'époque -- à moins que les autorités américaines n'acceptent d'appliquer les conventions de Genève et d'établir des tribunaux compétents pour déterminer si les détenus étaient admissibles au statut de prisonnier de guerre.
    Sept mois plus tard, le nouveau ministre McCallum a indiqué que le Canada continuerait de transférer des détenus en Afghanistan aux autorités militaires américaines. Les États-Unis avaient dit qu'ils traiteraient les détenus de façon humaine et conformément aux conventions de Genève, sans toutefois reconnaître officiellement l'applicabilité de ces conventions.
    Nous avons réécrit au ministre McCallum en octobre 2002. Nous avons répété que nous craignions que les autorités américaines ne respectaient toujours pas les conventions de Genève. Qui plus est, nous craignions également que certains prisonniers soient condamnés à la peine de mort. À cette époque, nous avons proposé pour la première fois que les Forces canadiennes examinent la possibilité d'établir leurs propres installations de détention en Afghanistan.
    En février 2005, Amnistie internationale a écrit aux ministres Pettigrew et Graham. Nous avons demandé des précisions relativement à des allégations selon lesquelles certains prisonniers qui avaient été transférés aux États-Unis avaient été ultérieurement envoyés aux installations de détention américaine à Guantanamo Bay. Nous avons demandé quelles mesures le Canada avait prises pour s'assurer que les prisonniers transférés n'y soient pas envoyés. Nous avons également demandé si le Canada avait demandé et reçu l'assurance que les prisonniers transférés ne seraient pas passibles de la peine de mort.
    Nous avons encore une fois écrit au ministre Graham en octobre 2005. Nous avons fait remarquer les préoccupations, vastes et bien documentées, concernant les pratiques de détention américaines à la fois en Afghanistan et à Guantanamo Bay. Nous avons indiqué que la volonté des Américains d'agir conformément à leurs obligations légales internationales laissaient de toute évidence à désirer. Nous avons demandé que le Canada mette fin aux transferts de prisonniers, et nous avons encore une fois proposé que les troupes canadiennes examinent la possibilité de se charger de la détention des personnes arrêtées au cours des opérations en Afghanistan.
    Nous avons ensuite écrit au ministre Graham en novembre 2005, à la suite d'une réunion avec celui-ci, au cours de laquelle on nous avait informés que le Canada cesserait de transférer des détenus aux Américains. La nouvelle politique prévoirait plutôt le transfert des prisonniers aux autorités afghanes. Nous avons indiqué qu'il y avait de graves préoccupations concernant le traitement des prisonniers dans les centres de détention gérés par les Afghans. Nous avons parlé des problèmes de surveillance, de ressources et de capacité dans les prisons afghanes, de même que de la nécessité d'être assurés de source fiable qu'il n'y aurait plus de transferts de prisonniers aux autorités américaines. Nous avons encore une fois indiqué qu'à moins que les graves lacunes constatées en matière de droits de la personne ne soient corrigées, le Canada devrait être prêt à établir et à gérer ses propres installations de détention en Afghanistan, peut-être de concert avec d'autres nations participant à la FIAS.
    L'échange suivant a eu lieu le 3 avril de cette année, avec le gouvernement actuel, et plus précisément avec le ministre O'Connor. Nous avions passé en revue l'arrangement conclu entre le Canada et l'Afghanistan sur les transferts de détenus. Nous craignions qu'elle n'assure pas la protection des droits des prisonniers transférés aux Afghans par les Forces canadiennes. Nous avons encore une fois demandé pourquoi le Canada refusait toujours d'établir ses propres installations de détention.
    Nous avons écrit à nouveau au ministre O'Connor le 12 mai, après ce qu'on a qualifié de la plus importante capture d'insurgés Talibans présumés par les soldats canadiens en Afghanistan. Nous avons parlé de l'important travail de réforme du système pénal financé par l'ACDI de même que de la préoccupation que les transferts de détenus aux prisons afghanes, où les conditions s'aggravent rapidement, mèneraient inévitablement à des violations des droits de la personne et ne serviraient qu'à exacerber la détérioration des conditions ignobles dans les prisons.

