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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 029 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 juillet 2010

[Enregistrement électronique]

  (0900)  

[Français]

    Je vous souhaite la bienvenue à la neuvième séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie, en ce mardi 27 juillet 2010.

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions le long formulaire de recensement.
    Nous recevons aujourd'hui le ministre Clement et le sous-ministre Dicerni. Bienvenue à vous deux.
    Nous commencerons par l'exposé du ministre.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés. Je suis heureux de comparaître aujourd'hui pour parler de la décision du gouvernement de remplacer le formulaire long obligatoire de recensement par un formulaire à participation volontaire.
    La raison pour laquelle notre gouvernement a décidé de remplacer le questionnaire détaillé obligatoire de recensement par une enquête nationale à participation volontaire est claire. Nous croyons qu'il est inapproprié d'obliger les Canadiens à donner de nombreux renseignements personnels et privés. On ne devrait pas menacer les Canadiens d'amendes, de peines d'emprisonnement ou des deux pour qu'ils répondent à des questions comme : Combien de congés de maladie avez-vous pris l'an dernier? Ces congés étaient-ils payés? À combien s'élevaient le total de vos paiements pour votre résidence principale l'an dernier? Devez-vous réparer le carrelage de votre salle de bain?
    Nous comprenons que l'information recueillie dans le questionnaire long de recensement est précieuse. Toutefois, nous estimons par ailleurs que le gouvernement doit trouver un équilibre lorsqu'il souhaite recueillir des données sous la menace d'amendes ou de peines d'emprisonnement.
    Même si le premier recensement remonte à 1871, le questionnaire long n'existe que depuis 1971. Le nombre d'informations personnelles détaillées que les Canadiens doivent fournir au gouvernement a augmenté. Les huit questions principales sont restées les mêmes pendant des dizaines d'années, mais les questions complémentaires que l'on a commencé à poser en 1971 ont été modifiées et d'autres se sont ajoutées à chaque recensement.

[Français]

    La version courte du recensement est obligatoire et comporte huit questions obligatoires sur de l'information démographique de base, comme la date de naissance, le sexe, l'état civil et la langue maternelle. Ce formulaire est envoyé à tous les ménages canadiens.

[Traduction]

    À titre de député et de ministre responsable de Statistique Canada, j'ai reçu un message très clair de particuliers et de groupes qui estiment que le gouvernement ne devrait pas menacer les gens de poursuites judiciaires lorsqu'il recueille des renseignements personnels détaillés. C'est pourquoi notre gouvernement a annoncé qu'il ne punirait plus les Canadiens qui choisissent de ne pas remplir le formulaire de 40 pages, envoyé à 20 p. 100 des ménages.
    Ceux qui critiquent cette décision croient qu'un Canadien qui refuse de remplir le questionnaire long mérite une amende maximale de 500 $, une peine d'emprisonnement de trois mois ou les deux sanctions à la fois. Le gouvernement a demandé à Statistique Canada de proposer des options pour un questionnaire long volontaire. Je veux être clair là-dessus : c'est notre gouvernement qui a décidé d'abandonner l'idée d'imposer des amendes et des peines d'emprisonnement à défaut de remplir le formulaire de 40 pages. Dans la foulée de notre demande à Statistique Canada de soumettre des options concernant une enquête volontaire fiable, nous avons créé et mis en oeuvre l'enquête nationale auprès des ménages.
    L'objectif de cette approche raisonnable et responsable, c'est de trouver un meilleur équilibre entre la collecte de données nécessaires et la protection du droit à la vie privée des Canadiens. Les données du formulaire long seront désormais recueillies grâce à cette nouvelle enquête à participation volontaire, l'enquête nationale auprès des ménages. Les questions de ce sondage seront les mêmes que celles qui auraient été posées dans le questionnaire détaillé obligatoire de recensement. De plus, nous avons suivi les recommandations des responsables de Statistique Canada, conscients que l'échantillon diminuerait avec le formulaire long volontaire, en envoyant le questionnaire de l'enquête nationale à 4,5 millions de ménages canadiens, près du double de l'échantillon de 2006. Il n'y aura jamais eu autant de formulaires de sondage envoyés à la population dans l'histoire du Canada.
    Le formulaire court de recensement demeure obligatoire. Nous comptons sur tous les Canadiens pour fournir cette information de base, comme ils l'ont fait lors des recensements précédents. Statistique Canada administrera l'enquête nationale auprès des ménages ainsi que le recensement et emploiera divers moyens non coercitifs pour encourager les Canadiens à y répondre. Nous intensifierons également nos efforts de communication et de publicité afin d'assurer un taux de réponse suffisant à cette enquête.
    C'est la première fois que Statistique Canada mène l'enquête nationale auprès des ménages. L'agence surveillera attentivement les résultats et appliquera les mêmes normes et méthodes rigoureuses utilisées pour tous les sondages à participation facultative. Ainsi, nous atteindrons l'équilibre nécessaire en répondant au besoin de recueillir de l'information sur les ménages pour élaborer des politiques publiques sans toutefois recourir à des mesures législatives exagérées pour forcer la main aux Canadiens.

  (0905)  

[Français]

    Un certain nombre de préoccupations ont été soulevées après l'annonce, et permettez-moi d'essayer d'apporter un peu de lumière dans ce débat.

[Traduction]

    Certains ont soulevé des préoccupations sur l'impossibilité pour le gouvernement de remplir ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles.

[Français]

    Cependant, je vous assure que toutes les questions en rapport avec les langues officielles posées dans le questionnaire de recensement de 2006 seront conservées dans le questionnaire de recensement court de la population de 2011.

[Traduction]

    La nouvelle enquête auprès des ménages comprend des questions sur les connaissances des Canadiens en matière de langues officielles, la langue maternelle et les langues parlées à la maison. Comme toujours, le gouvernement s'engage à part entière à tenir compte des priorités du Commissariat aux langues officielles concernant l'élaboration et la mise en oeuvre de ses politiques, de ses programmes et de ses services.

[Français]

    Les spécialistes en généalogie nous ont aussi dit qu'ils s'inquiétaient de ne plus pouvoir consulter l'information personnelle contenue dans la version longue du questionnaire après 92 ans sans le consentement du répondant. Pour dissiper ces préoccupations, j'ai spécifiquement demandé à Statistique Canada d'inclure dans l'enquête nationale auprès des ménages une question pour demander le consentement du répondant afin que les renseignements personnels le concernant puissent être communiqués après 92 ans.

[Traduction]

    De nouveau, notre gouvernement sentait qu'il fallait trouver un équilibre juste et raisonnable entre imposer l'obligation de répondre à des questions personnelles et intrusives et rendre ces questions totalement facultatives. Néanmoins, l'opposition ou les critiques n'ont jamais indiqué les questions qui devraient être obligatoires et celles qui devraient être volontaires. Les partis d'opposition ont promis de contraindre tous les Canadiens à répondre à des questions indiscrètes sur leur vie privée sous peine d'amendes et d'emprisonnement.
    Étant donné que l'opposition n'a pas appuyé le programme de répression de la criminalité de notre gouvernement, je trouve curieux que les seules personnes que l'opposition souhaite punir soient les Canadiens honnêtes qui ne veulent pas communiquer des renseignements personnels détaillés aux représentants de l'État. Cependant, j'estime que notre nouvelle approche, qui comprend un formulaire court obligatoire de recensement et un questionnaire long volontaire, nous permet d'atteindre l'équilibre nécessaire entre le besoin de données pour établir des politiques publiques et le respect de la vie privée des Canadiens.
    J'aimerais faire un bref commentaire sur le rôle du Cabinet et l'idée selon laquelle les politiciens ne devraient pas avoir leur mot à dire dans ces décisions.
    Selon l'article 31 de la Loi sur la statistique, il est obligatoire de répondre aux questions de recensement. Les Canadiens qui refusent de répondre sont passibles d'amende ou d'emprisonnement. Je comprends que, selon certains, les députés ne devraient pas être consultés pour prendre cette décision, mais ce n'est pas ce qui est stipulé dans la loi. Il est mentionné que les élus doivent se prononcer avant que l'État ne sévisse. Plus particulièrement, il est indiqué au paragraphe 21(1) que le Cabinet doit approuver les questions auxquelles les Canadiens sont tenus de répondre.
    Monsieur le président, cela tombe tout à fait sous le sens. Si un Canadien est passible d'emprisonnement pour ne pas avoir répondu à une question, on doit lui assurer que les questions obligatoires ont été approuvées par le gouvernement, élu démocratiquement. En outre, les citoyens doivent pouvoir en appeler de ces décisions auprès de leurs représentants élus, au lieu qu'on leur dise qu'ils n'ont aucun droit, étant donné que la responsabilité démocratique n'a pas sa place dans le recensement.
    Comme je l'ai dit, depuis le gouvernement Trudeau dans les années 1970, les ministres libéraux ont ajouté un nombre considérable de questions obligatoires. On peut être en accord ou en désaccord avec ces décisions, mais elles ont été prises par les gouvernements élus s'acquittant de leur responsabilité aux termes de la loi.
    À l'inverse, notre gouvernement a exercé sa responsabilité législative en réduisant le nombre de questions obligatoires et en augmentant le nombre de questions facultatives. La loi permet de le faire. Donc, je demande simplement aux gens de l'opposition et à ceux qui ont remis en question non seulement la décision, mais aussi le pouvoir de la prendre, qui devrait décider des circonstances qui font qu'une personne est passible d'emprisonnement. Les députés dûment élus ou quelqu'un qui n'a pas de comptes à rendre à la population?
    Je crois que notre gouvernement a réussi à atteindre l'équilibre entre le besoin de recueillir des données et la protection de la vie privée des Canadiens.
    J'ai hâte de connaître le point de vue des intervenants de la réunion d'aujourd'hui. J'invite tous les Canadiens qui le désirent à remplir le formulaire de l'enquête nationale auprès des ménages. Statistique Canada continuera de gérer tout le processus de recensement. Ses employés s'en tiendront aux mêmes normes et méthodes rigoureuses déjà appliquées à tous les sondages de l'agence.
    Merci, monsieur le président.

  (0910)  

[Français]

    Merci, monsieur le ministre.
    Les membres du comité disposent maintenant de 50 minutes pour formuler des questions et des commentaires.

[Traduction]

    Nous allons commencer par M. Garneau.

[Français]

    D'abord, monsieur le ministre, j'aimerais vous féliciter pour votre acte de courage dimanche dernier. On a tous eu connaissance de cela dans les nouvelles. J'espère que vous ferez appel à ce courage encore aujourd'hui pour répondre aux questions que je vais vous poser.

[Traduction]

    M. Clement, est-ce vrai que de hauts fonctionnaires du ministère des Finances, de Statistique Canada et du Conseil privé, dont le greffier lui-même, ont recommandé au premier ministre de maintenir le questionnaire long obligatoire?
    Je ne connais pas les recommandations du BCP ou du ministère des Finances. Nous avons discuté durant des mois avec les gens de Statistique Canada sur le caractère du formulaire long de recensement. En tant que gouvernement, nous seuls avons décidé de rendre volontaire le questionnaire détaillé pour trouver un équilibre entre le besoin de données et les préoccupations des Canadiens quant aux questions personnelles et indiscrètes.
    C'est la décision du gouvernement. Cela ne fait aucun doute. Je n'essaie pas de prétendre autre chose. Nous avons collaboré avec Statistique Canada au fil des mois pour mettre en oeuvre cette décision et assurer la collecte de données utiles et fiables.
    Merci. J'espérais obtenir une réponse pour cette question, mais permettez-moi de vous en poser une autre.
    Connaissez-vous bien le formulaire long du recensement de 2006?
    J'ai surtout travaillé à l'enquête nationale auprès des ménages de 2011, rendue publique hier et maintenant affichée sur Internet. Cela m'est beaucoup plus familier. Je vais tout de même essayer de répondre aux questions. Peut-être que...
    J'en parle parce que, jusqu'à tout récemment, vous disiez que les Canadiens ne devraient pas avoir à dire le temps qu'il leur faut pour se rendre au travail et l'heure à laquelle ils partent. Le fait est que ces questions ne figurent pas dans le recensement.
    Le ministre Baird a parlé du nombre de salles de bains. Cette question ne fait pas partie du recensement.
    J'ai entendu M. Bernier inventer des choses semblables.
    Même M. Blaney a dit, à la radio, que personne n'a à savoir ce qu'on mange pour déjeuner.
    Si vous voulez parler de ce genre de questions prétendument indiscrètes, je recommande à tous ceux d'entre vous qui s'expriment à ce sujet de vous assurer de bien connaître les questions du formulaire long de recensement.
    Puis-je clarifier la situation?
    M. Marc Garneau : Bien sûr.
    L'hon. Tony Clement : Je parlais évidemment de l'enquête nationale auprès des ménages de 2011, affichée sur le site Internet de Statistique Canada.
    À la question 48, on demande à quelle heure cette personne quitte habituellement la maison pour se rendre au travail. Question 50 : pendant combien de semaines cette personne a-t-elle travaillé en 2010? Question 53 : en 2010, cette personne a-t-elle payé une pension alimentaire à un ancien conjoint, à une ancienne conjointe ou à un partenaire ou pour ses enfants? La question E6 traite de rénovations, de carreaux de plancher détachés, de briques descellées, de bardeaux arrachés et de marches, de rampes ou de revêtement extérieur défectueux. À la question E8, on veut connaître les paiements par année pour l'électricité.
    Ces questions auraient fait partie du questionnaire long obligatoire de recensement. Elles figurent toujours dans le formulaire volontaire.

  (0915)  

    Bon nombre de questions de ce genre se trouvent, par exemple, parmi les quelque 200 que compte le recensement de l'agriculture qui, soit dit en passant, demeure obligatoire.
    Parlons du manque de franchise. Étant donné que bien des gens se posent des questions là-dessus, j'aimerais savoir pourquoi vous laissez entendre que Statistique Canada a trouvé une solution tout à fait acceptable pour compenser le caractère désormais volontaire du questionnaire long de recensement et qu'éduquer les Canadiens permettrait d'obtenir des données d'aussi bonne qualité, malgré cette participation facultative.
    Nous savons que c'est faux. Je sais que c'est faux. Le statisticien en chef a démissionné pour cette raison.
    Qu'est-ce qui vous a permis de croire que vous pouviez désinformer la population au lieu d'être direct, ouvert et honnête concernant l'opinion des responsables de Statistique Canada, qui jugent que l'approche volontaire ne permettra pas d'obtenir des données d'aussi bonne qualité?
    Permettez-moi de ne pas adhérer à votre version des faits. Disons que nos opinions sont probablement différentes. D'après moi, on ne doit pas menacer d'emprisonnement ou d'amendes les Canadiens qui ne souhaitent pas donner ce genre d'information personnelle -- par exemple, en réponse aux questions que j'ai lues aujourd'hui. Il s'agit d'une différence fondamentale entre votre parti et le nôtre.
    Cela dit, j'ai indiqué très clairement -- du moins, je l'espère -- que la décision a été prise par le gouvernement, qui, selon la loi, doit déterminer quelles questions sont obligatoires et quelles sont facultatives.
    Statistique Canada mène de nombreux sondages volontaires. Nous avons apporté des modifications pour les raisons que je viens d'évoquer. C'est nous qui avons pris la décision, et non les gens de StatCan. J'ai bien précisé que les gens de l'agence auraient sans doute été très heureux de s'en tenir au statu quo. Cependant, nous avons cru, pour les raisons que j'ai mentionnées, qu'il importait d'équilibrer la volonté d'obtenir toujours plus de données et l'attention accordée aux préoccupations de la population. C'était notre décision.
    À mon avis, vous avez fabriqué de toutes pièces cette crise, car 95 p. cent des Canadiens ont rempli le questionnaire long en 2006, sans qu'il n'y ait aucun problème. Malgré tout, vous annoncez des changements au milieu de l'été.
    Parlons de votre crédibilité... Saisissez-vous vraiment la différence entre un recensement obligatoire et un volontaire? Très longtemps, je croyais bien que vous compreniez, mais que vous suiviez la ligne de parti. D'un point de vue scientifique, comprenez-vous bien la différence?
    Merci, monsieur Garneau.
    Après la réponse de M. Clement, nous passerons au prochain député.
    Bien sûr.
    En fait, le recensement volontaire n'existe pas. Il n'y a que le recensement obligatoire et l'enquête volontaire. Oui, je connais la différence.
    Merci beaucoup, monsieur Clement.

[Français]

    Monsieur Bouchard, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur le ministre. À mon tour, je tiens à vous féliciter pour le geste de bravoure que vous avez réalisé ces derniers jours en sauvant une personne d'une noyade. J'espère que vous serez tout aussi courageux en reconnaissant qu'il y a consensus au Québec, et même à l'extérieur du Québec, contre votre décision.
    Ma première question est la suivante. Dans un avis important qu'ils ont émis, des acteurs dans le domaine ont décrit la perte de précision des données qui découle de votre décision de passer de l'obligation de remplir le formulaire à une action volontaire. Pouvez-vous nous dire si votre ministère a fait préalablement les études nécessaires pour évaluer les conséquences de la perte de précision des données de renseignements?
    Bien sûr, comme je l'ai dit, cette décision de changer les longs questionnaires a été prise par notre gouvernement pour protéger les Canadiens qui s'inquiètent des punitions prévues par cette loi.
    Bien sûr, je sais que Statistique Canada a recommandé le statu quo. C'est vrai et c'est important de le dire. Cependant, notre gouvernement a choisi une approche permettant d'atteindre un juste équilibre entre le fardeau imposé aux citoyens et les besoins des utilisateurs de données. À mon avis, c'est un juste équilibre.
    Toutefois, il est important de dire que le long questionnaire n'est plus obligatoire, puisque la situation a changé. C'est pour cette raison que j'ai demandé à Statistique Canada de considérer les options. Nous avons choisi une option de Statistique Canada pour répondre à nos préoccupations et à celles de tous les citoyens.

  (0920)  

    Merci, monsieur le ministre.
    Le conseil de la fédération se réunira d'ici quelques jours, et lors de cette réunion, il sera notamment question des modifications que vous avez apportées au formulaire de recensement. Advenant que le conseil arrive à un consensus consistant à laisser tomber l'idée d'un formulaire volontaire et compte tenu du fait que le Québec vous demandera de reconsidérer la possibilité que le formulaire demeure obligatoire, comme il l'était par le passé et lors des derniers recensements, abandonneriez-vous votre projet visant à adopter un questionnaire volontaire plutôt qu'obligatoire?
    Bien sûr, on a reçu beaucoup de commentaires selon lesquels le long formulaire devrait être obligatoire, mais comme je vous l'ai dit plus tôt, nous avons décidé qu'il était important de créer un juste équilibre entre les besoins des institutions, des provinces, des territoires et des entreprises privées, qui veulent toujours obtenir un grand nombre de renseignements reliés aux réponses de nos recensements, et la protection des Canadiens. En effet, il est important que les Canadiens n'aient pas à faire face à des punitions très sévères dans le cas où ils estiment que la réponse à certaines questions est très personnelle.

[Traduction]

    Nous essayons évidemment d'être justes et raisonnables pour équilibrer les intérêts des citoyens et ceux des gens qui souhaitent obtenir toujours plus de données. Si ce comité, des provinces ou des groupes trouvent d'autres solutions qui n'entrent pas en conflit avec les principes que nous soutenons, je les examinerai avec plaisir. Je ne suis pas fermé à cette idée. Toutefois, les solutions doivent respecter les principes que le gouvernement a énoncés et que j'ai décrits aujourd'hui.

[Français]

    Merci, monsieur le ministre.
    Je ne vous apprends rien en vous disant que nous menons présentement une lutte contre le déficit. Avez-vous évalué les coûts supplémentaires que pourrait occasionner votre décision? Comment justifiez-vous ces augmentations de coûts?
    Comme je l'ai dit aux gens des médias, notamment, il y a un coût additionnel de 30 millions de dollars associé à la tenue d'une campagne publique visant à convaincre les citoyens de remplir le questionnaire. En même temps, chaque recensement coûte cher. Il est important, selon nous, de payer le prix pour atteindre un juste équilibre entre les droits des citoyens et les besoins en matière d'information.

  (0925)  

    Merci, monsieur le ministre.
    Merci, monsieur Bouchard.
    Mr. Lake.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci de comparaître aujourd'hui, monsieur le ministre.
    Revenons sur la différence entre un recensement obligatoire et un volontaire dont a parlé M. Garneau. Pour qu'une chose soit obligatoire, il faut bien sûr y associer une menace. Au début des années 1970, le gouvernement libéral a instauré le formulaire détaillé. On a choisi d'obliger les Canadiens à répondre aux questions sous peine d'emprisonnement ou d'amendes.
    Notre décision est évidemment un peu différente. Parlons de ce qui la justifie et des facteurs pris en compte. Quel était l'objectif du gouvernement lorsqu'il a pris cette décision?
    Merci de votre question.
    Bien entendu, nous savions que des Canadiens -- pas tous, mais certains -- trouvaient les questions du formulaire long trop personnelles et trop indiscrètes et que, comme c'est le cas à l'approche de chaque recensement, ces préoccupations allaient refaire surface. D'après nos données, le nombre de plaintes émises par la population augmente à chaque recensement. C'est ce à quoi nous nous attendions pour 2011.
    Je répète que nous avons donné suite aux objections selon lesquelles les Canadiens ne devraient pas être tenus par la loi de répondre aux questions détaillées dont j'ai parlé et que je peux très brièvement répéter. On parle des prestations alimentaires pour enfants ou pour conjoint à la question 53, des réparations au logement, des revenus détaillés et de l'heure à laquelle la personne se rend habituellement au travail. Voilà le genre de questions posées.
    Nous en sommes venus à la conclusion qu'il est inapproprié de menacer les gens d'emprisonnement et d'amendes. Espérons que personne doive jamais purger trois mois d'emprisonnement pour avoir refusé de répondre à ces questions personnelles.
    C'est pourquoi nous avons cherché des options et discuté avec les responsables de Statistique Canada pendant des mois. Nous voulions savoir s'il était possible d'obtenir des données utiles et fiables à un coût raisonnable sans sanctionner ou punir les Canadiens qui refusent de donner ce genre d'information personnelle. C'était notre décision.
    Voilà ce que nous avons essayé de faire et ce qui nous a motivés à augmenter l'échantillon à 4,5 millions de ménages. Il s'agit de la plus grande enquête de l'histoire du pays.
    C'est une différence fondamentale entre notre parti et l'opposition. Selon nous, il ne faut pas menacer la population d'emprisonnement ou d'amendes pour recueillir de l'information détaillée. Les Canadiens doivent, tout au moins, avoir le droit de refuser de répondre.
    Il y a deux ou trois semaines, j'ai tenu trois consultations dans ma circonscription. En tout, environ 45 électeurs ont participé. Il est intéressant de constater que, malgré toute la couverture médiatique, personne ne s'est plaint de la décision.
    Durant les discussions, les gens de ma circonscription se sont dits très surpris d'apprendre qu'ils encouraient des peines d'emprisonnement ou des amendes à défaut d'avoir répondu aux questions du recensement de 2006 sur le nombre de chambres à coucher, le temps consacré à l'entretien du jardin ou aux travaux ménagers ou encore le temps passé à s'occuper de leurs enfants.
    Ils n'en reviennent pas quand je leur explique qu'ils sont passibles d'emprisonnement ou d'amendes s'ils refusent de répondre à ce genre de questions du formulaire long et de dire le temps qu'ils consacrent à leurs enfants. À mon avis, bien des Canadiens ne sont pas vraiment... Ceux qui reçoivent le formulaire détaillé le remplissent sans nécessairement savoir qu'on peut leur imposer des peines d'emprisonnement, s'ils ne répondent pas à ces questions. Ils sont plutôt bouleversés quant à la possibilité de se retrouver en prison pour avoir omis de répondre à la question sur le temps consacré aux travaux ménagers ou à l'entretien du jardin.
    À mon grand étonnement, les libéraux ont insisté pour qu'on poursuive ou menace les personnes qui ne répondent pas à ces questions.
    N'est-ce pas le coeur de la question? N'est-ce pas ce qui différencie les partis?

  (0930)  

    Effectivement, nous n'acceptons pas le caractère intrusif de certaines questions du formulaire de 40 pages et la menace d'être emprisonné trois mois ou de recevoir une amende si on refuse de répondre aux questions obligatoires.
    Les recenseurs intimident la population. Un ancien recenseur m'a affirmé en fin de semaine qu'on leur disait de ne pas hésiter à menacer de sanctions les Canadiens qui refusaient de répondre. La menace d'infliger une peine d'emprisonnement et des amendes fait donc partie de leurs pratiques.
    Certains nouveaux citoyens, qui auraient par exemple échappé à des régimes d'oppression, voient cela comme une menace très réelle. Un recenseur m'a parlé de gens qui pleuraient et étaient absolument terrifiés à l'idée d'être expulsés s'ils ne remplissaient pas le formulaire long de recensement. Dans certains cas, les personnes ont peur.
    Le gouvernement n'est pas là pour effrayer les citoyens honnêtes. Nous devrions encourager les gens et employer des moyens non coercitifs pour recueillir des données. Notre position est simple. C'est peut-être une grande source de désaccord avec nos amis de l'opposition.
    Merci, monsieur le ministre Clement.
    Monsieur Angus.
    Je suis content de pouvoir discuter avec vous ce matin, monsieur le ministre.
    Vous avez sans doute délibérément déformé la réalité. Ou bien, vos collègues et vous-même êtes peut-être aveugles à un point tel que vous l'avez fait sans le vouloir. La différence fondamentale entre votre parti et le nôtre, c'est que nous attendons d'un ministre de l'Industrie qu'il fonde ses décisions sur les faits, pas sur une légende urbaine, une hypothèse ou les dires de participants aux tribunes téléphoniques qui voient là de l'intimidation de la part du gouvernement.
    Mon collègue, M. Lake, a bien décrit la situation. Il doit tenir des réunions pour mettre en garde ses électeurs... Ces derniers ne savent pas qu'ils pourraient aller en prison. On veut faire croire que l'armée va débarquer chez les pauvres immigrants et leur en faire baver.
    J'ai examiné les statistiques. En 40 ans, personne n'est jamais allé en prison. C'est une crise fabriquée de toutes pièces.
    Il faut donc se demander si on a agi avec la diligence requise et effectué des travaux préparatoires pour justifier cette décision. Pourriez-vous fournir l'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée concernant le recensement de 2011? Y avait-il des problèmes selon ce document?
    Évidemment, nous n'avons pas encore effectué le recensement de 2011. Cependant...
    Mais on a procédé à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée. En avez-vous pris connaissance?
    Soyons clairs : StatCan tient, de manière très professionnelle, ses propres consultations avant chaque recensement, non seulement auprès des Canadiens qui s'y intéressent, mais aussi des groupes qui bénéficient des données...
    Avez-vous examiné l'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée?
    ... dans cette mesure, ils accomplissent leur travail. Pour notre part, nous devons établir une politique pour...
    Pardon.
    Avez-vous consulté l'évaluation réalisée?
    Nous consultons les fonctionnaires de Statistique Canada au même titre que ceux de tous les ministères. Les analyses nous sont envoyées...
    Avez-vous parlé avec la commissaire à la protection de la vie privée?
    En fait...
    M. Charlie Angus : Avez-vous pris conseil auprès de la commissaire?
    Monsieur Angus, laissez le ministre terminer sa réponse...
    M. Charlie Angus: Je veux simplement une réponse claire.
    Le président: ... vous pourrez ensuite passer à la prochaine question.
    Comme je le dis depuis le début, en tant que députés, à titre de membres du gouvernement, nous avons aussi été saisis des inquiétudes de Canadiens qui ne vont pas automatiquement s'adresser à une autre instance de la Chambre ou du gouvernement pour faire connaître leur position.
    Nous avons cherché à équilibrer les préoccupations des Canadiens à ce sujet et les demandes de ceux qui veulent obtenir toujours plus de données.
    Je vous pose la question, parce qu'on s'attend du ministre de l'Industrie qu'il fonde ses décisions sur autre chose qu'une idéologie aveugle. Je pensais que vous auriez pu parler de l'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée, dans laquelle on dit qu'aucun problème n'a été constaté. Je croyais que vous auriez contacté la commissaire à la protection de la vie privée, qui s'occupe de ces questions, mais vous ne l'avez pas fait. Mon collègue Brian Masse a communiqué avec elle et m'a dit qu'on a déposé seulement trois plaintes en 10 ans.
    Si vous appreniez aux électeurs qu'ils sont menacés, comme l'a fait M. Lake, je présume qu'ils pourraient y voir un problème. Cependant, il s'agit d'une crise fabriquée de toutes pièces. Vous n'avez aucune preuve indiquant que c'est un problème croissant.
    Vous parlez du besoin de trouver un équilibre et de l'absence d'options. Lundi dernier, un groupe -- un amalgame plutôt diversifié regroupant notamment la Canada West Foundation, des banquiers éminents, des planificateurs municipaux, des théoriciens provinciaux et les économistes de toutes les grandes banques -- a essayé de vous rencontrer pour trouver des solutions. Toutefois, vous avez rejeté l'idée du revers de la main.
    Comment pouvez-vous trouver un équilibre si vous préférez écouter les tenants de la théorie de la conspiration et vous refusez de discuter avec des gens crédibles, qui se fient aux données et veulent trouver des solutions?
    Pourquoi avez-vous écarté cette proposition de rencontre?

  (0935)  

    M. Angus, vous et moi sommes collègues à la Chambre. Nos opinions divergent peut-être; or, je ne décris pas les gens avec qui je suis en désaccord comme vous venez de le faire pour les Canadiens préoccupés à juste titre.
    Je veux bien admettre que certaines personnes, qui travaillent notamment dans les institutions, l'entreprise privée et les banques, aiment avoir accès à ces données. C'est un fait, et on voudrait sans l'ombre d'un doute maintenir le statu quo. En revanche, nous essayons d'équilibrer la volonté d'obtenir toujours plus d'information et les préoccupations des Canadiens à l'égard des questions indiscrètes obligatoires et de la menace de sanctions à défaut de répondre. Voilà l'approche raisonnable que nous adoptons.
    Ne serait-il pas judicieux qu'à titre de ministre de l'Industrie, vous acceptiez de rencontrer les économistes des banques, les planificateurs sociaux, les dirigeants municipaux et les responsables des gouvernements provinciaux qui veulent vous parler de l'incidence de votre décision idéologique?
    Nous avons tenu des consultations tout l'été. Depuis la fin des travaux de la Chambre, j'ai discuté avec des représentants de l'entreprise privée et des citoyens...
    Vous n'avez pas consulté les gens au sujet du recensement. Vous avez rejeté leur offre.
    On est libre de me parler de n'importe quel sujet. Je vous assure qu'il n'y a aucun tabou.
    Je me suis également entretenu avec...
    Vous n'avez donc rencontré aucun d'eux. Néanmoins, vous avez dit aux Canadiens que les gens de StatCan vous appuyaient dans votre démarche, qu'ils croyaient que votre décision idéologique -- prise sans la consultation et la diligence requises -- était une approche valable. Vous avez affirmé que Statistique Canada vous appuyait.
    M. Sheikh a dû démissionner pour préserver l'intégrité de l'agence. Il a déclaré que les gens de StatCan étaient contre votre décision et estimaient que les données ne seraient pas valables.
    Compte tenu de la démission de ce fonctionnaire de premier plan, admettez-vous tout au moins que vous avez pris cette décision uniquement pour des raisons idéologiques afin de satisfaire un mystérieux groupe qui se manifesterait de plus en plus; que vous n'avez pas l'appui de Statistique Canada; que vous avez refusé de rencontrer des banquiers éminents et des planificateurs sociaux; et que ce choix se fonde simplement sur une impulsion idéologique?
    J'ai l'impression d'entrer dans une réalité nouvelle où le NPD exige que je rencontre des banquiers, monsieur le président.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. Tony Clement: Cela dit, je répondrai à votre question avec plaisir.
    Évidemment, la démission de M. Sheikh a été acceptée à regret. J'ai travaillé avec lui pendant des mois pour mettre en oeuvre la décision du gouvernement de protéger la population contre les méthodes coercitives et intrusives employées concernant le formulaire de 40 pages. Ensemble, nous cherchions des solutions efficaces pour garantir l'utilité et la fiabilité des données obtenues grâce à une enquête volontaire.
    Nous avons certainement essayé d'atteindre cet équilibre, et je crois que nous avons réussi. Si quelqu'un souhaite proposer ses idées, nous sommes prêts à en discuter.
    Merci, monsieur le ministre et monsieur Angus.
    Monsieur Rota.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de témoigner aujourd'hui, monsieur le ministre.
    Avant de prendre cette décision, vous avez bien sûr demandé conseil. Vous dites que vous avez consulté Statistique Canada. L'ancien directeur de l'agence a indiqué que vous aviez le pouvoir de rendre publique la recommandation écrite qu'on vous a faite.
    Allez-vous la communiquer au comité?
    J'ai peut-être le pouvoir de le faire, mais si la recommandation a été faite au Cabinet, vous savez que le serment que j'ai prêté peut poser problème, monsieur Rota. Cela complique les choses...

  (0940)  

    Je parle de l'information qu'on vous a présentée. Allez-vous nous la fournir?
    Monsieur, je vous répète que...
    Oui ou non -- tout simplement.
    J'essaie de vous répondre. Parfois, les questions semblent simples, mais les réponses doivent être un peu plus détaillées.
    Comme je l'ai déjà dit à la population et au comité, c'est nous qui avons pris la décision. Nous en prenons l'entière responsabilité. Ensuite, nous avons collaboré avec Statistique Canada pendant plusieurs mois pour trouver des options de mise en oeuvre...
    J'en conclus que vous refusez.
    Passons à ma prochaine question, si vous permettez. Pour revenir sur ce dont parlait M. Angus, je suis préoccupé par les crises que vous avez fabriquées de toutes pièces. Dernièrement, vous avez présenté le projet de loi C-14 sur l'équité à la pompe, qui au fond n'était pas mauvais. Cependant, on donnait l'impression par cette mesure que tout le monde essaie de nous escroquer, alors qu'en réalité très peu de détaillants trichent à la pompe. Même si cela peut arriver, il n'y a qu'un très faible pourcentage de pompes qui présentent des problèmes de mesure. Vous avez donné à penser que nous étions pris pour cible et qu'il y avait urgence.
    Tout d'un coup, on laisse entendre que le gouvernement va mettre les gens en prison. On sème l'émoi en disant que les Canadiens qui ne remplissent pas le formulaire seront incarcérées. Je me souviens de 1995. J'étais conseiller municipal à North Bay et on vous a nommé ministre au sein d'un autre gouvernement. Je connais la chanson. De nouveau, vous mécontentez tout le monde et créez une crise où un grand nombre de personnes protestent contre quelque chose qui n'existe pas vraiment.
    Je parle d'emprisonnement et d'amendes.
    Combien de personnes a-t-on incarcérées depuis 1971?
    Je ne partage évidemment pas votre interprétation. Notre objectif est...
    Non, non. Je répète la question. Combien de personnes ont été emprisonnées depuis 1971? C'est pourtant simple.
    Notre objectif est...
    Non, non. Je vous demande combien de personnes ont été emprisonnées.
    Veuillez laisser le ministre terminer sa phrase. S'il ne répond pas à votre question, c'est peut-être qu'il n'en connaît pas la réponse.
    La différence entre vous et moi...
    Monsieur le ministre, je ne vous ai pas demandé quelle était la différence entre vous et moi; je vous ai demandé combien de personnes ont été incarcérées depuis 1971.
    ... c'est que vous acceptez qu'un Canadien...
    Laissez-le terminer sa phrase.
    ... qui refuse de remplir un questionnaire de recensement de 40 pages soit menacé d'emprisonnement. Vous êtes prêt à les menacer d'amendes ou d'incarcération, mais pas nous. Voilà la différence fondamentale entre nous.
    Merci, monsieur le ministre.
    Monsieur Rota, allez-y.
    Avez-vous pensé à lever ou à modifier les sanctions? Il semble que ce soit la solution logique au problème. C'est une option envisageable...
    Bien sûr que nous y avons pensé. Par contre, le problème c'est qu'une chose ne peut être obligatoire si aucune sanction n'est prévue, sans quoi il s'agit pratiquement d'une menace sans effet. Nous préférons laisser les Canadiens remplir le long formulaire de façon volontaire pour recueillir les données fiables dont certaines entreprises ou institutions ont besoin. Nous croyons que c'est préférable.
    Quelles sanctions sont prévues pour le questionnaire court du recensement et le recensement de l'agriculture?
    La sanction prévue pour le formulaire court n'a pas changé. Dans le cas du recensement de l'agriculture...
    Vous êtes donc prêts à emprisonner les gens qui ne remplissent pas le formulaire court, mais pas ceux qui ne remplissent pas le long questionnaire. Ce n'est pas logique. Vous êtes prêts à jeter les agriculteurs en prison, mais pas ceux qui ne remplissent pas le formulaire détaillé du recensement. Je ne comprends pas le raisonnement derrière tout cela. Vous vous débarrassez d'un outil utile alors que c'est la sanction qui pose problème, c'est-à-dire...
    Je sais que vous et moi ne sommes pas d'accord. En ce qui concerne le recensement de l'agriculture, je m'en remets évidemment à l'avis du ministre de l'Agriculture. Comme nous l'avons dit, le questionnaire court comporte huit questions, je crois. On y demande des renseignements de base, et chaque ménage canadien qui le reçoit est tenu d'y répondre.
    Il n'y a pas que la menace d'emprisonnement qui nous pose problème. Il y a aussi la nature indiscrète des questions. Je crois avoir été assez clair à ce sujet.
    Monsieur le ministre, je vous remercie, et vous aussi, monsieur Rota.
    Je laisse maintenant la parole à monsieur Petit.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur le ministre. Merci d'être venu.
    J'aimerais vous poser une question d'ordre général. Je viens du Québec et, selon le dernier sondage, nous sommes la province la plus réticente à répondre sous la menace d'emprisonnement. Plus de 62 p. 100 des gens que je représente ne veulent pas répondre à ce type de questions alors qu'on est menacé de prison ou d'amendes. C'est la réalité qui est vécue dans mon comté. C'est la province de Québec qui est la plus réticente.
    Monsieur le ministre, j'aimerais savoir exactement ceci. Les médias ont fait beaucoup de bruit quand notre gouvernement a décidé de transformer certaines questions obligatoires en questions volontaires. Comme je l'ai dit dans le préambule, je ne crois pas que les Canadiens doivent être obligés, sous la menace d'amendes ou d'emprisonnement, de divulguer des renseignements privés et personnels.
    D'abord, je vous remercie d'avoir le courage d'aider à la protection de la vie privée. C'est très important. Depuis 30 ans, c'est le premier gouvernement qui protège la vie privée de cette façon.
    Pourriez-vous expliquer aux Canadiens pourquoi le gouvernement a pris cette décision et pourquoi vous en êtes arrivé à cette décision, outre le fait que les sondages démontrent que le Québec ne veut pas de ce qu'on appelle le système obligatoire?

