Passer au contenu
Début du contenu

FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 051 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 21 janvier 2011

[Enregistrement électronique]

  (0805)  

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous continuons notre étude sur la violence faite aux femmes autochtones. C'est exactement ce que nous sommes venus faire ici aujourd'hui, et nous aimerions entendre tout ce que vous avez à dire à ce sujet. Vous devrez être assez brefs; vous ne disposez que de sept minutes pour faire votre exposé. Vous pourrez peut-être dire au cours des séries de questions ce que vous n'aurez pas eu le temps de dire pendant votre exposé. Donc, ne vous inquiétez pas trop à cet égard.
    Nous allons entendre tout d’abord M. Mike Bartkus. Vous disposez de sept minutes.
    Bonjour à tous. Je vous remercie de nous accueillir à la présente séance de votre comité.
    Pour le Service de police d'Edmonton, le SPE, et la collectivité, la violence familiale est une grande préoccupation qui touche tous les aspects de notre société. C’est l'une des principales causes de blessure, et les enfants qui grandissent en étant témoin de ce type de violence sont souvent marqués pour la vie. Le SPE s’emploie à intervenir dans les cas de violence familiale de la manière la plus appropriée et la plus efficace possible.
    On rappelle constamment aux membres du Service de police d'Edmonton que certaines victimes peuvent demander plus de renseignements et d'aide selon leur situation et que dans certains cas, de l'aide spécialisée existe.
    Voici des exemples de préoccupations que les victimes autochtones peuvent avoir et des exemples de malentendus: les ressources sont limitées; un réseau de soutien pour les victimes existe dans leur collectivité; le suspect est un membre important de la collectivité; le suspect possède la maison familiale; la méfiance que beaucoup d'Autochtones ont à l'égard du système de justice peut les dissuader de le considérer comme une option viable; les victimes sont réticentes à envoyer un suspect dans un système qui est perçu comme raciste; bon nombre de victimes de violence familiale craignent que la police appréhende leurs enfants; et dans certaines collectivités, les services adaptés à la culture sont limités ou inexistants.
    Selon la politique du Service de police d'Edmonton, la violence familiale se définit comme tout recours à la violence physique ou sexuelle, ou la menace d'y avoir recours, dans le cadre d'une relation conjugale. Il peut s'agir d'un seul acte ou d'un certain nombre d'actes formant un cycle dans lequel le contrevenant a un comportement violent et contrôlant. Le cycle de violence peut inclure de la violence physique, psychologique et sexuelle, du harcèlement criminel, et des menaces de faire du mal aux enfants, à d'autres membres de la famille ou aux animaux favoris et d'endommager des biens. La section des crimes familiaux du Service de police d'Edmonton a le mandat d’intervenir en temps opportun dans les enquêtes portant sur des cas complexes ou graves de violence familiale et d'offrir une intervention axée sur la victime et des services de soutien en collaboration avec des organismes partenaires.
    Tout en sachant que la violence conjugale est l'un des problèmes potentiellement mortels les plus fréquents auquel la police doit faire face, la section des crimes familiaux fait tout son possible pour mettre en oeuvre des stratégies d'évaluation des risques et des menaces en cernant les facteurs de vulnérabilité importants chez les victimes dans chaque affaire.
    Voici certains des facteurs de risque que nous prenons en considération: des antécédents de longue date, tant en ce qui a trait à la relation qu'au contrevenant; la peur que ressentent victimes, y compris les enfants; le risque important ou imminent d'un danger, des problèmes de nature culturelle; une séparation ou un divorce récents; un risque élevé de harcèlement criminel ou la violation d'une ordonnance d'un tribunal; des problèmes de santé mentale ou un cycle de comportement irrationnel ou violent; les recommandations du Integrated Threat and Risk Assessment Centre, I-TRAC, concernant un plan de sécurité ou des préoccupations liées au contrevenant; les préoccupations d'autres sources, y compris les organismes communautaires qui connaissent très bien les victimes ou les contrevenants; et des préoccupations et des recommandations de la Couronne.
    Je veux dire brièvement que notre enquête commence par le travail des patrouilles qui sont les premiers intervenants dans tous les cas de violence conjugale. Si l'on estime que c'est nécessaire, il est possible de faire intervenir un détective de la section des crimes familiaux qui jouera le principal rôle dans l'enquête. Les détectives de la section assurent la permanence pour les situations d’urgence qui se produisent après leurs heures normales de travail, et ils sont alors disponibles 24 heures sur 24 pour des consultations sur des problèmes de violence familiale. Cinq détectives sont affectés à la section des crimes familiaux dans la ville d'Edmonton.
    En ce qui concerne les initiatives de soutien et d'intervention, le Service de police d'Edmonton et la Direction des services communautaires de la ville d'Edmonton ont établi des pelotons d'intervention pour fournir des services aux victimes de violence familiale. Les pelotons sont composés d'un policier divisionnaire et d'un travailleur social agréé. Ils sont responsables de l'évaluation des cas de violence conjugale. Les travailleurs sociaux agréés qui sont affectés aux pelotons peuvent faire une évaluation des risques sur des cas choisis. L'intervention est adaptée aux besoins de la victime et du contrevenant. L'intervention peut comprendre d'autres stratégies d'enquête portant sur des problèmes ou des préoccupations qui n'ont pas été signalés dans le rapport d'enquête original; établir un plan global de sécurité avec la victime et travailler de façon proactive avec d'autres membres divisionnaires, la section des services d'aide aux victimes et d'autres organismes communautaires en vue de prendre les mesures qui s'imposent pour des cas de violence conjugale. Cinq équipes d'intervention en matière de violence familiale travaillent à la section des crimes familiaux.

  (0810)  

    La décision d'intervenir peut se fonder, entre autres, sur les facteurs de risque suivants: des situations mettant en cause de nombreux appels pour obtenir des services destinés aux conjoints; le signalement d'actes de violence familiale qui n'ont pas fait l'objet d'accusations; et des cas de violence familiale pour lesquels des accusations de voies de fait simples ou de voies de fait causant des lésions corporelles, armées ou non, ont été portées, ou dans toutes les situations qui précèdent, des cas où des enfants sont présents et exposés à de la violence familiale; des problèmes de nature culturelle, des cycles de violence, y compris l'augmentation rapide du nombre de menaces; des contraintes financières; des problèmes de toxicomanie et d'autres facteurs de stress; et des situations où la victime ou le contrevenant sont âgés de moins de 21 ans.
    Les membres de l'équipe d'intervention en matière de violence familiale offrent des cours à divers professionnels qui travaillent dans des organismes, des services et des institutions, y compris des hôpitaux, des programmes postsecondaires, des écoles, des associations ethniques, des églises, des groupes locaux et des groupes d'entreprises.
    L'équipe liée aux audiences des causes de violence conjugale fait également partie de notre section et elle est composée d'un policier et d'un travailleur social de la ville d'Edmonton. Chaque jour, ils assistent aux audiences des causes de violence conjugale à Edmonton. En consultation avec les procureurs de la Couronne désignés, les équipes examinent les cas et effectuent les tâches suivantes: elles interrogent les victimes, l'accusé, les membres de la famille, l'avocat de la défense et d'autres organismes communautaires; elles mesurent les préoccupations concernant la dynamique familiale, les conditions de la mise en liberté et les services de counselling dont peuvent avoir besoin la victime et l'accusé; elles font des recommandations appropriées afin de réduire les risques concernant la victime, les conditions de la mise en liberté et toute autre divergence dans des ordonnances précédentes; elles font un suivi avec d'autres organismes d'aide et coordonnent les plans de réconciliation familiale et de sécurité.
    Notre section comprend également l'équipe d'intervention en matière de violence à l'égard des aînés. L'équipe est composée d'un policier du Service de police d'Edmonton, d'un travailleur social de la Direction des services communautaires de la ville d'Edmonton, d'une infirmière des Infirmières de l'Ordre de Victoria et des Catholic Social Services. L'équipe a la responsabilité d'évaluer les renseignements des rapports d'enquête portant sur des aînés âgés de 65 ans et plus pour déterminer s'ils sont dans une situation de violence et s'ils sont pris en charge, et d'intervenir si nécessaire.
    Pourriez-vous conclure très rapidement, s'il vous plaît?

  (0815)  

    Certainement.
    En terminant, j'aimerais dire que le Service de police d'Edmonton prend les cas de violence familiale très au sérieux. Nous collaborons avec la collectivité pour mettre fin au cycle de violence faite aux femmes.
    Merci.
    Nous allons maintenant entendre Josie Nepinak, qui représente l'Awo Taan Healing Lodge de Calgary.
    Je représente l'Awo Taan Healing Lodge de Calgary, un refuge d'urgence de 27 lits destiné aux femmes et aux enfants victimes de violence. Nous offrons toute une gamme de services qui sont fondés sur l'enseignement des traditions autochtones — y compris la prévention, l'intervention et la guérison — à toute personne victime de n'importe quelle forme de violence.
    Notre programme comporte deux volets. Tout d'abord, il y a le programme en résidence, qui est un refuge d'urgence de 27 lits offrant tous les services. Nous sommes ouverts tous les jours 24 heures sur 24. Il y a une ligne d'écoute téléphonique 24 heures sur 24. Nous fournissons des soins de santé d'urgence — une infirmière praticienne fait partie de notre équipe — et des services d'intervention liée à la santé. Nous offrons un programme d'aide à l'enfance, des services de transport et de repas, du soutien culturel et de l'aide aux ainés.
    Dans le cadre de nos programmes qui ne s'offrent pas en résidence, nous fournissons des services d'assistance. Ils sont destinés aux mères et aux enfants qui ont quitté le refuge et qui se réintègrent à la collectivité pour vivre une vie saine et sans violence. Nous offrons un programme destiné aux jeunes et aux familles. Il s'agit d'un programme d'intervention précoce pour nos jeunes et nos préadolescents qui cherchent des relations saines, y compris des relations de couple. Nous offrons un programme contre l'intimidation en collaboration avec notre école partenaire, la Piitoayis Family School. Dans le cadre d'un partenariat public-privé, nous offrons un programme de formation au rôle de parent. Nous avons des équipes de guérison et d'entraide pour les femmes, les hommes et les enfants. Nous offrons un programme d'épanouissement culturel et un programme d'aide aux aînés.
    Nous connaissons tous l'ampleur de la violence contre les femmes autochtones. Comme M. James Waldram l'a dit:
    Parmi les problèmes de santé les plus graves qui touchent les Autochtones depuis les décennies qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale... il y a les dommages découlant d'accidents et d'actes de violence.
    Pour ce qui est de définir la violence familiale, je voulais le faire d'un point de vue historique pour mettre la situation des femmes autochtones d'aujourd'hui en contexte. La violence familiale est une conséquence de la colonisation, de l'assimilation forcée, du génocide culturel, des actes négatifs transmis de génération en génération, ainsi que des valeurs, des croyances, des mentalités et des modèles de comportement mis en pratique pour affaiblir les Autochtones.
    En 2001, le Canada comptait un peu moins d'un demi-million de femmes autochtones, ce qui représente 3 p. 100 de toute la population féminine. Je ne donnerai pas de statistiques, car nous en avons déjà entendu quelques-unes.
    L'une des autres observations que je voulais faire, c'est que, d'après un projet de recherche de la Canada West Foundation, un plus grand nombre d'Autochtones vivent dans les centres urbains que dans les réserves, surtout dans l'Ouest canadien. Deux tiers des Autochtones habitant en milieu urbain vivent dans l'Ouest canadien, principalement à Winnipeg, à Regina, à Edmonton, à Calgary et à Vancouver.
    Je ne parlerai pas des différents obstacles que doivent affronter les femmes autochtones. Je vais plutôt parler de l'Awo Taan Healing Lodge et des clients que nous y accueillons. Au cours des 10 dernières années, nous avons servi 2 500 femmes dans le refuge d'urgence uniquement; c'est sans compter nos autres programmes que j'ai mentionnés tout à l'heure. Nos statistiques montrent qu'environ 50 p. 100 des femmes qui s'y présentent sont des membres des Premières nations, ce qui signifie que ce sont certaines de nos organisations autochtones qui portent le fardeau des besoins en matière de services aux femmes de Premières nations et aux femmes autochtones qui viennent en ville. Il faut accroître le soutien et le financement de nos organismes.
    Dans la province de l'Alberta, de mars 2009 au 31 mars 2010, les centres d'aide pour les victimes de violence familiale de l'Alberta, y compris Awo Taan, ont accueilli 6 169 femmes et 5 601 enfants. Il s'agit de 43 refuges d'urgence en Alberta.

  (0820)  

    Au cours de la même année, 10 364 femmes et 6 474 enfants n'ont pas pu être accueillis dans les refuges. Selon les statistiques de l'Alberta Council of Women's Shelters, 67 p. 100 des femmes qui entrent dans des refuges d'urgence de la province sont autochtones.
    Je viens de vous dire le nombre de femmes et d'enfants que nous avons refusés. Nous croyons qu'environ 17 000 personnes ont été refusées en Alberta et que 67 p. 100 d'entre elles sont des femmes et des enfants autochtones. Qu'est-ce que cela signifie? Qu'en est-il des femmes qui n'ont pas accès à un refuge? Où peuvent-elles être en sécurité? Où trouvent-elles du soutien culturel? Où peuvent-elles se rendre pour obtenir des services de guérison?
    Il y a un grave manque de soutien et de services pour les femmes autochtones dans la province, et je suis certaine que la situation est la même partout au pays. Nos statistiques indiquent que la migration rurale et urbaine augmente rapidement, mais le financement ne suffit pas à combler les besoins en matière de services. Nous pouvons donc supposer que, d'après ces chiffres, des milliers de femmes autochtones de la province n'ont pas accès aux soins, aux mesures d'intervention et à la sécurité dont elles ont besoin pour vivre une vie sans violence.
    La recommandation de l'Awo Taan Healing Lodge, qui se base sur les 20 années de services destinés aux femmes autochtones que nous défendons, c'est d'élaborer une stratégie globale pour concevoir un programme de recherche pour les femmes et les enfants autochtones. Pour ce faire, il faudra adopter une approche globale et multidisciplinaire du problème de la violence contre les femmes autochtones.
    Merci.
    Merci beaucoup, Josie.
    Nous passons maintenant à la Métis Child and Family Services Society, représentée par Donald Langford et Kari Thomason.
    Qui va prendre la parole?
    Bonjour. Je suis le directeur principal de la Métis Child and Family Services Society à Edmonton. Notre organisation offre 10 programmes communautaires aux habitants de la ville, plus précisément aux membres de la collectivité autochtone.
    La violence faite aux femmes autochtones commence à un jeune âge. Nous administrons 10 programmes. Je vais parler de cinq d'entre eux parce qu'ils concernent la violence, en particulier la violence familiale et toute forme de violence contre la personne.
    Nous administrons le programme de prévention de la violence familiale autochtone à Edmonton. Kari est une des travailleuses en approche communautaire. Elle contribue également à notre projet SNUG, un programme d'approche communautaire au niveau de la rue. Dans le cadre de ce programme, nous avons une base de données qui contient actuellement des renseignements sur plus de 430 femmes qui se livrent à la prostitution. Nous essayons de leur fournir le meilleur soutien possible.
    Par ailleurs, depuis 1998, nous participons au programme de protection des enfants faisant l'objet d'exploitation sexuelle — qui s'appelait auparavant le programme de protection des enfants qui s'adonnent à la prostitution. Malheureusement, bon nombre de ces filles, qui ont commencé à travailler dès l'âge de 14, 15 ou 16 ans, sont maintenant des adultes de 24, 25 et 26 ans, qui se retrouvent dans la rue et qui n'arrivent pas à abandonner ce mode de vie.
    Dans le cadre de notre programme d'aide aux enfants et aux familles autochtones, nous offrons depuis environ 25 ans des services à domicile aux familles.
    L'autre programme que nous offrons est le placement en famille d'accueil. C'est un des problèmes les plus troublants que nous observons actuellement dans notre collectivité, parce que 65 p. 100 des enfants pris en charge par les services sociaux dans cette province sont des Autochtones.
    Nous offrons également un programme de soutien en milieu scolaire, que j'appelle le Choices School Program, en vue d'encourager les enfants à poursuivre leurs études et de leur faciliter la vie. Nous avons affecté cinq travailleurs sociaux accrédités dans cinq écoles secondaires publiques de premier cycle.
    Chacun de nos programmes porte sur différents enjeux et nous permet de travailler avec tous les groupes au sein de la collectivité qui sont touchés par la violence: les jeunes filles dans la rue, les mères, les enfants, les jeunes à l'école et dans la collectivité. Au cours des 21 derniers mois, nous avons offert des services à plus de 700 familles ayant connu des problèmes de violence familiale d'une forme ou d'une autre. Nous avons répertorié 745 cas de violence physique, 253 cas d'agression sexuelle ainsi que des cas d'exploitation financière et de dénigrement sur le plan spirituel. De plus, au cours des deux dernières années, plus de 200 de nos filles dans la rue ont été victimes de violence physique et ont été battues. En fait, ces deux derniers jours — et c'est la raison de notre retard —, nous avons entrepris un programme d'approche, en collaboration avec la police municipale; sept des filles que nous avons interrogées et à qui nous avons essayé d'offrir de l'aide ont déclaré avoir eu de mauvais clients qui les avaient battues. Ce qui est étrange, c'est que seule une d'entre elles a choisi de porter des accusations et de rapporter l'incident. Et je crois qu'il a fallu un certain temps à Kari pour arriver à la convaincre de signaler l'incident, parce qu'en plus d'avoir été battue, elle avait subi des entailles.
    L'année dernière, nous avons mené un projet de recherche financé par Sécurité publique, dans le cadre duquel nous avons interviewé plus de 309 prostituées. Nos résultats ne nous ont pas vraiment surpris. Nous avons découvert qu'elles avaient toutes été agressées à un jeune âge par un membre de la famille ou par un ami de la famille. Aujourd'hui, toutes ces femmes consomment des drogues. Elles ont dit que ce sont ces deux facteurs qui les avaient poussées, forcées ou persuadées à travailler dans la rue.
    Depuis 25 ans, nous offrons de l'aide à toutes ces personnes du mieux que nous pouvons. Malheureusement, la situation ne s'améliore pas. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine, et il y a beaucoup de possibilités sur le plan des services de première ligne. Or, nombreux sont ceux qui veulent défendre les intérêts de notre collectivité. Ils veulent organiser des réunions, lancer des discussions, élaborer des plans, mais quand vient le temps d'agir et d'accomplir le travail de première ligne, ils semblent manquer à l'appel. En tant que membre de notre collectivité, je trouve cela frustrant parce que les ressources et le financement sont très limités.

  (0825)  

    Il ne se passe pas une journée sans que nous ayons un cas où une femme se fait battre, se fait saccager sa maison et se fait voler tous ses biens. Elle est ensuite obligée de retourner à la collectivité pour essayer de trouver de l'aide.
    Nous félicitons les agents de police d'Edmonton, parce qu'ils ont travaillé assidûment avec l'ensemble de nos unités et organismes partout dans la ville, mais nous avons besoin d'autres formes d'aide. Par exemple, une personne ne peut recourir qu'une seule fois aux services d'aide au déménagement et à la réinstallation.
    La semaine dernière, je me suis occupé d'un cas où une femme s'était fait battre, puis mise à la porte par son conjoint qui s'en était ensuite pris à son logement, en démolissant ses biens et en laissant couler l'eau. Nous avons essayé de lui trouver un nouveau logement, mais comme elle avait déjà eu recours aux services de réinstallation il y a trois ans, elle ne pouvait pas faire une nouvelle demande.
    Voilà donc les problèmes qui affligent notre collectivité, et la situation ne s'améliore guère.
    Nous serons heureux de répondre à vos questions tout à l'heure.
    Notre prochaine invitée est Mme Jo-Anne Hansen qui, à ce que je vois, va nous interpréter une chanson.
    Je suis là pour ça, n'est-ce pas?
    Je m'appelle Jo-Anne Hansen. Je suis travailleuse sociale agréée et propriétaire d'une petite entreprise appelée The Spirit of Healing. Je suis ici pour représenter l'association Little Warriors. Il s'agit d'une assez jeune organisation qui vise à aider les victimes d'agression sexuelle.
    Je viens du Nord de l'Alberta. Mon père s'appelait Carl Frank Hansen-Halcrow et ma grand-mère, Sarah Halcrow. C'est à elle que je dois ma passion pour ce travail. Ma grand-mère a épousé mon grand-père à un très jeune âge, lorsqu'elle n'avait que 16 ans, et du coup, elle a perdu son statut. Elle s'est fait battre pratiquement jusqu'à sa mort, à l'âge de 47 ans. Je suis ici pour représenter mes racines, à titre de Métisse et membre d'une Première nation.
    Sept minutes, ce n'est pas beaucoup, alors je me contenterai de soulever seulement deux points. Il s'agit de choses que j'ai apprises dans le cadre de mes services de counselling auprès des victimes de pensionnats indiens — parce que c'est ce en quoi consiste mon travail. Le premier élément clé, c'est la codépendance qui constitue probablement la pire séquelle des pensionnats indiens, parce que les enfants devaient obéir aux ordres simplement pour survivre. Je ne suis pas surprise qu'il y ait eu autant de mauvais traitements dans les collectivités autochtones à cause de cela. L'autre élément important, c'est l'intimidation. J'ai appris il y a longtemps que la seule façon de se protéger contre les autres, c'est d'avoir une assez bonne connaissance de soi pour ne pas se laisser marcher sur les pieds.
    Je voulais faire passer un message percutant, tout en restant fidèle aux traditions autochtones, grâce à la musique; j'ai donc écrit une chanson à cet effet. Vous verrez que, dans certains passages, je me mets dans la peau de ma grand-mère quand elle se faisait battre et j'essaie d'imaginer ce qu'elle se disait pour pouvoir survivre jusqu'au lendemain. C'est la raison pour laquelle j'ai composé cette chanson.
    Je vous prie d'être indulgents. Je n'ai jamais fait cela en public — en tout cas, pas de cette façon. Mais c'est très important pour moi, alors je vais prendre des risques, et on verra ce que ça va donner:
    

In the night after I wake up,
And feel the teardrops in my eyes,
For a moment I am startled,
What's in dreams that made me cry?

So I crash through the shadows,
Stumble through the empty halls
Turn the radio on softly
I want to make sense of it all.

Call into the night, hear the voices.
Hurting image on the wall.
Each is my memories, echoing I am nothing at all.
The images are scaring me, like I have no control.
Don't forget they are just shadows; they don't have any power at all!

So I crash through the shadows,
Stumble through the empty halls
Try to find a warm steady heart beat,
In the cold, steel concrete walls

The steel guitar is screaming
Stings the center of my soul
Overwhelmed that I am not dreaming, fighting my way to stand up tall.
The struggle is drowning a voice of reason;
The tears are me believing
That all this is me! “Realizing,” that it “Really, isn't me, at all!!!”

So I crash through the shadows,
Stumble through the empty halls
Turn the radio on softly
I want to make sense of it all.

Then the voice starts with humming, harmony to my soul
Resonating a common moment as she takes my hand in her palm.
Saying, “It's not your home, not your friends nor your lover,
The truth is it's in your song.”
“We all need a little help.
When our walk feels like a crawl!!!”

I'm not crazy, I am healing and can rise above despair!
This is real and I'm not dreaming!
The truth is, “I really care!”

I'm not crazy, I am healing and can rise above despair!
The tears are real, and I'm not dreaming
The truth is, “I really care!”

À mon réveil dans la nuit,
Je ressens les larmes dans mes yeux,
Pour un instant, je suis surprise,
Qu'est-ce qui, dans mes rêves, m'a fait pleurer?

Je me bats donc contre les ombres,
Je trébuche dans les couloirs vides
J'allume la radio très bas
Je veux comprendre tout ça.

Appelle dans la nuit, écoute les voix.
Image en agonie sur le mur.
Vestiges de mes souvenirs, qui me disent que je ne suis rien.
Les images me font peur, je n'ai aucun contrôle.
N'oublie pas qu'elles ne sont que des ombres; elles n'ont aucun pouvoir!

So I crash through the shadows,
Stumble through the empty halls
Try to find a warm steady heart beat,
Dans les murs froids In the cold, steel concrete walls

The steel guitar is screaming
Stings the center de mon âme
Overwhelmed that I am not dreaming, fighting my way to stand up tall.
The struggle is drowning a voice of reason;
The tears are me believing
That all this is me! “Realizing,” that it “Really, isn't me, at all!!!”

So I crash through the shadows,
Stumble through the empty halls
Turn the radio on softly
I want to make sense of it all.

Then the voice starts with humming, harmony to my soul
Resonating a common moment as she takes my hand in her palm.
Saying, “It's not your home, not your friends nor your lover,
The truth is it's in your song.”
“We all need a little help.
When our walk feels like a crawl!!!”

I'm not crazy, I am healing and can rise above despair!
This is real and I'm not dreaming!
The truth is, “I really care!”

I'm not crazy, I am healing and can rise above despair!
The tears are real, and I'm not dreaming
The truth is, “I really care!”

  (0830)  

  (0835)  

    Nous allons maintenant passer aux questions. Il s'agit d'un tour de sept minutes par intervention. C’est Mme Neville du Parti libéral qui va ouvrir le bal.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup d'être des nôtres ce matin. Je pense que tous les membres du comité ont été assez bouleversés par ce qu’ils ont entendu tout au long de notre tournée pancanadienne. Force nous est de constater que la problématique que nous avons entrepris d’étudier est nettement plus vaste que ce que nous avions prévu.
    Madame Hansen, merci. Ce matin, vous avez exprimé, grâce à votre chanson, un message auquel d’autres mots ne sauraient donner justice. Merci infiniment.
    Je ne sais pas trop par où commencer; j'ai beaucoup de questions à poser.
    Madame Nepinak, vous avez dit que vous disposez d’un certain nombre de statistiques, mais que vous n’alliez pas les lire aux fins du compte rendu. Pourriez-vous les faire parvenir à notre greffière pour qu’elle nous les distribue en vue du rapport et des discussions qui vont suivre? Ce serait très utile, merci.
    Absolument.
    Je veux commencer par le service de police. J'espère ne pas vous offusquer; ce n'est pas mon intention.
    Dans presque toutes les villes où nous sommes allées, on nous a parlé du racisme systémique des institutions à l’égard des femmes autochtones, ce qui explique pourquoi ces dernières craignent de chercher de l’aide auprès de la police, des organisations non autochtones et des organismes de services sociaux.
    Dans une des collectivités où j'ai été — pas en comité —, on m'a dit que les femmes ne se sentaient pas protégées par les corps policiers. D’après ce que vous nous avez dit aujourd’hui, il est évident que vous déployez des efforts. Vous avez un plan détaillé de programmes et d'activités.
    Que faites-vous différemment? Diriez-vous qu'il y a des gens qui ne viendraient pas vous voir par crainte de faire l'objet de racisme? Si oui, comment abordez-vous ce problème?
    Je ne suis pas sûre de la question à poser. Au fond, je veux savoir ce que vous faites parce que, sur papier, vous ne semblez pas chômer.
    Oui, nous reconnaissons qu'il s'agit d'un problème et c'est ce qui nous incite à continuer.
    En 2010, nous avons préparé une analyse du contexte pour le service de police d'Edmonton et nous avons reconnu certaines des statistiques du Centre canadien de la statistique juridique. Il est navrant de voir ce qui se passe. L’année dernière, notre organisation est intervenue dans 6 500 cas de violence conjugale. Nous sommes bien au courant des problèmes...