  (1655)  

    Nous avons eu une réponse détaillée du ministre O'Connor le 26 juillet. Le ministre a été clair; le Canada a l'intention de continuer de transférer les prisonniers aux autorités afghanes et considèrent que cela va dans le sens de l'objectif visant le renforcement des capacités institutionnelles du gouvernement afghan. Le ministre a indiqué qu'il se fiait à la garantie figurant dans l'arrangement selon laquelle les détenus seront traités de façon humaine et que les allégations de torture ou de mauvais traitement de détenus transférés n'étaient que des scénarios hypothétiques sur lesquels il ne voulait pas spéculer.
    Selon lui, le rôle de surveillance du CICR et de la Commission des droits de la personne de l'Afghanistan suffisent pour assurer le traitement humain des détenus. Il a dit qu'il n'avait pas d'objection à ce que les autorités afghanes transfèrent des prisonniers vers un autre État, à condition que les exigences de la loi internationale soient respectées. Enfin, il a indiqué que le Canada n'allait pas établir sa propre capacité de détention en Afghanistan parce que ça nuirait à l'objectif visant à renforcer la capacité institutionnelle du gouvernement afghan.
    Nous avons finalement écrit au ministre O'Connor le 14 novembre de cette année. Nous avons indiqué que la principale préoccupation d'Amnistie internationale concernait l'obligation internationale fondamentale exigeant qu'un État ne transfère pas de prisonniers à un autre État s'il y a des motifs raisonnables de croire qu'il y a risque de torture. Nous avons fait état des résultats de nos recherches sur le terrain, lesquelles indiquent que la torture et les mauvais traitements se poursuivent de façon régulière et sont communs dans les prisons afghanes. De plus, les conditions dans les prisons sont toujours abominables. Nous avons en particulier fait valoir -- et c'est quelque chose qui me tient à coeur -- nos préoccupations concernant la torture aux mains de la Direction générale de la sécurité nationale. Nous avons demandé des précisions à savoir si le Canada transférait des prisonniers à la Direction générale de la sécurité nationale. Nous n'avons pas obtenu cette information, et M. Rigby a indiqué encore aujourd'hui qu'on refuse de divulguer cette information. Un fonctionnaire de l'ONU nous a récemment indiqué qu'il semblerait que certains, voire peut-être de nombreux prisonniers aient été transférés à la Direction générale de la sécurité nationale par les Canadiens. Et c'est inquiétant, puisque cette entité fait l'objet des plus sérieuses craintes en matière de torture, de mauvais traitements et de manque de transparence.
    Dans notre dernière lettre au ministre O'Connor, nous avons encore une fois soulevé des préoccupations en ce qui a trait aux transferts de détenus à des tierces parties, et nous avons réitéré notre recommandation selon laquelle le Canada devrait travailler avec le gouvernement afghan et ses alliés de l'OTAN pour établir des installations de détention en Afghanistan, installations qui seraient conformes à la norme et à la pratique internationales, et ce, de façon à contribuer au développement de la capacité des autorités afghanes qui travaillent dans les secteurs de la justice et du droit pénal.
    Pour terminer, j'aimerais souligner quatre points clés.
    D'abord, Amnistie internationale craint que, compte tenu du caractère généralisé et de la gravité de la torture et des mauvais traitements dans le système carcéral afghan, surtout aux mains de la Direction générale de la sécurité nationale, il y ait des motifs raisonnables de croire que, lorsque les Forces canadiennes transfèrent un prisonnier aux autorités afghanes, torture et mauvais traitements s'ensuivent. Ceci étant, le Canada viole ses obligations internationales en matière de droits de la personne.
    Deuxièmement, évidemment, nous sommes reconnaissants du rôle de surveillance joué par le Comité international de la Croix-Rouge de même que par la Commission indépendante afghane des droits de la personne. Mais les mauvais traitements se poursuivent malgré la surveillance. Le fait qu'il y ait un mécanisme de surveillance en place ne peut pas justifier ni excuser le transfert de prisonniers à des autorités qui présentent un risque important de torture ou de mauvais traitement. Il est important de souligner comme l'a dit M. Byers, que le CICR ne rend pas publics les détails des préoccupations qu'il pourrait avoir. Ce fait, de même que tout le secret qui entoure les détails concernant le nombre de prisonniers, où ils sont détenus, où ils sont transférés, les motifs de leur détention, etc., nous portent à croire que ce mécanisme de surveillance ne fonctionne pas. Les dispositions de contrôle et de surveillance doivent absolument être renforcées, et au moins être équivalentes aux dispositions contenues dans le protocole hollandais.
    Troisièmement, nous appuyons sans réserve l'objectif du Canada qui vise à réformer le système pénal en Afghanistan, y compris les conditions dans les prisons et la gestion des prisons. Amnistie internationale en a fait la demande à de nombreuses reprises ces dernières années. Le transfert des détenus à un système carcéral en ruine et surpeuplé met cet objectif en péril. Nous exhortons toujours le Canada à travailler avec les autorités afghanes et d'autres alliés de l'OTAN pour établir une nouvelle capacité de détention au pays, qui pourrait être gérée de concert avec les autorités afghanes et servir d'institution importante dans le cadre de l'initiative de renforcement des capacités.

