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AFGH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan


NUMÉRO 015 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 18 novembre 2009

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Aujourd'hui, nous réunissons pour la 15e séance du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan. Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 10 février 2009 et aux deux motions adoptées par le comité le mercredi 28 octobre 2009, le comité entreprend son étude du transfert des détenus afghans par les Forces canadiennes aux autorités afghanes dans le contexte de son examen de la mission canadienne en Afghanistan. Je vais lire les deux motions.
    Aujourd'hui, nous accueillons deux témoins, deux groupes d'experts distincts. Nous commencerons par Richard Colvin, qui occupe en ce moment le poste de premier secrétaire de l'Ambassade du Canada auprès des États-Unis d'Amérique. Puis nous passerons à Lori Bokenfohr, conseillère juridique, qui comparaît à titre personnel. Le deuxième groupe d'experts comprendra Peter A. Tinsley, président de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Ensuite, nous devrons poursuivre nos travaux à huis clos afin de nous occuper du 5e rapport du Sous-comité du programme et de la procédure.
    Voici les motions auxquelles j'ai fait allusion à l'ouverture de la séance. La motion proposée par M. Bachand dit ce qui suit: « Que le comité étudie la mise en application des lois, des règles et des procédures en ce qui concerne le transfert des détenus afghans par les Forces canadiennes aux autorités afghanes incluant les articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve du Canada; et que le comité fasse rapport de ses conclusions et de ses recommandations à la Chambre des communes ». La motion de M. Dewar, telle qu'elle a été adoptée, se lit comme suit: « Que le comité tienne des audiences au sujet du transfert de détenus afghans des Forces canadiennes aux autorités afghanes ». Ce sont les deux motions qui guideront les travaux du comité aujourd'hui.
    Bienvenue, monsieur Colvin.
    J'invoque le Règlement.
    Allez-y.
    Pour commencer, je veux invoquer brièvement le Règlement.
    Au cours d'une entrevue accordée plus tôt aujourd'hui, M. Dosanjn a mentionné des documents présentés à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire dont il avait eu connaissance. Je ne sais pas ce que contenaient ces documents. Je ne savais pas qu'ils avaient été rendus publics. Je suis curieux de savoir si M. Dosanjh a ces documents en sa possession, s'il peut les présenter en anglais et en français, et s'il a l'intention d'y faire allusion dans ses questions cet après-midi.
    Monsieur Dosanjh.
    Non, je n'ai pas ces documents. Les documents que je pourrais avoir en ma possession seraient du domaine public.
    Vous ne disposez d'aucun autre document?
    Je ne dispose d'aucun autre document.
    C'est de bonne guerre. Je voulais simplement éclaircir cette question.
    Je vous remercie de cette intervention.
    Monsieur Colvin, avant de commencer, j'aimerais faire une brève déclaration qui vous viendra en aide, je pense.
    Avant d'entreprendre l'audience d'aujourd'hui, je désire informer le témoin que les membres du Sous-comité du programme et de la procédure du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan se sont réunis le lundi 16 novembre 2009 afin de débattre d'un certain nombre d'importantes questions liées à nos audiences.
    Le comité en entier souhaite ardemment étudier en profondeur les questions relatives au transfert des détenus afghans. Cependant, en tant que président du comité spécial sur l'Afghanistan et au nom de tous ses membres, j'aimerais vous communiquer la directive suivante: si un témoin qui comparaît devant le comité croit qu'en répondant à la question d'un membre, il pourrait de quelque façon que ce soit compromettre la sécurité nationale, mettre en danger les hommes et les femmes qui servent à l'étranger, ou nuire à nos relations internationales, alors il ou elle doit le dire immédiatement. Dans ces cas-là, en tant que président, je demanderai au témoin d'expliquer brièvement ses inquiétudes et je lui donnerai l'occasion de répondre à la question à huis clos à la fin de la séance.
    Comprenez-vous cela, monsieur?
    Merci beaucoup.
    Voici, monsieur, la façon dont nous procédons habituellement: vous faites une déclaration liminaire et, ensuite, nous passons aux séries de questions que les membres du comité souhaitent poser.
    Allez-y, monsieur.
     Merci, monsieur le président. Je remercie également le comité d'avoir convoqué cette séance.
    J'aimerais remercier le comité de l'intérêt qu'il porte à cette importante question.
    Étant donné que nous sommes en public, je vais m'efforcer de faire la lumière sur la situation tout en respectant les limites imposées par mes obligations professionnelles, comme le devoir de protéger la confidentialité de mes sources.

[Français]

    Cette présentation durera environ 15 minutes, mais je serai prêt à répondre à vos questions par la suite, en français ou en anglais.

[Traduction]

    J'aimerais d'abord vous donner un peu de contexte. Je suis entré au service du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en 1994. J'ai été affecté à l'étranger cinq fois: au Sri Lanka, en Russie, dans les territoires palestiniens, en Afghanistan, et maintenant à Washington, D.C. Donc, l'Afghanistan était ma deuxième affectation en territoire islamique et ma troisième insurrection.
    J'ai passé 17 mois en Afghanistan d'abord à titre de représentant principal du MAECI auprès de l'équipe provinciale de reconstruction, ou EPR, à Kandahar, puis, pendant plus d'un an, à titre de chef de la section politique et de chargé d'affaires — c'est-à-dire à titre d'ambassadeur par intérim — à l'Ambassade du Canada à Kaboul.
    Dans le cadre de mes fonctions, j'étais chargé de nombreuses questions, y compris l'affectation à Kandahar de policiers et de soldats afghans supplémentaires afin de soulager les Forces canadiennes; les enjeux liés au développement; la lutte contre les stupéfiants; la collaboration avec nos alliés de l'OTAN, avec l'ONU et avec le gouvernement afghan; et les dossiers en matière de sécurité et de renseignements. Les détenus représentaient seulement l'un des quelque 15 enjeux majeurs auxquels je me suis consacré. Je m'efforçais surtout d'améliorer l'efficacité de nos efforts afin d'accroître nos chances d'atteindre nos objectifs.
    Je me suis porté volontaire pour aller en Afghanistan. Les objectifs du Canada sont nobles: contribuer à apporter la prospérité et l'espoir aux Afghans, la paix, après 30 années de guerre et de répressions de la part du taliban.
    J'aimerais commencer par formuler deux observations générales. Premièrement, l'Afghanistan était un milieu extrêmement difficile. Le Canada n'avait pas mené de guerres depuis la guerre de Corée, 50 ans plus tôt, et n'avait pas combattu une insurrection depuis la guerre des Boers il y a 100 ans.
    L'insurrection est la guerre la plus compliquée, la plus exigeante et la plus subtile qui soit. Des intérêts capitaux en matière de géopolitique et de sécurité sont en jeu en Afghanistan. Kandahar est la province la plus importante du pays et, ce qui importe encore plus, des vies sont en jeu — des vies canadiennes et des vies afghanes. L'Afghanistan n'est pas un exercice bureaucratique quelconque. Il est donc essentiel d'aborder ce problème épineux avec sérieux, humilité et une volonté d'écouter, d'apprendre et de s'adapter.
    Deuxièmement, j'étais très fier d'avoir servi en Afghanistan aux côtés d'hommes et de femmes des Forces canadiennes qui sont à la fois courageux et professionnels, y compris les membres de la police militaire du Canada. À mon avis, nous ne devrions pas concentrer notre attention sur les soldats qui ont obéi à leur chaîne de commandement, ce qu'ils sont censés faire. Je pense qu'au contraire, ce sont les hauts gradés de l'armée, les hauts fonctionnaires civils et les avocats qui ont élaboré le cadre juridique, les politiques et les pratiques et qui ont ordonné leur mise en oeuvre, qui sont responsables de la façon dont le Canada a agi envers les détenus.
    Quelle était la nature de notre système de gestion des détenus à Kandahar? Peut-être qu'un bon point de départ consisterait à comparer nos pratiques à celles de nos principaux alliés de l'OTAN dans le Sud de l'Afghanistan: le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Nos pratiques différaient des leurs de cinq façons cruciales.
    Premièrement, nous avons arrêté et transféré beaucoup plus d'Afghans. En mai 2007, le Canada avait transféré aux autorités afghanes six fois plus de détenus que les Britanniques, qui menaient des opérations militaires tout aussi offensives que les nôtres et dont les troupes dans la région étaient deux fois plus nombreuses, et nous avions transféré vingt fois plus de détenus que les Hollandais.
    Deuxièmement, nous n'avons pas surveillé nos détenus après leur transfert. Encore une fois, contrairement au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, le protocole d'entente que le Canada avait négocié concernant les détenus, et que le général Rick Hillier avait signé en décembre 2005, ne comportait aucune disposition permettant à nos représentants de vérifier ce qui était advenu de nos détenus après les avoir livrés au service du renseignement afghan, à la DNS, la Direction nationale de la sécurité.
    Au lieu de cela, notre système de gestion des détenus comptait sur deux groupes de défense des droits de la personne pour veiller au bien-être des détenus après leur transfert: la Commission afghane indépendante des droits humains, ou la CAIDH, et le Comité international de la Croix-Rouge. Malheureusement, les capacités de la CAIDH étaient très limitées et, à Kandahar, ses membres n'étaient pas autorisés à visiter les prisons de la DNS. Donc, en ce qui concerne la surveillance de nos détenus, la commission ne nous était malheureusement d'aucune utilité.
    La Croix-Rouge est un organisme très professionnel et très efficace. Toutefois, elle ne nous servait à rien en tant que surveillante, parce que, compte tenu de ses règles, une fois les détenus sous contrôle afghan, elle ne pouvait signaler les mauvais traitements qu'aux autorités afghanes. Selon ces règles très rigides, elle n'a pas le droit de tenir le Canada au courant.
    La troisième importante différence, c'est que, contrairement encore aux Hollandais et aux Britanniques, les Canadiens mettaient énormément de temps à avertir la Croix-Rouge lorsque des détenus étaient transférés aux Afghans. La direction des Forces canadiennes avait élaboré un processus à six étapes très particulier. La police militaire canadienne à Kandahar devait informer l'élément de commandement des Forces canadiennes à l'aéroport de Kandahar qui transmettait ensuite l'information au Commandement de la Force expéditionnaire du Canada, ou le COMFEC, à Ottawa.
    Le COMFEC finissait par communiquer les renseignements à l'Ambassade du Canada à Genève qui les transmettait ensuite au siège social de la Croix-Rouge à Genève, lequel était finalement en mesure d'avertir la mission de la Croix-Rouge à Kandahar. Ce processus durait des jours, des semaines ou même, dans certains cas, jusqu'à deux mois.

  (1535)  

    En revanche, les Britanniques et les Hollandais n’avaient qu’une étape à suivre. Ils avisaient directement le bureau de la Croix-Rouge à Kandahar. Les Hollandais le faisaient immédiatement après avoir arrêté un Afghan, les Britanniques dans les 24 heures qui suivaient l’arrestation.
    En d’autres termes, pendant les premiers jours critiques qui suivaient le transfert d’un détenu au service du renseignement afghan, personne n’était en mesure de le surveiller. Le Canada avait décidé que les Canadiens ne joueraient pas ce rôle. La CAIDH ne pouvait pas le faire, en raison des ses faibles capacités et de l’interdiction de visiter les prisons de la DNS dont elle faisait l’objet. En pratique, la Croix-Rouge ne pouvait pas s’acquitter de cette tâche non plus, parce que des jours, des semaines, voire des mois s’écoulaient avant que nous l’informions du transfert d’un détenu.
    Pendant ces premiers jours cruciaux, qu’arrivait-il à nos détenus? Selon plusieurs sources fiables, ils étaient torturés.
     Au nombre des plus courantes formes de torture figurent les volées de coups, le fouet administré à l’aide de câbles électriques et les chocs électriques. De plus, on faisait communément appel à la privation de sommeil, à l’exposition à des températures extrêmes, aux couteaux, aux flammes et à l’abus sexuel — c’est-à-dire au viol. La torture pouvait se limiter aux premiers jours ou se poursuivre pendant des mois.
    Selon nos renseignements, il est probable que tous les détenus afghans que nous avons livrés ont été torturés. C’est ainsi que procèdent habituellement les interrogateurs à Kandahar.
     Le quatrième aspect qui nous différenciait des Britanniques et des Hollandais, c’est la façon lamentable dont nous tenions nos registres. Ce manquement avait de graves conséquences parce que, lorsque la Croix-Rouge était finalement informée du transfert d’un détenu, non seulement beaucoup de temps s’était écoulé, mais les renseignements que les Forces canadiennes avaient communiqués à la Croix-Rouge étaient tellement limités que, souvent, elle n’arrivait même pas à localiser nos détenus.
     L’autre conséquence que cette approche entraînait, c’est que nous ignorions tout du sort d’un détenu donné après son transfert. Était-il encore en détention? Avait-il été libéré? Avait-il été transféré à une autre tierce partie? Était-il mort sous la torture ou avait-il été exécuté? Nous n’en avions pas la moindre idée.
     Après avoir signé un nouveau protocole d’entente le 3 mai 2007, le Canada a tenté de remonter dans le temps et de déterminer ce qui était advenu de nombreux Afghans qui avaient déjà été transférés. Cependant, nos registres étaient tellement lamentables que la tâche s’est avérée impossible à accomplir.
     Je vais vous donner un exemple concret de la situation. En juin 2006, une Afghane est venue rencontrer l’EPR à Kandahar. Elle était accompagnée de trois jeunes enfants, dont un bébé de six ou huit mois qui était apathique et visiblement malade. Elle s’appelait Fatima. À mon avis, elle avait fait preuve d’un grand courage en franchissant les points de contrôle de notre camp extrêmement fortifié pour parler à un étranger. Son époux, Bismillah, était chauffeur de taxi. Un jour, il était parti travailler et il n’était jamais rentré à la maison. Fatima est venue rencontrer l’EPR pour savoir si les Canadiens l’avaient arrêté. J’ai essayé de répondre à sa question, mais les registres canadiens étaient tellement irrécupérables que j’ai été incapable de le faire.
     La dernière différence, et elle est capitale, c’est que le Canada, contrairement au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, gardait extrêmement secrètes ses pratiques en matière de gestion des détenus. Les Hollandais informaient immédiatement leur gouvernement dès qu’ils arrêtaient quelqu’un. Ils fournissaient également à leur Parlement des renseignements extrêmement détaillés sur toutes les étapes de la détention et du transfert, et sur les résultats de leur surveillance après le transfert. Le Royaume-Uni divulguait également au public le nombre de ses détenus.
     En revanche, les Forces canadiennes refusaient de révéler même le nombre de personnes qu’elles avaient arrêtées, en affirmant que cela porterait atteinte à leur sécurité opérationnelle.
     Lorsque la Croix-Rouge a voulu entamer un dialogue avec les Forces canadiennes de Kandahar à propos des détenus, elles n’ont pas répondu à ses appels pendant trois mois. La même chose s’est produite lorsque le commandement de la FIAS de l’OTAN à Kaboul, qui était chargé de rendre compte du nombre de détenus à Bruxelles, a essayé d’obtenir ces chiffres. On leur a dit: « Nous savons ce que vous voulez, mais nous ne vous le dirons pas. »
     En toute honnêteté, l’argument concernant la sécurité opérationnelle n’a aucun sens, à mon avis. Si nous pénétrons dans un village et que nous nous saisissons de trois Afghans, tous les habitants du village savent exactement qui a été arrêté. En pratique, ce n’est pas au taliban que nous cachions ces renseignements, c’est à la FIAS de l’OTAN, à la Croix-Rouge et aux Canadiens.
    Pour résumer, le Canada arrêtait beaucoup plus d’Afghans que le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Contrairement à nos alliés de l’OTAN, nous n’assurions aucune surveillance des détenus après leur transfert. Au lieu d’avertir la Croix-Rouge dans les heures qui suivaient le transfert, nous prenions des jours, des semaines ou des mois à le faire, ce qui veut dire que personne d’autre ne pouvait surveiller ce qui se passait. Nos registres étaient irrécupérables et, apparemment, pour empêcher tout examen approfondi, les Forces canadiennes entouraient toutes ces activités de mystère.
    Au fur et à mesure que j’en ai appris davantage sur nos pratiques en matière de gestion des détenus, je suis parvenu à la conclusion qu’elles allaient à l’encontre des valeurs, des intérêts et des politiques officielles du Canada, ainsi que du droit international. C’est-à-dire qu’elles étaient anticanadiennes, improductives et probablement illégales.
     À partir de mai 2006, à mesure que nous avons pris conscience de la portée et de la gravité de ces problèmes sur le terrain, nous avons commencé à en informer Ottawa. Nous avons utilisé les moyens à notre disposition — c’est-à-dire des rapports écrits et des comptes rendus oraux — afin d’avertir les hauts fonctionnaires du MAECI et des Forces canadiennes des graves lacunes de nos pratiques en matière de gestion des détenus et de leurs graves conséquences.

