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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 009 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 avril 2010

[Enregistrement électronique]

  (1145)  

[Traduction]

    Bienvenue à la neuvième séance du Comité permanent du patrimoine canadien. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, la réunion porte sur l'étude des médias numériques et émergents: possibilités et défis.
    Nous accueillons aujourd'hui M. Graham Henderson, président de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement, qui va nous présenter le reste des témoins.
    Notre réunion sera écourtée en raison du vote; elle ne durera qu'une heure et quart. Si nous faisons preuve de concision, nous pourrons poser davantage de questions et obtenir plus de réponses. Chaque intervenant aura droit à cinq minutes pour la question et la réponse, et je serai strict là-dessus.
    Monsieur Henderson, veuillez...
    Monsieur Angus, vous voulez faire un rappel au Règlement?
    Oui, monsieur le président. J'invoque le Règlement.
    Je sais que ce n'est peut-être pas le jour idéal pour le demander, parce que notre temps est limité, mais je trouve que la règle des cinq minutes n'est pas très utile pour permettre aux témoins de répondre à toutes nos questions. Nous en arrivons à devoir les interrompre abruptement parce que nous avons beaucoup de sujets à aborder.
    J'avais cru comprendre que la règle des sept minutes s'appliquait. Je sais que d'autres comités l'appliquent. Je pense simplement que cinq minutes ne sont pas suffisantes pour bénéficier au maximum de la présence de nos témoins et établir un dialogue.
    Monsieur Angus, nous avons toujours alloué cinq minutes. L'autre jour, nous avons eu sept minutes dans la première série de questions parce que j'ai permis que l'on réponde aux questions.
    M. Rodriguez insiste pour que je maintienne la règle des cinq minutes, et c'est ce que je vais faire encore aujourd'hui, car nous manquons de temps. Nous avons déjà gaspillé quelques minutes à en débattre. Nous allons poursuivre.
    Monsieur Henderson, veuillez...
    Madame Lavallée.

[Français]

    Je m'excuse infiniment d'insister, monsieur le président, mais, si je me souviens bien, nous avions une première ronde de sept minutes tandis que la deuxième et les autres étaient de cinq minutes. De mémoire, c'était comme ça.

[Traduction]

    D'accord.
    Est-ce que cela vous dérange?
    Eh bien, j'espérais que les témoins s'en tiennent à un exposé de cinq minutes.
    Pour ce qui est de la période de questions, que ce soit cinq ou sept minutes, peu m'importe. Nous sommes d'accord, pourvu que ce soit équitable pour tout le monde.
    Je serai très équitable. Je crois que je l'ai été la dernière fois. Je n'ai jamais vraiment empêché quelqu'un de répondre.
    Je demande simplement à ceux qui posent les questions de ne pas attendre à la dernière minute.
    Allez-y, monsieur Henderson.
    Je m'appelle Graham Henderson, et j'aimerais vous présenter Darlene Gilliland, directrice du développement des affaires pour Universal Music Canada. À ses côtés se trouve Charlie Millar, directeur du développement du secteur numérique pour Warner Music. Nous avons ensuite Loreena McKennitt, que vous connaissez tous, j'en suis sûr, puisqu'elle est une artiste célèbre et est aussi propriétaire d'une maison de disques indépendante canadienne très importante.
    Grant Dexter est absent aujourd'hui, car il est coincé en Europe à cause de la fumée volcanique. Je pense qu'il est important de souligner que ce n'est pas parce qu'il travaille dans l'industrie de la musique que c'est la fumée « psychédélique » qui le retient là-bas.
    C'était seulement une petite blague d'ouverture sur l'industrie de la musique.
    Je suis donc président de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement, mais avant cela, j'ai travaillé durant environ 20 ans avec des artistes, de grandes maisons de disques, des auteurs-compositeurs, divers interprètes, des étiquettes indépendantes. J'ai épousé une artiste exécutante.
    Durant mes cinq dernières années à Universal, j'étais aussi chef de l'unité du commerce électronique.
    Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de ce que j'appelle les « meneurs numériques ». Ce sont les personnes qui sont à la frontière de ce que l'on appelle la révolution numérique, celles qui en sont passionnées. Je crois que depuis des années, nous sommes injustement critiqués par bien des gens, souvent insultés; on donne une image inexacte de ce que nous faisons, mais aujourd'hui, vous avez l'occasion de nous rencontrer. Et je pense que vous vous rendrez compte que nous sommes très différents de ce que vous avez pu lire à notre sujet.
    Je vais commencer par cette affirmation: une société devrait être jugée — pourrait être jugée, entre autres — par la façon dont elle traite ses artistes, et je crois que cette question devrait préoccuper les membres du comité.
    Cette affirmation ne vient pas de moi, mais de Jaron Lanier. J'ai apporté son livre, intitulé You Are Not a Gadget. Jaron est informaticien, compositeur et visualiste. Il est auteur, et on dit que c'est lui qui a inventé le terme « réalité virtuelle ». Il ne vit que pour la Silicon Valley. Il a été nommé l'un des 100 intellectuels les plus éminents. Il est sur la liste des 300 plus grands inventeurs de l'histoire d'Encyclopedia Britannica. Il ne faut donc pas traiter cet homme à la légère.
    Je vais commencer par une citation. Voici ce qu'il dit:
Si vous voulez vraiment connaître une société ou une idéologie, regardez où s'en va l'argent. S'il sert à la publicité plutôt qu'aux musiciens, aux journalistes et aux artistes, alors la société s'intéresse davantage à la manipulation qu'à la vérité ou à la beauté. Si le contenu ne vaut rien, les gens commenceront à devenir niais et à manquer d'opinions. [Cela] a donné lieu à un nouveau genre de contrat social. L'idée de base de ce contrat est que les auteurs, les journalistes, les musiciens et les artistes sont encouragés à considérer les fruits de leur intelligence et de leur imagination comme des éléments à céder gratuitement... La réciprocité prend la forme de l'autopromotion. La culture ne doit devenir rien de plus que de la publicité.
 
Cela fait plus d'une décennie qu'existe cette utopie de partage démonétisé, et presque tous ceux qui font ce genre de travail collectivisé en ligne s'appauvrissent. Par exemple, il n'y a qu'une poignée d'auteurs ou de musiciens qui réussissent à gagner leur vie grâce à cette nouvelle utopie.
    Il dit que l'on « ressemble de plus en plus à des paysans », et que « cela ne fera qu'empirer ».
    Vous avez entendu beaucoup de témoignages de fervents supporteurs de tout ce qui est numérique. Et vous savez quoi? À notre façon, nous sommes nous aussi de fervents supporteurs de la technologie numérique, car elle nous offre des possibilités extraordinaires, et à nos créateurs également. Mais il s'agit d'une arme à deux tranchants. Ne nous y trompons pas.
    Permettez-moi de vous dire que nous devons toujours modérer notre enthousiasme en faisant preuve de prudence et d'un scepticisme judicieux, éléments qui semblent presque complètement absents du discours d'aujourd'hui. Plutôt que de simplement demander à quelle vitesse cela peut évoluer et combien nous pouvons y consacrer, nous devrions aussi nous demander quelles en sont les conséquences.
    Puisque votre comité aborde les questions culturelles, je vais vous parler de l'une des pierres de touche de ma vie — j'ai étudié la littérature anglaise —, c'est-à-dire de Mary Shelley. Son livre, intitulé Frankenstein, porte sur ce qui se produit lorsque la science ou la technologie est introduite dans la société sans que l'on en ait examiné en détail les conséquences.
    Or, même si nous nous inquiétons des conséquences, cela ne veut pas dire que nous sommes contre la technologie, bien au contraire; cela signifie, selon moi, que nous agissons de façon prudente et judicieuse, et je crois que c'est ce que nous devons faire en tant que société.
    Parlons un peu du Canada et de l'innovation numérique. Le mois dernier, on a dit au comité que tout fonctionnait très bien au Canada sur le plan numérique. L'essentiel de ce message était que le Parlement n'avait pas besoin d'intervenir.
    Or, rien n'est plus loin de la vérité.

  (1150)  

    Les gens qui préconisent cette attitude insouciante l'ont adoptée depuis presque une décennie. Entre-temps, nous avons pris du retard; nous étions des chefs de file sur le plan numérique, mais maintenant, nous nous contentons de suivre.
    Je crois que le milieu universitaire a, malheureusement, une vision limitée. Le Conference Board du Canada a récemment attribué un D au Canada en innovation.
    On vous a donné des exemples précis de la façon dont les artistes étaient censés réussir en donnant leur musique. On vous a parlé de Radiohead, ainsi que de Trent Reznor, des Nine Inch Nails. Mais on ne vous a pas parlé de ce que Trent Reznor a dit après son expérience. Et soit dit en passant, la décence interdit de répéter bien des choses qu'il a dites:
        C'est ce que j'ai appris de Radiohead. Je ne veux pas demander à mes fans quelle valeur ils attribuent à ma musique.
    Il donne ensuite un exemple d'une discussion avec un admirateur imaginaire: « J'ai travaillé là-dessus durant un an », et l'admirateur lui répond: « Eh bien, je crois que ça vaut 10 cents ».
    La réponse de Trent à cela est impossible à répéter.
    Il dit ensuite:
        Je croyais naïvement, à l'époque, que si l'on donnait au public le choix de faire ce qu'il convient de faire ou non, il ferait la bonne chose. Cinq dollars pour un album? Et je me suis rendu compte que la plupart des gens ne sont pas prêts à le faire. Je crois que j'en ai ri et que je me suis fait critiquer par tout le monde pour m'être plaint de vouloir être payé pour mon travail. Les mesures que nous avons prises depuis nous permettent, je crois, de nous rapprocher de ce qui ressemble à un modèle de gestion. Mais cela ne fonctionne pas pour les groupes encore inconnus.
    On a également signalé au comité le mois dernier que les plus petits intervenants canadiens obtiennent du succès dans les nouveaux marchés comme les applications Facebook.
    En réalité, la seule entreprise canadienne dont le nom figure sur la liste de Facebook des 15 meilleures applications est Research in Motion. Et ce n'est pas une petite entreprise.
    On vous a parlé d'une entreprise canadienne appelée Polar Mobile, qui vise à fournir des applications au marché du iPhone.
    On vous a parlé des modèles de gestion fondés sur la culture libre.
    Mais ce que l'on ne vous a pas dit, c'est que le PDG de Polar Mobile, Kunal Gupta, en est venu à la conclusion que la philosophie voulant que l'on donne gratuitement du contenu ne fonctionne tout simplement pas pour lui.
    On vous a également dit que les sites BitTorrent et d'autres technologies pair à pair « plaisent de plus en plus aux entreprises légitimes ». En effet, nous avons des manières de les utiliser. Mais ce que l'on ne vous a pas dit — et ce que j'aurais cru tout à fait évident pour tous ceux qui vivent à l'extérieur de cette tour d'ivoire, et même ceux qui vivent à l'intérieur —, c'est que la quasi-totalité du contenu des sites BitTorrent est, pour être franc, du contenu volé.
    C'est la conclusion à laquelle on en est arrivé dans une étude récente supervisée par le professeur Ed Felten, à Princeton — qui est sans lien avec l'industrie de la musique —, qui a constaté que 99 p. 100 du contenu partagé sur BitTorrent contrevient aux règles.
    Le problème, c'est qu'une culture fondée sur le vol des biens culturels se cannibalise. Les industries créatives dépérissent, et les pays comme le Canada obtiennent un D en innovation.
    Pour terminer, je vais vous parler d'un autre auteur important qui aborde ce sujet. Si vous devez établir une politique sur cette question, il faut que vous lisiez le livre de Debora Spar, intitulé Ruling The Waves: From the Compass to the Internet, a History of Business and Politics along the Technological Frontier. Dans ce livre, elle écrit:
Si nous regardons le cyberespace avec du recul... [nous voyons que] lorsque la frontière technologique dépasse un certain point, le pouvoir — et les profits — semblent passer de ceux qui enfreignent les règles à ceux qui les établissent... [L'établissement de ces règles] est une étape cruciale de la frontière technologique. Cela clarifie les relations qui ont souvent été troubles jusqu'à maintenant, et permet aux pionniers de réussir à constituer leurs firmes et leurs marchés dans un milieu plus stable, moins chaotique. C'est une étape qui est absolument essentielle lorsqu'on a des visées commerciales pour une technologie.
    Sur ce, je vais céder la parole à mes collègues.
    Permettez-moi seulement d'ajouter que nous demandons au comité d'appuyer l'environnement fondé sur des règles, en quelque sorte, qui existe pratiquement partout ailleurs dans le monde. Il profitera aux créateurs — comme Loreena —, aux investisseurs du milieu des affaires — comme nous —, et même aux consommateurs. Les consommateurs n'ont tout simplement pas les mêmes possibilités au Canada qu'ailleurs dans le monde.
    Darlene.