  (1700)  

    Enfin, je veux qu'il soit clair que les préoccupations formulées par Amnistie internationale ne veulent pas dire que nous croyons que les détenus arrêtés par les Forces canadiennes ne devraient pas être emprisonnés. Nous n'avons aucune information sur les allégations précises faites contre ces détenus. De toute évidence, ceux qui auraient commis des crimes ou violé les droits humains internationaux ou les dispositions du droit humanitaire doivent faire face à la justice. Il est toutefois essentiel que justice soit faite conformément aux normes juridiques internationales. Autrement, on fait reculer les réformes durables à long terme qui sont cruellement nécessaires en Afghanistan.
    Je vous remercie.
    Merci de votre témoignage.
    Compte tenu du temps qu'il reste, nous allons devoir nous contenter d'une ronde de sept minutes. Madame Bennett.
    Merci beaucoup de votre présentation, et surtout des pistes de solutions. Nous aimons les exposés qui formulent des recommandations.
    J'aimerais revenir aux lacunes que vous avez décelées relativement au droit d'accès et au droit de notification. Ai-je bien compris que les Hollandais ont une capacité de détention, ou ont-ils simplement une meilleure entente qui prévoit un droit d'accès et un droit de notification?
    Que je sache, leur capacité de détention n'est pas meilleure que celle des Canadiens. En fait, ils se servent probablement des mêmes installations de détention à l'aérodrome de Kandahar. Mais ils ont une meilleure entente qui prévoit un droit d'accès à la suite du transfert de détenus — cette disposition n'est pas à la discrétion des autorités afghanes, mais bien un droit. Ainsi, ils peuvent aller dans les prisons dont Alex a parlé et vérifier que nos détenus ne sont pas torturés de quelque façon que ce soit. Voilà la principale différence.
    L'entente canadienne ne prévoit pas de suivi. Cette tâche est confiée au CICR qui, dans la pratique, ne nous fait pas rapport. L'entente nous permet donc essentiellement de nous en laver les mains, ce que nous ne pouvons simplement pas faire en vertu du droit international.
    En résumé, vous dites que vous voulez que l'entente soit renégociée afin qu'on y ajoute le droit d'accès, le droit de notification et encore mieux, un droit de veto, et que nous aidions les Hollandais et d'autres nations à construire de meilleures installations de détention qui finiraient par faire partie des infrastructures afghanes?
    Exactement. J'appuie pleinement le renforcement du gouvernement afghan. D'ailleurs, en appliquant des normes extrêmement élevées aux autorités afghanes, en assurant la liaison avec elles et en faisant un suivi, nous les aidons à devenir capables de respecter nos attentes.
    De plus, même si Alex parlait des problèmes relatifs aux prisonniers détenus par les Américains, le besoin de protection contre des transferts des tierces parties pourrait théoriquement dépasser toute préoccupation concernant le traitement par les Américains. Qu'arriverait-il si les autorités afghanes décidaient de transférer certains de nos détenus en Ouzbékistan ou dans un autre pays dont on sait très bien qu'ils pratiquent la torture? Avoir un droit de notification et un veto impose tout simplement une obligation aux autorités afghanes de respecter nos attentes et celles du droit international en toute circonstance prévisible.
    J'aimerais revenir au fait que les Hollandais, après plusieurs mois de travaux et d'études très intensifs dans des séances de comité comme celle-ci, ont élaboré une entente tout à fait valable dont nous devrions nous inspirer aujourd'hui. Il faut reconnaître que notre entente a été négociée trop rapidement au milieu d'une campagne électorale fédérale. Les problèmes sont faciles à corriger; je viens d'expliquer comment nous pouvons le faire. L'entente hollandaise assortie d'un veto élimine tous les problèmes, ou au moins 99 p. 100 de ceux-ci, ce qui est déjà très bien.

  (1705)  