  (0945)  

    Je vous remercie de votre question.
    En fait, la version courte du formulaire de recensement est obligatoire et est envoyée à tous les ménages canadiens. Cependant, la version longue du formulaire de recensement de 2006, par exemple, était un questionnaire de 40 pages comportant plus de 66 questions très détaillées sur la langue, l'éducation, le logement, l'ethnie, la religion, la citoyenneté et l'immigration, le revenu, les activités, etc. L'article 31 de la Loi sur la statistique indique qu'une personne qui refuse ou néglige de fournir cette information est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d'une amende maximale de 500 $ ou d'une peine maximale d'emprisonnement de trois mois, ou les deux. C'est une mesure très dure.
    Nous avons donc décidé qu'il était important d'avoir un juste équilibre entre le besoin des entreprises privées, des institutions, des provinces et des territoires d'obtenir plus d'information et la protection des citoyens. Ainsi, si un citoyen décide que cette information est très personnelle, un choix s'offre à lui.
    Monsieur le ministre, en ce qui a trait à l'équilibre, vous avez parlé du formulaire court et du formulaire long. Vous voulez retirer l'obligation de remplir le formulaire long sans quoi on est menacé d'écoper d'une peine d'emprisonnement ou d'une amende.
    En tant que secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, j'ai de la difficulté avec cela. Les opposants à notre décision ne veulent pas envoyer les vrais bandits en prison, mais aujourd'hui ils voudraient criminaliser des honnêtes gens. C'est exactement ce qu'ils veulent faire en prenant position ainsi: ils veulent maintenir telles quelles les peines d'emprisonnement et les amendes si quelqu'un ne répond pas au long questionnaire. On impose donc à un honnête citoyen une pénalité plus forte que ce que nous demandons pour des vrais criminels ici, à la Chambre.
    Pourriez-vous expliquer de quelle façon vous créez l'équilibre entre le long formulaire et le formulaire court?
    Vous avez raison. En fait, nous cherchons une solution d'équilibre juste et raisonnable. C'est pour cette raison que j'ai demandé à Statistique Canada, à la suite de notre décision de changer le long questionnaire, de trouver une solution pour s'assurer d'obtenir l'information nécessaire en même temps qu'on protège le citoyen.
    Merci, monsieur le ministre.
    Monsieur Nadeau.
    Merci, monsieur le président.
     Bonjour, monsieur le ministre. Bonjour, monsieur Dicerni.
    Le débat qu'on tient présentement sur la question du recensement est vraiment très troublant. D'abord, il faut savoir que les conservateurs ont aussi administré ce recensement en 1986, à l'époque du Parti progressiste conservateur, et en 1991, sous le règne de M. Mulroney. Il s'agissait d'un recensement comportant les mêmes paramètres.
    En ce qui a trait à la question de l'emprisonnement, ne pourrait-on pas partir du fait que jamais personne n'a été emprisonné? Pourquoi ne prenez-vous pas les devants en éliminant tout simplement cet aspect? Plutôt que d'en faire une psychose ou quelque chose du genre, on n'en parlerait tout simplement plus. Le fait que vous vous accrochiez à ce genre d'argument pour reculer est extrêmement troublant.
    Par ailleurs, des scientifiques dont le gagne-pain consiste à réaliser des études à partir de statistiques, dont celles de Statistique Canada, ont dit clairement que, sur le plan scientifique, on n'arrivait pas aux mêmes résultats lorsqu'il s'agissait d'un questionnaire rempli de façon volontaire plutôt qu'obligatoire. Ce n'est pas moi qui le dis: ce sont des gens qui détiennent un doctorat et qui travaillent dans ce domaine. Il ne s'agit pas de rumeurs de couloirs ou d'une quelconque volonté politique visant à ne pas faire peur aux citoyens. Que je sache, 95 p. 100 des gens qui reçoivent ce formulaire long le remplissent. On est donc en train de créer une psychose, un faux problème.
    Il faudrait peut-être d'abord savoir d'où viennent les recensements. À l'ère moderne, dans laquelle j'aimerais que vous restiez plutôt que de retourner à l'obscurantisme qu'on a déjà connu, lorsqu'on est passé des monarchies absolutistes à certaines formes de démocratie, on a eu besoin de données afin d'aider les citoyens à tous les égards. L'objectif était notamment de combattre la pauvreté et d'améliorer les conditions en matière de santé. À l'époque, on appelait ça des mathématiques politiques. C'est devenu des statistiques. C'était très utile pour l'État, précisément pour venir en aide à la population.
    Monsieur le ministre, en choisissant d'envoyer le long formulaire à 30 p. 100 de la population plutôt que 20 p. 100, du fait que c'est un processus volontaire, vous êtes prêt à courir le risque qu'il y ait moins de données et moins de bons résultats sur le plan scientifique. Les éléments comparatifs ne seront plus acceptables.
    N'oublions pas que dans ces conditions, on ne rendra plus le même service aux citoyennes et aux citoyens. La Ville de Gatineau s'est prononcée contre votre approche, de même que la province de Québec. La tonne d'organismes, d'institutions — parlementaires ou autres — et de représentants des citoyens qui se sont prononcés contre cette modification sont une montagne à côté des quelques alliés dont vous nous parlez.
    Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à reculer, à accepter que vous avez suivi une mauvaise piste et à convenir que l'approche courante doit être maintenue, et ce, à la lumière des propos dont nous ont fait part des gens qui connaissent ce domaine?

  (0950)  

    Nous cherchons à atteindre un juste équilibre entre les besoins des utilisateurs de données et le fardeau imposé aux citoyens. Bien sûr, comme je l'ai dit aujourd'hui et au cours des derniers jours, le fait de remplacer une enquête obligatoire par une enquête à participation volontaire comporte un défi sur le plan de la qualité des données. C'est pour cette raison que nous avons demandé à Statistique Canada son avis sur la manière de structurer l'enquête nationale en vue d'atténuer ce risque. Nous avons donc choisi l'option consistant à envoyer le formulaire à plus de ménages, soit à un ménage sur trois, ce qui représente 33 p. 100, plutôt que 20 p. 100 de la population.
    Merci, monsieur le ministre.
    Nous allons maintenant entamer le troisième tour avec M. Lukiwski.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, j'aimerais revenir brièvement sur un commentaire de M. Angus. Il s'est montré assez critique à l'égard de mon collègue, M. Lake, qui a organisé des tables rondes dans sa circonscription au cours desquelles il a informé certains électeurs de la menace d'emprisonnement ou d'amende à laquelle ils s'exposent s'ils refusent de remplir le questionnaire long du recensement. M. Angus semblait laisser entendre que ces dispositions ne causent de tort à personne puisque la plupart des Canadiens ne savent pas qu'elles existent.
    Est-il acceptable de n'apporter aucune modification simplement parce que les gens ne sont pas au courant de la menace d'emprisonnement et d'amende?

  (0955)  

    C'est évidemment inacceptable, d'autant plus que ces préoccupations ont tendance à se propager davantage à l'approche du recensement. Elles atteignent leur apogée lorsque les recenseurs commencent à cogner aux portes des citoyens pour faire le suivi.
    Les amendes et l'emprisonnement sont prévus dans la Loi sur les statistiques et comptent parmi les mesures et les menaces auxquelles on peut avoir recours pour inciter les gens à remplir le questionnaire. Nous croyons que cela n'a pas lieu d'être. Nous pensons que le gouvernement va trop loin pour obtenir toujours plus de renseignements.
    Nous reconnaissons que les données sont importantes pour la prise de décisions. Toutefois, nous croyons qu'il faut trouver un compromis entre la protection des citoyens contre les ingérences outrancières de l'État et l'obtention de données utiles et conformes aux objectifs de l'enquête. C'est ce juste équilibre que nous recherchons.
    Je sais que des gens de Statistique Canada témoigneront devant le comité ce matin, et je pourrai leur poser ces questions, mais pourriez-vous me dire s'il est vrai que Statistique Canada mène maintenant plusieurs enquêtes à participation volontaire grâce auxquelles on recueille des renseignements à diverses fins?
    Tout à fait. D'année en année, le rôle de Statistique Canada gagne en importance, au fil de l'accroissement de la demande pour des données de plus en plus détaillées. Le gouvernement doit prendre des décisions touchant les mesures législatives; c'est pour trouver un juste milieu que nous avons décidé de recueillir davantage de renseignements auprès des Canadiens au moyen d'un questionnaire à participation volontaire et de réduire le nombre de questions obligatoires. Nous avons tout simplement pris cette décision qui, je crois, est juste et raisonnable.
    Statistique Canada mène une multitude d'enquêtes à participation volontaire — une fois encore, je ne manquerai pas de poser cette question aux gens de l'agence, qui pourront mieux y répondre — et je suppose que l'on reçoit un grand nombre de réponses sur une base volontaire, sans quoi on exercerait probablement des pressions pour que plusieurs de ces enquêtes deviennent obligatoires. Ai-je raison?
    Je vous encourage à poser cette question aussi à certains autres témoins qui comparaîtront aujourd'hui. En tant que ministre responsable de StatCan, je peux certainement vous assurer que cette agence fait preuve d'un grand professionnalisme. Les employés de StatCan font un bon travail non seulement dans le cas des recensements obligatoires, mais aussi pour les enquêtes à base volontaire. En ce qui concerne le questionnaire détaillé à participation volontaire de l'enquête nationale auprès des ménages, StatCan s'est bien entendu engagé à faire preuve du même professionnalisme que pour toutes ses autres enquêtes volontaires.
    Pour terminer, monsieur le ministre, j'aimerais vous poser une dernière question. Même si la réponse semble aller de soi compte tenu de la position du gouvernement, j'aimerais que vous la formuliez à voix haute devant le comité, si vous le pouvez.
    Dans quelle mesure êtes-vous persuadé que StatCan pourra recueillir les mêmes renseignements qu'il le fait depuis des dizaines d'années si le long formulaire est remplacé par un questionnaire à base volontaire?
    À vrai dire, il ne fait aucun doute qu'en l'absence de menaces d'emprisonnement et d'amendes, il faudra faire appel à des méthodes non coercitives de persuasion un peu plus efficaces afin d'obtenir les mêmes renseignements. Je ne veux rien dire de plus à ce sujet; c'est faisable, et c'est ce que nous allons faire.
    Merci beaucoup, monsieur Lukiwski.
    Je remercie nos deux témoins, messieurs le sous-ministre et le ministre, pour leur comparution.
    La séance est suspendue jusqu'à 10 h 30.

    


    

  (1030)  

    Je vous souhaite la bienvenue à cette 29e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Nous sommes réunis en ce 27 juillet 2010 conformément au paragraphe 108(2) du Règlement pour étudier le long formulaire du recensement.
    Nous accueillons maintenant deux anciens statisticiens en chef de Statistique Canada qui témoigneront à titre personnel: MM Sheikh et Fellegi. Je vous souhaite la bienvenue.
    M. Sheikh est accompagné de son avocate, Mme McIsaac.
     Vous avez le droit de conseiller M. Sheikh, mais je vous demanderais de vous adresser directement à lui, et non pas aux membres du comité.
    M. Sheikh, vous pouvez consulter votre avocate en tout temps. J'aimerais toutefois que vous seul vous adressiez au comité.
    Sans plus de cérémonie, MM. Sheikh et Fellegi feront une déclaration préliminaire de cinq minutes chacun. Monsieur Sheikh, vous avez la parole.
    Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je tiens à vous remercier de me donner la chance de témoigner devant vous aujourd'hui.
    Étant donné les discussions récentes sur le recensement, je crois qu'il pourrait vous être utile de mieux connaître le processus. C'est essentiellement ce dont je parlerai au cours des cinq prochaines minutes.
    Avant de décrire brièvement ce processus, voici deux des objectifs poursuivis par Statistique Canada: recueillir des données de la meilleure qualité possible au coût le plus bas possible. C'est grâce à ce genre d'objectifs que Statistique Canada jouit d'une excellente réputation à l'échelle internationale.
    Le processus se divise en six étapes.
    Au cours de la première étape, StatCan consulte les parties intéressées et les utilisateurs des données. Le Guide de consultation sur le contenu du Recensement de 2011 a été publié en juillet 2007 et le Rapport de consultation sur le contenu du Recensement de 2011, en juillet 2008. Plus de 150 organisations et citoyens ont envoyé plus de 1 200 suggestions à Statistique Canada sur le contenu du recensement.
    La deuxième étape consiste à élaborer les questions à la lumière de ces consultations. Afin d'assurer la continuité par rapport aux données antérieures, les modifications apportées d'un recensement à l'autre sont généralement assez minimes. Le questionnaire d'aujourd'hui contient encore 60 p. 100 des questions du recensement de 1971. Après le recensement de 2006, on a laissé tomber les questions sur le travail non rémunéré. Pour 2011, de nouvelles questions sur le temps consacré aux déplacements, sur l'aide pour les services de garde d'enfants et les coûts qui y sont associés et sur les logements subventionnés ont été ajoutées.
    En troisième lieu, il faut choisir quelles questions figureront au questionnaire court et au formulaire détaillé. C'est en 1971 qu'on a utilisé les deux formulaires pour la première fois; auparavant, il n'y en avait qu'un.
    Statistique Canada ne se base pas sur l'importance des questions pour les répartir entre les deux formulaires, car elles répondent toutes aux besoins de divers utilisateurs. Par exemple, il se peut que la question du formulaire court sur le dénombrement soit la plus importante aux yeux des gouvernements pour la distribution des sièges ou les transferts entre le fédéral et les provinces. Pour ceux qui s'occupent de la planification des transports d'une ville, ce sont plutôt les renseignements sur les moyens de transport utilisés pour se rendre au travail et sur le temps consacré aux déplacements qui comptent le plus; ces questions se trouvent sur le formulaire détaillé.
    Ce n'est donc pas l'importance des questions qui détermine si elles feront partie du questionnaire court ou du formulaire détaillé. On se base plutôt sur l'évaluation de la rentabilité: comment pouvons-nous recueillir les données de la meilleure qualité possible au coût le plus bas?
    À ma connaissance, les employés de Statistique Canada qui travaillaient au recensement de 1971 ont déterminé que certaines questions devaient être posées à la population entière pour que les données recueillies soient d'une qualité raisonnablement comparable aux autres. Ces questions se sont retrouvées dans le formulaire court. Pour les autres questions, il était possible d'atteindre le niveau de qualité requis en les envoyant à un échantillon de population représentatif méthodiquement sélectionné qui devait obligatoirement y répondre; c'est ce qui est devenu le long questionnaire.
    Naturellement, envoyer le questionnaire à un échantillon représentant le cinquième de la population, plutôt qu'à la population entière, réduit considérablement le coût du recensement. Cela permet aussi de réduire énormément la quantité de réponses à traiter.
    Depuis 1971, les spécialistes de la méthodologie chez Statistique Canada évaluent la répartition des questions entre les deux formulaires à chaque recensement. C'est la seule raison pour laquelle la question — et je cite — « Quelle est la langue que cette personne a apprise en premier lieu à la maison dans son enfance et qu'elle comprend encore? » se trouve dans le questionnaire court, alors que « Pendant la semaine du dimanche 1er mai au samedi 7 mai 2011, combien d'heures cette personne a-t-elle travaillé à un emploi salarié ou à son compte? » figure au formulaire détaillé.

  (1035)  

    En quatrième lieu, Statistique Canada soumet au gouvernement la liste des questions proposées. Ce dernier les examine et détermine celles qui seront retenues pour le recensement avant d'en aviser l'agence.
    La cinquième étape est la collecte des données. Dans le cadre des efforts constants de Statistique Canada pour réduire ses coûts, l'agence a eu recours au Web dans une large mesure pour collecter les données du recensement de 2006. Le test du recensement de mai 2009 a indiqué que le taux de réponse en ligne pourrait doubler lors du recensement de 2011 pour atteindre environ 40 p. 100.
    En dollars canadiens de 2009-2010, le coût du recensement de Statistique Canada est de 43,77 $ par ménage, comparativement à 126,18 $ aux États-Unis et 49,68 $ en Australie, deux pays auxquels nous nous comparons régulièrement.
    La sixième étape consiste à transformer les données brutes en données dont les utilisateurs peuvent se servir, puis à les diffuser. Il faut environ un an avant de pouvoir diffuser les résultats, puisqu'il y a une grande quantité de données à traiter, à préparer et à vérifier pour en assurer l'exactitude, l'exhaustivité et l'homogénéité. Les données sont analysées en profondeur pour que les résultats soient bien compris avant d'être rendus publics.
    Il faut approximativement sept ans pour compléter l'ensemble du processus de recensement.
    Merci, monsieur le président.
    Merci monsieur Sheikh.
    M. Fellegi, vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.
    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité. J'ai préparé un exposé préliminaire un peu plus long, mais je ne le lirai pas. Le texte vous sera distribué, si ce n'est pas déjà fait.
    J'aimerais aussi dire que j'ai demandé à la greffière du comité de distribuer la déclaration « À la recherche de solutions » faite hier par le Conseil national de la statistique.
    Je parlerai de quelques points seulement.
    Tout d'abord, je tiens à souligner à quel point je suis impressionné — même moi, après avoir passé 51 ans à Statistique Canada, suis impressionné — par le grand appui manifesté envers le recensement, ce qui témoigne bien de son utilité et de son importance. Je n'aurais pas imaginé qu'un si grand nombre de groupes puissent ainsi se mobiliser et prendre la parole pour souligner toute l'importance que revêt pour eux le recensement. On ne peut le nier.
    Deuxièmement, j'aimerais souligner que tout questionnaire à participation volontaire donne nécessairement des résultats faussés. Cela a beaucoup d'importance, car, contrairement aux erreurs d'échantillonnage, ce risque de distorsion ne peut pas être évalué à partir des données d'une enquête. Dans le cas des erreurs d'échantillonnage, nous pouvons accompagner les résultats d'un énoncé, comme dans un sondage. Par exemple, nous pouvons dire que la marge d'erreur est de 2 ou 3 p. 100, 19 fois sur 20. Le risque de distorsion est sournois et omniprésent; nous essayons toujours de le comprendre sans jamais y parvenir. Plus l'étendue des données est importante et plus elles sont décomposées finement, comme dans le cas d'un recensement, plus le risque de distorsion devient pernicieux, puisque nous ignorons d'où il vient. Utiliser des résultats à grande échelle sans analyser la probabilité de biais statistique représente un risque sociétal majeur. Ce n'est pas un risque statistique; c'est un risque pour la société.
    Je ne vous demande pas de me croire sur parole. La Société statistique du Canada et l'American Statistical Association ont tous les deux fait des déclarations catégoriques et sans équivoque à ce sujet.
    Le risque de distorsion est d'autant plus préoccupant que la plupart des utilisateurs ne sont vraiment pas intéressés à n'avoir qu'un simple aperçu; ils veulent savoir comment la situation a évolué depuis le dernier recensement. Toutefois, si les dernières données ont été recueillies à l'aide d'une méthode fiable, mais que les prochaines ne le sont pas, les résultats ne pourront pratiquement pas être utilisés pour déterminer l'évolution de la situation. Même si on peut en quelque sorte utiliser ces données pour brosser un tableau général de la conjoncture actuelle, on ne pourra vraiment pas les comparer pour observer ce qui s'est passé depuis le dernier recensement. Et il s'en est passé des choses, notamment la crise financière de 2008.
    Le troisième élément sur lequel j'aimerais attirer votre attention, c'est la protection des renseignements personnels, qui est au coeur des préoccupations de Statistique Canada et l'a toujours été. Nous avons pris d'innombrables mesures pour améliorer la situation, qui était déjà très bonne au départ.
    Tout d'abord, il n'est jamais arrivé que la source des renseignements fournis à Statistique Canada soit révélée — c'est-à-dire que l'on ait identifié la personne ayant fourni les renseignements.
    Ensuite — et je désire simplement rétablir les faits —, ce n'est pas le formulaire détaillé qui a été utilisé pour la première fois en 1971. C'était plutôt le formulaire court. Avant 1971, tout le monde recevait le formulaire détaillé au complet, à 100 p. 100.

  (1040)  

    En 1971, grâce à une initiative personnelle — je n'étais pas encore statisticien en chef à l'époque, mais j'occupais un poste assez important pour prendre ce genre d'initiative — nous avons pour la toute première fois introduit l'échantillonnage dans le processus de recensement, et avons créé le questionnaire court. Le formulaire détaillé était désormais envoyé à une personne sur cinq.
    Je ne mentionnerai pas toutes les autres mesures prises pour améliorer la protection des renseignements personnels, car le président vient de m'indiquer que mon temps est presque écoulé. J'aimerais quand même aborder un point fondamental sur lequel, je l'espère, vous me poserez des questions: qu'allons-nous faire maintenant? Statistique Canada et, par le fait même, tous ses utilisateurs se trouvent face à une situation tout à fait particulière; nous devons trouver des solutions constructives.
    J'aimerais attirer votre attention sur une solution proposée par le Conseil national de la statistique, un organisme désigné par le ministre pour conseiller le statisticien en chef. Pour nous sortir de l'impasse, le conseil a formulé hier des propositions qui, selon moi, sont tout à fait constructives.
    C'était mon dernier point. Merci.
     Merci, monsieur Fellegi.
    Nous disposons maintenant d'environ 15 minutes pour les questions et commentaires des membres du comité. C'est à M. McTeague de commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier MM. Sheikh et Fellegi d'être ici aujourd'hui. Je crois que c'est extrêmement important. C'est incroyable qu'un tel enjeu surgisse ainsi en plein milieu de l'été. Je suis député depuis 17 ans, et je n'ai jamais été témoin d'une décision du gouvernement qui a suscité une telle opposition partout au pays.
    Arthur Carty, le conseiller national des sciences; Jean-Pierre Kingsley, l'ancien directeur général des élections; Linda Keen, la présidente de la Commission de sûreté nucléaire; Peter Tinsley, l'ancien président de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire; Paul Kennedy, l'ancien commissaire des plaintes du public contre la GRC; Adrian Measner, l'ancien président de la Commission canadienne du blé; et maintenant, vous, monsieur Sheikh: après une brillante carrière de 38 ans au service de la population, pour laquelle nous vous sommes très reconnaissants, vous avez été forcé de démissionner étant donné la situation dans laquelle vous vous trouviez.
    Monsieur Sheikh, pourriez-vous nous parler de votre geste courageux et sans précédent, c'est-à-dire de votre démission du poste de statisticien en chef au pays?
    Si j'essayais de donner par écrit une réponse complète à votre question, je ne trouverais probablement pas de meilleurs mots que ceux de M. Alex Himelfarb, un ancien greffier du Conseil privé.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais lire son article en réponse à la question. Voici ce qu'il a dit — et je cite textuellement son article:
Au Canada, nous pouvons compter sur une fonction publique professionnelle et non partisane, dont le travail a toujours été guidé par le principe suivant: « conseiller avec courage et exécuter avec loyauté ». On estime en effet que les gouvernements travaillent mieux lorsqu'ils ont accès aux meilleurs conseils, renseignements et solutions qui soient — même ceux qu'ils ne veulent peut-être pas entendre. Comme dans toute démocratie, la fonction publique doit exécuter avec loyauté les décisions légitimes du parti au pouvoir — peu importe qu'elle soit en accord ou non. Voilà comment on procède quand tout va bien. Je sais que Munir est un homme d'une grande intégrité, qui prône les valeurs que sont le professionnalisme et la non-partisanerie au sein de la fonction publique...
En tant que statisticien en chef du Canada, Munir avait aussi une autre responsabilité: protéger l'intégrité et la crédibilité de l'agence et de ses produits, sans lesquels Statistique Canada ne peut pas remplir son mandat. Sur le site Web de Statistique Canada, Munir parle avec une fierté non dissimulée de l'objectivité et de la neutralité des données. Statistique Canada, qui s'est bâti une solide réputation internationale, a compris depuis longtemps que pour bien remplir son rôle consistant à éclairer les décisions prises dans les secteurs public et privé et à contribuer ainsi au processus démocratique, il se doit d'entretenir la confiance des gens en son intégrité et ses compétences techniques.
Je n'ai pas encore eu la chance de parler avec Munir. Je présume toutefois qu'au moment où un doute s'est installé quant aux recommandations formulées par Statistique Canada, il a cru nécessaire d'annoncer publiquement que l'approche volontaire qui serait mise en place ne pourrait pas remplacer le questionnaire obligatoire. Aucun statisticien en chef ne voudrait que les gens perdent confiance en croyant que Statistique Canada est prêt à faire des concessions quant à la qualité de ses conseils techniques au gouvernement ou à fausser de quelque façon que ce soit les renseignements fournis aux Canadiens. Il en va directement de la crédibilité de l'agence et du respect des valeurs de la fonction publique.

  (1045)  

     Monsieur Sheikh, je suis de ceux qui croient que votre intégrité est demeurée tout à fait intacte, et nous vous en remercions. J'aimerais toutefois vous demander ce qui vous a incité à démissionner. Mis à part les questions de principe et d'intégrité, le ministre vous a-t-il forcé, vous, qui travaillez dans la fonction publique sans lien de dépendance depuis environ 38 ans, à faire quoi que ce soit qui vous a amené à croire que l'avenir du recensement de Statistique Canada était en péril? Pourquoi avez-vous été obligé de démissionner, monsieur?
    Tout d'abord, permettez-moi de vous rappeler que le gouvernement a le droit de prendre des décisions qui, si elles sont légitimes, devraient être exécutées avec loyauté par tout ministère.
    Voici la raison pour laquelle j'ai quitté mon emploi, qui est d'ailleurs clairement énoncée dans ma lettre de démission. Lorsque des doutes ont été soulevés relativement aux recommandations que nous avons pu faire — et tous les statisticiens s'entendraient pour dire que cela va à l'encontre de notre travail —, j'ai conclu que je ne pouvais pas être à la tête d'une agence dont la réputation est ternie.
    L'ingérence du gouvernement est donc réelle... le gouvernement lui-même. Après avoir entendu le témoignage du ministre, je suis surpris, monsieur, que vous ayez tenu le coup aussi longtemps.
    Monsieur Fellegi, dans son témoignage, le ministre a donné les raisons — certaines des raisons, mais pas toutes — pour lesquelles le questionnaire détaillé du recensement serait éliminé: des gens pourraient hésiter à fournir les renseignements demandés par crainte de contribuer à leur propre expulsion, et que ceux qui proviennent de « régimes d'oppression » pourraient être peu disposés à répondre à ce genre de questions détaillées.
    Monsieur Fellegi, vous qui venez d'un régime totalitaire, pouvez-vous me dire si ces commentaires du ministre sont justifiés?
    Eh bien, on ne peut nier que le régime sous lequel j'ai grandi en Hongrie était totalitaire. Le pays était socialiste à cette époque. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de quitter le pays à la première occasion.
    Pour répondre à votre question, je peux bien sûr affirmer sans équivoque que ces commentaires ne sont pas justifiés. Statistique Canada prend sans cesse de nouvelles mesures pour mieux protéger les renseignements personnels qu'elle reçoit. On n'a jamais invoqué la Loi sur la statistique contre qui que ce soit pour divulgation de renseignements personnels, sciemment ou non. Que l'on parle d'une divulgation délibérée ou d'un manque d'attention... nous nous assurons que cela ne se produit pas.

  (1050)  

    Je vous remercie, messieurs Fellegi et McTeague.
    Monsieur Bouchard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, messieurs.
     Je suis très satisfait et heureux, monsieur Sheikh, que vous ayez accepté de venir témoigner devant le comité. Je tiens à vous féliciter pour votre courage et pour le geste que vous avez posé en démissionnant de vos fonctions. Votre décision m'interpelle au plus haut point.
    Monsieur Fellegi, je veux vous remercier d'avoir pris la parole par l'entremise des médias. Je considère que vos propos ont été très éclairants. Merci.
     Mes questions s'adressent plus particulièrement à M. Sheikh.
    Selon vous, quel est le principal inconvénient de la décision prise par le ministre?

[Traduction]

    Permettez-moi de faire une analogie afin de clarifier une question qui est peut-être venue à l'esprit de certains. Nous menons de nombreuses enquêtes à participation volontaire, bien entendu; nous réalisons aussi des enquêtes obligatoires; et nous nous occupons du recensement. Certains pourraient se demander pourquoi le recensement doit être obligatoire, puisque nous effectuons aussi des enquêtes sur une base volontaire.
    Nous pourrions nous comparer à un fabricant d'automobiles qui produit des berlines, des véhicules utilitaires sport et des camions de 56 pieds. Nous croyons en chacun de nos produits. Toutefois, je ne recommanderais jamais d'utiliser une berline pour effectuer régulièrement la livraison de marchandises à un Wal-Mart, tout comme je ne recommanderais à personne d'utiliser un camion de 56 pieds pour se balader à deux dans la ville d'Ottawa. Chaque produit est conçu pour une utilisation spécifique et est excellent, pourvu qu'il serve à cette fin.
    Nous nous opposons au remplacement du recensement obligatoire par une enquête volontaire parce qu'avec cette dernière, comme l'a expliqué M. Fellegi, nous ne pouvons pas évaluer le risque de distorsion et régulariser la situation. Le recensement obligatoire ne pose pas ce problème. Cet enjeu est important parce que nous savons fort bien que, dans certaines régions, le taux de réponse serait insuffisant, et qu'il est très bas pour certaines catégories de personnes. En plus, c'est précisément ces groupes pour lesquels nous avons besoin de renseignements, si le gouvernement veut mettre en place des politiques à leur intention. On parle notamment des autochtones, des personnes à faible revenu ou qui ont un niveau de scolarité inférieur, des minorités visibles et des immigrants. Le taux de réponse de ces groupes est plutôt faible.
    Si nous menons une enquête à participation volontaire, nous n'aurons donc pratiquement aucun renseignements sur ces catégories de personnes; bien entendu, les moyennes seront aussi faussées pour l'ensemble de l'enquête.
    Les enquêtes à participation volontaire que nous menons régulièrement présentent un risque de distorsion. Nous pouvons toutefois corriger les distorsions décelées dans les résultats en comparant les données à celles du recensement. Or, si ce dernier est dorénavant mené sur une base volontaire, il n'existera plus de point de référence pour régler le problème des enquêtes à participation volontaire. C'est la difficulté avec laquelle nous serions aux prises.

  (1055)  

[Français]

    Merci.
    Vous avez déjà répondu un peu à ma deuxième question, mais j'aimerais quand même que vous vous attardiez aux populations et aux groupes concernés. Selon vous, y a-t-il des populations ou des groupes qui seront particulièrement désavantagés par la décision du gouvernement?

[Traduction]

    Je ne crois pas être celui qui doit répondre à votre question étant donné que l'agence n'élabore pas de politiques. Notre travail consiste avant tout à recueillir des données, et ce qui nous importe, c'est qu'elles soient de qualité. Je peux probablement aller jusqu'à dire que, si l'enquête est à participation volontaire, la qualité des données s'en ressentira.
    Étant donné la nature de mon travail, je ne sais pas vraiment comment les politiques seront adaptées à la décision du gouvernement, et j'ignore les répercussions qu'elle aura sur leur mise en place. Vous obtiendrez probablement une meilleure réponse de la part des ministères qui s'occupent de politiques.

[Français]

    Accepteriez-vous de répondre à cette question, monsieur Fellegi?
    Je suis tout à fait d'accord avec M. Sheikh en ce qui concerne notre rôle propre.
    Cependant, je serais prêt à vous donner des exemples où, comme statisticien, j'ai pu m'interroger quant à la qualité des données, notamment celles sur les nouveaux immigrants et leur intégration économique dans la société canadienne, ou encore celles sur les peuples autochtones. Le recensement est presque la seule source d'information sur leur niveau de scolarité qui nous permette de savoir si cet écart entre la population canadienne et les Autochtones, comme sous-groupe du Canada, se creuse ou s'amenuise.
    Ce sont deux exemples, mais il y en a plusieurs autres où, comme statisticien, je me suis interrogé quant à la qualité des données.
    Merci, monsieur Bouchard.
    Monsieur Lukiwski, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Messieurs Sheikh et Fellegi, je vous remercie tous les deux d'être ici.
    Puisqu'il y a un grand nombre de points à aborder, je vais essayer de poser des questions courtes auxquelles j'aimerais que vous tentiez de répondre brièvement.
    Pourrait-on dire, messieurs, que la manière dont les renseignements sont recueillis n'est vraiment pas importante à vos yeux, en tant que statisticiens, pourvu que vous obteniez les renseignements dont vous avez besoin, mais que dans le cas du recensement, vous croyez qu'un questionnaire obligatoire est la façon la plus efficace d'obtenir les renseignements demandés? Est-ce que c'est juste?
    Comme je l'ai dit plus tôt, nous devons effectuer un recensement pour répondre à certains besoins des utilisateurs. D'autres besoins peuvent assez facilement être comblés par une enquête à participation volontaire.
    À mon avis, on peut répondre sans problème aux questions du recensement... ou à la plupart d'entre elles. Il y a peut-être une ou deux questions qui ne semblent pas être à leur place. Pour l'ensemble du questionnaire détaillé, nous ne pourrons toutefois pas recueillir les données fiables dont vous avez besoin si les questions posées sont facultatives.
    M. Fellegi a dit que vous estimez que les renseignements recueillis lors d'une enquête ou d'un recensement à participation volontaire sont faussés. Ceci étant dit, n'est-ce pas aussi vrai que, entre deux recensements, Statistique Canada mène probablement la plupart de ses enquêtes suivant un processus volontaire? Je pense notamment à l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, à l'Enquête sur l'éducation et sur la formation des adultes et à l'Enquête auprès des peuples autochtones.
    Toutes ces enquêtes sont à participation volontaire, n'est-ce pas? Dans l'affirmative, vous servez-vous des renseignements recueillis lors de ces enquêtes?