  (1155)  

    Je m'appelle Darlene Gilliland et je suis directrice du développement du secteur numérique pour Universal Music Canada. Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
    Je compte aborder trois sujets: d'abord, je vous parlerai de notre entreprise et de la façon dont nous tirons parti des possibilités qu'offrent les nouveaux médias afin de donner de l'expansion à notre entreprise au Canada; puis, de la façon dont les défis que pose l'absence d'un climat prévisible et réglementé relativement à l'investissement dans les nouveaux médias limite la croissance de l'entreprise; et enfin, de la façon dont le gouvernement peut nous aider.
    D'abord, sachez qu'Universal Music est la plus importante entreprise de musique au Canada. Nous signons des contrats d'enregistrements musicaux avec des artistes. Nous assurons également la distribution des étiquettes indépendantes dans les provinces anglophones et au Québec. Nous découvrons des talents artistiques, nous créons des enregistrements musicaux avec eux, nous les commercialisons, les distribuons, en faisons la promotion. En bref, nous créons de la musique et nous bâtissons des carrières.
    La liste de nos artistes canadiens comprend les noms de Bryan Adams, Diana Krall, Shania Twain, Tragically Hip, ainsi que des nouveaux artistes comme Hedley et Stereos. Nous commercialisons et distribuons aussi le matériel de vedettes internationales comme U2, Elton John et les Black Eyed Peas, ici au Canada. Nous sommes des gens de musique, tout à fait, mais nous sommes également des gens d'affaires et nous investissons dans le talent et la technologie de notre pays.
    Mon rôle au sein de l'entreprise dans le domaine du développement du secteur numérique ainsi que l'équipe avec laquelle je travaille existent parce qu'Universal reconnaît le pouvoir des nouveaux médias de créer des sources de revenus pour nos artistes. Mon rôle consiste à mettre en oeuvre dans un plan stratégique de nouveaux modèles de gestion susceptibles de générer des revenus durables à long terme et de faire profiter aux amateurs d'une expérience de téléchargement légal de musique.
    Ce n'est plus comme autrefois. Nous ne nous croisons pas les bras en souhaitant retrouver l'époque d'avant l'Internet. C'est plutôt le contraire; nous sommes très engagés dans la réorientation de notre entreprise, qui est confrontée à d'incroyables défis liés à la situation au Canada.
    Je vais vous parler un peu des choses que nous faisons. D'abord, nous accordons des licences pour notre musique et nos vidéos de façon légale aux entreprises technologiques, aux grands et aux petits diffuseurs, aux entreprises de services mobiles et aux sites Web ici au Canada, ainsi qu'à l'étranger. Quand je parle de contrats de licence, cela veut dire un contrat qui rend la musique légalement disponible. Vous pouvez écouter de la musique sur votre iPhone grâce à nous. Vous pouvez acheter et télécharger sur votre téléphone cellulaire une bonne chanson que vous avez entendue à la radio. Vous pouvez regarder une vidéo sur votre ordinateur à la maison. Voilà ce que nous faisons. Toutes ces utilisations peuvent être accordées légalement sous licence, indemnisent le créateur et fournissent la musique aux amateurs, là où ils veulent l'entendre.
    Les entreprises avec lesquelles nous travaillons pour élaborer ces modèles comprennent bien des choses. Elles savent que la musique est très importante pour leurs clients, que les créateurs doivent être rémunérés pour leur travail et que le fait de travailler directement avec nous les aide à accroître la valeur de leur entreprise.
    Je tiens également à souligner que nous utilisons régulièrement les médias sociaux dans la technologie dans le cadre de nos efforts de marketing et de promotion pour prendre contact avec les amateurs. Les applications Twitter, Facebook, SMS, iPhone — toutes les nouvelles technologies sont des éléments clés de nos stratégies de marketing. Ce ne sont peut-être pas nos stratégies les plus productives pour le moment, mais elles sont très importantes sur le plan du marketing.
    Je vais vous donner un exemple intéressant, pour ceux qui utilisent souvent Twitter. Nous avons collaboré avec un artiste canadien, K'naan, pour créer de nouvelles paroles pour l'une de ses chansons en utilisant les « tweets » des admirateurs sur Twitter. K'naan a ensuite enregistré une chanson uniquement à partir de ces paroles, et nous avons été félicités pour cela par le magazine Wired. C'est là où nous en sommes.
    De plus, nous nous diversifions. Nous créons et gérons des sites Web d'artistes et des clubs d'admirateurs en ligne. Nous concevons des produits musicaux à valeur ajoutée, des articles VIP et des billets de concerts.
    En bref, nous ne restons pas les bras croisés. Autrefois, les gens comme moi ne travaillaient même pas dans l'industrie de la musique. Nous ne fuyons pas cette nouvelle réalité, nous faisons de notre mieux pour l'accepter, pour consacrer nos efforts à créer des modèles de gestion et pour en faire profiter tout le monde dans la communauté des nouveaux médias, c'est-à-dire les créateurs, les entreprises technologiques et les consommateurs. Nous croyons que l'un n'empêche pas l'autre.
    Malgré nos efforts et même si nous réussissons à poursuivre la croissance de notre entreprise numérique chaque année, notre marché numérique au Canada est en voie de plafonner bien en-dessous de notre potentiel de marché et du niveau que vont atteindre les autres marchés développés. Je vais vous donner quelques chiffres. Dans l'ensemble de l'industrie, comme le rapporte l'IFPI, pour les exemplaires physiques des CD, les ventes au Canada représentaient 10 p. 100 de celles des États-Unis. Pour le numérique, c'est 4 p. 100. C'est une différence importante. Je crois que cela permet de très bien illustrer ce point.  

  (1200)  