    Pouvez-vous expliquer le rôle du CICR, non seulement en Afghanistan mais ailleurs dans le monde? En ce qui concerne la gouvernance et ce qu'on appelle les pratiques traditionnelles, s'agit-il d'un problème non seulement en Afghanistan mais plus généralement avec le fonctionnement du CICR dans les autres régions du monde aussi?
    C'est la politique de discrétion du CICR qui le rend si efficace. Il obtient un accès, même dans le cas des régimes les plus répressifs, puisque ces régimes savent que le CICR ne va pas transmettre des informations à d'autres. Le CICR réussit à avoir accès aux détenus en raison de sa discrétion et de sa confidentialité. Le prix à payer c'est qu'il ne peut pas rendre publiques ses constatations. Il ne peut pas en parler à des pays tiers. Il ne peut pas faire ce que le gouvernement du Canada semble attendre de lui dans ces circonstances-ci. C'est ce que je crois que le représentant du CICR vous aurait dit aujourd'hui s'il avait pu se présenter ici.
    J'abonde dans le même sens.
    Je ne voudrais pas du tout laisser l'impression que nous dénonçons le CICR pour sa discrétion ou pour ses efforts en coulisses en Afghanistan. C'est le rôle qu'il doit jouer. C'est le rôle qu'il joue partout au monde. Et c'est un rôle crucial.
    Mais c'est une fonction très restreinte. Il serait exagéré de penser alors que le CICR est l'organisme approprié susceptible de protéger les droits des détenus dans un pays comme l'Afghanistan. La surveillance et le suivi doivent être assurés par d'autres moyens et d'autres mécanismes. La Croix-Rouge ne peut tout simplement pas jouer ce rôle.
    Alors même si cette approche fonctionne bien dans d'autres cas, vous nous dites qu'elle ne suffit pas dans les circonstances en Afghanistan, étant donné que le Canada est tellement impliqué là-bas maintenant que nous pourrions être tenus responsables de ce qui se passe derrière les portes fermées. C'est cela?
    Même si nous y étions moins impliqués, ce serait déjà une préoccupation. Mais comme nous avons des détenus et que nous les transférons en vertu d'une entente déficiente, je crois qu'il est urgent d'exhorter le comité à recommander que l'entente soit renégociée à la lumière de l'entente néerlandaise. Ils nous ont montré le chemin.
    À votre avis, le comité devrait-il envoyer une lettre au ministre plutôt qu'attendre le rapport global sur la mission en Afghanistan?
    Il me semble que mes suggestions sont tellement raisonnables que vous devriez envoyer une lettre tout de suite.
    Je suis d'accord.
    Je dirais aussi que le gouvernement est confronté de toutes parts par ces questions, que ça vienne d'Amnistie internationale, des universitaires, des reportages dans les médias ou des travaux des parlementaires. Ce n'est pas une question nouvelle venue de nulle part. Le besoin d'adopter une approche aux détenus en Afghanistan qui respecte les droits de la personne est une question à laquelle le gouvernement est confronté de diverses façons depuis déjà un certain temps — depuis le début de 2002, en fait. Je crois donc qu'il y a lieu d'agir rapidement.
    Nous commençons maintenant notre prochain tour, avec Mme Bourgeois.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Messieurs, bonjour.
    Je ne sais par où commencer, parce que vous avez énoncé des éléments —  notamment vous, monsieur Byers — qui touchent des questions que j'ai posées et pour lesquelles je n'ai pas eu de réponses. Je comprends maintenant pourquoi je n'ai pas eu de réponses. Je me souviens d'avoir vu un des intervenants baisser la tête. Je voudrais d'abord vous féliciter, monsieur Byers, d'avoir eu le courage de venir nous dire qu'il se passe quelque chose et qu' en regardant l'entente sur le transfert des détenus...
    Il est écrit au point no 8 de l'entente:
La Puissance détentrice sera chargée d'établir le statut juridique du détenu en vertu du droit international.
 
    Pour quelle raison sont-ils détenus? Quelles sont les causes de détention? C'est la question que j'ai posée plus tôt, mais peut-être pas aussi clairement que cela, parce que je ne fais pas partie de ce comité. Je vous la pose donc à vous deux, messieurs.
    Qui sont ces détenus? Sont-ils des terroristes? Mais c'est qu'il y a beaucoup de terroristes en Afghanistan... Parlez-moi d'eux; parlez-moi de ces gens-là.

  (1710)  

[Traduction]

    Ils peuvent être détenus pour un certain nombre de raisons. Ils peuvent être des terroristes, ils peuvent être des insurgés. Ils peuvent être des criminels ordinaires. Ils sont capturés sur le champ de bataille ou près de celui-ci, ce qui est tout à fait approprié. Il est aussi tout à fait approprié, en vertu du droit international, de les interroger — non pas de les torturer ou maltraiter, mais de les interroger. Il convient de porter des accusations contre eux et de les poursuivre en justice si on les soupçonne d'avoir commis des crimes.
    L'important, à mon avis, c'est de s'assurer que leurs droits et nos obligations, dans ce pays fragile en transition, ne sont pas violés dans le processus d'enquête et de poursuite. Au Canada, nous menons des enquêtes, nous interrogeons des gens et nous les poursuivons en justice sans avoir recours à la torture ou à des mauvais traitements. C'est ce que nous devrions attendre et exiger aussi de la part des autorités afghanes.
    En partie, c'est en raison des droits de la personne que nous sommes en Afghanistan. Toute entente que nous négocions dans le domaine du transfert des détenus doit certainement protéger les droits de la personne. Il ne faut pas se fier tout simplement à une tradition de poignée de main ou d'assurance de bonne volonté. Nous ne ferions pas de même ici au Canada. C'est la raison pour laquelle nous avons des lois au lieu de simples pratiques informelles. C'est pourquoi nous avons le Code criminel. C'est pourquoi nous avons nos tribunaux.
    Si nous voulons défendre les droits de la personne, il faut le faire correctement. Tout ce que je demande, c'est de procéder correctement, puisqu'il nous est possible de le faire. Cela ne contredit en rien ce que nous essayons de faire en Afghanistan et ce que nous espérons que le gouvernement de ce pays va pouvoir faire.