  (1540)  

    C'était notre fonction, notre responsabilité et notre obligation que de fournir de tels renseignements et une telle analyse. C'était notre travail. Les préoccupations que nous avons exprimées reflètent, je crois, les vues et les valeurs répandues à la fois au MAECI et dans les Forces canadienne. Un certain nombre de mes collègues les plus proches à Kandahar étaient extrêmement troublés par ce que nous faisions avec les détenus.
    Nous, sur le terrain à Kandahar, civils et militaires, avons informé le MAECI et le haut commandement militaire des problèmes liés à la communication de l'information à la Croix-Rouge, aux délais et à l'information inappropriée. Nous les avons informés de nos préoccupations très sérieuses au sujet de ce qui arrivait aux détenus après leur transfert. Nous les avons informés du piètre état de l'information transmise à l'OTAN.
    Dans notre rapport annuel sur les droits de la personne remis à la fin de 2006, nous les avons informés des problèmes généralisés de torture dans les prisons afghanes.
    En mars 2007, nous avons informé oralement Ottawa que le NDS torturait les gens et que si nous ne voulions pas que nos détenus soient torturés, nous ne devions pas les remettre entre les mains du NDS.
    Les 24 et 25 avril 2007, au moment où la question des détenus était en train de devenir une crise politique à Ottawa, l'ambassade a envoyé deux rapports qui offraient une solution à Ottawa: pour protéger nos détenus contre la torture, nous devrions adopter l'approche des Britanniques et des Hollandais — c'est-à-dire, prendre la responsabilité de nos propres détenus, assurer nous-mêmes leur surveillance et mettre sur pied un mécanisme de surveillance robuste, énergique et doté des ressources suffisantes qui protégerait nos détenus contre d'autres risques d'abus.
    Les hauts fonctionnaires du MAECI et les Forces canadiennes n'ont pas bien accueilli nos rapports ou notre avis. Au début, on nous a surtout ignorés. Cependant, à partir d'avril 2007, nous recevions des messages écrits du coordonnateur principal du gouvernement canadien pour l'Afghanistan nous disant de rester silencieux et de faire ce qu'on nous demandait de faire. Il y a eu un message téléphonique du sous-ministre adjoint du MAECI laissant entendre que dans l'avenir, nous ne devrions plus utiliser la forme écrite, mais utiliser plutôt le téléphone.
    En mai 2007, un nouvel ambassadeur est arrivé. Immédiatement après, la trace écrite des détenus était réduite. Les rapports écrits provenant du terrain étaient limités à un cercle très restreint de hauts responsables, cercle qui s'est réduit encore davantage avec le temps. Les rapports sur les détenus ont commencé à être censurés, à l'occasion, pour faire disparaître de l'information cruciale.
    À l'été 2007, la censure interne s'est étendue à d'autres domaines. Par exemple, nous ne pouvions plus écrire que la situation en matière de sécurité en Afghanistan se détériorait, même si tout le monde le savait.
    Par rapport à la pratique établie au MAECI, toutes ces mesures étaient extrêmement irrégulières.
    À la fin d'avril 2007, les hauts responsables à Ottawa ont accepté les recommandations de l'ambassade des 24 et 25 avril. Le 3 mai, nous avons signé un nouveau protocole d'entente avec le gouvernement afghan qui, pour la première fois, nous donnait le droit d'exercer une surveillance. Le MAECI a accepté la responsabilité de cette surveillance. Cependant, l'autre partie de notre avis n'a pas été mise en application — à savoir, pour exercer une surveillance efficace, nous avions besoin de nouvelles ressources, au minimum un agent à plein temps pour effectuer la surveillance et pour gérer les relations entre le NDS, les alliés de l'OTAN, les partenaires s'occupant des droits de la personne et d'autres partenaires.
    C'est ainsi qu'au cours des cinq premiers mois du nouveau régime, la surveillance a été exercée par une succession d'agents, dont certains faisaient de courtes visites de quelques semaines seulement sur le terrain. Il n'y avait pas suffisamment de capacité et pas suffisamment de continuité. La conséquence, c'est que malgré le nouveau protocole d'entente, certains de nos détenus ont continué d'être torturés après leur transfert.
    Ce n'est qu'en octobre 2007 que la haute direction du MAECI a enfin envoyé un surveillant attitré à Kandahar. En l'espace de quelques semaines, il a recueilli des preuves incontestables que la torture se poursuivait. Un Afghan, sous la garde du NDS, lui a dit qu'il avait été torturé, lui a montré les traces sur son corps et a été en mesure de montrer l'instrument ayant servi à le torturer, qui avait été laissé sous une chaise dans le coin de la pièce par son interrogateur.
    Jusqu'à ce moment-là, nous avions fait ce que nous pouvions pour exercer une surveillance à Kandahar et également, une fois, à Kaboul, de notre bassin de détenus, du moins de ceux que nous pouvions retracer. Des responsables canadiens ont interrogé de nombreux Afghans qui ont donné des témoignages très crédibles de torture et qui, dans plusieurs cas, portaient encore les marques sur leur corps. Mais ils avaient tous été torturés avant le 3 mai, date où le nouveau protocole d'entente est entré en vigueur.
    Le cas survenu à la fin octobre 2007 était, je crois, le premier cas de torture survenu après le 3 mai dont nous avons été saisis. Cependant, étant donné que notre régime de surveillance était inefficace, il se peut très bien qu'il y ait eu d'autres cas.
    En octobre 2007, c'était 17 mois après que l'ERP a informé pour la première fois les hauts responsables des Forces canadiennes et du MAECI du grave danger qui menaçait nos détenus après leur transfert. En d'autres mots, pendant un an demi après avoir été informés du risque très élevé de torture, ils ont continué à ordonner à la police militaire sur le terrain de remettre nos détenus au NDS. Que je sache, même aujourd'hui, le Canada continu de transférer des détenus au NDS à Kandahar.
    En octobre 2007, j'ai quitté l'Afghanistan et commencé un nouveau travail à Washington, D.C. En avril 2009, j'ai reçu une assignation à témoigner de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. En réponse, le MAECI, en collaboration avec le ministère de la Justice, a pris trois mesures importantes.

  (1545)  

    Premièrement, il a fait en sorte qu'il soit très difficile pour moi d'avoir accès à un conseiller juridique. Ce problème n'est toujours pas encore réglé.
    Deuxièmement, le MAECI et le ministère de la Justice, travaillant ensemble encore une fois, m'ont interdit l'accès à mes propres rapports d'Afghanistan. On m'a dit: « Nous allons choisir les rapports dont vous avez besoin ». On ne m'en a remis aucun.
    Troisièmement, les avocats du gouvernement m'ont menacé en vertu de l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada. Cela a eu pour effet de me placer dans une position intenable. Si je refusais de me plier à l'assignation à témoigner de la CEPPM, je pouvais être condamné à un emprisonnement allant jusqu'à six mois; toutefois, si je collaborerais, en vertu de l'article 38, j'étais passible d'un emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans. Et lorsque que cet avertissement m'a été servi, le MAECI et le ministère de la Justice, agissant encore une fois ensemble, ont continué de ne pas autoriser un conseiller juridique pour m'assister, me privant ainsi de conseil juridique et de protection.
    J'ai une dernière partie. J'espère ne pas prendre trop de temps.
    Comme dernière partie, j'ai une question rhétorique: même si les détenus afghans continuent d'être torturés, pourquoi les Canadiens devraient-ils s'en soucier? Je pense qu'il y a cinq raisons impérieuses.
    Premièrement, nos détenus n'étaient pas ce que les services de renseignement appelleraient des « cibles de grande importance », comme des fabricants de dispositifs explosifs de circonstance, des membres d'al-Qaida ou des dirigeants talibans. Les cibles de grande importance seraient détenues en vertu d'un mécanisme complètement différent qui ferait intervenir les forces spéciales et des opérations ciblés de renseignement. Les Afghans dont je parle aujourd'hui ont été arrêtés par des forces régulières dans le cadre d'opérations militaires de routine, et typiquement, non pas sur une base de renseignement, mais sur une base de suspicion et de dénonciation non prouvée.
    Selon une source faisant autorité, de nombreux Afghans qui ont été détenus n'avaient aucun lien avec l'insurrection. Du point de vue du renseignement, ils avaient une valeur limitée ou nulle. Franchement, le NDS n'en voulait pas. Certains de ces Afghans peuvent avoir été de simples combattants, mais beaucoup étaient simplement des gens de la place: agriculteurs, conducteurs de camions, tailleurs, paysans, des personnes qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment, des jeunes gens qui étaient dans leur champs et dans leurs villages qui étaient complètement innocents mais qui ont quand même été arrêtés. En d'autres mots, nous avons détenu et livré à la torture un grand nombre de personnes innocentes.
    La deuxième raison pour laquelle les Canadiens devraient s'en soucier, c'est que le fait d'arrêter quelqu'un et de le livrer à la torture est une infraction très sérieuse en vertu du droit international et du droit canadien. La complicité à la torture est un crime de guerre. C'est illégal et passible de poursuites.
    Troisièmement, le Canada a toujours été un ardent défenseur du droit international et des droits de la personne. C'est une clé de voûte de notre identité canadienne et des valeurs que nous avons toujours défendues en tant que peuple et en tant que nation. Si nous fermons les yeux sur nos valeurs et nos principes fondamentaux, nous perdons également notre autorité morale à l'étranger. Si nous nous faisons les complices de la torture des Afghans à Kandahar, comment pouvons-nous, de manière crédible, promouvoir les droits de la personne à Téhéran ou à Beijing?
    Quatrièmement, nos actions étaient contraires à nos politiques explicites. En avril 2007, le premier ministre Stephen Harper a dit publiquement que les responsables militaires canadiens n'envoient pas des personnes à la torture. C'était effectivement notre politique. Mais derrière les murs du secret militaire, c'est malheureusement exactement ce que nous faisions.
    Enfin, même si tous les Afghans que nous avons détenus avaient été des talibans, il aurait quand même été mal de les faire torturer. Les forces militaires canadiennes sont une organisation fière et professionnelle, bien entraînée dans les règles de la guerre et du traitement approprié des prisonniers.
    J'aimerais citer, si vous le permettez, le manuel militaire faisant autorité dans le domaine de la contre-insurrection. On peut y lire:
Il est immoral, illégal et non professionnel de commettre des abus à l'endroit des détenus... La torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants ne sont jamais un choix moralement admissible, même si des vies dépendent de l'obtention de l'information. ... Les méthodes utilisées [par les forces militaires] doivent refléter l'engagement du pays à l'égard de la dignité humaine et du droit international humanitaire. [Traduction]
    Lorsque nous regardons nos alliés américains qui travaillent avec nous à Kandahar, le commandant en chef, le général David Petraeus, énumère 10 grandes idées sur la contre-insurrection. L'une d'elles, c'est qu'il faut vivre ses valeurs. Il a dit que chaque fois que nous plaçons l'opportunisme au-dessus de nos valeurs, nous finissons par le regretter. Dans le domaine de la contre-insurrection, lorsque vous perdez la légitimité morale, vous perdez la guerre.
    La doctrine du Canada en matière de contre-insurrection dit la même chose. Les personnes qui ne prennent pas part aux hostilités, même les combattants qui ont été détenus, doivent être traitées avec humanité. Une fois que les citoyens ont perdu confiance dans les forces militaires étrangères, leur sympathie et leur appui vont du côté des insurgés.
    La contre-insurrection est un argument pour gagner l'appui de la population locale. Toute action, réaction ou inaction fait partie du débat. À Kandahar, le Canada doit convaincre la population locale que nous sommes mieux que les talibans, que nos valeurs sont supérieures aux leurs, que nous allons veiller à leurs intérêts et que nous allons les protéger.
    Selon mon jugement, certaines de nos actions à Kandahar, y compris la complicité à la torture, ont fait en sorte qu'une partie de la population locale s'est retournée contre nous. Plutôt que de gagner les coeurs et les esprits, nous avons amené les habitants de Kandahar à craindre les étrangers. À mon avis, les pratiques du Canada à l'égard des détenus nous ont éloignés de la population et ont renforcé l'insurrection.
    Merci de votre attention.