    Nous attribuons ces résultats en grande partie à l'absence d'un régime solide de droits d'auteur et de protection des oeuvres des créateurs dans notre pays, et cette lacune est évidente lorsqu'on compare le Canada avec ses homologues étrangers. Il y a longtemps que ces derniers ont mis en place des mesures de protection.
    Lorsque les entreprises spécialisées dans les technologies constatent l'ampleur du piratage qui se pratique au Canada et l'incertitude de nos lois, elles sont tentées d'aller investir ailleurs, et c'est ce qu'elles font. Les créateurs et les consommateurs canadiens se voient ainsi privés de services innovateurs dans le monde de la musique qui sont offerts ailleurs, dont au Royaume-Uni, en France, en Suède et aux États-Unis. Nous sommes donc aussi privés des emplois, des revenus, des taxes et des choix pour les consommateurs qui y sont rattachés.
    Le gouvernement peut nous aider de deux façons importantes: premièrement, le gouvernement doit investir dans les nouveaux médias, comme dans toute industrie, en vue de créer un environnement réglementé et prévisible dans lequel les entreprises peuvent investir, et dans lequel les investissements faits aujourd'hui par l'industrie de la musique peuvent se poursuivre; deuxièmement, le gouvernement doit reconnaître que la rémunération des artistes et l'évolution de la plate-forme des nouveaux médias ne sont pas fondamentalement incompatibles. Nous pensons qu'il est possible de bâtir ce marché, un marché dans lequel les technologies sont mises à profit et les créateurs peuvent gagner leur vie, à l'aide des protections appropriées.
    La société Universal investit dans la musique et dans la culture et le talent canadiens, et notre gouvernement investit dans la musique et dans la culture et le talent canadiens, mais nos lois créent un climat dans lequel le produit de nos investissements est en concurrence avec la gratuité des services.
    Pendant des années, le problème a peut-être semblé compliqué; mais il n'a pas à l'être. Nous ne pourrons pas être concurrentiels sans l'aide du gouvernement, qui devra s'assurer que les oeuvres des créateurs bénéficient du même niveau de protection grâce aux droits d'auteur que celui que reçoit une entreprise technologique qui fait breveter l'écran tactile de son téléphone.
    Toutes les industries de la propriété intellectuelle dépendent des mécanismes mis en place par le gouvernement pour favoriser l'innovation, encourager les investissements et protéger les créateurs. Nous ne faisons pas exception à la règle.
    Nous ne demandons pas au gouvernement de nous ramener dans l'ancien temps. Nous ne baissons pas les bras: nous voulons bâtir ce marché et nous avons ce qu'il faut pour le faire, mais nous vous demandons de nous aider à y arriver.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Millar, nous vous écoutons.
    Je m'appelle Charlie Miller. Je travaille aussi comme directeur au développement du commerce numérique.
    On m'a demandé de vous parler aujourd'hui de ce que je fais, et de la façon dont mon travail est relié aux médias numériques et aux nouvelles technologies. Je vous parlerai plus précisément de mon expérience, des raisons qui m'ont poussé à me lancer dans l'industrie du contenu, le rôle que je joue, et les raisons pour lesquelles je suis ici aujourd'hui. Finalement, je vous ferai le résumé de la façon dont le gouvernement pourrait appuyer mon travail du point de vue de l'industrie du contenu numérique.
    Avant de joindre les rangs de Warner Music Canada, je travaillais comme conseiller économique pour KPMG. Mes secteurs de prédilection étaient les technologies et les marques pharmaceutiques. Après KPMG, j'ai travaillé pour une société de marketing qui se spécialisait dans la vente et la conception de programmes de commercialisation de marques auprès des consommateurs. Telus était un de nos clients. J'ai en fait participé au lancement du service Internet de Telus, dans l'Ouest, il y a environ six ans.
    Pourquoi me suis-je lancé dans l'industrie du contenu? Comme j'ai joué dans plusieurs petits groupes de musique au fil des ans, il était évident pour moi que la musique, ou le contenu, jouait un rôle vital dans le développement des nouvelles technologies et de la nouvelle génération des modèles de monétisation de la musique. Donc, avec mes antécédents en économie et mon amour de la musique, il était logique pour moi de joindre les rangs d'une compagnie de disques et de travailler dans le domaine de la musique numérique.
    Mon rôle chez Warner Music Canada est d'intégrer des occasions de commerce numérique dans la compagnie. Je travaille également avec des entreprises canadiennes afin de les sensibiliser à ce nouveau commerce, et j'ai aussi la tâche de délivrer des licences de contenu à ces entreprises. Je collabore avec elles pour veiller à ce qu'on utilise un modèle d'affaires profitable et durable pour la distribution des oeuvres de nos artistes. Je travaille plus précisément avec de nombreux fabricants de logiciels pour voir à ce qu'ils obtiennent des licences de contenu et qu'ils mettent en place des modèles d'affaires qui sont durables pour les oeuvres des artistes à long terme et qui leur procureront des affaires profitables. C'est très important.
    Finalement, j'établis des liens avec des fournisseurs de services Internet (Telus, Rogers et Bell), des fabricants d'appareils (RIM, HTC et LG), ainsi qu'avec des fabricants de logiciels. Ce sont d'importants partenaires d'affaires pour nous. On ne peut négliger ces partenaires, car ce sont eux qui appuieront nos lois sur la scène internationale et ici, au Canada. Ces compagnies offrent des perspectives d'affaires prometteuses, et ensemble nous allons créer de nouveaux outils qui permettront aux compagnies de disques de monétiser leur contenu. Tout cela est très stimulant. Ces services deviendront essentiels dans l'ère numérique du monde de la musique.
    Je vais maintenant vous parler des raisons de ma présence ici aujourd'hui.
    Warner Music est un acteur important de l'industrie. Il a engagé des intérêts commerciaux nationaux et a toujours une longueur d'avance sur l'industrie de la musique enregistrée en ce qui a trait au revenu numérique. Nous avons trois priorités fondamentales, et j'aimerais vous les expliquer pour que vous compreniez comment se raccordent selon nous ces priorités au monde de la musique numérique.
    Nous voulons étendre notre leadership au commerce de base des téléchargements. Vous penserez peut-être au service iTunes, mais nous nous concentrons surtout sur quatre « P » du marketing: le produit, le prix, la promotion et le placement.
    Nous voulons rétablir l'équilibre entre les aspects promotionnel et commercial au sein des réseaux sociaux. C'est très intéressant. Nous avons des contacts avec YouTube. Nous en avons aussi avec des réseaux financés par la publicité. Nous tâchons d'éliminer les idées fausses à propos du concept de la gratuité, et nous encourageons les entreprises à adopter des modèles d'affaires durables. Les modèles des réseaux financés par la publicité sont au stade de l'économie émergente en ce moment, pas à celui d'une économie durable.
    Nous élaborons et entretenons de nouveaux modèles d'affaires en ciblant des occasions de masse. Ce que cela signifie, c'est que nous incitons les réseaux et les fabricants de systèmes à regrouper les services par la vente d'appareils et de connexions Internet.
    J'en reviens au marché numérique. Celui-ci comporte trois principaux segments de consommateurs. Beaucoup de recherches ont été faites aux États-Unis sur ces segments de consommateurs, et elles nous serviront d'exemples pour les consommateurs canadiens. Nous collaborons toutefois avec l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement pour mener notre propre recherche sur les besoins des consommateurs.
    Le premier segment de consommateurs se compose des auditeurs traditionnels. On fait ici référence à des auditeurs de la radio ou à des consommateurs de disques compacts. Ce sont des consommateurs dit « passifs »: ils écoutent la radio ou ils insèrent un CD dans leur lecteur. Ce sont des produits ciblés que l'on doit offrir à ce segment de consommateurs. Il faut offrir des moyens aux adeptes de CD pour les inciter à passer à l'ère du numérique, comme des cartes-cadeaux.
    Le deuxième segment se compose de collectionneurs de contenu numérique. Ces consommateurs sont très « proactifs »: ils ont des ordinateurs, plusieurs écrans, des téléphones portables, et ils sont des clients du service iTunes. Pour ce segment de consommateurs, nous devons nous pencher sur la gestion des produits. Encore là, les quatre « P » du marketing nous aident dans ce domaine, et c'est là que nous portons notre attention. Mais il faut aussi offrir à ce segment des produits et des services innovateurs, notamment pour les services d'abonnement. Le terme « nuage numérique » est de plus en plus à la mode.

  (1205)  

    Le troisième et dernier segment est composé des pirates. Ce sont des consommateurs également proactifs, qui représentent un échantillon de tous ces comportements. Pour contrer ce mouvement, il faut des mesures de dissuasion omniprésentes mises en place par le gouvernement, ainsi que des mesures de contrôle intégrées aux différents réseaux.
    En résumé, comment le gouvernement peut-il intervenir?
    Au niveau des ventes pour le développement du commerce numérique, le gouvernement peut, premièrement, prendre des mesures qui contribueront à décourager le piratage; deuxièmement, il peut appliquer des contrôles gouvernementaux généralisés pour que le Canada et toutes ses provinces puissent offrir un milieu favorable aux entreprises et aux services du monde numérique; et troisièmement, il peut créer un endroit propice aux investissements étrangers directs et/ou au développement de technologies de nouvelle génération qui sont prêtes à l'exportation.
    Pour ce qui est d'un marché libre, l'industrie est prête à vendre le talent du Canada au monde entier, et elle dispose des moyens pour le faire, mais il est essentiel que le gouvernement établissent des règles de base appropriées pour que le commerce de la musique numérique soit florissant.
    Merci beaucoup de m'avoir accordé de votre temps.

  (1210)  

    Merci.
    Madame McKennitt, je vous en prie.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je reconnais que les membres du comité ont devant eux une tâche colossale à accomplir dans ce dossier.
     Comme certains d'entre vous le savent peut-être, je suis auteure-compositeure et interprète, et l'unique propriétaire de l'étiquette Quinlan Road, une compagnie de production audio-visuelle qui représente une seule artiste.
    On a souvent dit de moi que j'ai été l'une des premières artistes à mener une carrière indépendante, que j'ai entreprise en 1985 en chantant dans les rues de Toronto. Après cinq années à fonctionner avec les moyens du bord, j'ai décidé de signer un contrat de licence. Je compte maintenant un mélange de contrats de licence et de distribution aux quatre coins du monde avec différentes compagnies. Elles ont ainsi vendu plus de 13 millions de disques. À l'heure actuelle, non seulement je continue à évoluer en tant qu'artiste, mais je gère également les aspects créatifs et commerciaux des activités quotidiennes de Quinlan Road, et ce, à l'échelle mondiale.
     Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour vous faire part de mes inquiétudes à l'égard des créateurs d'aujourd'hui et de demain de toutes les disciplines, ainsi que des infrastructures de leurs industries respectives.
     J'ai eu la chance, tout au long de mes 25 années de carrière, d'être propriétaire de ma propre compagnie et d'avoir le dernier mot sur tout ce qui a trait à mes disques et à mon image. Je ne tire pas seulement mes revenus de la vente de CD ou de fichiers numériques, mais aussi de mes prestations et des contrats de licence que j'ai conclus. Parce que j'ai investi dans ma carrière et dans mon entreprise de cette façon, j'ai pu demeurer propriétaire de mes bandes maîtresses et octroyer directement des licences d'utilisation de mes oeuvres pour des films, des pièces de théâtre, des spectacles de danse, et d'autres types de médias. De la même manière, rien ne m'empêche d'accorder des permissions sans frais dans des circonstances particulières.
    Il est très difficile de prédire l'avenir des nouvelles technologies numériques sans établir un solide consensus sur la valeur réelle de la propriété intellectuelle et déterminer qui en est réellement propriétaire. Pendant des années, il était clairement établi et accepté que les créateurs sont propriétaires de leurs oeuvres, et que le média qui les véhicule ne peut rien changer à ce principe.
    Cela m'amène à vous parler des romans et du nouveau terme qu'est « droits d'usage ».
    À mon avis, il faut être extrêmement prudent avec ce genre de langage, car dans les faits, il ne s'agit pas de droits d'usage, mais de permissions. Quand on aura établi clairement qu'il n'existe pas de droits d'usage, ou que les consommateurs ne sont pas propriétaires de la musique achetée sur CD ou par téléchargement numérique, on pourra arrêter de s'inquiéter de la meilleure façon de retrouver l'équilibre entre les différents droits. Les permissions d'usage et les conditions d'utilisation à des fins personnelles permettent au public de faire à peu près tout ce qu'il veut avec les produits qu'il achète.
    Dans mon entreprise, nous nous efforçons de faire front aux nouvelles réalités tous les jours. Nous travaillons fort pour offrir de nouveaux produits par des moyens différents de façon à tirer profit des nouvelles technologies. Je suis toutefois ici pour vous dire qu'il est impossible de faire des prédictions et d'encourager les investissements sans qu'il n'y ait une certaine stabilité dans la reconnaissance et la protection fondamentales de la propriété intellectuelle.
     Il n'y a pas que ma propre source de revenus qui soit touchée. Il y a aussi les emplois de nombreux gens de talent que j'ai embauchés au fil des ans. J'aimerais vous en donner un aperçu.
    Je parle notamment d'un grand nombre de studios d'enregistrement qui n'existent plus aujourd'hui; les ingénieurs qui se spécialisent dans l'enregistrement d'instruments classiques ou acoustiques; les techniciens, leurs fournisseurs et leur personnel administratif; les concepteurs graphiques; les photographes; les maquilleurs; les entreprises de matriçage; les fabricants de disques compacts, comme Americ Disc à Québec; les grands et les petits détaillants, beaucoup de ces établissements sont maintenant fermés, comme Sam the Record Man; les imprimeurs, comme le Stratford Beacon Herald; les publicistes; les agents de voyage; les compagnies aériennes; les fournisseurs d'équipement musical; les compagnies d'assurance; les points de vente publicitaire dans les médias locaux; les traiteurs; et ainsi de suite.
    Je sais que certains préconisent un modèle d'affaires selon lequel les artistes seraient constamment en tournée. Cette proposition ne serait pas toujours viable au point de vue monétaire — ni au point de vue humain, quand les gens commencent à fonder une famille —, car pour bien des artistes, comme moi, les tournées sont menées à perte pour faire la promotion de leurs albums. Certains secteurs de l'industrie des tournées commencent à voir les effets de l'érosion de leurs entreprises. Cela a eu des répercussions sur les salles de spectacle, les promoteurs, les équipes locales, les vendeurs de maïs soufflé, et tous ont maintenant du mal à survivre.
    Aussi, il ne faudrait pas confondre gloire et viabilité commerciale, parce que bien des artistes rendus célèbres par les nouvelles technologies n'arrivent pas encore à gagner convenablement leur vie grâce à leur art. Il est difficile de considérer la chose comme un modèle d'affaires.
    C'est peut-être bien vu dans certains coins de la ville de dire que les arts ne créent pas d'emplois et qu'ils ne rapportent pas vraiment à la société, mais si je pense à ma petite entreprise, qui a déjà compté 15 employés et qui en compte maintenant cinq, et que je transpose le phénomène à l'ensemble de l'industrie, j'estime que la portée de cette calamité qui nous frappe en ce moment ne doit pas être sous-estimée.
    Comment en sommes-nous arrivés à autant de dévastation? Bien que certaines personnes aimeraient vous faire croire le contraire, ce n'est pas parce que les droits d'auteur sont devenus désuets, un peu comme une voiture tirée par des chevaux, et que les détenteurs de propriété intellectuelle devraient se faire une raison. S'il est vrai que nous, les créateurs, avons mis du temps à faire respecter nos droits de propriété, nous comptions toutefois sur les organisations qui nous représentent, le système juridique et les responsables de politiques pour protéger nos droits fondamentaux et veiller à ce que nos obligations internationales à cet égard soient aussi respectées.