[Français]

    J'aimerais poursuivre à ce sujet parce que vous employez des termes qui ne me sont pas familiers.
     Le peuple afghan est pauvre. Si on lui enlève la culture du pavot et qu'on lui dit d'essayer de s'organiser, d'essayer de vivre, comment fera-t-il? Vivra-t-il du vol, en posant des bombes ou en étant à la solde des talibans? J'aimerais savoir. Il pourrait s'agir d'un jeune de 20 ans payé pour voler quelque chose. Est-ce un jeune voleur ou est-ce quelqu'un qui voudra détruire un tank canadien?
    C'est bien beau de dire que ce sont des terroristes, ou peu importe le terme employé, mais qui nous garantit que ce sont vraiment des terroristes ou qu'il s'agit plutôt de prisonniers de droit? Comprenez-vous ce que je demande? En matière de droits humains, ce sont des gens pauvres. Ils sont prêts à tout pour manger.

[Traduction]

    Ces préoccupations sont fondamentales. Je crois qu'il est bon de se rappeler de l'expérience de Guantanamo Bay. Il s'agit d'un système de détention différent, mais nombre de ces personnes sont évidemment des personnes qui ont été appréhendées en Afghanistan en vertu d'allégations vagues selon lesquelles elles était d'horribles personnes responsables d'avoir commis ou facilité des actes terroristes. Aucun système juridique n'a été mis sur pied pour régler ces cas, aucune accusation n'a été portée et personne n'a eu accès à un avocat — nos préoccupations sont en grande partie les mêmes en Afghanistan.
    Dans certains cas, il semble y avoir de l'espoir, et un processus juridique, très problématique, finira par être mis sur pied. Mais nombre de ces personnes ont simplement été libérées — non pas après 72 heures ou deux semaines, mais bien après plusieurs années de détention dans des conditions carcérales très dures et difficiles à Guantanamo Bay.
    Il est possible que la même chose arrive aux prisonniers capturés par les Forces canadiennes, transférés aux autorités afghanes puis détenus, sans que nous sachions si des accusations ont été portées contre eux... Nous ne sommes pas au courant du statut des dossiers. On nous dit que c'est secret, qu'on ne peut pas avoir d'information. Les prisonniers n'ont accès à aucune représentation juridique que ce soit. Les mécanismes de contrôle et de surveillance ne nous permettent pas de faire le suivi des dossiers.
    Ça nous ramène pratiquement au même scénario.

  (1715)  

[Français]

    Ma dernière question sera brève, monsieur Neve.
    Vous travaillez dans le domaine des droits de la personne. Dans un pays où il n'y a pas de voies de communication, comment les familles font-elles pour se rencontrer lorsque quelqu'un est fait prisonnier? J'imagine qu'il y a seulement un lieu de détention. Ce lieu est peut-être loin de l'endroit ou le prisonnier demeure normalement. En matière de droits de la personne, cela pose-t-il un problème?

[Traduction]