  (0840)  

    Quelle proportion de ces personnes, monsieur le sergent d'état-major, étaient des femmes autochtones? Compilez-vous ce genre de statistiques?
    C'est justement pourquoi j'ai amené avec moi Nancy, au cas où vous poseriez des questions sur des statistiques. Nancy peut probablement vous renseigner là-dessus. À titre de précision, comme nous misons sur la collaboration avec la collectivité et le partenariat, nous voyons des modèles de réussite. Par exemple, nous travaillons dans des organisations comme la CIAFV — Community Initiatives Against Family Violence —, qui comprend 99 organismes de liaison de services aux victimes dans la grande région d'Edmonton. Nous sommes un fier membre de cette organisation, et nous travaillons régulièrement avec différents groupes pour régler les questions liées aux femmes marginalisées au sein de notre collectivité. Par ailleurs, le Today Family Violence Help Centre est une installation partagée, dont nous sommes également membres. Elle sert de halte-accueil pour les gens qui ne veulent pas aller voir une organisation policière.
    Avez-vous dit « partagée »?
    C'est une installation partagée qui s'appelle Today Family Violence Help Centre. Encore une fois, nous en faisons partie. Les services sociaux en font également partie. Plusieurs autres organismes communautaires se rassemblent. Situé au centre-ville, cet organisme accepte des visites en personne et offre des services de renvoi. Les clients peuvent communiquer avec des personnes-ressources s'ils ne veulent pas s'adresser à une organisation policière pour raconter leur histoire.
    Nancy, vous pourriez peut-être expliquer pourquoi nous ne pouvons pas fournir au comité des statistiques en ce qui concerne...
    À l'heure actuelle, les agents de police d'Edmonton ne sont pas mandatés à recueillir des renseignements sur la race quand ils remplissent un rapport de police. Voilà pourquoi en 2010, seulement 13 p. 100 des constats de police signalaient la race d'au moins une des personnes impliquées dans l'incident. Nous recueillons des renseignements sur la race pour les gens impliqués dans des crimes motivés par la haine ou les préjugés, mais comme nous ne sommes pas mandatés à recueillir de cette information, ces données sont rarement saisies dans notre système de gestion des dossiers. Quand la race est indiquée dans le dossier d'une personne, nous n'avons aucun moyen de savoir si la personne l'a déclaré elle-même à la police au moment de l'incident ou si l'agent s'est servi de caractéristiques visuelles et de son propre jugement. Alors, étant donné qu'on ne sait pas comment cette information a été saisie et qu'on n'est pas mandaté à recueillir de l'information pour chaque personne impliquée dans une intervention policière, nous n'avons pas la capacité à ce stade-ci de déclarer des statistiques sur le pourcentage de femmes autochtones qui sont victimes de violence conjugale.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Il vous reste environ 40 secondes.
    Je vais poser d'autres questions à la police pendant une minute encore.
    Avez-vous un nombre important d'agents autochtones?
    En fait, oui. Un de mes meilleurs amis est un inspecteur auprès du service de police d'Edmonton. Il est en fait mon voisin. Il est la force motrice derrière certaines des initiatives que nous essayons de mettre en place au sein de notre organisation.
    Sur le plan démographique, la plupart des membres de ma section sont des femmes. Dans mon équipe d'intervention contre la violence conjugale, une travailleuse sociale et une agente de police sont autochtones. Nous sommes fiers d'avoir ces liens, et c'est toujours quelque chose auquel nous pensons pour améliorer la situation.
    Échangez-vous des pratiques exemplaires...
    Désolée, mais votre temps est écoulé. Je sais; c'est difficile, n'est-ce pas?
    Nous passons maintenant à Mme Demers du Bloc québécois.
    Allez-y, Nicole, quand vous êtes prête.

  (0845)  

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci beaucoup à nos témoins pour leur présence ici aujourd'hui. C'est notre dernier arrêt, mais probablement le plus émotif. Je ne sais pas si c'est la fatigue ou le fait que nous ayons vu autant de gens, mais je sais, madame Hansen, que vous avez un rôle à jouer. Par votre chanson, vous nous avez toutes et tous mis sur un même pied d'égalité ce matin. Vous avez ouvert nos coeurs. Je crois que si nous voulons régler la problématique de la violence envers les femmes autochtones, ce n'est pas avec nos têtes que nous le ferons, mais avec nos coeurs. Vous nous permettez maintenant de parler avec nos coeurs plutôt qu'avec nos têtes, et je vous en remercie.
    Monsieur Langford, j'ai beaucoup apprécié votre témoignage mais, en même temps, cela m'a donné un grand coup de désespoir de voir que des enfants qui se prostituaient il y a 10 ans le font encore aujourd'hui. Qu'est-ce qui se passe pour que des enfants de 14 ans et de 15  ans se prostituent pendant si longtemps et continuent de le faire? Qu'est-ce qui fait qu'il n'y ait pas d'issue à cette problématique. Pourquoi?

[Traduction]

     Il y en a une. Nous avons un programme appelé le PSECA, qui aide les gens à sortir de la prostitution. Mais malheureusement, certaines des filles sont des prostituées de deuxième ou troisième génération; beaucoup d'entre elles ont enduré des agressions sexuelles à un très jeune âge, si bien qu'elles finissent par percevoir le monde d'une façon horrible, en se disant: « Je n'ai jamais eu de possibilité. Je n'ai jamais dit que je voulais perdre ma virginité. Je n'ai pas voulu devenir une prostituée. Mais quand on se fait violer sans cesse, on ferait mieux de commencer à exiger des frais au lieu de se donner gratuitement. »
    Telle était la mentalité. Nous l'avons remodelée à bien des égards; les jeunes filles qui avaient commencé à se prostituer à un si jeune âge ne parvenaient tout simplement pas à se reprendre en main. Elles vivaient dans un monde dangereux et elles avaient l'impression qu'il y avait très peu d'aide. Mais nous offrons des programmes pour aider les mineures, ainsi que les filles de plus de 18 ans, entre autres le programme auquel je participe.
    Bon nombre de ces filles ne pensent pas qu'elles valent grand-chose, outre le fait de travailler dans les rues et de se sentir dégradées. Elles sont nombreuses à croire qu'elles ne méritent pas de compliments ou qu'elles ne sont pas dignes d'être traitées avec respect. Alors, c'est quelque chose que nous, en tant que groupe, sommes constamment en train de faire: nous voulons renforcer l'idée qu'elles doivent se prendre en main. Cela va à l'encontre de ce qu'elles ont appris... Bref, nous intervenons grâce aux nombreuses ressources dont nous disposons.
    Ce n'est pas toujours dans des cas d'arrestation que nous travaillons avec ces femmes. Quand nous patrouillons les rues, c'est vraiment pour voir comment elles vont — nous voulons savoir si elles ont rencontré de mauvais clients ou s'il y a eu des cas de violence.
    Le changement a été impressionnant. Honnêtement, je dirai qu'il y a 10 ans, aucune femme n'osait déclarer qu'elle avait eu affaire à un mauvais client. Il y avait un manque de confiance entre la police et les prostituées. Nous avons pratiquement bâti un pont: les prostituées qui se font agresser vont s'adresser à des agents de police, ce qui montre qu'elles leur font maintenant suffisamment confiance pour signaler ces incidents. Cela n'existait pas il y a 10 ans, mais maintenant, nous avons plein de cas de ce genre, ce qui est stimulant.
    Pour les femmes qui s'en sortent, nous avons des groupes de soutien par les pairs afin de dire aux jeunes filles: « Tu vaux la peine et tu peux t'en sortir. Moi, je m'en suis sortie. »
    Alors, il y a des cas de réussite, mais malheureusement pour celles qui... vous savez, celles qui ont perdu la vie. J'ai personnellement deux membres de la famille qui sont toujours portés disparus. Nous supposons qu'elles ont été tuées ou qu'elles ne sont plus parmi nous, en raison de ce mode de vie qu'est la prostitution.

  (0850)  

[Français]

    Je vous remercie
    Madame Nepinak, que comprendrait selon vous une stratégie multidisciplinaire?

[Traduction]

     Merci pour la question. Cela comprendrait les services de santé, la justice, l'hébergement, un programme culturel et l'éducation. Cela inclurait les systèmes qui entrent en ligne de compte depuis toujours pour les peuples autochtones, y compris nos dirigeants spirituels dans nos collectivités, et l'élaboration d'une stratégie complète pour régler ces questions.
    Nous avons une clinique médicale dans notre installation. Un des problèmes que nous observons à Awo Taan à Calgary, c'est que 75 p. 100 femmes qui viennent à la maison de refuge n'ont pas consulté de médecin depuis six mois. Certains enfants ne sont pas immunisés. Nous constatons de nombreux problèmes de santé qui touchent les oreilles, la gorge, le nez, les poumons et le système gastro-intestinal. Alors, une approche multidisciplinaire comprendrait tous ces domaines. La recherche serait un autre élément.
    La question de la violence familiale est très générale, et je crois que pour ce qui est de cerner le besoin, il est juste de dire qu'il y en a de nombreux à l'heure actuelle. Mais c'est une question si vaste; comment faire pour diviser le travail en morceaux afin que ce soit possible?
    Le temps est écoulé. Je suis désolée.
    Nous passons maintenant à Mme Grewal du Parti conservateur.
    Merci, madame la présidente. Je tiens également à remercier tous les témoins de leur présence.
    Ma question s'adresse à la GRC. Comme vous le savez, l'initiative de prévention familiale est un engagement à long terme du gouvernement du Canada afin de lutter contre la violence dans les relations d'intimité, de dépendance ou de confiance. C'est l'Agence de la santé publique du Canada qui dirige et coordonne cette initiative, l'Initiative de lutte contre la violence familiale, en collaboration avec 15 partenaires ou ministères. Je crois que la GRC participe également à cette initiative. J'aimerais en savoir plus sur votre travail concernant l'initiative de prévention familiale.
    Nous représentons le service de police d'Edmonton. Je tenais à apporter cette précision.
    S'agit-il d'un programme fédéral?
    Oui, c'est un programme fédéral.
    Et c'est la famille... pardon?

  (0855)  

    C'est l'Initiative de lutte contre la violence familiale. Autrement dit, c'est une initiative de prévention familiale coordonnée partout au Canada. Je veux simplement en savoir plus sur ce que vous faites.
    Nous collaboration à l'échelle provinciale avec nos homologues dans le cadre d'un comité consultatif de la police qui se penche régulièrement sur les questions de violence familiale. Nous cherchons toujours des moyens d'améliorer les lois qui régissent notre travail, tout en favorisant la défense des intérêts et la collaboration avec d'autres organismes. C'est un travail qui suit son cours, mais nous y contribuons. Nous collaborons avec les partenaires pertinents et nous intervenons dans le débat à l'échelle provinciale et à l'échelle nationale. Alors, pour les gens qui participent à ce type de travail, c'est une équipe tricotée serrée. Bien entendu, nous sommes régulièrement aux prises avec les mêmes types de questions et de problèmes à l'échelle nationale. Alors, les pratiques exemplaires sont mises en commun et, évidemment, le travail se poursuit. Nous sommes là à long terme.
    Je vois.
    Mon autre question s'adresse à la GRC. Je comprends qu'une partie du problème dont nous sommes saisis, c'est le manque de données nationales sur la violence autochtone, comme vous l'avez dit plus tôt. Mais y a-t-il moyen pour nous de régler ce problème?
    Nous n'avons pas de données sur l'appartenance raciale, mais il y a un point que nous reconnaissons. Même si certaines personnes considèrent que la collecte de cette information dans le cadre d'enquêtes policières est une mesure préjudiciable, il s'agit d'une importante donnée qui nous aide à appuyer les groupes marginalisés de la bonne manière — parce que nous savons ainsi à qui ils s'identifient, à quelle race ils s'identifient. Pour l'instant, nous essayons tout simplement de déterminer la meilleure stratégie pour permettre au service de police de recueillir cette information, sans offenser les gens, mais en leur faisant comprendre que c'est pour leur offrir de l'aide.
    Madame la présidente, est-ce qu'il me reste du temps?
    Vous avez encore beaucoup de temps.
    Bien.
    Alors, voici la question que j'adresse à tous les témoins: quelle est la cause principale de la violence familiale?
    Merci.
    En ce qui concerne la cause principale, la recherche et la documentation appuient le fait que la colonisation et les politiques d'assimilation ont largement contribué au problème de la violence familiale dans les collectivités autochtones. Comme on le sait, la colonisation est la destruction forcée — faute d'une meilleure expression — des familles autochtones et le placement forcé des enfants dans des pensionnats indiens. Les pensionnats ont détruit — ou ont tenté de détruire — l'enfance des victimes puisqu'on a retiré des enfants d'un milieu qui, dans bien des cas, était enrichissant et rempli d'amour.
     L'héritage des pensionnats indiens pèse lourd sur des générations d'Autochtones. Par exemple, je représente la quatrième génération de victime de pensionnat indien, mais j'ai appris à me faire une carapace.
    De plus, les politiques, les programmes et les mesures d'aide aux familles autochtones n'ont pas réglé les problèmes de manière à favoriser le fonctionnement familial, la guérison et le bien-être dans nos collectivités autochtones.
    Jusqu'à récemment, les femmes autochtones n'avaient pas accès à des services appropriés sur le plan culturel pour lutter contre la violence familiale à l'échelle nationale. Ces 20 dernières années, le pavillon de ressourcement Awo Taan à Calgary a élaboré des programmes fondés sur ce que nous appelons la méthodologie « occidentale », parallèlement à un programme d'enrichissement culturel. Grâce à la combinaison des deux types d'intervention, nous constatons que les femmes autochtones et leurs familles — ainsi que leurs partenaires — sont en voie de guérison et que la violence est de moins en moins présente dans leur vie.
    Les autres témoins ont-ils quelque chose à ajouter?
    Je pense que le plus gros problème à l'heure actuelle, c'est la pauvreté.
    Selon moi, le lieu de notre rencontre est bien choisi parce que mon pensionnat, à l'époque où j'étais pris en charge, se trouvait à quelques pas d'ici. Ironiquement, c'est là où on a bâti un centre d'aide à l'enfance.
    Je viens d'une famille de survivants de pensionnats indiens. Mon épouse a fréquenté un pensionnat indien de l'âge de six à quatorze ans. À mon avis, cette mentalité se poursuit aujourd'hui sous la forme d'intervention pour prendre sous garde des enfants et les placer en famille d'accueil.
    Personnellement, je peux m'identifier à ces enfants. Quand on se fait appréhender, peu importe son milieu familial ou le reste, on a l'impression d'avoir été abandonné. On se sent trahi. On se sent perdu. Ironiquement, tous les enfants pris en charge, une fois qu'ils grandissent, finissent par retourner chez eux. Alors, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Les services sociaux doivent cesser d'enlever nos enfants et commencer à travailler avec nos familles.
    C'est dans ces familles que la violence familiale commence. C'est à cause de la frustration, de la violence, de la toxicomanie. Vous savez, on utilise ce qu'on a... Et ces gens sont tous déprimés.

  (0900)  

    Merci, madame Grewal.
    Je vais laisser quelqu'un d'autre parler.
    Nous passons à Jean Crowder, du NPD.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à remercier les témoins, particulièrement Mme Hansen. Je crois que Mme Demers a tout à fait raison de dire que la musique constitue un des moyens dont nous pouvons nous servir pour probablement ouvrir une nouvelle porte. L'information qu'on nous a présentée n'est pas chose nouvelle. Nous prenons note de ce que vous dites.... Je ne fais pas partie du comité, mais je suis le porte-parole des affaires autochtones pour le NPD et, bien entendu, je suis très consciente des problèmes liés à la violence faite aux femmes autochtones. Une des questions dont on oublie souvent de parler, et vous en avez fait mention, c'est le fait que la violence faite aux femmes autochtones n'est pas simplement dirigée contre les femmes autochtones; les enfants en sont aussi victimes, de même que les membres de la famille et tous les proches. L'une d'entre vous a d'ailleurs parlé de la codépendance. Les statistiques sur la codépendance révèlent que pour chaque personne touchée, il y a au moins sept autres personnes qui en souffrent.
    Mme Nepinak a parlé des questions liées à l'assimilation, au colonialisme et au génocide culturel. M. Langford a ajouté à cette liste le réseau des foyers d'accueil. De l'avis de bien des gens, le réseau des foyers d'accueil ne fait que perpétuer le modèle de l'assimilation, du colonialisme et du génocide culturel. Dans la province où j'habite, en Colombie-Britannique, 52 p. 100 des enfants pris en charge par l'État sont autochtones. Et nous sommes au courant de la surreprésentation des Autochtones dans les prisons, particulièrement dans l'Ouest canadien.
    À la lumière de ces statistiques déprimantes, j'aimerais demander à chaque organisation de nous parler d'un ou de deux éléments clés qui constituent, à son avis, des priorités immédiates et urgentes dont nous devons nous occuper.
    Je vais commencer par Mme Hansen.
    Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a deux problèmes qui découlent des pensionnats indiens — et là-dessus, je suis d'accord avec mes collègues. D'abord, il y a les questions de codépendance. Les enfants placés dans des pensionnats ont dû se départir de leur identité, de leur culture et de leur langue. L'autre problème, c'est l'intimidation.
    Mme Hansen, pouvez-vous apporter quelques précisions? Si le comité devait écrire un rapport au terme de sa tournée et proposer que le gouvernement fasse telle ou telle chose... D'après vous, quelles mesures le gouvernement devrait-il prendre pour venir à bout de ces problèmes?
    Nous devons mettre l'accent davantage sur l'aspect de la guérison. J'appuie l'idée de mettre en place ce genre de programmes à l'échelle provinciale. Je suis heureuse qu'il y en ait un ici. Mais nous devons miser sur la guérison pour que les femmes autochtones et les enfants, ou toute victime, puissent se rapproprier leur culture et leur identité.
    Je suis une conseillère professionnelle. Je vois des Autochtones transformer leur vie lorsqu'ils commencent à prendre conscience de leur identité. Vous savez, nous sommes des êtres humains. Nous avons une culture. À vrai dire, la langue fait partie intégrante de la culture. C'est une langue vivante. Il nous faut un plus grand nombre de programmes de la sorte. Je veux dire par là que les Autochtones doivent parler à d'autres Autochtones — comme ce que je fais. Je viens ici et je me sers de ma musique. Cela fait un peu peur, mais en même temps, c'est ce que je suis en tant que femme autochtone. Je m'exprime par ma musique, ma langue et ma culture. Je n'y serais pas arrivée pas si je n'avais pas franchi les étapes de la guérison et de la communication.
    Merci.
    Monsieur Langford.
    Nous vivons dans la collectivité autochtone. Je pense que nous connaissons à peu près tous les Autochtones dont on parle dans les journaux. Il faut commencer à travailler avec les familles, avec les personnes. Nous devons les soutenir. Nous ne le faisons pas assez et c'est par là que nous devons commencer, c'est-à-dire dès le jeune âge.
    Nous avons de très bons programmes pour la petite enfance, comme Success by 6 et le programme d'aide préscolaire aux Autochtones, mais cela se termine lorsque les élèves entrent en 1re année. Il n'y a rien après Success by 6. Nous devons rester en contact avec ces enfants, car nous devons commencer par eux. Pour vous donner un bon exemple, lorsque le programme dentaire a été instauré en Saskatchewan il y a plusieurs années, on a commencé avec les élèves de 1re année. Tous les élèves de 1re année ont eu droit à un examen dentaire et ont obtenu les soins appropriés. Ensuite, le programme les a suivis en 2e, 3e et 4e année, et tous les enfants qui entraient en 1re année ont reçu les mêmes services. Douze ans plus tard, un groupe complet de jeunes adultes avaient des dents en santé.
    Je pense que des programmes de ce genre peuvent être mis en place. Vous devez commencer par la base, et les très jeunes enfants sont le point de départ, car ils... J'ai 10 petits-enfants. Ils sont très honnêtes et me racontent tout. Ils racontent également tout à leurs enseignants. Une fois que nous amenons les familles des jeunes enfants à participer, nous devons rester avec elles et les soutenir au niveau familial. Lorsque les relations sont entretenues, elles permettent tout le reste. Il faut bâtir une relation avec les parents et la famille, et ensuite l'entretenir.

  (0905)  

    Merci.
    Madame Nepinak, vous avez parlé de stratégie globale. Pourriez-vous nous donner un point de départ précis? Si nous devions commencer quelque chose demain, de quoi s'agirait-il?
    Merci.
    Je crois que l'un des aspects que j'envisagerais serait certainement le renforcement de la capacité communautaire. Je crois que n'importe quelle collectivité, qu'elle soit très éloignée et isolée ou qu'il s'agisse d'un grand centre urbain comme Calgary, devrait avoir les ressources, les outils, le personnel et les moyens financiers nécessaires pour être complètement reconstruite, de façon à ce que les familles autochtones acquièrent les habiletés pour... Je devrais me reprendre et dire que la plupart des familles possèdent déjà ces habiletés. Mais comment encourageons-nous les familles et les collectivités, y compris nos élus, à travailler ensemble afin de commencer à discuter du problème de la violence familiale?
    La violence familiale dans nos collectivités autochtones est toujours un sujet très difficile. Un bon nombre de nos dirigeants n'en parlent pas, et nous avons besoin de représentants parmi nos dirigeants pour en parler et pour bâtir des collectivités munies des ressources adéquates.
    Nous recevons des familles qui proviennent d'un grand nombre de collectivités éloignées et isolées de partout dans la province, de la Saskatchewan et de partout au pays. Il est très difficile et traumatisant pour ces familles de laisser leur milieu culturel pour être transplantées dans la jungle urbaine de Calgary.
    J'aimerais faire, très rapidement, une dernière recommandation: il faudrait que le gouvernement fédéral, ainsi que les provinces et les municipalités, se consultent afin d'appuyer les initiatives et les stratégies qui sont mises en place, car nous devons cesser de nous préoccuper des questions de compétence et être en mesure de les contourner, pour faire savoir que nos femmes sont en train de mourir: elles meurent dans les rues et peu importe où elles sont, et nous devons y faire quelque chose.
    Merci, Josie. Désolée, mais votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant aux tours de cinq minutes et nous allons commencer avec Mme Neville.
    Merci encore.
    Madame Nepinak, vous avez arrêté là où je me proposais de commencer, c'est-à-dire avec la question de la compétence.
    Monsieur Langford, un des sujets que vous avez commentés au début de votre exposé m'a particulièrement intéressée: il s'agit de la présence de travailleurs sociaux dans le système d'éducation public.
    J'ai été membre du conseil de la division scolaire de Winnipeg pendant de nombreuses années, et j'ai côtoyé de très près les questions concernant les Autochtones. Même si le système scolaire a sa propre composante en travail social, on n'y trouve aucun organisme autochtone — si mes renseignements sont à jour —, qui le soutient de façon concrète.
    Pouvez-vous nous en parler un peu? Nous pourrions peut-être nous en servir pour faire avancer les choses.
    Nous offrons le programme scolaire CHOIX depuis maintenant 17 ans. Nous employons des travailleurs sociaux autochtones et nous les avons affectés dans les cinq écoles de la ville qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire où on trouve un grand nombre d'enfants autochtones. Nous offrons une collation le matin, ce qui permet aux enfants aux prises avec des problèmes ou des difficultés de venir manger un peu. Ils peuvent, par la même occasion, parler avec le travailleur social et planifier une autre rencontre pour discuter de leurs problèmes, en très grande partie la violence familiale — toxicomanies, pression des pairs, démêlés avec la justice —, mais nous travaillons aussi beaucoup sur l'aspect culturel.
    Pour l'instant, j'ai invité dans mes cinq écoles deux excellents exemples de jeunes Autochtones à suivre, James Jones et Linsay Willier, le meilleur mannequin à venir au Canada, qui participe au programme de danse. Ils sont tous les deux des Autochtones et ils font une présentation d'une heure et demie aux élèves, afin de leur montrer ce qu'ils peuvent accomplir. James est diplômé d'Amiskwaciy Academy, l'école secondaire autochtone de la ville.
    Nous avons un grand nombre de programmes autochtones et de cérémonies culturelles, et nous enseignons la gigue. Nous avons aussi un enseignant en musique. Nous comptons plus de 200 élèves. Le violon et la guitare sont enseignés dans cinq différentes écoles. Nous l'enseignons pendant trois jours au bureau et nous offrons un programme de sensibilisation à l'église Sacré-Coeur. Si vous désirez apprendre à jouer du violon ou de la guitare, c'est gratuit et nous vous fournirons un repas léger, en plus de vous apprendre à giguer. C'est dans notre culture.
    Pendant la semaine des Autochtones, nous installons nos tipis et nos tentes dans toutes les écoles et nous faisons venir nos danseurs. Nous accueillons le championnat du monde junior de gigue — et cela bouge.
    Nous organisons un grand nombre d'événements culturels de ce genre afin de soulever l'intérêt des jeunes.