  (1215)  

    Peu importe les détails de la réglementation, selon la forme actuelle de la loi, tout enregistrement est frappé de droits d'auteur et ceux-ci reviennent au créateur même. À moins de détenir une licence ou d'avoir obtenu l'autorisation du créateur, personne d'autre ne peut réclamer de droits de propriété sur une oeuvre. Si quelqu'un ose se risquer, attendez-vous à nous voir faire des pieds et des mains pour les récupérer.
    Permettez-moi de vous donner un bref aperçu de ma situation en ce qui concerne les réseaux d'échange de pair à pair.
    Vous avez peut-être une copie de l'outil de recherche appelé « isoHunt ». Ce site fait la promotion de l'inventaire complet de mon catalogue audio et vidéo. C'est en fait un portail qui permet aux internautes de télécharger ma musique gratuitement. Comme beaucoup d'entre vous le savent, le modèle d'affaires de bien des sites Web consiste à offrir du contenu qui ne leur coûte rien ou qu'ils obtiennent à peu de frais, mais qui a une grande valeur pour le public. De cette façon, ils peuvent vendre les espaces publicitaires sur les bandes latérales de leur site.
    Chassés par des jugements rendus contre eux aux États-Unis, les administrateurs d'isoHunt ont décidé de traverser la frontière canadienne et d'intenter des poursuites pour que leur entreprise qui aide et encourage le piratage soit déclarée légale ici. Dans le vide actuel que crée l'incertitude entourant la réforme des droits d'auteur, nombreux sont les exploitants qui réclament des droits sur quelque chose qui ne leur appartient tout simplement pas.
    J'aimerais aussi vous parler du site Mininova. Quand on m'en a parlé en novembre dernier, on pouvait également y retrouver mon catalogue audio et vidéo dans son intégralité. Ce site nous a été d'une grande d'aide, car il affichait fièrement un chiffrier pour faire mousser les ventes de publicité, et celui-ci indiquait que mon répertoire complet de 10 titres avait été téléchargé plus de 4 100 fois au cours des 53 derniers jours. Évidemment, on ne fait pas état des téléchargements de fichier simple, ni du reste de l'année, ni des années précédentes, ni des autres sites employant ces pratiques au Canada et à l'étranger.
    Il est intéressant de noter qu'à la fin novembre, le site Mininova a été forcé par une décision de la Cour d'Utrecht de revoir complètement son modèle d'affaires pour n'offrir que les oeuvres des créateurs qui acceptaient de leur plein gré que leur musique soit distribuée sans frais, ou autrement dit gratuitement. Aujourd'hui, une recherche de Loreena McKennitt vous conduira vers les titres de plusieurs albums, tous redirigés vers les liens correspondants sur Amazon, où les consommateurs peuvent les acheter en toute légitimité.
    Vous voyez donc qu'il est possible de faire avancer les choses. Il faut absolument éviter que le Canada ne soit perçu comme la capitale du piratage; et pour éviter que cela se produise, il faut réglementer en conséquence et reconnaître tous les avantages que les nouveaux médias ont à nous offrir. Ce n'est pas acceptable qu'un changement des règlements vienne soudainement dévaluer les fruits d'années de formation et les importants investissements faits par des particuliers, des entreprises et les gouvernements.
    Nous ne devons pas non plus permettre qu'une manipulation habile des mots et des médias suffise à semer le doute dans l'esprit des consommateurs, à savoir quels sont les vrais enjeux, surtout si ce manège est orchestré par des gens qui ont des intérêts directs non déclarés dans l'entreprise, ou encore qui évoluent en théorie dans ce monde et non pas dans la réalité concrète des affaires.
    Nos « chiens de garde » doivent faire fi de l'écran de fumée qu'essaient de créer ceux qui exploitent les oeuvres des créateurs sans avoir obtenu leur permission, ni même leur verser de remise. Leur stratégie consiste à prendre tout ce qu'ils peuvent prendre avant de se faire pincer.
    En terminant, je tiens à remercier une fois de plus le comité pour son bon travail et pour toute la diligence dont il fait preuve. Je suis disposée à répondre à vos questions.
    Monsieur le président, j'aimerais conclure, au nom de notre groupe, sur les paroles de K'naan, qui est, d'après moi, l'un de nos héros musicaux, peut-être l'un des héros musicaux actuellement d'envergure mondiale. J'ignore si vous avez vu sa prestation électrisante de Wavin' Flag à la cérémonie des Junos, mais, pour ma part, j'en ai frissonné de plaisir.
    Voici ce qu'il dit:
Je suis fier de contribuer à l'effort de levée de fonds des jeunes artistes pour Haïti. Je suis inspiré par la prestation de mes confrères et consoeurs pour Wavin' Flag, mais la pensée que des gens pourraient télécharger cette chanson à partir de sites pirates plutôt que de payer quelques cents pour une cause juste m'attriste. Nous devons trouver moyen de mettre fin à ce piratage. Nous avons besoin dès maintenant d'une réforme du droit d'auteur.
    Merci.
    Merci.
    Les premières questions viendront de M. Rodriguez. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Je remercie beaucoup nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    On parle beaucoup des occasions, des enjeux, des défis et des problèmes, mais je n'ai pas l'impression qu'on propose de solutions concrètes parce que tout ceci est très compliqué. La numérisation ouvre énormément de frontières. Il est beaucoup plus facile pour nos artistes d'être diffusés un peu partout, sur des plateformes multiples, dans les médias sociaux, mais c'est en même temps beaucoup plus difficile de recueillir l'argent.
    On parle donc de piraterie, de téléchargement illégal, mais on ne dispose pas encore aujourd'hui de solutions concrètes. Je ne sais pas s'il y a aujourd'hui des moyens technologiques pour contrer cela ou s'il faut avoir recours à des changements législatifs. Je vous ai bien entendus sur les problèmes de piratage et je suis totalement d'accord avec vous. Concrètement, comment peut-on agir sur Internet? Comment peut-on influencer le téléchargement aujourd'hui avec les moyens qu'on a?

  (1220)  

[Traduction]

    D'après moi, la prémisse est très simple. Nous devons délimiter les comportements licites et illicites, bien les distinguer et bien expliquer aux Canadiens ce qui est bien et ce qui est mal.
    J'ai toujours dit que les Canadiens pensent tous être respectueux des lois. Le problème, c'est que nous n'avons pas de loi à respecter. Actuellement, un bon nombre de pays — la France, notamment, la Corée du Sud, la Suède, l'Angleterre — adoptent des positions très tranchées afin de protéger leurs créateurs. La France est peut-être en tête. Nous sommes loin des mesures que la France a prises pour protéger ses créateurs et, de fait, ses gens d'affaires. Je dirais cependant qu'un premier pas dans cette direction serait de simplement mettre en oeuvre les traités sur la propriété intellectuelle, comme il est envisagé dans le projet de loi C-61, par exemple, ou, avant cela, le projet de loi C-60.

[Français]

    Par conséquent, on commence par l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle.

[Traduction]

    C'est la première étape. Quelle est la suivante?
    Vas-y, Charlie, je t'en prie.
    Je vous demande de m'aider à vous aider.
    Oui.
    Avant de céder la parole à Charlie, je me contenterai de dire ceci: Est-ce que cela change quelque chose? Absolument.
    Je viens de prendre connaissance de statistiques que publiera bientôt la Fédération internationale de l'industrie phonographique, qui montrent une reprise des marchés des produits musicaux en Corée du Sud, en Suède, au Royaume-Uni et dans 12 autres pays. Cette reprise est directement reliée à l'amélioration des régimes juridiques.
    D'autre part, le Canada, de même que quelques autres pays, a connu les déclins les plus rapides.
    Il existe donc un lien direct avec un régime juridique amélioré en matière d'investissement et d'achat.
    Allez-y, Charlie.
    J'ai, avec moi, un bref résumé d'un document de stratégie internationale. À l'échelle internationale, le groupe Warner Music applique trois principes à l'appui de notre stratégie, que j'ai expliquée au cours de la réunion.
    Les stratégies sont au nombre de trois. Il y a d'abord la stratégie de base, que je décrirai d'abord. Il existe un système de connectivité en évolution dans le monde. Du point de vue technologique, des facteurs de connectivité se développent. Il existe donc une tendance vers la connectivité multi-écran. À côté du point de vue de l'État, il y a donc celui de l'exploitant de réseau. C'est là que se situe la connectivité; nous expérimentons des approches multi-écran à la connectivité afin d'accéder à l'échelle et aux consommateurs.
    En deuxième lieu, il existe une concurrence imminente pour monter au niveau du contenu numérique. Donc, à côté de l'État, nous expérimentons ce canal pour attirer au Canada les sociétés qui existent déjà aux États-Unis et en Europe afin qu'elles profitent de ces nouveaux services. Ces sociétés n'existent pas actuellement au Canada.
    En troisième lieu, il y a l'amélioration du climat politique international — je peux citer le rapport Digital Britain — qui, d'après notre société, est l'un des trois éléments ou des trois tendances essentielles à l'appui de nos priorités dans le numérique.
    Bref, nous avons d'une part les exigences de l'État, dont Graham a parlé, mais nous avons également nos tactiques en place pour faire face aux nouvelles technologies numériques. Ces technologies sont déjà ici.
    C'est terminé pour le présent intervenant.
    N'oubliez pas que vous me rappelez sans cesse de respecter la période de cinq minutes.
    Mais vous avez dit sept minutes.
    Non. Non. J'ai dit que, la dernière fois, c'était ce que j'avais fait. Je ne le ferai pas cette fois-ci encore.
    M. Pablo Rodriguez: Désolé, je croyais que vous avez dit sept minutes aujourd'hui.
    Le président: Madame Lavallée.