  (1550)  

    Merci, monsieur Colvin.
    Nous allons commencer le premier tour, un tour de sept minutes, par l'opposition officielle.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Colvin, permettez-moi de dire d'entrée de jeu qu'en ma qualité de fils d'un agent du service extérieur, je suis fier de ce que vous avez fait.
    Je veux vous demander d'essayer de m'expliquer pourquoi vous pensez qu'il a fallu 17 mois au gouvernement canadien pour comprendre que quelque chose devait changer.
    Vous avez envoyé un mémoire à des fins d'intervention en mai 2006 et dans votre affidavit à la commission militaire vous avez décrit un certain nombre de mémoires et de renseignements que vous avez transmis. Je me demande si vous pouvez maintenant, après réflexion, nous dire pourquoi vous pensez qu'il a fallu aussi longtemps pour que le gouvernement canadien comprenne que les procédures devaient changer parce que quelque chose prenait une très mauvaise tournure.
    C'est une bonne question, monsieur Rae. Il y a peut-être deux éléments. Au début, en 2006 — nos premiers rapports ont été remis en mai et en juin 2006 —, l'effort canadien en Afghanistan était un peu désorganisé, un peu sous-doté en matière de ressources et un peu décousu. Les militaires étaient très solidement implantés à Kandahar, mais l'ACDI et le MAECI étaient implantés à Kaboul.
    Je pense que les militaires voulaient que les choses fonctionnent à leur façon. Ils n'étaient pas très intéressés à l'avis des civils et il y avait une résistance à l'égard des gens de l'extérieur, les gens du MAECI et d'autres, qui venaient leur dire des choses qu'ils ne voulaient pas entendre. Je pense qu'ils avaient un système en tête qu'ils avaient créé et qu'ils désiraient continuer avec ce système.
    En même temps, le MAECI n'avait pas encore réalisé l'ampleur du défi en Afghanistan. Il ne fournissait pas suffisamment de ressources pour soutenir cet effort. Nous étions très peu nombreux sur le terrain et au niveau politique supérieur... Mon impression en 2006 était qu'il n'y avait pas de véritable champion. Il n'y avait personne vers qui vous tourner qui pouvait s'occuper de ces questions. En termes de personnalités, mon impression, en parlant aux gens, c'était que le général Hillier était une figure assez dominante. On hésitait, je pense, à s'opposer à lui aux échelons supérieurs.
    Sur ces questions, je vous donne des réponses fondées sur mes impressions parce qu'il n'était pas toujours clair pour nous, à Kandahar et à Kaboul, ce qui se passait véritablement à ces échelons supérieurs. Mais l'impression à 2006, c'était que dans toute la gamme des problèmes, il n'y avait pas beaucoup de solutions aux problèmes.

  (1555)  

    Qui vous a dit de ne pas discuter des problèmes et de ne pas continuer d'envoyer de mauvaises nouvelles à Ottawa?
    C'était un peu plus tard, en 2007. C'était l'époque de David Mulroney, et Colleen Swords a appelé pour nous suggérer de ne plus rien écrire. Avant cela, le ton avait été donné assez tôt. Je pense que David Mulroney est arrivé pour la première fois en mars de 2007, après, je crois, qu'un rapport sur les droits de la personne a fait l'objet d'une fuite et qu'il a été publié dans le Globe and Mail. J'oublie la séquence des événements, mais une version éditée a été publiée et ensuite, la version complète l'a été.
    En mars 2007, M. Mulroney nous a dit de faire très attention à ce que nous allions mettre dans notre prochain rapport sur les droits de la personne. À partir de ce moment-là — je suis parti en octobre 2007 —, on a mis fortement l'accent, qui a été renforcé auprès de nous, sur le fait qu'il est préférable de faire les choses sur papier et que les rapports, s'ils devaient être envoyés, devaient l'être à un nombre très restreint de personnes. Certaines questions plus sensibles ont été enlevées avant même qu'ils soient envoyés.
    Je vais partager mon temps avec M. Dosanjh.
    Il vous reste trois minutes, monsieur Dosanjh.
    Qui a renforcé ce message de secret?
    C'était le choix de M. Mulroney comme ambassadeur, Arif Lalani.
    Est-ce que M. Lalani a renforcé ce message de secret?
    Oui. Il en faisait la gestion sur le terrain.
    À votre connaissance, monsieur, est-ce que vos mémoires ou est-ce que ces instructions auraient été connus de Peter MacKay?
    J'ai bien peur de ne pas pouvoir répondre à cette question.
    Outre M. Mulroney et Arif Lalani, savez-vous qui d'autre au BCP ou au BPM était au courant des allégations de torture sur lesquelles vous avez fait rapport?
    Eh bien, du côté des militaires, le général Hillier et le général Gauthier. Du côté des civils, vous aviez M. Mulroney, Margaret Bloodworth et Colleen Swords. C'était là les personnes au niveau supérieur qui semblaient s'occuper de cette question.
    Et, rafraîchissez-moi la mémoire, Margaret Bloodworth était conseillère spéciale en matière de sécurité nationale auprès du premier ministre?
    C'est exact.
    Une dernière question. Avez-vous eu l'occasion de rendre visite à Asadullah Khalid, et saviez-vous quelque chose au sujet de ses activités?
     Oui, oui, j'avais beaucoup de renseignements sur M. Khalid.

  (1600)  

    Pouvez-vous nous raconter?
    Je crois que oui. Ici, je suis protégé contre les poursuites en diffamation.
    Nous le connaissions très tôt, en mai et en juin 2006, comme un très mauvais acteur dans les questions de droits de la personne. On disait qu'il avait eu un donjon à Ghazni, son ancienne province, où il avait l'habitude de détenir des personnes pour des questions d'argent, et certaines d'entre elles ont disparu. Il était reconnu pour diriger des activités liées au trafic de stupéfiants. Il avait un gang criminalisé. Il a fait tuer des personnes qui se dressaient devant lui. Et ensuite, à Kandahar, nous avons découvert qu'il avait effectivement fait construire un donjon semblable sous son hôtel privé. Il a reconnu cela. Lorsqu'on lui a posé la question, il a donné une sorte de justification pour cela, mais il était reconnu pour avoir personnellement torturé des gens dans ce donjon.
    Alors, dans une variété de questions — gouvernance, sécurité, droits de la personne —, il constituait un sérieux problème et certains efforts ont été faits pour qu'il soit remplacé, mais ces efforts ont échoué.
    Avez-vous déjà été présent dans des réunions à Ottawa ou même à Kaboul ou à Kandahar où étaient présents des personnalités politiques comme les ministres ou des gens de la COMFEC qui vous écoutaient et qui ont cessé de prendre des notes? Pensez-vous que c'était un résultat de la directive qui avait été émise de ne pas parler de la torture?
    Je ne suis pas sûr. Du moins, au début, je n'ai pas eu l'impression qu'il y en avait — bon, peut-être que les militaires avaient reçu des directives. À mon avis, la question était tout simplement perçue comme étant très délicate et les gens ne voulaient pas vraiment en parler et ne voulaient pas entendre certaines choses.
    Un incident m'a semblé assez étonnant. En mars 2007, j'étais venu à Ottawa pour assister à une réunion interorganisations sur les détenus. Dans la salle, il y avait peut-être 12 à 15 personnes représentant diverses organisations. Cette réunion se tenait après la plainte déposée par Amnistie et B.C. Civil Liberties Association, il était donc évident que cette question allait devenir un problème grave et je me suis dit que je n'avais peut-être pas suffisamment bien expliqué la gravité de la situation.
    Alors, j'ai dit: « Écoutez, vous savez, la NDS torture, c'est son travail. Si vous nevoulez pas que nos détenus soient torturés, nous ne devrions pas les livrer à la NDS. » J'étais un peu interloqué de voir la preneuse de notes du COMFEC s'arrêter d'écrire. Elle n'a pas noté cette phrase et a posé son stylo sur la table. Je pense donc que mon commentaire ne se trouve pas dans le compte rendu officiel de la réunion.
    Ce type d'incidents laissaient supposer que certaines informations sont jugées trop délicates et que personne ne veut assumer la responsabilité d'en parler.
    Merci, monsieur. Votre temps est écoulé.
    La parole est à M. Bachand, vous avez sept minutes.

[Français]

    D'abord, monsieur Colvin, je veux vous féliciter pour votre témoignage, qui, selon mon point de vue, est extrêmement courageux. C'est aussi un témoignage extrêmement explosif parce que vous êtes en train de confirmer nos pires appréhensions relativement à la culture du secret, mais aussi relativement au fait que nous aussi, en tant que parlementaires, avions de forts doutes qu'il y avait de la torture en cours.
    Dans un premier temps, je me demande si vous avez suivi les débats à la Chambre des communes et entendu les questions au sujet de la torture posées quotidiennement aux différents ministres, qui répliquaient en disant qu'il n'y avait pas de torture.
    Est-ce que vous suiviez ces débats?
    Oui, je les ai suivis.
    Quand vous avez vu que le Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan allait faire sa propre enquête, est-ce que vous avez poussé un soupir de soulagement?
    Ce n'était pas un soulagement, mais j'ai pensé que ce serait un bon sujet d'enquête parce qu'il me semblait que c'était très difficile pour nous, les cadres, de régler ces problèmes.
    Vous avez envoyé des rapports à Ottawa, à différents ministères. Pouvez-vous nous dire combien de rapports vous avez envoyés et à quels ministères?
    J'ai une longue liste de rapports sur beaucoup de sujets, mais en ce qui concerne les détenus, il y en a eu à peu près 17 ou 18.
    Il y a eu 17 ou 18 rapports?
    Oui. Je les ai envoyés d'abord à presque tout le monde, à 75...
    Vous les avez envoyés à 75 personnes?
    Je les ai envoyés à 75 individus ou organisations. Pour ce qui est des militaires, j'ai envoyé ces rapports à des directions plutôt qu'à des individus. Après mai 2007, la liste était beaucoup plus restreinte, alors qu'en 2006, je pouvais les envoyer à n'importe qui.
     Aujourd'hui, les partis de l'opposition ont posé des questions sur une directive du Conseil privé, qui est le ministère du premier ministre, comme vous le savez. Cette directive aurait demandé aux diplomates de ne révéler aucune information sur la torture des prisonniers afghans.
    Êtes-vous au courant de ces allégations? Savez-vous si le Conseil privé a émis une directive disant de rien transmettre à qui que ce soit?

  (1605)  

    Je ne le sais pas exactement. M. David Mulroney exerçait des pressions. À cette époque, il occupait le deuxième poste en importance aux Affaires étrangères. D'autre part, comme il était coordonnateur, il parlait comme s'il faisait partie du Conseil privé. Selon moi, cela venait de lui. Je ne sais pas s'il a reçu des ordres.
    Un peu plus tôt, vous avez parlé de la culture du secret qui existe au sein des Forces canadiennes. N'avez-vous pas l'impression que cette culture du secret se propage également aux élus politiques qui sont responsables de la mission en Afghanistan?
    Je suis d'accord avec vous que c'est un aspect des choses. Cependant, je ne sais pas exactement ce que disaient les militaires aux représentants politiques. Je sais, en ce qui concerne la situation de la sécurité, qu'ils transmettaient des analyses trop optimistes, qui ne reflétaient pas la situation réelle en Afghanistan. Je me souviens de certaines situations, comme celle où l'un de mes collègues, un ambassadeur, a dit quelque chose de plus négatif, et les militaires étaient fâchés contre lui. Il y avait de tels moments. Toutefois, je pense que cela se passe beaucoup chez les militaires. Il existe une mentalité du succès: il faut gagner. Ils ont donc l'habitude de gonfler un peu leurs succès.
     Pour eux, gonfler leurs succès voulait dire, si je comprends bien, essayer de camoufler le fait qu'il y avait de la torture, car le révéler était contre-productif relativement à l'opinion publique canadienne. Selon vous, on a gonflé les succès mais on a caché le côté négatif au gouvernement. Est-ce exact?
    Oui, je pense que c'est exact.
    Quand le ministre de la Défense nous répond qu'il n'a pas vu les documents de M. Colvin et que les autres ministres nous disent qu'il n'y a absolument rien eu, pensez-vous qu'ils participent un peu à cette culture du secret? Au fond, même s'il ne s'agissait que d'allégations, je pense qu'un ministre qui se respecte doit chercher à trouver la vérité et à savoir s'il y a vraiment quelque chose. On a eu l'impression que les ministres du gouvernement s'en étaient lavé les mains. Partagez-vous un peu mon point de vue?
    Il m'est très difficile de répondre à cette question. Il est fort possible que le général Hillier ait décidé de ne pas le dire au ministre. Cela fait un peu partie de la culture. J'ai travaillé un an auprès de mes collègues du ministère de la Défense nationale. Il y a beaucoup de gens très ouverts et normaux. Il y en a cependant d'autres qui se méfient des civils. À mon avis, la politique sur les détenus était un secret même pour le ministre. Pour moi, c'était une politique peu défendable.
    C'était un secret pour le ministre. Quant à vous, vous avez voulu témoigner devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Ce ne sont pas les militaires qui vous ont empêché de témoigner.
    C'est vrai.
    Un geste a donc été posé par les politiciens pour continuer de camoufler ce que les militaires voulaient peut-être cacher. N'est-on pas dans un cercle vicieux, alors qu'on veut vraiment tout cacher, on veut bâillonner les témoins et on veut mettre fin à une commission? Je vous avoue que c'est en partie à cause de cela que nous sommes obligés de faire le travail que les politiciens tentent d'empêcher qui soit fait ailleurs. Partagez-vous cet avis?
    Oui. Je parle de la situation en 2007, quand les militaires n'ont peut-être pas parlé aux politiciens, mais maintenant, ce ne sont pas les militaires qui essaient d'empêcher les témoins...
    Merci encore pour votre courageux témoignage.
    Je vous en prie.