  (0910)  

    J'aimerais juste revenir au service de police et reprendre la question de Jean Crowder, qui concernait vos deux recommandations principales au gouvernement.
    En tant qu'agents de police, nous passons de 80 à 90 p. 100 de notre temps à intervenir dans les foyers. Nous consacrons énormément d'argent aux problèmes liés aux gangs et aux drogues.
    Et aux prisons...
    C'est exact. Nous devons être proactifs. Nous devons obtenir une évaluation des risques et des menaces. Nous devons commencer à penser à des mesures de sécurité et de protection des témoins. Nous devons enseigner à nos agents à devenir de meilleurs policiers et à comprendre les complexités sociales qui truffent les enquêtes dont nous nous occupons au quotidien. Ce n'est pas comme à la télévision: nous passons beaucoup de temps à parler aux gens. Nous devons être prêts à les écouter et à les aider à résoudre leurs problèmes.
    Voulez-vous dire qu'il s'agit d'une question de ressources?
    Il s'agit d'obtenir les ressources et les fonds nécessaires pour que nous disposions des outils et des stratégies qui nous permettraient d'aider les gens aux prises avec des problèmes de violence familiale. Nous visons la prévention, afin que le problème ne prenne pas une ampleur démesurée.
    Il s'agit, encore une fois, d'une porte tournante, d'un problème qui revient continuellement. Les infractions représentent un problème; nous consacrons énormément de temps à enquêter et à arrêter des gens, pour apprendre ensuite qu'ils ont été relâchés et sont de retour dans la collectivité, où ils passent leur temps à violer les conditions de leur libération. On n'a prévu aucune mesure préventive pour la victime ou le contrevenant. Il ou elle veut peut-être changer, faire quelque chose en attendant le procès, ou quelque chose de ce genre. Les conditions généralisées qu'on applique à tous les cas ne conviennent pas. Nous devons analyser les cas un par un et adapter les conditions en conséquence, afin qu'elles correspondent aux problèmes que nous essayons de régler et à la famille concernée.
    Je travaille dans une très petite division et nous sommes très occupés. Nous avons besoin d'effectifs supplémentaires.
    Merci beaucoup, Mike.
    Merci, madame Neville.
    Nous accordons maintenant cinq minutes aux conservateurs, avec Mme Grewal.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai une question pour Jo-Anne.
    Je suis très fière du travail accompli par la Fondation autochtone de guérison. Pouvez-vous partager quelques-unes de ses réussites avec nous? Comment votre organisme a-t-il soutenu les anciens élèves et leur famille sur le plan de la santé mentale et sur le plan émotionnel?
    À mon avis, la plus grande lacune se retrouve dans le programme de counselling lié à l'esprit de guérison. Il n'y a pas assez de financement pour les travailleurs de première ligne, c'est-à-dire ceux qui travaillent directement avec les survivants autochtones des pensionnats indiens.
    La Fondation autochtone de guérison est en train de ralentir ses activités et de fermer ses dossiers, mais il reste des clients du processus d'évaluation indépendant qui viennent pour leur règlement. Il y a une lacune énorme en ce qui a trait au soutien offert à ces gens, avec leur avocat, avec leur famille, car le PEI a ouvert leurs plaies sans leur fournir une forme de soutien. Les familles en subissent aussi les conséquences.
    Je peux vous nommer plusieurs personnes qui n'ont pas survécu au processus, car elles se sont suicidées. Le PEI a ouvert leurs plaies, aggravant du même coup leurs problèmes de toxicomanie.
    Je suis reconnaissante des fonds qui m'ont été alloués pour que je puisse continuer à soutenir les clients du PEI. Je suis très fière d'avoir fait partie de la Fondation autochtone de guérison, mais les clients et leur famille ont besoin d'obtenir plus de soutien, car beaucoup de gens sont blessés au cours de ce processus.

  (0915)  

    Puisque nous parlons d'un problème très grave, c'est-à-dire la violence faite aux femmes autochtones, auriez-vous des suggestions sur la façon dont nous pourrions aborder cette question en tant que société?
    Je pense que les travailleurs de première ligne devraient avoir accès à une formation plus étendue, et qu'on devrait les payer plus. Les conseillers de liaison famille-école, par exemple, même s'ils sont autochtones, ne gagnent que 30 000 $. Nous n'obtenons donc pas des conseillers de très bonne qualité comme travailleurs de première ligne.
    D'accord.
    Kari, avez-vous des suggestions à ce sujet?
    Il faut commencer en offrant du soutien directement dans les foyers; au lieu d'en retirer les enfants, nous devons travailler avec eux dans les foyers afin de conserver l'unité familiale. Lorsque les enfants en sont retirés, on les soustrait aussi à tout ce qui est censé être traditionnel et qui cimente le tout, ce qui empêche les enfants de s'identifier à leur milieu culturel.
    Nous manquons de familles d'accueil. Les familles d'accueil autochtones, qui pourraient assurer le suivi des croyances et des traditions qui n'ont pas été enseignées aux enfants par leurs parents, sont très difficiles à trouver. Grâce à ces familles, les enfants peuvent avoir accès à cette éducation.
    Donald.
    Je pense que tous savent ce qu'ils ont à faire pour que les choses fonctionnent. Lorsque nous travaillons avec ces familles, nous devons les laisser décider et ensuite les soutenir le mieux possible. Le problème, maintenant, c'est qu'on ne s'occupe plus des familles une fois que les enfants en sont retirés, et qu'elles peuvent continuer leur mauvais comportement.
    La façon dont nous travaillons en milieu familial... Parfois, nous devons les secouer, c'est-à-dire que nous devons les regarder droit dans les yeux et leur dire des choses comme: « Réveillez-vous, servez-vous de votre jugeote. Lorsque je reviendrai, je veux qu'il y ait eu des changements. » Il faut agir de cette façon, car c'est comme cela qu'un parent parle à ses enfants et à ses petits-enfants. Il faut s'en mêler. Je ne pense pas qu'on permette assez aux membres de notre collectivité de participer. Je n'aime pas que les gens viennent chez nous et essaient de nous montrer comment vivre.
    Josie.
    Je crois certainement que l'espoir et la sagesse sont très présents dans nos collectivités autochtones partout au pays. Je crois que nous faisons du chemin de ce côté et que nous gardons les familles unies. Pouvez-vous imaginer ce que vit une mère qui perd ses deux ou trois enfants et se fait dire qu'elle n'est pas un bon parent?
    Comme je suis mère, je ne pourrais jamais l'imaginer. Mais imaginez comment cela se passerait. Dans notre province, 64 p. 100 des enfants en famille d'accueil sont autochtones. Ailleurs, par exemple au Manitoba, je crois que cette proportion peut atteindre 80 p. 100. Alors oui, les pensionnats indiens n'existent plus, mais nous en subissons toujours les conséquences. Nous assisterons bientôt aux conséquences de placer nos enfants en famille d'accueil.
    Si nous prenons le temps d'investir dans nos familles pour les garder unies, je suis prête à parier que notre société n'en sera que meilleure dans 20 ans. Nous devons donc nous efforcer de garder les familles unies.
    Merci, madame Grewal. Désolée, mais votre temps est écoulé. Vous aurez peut-être l'occasion de poursuivre plus tard.
    Madame Demers, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Monsieur Bartkus, j'ai trouvé très intéressant ce que vous avez répondu à ma collègue, Mme Neville, et j'aimerais continuer là-dessus.
    Dans les endroits où nous sommes allés, où il y a beaucoup de racisme de la part des forces policières, l'un des problèmes est probablement aussi le manque d'effectifs, le manque d'éducation et le manque de formation. Vous avez dit que ce dont vous auriez besoin, ce serait d'avoir plus d'effectifs, plus de formation et donc plus d'officiers plutôt que plus de prisons.
    Vous avez aussi parlé de mesures pour les personnes appréhendées, soit entre le moment où elles sont appréhendées et celui où elles sont condamnées. Pourriez-vous élaborer un peu à cet égard? Parlez-vous de justice réparatrice ou de mesures dans la communauté? J'aimerais que vous puissiez élaborer un peu là-dessus. Que nous suggéreriez-vous pour faire comprendre aux gens et aux forces policières — comme par exemple à Williams Lake ou à Prince Albert — qu'ils gagneraient beaucoup à travailler avec les communautés plutôt qu'à travailler contre elles?

  (0920)  

[Traduction]

    Oui, j'envisage probablement différemment la situation, parce que je travaille dans ces domaines depuis bon nombre d'années, soit la protection de l'enfance et maintenant la violence familiale. Selon moi, nous devons aborder les questions relatives aux personnes vulnérables dans notre collectivité. La violence est encore considérée comme une option viable pour certains; il faut un changement de mentalité. Il faut sensibiliser les gens pour qu'ils arrêtent, qu'ils apprennent que ce n'est pas approprié.
    En tant que membres d'un service de police, nous sommes devenus désensibilisés en raison de la charge de travail qui nous incombe, et en raison de la violence dont les gens sont victimes et dont nous sommes témoins jour après jour. Nous nous y sommes habitués. Nous faisons certains choix. Nous avons dû établir des critères pour déterminer les dossiers sur lesquels nous enquêterons. Nous le ferons dans le cas de voies de fait causant des lésions corporelles, mais pas dans le cas de voies de fait simples. Savez-vous quoi? Nous nous pencherons sur les voies de fait graves, mais pas sur les agressions avec une arme à feu.
    C'est le monde dans lequel je vis actuellement. C'est devenu si complexe et si intense que nous devons faire certains compromis au sein de notre propre service, à cause du manque de ressources. En avons-nous besoin davantage? Je n'en suis pas certain. À mon avis, il faut un changement de mentalité sur ce que nous, collectivement, considérons comme important. Si l'accent est mis sur les personnes vulnérables et la violence familiale, cela permettra d'amenuiser bon nombre des problèmes dont nous sommes témoins et dont nous devrons nous occuper à long terme. Comme je l'ai toujours dit en 25 ans de carrière en tant qu'agent de la paix, nous passons 85 p. 100 de notre temps dans les maisons des gens. En général, il ne s'agit pas de vols de banque ou d'autres types d'interventions policières auxquels les jeunes agents impressionnables s'imagineront peut-être avoir affaire. Lorsque les policiers sont vieux et chauves comme moi, ils comprennent l'importance de savoir communiquer avec les gens.
    Je crois donc qu'il faut retourner à l'essentiel. Il faut d'abord gagner la confiance des gens avant de gagner leur coeur et leur esprit.
    À mon avis, le manque d'éducation au sein même des tribunaux, et je le dis avec le plus grand respect, nous empêche vraiment de mettre un terme au cycle de la violence. Nous arrêtons constamment des gens et nous les traduisons en justice. Souvent, c'est le dossier criminel de l'accusé qui entre en ligne de compte pour décider s'il devrait être remis en liberté ou pas. Toutefois, nous savons que certaines des situations les plus dangereuses et les plus risquées impliquent des personnes sans dossier criminel. En collaboration avec le Département de psychologie de l'Université de l'Alberta, nous avons recours à la science, ou essayons de le faire, pour produire une évaluation des risques d'un accusé et la présenter aux tribunaux avant même son procès. Donc, le moment le plus critique, c'est lorsqu'un accusé se présente en cours pour obtenir sa liberté sous caution. Si l'accusé est libéré, beaucoup d'évènements malheureux pourraient en découler.
    Je crois donc qu'il faut, peut-être par l'entremise du gouvernement fédéral, mettre en oeuvre des mesures législatives pour encourager les tribunaux à se fier à la science plutôt qu'aux vieux casiers criminels, qui sont vraiment inutiles.
    Hier, nous nous occupions justement du cas d'une personne qui n'avait pas de casier criminel. Grâce à l'expertise d'un docteur du Département de psychologie de l'Université de l'Alberta, nous avons été en mesure de produire une évaluation des risques que nous avons remise aux tribunaux. Cette personne est toujours en prison, et nous savons que cela sauvera probablement la vie d'une femme.

  (0925)  

    Merci, monsieur Spinks.
    Merci, madame Demers.
    Passons maintenant à Mme Crowder. Vous avez cinq minutes.
    Merci.
    J'aimerais aborder un sujet que Mme Nepinak a évoqué, à savoir les trois ordres de gouvernement et les questions de compétences. Bien entendu, ce n'est pas nouveau. À l'heure actuelle, certains parmi nous croient en fait qu'il s'agit d'une assimilation forcée, parce que les gens sont forcés de quitter leur collectivité, leur réserve, et ils doivent vivre dans les grands centres urbains, où le financement fédéral pour les Autochtones vivant en milieu urbain est manifestement insuffisant. Souvent, le gouvernement dira à ces gens qu'ils sont maintenant la responsabilité des provinces, parce qu'ils ne vivent plus dans les réserves. De plus, ils sont parfois la responsabilité des gouvernements municipaux, parce que certaines provinces leur ont délégué les services sociaux.
    Étant donné que vous recommandez que les trois ordres de gouvernements trouvent le moyen de collaborer, que suggérez-vous? C'est pêle-mêle. Nous nous en rendons compte dans bien des domaines. C'est le cas dans les soins de santé, l'éducation, le système de justice pénale. Le gouvernement fédéral est très heureux — ce n'est pas un commentaire partisan, parce que cette situation existe depuis des décennies; ce n'est pas nouveau — de déléguer cette responsabilité aux provinces et de leur dire que c'est leur problème.
    Avez-vous des suggestions?
    Je ne suis pas certaine de connaître la réponse absolue. Cependant, pour élaborer des stratégies et des solutions afin de réduire la violence familiale dans les collectivités autochtones, il faut que les gouvernements s'entendent. Pour ce qui est du moyen qu'ils prendront pour y parvenir, je suis certaine qu'ils en débattront un bon moment. Selon moi, il faut plus de pression de la part des élus ou des autres intervenants. Il faut en discuter. Par exemple, plus de 60 p. 100 des femmes qui se présentent dans les refuges de notre province sont des Autochtones.
    Savez-vous combien de femmes, qui vivaient dans les réserves, sont venues dans les villes? Bien entendu, bon nombre de réserves ne possèdent pas de refuge pour les femmes et n'offrent aucun soutien aux femmes victimes de violence familiale.
    En effet. Selon nos statistiques à Awo Taan, plus de 67 p. 100 des femmes qui se présentent à notre refuge viennent de collectivités des Premières nations.
    Elles sont forcées de quitter leur collectivité. Elles n'ont nulle part d'autre où aller. Elles se dirigent vers les villes, où elles font face à d'autres problèmes. Ensuite, elles se retrouvent dans les refuges.
    Elles finissent dans les refuges. Bien entendu, leur problème d'itinérance est important, et elles sont très pauvres. Bien entendu, certains actes criminels en résultent. La protection de l'enfance et les services de police interviennent. Cette situation requiert alors l'attention de beaucoup d'intervenants. Toutefois, si nous élaborons ces solutions, je ne sais pas de quelle manière nous arriverons à amener les trois ordres de gouvernement à discuter. À mon avis, ce serait tout à leur honneur de le faire, mais je crois que nous pouvons tout simplement continuer de mettre de la pression, de discuter avec eux et aussi de les sensibiliser aux enjeux.
    L'argent est l'un des éléments qui poussent les gens à agir, n'est-ce pas? Par conséquent, nous arrivons souvent à susciter l'attention des gouvernements lorsque nous leur parlons des coûts. Quelqu'un sait-il ce qu'il en coûte à chaque ordre de gouvernement pour s'occuper d'une personne? Vous pouvez tout simplement utiliser un cas typique.
    Monsieur Bartkus?
    Je crois qu'une enquête pour meurtre, du début à la fin, coûte 1,2 million de dollars, selon la dernière statistique que j'ai reçue. Il est bien moins dispendieux de faire de la prévention et d'intervenir dans les dossiers avant que la situation ne dégénère. Nous dépensons beaucoup d'argent et allouons beaucoup de ressources pour enquêter sur les meurtres, mais il n'y en a pas autant pour la violence familiale. Selon moi, c'est ainsi dans la plupart des services de police au pays.

  (0930)  

    Donc, nous nous occupons des conséquences du problème.
    Mon temps, est-il écoulé?
    Vous avez une minute.
    En fin de compte, ce dont nous nous occupons, c'est la fin du problème, soit la violence familiale.
    Monsieur Langford.
    D'accord, nous sommes une grande entreprise. Il en coûte plus de 340 $ par jour pour garder un jeune ayant des besoins importants dans un foyer de groupe.
    Que permettraient de faire ces 340 $ par jour pour la famille, si les jeunes avaient une famille?
    Cela permettrait de faire énormément de choses pour la famille, mais personne ne veut en parler. Vous payez 100 $ par jour pour garder un enfant en foyer d'accueil. Je verse 6 000 $ non imposables à certains de mes parents de famille d'accueil qui s'occupent de quatre ou cinq enfants. Imaginez comment ces familles pourraient vivre si nous leur donnions 2 000 $, que nous leur offrions de la supervision, des conseils et de l'aide. Nous mettons l'argent au mauvais endroit. Malheureusement, dans le système juridique et dans le réseau d'aide à l'enfance, nous sommes une grande entreprise.
    Merci.
    Merci, monsieur Langford.
    Votre temps est écoulé, madame Crowder.
    Merci beaucoup à tous d'être venus. Nous sommes vraiment à court de temps. J'avais une question, mais je pense que j'irai vous voir et je vous la poserai plus tard. Merci.
    La séance est suspendue.

  (0930)  


  (0935)  

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous menons une étude sur la violence faite aux femmes autochtones. Aujourd'hui, nous accueillons Jo-Anne Fiske, à titre personnel; Suzanne Dzus, du Memorial March for Missing and Murdered Women Calgary; Mike Sekela, de la Gendarmerie royale du Canada; et April Eve P. Wiberg et Gloria Neapetung, du Stolen Sisters Awareness Walk and Movement.
    Vous aurez sept minutes chacun. Lorsqu'il vous restera deux minutes, je vais lever la main et vous faire signe; je vous prie donc de lever les yeux de temps à autre. Et quand je ferai ce geste, cela signifie qu'il reste très peu de temps et que vous devez conclure très rapidement. Merci.
    Nous allons commencer avec Mme Fiske.
    Je suis très heureuse d'avoir été invitée, d'avoir l'occasion de vous rencontrer. C'est un honneur d'être assise ici avec les femmes autochtones qui représentent leurs collectivités.
    Je veux parler précisément de la violence en milieu urbain, et je veux le faire en fonction de trois de mes expériences qui, à mon avis, font de moi un témoin qualifié.
    Premièrement, je suis professeure d'université depuis environ 30 ans, où j'ai travaillé exclusivement sur des questions qui concernent les femmes autochtones au Canada. Je suis à la fois anthropologue et professeure en études féminines à l'Université de Lethbridge.
    Deuxièmement, j'ai longtemps été membre de collectivités autochtones, à titre d'anthropologue et par l'intermédiaire des relations de famille élargie. En saison, j'habite le long de la route des pleurs, dans le Nord de la Colombie-Britannique. J'ai perdu des personnes qui m'étaient très chères et j'ai souffert de voir de jeunes enfants être victimes d'actes de violence aux mains de membres de collectivités urbaines qui savent que ces enfants sont vulnérables; ils comptent sur l'indifférence des gens.
    Troisièmement, je crois que j'ai une connaissance approfondie de la question parce que j'ai récemment terminé dans des régions urbaines des recherches qui traitaient précisément de l'accueil que l'on fait aux femmes autochtones lorsqu'elles quittent les réserves et s'installent en milieu urbain. Au cours des 10 dernières années, j'ai été témoin de cette transition et de la réaction des collectivités urbaines lorsque des femmes autochtones — et plus précisément celles en provenance des réserves — emménagent dans leur quartier.
    Lorsque je me penche sur la violence, je suis préoccupée par la violence qui n'a pas lieu dans le cercle familial. Ce matin, on vous a beaucoup parlé de violence familiale. Cela m'inquiète et je veux vous parler aujourd'hui de la violence que les jeunes filles et les femmes autochtones subissent aux mains de personnes qui sont de l'extérieur de la collectivité. Le quartier Downtown Eastside — où j'ai déjà habité — est probablement l'exemple le plus probant de ce qui arrive aux personnes les plus vulnérables lorsqu'elles déménagent dans les villes.
    Un certain nombre de raisons expliquent pourquoi les femmes autochtones en milieu urbain sont si vulnérables. Nous devons nous rappeler que 72 p. 100 des femmes autochtones résident en ville. En fait, le taux de violence à l'égard des femmes est plus élevé dans les régions urbaines que dans les autres collectivités.
    Pour comprendre la violence en milieu urbain, à mon avis, nous devons nous attaquer aux principaux facteurs qui sont, en premier lieu, les attitudes, l'échec des pouvoirs publics et l'indifférence généralisée à l'égard des femmes autochtones. Il suffit de jeter un coup d'oeil à la tribune de presse vide ici pour constater à quel point l'indifférence règne.
    Leur absence, l'absence totale des médias — et je sais que ce n'est pas la seule fois où les médias ne se sont pas intéressés à vos travaux —, c'est de l'appauvrissement.
    Parlons maintenant des questions relatives aux pouvoirs publics. Ce matin, nous avons entendu comment il est très difficile et astreignant de maintenir l'ordre là où le taux de violence interpersonnelle est très élevé. En fait, nous savons que ceci peut mener à la désensibilisation, comme l'a indiqué le représentant de la police d'Edmonton. Mais la désensibilisation n'est qu'une partie du problème. La recherche sur l'interaction gouvernementale avec les collectivités — qu'il s'agisse de santé, d'éducation, du système correctionnel, des tribunaux, etc. — indique que les femmes autochtones sont discréditées. Nos recherches ont démontré à de très nombreuses reprises qu'elles ne sont pas perçues comme des citoyens à part entière. Cette attitude est reprise par les médias et diffusée sans cesse.
    Lorsque des femmes disparaissent sur l'autoroute 16, s'il s'agit d'une jeune femme blonde... comme le cas qui s'est produit récemment dans ma collectivité, où une de mes voisines a perdu un enfant, et la photo de cet enfant a été en première ou deuxième page de tous les journaux du pays pendant des jours. Au même moment, un des membres de ma famille élargie a été retrouvé mort, et le seul commentaire dans le journal était qu'elle a été retrouvée morte à un endroit où l'on retrouve habituellement des prostituées. Eh bien, merci quand même, mais c'est aussi l'endroit où je promène mon chien, où je joue avec ma petite-fille et où je m'adonne à d'autres activités familiales. On n'a jamais mentionné qu'il s'agissait d'un parc public. Son nom n'a pas été mentionné, ce qui démontre un problème grave dans les médias, dans l'éducation du public, et chez les pouvoirs publics qui ont ainsi qualifié la victime. Son nom ne s'est pas retrouvé dans les journaux. Fait intéressant, elle avait un lien de parenté avec une jeune fille qui a été sauvagement battue par un ancien juge de Prince George qui a imposé un régime de terreur aux femmes autochtones et à leurs filles pendant des années avant d'être traduit en justice.
    Enfin, je veux parler d'appauvrissement, qui existe à trois niveaux. Premièrement — et c'est le plus important —, il y a l'appauvrissement du Canada en raison du colonialisme, des préjugés et de la discrimination scandaleuse. Il s'agit d'un appauvrissement de l'imagination. Il y a un appauvrissement de la compréhension de ce qu'est la citoyenneté. Il y a une diminution de la reconnaissance du fait que les femmes autochtones ont contribué à l'édification du pays et peuvent continuer à le faire. Et il y a une baisse de l'empathie envers les personnes vulnérables.
    Il y a l'appauvrissement financier qui rend leur adaptation à la ville si difficile, alors qu'elle est si nécessaire. Je vais vous donner un exemple. Dans la ville où je fais une recherche sur une maison de transition, des femmes ont essayé de mettre sur pied une maison de transition pour aider les femmes d'une réserve située à proximité à avoir accès aux programmes d'éducation supérieure et à des programmes d'éducation pour les enfants. Elles ont été littéralement harcelées et chassées de la collectivité. Récemment, le maire de cette ville a dit: « Nous devons reprendre nos collectivités et nos parcs ». C'est une question d'attitude. Nous avons besoin de programmes d'éducation partout au pays, pour ainsi dire, et nous avons besoin de mesures gouvernementales pour sensibiliser la population en général.
    Merci.