  (1100)  

    Oui, ces enquêtes sont effectuées sur une base volontaire, et heureusement, elles ont l'immense avantage de pouvoir être comparées à un point de référence tel que le recensement. Dès la conception de l'enquête et lors de la cueillette des données, nous savons exactement comment les variables des deux enquêtes peuvent être comparées — autrement dit, le rapprochement entre l'enquête et le recensement, qui permet de déterminer si des distorsions potentiellement graves se sont glissées dans l'enquête et doivent être corrigées.
    Permettez-moi d'intervenir. Si les données recueillies à partir d'enquêtes à participation volontaire sont interprétées séparément, diriez-vous que les résultats sont faussés?
    Si nous ne disposions pas du recensement pour comparer les données, nous ne pourrions jamais le savoir. C'est pourquoi la distorsion est un risque pernicieux.
    Êtes-vous également d'accord, monsieur, pour dire que...? Si possible, j'aimerais clarifier un de vos commentaires.
    En réponse à une question de M. McTeague, vous avez dit que vous ne pensez pas que... je crois que vous avez utilisé l'expression « sans équivoque »; vous estimez qu'il n'y a aucun risque qu'un immigrant se sente menacé par la nature obligatoire du recensement.
    Comment pouvez-vous en être certain, monsieur? Étant donné qu'on nous menace d'incarcération ou d'amende si nous ne répondons pas au questionnaire, comment pouvez-vous affirmer avec certitude que personne ne pourrait se sentir menacé?
    J'espère que ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce n'était certainement pas mon intention. Ce que j'ai plutôt voulu dire sans équivoque — et je répète sans équivoque —, c'est que ces craintes ne sont pas fondées, puisqu'il n'est jamais arrivé que des renseignements identifiables soient divulgués ou qu'ils permettent de retracer la personne qui les a fournis de quelque manière que ce soit.
    Voici le contexte de ma réponse. On m'a demandé si les personnes provenant de régimes oppressifs avaient raison d'avoir peur de fournir des renseignements personnels lors du recensement, ce à quoi j'ai répondu qu'ils n'avaient aucune crainte à avoir.
    Étant donné qu'il existe bel et bien une menace d'incarcération ou d'amende pour ceux qui ne répondent pas aux questions, comment pouvez-vous affirmer qu'ils ne peuvent pas se sentir menacés?
    Ils ne doivent pas se sentir menacés quant à la possible la diffusion de leurs renseignements personnels.
    Non, je vous dis que s'ils ne vous fournissent pas les renseignements que vous demandez, ils pourraient être incarcérés ou recevoir une amende.
    En fait, ils ne seraient certainement pas emprisonnés, puisque ce n'est jamais arrivé dans toute l'histoire du pays. Pourraient-ils avoir une amende à payer? Oui, tout à fait.
    Ne croyez-vous pas que les gens pourraient se sentir menacés pour cette raison?
    Si une personne enfreint la loi canadienne, elle sera poursuivie en vertu du droit canadien, comme tout autre citoyen.
    Dans ce cas, monsieur, ma question est la suivante: si des Canadiens refusent de divulguer leurs renseignements personnels ou d'autres renseignements qu'ils considèrent confidentiels, et qu'on les menace d'incarcération ou d'amende, ne pensez-vous pas qu'ils pourraient en être offusqués? Il se peut que certains Canadiens se sentent vraiment menacés.
    Ils pourraient aussi en être offusqués — mais ce n'est pas la question qui m'a été posée. La question à laquelle j'ai répondu sans équivoque était la suivante: ont-ils raison de craindre pour leur sécurité personnelle en raison des renseignements fournis lors du recensement? La réponse est non, sans équivoque.
    La divulgation publique des renseignements personnels n'a pas vraiment d'importance. Les vraies menaces qui planent, ce sont l'incarcération ou l'amende.
    Tout à fait.
    Vous êtes donc d'accord pour dire qu'ils pourraient se sentir menacés pour cette raison.
    Je suis d'accord avec vous sur ce point, et je maintiens aussi l'affirmation précédente, car les deux questions sont très différentes.
    Au moins, nous savons sur quoi repose la divergence d'opinions. De notre côté, nous ne croyons pas qu'il soit approprié que les Canadiens se sentent menacés et qu'ils soient obligés de divulguer des renseignements qu'ils pourraient considérer comme personnels. À notre avis, les renseignements dont vous avez besoin — et nous sommes d'accord pour dire qu'ils sont très utiles — peuvent être recueillis autrement que sous la contrainte et les menaces d'incarcération.
    Si vous receviez ces renseignements d'une grande valeur et qu'ils vous étaient fournis sur une base volontaire — disons que le gouvernement aurait réussi à convaincre les Canadiens de l'importance de ces renseignements —, votre travail s'en trouverait-il influencé d'une manière ou d'une autre? Vous auriez les renseignements dont vous avez besoin.
    Je suis d'accord sur cette affirmation conditionnelle — étant donné la condition posée. D'après notre expérience, le taux de réponse des enquêtes à participation volontaire diffère énormément de celui des enquêtes obligatoires; il est de l'ordre de 60 à 70 p. 100 pour la plupart des enquêtes. En plus, ces taux sont en baisse.
    Je doute fort que les données recueillies une année grâce à un questionnaire obligatoire — avec un taux de réponse frisant les 100 p. 100 — et celles recueillies une autre année avec un taux de réponse de peut-être 60 à 70 p. 100 pourraient être comparables.

  (1105)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Angus.
    Merci, monsieur le président. Je partagerai le temps qui m'est alloué avec mon collègue, M. Gravelle.
    Messieurs, je suis très heureux que vous ayez pu être des nôtres bien que les circonstances soient certes désolantes, surtout dans le cas de M. Sheikh. Je fais appel à votre indulgence à notre endroit, car les politiciens ne sont que de grands généralistes. Nous ne savons pas — aucune d'entre nous ne le sait — quelles sont les meilleures méthodes de calcul statistique. Ce n'est pas notre rôle. Comme vous l'avez indiqué, Monsieur Sheikh, nous devons nous en remettre au professionnalisme et à l'impartialité de nos fonctionnaires. C'est ce qui nous distingue des oligarchies, des dictatures, Nous ne comptons pas sur des flagorneurs pour nous conseiller; nous nous tournons plutôt vers les professionnels de notre fonction publique.
    Monsieur Sheikh, vous avez indiqué qu'il fallait d'abord consulter les intervenants avant de passer aux étapes suivantes du processus de recensement. J'ai essayé de savoir quels intervenants le ministre a rencontré à cet effet. Il n'a pas parlé à la commissaire à la protection de la vie privée. Il a refusé de rencontrer nos grands experts en économique, les banquiers et les planificateurs sociaux.
    Cela nous amène donc à conclure qu'il s'en est remis uniquement aux conseils des gens de votre ministère. Le ministre a indiqué clairement qu'il avait le soutien de votre organisation, non seulement pour éliminer le caractère obligatoire du recensement, mais aussi pour tripatouiller les questions, en fonction de l'idée que se font les conservateurs de l'atteinte à la vie privée.
    Comme vous l'avez indiqué tout à l'heure dans votre déclaration, vous avez dû démissionner car votre rôle consiste d'abord et avant tout à sauvegarder la crédibilité de l'agence. Peut-on conclure que vous n'aviez d'autres choix que de démissionner à la suite des commentaires du ministre indiquant que Statistique Canada appuyait les changements proposés?
    Pour en revenir au jour de ma démission, il y a eu différents articles publiés et, notamment, une manchette à la page 4 du Globe and Mail qui soutenait que le statisticien en chef était favorable aux mesures envisagées par le gouvernement.
    Comme je crois l'avoir déjà dit, mon travail consistait à fournir les meilleurs conseils possibles au gouvernement. Celui-ci a tout à fait le droit de décider des politiques qui devraient être mises en oeuvre. Même si je ne partageais pas nécessairement l'avis du gouvernement, j'étais tenu de donner suite aux décisions prises. Alors, peu importe la voie empruntée par le gouvernement, Statistique Canada devait en assurer l'application au meilleur de ses capacités.
    Le ministre a parlé d'un équilibre à atteindre. C'est un objectif qu'il est tout à fait en droit de viser. Même si, pour nous, un problème se pose au niveau de la qualité des données, il faut reconnaître. comme le ministre l'a lui-même fait, que les décisions sont prises par le gouvernement, et non par les fonctionnaires.
    Si j'ai quitté mes fonctions, c'est en raison de certains reportages médiatiques suivant lesquels le rôle de Statistique Canada ne se limitait pas à la mise en application de la décision du gouvernement, mais que nous avions en fait recommandé de tels changements.
    En clair, le ministre a le doit de prendre une décision et vous êtes tenus de vous y conformer, mais le ministre ne peut pas déformer les faits en soutenant que l'idée venait de Statistique Canada ou que vous y étiez favorables. Est-ce bien cela?
    Je préférerais ne pas formuler de commentaires au sujet des déclarations, trompeuses ou non, qu'a pu faire le ministre, car je ne sais pas vraiment ce qu'il a dit. Mes actions sont plutôt motivées par les reportages diffusés dans les médias.
    Mais peu importe ce que le ministre a effectivement déclaré et sans égard au fait que les médias ont pu dénaturer ses propos, reste quand même qu'il persiste, dans les médias comme au sein de la population, cette impression que Statistique Canada appuie une décision à laquelle aucun statisticien ne pourrait souscrire. On remet ainsi vraiment en question l'intégrité de l'agence et je ne pouvais pas poursuivre mon travail de statisticien en chef dans ces circonstances.
    Alors, les propos effectivement tenus par le ministre ne sont pas vraiment ce qui importe. C'est la perception générale de la situation qui a été le facteur déterminant.

  (1110)  

    Merci, monsieur Sheikh.
    Monsieur Angus, voulez-vous maintenant laisser la parole à M. Gravelle.
    Une voix: Oui.
    Monsieur Sheikh, je tiens à vous féliciter pour votre comparution devant nous aujourd'hui. Je comprends à quel point la situation peut être pénible pour vous, et je vous remercie de votre présence.
    Le ministre Clement a indiqué qu'il avait le soutien de Statistique Canada. En entendant le ministre affirmer une telle chose, on serait porté à croire qu'il parlait du soutien du gestionnaire principal ou du statisticien en chef de Statistique Canada. Que s'est-il donc passé entre le moment où M. Clement a déclaré avoir l'appui de Statistique Canada et le jour de votre démission? Aurait-il dénaturé vos prises de position?
    J'insiste à nouveau sur le fait que je ne sais pas vraiment ce que le ministre a pu déclarer. Je ne saurais donc pas vous dire s'il a présenté ou non sous un faux jour les conseils que nous lui avons donnés.
    C'est en prenant connaissance des articles publiés mercredi matin que je me suis rendu compte que l'intégrité de Statistique Canada était mise en doute. C'était dans l'article que j'ai lu dans le Globe and Mail. Je le répète encore une fois : peu m'importe les propos effectivement tenus par le ministre, ma capacité à assumer mes fonctions était surtout affectée par les perceptions qui se répandaient dans l'opinion publique.
    Le jour même de la parution de cet article, j'ai démissionné. C'est aussi simple que cela.

[Français]

    D'accord.
    Monsieur Fellegi, le gouvernement parle assez souvent d'une menace d'emprisonnement quand il est question du recensement. Au cours de vos 51 années de service, combien de Canadiens ont été emprisonnés parce qu'ils avaient refusé de remplir le formulaire de recensement?

[Traduction]

    Aucun et, à ce que je sache, jamais non plus auparavant. Je dis parfois à la blague que je suis statisticien en chef depuis l'avènement de la Confédération. Même si ce n'est bien sûr pas le cas, j'ai pris connaissance des dossiers et je ne pense pas que cela soit déjà arrivé.
    Je vous rappelle encore une fois que c'est une loi qui ne date pas d'hier, car j'aimerais que nous nous tournions vers l'avenir. Le Conseil national de la statistique a d'ailleurs formulé des propositions fort intéressantes pour la suite des choses. Nous avons un problème à régler. Le prochain recensement est littéralement à nos portes; nous ne disposons que de quelques jours pour considérer des solutions de rechange. Les options proposées par les 40 éminents membres du Conseil, lesquels ont été nommés par le ministre, visent à solutionner la problématique soulevée par le député et mise en lumière par M. Sheikh, à savoir la nécessité de trouver le juste équilibre, compte tenu du fait que le gouvernement est justifié de vouloir protéger la vie privée des citoyens.
    On propose des options susceptibles de répondre à ces préoccupations tout en préservant l'intégrité du prochain recensement. Il faudrait donc disposer d'un peu plus de temps pour tenir des consultations et étudier à fond les différentes solutions possibles, y compris celles pouvant nous être inspirées par l'expérience d'autres pays.
    Merci.
    Nous passons à M. Garneau.
    Merci, monsieur le président.
    Dans l'une des dernières questions posées ce matin au ministre, M. Lukiswki lui a demandé comment nous pouvions être sûrs que ces données recueillies sur une base volontaire pourront être utiles. Le ministre lui a répondu, et je paraphrase, que cela pouvait se faire et qu'on y parviendrait.
    Selon moi, c'est un exemple de cas où la pensée magique prend le pas sur la réalité scientifique. J'aimerais que nous disiez tous les deux ce que vous en pensez.
    Je vais commencer si vous permettez.
    Personne ne peut affirmer que l'on y parviendra. Ainsi, le Royaume-Uni a annoncé il y a quelques jours à peine que l'on allait se pencher sur de nouvelles options qui transformerait en profondeur le processus de recensement en prévision de 2021.
    On procède déjà de cette manière en Scandinavie, bien que les circonstances y soient très différentes, mais les Britanniques ont indiqué que l'échéance de 2011 est trop rapprochée pour que l'on puisse faire quoi que ce soit. Le prochain recensement va donc se dérouler comme prévu pendant qu'on réfléchira à celui de 2021.
    L'approche du Conseil national de la statistique est encore plus dynamique. On nous dit de faire de notre mieux pour effectuer le meilleur recensement possible en 2011 avant de nous pencher sur les autres changements qui pourraient être apportés d'ici 2016. J'estime qu'il s'agit là d'une proposition très constructive.

  (1115)  

    Différentes personnes nous ont parlé de certains pays européens — Danemark, Suède et autres — qui ont abandonné le processus de recensement que nous utilisons, en faisant valoir que nous devrions peut-être leur emboîter le pas. Nous avons toutefois aussi appris récemment que ces pays ont adopté un système où l'information est compilée à partir de vastes bases de données et de registres de la population.
    Je présume que Statistique Canada s'est intéressé à ce qui se fait dans les autres pays. J'aimerais savoir ce que vous pensez des orientations prises par quelques-uns de ces pays et, plus précisément, que vous me disiez si l'on est arrivé ainsi à limiter les atteintes à la vie privée.
    Comme j'ai été président de la Conférence des statisticiens européens, du comité des statistiques de l'OCDE ainsi que de l'Institut international de statistique, j'ai une assez bonne idée de ce qui peut se passer dans les autres pays. On pourrait dire que c'est mon champ d'expertise.
    Dans ces pays scandinaves, le recensement se déroule de façon complètement différente en misant sur les registres déjà établis au moyen de mesures qui ne respectent pas toujours la vie privée. Tout citoyen qui déménage doit obligatoirement en aviser les services policiers. Tout citoyen qui change d'emploi est également tenu d'en informer les autorités, directement ou par l'entremise de son employeur. Il y aussi un signalement obligatoire pour quiconque s'inscrit dans un établissement d'enseignement ou le quitte. Les différents registres regorgent de détails sur la rémunération et les autres types de revenus. On peut ainsi à un coût relativement faible compiler toutes sortes de données à partir de ces registres en étant assuré d'un degré très élevé d'exactitude grâce au caractère obligatoire de la cueillette de ces renseignements.
    Ce n'est pas à moi qu'il revient d'affirmer qu'un tel système pourrait convenir pour le Canada. Le cas échéant, Statistique Canada ne manquerait certes pas d'utiliser ces registres préétablis et de comparer les résultats par rapport à ceux obtenus traditionnellement au moyen du recensement.
    J'ajouterais toutefois que c'est un outil extrêmement dispendieux s'il ne sert qu'à des fins de cueillette statistique. En revanche, si les données statistiques sont considérées comme un produit dérivé, les coûts deviennent bien sûr dérisoires, car les données existent déjà; il suffit de les compiler à des fins statistiques. Mais si l'on devait mettre un tel système en place pour les seuls besoins de la statistique, je crois bien que les coûts dépasseraient largement ceux du recensement.

[Français]

    Pouvez-vous rassurer les Canadiens qui s'inquiètent en leur expliquant que l'information recueillie par Statistique Canada dans le cadre des recensements, particulièrement par l'entremise du long questionnaire obligatoire, est protégée?
    Vous avez certainement précisé que dans toute l'histoire de Statistique Canada, aucune information associée à un individu n'avait été dévoilée. Cependant, afin de rassurer les citoyens de ce pays, pouvez-vous décrire un peu le processus qui assure la confidentialité de ces données?
    Pourriez-vous répondre brièvement, monsieur Fellegi?

[Traduction]

    Je ne peux pas répondre brièvement, car nous avons assorti chacune de nos activités d'une infinité d'étapes, de processus et de mesures de protection. Ainsi, lors de notre dernier recensement tenu en 2006, nous avons vérifié l'étanchéité de notre base de données en demandant à des firmes spécialisées ayant recours à ce qu'on appelle des «casseurs informatiques» d'essayer d'y avoir accès. Elles n'y sont pas parvenues.

  (1120)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Anderson.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être venus témoigner aujourd'hui.
    Monsieur Sheikh, votre maison a-t-elle besoin de rénovations?
    Je vous demande pardon?
    Votre maison a-t-elle besoin de rénovations?
    Oui.
    Monsieur Fellegi, votre maison a-t-elle besoin de rénovations?
    Je ne crois pas.
    D'accord.
    S'agit-il de rénovations majeures ou mineures, monsieur Sheikh?
    Nous avons déjà effectué les rénovations majeures. Il reste quelques rénovations mineures à faire.
    Je constate que mes collègues d'en face se moquent de ma question, mais je dois pourtant conclure qu'ils estimaient cette question suffisamment importante pour la rendre obligatoire dans le cadre du formulaire détaillé de recensement.
    Est-ce que l'on devrait obliger les gens à répondre à une question semblable?
    Je veux insister sur le fait que nous sommes une agence de cueillette de données. Nous ne sommes pas les utilisateurs de ces données. Nous consultons les utilisateurs pour connaître leurs besoins.
    Si certains utilisateurs ont besoin d'information sur les rénovations, ou si des politiques gouvernementales sont assujetties à des renseignements de cet ordre, et si on nous demande de recueillir des données à ce sujet, nous devons nous assurer d'obtenir la meilleure information possible.
    Vous devriez donc poser la question aux utilisateurs de ces renseignements.
    Il est plutôt intéressant que vous préfériez ne pas répondre à cette question, car je veux maintenant vous demander si les besoins de vos utilisateurs justifient les menaces d'incarcération qui pèsent sur les Canadiens.
    Encore là, je crois que c'est le gouvernement qui devrait répondre. Si le gouvernement ne veut pas que des gens soient emprisonnés, ce n'est pas de mon ressort. Le gouvernement peut changer les loi comme bon lui semble. Cela ne me pose aucun problème.
    Vous ne voyez donc aucun problème à ce que le gouvernement rende facultatives les questions de ce genre?
    Je me préoccupe des conséquences d'une telle décision; j'ai d'ailleurs expliqué que la qualité des données allait en souffrir.
    Je dis simplement que le gouvernement à tout à fait le droit d'agir comme bon lui semble, dans les limites que la loi lui impose. Je n'ai rien à redire à ce propos. J'essaie toutefois de faire valoir que certaines décisions du gouvernement pourraient avoir un impact sur la qualité des données. Si le contexte législatif évolue dans ce sens-là, il devient impossible pour moi d'assurer la même qualité de données. À partir du moment où j'en suis arrivé à cette conclusion, je ne pouvais plus continuer.
    Je vous demande donc si l'on est justifié de mettre des Canadiens en prison pour obtenir ces données.
    Ce n'est pas à moi de répondre à cette question.
    Je crois que le gouvernement y a répondu en rendant facultative la participation au questionnaire.
    Eh bien, si le gouvernement a réglé cette question, je n'ai encore une fois rien à redire. Je précise simplement qu'il incombe au gouvernement de déterminer la rigueur des sanctions imposées aux citoyens qui ne se conforment pas aux lois du pays.
    Alors monsieur Fellegi...
    C'est au gouvernement de trouver le juste équilibre. Nous devons pour notre part produire les données dont le gouvernement a besoin.
    Je précise simplement qu'une enquête à caractère volontaire va déboucher sur des données de moindre qualité qu'un recensement obligatoire. C'est une question purement technique. Il n'y a pas un statisticien sur cette planète qui vous répondrait autrement, et c'est le seul aspect qui me préoccupe.
    Je constate que M. Fellegi a laissé entendre que l'on pourrait abroger les dispositions prévoyant l'emprisonnement des Canadiens qui refusent de répondre au recensement, et je crois que M. Rota a aussi fait des commentaires dans le même sens.
    Alors, si l'on supprime les sanctions pour ceux qui ne répondent pas à ces questions personnelles et indiscrètes, le formulaire détaillé ne devient-il pas par le fait même facultatif? Je pense que nous avons entendu M. Rota le laisser entendre; il me semble que c'est également ce que faisait valoir M. Angus. Vous avez aussi formulé des commentaires du même ordre, tout comme M. Fellegi dans ses observations du 22 juillet.
    Vous avez la parole, monsieur Fellegi.
    Pourrais-je répondre d'abord encore une fois?
    Nous vous écoutons, monsieur Sheikh.
    Au risque de me répéter, je soutiens simplement que la qualité de l'information diminue forcément lorsque l'on transforme un recensement obligatoire en enquête optionnelle.
    Le gouvernement a tout à fait le droit d'emprunter cette avenue. Personne ne conteste le fait que le gouvernement peut faire ce qu'il veut, et notre rôle consiste à mettre en oeuvre les décisions prises par le gouvernement. Mais nous devons cependant tous comprendre que les statisticiens estiment que la qualité des données en souffrira.
    Monsieur Fellegi, vouliez-vous répondre également?
    Non, ça va.
    D'accord.
    Monsieur Anderson.
    Je crois devoir souligner que les Canadiens veulent être libres de choisir à ce sujet. La notion de menace n'a rien d'ambigu et nous en avons déjà parlé ici même. Il y a des cas d'intimidation et de harcèlement. Le recensement de l'agriculture est tenu régulièrement dans ma circonscription et il m'est arrivé de devoir appeler votre ancienne agence pour demander que l'on arrête d'importuner des gens qui se mouraient d'un cancer. On ne cessait de les rappeler. Alors, cette idée voulant qu'il n'y ait aucune menace, aucune forme de harcèlement ou d'intimidation... Je crois qu'il vaut la peine d'apporter ces précisions, car M. Garneau ne parlait manifestement pas en connaissance de cause lorsqu'il a fait allusion aux enquêtes sur l'agriculture.
    J'aimerais aborder quelques-unes des autres questions posées. En 2006, Statistique Canada voulait savoir combien un ménage dépensait par année pour l'eau. Les gens étaient obligés de répondre à cette question, pas vrai? Il semblerait que ces renseignements étaient importants à vos yeux.
    On demandait aussi combien chacun dépensait annuellement pour se loger. Je suppose que vous jugiez cette question également assez importante pour la rendre obligatoire, n'est-ce pas?

  (1125)  

    Je vous répète que nous ne sommes pas les utilisateurs de ces données. Ce n'est pas à moi de déterminer s'il est important ou non de savoir combien un ménage consomme d'eau. Ce sont les utilisateurs qui ont indiqué à Statistique Canada qu'ils avaient besoin de ces informations.
    Mais vous vouliez aussi connaître les sommes consacrées chaque année au transport...
    Pour toutes les questions...
    ...sauf que cette question-là était facultative. Vous paraissiez croire que celle-là pourrait figurer dans une enquête à participation volontaire. Il semble y avoir une zone grise extrêmement mince entre ce qui doit être obligatoire et ce qui peut être volontaire.
    Merci, monsieur Anderson. Je vais permettre à M. Sheikh de vous répondre, après quoi nous passerons à M. Nadeau.
    Monsieur Sheikh.
    Je crois avoir déjà répondu à la question. Les utilisateurs nous disent de quelles données ils ont besoin et notre rôle consiste à trouver la meilleure façon de recueillir ces données.
    Merci.
    Monsieur Nadeau.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, madame et messieurs.
    Comme vous êtes statisticiens, vous pourriez peut-être me donner un avis. Le fait que 95 p. 100  des citoyens et citoyennes ayant reçu le long formulaire y répondent ne constitue-t-il pas un argument suffisamment solide pour dire qu'on a un bon système et qu'on est par conséquent en train de détruire quelque chose qui fonctionne bien?

[Traduction]

    Du point de vue de la qualité des données, l'aspect qui m'interpelle le plus, Statistique Canada s'est acquis une renommée internationale en arrivant à produire les meilleures données possibles au coût le plus bas. C'est ce que nous visons sans cesse.
    Mais, comme l'indiquait le ministre, les préoccupations du gouvernement ne se limitent pas nécessairement à la seule qualité des données. Il a ainsi souligné que la menace d'emprisonnement et d'amendes et les questions posées ont leur importance pour le gouvernement. Cela n'est pas problématique pour nous.
    Je tiens uniquement à préciser que si l'on opte pour un questionnaire à participation volontaire pour remplacer le recensement obligatoire, il y a aura des répercussions sur la qualité des données qui va, bien sûr, diminuer. Et c'est ce qui nous préoccupe.
    Comme je l'indiquais dans une réponse précédente, nous mettons en oeuvre en toute loyauté une décision prise par le gouvernement, que cette décision nous plaise ou non, et nous sommes prêts à assumer ce rôle.

[Français]

    Qu'en pensez-vous, monsieur Fellegi?

[Traduction]

    J'aimerais apporter une précision à ce sujet. Toutes les questions du formulaire de recensement ont été approuvées par le gouvernement, sans quoi elles ne s'y retrouveraient pas. Si le gouvernement en vient à considérer, comme il est tout à fait habilité à le faire, que certaines questions sont trop indiscrètes pour être incluses dans le long questionnaire obligatoire, elles devraient être retirées. C'est la prérogative du gouvernement. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit.
    Le problème, comme le soulignait M. Sheikh, c'est que nous devons faire montre de transparence envers le public, le gouvernement, tout le monde, relativement à la qualité de nos données et à l'efficacité des différentes façons de fonctionner.

[Français]

    Merci, monsieur Nadeau.

[Traduction]

    Merci à nos deux témoins, M. Sheikh et M. Fellegi.
    La séance est suspendue jusqu'à 12 h 30.

  (1230)  

[Français]

    Nous allons maintenant continuer la séance du mardi 27 juillet 2010.

[Traduction]

    Au nom de tous les membres du comité, je souhaite la bienvenue à nos témoins pour la poursuite de cette 29e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous sommes ici aujourd'hui pour étudier le long formulaire de recensement.
    Parmi ce nouveau groupe de témoins, nous accueillons M. Simard,

[Français]

qui est professeur à l'Université du Québec à Chicoutimi.

[Traduction]

    Nous recevons M. McLeish, président de la Société statistique du Canada; M, Tanny, professeur agrégé à l'Université York; et M. Doucet, éditeur anglophone de la revue Le Québécois libre.
    Bienvenue à tous. sans plus tarder, nous allons passer aux questions et commentaires des membres du comité en débutant par M. Rota.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins d'avoir bien voulu tourner le dos à cette magnifique journée estivale pour être des nôtres cet après-midi. Il s'agit de toute évidence d'une question très importante.
    J'aimerais commencer par une question à M. McLeish concernant la Société statistique du Canada. Si je comprends bien, vous comptez parmi vos membres des intervenants de tous les secteurs associés à la cueillette et à la diffusion des données statistiques. Qui sont exactement les membres de votre société Peut-être pourrions-nous commencer avec cette question si vous voulez bien nous présenter un bref survol.
    Je suis conscient que le temps nous est compté, mais nous pourrons ainsi mieux savoir d'où vous tirez vos motivations.
    Nous comptons un millier de membres, y compris un grand nombre de statisticiens des universités canadiennes, d'étudiants et de praticiens des instances gouvernementales — dont Statistique Canada, bien sûr, mais aussi les agences provinciales —, du domaine de la biostatistique et du secteur privé.
    Excellent. Voilà bien des intervenants qui procurent beaucoup de crédibilité à votre organisation.
    Je n'ai trouvé aucune trace de cela, mais pourriez-vous nous dire si l'on a consulté votre société, ou l'un ou l'autre de ses membres, avant d'annoncer ces mesures.
    Non, nous n'avons pas été consulté, mais je dois dire que j'aurais plutôt été étonné si nous l'avions été.
    Nous aurions toutefois pu nous attendre à ce que les statisticiens à l'emploi des différentes agences concernées soient consultés de façon assez approfondie à ce sujet.
    Savez-vous si l'un ou l'autre de vos membres a été consulté dans une telle mesure?
    Pas à notre connaissance.
    Non. Alors cette initiative est lancée, et....
    Nous avons reçu beaucoup d'information au sujet du formulaire détaillé de recensement depuis quelque temps, et aujourd'hui tout particulièrement. Quelles seront selon vous les répercussions de la décision de rendre la participation volontaire, plutôt que d'obliger les gens à répondre à ces questions?
    D'une manière générale, les distorsions associées au caractère volontaire d'une enquête constituent une réalité bien connue et abondamment documentée. Je crois que ce point de vue serait corroboré par n'importe quel regroupement de statisticiens, y compris l'American Statistical Association et la Royal Statistical Society. Il s'agit de déterminer dans quelle mesure chacune des réponses est faussée. La distorsion peut être assez pernicieuse dans certains cas; elle peut être moins marquée dans d'autres occasions. Alors, pour bien répondre à votre question, je dois dire qu'il est à peu près impossible de le savoir.
    Il n'y aucun moyen de savoir quel résultat nous obtiendrons en bout de ligne.
    Non, pas en l'absence d'un projet pilote approfondi que l'on pourrait mener parallèlement à la tenue du recensement de 2011 avec le formulaire obligatoire habituel. On pourrait ainsi tout au moins essayer de jauger le degré de distorsion découlant d'une enquête facultative. Mais nous savons qu'il y aura bel et bien distorsion.
    D'après ce que vous nous dites, il aurait donc fallu planifier plus minutieusement la mise en oeuvre de cette enquête volontaire. Tiendriez-vous un sondage parallèle? Procéderiez-vous de cette façon en menant de front les deux formes d'enquête pour pouvoir comparer les résultats à l'arrivée?
    Je n'essaie pas de dire comment on aurait dû s'y prendre.
    Que feriez-vous normalement avec votre... ?
    Je crois que vous avez un exemplaire de la déclaration que nous avons faite. Nous suggérons entre autres que le formulaire détaillé obligatoire soit remis en service pour le recensement de 2011 et que l'on demande à Statistique Canada de réaliser des études, en suivant les recommandations du Conseil national de la statistique, pour montrer les impacts d'une enquête à participation facultative par rapport à un recensement à caractère obligatoire. C'est essentiellement ce que j'essaie de faire valoir. Je me tourne vers l'avenir, et non vers le passé.

  (1235)  

    Très bien.
    Beaucoup de décisions, peu importe qu'elles portent sur les affaires, les sciences ou les programmes sociaux, dépendent de l'exactitude des renseignements du long formulaire de recensement. Lorsqu'on prend des décisions, que ce soit au niveau des provinces, des municipalités ou des employeurs, il y a distorsion dans les données. Comment cela les touche-t-il? Le sait-on? Qu'est-ce que cela signifiera exactement pour les gens qui tentent de prendre une décision, si les renseignements qu'on leur fournit ne représentent pas vraiment ce qui s'est produit dans le passé? Où vont-ils avec cela? Que font-ils? En font-ils simplement fi et...?
    Cela dépend uniquement d'eux. De toute évidence, s'il y a un sous-dénombrement dans un groupe ethnique, social ou économique donné, et que nous en ignorons l'ampleur, ils ne peuvent pas faire grand-chose, à part peut-être tenter de faire une estimation des chiffres.
    C'est là où je veux en venir, ou c'est ce que j'essaie de déterminer. Nous avons des groupes qui sont représentés, comme c'est le cas maintenant, et en rendant le questionnaire obligatoire, tout le monde doit y répondre pour que l'ensemble de la population soit représenté. Quels groupes seront plus représentés, et quels groupes le seront moins dans ce cas-ci?
    Cela fait partie du problème. Nous ne le savons vraiment pas. De toute évidence, divers facteurs sont en cause. J'ai une fille qui a trois enfants de moins de deux ans qui sont encore aux couches. Il y a des jours où elle ne peut même pas se brosser les dents. Son voisin a une fille âgée de neuf ans. Laquelle de ces deux personnes serait la plus encline à remplir l'enquête à participation volontaire? Je crois qu'il y aura clairement un biais en faveur des gens qui ont le temps de la remplir, qui sont motivés à le faire, qui voient un certain avantage aux données qu'on en retire, et qui sont peut-être des citoyens conscientisés et respectueux de la loi.
    Malheureusement, les gouvernements de tous les paliers ne prennent pas des décisions politiques uniquement pour les citoyens respectueux de la loi qui conduisent au-dessous de la limite permise et qui ne jettent pas leurs déchets par terre, mais pour tous les membres de la société, y compris ceux qui ne respectent pas la vitesse permise.
    Serait-il juste de dire que ceux qui en ont le plus besoin seront sous-représentés?
    Je ne veux pas faire trop de spéculations sur la question du sous-dénombrement. Nous savons que les gens qui ont des difficultés linguistiques ou qui sont pauvres seront probablement sous-dénombrés. Mais la seule façon d'en être sûr, c'est de mener une étude bien conçue qui compare les deux façons de faire.
    Donc, d'après ce que j'ai entendu ou ce que je crois comprendre, il ne serait pas injuste de penser que la décision de se débarrasser du long formulaire de recensement était plutôt imprudente et mal avisée, et que cela n'ouvre pas la voie à un bon processus d'élaboration de politiques au Canada.
    Non, je ne dirais pas cela. Ce que je dirais, au nom des statisticiens du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, et de tous les autres pays qui ont un recensement obligatoire, c'est que j'aimerais voir le gouvernement aller de l'avant avec le compromis qu'a proposé le Conseil national de la statistique. Il va en grande partie dans le même sens que ce que la Société statistique vous a fourni aujourd'hui. Il prévoit le rétablissement du recensement de 2011 et, en même temps, une étude sur les répercussions d'une enquête à participation volontaire pour toute distorsion qui pourrait — et je crois que ce sera fort probablement le cas — se glisser dans les réponses à certaines questions.
    Merci, monsieur McLeish et monsieur Rota.
    Monsieur Bouchard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins d'être parmi nous cet après-midi.
    Ma première question s'adresse à M. Simard.
    Monsieur Simard, vous êtes professeur et chercheur. Vous êtes appelé, je crois, à utiliser les données de Statistique Canada. Vous savez par conséquent comme il est important de disposer de données fiables et précises.
     Comme on le sait, la décision du ministre consiste à faire en sorte que le questionnaire détaillé, pour lequel la participation est présentement obligatoire, soit remplacé par un questionnaire dans le cas duquel la participation serait volontaire.
    Pour quelles raisons vous opposez-vous à la décision du ministre?