[Traduction]

    Merci, monsieur Bachand.
    Monsieur Hawn.
    Merci monsieur le président et merci monsieur Colvin d'être venu aujourd'hui.
    Nous avons entendu beaucoup de suppositions assez audacieuses, certaines sont acceptables et d'autres pas forcément. Pour quelle raison avez-vous choisi de comparaître aujourd'hui à titre personnel plutôt qu'en tant que fonctionnaire?

  (1610)  

    J'ignorais que j'étais ici à titre personnel et pas à titre de fonctionnaire.
    C'est ce qui est indiqué.
    La liste indique qu'il est employé d'ambassade.
    Dans votre affidavit, au numéro 64, vous faites référence aux renseignements de première main.
    Oui.
    Je vous pose une question très précise. Avez-vous jamais assisté personnellement à des séances de torture ou est-ce que tous ces renseignements sont de deuxième main?
    J'ai entendu personnellement des gens dire qu'ils avaient été torturés et j'ai vu qu'ils portaient des marques de torture. Je n'ai pas assisté à des séances de torture.
    Est-il possible qu'ils aient reçu ces marques de torture ou de souffrance physique lors de leur capture ou qu'ils se soient infligés eux-mêmes ces marques? Nous avons affaire à des gens entraînés à détourner l'attention de la vérité par leurs actes.
    Nous avons entendu quatre personnes à Kaboul. L'une d'elles ne voulait pas s'entretenir avec nous. Tirez-en les conclusions que vous voulez. Aucune des trois autres personnes n'a mentionné la torture pour commencer. Elles ont toutes dit que tout allait bien. C'est seulement lorsque nous avons insisté pour qu'elles nous disent ce qui s'est passé à Kandahar qu'elles ont commencé à répondre. Et chaque réponse était différente. Un détenu est devenu peu bavard et a seulement dit qu'on lui avait fait mal. Un autre a dit que ce n'était pas grave, qu'on ne l'avait battu que pendant quelques jours. Cette personne portait des marques de coup. L'autre à décrit avec beaucoup de mal ce qu'on lui a fait et son corps portait aussi des marques. Nous avons donc conclu — nous étions trois à faire cette visite d'inspection — que ces rapports étaient crédibles et qu'ils correspondaient à la majorité des rapports concernant les pratiques de la NDS à Kandahar.
    Ces rapports n'étaient donc pas de première main. Ils étaient pratiquement de deuxième main et provenaient de personnes incarcérées.
    Ils étaient de première main dans la mesure où nous avons parlé directement à des gens qui avaient été torturés.
    Nous pouvons discuter du caractère des talibans ou de ce qu'ils ont fait. Mais, il s'agit d'individus, du moins certains d'entre eux, qui ont tué des Canadiens et aussi des gens de leur propre nationalité.
    Il y a une complication. Nous avons eu des difficultés à trouver les gens que nous voulions contrôler. Nous avons contrôlé quatre personnes sans être sûrs de leur identité, car les dossiers ne sont pas très fiables. Plus tard, nous avons pu recueillir de meilleurs renseignements. En fait, des quatre personnes que nous avons rencontrées, seulement une faisait peut-être partie des quatre que nous recherchions.
    Nous sommes allés dans la prison de la NDS. On nous a apporté les quatre détenus et on nous a laissés seuls avec eux. Il n'y avait pas de gardien, personne devant la porte. Nous nous sommes assis avec eux, l'atmosphère était très calme. Et quand nous sommes partis, ils ont été reconduits dans leurs cellules en marchant main dans la main avec leurs gardiens et en plaisantant. La sécurité dans cette prison était minimale. Si ces personnes avaient été des talibans purs et durs, les gardiens n'auraient certainement pas mis nos vies en danger en nous laissant seuls avec eux. Mais, les détenus semblaient désorientés et les gardiens ne les traitaient pas comme s'ils étaient dangereux.
    Est-il juste de dire que les conditions dans les prisons afghanes sont différentes de celles qui existent dans les prisons canadiennes ?
    Oui.
    Et je ne veux pas dire qu'elles sont meilleures.
    Oui, c'est très vrai.
    Avez-vous jamais visité une prison canadienne et demandé aux détenus canadiens ce qu'ils pensaient de la façon dont ils étaient traités?
    Non.
    Moi, oui, et ils répondent généralement qu'ils ne sont pas bien traités. Voilà la réponse que l'on obtient en général de la part des prisonniers, partout dans le monde.
    Monsieur Colvin, l'une des recommandations de l'enquête du juge O'Connor sur l'affaire Maher Arar était que les fonctionnaires consulaires, en poste dans des pays réputés pour leurs violations des droits de la personne, reçoivent une formation pour pouvoir s'entretenir avec des détenus et conclure de la meilleure façon possible si les prisonniers sont, oui ou non, torturés ou maltraités ou l'ont été. Je sais que vous n'êtes pas fonctionnaire consulaire, mais avez-vous suivi une formation de ce type?
    Non, pas du tout.
    Très bien, merci.
    Avez-vous entendu parler de ce que les spécialistes du renseignement et de l'article 38 appellent l'effet mosaïque?
    Non.
    Il s'agit d'une information qui, prise toute seule, peut paraître inoffensive, mais qui forme en la recoupant à d'autres renseignements une mosaïque de renseignements que peuvent utiliser ceux du camp adverse.
    Étant donné qu'un renseignement qui peut paraître sans conséquence peut en fait être conséquent quand il est intégré à une mosaïque, pensez-vous que le gouvernement a la responsabilité de tenir compte de l'effet mosaïque?
    Oui, je suis tout à fait d'accord; il est du devoir du gouvernement de protéger les citoyens et les intérêt du pays.

  (1615)  

    Certains de vos courriels, notes de service, etc., sont envoyés à une très longue liste de destinataires, 76 pour plusieurs de ces messages. Vous êtes le coauteur de ces notes de service; vous n'en êtes pas l'auteur principal. Vous contribuez à bon nombre de ces messages.
    La plupart du temps, j'en suis l'auteur, mais il m'arrive de consulter d'autres personnes avant d'en rédiger certains. Généralement, je les signe et je les envoie moi-même.
    Puis-je vous suggérer que si j'essayais d'attirer l'attention de quelqu'un sur quelque chose de grave, je ferai attention à la façon dont je lui envoie un message et je l'adresserai au niveau hiérarchique qui serait compétent pour traiter cette information, même si le destinataire est un ministre?
    Bien sûr. Ces rapports sont habituellement adressés à quatre personnes, c'est-à-dire les divisions clés du MAECI qui, selon moi, répondraient. Les autres 72 seraient dans le champ « cc  », vous savez, « Pour information ». On pourrait compter parmi ces 72 destinataires, des personnes attachées à notre mission à l'OTAN et aux différents services du MDN.
    Avez-vous une idée du nombre de rapports de ce genre produits chaque jour en Afghanistan, par exemple, pour une mission de cette importance?
    Oui, j'en ai une assez bonne idée.
    Beaucoup.
    Cela peut paraître étonnant, et j'ai été surpris, mais à l'époque nous n'étions pas très nombreux sur le terrain et le nombre de rapports était relativement modeste. La liste serait évidemment plus longue si on additionnait tous les rapports. Il y en aurait peut-être deux fois plus chez les civils. Les militaires font beaucoup de rapports. Je suis sûr que beaucoup de rapports proviennent des militaires.
    Bon nombre de ces rapports couvrent toute une variété de sujets. Il n'y a pas qu'un seul sujet. Il n'y a pas seulement un rapport sur les allégations de torture; toute une myriade de sujets font l'objet de rapports. Lorsqu'ils ne contiennent pas quelque chose de particulier, peut-on qualifier ces rapports — je les appelle communication omnibus — de routiniers?
    Les rapports que je prépare traitent d'une question précise et je crois que c'est également ce que font la plupart de mes collègues. Il arrive qu'il y ait des sujets omnibus, par exemple, si beaucoup de questions ont été soulevées lors d'une réunion, mais en règle générale, les rapports sur les détenus ne traitent exclusivement que des détenus et étaient très ciblés.
    Vous avez presque épuisé votre temps.
    C'est bien dommage.
    Ce que je voulais vraiment souligner, c'est qu'aucune de vos preuves est de première main. Les renseignements sont de deuxième main et proviennent de prisonniers formés pour donner de faux renseignements. C'est ce qu'ils font; ils ont été formés à cette fin. Les renseignements sont de deuxième ou troisième main et sont communiqués par d'autres collègues, de gens qui ont, eux aussi, reçu des renseignements qui étaient probablement de deuxième main. Par conséquent, aucun renseignement est vraiment de première main.
    Désolé, Laurie, votre temps est terminé. Je vous prie de m'excuser.
    Monsieur Dewar, vous avez sept minutes.
    Merci aux témoins. Merci, monsieur Colvin, de comparaître devant nous et de finalement nous éclairer sur une question qu'un bon nombre d'entre nous a tenté d'éclaircir.
    Je veux parler de M. Asadullah Khalid, le gouverneur de Kandahar qui vous inspire de graves préoccupations. Vous nous en avez donné les raisons. À qui avez-vous fait part des préoccupations que vous avez à son sujet?
    J'en ai fait part quelquefois de vive voix, d'autres fois par écrit.
    En remontant la chaîne de commandement, pour ainsi dire?
    Oui.
    Aux mêmes destinataires des courriels que vous avez envoyés?
    Oui, mais pas à autant de destinataires, généralement à un plus petit nombre.
    Quand avez-vous fait part, pour la première fois, de vos préoccupations à son sujet?
    C'est une bonne question. Je n'ai pas la plupart de mes rapports de l'EPR, mais il me semble en avoir fait mention dans les rapports de l'EPR. Par conséquent, ce serait probablement au mois de juin 2006, certainement durant l'été 2006 et après.
    Donc, il est resté en poste encore un peu de temps après que vous ayez fait part des préoccupations que vous aviez à son égard?
    Oui, il était là quand je suis arrivé en avril 2006 et l'était toujours quand je suis parti en octobre 2007.
    Nous savons que M. Bernier était dans la région alors que ce monsieur était encore gouverneur. Nous savons que des préoccupations avaient été soulevées à son égard à cette époque lorsque M. Bernier les a signalées.
    Pouvez-vous rapporter au comité les réactions que vous avez reçues à vos notes de service? Je pense particulièrement à celle intitulée « Kandh0029. » Avez-vous eu des réponses à cette note de service et particulièrement du BCP?

  (1620)  

    Oui, j'en ai reçues. Une réponse du MAECI. Il n'est pas mentionné si le BCP a été consulté, mais il y avait le COMFEC et d'autres divisions du MDN, puis les trois divisions du MAECI .
    Afin que les gens sachent, quel était le contenu de cette note de service?
    La 0029?
    Oui.
    Il était question des avis à la Croix-Rouge, des retards, et des mauvais renseignements. Ils avaient des difficultés à retrouver nos détenus et cette situation ne les réjouissait pas.
    Vous leur avez alors fait part de nos préoccupations concernant le contrôle des détenus, leur avez signalé qu'une longue période s'était écoulée et leur avez fait savoir que vous étiez inquiet à ce sujet; ils ont essentiellement dit...
    Ils ont répondu à ce message en disant: « Nous respectons bien sûr le CICR dont la fonction est importante. Il y a simplement eu un malentendu: les gens étaient à l'extérieur du pays et n'ont pas reçu les messages téléphoniques. Le ton du message nous a un peu surpris et nous allons régler cette question. Voici le nom de la personne-ressource avec laquelle la Croix-Rouge doit communiquer pour trouver une solution à ces problèmes. »
    À l'époque, je croyais que cela allait régler le problème.
    Mais, ce ne fut pas le cas.
    Je crois qu'il y a eu quelques améliorations, mais quand, environ 10 mois plus tard, le problème est réapparu, les retards étaient encore très importants, de deux semaines et plus.
    Pour résumer, vous nous avez dit que vous étiez au courant et qu'il y a eu beaucoup de rapports sur la torture qui était pratiquée. Il est question d'abus sexuels, de divers instruments utilisés pour torturer des prisonniers que nous leur avons livrés, du fait que nous avons livré un plus grand nombre de prisonniers que les Hollandais ou les Britanniques, et nous n'avons aucun moyen sûr de les retracer.
    N'est-il pas vrai?
    Oui.
     Et c'est une situation que vous avez signalée à des gens?
    Oui.
    Des personnes telles que M. Mulroney et le général Hillier étaient au courant?
    Oui.
    Qu'avez-vous pensé du fait que personne ne faisait rien?
    Je dois dire, je pense l'avoir dit au début, que cela était peut-être l'un des 15 problèmes que j'avais. Durant l'été et l'automne 2006, nous étions complètement pris par l'opération Medusa; on essayait d'avoir des troupes pour remplacer les Canadiens. À elles seules, les questions relatives à la sécurité, aux drogues et à la réforme de la police engendraient une forte activité. Voilà ce à quoi j'occupais la majeure partie de mon temps. Je ne suivais pas la situation des détenus transférés d'aussi près que j'aurais dû.
    Puis, à la fin de l'été ou de l'automne, il y eut des problèmes. La FIAS s'est plainte qu'elle ne recevait pas de renseignements de la part des Forces canadiennes. C'est là que j'ai commencé à penser que quelque chose de peut-être plus systémique se passait.
    Ensuite, vers le début de 2007, je me suis rendu compte que ces problèmes qui, me semblait-il, avaient été réglés — et j'aurais dû probablement faire un suivi et vérifier — ne l'avaient pas été ou bien ils avaient été réglés provisoirement et se reproduisaient. Le problème sous-jacent du transfert et de ce qui se passait après le transfert n'avait pas été résolu.
    Les ministres du gouvernement nous disent qu'il n'y avait pas de preuve de torture à cette époque, qu'ils ne l'ont appris que plus tard et qu'ils ont tout changé, or, selon votre témoignage, la torture était pratiquée et vous l'avez signalée.
    Oui. Il y a eu le message important daté du 2 juin 2006. Dans le présent contexte, la séance étant publique, je ne peux pas révéler la ou les sources de ces renseignements, mais c'est une ou des sources extrêmement fiables, qui ont fait part de leurs vives inquiétudes au sujet du traitement des détenus après le transfert et qui ont utilisé des adjectifs décrivant le traitement et donnant à penser qu'il y a eu beaucoup d'abus.
    La note a été envoyée le 2 juin 2006 dans le cadre d'un rapport sur les conditions à la prison Sarposa. Nous envisagions des rénovations de l'infrastructure.
    J'ai pris soin de dire au début et la fin que la question essentielle ou la préoccupation essentielle n'était pas la prison, mais le traitement infligé aux détenus après leur transfert.
    J'ai reçu une note d'une personne qui a l'expérience du terrain et qui me disait que le transfert des détenus et la surveillance des prisonniers étaient encore sources d'inquiétude. D'après ce que vous en savez, auriez-vous tendance à être du même avis?
    Oui. Les aspects mécaniques et stratégiques me sont moins familiers, mais d'après ce que je sais du NDS, j'ai l'impression que nous devrions y penser à deux fois avant de remettre nos détenus à celui de Kandahar. Je ne montre personne du doigt, chacun est ce qu'il est, et chacun tente de faire le travail qu'il doit faire. Il ne faut pas oublier que c'est la guerre, à Kandahar. Les talibans font tout pour les éliminer, eux et les membres de leur famille, et ce n'est pas rare qu'ils y parviennent. C'est un milieu extrêmement dur et violent. Mais sachant ce qu'on sait du NDS de Kandahar, j'aurais tendance à dire que ce n'est pas le partenaire indiqué à qui remettre nos détenus.
    C'est très difficile de protéger les gens. Il faudrait pouvoir compter sur un système de surveillance aussi rigoureux que musclé. Remarquez, ce ne serait pas impossible, mais il faudrait absolument que les talibans sachent qu'ils devraient assumer les conséquences de toutes leurs actions et que vous seriez prêts à aller cogner à la porte du président Karzaï à la moindre incartade. Il faudrait assurer une présence constante, peut-être pas quotidienne, mais au moins hebdomadaire. Il faudrait aussi tisser des liens solides avec ceux auxquels on peut avoir accès. Il y a de très nombreux écueils à surmonter avant d'en arriver là.