  (0940)  

    Nous poursuivons avec Suzanne, du Memorial March for Missing and Murdered Women Calgary. Vous avez sept minutes.
    Je suis une femme crie et mohawk de la Première nation Michel. Mon nom colonial est Suzanne Dzus, et je suis la fondatrice de la Memorial March for Missing and Murdered Women Calgary. Je suis aussi coordonnatrice de programmes et animatrice pour la région visée par le Traité no 7.
    Notre organisme a, entre autres, les objectifs suivants: sensibiliser les gens de Turtle Island et honorer les femmes qui nous ont été enlevées beaucoup trop tôt. Ce matin, j'ai demandé au Créateur et à mes grand-mères de se joindre à nous aujourd'hui pour que je puisse dire ce qui doit être dit, mais aussi pour aider le comité à entendre ce qui doit être fait pour que des changements se réalisent vraiment.
     La majeure partie de ce que je sais je l’ai appris grâce aux histoires que des familles et d’autres femmes m’ont racontées, ainsi que par ma propre expérience. Les histoires comportent beaucoup d’éléments semblables: le manque d’éducation et d’accès à des services adéquats, le racisme, la normalisation de la violence, des agressions sexuelles et le fait qu’elles aient acquis un caractère acceptable. Ces facteurs peuvent exister à divers degrés, mais ils sont devenus totalement désastreux pour la plupart des jeunes filles.
     L’inquiétude éprouvée par nos enfants qui a débuté avec la rafle des années 1960 est toujours ressentie aujourd’hui. Nos enfants sont marginalisés et, en outre, les médias nous bombardent continuellement d’images qui non seulement déshumanisent nos femmes, mais les sexualisent à un âge extrêmement précoce. Tous ces éléments sont contrôlés par l’État canadien et l’ont toujours été.
     Il n’y a rien de nouveau dans ce que je vous expose aujourd’hui. Vous connaissez déjà ces faits que bon nombre de gens vous ont relatés bien avant moi. Par exemple, il y a eu la Commission royale sur les peuples autochtones en 1966 et le rapport intitulé On a volé la vie de nos soeurs publié par Amnistie internationale en 2004. Ils en disent long sur les causes profondes de la violence à l’endroit des femmes autochtones.
     La société et des organismes gouvernementaux comme la GRC continuent d’appuyer le racisme et le sexisme que nos femmes subissent quotidiennement. Lorsque l’organisation qui est chargée de nous protéger manifeste un mépris total de notre sécurité et de notre bien-être, comment l’effet d’entraînement que ce comportement a sur notre société pourrait-il ne pas être préjudiciable à nos femmes autochtones?
     Je ne crois pas que votre comité ait besoin d’autres renseignements. Il faut qu’il passe à l’action et qu’il cesse de contribuer à la victimisation continue des femmes autochtones. Je vous demande donc aujourd’hui de vous engager à inciter le gouvernement à procéder à de véritables changements. Si cette étude ne fait que proposer des solutions de fortune, nous aurons perdu notre temps et notre énergie.
     Premièrement, il faut que tous les services de maintien de l’ordre soient tenus responsables de la façon dont ils gèrent les enquêtes sur la disparition ou le meurtre de toute femme autochtone. Il n’est plus acceptable de dire: « Désolé, nous avons mené cette affaire maladroitement. » Les excuses présentées dans le cadre de l’affaire Pickton étaient aberrantes. Le fait que Robert Pickton ait été en mesure de poursuivre ses activités pendant de si nombreuses années en dit long sur le manque de respect et le manque… le mot m’échappe, mais cela démontre que nos systèmes de maintien de l’ordre sont disposés à considérer les Autochtones et les femmes autochtones comme des citoyens de second ordre et à les représenter comme tels. Toutes nos collectivités partout au pays en subissent les conséquences. Ce n’est pas une nouvelle constatation et, si vous parlez aux femmes autochtones dans la rue, elles en sont conscientes et vous le diront. Elles ne s’adressent pas aux membres de la police, car c’est auprès d’eux qu’elles s’exposent à la plus grande discrimination. Je les ai entendues dire qu’elles ne feraient pas appel à eux. Il leur est plus facile de gérer la situation par elles-mêmes que de les appeler et d’être ignorées de nouveau.
     Deuxièmement, il faut que les délinquants soient tenus responsables des actes de violence commis à l’endroit des femmes et que les paramètres de la violence et sa description tiennent vraiment compte des mauvais traitements qu’elles subissent. La violence faite aux femmes ne se limite pas aux coups, aux gifles, aux morsures, aux blessures par balle, aux raclées et aux viols. Elle comprend également les mots que nous utilisons à leur égard et la façon dont nous les décrivons. C’est au mépris de leur vie humaine qu’il faut s’attaquer.
     Enfin, les services offerts doivent tenir compte des vrais besoins des femmes autochtones du Canada, qu’elles vivent dans des villes ou des milieux ruraux. Je vous demande aujourd’hui d’aller de l’avant et de pousser pour que vrais changements soient apportés.
    Hai, hai.

  (0945)  

     C’est au tour de la GRC.
     Vous avez reçu beaucoup de décorations. Avez-vous un grade?
     Oui, j’en ai un. Je m’appelle Mike Sekela et je suis surintendant principal. En ce moment, je suis l’officier responsable des enquêtes criminelles du Manitoba, mais je crois qu’on m’a invité parce que je suis l’un des cofondateurs du projet KARE et son chef d’équipe, ainsi que le chef d’équipe du Projet des personnes disparues à risque élevé qui a été créé en 2002. En outre, je fais partie du groupe de travail du comité de coordination des hauts fonctionnaires sur les cas de femmes disparues et assassinées en plus du groupe de travail de l’Association canadienne des chefs de police pour l'élaboration d'un programme national des personnes disparues.
     J’ai présenté au comité un document qui entre dans les détails. Toutefois, après avoir observé les délibérations du comité au Manitoba, je me suis rapidement rendu compte que je n’aurais pas le temps d’exposer tous ces renseignements, alors je vais vous en présenter une version abrégée. Le document est disponible dans les deux langues officielles.
     Je vais vous expliquer en quoi consiste le projet KARE. C’est une initiative menée par la GRC et née d’une opération policière conjuguée entre plusieurs services de police de différents ressorts territoriaux et appelée le Projet des personnes disparues à risque élevé. Le projet KARE compte pour partenaire permanent le service de police de la ville d’Edmonton et bénéficie également des prêts de service de la majorité des autres organismes d’application de la loi de l’Alberta.
     Le projet KARE, qui constitue la troisième étape du Projet des personnes disparues à risque élevé, a non seulement été créé pour donner suite au travail effectué au cours des deux premières étapes, mais également pour répondre de manière préventive au climat qui régnait dans notre pays à la suite de plusieurs cas hautement médiatisés de tueurs en série, dont ceux de Robert Pickton et de Paul Bernardo.
     Le projet KARE a quatre objectifs. Chose intéressante, le premier, qui constitue une amélioration continue du service à la communauté, consiste à élaborer et à mettre en oeuvre des stratégies permettant de minimiser les risques pouvant entraîner la mort de personnes à risque élevé.
     Le deuxième, qui représente également un service offert à la communauté, est de mener des enquêtes dans le but d'identifier et d'appréhender le ou les individus responsables des meurtres de personnes à risque élevé. Cette catégorie de personnes est composée surtout de travailleuses du sexe établies principalement à Edmonton.
     Le troisième objectif, qui constitue une amélioration des communications et de la coopération entre services de police, consiste à mettre sur pied, en Alberta, un groupe intégré d'enquête sur les homicides qui aurait la capacité d'enquêter sur les personnes disparues à risque élevé, les homicides non résolus et les tueurs en série.
     Le quatrième objectif formulé est directement lié à la mise sur pied d’approches créatives et novatrices permettant de promouvoir la qualité et l'excellence en matière d'application de la loi et à la création d’un modèle fondé sur des pratiques exemplaires utilisable dans d'autres projets semblables, que ce soit à l’échelle locale, provinciale, nationale ou internationale. Des exposés sur le modèle du projet KARE et ses activités ont été donnés à tous les principaux services de police de l’Alberta ainsi qu’à beaucoup d’autres groupes policiers ou non policiers du Canada et d'ailleurs.
     L’objectif du Projet des personnes disparues à risque élevé visait à repérer, réunir, évaluer et analyser tous les cas de personnes disparues à risque élevé et les cas d’homicides non résolus en Alberta. L’objectif a été étendu à la région afin de découvrir des liens potentiels entre les dossiers. Le projet a été divisé en trois étapes.
     La première étape comprenait la collecte et le regroupement des dossiers. La deuxième étape consistait à analyser les résultats afin de déterminer si l'on avait affaire à un ou plusieurs tueurs en série. Cela demandait d’utiliser le SALVAC — le Système d’analyse des liens entre les crimes de violence — ainsi que d’effectuer une double analyse des cas pour déceler l'existence de tout lien.
     Un nombre important de constatations ont été documentées, allant des cas définitivement liés, à ceux potentiellement liés, en passant par les cas comprenant des éléments similaires. Les deux premières étapes ont entraîné la nécessité de mettre en oeuvre une étape liée aux enquêtes, c’est-à-dire la troisième étape ou le projet KARE.
     Plusieurs approches créatives et novatrices ou plusieurs pratiques exemplaires favorisant la qualité et l’excellence dans le domaine de l’application de la loi ou d’autres domaines ont été créées ou utilisées dans le cadre du projet KARE. Plusieurs partenariats avec des organismes non gouvernementaux, des services de police, des organismes gouvernementaux, des groupes autochtones ou des membres des Premières nations, des établissements d’enseignement, des intervenants et des clients ont été renforcés tandis que de nombreux autres ont été établis avec des organismes comme l’Institute for the Advancement of Aboriginal Women, représenté par Mme Muriel Stanley Venne, et la Prostitution Awareness and Action Foundation of Edmonton, représentée par Mmes Kate Quinn et Kathy King. Nous avons également collaboré à un projet de recherche mené par Mme Sandra Lambertus et intitulé « Project Lifeline: Addressing Violence Perpetrated Against Aboriginal Women in Alberta ».
     Voici seulement quelques exemples d’initiatives auxquelles le projet KARE a pris part. Il y a d’autres exemples d’idée novatrice comme l’Équipe sur le terrain qui est liée au premier objectif, à savoir minimiser les risques que d’autres personnes à risque élevé soient assassinées.

  (0950)  

    Il y a un système de diffusion d’envergure, des services d’assistance aux victimes, un plan de relations avec les familles et un site Web des personnes disparues de l’Alberta et des restes humains non identifiés. J’offre aussi deux ateliers distincts sur les pratiques exemplaires internationales. Les améliorations apportées grâce au site Web des personnes disparues de l’Alberta et des restes humains non identifiés et à l’Équipe sur le terrain sont celles qui ont le plus rapport aux audiences d’aujourd’hui. Je pense qu’en améliorant la communication au sein de notre organisation et entre les divers organismes, nous avons établi un précédent.
     En conclusion, je crois que le projet KARE est un excellent exemple de la façon dont nous avons amélioré continuellement les services à la collectivité et dont nous continuons à les améliorer lorsque nous nous attaquons à ces enjeux d’une importance primordiale.
     Je vous remercie de nouveau de m’avoir permis de vous adresser la parole aujourd’hui. Je répondrai de mon mieux à toutes les questions que vous pourriez souhaiter poser.

  (0955)  

     Nous allons maintenant passer aux représentantes de Stolen Sisters Awareness Walk and Movement. Vous disposez de sept minutes.
     Bonjour à tous. Je m’appelle April Eve. Mon nom traditionnel est Medicine Spear Dancer. Je fais partie de la Première nation crie Mikisew qui se trouve à environ 1 000 kilomètres au nord d’Edmonton. Je suis la mère d’une magnifique petite fille de neuf mois. Je suis également la fondatrice de l’Edmonton Stolen Sisters Awareness Walk.
     Je vais vous fournir quelques renseignements généraux à ce sujet. En 2007, les milliers de femmes autochtones tuées ou portées disparues au Canada ont entraîné la formation d’un petit groupe de citoyens préoccupés. Nous avons amorcé un mouvement populaire qui a abouti à une marche annuelle, la Stolen Sisters Awareness Walk. Nous ne sommes pas financés par le gouvernement ou des entreprises. Nous ne sommes qu’un groupe communautaire de bénévoles constitué de gens ordinaires. Bon nombre d’entre nous, dont moi-même, ont perdu des membres de leur famille qui ont été assassinés ou portés disparus.
     Bon nombre d’entre nous ont vécu des expériences communes qui englobent diverses formes de mauvais traitements, d’exploitation, etc., mais nous ne sommes pas des victimes. Nous sommes des survivants. Nous reconnaissons que tous les cas de meurtre ou de disparition de femmes sont importants. Mais le fait est qu’au Canada, au sein de nos collectivités, il y a des prédateurs qui s’attaquent précisément à nos femmes et à nos enfants.
     Les statistiques sont éloquentes. Voici quelques-unes des conclusions actuelles que les études menées par l’Association des femmes autochtones du Canada ont permis de tirer. Je suis sûre que certains d’entre vous connaissent déjà ces conclusions, mais il est important de reconnaître la dure réalité de la violence visant les femmes et les enfants autochtones. Les femmes autochtones, âgées de 25 à 44 ans, sont cinq fois plus susceptibles de mourir d’une mort violente que les autres Canadiennes du même groupe d’âge. Nous sommes victimes d’actes de violence perpétrés par des délinquants tant autochtones que non autochtones. En outre, nos femmes signalent qu’elles subissent des formes de violence familiale plus graves et plus potentiellement mortelles que les femmes non autochtones, comme le fait d’être étranglées, battues, menacées à l’aide d’une arme à feu ou d’un couteau, ou agressées sexuellement. Les femmes et les jeunes filles autochtones risquent davantage de devenir des sans-abri. Nous sommes plus susceptibles d’être assassinées par un étranger que les femmes et les jeunes filles non autochtones. La plupart des cas signalés de femmes autochtones tuées ou portées disparues touchent des jeunes femmes ou des jeunes filles. Bon nombre d’entre elles ont des enfants. La plupart de ces cas se produisent dans des milieux urbains, et près de la moitié d’entre eux ne sont toujours pas résolus. Au sein de notre groupe, nous croyons qu’il y a un lien étroit entre la traite des personnes au Canada et ces cas de meurtre ou de disparition de femmes et d’enfants.
     La mission de l’Association des femmes autochtones du Canada est de contribuer à l’autodétermination des femmes. Ses membres signalent qu’il faut apporter des changements pour accroître la sécurité des femmes et des jeunes filles autochtones et pour les rendre moins vulnérables. Elles croient que la violence faite aux femmes autochtones prendra fin lorsqu’on leur accordera de nouveau la position sacrée qu’elles occupaient en tant qu’enseignantes, guérisseuses et sources de vie, et nous sommes entièrement d’accord avec elles. À l’aide de la Stolen Sisters Awareness Walk, nous nous efforçons de faire notre part pour sensibiliser les gens à cette question et pour faire entendre la voix de ces femmes et de ces enfants dont la vie a été fauchée, qui ont été exploités sexuellement ou qui sont toujours portés disparus. Je tente à ma façon de rompre le cycle de la violence familiale, du racisme, et de la toxicomanie.
    Depuis quelques années, nous soutenons que nous voulons faire preuve davantage d'initiative par rapport à ces causes et que nous souhaitons rassembler des organismes et des personnes qui mènent des projets semblables. Je suis donc fière de partager ce qui suit avec vous, au nom de l'Aboriginal Women's Professional Association; de la ville d'Edmonton et de son comité de dénomination; de la Prostitution Awareness and Action Foundation of Edmonton; de la Memorial March for all the Missing and Murdered Women of Edmonton; de la Stolen Sisters Awareness Walk; de la Boyle Street Community League; de l'Edmonton Community Foundation; de Karen Leibovici, Ben Henderson, Linda Sloan et Kim Krushell, conseillers municipaux d'Edmonton; du maire d'Edmonton, Stephen Mandel; et, enfin — la dernière, mais non la moindre —, de l'honorable Rona Ambrose, ministre de la Condition féminine.
    Ensemble, nous avons créé notre propre comité, dont le mandat était de donner à une avenue du centre-ville d'Edmonton un nom honorifique visant à rendre hommage à toutes les femmes disparues et assassinées. Le groupe a choisi le nom « chemin O Kisikow », qui signifie « ange » en cri. On emploiera en outre de l'écriture syllabique pour rendre le terme o kisikow afin de célébrer l'usage passé et présent de la langue crie. De plus, le comité de dénomination de la ville d'Edmonton a donné son appui à la demande qu'une plaque accompagne la signalisation dans le but de sensibiliser les gens en ce qui touche le chemin O Kisikow (Ange).
    Le chemin O Kisikow sera baptisé et la signalisation dévoilée en mai 2011. Cette initiative répond à la demande de la ville d'Iqaluit, au Nunavut, la première ville canadienne à nommer une rue « Ange ». Iqaluit encourage toutes les capitales canadiennes à faire de même afin d'honorer toutes les femmes qui ont été victimes de violence. Nous sommes fiers de déclarer qu'Edmonton est maintenant la deuxième.
    Merci de nous avoir permis d'être des vôtres aujourd'hui. Nous espérons que le gouvernement fédéral approfondira les recherches sur les liens possibles entre la traite intérieure de personnes et les femmes et les enfants disparus et assassinés. Nous aimerions aussi qu'un message d'intérêt public soit diffusé à la télévision peut-être partout au pays afin de sensibiliser l'ensemble de la population aux dangers qu'affrontent les femmes et les filles autochtones.
    Merci.

  (1000)  

    Merci, April. Bon travail.
    Nous allons maintenant passer à une série de questions de sept minutes. Tentez de répondre brièvement. Je vais vous interrompre si vous excédez votre temps de parole.
    Je cède d'abord la parole à Anita, du Parti libéral. Elle va vous poser des questions.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins de leur présence.
    Nous nous déplaçons et nous tenons des audiences, et comme nous pensons avoir tout entendu ou savoir ce qui se passe, nous assistons à une autre séance, où nous en apprenons davantage et découvrons différentes perspectives. Je vous remercie donc chaleureusement de votre présence et de vos témoignages.
    Ma deuxième question, que je poserai après, portera sur l'Association des femmes autochtones et sur les Soeurs par l'esprit. Ce sera ma deuxième question.
    Je ne veux pas m'en prendre à vous, monsieur, mais je vais me concentrer sur la police, car ce thème a été soulevé à de nombreuses reprises au fil de nos audiences; on vient tout juste d'en parler, aujourd'hui même. Nombre de femmes autochtones, qu'elles soient jeunes ou moins jeunes, ont peur de s'adresser à la police. Comme je l'ai dit au groupe de témoins précédents, des femmes d'une collectivité où je me suis rendue, dont la population est probablement de 30 000 personnes, étaient réunies et m'ont dit qu'elles ne se donnaient même plus la peine d'y avoir recours. Elles ne sentent pas que la police offre de la protection. Elles ne se sentent pas protégées.
    Vous êtes donc ici, vous travaillez à un projet et vous avez un modèle pour les femmes disparues, et nous demandons tous une enquête sur les femmes autochtones disparues et assassinées. Or, ce qui m'intéresse vraiment, c'est de savoir ce qui se passe au sein de la GRC et pourquoi, selon vous, les femmes ont peur de s'adresser à elle et de signaler ce qu'elles vivent. Le problème ne se limite pas à une collectivité; il rappelle une maladie.
    Dans le cadre du projet KARE, nous avons l'équipe sur le terrain. J'ai expliqué le premier objectif, à savoir réduire le plus possible le risque de voir d'autres personnes à risque assassinées, et cela comprend les femmes autochtones, mais également toutes les personnes à risque élevé.
    Nous avons un taux de conformité de 90 p. 100 concernant les inscriptions auprès du projet KARE, ce qui signifie que plus de 900 personnes à risque élevé ont volontairement communiqué l'information les concernant, viennent à la police et interagissent par l'intermédiaire d'un endroit comme PACE, la société John Howard, Crossroads, et, en fait, prennent contact avec nous. C'est pourquoi ce projet représente une occasion unique dans l'univers des enquêtes policières, pour bâtir cette confiance. À mon avis, c'est une question de confiance et nous allons sur place avec l'équipe sur le terrain, l'élément non policier du projet KARE, ce qui est très intéressant également, et nous parlons aux personnes à risque élevé, recueillons les renseignements les concernant et elles font partie du projet.

  (1005)  

    Je comprends cela, mais c'est à Edmonton. Nous sommes allés dans des collectivités. Nous étions à Williams Lake il y a un ou deux jours et nous avons entendu des histoires d'horreur en ce qui concerne l'intervention ou la non-intervention des forces policières. Partout où nous sommes allés, nous avons entendu dire que les femmes ont peur d'aller voir la police.
    Ce que vous faites est bien et c'est quelque chose de proactif, mais cela n'est pas répété partout dans l'Ouest du Canada. Est-ce que nous reproduisons KARE? Que faisons-nous pour créer un environnement dans lequel les femmes savent que les forces policières sont là pour les appuyer, non pas pour les dénigrer, non pas pour les déprécier, non pas pour minimiser leur expérience, non pas pour les rabaisser en tant que personne? Que faisons-nous ou que faites-vous?
    Je fais des observations sur ce que nous faisons et sur ce à partir de quoi nous pouvons bâtir, quelque chose comme KARE. Je ne dis pas qu'il faut reproduire le projet KARE partout au pays, mais quelque chose de cette nature, où l'on bâtit la confiance chez les femmes autochtones, chez toutes les personnes, peu importe leur groupe ethnique.
    Dans ce grand pays qui est le nôtre, chacun des différents services de police devrait avoir une solution semblable sur laquelle il peut bâtir la confiance. Vous devez bâtir cette confiance. Vous devez être en mesure de montrer ce que vous faites et de traiter tout le monde avec respect et dignité, peu importe, encore une fois, s'il s'agit de femmes autochtones, de personnes de race blanche ou quoi que ce soit d'autre, et l'éducation est un point de départ, éduquer aussi bien les policiers que le public.
    Vous occupez un poste de cadre.
    Oui, effectivement.
    À quels genres d'initiatives, d'instructions, d'activités avez-vous recours pour transmettre ce message — vous êtes au Manitoba et je connais bien le Manitoba — dans un détachement rural qui comporte une importante population autochtone pour créer un environnement où les femmes se sentent à l'aise de vous contacter? Je peux nommer n'importe quelle collectivité là-bas.
     Au Manitoba, nous rencontrons chacun des jeunes agents. Nous appelons cela des causeries au coin du feu. Nous livrons notre message, le commandant et moi, à titre d'agent de la police criminelle, à savoir que tout le monde doit être traité avec dignité et respect. En fait, je sors de mon bureau et je travaille avec eux dans l'auto-patrouille, leur parlant sur une base individuelle, et également en prenant la parole à toutes les occasions, à toutes les occasions de formation, à toutes les occasions d'éducation, pour transmettre le message que tout le monde doit être traité avec respect et dignité.
    Avez-vous des résultats?
    Je dois dire que oui. Je dois revenir à mes antécédents ici en Alberta, dans le cadre du projet KARE. Oui nous en avons. Lorsque nous avons un taux de conformité de 90 p. 100, dont 60 p. 100 chez les Autochtones, je me sens à l'aise de dire que nous faisons quelque chose et que nous avons des résultats. Est-ce suffisant? Je l'ignore. Nous devons continuer nos efforts; nous devons nous efforcer de faire encore mieux.
    Très bien. Merci.
    Très bien. Nous allons maintenant donner la parole à Mme Demers.
    Madame Demers.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie beaucoup nos témoins d'être parmi nous ce matin.
    Monsieur Sekela, malheureusement, je vais aussi m'acharner sur vous. En effet, il semble que vous soyez le seul du groupe à croire que les choses vont bien. Vous êtes confiant à l'égard du travail que vous faites, mais ce dont Mmes Dzus, Wiberg et Fiske nous font part est très différent de ce que vous dites.
     Dans le cadre des 82 cas que vous avez étudiés, avez-vous trouvé des coupables? Les équipes d'enquêteurs sur le terrain ont-elles permis d'éviter des disparitions et des meurtres de femmes autochtones? Ont-elles permis de trouver des coupables dans le cas de ces femmes disparues? Les outils que vous avez développés ont-ils permis d'arriver à des résultats plus rapidement? Mme Fiske nous a raconté l'histoire d'une femme autochtone qui avait été trouvée morte. Est-ce que ces outils ont permis de trouver le coupable du meurtre de cette femme plus rapidement?

  (1010)  

[Traduction]

    Je peux dire que nous avons effectivement réussi pour ce qui est de notre deuxième but et objectif, qui consistait à mettre en oeuvre des stratégies pour arrêter la personne ou les personnes responsables.
    Thomas Svekla a été condamné pour meurtre et il est maintenant déclaré délinquant dangereux. Une autre affaire mandatée par le projet KARE, mettant en cause M. Joseph Laboucan, qui a assassiné une jeune femme, Nina Courtepatte, est actuellement devant les tribunaux. Comme il y a une autre accusation liée à l'homicide, je ne peux pas parler avec force des détails de l'affaire. Mais nous avons bel et bien réussi pour ce qui est du deuxième but dans le cadre du projet KARE.
    Pour revenir au premier but, je peux vous dire que j'ai posé la même question en juin: Produisons-nous des effets positifs? L'équipe sur le terrain fait-elle autre chose que d'atteindre un taux de conformité de 90 p. 100? Les données recueillies ont ensuite révélé que 43 personnes enregistrées comme étant à risque élevé ont été retrouvées après qu'on ait signalé leur disparition aux responsables du projet KARE. De ce nombre, nous en avons aidé 39 qui souffraient de troubles mentaux à sortir de la rue et, d'après nos dossiers, 54 personnes ont quitté la rue depuis longtemps.
    Je répète que nous n'agissons pas seuls. Il s'agit d'une initiative intégrée faisant intervenir divers paliers de gouvernement et organismes. Ce que nous faisons avec les 900 personnes enregistrées et plus et avec le programme... Le programme de l'équipe sur le terrain du projet KARE a pris de l'expansion et a été mis en oeuvre dans des endroits comme Red Deer, Fort McMurray et Grande Prairie. D'autres organismes dans l'Est sont intervenus également... J'aimerais passer en revue ce matériel. Je sais qu'ils l'ont fait. Si je me souviens bien, je pense que c'était la police régionale de Peel. Toronto compte désormais un programme semblable.
    Y a-t-il autre chose que nous puissions faire? Je ne me contenterai pas de dire non. Nous pouvons toujours faire plus. Si nous cessons de chercher à progresser, il n'y a aucune raison d'être ici, mais il s'agit là de l'incidence mesurable que nous avons eue.

[Français]

    Merci.
    Madame Dzus, pouvez-vous confirmer ce que dit M. Sekela?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Non? Vous n'avez pas noté d'impact dans les rues?

[Traduction]

    Dans la région de Calgary, je peux dire que nous avons bel et bien constaté l'incidence du projet KARE. Le nombre de femmes avec qui j'ai communiqué, qui sont disposées à parler avec les policiers, n'a aucunement augmenté.

[Français]

    Est-ce que ce projet a cours à Calgary également?

[Traduction]

    Non.
    Je crois savoir que des membres du Service de police de Calgary sont venus récemment. Là encore, vous devez comprendre que j'ai été parti pendant neuf mois... pendant 14 mois, j'ai travaillé pour les Olympiques, et je suis maintenant au Manitoba. Je communiquais toutefois avec eux. Les membres du Service de police de Calgary sont intéressés et sont venus, et ils ont observé comment fonctionne le registre de l'équipe sur le terrain. Ont-ils commencé les travaux? Je ne peux pas me prononcer à ce sujet.

  (1015)  

[Français]

    Madame Dzus, vous nous avez dit que le temps était venu de passer à l'action, et je vous crois. C'est vrai. Que voulez-vous au juste en termes d'action?