    En effet. Un des droits fondamentaux, peu importe le système de détention, qu'il s'agisse d'un conflit armé ou non, est l'accès continu et sûr à la famille. Amnistie internationale n'a pas fait de recherches précises sur cette question, donc je ne peux vous donner de données quant au nombre de cas où l'accès à la famille a été empêché ou rendu difficile. Mais je crois que vous avez raison de penser que, compte tenu des circonstances en Afghanistan, avec les conditions d'emprisonnement difficiles qui s'aggravent au lieu de s'améliorer récemment, ce sera un gros problème.
    Merci, monsieur Neve.
    Madame Black.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être venus aujourd'hui et de nous avoir parlé de votre expertise et de vos expériences.
    J'ai été surprise, monsieur Neve, de vous entendre parler des communications que vous avez eues au cours des cinq dernières années avec les différents ministres de la Défense. Vous nous avez parlé du nombre de fois où Amnistie internationale a fait appel à ces différents ministres. Vous n'avez pas vraiment parlé des réponses que vous avez obtenues. J'imagine que les réponses n'étaient pas satisfaisantes de toute façon; autrement vous n'auriez pas senti le besoin de continuer à communiquer pendant cinq ans. Je crois qu'Amnistie joue un rôle très important, non seulement ici au Canada, mais à l'échelle internationale. Je tenais à vous dire cela.
    Je vous ai écoutés, vous et M. Byers, et j'ai l'impression qu'il serait assez simple de changer cette entente. Je ne comprends donc pas vraiment pourquoi il y a de la réticence à cet égard.
    Professeur Byers, pourquoi pensez-vous que le gouvernement n'a pas pris les mesures qui, selon vous, doivent être prises pour corriger les lacunes de cette entente et faire en sorte qu'aucun prisonnier ne soit transféré des autorités afghanes à une tierce partie?
    Sauf le respect que je vous dois, madame Black, le gouvernement actuel est au pouvoir depuis 10 mois seulement. Cette entente a été conclue par le gouvernement précédent et j'espère que le gouvernement actuel comprend qu'il faut améliorer ce qui a été fait par son prédécesseur. Je pense que le gouvernement actuel a la possibilité de corriger une situation problématique.
    Je dirais aussi dans ce contexte, parce que je sais que je m'adresse à un ancien officier, que je n'ai jamais rencontré un officier militaire qui souhaitait enfreindre les règles du droit humanitaire international. En fait, ils tirent une grande fierté de leur respect du droit humanitaire international. Ils veulent tout simplement que leur mandat politique leur donne des instructions claires. Ces instructions claires incluent une entente de transfert des détenus qui soit conforme aux obligations du droit humanitaire international.
    Je ne vois pas pourquoi les militaires s'opposeraient à ce que nous renégociions l'entente canadienne afin d'y intégrer les normes que renferme l'entente négociée par les Hollandais. Nos plus importants alliés au sein de l'OTAN la jugent acceptable. Ils y ont mis beaucoup plus de temps et de réflexion. C'est une occasion pour nous d'améliorer notre entente.
    Quant à la réticence du précédent gouvernement, j'ai déjà mentionné que cette entente a été négociée hâtivement. Les troupes étaient en route vers Kandahar et il y avait une campagne électorale fédérale. Avant cela, la situation en Afghanistan était mouvante. C'était au départ un conflit armé international qui tombait sous le coup de l'article 51, le droit à l'autodéfense prévue dans la Charte des Nations Unies. L'opération visait au départ le mouvement al-Qaïda et le renversement du gouvernement taliban. L'opération est devenue depuis une mission de reconstruction et de lutte contre les insurgés.
    Les préoccupations et la perspective des gouvernements canadiens ont évolué avec le temps. S'il y a une leçon que nous avons tirée de tout cela, de Guantanamo Bay à l'affaire Maher Arar, c'est que nous avons commis des erreurs. Étant donné l'évolution de la situation et l'analyse que nous en avons faite, nous pouvons maintenant corriger ces erreurs.
    Je suis ravi d'avoir l'occasion de discuter de tout cela avec vous. Je pense que la solution est simple et j'espère réellement que vous saurez l'expliquer au Parlement afin que nous puissions corriger ce problème avant de nous enfoncer davantage. Je ne voudrais pas que quelqu'un soit torturé ou subisse des sévices uniquement parce que mon gouvernement n'a pas pris le temps et le soin de veiller à ce que nos actions soient encadrées par une bonne entente.

  (1720)  

    J'ai deux questions, et j'aimerais les poser immédiatement car je sais que mon temps est compté.
    D'abord, est-il habituel en affaires internationales qu'un chef d'état-major signe une entente internationale avec un gouvernement étranger? Je sais qu'un ministre afghan a signé le document au nom de son pays; c'est pourquoi je me demandais si ce qui est arrivé n'est pas un peu curieux.
    Ma deuxième question est plus hypothétique et je la pose aux deux témoins. Elle porte sur les détenus capturés par des Canadiens. Dans l'hypothèse où des Canadiens captureraient des agents haut placés d'al-Qaïda, qu'arriverait-il aux détenus? Qu'arriverait-il si un tel détenu était recherché par les Américains, par la communauté internationale ou même par le Pakistan? Comment la situation serait-elle réglée?
    En réponse à votre première question, je dirais qu'il y a des éléments inhabituels à la situation. Oui, il était inhabituel pour le chef d'état-major de signer un tel arrangement. Le document aurait dû être signé par l'ambassadeur en poste en Afghanistan. Cela ne veut pas dire pour autant que le document n'est pas valable, mais c'est très inhabituel.
    À vrai dire, il est également inhabituel que les fonctionnaires insistent sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un traité. Le document répond pourtant aux conditions établies en vertu de la Convention de Vienne sur le droit des traités, et il est dans notre intérêt que ce soit un traité, car ainsi nous pouvons exiger que le gouvernement afghan respecte ses engagements en vertu de la loi.
    En réponse à votre deuxième question, j'espère fortement que nous saurons quoi faire si jamais nous capturons un agent haut placé d'al-Qaïda, tout comme nous saurons quoi faire si jamais nous capturons une personne qui attaquerait les Forces canadiennes. M. Rigby a dit qu'il n'existe pas de plan. Il a dit que nous devons poser cette question à quelqu'un d'Ottawa. Bon, il nous faut donc savoir quoi faire si jamais une telle chose se produisait. Si nous capturons Oussama ben Laden, comment allons-nous nous assurer qu'il communique de précieux renseignements à nos partenaires de l'OTAN, mais qu'en même temps nous respectons nos obligations en vertu du droit humanitaire international?
    C'est possible, mais il faut planifier une telle éventualité. On pourrait, par exemple, stipuler qu'un fonctionnaire canadien soit toujours présent lorsqu'un détenu haut placé est interrogé par des autorités étrangères. Cela réglerait le problème.
    Je suis tout à fait d'accord avec cela. À mon avis, il faut faire preuve de prévoyance. Il est évident que l'entente n'exclut pas la possibilité de transferts de tierces parties vers presque n'importe quel État. Le nombre d'intervenants potentiels défie l'entendement et pourrait poser de sérieux risques. Évidemment, régler cette question à la va-vite, surtout s'il surgit des cas impliquant des personnes haut placées et des situations délicates et difficiles, n'est pas satisfaisant. Les fonctionnaires canadiens feraient face à des pressions intenses de la part de beaucoup de parties intéressées, et c'est pourquoi nous devons avoir une politique et un plan établis à l'avance.
     Merci, monsieur Neve.
    Il nous reste sept minutes. Je passe donc la parole à M. Blaney.