  (1625)  

    Lorsque des détenus ont été transférés, avez-vous eu connaissance que la langue ait pu poser des problèmes particuliers, en ce sens que nous n'avions personne qui parlait la langue des détenus, ce qui signifie que nous ne pouvions pas être certains de l'identité des personnes transférées?
    Rapidement, s'il vous plaît, monsieur Colvin.
    Non, je n'ai jamais eu connaissance de quoi que ce soit dans ce sens-là.
    Je vous remercie.
    C'est ce qui met fin à la première série de questions. Pour la deuxième série, chaque intervenant disposera de cinq minutes. Nous sommes relativement à l'heure, alors nous allons commencer sans plus tarder.
    Nous allons évidemment débuter par un député du gouvernement, qui sera suivi d'un représentant de l'opposition officielle, puis du gouvernement, du Bloc, du gouvernement, de l'opposition officielle, du gouvernement et du NPD. Voyons sur la liste jusqu'où ça nous mène.
    La parole est au gouvernement.
    Merci, monsieur le président. S'il me reste du temps, j'aimerais le partager avec M. Hawn.
    Ma question s'adresse maintenant au témoin. Vous savez, les insurgés sont souvent passés maîtres dans l'art de la désinformation et de la propagande. Le manuel d'Al-Qaïda consacre un chapitre entier aux techniques permettant d'obtenir de l'information en prétendant être quelqu'un d'autre.
    Même si je dois admettre que l'histoire de Fatima était très touchante, ce ne serait certainement pas la première fois que les talibans envoient un émissaire apparemment inoffensif pour recueillir de l'information sur le lieu où sont détenus ses combattants. En fait, je crois que nous jouons carrément le jeu des insurgés en tentant d'établir un lien entre les Forces canadiennes et la manière dont les prisonniers sont traités alors que nous n'avons pas la moindre preuve, car les talibans ne souhaitent rien d'autre que de voir les forces de sécurité lever le camp, ce qui leur permettrait de reprendre l'Afghanistan et de recommencer à y entraîner des terroristes et à financer leurs activités illicites en forçant la population à faire pousser de l'opium.
    Les allégations dont il est question aujourd'hui ne seraient jamais retenues en cour. Chose certaine, en alimentant le sentiment d'outrage des Canadiens, ces allégations, quoique non étayées, réussissent néanmoins à inciter les citoyens à réclamer le retour des troupes encore plus rapidement que prévu.
    Parlons-en, de ce en quoi les insurgés et les talibans excellent, et voyons ce qu'en a dit le général Atkinson lui-même devant le Comité de la défense:
Ce sont avant tout des maîtres en matière d'opérations d'information. Ne serait-ce que parce que nous sommes en plein milieu de l'Afghanistan, dans les montagnes, dans le désert, c'est-à-dire dans des régions où on pourrait dire qu'il y a très peu de communications, nous disposons de la technologie cellulaire. Ils ont donc accès à Internet par satellite. Un article imprimé aujourd'hui dans l'Ottawa Citizen est lu en Afghanistan. Ils peuvent suivre les nouvelles sur BBC News ou d'autres chaînes étrangères.

Ils savent comment répandre de fausses rumeurs. Ils mettent beaucoup en pratique leur capacité de réagir à ce qui se passe sur le terrain. Ils ont utilisé des événements sur le terrain contre nous. Nous luttons contre ça. C'est ce qu'on appelle des opérations d'information. Nous menons de telles opérations contre eux et ils le font contre nous.
    Ce sont les propres paroles du général Atkinson, prononcées devant le Comité de la défense.
    Passons maintenant aux allégations selon lesquelles, une fois les prisonniers transférés par les Forces canadiennes... les Forces canadiennes n'ont jamais touché à un cheveu de nos prisonniers. En fait, lorsque les membres du Comité de la défense se sont rendus à la base aérienne de Kandahar, ils ont constaté que les prisonniers talibans étaient traités avec le même soin que nos propres soldats, sur qui ils avaient pourtant tiré. Nos soldats n'ont rien à voir avec ces allégations de torture.
    Les prisonniers insurgés ont-ils droit à une cellule privée? Vous avez visité les prisons afghanes. Sont-ils enfermés chacun dans leur cellule?

  (1630)  

    Pour revenir aux premiers points que vous avez soulevés, je tiens simplement à confirmer que je n'ai jamais entendu le moindre commentaire pouvant laisser entendre qu'un Canadien ait pu prendre part aux actes dont je parle. J'ai toujours trouvé que les membres des Forces canadiennes sont extrêmement professionnels, très bien entraînés. En fait, il s'agit probablement d'une des meilleures forces militaires du monde. Je partage donc la haute opinion que vous avez d'eux.
    Par contre, en ce qui concerne les prisonniers insurgés, je dois dire que je n'en ai jamais vu un seul dans une cellule. Ceux que nous surveillions étaient amenés ailleurs, et la visite de la prison s'est faite séparément. Je n'ai donc jamais pénétré dans aucune cellule où des prisonniers étaient enfermés.
    Vous ne savez donc pas s'ils étaient enfermés seuls, avec d'autres insurgés ou avec les criminels ordinaires?
    Selon ce qu'on m'en a dit, les cellules étaient partagées. La plupart des prisons souffraient même de problèmes de surpeuplement. À la prison de Sarposa, à Kandahar, ceux qu'on appelait les « politiques — et qui étaient en fait les prisonniers détenus pour des motifs liés à la sécurité — étaient tenus loin des criminels ordinaires. Quant à la prison du NDS, que nous avons visitée, à Kaboul, elle ne contient par définition que des « politiques », c'est-à-dire des prisonniers détenus pour des motifs liés à la sécurité. Il n'y a aucun criminel ordinaire au NDS.
    Je crois qu'en général, chaque cellule renferme quatre ou cinq prisonniers. C'est ce qu'a confirmé le NDS, en tout cas. Ce dernier nous a d'ailleurs signalé les problèmes de surpeuplement des prisons et nous a demandé de lui construire un établissement plus spacieux, le sien commençant à se faire vieux. Il faut dire qu'il datait de l'ère soviétique et qu'il était en piètre état.
    Nous avons légèrement dépassé les cinq minutes réglementaires. Je vous remercie.
    Je vous demande pardon?
    Votre temps est écoulé.
    Mme Cheryl Gallant: Mes cinq minutes au complet?
    Le président: Au complet, oui.
    Passons maintenant à l'opposition officielle.
    Merci.
    Monsieur Colvin, mes questions seront brèves, et j'aimerais que vos réponses le soient aussi. Comme vous le savez, le temps joue contre nous.
    Vous nous avez dit que le général Hillier était au courant de ces allégations de torture. Pouvez-vous me dire comment il l'a appris, et quand?
    Selon moi, dès le début, parce que Gauthier... j'ai bien pris soin d'ajouter le nom de Gauthier à la liste des destinataires à qui j'envoyais mes rapports, alors il ne peut pas ne pas en avoir parlé au général Hillier. En avril 2007, j'ai délibérément ajouté le nom du général Hillier à la liste d'envoi d'un rapport clé, mais je crois quand même que la voie de communication Gauthier-Hillier était très fiable.
    Vous avez dit que Margaret Bloodworth et Arif Lalani étaient ceux qui avaient surtout insisté pour que tout ceci demeure secret et pour que vous n'en parliez pas dans vos rapports écrits. À quel moment vous ont-ils transmis ces directives et dans quelles circonstances?
    Je dirais que c'était plus David Mulroney que Margaret Bloodworth. Ça remonte donc à assez loin. La première fois que j'ai transmis un rapport après l'arrivée de M. Lalani, celui-ci a passé en revue les 75 noms qui figuraient dans ma liste d'envoi initiale et en a rayé 70. Certains renseignements de nature très délicate, des renseignements importants, selon moi, ont aussi été supprimés de mon rapport. C'est pas mal toujours comme ça que les choses se passaient. En fait, je ne savais jamais à quoi m'attendre: il lui arrivait parfois de tout signer sans même changer une virgule, mais la plupart du temps, il supprimait la plupart des noms de ma liste d'envoi initiale et rayait certains renseignements qu'il jugeait de nature trop délicate.
    De quelle époque parle-t-on?
    Cela a commencé à la fin avril 2007.
    Et à partir de quel moment Arif Lalani est-il intervenu de la sorte?
    Eh bien, il est arrivé à la fin avril 2007.
    Vous avez mentionné le nom de Margaret Bloodworth tout à l'heure. Dans quel contexte?
    Nous savions que l'article du Globe and Mail devait paraître en avril. Nous avions été prévenus. Nous en avons donc informé Ottawa — certaines personnes devaient le faire — qui a élaboré une sorte de réponse type pour tout ce qui touche les détenus, un « diplomatic contingency plan » que ça s'appelait, et qui portait la signature de Margaret Bloodworth.
    C'est aussi arrivé à quelques reprises que les grandes décisions relatives aux détenus m'aient semblé émaner de Margaret Bloodworth. Je crois d'ailleurs que les discussions entourant le cas d'Asadullah Khalid se sont rendues jusqu'à elle.
    Une dernière question: j'ai cru comprendre qu'un mémoire de décision avait été préparé dans le but d'informer Peter MacKay de la situation et de lui parler de la torture en Afghanistan. Avez-vous jamais pu voir ce mémoire?
    Je n'en connais pas même l'existence.
    Vous nous avez dit que les rapports datés de juin 2006 et mai 2006 avaient été largement diffusés, jusqu'à ce que leur distribution soit grandement restreinte, un an plus tard. Y a-t-il, parmi les hauts dirigeants de la fonction publique, une seule personne qui aurait pu vous confirmer qu'elle était au courant, ou que quelqu'un d'autre, un sous-ministre, un sous-ministre adjoint, était au courant des allégations de torture, à part David Mulroney, Margaret Bloodworth ou Arif Lalani?
    Colleen Swords, certainement. Elle occupait un poste clé.
    Colleen Swords. Quelqu'un d'autre?
    Le Bureau du Conseil privé recevait une copie de la plupart des envois, alors j'imagine que le conseiller en politique étrangère et en défense devait être au courant.
    Avez-vous déjà parlé directement à Margaret Bloodworth?