[Traduction]

    Quand je regarde ce qui doit être fait dans la région assujettie au traité n7 et la province de l'Alberta pour que nous puissions voir une différence, et le fait qu'un nombre considérable de femmes choisissent de ne pas parler du tout à la police... Une confiance doit être établie et elle doit venir d'en haut; il le faut. Je ne vois pas d'autres façons de décrire la situation sans dire que ce doit être mandaté.
    Quand je discute avec des femmes autochtones et des employés du service de police municipal de Calgary, on me dit sans cesse que le racisme que l'on retrouve dans cette organisation provient en grande partie des hauts dirigeants. Certains de leurs employés affirment que s'ils soulèvent un problème, on leur dit très clairement qu'ils se retrouveront au bas de l'échelle en un rien de temps. Ils doivent choisir entre garder leur emploi ou poursuivre leurs démarches et déposer une plainte contre leurs supérieurs relativement à des actes de racisme au sein de la police. Quand je vois ce genre de situation, je sais que des changements s'imposent.
    Nous nous sommes également penchés sur... Je parle aux femmes et à leurs familles, et je constate l'appauvrissement, comme l'a mentionné Jo-Anne. Un nombre important de femmes autochtones qui vivent dans les centres urbains ne savent pas du tout comment accéder aux services. Des services peuvent être en place, mais ils ne sont pas accessibles pour ces femmes. Si elles ignorent qu'ils existent, ces services sont complètement inutiles, et c'est un gros problème. Il faut que les services soient appropriés.
    Nous cherchons à guérir ces femmes. Entre les pensionnats indiens et la rafle des années 1960, où l'on a arrêté des enfants et on a retiré des enfants de leur foyer de façon permanente... Là encore, je parle de la destruction des cellules familiales. On détruit les unités familiales. Sans soutien, ces familles ne pourront jamais s'épanouir. Elles ne pourront jamais devenir complètes et saines de nouveau.
    Je regarde ma famille, et elle est très fragmentée. Elle est tellement fragmentée. J'ai huit tantes. Elles ont toutes été violées, plus d'une fois, et c'était correct car c'est monnaie courante. Vraiment? Est-ce qu'il doit en être ainsi? Quand nous parlons de ce genre de données acceptables... Ma fille a 15 ans, et si tout se déroule comme je l'entends, elle ne sera jamais violée, jamais, car ce n'est pas acceptable, et c'est ce que je vous demande: que ces actes de violence ne soient plus acceptables.
    Mme Grewal est la suivante. Vous avez sept minutes.
    Merci madame la présidente.
    Après avoir entendu ici... Je ne sais ni où commencer ni où finir. Je ressens de la douleur à l'écoute de vos histoires. Aucun être humain ne devrait vivre dans la peur. La violence contre les femmes autochtones est une très grave question qui mérite une grande attention.
    Permettez-moi de vous rassurer, notre gouvernement considère que l'élimination de la violence contre les femmes autochtones est une priorité absolue. Toutefois, il s'agit là d'un problème qui est de la responsabilité de tous les ordres de gouvernement, que ce soit la police, le système judiciaire, les peuples autochtones ou l'ensemble de la société civile
    Il a déjà été dit en comité que la question de la juridiction devait être réglée et qu'il fallait déterminer qui est responsable de fournir les services. Il est important que le gouvernement fédéral définisse une vision pour tous les Canadiens et qu'il établisse des principes directeurs qui aideront tous les intervenants à trouver une solution à ce terrible problème.
    J'ai une question pour chacune d'entre vous. Que pouvez-vous suggérer qui puisse aider le gouvernement à s'attaquer à la violence contre les femmes autochtones?
    Commençons par Jo-Anne.

  (1020)  

    Merci.
    Je pense qu'il est vraiment important et je prendrai en exemple la position de la police. Je veux rappeler au comité que la police n'est pas le seul exemple, mais ses représentants sont ici aujourd'hui, et nous accordons généralement une importance toute particulière à ceux qui sont parmi nous.
    À mon sens, quel que soit les efforts que déploiera Mike pour aborder les problèmes à tous les échelons de la GRC, il ne réussira pas parce qu'il demande à ses membres une personnalité et un comportement tout à fait contraires à l'attitude du public et à la socialisation auxquelles ont affaire ces membres. Quand ils sont affectés dans les petites communautés au nord de la Colombie-Britannique, ils vont se retrouver seuls s'ils ne peuvent pas entretenir des relations avec la collectivité dominante qui les entoure. Et si cette collectivité dominante est carrément raciste et discriminatoire envers les femmes autochtones et qu'elle les méprise, il devient extrêmement difficile pour ces agents, affectés à ces postes pour de très courtes périodes, de garder toute objectivité.
    Alors, que peut faire le gouvernement? Je pense que tout d'abord le gouvernement doit faire une très bonne campagne de sensibilisation aux droits des femmes autochtones. Il doit lancer une campagne très appuyée comme l'excellent exemple que l'on vient de nous citer, streets of angels, mais que ce soit une campagne qui va encore plus loin afin de régler les problèmes graves de parti pris, de préjugé et de vulnérabilité. Une campagne qui reconnaît que les femmes autochtones sont des citoyens qui contribuent et qui méritent une protection totale de la part de tous les ordres de gouvernement.
    Je ne serais pas aussi désespérée si ma recherche montrait que ce dilemme n'existe que chez la police, mais on le retrouve à tous les ordres de gouvernement. Toutes mes recherches sur l'éducation, le jeu, la santé, etc., montrent que les mêmes problèmes existent partout. Les femmes autochtones sont discréditées à tous les niveaux, leur citoyenneté leur est refusée. Il faut des programmes de sensibilisation du public.
    Les membres du gouvernement devraient intervenir chaque fois que les médias font des reportages ou des articles à sensation sur les travailleuses du sexe. Cette instantanéité à dire que des mères, des grand-mères, des tantes et des filles sont des travailleuses du sexe ou des personnes à risque doit cesser. Dès que cette réputation est faite, la grande majorité du public est alors d'avis que ces femmes ont été tuées parce qu'elles le méritaient.
    Il n'y a qu'à rouler, même très brièvement sur la route 16, la « route des pleurs » pour s'en rendre compte. Mes voisins ont perdu très récemment leur enfant, un enfant caucasien blond. La presse n'a, nulle part, mis en question la dignité et l'intégrité de cette famille. Les personnes chargées de l'enquête sur la disparition des deux femmes autochtones — on en a retrouvé une assassinée moins de 24 heures après la découverte de la jeune fille — ont été retirées des autres affaires bien que l'arrestation concernant la première jeune fille se soit déroulée au moment même où son corps était découvert. Les autres enquêtes des deux femmes ont été abandonnées.
    Il faut que le gouvernement répète sans cesse un message clair et cohérent à tous les niveaux de tous les services car les femmes ne craignent pas seulement la police. Elles ont peur d'aller dans les hôpitaux de crainte d'être signalées à la police; elles ont peur des travailleurs des services sociaux; elles ont peur de faire une demande un permis de conduire de crainte qu'une infraction au code de la route inscrite dans leur dossier de conduite n'attire sur elles l'attention de la police. L'omniprésence de la discrimination systémique fait qu'elle vivent dans la peur.

  (1025)  

    Vous avez une minute.
    Bien.
    Suzanne.
    Je crois que Jo-Anne s'exprime très bien et sur beaucoup de sujets.
    J'ai entendu dire que des femmes n'iront pas dans des refuges parce qu'elles n'y sont plus en sécurité. Quand j'ai appris cela, je devais savoir ce qu'elle fait de consistant dès le départ, du haut de l'échelle; le message doit être clair à tous les niveaux.
    Je fais la même chose, en tant que parent, j'interdis que l'on dise des grossièretés chez moi et je dois non seulement montrer l'exemple mais aussi veiller à ce que cet interdit soit respecté. Le gouvernement du Canada doit montrer l'exemple pour éliminer le racisme, le sexisme et la marginalisation des femmes autochtones. Le gouvernement doit servir de modèle et s'assurer que son exemple est suivi à tous les niveaux — du vôtre au mien — afin d'aboutir à des résultats positifs.
    La parole est au NPD, à Mme Crowder.
    Vous avez sept minutes.
    Merci madame la présidente.
    Merci à tout le monde d'être venu.
    Mes questions seront dans le même ordre d'idées que celles de Mme Grewal.
    Je ferai tout d'abord une petite observation. La majorité d'entre nous peut parler de la discrimination endémique qui existe dans les institutions — écoles, hôpitaux, système judiciaire et services sociaux — et je pense que nous pouvons tous rapporter les expériences horribles vécues par nos amis, notre famille et nos proches quand ils ont eu affaire aux institutions.
    Madame Fiske, vous avez commencé par souligner certaines choses qui vous paraissent importantes. Manifestement, le leadership du gouvernement est absolument essentiel à tous les ordres de gouvernement.
    Mme Wiberg n'a pas eu l'occasion de répondre à cela.
    Nous reconnaissons tous la nécessité d'accorder aux Premières nations, aux Métis et aux Inuits des ressources et un soutien importants. Il faut aussi des campagnes de sensibilisation à leur culture. Je crois que nous sommes d'accord sur ce point. Mais, tant que nous ne prendrons pas des mesures visant la communauté non autochtone, il sera très difficile de lancer le processus de guérison car quelque soit le degré d'amélioration de la situation dans les communautés nous continuerons à nous heurter quotidiennement à ces institutions — et les gens se renforceront en rejetant cet état de fait.
    Selon vous, que faut-il faire à l'égard de la communauté non autochtone? Deux ou trois suggestions.
    Merci.
    J'ai grandi dans une région rurale de la Saskatchewan. Ma soeur et moi étions les seules enfants autochtones de toute l'école. Je pense — et ma soeur s'accordera à le dire — qu'il y avait beaucoup de racisme, non seulement de la part des enfants à l'école mais aussi de la part des enseignants. Je crois qu'il serait bon de commencer par exposer les enfants à la culture autochtone dès le début de leurs études.
    Je sais aussi que des organisations d'Edmonton ont mentionné une sorte de projet pilote pour aider les victimes autochtones. Étant donné qu'un grand nombre d'Autochtones vivent dans des zones urbaines, la mise en place dans les grandes villes, pour commencer, de services d'aide aux victimes autochtones permettraient de combler l'écart qui existe entre la communauté autochtone et les services de police.
    Mais, lorsqu'on mentionne tous les ordres de gouvernement, je crois que l'on oublie très souvent les gouvernements des Premières nations qui devraient, eux aussi, rendre des comptes. Les organisations non autochtones ne devraient pas être les seules à être tenues responsables. Cette responsabilité doit vraiment commencer à la maison, dans les écoles et dans nos communautés.
    Je vous remercie.
    Madame Dzus, avant de vous poser une question, je voudrais que vous continuez à nous parler de cette question de votre point de vue. Vous avez déjà indiqué certaines choses qu'il faudrait faire au plan de la sensibilisation. J'ai une petite observation. Je tiens à rappeler que les personnes qui disparaissent ne sont pas toutes très vulnérables. Assez souvent, la réaction de la police est que si une femme autochtone disparaît c'est qu'elle était donc très exposée aux risques. J'ai vu des familles en pleurs dans mon bureau à cause du meurtre ou de la disparition de leur jeune mère qui étudiait à l'université, pourtant la police leur disait de ne pas s'inquiéter et que cette jeune mère était seulement occupée à faire ce que certaines femmes font dans la rue. Je tenais à le dire pour le compte rendu.
    Mais ce que je veux vous demander, c'est si la GRC a adopté une politique de tolérance zéro à l'égard du racisme et de la discrimination. Je dis bien une tolérance zéro.

  (1030)  

    Absolument. La réaction à ce genre d'incident est immédiate. À l'instar de toutes les autres institutions et organisations gouvernementales, nous avons des processus en place et je le répète, ces incidents ne sont pas tolérés.
    J'aimerais revenir à votre première observation, si vous permettez. Pour nous, une personne à risque élevé est quelqu'un — pas seulement une femme autochtone — qui risque plus d'être la victime d'un crime violent. Il est important de le savoir et c'est une réponse à vos propos sur l'étudiante universitaire. Je peux vous citer l'exemple d'une jeune femme qui a disparu en 1982 ou 1983, me semble-t-il. C'était une jeune fille caucasienne qui rentrait de l'école. Ses habitudes de vie ne la mettaient pas en péril, contrairement au mode de vie d'une travailleuse du sexe, par exemple, mais en marchant en bordure de route elle prenait un risque et elle a disparu. La police a examiné les circonstances de sa disparition et relevé des indices sur les lieux.
    Tous ces facteurs sont pris en considération. Je tenais à m'assurer... Ce n'est pas une définition réductrice et pas... Je reconnais l'importance du choix des mots dans ce domaine, et je tenais à donner des éclaircissements sur ce point. Ce qui importe dans ces cas-là, ce n'est ni le genre ni l'origine ethnique de la victime, mais les circonstances, le comportement et le mode de vie.
    Madame Dzus, avez-vous quelque chose à ajouter au sujet du racisme dans la communauté non autochtone et du manque de sensibilisation?
    Je crois que nous n'arriverons jamais à régler ce problème sans l'engagement individuel des hommes. Chacun de ces hommes a une mère, et si nous pouvons leur redonner de l'humanité, ce problème serait vraiment résolu en un rien de temps.
    Lorsque vous parlez d'engagement des hommes, à quoi vous attendez-vous précisément?
    Commençons à l'école, à l'école élémentaire. Commençons par enseigner aux garçons à respecter les femmes, toutes les femmes, sans distinction de race. Leur enseigner que toutes les femmes sont importantes et qu'elles doivent être respectées. Si nous pouvons leur apprendre à un jeune âge, dès le départ, à respecter les femmes, nous aurons plus de chances de réussir. Mais sans l'engagement des hommes, nous sommes fichus. Je peux lutter contre la violence aussi longtemps que je veux.
    Merci Suzanne.
    Très bien. Nous passons à une série de questions de cinq minutes. Je vous prie d'écourter vos réponses.
    Nous commençons par Mme Neville.
    Merci madame la présidente. Je me demande quelle question je dois poser. J'en ai tellement.
    À propos des femmes autochtones tuées ou disparues, madame Fiske, vous avez parlé de vivre sur la « route des pleurs. » Je me trouvais à Prince George l'année dernière. J'ai fait beaucoup de déplacements au Manitoba et beaucoup travaillé avec des femmes de cette province. Deux ou trois d'entre vous participent aux marches pour les femmes.
    Les répercussions sur les familles n'ont pas occupé une très grande place dans nos discussions. Quand j'étais à Prince George, j'ai rencontré le conseil d'administration de la « route des pleurs », en présence de membres de familles qui ont parlé très éloquemment de leur chagrin, des répercussions de ces tragédies sur eux et du message qu'ils m'ont adressé.
    Que diriez-vous aux familles des femmes autochtones qui ont disparu ou ont été tuées?

  (1035)  

    Je pense qu'il faut d'abord se tourner vers les Soeurs par l'esprit. Nous devons voir les résultats de l'Association des femmes autochtones et de ses marches pour la justice. Les organisations de femmes autochtones ont toutes besoin d'un financement très important pour la recherche et la promotion — je sais que l'Association des femmes autochtones ne bénéficie plus de ce type de financement — afin que les familles puissent se remettre de leur douleur, puissent avoir affaire à des personnes en qui elles ont confiance et à quelqu'un qui comblerait l'écart existant entre elles et tous les niveaux d'autorité.
    Je commencerai par verser ces fonds aux travailleurs communautaires et de nouveau à l'Association des femmes autochtones — reconnue à travers le monde pour ses efforts dans ce domaine — pour montrer aux familles que des personnes sont là pour défendre leurs intérêts, des personnes sans lesquelles ces familles seraient carrément oubliées. Elles voient que l'on fait des petits progrès, mais que ces progrès n'aboutissent à rien. Les familles n'ont pas, avec les femmes en qui elles peuvent avoir confiance, une approche globale autochtone.
    Merci.
    Suzanne, April et Gloria, avez-vous des observations?
    Je rejoins les propos de Jo-Anne sur cette question qu'il faudrait, à mon avis, prendre en considération afin d'offrir des services de guérison à tous les membres de la famille. April a mentionné un projet d'aide aux victimes autochtones. Les familles des victimes devraient pouvoir être prises en charge dès l'instant où elles perdent un proche jusqu'à ce quelles aient fait leur deuil. Il y a tellement de choses à dire sur la façon d'approcher cette situation; sur l'accompagnement des familles et sur l'aide et le soutien qu'elles peuvent recevoir durant le travail de deuil.
    Merci.
    April, Gloria et Mike, je ne veux ni être impolie ni vous retirer la possibilité de vous exprimer, mais s'il reste du temps et que vous avez une observation, je vous saurais gré de prendre la parole.
    Je vous raconte une très courte histoire.
    Nous organisons nos marches depuis 2007. Nous ne recevons pas de financement. Nous faisons tout nous-mêmes et c'est ce qui est admirable. Mais ces deux ou trois dernières années, la vie familiale associée au travail et à l'organisation de la marche devenaient une très grande source de stress. Nous étions sur le point d'abandonner. Nous avons failli dire que nous n'en étions pas capables, qu'il fallait trop d'efforts. C'était très pénible. Des familles ont des proches qui sont encore portés disparus, des filles qui ont été tuées.
    Quoi qu'il en soit, une bénévole qui travaille avec nous depuis 2007 m'a dit qu'elle a commencé à avoir foi en ce genre d'initiative grâce à nos marches dans la communauté. Elle s'est portée volontaire quand elle a appris que nous étions une organisation de base. En fait, elle n'avait pas fait le deuil de la mort de sa mère tuée quand elle avait dix ans. Grâce à notre organisation, elle a pu commencer son travail de deuil alors qu'elle est dans la quarantaine. Elle a été dans un établissement fédéral pour femmes; elle a traversé toutes les épreuves possibles et imaginables. Le fait que nous ayons pu l'aider à faire son deuil en dit long sur la façon dont nous essayons d'aider les membres de la communauté dans leur travail de deuil.
    Bon, c'est à mon tour de poser une question.
    Suzanne, j'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez dit. Vous avez parlé de « l'acceptabilité de la violence. » C'est quelque chose qui me dérange beaucoup. Que pouvons-nous faire pour aider ces femmes à échapper aux situations de violence et à développer leur estime de soi? Que pouvons-nous faire pour que la police cesse de les traiter comme des citoyens de deuxième classe?

  (1040)  

    Ce n'est pas facile du tout. Quand je lis ces documents, je vois qu'une gifle, un coup de poing et un coup sont acceptables.
    Non, ils ne le sont pas.
    Je comprends bien qu'ils ne le sont pas. Je sais qu'ils ne le sont pas, mais quand vous en faites l'expérience et que les policiers vous disent quand vous allez les voir: « Bon, vous savez, c'est seulement... ». Ce genre d'attitude ne fait que renforcer l'acceptabilité de la violence. Donc, si nous pouvions arriver à un degré zéro de tolérance, une vraie politique de tolérance zéro, parce que l'abus ne se limite pas à la violence physique... Nous connaissons beaucoup, beaucoup de femme battues au point où elles n'ont plus aucune volonté et pourtant elles n'ont jamais reçu un seul coup.
    Quand nous parlons d'abus physique... Nous parlons de violence familiale. Quand un homme peut proférer des menaces du type: « Vas-y, je te défie de partir » et que rien n'est fait, le cycle se poursuit de plus belle. Si les femmes pouvaient avoir confiance et dire à la police: « Voilà ce qu'il a dit » et qu'il y a une conséquence à ces propos, l'agresseur en subira la conséquence et cela aidera à mettre fin au cycle de la violence. Je sais que ce n'est pas le seul facteur, mais c'est une idée que nous pourrions essayer de concrétiser.
    Mike, vous l'avez entendue dire que vous, la police, devez être un peu plus sensible. Quand il y a une agression verbale, comment pouvez-vous faire la distinction entre les deux types de violence? Aucune loi ne pénalise le fait de seulement dire : « Je vais te tuer. »
    Il y a des lois contre les menaces de mort ou de lésions corporelles.
    Quand Suzanne dit « la police »... je ne peux parler pour toute la police, mais je parlerai de notre service de police qui a une politique de tolérance zéro en ce qui concerne la violence familiale.
    En l'entendant hors contexte, il est difficile de se prononcer sur la définition donnée par Suzanne, mais, si quelqu'un...
    Donc, si la femme n'est pas battue et...
    Non, non, cela dépend de ce qui a été dit. Si des menaces ont été proférées, alors cela tombe sous le coup de notre loi, le Code criminel du Canada et nous pouvons agir. Ce qui ne veut pas dire que nous ne pouvons pas quand même orienter les couples qui ont des relations en difficulté vers d'autres organismes sociaux, parler à la victime de l'agression verbale et la diriger dans la bonne direction.
    Mais le faites-vous?
    Oui. Le faisons-nous chaque fois? Employer le mot « police » est comme utiliser le mot « gouvernement ». Vous devez être plus précise. Faites-vous allusion à la GRC?
    Je dirais le service impliqué, n'importe quel service de police qui s'est trouvé dans une telle situation.
    Je ne sais pas. Je ne sais pas de quel incident il est question. Je ne sais pas de qui on parle.
    Eh bien, non. Je suis sûre qu'elle parlait de manière générale.
    Mais, je pense que la police devrait suivre un cours sur la sensibilité à l'égard des femmes autochtones et être un peu plus sensible à la situation de ces femmes. Des différences existent entre les personnes de race blanche et les Autochtones. Il y a beaucoup d'antécédents historiques, beaucoup de traditions dont il faut parler. Nous ne pouvons tout simplement pas les laisser passer. Ce sont des questions qu'il faut mettre sur la table et commencer à régler.
    Oui, je comprends. Nous...

  (1045)  

    Je suis désolée. Mon temps de parole s'est écoulé.
    Une voix: Vous êtes équitable.
    La présidente suppléante (Mme Dona Cadman): J'aurais bien poursuivi, mais....
    Nicole, je vous en prie.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
     Madame Fiske, à certains endroits où nous sommes allés au cours de notre tournée, de notre mission, nous avons vu un racisme systémique abominable, qu'il s'agisse d'agences gouvernementales, de services de police, de médecins ou de l'ensemble des habitants d'une ville. Je n'arrive pas à croire ce que j'ai vu à Williams Lake. C'est l'endroit le plus horrible que nous ayons eu à visiter. Les gens là-bas n'ont pas le moindre respect envers les communautés autochtones.
    Vous avez parlé du maire selon qui il fallait récupérer nos communautés et nos parcs. On se croirait dans le Sud des États-Unis au cours des années 1960. Que se passe-t-il? Dans quel genre de pays vivons-nous? On dit aujourd'hui aux personnes qui vivaient ici avant nous, qui nous ont accueillis et qui nous ont permis de vivre sur leur territoire, qu'on ne veut plus d'elles. On leur manque de respect, on ne leur donne pas ce qu'on leur doit, on les laisse mourir, on les laisse être battues, on les laisse disparaître et on ne fait rien. Qui sommes-nous donc? Peu importe la décision que les membres du comité vont prendre ou les recommandations qu'ils vont faire, qu'est-ce que cela va changer?
     Madame Fiske, vous en avez vu d'autres. Va-t-on réussir à changer quelque chose?

[Traduction]

    Le Canada a une histoire très triste et notre pays a un énorme défi à relever à l'avenir. L'un de nos plus grands défis provient de ceux qui nous écoutent aujourd'hui et nient l'ampleur du racisme systémique.
    Vous avez mentionné Williams Lake, et j'ai les yeux embués de larmes, car mon mari et moi avions éloigné notre beau-fils de Williams Lake à cause du racisme envers les enfants autochtones. Nous l'avons élevé loin de cet endroit pour sa sécurité. C'est donc quelque chose qui me tient à coeur.
    Je dirais que le comité a l'occasion de changer les choses. Ce changement ne se fera pas soudainement — il se fera lentement — mais il sera très important. Compte tenu de toutes les recherches faites dans le monde, du sort des femmes aborigènes de Nouvelle-Zélande et d'Australie et de celui des femmes autochtones des États-Unis et d'Amérique latine — et au mois de décembre, je me trouvais en Asie pour étudier les problèmes que connaissent les pays asiatiques —, je crois fermement que ce que le comité peut faire de plus important, c'est de dire au gouvernement conservateur que les principales organisations de femmes autochtones à travers le pays ont besoin d'être financées. L'Association des femmes autochtones du Canada et Soeurs par l'esprit sont bien sûr, les plus connues et l'exemple le plus frappant. Je peux en nommer beaucoup d'autres qui se trouvent ici en Alberta.
    Nous devons leur faire jouer un rôle de premier plan en ce qui concerne cette question. Nous devons leur montrer, par nos actions, que nous leur faisons confiance, que nous reconnaissons leurs droits et que nous avons foi en leur capacité d'assumer un leadership et de représenter les femmes. Nous devons écouter ce qu'elles ont à dire et répondre à leurs attentes.
    Nous ne pouvons pas continuer, en tant que caucasiens faisant partie de cette histoire sordide, à nous auto-flageller, comme je le fais, et espérer être encore la voix dominante à ce sujet. Toutes nos actions doivent montrer où se trouvent le leadership, le pouvoir et la dignité, car tant que notre société ne met pas ces femmes sur le devant de la scène, elle ne pourra ni les protéger ni leur attacher de l'importance.