  (1240)  

    J'aimerais tout d'abord préciser que je suis géographe et urbaniste, de même que professeur à l'Université du Québec à Chicoutimi, et ces données de recensement sont très utiles pour les recherches appliquées que l'on fait, qui touchent l'environnement, les transports, la construction résidentielle, l'urbanisme, etc. Ces recherches sont fréquemment faites en collaboration avec les municipalités locales, qui sont également de grandes utilisatrices de données de recensement.
    Pour ma part, je suis en défaveur des modifications ou de la réforme que l'on veut mettre en place actuellement. Je joins donc ma voix à celle de l'Association canadienne des géographes et à celle de l'Institut canadien des urbanistes, deux organisations dont je suis membre et qui ont clairement indiqué leur opposition à ces modifications. Nous nous y opposons pour une raison technique, c'est-à-dire que cela peut sembler un changement assez mineur, mais ce changement mineur, lorsqu'on connaît la méthodologie des sondages et la méthodologie scientifique, risque d'avoir des conséquences majeures sur la validité et la fiabilité des données de Statistique Canada.
    C'est malheureux, parce que Statistique Canada est une institution fort respectée au Québec comme dans l'ensemble du Canada, une source de fierté pour beaucoup. Les données risquent donc d'être considérées comme moins fiables, en particulier pour la recherche universitaire. Cela risque de limiter nos recherches, de les rendre moins précises comparativement à celles qui se font dans d'autres pays. Cela risque également d'avoir des conséquences sur les entreprises privées qui font des études de marché pour localiser des restaurants ou des commerces. Dans le domaine des politiques publiques également, cela posera de très grands problèmes, spécialement aux échelles locale et régionale où les données risquent d'être encore davantage imprécises.
    On y voit donc plusieurs conséquences négatives. Finalement, on se demande pourquoi il faudrait revenir sur quelque chose qui fonctionne bien. Si on était dans l'émission The Red Green Show, on dirait: « If it ain't broken, don't fix it. »
    Merci. On peut constater que vous avez toute la connaissance sur les données de Statistique Canada et que la décision a beaucoup de répercussions.
    Selon vous, monsieur Simard, est-ce qu'il y a des populations ou des groupes qui seront particulièrement désavantagés par l'application de cette décision de rendre volontaire le fait de remplir ce questionnaire détaillé?
    Tout à fait. Mon collègue a très bien expliqué, il y a quelques minutes, que lorsqu'on demande aux gens de remplir le formulaire sur une base volontaire, même si cela paraît tout à fait normal et positif, en réalité, cela fausse les données dans le processus d'échantillonnage du recensement. Autrement dit, les gens qui vont répondre sont susceptibles de présenter davantage certaines caractéristiques, par exemple ils ont plus de temps ou plus d'éducation en ce sens qu'ils valorisent le recensement ou en saisissent mieux l'importance. On se retrouve donc avec des données qui ne sont pas représentatives de l'ensemble de la population, mais plutôt de gens de bonne volonté ou qui aiment se prêter aux sondages.
    C'est donc un tout petit changement qui, de prime abord, est bien intentionné et peut sembler être une bonne idée. En réalité, c'est un changement technique qui vient modifier de manière très sérieuse la crédibilité et la valeur du recensement. En fin de compte, c'est un débat assez technique, mais c'est tout de même assez important, compte tenu des répercussions sur la qualité des données de recensement.
    Alors, si je comprends bien vos propos, la décision qu'a prise le gouvernement conservateur aurait comme conséquence de compromettre considérablement la qualité des données recueillies par Statistique Canada.

  (1245)  

    Tout à fait. Je le répète: au départ, on peut se dire que, compte tenu des inquiétudes de certains citoyens, on ne rendra pas obligatoire le fait de remplir certains formulaires. Cela peut sembler simple. On n'abolit pas les formulaires complètement, mais on rend les réponses sur une base volontaire. Cela peut sembler être un changement assez mineur et quelque chose qui a du bon sens, finalement.
    En réalité, sur le plan technique, cela vient modifier de manière fondamentale l'échantillonnage. Les gens qui répondront ne seront pas nécessairement représentatifs de l'ensemble de la population canadienne. En conséquence, cela viendra compromettre très sérieusement la qualité des données. Cela nous amène donc à dire que tous ceux qui utilisent les données, autant dans les entreprises privées que dans la recherche scientifique, seront touchés par ces modifications.
    Merci, monsieur Bouchard.
    Merci, monsieur Simard.
    Monsieur Bernier.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais profiter de cette occasion pour répondre à une question de mes collègues de l'opposition.
     Ce matin, mes collègues libéraux et bloquistes ont dit qu'il n'y avait pas de problème au Canada, que 95 p. 100 des citoyens remplissaient le questionnaire long et détaillé portant sur leur vie privée. On a dit que ce débat ne servait à rien, que tout allait bien et que les gens étaient contents de remplir ce questionnaire détaillé de 40 pages. Ce que je veux dire aux gens de l'opposition, c'est que les gens le remplissent à cause de la menace qui est présente, qu'il s'agisse d'une peine d'emprisonnement ou d'une pénalité. Si les gens de l'opposition veulent améliorer le taux de participation, je leur suggère d'accroître la menace, de faire en sorte que les Canadiens doivent payer une amende de 5 000 $ plutôt que de 500 $ et que la peine d'emprisonnement soit de trois ans plutôt que de trois mois.
    Là n'est pas là question, monsieur le président. C'est bien simple. C'est une question de principe. À mon avis, les gens devraient être libres de répondre ou non à certaines questions qui touchent leur vie privée. À ce sujet, j'aimerais entendre le point de vue de M. Doucet.
     Croyez-vous qu'il est normal, dans une société démocratique, de menacer les gens d'une peine d'emprisonnement ou d'une pénalité de 500 $ s'ils refusent de répondre à des questions portant par exemple sur le nombre de chambres à coucher que compte leur résidence ou l'heure à laquelle ils quittent la maison pour aller travailler?

[Traduction]

    C'est normal dans la mesure où c'est fait de façon généralisée, mais je ne crois pas que ce le soit du point de vue de la logique. Je ne crois pas qu'il devrait en être ainsi.
    Je souscris au point de vue du gouvernement selon lequel s'il faut forcer les gens à fournir ces renseignements, il est clair que quelque chose ne va pas. Je ne crois pas qu'il soit juste de faire payer une amende ou d'imposer une peine d'emprisonnement à une personne qui refuse de remplir le long formulaire. Si l'on ne parvient pas à persuader les gens de le remplir, même si les renseignements recueillis par le recensement sont censés les aider, je ne crois pas qu'on devrait les forcer à le faire sous peine de sanction.
    Merci beaucoup.
    Monsieur David Tanny, quelle est votre opinion à cet égard?
    Tout d'abord, je ne crois qu'il s'agisse d'un débat technique. La raison pour laquelle je ne le crois pas... Il y a la question des statistiques. Je ne le nierai pas, en tant que statisticien, si l'on rend le formulaire volontaire sans ajouter d'autres mesures incitatives, il y aura certainement des changements dans le taux de réponse. Cependant, tout le monde devrait savoir que le taux de réponse a déjà changé. Et tout le monde devrait savoir également qu'il faut prendre d'autres facteurs en considération.
    En 2006, Statistique Canada a eu recours à Internet. Bon nombre de gens ne savent pas, par exemple, comment utiliser Internet et ils délèguent la tâche à leurs enfants. Par conséquent, nous ne savons pas exactement dans quelle mesure la qualité des renseignements que nous obtenons est bonne une fois que les données sont communiquées sur Internet. Ce pourrait être un adolescent de 15 ans, plutôt qu'un adulte qui inscrit les renseignements, comme nous le faisions dans le passé.
    Ensuite, je souscris au concept ou au principe général selon lequel utiliser Internet est un moyen moins coûteux et probablement plus efficace, mais à mon avis, d'autres facteurs entrent en jeu pour évaluer la qualité des renseignements et déterminer dans quelle mesure les gens peuvent se fier aux données que nous avons.
    Deuxièmement, le Canada est l'un des seuls pays — une poignée de pays — qui tient un recensement complet tous les cinq ans. Des recensements sont faits continuellement. Les Américains ont établi le recensement qu'on appelle « American Community Survey ». Au Canada, nous avons une enquête auprès des ménages.
    Bien entendu, les responsables de l'American Community Survey envoient un certain nombre de formulaires tous les mois et contraignent les gens à participer. Aux États-Unis, c'est obligatoire. Cependant, je n'approuve pas cette façon de procéder. Lorsqu'on rend une enquête obligatoire, cela crée des distorsions négatives. Des études à ce sujet visent à déterminer comment on en vient à bout.
    Eh bien, jetons-y un coup d'oeil. Voici notre enquête. D'un côté, il y a les sanctions. Si vous voulez vous assurer que tout le monde répond à une enquête donnée, infligez une peine de 10 ans d'emprisonnement, 10 ans pour ne pas avoir répondu à des questions...

  (1250)  

    Monsieur Tanny, je crois que M. Bernier veut vous poser une autre question.
    Je pense que vous avez tout à fait raison. Comme je l'ai dit au début... alourdissez les sanctions, et les gens répondront à toutes les questions.
    Mais je veux poser une question à M. Simard.

[Français]

    D'après ce que vous nous avez dit plus tôt, vous êtes entièrement favorable à

[Traduction]

    la longue enquête, au recensement obligatoire,

[Français]

destiné à tous ceux qui recevront ce questionnaire.
    Quelles questions devraient être obligatoires? Est-ce que les gens devraient obligatoirement répondre à la question visant à savoir à quelle heure ils doivent partir le matin pour aller travailler, sous peine de recevoir une amende ou de faire face à une peine d'emprisonnement?
    On pourrait étudier les questions et en éliminer certaines.
    Croyez-vous qu'on devrait envoyer les gens en prison s'ils ne répondent pas à cette question précise?
    En effet, vous avez raison. On ne devrait pas le faire.
    Est-ce qu'on devrait les envoyer en prison s'ils ne répondent pas à la question visant à savoir combien il y a de chambres à coucher chez eux?
    Non, mais...
    Merci. Vous avez répondu à ma question. Il y a plus de 49 questions, et j'aimerais connaître votre point de vue. Pour notre part, nous croyons que les gens sont libres et indépendants et qu'on ne devrait pas les menacer d'une peine d'emprisonnement.
     Est-ce qu'on devrait envoyer les gens en prison s'ils ne répondent pas à la question visant à savoir combien il y a de salles de bain dans leur logement?
    Si vous me permettez de répondre, je vous dirai que la peine d'emprisonnement pourrait être remise en question. À ce sujet, je suis d'accord avec vous, mais pour ce qui est du devoir des citoyens de remplir le formulaire de recensement, ce n'est peut-être pas un si grand effort. Dans certaines provinces ou pays, on récite la prière tous les matins...
    Selon vous, pour diminuer la marge d'erreur, les statisticiens préfèrent l'option voulant que la population ayant reçu le questionnaire le remplisse obligatoirement, sous peine de recevoir une amende ou de faire face à une peine d'emprisonnement, à celle voulant que les gens répondent à un sondage facultatif, ce qui respecterait leur liberté.
    Vous avez dit plus tôt que ça augmente la qualité des données. Donc, pour obtenir une qualité extrême, une Cadillac en fait de données, vous voulez que la population soit menacée d'emprisonnement. Est-ce exact?
    Merci, monsieur Bernier.
    J'ai mentionné que l'emprisonnement me semblait une mesure extrême, mais c'est peut-être là un autre enjeu.
    Cela étant dit, je ne crois pas que...
    Mais c'est précisément l'enjeu, aujourd'hui, monsieur le président. Les Canadiens et les Québécois sont-ils libres de répondre ou non à ces questions sous l'effet de cette menace...
    Merci, monsieur Bernier.
    Permettez-moi de terminer ma réponse.
     Il ne faut pas oublier que le fait de répondre aux questions d'un recensement n'est pas une tâche si difficile ou extrême. Il faut le voir davantage comme un devoir de citoyen que comme un risque d'être soumis à une sanction.
    Merci.
    Monsieur Gravelle.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Les questions de M. Bernier me laissent plutôt perplexe.
    Ce matin, M. Anderson a tenté de nous faire croire que les questions qui étaient posées venaient de Statistique Canada, alors qu'elles viennent toutes du gouvernement, à qui le recensement appartient. Il appartient au gouvernement.
    Le recensement de 2006 appartient donc à M. Bernier. S'il croit tant à l'emprisonnement, aux menaces ou aux amendes, ou aux questions qui sont posées, pouvez-vous me dire pourquoi il n'a pas modifié le recensement lorsqu'il était ministre de l'Industrie? Il avait l'occasion de le faire, car le recensement appartient au ministre de l'Industrie. Il appartient au gouvernement.
    S'il y croit tant, pourquoi n'a-t-il pas modifié le recensement, ou pourquoi n'a-t-il pas entrepris le processus d'y apporter des modifications? Ou bien, cette question a-t-elle peut-être été soulevée parce que c'est l'été, et qu'on cherche l'attention médiatique? Je suis perplexe.
    Est-ce que quelqu'un peut me répondre?

  (1255)  

    Je ne peux pas répondre pour M. Bernier, mais je peux parler en mon propre nom. Je n'ai pas eu l'occasion de présenter un mémoire, mais si vous n'y voyez pas d'objection, j'ai une courte déclaration à faire.
    Le remplacement du long formulaire de recensement obligatoire par une enquête nationale à participation volontaire a suscité des discussions animées, captivantes et fructueuses. Selon Statistique Canada, un des principaux défis est de clairement démontrer l'importance du recensement aux yeux des Canadiens. C'est ce qu'il a évoqué à la page 3 de l'article Études en vue du recensement canadien de 2011.
    Les médias nous ont certainement aidés en ce sens sans occasionner de coûts pour Statistique Canada. Tous les contribuables devraient en être reconnaissants. Cependant, les médias n'ont pas contribué à bien situer le débat dans son contexte. La décision du gouvernement d'abolir le long formulaire de recensement obligatoire s'inscrit dans le plus vaste débat sur les droits de la personne par rapport aux droits de l'État dans une société libre et démocratique. La question du devoir des particuliers envers l'État et du devoir de l'État envers les particuliers constitue une partie importante de cet éternel débat.
    Le gouvernement a conclu, et avec raison je pense, qu'une personne a le droit de choisir de participer ou non à une enquête, même s'il s'agit d'un long formulaire de recensement. Il ne s'agit pas de l'utilité économique ou sociale d'une enquête. Il ne s'agit pas de savoir combien de personnes se sont plaintes. Il ne s'agit pas d'agir en bons citoyens. Il ne s'agit pas du caractère privé des renseignements recueillis. Il s'agit de savoir dans quelle mesure l'État a le droit d'obliger les gens à fournir des renseignements. Il s'agit de savoir à quelle occasion une personne a le droit de dire non, sans explication.
    À une certaine époque, au Canada, la police pouvait arrêter une personne et lui demander de s'identifier, sous peine d'arrestation. De toute évidence, ce droit est tout à l'avantage de l'État pour ce qui est d'exercer l'obligation de prévenir les crimes et d'appréhender les criminels. Mais, en dépit des avantages et de la vraisemblable économie des coûts, la société canadienne a fermement et librement choisi de limiter ce droit qui appartient à la police. Le tollé qui a éclaté au sujet d'une loi ontarienne temporaire rétablissant ce pouvoir de la police dans un espace public restreint, et uniquement dans le cadre des réunions du G8 et du G20, montre que les Canadiens n'ont pas changé d'opinion sur la nécessité de ce droit individuel.
    Obliger une personne à faire quelque chose parce que c'est bon pour la société est l'une des pentes glissantes auxquelles on fait souvent allusion. De façon plus concrète, je vais vous donner deux exemples que je ne cautionne pas.
    Le premier exemple porte sur le vote obligatoire. Dans certains pays, comme l'Australie, il est obligatoire de voter aux élections fédérales. Ce n'est pas le cas au Canada, même si le taux de participation des électeurs a diminué. Lorsque sa population vote, une société libre devrait en bénéficier. Il n'y a pas une grande différence entre obliger les gens à remplir le long formulaire de recensement et les obliger à révéler le candidat qu'ils préfèrent dans le cadre d'un processus beaucoup plus anonyme.
    Le deuxième exemple porte sur le fait d'exiger que tous les enfants fréquentent les écoles publiques durant les heures où elles sont ouvertes. On soutient que les écoles publiques seraient renforcées, que les enfants de tous les milieux se mêleraient entre eux, et que nous en ferions de meilleurs citoyens. Les enfants auraient toujours le droit de fréquenter les écoles privées à d'autres moments, et on ne leur retirerait donc pas leur droit à l'enseignement privé — c'est du moins ce que feraient valoir les tenants de cette idée.
    D'ailleurs, l'argument selon lequel le gain obtenu par la société l'emporte sur les droits des parents ressemble étrangement à ce qu'on dit au sujet du long formulaire...
    Excusez-moi, monsieur Tanny. Je crois que M. Gravelle veut ajouter quelque chose.
    D'accord.
    Merci de votre déclaration.
    D'après vous, concernant les données de recensement, appartient-il aux citoyens de recueillir... au gouvernement de recueillir des données? Ce que je veux dire, c'est qu'il s'agit de données qui, comme M. Simard l'a dit, sont très utiles en urbanisme. Donc...
    Eh bien, j'ai une autre option, si c'est ce que vous me demandez. Je crois que si vous regardez...
    Non, je vous demande si c'est une mauvaise chose, selon vous.
    Je ne dis pas qu'il ne s'agit pas d'un devoir de citoyen. Ce n'est pas la question. La question, c'est de savoir s'il existe d'autres moyens qui n'ont pas un caractère obligatoire.
    Nous pourrions obliger le citoyen à faire un certain nombre de choses. Par exemple, nous pourrions contraindre un accusé à témoigner au cours d'un procès pour qu'un juge puisse lui poser des questions. Cette façon de faire permettrait également d'économiser du temps et de l'argent, et elle faciliterait les choses quant aux poursuites. Nous ne procédons pas ainsi au Canada.
    Quelle est la ligne de démarcation? Voilà la question.
    J'ai une question pour...
    Allez-y, monsieur Gravelle. Et je crois que M. McLeish aimerait également répondre à votre question.
    Oui, je veux seulement dire que la Loi sur la statistique a bien entendu été adoptée et qu'elle relève du gouvernement du Canada, et je ne vois aucun problème à ce que l'on modifie les sanctions prévues en cas de non-respect de la loi. Je crois que l'utilisation de l'énoncé « sous peine d'emprisonnement » est très malencontreux, puisque cela n'est jamais arrivé, mais je crois qu'il est tout à fait logique de dire « sous peine d'amende ».
    Je me stationne au centre-ville d'Ottawa, au coeur de Toronto, et je conduis parfois à plus de 100 kilomètres à l'heure, ce qui est également passible d'amende. Je crois que la valeur pour le gouvernement du Canada, la société, les provinces et tous les groupes d'intérêts qui ont participé à ce débat, place ce faible prix à payer, une amende de 100 $ peut-être — qui est en fait conforme à la pratique en Australie et pour l'American Community Survey, dont a parlé M. Tanny — à un niveau qui, à mon avis, ne poserait pas de problème pour la plupart des Canadiens ou des statisticiens.
    En utilisant le terme « obligatoire », on dit aux Canadiens qu'on aimerait qu'ils remplissent le document. Par ailleurs, si on utilise les termes « indiscret » et « volontaire », on dit aux Canadiens de ne pas prendre la peine de le remplir, car cela ne fera que perturber le reste de leur journée.

  (1300)  

    Merci, monsieur McLeish.
    Monsieur Gravelle, avez-vous une autre question?
    Oui.
    Monsieur McLeish, j'aimerais savoir si vous avez donné des conseils au ministre à propos de la décision qu'il est en train de prendre.
    Eh bien, nous lui avons écrit tout d'abord le 9 juillet, au nom de la Société statistique du Canada. Nous lui avons envoyé une autre lettre dans laquelle nous expliquons les points que vous avez devant vous, y compris l'option de rétablir le recensement de 2011. Nous y préconisons, comme il se doit, la tenue d'une étude sérieuse sur les répercussions de l'enquête à participation volontaire.
    Cependant, une autre question est en jeu, et c'est la réputation de Statistique Canada en ce qui concerne son indépendance. Comme bien des gens l'ont laissé entendre, Statistique Canada est une agence reconnue dans le monde. Je crois qu'on devrait réaffirmer qu'elle est capable de fournir des données, tant du point de vue de la méthodologie que de l'analyse, qui ne dépendent pas de l'avis du gouvernement et des ONG et d'autre groupes d'intérêts spéciaux.
    D'accord, très brièvement, monsieur Gravelle.
    Alors, très brièvement, le ministre vous a-t-il répondu?
    Je n'ai reçu aucune réponse du ministre, mais je crois qu'il est très occupé ces jours-ci.
    Merci, monsieur Gravelle.
    La parole est maintenant à M. McTeague.
    Ma question s'adresse à tout le monde. En ce qui concerne l'intégrité des renseignements qui sont devant nous, peu importe que ce soit obligatoire ou non, il me semble que si l'on veut un résultat, par exemple pour le devoir de juré, ou si l'on veut s'assurer que... je ne sais pas; je ne peux pas m'imaginer le gouvernement demander d'abolir l'obligation de remplir une déclaration d'impôt. Certains services d'intérêt public ont tendance à faire passer ce type de fonction utilitaire visant à faire passer le bien collectif avant les intérêts des particuliers.
    Si nous parlons d'amendes ou de peines dans le cadre d'un processus obligatoire, c'est une chose, mais sans la notion de conformité ou l'obligation de se conformer, je me demande comment nous pouvons faire valoir qu'une sanction non automatique ou moins lourde aurait le même effet.
    Monsieur McLeish, pourriez-vous donner des précisions sur ce que vous tentez d'établir comme compromis possible?
    Le compromis, au prochain recensement, serait en effet de faire les deux. Au Royaume-Uni, où ils ont un délai de 11 ans avant l'abolition du recensement de 2021, ils obtiendront des données de toutes sortes de groupes d'intérêts et sur la base de facteurs à prendre en considération.
    Encore une fois, selon moi, le compromis consiste à faire remplir le long formulaire, comme d'habitude — il a sans doute été préparé — et à effectuer en même temps un recensement à participation volontaire pour lequel Statistique Canada et le Conseil national de la statistique auront la responsabilité de présenter un rapport indiquant le degré de distorsion, les endroits auxquels des individus ou des groupes sont sous-dénombrés, et la façon dont cette distorsion aura des incidences sur nous dans l'avenir.
    Monsieur McLeish, l'une des meilleures comparaisons qui ont été proposées par mes collègues de l'autre côté — un de mes amis les appelle les Vandales, les Wisigoths et les Luddites, mais je ne serai pas aussi méprisant —, c'est que les modèles établis aux États-Unis peuvent être très semblables à ceux du Canada. Étant donné que les Américains ont mis à l'essai un formulaire à participation volontaire et qu'ils l'ont abandonné, qu'est-ce que cela signifie vraiment pour nous en prévision des 10 années à venir, comme vous êtes... en ce qui concerne ce que vous proposez?
    Ce que je veux dire, c'est si les Américains ont rejeté le formulaire, si des pays comme la Suède ou l'Europe dans son ensemble nous disent massivement de nous éloigner de la question des atteintes à la vie privée et de cette idée que les députés conservateurs semblent nous avoir sortie soudainement, comment nous...? N'utilisons-nous pas les meilleures méthodes qui existent, l'expérience d'autres pays, pour décider qu'il est peut-être préférable de ne pas toucher au formulaire?

  (1305)  

    Eh bien, pour répondre brièvement à la question, les États-Unis l'ont mis à l'essai en 2003. Ils ont envoyé essentiellement le même questionnaire aux gens, dans lequel on indiquait que leur participation était volontaire, pour une version, et obligatoire, pour l'autre version. L'écart entre les taux de réponse a été d'environ 20 p. 100. En d'autres mots, le taux de réponse pour l'enquête à participation volontaire était plus faible de 20 p. 100 que pour celle à participation obligatoire. Tout comme le fait Statistique Canada, ils font continuellement des rappels. S'ils voulaient que la qualité des données soit même vaguement comparable, il leur fallait faire tant de rappels que cette façon de procéder était infiniment plus coûteuse, et ils l'ont donc abandonnée et ils sont revenus à l'enquête obligatoire appelée American Community Survey.
    Si au moyen d'une analyse statistique ou scientifique effectuée jour après jour — et nous aurons l'occasion de parler à un sondeur un peu plus tard —, un système à participation volontaire, qui semble être la panacée des conservateurs, qui ont découvert tout à coup que c'est un problème... si 19 p. 100 des Canadiens ne sont pas même disposés à remplir le formulaire, qu'est-ce que cela nous apprend sur la crédibilité et les principes dont nous avons besoin? Qu'est-ce que cela nous apprend sur la connaissance que nous avons de notre pays?
    Il me semble que tandis que nous voulons parler longuement de la question d'en savoir un peu plus sur notre pays à mesure qu'il évolue, peut-être plus rapidement que d'autres pays, quand on ne sait pas où l'on veut aller, comme Yogi Berra l'a dit, il y a de fortes possibilités qu'on se retrouve ailleurs.
    Puisque 20 p. 100 des Canadiens disent qu'ils ne se conformeront pas s'il n'est pas obligatoire de remplir le formulaire, dans quelle mesure êtes-vous certain que Statistique Canada sera encore un organisme essentiel avec le temps?
    Je ne peux vraiment pas me prononcer à cet égard, mais je crois que 20 p. 100 des gens ne répondront fort probablement pas aux questions. Je pense que le gouvernement est responsable de ces 20 p. 100 et des autres 80 p. 100, et que la politique devrait être faite pour tout le monde.
    Et qu'en est-il si le mal est déjà fait? Si, dans un moment d'illumination, le gouvernement décidait de faire marche arrière — je doute qu'il le fasse, mais si c'était le cas —, croyez-vous que des organismes partout au pays se saisiraient de cet enjeu et diraient qu'ils ne laisseront pas une telle situation se produire, qu'ils ne se conformeront pas, ce qui, bien entendu, créerait les problèmes qui peuvent survenir, avec ou sans le système à participation volontaire.
    Eh bien, je refuse de croire que le mal est fait. Je crois que nous pouvons aller de l'avant, et qu'en fait, il y a un aspect incroyablement positif. Tous les groupes qui se sont dits favorables au long formulaire de recensement, et à Statistique Canada en général, ont manifesté toute leur confiance envers le travail accompli. Plus que jamais, les Canadiens sont au courant des données qui sont fournies et conscients de leur importance pour la société, l'économie, les petites entreprises, etc. À mon avis, si nous rétablissons le long formulaire obligatoire de recensement, nous obtiendrons le même taux de réponse qu'auparavant, qui est d'environ 99 p. 100.
    Merci, messieurs McLeish et McTeague.
    Monsieur Lake.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, je veux apporter rapidement une précision sur les remarques de M. Gravelle au sujet du dernier recensement. Bien entendu, le décret qui a établi le recensement de 2006 était daté du 22 mars 2005, sous l'ancien gouvernement libéral. Il s'agit en fait du premier recensement dont ce gouvernement est responsable.
    À propos du sujet du jour, il semble qu'il y a peut-être un malentendu. Il semble que selon certaines personnes, c'est une question de statistique. Mais en réalité, la question fondamentale que nous examinons porte sur la société libre et démocratique du Canada.
    Dans une société libre et démocratique, comme celle du Canada, devrait-on menacer les citoyens de peine d'emprisonnement ou d'amende si, pour toutes sortes de raisons, ils refusent de répondre à des questions portant par exemple sur le nombre de chambres qu'ils ont dans leur maison ou le temps qu'ils ont consacré aux travaux ménagers ou qu'ils ont passé avec leurs enfants la semaine précédente? Toutes ces questions faisaient partie du recensement de 2006. Dans une société libre et démocratique, devrait-on menacer quelqu'un d'incarcération ou d'amende si, pour une raison quelconque, il ne répond pas à ces questions ? La raison invoquée importe peu.
    Bien entendu, le Parti libéral a dit que oui, il doit en être ainsi. Notre parti soutient le contraire, et c'est la raison pour laquelle nous apportons des changements. C'est le sujet du débat d'aujourd'hui.
    Il va de soi que nous prenons en considération l'aspect statistique et nous faisons intervenir des spécialistes pour y répondre en ce qui concerne la meilleure façon de recueillir les renseignements dont nous avons besoin. À cet égard, nous nous en remettons aux spécialistes de Statistique Canada.
    Monsieur McLeish, je veux vous poser la question fondamentale. À votre avis, les Canadiens comme votre fille — car vous avez parlé de votre fille — devraient-ils être menacés de peine d'emprisonnement ou d'amende s'ils ne veulent pas dire le temps qu'ils ont consacré aux travaux ménagers la semaine précédente, parce qu'ils ne veulent tout simplement pas donner ce renseignement?

  (1310)  

    Sauf le respect que je vous dois, monsieur, vous posez une question sur laquelle vous avez le contrôle. À ce que je sache, les statisticiens n'ont pas adopté de lois qui envoient les gens en prison ou qui leur infligent des amendes.
    D'accord, mais je vous demande votre avis en tant que Canadien — car vous préconisez un long formulaire obligatoire dans lequel ce genre de questions figureraient.
    Non. Ma société n'a pas pris position sur les sanctions liées au non-respect de la Loi sur la statistique, car cela ne fait pas partie de nos compétences. C'est une décision qui relève du gouvernement.
    Mais, votre association préconise des sanctions.
    Non, ce que mon association préconise, c'est que le long formulaire de recensement soit obligatoire, comme auparavant.
    D'accord, donc s'il est obligatoire, il faut que des sanctions soient prévues. Si un citoyen canadien ne veut pas répondre à la question portant sur le temps qu'il a consacré aux travaux ménagers la semaine précédente, devrait-il être passible d'amende?
    Je pense que de toute évidence, c'est une décision qui vous appartient. Par exemple, on attribue le mot « obligatoire » à toutes sortes de choses: l'endroit où je stationne ma voiture, la vitesse à laquelle je conduis sur l'autoroute. Il est obligatoire pour moi de ne pas conduire en utilisant un téléphone cellulaire. Les amendes qu'entraîne le non-respect de ces lois relèvent de divers paliers de gouvernement, y compris du gouvernement fédéral.
    Sauf votre respect, monsieur McLeish, vous dites que le gouvernement devrait prendre cette décision. Le gouvernement a pris une décision, et votre organisme l'a désapprouvée en disant que c'était la mauvaise décision et que ce devrait être obligatoire, donc que des sanctions y soient associées. C'est à votre organisme qu'il revient de dire quelles devraient être les peines imposées. Quelles sanctions seraient acceptables — la menace d'emprisonnement, d'amendes — si une personne refuse de déclarer le nombre d'heures qu'elle a consacrées aux tâches ménagères la semaine dernière?
    Selon moi, la population ne devrait pas être passible de peines d'emprisonnement, parce que, d'une part, ce serait un précédent et cela ne fait pas partie du débat et, d'autre part, cela n'aurait aucun sens — tout comme de m'emprisonner pour avoir dépassé par mégarde de cinq minutes le temps de stationnement sur une rue à Ottawa.
    Et les amendes?
    En ce qui concerne les amendes, je verse déjà, comme vous et une bonne partie de la population canadienne, une grande portion de mon salaire au gouvernement pour l'élaboration de politiques, pour qu'il prenne en notre nom des décisions qui profitent à la société. Combien de temps...
    À ce sujet, M. Garneau, tout comme un autre témoin et vous l'avez signalé aujourd'hui, on craint, par exemple, qu'avec un système à participation volontaire, les personnes susceptibles de ne pas répondre aux questions soient les gens à faible revenu. De plus, si c'est obligatoire, ce sont, bien entendu, ces mêmes personnes que vous devrez menacer de mettre à l'amende. Est-ce qu'une mère chef de famille monoparentale avec trois enfants, qui en a déjà plein les bras et qui décide de ne pas répondre aux questions, tout comme sa voisine, sur le nombre d'heures consacrées aux tâches ménagères ou à s'occuper de ses enfants, devrait être menacée de devoir payer une amende de 500 $?
    Lorsque votre véhicule est stationné en double file ou que vous conduisez à 150...
    Nous ne parlons pas de stationnement en double file ni de conduite... Il est dangereux d'excéder la limite permise sur la route.
    Ce que j'essaie de faire valoir, c'est que la peine maximale associée au non-respect des règles et des lois du pays n'est pas toujours ce à quoi les gens pensent avant d'agir.
    Le terme « obligatoire » est important. Je fais remarquer que les peines y étant associées, qui relèvent du gouvernement, sont vraiment de moindre importance. Je ne suggère pas des amendes de 10 000 $ pour nous assurer que tout le monde remplit le long formulaire.
    Quelle serait donc l'amende appropriée?
    Merci beaucoup, messieurs Lake et McLeish.
    Monsieur Nadeau.

[Français]

    Merci, monsieur le président. C'est très agréable.
    Je voudrais simplement préciser que l'aspect obligatoire lié à la question de l'incarcération, qui titille beaucoup mes collègues conservateurs, existe depuis 1918. M. Lake se souvient sûrement de l'année 1918, étant donné que c'est l'année où la Ligue nationale de hockey a été fondée. Plusieurs gouvernements conservateurs et libéraux ont été au pouvoir depuis. Cette disposition existe depuis longtemps. Comme vous êtes au pouvoir, messieurs, vous pourriez peut-être présenter un projet de loi visant à abolir cette disposition.
    Contrairement à ce que mon ami M. Bernier a dit plus tôt, ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui. On parle de l'aspect scientifique. Je sais que certains conservateurs croient que les hommes et les dinosaures ont vécu en même temps, mais le monde n'a pas été créé il y a 5 000 ans. Encore là, ce sont des croyances. Revenons à l'aspect scientifique des choses.
    Monsieur Simard, j'aimerais savoir de quelle façon la recherche scientifique sera touchée par ce que le gouvernement conservateur propose.

  (1315)  

    Ça aura sûrement des impacts. On n'aura pas d'outil.
    Prenons un cas fictif. Si on nous dit que 67 p. 100 de la population parle anglais à Montréal, on ne saura pas si c'est exact. En réalité, la proportion sera peut-être de 61 p. 100 ou de 77 p. 100. On ne pourra pas mesurer l'inexactitude, mais on sera toujours dans l'incertitude.
    Dans une société de l'information, des scientifiques du domaine des sciences sociales, des sciences de l'environnement ou de tout autre domaine ne pourront plus vraiment utiliser ces données, qui seront reconnues comme étant peu fiables et inexactes. Ça pourrait avoir une influence sur la notoriété des recherches des Canadiens qui publient leur travail sur la scène internationale.
    Au-delà de tout ça, on se demande comment, à l'ère de la mondialisation et de l'information, un gouvernement peut réduire la fiabilité des informations portant sur la société, l'économie et le pays. C'est un peu comme si on faisait exprès pour se créer des difficultés.
    D'accord.
    Monsieur McLeish, compte tenu de votre connaissance du recensement canadien et de ce qu'on connaît présentement de Statistique Canada, j'aimerais que vous me disiez si, au chapitre de la protection de la confidentialité, les citoyens et citoyennes font face à un danger.