  (1635)  

    Je ne sais plus si je lui ai déjà parlé de ces enjeux-là. Pas à que je sache, non.
    Pour ce qui est du général Gauthier, son nom figurait toujours sur votre liste d'envoi, d'accord, mais lui avez-vous jamais parlé personnellement?
    Oui, à quelques reprises.
    Lui avez-vous parlé des allégations de torture et de vos inquiétudes?
    Non.
    Pourquoi pas?
    Disons que le général Gauthier n'était pas toujours facile à aborder et que ses manières étaient parfois rudes. Je préférais passer par les voies officielles au lieu de m'adresser directement à lui, car il savait très bien se montrer brutal sans raison apparente. C'était sa manière à lui de parler aux gens.
    Peut-être ai-je eu de mauvaises expériences, mais je crois en fait qu'il avait cette réputation-là. En tout cas, il n'aimait pas vraiment traiter avec les civils. C'était comme si, par son attitude, il voulait leur signifier: « Nous sommes en charge ici. C'est notre province et ce que vous avez à dire ne nous intéresse pas. » Ce n'était peut-être pas généralisé, mais c'était particulièrement frappant en haut lieu, avec certaines personnes en particulier. Selon moi, je crois que le général Gauthier était le premier à défendre ce genre d'attitude.
    Je vous remercie.
    Vous avez laissé 30 secondes à votre collègue.
    J'en prends bonne note, monsieur le président.
    Malheureusement, votre temps est maintenant écoulé, Keith. Je suis désolé, mais nous reviendrons à vous plus tard.
    C'est au tour du gouvernement.
    Je vais commencer, monsieur le président, mais je céderai ensuite la parole à mon collègue.
    J'aimerais simplement revenir sur ce que vous venez de dire, pour être bien certain d'avoir compris. À votre connaissance, aucun mémoire n'a jamais été transmis au ministre MacKay pour intervention?
    Je n'ai jamais entendu parler de rien, non.
    Je vous remercie.
    Il n'a pas dit qu'il n'y en avait jamais eu. Il a simplement dit qu'il n'en avait jamais entendu parler.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais en savoir plus sur ce que vous avez fait, même si vous nous en avez déjà brièvement parlé. À part informer quelqu'un de la situation dans vos rapports, rapports auxquels vous ne faisiez parfois que collaborer, mais dont vous étiez l'auteur dans certains cas et le coauteur dans certains autres, et qui étaient quelquefois envoyés à 76 personnes et qui couvraient de nombreux sujets, et non pas un seul, avez-vous jamais pris la peine de vous adresser aux Afghans et de discuter avec eux de ces allégations et de leur perception des choses?
    Vous nous avez bel et bien dit que vous n'aviez pas suivi la situation d'aussi près que vous auriez dû, que c'était la guerre et que vous ne faisiez pas vraiment de suivi, ce qui est tout à fait compréhensible, vu la guerre qui faisait rage. Mais pour le général Gauthier aussi, quoi qu'on puisse dire de ses aptitudes sociales, la guerre faisait rage.
    Avez-vous jamais fait quoi que ce soit pour qu'un suivi soit fait sur le terrain? Je crois en fait percevoir une pointe de regrets dans votre témoignage, comme si vous auriez souhaité en avoir fait davantage. Avez-vous jamais fait un quelconque suivi?
    Bien sûr. C'était un peu plus tard, alors je dirais au début 2007.
    Mais pas à l'époque. Est-il exact d'affirmer que des améliorations ont quand même été apportées au milieu de l'année 2007 (grâce à la nouvelle entente) et que les choses vont mieux depuis lors? Vous n'étiez pas là, je peux comprendre, mais...
    C'est vrai. Évidemment, tout n'était pas entièrement réglé. Vous savez, il faut prendre le temps d'assimiler les connaissances... j'ai donc mis un certain temps avant de bien comprendre la nature de notre système de détention.
    J'imagine que ce serait le cas d'à peu près tout le monde aussi.
    Je cède maintenant la parole à mon collègue.
    Monsieur Colvin, vous me pardonnerez d'être légèrement rabat-joie. Sur les 5 000 Canadiens ayant visité l'Afghanistan, du moins au cours de cette période, vous êtes le seul à présenter cette information; vous m'excuserez donc d'être sceptique.
    Par exemple, vous avez témoigné aujourd'hui que lorsque vous êtes parti, après l'interrogatoire de ces quatre prisonniers, vous les avez vus rire et retourner à leurs cellules en marchant main dans la main avec leurs gardiens. Je trouve cela ahurissant. Retournerais-je dans une cellule aux côtés de personnes qui viennent de me punir? Je ne comprends pas.
    La réponse, je pense, c'est que ces personnes avaient été détenues à Kandahar. D'après leurs allégations et les renseignements qu'ils ont donnés, ils auraient été torturés là-bas. Mais ensuite, on les a transférés à Kaboul. Ils semblaient déroutés et ne pas savoir vraiment ce qu'ils faisaient là. Certains de ces prisonniers sont simplement capturés, et s'ils n'ont pas les moyens de payer pour leur libération, ils sont en quelque sorte coincés dans le système carcéral. Selon moi, le NDS était également d'avis qu'il s'agissait probablement de personnes qui n'auraient pas dû être détenues au départ. C'est ce que j'en ai conclu.
    Les gens que nous avons rencontrés semblaient déconcertés. Ils paraissaient ignorer pourquoi ils se trouvaient là, et leurs gardiens les traitaient de la même façon.
    Toutes mes excuses, mais j'ai du mal à trouver cela crédible.
    Parlez-vous couramment le pachtoune?
    Non, je ne parle pas du tout le pachtoune.
    Vous avez donc entendu le témoignage de ces prisonniers par l'entremise d'un interprète...
    C'est exact.
    ... qui pourrait ou non avoir eu ses propres raisons de vous traduire les choses d'une certaine manière.
    Nous avons fait appel à quelqu'un de l'ambassade qui avait été incarcéré dans cette même prison sous le régime taliban. Les témoignages comportaient beaucoup de langage corporel, lequel concordait avec l'interprétation. Nous avions déjà recouru à ce type auparavant. C'est un interprète digne de confiance.

  (1640)  

    Voyez-vous comment je peux en arriver à la conclusion que vous êtes un homme honorable qui a tiré une conclusion possiblement inexacte?
    Merci.
    Très bien, merci. Il ne reste qu'une seule minute. Peut-être vais-je l'utiliser.
    Nous sommes à la croisée des chemins, ici. Monsieur Colvin, je sais qu'on a déjà indiqué que nous avions deux témoins, et que vous pourriez probablement témoigner pendant une heure chacun, mais nous avons déjà dépassé le temps qui vous était alloué. Pour pouvoir effectuer une deuxième série de questions complète, afin d'être juste avec tout le monde, cela prendrait 25 minutes de plus.
    M. Tinsley est dans l'édifice et il attend. Mais convenons-nous d'agir ainsi?
    N'oubliez pas que la sonnerie retentira à 17 h 30.
    Si je puis me permettre, monsieur le président, M. Tinsley est ici, à Ottawa, n'est-ce pas?
    Il attend ici, dans l'édifice.
    Non, je veux dire: travaille-t-il ici?
    Oui.
    Je proposerais que nous continuions avec M. Colvin, puisqu'il habite à Washington. J'aimerais que nous poursuivions avec lui au moins pour les 25 prochaines...
    Cela prendrait 25 minutes. Je ne sais même pas si M. Colvin est disponible. Je ne lui ai pas encore demandé.
    Je suis à votre disposition.
    Donc, cela vous va.
    Monsieur le président, M. Tinsley est ici maintenant. C'est ce dont avait convenu le comité de direction, ce comité. Je propose que nous respections le plan que nous avons tous approuvé.
    Nous avons déjà dépassé le temps prévu pour cette séance.
    Monsieur le président, il a fait allusion au comité de direction; nous ne le faisons pas, normalement, mais il l'a fait. Vous vous souviendrez peut-être que nous avons dit que nous consacrerions autant de temps que nécessaire à M. Colvin.
    Une période d'une heure et demie, au maximum; c'est ce que nous avons dit.
    Eh bien, le comité peut en décider. En tout cas, je vais arrêter de faire des commentaires et nous pourrons poursuivre avec notre témoin.
    Jusqu'à 17 heures; c'est bien.
    Dans ce cas, nous allons continuer avec le Bloc, pour cinq minutes.

[Français]

    Tout d'abord, monsieur Colvin, on a posé des questions, il y a quelques semaines, sur le règlement de la facture de votre avocate, qui vous accompagne, incidemment. Elle a l'air d'une gentille demoiselle et elle ne doit pas travailler bénévolement.
    Le gouvernement s'est-il finalement rendu à nos arguments et accepte-t-il de payer madame? A-t-elle été payée pour les frais encourus avec vous jusqu'à maintenant?
    Elle n'a pas encore été payée, mais il y a un accord pour qu'elle le soit. Un problème subsiste, cependant, car ils essayent toujours de limiter le nombre d'heures qu'elle travaille; ils donnent de petits montants. Il faut un peu les convaincre et se battre pour qu'ils approuvent ses paiements.
    Je ne peux donc pas m'empêcher de penser que non seulement les soldats n'étaient pas coopératifs en ne retransmettant pas l'information aux élus, mais ces derniers ne sont pas coopératifs parce qu'ils veulent vous empêcher de témoigner. Ils sont en train de négocier au compte-gouttes les frais de votre avocate, dans le but probable de vous faire taire ou de vous faire faire un faux pas pour qu'on puisse ensuite vous discréditer.
    Mon interprétation peut-elle être valable, selon vous?
    Je pense que oui.
    Pouvez-vous nous dire, monsieur Colvin, si vous avez eu des mises en demeure du gouvernement dans le but de vous empêcher de parler, non seulement à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, mais aussi à d'autres, comme aux médias, aux députés ou à nous, ici aujourd'hui? Avez-vous eu des mises en demeure vous interdisant de faire cela?
    Oui, en effet, on a invoqué l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada pour que je ne me présente pas devant la commission. On m'a dit aussi que ce même article 38 s'appliquait pour un témoignage devant ce comité.
    Il est important pour nous de parler de l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada. On a eu des discussions avec le général Watkin, qui disait qu'il pouvait y avoir des recours légaux ou qu'on pouvait revoir la légalité de la chose, mais devant un comité comme celui-ci, il y a une certaine protection.
    Je tiens à dire aux gens qui nous écoutent, monsieur le président, qu'il est peut-être plus facile pour le gouvernement de mettre fin à une commission et de l'empêcher de procéder que d'empêcher un comité parlementaire de procéder à une étude. C'est pourquoi on est obligé de faire ceci aujourd'hui. Nous sommes contents de pouvoir aller enfin au fond des choses.
    J'aimerais ajouter que je suis persuadé — j'aimerais que vous le confirmiez — que les soldats canadiens n'ont pas torturé les prisonniers afghans. Vous êtes un spécialiste du droit international, vous êtes diplomate. Y a-t-il un danger pour les soldats, du fait qu'ils transfèrent des prisonniers à des gens qui sont fortement soupçonnés de torture? S'agit-il d'une contravention à la Convention de Genève? Votre interprétation est-elle la même que la mienne?

  (1645)  

    Oui, c'est la même.
    Le gouvernement canadien et les soldats canadiens peuvent donc prêter le flanc à des poursuites contre eux en remettant des prisonniers à des autorités tout en sachant que celles-ci vont torturer ces prisonniers. Est-ce aussi votre lecture?
    Oui.
    On dit que 5 000 personnes ou plus sont allées en Afghanistan et que vous êtes le seul à avoir soulevé cela. À votre connaissance et connaissant la structure militaire, les soldats sont-ils libres de parler, lorsqu'ils ont reçu l'ordre de ne pas parler?
    De ne pas parler à qui?
    Aux médias ou à d'autres personnes. Si des gens ont vu ou croient avoir vu des personnes se faire torturer mais qu'ils ont reçu l'ordre de ne pas en parler, pensez-vous qu'ils peuvent quand même le faire?
    Je pense que c'est difficile pour eux, à cause de la façon dont les informations circulent.
    C'est une question de structure, de hiérarchie.
    La structure est très rigide. Pour ma part, je pourrais écrire n'importe quoi et l'envoyer. Eux n'ont pas le droit de le faire. Il y a un processus qui limite cette information transmise aux supérieurs militaires.
    Êtes-vous le seul à avoir dénoncé ces mauvais traitements ou est-ce que d'autres diplomates de votre entourage se sont dit qu'ils ne pouvaient pas passer cette situation sous silence? D'autres que vous ont-ils fait des rapports?
    Parmi les Canadiens?
    Oui.

[Traduction]

    Je vous demanderais de donner une brève réponse, s'il vous plaît.

[Français]

    C'est surtout moi et des collègues qui l'avons fait.
    De combien de collègues s'agissait-il?
    Nous étions très peu, environ quatre.
    Ces quatre collègues appuyaient-ils vos rapports?

[Traduction]

    Il ne reste plus de temps.
    Nous allons terminer de la manière suivante: le gouvernement aura la parole, puis ce sera le tour de l'opposition officielle, et ensuite, du gouvernement et du NPD.
    Je vais commencer et je céderai ensuite la parole à mon collègue Peter.
    Monsieur Colvin, êtes-vous spécialiste en droit international?
    Non, monsieur.
    Merci. Voilà qui contredit donc l'affirmation de M. Bachand.
    Quand avez-vous visité la prison pour la première fois? Vous souvenez-vous de la date?
    Oui; c'était le 13 ou le 16 mai.
    De l'année...?
    2006.
    Depuis combien de temps transmettiez-vous des rapports sur les conditions dans les prisons avant cette date?
    Je ne l'ai jamais fait.
    Très bien.
    Je laisse M. Goldring prendre la parole.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Colvin, vous avez mentionné n'avoir eu aucun mal à obtenir un accès aux prisons pour discuter avec les détenus. Lorsque j'examine l'entente sur le transfert des détenus, celle qui date de mai 2007, j'y lis ce qui suit:
Les représentants de la Commission afghane indépendante des droits humains... et le personnel du gouvernement du Canada, y compris les représentants de l'ambassade du Canada à Kaboul et toute autre personne autorisée à représenter le gouvernement du Canada, pourront avoir un accès complet et non limité aux personnes transférées par les Forces canadiennes aux autorités afghanes pendant leur détention. Outre le Comité international de la Croix-Rouge... les organismes pertinents des droits de l'homme au sein des Nations Unies pourront également visiter les détenus.
    On dit très clairement que de nombreux groupes et organismes auront un libre accès aux détenus. Je trouve incroyable, compte tenu de tous ces intervenants bénéficiant d'un accès aux prisonniers, que certaines informations n'aient pas transparu dans les rapports.
    J'examine les remarques que vous avez faites ici, dans ces rapports que vous transmettiez, et je constate qu'il est question de risques de torture ou d'actes de torture avérés. Mais nous venons de dire que cela pourrait être... Comme vous le dites, il ne s'agissait peut-être pas de torture, mais d'autres formes de blessures. On a laissé entendre que nous ignorions si les détenus étaient en isolement cellulaire ou dans des cellules individuelles. S'ils étaient parmi la population carcérale ordinaire, les autres prisonniers pouvaient également poser des risques.
    Tout au long de ce document, ici, vous parlez de personnes vous ayant signalé avoir été témoins d'actes de torture. Toutefois, il ressort de ce discours qu'en réalité, il s'agit de renseignements de deuxième et de troisième main concernant le recours à la torture. Vous avez vous-même indiqué n'avoir jamais vu qui que ce soit être torturé, mais avoir vu des marques ou des signes que vous estimiez pouvoir être attribuables à de la torture. Mais, encore une fois, il se pourrait que ce ne soit pas le cas.
    En l'occurrence, compte tenu de tous ces points de vue divergents, j'en reviens au fait que j'ai du mal à comprendre pourquoi vous êtes le seul qui ait pu voir clair là-dedans, et comment il se fait qu'aucune autre organisation n'a fait de commentaires semblables.