[Français]

    Merci beaucoup. Je partagerai le temps qui m'est alloué avec mes collègues.
    Merci de nous faire part de vos préoccupations et de vos commentaires constructifs. Je vais énoncer quelques questions. Peut-être pourriez-vous y répondre et, par la suite, je céderai la parole à mes collègues.
    Premièrement, vous dites qu'une entente semblable à celle conclue entre les Pays-Bas et l'Afghanistan sur le transfert de détenus réglerait 99 p. 100 des éléments que vous avez soulevés et que vous aimeriez voir améliorés dans l'entente avec le Canada. Vous dites que le ministre précédent a dit s'être inspiré de la première entente et qu'il était pressé. Dans ces conditions, ne serait-il pas plus simple de faire, comme on dit, un cut and paste? Pourquoi avoir modifié des éléments? C'est la question que je me pose. Peut-être pourriez-vous y répondre, même si je sais que ce n'est pas vous qui avez nécessairement fait ces modifications-là.
    Deuxièmement, les modifications que vous proposez empêcheraient-elles que des détenus transférés soient exemptés de la peine de mort?
    Troisièmement, l'Afghanistan a-t-il signé la Convention de 1984 contre la torture et le traité de 1998 pour la création d'une cour criminelle internationale?

  (1725)  

[Traduction]

    Je répondrai d'abord à la question qui porte sur la peine de mort. En vertu de notre arrangement avec l'Afghanistan, les détenus que nous remettons aux autorités afghanes ne sont pas passibles de la peine de mort.

[Français]

    Actuellement?

[Traduction]