  (1050)  

    La parole est maintenant à Mme Crowder.
    Merci.
    J'ai une petite observation à faire avant de poser une question à Gloria.
    Mme Dzus a soulevé un point que l'on oublie. Les gens parlent des pensionnats, mais l'histoire ne s'est pas arrêtée là en ce qui concerne les enfants. Les pensionnats ont existé. C'était le grand sujet d'actualité dans les années 1960 quand les enfants étaient retirés de leur famille pour être placés dans des foyers non autochtones. Aujourd'hui, 27 000 enfants des Premières nations, de Métis et d'Inuits sont encore dans des familles d'accueil. Donc, cette situation perdure. Je tenais à le rappeler pour le compte rendu.
    Je rejoins aussi les propos d'un certain nombre de personnes qui ont dit que ça suffit, qu'il faut cesser de faire des rapports. Nous voulons des mesures concrètes qui changeront la vie des femmes autochtones, de leurs enfants, de leurs familles et des Canadiens non autochtones, parce que sans cela je ne pense pas que nous pourrons tous guérir.
    Madame Neapetung, vous n'avez pas eu l'occasion de parler, j'aimerais donc que vous utilisiez mon temps de parole.
    Je m'appelle Gloria Neapetung. Je suis originaire de Yellow Quill, en Saskatchewan. Je suis artiste et activiste. J'ai aussi échappé à la rue. J'étais une toxicomane, une alcoolique et maltraitée depuis l'âge de un ou deux ans. De 13 à 34 ans, j'étais une travailleuse du sexe et une victime de la violence, la prostitution et la toxicomanie. J'ai vécu beaucoup d'expériences quand j'étais jeune. Je suis aussi mère de six enfants.
    Sachant que je menais une vie malsaine, j'ai mis mes enfants en placement familial pour leur éviter de grandir avec une mère toxicomane et un père qui l'était aussi. J'ai vécu 18 ans avec mon mari.
    En 1992, j'ai rencontré un tueur en série à Saskatoon. En 1993, la GRC est venue me voir à Regina. Je mettais ma vie en péril chaque fois que je montais dans un véhicule. Mais c'est en 1993 que j'ai constaté que les agents de la GRC n'écoutaient pas ou ne croyaient pas ce que je leur disais. En 2004, j'ai été arrêtée pour complicité de meurtre après le fait. Mon coaccusé avait tué deux hommes cette même année et j'ai été envoyée à l'Établissement d'Edmonton pour femmes.
    J'ai réussi à devenir ce que je suis aujourd'hui, mais je me souviens de l'époque où j'étais travailleuse du sexe quand je montais dans des véhicules et je ne savais pas à qui je devais m'adresser pour avoir de l'aide. Il y a SWAP à Regina, EGADZ à Saskatoon et PAAFE ici à Edmonton. Il y a Sage House à Winnipeg. Je connais toutes ces organisations parce que je voulais travailler avec elles par le biais de l'établissement qui se trouve ici. Beaucoup de femmes sont originaires de ces villes et je voulais qu'elles sachent que ces organisations ne se limitent pas à la distribution de préservatifs et de seringues, car c'est la raison pour laquelle elles les contactent.
    Elles ne savent pas qu'il existe des programmes ou d'autres initiatives pour les aider à échapper à la rue. J'y ai vécu et c'est l'endroit le plus laid où j'ai jamais vécu. J'étais dans un état d'hébétude durant ces années et je ne savais pas qui j'étais. Maintenant, je suis une bonne artiste. J'ai triomphé des crises que j'ai traversées et le Créateur me tient par la main aujourd'hui.
    De retour à Saskatoon, avant de commencer les marches avec diverses organisations et à travailler avec les sans-abri et étant moi-même une sans-abri, je ne me rendais pas compte que ma vie était importante. Avec les organisations avec lesquelles je travaille, j'éprouve beaucoup de douleur pour les familles parce que ma famille aurait été terrassée si j'avais disparu en 1992.
    Les personnes qui interviennent auprès des travailleuses du sexe, des alcooliques ou des toxicomanes... Elles veulent, quand elles parlent des familles, que le gouvernement s'occupe des enfants et des familles parce que tout comme leurs parents les enfants souffrent d'accoutumance. C'est pour les garder à l'écart des rues que j'ai apporté ces organisations à l'établissement et c'est quelque chose que je refais cette année. Je le fais toute seule pour que les femmes qui sont dans l'établissement sachent qu'elles peuvent être aidées et ne pas toucher aux drogues ou à l'alcool.
    Il m'a fallu beaucoup de temps pour arriver où je suis. Je vous remercie de votre attention.

  (1055)  

    Merci Gloria de nous avoir raconté votre histoire. Ce devait être très difficile de le faire. Vous êtes une femme très courageuse.
    Il nous reste du temps, j'aimerai accorder une minute à chacun d'entre vous pour donner peut-être une solution, une réponse ou une idée que nous pouvons emporter à Ottawa. Que voulez-vous? Que souhaitez-vous?
    En plus de ce que j'ai dit plus tôt, j'aimerais que le gouvernement et la GRC créent une base de données nationale sur les personnes coupables d'actes de violence contre les travailleuses du sexe. J'aimerais que ces personnes soient suivies plus attentivement. J'estime qu'il y a beaucoup d'omissions à ce degré de violence.
    Un programme de sensibilisation pour les hommes.
    Oui, c'est un sujet dont nous n'avons pas beaucoup discuté aujourd'hui, le rôle des hommes dans toute cette situation, parce qu'ils jouent aussi un grand rôle.
    Soixante-dix-huit pour cent des actes de violence contre les femmes autochtones sont commis par des hommes.
    C'est tout à fait vrai et nous devrions aborder ce problème.
    Il n'y a qu'à les sensibiliser.
    Mike.
    Je souhaiterais surtout que nous poursuivions ce que nous avons commencé relativement à un programme national de recherche des personnes disparues. Il y a dans l'Ouest des initiatives comme Project KARE et OPP Project Resolve. Je suis sûr que, durant vos déplacements, vous avez entendu parler d'autres initiatives, mais il pourrait y avoir dans le cadre de la base de données nationale des personnes disparues et le site Web national qui vont être créés, une composante de ce programme dans chaque province pour alimenter la base de données nationale. Nous pourrions ensuite étudier des domaines comme l'éducation, la politique et des pratiques cohérentes, des modifications législatives qui nous permettraient d'échanger des renseignements, par exemple, sur des personnes disparues quand il n'y a pas d'infraction criminelle. Ce type de mesures nous aideront à être plus efficaces et à diminuer les risques auxquels sont exposées les personnes disparues.
    Pour ce qui est des homicides ou de la possibilité de... Je sais que des discussions se poursuivent sur l'accès légal...
    Vous me demandez d'arrêter. Je vous prie de m'excuser. Nous pourrons parler plus tard.
    Merci.
    Je suis désolée. C'est d'accord. Nous parlerons, oui.
    April, que...?
    Merci.
    De toute évidence, il faut avoir pour mandat l'établissement d'un service national destiné aux victimes autochtones, et nous devons également faire une annonce d'intérêt public nationale pour éduquer et sensibiliser la population aux dangers auxquels sont confrontés les femmes et les enfants autochtones. Nous pourrions aussi faire savoir aux auteurs de crimes que nous ne tolérerons plus ce genre de crimes.
    C'est pour moi un grand honneur d'être ici aujourd'hui. Bien des membres de ma collectivité me font part de leurs opinions. Les aînés disent depuis des années que nous devons tous travailler ensemble et, à mon avis, ils ne veulent pas seulement dire dans nos collectivités autochtones; il faudrait que tout le monde, chaque citoyen du Canada, commence à travailler ensemble. Le fait que nous soyons tous réunis ici aujourd'hui dénote que cette collaboration est bel et bien possible. Vous avez tous le pouvoir d'empêcher qu'une autre fille, qu'une autre mère, qu'une autre personne se fasse assassiner ou disparaisse.
    Merci.
    Gloria.
    C'est essentiellement ce qu'April a dit. Comme je l'ai indiqué, c'est assez traumatisant quand la fille ou le fils de quelqu'un manque à l'appel. Il y a effectivement des hommes qui travaillent dans les rues et qui sont portés disparus ou se font assassiner. Leur disparition n'est pas beaucoup plus reconnue que celle des femmes.
    Voilà qui met fin aux témoignages de ce groupe d'experts. J'aimerais remercier tous les témoins. Vous nous avez fait part de certains points très chargés auxquels réfléchir, et il y aura beaucoup à faire à cet égard. Je vous remercie.

  (1055)  


  (1055)  

    Je demanderais à tout le monde de s'asseoir pour que nous puissions commencer.
    Dans cette partie de la séance, nous accueillons Sandra Lambertus et Jennifer Koshan. De l'Institute for the Advancement of Aboriginal Women, nous recevons Muriel E. Stanley Venne.
    Tout d'abord, nous allons accorder sept minutes à chacun des témoins pour faire valoir leur point de vue, nous dire ce qu'elles font et nous proposer quelques solutions, car nous aimerions obtenir des réponses.
    Nous allons commencer par vous, Sandra.

  (1100)  

    Je veux remercier les membres du comité permanent de l'occasion qu'ils m'offrent de présenter les résultats d'une étude que j'ai réalisée il y a quelques années. Les données que je fournirai sont fondées sur une étude réalisée à la grandeur de la province sur la violence à l'égard des femmes autochtones en Alberta. J'ai rendu le rapport public en novembre 2007. J'ai depuis confirmé que l'information est toujours actuelle et pertinente, et certaines des situations ont en fait empiré.
    Je tiens à signaler aux membres du comité permanent que la victimisation des femmes autochtones au Canada n'est reconnue que depuis peu dans les enquêtes statistiques et que la lacune au chapitre de l'information au niveau national a naturellement mené à des lacunes similaires au niveau provincial, l'Alberta ne faisant pas exception. La disponibilité des données statistiques, combiné à la volonté politique, joue un rôle important au moment d'établir les programmes offerts et le financement permanent. Donc, en l'absence de statistiques, on constate comment les politiciens réticents vont approuver des programmes et continueront de financer les programmes qui ont fait leurs preuves. Même sans les données quantitatives, les travailleurs de première ligne de partout dans la province savaient d'expérience que les femmes autochtones sont surreprésentées parmi les victimes de crimes violents depuis de nombreuses années.
    Voici certains des principaux points issus de l'étude que j'aimerais soulever.
    J'ai découvert qu'une grande partie de la violence impliquant des femmes autochtones est familiale ou liée au commerce du sexe, mais au bout du compte, la plupart des gens qui s'adonnent à la prostitution ont été victimes d'une forme quelconque de violence familiale.
    En Alberta, les femmes autochtones sont plus susceptibles d'être la cible de multiples facteurs de risque de victimisation, ce qui comprend la pauvreté, l'isolement social et géographique, l'itinérance, le manque d'éducation, la toxicomanie, la prostitution et la dysfonction familiale. Aucune autre catégorie de femmes en Alberta n'est sujette à autant de facteurs de risque interreliés pouvant en faire des victimes.
    Les failles du système de justice pénale sont probablement les facteurs systémiques les plus insidieux de la vulnérabilité des femmes autochtones parce qu'elles sont souvent encouragées à s'adresser à la police et aux tribunaux pour obtenir de l'aide. Or, l'histoire de ces femmes montre qu'elles continuent d'être victimisées en partie à cause du système de justice pénale.
    L'étude a fait ressortir certaines tendances. Par exemple, dans les familles et les collectivités où les femmes autochtones sont souvent victimisées, et où l'on offre peu ou pas de réparation pour les torts qu'elles ont subis, les enfants courent souvent plus de risques de devenir des victimes et la collectivité est généralement instable.
    La dysfonction familiale chronique qui n'a pas été traitée efficacement est l'une des sources de la victimisation des femmes autochtones. Les causes de la criminalité sont aussi associées à la violence existante dans la collectivité.
    Les stratégies actuelles de prévention de la criminalité pour la protection des femmes autochtones ne sont pas particulièrement efficaces en raison de l'omniprésence des sources de criminalité, qui dépassent largement la capacité des femmes à maîtriser la situation. Les suggestions des femmes et les programmes dont elles reconnaissent l'utilité favorisent les moyens de se reprendre en main et des facteurs de compréhension, de dignité, de respect, de compassion et de confiance. Ces femmes ne demandent rien de plus que de combler leurs besoins essentiels pour pouvoir avoir des relations humaines saines et parvenir à fonctionner dans la société de manière productive.
    Les femmes autochtones victimes de violence sont grandement impuissantes devant la violence qu'elles subissent, et c'est la principale constatation qui est ressortie de l'étude. Pour pallier efficacement le problème, il faut obtenir l'engagement de tous les paliers de gouvernement, des tribunaux, de leurs collectivités et de leurs familles. Il reste encore beaucoup à faire pour améliorer les services offerts aux victimes à court et à moyen termes. Mais l'objectif à long terme devrait être d'assurer la santé et la sécurité des familles et des collectivités.
    Les programmes visant à améliorer le sort des femmes autochtones ne peuvent pas être offerts sans tenir compte des besoins de leurs familles et de leurs collectivités. Les programmes doivent fournir du counseling, des processus de guérison et de rétablissement et l'acquisition de nouvelles compétences. Il faut s'attendre à ce qu'il faille plus qu'une ou deux générations pour parvenir à des changements notables dans certaines collectivités. En bout de ligne, éradiquer la victimisation des femmes autochtones est tributaire des efforts déployés en vue d'améliorer la santé, l'indépendance économique et l'autonomie pour tous les Autochtones. L'objectif à long terme devrait être de créer des familles et des collectivités en santé. C'est dans cet environnement sain que les femmes autochtones et leurs familles s'épanouiront probablement le plus.
    Merci beaucoup.

  (1105)  

    Sandra, vous avez pris moins de temps que prévu. C'est très bien.
    Nous allons maintenant entendre Jennifer. Vous avez sept minutes.
    Je tiens simplement à remercier les membres du comité de nous donner l'occasion de témoigner devant eux aujourd'hui. C'est un véritable honneur.
    Je suis professeure agrégée à la faculté de droit de l'Université de Calgary. J'ai également été autrefois procureure de la Couronne. J'ai travaillé dans les Territoires du Nord-Ouest pendant de nombreuses années, au cours desquelles je me suis occupée d'un grand nombre de cas de violence à l'égard des femmes autochtones. C'est cette expérience que j'apporterai à ces discussions. Puisque mes recherches mettent l'accent sur les recours juridiques utilisés pour contrer la violence à l'endroit des femmes autochtones, c'est ce sur quoi je m'attarderai aujourd'hui.
    Je vais commencer par situer dans son contexte la question des recours juridiques pour lutter contre la violence à l'égard des femmes. J'aurai ensuite trois principaux points à faire valoir, que j'illustrerai par un exemple concret. Je conclurai par la suite en formulant quelques recommandations en lien avec mon mémoire.
    Je sais qu'on vous a présenté de nombreuses statistiques lorsque vous parcouriez le pays pour étudier le problème de la violence envers les femmes autochtones. Il est important, à mes yeux du moins, de résumer ces données en deux principaux points. D'une part, la violence à l'endroit des femmes autochtones est beaucoup plus répandue que la violence contre les femmes et les hommes non autochtones. Par ailleurs, il existe des formes de violence et des répercussions qui touchent plus particulièrement les femmes autochtones, ce qui appelle parfois des solutions particulières. Par exemple, les femmes autochtones sont trois fois plus susceptibles d'être victimes de violence conjugale, comparativement à d'autres victimes de cette forme de violence.
    Mes recherches ont révélé que le nombre de femmes autochtones qui ont des démêlés avec les systèmes de justice pénale et civile est souvent disproportionné par rapport à leur nombre dans la population. Les Autochtones représentent 5 p. 100 de la population de l'Alberta. Mes recherches sur le tribunal spécialisé en violence conjugale de Calgary démontrent que dans environ 11 p. 100 des affaires entendues par cette cour, des victimes autochtones sont en cause. C'est deux fois plus que leur nombre dans la population.
    De même, mes recherches sur la législation provinciale en matière de violence familiale révèlent qu'un nombre disproportionné de femmes autochtones — 22 p. 100 — sont les demanderesses dans les cas d'ordonnance de protection d'urgence. C'est plus que quatre fois le nombre de femmes autochtones dans la population.
    Par ailleurs, comme les représentants de l'Edmonton Police Service vous l'ont mentionné ce matin, les policiers ne sont pas tenus de recueillir des renseignements sur l'origine ethnique ou la race des personnes qu'ils appréhendent. Je pense qu'il s'agit là d'un exemple d'une recommandation très concrète que le comité pourrait formuler. Je pense qu'il est extrêmement important que nous puissions mesurer l'incidence que le système de justice et ses recours ont sur les Autochtones victimes d'actes de violence. Les policiers doivent recueillir des renseignements pour que nous puissions mesurer cette incidence.
    Les femmes autochtones sont également sept fois plus à risque d'être la cible de violence sexuelle et huit fois plus à risque d'être victimes d'homicide. Il est excellent d'avoir les rapports de Statistique Canada sur la violence familiale chaque année, mais là encore, ces rapports ne ventilent pas toujours le niveau de violence dont sont l'objet les femmes autochtones. Je pense donc qu'une autre recommandation concrète que le comité devrait faire serait que Statistique Canada montre toujours dans ses rapports sur la violence — qu'il s'agisse de violence familiale ou sexuelle —, quelle est précisément l'incidence que nous constatons sur les femmes autochtones.
    Quand nous prenons en considération le fait que la violence à l'endroit des femmes, y compris les femmes autochtones, est grandement passée sous silence, les chiffres que nous voyons ne sont que la pointe de l'iceberg. Comme je l'ai dit, outre la prévalence de la violence à l'endroit des femmes autochtones, il est également important pour nous de reconnaître que certaines formes de violence ne sont subies que par les femmes autochtones, et ces formes de violence sont liées à la colonisation soutenue et à l'oppression de ces femmes dans la société canadienne. Je pense donc que nous pouvons considérer l'horrible phénomène de la disparition et de l'assassinat des femmes autochtones comme étant une forme de violence qui ne touche que ce groupe de femmes. Il en va de même pour le mauvais traitement des femmes autochtones dans les pensionnats indiens.
    Les faits m'amènent à faire trois principales remarques. Tout d'abord, nous devons reconnaître que les Autochtones subissent constamment la colonisation et l'oppression au Canada. Cela a une incidence sur les niveaux et les formes de violence auxquels les femmes autochtones sont confrontées et sur les solutions qui s'imposent.
    Ensuite, il faut absolument donner la priorité aux femmes autochtones et aux organismes qui les représentent pour qu'ils aient voix au chapitre et proposent des façons de réagir à la violence à laquelle elles font face, et je me rallie aux propos que Jo-Anne Fiske a tenus à cet égard plus tôt ce matin. La participation des femmes autochtones est essentielle, que ce soit pour trouver des solutions pour lutter contre la violence, conformément aux initiatives visant l'autonomie gouvernementale et la justice applicable aux Autochtones, ou pour trouver des solutions qui s'inscrivent dans les lois et les politiques canadiennes.
    Enfin, dans la mesure où les lois canadiennes continuent de s'appliquer aux Autochtones, l'élaboration et la mise en oeuvre de ces lois doivent toujours prêter une attention particulière aux besoins et aux préoccupations des femmes autochtones et de leurs collectivités.
    Soit dit en passant, je tiens à dire que l'un des moments qui m'a rendue le plus fière d'être citoyenne canadienne ces dernières années, c'est quand le gouvernement fédéral a présenté ses excuses aux survivants des pensionnats indiens à la Chambre des communes et quand j'ai vu Bev Jacobs, qui était à l'époque la présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, répondre à ces excuses. C'était la première fois qu'on donnait officiellement la parole à l'association dans la société canadienne, et je pense que c'était réellement un point tournant. Les femmes autochtones ne pouvaient pas participer aux négociations pour la réforme constitutionnelle; elles sont souvent encore exclues des discussions au sujet des lois et des politiques que la société canadienne devrait avoir, et ce, même si ces lois vont grandement les toucher compte tenu de la prévalence de la violence à leur endroit; et il est absolument crucial que les femmes autochtones et leurs organisations aient toujours voix aux chapitre à cette table.
    Me reste-t-il encore un peu de temps? On m'arrête.

  (1110)  

    Votre temps est écoulé.
    Bien. Je peux peut-être aborder quelques-unes de mes recommandations précises dans la période de questions.
    Vous en aurez certainement l'occasion à ce moment-là.
    Merci.
    Tout d'abord, je veux toutes vous remercier, mes soeurs. Vous vous êtes réunies pour mettre sur pied le comité permanent. Je tiens à le signaler et à vous exprimer ma reconnaissance, à titre de présidente de l'Institute for the Advancement of Aboriginal Women, de vice-présidente de la Métis Nation of Alberta, et de présidente de l'Aboriginal Commission on Human Rights and Justice.
    J'oeuvre dans ce secteur depuis si longtemps que cela m'effraie. Au fil des ans, j'ai vu comment les gouvernements conservateurs et libéraux ont délibérément sous-financé toutes les initiatives à l'intention des femmes autochtones. Nous avons produit de nombreux rapports dans la province — et je dois préparer mes notes aussi. Mais la somme de 150 000 $ était accordée aux femmes autochtones. C'était le seul programme qui ait jamais existé pour les femmes autochtones, et le financement s'élevait à 150 000 $ pour la province de l'Alberta. On nous en versait la moitié parce que nous sommes un organisme de plus grande taille et que nous venons en aide à un vaste éventail de femmes, mais on a maintenant diviser les fonds en fractions si minimes que personne ne peut accomplir quoi que ce soit.
    Je dois présenter mon mémoire.
    Je dois dire que nous vous avons exposé notre point de vue, et j'ai reçu un prix de reconnaissance, l'Ordre du Canada, et on a souligné aux Nations Unies mon travail d'aide auprès des femmes, des enfants et des familles autochtones. J'en suis très fière, mais cela n'a rien changé. Cela n'a absolument rien changé. Nous n'avons pas reçu un sou de plus. Cela n'a rien donné, même si j'ai écrit une lettre au ministre, et j'en ai envoyé une copie à tous les ministres, et que je l'ai prié de prendre conscience de la gravité de la situation — la gravité. Je suis certaine que tout le monde a parlé de l'ampleur du problème dont sont confrontées les femmes autochtones, du fait qu'elles sont dénigrées, assassinées, mutilées, laissées sur le bord de la route, dans les bois, dans un motel ou ailleurs. Nous parlons du massacre des femmes autochtones, qui tient sa source de la haine.
    Avant de continuer, je veux vous donner l'exemple suivant. Le Saskatchewan Police College a produit des affiches pour que les policiers de la province puissent pratiquer le tir à la cible. C'est un collège. L'image sur l'affiche était celle d'une femme autochtone. L'affiche a été publiée dans le numéro du National Post du 19 février 2001. En réponse au tollé soulevé par cette affiche utilisée par les policiers pour pratiquer le tir à la cible, on a dit: « Non, non, ce n'était pas l'image d'une femme autochtone, mais bien celle d'une femme blanche ». Cette réponse devrait tous nous donner bonne conscience, n'est-ce pas? Le collège a en fait mis la photo d'une femme autochtone pour pratiquer le tir à la cible, et on a les trous de projectiles là où les policiers ont tiré. Anne McLellan était la ministre de la Justice à l'époque. Je lui ai téléphoné et elle m'a rappelée et m'a assurée que ces affiches avaient été retirées.
    Cet exemple illustre véritablement la haine que l'on porte aux femmes autochtones. Voilà donc ce à quoi nous avons affaire. Ce que j'ai appris au cours de mes plus de 30 années d'expérience de travail, puisque je suis... On m'a laissée pour morte à l'arrière de chez moi. Je parle en connaissance de cause, et je peux vous dire que ce que j'en conclus, c'est que les femmes autochtones vivent dans un pays qui leur est hostile. Toutes les statistiques le démontrent. Néanmoins, on ne prend pas conscience de la gravité de la situation.
    Je veux — je n'ai pas encore commencé mon exposé — que chaque parlementaire reconnaisse que les femmes autochtones sont victimes des politiques du gouvernement actuel et de tous les autres gouvernements — et je le répète, pas seulement de celui-ci. Quand j'ai porté à l'attention de la ministre responsable de la Condition féminine — je vais finir par me rappeler son nom —, je lui ai dit que le programme destiné aux femmes autochtones n'a pas bénéficié d'une hausse de financement depuis 30 ans, et il a en fait accusé une baisse quand Paul Martin a procédé aux compressions, et elle s'est tournée vers son assistante et a déclaré: « Oh, avons-nous ce programme? ». L'assistante lui a répondu que oui.
    Elle ignorait l'existence de ce programme insignifiant offert partout au Canada.

  (1115)  

    Je veux dire qu'on a recommandé d'augmenter les fonds alloués à l'Association des femmes autochtones, mais laissez-moi vous dire que cela ne suffit pas. L'argent doit être versé aux collectivités où les femmes souffrent; il doit aller là où les femmes sont.
    Comme vous pouvez le voir, je ne suis pas un témoin impartial ou indifférent, mais j'exhorte le gouvernement et le comité, composé de femmes que je considère être mes soeurs, à faire tout en leur pouvoir pour progresser dans ce dossier, et ce de toutes les façons possibles.
    J'avais demandé à Rona Ambrose d'agir à titre de défenseur de la cause; nous n'avons pas de porte-parole au Parlement. Nous n'avons personne pour faire valoir que les femmes autochtones doivent être prises en considération. J'avais demandé à Ethel Blondin d'agir à ce titre.
    Comment se fait-il qu'elles ont décliné ma proposition? Cette fonction les empêcherait-elle d'accéder à des promotions? Je ne le sais pas.
    Je voulais passer le plus de temps possible...