  (1650)  

    Je tiens la plus grande partie de mes renseignements d'autres institutions, qui étaient les expertes en la matière. Sans citer de noms, je vous dirai qu'il y avait des organisations de défense des droits de la personne, mais également des services de renseignement que nous rencontrions pour discuter de ces questions. C'est ainsi que nous travaillons, en tant que diplomates. Il suffit de s'adresser aux organismes les plus crédibles, qui font autorité, puis de découvrir les renseignements qu'ils détiennent. On pourra alors avoir une idée des événements.
    La visite de surveillance que j'ai faite à Kaboul n'est vraiment rien d'autre, pour moi, qu'une sorte de renforcement anecdotique du tableau d'ensemble.
    Eh bien, ici, dans votre rapport, je répète qu'on mentionne à maintes reprises le traitement réservé aux détenus ainsi que la procédure. Mais lorsque vous avez eu l'occasion de faire face et de parler directement au général, vous n'en avez pas glissé mot. Alors je suis vraiment... En dépit du fait que vous ayez eu des difficultés de communication d'ordre relationnel, j'aurais pensé que cela aurait pu constituer une occasion commune de parler franchement de la question. Si vous aviez de graves inquiétudes à ce sujet, je me serais attendu à ce que vous agissiez ainsi.
    Le président: Je vous demanderais une courte réponse, s'il vous plaît.
    Certainement.
    Nous sommes censés informer Ottawa principalement par les voies officielles plutôt que par l'intermédiaire d'une personne particulière.
    Face à face?
    Malheureusement, les relations avec le général Gauthier n'étaient pas très bonnes. S'il s'était agi d'un autre général, cela aurait été différent. Avec le général Grant, par exemple; nous avons d'excellents rapports. Il est certain qu'avec lui, je n'aurais eu aucune hésitation à soulever cette question. Donc, c'était simplement une sorte de problème de personnalité.
    L'autre désavantage d'un rapport oral, c'est qu'il n'y a aucune trace écrite. Ultimement, cela concerne l'ensemble du système, qui comporte de nombreux éléments. J'ai rédigé les rapports dans le but d'informer divers éléments du système.
    Vous pouvez comprendre ce qui nous inquiète, alors.
    M. Richard Colvin: Oui.
    Merci, monsieur Goldring.
    Monsieur Martin.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    En fait, j'ai été gardien ainsi que médecin dans une prison, et je n'ai jamais vu quiconque être torturé dans un pénitencier canadien, pas plus que je n'ai entendu d'allégations en ce sens. Mais c'est une autre question.
    Monsieur Colvin, vous faites honneur à notre service extérieur. Merci beaucoup de votre présence ici et de votre témoignage érudit.
    Les ministres se rendent souvent en Afghanistan. Avez-vous eu l'occasion de rencontrer des ministres et de leur exprimer ce dont vous nous avez fait part ici?
    Non, je ne l'ai pas fait. J'ai en effet rencontré plusieurs ministres, mais je n'ai pas porté ces questions à leur attention.
    Avez-vous entendu quelqu'un d'autre soulever ces questions auprès d'eux, en votre présence?
    Non, pas au cours des réunions auxquelles j'assistais.
    Les noms de votre liste ont été réduits de 75 à 5. Vous souvenez-vous de ces cinq noms restants?
    Bien sûr, je les ai ici.
    Êtes-vous intéressé à les entendre?
    L'hon. Keith Martin: Oui, s'il vous plaît.
    M. Richard Colvin: Il y a le directeur du FTAG, le Groupe de travail sur l'Afghanistan. Il y a aussi David Mulroney, à titre de sous-ministre.
    Voulez-vous les noms, ou simplement les postes?
    L'hon. Keith Martin: Les postes seulement.
    M. Richard Colvin: Oui.
    Il y a l'agent de liaison pour l'Afghanistan au BCP, puis deux destinataires du PRT, à l'aéroport de Kandahar.
    Merci.
    Avez-vous demandé pourquoi on avait fait cela, pourquoi on avait réduit cette liste?
    Oui: il s'agissait de renseignements très sensibles, et on ne désirait pas qu'ils soient transmis à un large cercle de personnes.
    Avec le temps, j'ai moi-même été retiré de la liste de distribution de ces messages.
    Vous avez également dit que les avocats du gouvernement vous avaient menacé. Pourriez-vous nous en dire plus là-dessus?
    Oh. Eh bien, c'est mon interprétation, je crois.
    On m'a assigné à témoigner devant la CEPPM. Lorsque j'en ai entendu parler pour la première fois, les avocats du gouvernement m'ont dit: « Vous pouvez témoigner librement dans le cadre de cette entrevue préparatoire. Il n'y a aucun problème. Faites comme bon vous semble ». C'est ce qu'on affirmait dans une lettre datée du 28 juillet que j'ai reçue.
    Je leur ai répondu que c'était très bien, et que je m'y présenterais le 1er septembre. Trois jours plus tard, ils me sont tombés dessus avec cette histoire d'article 38. Si j'y allais, je risquais d'être accusé en vertu de l'article 38 et possiblement emprisonné pour une période maximale de cinq ans, parce que j'aurais respecté mon obligation de collaborer avec la CEPPM.
    Je pense que j'ai vu cela comme une menace.
    Cela vous a mis dans une situation intenable.
    Oui, c'est l'impression que j'ai eue.

  (1655)  

    Dans un cas comme dans l'autre, que vous comparaissiez ou pas, vous seriez pénalisé.
    Oui, c'est exact.
    Dans l'une de vos notes ou lettres adressées au ministre de la Défense, l'avez-vous informé de ce qui vous arrivait et de la situation intenable dans laquelle vous vous trouviez?
    Non. J'ai écrit à mon sous-ministre, M. Len Edwards, pour lui communiquer certaines de mes inquiétudes à cet égard, ainsi qu'au ministère de la Justice. M. Préfontaine est la personne clé là-bas.
    Merci beaucoup.
    Merci, Keith.
    C'est maintenant le tour du gouvernement, puis nous allons conclure avec le NPD.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Colvin, vous êtes un diplomate expérimenté. Les diplomates d'expérience doivent constamment composer avec des personnalités difficiles. Ainsi, je me demande pourquoi, abstraction faite d'un conflit de personnalité, vous ne vous êtes pas affirmé plus énergiquement face au général Gauthier.
    En outre, si vous avez rencontré des ministres à diverses reprises là-bas, pourquoi n'avez-vous pas soulevé la question auprès d'eux? Vous avez affirmé ne pas l'avoir fait. Pourquoi donc?
    C'est une bonne question. Je n'avais pas non plus l'habitude d'envoyer des copies de mes rapports aux ministres.
    Généralement, lorsqu'un ministre arrive, votre travail consiste à vous assurer qu'il fasse un voyage agréable; c'est un rude environnement. J'assistais à des rencontres au sujet desquelles je rédigeais des comptes rendus, mais je ne m'immisçais pas vraiment dans leur vie ou dans leurs activités. Il serait un peu inapproprié, je crois, de venir ruiner la visite d'un ministre en lui déclarant: « Hé, saviez-vous qu'on torture les gens à l'électricité? »
    Eh bien, vous savez quoi? Je dirais que ce ministre est là-bas pour accomplir un travail, et qu'à sa place, s'il se produisait quelque chose d'aussi grave ou que vous preniez cela aussi au sérieux, je m'attendrais à ce que vous veniez m'en parler. Je dois donc considérer cela avec un certain doute.
    Je cède la parole à M. Abbott.
    Les quatre prisonniers transférés que vous avez interrogés ont-ils été capturés par des Canadiens?
    Je l'ignore.
    Vous l'ignorez. Ne trouvez-vous pas que c'est important?
    Oh, oui; c'est très important.
    Bon; attendez une minute. Vous nous avez raconté vous être entretenu avec des détenus qui présentaient des signes de mauvais traitements. Or, vous ne savez même pas s'il s'agissait de détenus ayant été mis en prison par des Canadiens, et vous savez encore moins s'ils se sont fait infliger ces marques au moyen de la torture. Et nous sommes censés vous trouver crédible. C'est incroyable, monsieur. C'est absolument renversant.
    Je me demande si vous en êtes arrivé à la conclusion que vous souhaitiez. Tout à l'heure, vous avez fait allusion à un instrument de torture qu'un interrogateur avait laissé dans un coin, sous une chaise. Maintenant, cela pourrait être utilisé comme preuve de torture, ou il pourrait s'agir d'un outil ayant servi pour des sévices auto-infligés. Ou encore, on l'aura peut-être laissé là à votre intention.
    Je suis navré, mais c'est assez incroyable, monsieur.
    Le 1er octobre, je dois dire que je n'étais pas là, alors j'ai simplement entendu parler de cette visite de surveillance.
    Le problème que nous avions, à Kaboul, c'est que l'information qu'on nous donnait était désespérante. Nous allions dans une prison, et nous disions: « Nous cherchons ces quatre individus. Voici leurs noms. Ils ont tous été faits prisonniers à Kandahar. Pourriez-vous nous les amener? » On nous présentait donc des gens aux noms à peu près similaires, et nous tentions de déterminer s'ils étaient bien ceux que nous cherchions. Nous avons retenu quatre détenus qui correspondaient plus ou moins aux critères qu'on nous avait donnés.
    Plus tard, nous avons reçu des renseignements plus fiables, toute une panoplie de renseignements comprenant des photos et les noms exacts. Et lorsque j'y ai jeté un coup d'oeil, j'ai conclu que sur les quatre personnes que nous avions rencontrées, une seule était la bonne. Mais ces erreurs étaient véritablement attribuables à la tenue des dossiers qui, en l'occurrence, était médiocre. Très, très médiocre.
    Sauf votre respect, cela a plutôt tout à voir avec la crédibilité de votre témoignage. Le transfert des trois détenus qui auraient subi ensuite de mauvais traitements n'a pas été fait par les Canadiens, contrairement à ce que vous venez de dire. Qu'ajouter à cela?
    Oui, vous avez probablement raison. Peut-être que l'un d'eux l'a été.
    Je ne voulais pas vraiment m'occuper de la visite de surveillance, qui ne fait pas partie de ma tâche, mais personne d'autre ne pouvait le faire.
    Mais les rapports que j'ai envoyés sur les détenus, dont les premiers datent de juin 2006, n'étaient pas fondés sur des entrevues avec eux. Ils étaient fondés sur des rencontres avec des organismes qui, selon nous, étaient crédibles, avaient accès à eux et possédaient des renseignements sûrs. Ces organismes sont à l'origine des inquiétudes exprimées. Il y avait plusieurs de ces organismes. J'ai bien peur de ne pas pouvoir vraiment révéler de noms ici.
    Il reste une minute.
    Merci, monsieur le président.
    Je dois simplement poursuivre un peu sur la lancée de M. Abbott et revenir à tout ce que nous avons entendu aujourd'hui. Il y a eu beaucoup de suppositions, d'allégations, mais rien de première main. Tout est de seconde main.
    Vous avez eu l'occasion, un certain nombre de fois, de confier vos inquiétudes aux autorités, si elles vous préoccupaient suffisamment, et ce genre d'activités nous préoccupe tous s'il a lieu. Mais vous n'en avez pas profité. Tous vos renseignements, en mettant les choses au mieux, sont de seconde main. Alors je dois vraiment me demander, comme mon collègue, si votre témoignage est vraiment crédible et utilisable.
    Vous êtes libre de formuler un commentaire, mais je suis un peu sceptique.

  (1700)  

    Voulez-vous répondre?
    C'est plus une affirmation qu'une question.
    En effet.
    Monsieur Dewar.
    Merci, monsieur le président.
    Merci encore à nos témoins.
    Revenons aux procédures qui étaient en place. Vous avez dit que, sur le terrain, nous n'avions pas de préposé à la surveillance. Donc, quand nous entendons les questions de nos vis-à-vis à ce sujet... Tout votre témoignage visait à montrer que, en réalité, nous n'avions personne pour s'occuper de la surveillance. Toutefois, vous avez aussi dit que les Britanniques et les Néerlandais disposaient d'un processus assujetti à un contrôle très serré — à l'intérieur d'un cycle de 24 heures dans le cas des Britanniques. Est-ce bien cela?
    Oui.
    Que vous ont dit les Britanniques et les Néerlandais? Étiez-vous en rapport avec eux au sujet du comportement dans les prisons, de ce qui s'y passait en matière de torture? Vous ont-ils parlé de torture?
    Oui. De façon générale, je rencontrais régulièrement les représentants de nos alliés de l'OTAN, d'un certain nombre de pays, et nous discutions de ce genre de questions. Eux aussi m'ont donné des renseignements.
    Ils vous ont donc fait part de leurs inquiétudes au sujet du transfert des détenus et de leur sort ultérieur?
    Oui, c'est cela.
    Un élément préoccupant du processus mis en place concerne la surveillance des prisonniers libérés. Cela vous a-t-il préoccupé là-bas? Autrement dit, surveillait-on les prisonniers qui sortaient de prison pour savoir où ils allaient?
    Après leur transfert ou leur libération?
    Après leur libération.
    Non. Habituellement, nous ne connaissions même pas leur sort, tant en prison qu'en liberté. Comme il n'y avait aucun suivi après leur transfert, nous étions dans une ignorance complète.
    Dans votre témoignage, vous avez parlé d'un certain nombre de sujets d'inquiétude, en faisant allusion à diverses formes de torture. De fait, dans l'un des documents, vous affirmez que pendant l'interrogatoire d'un détenu, vous lui avez demandé comment on le traitait. Il vous a répondu qu'on l'avait frappé au pied avec un fil métallique de gros calibre et qu'on l'avait forcé à se tenir debout pendant des jours, qu'il portait des marques au dos et sur les chevilles, et cetera. Vous avez observé une marque rouge derrière l'une de ses chevilles. Au fond, c'était la description des méthodes d'interrogatoire de la Direction générale de la sécurité nationale ou NDS.
    Était-ce une façon habituelle de traiter les prisonniers?
    Je crois que oui.
    D'après vous, serait-ce une violation de la convention de Genève?
    Oui.
    Pourriez-vous communiquer au comité tous les documents en votre possession pour que nous puissions les consulter pendant nos travaux?
    Volontiers. Cependant, je m'inquiète des conséquences.
    Puis-je confier ceci à votre avocate pour qu'elle le regarde et décide quoi communiquer au comité?
    Non. Nous sommes ici pour longtemps. Nous pouvons vous confier ceci, et vous pouvez décider quoi nous envoyer, puis nous le faire parvenir.
    On m'a dit, tout juste cette semaine, que de nouveaux documents étaient disponibles, sous forme révisée. Je n'ai pas eu le temps d'y jeter un coup d'oeil encore, mais on m'a remis une disquette hier.
    Tout renseignement que vous possédez pourrait être utile au travail du comité.
    Bien sûr.
    Merci.
    Merci, monsieur Dewar.
    Monsieur Colvin et madame Bokenfohr, merci beaucoup pour votre temps.
    Je vous prie de nous excuser pour la température ambiante. Nous avons des problèmes avec le chauffage sur la Colline. Ce n'est pas dans nos habitudes de faire suer nos témoins comme nous l'avons fait aujourd'hui. Je vous demande pardon.
    Avez-vous quelque chose à ajouter en guise de conclusion?
    Je vous suis reconnaissant d'avoir organisé cette rencontre. Merci de m'avoir invité et de m'avoir traité équitablement. Il a été agréable de vous rencontrer tous.
    Merci.
    Merci à vous aussi.
    Nous allons suspendre les travaux pendant une minute, le temps d'accueillir notre prochain témoin.
    Merci.