[Traduction]

    À ma connaissance, il n'y a pas eu de compromis. Que vous sachiez que la maison moyenne dans mon secteur de recensement compte 8,4 pièces ne vous dit pas le nombre de pièces que j'ai dans ma maison, puisqu'il y a 7 900 autres personnes qui habitent le secteur.
    Donc, selon moi, il ne s'agit pas d'atteinte à la vie privée lorsqu'on parle de l'ensemble des renseignements sur des groupes de personnes. Seule la diffusion de renseignements personnels constitue une violation de la vie privée, et je ne crois pas que cela se soit déjà produit.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, messieurs.
    Merci, monsieur Nadeau.
    Monsieur Petit.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Simard.
    Je pense que vous venez de la même région que M. Bouchard. En fait, vous enseignez à l'Université du Québec à Chicoutimi. Vous dites que vous utilisez les statistiques du Canada. Vous savez qu'il y a à la fois des questions volontaires et des questions obligatoires. On en a parlé suffisamment depuis le début.
    Lors du dernier recensement, en 2005 — je n'étais pas encore député à ce moment-là —, la réponse à toutes les questions dans le long formulaire était obligatoire. La seule chose que l'on veut faire, c'est rendre la réponse à ces mêmes questions volontaire au lieu d'obligatoire.
    Tout à l'heure, vous avez répondu à certaines questions très précises de mon collègue. Selon vous, le fait de demander à quelle heure je pars pour aller travailler serait-il une question à laquelle on devrait répondre de façon obligatoire ou sur une base volontaire? Les nuances sont très subtiles.
    Pourriez-vous me donner votre opinion à cet égard? C'est exactement de cela qu'on parle.
    Selon moi, le principal problème du principe du formulaire volontaire se pose sur le plan méthodologique. Pour le reste, les questions peuvent toujours être révisées, parce que certaines questions peuvent en effet sembler un peu ridicules ou inutiles. Cependant, il ne faut pas oublier que parmi les questions contenues dans l'ancien long formulaire, qu'on va rendre volontaire et nommer autrement, certaines sont fort utiles, comme des questions sur la mobilité ou l'endroit où les gens demeurent. Cela nous donne des informations sur les déménagements, sur la mobilité des Canadiens pour le travail, au jour le jour.
    D'ailleurs, actuellement, je fais une recherche pour analyser ce qu'on appelle le navettage, c'est-à-dire les déplacements pour le travail, dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Tout cela pourrait s'appliquer dans le domaine du transport, de l'aménagement du territoire ou du développement économique régional. Donc...
    Monsieur Simard, je dois vous interrompre parce que mon temps est très limité.
    Comme moi, vous avez lu le long formulaire puisque vous êtes ici justement pour témoigner à cet égard. Vous avez remarqué que certaines des questions contenues dans ce formulaire me sont posées chaque année par mon gouvernement provincial et par le gouvernement fédéral dans mes déclarations de revenus. En plus, dans le même questionnaire, on me demande d'additionner les impôts des deux sources, ce qui ne se fait pas dans les autres provinces. Moi, je suis obligé de les additionner. Seriez-vous d'accord à ce que je sois emprisonné et qu'on m'impose une amende parce que j'ai fait une erreur dans mon calcul d'impôts? Selon vous, est-ce obligatoire ou volontaire? J'ai déjà donné ces renseignements volontairement, les gouvernements les ont en main. Est-ce par paresse qu'ils ne veulent pas se transférer les renseignements, ou y a-t-il véritablement quelque chose que je ne comprends pas entre ce qui est obligatoire et ce qui est volontaire?
    J'ai déjà donné ces renseignements au complet: si je reçois une pension de vieillesse, si j'ai reçu de l'assurance-emploi, les frais de garde que j'ai déboursés. J'ai donné tous ces renseignements aux gouvernements, et ce chaque année, accompagnés de mon adresse, de mon numéro de téléphone, de mon code postal. J'ai même dit avec qui je vivais, comment je vivais, si je vivais avec quelqu'un du même sexe. J'ai donné ces renseignements chaque année. Pourquoi devrais-je les fournir encore aujourd'hui de façon obligatoire? Pourquoi cela ne se ferait-il pas sur une base volontaire? Puisque je les ai déjà donnés, je vais les donner de nouveau. Ne croyez-vous pas que le volontariat soit quelque chose de bon?
    Le fait de poser les mêmes questions à deux reprises peut paraître bête. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'on pourrait préciser que certaines questions ne seront pas dans le recensement parce qu'on peut obtenir ces renseignements par d'autres manières, par exemple dans le formulaire de déclaration de revenus.
    Cependant, je crois que l'enjeu ici n'est pas cela. Pour revenir à la question du caractère obligatoire du formulaire, à mon avis, dans la Loi sur la statistique, il faudrait changer la question des peines d'emprisonnement, car c'est évidemment excessif.
    Il faut quand même remettre cela en perspective. L'obligation que l'on demande aux citoyens est très faible. Ce n'est pas impossible à faire. Il s'agit de quelque chose relativement simple à faire, et on le fait au nom du bien commun. À mon avis, le citoyen qui se plaint de la longueur du formulaire regrettera ou vivra peut-être, dans deux ou cinq ans, les effets de l'absence d'une politique publique ciblée pour les groupes dans sa situation. Alors, c'est dans l'intérêt du citoyen de le remplir, même s'il n'en a pas conscience.
    Revenons les pieds sur terre. Ce qu'on lui demande de faire, ce n'est pas des travaux forcés pendant six mois en Sibérie; on lui demande de remplir un formulaire qui prend dix minutes à remplir.

  (1320)  

    Monsieur Doucet, vous vous êtes présenté plus tôt comme un citoyen venu témoigner devant nous. Plusieurs questions ont été posées depuis le début. Ces questions existaient en 2005 et elles étaient obligatoires. Ce qu'on est en train de faire, c'est de criminaliser les honnêtes gens s'ils ne répondent pas.
    Vous avez entendu les questions que j'ai posées à M. Simard. Tant au provincial qu'au fédéral, on a déjà répondu chaque année à toutes les questions contenues dans le formulaire long, y compris celle sur le nombre de chambres à coucher. En effet, la Société canadienne d'hypothèques et de logement détient tous ces renseignements.
    Êtes-vous d'avis qu'on devrait être tenu obligatoirement de répondre à ces questions sous peine de recevoir une amende ou de faire face à une peine d'emprisonnement?
    Merci, monsieur Petit.

[Traduction]

    Je ne pense pas que ce devrait être obligatoire. Les arguments que j'ai entendus ici aujourd'hui et que j'ai lus dans les journaux en faveur du maintien du long formulaire se résument, selon moi, au fait que les renseignements recueillis sont utiles et que si nous y apportons des modifications, nous n'obtiendrons plus d'aussi bons renseignements; ils seraient peut-être un peu moins utiles.
    Je ne crois pas que le mandat du gouvernement soit de faire tout ce qui est utile. Je crois que les êtres humains devraient être libres de poursuivre leurs propres buts, leurs propres objectifs, pourvu qu'ils n'empiètent pas sur la liberté d'autrui et qu'ils ne fassent pas usage de la force envers leurs semblables. À mon avis, dire que ce doit être obligatoire, parce que c'est utile, revient à dire que ma liberté gêne le gouvernement.
    Merci beaucoup, monsieur Doucet.
    M. Gravelle posera les dernières questions.
    Merci, monsieur Chong.
    Monsieur McLeish, les conservateurs ont répété à maintes reprises que ce qui pose surtout problème, ce sont les menaces d'emprisonnement et les amendes. On nous a également dit ce matin que le recensement appartient au gouvernement. Avons-nous raison de penser ou ai-je raison de dire que d'un coup de stylo le gouvernement pourrait abolir ces amendes et que nous ne serions pas obligés d'être ici aujourd'hui à entendre ces commentaires pour la galerie au sujet des gens qui risquent l'emprisonnement? Il ne nous faut qu'un projet de loi d'initiative parlementaire ou qu'un projet de loi émanant du gouvernement qui retire les amendes. N'est-ce pas quelque chose que le gouvernement pourrait faire?

  (1325)  

    Vous savez comme moi que le gouvernement, et non pas Statistique Canada, est responsable des sanctions en vertu de la Loi sur la statistique — il est certain que le gouvernement peut modifier ces peines.
    Il pourrait donc le faire à la prochaine session parlementaire, s'il le veut.
    C'est possible, si l'opposition l'appuie.
    D'accord. Le gouvernement cherche donc, plus ou moins, à attirer l'attention des médias.
    On a aussi beaucoup parlé de la confidentialité des données recueillies dans le cadre du recensement. J'aimerais lire la question 53 du Recensement de 2006. L'énoncé — ce n'est pas une question — dit ce qui suit:
La Loi sur la statistique garantit la confidentialité des renseignements que vous fournissez au recensement. Si vous répondez « OUI » à cette question, vos renseignements personnels deviendront accessibles au public 92 ans après le Recensement de 2006. Si vous répondez « NON » ou laissez cette question sans réponse, vos renseignements ne seront jamais rendus publics.
    Quel est le problème?
    Je souhaite sincèrement que mes renseignements soient divulgués de mon vivant en application de cet article, mais je ne crois pas que cela se produise.
    Je ne veux pas faire de politique. Je veux me tourner vers l'avenir. Statistique Canada, comme on l'entend souvent, est un des organismes statistiques prééminents dans le monde. Son indépendance et, par conséquent, sa crédibilité sont en jeu ici.
    J'aimerais citer le statisticien vivant le plus connu, sir David Cox. Il est un statisticien britannique et l'ancien directeur du Collège Nuffield à Oxford. Il dit à ce sujet — ils en discutaient en fait en mangeant — qu'ils avaient toujours « ... vraiment considéré Statistique Canada comme l'exemple de ce qu'un organisme statistique gouvernemental devrait être et est rarement. Cela rend d'autant plus regrettable le fait de voir son intégrité ainsi ébranlée ».

[Français]

    Monsieur Simard, on a entendu parler d'un grand nombre d'organismes qui bénéficiaient du recensement, entre autres les écoles, les grandes et petites villes, les planificateurs, Statistique Canada et les francophones. Si le recensement est éliminé, qui va en bénéficier?
    Je crois que personne ne va en bénéficier. Certains citoyens à l'épiderme sensible se sentiront peut-être plus à l'aise, mais comme je l'ai dit plus tôt, ce qu'on demande n'est pas une exigence indue de la part du gouvernement: ce sont quelques feuilles qui demandent entre 10 et 15 minutes pour être remplies, mais qui rendent un service considérable aux citoyens et soutiennent le développement économique ainsi que les études de planification.
    Je crois qu'on cherche vraiment des problèmes là où il n'y en a pas. Tout allait bien jusqu'à ce qu'on nous présente, de manière maladroite, ce projet de loi. Il y avait de bonnes intentions derrière ça, mais lorsqu'on connaît un peu les méthodes statistiques ou les méthodes de traitement de données et d'enquête, on voit de façon évidente que c'est une erreur. Personne n'en sortira gagnant. Comme on le dit en anglais, c'est une lose-lose situation.
    Merci, messieurs Gravelle et Simard.

[Traduction]

    Monsieur Lake, faites-vous un rappel au Règlement?
    Dans sa dernière question, M. Gravelle a parlé d'abolir le recensement. Personne ici ne parle d'éliminer le long formulaire.
    Il s'agit d'une précision. Votre rappel n'est pas recevable.
    Nous disons simplement que nous n'emprisonnerons pas les gens qui décideront de ne pas répondre aux questions.
    Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement, mais bien d'une précision.
    Les témoignages de ce groupe sont terminés.
    La séance reprendra à 14 heures.
    Je remercie nos quatre témoins, messieurs Doucet, Tanny, McLeish et Simard, de leurs témoignages.

  (1400)  

[Français]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 29e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie, en ce mardi 27 juillet 2010. Nous sommes ici conformément au paragraphe 108(2) du Règlement pour faire l'étude du long formulaire de recensement.

[Traduction]

    Je souhaite la bienvenue à notre quatrième groupe de témoins.
    Nous accueillons aujourd'hui au comité M. Darrell Bricker d'IPSOS Reid, M. Boyko, membre associé bibliothécaire de données au Library Data Center de l'Université Carleton, M. Paul Hébert, rédacteur en chef du Journal de l'Association médicale canadienne, et M. Don Drummond, président du Comité consultatif sur l'information sur le marché du travail. Bienvenue à vous quatre.
    Nous avons environ une heure pour les questions et les commentaires des membres du comité. Nous allons commencer avec M. Garneau.
    M. Lukiwski invoque le Règlement. Allez-y.
    Il s'agit probablement d'un point de clarification.
    M. Veldhuis témoignera-t-il aussi?
    C'est vrai. Merci.
    Nous accueillons également de Vancouver par vidéoconférence, M. Niels Veldhuis, l'analyste principal du Fraser Institute.
    Monsieur Veldhuis, bienvenue.
    Sans plus attendre, monsieur Garneau, vous pouvez commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Drummond.
    J'ai entendu ce que vous pensez du sujet, monsieur Drummond, mais pourriez-vous nous résumer ce que vous pensez des enquêtes à participation volontaire par rapport aux questionnaires obligatoires actuels?
    Selon moi, nous avons assez d'expérience dans les enquêtes statistiques au Canada et dans d'autres pays pour savoir que le taux de participation sera très différent. Je ne serais pas préoccupé outre mesure si le taux de participation passait de pratiquement 100 p. 100 à 80 ou même 60 p. 100, pourvu que l'enquête soit représentative de la population. Le plus troublant, c'est que si l'enquête n'est pas représentative, comme l'expérience au Canada et dans d'autres pays le démontre, nous aurons une représentation plus élevée — il faut se l'avouer — de Canadiens blancs de classe moyenne et une représentation extrêmement faible de certains groupes, en particulier les pauvres et les très riches, certains nouveaux arrivants et les premières nations, assurément.
    Au fil du temps, nous serions probablement en mesure de démêler tout cela, mais il nous faudrait probablement trois ou quatre cycles pour connaître le coefficient de pondération. Entre-temps, je crois que d'avoir ces données, c'est pire que de ne pas en avoir du tout. Elles peuvent nous induire en erreur. On pourrait arriver à des conclusions erronées, parce qu'on ne connaît pas le coefficient de pondération des groupes sous-représentés.
    Merci.
    Monsieur Boyko, je vous pose la même question.
    Je crois que ma réponse serait la même. Nous devons nous rappeler qu'au Canada, nous utilisons le recensement pour ajuster, pondérer et estimer efficacement les résultats obtenus au moyen de nos enquêtes à participation volontaire. Aucun pays n'a été en mesure de mettre en place un recensement facultatif. Les pays ont tous recours à des questions obligatoires ou, dans certains cas, à des registres administratifs qui, selon moi, s'infiltrent beaucoup plus dans la vie privée des gens que tout ce dont nous avons parlé jusqu'à maintenant au Canada.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Hébert, récemment, quand le gouvernement a pris sa décision, on a lu votre opinion dans les journaux. Pourriez-vous résumer ce que vous pensez de la décision du gouvernement de changer le système?
    Comme mes collègues, je suis d'avis que le recensement est l'outil idéal. Un sondage volontaire peut entraîner des distorsions très particulières. Le grand problème, comme le disait M. Drummond, est que bien qu'on puisse malgré tout obtenir quelque chose qui fonctionne, nous n'en sommes pas certains. Le recensement lui-même est un outil très précis qui est utile pour tous les secteurs de la santé. En effet, il nous indique s'il y a des problèmes économiques, sur le plan de l'éducation, etc.

  (1405)  

[Traduction]

    Nous sommes en mesure de travailler localement pour mieux comprendre les adaptations et les ajustements à apporter à nos programmes. Il s'agit du seul outil du genre au pays, et d'ici à ce que nous en mettions un meilleur au point, nous devrons l'utiliser. Il a été tellement examiné au fil des années que nous avons parfaitement compris son taux d'erreur lorsqu'il y a surreprésentation ou sous-représentation dans certains secteurs.
    Pour la santé et le bien-être des Canadiens, nous avons besoin de cet outil. Il influence les planificateurs des politiques dans les régions. En fait, des responsables de la santé publique m'ont envoyé des courriels pour me fournir des exemples précis des répercussions sur leur collectivité.
    Par exemple, si vous voulez mettre en place un programme de soins dentaires à Ottawa ou à Toronto, où l'établirez-vous? Si vous êtes un responsable de la santé publique dans cette collectivité, où déployez-vous vos ressources du secteur de la santé? Grâce aux renseignements recueillis lors du recensement, vous pouvez cibler ces ressources. De la même façon, vous pouvez retirer vos ressources des secteurs qui, selon vous, n'en ont peut-être pas besoin, comme les quartiers riches de Toronto. C'est un outil de très grande valeur dans les collectivités et dans tous les secteurs du gouvernement.
    Mes opinions sont clairement expliquées dans mon article. Je pourrais continuer, mais je vais m'arrêter pour le moment.
    Merci, monsieur Hébert.
    Monsieur Bricker, j'ai pris connaissance du sondage que vous avez publié récemment et de celui qui a été publié par Angus Reid peu après, bien entendu. Je crois que votre sondage conclut que 19 p. 100 des répondants ne rempliraient pas un formulaire à participation volontaire, si je l'interprète correctement.
    Que pensez-vous du fait que certaines personnes semblent avoir décidé de ne pas remplir un formulaire à participation volontaire et quelles en seraient les conséquences, selon vous?
    Nous avons appris que 19 p. 100 ne le feraient pas, mais cela veut aussi dire que 80 p. 100 le feraient. Si vous en concluez ou si vous interprétez cela ainsi...
    Premièrement, il faut distinguer le recensement de l'échantillonnage, parce qu'il s'agit de deux choses différentes. Personne, je crois, ne parle de modifier le recensement. Nous parlons de l'échantillonnage en sachant, soit dit en passant, que 80 p. 100 des foyers canadiens ne rempliront pas le formulaire.
    On pourrait conclure de cette recherche très préliminaire que 20 p. 100 des autres 20 p. 100 ne rempliraient probablement pas le formulaire. Cependant, selon mon expérience, un taux de participation de 80 p. 100 est extraordinaire. Je suis, par contre, du même avis que les autres témoins, à savoir qu'il reste énormément de travail à faire pour tout calibrer et pour évaluer les possibles distorsions. Rien n'est impossible. Il s'agit de problèmes auxquels se heurtent les statisticiens quotidiennement.
    Toutefois, dans le dernier recensement, 95 p. 100 des Canadiens ont rempli le formulaire sans rien dire. Ils l'ont simplement fait. Donc, est-il possible que le taux passe de 95 à 81 p. 100, si le résultat de 19 p. 100 se concrétise, parce que certains Canadiens se diront peut-être qu'ils n'y participeront pas étant donné que ce ne sera pas précis de toute manière — j'ai écouté certaines personnes qui en parlaient —, alors pourquoi le faire si l'on contribue seulement à alimenter une base de données qui est faussée?
    Ce pourrait bien être le cas, et je suis d'accord avec les autres témoins pour dire que cet aspect devra être examiné, si le gouvernement décide de modifier le processus d'échantillonnage, et non pas la façon d'effectuer le recensement.
    Pourriez-vous nous dire pourquoi le sondage de la firme Angus Reid — j'imagine qu'on vous pose souvent ce genre de questions — a obtenu un résultat légèrement différent du vôtre?
    La firme Angus Reid a probablement posé une question légèrement différente, mais je suis certain que notre sondage représente correctement les tendances de l'opinion publique au moment où il a été effectué.
    Quelle était votre question?
    Je l'ai en fait avec moi. Je peux vous la fournir.
    Il me faudra un instant pour la trouver.
    D'accord.
    Vous pourriez passer à quelqu'un d'autre entre-temps.
    Pendant que vous cherchez cette question, monsieur Bricker, nous allons passer à M. Bouchard. Quand vous l'aurez trouvée, vous pourrez en informer le comité.
    Allez-y, monsieur Bouchard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Je remercie également les quatre témoins d'être parmi nous cet après-midi.
    Ma première question s'adresse à M. Paul Hébert.
    Monsieur Hébert, vous avez dit dans votre exposé qu'il fallait conserver, en tant qu'instrument, le formulaire détaillé obligatoire de Statistique Canada. Selon vous, quels sont les impacts de la décision du gouvernement sur la mise en oeuvre de politiques en matière de santé publique? Je pose ma question précisément sur ce sujet parce que c'est votre domaine, je crois.

  (1410)  

    Je suis médecin, mais je ne pratique pas dans le secteur public. Je connais donc mieux les enjeux du secteur privé. Cependant, mon journal publie beaucoup d'articles qui portent sur la santé publique du Canada. Les chercheurs du Canada utilisent ces données pour écrire dans nos publications.
    L'impact sur les chercheurs canadiens serait énorme. On me dit que faire un sondage volontaire va coûter 30 millions de dollars de plus. Les effets sur le plan économique sont beaucoup plus importants. À Montréal et dans les régions du Québec, on a besoin de cet instrument de santé publique pour déterminer où seront ciblés les programmes, par exemple dans les secteurs de Montréal où la situation socioéconomique est moins favorable, où il y a des populations d'immigrés. Il pourrait y avoir un véritable impact sur la livraison des programmes à l'échelle régionale.
    Hier, j'ai envoyé un courriel mentionnant ma participation à la réunion de ce comité. Une dizaine de médecins du secteur public m'ont fait parvenir une liste de programmes qui seraient touchés directement par la disparition du recensement. J'ai en main une liste de 15 à 20 programmes, comme des programmes dentaires dans des communautés, des programmes de santé publique, même des programmes de vaccination contre la grippe A(H1N1). Comment allons-nous diriger ces programmes? À quelles communautés s'adresseront-ils? Comment saura-t-on qui va bien et qui ne va pas bien? Comment aura-t-on une description de ces gens?
     L'échantillonnage du recensement est beaucoup plus important que l'on pense. Il s'agit du fondement de tous nos sondages. Statistique Canada effectue de 250 à 280 sondages par année et utilise le recensement pour tous les autres sondages. Nos chercheurs en santé publique au Canada prennent ces données de recensement et font du couplage de données. Ils sont en mesure de voir dans les grandes bases de données canadiennes ce que cela signifie lorsqu'on les couple avec les données de ce recensement. Il y aurait donc deux gros impacts: le premier, sur tous les autres sondages et le deuxième, sur toute la recherche liée à d'autres bases de données. Au Canada, on est très bon sur ce plan.
    J'ai apporté avec moi plusieurs documents.

[Traduction]

    Combien de Canadiens recevront un diagnostic de diabète entre 2007 et 2017? Il s'agit d'une étude menée dans le cadre d'un sondage de Statistique Canada. J'en ai environ une vingtaine. Des études d'impact sur l'obésité, sur le diabète, sur le vieillissement de la population utilisent l'échantillonnage du long formulaire, comme on l'a mentionné plus tôt.
    Merci beaucoup.
    Soyez bref, monsieur Bricker. Je crois que vous avez une réponse à la question de M. Garneau.
    Voici la question que nous avons posée:
Si je suis l'un des Canadiens sur trois qui reçoivent le nouveau long formulaire à participation volontaire, je le remplirai. Veuillez indiquer si l'une des réponses s'applique dans votre cas. Oui ou non.
    Merci beaucoup, monsieur Bricker.
    Monsieur Bouchard.

[Français]

    Monsieur Hébert, selon vous, si cette décision était maintenue, quel en serait le principal inconvénient?
    Premièrement, il y aurait une perte de données essentielles pour la planification et la livraison des programmes en santé publique et en services de la santé, et ce, dans toutes les régions du Canada. Cela aurait un impact direct et réel, selon mes collègues et moi.
    Deuxièmement, cela aurait un effet négatif sur l'investissement en recherche au Canada, sur l'innovation et sur tout ce qui se fait en recherche liée aux services de la santé. En fait, au Québec surtout, c'est très important. Le système d'assurance santé au Québec...

  (1415)  

    Il s'agit de la Régie de l'assurance maladie du Québec.
    Les données de la RAMQ sont utilisées par les chercheurs de l'Université de Montréal et de l'Université McGill, qui les relient au recensement pour pouvoir planifier en tenant compte des populations. C'est donc très important. L'impact est donc réel. Par ailleurs, le fait que l'impact réel de l'annulation du recensement n'ait pas été évalué me trouble beaucoup.
     Les coûts seraient énormes. Il ne s'agit pas seulement des 30 millions de dollars pour faire un plus gros recensement, mais surtout de l'impact sur toute la recherche et la planification de tous les ordres de gouvernement au Canada, et cela n'a pas été évalué.
    Si je décidais, si j'étais à votre place, je m'assurerais de faire le recensement cette fois-ci et de créer des comités pour voir si on peut limiter les conséquences pour les Canadiens. Malgré tout, il faut un recensement mandaté par le gouvernement, sinon l'impact et les coûts seront énormes. Si vous tous, dans vos communautés, essayiez de trouver ces données, vous ne seriez pas capables de le faire et les coûts pour tous les acteurs et toutes les organisations seraient énormes. D'après moi, nous ne sommes pas capables de le faire en ce moment.

[Traduction]

    Puis-je ajouter quelque chose?
    Oui, allez-y, monsieur Drummond.
    Je crois qu'une des principales inquiétudes, c'est le manque de continuité.
    Une voix: Absolument.
    M. Don Drummond: Prenons par exemple les études qui permettent de faire des prévisions sur le diabète. Personne ne fonde une recherche sur un recensement précis; on observe toujours les changements sur une période de cinq ans. On examine donc les déterminants de la santé en 2006, mais aussi en 1991, en 1996, en 2001, et on observe les changements dans les styles de vie, puis on peut faire des prévisions.
    Même si l'enquête à participation volontaire fonctionne assez bien, nous ne serons jamais en mesure d'établir un pont entre 2006 et 2011. Comme je l'ai dit, selon moi, il faut trois ou quatre cycles d'enquête à participation volontaire avant d'être capable d'en tirer quoi que ce soit. Nous continuerons d'avoir des données utiles jusqu'en 2006, puis je crois que nous devrons attendre quelques cycles avant de voir la lumière au bout du tunnel.
    C'est dommage pour ceux qui ont pris le temps de remplir le formulaire en 2001, en 2006 et avant. Nous ne tirerons pas entièrement parti de leurs réponses, parce que cela aboutira dans un cul-de-sac.
    Monsieur Drummond, dans votre exemple, on présume qu'on connaîtra un jour la pondération, qu'on réussira à comprendre le tout et qu'à long terme, le procédé sera exempt de toute distorsion, n'est-ce pas?
    Ainsi, ce que vous nous présentez, c'est le meilleur des cas.

[Français]

    Monsieur Hébert, vous avez dit que cela pourrait représenter un coût direct de 30 millions de dollars. Si j'ai bien compris, les institutions qui voudront avoir des données précises devront se mettre à la tâche. Est-ce ce que vous voulez dire? Dites-vous que cela va coûter 30 millions de dollars pour aller chercher ces données que n'aurait plus Statistique Canada?
    Statistique Canada dit qu'augmenter le nombre de formulaires distribués dans le cadre d'un sondage volontaire coûtera 30 millions de dollars. On parle donc d'un coût direct. Les coûts indirects sont énormes parce que Statistique Canada offre un service à tous les Canadiens, service que les agences partenaires utilisent partout au pays.
    De plus, c'est gratuit, n'est-ce pas?
     Tous les citoyens canadiens y cotisent.
     Tout d'abord, on donne notre information. Par ailleurs, les données sont privées.

[Traduction]

    Nous n'avons jamais porté atteinte au droit à la vie privée.

[Français]

    Grâce à cela, on a un impact énorme sur tous les autres organismes, et ce, à tous les niveaux.
    Les coûts pour remplacer le sondage sont énormes, même si ce serait peut-être possible avec le temps. De plus, il y a un bris sur le plan de la continuité des données. On ne pourra plus faire des études sur le diabète et voir ce qui se passe à long terme.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    C'est donc l'institution qui devra assurer cette continuité.
    Merci, monsieur Hébert.
     Monsieur Lake, c'est à vous.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord savoir quelles questions du recensement de 2006 portaient sur le diabète.
    Habituellement, ce qu'on fait, c'est qu'on établit des liens entre les questions sur le revenu, sur la scolarité, sur le sexe — qui font partie du questionnaire abrégé, évidemment — et les dénombrements. On relie donc les renseignements qui permettent de déterminer la situation socioéconomique à ceux contenus dans toute autre base de données.
    On ne pose donc pas de questions sur la maladie même; à la place, on établit des liens avec une autre série de données. Tout cela est fait à l'interne, de façon privée et anonyme, par Statistique Canada...

  (1420)  

    D'accord; au moyen de la participation volontaire.
    ... et on peut ensuite définir les tendances au fil des années.
    D'accord. Je tenais simplement à préciser qu'il n'y a pas de question qui porte strictement sur le diabète.
    C'est tout à fait exact; il n'y a pas de question précise à ce sujet dans l'enquête même.
    La question que je vais poser à M. Drummond va sembler un peu redondante si vous avez entendues celles que j'ai adressées à M. McLeish. J'ai fait valoir à M. McLeish que ce n'est pas une question statistique que le gouvernement tente de résoudre au moyen des mesures que nous avons prises. En fait, nous répondons à une question fondamentale au sujet de la liberté démocratique dans notre société.
    Voici l'enjeu principal: les personnes qui ne veulent pas répondre à des questions au sujet, par exemple, du nombre de chambres à coucher qu'il y a dans leur maison, de la quantité de travaux ménagers qu'elles accomplissent ou du temps qu'elles passent avec leurs enfants devraient-elles être menacées d'incarcération ou d'amendes? Certains, notamment les partis de l'opposition, répondent que oui, que c'est la meilleure façon de procéder, tandis qu'à notre avis, la réponse est non, les choses devraient se passer autrement.
    Ainsi, ce que j'aimerais savoir, c'est si, pour atteindre les résultats dont vous parlez par rapport à la nature obligatoire du long formulaire, les Canadiens qui ne veulent pas répondre à une question devraient être passibles d'emprisonnement ou d'amendes. Je vais employer l'exemple précis de la quantité travaux ménagers que vous faites chaque semaine.
    C'est intéressant, en fait, que vous ayez établi un lien entre ces deux points, car vous avez choisi les deux parties du long formulaire de recensement qui, selon moi, ne sont pas nécessaires.
    Je vais vous avouer mon parti pris. Dans mes 23 ans de carrière au sein du ministère des Finances, j'ai toujours abordé les questions de politique de la même manière, soit en demandant: quel est le problème? Si c'est la menace d'emprisonnement qui pose problème, défaites-vous-en. Elle n'est ni essentielle, ni utilisée. Si ce sont les questions sur les activités à la maison qui posent problème — c'est sur ce point que la majorité des plaintes relatives au recensement de 2006 portaient —, demandez-vous si elles sont indispensables. À mon avis, il n'est pas nécessaire de les inclure dans le long formulaire de recensement. Le recensement devrait contenir uniquement des questions qu'il est difficile de poser par d'autres moyens. On peut procéder à une plus petite enquête pour se renseigner sur les activités à la maison.
    Je vous dirais donc que si ce sont là les deux préoccupations, vous pouvez répondre à toutes deux sans modifier le reste.
    Dans ce cas, parlons précisément des amendes, par opposition à l'emprisonnement.
    En 2006, Statistique Canada demandait combien le ménage payait par année pour l'eau. C'était la question H6c). Cette question semble-t-elle devoir être obligatoire? Si, pour une raison ou pour une autre, une personne ne veut pas y répondre, devrait-elle avoir à payer une amende? J'ignore pourquoi elle refuserait de répondre, mais disons qu'elle a une raison.
    Tout d'abord, les municipalités nous ont dit qu'elles se servaient de ces renseignements dans la conception de leurs réseaux d'alimentation en eau et de leurs égouts. La réponse est donc oui, on pourrait se débrouiller sans la question, mais le réseau sera moins efficace.
    D'accord.
    Le formulaire contient des questions sur les dépenses annuelles du ménage en ce qui a trait au logement. Ce point est important. Encore une fois, si une personne ne veut pas répondre à la question, devrait-elle être passible d'une amende de 500 $?
    Mon opinion est la même. Ce n'est pas la question de l'amende qui est importante. La notion existe au Canada — et elle est bien répandue et comprise — qu'il est obligatoire de participer au recensement. Je ne pense pas que les gens pensent aux amendes, qui ne sont pas souvent évoquées. Ce n'est pas là l'idée.
    La vraie notion, que la population canadienne comprend, c'est que c'est obligatoire. La grande majorité des Canadiens participent, et je ne pense pas que ce soit par crainte d'encourir une amende, et nous n'avons certainement pas besoin de la menace d'emprisonnement. Nous n'avons jamais imposé une telle sanction au Canada et elle n'existe pas dans d'autres pays, ce qui n'a pourtant pas causé de difficultés sur le plan du respect des dispositions.
    Vous dites donc que nous pourrions nous passer des amendes.
    Oh, les amendes doivent sûrement exister sur papier, mais selon moi, ce n'est pas là la véritable question. Si les gens comprennent que la participation est avantageuse et qu'elle compte parmi les devoirs civiques des Canadiens, ils rempliront l'enquête, que des amendes y soient rattachées ou non. Ils ne prêteront pas attention à l'existence des amendes.
    Dans ce cas, n'est-ce pas là un système à participation volontaire?
    Les amendes existent sur papier. C'est plutôt une question d'attitude et d'encouragement. On a beaucoup parlé du concept du « jour du recensement ». On a mis en valeur le fait que cela compte parmi les devoirs des Canadiens. Les avantages sont nombreux pour chacun: gestion plus efficace des impôts, aide améliorée pour les autres Canadiens. À mon avis, ce qui compte, c'est qu'on comprenne cela.
    Oui, d'accord. Donc en gros, c'est la méthode proposée par le gouvernement, et cela ressemble à la méthode dont vous parlez...
    Non.
     ... car si nous éliminons les amendes, ou si nous n'en imposons pas et que nous annonçons que nous n'en imposerons pas, nous avons en gros un système à participation volontaire.
    Non. D'abord, la promotion serait différente dans ces deux cas, et je pense qu'il faut, sur papier du moins — espérons qu'elles seraient peu utilisées —, des mesures visant des amendes quelconques, mais certainement pas des peines d'emprisonnement.
    On pose des questions sur les dépenses annuelles du ménage pour le transport et la nourriture, par exemple, en plus des deux autres. À votre avis, le transport et la nourriture sont-ils aussi importants que l'eau et le logement?
    Tout d'abord, ce que j'essaie de vous dire, de façon générale — et nous avons publié une lettre hier, pour le comité national de Statistique Canada —, c'est que nous avons présenté de nombreux principes liés aux questions. À mon avis, les principes sont plus importants que les questions elles-mêmes.
    Nous devrions examiner chaque question et en déterminer l'importance, et, surtout, nous demander si les réponses peuvent être tirées d'autres sources. Certaines peuvent l'être. Certaines questions peuvent être retirées avec le temps, d'autres doivent rester dans le formulaire.
    Or, je ne crois pas qu'on ait à choisir entre deux options distinctes: soit de conserver le formulaire sans y apporter de changement, soit de s'en débarrasser. On pourrait l'examiner, et certaines choses pourraient être modifiées ou éliminées. Les candidates principales sont les trois questions au sujet des activités à la maison, qui pourraient être supprimées, selon moi.

  (1425)  

    C'est intéressant, en effet, car les questions sur le transport et sur la nourriture sont posées dans des sondages facultatifs, ce qui signifie que les gens ne sont pas obligés d'y répondre, tandis que celles sur le logement et sur l'eau font partie du long formulaire et sont donc obligatoires. Cela est-il logique, à votre sens? On semble se trouver dans une zone grise lorsqu'il s'agit de déterminer quelles questions seront obligatoires et lesquelles seront facultatives, vous ne croyez pas?
    Toutes les questions qui se trouvent sur le long formulaire sont obligatoires, et celles du formulaire abrégé aussi. Il n'y a donc pas de zone grise à l'heure actuelle.
    D'accord. Ainsi, je reçois un appel d'un représentant de Statistique Canada qui veut savoir combien je paye pour l'eau ou pour le logement, et il me menace de me frapper d'une amende de 500 $ si je ne réponds pas; or, s'il me pose des questions sur le transport ou sur la nourriture, il est clair que je n'ai pas à répondre et que mon refus de le faire n'aura aucune conséquence.
    Pourquoi est-il moins important de savoir ce que les gens dépensent pour la nourriture que pour l'eau?
    S'il y a des questions pour lesquelles on peut facilement tirer les réponses d'autres sources et qu'il n'y a pas de raison probante de croire que ces réponses seront partiales, elles n'ont pas à être incluses dans le long formulaire de recensement. Voilà le genre de réflexion qu'il faut faire, à mon sens.
    Permettez-moi de m'adresser un instant à M. Bricker.
    Vous avez dit qu'à l'heure actuelle, environ 95 p. 100 des gens remplissent le long formulaire. Selon votre enquête, 80 p. 100 des gens le feraient volontairement, ce qui donne une différence de 15 p. 100. Je m'interroge simplement sur la proportion de gens qui le rempliraient seulement sous peine d'emprisonnement ou d'amendes. Par rapport au 15 p. 100, des études ont-elles été faites pour déterminer la fiabilité des renseignements que ces gens fourniront? Par exemple, on a beaucoup parlé des 21 000 personnes qui ont indiqué que leur religion était « chevalier Jedi ». Ce résultat pourrait-il être le fruit d’une grande partie du 15 p. 100 qui s’est dit simplement: « Je ne veux pas vraiment remplir ce formulaire, mais on me dit que si je ne le fais pas, on me jettera en prison. » Ces personnes prennent 10 minutes pour le remplir, puis c’est tout. À quel point ces renseignements vous semblent-ils exacts?
    Des études ont bel et bien été faites à ce sujet. Je suis celui des témoins ici présents qui mène des sondages tous les jours et qui traite de la question dans 25 pays. Je peux donc vous dire que nous affrontons sans cesse des difficultés de ce genre.
    Selon la recherche la plus récente sur la question de la non-réponse, plus l’obligation de répondre est rigoureuse, moins les données sont fiables. Vous pouvez vérifier ce fait auprès de la fondation Pew, qui a effectué ces recherches.
     Je m’inquiète un peu du fait que le Canada ne compte que 21 000 chevaliers Jedi, tandis qu’au Royaume-Uni, 390 000 personnes ont donné cette réponse sur leur formulaire de recensement.
    Merci beaucoup, messieurs Lake et Bricker.
    Je donne la parole à M. Angus.
    Merci, monsieur Chong.
    Je suis heureux que vous soyez ici aujourd’hui, messieurs. Notre conversation devrait être très ennuyante — remarquez que je le dis sans vouloir offenser les statisticiens; je suis certain que vous la trouvez fascinante.
    Pour ma part, ce que je trouve fascinant, c’est que nous soyons réunis aujourd’hui pour que le comité tente de déterminer, un point à la fois, ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Pourtant, il me semble que ce sont les planificateurs, Statistique Canada et le ministre qui devraient se pencher sur la question. Nous comptons parmi nous un ancien ministre qui a autorisé les questions; ainsi, s’il y avait des questions déplacées en 2006, cet homme les a approuvées sans discussion. Les questions déplacées pour 2011...