[Français]

    Il est rafraîchissant de vous entendre, vous les artisans et les artistes, sur les problèmes que vous avez avec les nouvelles technologies numériques. En fait, je considère ceux-là davantage comme des défis.
     Justement, nous, au Bloc québécois, nous reconnaissons votre situation. Même que nous convenons de presque toutes les constatations que vous faites. Nous avons trois principes sur lesquels nous nous appuyons pour aborder tous ces problèmes dont vous parlez. Entre autres, vous dites que la musique n'est pas gratuite et que quand on écoute une oeuvre, on la consomme et on doit donc payer ceux qui l'ont faite. Pour nous, au Bloc québécois, c'est très clair.
    Nous abordons la transition numérique à partir de trois principes. D'abord, il s'agit d'encourager et de favoriser la création et de faire en sorte que les artistes et les artisans soient payés. Ensuite, il faut encourager la diffusion. Il faut qu'il y ait encore plus de possibilités pour que les artistes professionnels puissent se faire valoir sur des scènes technologiques professionnelles — stage en anglais. Finalement, il faut aussi décourager le piratage sous toutes ses formes.
    Cependant, pour ce faire, il y a des solutions dont on discute actuellement. Je ne vous ai pas beaucoup entendu sur cet aspect et c'est ce sur quoi j'aimerais vous entendre. Premièrement, les télécommunications et la radiodiffusion, c'est de plus en plus pareil. Il faudrait songer sérieusement à fusionner les deux lois pour régler le problème des téléphones sans fil, par exemple. Deuxièmement — je ne sais pas si vous êtes familier avec la Loi sur le droit d'auteur —, il y a ce qu'on appelle, en anglais, « notice on notice ». Troisièmement, il y a la loi des trois fautes,the three-strikes en anglais. Enfin, il y a les redevances à verser pour les fichiers musicaux MP3 de iPOD.
    J'aimerais vous entendre sur les solutions concrètes qui sont avancées et discutées un peu partout.
    C'est le premier qui parle qui a la parole.

  (1225)  

[Traduction]

    Si j'ai bien compris, il y a le principe selon lequel la musique n'est pas gratuite. Le principe selon lequel nous devons favoriser plus d'occasions, de manière à créer plus de possibilités. Il ne suffit pas de créer; nous devons nous préoccuper de la diffusion et de la manière de faire entendre les voix des artistes plus fréquemment et plus diversement. Enfin, il faut trouver le moyen de décourager le piratage.
    Je pense que c'est un brillant résumé de l'approche polyvalente qui ressort des propos du groupe actuel de témoins, une approche que nous nous préparons à essayer pour atteindre tous ces objectifs.
    Quelles sont les solutions concrètes? Il y en a deux. Personne, dans le monde où nous vivons, n'a dit que l'adoption d'une loi changerait du jour au lendemain le comportement des consommateurs et mettrait fin au pillage. Au Canada, les amateurs pensent à faire main basse sur la musique, pas nécessairement à en acheter. Nous ne croyons pas qu'ils se convertiront du jour au lendemain. Il faudra du temps. Nous pensons que ce marché vaut la peine que nous nous battions pour le conserver, mais nous devons établir les conditions de départ auxquelles j'ai fait allusion.
    Quant aux techniques disponibles, comme vous le savez, les Français expérimentent le régime de la réaction graduée. On envisage de l'appliquer dans beaucoup d'autres pays. Presque tout ce qu'on lit au sujet de ces régimes dans les médias est faux. Ces régimes comportent énormément de garde-fous. Il y a par exemple la procédure d'avis et d'avis. Il y a des détails techniques.
    Ensuite, il y a, bien sûr, la question des redevances.

[Français]

    Vous, personnellement, lesquelles de ces solutions privilégiez-vous?

[Traduction]

    Eh bien, je pense que nous avons besoin d'un cadre. Et je pense que c'est ce qu'affirment les témoins, c'est-à-dire qu'un cadre fondé sur des règles nous aidera à construire un marché numérique légitime.

[Français]

    Ainsi, vous ne vous prononcez pas.

[Traduction]

    Je n'ai peut-être pas compris la question.

[Français]

    Vous ne vous prononcez pas sur ces solutions. Laquelle est la meilleure? Que voulez-vous?

[Traduction]

    Une solution?
    Je ne m'exprime peut-être pas assez clairement, mais je pense que la meilleure solution consiste à mettre en oeuvre un ensemble de lois ou de règles qui instaureront un climat favorable à la création et à l'investissement. C'est ce que sont censés faire les traités sur la propriété intellectuelle. Quand on les applique, on perçoit très nettement un passage de l'illégalité à la légalité. En effet, il ne se trouve pas seulement quelqu'un pour interdire telle ou telle action, mais, soudainement, les investisseurs sont intéressés au marché et ils élaborent des solutions de rechange légales, qui sont attrayantes pour le consommateur.
    C'est comme le bâton et la carotte: les carottes doivent être bonnes — il faut qu'il y ait beaucoup de solutions de rechange.

  (1230)  

[Français]

    Avant de passer à Mme McKennitt...

[Traduction]

    Monsieur Angus, je vous prie.
    Mon temps est-il écoulé?
    Combien est votre livre?
    Une voix: Celui-ci?
    Mme Carole Lavallée: J'ai un présent à acheter.
    M. Charlie Angus: Je vous prêterai mon exemplaire... [Note de la rédaction: inaudible]
    Le président: Allez-y, monsieur Angus.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis enchanté de votre présence. Je suis désolé d'être limité à cinq minutes. Nous devrions tous sortir et passer la nuit à discuter de la question autour d'une bière.
    Monsieur Millar, qu'entendez-vous par « dissuasion omniprésente »? Pouvez-vous m'en donner un exemple?
    Très bonne question. D'après moi, omniprésente signifie qui englobe tous les types de comportements, de sorte que...
    Mais vous parlez de quelque chose qui s'appuie sur des règles. Est-ce la procédure d'avis et de retrait? Les trois fautes avec riposte graduée? Est-ce ce que vous...? Donnez-nous de la matière.
    Dans tous les cas, ce sont d'excellents exemples. Je laisserai à Graham le soin de vous contenter sur le droit d'auteur.
    Mais je veux insister sur le fait suivant — on revient un peu à la question antérieure — j'ai mentionné deux éléments.
    Désolé, je ne veux pas être impoli, mais je ne dispose que de cinq minutes. Je n'ai pas entendu de quoi il s'agissait. J'aimerais donc savoir.
    Voulez-vous savoir si la procédure d'avis et avis nous plaît? On l'applique en cas de téléchargement illicite. Pour ceux qui ne le savent pas, nous envoyons un avis au fournisseur d'accès Internet qui, à son tour, envoie un avis à l'auteur du téléchargement. C'est tout. Les choses ne vont pas plus loin.
    Certains pays, comme la France, se demandent si on ne devrait pas sanctionner le refus d'accepter un avis ou le fait de ne pas avoir modifié son comportement.
    Quelle est mon opinion sur la procédure d'avis et avis? Je suppose qu'elle pourrait être un outil didactique hors pair.
    Est-elle la solution au problème? Fonctionne-t-elle? Les faits ont montré qu'elle est simplement sans effet.
    Vous appuyez donc la procédure d'avis et de retrait.
    La procédure d'avis et de retrait vise un problème tout à fait différent. Elle s'applique dans le cas où quelqu'un accède à la création d'un tiers.
    Par exemple, la propre société d'enregistrement de Beyoncé a utilisé la procédure contre la chanteuse, qui présentait des vidéos sur YouTube pour en faire la promotion. C'est un cas d'application de la procédure d'avis et de retrait.
    J'essaie simplement d'y voir clair, parce que nous parlons de carottes. Les carottes, c'est bien, mais je crois que vous avez entaché votre réputation à cause du bâton. Je sais, vous avez avoué que vous aviez été blâmés. Mais sur la question du piratage, vous avez poursuivi Grokster; pour 150 000 $ la chanson, je pense. Grokster était un important logiciel de liaison d'égal à égal. Mais, pour les affaires très médiatisées telles que Jammie Rasset... Combien de fois l'avez-vous traînée en cour? Vous l'avez fait condamner pour 24 morceaux.
    Faut-il mener la politique du bâton avec les pirates ou bien l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement appuie-t-elle ce que la Record Industry Association of America a fait aux États-Unis, c'est-à-dire poursuivre les admirateurs?
    Eh bien, réglons d'abord le cas des poursuites contre les admirateurs. C'est fini. Et — puis-je le faire remarquer — nous n'avons jamais poursuivi d'admirateurs au Canada.
    Non pas que...
    Non, je vous en prie, Charlie, laissez-moi terminer.
    Non pas qu'on ne nous ait jamais attribué une once de mérite pour cela.
    Mais c'était également en raison du régime juridique en place ici.
    Non...
    Est-ce que cela a été une erreur?
    Je suis vraiment intéressé à ce que nous ferons dorénavant, et je suis vraiment heureux que vous ayez apporté You Are Not a Gadget. Mais, quand il est question de piratage et que, pourtant, nous avons l'exemple de cette mère monoparentale du Minnesota... Elle figure sur un poster qui a fait le tour du monde. Elle. Pas Grokster, pas le site isoHunt.
    Alors, que faisons-nous désormais? Si nous n'engageons pas de poursuites, comment allons-nous...?
    Nous devons nous en prendre aux mauvais joueurs.
    M. Charlie Angus: D'accord.
    M. Graham Henderson: Darlene veut ajouter quelque chose.
    D'accord.
    Je pense qu'une partie de ces réactions découle d'une certaine frustration à l'égard du contexte juridique. Nous sommes ici présents en notre qualité de gens d'affaires. Nous essayons d'instaurer un climat favorable à la création de quelque chose qui intéressera les gens. Nous voulons travailler avec les admirateurs et leur fournir le genre de musique qu'ils aiment.
    Absolument.
    C'est notre objectif, à très peu de choses près.
    Vous avez parlé de K'naan. J'ai vu sa prestation phénoménale, l'une des plus exaltantes qu'il m'ait été donné d'admirer.
    Vous parlez de la rémunération des artistes. Pendant la même fin de semaine, Divine Brown, les Trews, Carole Pope, Eva Avila, Rex Goudie, les Trailer Park Boys et Marie Denise Pelletier se sont prononcés en faveur de redevances pour les fichiers musicaux de iPod, pour que les artistes soient rémunérés. Pourtant, l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement est intervenue contre.
    Pourquoi êtes-vous contre la rémunération des artistes grâce aux redevances iPod?
    En fait, nous ne sommes pas contre la rémunération des artistes au moyen de redevances, mais, au sujet de ces redevances, je dirai ceci: notre but est d'établir — et je pense que vous comprendrez quand j'aurai répondu — un marché florissant de la musique numérique au Canada, qui permettra à tous les joueurs d'être justement rémunérés. Nous croyons qu'aucun système de redevances ne pourra jamais remplacer un tel marché.

  (1235)  

    Non, les redevances ne remplacent pas le marché, mais elles constituent une source de revenus. Vous êtes intervenus pour vous y opposer.
    La raison de cette intervention — faisons maintenant un peu d'histoire, remontons à l'ancienne loi, et non à votre propre projet de loi — c'est que nous n'appuyons pas des redevances qui blanchissent une musique acquise par des moyens illégaux et ainsi légalisent les copies...
    M. Charlie Angus: Je vois.
    M. Graham Henderson: ... ce qui aurait pour effet de détruire notre marché.
    Mais l'objet des redevances est d'assurer une rémunération aux artistes. C'est une vieille idée. Vous êtes donc contre.
    Nous devons dès maintenant passer au prochain intervenant.
    C'est au tour de M. Del Mastro.
    Merci, monsieur le président.
    Merci également à nos témoins.
    Madame McKennitt et monsieur Henderson, quel plaisir de vous revoir.
    Monsieur Millar et madame Gilliland, bienvenue au comité. Je suis content d'avoir de vos nouvelles.
    Je commencerai par vous, Graham. Je vous demanderai tout simplement de ne pas sortir de vos gonds, lorsque je vous poserai ma question.
    D'après certains témoignages que nous avons entendus — comme celui de Michael Geist — qui semblait préconiser un système ouvert, d'utilisation raisonnable, selon lequel, au fond, on prélèverait des redevances sur les médias, en quelque sorte en remplacement... de sorte qu'un collectif remplacerait tous les revenus perdus. Tout le monde pourrait ensuite partager, et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
    Qu'est-ce qui ne va pas avec la solution de M. Geist?
    Je pensais que vous auriez entendu tout ce qu'il y avait à entendre à ce sujet mardi dernier.
    Je dirais, ayant lu les transcriptions ou étant au courant de ce qui s'est dit, que je suis d'accord; je veux dire que nous sommes opposés à ce type de proposition de marché raisonnable dont l'effet, à notre avis, est de rendre légitimes presque toute les activités illégales, ce qui, par conséquent, détruit le marché — puis le remplace par un système de redevances.
    Je ne pense pas que c'est la solution. Je ne pense pas que les créateurs en profiteront. Je sais qu'ils n'en profitent pas. Je ne pense pas non plus que les consommateurs en profiteront. Personne n'en profitera.
    D'après moi, un tel système n'a pas sa place. Bien sûr, c'est un concept étranger aux systèmes continentaux. Il faudrait l'examiner avec le plus grand soin, parce que, s'il y a un domaine où la loi des conséquences non voulues pourrait s'appliquer sans entrave, ce serait celui-là.
    Merci.
    D'après nos témoins d'aujourd'hui — et je crois qu'il incombe à notre Parlement d'assumer ses responsabilités et de faire le nécessaire lorsque le prochain projet de loi sur les droits d'auteur sera déposé — le problème viendrait de la distribution illégale. Une fois ce problème réglé, le marché fonctionnerait bien.
    Relativement à ce que j'ai appelé la taxe sur la mémoire numérique, M. Angus et d'autres ont été sensibilisés au fait que l'industrie de la musique au Canada vit actuellement une situation désespérée. Ces gens vont prendre tout l'argent qu'on pourra leur donner. Ils préféreraient avoir un système fondé sur des règles. Nous avons reçu l'autre jour un témoin qui nous a dit que les bonnes clôtures font les bons voisins.
    Monsieur Henderson, vous avez fait valoir aujourd'hui que nous devrions établir les limites et permettre aux gens de comprendre quelles lois s'appliquent, après quoi ils vont les respecter. Je serais plutôt d'accord avec vous à ce sujet. Il faudrait aussi fermer quelques-uns des sites qui, en toute franchise, volent le contenu, ou permettent qu'il soit volé, et le marché s'en portera mieux.
    Pour ce qui est des redevances, auxquelles mon gouvernement et moi-même nous opposons de tout coeur, je vous demande simplement si vous ne jugeriez pas préférable d'instaurer un système qui fonctionne, avec des limites bien définies, au sein duquel des personnes comme Mme Gilliland et M. Millar pourront travailler sur ces nouvelles plateformes, lesquelles pourront également accueillir les oeuvres de Mme McKennitt qui touchera ainsi une rémunération. N'est-ce pas ce que vous demandez?
    D'après moi, c'est ce que l'industrie veut vraiment.
    Vous pouvez tous répondre à tour de rôle.
    Je crois que le débat au sujet des redevances laisse dans l'ombre le véritable problème. Les redevances n'ont jamais offert davantage qu'un soutien auxiliaire aux artistes. Elles ne représentent qu'une fraction des revenus pouvant être accumulés par un artiste, que ce soit lors de tournées ou via la vente de ses précieuses oeuvres.
    J'estime que les interventions en faveur des redevances illustrent bien à quel point la situation s'est détériorée, mais ce n'est pas une solution. Les redevances ne nous poseraient aucun problème si, par exemple, elles étaient appliquées aux copies privées de musique obtenue légalement, mais les portes ainsi ouvertes font en sorte qu'il devient impossible pour certains artistes de gagner leur vie.

  (1240)  

    Je voudrais ajouter un commentaire.
    Du point de vue du développement des affaires et de la technologie, le problème pour moi c'est que dans la génération des pirates numériques, il n'est plus nécessaire d'acheter quoi que ce soit pour y télécharger du contenu. Lorsqu'il est possible, à partir de n'importe quel clavier, d'aller sur n'importe quel site à n'importe quel moment pour télécharger ce que vous voulez, une redevance sur les dispositifs de stockage rapporte tout au mieux quelques sous. J'admets que c'est une façon de ne pas se retrouver les mains vides, ce qui est très bien, mais du point de vue des pirates, cela ne règle pas le problème sous-jacent de comportement. Et comme vous le disiez, monsieur Del Mastro, c'est ce que nous cherchons à faire ici. C'est pourquoi la solution des redevances me préoccupent vraiment; je voulais le dire.
    Merci.
    Nous passons à M. Simms.
    J'aurais 100 choses à dire. Je conviens avec Charlie qu'on pourrait y consacrer des heures, mais je n'ai que cinq minutes.
    Permettez-moi de revenir juste un instant à la question des redevances. Indiquez-moi si j'ai tort — simplement par un oui ou par un non — mais vous êtes en train de nous dire que les redevances vont entraîner certaines conséquences non souhaitées du point de vue juridique. Vous ne voudriez pas que nous considérions les redevances comme la solution ultime. Est-ce que je me trompe?
    C'est exact.
    D'accord, je vous comprends bien.
    Quoi qu'il en soit, c'est une mesure qui bénéficie aux artistes dont les oeuvres se retrouvent actuellement sur ces médias. Est-ce bien le cas?
    Il y a présentement une redevance sur les autres dispositifs de stockage utilisés.
    C'est exact. Et vous ne voudriez pas que cette redevance disparaisse.
    Cette redevance va disparaître de toute manière avec le temps.
    C'est vrai, mais il ne faudrait pas l'éliminer du seul fait qu'il s'agit d'une taxe inéquitable.
    Non. Pour autant que la redevance vise principalement... Si une personne achète un CD ou télécharge une pièce musicale et veut en faire une copie privée, je ne vois pas de problème à ce que des redevances s'appliquent pour que le privilège d'enregistrer cette copie procure une maigre pitance au créateur.
    Oui, et je suis persuadé que ces sommes sont les bienvenues pour certains artistes. Je voulais simplement m'assurer d'y voir clair.
    M. Graham Henderson: Cela peut améliorer le sort de certains.
    M. Scott Simms: En Europe, il va de soi que la position agressive adoptée par le gouvernement a été à l'origine d'un débat fort animé. Il y a actuellement en Europe des formations politiques qui ont pris la dénomination de Parti Pirate. Cela montre bien à quel point la situation s'est envenimée, mais il y a d'autres conséquences non souhaitées.
    Voici l'autre problème que cette situation me pose. Vous avez parlé des activités illégales qui ont cours sans toutefois préconiser que l'on prenne des mesures contre ces personnes — mon fils ou une mère monoparentale, par exemple — qui téléchargent inégalement du contenu. C'est là que la situation devient problématique. Il y a bien des gens qui ne savent pas que ce qu'ils font est illégal.
    Les parents seraient offusqués de voir quelqu'un voler un CD de Loreena McKennitt chez le disquaire. Mais si on utilise le moyen dont vous avez parlé, ce site qui vous renvoie vers un autre site où le téléchargement est gratuit, il n'y a plus de problème.
    Je suppose que nous avons un travail de sensibilisation à faire auprès de la population pour l'aider à distinguer entre ce qui est illégal et ce qui est permis.
    M. Graham Henderson: Vous avez raison.
    M. Scott Simms: Comment cela peut-il s'inscrire à l'intérieur des limites dont vous avez parlé?
    Je crois que nous avons pu constater à l'échelle internationale que l'on ne pouvait pas se contenter d'adopter des lois semblables sans rien faire de plus par la suite. Le gouvernement pourrait et devrait participer, tout comme le milieu des affaires, et nous tous d'ailleurs, à une vaste campagne de sensibilisation pour changer les comportements. Ce ne sera pas chose facile, mais le jeu en vaut la chandelle, car la musique occupe une place importante dans nos vies.
    Vous avez raison de dire que la plupart des gens n'établissent pas cette distinction. Ils ne voient pas la différence.
    Mais je dois vous dire que nous avons tenu toutes sortes de sondages et que les gens savent que c'est répréhensible. Cela ne les empêche pas de le faire, mais ils savent qu'ils ont tort. En tant que Canadiens, ils croient que les artistes devraient être rémunérés pour cela. Si nous les arrêtons, si nous les incitons à arrêter, la différence sera énorme pour ces mères et ces pères qui recevront ici un message très clair — un message, soit dit en passant, qui n'a pas été envoyé par le gouvernement actuel, pas plus d'ailleurs que par ceux qui l'ont précédé.
    J'ai un exemple à vous donner en réponse à votre question, monsieur Simms.
    Dans le cadre de nos efforts pour mieux comprendre ce que veulent les amateurs de musique, nous réunissons chaque année quelques groupes de jeunes du secondaire pour qu'ils nous parlent de ce qu'ils font. Pour répondre à l'argument de Graham quant à savoir dans quelle mesure ils savent que c'est répréhensible, je pense qu'ils croient que c'est autorisé. Ils estiment que leurs gestes n'ont aucune conséquence.
    Mais on peut apprendre des choses intéressantes en leur posant quelques questions. On leur demande: « Alors, vous pouvez télécharger la musique de Jay-Z »? Ils répondent: « Oui ». Et nous ajoutons: « Si vous rencontrez Jay-Z en coulisses après son concert, allez-vous lui dire comment vous êtes allés chercher sa musique »? Ils répondent tous: « Non ». D'après moi, cela montre bien...
    Les parents ont un rôle à jouer. C'est ce que pensent les enfants; ils savent que c'est répréhensible.