  (1700)  


  (1705)  

    Reprenons.
    Monsieur Tinsley, veuillez recevoir mes excuses, au nom du comité, pour vous avoir fait attendre et pris plus de temps que prévu. La sonnerie se fait entendre à 17 h 30.
    Avez-vous préparé une déclaration?
    Avez-vous une idée du temps dont vous aurez besoin?
    Pas plus de neuf ou dix minutes.
    D'accord. Nous verrons ensuite comment ça se dessinera pour vous.
    Simplement pour respecter le protocole, vous êtes le président de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire et vous êtes ici à la demande du comité. Nous vous sommes reconnaissants d'être ici.
    Nous allons vous céder la parole pour que vous fassiez votre déclaration liminaire, puis nous verrons ensuite combien de temps il reste pour les questions. Merci de votre présence.

  (1710)  

    Bonjour, monsieur le président et distingués membres du Comité spécial du Parlement sur la mission canadienne en Afghanistan. Je suis heureux de répondre à votre invitation et de vous aider, dans la mesure de mes moyens, dans vos travaux conformément aux motions du comité du 28 octobre 2009 concernant le traitement des détenus par les Forces canadiennes en Afghanistan.
    Comme vous le savez, la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire participe à l'enquête sur le traitement des détenus par la police militaire des Forces canadiennes depuis janvier 2007, quand M. Amir Attaran lui a fait parvenir la première plainte à ce sujet.
    Par l'entremise de la greffière, j'ai fait remettre une chronologie de la Commission et, plus importante encore, une chronologie des plaintes et des décisions subséquentes. J'espère que vous l'avez reçue et qu'elle vous sera utile.
    La première plainte, déposée par M. Attaran, a été résolue à la faveur d'une enquête d'intérêt public. Le dossier vient tout juste d'être fermé après expurgation des additions dans le rapport pour revenir à sa version originelle et nouvelle publication du rapport. Une copie de cette nouvelle version peut être trouvée à l'onglet E des documents supplémentaires qui vous sont fournis cet après-midi.
    Les autres plaintes, également reçues au début de 2007, d'Amnistie internationale Canada et de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, n'ont pas encore été résolues. La Commission et la Cour fédérale d'appel en restent saisies, en attendant une interruption de l'enquête de la Commission par les audiences d'intérêt public, dans le premier cas ou, dans le deuxième cas, en attendant une décision sur la requête en autorisation d'appel de la Commission, décision qui relève de la Cour fédérale. À ce sujet également, j'ai fourni à la greffière du comité une chronologie et la description des décisions de la Commission, qui, je l'espère, vous aideront à comprendre mes remarques très brèves.
    Je pense que c'est en raison de ces plaintes non résolues que vous m'avez invité à témoigner et à répondre à vos questions. C'est également en raison de la situation de ces plaintes — dont se trouvent toujours saisies, comme je l'ai dit, la Commission ou la Cour fédérale — que je devrai me montrer mesuré dans mes réponses à vos questions, par respect pour ces processus et en assurer l'intégrité. Actuellement, je préside une commission d'audition des plaintes dont reste saisie la Commission et j'ai le devoir d'agir équitablement à l'égard des parties, étant notamment tenu de parler des questions dont est saisie la Commission uniquement par le biais des décisions qu'elle a prises. J'espère que vous comprendrez.
    Vu ces contraintes, vous m'autoriserez peut-être à faire rapidement le point sur la Commission et son processus d'enquête en récapitulant et en paraphrasant certaines remarques que j'ai formulées en guise de conclusion après la décision de la Commission de suspendre ses travaux le 14 octobre dernier.
    Le traitement des détenus des Forces canadiennes en Afghanistan par la police militaire canadienne a beaucoup retenu l'attention publique dans tout le pays et à l'étranger, étant donné, notamment, l'expérience tristement célèbre d'autres pays qui se trouvaient dans des situations semblables en Irak et en Afghanistan, étant donné aussi les événements encore chauds de la Somalie. On espère manifestement que des réponses seront données aux plaintes dont la Commission a été saisie.
    Comme je l'ai dit, les motifs de préoccupation soulevés par les plaintes sont graves dans l'intérêt des dites victimes effectives ou potentielles du traitement dont il est question. Sont ainsi interpellés l'honneur et le professionnalisme de la police militaire canadienne dans l'exercice de son devoir sacré de soutenir la primauté du droit dans les Forces canadiennes, même au milieu de l'engagement militaire le plus considérable du Canada depuis un demi-siècle.
    En tant qu'organisme créé spécifiquement par le Parlement, dans les années 1990, pour responsabiliser davantage les Forces canadiennes après l'expérience tragique de la Somalie, alors que les efforts exceptionnels de tant de soldats canadiens ont été ternis, ici et à l'étranger, par la faute de quelques individus et, plus particulièrement, à cause de l'opacité entourant les événements en question, la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire regrette énormément les retards subis par le processus d'enquête sur ces plaintes qui, pour le moment, encombrent le dossier public d'un plus grand nombre de questions que de réponses. Il faut distinguer ce dossier public, évidemment, et la preuve que possède la Commission grâce aux auditions.
    Pour l'instant, la Commission a été saisie de très peu de preuves dans le contexte des procédures officielles de l'audience d'intérêt public. Néanmoins, au cours des deux années et demie qu'a duré l'enquête antérieure d'intérêt public et d'autres enquêtes préliminaires à ces audiences, certains renseignements portés à l'attention de la Commission l'ont amenée à convoquer son processus d'auditions et ont souligné l'importance de l'enquête. Une partie de cette information se trouve déjà dans le domaine public et elle est en grande partie publiée.

  (1715)  

    Le danger et la difficulté que pose toute cette information viennent de ce qu'elle est incomplète ou qu'elle n'a pas subi l'épreuve d'un processus procédural équitable et minutieux, qui respecte le droit des intéressés. En conséquence, on ne peut pas la qualifier de fondement probatoire approprié et complet des faits. À ce titre, comme ni la Commission ni moi-même ne pouvons tirer de conclusions ou de conséquences de cette information, nous avons exhorté le public à une retenue similaire.
    La Commission est également sensible au fait que, à la faveur de l'enquête sur la conduite de la police militaire à l'égard de ces allégations, on risque très bien de mettre au jour des faits qui rejailliront sur les actes et décisions de personnes n'appartenant pas à la police militaire. Mais comme nous l'avons maintes fois répété, cela n'a jamais été l'objet ni le but de l'enquête, ce n'est qu'une conséquence contextuelle possible et nécessaire, exacerbée par l'attention publique.
    Cependant, pendant plus d'un an, la Commission a cherché à répondre à cette plainte par une enquête sans auditions — et, d'ailleurs, sans contestation de sa compétence. Mais elle a été forcée de recourir à la voie plus officielle et plus publique de l'audition, seul moyen d'assignation dont elle disposait, du moins le pensait-elle.
    Les organismes chargés de la surveillance indépendante de la police, comme tous les rouages de l'appareil de notre droit administratif, sont censés être au service du peuple ou la collectivité et non du gouvernement qui les a créés. Dans le contexte de la surveillance de la police, tout en maintenant la confiance du public dans cette police, c'est ce qui devrait indéniablement être une priorité aujourd'hui pour tout gouvernement démocratique. Les normes de la surveillance indépendante de la police dans tout le Canada et, de fait, les normes internationales analogues qui sont en vigueur imposent de créer ces organismes de surveillance à la faveur d'une loi, afin de leur conférer l'indépendance, à la fois réelle et perçue, par rapport au gouvernement qui les a créés et dont la police est un agent.
    La Commission a été créée de manière à assurer sa crédibilité et son efficacité pendant qu'elle augmentait la confiance du public dans la police militaire, ce qui, de fait, entraîne le respect et l'application des lois et des normes auxquels les Canadiens s'attendent dans leur armée, y compris dans sa filière hiérarchique, ici et à l'étranger. Malheureusement, la fragilité de l'édifice a été révélée dans l'affaire tout à fait atypique des plaintes des détenus, le principal obstacle à la surveillance de la police étant la loi dite du silence. Le gouvernement, plutôt que la police, devient l'obstacle à la surveillance.
    Dans ces circonstances, malgré les pouvoirs accordés par le Parlement à l'organisation, l'expérience jusqu'ici a montré que lorsque le gouvernement ne coopère pas, il n'y a pas égalité des moyens. Cette expression, qui fait partie du vocabulaire militaire comme du vocabulaire juridique, ne vise pas à sous-entendre que les rapports entre le gouvernement et les tribunaux administratifs sont pleinement antagonistes; bien au contraire! Les deux font partie de l'autorité exécutive.
    Toutefois, les tribunaux administratifs tels que les organismes de surveillance de la police ou y compris ces derniers, sont généralement censés protéger l'intérêt public en appliquant leurs compétences particulières de façon quasi judiciaire, y compris en ayant une certaine indépendance par rapport au gouvernement. Mais si on leur attribue souvent des pouvoirs quasi judiciaires, ils n'ont pas le même degré d'autorité indépendante que le pouvoir judiciaire et ils sont censés constituer des tribunes plus officieuses, plus expéditives et plus spécialisées pour le traitement de certaines questions particulières.
    Cependant, les qualités prévues des tribunaux administratifs sont réduites à zéro quand ils doivent compter sur les tribunaux ordinaires pour faire exécuter leurs mandats, avec tous les frais et les retards qui en découlent, ce qui est un résultat qui n'était probablement pas recherché par le législateur.
    Il semblerait que certaines des grandes leçons de la Somalie, dont j'ai déjà dit qu'elles sont à l'origine de la création de la Commission, alors que les accusations — fondées ou non — étaient favorisées par l'absence de transparence, n'ont pas été apprises. La surveillance de la police militaire, comme la police militaire elle-même, présente un certain nombre de difficultés particulières. Le but de la Commission, tout au long du processus, a été subordonné à un objectif global: assurer la confiance du public dans l'intégrité et le professionnalisme de la police militaire et dans la primauté du droit.
    Encore une fois, je regrette beaucoup le retard supplémentaire causé par l'interruption actuelle de la prestation de ce service au peuple canadien, aux plaignants et, effectivement, au personnel de la police militaire, qui continuent de vivre dans une atmosphère chargée de soupçons. Cependant, pour la durée de mon mandat, je vous assure que la commission restera déterminée à résoudre ces affaires le plus tôt possible, dans l'intérêt du public.
    Merci, monsieur le président.

  (1720)  

    Merci, monsieur.
    Mes chers collègues, nous sommes devant un dilemme. La sonnerie d'appel va retentir dans dix minutes. Voulez-vous entamer une ronde de questions maintenant? Notez cependant que vous n'aurez pas tous l'occasion d'intervenir.
     Je propose qu'on reporte la séance de questions. Je crois que ce ne sera satisfaisant pour personne si le temps ne nous permet pas de poser plus d'une question ni d'approfondir le sujet. Je reconnais que ce n'est pas très agréable pour M. Tinsley, et j'apprécie qu'il se soit déplacé aujourd'hui, mais j'estime que la meilleure chose à faire serait de tenir les rondes de questions et réponses à la prochaine séance. Personne ne sortirait satisfait de cet échange aujourd'hui, alors je propose qu'on procède de cette façon.
     Je n'ai pas consulté mes collègues. Je ne sais pas ce qu'en pensent les autres, mais c'est en tout cas mon avis.
    Monsieur Tinsley, est-ce que ce serait possible pour vous?
    Si la séance a lieu mercredi prochain, monsieur le président, j'y serai. Je vous informe cependant que je dois me rendre au Brésil en fin de semaine, car je présente une allocution à une conférence sur la surveillance. Je descendrai de l'avion à midi mercredi prochain, mais je viendrai tout de même témoigner.
    Je crois que tout est prêt pour la séance de mercredi prochain. Il se peut que des témoins aient déjà confirmé leur présence, alors je ne sais pas si nous aurons suffisamment de temps, mais nous allons devoir trouver une solution.
    Nous trouverons bien un moyen. Il est important que nous...
    Sommes-nous tous d'accord?
    D'accord. Je ne pense pas que nous aurons le temps de poser plus d'une question de toute façon, alors allons-y pour la prochaine fois.
    Merci, monsieur. C'est aimable à vous de vous être déplacé. Nous allons communiquer avec vous. Nous avons toujours vos observations préliminaires.
    La séance est levée.
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