    Oui, et c'est une des raisons pour lesquelles j'aimerais que cela soit perçu comme étant un traité. Dans ce cas, ils sont tenus par la loi de ne pas imposer la peine de mort. S'il s'agit simplement d'un code de conduite, ils ne sont pas tenus par la loi de refuser d'imposer la peine de mort. Il y a de bonnes raisons pour lesquelles nous devrions en parler comme si c'était un traité plutôt que de nier cette possibilité. Je crois que c'est plus avantageux pour nous si c'est un traité.
    Pour ce qui est de la convention de 1984 sur la torture, je crois que l'Afghanistan l'a ratifiée. Pour autant que je sache, ils n'ont pas ratifié leur propre loi sur la Cour pénale internationale, mais cela ne fait rien car le Canada a ratifié la sienne. Conséquemment, si un Canadien commet un crime de guerre ou un crime contre l'humanité n'importe où dans le monde, il tombe sous la juridiction de la Cour pénale internationale. Nos soldats sont encore à risque en dépit du fait que le gouvernement afghan n'a pas ratifié le Statut de Rome.
    Pour répondre à votre première question, à savoir pourquoi il manque des éléments, comme j'ai dit, le document a été négocié à la hâte au cours d'une élection fédérale. De plus, je soupçonne — mais je n'en suis pas certain — qu'il a été basé sur un autre arrangement préexistant, qui aurait pu être fait avec les États-Unis d'Amérique, qui aurait été signé en 2002 ou 2003, et qui portait sur nos transferts de détenus aux autorités américaines pendant cette période. On fait référence à la Convention de Genève et à l'article 3, qui proposerait cette interprétation. Je n'en suis pas sûr, mais une chose m'apparaît évidente. Contrairement à ce que le ministre de la Défense de l'époque, M. Bill Graham, a dit, l'entente néerlandaise n'a pas servi de modèle de base, peut-être seulement de point de départ. Mais il ne fait aucun doute que de très bons éléments de l'entente néerlandaise, que toute personne raisonnable aurait reconnue comme étant valable, ne se sont pas retrouvés dans l'arrangement canadien. Vous devez changer cela.
    J'aimerais simplement ajouter un élément au sujet de la peine de mort. Il est tout à fait vrai que et le gouvernement canadien et le gouvernement néerlandais précisent bien qu'il ne faut pas avoir recours à la peine de mort. En plus de notre inquiétude qui découle du fait que le traité n'est pas exécutoire — donc quelle est la valeur de la garantie? — il y a également la question de la possibilité de transferts vers d'autres pays. Il n'est pas très clair dans l'entente entre le Canada et l'Afghanistan qu'on n'aurait pas recours à la peine de mort. La peine de mort sera-t-elle appliquée si la personne est transférée dans un autre pays où on a facilement recours à la peine de mort? Les États-Unis en sont un exemple, mais il y en a bien d'autres.
    Merci d'être venus nous exposer vos points de vue sur ces questions.
    Vous disiez que vous aviez des doutes au sujet des pays ayant pratiqué la torture récemment. Comment définissez-vous « récemment »? S'agit-il d'un pays qui a déjà pratiqué la torture, ou un pays qui l'a fait dans les cinq, 10 ou 15 dernières années?
    M. Neve est mieux placé que moi pour répondre à la question, parce que Amnistie internationale suit de très près la situation dans différents pays. L'Afghanistan est dans une région où plusieurs pays manquent de respect pour les droits de la personne. M. Neve a parlé des problèmes que les États-Unis ont eus dernièrement et j'avais des inquiétudes concernant le transfert des gens sous la garde des États-Unis, quand on le faisait, à cause des situations comme celles de Guantanamo Bay. Mais il s'agit d'une préoccupation plus générale. Je dois dire que le gouvernement actuel a fait preuve d'une force de caractère quant au dossier des droits de la personne dans des pays comme la Chine et la Birmanie, et je pense que bonifier l'entente serait tout à fait compatible avec la position du gouvernement.
    Je ne cherchais pas à être impertinent en vous posant cette question. Je vise plutôt la question de la réputation du Canada. Compte tenu de ce qui s'est passé en Somalie, ne pourrait-on pas dire que le Canada a pratiqué la torture récemment?

  (1730)  

    Il ne s'agissait pas d'une pratique systématique de la torture. Il y avait quelques soldats qui ont dû faire face à toute la rigueur du régime de justice militaire canadien. Ce qui m'inquiète le plus, et Amnistie internationale aussi, je pense, ce sont des pays où il y a des problèmes systématiques, où le régime en place n'a ni l'intention ni la capacité de s'occuper des mauvais éléments.
    J'aimerais ajouter que nous devons nous préoccuper des pays où le manque de respect pour les droits de la personne — selon différentes sources, comme des organisations de recherche comme la nôtre, l'ONU, des rapports dans les médias, etc. — nous fait croire qu'il y a un danger actuel de torture. À mon avis, ce n'est pas le critère du temps qu'il faut appliquer.
    À votre connaissance, les Hollandais ont-ils déjà utilisé leur droit d'accès?
    Je ne le sais pas, mais je sais à quel point le gouvernement néerlandais prend ces questions au sérieux, donc je m'attendrais à ce que ça soit le cas.
    Je pense que vous ne rendez pas justice à la planification si vous partez de l'hypothèse qu'on n'a pas prévu de cas d'une cible de grande valeur. Je ne sais pas ce qui est prévu, mais compte tenu de mon expérience, je pense pouvoir vous assurer qu'il existe une planification concernant ces cibles de grande valeur.
    Vous avez parlé du fait que le Canada paie les coûts des infrastructures et du fonctionnement des prisons en Afghanistan. Avez-vous déjà réfléchi aux sommes qu'on va consacrer à ces efforts et pendant combien de temps on va le faire?
    Je ne sais pas si nous devrions avoir nos propres installations de détention, mais il faudrait certainement engager des fonds si nous décidions d'en construire une ou d'aider les autorités afghanes à en construire une qui pourrait être cogérée en ce qui a trait à ce genre de détenus. Mais la question est de savoir quelle importance nous attachons au respect des droits de la personne et quelle importance nous attachons au renforcement de l'infrastructure et des institutions du gouvernement afghan à long terme. Je crois que cela cadre parfaitement avec la mission que nous nous sommes donnée dans ce pays.
    D'accord. Je crois que nous allons nous arrêter ici.
    Je vous remercie tous les deux de votre excellent témoignage cet après-midi. Nous l'apprécions énormément.
    Je crois savoir que M. Byers a un vol à prendre de sorte que nous allons devoir nous arrêter à l'heure prévue.
    Cela met fin à cette réunion. La séance est levée.