[Français]

    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

[Traduction]

    Monsieur Angus, Maxime Bernier invoque le Règlement.
    La parole est à vous, monsieur Bernier.

[Français]

    J'aimerais qu'il retire ses paroles. C'est absolument faux. Le recensement de 2006 a été approuvé par le Cabinet libéral en 2005. Ce n'est donc pas moi qui ai approuvé ce recensement.

[Traduction]

    Merci, Maxime. Votre intervention n’est pas un rappel au Règlement. Je ne suis pas ici pour décider de la véracité des commentaires de qui que ce soit.
    Continuez, monsieur Angus.
    Merci, monsieur Chong.
    Si l'on examine les questions, alors, et les raisons... Nous tentons d'apprendre pourquoi une décision politique a été prise, et mon collègue a donné l'exemple des chevaliers Jedi. Il y a une semaine, Dimitri Soudas, qui n'est pas connu en tant que statisticien, dénigrait le travail de Statistique Canada et déclarait que 21 000 membres des chevaliers Jedi avaient participé à l'enquête.
    Monsieur Boyko, lorsque vous examinez les données des enquêtes et que vous constatez un pic comme celui relié aux chevaliers Jedi, n'est-ce pas commun — n'y a-t-il pas des domaines dans lesquels les gens risquent de fournir des renseignements erronés? Pouvez-vous tout de même utiliser les données? Statistique Canada perd-il une partie de sa crédibilité parce que 21 000 personnes ont déclaré qu'elles étaient des chevaliers Jedi plutôt que des druides?
    Nous parlons de 21 000 personnes sur 12 millions de ménages sondés, ou trois millions dans le cas du long formulaire.
    On peut traiter des réponses de ce genre par des moyens analytiques, ce qui ne mine aucunement la crédibilité de Statistique Canada, pas plus que celle de l'Office for National Statistics dans le cas du Royaume-Uni.
    Certaines personnes ont une façon particulière de répondre, et nous ne nous en inquiétons pas vraiment. La grande majorité des gens qui ont répondu à la question sur la religion l'ont fait de façon appropriée; la situation n'a donc pas été source de beaucoup de préoccupation.

  (1430)  

    Au milieu ou à la fin de la semaine dernière, les conservateurs ont changé leurs arguments; tout d'un coup, ils ont mentionné le Danemark dans leur explication des raisons pour lesquelles ils voulaient éliminer le long formulaire de recensement. Nous avons demandé à M. Clement à qui il a parlé. Il ne semble pas avoir discuté avec quiconque au Canada, et j'ignore s'il a parlé à quelqu'un au Danemark.
    Monsieur Drummond, je crois comprendre que la raison pour laquelle le Danemark peut procéder à l'exploration de données, c'est que tous ses habitants ont un numéro d'identité, auquel est lié toutes sortes de renseignements qu'il est possible de suivre, par exemple, en ce qui a trait à leurs antécédents de crédit, à leur lieu de résidence et à leur emploi. Cela facilite de beaucoup l'exploration de données.
    Maintenant, je ne suis pas certain que les conservateurs veulent commencer à utiliser un tel numéro, que nous devrions tous avoir pour que le gouvernement puisse connaître nos antécédents de crédit et savoir où nous habitons à un moment donné, mais ils semblent dire que la solution du Danemark est plus avantageuse pour nous que celle du Canada.
    Compare-ton des choses semblables ou différentes, ou fait-on simplement des pieds et des mains pour trouver une excuse pour justifier cette décision?
    Eh bien, c'est la solution de rechange à un recensement comme celui fait au Canada ou aux États-Unis. On utilise des dossiers administratifs. Plusieurs pays scandinaves procèdent déjà de cette manière, et le Royaume-Uni a indiqué qu'il voulait considérer cette possibilité pour 2016.
    Vous avez tout à fait raison, ils suivent votre situation — absolument tous les renseignements — au moyen de différentes sources administratives. Vous ne vous en rendez peut-être pas compte directement, si bien que votre vie privée peut sembler mieux protégée, mais quelqu'un observe véritablement tout ce que vous faites: si vous déménagez, si vous changez d'emploi, si vous changez de taux de rémunération, si vous achetez une nouvelle voiture, etc.
    Nous savons que cette méthode est plus coûteuse, car les pays qui l'ont adoptée ont dû augmenter leurs dépenses publiques. Par ailleurs, le fait qu'elle porte moins atteinte à la vie privée pourrait faire l'objet d'un débat. À mon avis, leur façon de procéder est plus invasive que la nôtre.
    Cette façon de procéder porte donc atteinte à la vie privée dans une plus grande mesure que celle que nous employons à l'heure actuelle.
    Il est aussi intéressant de se demander jusqu'à quel point les gens sont prêts à vouloir protéger leur vie privée au risque d'être jetés en prison? Jusqu'à maintenant, personne n'a été emprisonné, mais certaines questions pourraient apparemment mener à cela.
    M. Anderson a dit ce matin que la rénovation compte parmi ces questions; elle semble l'offenser personnellement. Je suis surpris qu'un parti qui s'est vanté devant la Chambre de son crédit d'impôt pour la rénovation adopte une telle attitude. J'aurais cru que ce crédit était basé sur des données qu'il aurait pu obtenir grâce au recensement, et que ce parti appuierait fortement les rénovations ainsi que l'offre de crédits d'impôt .
    Néanmoins, disons, par exemple, que 100 électeurs de M. Anderson sont très offensés par le fait que quelqu'un leur demande s'ils ont déjà rénové leur maison. N'est-il pas possible de retirer les questions à cet effet? Ne suit-on pas un processus de révision des questions avant de procéder au recensement? À ma connaissance, le ministre peut même déclarer: « Tant que je tiendrai les commandes, il n'est absolument pas question que vous ayez la permission de porter atteinte à la vie privée des gens en leur demandant s'ils ont déjà rénové leur maison. »
    Le fait de retirer la question sur la rénovation modifiera-t-il la nature du recensement?
    Vous avez tout à fait raison en ce qui a trait au processus. Les questions sont toujours soumises au Cabinet. Comme M. Bernier l'a dit, le Cabinet aurait reçu le recensement de 2006 en 2005. Il recevra les questions du recensement de 2011 au plus tard en décembre 2010. C'est Statistique Canada qui propose les questions, mais c'est le Cabinet qui a le dernier le mot. Il a l'entière discrétion de les modifier.
    Je ne crois pas qu'il soit utile d'examiner maintenant chacune des questions, mais je vous renvoie à la série de principes que nous avons publiée en tant que comité consultatif. L'un des principes clés, c'est que s'il est possible d'obtenir le renseignement d'une autre source fiable, on ne devrait pas inclure la question dans le long formulaire de recensement. C'est le cas de nombre de points.
    En ce moment, la discussion est centrée largement sur deux options: on peut continuer à procéder exactement comme par le passé ou on peut laisser tomber l'ancienne façon de faire. Or, à mon avis, il peut en être autrement. On peut façonner quelque chose qui cause moins d'ennuis. En tenant compte de ce fait, nous, le comité consultatif, avons tenté de déterminer combien de plaintes ont été déposées par l'entremise du Commissariat à la protection de la vie privée, du Cabinet du Premier ministre et du Bureau du Conseil privé, ainsi que directement auprès de Statistique Canada. Des 30 millions de personnes et plus qui ont rempli le long formulaire lors du recensement de 2006, une centaine ont porté plainte — environ un vingtième des personnes qui ont rempli le long formulaire.
    Je serais curieux de savoir combien de plaintes M. Clement a reçues au sujet des frais de téléphonie cellulaire. J'aimerais vraiment savoir s'il a réagi à ces dizaines de milliers de plaintes, comme il la l'a fait pour la centaine qu'il a pu recevoir dans le dossier que nous étudions maintenant.
    Puisque les questions sont envoyées au Cabinet et que celles qui concernent la rénovation et l'eau préoccupent nos collègues d'en face, la discussion n'aurait-elle pas dû avoir lieu à l'interne lors d'une réunion de leur caucus, compte tenu du fait que le ministre Clement a approuvé les questions qu'il dénonce maintenant? Vous dites que le Cabinet aurait eu à les approuver. Dans ce cas, pourquoi devons-nous discuter de questions qui auraient déjà été examinées?
    Bien entendu, nous ignorons tout à fait s'ils ont approuvé une série de questions puisqu'ils ont proposé un formulaire différent. Je n'ai donc aucun renseignement sur lequel me fonder pour avancer des hypothèses sur ce qui s'est passé au cours de la discussion du Cabinet.
    Normalement, oui, le Cabinet aurait approuvé les questions des recensements de 2001 et de 2006. Or, j'ignore tout à fait ce qui a mené à la situation actuelle.

  (1435)  

    Toutefois, ils auraient pu retirer les questions qu'ils jugeaient choquantes.
    Absolument — et poursuivre sans elles.
    Merci, messieurs Angus et Drummond.
    Monsieur McTeague.
    Merci, monsieur Chong.
    Je ne sais pas par où commencer.
    Monsieur Bricker, selon vous et selon votre enquête récente, combien de Canadiens ne répondraient pas si la participation était volontaire? C'est une question très simple.
    Ce serait 19 p. 100.
    D'accord.
    Monsieur Drummond, avec un taux d'inexactitude de 19 à 20 p. 100, dans quelle mesure le ministre des Finances de l'Ontario aura-t-il des ennuis, lui qui a déclaré la semaine dernière — le 20 juillet — que son ministère utilise les renseignements obtenus au moyen du recensement pour toutes les décisions relatives aux dépenses et à l'impôt? Vous avez travaillé au ministère des Finances fédéral, à titre de sous-ministre, je crois. Faute de renseignements exacts et fiables, ou avec un taux d'erreur de 19 à 20 p. 100, à quel point sera-t-il difficile pour le ministre, Jim Flaherty, de prendre ses futures décisions budgétaires, s'il conserve son poste de ministre, par rapport à la fiabilité des renseignements?
    Évidemment, le fait qu'on ne recueille pas les renseignements d'une personne sur cinq faussera considérablement les données. À votre avis et selon votre expérience, quel sera l'impact sur le plan de l'ensemble des données recueillies? Quelle sera l'incidence, par exemple, sur une décision de nos collègues conservateurs de réduire radicalement les dépenses pour les programmes sociaux s'ils n'ont pas les renseignements exacts par rapport à ce qui est nécessaire pour le pays?
    Je le répète, le fait qu'une personne sur cinq ne réponde pas n'est pas tellement important. En effet, peu de gens oseraient espérer que 25 millions de Canadiens répondent à un sondage. Si Angus Reid menait une enquête auprès de 1 p. 100 de la population, il considérerait l'échantillon comme étant énorme. Aussi, seulement 40 000 ménages participent à l'Enquête sur la population active, et beaucoup de choses sont fondées sur ses résultats; la taille n'est donc pas... La question clé serait de savoir si le 19 p. 100 qui n'a pas répondu est représentatif de l'ensemble de la population. Ainsi, ce qui compte, c'est la mesure dans laquelle la réponse est faussée, et non le nombre de réponses obtenues.
    Encore une fois, nous pouvons seulement nous baser sur les résultats obtenus lors d'enquêtes antérieures, notamment l'expérience menée aux États-Unis en 2003, dans le cadre de laquelle on a lancé un projet pilote à participation volontaire et on a ensuite mesuré les résultats à l'aune du vrai sondage. Les gens qui n'ont pas répondu n'étaient pas du tout représentatifs de l'ensemble de la population.
    Or, sans avoir fait une telle expérience, on ne peut pas vraiment savoir quelles parties de la population ne seraient pas représentées. La majorité des gens présumeraient certainement que ce seraient les groupes qui se trouvent aux deux extrémités de l'échelle des revenus, ainsi que les collectivités autochtones et les nouveaux immigrants.
    Si nous connaissions le degré de distorsion, même cela ne poserait pas problème, mais nous n'avons aucune raison de le faire au préalable. Si, par exemple, en 2011, nous menions une autre fois le recensement obligatoire et que nous réalisions en même temps un projet pilote à participation volontaire, nous pourrions comparer les résultats. À ce moment-là, nous n'aurions probablement pas de problème, car nous saurions comment corriger les données en fonction des distorsions.
    Vous êtes peut-être le mieux placé pour répondre, ou c'est peut-être M. Bricker, mais je vais m'adresser à vous d'abord, monsieur Drummond.
    À votre avis, le gouvernement du Canada... Vous avez entendu plusieurs députés conservateurs affirmer aujourd'hui que le recensement porte atteinte à la vie privée des Canadiens. Pensez-vous que des commentaires de ce genre inciteront ou encourageront les gens à participer aux futurs recensements?
    En fait, je crains que plus le débat sera long, plus le taux de réponse diminuera. Nous avons assez bien réussi sans percevoir d'amendes, et personne n'a été emprisonné. Les gens sentent qu'il est de leur devoir de participer au recensement, et qu'ils le veulent ou non, ils remplissent le formulaire et ils le renvoient; ils ne réfléchissent pas longtemps à la question.
    Je crains que nous envoyions aux gens le message qu'ils n'ont pas vraiment besoin de remplir le formulaire, que ce n'est pas tellement important. Je le répète, cela m'est égal si le taux de réponse diminue, mais il pourrait le faire de manière différentielle — en fonction des différentes conditions socioéconomiques.
    Quel message le ministre envoie-t-il en prenant une certaine position relativement au long formulaire, en en éliminant l'aspect obligatoire, mais en en prenant une autre en ce qui concerne, par exemple, le recensement de l'agriculture ou encore le formulaire abrégé, si...
    Est-il possible que la multiplicité des obligations crée non seulement de la confusion qui s'ajoute au discours gouvernemental voulant que l'intrusion dans la vie privée des gens les encourage à ne pas... À quoi cela mène-t-il, mis à part à un désordre absolu?
    Je pense qu'on pourrait croire que cela rendrait difficile le respect d'autres dispositions volontaires ou obligatoires...
    L'autre point qu'il importe de souligner, c'est que, comme on l'a dit, la raison pour laquelle on peut obtenir des données fiables à partir de très petits échantillons dans le cadre de presque toutes les enquêtes, c'est qu'on cible les personnes au moyen du long formulaire. Par exemple, selon moi, si le long formulaire n'était pas obligatoire, il faudrait augmenter la taille de l'Enquête sur la population active. N'oubliez pas que l'Enquête sur la population active est seulement la seconde de deux enquêtes obligatoires menées auprès des ménages; il n'y en a pas d'autres. Dans un sens, si moins de personnes participent au recensement, on devra augmenter la taille de l'échantillon pour l'Enquête sur la population active, qui porte tout autant atteinte à la vie privée et...

  (1440)  

    À mon avis, la mesure nous empêchera à jamais de recueillir des données essentielles et fiables.
    Pensez-vous aussi qu'il s'agit peut-être d'une tentative de privatiser le processus, de faire plaisir à certaines personnes? Quelques-unes donnent peut-être au Parti conservateur. Certains témoins nous ont dit qu'ils pouvaient recueillir les renseignements visés.
    Si les enquêtes sont menées par le secteur privé, dans quelle mesure pourra-t-on s'y fier pour créer des analyses destinées aux décideurs publics?
    À mon avis, ce point est critique. Je n’avancerai pas d’hypothèses sur le motif de la privatisation. Je ne crois pas que ce soit nécessaire de le faire, car il y a des raisons valables de se pencher sur la question. Le formulaire porte véritablement atteinte à la vie privée. C’est pour cette raison que je suis stupéfait que lorsqu’on demande à certaines personnes si les questions posées sont indiscrètes, elles répondent que non. Cela me surprend quelque peu, car soyons francs: il faut de 20 à 30 minutes pour remplir le long formulaire et il contient des questions sur la vie privée.
    Personnellement, je crois que le formulaire vaut le coup, et le comité consultatif est du même avis, car il procure certains avantages. Or, lorsqu’on exige que les gens prennent de 20 à 30 minutes de leur temps pour fournir des renseignements personnels, il faut se demander: pose-t-on les meilleures questions possibles et aussi le moins de questions possible? Les pénalités sont-elles adéquates? À mon avis, nous n’y sommes pas encore tout à fait. On pourrait apporter certains changements.
    C’est pour cette raison que je suis quelque peu surpris. Nous pouvons admettre que certaines parties du long formulaire de recensement ne sont pas parfaites, mais pourquoi l’abandonnons-nous? Ne pouvons-nous pas l’améliorer? Il y a des raisons valables de le mettre en question et il est nécessaire de tenir un débat sur la nature indiscrète des questions qu’il contient.
    Merci beaucoup, messieurs McTeague et Drummond.
    Monsieur Bernier.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais poser ma question à M. Veldhuis, du Fraser Institute.
    Vous avez écrit récemment — je vais citer vos propos — que: « Le long formulaire [...] est un instrument qui porte véritablement atteinte à la vie privée. » Comme M. Drummond vient de le dire, le formulaire contient des questions indiscrètes.
    Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous êtes de cet avis?
    Merci, monsieur Bernier. Je peux certainement vous l’expliquer. C’est vrai que je trouve que le long formulaire de recensement s'infiltre excessivement dans la vie privée des gens.
    Si vous jetez un coup d’oeil à la liste de questions, vous constaterez qu’elles portent sur des sujets très variés. On demande, par exemple, l’orientation sexuelle de la personne; si elle vit en union libre avec un partenaire de même sexe ou de sexe opposé; combien de temps elle passe à jouer avec ses enfants; combien de temps elle passe avec ses aînés, qu’il s’agisse de ses grands-parents ou de ses parents. On pose aussi des questions sur sa maison, par exemple, si elle nécessite des réparations mineures ou majeures; sur sa religion; sur ses origines ethniques — si elle est noire, blanche, arabe ou philippine. Je pourrais continuer longtemps.
    À mon avis, du moins, le gouvernement ne devrait vraiment pas menacer les gens pour les forcer à fournir ces renseignements très personnels.
    Merci.
    Vous faites également de nombreuses études au Fraser Institute. Utilisez-vous les données recueillies au moyen du long formulaire?
    De temps en temps, oui, nous utilisons les données recueillies au moyen du long formulaire. Bien sûr, nous ignorons exactement quels renseignements seront obtenus au moyen de l’enquête à participation volontaire, mais cela n’est pas essentiel à notre mandat. De plus, nous menons souvent nos propres sondages, surtout en ce qui concerne les listes d’attente dans les hôpitaux. Nous en faisons aussi dans différents secteurs de l’économie, y compris les secteurs minier et pétrolier.
    Ainsi, nous employons une combinaison des données que nous recueillons nous-mêmes et de celles obtenues par Statistique Canada.
    Merci.
    Que pensez-vous de la position de M. Paul Hébert, selon lequel il est très important que tous les ministères aient beaucoup de renseignements sur les Canadiens pour leur bien, et que sans le questionnaire obligatoire et toutes ces questions indiscrètes, certains ministères fédéraux et peut-être provinciaux seront incapables d’atteindre leurs objectifs?
    Que pensez-vous de ce point de vue? Croyez-vous que ce sera la fin du monde si nous n’avons pas de long formulaire obligatoire?
    Non, je ne pense certainement pas que ce sera la fin du monde.
    Écoutez, si les renseignements sont nécessaires et si les gens sont prêts à payer pour les obtenir, on peut certainement les recueillir au moyen d'une enquête à participation volontaire.
    En ce qui concerne la planification, il y a certainement des ministères qui utilisent les données du recensement pour dresser leurs plans, mais je crois qu’il faut être beaucoup plus précis pour déterminer si cela donne des résultats positifs ou négatifs.
    Un dernier point au sujet du recensement: je le répète, si l’on a besoin des renseignements, on peut les recueillir au moyen d’une enquête à participation volontaire. Il n’est pas nécessaire de menacer quelqu’un pour qu’il fournisse ses renseignements personnels, comme on le fait actuellement.

  (1445)  

    Merci.
    En ce qui a trait au 19 p. 100, si nous adoptons un questionnaire facultatif... et j’espère que c’est ce que nous ferons. Je crois que c’est ce qui compte avant tout, car le principe qui est en cause ici, c’est la liberté de choix des Canadiens. En effet, les Canadiens doivent avoir le droit de choisir de répondre ou non, puisque nous venons de dire que toutes ces questions sont indiscrètes. Je suis très fier de la décision du ministre.
    Seulement 19 p. 100 des Canadiens ne répondront pas au questionnaire s’il est facultatif. Trouvez-vous ce nombre considérable? Quel est votre avis sur ce point? Acceptez-vous ce pourcentage?
    Cette question me semble empirique. Je pense que des recherches menées aux États-Unis montrent que le taux de réponse diminue, comme M. Drummond l’a dit. Or, moi non plus, je ne m’inquiète pas vraiment de ce fait.
    En fait, le bureau du recensement des États-Unis a conclu qu’en utilisant davantage de ressources, il pouvait obtenir les mêmes données fiables s'il employait un procédé facultatif, plutôt qu’une méthode obligatoire.
    Ainsi, si c'est une question de fiabilité des données, le bureau du recensement des États-Unis est certainement arrivé à une conclusion différente.
    Merci.
    Ainsi, acceptez-vous la décision du gouvernement de ne pas menacer les Canadiens d’une amende ou d’emprisonnement s’ils ne répondent pas à des questions au sujet de leur vie privée?
    Je suis certainement d'accord avec le gouvernement sur le fait que cela ne devrait pas être obligatoire. Nous avons beaucoup entendu parler du fait que personne n'a été jeté en prison. Nous ne savons pas exactement combien d'amendes ont été payées. Or, on ne déciderait certainement pas l'issue de la question en fonction du nombre de personnes qui ont été emprisonnées ou qui ont payé des amendes; ce sont évidemment les menaces en ce sens qui portent grandement atteinte à la vie privée des Canadiens. C'est la menace d'être condamnés à une amende ou à la prison qui les forcent à répondre à la question.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Bernier, et merci, monsieur Veldhuis.
    Monsieur Nadeau.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Bonjour, messieurs.
    À mon avis, la grande question est d'ordre scientifique. Il faut un recensement scientifique, une méthode scientifique et, d'un recensement à l'autre, pouvoir s'assurer des tendances, voir le portrait, l'évolution ou la régression de la société.
    Certains aspects ont été mentionnés. Ce matin, j'ai entendu le ministre M. Clément dire que c'est un risque, mais qu'on va envoyer un questionnaire long volontaire à 30 p. 100 de la population. Vous connaissez l'histoire.
    J'ai entendu ici et ailleurs la question sous différentes formes. On a entendu le mot « tendance », on a entendu « bris de continuité », on a entendu « moins fiable » et une « question de repères ». Ce sont tous des aspects qui reviennent et c'est toujours l'aspect scientifique qui, à mon avis, prime. C'est le coeur du débat.
    À cela, on a ajouté l'aspect de confidentialité. J'ai entendu le témoin de la Colombie-Britannique dire, un peu plus tôt, que ce changement nous permettrait de connaître le nom du conjoint ou de la conjointe de quelqu'un, alors que tout est confidentiel.
    Maintenant, puisque vous êtes plusieurs et que je dispose de moins de cinq minutes, j'adresserai tout d'abord mes questions à M. Bricker de IPSOS Canada, puis à M. Boyko, M. Hébert et M. Drummond.
    Va-t-on souffrir, sur le plan scientifique, si on suit le plan mis en avant par les conservateurs?

[Traduction]

    Je ne pense pas nécessairement que vous allez écoper. Le fait est que la recherche par sondage et même le recensement changent avec le temps. Le processus est en évolution constante. On apprend sur le tas. D'après moi, l'idée de passer à un recensement à participation volontaire, ou plutôt à un échantillon formé de volontaires, comporte certains risques. Je pense que les témoins ici présents en ont fait un bon résumé. Il s'agit de savoir si ces risques sont gérables ou non.
    En me fondant sur l'expérience professionnelle que j'ai acquise en menant des recherches de ce genre partout dans le monde, je peux vous dire qu'il y a des gens qui réussissent sans cesse à gérer ces risques. Il faudra peut-être quelques cycles, comme M. Drummond l'a dit, mais il n'est pas impossible de passer à un recensement à participation volontaire et d'obtenir des données de très grande qualité qui respectent des normes aussi strictes que celles d'autres pays. Comme je l'ai déjà dit, j'ai rarement vu un taux de réponse aussi élevé que 80 p. 100, pour n'importe quelle enquête.

[Français]

    Je pose la même question à M. Boyko.

  (1450)  

[Traduction]

    À mon sens, le mot « écoper » est probablement trop fort. Je pense que ce qui finirait par arriver, c'est qu'on affecterait mal les ressources. La raison pour laquelle on pose une grande partie des questions, c'est que le gouvernement, pour ses programmes, ainsi que d'autres intervenants importants au Canada distribuent les ressources en se fondant sur les données du recensement. Ainsi, si les renseignements sont faussés, les ressources seront mal réparties. En outre, nombre des groupes qui, selon ce que nous croyons, risquent de ne pas répondre, qu'il s'agisse des personnes à faible revenu ou des nouveaux immigrants, seront peut-être ceux qui ne seront pas ciblés pour des programmes importants.
    Je m'inquiète également de la réponse dans les régions rurales. Là, les populations diminuent, et beaucoup de décisions très importantes dépendent de ce fait. Je me trouvais récemment dans une région rurale du Manitoba, où l'on tentait de prévoir le nombre d'inscriptions scolaires en se fondant sur les données relatives à l'éducation d'une municipalité, dans le but de déterminer si elle pouvait conserver son école secondaire.
    J'examine les décisions d'investissement qui sont prises en fonction des données. L'un des exemples qu'on m'a signalé récemment, c'est que Toyota a décidé d'établir son usine quelque part en Ontario après avoir étudié les données relatives à l'éducation pour la population dont ses travailleurs seraient issus. L'entreprise a choisi cet endroit au Canada plutôt qu'une ville des États-Unis en raison du fait que la formation des travailleurs y serait moins coûteuse.
    Ainsi, des décisions seront prises; malheureusement, elles ne seront pas fondées sur les meilleurs renseignements auxquels on pourrait avoir accès.
    Merci beaucoup, monsieur Boyko.

[Français]

    Merci, monsieur Nadeau.

[Traduction]

    Monsieur Anderson.
    D'abord, j'aimerais demander à M. Bricker si son organisation achète des données de recensement à Statistique Canada.
    Parfois, oui.
    Utilisez-vous des données recueillies au moyen d'enquêtes à participation volontaire? Pourriez-vous me donner quelques...
    Notre entreprise est fondée entièrement sur la participation volontaire aux enquêtes. En fait, toute l'industrie de l'étude de marché du Canada — une industrie qui vaut des milliards de dollars — recueille des données pour les secteurs privé et public au moyen d'enquêtes à participation volontaire. Nous aimerions bien avoir un moyen d'obliger les gens à répondre à nos sondages, mais nous n'en avons pas.
    Dans ce cas, trouvez-vous qu'il est raisonnable ou juste — ou même nécessaire — de contraindre les gens à fournir ces renseignements?
    Eh bien, je crois que les Canadiens sentent... Notre sondage comportait d'autres questions, et 77 p. 100 des Canadiens ont déclaré que la participation au recensement comptait parmi leurs devoirs civiques. Ce n'est pas qu'une immense majorité de la population affirme qu'elle ne remplira pas le formulaire de recensement. En fait, la plupart des gens disent qu'ils le feraient et que c'est leur devoir civique. Or, la nature indiscrète du recensement ne leur plaît pas. En effet, 51 p. 100 affirment que le fait de remplir le long formulaire constitue une intrusion dans leur vie. Nous n'avons pas seulement affaire à quelques fous qui déclarent être des chevaliers Jedi. Dans une certaine mesure, il y a un problème.
    Statistique Canada doit donc trouver une solution et tenir compte du problème dans sa façon d'obtenir des données, sinon, le ministère commencera à se heurter à une population peu accommodante, qu'il y ait ou non des règles ou des lois.
    En effet. En réalité, je crois que les libéraux surtout sous-estiment les Canadiens lorsqu'ils affirment qu'ils ne voudront pas participer. À mon avis, ils le voudront.
    J'aimerais parler un peu à M. Boyko au sujet de la pression qui est exercée sur les gens pour qu'ils se conforment aux obligations.
    Vous avez travaillé longtemps au recensement du Canada. Je présume que vous connaissez le manuel que les recenseurs utilisent pour faire le suivi des cas de non-réponse. Il comporte certains renseignements, et j'aimerais vous poser quelques questions sur son contenu.
    À un certain endroit, on dit aux recenseurs de Statistique Canada de demander aux Canadiens des renseignements privés et personnels; il est écrit clairement de traiter les questions sensibles de la même manière que les autres questions.
    Lorsque vous travailliez à Statistique Canada, qu'auriez-vous considéré comme une question sensible? Qu'est-ce qui entrait dans cette catégorie?
    Mon emploi à Statistique Canada n'était pas lié à la collecte des données. Le recensement est un grand projet. Je travaillais plutôt à la diffusion et je m'occupais des nombreux utilisateurs partout au pays. Je ne peux donc pas répondre à cette question.
    Vous ne serez peut-être pas en mesure de répondre à la prochaine non plus. On dit aussi dans le manuel que si le recenseur s'attend à avoir des ennuis avec une question qu'il considère comme personnelle, sensible ou délicate, et qu'il traite la question différemment, l'enquêté le remarquera et la question posera problème.
    Dans le manuel, qu'entend-on lorsqu'on dit que certaines questions pourraient poser problème pour les Canadiens? Je présume que, comme M. Bricker l'a mentionné, on parle des questions indiscrètes. Les gens ne veulent pas qu'on leur demande combien de chambres à coucher il y a dans leur maison et des choses de ce genre. Est-ce bien cela?

  (1455)  

    Je crois que ce qu'on dit au recenseur, c'est que s'il commence à poser certaines questions avec moins de fermeté, cela peut donner le ton au reste de l'entrevue; ainsi, l'on peut perdre l'aspect obligatoire ou l'impulsion de répondre au questionnaire. C'est ainsi que j'interpréterais cette consigne.
    D'accord. Je crois en fait que vous soulevez un bon point, car la menace n'est pas insignifiante. Nous avons abordé brièvement la question ce matin. Je connais aussi bien les enquêtes agricoles qui sont envoyées régulièrement et je sais que les gens se font harceler de 7 heures à minuit s'ils n'y répondent pas. Nous avons reçu les mêmes plaintes au sujet du long formulaire lors de chaque recensement.
    J'aimerais vous lire quelque chose. Le manuel du recenseur contient un formulaire à employer en cas de refus total, et au bas du formulaire, on donne au recenseur l'instruction de décrire la personne qui a refusé de répondre — son âge, son sexe, sa taille, son poids, ainsi que d'autres caractéristiques physiques comme les poils du visage, les tatouages, les taches de vin et les vêtements distinctifs. Savez-vous où ces renseignements auraient été envoyés ou à quoi ils auraient servi?
    Désolé, je n'ai pas d'information à ce sujet.
    D'accord. Ce point m'inquiète quelque peu.
    J’aimerais m’adresser à nouveau à M. Veldhuis. Depuis ce matin, nombre de personnes qui appuient les aspects obligatoires du processus se détournent de la question des sanctions. J’aimerais que vous me disiez brièvement si, à votre avis, il convient de joindre des pénalités au processus. Est-il nécessaire, selon vous, de forcer la main aux Canadiens pour obtenir les renseignements visés?
    J’ai trouvé intéressant qu’au fil des heures, des députés libéraux montrent qu’ils ne semblent pas soutenir les sanctions rattachées à la nature obligatoire du processus. Plus tôt, des témoins — M. Drummond, par exemple — ont parlé d'infliger des amendes, peut-être, mais rien d’autre. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? C’est plus facile pour l’opposition de dire qu’elle veut que le processus soit obligatoire, mais qu’elle ne souhaite certainement pas qu’il y ait de pénalités. Or, je pense qu'elles sont sous-entendues dans le terme « obligatoire », non?
    Merci, monsieur Anderson.
    Monsieur Veldhuis, voulez-vous répondre à la question?
    Oui.
    À mon avis, le gouvernement ne devrait pas condamner les Canadiens à une amende pour qu’ils divulguent leurs renseignements personnels, et il ne devrait certainement pas les menacer d’emprisonnement ou les placer derrière les barreaux pour la même raison. Je le répète, la question n'est pas de savoir si l’on prend réellement ou non de telles mesures; ce qui compte, c'est le fait qu’on peut proférer des menaces. Les gens respecteront certainement les règles s’ils sont menacés d’amendes et d’emprisonnement.
    Merci beaucoup, messieurs Veldhuis et Anderson.
    Nous passons maintenant, brièvement, à M. Gravelle.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Drummond, M. Lake ne cesse de parler d’emprisonnement. Je présume qu’il ne comprend pas qu’aucun Canadien n’a été emprisonné parce qu’il avait refusé de répondre au long formulaire de recensement. M. Bernier blâme les libéraux pour le recensement de 2006; pourtant, M. Clement était ici ce matin et il a cité trois ou quatre questions — je ne me rappelle plus lesquelles — qui n’avaient pas leur place sur le formulaire de recensement.
     Puisque le recensement appartient au gouvernement, M. Clement n’aurait-il pas pu enlever les questions, et le gouvernement conservateur n’aurait-il pas pu éliminer l’amende si le coeur lui en disait?
    Oui, bien sûr. Comme je l’ai déjà dit, je pense que ce qui compte avant tout, c’est de savoir si les gens considèrent la participation au recensement comme un devoir civique. À mon avis, les amendes et les sanctions ont peu d’importance comparativement à ce fait.
    Il y a certainement un pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait aux questions. Le formulaire contient un grand nombre de questions, et il est possible de les modifier. Le gouvernement a certainement l’autorité de le faire.
    Le ministre ou le gouvernement peut les modifier.
    C'est exact.
    Donc si cela est possible, ils peuvent aussi éliminer les amendes. Si les questions ne plaisaient pas à M. Clement, il aurait facilement pu les retirer, n’est-ce pas?
    Oui, tout à fait.
    Dans ce cas, que faisons-nous ici? Notre séance est-elle simplement un événement médiatique ou... Que faisons-nous ici?
    Ce que vous dites est plutôt un commentaire, donc je ne crois pas que les témoins répondront.
    Nous allons conclure sur ce point, monsieur Gravelle.
    Merci beaucoup de vos observations.
    La séance est suspendue jusqu'à 15 h 30.

    


    

  (1530)  

    Je vous souhaite la bienvenue à la 29e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie, en ce 27 juillet 2010.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions le long formulaire de recensement.
    Nous recevons aujourd'hui, dans le cinquième groupe de témoins, Mme Stoddart et M. Baggaley, du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada; M. Coleman, de la National Citizens Coalition; Mme Sheutiapik et Mme Cooper, d'Inuit Tapiriit Kanatami; M. Paul McKeever, à titre personnel; et, finalement, Mme Kenny, de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.
    Bienvenue à tous nos témoins.
    Sans plus tarder, nous allons commencer la série de questions et de commentaires de la part des membres du comité. Je donne d'abord la parole à M. McTeague, qui partagera, je crois, son temps avec M. Rota.
    Merci, monsieur Chong.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.
    Madame Stoddart, j'aimerais commencer par vous poser une question très simple. Au cours de votre mandat de Commissaire à la protection de la vie privée et avant, combien de plaintes avez-vous reçues au sujet du long formulaire de recensement?
    Au cours des 20 dernières années, nous avons reçu 50 plaintes au sujet du recensement. Je ne peux pas vous dire combien portaient sur le long formulaire et combien sur le formulaire abrégé.
    Donc 50 plaintes sur une période de 20 ans, pendant laquelle il y a eu quatre recensements?
    Oui.
    C'est stupéfiant. J'aurais cru que le gouvernement aurait eu un bien meilleur point à faire valoir.
    Permettez-moi de m'adresser à vous, mesdames Sheutiapik et Cooper. J'ai lu votre déclaration — grâce à ma collègue, Carolyn Bennett, qui s'y connaît un peu plus dans le domaine —, et vos observations au sujet de votre groupe, Inuit Tapiriit Kanatami, m'inquiètent. Vous y affirmez que « votre objectif à long terme visant à combler les écarts entre les Inuits et les autres Canadiens dans les domaines de la santé, de l'éducation et du développement économique » est une priorité, et que le long formulaire de recensement est « l'un des outils que nous employons pour évaluer les conditions dans lesquelles vivent les Inuits et pour proposer des mesures sociales fondées sur des faits dans le but de traiter de l'ensemble de nos disparités sociales. » Vous ajoutez plus loin: « La décision malavisée du Cabinet de remplacer le long formulaire de recensement obligatoire par une enquête à participation volontaire en 2011 a de graves répercussions sur notre capacité de combler ces lacunes. »
    Voilà une condamnation assez ferme de ce que M. Clement et d'autres tentent de faire. Je présume que plus de 50 Inuits s'intéressent à la question. Pouvez-vous nous expliquer en plus de détails pourquoi vous vous opposez à la mesure?
    Il ne faut pas oublier que le long formulaire contient des questions comme: combien de chambres à coucher y a-t-il dans la maison? Dans les collectivités de l'Arctique, il fait trop froid pour être sans abri. Il y a donc du sans-abrisme caché. Nous n'obtiendrons jamais ces données si le long formulaire n'est pas rempli.
    Mon Dieu; j'espère que mes collègues conservateurs viennent d'entendre votre réponse.
    Par ailleurs, vous dites que vous entretenez une relation avec le recensement. Est-ce que de nombreux Inuits jouent le rôle de recenseur?
    En fait, les collectivités de l'Arctique et le gouvernement ont bâti un partenariat extraordinaire en ce qui a trait à Statistique Canada. Des Inuits bilingues ont été formés pour aider les personnes unilingues à remplir les formulaires. Il a fallu beaucoup de temps pour faire comprendre aux gens à quel point ces données sont importantes, car après tout, nous les utilisons pour dresser des plans pour l'avenir.
    C'est ahurissant que le premier ministre qui a fait grand cas de la souveraineté dans le Nord soit pourtant prêt à laisser tomber quelque chose qui est essentiel pour vous en tant que Canadiens vivant dans cette région.
    Merci. Je cède la parole à M. Rota.
    Merci, monsieur McTeague.
    Merci de votre présence.
    Si vous me le permettez, je vais poursuivre dans la même veine. Vous dites que des membres de la collectivité ont acquis de nouvelles compétences dans les domaines de la transmission et de la collecte de renseignements. Maintenant, quelles seront les répercussions des propos émis ces jours-ci pour minimiser l'importance du recensement sur ce qui a été bâti au fil des années?