  (1120)  

    Je suis désolée, Muriel...
    Mon temps est-il écoulé?
    J'ai mon mémoire.
    Pourriez-vous le remettre à la greffière pour que nous puissions toutes en prendre connaissance plus tard?
    Laissez-moi seulement terminer.
    Ce qui fait fondamentalement défaut dans la lutte contre la violence à l'endroit des femmes autochtones au pays, c'est le financement accordé aux femmes, à notre organisme et à toute autre organisation au pays, pour que ces femmes puissent devenir des citoyennes à part entière. Elles ne le sont pas en ce moment; elles font les frais de la haine qui accable...
    Je vous prie, je vous supplie, de formuler de vives instances auprès du gouvernement du Canada, car nous avons les programmes. Nous avons les experts. Nous savons ce qui doit se passer, mais nous ne disposons pas de l'argent pour le faire.
    Pendant nos 16 années d'existence, il ne s'est pas écoulé une seule année sans que nous ayons dû nous battre pour garder nos portes ouvertes, et c'est à cause de la façon dont les femmes autochtones sont traitées, carrément, d'un bout à l'autre du pays.
    Nous allons maintenant passer à une série d'interventions de sept minutes, et nous commencerons avec Mme Neville.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous trois d'être des nôtres pour la majeure partie de la matinée.
    Je vais adresser mes questions principalement à vous, Jennifer. Je vais les poser en bloc, puis vous pourrez y répondre comme bon vous semble.
    J'aimerais connaître les recommandations dont vous n'avez pas eu la chance de parler.
    J'aimerais également savoir si vous avez travaillé sur les projets de loi portant sur la criminalité du gouvernement actuel et leur incidence sur les femmes. Nous avons demandé d'obtenir des renseignements, que nous n'avons pas encore reçus. Nous examinons ces projets de loi par l'entremise du Parlement, mais j'aimerais savoir si vous avez mené des travaux sur ces mesures législatives.
    Troisièmement, l'une des questions qui a été soulevée dans le cadre des discussions, c'est qu'un grand nombre de femmes autochtones sont incarcérées, et je veux savoir si vous avez mené des travaux pour déterminer si la raison de leur incarcération est le résultat de la violence qu'elles ont subie.
    Je vais vous laisser répondre.
    Merci.
    Je pense que je vais commencer par votre deuxième et troisième questions, puis je reviendrai à la première, qui porte sur mes recommandations.
    Je n'ai pas réalisé de recherches précises sur l'incidence des nouveaux projets de loi sur la criminalité à l'endroit des femmes autochtones, mais je pense qu'il est juste de dire que les femmes autochtones sont plus souvent victimes de violence et subissent des formes uniques de violence.
    Chaque fois que le gouvernement adopte une loi qui a un lien quelconque avec la violence contre les femmes, voire la violence de façon plus générale, cette loi aura toujours des effets précis sur les femmes autochtones. Ce fait doit être reconnu, et les femmes autochtones doivent donc participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre de cette loi, car elle aura des répercussions précises sur elles, d'après ce que l'on voit dans les statistiques.
    Là encore, je n'ai pas effectué de recherches précises sur l'incarcération des femmes autochtones, mais je pense que des recherches ont révélé que les femmes autochtones qui sont incarcérées sont elles-mêmes des victimes de violence. Même si dans le cas de l'incident particulier qui les a menées en prison, elles ne se défendaient pas, de façon générale, elles subissent la colonisation et l'oppression, et c'est en réaction à cette colonisation et à cette oppression qu'elles finissent par commettre des crimes. Je pense que la Société Elizabeth Fry du Canada a vraiment fait de l'excellent travail à cet égard et a collaboré étroitement avec les femmes autochtones dans le cadre de ces recherches.
    En ce qui concerne mes recommandations, j'ai déjà parlé un peu de l'importance de recueillir des renseignements. Je pense qu'il est crucial de confier à la police et à Statistique Canada la responsabilité de recueillir ces renseignements. J'ai parlé de l'importance de veiller à ce que chaque fois que des moyens juridiques sont utilisés pour lutter contre la violence à l'égard des femmes, les femmes autochtones doivent participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre de ces lois. Elles doivent disposer du financement approprié pour leur permettre de jouer ce rôle consultatif.
    Il est important que de l'éducation spécialisée et des services soient offerts aux femmes autochtones afin de les aider à naviguer dans les systèmes de justice civile et pénale, car nous savons que des crimes passent sous silence. On craint le racisme dans le système de justice pénale, et si les femmes autochtones ont fait des démarches auprès du système judiciaire, les soutiens appropriés doivent être en place pour qu'elles puissent le faire.
    Du côté des compétences, la question de savoir comment les gouvernements peuvent travailler ensemble pour tenter de résoudre certains de ces problèmes a été soulevée plus tôt ce matin. Je pense que des modèles solides sont déjà en place pour ce type d'approche. Les ministres de la Justice aux paliers fédéral, provincial et territorial conjuguent parfois leurs efforts pour trouver des solutions à des problèmes particuliers, et je pense que la violence à l'endroit des femmes est un problème pour lequel il est indispensable que tous les niveaux de gouvernement se réunissent avec les dirigeants autochtones et les organisations de femmes autochtones pour tenter de trouver ces solutions.
    Je pense que je vais m'arrêter là pour que d'autres personnes puissent...

  (1125)  

    Me reste-t-il du temps?
    Oui, vous avez deux minutes et demie environ.
    D'accord.
    Muriel, de toute évidence, vous voulez répondre à ces questions.
    Je voulais signaler qu'un sommet des femmes autochtones a eu lieu à Corner Brook, à Terre-Neuve-et-Labrador. Avez-vous constaté les résultats de ce sommet?
    Je n'ai pas participé à celui à Corner Brook, mais j'ai assisté à celui tenu à Yellowknife, et j'ai bel et bien vu des résultats.
    Je pense qu'il est juste de dire qu'il n'a rien donné.
    Merci.
    Sandra, je suis particulièrement intéressée par le système de justice, comme vous l'avez entendu dans mes questions ce matin, et par ce que vos recherches et votre expérience ont montré. Ce n'est pas uniquement ce qui m'intéresse, mais je me concentre un peu là-dessus.
    C'est un énorme rapport, compte tenu des conclusions qu'il comporte, et sept minutes ne me donnent pas suffisamment de temps, mais l'une de mes préoccupations a trait aux programmes provinciaux de services aux victimes.
    Ces programmes sont censés offrir l'aide de fournisseurs de services de première ligne à des victimes de crimes et à fournir du financement supplémentaire, mais souvent, en Alberta, ils sont dispensés par l'entremise des forces policières, ce qui constitue en soi un obstacle pour les femmes en quête d'aide. Et parce qu'ils sont offerts par les corps policiers, ces services aux victimes ne sont pas mandatés pour offrir des services dans les affaires de double accusation. La plupart du temps, lorsqu'une double accusation est en cause dans une situation de violence conjugale, les policiers n'ont pas mené d'enquête sérieuse. Ils disent seulement, « Portons des accusations contre les deux ». C'est comme dans un accident de voiture où l'on dit, « Eh bien, vous devez payer chacun vos dommages, et c'est... »
    Est-ce que c'est ce qui est ressorti de vos recherches?
    Tout à fait. J'ai vérifié, et cela survient encore aujourd'hui.
    Un autre problème lié aux services aux victimes n'est pas tant l'aspect judiciaire, mais le fait que les services sont basés sur un modèle destiné à des personnes non autochtones issues de la classe moyenne qui vivent dans une collectivité où les gens disposent probablement des ressources pour offrir des heures de bénévolat. Toutefois, quand on essaie d'appliquer ce modèle aux collectivités autochtones, on oublie que dans certaines collectivités, peu de gens ont ce genre de ressources. Ils n'ont pas les moyens d'acheter de l'essence pour rendre visite aux victimes. S'ils ont déjà eux-mêmes été des victimes, devenir un aidant pour d'autres peut faire en sorte que de nombreux souvenirs refassent surface, si bien que les taux d'épuisement professionnel sont épouvantables. On a beaucoup de mal partout dans la province à amener les Autochtones à faire du bénévolat dans leurs collectivités car ils ont trop un lourd passé. C'est trop leur demander. C'est trop lourd. Au bout du compte, ils méritent d'être rémunérés car ils ont d'importants problèmes.

  (1130)  

    Nous allons maintenant entendre Mme Demers.
    Nicole.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Bonjour. Je remercie nos témoins d'être parmi nous ce matin.
    Je suis heureuse que vous terminiez les présentations de ce matin. En effet, nous avions besoin d'un peu de rationalisation. Le climat était très émotif et nous avions peut-être besoin de reprendre le chemin de la raison. J'ai eu une certaine difficulté à y arriver. Comme je suis une femme très passionnée, j'ai un peu perdu mes moyens, ce matin. C'était très difficile.
    Muriel, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la perpétuation de la colonisation entraînée par l'imposition d'un projet de loi tel que celui portant sur les droits matrimoniaux. Dans le cadre de ce projet de loi, les groupes de femmes autochtones n'ont pas été consultés et cela va faire en sorte que la violence va se perpétuer. Si le projet de loi est adopté, les femmes autochtones ne pourront pas réellement bénéficier de droits.

[Traduction]

    Je suggérerais certainement qu'on mène des consultations avant de mettre en oeuvre le projet de loi. Il est fondamental que les femmes soient consultées car, comme vous le dites, cela pourrait possiblement donner lieu à une montée de la violence et des perturbations. On n'a que trop tardé, mais ce n'est qu'une parmi bien des violations des droits des femmes autochtones au pays. C'est bien. Je salue les mesures prises par le gouvernement pour régler le problème, mais sans la concurrence et la prise de conscience des effets, on risque d'en perdre l'aspect positif. J'espère que des consultations pourront tout de même être menées.
    Jennifer.
    Il y a un problème qui est assez semblable à l'application des lois relatives aux biens matrimoniaux, et c'est la législation provinciale en matière de violence familiale. J'ai fait beaucoup de recherches là-dessus. C'était en fait l'exemple concret que j'allais vous donner, mais j'ai manqué de temps avant de pouvoir le faire.
    Un problème qui se pose avec cette législation, c'est que souvent, les policiers ne l'appliquent pas dans les réserves. Même si je ne pense pas qu'il y ait le même type de barrière constitutionnelle à l'application des lois relatives à la violence familiale dans les réserves, les policiers semblent mal comprendre la situation. Cette incompréhension prive les femmes autochtones d'un outil important pour les protéger contre la violence familiale. Ce genre de lois leur permettent de téléphoner 24 heures sur 24 et obtenir une ordonnance de protection d'urgence, la propriété exclusive du domicile conjugal et une ordonnance de non-communication, mais les policiers n'appliquent pas ces lois adéquatement dans les réserves. Même en dehors des réserves, nous voyons parfois des agents de la GRC entrer dans un nouveau territoire et ils ne sont même pas au courant que ces lois existent. Même dans les villes ou en dehors des réserves, ils ne réussissent pas à utiliser ces lois très importantes. Une autre recommandation consiste — et vous en avez déjà entendu parler — à éduquer les agents de police, de la GRC et des corps policiers provinciaux, et à sensibiliser les gens à la violence contre les femmes autochtones.

[Français]

    Merci.
     Sandra, vous nous avez beaucoup parlé de l'importance des statistiques. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de la disparition du long formulaire du recensement?

[Traduction]

    Eh bien, je n'appuie pas son abolition, car je pense qu'il nous faut des renseignements additionnels. Au bout du compte, les politiciens et les décideurs étudient ce genre de rapports et de conclusions. Sans quoi, je ne crois pas qu'ils seraient en mesure de répartir adéquatement l'argent des contribuables et l'injecter dans les programmes appropriés.

  (1135)  

[Français]

    Jennifer, vous nous avez dit qu'il manquait beaucoup de statistiques sur les femmes autochtones. Croyez-vous que la disparition du long formulaire du recensement va exacerber ce problème?

[Traduction]

    À mon avis, c'est un problème. Je préconiserais fortement le rétablissement du formulaire détaillé de recensement. Il fournit des renseignements cruciaux.

[Français]

    Muriel, au cours des rencontres que nous avons tenues, il a beaucoup été question du fait qu'il était difficile pour les femmes autochtones de progresser, même quand elles étaient instruites et qu'elles avaient la chance de faire des études collégiales ou universitaires. On nous a dit qu'elles devaient traverser un genre de plafond de peau de loup et que cela leur était difficile, contrairement à nous pour qui le plafond était de verre. On a dit qu'elles étaient confinées dans une situation où on les maintenait dans des conditions et des postes qui ne leur permettaient pas d'avancer.
     Pouvez-vous m'en dire un peu plus à ce sujet?

[Traduction]

    Citons l'exemple concret de Linda Bull, professeure à l'Université Athabasca dans cette province. Elle a été accusée de vol à l'étalage dans le magasin Safeway. Elle était si choquée, désillusionnée, fâchée et frustrée. On a fini par lui présenter des excuses, car c'était bien entendu absurde, mais on a affirmé qu'il s'agissait d'un cas d'erreur sur la personne. On ne s'est fié qu'à son apparence.
    Vous savez, en tant que porte-parole pour l'Institute for the Advancement of Aboriginal Women, je ne devrais par être étonnée, même si je le suis toujours, lorsqu'une femme autochtone est retrouvée morte... ou lorsque des policiers ont battu cette femme. Je me dis que cela ne peut pas arriver. Cela ne devrait pas se produire. Je regarde alors sa photo. Je pense qu'avoir l'apparence d'un Autochtone est un facteur très important. Si vous ne ressemblez pas vraiment à un Autochtone, vous êtes mieux traité.
    C'est maintenant au tour de Mme Grewal.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous et à toutes d'être venus partager votre expérience avec nous. Je veux que vous sachiez, encore une fois, que notre gouvernement considère que le fait de mettre fin à la violence est une priorité. Depuis 2007, par l'intermédiaire de Condition féminine Canada, le gouvernement a financé près de 150 projets partout au Canada. Cela représente près de 28,7 millions de dollars. Ce travail vise à éliminer la violence faite aux femmes.
    Alors, nous appuyons la prévention et nous fournissons des refuges sur les réserves et nous finançons les services aux victimes. Nous voulons également nous assurer que le système de justice réponde aux besoins des femmes autochtones et de leurs familles.
    Ma question s'adresse à chacun et à chacune d'entre vous; y a-t-il des réformes juridiques ou des changements législatifs que vous pouvez recommander et que nous pourrions adopter?
    Commençons par Sandra.
    J'ai constaté que les résultats du traitement des dossiers et des enquêtes par la Couronne dépendent de juges qui trop souvent accordent le bénéfice du doute aux agresseurs.
    Les femmes autochtones que j'ai interrogées et, certainement, un grand nombre de personnes dans les professions qui viennent en aide aux femmes victimes de violence ont reconnu que cela envoie un message très fort aux femmes, aux agresseurs et à la communauté. Alors, une des constatations, c'est que les juges doivent recevoir une formation sur les répercussions à long terme de leurs décisions. Non pas que nous devions leur dire ce qu'ils doivent décider, mais ils doivent être très conscients de ce qui arrive dans les collectivités autochtones lorsque les agresseurs ne sont pas tenus de rendre des comptes.

  (1140)  

    Jennifer.
    Je suis d'accord pour dire que l'éducation juridique est un élément clé. Nous avons beaucoup parlé de l'éducation des policiers et tout le reste, mais je pense qu'étant donné que les juges jouent, de toute évidence, un rôle central dans le système judiciaire, ils doivent, eux aussi, recevoir une formation et une éducation spécialisées sur la violence faite aux femmes autochtones.
    Je reviens au point que j'ai fait valoir auparavant, à savoir que peu importe les réformes du droit et les changements juridiques que nous envisageons, ou, même au-delà de cela, chaque fois qu'une nouvelle loi sur la violence est envisagée par le gouvernement du Canada, la loi doit être envisagée en gardant à l'esprit la perspective des femmes autochtones. Alors, les femmes autochtones doivent toujours avoir une place à la table pour pouvoir discuter de manière précise de ce que ces changements dans la loi signifieront pour elles et quelles seront les répercussions de ces changements.
    Muriel.
    Je suis heureuse d'être d'accord en ce qui concerne la présélection des juges — et ils devraient faire l'objet d'une présélection avant de devenir juge — et également des policiers au moment du recrutement. Les agents de police tout particulièrement devraient faire l'objet d'un examen pour déceler leurs préjugés et leur propension à faire de la discrimination contre les femmes autochtones.
    Nous avons fait de la recherche auprès du Service de police d'Edmonton et de la GRC et nous avons posé des questions très simples pour savoir si les policiers avaient suivi une formation et, évidemment, ce n'était pas le cas.
    Le Service de police d'Edmonton a changé notre sondage, ce qui lui a enlevé sa validité parce qu'il ne s'agissait plus des mêmes questions. Il l'a fait malgré nos protestations et un des répondants nous a dit d'économiser notre argent et de le donner aux Indiens qui vivent du bien-être social, parce que nous ne pouvions même pas faire un sondage. En un certain sens, cela nous a rendu service parce que cela a permis de faire ressortir le racisme à notre égard.
    Mais cela peut être décelé au cours du processus de présélection. Vous pouvez déceler les préjugés à tous les niveaux, et cela pourrait constituer un des moyens concrets que le gouvernement pourrait utiliser à tous les niveaux pour faire face au racisme.
    Madame la présidente, me reste-t-il du temps?
    Il vous reste environ deux minutes.
    Je vais céder le reste de mon temps de parole à ma collègue, Dona, madame la présidente.
    Dona, vous pouvez poser quelques questions.
    Très bien.
    Je pense qu'aucune femme — qu'elle soit autochtone, blanche, jaune, brune, rose ou mauve — ne devrait vivre dans la crainte d'être violée ou agressée. Maintenant, vous dites que vous voulez que l'argent aille dans les collectivités. Est-ce que ces collectivités ont quelque chose, un groupe qui est là pour les femmes autochtones, qui s'occupe d'elles et qui est dirigé par elles? Y a-t-il de tels services à qui on pourrait confier cet argent dans ces collectivités?
    Je suis si heureuse que vous posiez cette question. Non, il n'y en a pas, à cause du manque de fonds au niveau régional. Tout l'argent est réservé aux organismes nationaux.
    Alors, les organismes nationaux ne vous donnent pas votre argent. Est-ce que c'est cela?
    Non. Jamais nous... Il n'est absolument pas raisonnable pour elles de nous donner de l'argent, et je veux dire que dans chaque...
    Eh bien, ne sont-elles pas censées le faire?
    Mme Donna Cadman: Et pourquoi?
    Mme Muriel Stanley Venne: Parce que la règle établie par le gouvernement, c'est que seuls les organismes nationaux sont financés.
    Alors, n'importe quel petit organisme ne sera pas financé?
    Eh bien, l'Institute for the Advancement of Aboriginal Women réclame un financement stable, un financement de base, n'importe quel financement stable qui nous permettrait de garder nos portes ouvertes, parce que nous avons 16 chapitres, mais une de nos plus grandes difficultés, c'est que nous avons des projets. Des projets, des projets et encore des projets. Alors, le projet débute, nous devons rédiger la proposition, nous faisons le travail, nous rédigeons un rapport et ensuite, nous ne pouvons avoir le même projet. Nous ne pouvons continuer ce que nous avons commencé. On nous répète constamment, vous savez, que les critères ont maintenant changé. Alors, ces gens ne respectent pas la capacité d'organismes de femmes autochtones comme le nôtre de répondre aux besoins, et nous pouvons le faire. Nous pouvons le faire.
    Ce qui arrive, c'est que nous avons un projet, nous allons rencontrer les femmes et nous discutons avec elles. Nous obtenons leur participation et ensuite, notre projet prend fin et, alors, nous devons imaginer quelque chose d'autre ou faire autre chose. Il s'agit là d'un message qui s'adresse directement au présent gouvernement et cela a été fait par le gouvernement libéral également. Cela nous empêche de devenir, comme je l'ai dit auparavant, des citoyens à part entière. Nous devons exécuter cette petite danse. Nous devons faire toutes sortes de contorsions pour recevoir de l'argent pour un projet. Alors, si nous pouvions compter sur un plan de 10 ans, comme nous l'avons réclamé dans la Decade of Difference — dont il est question dans mon rapport —, si nous pouvions envisager une certaine période de stabilité au cours de laquelle nous pourrions bâtir la confiance dans les collectivités et travailler avec les femmes, elles ne se retrouveraient pas devant le système de justice. Elles ne seraient pas arrêtées par les policiers. Elles ont certainement peur des policiers et la police ne compte pas parmi nos amis. C'est comme ça. Toutes les données statistiques vous le démontrent.
    Je pense que ce qui serait merveilleux, c'est que l'on revoie toute la façon dont le financement destiné aux femmes autochtones se fait, et que l'on attribue l'argent aux organismes qui peuvent entrer en contact avec elles dans les collectivités, parce qu'il n'est pas suffisant d'avoir simplement un organisme communautaire. Vous devez avoir le leadership au sommet pour apporter l'information, partager l'information, travailler avec les femmes et avoir leur confiance. C'est ce qui fait défaut.

  (1145)  

     Avez-vous une dame...
    Votre temps est écoulé. Merci.
    C'est maintenant au tour de Mme Crowder, du NPD.
    Merci, madame la présidente. Il est bon de vous voir.
    Je veux vous remercier moi aussi d'être venus et d'avoir entendu une bonne partie des témoignages. J'ai une brève observation à faire avant de poser ma question. En fait, cela m'attriste d'entendre ce que vous dites, parce qu'en 2004-2005, un certain nombre d'entre nous qui siègent à cette table du Comité de la condition féminine ont réalisé une étude poussée de ce dont les organismes de femmes — il s'agissait de manière générale d'organismes de femmes — avaient besoin pour pouvoir continuer à faire le très bon travail qu'ils faisaient et le message clair, constant et ferme était qu'ils avaient besoin d'un financement de base, constant et durable. Et nous voilà en 2011, et nous entendons exactement le même message de votre part, toutes ces années plus tard, et ce que nous savons, c'est qu'au cours des cinq ou six dernières années, les organismes de femmes ont été affaiblis encore davantage. Alors, je pense qu'il est très décevant que nous ayons à entendre le même message encore une fois.
    Ma question est la suivante: je me demande si quelqu'un parmi vous a cherché à examiner dans quelle mesure la Loi sur les Indiens contribue à perpétuer la victimisation actuelle des femmes?
    Sandra, pourrions-nous commencer par vous et ensuite, faire le tour?
    Non, pas d'une manière directe, je dois dire, mais je dois également dire que lorsque nous avons effectué de la recherche dans l'ensemble de l'Alberta, j'ai rencontré certaines collectivités qui, par elles-mêmes, travaillaient véritablement à devenir saines et productives. J'ignore si elles avaient des organismes de femmes solides, mais je sais qu'il s'agissait certainement d'un travail au niveau de la base. Encore une fois, le problème était d'avoir un financement stable, mais ces collectivités, parce qu'elles voulaient que cela vienne de l'intérieur, voulaient vraiment que cela soit le résultat de l'effort de la collectivité, et je pense qu'un petit nombre d'entre elles y sont parvenues.
    Sandra, avant que je m'adresse à Jennifer, si je peux pousser vos propos un peu plus loin, ce que vous dites, c'est qu'il existe des collectivités qui travaillent avec succès sur la question de la guérison et qui parviennent à tourner la page.
    Elles y travaillent, oui.

  (1150)  

    Ce qui pourrait aider — et je saute à une recommandation que vous n'avez pas faite —, c'est de savoir qui sont certaines de ces collectivités et quels éléments étaient en place pour les aider à relever ces défis.
    Je pense à Fort Chipewyan, en particulier. Il s'agit d'une collectivité nordique très isolée. Dans mes discussions avec le chef à l'époque, il m'a expliqué que la collectivité avait décidé il y a quelques décennies qu'elle voulait mettre un terme à la violence. Elle a demandé du financement au gouvernement fédéral qui s'est montré, en fait, très réticent à donner quoi que ce soit, mais la collectivité est demeurée fidèle à son objectif et a mis sur pied ses propres programmes maison de traitement et de consultation. Il s'agit d'une collectivité extraordinaire et très petite, mais elle a fait beaucoup de chemin.
    Encore une fois, le chef lui-même a dit que c'était lié au leadership, parce que si vous n'avez pas ce type de leadership, cela n'arrivera pas.
    Très bien. Merci.
    Jennifer, pouvez-vous faire des observations concernant la Loi sur les Indiens.
    Je suis heureuse d'avoir l'occasion de parler de cette question, parce qu'il y a en ce moment même un projet de loi devant le Parlement concernant le statut indien et l'appartenance à la bande dans le cas des femmes autochtones découlant de l'affaire Sharon McIvor. Cette dernière a été un personnage d'une grande importance et elle représente véritablement un chef de file dans la collectivité des femmes autochtones sur la question des droits des femmes autochtones. Elle a vertement critiqué le projet de loi qui se trouve actuellement devant le Parlement. Il ne règle pas les problèmes...
    En fait, il a été adopté.
    C'est vrai. Très bien.
    Le point que je veux faire valoir, c'est qu'encore une fois, la voix des femmes autochtones n'a pas été écoutée et ce manque de respect mène à la violence à l'endroit des femmes autochtones. Je pense que vous l'avez entendu de manière répétée tout au long de la matinée et bien que la Loi sur les Indiens ne dise rien de particuliers sur la violence faite aux femmes, c'est le fait que la voix des femmes autochtones continue d'être ignorée qui permet à ce genre de violence de continuer. L'adoption de ce projet de loi n'en est que le dernier exemple, et c'est une véritable farce.
    Muriel, voudriez-vous commenter?
    J'aimerais d'abord féliciter le gouvernement d'avoir appuyé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il s'agit pour moi d'une occasion très réelle et remplie d'espoir pour nous tous, en tant que Canadiens, de répondre aux besoins des femmes autochtones en consultation avec elles.
    La Loi sur les Indiens a fait beaucoup de tort à toutes les femmes autochtones que je connais. Elle les a privées de leur droit d'être Indiennes et les a privées de leur propre identité et de tout ce qu'il y a d'autres dans cette loi. J'ai affirmé à maintes reprises que chaque geste de discrimination à l'endroit des peuples autochtones a été légiféré par le gouvernement. Il n'y a aucune autre façon de présenter cela. Tout ce qui a été fait a été légiféré par le gouvernement. Lorsque le gouvernement est venu chercher les enfants, les peuples autochtones, par la loi, n'avait aucun moyen de défense. En tant que Canadiens, nous devons faire face aux conséquences horribles de l'adoption de lois contre, comme l'a dit Mme Demers, les gens de ce pays.
    Je ne dis pas que vous êtes coupables. Je dis que nous devons faire face à cette question de manière absolument merveilleuse. Le Canada peut devenir le meilleur pays au monde s'il répond aux besoins des femmes autochtones, car sur la scène internationale et nationale, le Canada n'a pas bien traité les femmes autochtones.
    Cela ternit l'image du Canada et cela continuera de la ternir à moins que l'on fasse réellement quelque chose à ce sujet. On peut y arriver. C'est ce qui alimente mon espoir. Oui, il y a des mesures qui peuvent être prises dans les collectivités et par nos dirigeants, par chacun des parlementaires, et à tous les niveaux, pour reconnaître le problème et s'y attaquer, en tant que chefs de file canadiens, de sorte que cela se fasse.
    Alors, je vous demande, à titre de chefs de file de notre pays, de faire face à cette question avec passion de toutes les manières possibles.