  (1245)  

    À mon avis, comme c'est souvent le cas, il faut aborder cette bataille en attaquant sur plusieurs fronts à la fois. Je pense que la première offensive doit consister en une mesure législative protégeant véritablement la propriété intellectuelle. Mais il y a beaucoup d'autres tâches à accomplir et petites batailles à livrer.
    Rien qu'avec cette mesure, les choses commenceront à changer... parce que bien des gens veulent être respectueux de la loi. À partir du moment où ils en connaissent la teneur, ils vont la respecter.
    Reste alors un petit groupe de rebelles, mais c'est peut-être encore trop. Il faut se demander dans quelle mesure les interventions doivent être agressives et, surtout, ciblées pour se révéler efficaces par rapport aux dommages pouvant potentiellement être causés.
    J'ai la ferme conviction qu'une mesure législative suffira à améliorer de beaucoup la situation. Je partage les préoccupations soulevées concernant les redevances. Je suis très reconnaissante à ceux qui trouvent des idées semblables pour offrir une forme de compensation aux créateurs, mais je suis d'avis, en ma qualité de femme d'affaires, qu'un modèle opérationnel identifiable et prévisible est préférable à quelques sommes versées ici et là.
    Merci.
    Madame Lavallée.

[Français]

    D'abord, monsieur Henderson, vous avez parfaitement raison; il faut former les jeunes. Je le sais. Mme Gilliland a dit qu'elle le faisait déjà et c'est une belle initiative. Mais je pense qu'en effet, c'est immensément important d'informer la population et peut-être de former les jeunes parce que vous vous êtes sans doute déjà aperçu, si vous faites des sondages, que ce sont surtout les jeunes qui téléchargent gratuitement. Or, à partir du moment où ils ont des revenus et qu'ils sont autonomes financièrement, ils comprennent qu'ils doivent payer pour la musique. Au Québec, en tout cas, c'est un principe que tout le monde admet: il faut payer la musique, il faut rémunérer les créateurs qui la font.
    Je reviens sur le sujet des redevances car on s'est peut-être mal compris. Je veux seulement ajouter que les redevances sont, comme vous l'avez dit, M. Henderson, une mesure de soutien auxiliaire. C'est en effet le cas. C'est déjà inscrit dans la loi. Quand on considère imposer des redevances sur les MP3 ou les iPOD, il s'agit simplement de moderniser la loi. Mme McKennitt, par exemple, doit certainement déjà recevoir des redevances de la part de la Société canadienne de perception de la copie privée.
    À tous les trois mois, je crois, on émet un chèque aux artistes à partir des redevances sur les cassettes audio vierges — dont on se sert beaucoup moins — et les CD vierges. Il y a 24 cennes de redevances pour l'un et 29 cennes pour l'autre. Il s'agit simplement de moderniser la loi. Ce n'est pas la seule source de revenus qu'on prévoit pour les artistes, au contraire, mais cela fait partie de ce qu'on appelle l'exception de la copie privée. Elle est déjà prévue dans la loi et elle est une mesure auxiliaire comme vous l'avez si bien dit.
    Depuis 1987, il y a 180 millions de dollars qui ont été distribués de cette façon à 97 000 artistes et artisans de tout genre par la Société canadienne de perception de la copie privée. Cet organisme, par un mécanisme très sophistiqué, redistribue l'argent de la meilleure façon possible, ce qui fait l'affaire de tout le monde. Donc, c'est simplement une mesure auxiliaire.
    Cela dit, ça m'étonne que vous ne soyez pas en faveur de ça parce que je pourrais rapidement vous faire une liste d'une quinzaine d'organismes qui sont d'accord: l'ACTRA, la SODRAC, la SOCAN, la Société canadienne de perception de la copie privée, la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec, la Fédération américaine des musiciens du Canada, l'UDA — au Québec, c'est l'équivalent de l'ACTRA —, l'ADISQ — au Québec, c'est l'équivalent des JUNO. De plus l'Union des consommateurs est non seulement d'accord, mais souhaite aussi ces redevances.
    Allez-y. Je vous laisse répondre

[Traduction]

    Nous sommes favorables à des redevances comme celles-ci. Nous sommes également membres de la SCPCP, de par notre appartenance à la SCGDV. Ce n'est pas seulement les artistes qui en bénéficient. Il y a aussi les étiquettes indépendantes, les grandes compagnies, les auteurs-compositeurs. Les redevances profitent à beaucoup de gens, alors je ne crois pas que la situation actuelle soit problématique.
    Nous préoccupons-nous des redevances ciblant l'écoute privée de matériel acquis légalement? Non, cela nous convient parfaitement. Nous nous inquiétons plutôt des solutions qui auraient pour effet de légaliser tous les actes de piratage. J'ose espérer que personne ne souhaite une telle chose, mais c'est ce qui est proposé actuellement. C'est l'effet qui en découlerait.
    Je trouve un peu décevant que cela fasse partie de la solution, ne serait-ce que de façon très partielle. Je ne voudrais pas diminuer l'importance des sommes que les gens perçoivent grâce à ces redevances. Cet argent est important. Il peut servir à payer le loyer ou le compte d'électricité. Il rend possible certaines choses. Mais je veux surtout faire valoir — et je crois que Charlie et d'autres vous ont déjà dit à peu près la même chose — que nous devons examiner la situation dans son ensemble.
    L'imposition d'une redevance ne va pas régler le problème. De fait, dans la forme proposée, elle pourrait même l'exacerber.

  (1250)  

[Français]

    Nous sommes d'accord. We agree to agree. Combien coûte votre livre?
    Des voix: Ah, ah!
    Mme Carole Lavallée: Ai-je terminé?

[Traduction]

    Il vous reste moins d'une demi-minute; 15 secondes.

[Français]

    Pour revenir sur les « avis et avis », êtes-vous davantage d'accord avec cela ou avec les trois prises ou la riposte graduée?

[Traduction]

    Je pense que, dans l'évolution de notre position sur les droits d'auteur, nous en sommes à l'étape d'envisager une forme quelconque de réponse progressive... Soit dit en passant, certains ont parlé de la formule des « trois prises » pour qualifier cette réponse. C'est un terme un peu péjoratif qui fait paraître la situation pire qu'elle ne l'est en réalité. Il s'agit en fait d'une réponse progressive. Mais je ne crois pas que nous en soyons déjà là.
    On envisage actuellement la double notification. Est-ce que cette formule fonctionnera? La double notification peut être un excellent outil de sensibilisation, mais elle peut également poser un problème à long terme, en l'absence de conséquences.
    Pour ce qui est de la procédure d'avis et retrait, qui ne plaît pas particulièrement à Charlie, les choses sont entièrement différentes. Je vous signale toutefois qu'elle semble appliquée partout ailleurs dans le monde sans qu'il n'y ait de problème apparent.
    En plus des contrôles gouvernementaux, comme on l'a déjà mentionné, il y a un autre aspect à cette question. À l'heure actuelle, Warner Music Canada collabore avec tous les exploitants de réseaux. La double notification est appliquée sur une base volontaire. Cette mesure existe bel et bien, mais n'a malheureusement aucun effet, et je crois que c'est ce qui guide nos interventions. Si j'avais plus de temps, je pourrais vous citer des exemples de situations où Warner Music Canada collabore avec les exploitants de réseaux pour essayer de composer avec la contrefaçon.
    Merci.
    Maintenant au tour de M. Uppal.
    Merci, monsieur le président.
    Il va de soi que certaines compétences bien particulières sont requises au sein de votre industrie. Il y a toutefois eu une évolution dans l'ensemble de compétences à posséder pour y travailler. Je me demande si les nouveaux travailleurs qui s'intègrent à votre industrie possèdent effectivement ces nouvelles compétences dont vous avez besoin. Y a-t-il quelque chose que l'on pourrait faire pour les aider à acquérir ces compétences?
    Je crois qu'il est particulièrement intéressant de constater que nous avons actuellement dans nos bureaux des gens possédant des bagages extrêmement variés. Nous commençons à embaucher expressément des spécialistes de la technologie qui mettent vraiment l'accent sur les nouveaux médias. Nous avons à notre service une vingtaine d'employés du genre. Ils ont été formés dans ce contexte technologique. C'est différent de la formation donnant traditionnellement accès à l'industrie musicale. Nous comptons aussi de nombreux employés qui ont étudié en suivant ces voies plus traditionnelles, et de plus en plus de gens qui possèdent une formation en administration des affaires ou en droit, car ces aspects prennent de plus en plus d'importance.
    Il est intéressant de noter que les compagnies de disques alimentent d'autres entreprises canadiennes souhaitant produire leur propre contenu dans le cadre du développement de leur offre sur les nouveaux médias. Nous devons faire le nécessaire pour que nos employés ne soient pas recrutés par les radiodiffuseurs ou les fournisseurs de services sans fil qui s'efforcent d'acquérir une expertise en matière de contenu; ils savent que nous sommes passés par là et que nous possédons cette expertise.
    J'ajouterais simplement que je crois effectivement qu'il y a un problème. Il est possible que les grandes entreprises puissent, par divers moyens, avoir accès à ces compétences, mais j'estime que c'est plus problématique pour les petites entreprises canadiennes de production musicale. Nous devons voir ce que nous pouvons faire à ce sujet.
    C'est comme s'il s'agissait d'un écosystème différent à l'intérieur duquel certains se retrouveraient à risque. On pourrait presque s'imaginer qu'ils manquent d'oxygène. Alors comment leur fournir l'oxygène dont ils ont besoin? Eh bien, dites-vous que cet oxygène se retrouve dans les connaissances numériques. Certains possèdent ces compétences numériques en grande quantité. Les grandes entreprises peuvent embaucher ces experts et permettre aux artistes de percer dans ce nouvel environnement même si cela n'est pas chose facile, mais je crois que nous devons nous interroger sur ce qui se passe pour les autres.
    Je pense que c'est une excellente question.

  (1255)  

    Comme vous le savez, les ventes de CD ont diminué pendant que les ventes d'enregistrements numériques légaux de pièces musicales individuelles ont augmenté. Question de me faire un peu l'avocat du diable, ou de simplement répéter ce que d'autres ont dit, je vous soumets que cette situation est attribuable en partie aux achats légaux en ligne, plutôt qu'au piratage.
    Croyez-vous qu'il soit possible que le problème ne soit pas causé tant par le piratage que par les simples téléchargements légitimes qui font chuter les ventes de CD?
    Oh, je vois; vous parlez de cannibalisme. Non, je ne crois pas que le marché numérique légitime cannibalise les ventes de CD. Vous conviendrez avec moi que nous en sommes à un tournant. C'est en quelque sorte un point de bascule. Notre industrie a déjà connu de telles transformations lorsqu'on est passé du vinyle à la cassette, de la cassette au CD, et du CD au numérique.
    Nous constatons donc cette diminution, mais je ne crois certes pas... Si cela était vrai, tout le monde passerait au numérique et les ventes de CD s'écrouleraient, mais ce n'est pas le cas. Les gens achètent toujours des CD. Le problème c'est que certaines personnes se retirent complètement du marché; elles cessent d'acheter quoi que ce soit.
    Qui plus est, il y a beaucoup moins de détaillants de disques, ce qui a un effet domino sur tout l'environnement dans lequel nous évoluons.
    Dans l'ensemble, mes fans préfèrent acheter leur musique sur CD parce qu'ils aiment avoir les notes d'accompagnement et tout ce qui vient avec. Cela ne signifie pas que certains ne se livrent pas au téléchargement légal, et peut-être même illégal, comme je l'ai signalé. J'estime qu'il existe une chaîne d'alimentation bien structurée. À partir du moment où l'environnement n'est pas fixé et protégé du point de vue économique, bon nombre des intervenants, qu'il s'agisse des détaillants, des studios ou d'autres, commencent à s'écrouler.
    Les gens appellent à mon bureau — via la ligne 1-800 — pour dire qu'il n'y a plus de disquaire dans leur voisinage. Des entreprises comme Sam the Record Man au Canada et Tower Records aux États-Unis n'existent tout simplement plus, et ce sont des entités comme Amazon qui ont comblé ce vide.
    J'ajouterais que nous sommes en train de créer des canaux de vente directe pour répondre à ce besoin. C'est ce que font d'ailleurs Warner et les autres étiquettes au Canada. Nous nous occupons de tous les aspects de la vente au détail, ce qui constitue, pour nous, un autre moyen de faire des affaires sans passer par un détaillant.
    Merci.
    Nous allons procéder à un troisième tour de deux minutes.
    Une voix: Un tour éclair.
    Le président: C'est cela.
    Nous allons entendre dans l'ordre M. Rodriguez, M. Angus et M. Del Mastro.
    Merci.
    Cette discussion est fort instructive. Je suis vraiment...
    Ce n'est pas votre tour, Charlie.
    Vous vous moquez de moi?
    Des voix: Oh, oh!
    M. Charlie Angus: J'ai entendu mon nom. C'est à mon tour de poser des questions.
    Non, j'ai dit que nous allions entendre d'abord M. Rodriguez, et ensuite M. Angus.
    M. Charlie Angus:Tabarnouche.
    Avec deux minutes, ce sera davantage une observation qu'une question. Mais qui sait.
    Monsieur Henderson, vous avez dit que la société doit ou devrait se juger à la façon dont elle traite ses artistes. Ce que vous dites là est très important, et je suis d'accord avec vous. Vous avez également affirmé qu'il y a très peu d'artistes, de musiciens, qui vivent de leur art. Ce n'est pas facile. Nous en sommes tous conscients.
    Cela dit, je suis étonné d'entendre que vous n'êtes pas en faveur de la redevance, car, dans un sens, elle fait partie de cet écosystème. Elle n'a pas pour objet de régler tous les problèmes. Quand j'ai rencontré Marie Denise Pelletier, hier, elle m'a expliqué à quel point la redevance était importante pour certains artistes. Il y en a qui s'en servent pour enregistrer un nouveau disque, ou autre chose du genre.
    Vous n'êtes pas carrément contre, mais vous n'appuyez pas entièrement l'idée. Pourquoi?
    Si elle ne représente que 5 p. 100 du gagne-pain, je voudrais peut-être mettre la main sur les 95 p. 100 restants, non?
    C'est vrai.
    C'est là-dessus qu'il faut se concentrer.
    C'est ce que je dis. Elle fait partie de l'écosystème.
    Je ne dis pas le contraire. Je pensais avoir répondu à la question. Je croyais avoir expliqué clairement...
    Ce qui nous inquiète, c'est que cela ne règle pas la question du comportement du consommateur. D'où notre opposition.
    M. Pablo Rodriguez: Je vois.
    M. Charlie Millar: Je le dis clairement: c'est ce qui nous pose problème. On ne parle pas ici d'une simple taxe. C'est ce qui me préoccupe.

  (1300)  

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Allez-y, monsieur Angus.
    Merci.
    Cette discussion est fort instructive. Ce que vous faites aussi, chez Warner et Universal, est vraiment intéressant.
    Loreena, j'aurais aimé que le groupe de musiciens dont je faisais partie soit aussi bon que le vôtre. Je ne serais probablement pas ici, en veston et cravate, en train de vous rendre la vie difficile.
    Graham, quand nous étions enfants, nous n'avions que le rock and roll et le hockey pour nous amuser. Rien d'autre. Mes enfants achètent des CD, des DVD, des jeux Wii. Le marché a changé à tout jamais. J'ai beaucoup de mal à dire que ce n'est que du piratage. Tout est changé. Nous avions l'habitude de jouer dans des bars six soirs sur sept. Aujourd'hui, c'est un soir, le jeudi, et il n'y a que deux personnes dans la salle. Plus rien n'est pareil.
    Les politiciens ont tendance à s'agiter, à s'empresser d'adopter des lois, ainsi de suite. Mais le fait est que l'industrie a subi de profonds changements.
    J'ai acheté un livre qui s'intitule: Appetite for Self-Destruction: The Spectacular Crash of the Record Industry in the Digital Age. On y précise que, d'après un éditorial rédigé en 1997, la mort du disque de 45 tours constituerait la plus grande erreur commise par l'industrie de la musique au XXe siècle. C'est là où tout a commencé. Les jeunes étaient obligés d'acheter des CD au prix de 25 $ pour deux petites chansons des Backstreet Boys.
    Napster est arrivé — on appelait cela « la revanche du 45 tours » — à l'époque où les jeunes ne voulaient acheter qu'un chanson. On avait alors l'option de...
    On peut ne pas aimer le livre, mais il est fascinant.
    [Note de la rédaction: inaudible]... information trompeuse, un argument bidon.
    Il ne me reste plus beaucoup de temps.
    Vous avez eu l'occasion de conclure une entente avec Napster. Il comptait 26 millions d'utilisateurs. D'après les entrevues réalisées, les enfants aimaient beaucoup ce site non pas parce qu'il était gratuit, mais parce qu'ils y avaient accès. Supposons que la moitié de ces auditeurs avaient délaissé le site parce qu'ils ne voulaient pas payer quoi que ce soit et que vous aviez imposé un prix d'abonnement.
    D'après ce livre, vous auriez créé un marché qui aurait rapporté 15 milliards de dollars par année
    M. Graham Henderson: Ce n'est pas vrai.
    M. Charlie Angus: Vous avez préféré choisir la voie des tribunaux.
    Vous laissiez entendre, à l'époque, que...
    C'est faux.
    ... vous pouviez remettre le génie dans sa bouteille.
    M. Graham Henderson: C'est faux.
    M. Charlie Angus: J'encourage tout le monde à lire ce livre.
    Il n'y a rien de vrai dans tout cela.
    On explique clairement comment vous avez manqué votre coup.
    M. Graham Henderson: Il n'y a rien de vrai dans tout cela.
    M. Charlie Angus: Et maintenant, vous ramassez les pots cassés.
    Si vous voulez avoir une fausse idée de ce qu'est l'industrie, je vous invite à le lire.
    Puis-je répondre, monsieur le président?
    Brièvement, s'il vous plaît.
    Comme on l'a mentionné plus tôt, le marché est composé de trois segments. Les propos de Charlie Angus ne visent qu'un seul de ces segments. Je demande au comité de tenir compte du fait que cet ouvrage et ces commentaires renvoient à une époque qui n'existe plus. Nous concentrons nos efforts sur deux composantes de l'industrie qui génèrent des dizaines et des centaines de millions de dollars à l'échelle internationale, d'accord?
    L'industrie au Canada compte trois éléments : le téléchargement, que nous sommes en train de monétiser; l'innovation du produit; et, oui, le piratage. Toutefois, nous devons agir dans les trois domaines. C'est une question purement économique, une question de marketing.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Del Mastro, je vous demanderais d'être bref.
    Merci. Je vais utiliser les deux minutes qui me sont allouées, monsieur le président.
    Je peux insérer une carte de 10 $ dans cet appareil et télécharger des milliers de chansons. On peut enregistrer environ 20 chansons sur un CD. La taxe sur une carte mémoire de 10 $ est d'environ 30 $. Elle est de 29 ¢ pour le CD.
    Si vous imposez une telle taxe sur un produit, vous allez perdre, car les gens vont aller sur eBay et le faire venir des États-Unis.
    Nous devons cibler nos efforts — et je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Henderson — sur les 95 p. 100 restants. Il faut miser là-dessus.
    C'est ce qu'il a dit. Il voudrait que l'on se concentre sur ce segment, et je suis tout à fait d'accord avec lui.
    Il ne reste qu'une minute. Je suis heureux d'apprendre que nous faisons des progrès, que nous avons de jeunes spécialistes qui travaillent sur des technologies émergentes. Concernant l'adoption du projet de loi sur le droit d'auteur et la création d'un marché qui fonctionne, est-ce que l'industrie attache beaucoup d'importance à ces objectifs?
    À ce stade-ci, tout est important.
    Ce que nous essayons de vous faire comprendre, aujourd'hui, c'est que nous ne ménageons aucun effort pour aider l'industrie.
    Pour revenir au point soulevé par M. Angus, nous sommes conscients de la fragmentation des nouveaux médias et des nombreuses façons dont les jeunes consomment la musique. Nous concluons des ententes en vue d'avoir accès à toutes ces avenues. Toutefois, comme la musique créée dans le monde est accessible sur ces sites, les ententes n'ont pas les retombées qu'elles pourraient avoir. C'est là un point important.
    L'absence de toute réforme du droit d'auteur au Canada entraîne une baisse des investissements étrangers directs. La technologie de la prochaine génération est en train de s'en aller ailleurs. Voilà le risque auquel nous sommes confrontés.

  (1305)  

    Merci.
    J'ai seulement une chose à ajouter. Je sais que le traité de l'OMPI a été signé en 1996 et qu'il est grand temps que le Canada entérine l'entente internationale sur le droit d'auteur. Donc, merci d'avoir mentionné ce point.
    Monsieur Angus.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Personne n'a mentionné le nom de Justin Bieber pendant la réunion. Il est originaire de la même ville que vous. Nous sommes en présence de Loreena McKennitt, et vous n'avez pas...
    Je tenais à faire ce commentaire.
    Je remercie Mme McKennitt, qui vit dans ma circonscription, d'être venue nous rencontrer aujourd'hui.
    Il faut inviter Justin.
    Il faudra trouver un banc plus haut.
    La séance est levée.
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