  (1535)  

    Eh bien, nous utilisons les données, et une fois qu'on modifie le type de renseignements qui sont recueillis, il ne sera plus possible de faire de comparaisons avec le passé et pour l'avenir. On ne recueillera plus les mêmes renseignements, et nous avons besoin de données réelles.
    Les collectivités de l'Arctique connaissent des difficultés sur le plan de la langue. Le long formulaire contient aussi des questions à ce sujet. L'avenir de notre langue et son utilisation nous préoccupent; pour aller de l'avant, nous devons donc connaître et suivre l'état de notre langue — non seulement du logement, mais aussi de la langue.
    D'autres domaines sont touchés. Quel genre de planification faites-vous en matière de santé et d'éducation? Est-ce des domaines sur lesquels les renseignements recueillis pourraient porter?
    Oui. Je vais parler en tant que mairesse. Par exemple, comme notre population est jeune, pour moi, les activités récréatives sont très importantes pour m'assurer que notre jeunesse est en santé et que nous allons de l'avant. Ces renseignements nous aident dans notre planification.
    Selon vous, le taux de participation serait-il le même pour une enquête à participation volontaire que si elle était obligatoire?
    Ce serait très différent, parce que, dans les communautés du Nord, les formulaires intimident encore assez la population, surtout les aînés, parce que certains ne savent toujours pas lire l'anglais. Ils sont donc intimidés. Cependant, si quelqu'un dûment formé par Statistique Canada fait du porte-à-porte, ces gens seraient très heureux d'accueillir cette personne qui les aide à remplir ces formulaires.
    Toutefois, si c'est une enquête à participation volontaire et que les gens reçoivent le formulaire par la poste avec une petite note disant de le remplir lorsqu'ils auront le temps et de le poster, quelle sera leur réaction?
    S'il est en anglais, le formulaire ira tout droit à la poubelle.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Ma prochaine question s'adresse à M. McKeever.
    J'ai lu certaines choses que vous avez dites. Vous avez parlé un peu de se plier aux exigences et qu'il n'est pas vraiment question du recensement et que personne ne s'intéresse vraiment au recensement. Il s'agit plutôt de plaire à un certain nombre de membres du Parti conservateur ou à ceux qui votent pour les conservateurs et qui sont déçus. J'aimerais entendre vos observations sur le sujet en tant que libertarien.
    J'aimerais clarifier que je ne suis pas libertarien. Je suis capitaliste.
    Très bien. Je m'en excuse.
    Pour situer ce que j'ai dit en contexte, je disais que la proposition de rendre à participation volontaire le long formulaire de recensement pouvait servir à des fins politiques. Je fais allusion à ceux qui se qualifient de libertariens, par exemple, ou aux libertariens conservateurs, qui, comme moi, refusent que quelqu'un leur demande leur race, leur sexe, leur religion, sous peine d'amende ou d'emprisonnement.
    Cependant, ce que je disais aussi, c'était que je ne croyais pas que la participation volontaire au recensement était un réel problème, parce que c'est davantage une question de forme que de fond. Je crois que ces données sont déjà accessibles, sans le recensement. Cela se veut plutôt une ouverture à l'endroit de ceux qui croient que les conservateurs sont davantage portés vers les conservateurs socialistes que vers ceux qui sont pour le libre marché. Il s'agit d'une sorte de branche d'olivier, bien que je ne sache pas si ce sera d'une quelconque efficacité.
    Merci, messieurs McKeever et Rota.
    La parole est à M. Bouchard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie d'être avec nous cet après-midi.
    Ma première question s'adresse à Mme Jennifer Stoddart, commissaire à la protection de la vie privée.
    On sait que les réponses aux questions du formulaire de Statistique Canada dans le cadre du recensement sont confidentielles. Selon vous, Statistique Canada est-il un bon élève en matière de protection des données personnelles?
    À mon avis, c'est un bon élève. En effet, au cours des décennies, les gens de Statistique Canada ont toujours été ouverts à nos suggestions. Par exemple, en 2006, ils ont demandé aux gens s'ils acceptaient, après 92 ans, de rendre leurs réponses accessibles au public. Selon moi, Statistique Canada écoute les suggestions sur la protection des données qu'on leur soumet.

  (1540)  

    Par conséquent, peut-on dire que les questions de Statistique Canada ne contreviennent pas à l'aspect confidentiel de la vie privée?
    La question de la confidentialité porte plutôt sur la sécurité qu'assure Statistique Canada aux réponses fournies. Je crois que Statistique Canada a une très grande réputation sur le plan de la sûreté des données. Dans toute l'histoire de notre bureau, je crois qu'il n'y a eu qu'un seul incident impliquant la sécurité du recensement. Cela remonte à 1986.
    Je vous remercie.
    Madame Kenny, bonjour. J'ai cru comprendre que vous étiez opposée à la décision du ministre. Pourriez-vous nous dire pourquoi?
    Le questionnaire long obligatoire de 2006, et des années précédentes, contient des questions de nature linguistique qui ont une portée très importante pour les communautés francophones et acadienne et les communautés anglophones du Québec. Ces questions nous permettent de mesurer la vitalité des communautés, servent à l'élaboration de programmes et de services. Je ne parle pas seulement sur le plan fédéral, mais également dans les provinces, puisqu'il y a des transferts de paiements et que les provinces se servent de ces données.
    Selon nous, la décision du gouvernement contrevient à l'article 20 de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi qu'à la Loi sur les langues officielles en ce sens qu'il n'y a pas eu de consultation et que le règlement de la partie IV de la loi, tel qu'il est formulé aujourd'hui, est entièrement basé sur les questions linguistiques posées dans le questionnaire long.
    On s'apprête, après le recensement de 2011, à faire l'exercice de désignation des bureaux. On va donc décider si, chez moi, les bureaux seront désignés bilingues, ou chez vous. On n'aura pas les données puisque les questions ne seront plus posées. On pourrait avoir certaines données, mais on n'est pas en mesure de nous dire maintenant qu'on pourra avoir ces données sur le plan régional.
    Ainsi, s'il n'y a pas suffisamment de citoyens qui répondent dans une petite communauté comme Falher ou St. Isidore-de-Bellevue, on n'aura pas les données pour cette région.
    Je vous remercie beaucoup.
     Pour ma part, ça va.
    Merci, monsieur Bouchard et madame Kenny.

[Traduction]

    On vous écoute, monsieur Anderson.
    Merci, monsieur le président.
    Ce que j'ai trouvé intéressant aujourd'hui, c'est de voir que des gens qui militaient pour l'application obligatoire des mesures coercitives du long formulaire de recensement semblent vraiment fuir cette idée aujourd'hui. Il me semble que M. Rota a exprimé des doutes sur le sujet et que M. Gravelle s'est demandé ce que nous faisons même ici...
    Excusez-moi, monsieur le président, mais il m'attribue des propos encore une fois, et je n'aime pas cela. Il s'agit simplement d'un rappel au Règlement.
    Je pense que vous avez dit ce matin que vous n'aimiez pas l'idée d'infliger des peines d'emprisonnement.
    Un instant. M. Anderson a la parole, et si quelqu'un souhaite commenter la véracité des propos de quelqu'un, il peut le faire durant son temps de parole.
    Afin de continuer d'assurer le bon déroulement de la séance, je vous cède la parole, monsieur Anderson. Allez-y.
    Merci, monsieur le président. Je souligne simplement que certaines personnes ont exprimé des inquiétudes en ce qui concerne les mesures coercitives appliquées par le passé, y compris M. Rota. M. Gravelle semble en avoir exprimé certaines, tout comme MM. Fellegi et McLeish. Même M. Drummond, je crois, se distanciait des mesures coercitives de l'enquête.
    J'aimerais demander l'opinion de Mme Stoddart. Selon vous, est-ce nécessaire de forcer les Canadiens pour obtenir les renseignements dont il est question aujourd'hui?
    Je crois que c'est une décision que les spécialistes devront rendre. Toutefois, en tant que commissaire à la protection de la vie privée, je crois que de soutirer aux gens des renseignements très personnels est tout à fait contraire à leur droit à la vie privée. Au fil des années, je crois que les Canadiens sont de plus en plus inquiets au sujet de certaines questions figurant dans le recensement, et mon bureau, en fait, examine avec Recensement du Canada depuis 20 ans les inquiétudes des Canadiens sur les questions ou sur le fait que leurs renseignements seront rendus publics 92 ans après le recensement — avant 2006 — sans leur consentement.

  (1545)  

    D'accord. J'aimerais en fait en parler. Je crois que cela pourrait s'avérer utile aujourd'hui, parce que l'ancien commissaire à la protection de la vie privée a dit ce qui suit en 1999-2000 dans son rapport annuel:
    
Les Canadiens n'ont jamais été particulièrement à l'aise avec les questions indiscrètes du recensement. Le nombre de demandes et de plaintes qui ont été adressées au Commissariat à la protection de la vie privée au cours des années en sont un indice. Pourtant, le taux de réponse au recensement canadien est élevé. Malgré l'indiscrétion des questions, le caractère délicat des réponses et la gêne causée par le processus, les Canadiens consentent à y prendre part. C'est dû en partie parce qu'ils y sont contraints. Ils répondent aux questions indiscrètes sous peine d'amende ou d'emprisonnement.
    Êtes-vous d'accord avec M. Phillips? Est-ce un énoncé exact?
    Oui, il l'est.
    Croyez-vous que les Canadiens sont mal à l'aise avec cela?
    Oui. Selon mon bureau, ils le sont.
    En fait, il a formulé des commentaires très intéressants en 1999 lorsqu'il a témoigné au comité sénatorial. Il a notamment dit ce qui suit:
    
Si l'on désire évaluer le degré de liberté qui existe dans toute société, il faut d'abord examiner le degré de vie privée que ses citoyens peuvent exiger. On constatera alors qu'il existe une relation frappante entre les deux. [...] Bref l'expression « protection de la vie privée » veut dire « liberté ». Sans elle, il n'y a plus d'autonomie, plus de liberté et très peu de dignité.
    Il a aussi dit ceci au sujet des questions obligatoires du recensement:
    
Cette collecte d'information est obligatoire pour tous. Rien que pour vous dire à quel point il serait délicat de divulguer ces renseignements, je précise que je reçois beaucoup de plaintes à mon bureau concernant la nature indiscrète des questions que j'ai mentionnées. Ce n'est pas à moi, en tant que commissaire à la protection de la vie privée, ni à personne d'autre de décider à quel degré de confidentialité les gens sont prêts à renoncer, après avoir donné ces renseignements en pensant que Statistique Canada les garderait toujours secrets et confidentiels.
    Souscrivez-vous à cet énoncé, à savoir que si quelqu'un juge qu'une question est trop personnelle, personne, vous y compris, n'a le droit de décider à quel point il doit renoncer à sa vie privée?
    Oui. Je crois que cela fait allusion au concept selon lequel la vie privée est très personnelle et peut varier énormément d'une personne à l'autre. Par conséquent, je crois qu'il revient aux Canadiens de juger si une question est de nature trop privée.
    Êtes-vous prête à laisser aux Canadiens le soin de faire ce choix?
    Les Canadiens font ce choix quotidiennement. Le recensement, c'est une toute autre histoire, parce qu'il est obligatoire, alors que le long formulaire et le formulaire court l'étaient aussi jusqu'à tout récemment.
    Sa nature obligatoire vous inquiète-t-elle?
    J'ai des réserves concernant le fait que les gens soient obligés de répondre à des questions dont certaines, pas toutes... Bien que j'aie dit que les Canadiens étaient préoccupés, je dois nuancer car l'attitude des Canadiens est variable. Bon nombre de Canadiens sont inquiets comme l'indiquent nos études et les plaintes reçues à mon bureau.
    Si l'on combine les deux aspects, soit le fait que les questions sont excessivement indiscrètes, d'une part, et leur caractère obligatoire d'autre part, beaucoup de Canadiens considèrent que l'on porte atteinte à leur vie privée.
    Je dois toutefois signaler que d'autres y voient plutôt un devoir civique.
    Nous sommes d'accord avec cela. Nous pensons que le sens du devoir civique interviendrait certainement si le formulaire devenait facultatif et qu'avec ce caractère volontaire, les gens ressentiront un devoir et participeront.
    J'aimerais évoquer un certain nombre de changements apportés, ou qui ont censément été apportés. Dans le rapport annuel de 1995, on lit:
    La fin de l'enquête la plus longue et la plus complexe de l'histoire du commissariat
    — il s'agit là de votre commissariat, ou de celui de M. Phillips à l'époque —
est un autre élément majeur du rapport. Cette enquête portait sur 27 plaintes concernant le recensement mené par Statistique Canada, qui a accepté d'introduire plusieurs changements d'importance... les questions sur la fécondité et sur la religion seront retirées du questionnaire complet.
    Je conclus qu'à ce stade le recensement avait déclenché, comme il est dit dans le rapport, « l'enquête la plus longue et la plus complexe » de l'histoire de votre commissariat.
    Statistique Canada a été contraint d'apporter ces changements, mais pourquoi cela n'a-t-il pas été fait?
    Je pense que cela a été fait pour ce qui est de la question de la fécondité. Je crois que c'était la question demandant combien d'enfants vous avez mis au monde. Si je ne m'abuse, cette question a été retirée.
    Je crois savoir également que, suite à l'enquête de notre bureau et à nos pourparlers avec Statistique Canada, on aussi retiré du formulaire complet une question dans laquelle on demandait en substance au répondant qui avait dormi chez lui la veille.
    En ce qui concerne la religion, je ne saurais pas vous répondre.
    Eh bien, la religion n'est pas... Peut-être ont-ils choisi un compromis, mais la question figure dans un recensement sur deux. Je crois que l'accord avec votre commissariat prévoyait de la retirer, mais je suppose qu'ils continuent à l'inclure dans un recensement sur deux.
    Pour ce qui est des enquêtes et des plaintes, lorsque vous dites que vous n'avez reçu que 50 plaintes en 20 ans, j'imagine que les mécontents s'adressent à mon bureau, plutôt qu'au vôtre.
    Selon les données, vous auriez reçu 342 appels concernant le recensement de 2001, ce qui semble indiquer un nombre considérable de plaintes et de demandes de renseignements. Est-ce exact?

  (1550)  

    Je ne pourrais pas confirmer ce chiffre de 342. Je ne connais que les statistiques les plus récentes qui indiquent que nous recevons relativement peu d'appels concernant le recensement.
    Mais je dois dire que la plupart des plaintes adressées à mon bureau sont intervenues avant 2000. Elles ont été formulées dans les années 1990, et je crois qu'elles visaient principalement le recensement de 1991 et, dans une moindre mesure, celui de 1996.
    D'accord. En 2006, avez-vous arrêté de publier le nombre de demandes de renseignements concernant les questions du recensement? Je crois que le Commissariat a cessé de publier cette information.
    Ce n'était pas une décision délibérée.
    D'accord, mais il me semble que c'est ce que vous avez fait.
    Je veux parler du recensement de 2006; vous êtes intervenue, si vous vous rappelez bien. Statistique Canada voulait faire traiter les formulaires de recensement contenant des renseignements personnels sensibles par la société américaine Lockheed Martin. Je crois que vous êtes intervenue en faisant valoir que cela était inapproprié. Est-ce exact?
    Oui. Nous avons dit qu'il était préférable que des renseignements aussi confidentiels soient traités au Canada.
    Merci beaucoup, monsieur Anderson. Merci de ces questions.
    Merci, madame Stoddart.
    Monsieur Gravelle.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux clarifier un point auquel M. Anderson a fait allusion.
    La seule chose qui m'inquiète — je ne suis pas du tout préoccupé par le formulaire long de recensement — c'est que le gouvernement a le pouvoir de modifier toute question si bon lui semble, et il a le pouvoir de lever la peine d'emprisonnement, et il ne le fait pas. Voilà ce qui me préoccupe; ce n'est pas le formulaire détaillé de recensement.
    Il semble que M. Anderson et certains des conservateurs aient une ouïe sélective. Les experts nous ont fait savoir aujourd'hui à maintes et maintes reprises à quel point cette décision nuirait à Statistique Canada, à la collecte des données, mais ils refusent d'entendre ce que disent les experts.
    J'aimerais poser cette question à chacun de nos témoins. Si le recensement n'était pas obligatoire, quelles seraient les conséquences pour les pauvres, qui sont les moins susceptibles de remplir le questionnaire si ce n'est pas obligatoire?
    Quelles seraient les répercussions pour les minorités et les pauvres, madame Kenny?

[Français]

    Tout d'abord, je voudrais dire que je suis très préoccupée quand j'écoute ma consoeur inuite nous parler des problèmes qui existent dans sa région, particulièrement quand on parle de questions linguistiques. En effet, les gens ne rempliront pas le formulaire s'il n'est pas obligatoire et s'il est en anglais. À ma connaissance, le recensement n'existe pas en d'autres langues que le français et l'anglais.
    Je suis ici pour les questions linguistiques. Je suis aussi une citoyenne responsable, prête à faire son devoir pour le bien de son pays. Je dois vous dire qu'il est difficile pour n'importe quelle société, qu'elle soit pauvre ou riche, de planifier son avenir si elle n'a aucune donnée sur son passé et si elle ne connaît pas le contexte environnemental actuel. Il est donc difficile pour les communautés de faire un plan de développement global quand elles n'ont pas les données qui vont lui permettre d'évoluer vers un avenir plus positif et plus prospère.

[Traduction]

    Quelqu'un d'autre veut-il répondre à la question?
    Je dirai simplement que mon commissariat n'a pas de connaissance experte ni sur les données démographiques ni concernant les effets sur les Canadiens démunis. Je n'ai donc réellement rien à dire.
    Très bien.
    Permettez-moi de vous poser une autre question, madame Kenny.

[Français]

    Le bureau du ministre Clement, Statistique Canada, le Secrétariat du Conseil du Trésor, le bureau du ministre de Patrimoine canadien ou tout autre bureau du gouvernement fédéral ont-ils consulté la FCFA avant d'annoncer ce décret?
    Il n'y a eu aucune consultation de la FCFA ou de ses membres en ce qui a trait au changement à propos de l'obligation de remplir le long formulaire.
    Monsieur Gravelle, je pense que Mme Sheutiapik voudrait répondre à votre question.

[Traduction]

    Merci.
    Dans les localités du Nord, nous exerçons de nombreuses responsabilités distinctes. Aujourd'hui, je peux répondre au titre de toutes les différentes responsabilités que j'assume, que ce soit celle de présidente de Pauktuutit, ce qui fait de moi automatiquement un membre d'ITK, ou celle de maire d'Iqaluit et présidente de notre association, ce qui fait aussi de moi automatiquement un membre de la Fédération canadienne des municipalités. Cette décision a un impact sur toutes les organisations avec lesquelles je travaille.
    Premièrement, je tiens juste à dire que pour conserver un Canada fort, nous avons besoin de savoir comment le pays évolue, où les gens vivent, travaillent et élèvent leurs familles. Le recensement nous aide pour cela.
    [Le témoin s'exprime en inuktitut.]
    En tant qu'Inuit, vu que nous sommes peu nombreux au sein de notre grande nation, nous sommes parfois oubliés, mais ces données nous apportent des renseignements réels dont nous avons besoin à tous les niveaux dans les organisations gouvernementales et non gouvernementales.
    Merci.

  (1555)  

    Monsieur Gravelle.
    Donc, si nous n'utilisons pas le formulaire de recensement détaillé, si nous ne le rendons pas obligatoire, le risque d'être oubliée deviendra plus grand pour votre collectivité?
    Tout à fait, car il n'y aura alors plus de données réelles recueillies par un organisme fédéral.
    D'accord. Merci.

[Français]

    Madame Kenny, quelles démarches la FCFA a-t-elle entreprises depuis l'annonce de l'annulation du long formulaire?
    Nous avons d'abord communiqué avec Statistique Canada. Ensuite, une lettre a été envoyée au ministre Clement, afin de lui demander qu'on rétablisse le long formulaire. On a aussi demandé à rencontrer le ministre Moore, responsable des langues officielles et de la partie VII de la loi, afin de veiller à assurer une consultation des communautés. On a également demandé à rencontrer M. Day, qui est responsable de la désignation des bureaux. Il y a eu plusieurs communications avec le Secrétariat du Conseil du Trésor afin de savoir comment on allait procéder à l'exercice. Je dois vous avouer qu'à notre grand étonnement, on n'était pas au courant que les questions linguistiques faisaient partie de ce long questionnaire. On me disait qu'on avait déjà entamé le processus de désignation.
    Nous avons donc fait plusieurs démarches, mais rien n'a abouti. À ce jour, on attend encore des réponses de ces gens-là.
    Quels seront les impacts sur les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux de l'absence de données relatives à la première langue officielle?
    La plupart des provinces ont une politique sur les services en français et une politique, ou une loi, sur les langues officielles. Il y a une loi sur les langues, entre autres, au Nunavut. De plus, des transferts de paiement sont faits en éducation et en santé. Ces données permettent aux gouvernements de s'assurer qu'ils répondent aux besoins de la population francophone des provinces et territoires à l'extérieur du Québec, et de la population anglophone du Québec.
    Merci, madame Kenny et monsieur Gravelle.
    C'est maintenant à M. Bélanger.

[Traduction]

    Merci, monsieur Chong.
    J'ai une brève question, madame Stoddart. Est-ce que vous ou votre commissariat avez effectué une analyse d'impact du prochain recensement sur la vie privée?
    Oui.
    Pouvez-vous nous faire part des conclusions?
    Nos conclusions portaient sur des aspects relatifs au processus et à l'administration du prochain recensement. Si je me souviens bien, nous nous sommes concentrés sur deux enjeux: la sécurité en général et la sécurité sur l'Internet, car on prévoit qu'un nombre croissant de Canadiens vont répondre au questionnaire de recensement en ligne. À cet égard, il existe un besoin de sensibilisation du public canadien en raison des risques et de la criminalité qui règnent sur l'Internet. Vous connaissez le phénomène répandu du hameçonnage et de la mystification qui attirent les gens sur des sites Web contrefaits. Nous savons qu'il existe des sites contrefaits de divers ministères, et nous avons donc pensé que Statistique Canada devrait avertir les Canadiens de ces dangers dans la période préparatoire au recensement et dans la documentation distribuée.
    Mais vous n'avez pas préconisé de renoncer au questionnaire détaillé à réponse obligatoire?
    Non, ce n'est pas notre rôle.
    Merci.
    Ce document est-il disponible au public?
    Je pense qu'il pourrait être rendu public avec le consentement de Statistique Canada, mais je vais devoir vérifier.

  (1600)  

    Merci.

[Français]

    Madame Kenny, j'ai deux ou trois questions à vous poser, rapidement. Le Comité permanent des langues officielles a entrepris ce printemps une étude sur l'influence de l'immigration sur les communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire. Les tout premiers témoins que le comité a voulu rencontrer étaient les gens de Statistique Canada. Lors des comparutions, il a été très clair que la continuité des statistiques, du recensement de 1971 à 2006, était d'une grande importance, tout comme les données recueillies au-delà de 2006.
    La FCFA se préoccupe-t-elle de cette continuité? Comment cette continuité rime-t-elle avec le devoir et la responsabilité constitutionnelle du gouvernement du Canada envers nos communautés?
    Dans le questionnaire court, la seule question de nature linguistique demande quelle est la première langue que l'on a apprise et que l'on parle encore. Elle ne tient pas compte des langues officielles. Les questions qui figurent au questionnaire long permettent d'établir quelle est la première langue officielle parlée, ce qu'on appelle la PLOP. Ainsi, si en Ontario 16 p. 100 de nos gens ont comme première langue officielle le français, cela veut dire que cela inclura des immigrants qui proviennent du Maroc et de différents endroits de l'Afrique, de la France ou d'ailleurs, car leur première langue officielle est le français. Cela nous permet de voir comment on va désigner les bureaux. À l'heure actuelle, le questionnaire court ne permet pas de faire cet exercice. Or, le règlement dit que cet exercice doit être basé sur le recensement et non pas sur un questionnaire national envoyé dans les foyers.
    Si je comprends bien, selon vous, le gouvernement ne s'acquitterait plus de ses propres obligations constitutionnelles ou légales.
    C'est exact.
    Je voudrais aussi revenir sur un point. Je lisais ce matin dans les médias que la FCFA a entrepris des démarches auprès d'un tribunal. Êtes-vous en mesure de nous en parler un peu?
    La FCFA a déposé hier une demande de recours judiciaire pour faire revoir la décision, en invoquant l'article 20 de la Charte des droits et libertés ainsi que la partie IV et la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

[Traduction]

    Merci.
    J'ai une question pour Mme Sheutiapik.
    Est-ce que la notion d'honneur de la Couronne implique que le gouvernement, avant de prendre sa décision, aurait dû consulter les communautés autochtones, à votre avis?
    Tout à fait. Nous espérons qu'il va revenir sur la décision prise et maintenir intact le recensement de 2011. Cela donnera au gouvernement l'occasion de voir si les données qu'il compte recueillir seraient suffisantes.
    Je pense que vous avez raison: un consensus à cet égard est en train d'émerger. Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Bélanger.
    Monsieur Bernier.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais poser quelques questions à Mme Kenny.
    Je crois que vous comprenez assez bien les changements apportés par notre gouvernement. En 2006, il y avait un questionnaire long et détaillé de 40 pages, auquel 20 p. 100 des Canadiens étaient obligés de répondre sous peine d'aller en prison ou de payer une amende.
    Cette année, le ministre a fait en sorte que ce questionnaire soit un questionnaire volontaire pour respecter la liberté de choix des gens.
    Malgré tout, il reste tout de même parmi les sept questions du recensement une question obligatoire qui porte sur la langue officielle, soit la question no 7: « Quelle est la langue que cette personne a apprise en premier lieu à la maison dans son enfance et qu'elle comprend encore? »
    Il y a aussi une sous-question, et je cite:

[Traduction]

Si cette personne ne comprend plus la première langue apprise, indiquez la seconde langue qu'elle a apprise. Anglais. Français. Autre.

[Français]

    J'imagine donc que cette question no 7 est très importante pour vous. Si je comprends bien votre position, vous souhaitez que toutes les autres questions qui faisaient partie du recensement en 2006 demeurent, mais qu'elles soient aussi obligatoires.

  (1605)  

    J'aimerais préciser une chose. Selon le décret, la question linguistique qui est posée demande au répondant quelle est la première langue qu'il a apprise et qu'il parle encore. On ne parle aucunement de langue officielle. S'il s'agit du chinois, vous ne saurez pas que sa langue officielle de préférence est l'anglais ou le français, ou que sa première langue officielle est l'anglais ou le français. Ce sera donc difficile pour le gouvernement de mesurer combien de francophones ou de personnes parlant le français il y a dans chacune des provinces afin d'offrir le service.
    Le questionnaire court, dans sa forme actuelle, ne permettra pas au gouvernement de faire l'exercice tel qu'il est décrit dans la partie IV de la loi.
    Par conséquent, madame Kenny, vous souhaitez que les questions obligatoires du long questionnaire de 2006 demeurent obligatoires.
    On souhaite que le questionnaire long demeure obligatoire.
    Vous avez répondu à ma question.
     Maintenant, je vais vous mentionner quatre autres questions, des questions qui sont posées aux Canadiens. J'aimerais vous demander si, selon vous, ces questions devraient être volontaires ou obligatoires pour les Canadiens.
    La première porte sur le groupe linguistique: à quel groupe linguistique vous identifiez-vous en tant que personne? À votre avis, cela devrait-il être une question volontaire ou obligatoire?
    Pour nous, il faut, pour assurer que le gouvernement respecte...
    Répondez à ma question. Est-ce que cette question doit être obligatoire ou volontaire?
    Elle doit être obligatoire.
    Par ailleurs, on demande ceci: dans quelle langue parlez-vous le plus souvent à votre enfant à la maison? Cette question doit-elle être obligatoire ou volontaire?
    Elle doit être obligatoire.
    On demande aussi: est-ce que l'autre langue officielle, le français ou l'anglais, a été étudiée au secondaire? Cette question doit-elle être obligatoire ou volontaire?
    Elle doit être obligatoire.
    Et voici la dernière question: combien d'années avez-vous étudié l'autre langue officielle?
    Cela doit être obligatoire.
    Madame, les quatre questions que je viens de vous poser sont quatre questions qui étaient volontaires en 2006. Ces questions proviennent de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle faite par Statistique Canada. Or, ces questions n'étaient pas obligatoires en 2006. Il s'agissait de questions volontaires qui étaient posées dans le cadre d'une enquête indépendante sur la vitalité des minorités de langue officielle. Je comprends donc que vous n'êtes pas encore satisfaite de ce qui s'est passé en 2006 et que vous voulez ajouter ces questions aux questions qui étaient là au départ.
    C'est exact. En fait, on voudrait changer les questions telles qu'elles étaient en 2006. On a fait partie de la consultation et c'est ce qu'on a dit, monsieur Bernier. Nous demandions à ce que les questions soient clarifiées dans le questionnaire long. À l'heure actuelle, le gouvernement, dans son règlement, dit clairement qu'il va se fier aux données du recensement pour mesurer la demande importante et faire l'exercice de désignation des bureaux. Le gouvernement contrevient à sa loi.
    Autrement dit, vous dites — et je vais terminer là-dessus — que l'ensemble de ces questions sont tellement importantes pour votre organisation qu'on doit continuer de menacer les gens d'aller en prison et de payer des pénalités.
    Monsieur, l'ensemble de ces questions sont importantes non pas pour mon organisation, mais pour la dualité linguistique canadienne et la société canadienne.
    Vous continuez donc à menacer les gens.
    Je ne menace personne. Je suis une citoyenne responsable, prête à faire ce qui est bien pour son pays.
    C'est ce qu'on fait habituellement lorsque les questions sont obligatoires. On demande aux gens d'y répondre en les menaçant d'aller en prison et de payer une pénalité.
    Merci, monsieur Bernier et madame Kenny.
    Nous passons maintenant à M. Nadeau.
    Merci, monsieur le président.
    Récemment, le président du Comité permanent des langues officielles, M. Steven Blaney, a donné une entrevue à un journaliste de la radio de Radio-Canada. L'entrevue portait sur le débat que nous tenons aujourd'hui. Le journaliste a fait remarquer que les organismes communautaires — je pense ici à Mme Sheutiapik, à Mme Kenny et à tout organisme communautaire — devraient payer eux-mêmes pour aller chercher l'information qui deviendrait manquante parce que les questions deviendront volontaires, étant donné qu'il s'agit de leur champ de compétence. Autrement, il n'y aurait plus de continuité de recensement en recensement. M. Blaney a répondu qu'en effet, les principaux intéressés devront le faire parce qu'ils sont en mesure de le faire.
    Madame Kenny, la Fédération des communautés francophones et acadienne serait-elle en mesure d'aller chercher l'information manquante? On comprend l'aspect scientifique de la chose. La continuité serait brisée d'un recensement à l'autre. Avez-vous les moyens nécessaires pour aller chercher ce qui manquerait d'un recensement à l'autre, pour aider le gouvernement à respecter ses propres lois?

  (1610)  

    Le gouvernement a des obligations relativement à la Loi sur les langues officielles. Les communautés constituent un outil et collaborent avec le gouvernement pour ce faire.
    En ce qui a trait aux moyens, nous sommes sous-financés. Actuellement, nos employés sont sous-payés. Il est donc hors de question que les communautés assument une responsabilité qui est celle du gouvernement. Il a cette obligation en vertu de la loi. Nous n'avons pas cette obligation, c'est celle du gouvernement.
    J'ai bien hâte de vous revoir lors d'une séance du Comité permanent des langues officielles pour débattre de la motion qui a été présentée par les libéraux pour rectifier la situation et proposer ce que vous venez de dire.
    Madame Sheutiapik, je parle de votre organisme parce que vous le connaissez bien, tout comme l'ensemble des organismes inuits auxquels vous siégez. Votre organisme a-t-il les moyens financiers et les ressources humaines pour remédier au manque de données à la suite du projet actuel du gouvernement de rendre tout simplement volontaire la cueillette d'informations?

[Traduction]

    Cela relève des provinces et des territoires. Je pense qu'il est totalement déraisonnable d'infliger aux Inuits le coût de la collecte des données permettant de mesurer l'ampleur de leur inégalité.

[Français]

    Je voudrais savoir si vous avez les fonds nécessaires pour compenser le fait qu'il vous manquerait l'information.

[Traduction]

    Non. C'est pourquoi je dis que c'est déraisonnable, car nous sommes déjà en situation d'inégalité dans notre territoire.

[Français]

    Vous voyez le portrait. Certaines personnes au gouvernement nous apportent des éléments et prétendent qu'on peut toujours compenser. Le ministre nous disait ce matin qu'ils prenaient un risque, mais le fait qu'on enverra des questionnaires volontaires à 30 p. 100 de la population au lieu d'envoyer des questionnaires obligatoires à 20 p. 100 de la population va finir par revenir au même.
    Dans l'entrevue en question, on soulignait que les organismes pourraient eux-mêmes répondre à ce manque.
    Madame Kenny, y a-t-il d'autres aspects dont vous avez parlé un peu plus tôt et sur lesquels vous aimeriez revenir pour que le gouvernement comprenne bien votre message?
    La responsabilité de la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles est celle du gouvernement et non pas des communautés. Le règlement de la partie IV de la loi indique clairement qu'on va se servir, pour mesurer la demande importante, des données du recensement décennal, afin d'établir quels bureaux seront désignés.
    Nous ne serons certainement pas en mesure de faire cela. Il revient donc au gouvernement de le faire. En éliminant les questions linguistiques contenues dans le recensement, le gouvernement contrevient à la Loi sur les langues officielles.
    Merci, monsieur Nadeau.
    Merci, madame Kenny.

[Traduction]

    Monsieur Lukiwski.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence. Étant donné que vous êtes le dernier groupe, j'ai pensé prendre quelques instants pour peut-être essayer de récapituler ce que nous avons entendu ici aujourd'hui et peut-être clarifier un ou deux autres points, car je crois qu'il règne une certaine confusion.
    Je veux d'abord préciser que notre gouvernement ne préconise pas de supprimer le long formulaire de recensement. Certains membres de l'opposition prétendent que c'est là notre plan. Ce n'est pas le cas. Nous convenons que la plupart des renseignements recueillis au moyen du questionnaire détaillé sont précieux pour Statistique Canada. La seule question est de savoir ce qui devrait être obligatoire et ce qui devrait être facultatif. Nous admettons que le formulaire de recensement abrégé devrait rester obligatoire, mais notre position est que la réponse aux questions contenues dans le formulaire long devrait être optionnelle.
    Je suppose que l'on peut chercher à déterminer si toutes les questions du formulaire long devraient y figurer, ou bien si certaines devraient être modifiées ou abandonnées, comme des témoins précédents l'ont suggéré. Mais nous ne disons pas que nous voulons le supprimer. Nous disons simplement que la participation devrait être volontaire, car il faut un juste milieu entre la protection de la vie privée des individus par rapport à la coercition ou à l'intrusion imposée aux Canadiens, et la nécessité pour le gouvernement de recueillir des données précieuses pour ses groupes de clients de tout le pays.
    Je me permets aussi de souligner que le seul témoin que nous ayons entendu aujourd'hui qui se spécialise dans les enquêtes facultatives et l'analyse et la compilation des données qui en découlent, est M. Darrell Bricker. M. Bricker a estimé que 80 p. 100 des Canadiens seraient prêts, volontairement, à répondre au questionnaire détaillé. Il a ajouté que, à son avis, même les personnes qui pourraient tendre à être sous-représentées pourraient se laisser persuader de confier ces renseignements. Autrement dit, il dit qu'à son avis professionnel rendre le questionnaire facultatif permettrait de recueillir les renseignements dont a besoin le gouvernement. Et il est le seul témoin expert dans ce domaine à avoir comparu.
    Je vous fais remarquer également qu'à l'heure actuelle nous faisons appel à des menaces ou à la coercition pour recueillir les renseignements contenus dans le long formulaire de recensement. Mme Stoddart, qui est la commissaire à la protection de la vie privée du Canada, a déclaré qu'elle jugeait cette façon de faire inappropriée. Nos sommes d'accord. Nous sommes totalement d'accord.
    Ma première question s'adresse donc à M. Coleman. Que pensez-vous et que pense votre organisation de la contrainte, des menaces d'emprisonnement et d'amendes, qui accompagnent le long formulaire de recensement? Faudrait-il les maintenir ou, à votre avis, devrait-on plutôt opter pour une méthode volontaire afin de recueillir cette information?

  (1615)  

    Oui, je pense que c'est justement la plus importante question à régler pour votre comité. C'est un problème crucial qu'il faut absolument régler. Dans un pays civilisé comme le Canada, je juge ridicule de menacer de jeter quelqu'un en prison parce qu'il ne veut pas remplir un formulaire de recensement.
    Je pense qu'il y a de bons renseignements à glaner dans ce domaine. Mais si vous avez suivi toutes ces réunions de comité, et j'ai assisté à plusieurs, le groupe d'intérêt qui n'est pas représenté ici est celui du contribuable canadien, qui a peur de l'emprise de l'État et n'aime pas l'État tentaculaire, mais comprend le devoir de fournir l'information et l'obligation de l'exploiter de la bonne façon. Mais de là à penser que l'on va jeter quelqu'un en prison...
    Comme Greg Weston l'a indiqué aujourd'hui dans son témoignage, on ne compte plus les histoires d'horreur de gens qui se font intimider et appeler chez eux. Votre comité doit régler ce problème et empêcher que cela se reproduise.
    Je ne crois pas non plus que vous pouvez obtenir des renseignements fiables en menaçant les gens de cette façon. C'est mon opinion personnelle. Je pense qu'il faut trouver un équilibre entre la protection de la vie privée... le fait que nous sommes un pays civilisé et non une république bananière qui peut mettre un pistolet sur la tempe des gens pour les obliger à prendre la plume, en quelque sorte. J'estime qu'il s'agit là d'un problème réellement important que le comité doit régler.
    Je crois sincèrement aussi que certains... Il se fait toutes sortes d'enquêtes d'opinions facultatives dans ce pays, pour les produits de consommation et tout ce que vous voudrez. Ces enquêtes, sondages et questionnaires produisent des renseignements très fiables. Il existe des douzaines de cas. Les banques les utilisent, les produits de consommation...
    Je pense donc que l'on peut recueillir de bons renseignements en utilisant une méthode facultative. Je suis également d'avis qu'il faudrait mieux expliquer la situation au contribuable canadien.
    Merci de votre réponse, monsieur Coleman.
    Monsieur le président, mon collègue, M. Bernier, a une courte question qu'il aimerait poser avant la fin de la séance, et je vais donc céder mon temps à M. Bernier.
    Monsieur le président, un rappel au Règlement.
    Je vais accorder une très courte question à M. Bernier.
    Monsieur McTeague, pour un rappel au Règlement.
    J'aimerais juste que l'on précise une chose. Le témoin a donné à entendre que M. Weston a comparu devant notre comité. J'ai passé la journée ici, et Greg Weston n'y était pas. C'est à peu près aussi exact que de prétendre que le premier ministre a été un ancien président de votre organisation...
    Merci, monsieur McTeague, de ce renseignement. Ce n'est pas vraiment un rappel au Règlement valide, mais nous prenons note néanmoins.
    Monsieur Bernier, une courte question.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je vais utiliser le reste du temps de mon collègue.
    Tout au long des audiences d'aujourd'hui, on a posé des questions aux témoins qui étaient opposés à la décision de mon gouvernement. On leur a demandé si on devait sanctionner les gens et les menacer d'aller en prison s'ils refusaient de nous fournir des informations. À cette question spécifique, les témoins ont suggéré qu'on devrait abolir l'emprisonnement.
    J'en suis heureux. Plusieurs ont même dit qu'on devrait peut-être laisser tomber les pénalités pécuniaires. Je suis satisfait de ces témoignages, car ils ont démontré qu'il y avait un problème et qu'on a bien fait de se questionner à cet égard aujourd'hui.
    Il y a un problème fondamental quand une société civilisée utilise la menace ou la force pour recueillir des données. Aujourd'hui, tout le monde le reconnaît. On avait donc raison de se poser une telle question et de tenir ce débat.

[Traduction]

    Merci, monsieur Bernier.
    J'allais passer à M. Gravelle, mais nous allons donner la parole à M. Lake avant de retourner à M. Gravelle.
    Monsieur Lake.
    Monsieur Coleman, j'aimerais quelques explications complémentaires, si vous pouvez me les donner.
    Comme nous l'avons vu, il semble exister une certaine confusion au sujet de la question fondamentale dont nous parlons. Certains pensent que c'est un enjeu statistique. Mais il va de soi que les mesures et les décisions prises par le gouvernement relevaient davantage d'une question de principe, celle de la liberté et de la démocratie: faut-il forcer les Canadiens à répondre à des questions?
    Nous avons passé en revue plusieurs de ces questions, portant sur le nombre de chambres à coucher, la quantité de travail ménager effectué et le temps que les parents passent avec leurs enfants. Faut-il obliger les Canadiens à répondre à ces questions s'ils ne le veulent pas, quelle que soit la raison de leur refus, en les menaçant d'incarcération ou d'amende?
    Nous pouvons même mettre de côté l'emprisonnement. Il semble que tout le monde, à l'unanimité, soit en faveur de supprimer l'emprisonnement. Mais même avec les amendes, si quelqu'un dans une piètre situation financière, un ménage à faible revenu qui, comme cela a été dit — par M. Garneau, notamment — est plus susceptible de ne pas répondre aux questions, pour une raison quelconque...? Est-ce que quelqu'un disposant d'un faible revenu devrait se voir menacer d'une amende de 500 $ parce qu'il refuse d'indiquer combien de temps il passe avec ses enfants? Pourriez-vous réagir à cela, et peut-être esquisser des solutions de rechange à cette contrainte, à cette obligation de répondre à ces questions?

  (1620)  

    Écoutez, je crois que tout le monde considère que le gouvernement doit fournir ses services de manière efficiente, et donc je pense que vous avez l'obligation de trouver l'information par le meilleur moyen possible au moindre coût pour le contribuable et en veillant à surmonter nombre des objections exprimées ici. Mais, sincèrement, je crois tout simplement que dans une société comme le Canada, forcer les gens à répondre à des questions...
    Désolé pour la référence à Greg Weston, mais j'ai lu une de ses chroniques où il parlait de cela.
    Mais les gens sont victimes d'intimidation: on les appelle, on les menace de prison. Beaucoup de gens ont peur de l'État tentaculaire et de la bureaucratie qui l'accompagne, comme je l'ai dit. Je ne sais pas si cette menace produit des renseignements très fiables, et je pense donc qu'il faut sensibiliser les Canadiens aux raisons qui font que ces recensements sont importants, poser des questions pertinentes et laisser tomber celles qui franchement ne le sont pas.
    Je l'ai lu dans l'avion en venant ici et ce formulaire contient quantité de questions qui n'apportent rien, à mon avis. Je crois qu'il faut travailler à formuler des questions qui vont rendre le pays plus efficace, plus efficient et mieux apte à profiter des possibilités qu'offre l'économie mondialisée d'aujourd'hui. Mais aller menacer les contribuables et les citoyens et leur dire « Faites ceci ou nous allons vous jeter en prison » est une chose dont aucun gouvernement, quel qu'il soit, ne devrait être fier.
    Ceci ne devrait pas être un débat politique. Nous devrions tous être d'accord là-dessus. Jeter quelqu'un en prison ou le menacer de le faire n'a pas lieu d'être dans un pays comme le Canada.
    Je veux juste clarifier certaines des discussions, car je pense que l'on s'attarde beaucoup sur l'information et la valeur de l'information. Je pense qu'en fait nous pourrions tous nous mettre d'accord.
    En ce qui concerne les changements qui ont été apportés, nous avons toujours le formulaire de recensement abrégé. On a évoqué le dénombrement de la population des localités canadiennes. Nous allons encore avoir ces chiffres. Nous demandons toujours qui habite une résidence et quelles sont les dates de naissance. Cela reste dans le formulaire abrégé, comme cela a toujours été le cas. Des questions comme le sexe et la première langue demeurent dans le formulaire abrégé, et elles vont donc toujours être posées. La réponse à ces questions sera toujours obligatoire. Je tiens à bien le préciser, car certains ne le comprennent pas.
    Les changements que nous avons apportés concernent le questionnaire détaillé du recensement. Là encore, nous ne l'avons pas supprimé. Ce sera une enquête nationale auprès des ménages. Ce sera la plus grande enquête de l'histoire canadienne. Elle sera exécutée et gérée par des experts de Statistique Canada, des experts en méthodologie statistique.
    Estimez-vous que cette façon de faire va produire les renseignements dont ont besoin les organisations de tout le pays, mais d'une manière qui offre un meilleur équilibre pour les Canadiens?
    Je pense que c'est là le défi que votre comité doit relever. Vous devez vous efforcer d'enlever pour une fois vos oeillères partisanes afin de dégager un consensus praticable. Il n'est pas question ici d'une science exacte, vous devez continuer à travailler pour améliorer le recensement.
    Le mieux serait que vous prêtiez tous une oreille attentive aux préoccupations exprimées par les gens en vous assurant d'obtenir l'information de qualité dont vous avez besoin. Mais réglez les problèmes d'atteinte à la vie privée, les menaces. Je ne crois pas que l'on puisse affirmer que ces enquêtes facultatives ne fonctionnent pas. Elles donnent de bons résultats dans le secteur privé. Je ne vois pas comment vous pouvez dire cela tant que vous n'avez pas essayé.
    Merci, monsieur Coleman.
    Merci, monsieur Lake.
    M. Anderson a posé une question à la commissaire à la protection de la vie privée en faisant état de 342 demandes de renseignements. J'ai ici des passages des rapports annuels au Parlement de 2000-2001 et 2001-2002, d'où ces chiffres sont extraits.
    D'accord. Si vous voulez les remettre à la greffière, elle les fera traduire et distribuer aux membres du comité.
    Notre dernier intervenant pour ce groupe sera M. McTeague.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Coleman, je ne sais de quelle chronique de M. Weston vous parlez. Je suis réticent à citer son nom, puisqu'il n'a pu comparaître, mais je sais qu'il n'écrit plus pour le Sun. Vous devez faire référence à un article antérieur à la semaine dernière. Est-ce exact?

  (1625)  

    Oui.
    Merci.
    Monsieur Coleman, peut-être pouvez répondre à cette question. Je crois savoir que pour garantir la fiabilité des enquêtes et des sondages, vous et d'autres organisations, quelles qu'elles soient, devez faire appel à Statistique Canada, et plus précisément au questionnaire long de recensement, pour établir les pondérations voulues. Il vous faut des points de comparaison, sinon, à toutes fins pratiques, vous calculez sur la base de rien, pour utiliser un aphorisme.
    Je me demande pourquoi vous ne considérez pas cela comme important. Si l'étalon de pondération est inexact ou erroné de 20 ou 30 p. 100, le résultat sera forcément sans valeur. Mais je suis sûr que lorsqu'il s'agit des finances du pays et de la fiabilité requise si l'on veut que les contribuables en aient pour leur argent, ce pour quoi votre organisation milite, ne souhaitez-vous pas avoir des renseignements fiables, crédibles, impartiaux? Sinon votre argumentation ne tient pas debout, monsieur.
    Permettez que je sois tout à fait franc avec vous. Lorsque nous effectuons nos sondages, nous les finançons à même les ressources de notre organisation. Nos membres payent pour nos sondages renfermant les questions que nous voulons poser. J'estime qu'il importe de mettre fin à ces prises de position partisanes dans ce débat au sujet du recensement.
    Je conviens avec vous qu'il est essentiel d'avoir des renseignements dans certains domaines. Je ne suis pas du tout favorable à l'idée de contraindre les gens. Je considère qu'il vous faut avoir des renseignements afin de bien gérer le pays. Je suis d'accord avec vous là-dessus. Je pense qu'il importe d'assurer un équilibre entre la protection de la vie privée et tout le reste avant d'en arriver à une décision finale. Essayez d'enlever, et cela vaut pour vous tous, vos oeillères politiques et d'en arriver à une décision appropriée qu'apprécieraient tous les contribuables du pays.
    Monsieur Coleman, il est pénible pour nous d'entendre ce genre de commentaire au sujet de la partisanerie et des oeillères politiques, alors que votre prédécesseur est en fait le premier ministre d'un gouvernement conservateur et un ancien membre du Parti réformiste et de l'Alliance.
    Madame Stoddart, pourrais-je vous demander de répéter, nonobstant ce qui s'est passé avant votre entrée en fonctions, s'il est juste de dire qu'il y a eu, je le répète, 50 plaintes en l'espace de 20 ans? Pourriez-vous être plus précise quant au nombre de plaintes que votre bureau a reçues depuis que vous êtes en poste, soit au cours des 10 dernières années? Je parle de votre mandat en tant que commissaire à la protection de la vie privée.
    Je pense, comme je l'ai mentionné, que le nombre des plaintes a fléchi après 2001. Si ma mémoire est bonne, je pense qu'il n'y en a eu que six — mais on me corrigera si je me trompe — au cours de la dernière décennie.
    Bien.
    J'aimerais maintenant savoir — et vous pouvez tous répondre — si l'un d'entre vous estime qu'une menace d'emprisonnement ou d'amende devrait planer sur une personne à qui l'on demande combien de fumier est produit sur sa ferme? M. Anderson a peut-être évité cela dans ses commentaires, mais je pense qu'il a été établi que le processus est volontaire dans le Canada urbain, mais imposé dans le Canada rural. Il me semble que cette situation est terriblement injuste à l'égard d'une partie du pays.
    Parmi les plaintes que vous avez reçues, y en a-t-il eu un nombre disproportionné émanant du Canada rural ou du Canada urbain, si vous avez pu en faire la ventilation?
    Nous n'avons pas pu en faire la ventilation. Nous pourrions certainement tenter de le faire, si cela pouvait être utile au comité.
    Si vous souhaitez fournir davantage de renseignements au comité, madame Stoddart, je vous demanderais de les faire parvenir à la greffière du comité et je veillerai à ce qu'elle en fasse la distribution auprès des membres du comité.
    D'accord. Il nous faudra vous revenir là-dessus, une fois que nous aurons déterminé si une telle analyse est faisable.
    Bien. Merci.
    Avant de céder la parole à M. Rota, je pense qu'il est primordial et fondamental de reconnaître que le long formulaire est absolument indispensable à l'intégrité du système de compilation de statistiques et à la pondération de toutes les autres considérations, notamment pour les enquêtes, quelle que soit la firme de sondage pour laquelle vous travaillez et quel que soit votre secteur d'intérêt.
    M. Rota a peut-être une toute dernière question.
    Allez-y, monsieur Rota.
    J'ai une très courte question pour Mme Stoddart.
    Nous avons beaucoup entendu parler de l'aspect des sanctions, et il semble que ce soit là-dessus que se concentrent nos amis conservateurs.
    En ce qui concerne les plaintes qu'a reçues le Commissariat... et je ne suis pas en train de dire que nous le devrions ou que nous ne le devrions pas... Ils continuent de penser que nous devrions incarcérer les agriculteurs qui ne remplissent pas le formulaire, mais ils sont les seuls à être de cet avis.
    Lorsqu'on s'adresse à vous, est-ce pour parler des sanctions ou de protection de la vie privée?
    De protection de la vie privée.
    Voilà qui résume bien les choses. La question des sanctions est donc un faux problème dont font état sur la place publique les conservateurs, sans que personne d'autre n'en parle.
    Merci, monsieur Rota.
    Je ne peux pas répondre à cette question.
    Merci, madame Stoddart.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leur participation aujourd'hui. Je vais suspendre la séance jusqu'à 16 h 45.

    


    

  (1645)  

    Bienvenue, mesdames et messieurs. Nous poursuivons la 29e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Nous sommes ici, conformément à l'article 108(2) du Règlement pour étudier le long formulaire de recensement.
    Monsieur Gravelle, je crois savoir que vous souhaitez déposer une motion.
    Oui, monsieur.
    Monsieur le président, à la lumière de tous les témoignages d'experts que nous avons entendus aujourd'hui, si l'on élimine le long formulaire de recensement obligatoire, cela nuira à un grand nombre de collectivités et d'organisations, et, en dépit du fait que les conservateurs ne souhaitent pas écouter les experts, je vais déposer cette motion, dont le texte a été distribué hier.
    Aimeriez-vous que j'en fasse la lecture, ou bien cela est-il superflu?
    Je pense que tous les membres du comité en ont le texte, dans les deux langues officielles, alors nul besoin d'en faire la lecture.
    Le comité est saisi de la motion. Quelqu'un souhaite-t-il en débattre?
    Monsieur Lake.
    Monsieur le président, je regarde la motion et je suis en train d'essayer de comprendre exactement ce qui y est demandé. L'auteur de la motion souligne que le long formulaire de recensement est un outil fondamental, mais il déclare ici: « Par conséquent, le gouvernement devrait annuler immédiatement les modifications apportées au long formulaire de recensement ».
    Je ne sais pas très bien de quels changements il parle. Est-il en train de parler des changements au recensement de 2011? Est-ce cela qu'il vise ici? Parle-t-il de changements par rapport à 2006? Des questions ont été ajoutées, alors devons-nous retrancher ces questions, questions qui ont été ajoutées et qui font partie de la nouvelle enquête auprès des ménages de 2011? Voulons-nous enlever ces questions? Ce sont des questions qui ont été retirées du formulaire détaillé de recensement de 2006. Devrions-nous réinsérer ces questions? Je ne comprends pas très bien.
    Par exemple, pour le recensement de 2011, l'une des nouvelles questions vise à savoir à quelle heure les gens partent de chez eux le matin pour se rendre au travail. Le député est-il en train de dire qu'avec l'annulation des modifications cette question serait supprimée? Pourrait-on nous fournir des éclaircissements là-dessus?
    Une autre nouvelle question qui ne figurait pas sur le formulaire en 2006, mais qui y est pour le recensement de 2011, est celle au sujet de la religion dont nous avons parlé. Le député souhaite-t-il que cette question au sujet de la religion soit retirée de l'enquête auprès des ménages de 2011? Peut-être qu'on pourrait nous préciser de quelles questions nous parlons ici.
    Merci, monsieur Lake.
    Monsieur Gravelle, avez-vous une réponse?
    Merci, monsieur le président.
    Comme le sait très bien M. Lake, le gouvernement — le gouvernement dirigé par son parti — contrôle les questions. Ce que je suis en train de proposer est que l'on annule les modifications et que l'on rétablisse le long formulaire de recensement obligatoire. Ce n'est que de cela que je parle, et non pas des questions. C'est le gouvernement qui contrôle les questions.
    Si je comprends bien, donc, lorsque le député parle de « rétablir » le recensement national, il souhaiterait que l'on revienne au formulaire de recensement de 2006 et qu'il n'y ait plus les questions qui ont été ajoutées pour l'enquête auprès des ménages de 2011.
    Non, non, je veux que l'on rétablisse le long formulaire de recensement obligatoire.
    Encore une fois, je tiens à clarifier cela, car ce n'est pas clair — ce n'est clairement pas clair — dans votre motion ici.
    Permettez que je clarifie...
    Le texte dit: « Par conséquent, le gouvernement devrait annuler immédiatement les modifications apportées au long formulaire de recensement ».
    Certains des changements au long formulaire de recensement correspondaient à des questions. Donc...
    Permettez que je clarifie cela pour vous, monsieur Lake.
    M. Mike Lake: Allez-y.
    M. Claude Gravelle: Et écoutez attentivement.
    M. Mike Lake: Oui.
    M. Claude Gravelle: C'est vous qui contrôlez les questions — pas moi, et pas le comité. La motion demande le rétablissement du long formulaire de recensement obligatoire. Il n'y est nulle part fait mention des questions. Il s'agit de rétablir le long formulaire de recensement obligatoire.
    Cela ne devrait pas être trop difficile à comprendre.
    En fait, ce n'est pas ce que dit le texte, et je vais vous en lire une partie. Le texte dit: « Par conséquent, le gouvernement devrait annuler immédiatement les modifications apportées au long formulaire de recensement » C'est là une citation.
    Je sais que vous n'avez pas rédigé la motion, mais...
    Je pense que ce que dit la motion est clair, car chacun en a un copie papier devant les yeux.
    Quelqu'un souhaite-t-il modifier la motion pour régler certaines des préoccupations soulevées?
    Allez-y.

  (1650)  

    Pourrions-nous en discuter davantage?
    Nous pouvons en discuter tout de suite, si c'est ce que vous souhaitez.
    Eh bien, M. Gravelle, je ne cherche pas à vous contrarier ici, mais je suis d'accord avec mon collègue. Le recensement est la suite de questions. Les questions sont le recensement.
    Lorsque M. Gravelle dit que nous devrions annuler immédiatement les modifications, il parle d'annuler les questions. Quelles questions souhaite-t-il éliminer? Devons-nous revenir au questionnaire de 2006, qui est le recensement, ou bien aime-t-il les changements que nous avons apportés au formulaire long pour 2011, car il y a là des questions qui ont été ajoutées et d'autres qui ont été retirées? Tout ce que nous demandons c'est une clarification de la situation.
    Merci, monsieur Lukiwski.
    M. McTeague souhaite proposer un amendement.
    Monsieur McTeague, vous avez la parole.
    Monsieur le président, puis-je vous demander votre indulgence pour une petite fraction de seconde?
    Je conviens que le libellé est peut-être un peu boiteux. Peut-être que ce que nous pourrions faire c'est suggérer ce qui suit... Je demande aux collègues de m'accorder quelques instants leur indulgence.
    Je proposerais un changement dans le libellé. Après « Par conséquent, le gouvernement devrait », je remplacerais les mots « annuler immédiatement les modifications apportées au » par « rétablir la nature obligatoire du formulaire long de recensement ».
    Bien. Nous sommes saisis d'un amendement.
    Quelqu'un souhaite-t-il discuter de l'amendement?
    J'aimerais clarifier cela à nouveau.
    Allez-y, monsieur McTeague, clarifiez donc cela pour les membres du comité.
    Monsieur le président, il s'agirait de supprimer, à l'avant-dernière ligne, les mots « annuler immédiatement les modifications apportées au »...
    De les remplacer.
    ... et de les remplacer par « rétablir la nature obligatoire du ». Le texte dirait « la nature obligatoire du long formulaire de recensement ».
    Merci, monsieur McTeague.
    Le comité est saisi de l'amendement.
    Nous allons maintenant écouter M. Bernier.

[Français]

    J'aimerais poser une question relativement à l'amendement. Peut-on aussi traduire l'amendement en français, puisque vous êtes parfaitement bilingue?
     Ce serait changé... Écoutez, je n'ai même pas lu la version française.
    Donc, les mots « annuler immédiatement les modifications apportées au long formulaire » seraient remplacés par les mots « rétablir la nature obligatoire du long formulaire ».

[Traduction]

    Bien. Quelqu'un souhaite-t-il intervenir au sujet de cet amendement?
    Dans la négative, la parole est à M. Lukiwski.
    Oui, merci, monsieur le président.
    M. Gravelle et M. McTeague entre autres ont parlé des témoignages que nous avons entendus aujourd'hui. J'aimerais dire à tous mes collègues au comité que j'estime que le témoignage le plus éloquent nous est venu de la commissaire à la protection de la vie privée du Canada, qui a dit que les exigences obligatoires, y compris les menaces et la coercition, ne sont pas appropriées et ne devraient à son avis pas être tolérées. C'est ainsi que la commissaire à la protection de la vie privée du Canada est opposée au statu quo.
    Je ne comprends absolument pas comment les députés de l'opposition peuvent prétendre qu'une majorité écrasante des témoins se sont prononcés en faveur du maintien du statu quo, car c'est en définitive ce qu'ils sont en train de dire en ce moment. Ce n'est pas le cas. La commissaire à la protection de la vie privée a, comme de nombreux autres témoins, dit que cela pose un très réel problème pour elle.
    Merci, monsieur Lukiwski.
    La parole sera maintenant à M. Anderson, qui sera suivi de M. McTeague.
    Je n'ai en vérité qu'une question pour M. McTeague.
    La loi dit « Est, pour chaque refus, négligence, fausse déclaration ou fraude, coupable d'une infraction et passible sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire » — et cela vaut donc pour chaque question — « d'une amende maximale de cinq cent dollars et d'un emprisonnement maximal de trois mois, ou de l'une de ces peines, quiconque, sans excuse légitime... »
    J'aimerais simplement savoir si l'amendement inclut également ces aspects coercitifs existants. Le député parle de la nature obligatoire du formulaire long du recensement. Nous comprenons donc que ces éléments coercitifs de la loi sont inclus dans son amendement. Est-ce bien cela?
    Bon, je vais donner la parole à M. McTeague pour qu'il puisse répondre, mais les termes utilisés sont bel et bien ceux qui figurent dans la motion et dans l'amendement.
    Monsieur McTeague.
    Malgré ce que peut en dire M. Anderson, la motion et mon amendement visent simplement à rétablir les choses comme elles étaient avant la décision du ministre Clement de modifier unilatéralement les formulaires. La réponse est donc oui.
    M. Lukiwski a livré sa version de ce qu'il a entendu de la bouche de Mme Stoddart. Je lui ai posé deux questions et ai confirmé l'une des choses que voici. Il a bien entendu, mais, pour la gouverne de ceux qui n'écoutaient peut-être pas à ce moment-là, les chiffres étaient de 50 plaintes au cours des 20 dernières années et de trois au cours des 10 dernières.
    Plus important encore, monsieur le président, pour mettre les choses davantage en perspective, la commissaire à la protection de la vie privée a laissé entendre que nombre de ces questions avaient été réglées avant son entrée en fonctions. Les lignes de communication sont ouvertes avec Statistique Canada.
    La commissaire n'a pas les préoccupations que vous lui prêtez, monsieur Lukiwski.

  (1655)  

    Merci, monsieur McTeague.
    Monsieur Petit.

[Français]

    J'aimerais poser une question à M. Gravelle ou à M. McTeague.
    Vous dites que le gouvernement devrait rétablir la nature obligatoire du long formulaire. Si je comprends bien, vous voulez garder ce qu'on appelle la menace de prison et d'amende. Est-ce exact?

[Traduction]

    Merci, monsieur Petit.

[Français]

    Est-ce que M. Gravelle peut répondre? Parce que...

[Traduction]

    Monsieur Petit, je vais donner la parole à M. Lake.
    Vous savez quoi? Nous pourrions laisser M. McTeague répondre d'abord à cette question, pour ensuite revenir.
    Très bien.
    M. Lake cède dont la parole à M. McTeague.
    Merci, monsieur Lake.
    Monsieur Gravelle, si vous permettez, je pense avoir déjà répondu à la même question posée par M. Anderson.

[Français]

    Votre question est la même que celle de M. Anderson. La réponse est donc toujours la même.
    En fait, cela va exister pour les régions rurales au Canada, de même que pour d'autres choses. Nous voulons maintenir le statu quo. Il n'est pas question de menaces pour lesquelles les gens sont en colère. Il s'agit peut-être d'une question qui a été soulevée par les conservateurs, quelque part. Selon les informations que nous avons entendues, aujourd'hui, le système est efficace et nécessaire. Nous voulons donc maintenir le statu quo.

[Traduction]

    Monsieur Lake, j'espère que...
    Merci, monsieur McTeague.
    Monsieur Gravelle.
    Je pense que M. McTeague y a répondu. La motion parle simplement du rétablissement du formulaire long du recensement. C'est tout ce qui y est dit.
    Très bien.
    S'il n'y a pas d'autres interventions, je vais mettre l'amendement aux voix, à moins qu'il y ait encore des questions ou des commentaires portant sur l'amendement.
    Allez-y, monsieur Lake.
    Excusez-moi, je voulais simplement donner à M. McTeague l'occasion de répondre.
    Je sais que nous sommes impatients de sortir d'ici, mais j'aimerais obtenir un éclaircissement, car le formulaire long de recensement n'existe pas à l'heure actuelle, si je ne m'abuse. L'expression « long formulaire de recensement » ne renvoie en vérité à rien. Nous avons une enquête auprès des ménages de 2011. Pour que le libellé soit juste, l'on voudrait sans doute indiquer qu'il s'agit de faire en sorte que l'enquête de 2011 auprès des ménages soit obligatoire.
    En bout de ligne, si vous regardez la motion, vous comprendrez que je vais voter contre de toute manière, mais j'aimerais au moins que l'on emploie les bons termes.
    Traitons d'abord de l'amendement dont nous sommes saisis.
    M. McTeague souhaite peut-être revoir une partie du libellé pour qu'il soit un petit plus juste.
    Non, non, l'amendement tel qu'il a été proposé à l'origine demeure.
    Il renverrait donc à la totalité des 47 questions qui se trouvent, je pense, dans la nouvelle enquête auprès des ménages, l'enquête 2011. Encore une fois, si une personne ne veut pas y répondre, elle serait menacée d'incarcération ou d'une amende si elle ne veut pas nous dire quelle est sa religion, par exemple, ou à quelle heure elle part le matin pour se rendre au travail.
    Juste pour que les choses soient claires...
    Merci, monsieur Lake.
    Monsieur McTeague, souhaitez-vous répondre?
    Oui.
    Bien. Merci.
    La parole est maintenant à M. Lukiwski.
    Sans vouloir tout passer en revue de nouveau, j'aimerais simplement clarifier les choses, vu que M. McTeague a fait état de mes questions et de mes commentaires... Nous n'avons pas encore les bleus, malheureusement, mais je sais qu'il y a ici de nombreux journalistes et que nombre d'entre eux se sont entretenus avec la commissaire à la protection de la vie privée après sa comparution.
    Je maintiens ce que j'ai dit. M. McTeague semble laisser entendre que, du fait du nombre limité de plaintes au cours des 20 dernières années, il est acceptable de recourir à des menaces et d'essayer d'obtenir par la coercition que les Canadiens répondent au questionnaire long de recensement obligatoire. En fait, cela est tout le contraire de ce qu'a dit Mme Stoddart. Elle a déclaré, en réponse à des questions qui lui ont été posées directement par M. Anderson, qu'elle considère qu'il n'est pas convenable, et qu'il ne devrait pas être autorisé, d'amener, par la coercition, la menace ou des cajoleries — appelez cela comme vous voulez —, les Canadiens à répondre à des questions auxquelles ils ne veulent pas répondre.
    Voilà quelle est sa position en tant que commissaire à la protection de la vie privée de ce pays. Or, les libéraux et l'opposition semblent vouloir en faire fi. Je trouve cela inacceptable.
    Merci, monsieur Lukiwski.
    Comme personne d'autre ne demande la parole, je vais mettre aux voix l'amendement dont nous avons été saisis.
    (L'amendement est adopté.)
    Le président: Nous devons maintenant nous pencher sur la motion modifiée que nous avons devant nous.
    Quelqu'un souhaite-t-il intervenir encore au sujet de la motion principale, telle qu'elle a été modifiée?
    Allez-y, monsieur Lake.

  (1700)  

    Monsieur le président, si vous permettez, j'ai simplement constaté que le microphone de M. McTeague n'était pas ouvert lorsque j'ai posé ma dernière question. Il a répondu « Oui ». Je tiens simplement à ce qu'il soit bien clair qu'il a répondu « Oui », sans quoi cela ne se retrouvera peut-être pas dans la transcription.
    Merci.
    Nous veillerons à ce que la greffière examine la transcription et à ce que ce « Oui » y figure bien.
    Si personne ne souhaite intervenir, je vais mettre aux voix la motion modifiée.
    (La motion modifiée est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Merci beaucoup.
    Je crois savoir que M. McTeague va déposer une motion.
    Allez-y, monsieur McTeague.
    Merci.
    J'aimerais simplement m'assurer, dans l'intérêt de M. Lake et de toutes les personnes qui écoutent, qu'ils entendent bien la motion que voici. Elle vise la présentation de documents:
Conformément à l'article 108 du Règlement de la Chambre, dans le cadre de son étude sur le questionnaire détaillé du recensement, le Comité demande que le ministre présente au Comité tous les documents et courriels échangés entre Statistique Canada, le Bureau du Conseil privé et le cabinet du ministre de l'Industrie au sujet des modifications au recensement de 2011, ainsi que la section d'analyse de la note adressée au cabinet, et demande que lesdits documents soient remis au Comité dans les cinq jours.

[Français]

    Je m'adresse à mes collègues francophones. Voulez-vous que je répète cela en français? Monsieur Bernier, monsieur Petit, cela pose-t-il problème?
    Monsieur le président, c'est la motion que je présente.

[Traduction]

    Nous sommes saisis d'une motion. Quelqu'un souhaite-t-il en débattre?
    Monsieur Lake.
    Je ne pense pas que le gouvernement ait quelque objection que ce soit quant à la diffusion de tout élément pouvant être légalement diffusé. Pas de problème, donc.
    Personne d'autre n'ayant demandé la parole, je vais mettre aux voix la motion proposée par M. McTeague.

[Français]

    Puis-je faire un commentaire?

[Traduction]

    Je mets la motion aux voix.
    (La motion est adoptée.)

[Français]

    Le président: Monsieur Petit, avez-vous un commentaire à faire?
    Non, ça ne sert plus à rien.

[Traduction]

    Bien.
    Monsieur Anderson.
    J'aimerais faire une observation avant que nous ne partions. Je n'entends pas étirer les choses ici, mais j'ai été encouragé par les commentaires de M. McTeague, à la fin des témoignages, lorsqu'il a parlé de fumier et du fait que la nature obligatoire du formulaire était discriminatoire à l'endroit du Canada rural. Je pense qu'il voulait parler du recensement de l'agriculture.
    J'aimerais simplement lui dire que s'il souhaite s'appliquer à rendre aussi ce recensement volontaire, je me ferai un plaisir d'oeuvrer à ses côtés à un tel projet. Je crois que nous pourrions faire cela et veiller à ce que les Canadiens ruraux soient traités comme il se doit.
    Voilà précisément ce qui arrive lorsque les choses ne sont pas organisées, monsieur Anderson.
    Nous allons prendre la chose en délibéré, monsieur Anderson. Merci.
    Monsieur McTeague, M. Bernier a la parole.
    Allez-y.
    J'aimerais simplement ajouter que je partage ce même souci. Alors, je serais pour ma part en faveur d'un tel débat.
    Merci.
    Monsieur McTeague.
    Monsieur le président, dans l'esprit de collaboration offert par la plateforme dont le député a parlé, je suggérerais que, la prochaine fois que le cabinet décide d'apporter un changement de pareille envergure, il y réfléchisse peut-être à deux fois avant de faire le saut... pour atterrir, qui sait, possiblement sur un tas...
    Merci, monsieur McTeague.
    Je tiens à remercier tous les membres du comité de leur aide aujourd'hui et de leur participation.
    La séance est levée.
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