  (1155)  

    Merci beaucoup.
    Nous débutons maintenant le deuxième tour. Il s'agit d'un tour de cinq minutes, c'est-à-dire cinq minutes pour les questions et les réponses.
    Nous allons commencer par Mme Neville, du Parti libéral.
    Merci beaucoup.
    Il y a deux domaines que j'aimerais explorer avec vous. Permettez-moi de commencer par le premier, dont nous n'avons pas beaucoup parlé aujourd'hui, mais qui a été soulevé de manière assez importante dans nos discussions avec d'autres groupes de témoins, à savoir la relation entre la violence faite aux femmes et le retrait des enfants du milieu familial.
    Je me demande si quelqu'un d'entre vous, ou si tout le monde...
    Jennifer, je vous vois hocher la tête. Allez-y, si vous avez des observations sur cette question.
    Je pense que la crainte du retrait des enfants est un des principaux facteurs qui empêchent les femmes autochtones de signaler la violence dont elles sont victimes à la police, parce que dès que les services sociaux ou les services de protection de l'enfance apprennent qu'il y a de la violence dans un foyer, et si la mère ne l'a pas quitté, la solution semble être de retirer les enfants du milieu familial.
    Je pense qu'il s'agit d'une question très complexe, parce qu'il est très important de reconnaître que la violence a un effet sur les enfants, qu'il s'agisse d'enfants autochtones ou d'enfants non autochtones. Mais il n'en demeure pas moins que la rapidité avec laquelle les services sociaux semblent conclure que la solution à ce problème est de retirer les enfants, plutôt que d'investir des ressources dans cette famille pour lui permettre de demeurer intacte, ou peut-être de retirer l'homme plutôt que les enfants, constitue un obstacle énorme au signalement de la violence familiale par les femmes autochtones.
    Vous aviez la recommandation consistant à retirer l'homme du milieu familial. Avez-vous d'autres recommandations concrètes sur cette question?
    Nous devons fournir les services et l'appui à la famille pour permettre aux enfants de rester dans le milieu familial.
    Merci.
    Sandra, allez-y.
    J'aimerais ajouter quelque chose.
    Beaucoup de femmes que j'ai interviewées m'ont parlé de la perte de leurs enfants et m'ont expliqué que cela les a incitées à prendre des risques encore plus grands dans leur vie, comme la consommation de drogues et la prostitution. C'est cela qui a véritablement déclenché leur descente aux enfers.
    Était-ce parce qu'on leur avait retiré leurs enfants?
    Absolument, et elles ont eu beaucoup de chagrin. Alors, on comprendra que cela peut les inciter à ne pas se donner la peine d'appeler la police ou de faire intervenir le système de justice, peu importe la gravité de l'incident.
    Muriel.
    L'histoire la plus triste que j'ai entendue concerne une mère qui a donné naissance à un enfant et à qui une travailleuse sociale a dit: « Je vais surveiller le bébé pendant que vous prenez une douche. ». Lorsqu'elle est revenue, le bébé avait disparu. Si vous êtes une mère et que vous perdez votre nouveau-né, vous devenez folle — et c'est ce qui arrive. C'est tellement inhumain; c'est tellement mal. Nous, les femmes, devons dire dans les termes les plus forts que le retrait des enfants du milieu familial doit cesser.
    Cette conversation a commencé assez banalement, et ensuite je lui ai parlé de la perte d'un enfant et elle m'a raconté cette histoire. Je ne l'ai jamais oubliée. Voici ce qu'elle a fait pour faire face à cette situation. Elle était à Edmonton et elle est déménagée à Slave Lake. Elle avait entendu dire que les travailleuses sociales étaient mieux à Slave Lake et elle a pu retrouver son enfant.
    Mais, arracher arbitrairement un enfant des bras de sa mère est tout simplement inhumain. Ce n'est pas respecter les valeurs que nous, les femmes, respectons.
    Je pense que nous devrions ramener cette question sur la table et enlever aux autorités le droit de faire cela.
    Merci.

  (1200)  

    Vous avez 30 secondes.
    C'est bon.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Grewal du Parti conservateur pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    De toute évidence, lorsque nous sommes tous autour de cette table en train de discuter de la violence faite aux femmes autochtones, je pense qu'il y a un agresseur et que l'agresseur est un homme. Selon vous, y a-t-il des programmes quelconques qui s'adressent aux hommes pour qu'ils puissent s'affranchir de ce comportement violent?
    Nous avions une déclaration sur la Decade of Difference for aboriginal women, qui a été proclamée en 2005. Un homme et son épouse ont fait le long trajet depuis High Prairie, Alberta, qui est situé assez loin dans le nord, pour être présents. Ce que cet homme m'a dit, et j'admire son courage, était: « La femme doit se faire traiter pendant 28 jours et lorsqu'elle revient, l'homme est resté exactement le même. » Il a dit qu'il essayait de mettre sur pied un groupe pour les hommes à High Prairie. Il parlait aux hommes et essayait de les convaincre de se réunir et de parler de la violence, mais il avait beaucoup de difficultés à y arriver.
    Dans mon esprit, je me disais que cet homme était très courageux, très déterminé et que c'est là que cela doit se faire. Cela ne se fera pas par l'intermédiaire des organismes de femmes qui disent: « Vous, les hommes, vous devez faire cela. » Cela ne fonctionnera pas. Il faut que ce soit les hommes eux-mêmes qui le fassent, avec notre appui, évidemment, mais ce n'est pas à nous de prendre l'initiative.
    Je voulais vous donner un exemple. Après le massacre des femmes à l'École Polytechnique, une des mères est venue à Edmonton à une de nos cérémonies, et elle a dit qu'elle avait essayé d'amener n'importe quel organisme de femmes à examiner le rôle des hommes et la façon dont ils étaient élevés. À titre de mère, elle a dit: « Nous avons des garçons; nous devons les éduquer. » Elle s'est heurtée à un mur. Aucun organisme de femmes ne voulait l'écouter. Mais je pense qu'on doit l'écouter. Même si cela fait maintenant plusieurs années, je pense que rien ne s'est amélioré, alors, l'idée que le gouvernement puisse envisager d'aider les hommes qui sont décidés à changer leur attitude ainsi que la vie des femmes avec qui ils vivent, cela pourrait être une nouvelle initiative étonnante qui pourrait voir le jour
    Jennifer, avez-vous des idées à ce sujet?
    J'aimerais ajouter quelques points. Je pense qu'en plus de l'importance d'avoir un traitement spécialisé pour les hommes autochtones qui font preuve de violence, nous devons également reconnaître que des problèmes systémiques perdurent au Canada et que les hommes autochtones sont également victimes d'une colonisation et d'une oppression continues. Tant que la société canadienne n'aura pas réglé ces problèmes, nous n'allons pas régler la nature systémique de cette violence, et c'est là une question qui concerne aussi bien les hommes autochtones que les femmes autochtones.
    Sandra.
    Je suis d'accord avec les deux intervenantes précédentes, mais j'aimerais ajouter que je connais l'existence d'au moins un programme pour les hommes violents à Fort McMurray qui a été mis sur pied par un refuge pour femmes, et il y a du financement pour ce programme depuis quelques années. Les gens estiment qu'il a passablement de succès. Souvent, les participants sont envoyés par les tribunaux.
    D'après les communications que j'ai eues avec ces gens, lorsque les hommes autochtones se présentent, souvent, ils ne restent pas bien longtemps, et c'est vraiment dommage. De toute évidence, il manque quelque chose dans le programme et dans sa prestation, alors, c'est peut-être quelque chose qu'il faudrait examiner.

  (1205)  

    Désolée, Dona, il ne vous reste que 10 secondes.
    J'aimerais savoir combien il y a de femmes autochtones au Canada et s'il y a une femme autour de laquelle vous pourriez vous rassembler, qui serait la figure de proue du mouvement et qui viendrait se battre pour vous?
    Je n'ai pas mes données statistiques à portée de la main.
    Avez-vous une moyenne?
    La population autochtone est une de celles dont la croissance est la plus rapide au Canada et c'est également vrai en Alberta. J'hésite à avancer un chiffre. Je n'ai pas tenu compte de mes données statistiques aujourd'hui. Je pense que c'est entre 5 et 8 p. 100.
    Est-ce que je peux demander à quelqu'un d'y réfléchir? Peut-être qu'à la fin de la séance, si vous pouvez obtenir ces données ou, du moins, si vous avez une réponse à offrir à la question de Dona, nous pourrons y revenir. Peut-être pourrons-nous avoir un autre tour au cours duquel nous pourrons creuser cette question.
    C'est maintenant au tour de Mme Demers.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Jennifer, j'aimerais revenir sur la question du projet de loi C-31. C'est là qu'on voit l'importance de l'éducation et de la sensibilisation dont vous parliez plus tôt.
    Après avoir consulté Femmes Autochtones du Québec et tous les groupes de femmes autochtones du Québec, notre caucus avait décidé de voter contre le projet de loi C-31. Quelques semaines avant la tenue du dernier vote, les groupes de femmes autochtones nous ont contactés de nouveau pour nous indiquer qu'ils avaient changé d'idée et qu'il fallait voter en faveur. Ils ont dit que même si seulement un ou deux enfants étaient visés par le projet de loi, au moins ils seraient acceptés et reconnus par la communauté et en feraient partie intégrante.
    C'est très difficile. Tout au long de cette mission que nous nous sommes donnée, nous avons entendu beaucoup d'histoires qui nous ont fait comprendre l'importance pour ces mères et ces grands-mères de voir leurs enfants être reconnus par la communauté. C'est pourquoi nous nous sommes levés pour voter en faveur de ce projet de loi.
    Aujourd'hui, vous me dites que nous aurions dû voter contre ce projet de loi. Or, nous avons voté en faveur, conformément à la volonté des communautés.
    Par conséquent, où devons-nous prendre notre information? Comment devons-nous réagir? Comment pouvons-nous être certains d'avoir bien réagi? Je ne le sais plus.
    Personnellement, je ne veux pas prendre de décisions pour les autres. Je veux être certaine que les décisions qui seront prises émaneront des personnes que je représente, et non de moi.

[Traduction]

    Quelques réflexions me sont venues à l'esprit à la suite de ce que vous avez dit. Premièrement, personne ne parle d'une voix unanime. Il existe une grande diversité des peuples autochtones dans l'ensemble du pays, alors, nous devons reconnaître que les femmes autochtones ne parleront pas d'une voix unanime, que ce soit au sujet du projet de loi C-3 ou au sujet des questions liées à la violence faite aux femmes. Il est important d'entendre toutes ces voix différentes.
    Je sais qu'en politique, il faut parfois faire des compromis, alors, je comprends dans quelle situation difficile vous êtes. Mais je pense, encore une fois, qu'il y a un problème systémique plus fondamental ici, et c'est la colonisation continue des peuples autochtones au Canada par le biais de la Loi sur les Indiens. Alors, on fait un peu de rafistolage avec le projet de loi C-3. Nous ne réglons pas le problème systémique fondamental qui est le document colonial en vigueur, et nous devons le faire.

  (1210)  

[Français]

    Muriel, comment pourrait-on arriver à convaincre le gouvernement d'arrêter de financer des projets? Il est vrai que 28 millions de dollars ont été investis depuis 2007, mais ils l'ont été dans 200 projets, ce qui donne 10 000 $ par projet. On ne va pas loin avec un tel montant. Ça représente 8 mois, 10 mois ou 12 mois par projet. Comment faire comprendre au gouvernement que ce n'est pas de 200 projets représentant 10 000 $ chacun dont on a besoin? Pour changer les choses à long terme et faire une différence, il faudrait plutôt consacrer les 28 millions de dollars à quatre ou cinq projets.

[Traduction]

    Nous allons dépasser le temps ici, mais je vais vous donner l'occasion de répondre très rapidement, si vous le pouvez.
    Muriel.
    La somme d'argent n'est pas suffisante; 23 millions de dollars, ce n'est rien. Divisez-les dans l'ensemble du pays et il ne reste rien. La question, d'après ce que je crois comprendre, était comment mieux nous approprier les fonds pour obtenir certains résultats. Premièrement, il faut cesser les investissements de 10 000 à 20 000 $. Ils ne tiennent aucun compte des frais d'administration. Alors, ma question était la suivante: doit-on administrer le programme à partir d'un terrain de stationnement? Je pense qu'il doit y avoir une stratégie nationale et un consensus. Nous avons eu le sommet des femmes autochtones dont personne ne semble savoir quelque chose. Je ne pense pas qu'il ait même été porté à l'attention du Parlement, bien qu'il ait été parrainé par le premier ministre de Terre-Neuve et le premier ministre de la Colombie-Britannique.
    Je pense qu'il y a un mécanisme, dont nous aimerions bien faire partie, pour évaluer la valeur à long terme et les progrès à long terme qu'il faut obtenir. Mais je dois dire que j'ai aimé les idées qui m'ont été présentées, à savoir une campagne nationale, une sensibilisation nationale, une reconnaissance nationale des femmes autochtones dans notre pays — qui, en passant, sont brillantes. J'espère que vous allez lire mon exposé, parce que nous avons fait cela. Nous avons les prix Esquao. Esquao est un très beau mot cri qui veut dire « femme », qui a été stylisé; nous rendons hommage à nos femmes. Mais nous avons une façon très différente de rendre hommage. Nous n'avons pas de jury. Les collectivités nomment les femmes et nous les honorons. Cela a créé tant de bonne volonté dans cette province chez les femmes parce qu'il n'y a pas une femme dans cette province qui ne sera pas honorée. Si leur collectivité, ou leur mère, ou leur fils, ou leur père les nomme, elles seront honorées. Alors, elles auront droit à leurs 15 minutes de gloire à la télévision.
    Je serais heureuse de faire partie d'une campagne pour faire connaître cela à la population canadienne, parce que nous avons également des prix pour la justice sociale pour honorer, par exemple, Irene Khan, qui était secrétaire générale d'Amnistie internationale, qui a fait ce que nous ne pouvions pas faire, à savoir amener la question des décès des femmes autochtones sur la scène internationale.
    Il y a des façons emballantes d'aborder cette question. Les incidents sont horribles, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas progresser dans notre pays et le rendre accueillant pour les femmes autochtones.

  (1215)  

    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant donner la parole à Mme Crowder pour cinq minutes, parce qu'elle doit nous quitter dans cinq minutes.
    Je veux m'excuser de devoir partir à toute vitesse. Je dois prendre l'avion.
    Je voulais dire, Muriel, que j'ai lu absolument tous les rapports du sommet. J'ai assisté au deuxième sommet et je suis d'accord pour dire qu'il n'y a pas eu de suites.
    Ma question, Jennifer — et vous ainsi que Sandra l'avez soulevée à quelques reprises — concerne la nécessité d'examiner les répercussions qu'auront les politiques et les lois sur les femmes autochtones lorsqu'elles sont élaborées. Je pense que vous n'avez qu'à regarder la question des biens immobiliers matrimoniaux pour voir comment cela a mal tourné. Il y a eu un rapport de la représentante ministérielle; Wendy Grant-John a rédigé un très bon rapport, qui a été laissé de côté lorsque la loi a été élaborée. L'Association des femmes autochtones et d'autres organismes n'ont pu réaliser qu'un processus de consultation minimal parce qu'ils n'étaient pas financés et qu'il n'y avait pas suffisamment de temps, et leurs conclusions ont été en grande partie ignorées, alors, même lorsqu'on demande aux gens leur opinion et leur point de vue lorsque la loi est élaborée, il ne se passe rien.
    En théorie, les ministères font une analyse comparative entre les sexes, une ACS, lorsqu'ils examinent n'importe quelle loi, mais nous savons par des gens qui sont venus témoigner devant le Comité de la condition féminine en 2004-2005, que ce ne sont, en grande partie, que des voeux pieux: « Vérifions — oui, c'est fait. »
    Si l'analyse comparative entre les sexes pouvait être mise en oeuvre d'une manière plus significative et avoir des répercussions sur les femmes autochtones qui sont touchées, pensez-vous que cela aiderait?
    Je pense que oui. Je pense que chaque fois que vous pouvez faire intervenir la base, les gens qui vivent réellement ces réalités, c'est toujours utile, et c'est plus utile que d'avoir le son de cloche d'un représentant de chaque province.
    Je pense que cela touche à un point. Je m'adresserai à vous à nouveau.
    Il n'existe pas de femme pan-autochtone; il n'est donc pas réaliste de demander à une personne par province ou à une personne pour tout le pays de tenter de représenter les intérêts des femmes autochtones.
    Pouvez-vous vous prononcer là-dessus, Jennifer?
    À mon avis, cette affirmation est juste. Par rapport aux consultations, j'enseigne le droit constitutionnel, ce qui signifie que j'enseigne le devoir de mener des consultations et celui de faire des accommodements. Je pense qu'on oublie parfois les accommodements. On procède aux consultations, mais une fois cette étape terminée, le gouvernement doit en tenir compte dans sa réponse.
    Plutôt que de contester la loi une fois qu'elle est mise au point, comme dans le cas de Sharon McIvor — parce qu'on n'a pas su bien tenir compte des besoins divers des femmes autochtones —, pourquoi ne pas faire les accommodements au moment d'élaborer les mesures législatives?
    Jennifer, juste pour revenir sur ce point, je ne suis pas avocate et je ne suis certainement pas constitutionnaliste, mais y aurait-il moyen de créer des lois plus flexibles, des lois qui reconnaissent les différences entre les nations? Nous parlons ici de nations au sein de nations. Est-il possible d'élaborer des mesures législatives qui reconnaissent ces différences?
    À mon avis, oui. On peut créer des mesures législatives comptant des principes généraux importants applicables à l'ensemble du pays, qui sont mises en oeuvre au moyen de différents règlements et de différentes politiques et pratiques. En effet, c'est à l'échelle des politiques et des pratiques qu'on peut tenir compte des questions de diversité et les adapter selon les besoins particuliers des collectivités.
    Bien qu'elle ne touche pas les personnes qui ont adopté un code coutumier, la loi sur les biens immobiliers matrimoniaux est universelle et elle est applicable dans toutes les provinces. Sa mise en oeuvre dépendra en grande partie des lois provinciales jusqu'à ce que les gens créent leur propres codes coutumiers.
    Toutefois, je pense qu'il existe de bons moyens d'appliquer les principes généraux à l'échelle des collectivités, et c'est très important que ce soit fait.
    Muriel, vous semblez vouloir dire quelque chose là-dessus.
    Oui. On peut facilement résoudre les difficultés relatives à la consultation et à la représentation en donnant à la représentante les ressources dont elle a besoin pour consulter les femmes. Ce n'est pas impossible. On n'envoie pas une personne sans la préparer; on la munit de la voix des femmes, qui constitue une ressource pour la consultation. C'est très sensé, selon moi.

  (1220)  

    Merci.
    Vous deviez partir il y a une minute; merci beaucoup.
    Il nous reste neuf minutes. Je pense qu'il serait plutôt difficile de faire toute une série de questions de trois minutes d'ici la fin; j'aimerais donc revenir sur la question que Dona a posée — c'était bien Dona? — au sujet du pourcentage de femmes autochtones dans la population, etc.
    Sandra.
    On doit toujours mettre les données à jour, mais à l'époque du recensement de 2001 de Statistique Canada, la population autochtone du Canada était d'environ 1 066 500, ce qui représente 3,4 p. 100 de la population totale; toutefois, elle croît plus vite que l'ensemble de la population. Les populations les plus denses continueront à croître, surtout dans les Prairies et dans le Nord. En 2001, la population autochtone de l'Alberta était d'environ 200 000, ce qui représente approximativement 5 p. 100 du total de la province. En outre, l'âge médian des Autochtones du Canada et de l'Alberta était inférieur d'environ 12 ans à celui de l'ensemble des Canadiens.
    J'espère que ces données vous aident à brosser le tableau de la situation.
    Est-ce que cela répond à votre question, Dona, ou vouliez-vous savoir autre chose?
    Pas vraiment.
    Oh, désolée.
    Je m'intéressais vraiment seulement aux femmes. Je voulais savoir combien elles étaient. N'en a-t-on pas fait le recensement?
    Non.
    Vous êtes comptées avec les hommes?
    Oui.
    Julie a dit qu'elle vous remettrait l'information sur le recensement de 2006. Est-ce que ce serait plus précis?
    Oui, ce serait mieux ainsi.
    Mais je pense que vous vouliez également savoir s'il y avait une femme, et je pense que l'on y a répondu, à différents endroits, à savoir qu'il n'y a pas une femme, et que l'on ne devrait pas non plus s'attendre, dans le cas de femmes non autochtones, à ce que nous trouvions une femme pour les représenter toutes. Je pense que ce sont les collectivités qui sont visées.
    Comme il nous reste environ quatre minutes, je tenais à poser une question. Hier soir, nous discutions entre nous car nous avons entendu tellement de choses incroyables. Nous les entendons, et elles commencent à prendre la forme de problèmes vraiment courants que nous pouvons constater — racisme systémique, etc., et toutes ces choses. Ensuite, nous nous sommes dit: Que faisons-nous? Que pouvons-nous faire? Un grand nombre de ces problèmes sont tellement complexes.
    Lorsque vous parlez de certaines choses — et je m'adresse en particulier à Jennifer, en tant que spécialiste en droit constitutionnel —, lorsque vous parlez de retirer des enfants à leurs parents, on nous dit qu'il s'agit d'une compétence provinciale. Voici une question. Comment faisons-nous quelque chose, en tant que gouvernement fédéral, lorsque c'est de la compétence des provinces?
    Par exemple, nous avons également entendu dire que si vous vouliez retirer l'homme du domicile où l'infraction est commise — l'homme violent —, en fait, vous pourriez peut-être le faire dans les régions urbaines ou hors des réserves, mais dans les réserves, il est parfois impossible de le faire, et encore une fois c'est en raison de la propriété du domicile et de bien d'autres choses. De plus, où va-t-il dans la collectivité si vous le chassez? Donc, très souvent, les femmes s'enfuient dans les villes, où elles relèvent de la compétence provinciale. Pour un grand nombre d'entre nous, le retrait des enfants de leur foyer constituait un problème fondamental, franchement, car il perpétuait la violence génération après génération, sachant qu'environ 45 p. 100 de tous les enfants dans un ménage violent ont tendance à devenir eux-mêmes violents, à se marier avec des personnes potentiellement violentes ou à se tenir avec de telles personnes.
    Donc, ma question est la suivante. Comment brisons-nous le cycle? C'est la première chose qu'il faut faire. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, Jennifer. En vertu de la Constitution, est-ce que la compétence de la province sur les Autochtones va aussi loin? Le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer relativement à ce problème? Peut-il intervenir dans la question du retrait d'enfants autochtones de leur foyer et y mettre fin, ou peu importe ce qu'il est nécessaire de faire? Il s'agit d'un énorme morceau que je n'ai pas compris.

  (1255)  

    Quel est le rôle du gouvernement fédéral et quelle est sa responsabilité envers les Autochtones, tant dans les réserves qu'hors réserve? Vous aurez peut-être plusieurs réponses à ce sujet.
    Deuxièmement — et je sais que nous en avons parlé à maintes reprises —, le travailleur social ou la travailleuse sociale dit: « Mais je dois protéger cet enfant car il y a de la violence et la mère est toxicomane et ne peut pas s'en occuper, elle le néglige, et elle n'a aucun endroit où vivre. » En fait, nous connaissons les réponses: donnez-lui un endroit où vivre, etc. La question est donc de savoir quelles sont les choses concrètes que nous pouvons faire, qui peuvent être au coeur de ce cercle vicieux qui consiste à retirer des enfants de leur foyer et à emprisonner des femmes dans des situations de violence, sans aucune porte de sortie?
    Je vais d'abord parler de l'aspect constitutionnel de votre question, puis je pense que Muriel est peut-être la personne la mieux placée pour parler plus précisément des solutions concrètes.
    De toute évidence, le gouvernement fédéral a compétence sur les Autochtones. Le gouvernement provincial a compétence sur les services offerts aux enfants. Je pense que le problème survient lorsque ces deux problèmes se rencontrent. Je ne pense pas qu'il y aurait quoi que ce soit pour empêcher le gouvernement fédéral d'adopter une loi qui porterait sur les services aux enfants autochtones, mais...
    Et ce serait constitutionnel?
    Je pense que oui, si la loi était perçue comme visant les peuples autochtones et votre compétence en la matière. Je pense qu'il n'y aurait aucun problème.
    Par contre, en même temps, je ne sais pas dans quelle mesure il est nécessaire d'adopter une loi spécialisée. D'après moi, l'important est qu'il y ait une coopération entre les gouvernements. Il en a été question un peu ce matin dans d'autres interventions, mais il y a eu des cas où des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux se sont mis ensemble et ont élaboré des protocoles communs et des politiques communes pour essayer de régler ces problèmes, notamment la violence familiale et l'exploitation sexuelle d'enfants.
    Je pense que la question de la violence faite aux femmes autochtones est un aspect pour lequel il faut ce genre d'intervention de la part des divers paliers de gouvernement. Il est donc fantastique que le gouvernement fédéral dispose d'un comité comme le vôtre pour faire son travail. Mais il faut aussi qu'il y ait une coordination avec les provinces et les municipalités.
    Merci.
    J'ai un petit suivi sur ce sujet, parce qu'il s'agit d'un... En fait, dans le domaine de la santé, nous savons que si vous vivez à l'extérieur des réserves, vous détenez une carte qui vous permet d'accéder aux services provinciaux de santé, même si vous êtes hors de la réserve. Les services provinciaux locaux de santé vous prendront en charge. Vous semblez dire qu'il pourrait y avoir des façons de conclure ces mêmes protocoles avec des enfants.
    Mme Jennifer Koshan: Oui.
    La présidente: Muriel, un geste concret...?
    Eh bien, je suis convaincue que nous devons prendre les mesures préventives et parvenir, comme nous le faisons en ce moment... nous avons un programme destiné aux jeunes filles. Je pense que le manque de programmes est à l'origine de toutes ces statistiques épouvantables. Je l'ai déjà dit: si vous n'avez pas d'argent, vous n'avez pas de droits. Donc, je pense que la réponse quant à ce qui peut être fait au niveau des collectivités, c'est de donner ce pouvoir aux femmes elles-mêmes et de travailler avec les organismes actuels pour qu'ils exécutent leurs mandats.
    La réponse n'est pas compliquée. Nous savons que ce n'est pas compliqué, c'est-à-dire que si vous donnez les ressources aux personnes qui peuvent régler les problèmes, il y aura des résultats.
    Merci beaucoup.
    Il nous reste une minute. Je tiens à vous remercier de votre présence. Comme il nous reste seulement une minute, je vais donner à chacune 20 secondes et demander à Sandra, Jennifer et Muriel de me mentionner un aspect qui est pour chacune la grande priorité.
     En 20 secondes, Sandra.
    J'aimerais que l'on mette l'accent sur le mieux-être et sur l'autonomie et non se concentrer sur le passage d'une catastrophe à une autre.
    Jennifer.
    La voix des femmes autochtones doit être entendue, et il faut dans les faits en tenir compte lorsque des lois et des politiques sont élaborées.
    Muriel.
    Je veux que chaque parlementaire et que chaque dirigeant — provincial, fédéral et municipal — soit conscient de l'injustice faite aux femmes autochtones et le fasse savoir.
    Merci.
    Encore une fois, je tiens à vous remercier d'être venues et d'avoir fait preuve de tant de franchise avec nous.
    Je suis prête à recevoir une motion d'ajournement.
    L'hon. Anita Neville: J'en fais la proposition.
    La présidente: Merci, Anita.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU