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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 037 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 décembre 2010

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Nous sommes ici aujourd'hui, bien sûr, pour reprendre notre étude sur la sécurité énergétique au Canada, et nous nous pencherons entre autres sur le rôle que pourrait jouer le gouvernement fédéral dans la mise en valeur des ressources pétrolières et gazières non conventionnelles, notamment le forage en eau profonde, l'exploration du gaz de schiste et l'exploitation des sables bitumineux; les impacts économiques régionaux de l'exploitation pétrolière et gazière; et le rôle de l'Office national de l'énergie dans la mise en valeur et l'exploitation de ressources non conventionnelles. Nous allons donc poursuivre cette étude.
    Nous recevons aujourd'hui deux groupes de témoins; la première table ronde aura lieu de 11 heures à midi, et la seconde, de midi à 13 heures.
    Dans le premier groupe, nous entendrons d'abord, par vidéoconférence à partir d'Edmonton, en Alberta, M. Don Thompson, président de l'Oil Sands Developers Group. Bienvenue, monsieur Thompson.
    Nous recevons également M. Lionel Lepine, coordonnateur pour le savoir traditionnel de l'environnement, Relations avec l'industrie, qui représente la Première nation Athabasca Chipewyan. Bienvenue, monsieur Lepine.
    Nous entendrons également, à titre personnel, M. Ezra Levant.
    Nous entendrons les exposés dans l'ordre indiqué sur l'ordre du jour — les exposés ne devront pas dépasser sept minutes, si vous le voulez bien —, et nous commençons avec M. Thompson, de l'Oil Sands Developers Group.
    Allez-y, je vous en prie, monsieur Thompson.
    Merci, monsieur le président.
    J'ose espérer que vous avez reçu les documents relatifs à mon exposé et que vous les avez sous les yeux. Je ne veux pas en faire la lecture, mais je vais vous présenter les faits saillants.
    Parlons d'abord de l'Oil Sands Developers Group, qui a vu le jour en 1997. Vous voyez sur la première page notre structure de comités; nous nous intéressons principalement aux enjeux locaux qui ont une incidence sur les sables bitumineux, mais nous nous panchons également sur des enjeux qui touchent notre industrie ailleurs.
    Je crois que la première chose que les gens devraient savoir, c'est que les besoins énergétiques sont stimulés par deux choses, que ce soit au Canada ou ailleurs: la population et le mode de vie. On constate à tous les égards une croissance. Je crois que j'aimerais que le mode de vie de tous les habitants de la terre, y compris les Canadiens, s'améliore.
    Notre population continue à croître. La demande en énergie croît donc également, comme on le voit à la page 3. Vous pouvez constater que cette croissance est particulièrement forte dans les pays qui n'appartiennent pas à l'OCDE.
    Même en tenant compte des sables bitumineux, il faudra trouver, d'ici 2030, une capacité additionnelle de 64 millions de barils environ, à l'échelle mondiale. Le taux mondial d'épuisement des réserves est d'environ quatre millions de barils par jour, chaque année. Or, on en découvre environ deux fois moins que cela.
    Le bouquet énergétique mondial est dominé par le pétrole; il est quelque peu différent au Canada, surtout parce que l'énergie hydroélectrique, que nous sommes privilégiés d'avoir dans certaines régions du Canada, a supplanté le charbon. Vous remarquerez toutefois que nos besoins en pétrole sont comparables à ceux des autres pays; environ 32 p. 100 de notre énergie viennent du pétrole.
    La septième diapositive est à mon avis instructive, puisqu'elle brosse le portrait des réserves par pays. Vous voyez que le Canada, dont les réserves de pétrole atteignent 178 milliards de barils, arrive au second rang. Vous noterez aussi que 95 p. 100 de ces réserves, soit 170 milliards de barils, sont, de fait, des sables bitumineux.
    La question que l'on doit se poser est la suivante: si nous n'avions pas les sables bitumineux, où trouverions-nous notre pétrole? J'attire votre attention sur l'Arabie saoudite, l'Iran, l'Irak, le Koweit et le Venezuela. C'est avec ces pays que nous ferions affaire si nous n'avions pas les sables bitumineux.
    Je vais laisser de côté certains sujets que M. Levant va sûrement aborder. J'aimerais que vous sachiez en outre que ces pays s'intéressent de plus en plus aux marchés qui ne font pas partie de l'OCDE, qui sont plus proches et qui génèrent un revenu net plus élevé. Il est intéressant de savoir que l'expédition de pétrole de l'Arabie saoudite en Amérique du Nord semble ralentir au profit de ces autres marchés. C'est certainement le cas pour le Venezuela.
    J'aimerais attirer votre attention sur deux choses. Premièrement, seulement 20 p. 100 des ressources contenues dans les sables bitumineux peuvent être extraites. On parle des sables qui se trouvent à moins de 70 mètres de profondeur. C'est la première ressource que l'on a commencé à exploiter, car on avait accès à la technologie nécessaire. Cela fait seulement 12 ou 13 ans que le gros des réserves de sables bitumineux, celles qui sont traitées sur place — 80 p. 100 des réserves sont trop profondes pour être extraites —, ont commencé à être commercialisées.
    Passons maintenant aux projets en cours et aux projets proposés. À l'heure actuelle, les projets de mise en valeur ont une capacité de production de 1,7 million de barils par jour. L'an dernier, ces projets ont produit 1,4 million de barils. Un certain nombre de projets étaient encore en phase de démarrage. On est en train de construire des installations qui permettront de produire 600 000 barils supplémentaires. Les installations qui ont été officiellement approuvées ou qui font l'objet d'un examen à cette fin porteront notre capacité à trois millions et demi ou quatre millions de barils par jour.
    Les sables bitumineux sont un moteur économique énorme pour le Canada. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de le rappeler. Essentiellement, selon le Canadian Energy Research Institute, ce secteur génère une part du PIB de l'ordre d'environ 1,7 billion de dollars et emploie 450 000 personnes, tous marchés confondus, au Canada.
    Dans notre industrie, nous valorisons la création de bonnes relations d'affaires. Un de nos objectifs est d'augmenter la participation à l'échelle locale, et, à coup sûr, celle des entreprises autochtones. Quand nous avons formé notre groupe, nous avons réalisé un sondage — en 1997 — qui a révélé que nos membres faisaient affaire avec des entreprises autochtones pour environ 80 millions de dollars par année. Nous avons presque décuplé ce chiffre. L'an dernier, les marchés s'élevaient à 711 millions de dollars. Le nombre d'emplois a augmenté de la même manière; en 1998, les membres de mon groupe employaient 80 Autochtones déclarés. Aujourd'hui, les membres emploient directement plus de 1 600 Autochtones déclarés, et, bien sûr, le nombre d'employés des entreprises a également beaucoup grossi.
    Notre industrie fait des dons substantiels à la collectivité, pour les hôpitaux, les loisirs et l'enseignement de la culture.
    À la diapositive 13, vous voyez qu'au chapitre de la surveillance et de la gestion environnementales, notre industrie se compare avantageusement à celle des autres pays. Je ne connais pas de réseau de surveillance de la qualité de l'air plus important — par son champ d'application ou sa portée géographique —, que celui de la Wood Buffalo Environmental Association. Vous pouvez, sur son site Web, obtenir des données sur la qualité de l'air de n'importe quel secteur de la région.
    Dans le même ordre d'idée, le Programme de surveillance aquatique consacre 4 millions de dollars par année à la surveillance des propriétés chimiques, physiques et biologiques des cours d'eau et de l'ensemble des effets cumulatifs; il élabore des cadres de gestion et présente des recommandations par le truchement de la Cumulative Environmental Management Association...
    Selon les paramètres de Cambridge Energy Research Associates, cette industrie fait en outre l'objet de processus de réglementation de calibre mondial, ce qui comprend des organismes du gouvernement de l'Alberta, des organismes de réglementation quasi judiciaires de l'Alberta et des organismes du Canada.
    Sur la diapositive 15, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que le développement de la technologie continuera d'être un important catalyseur de la croissance. Les réserves de 170 milliards de barils sont attestées par l'USSEC, ce qui veut dire que l'on pourra les exploiter de façon rentable avec les technologies d'aujourd'hui. Cela concerne environ 10 à 17 p. 100 de la ressource géologique. Pour ce qui concerne les ressources traitées sur place, mais aussi celles qui sont extraites, les nouvelles technologies sont abondantes. Pour ce qui est du traitement sur place, l'objectif est de diminuer le recours à l'énergie et à l'eau et d'augmenter le taux de récupération. Nous pourrions explorer un très vaste éventail de nouvelles technologies, mais nous ne pourrons pas le faire en sept minutes, alors je serais heureux de répondre à vos questions à ce sujet. En ce qui concerne l'extraction, la recherche s'attache surtout à l'utilisation des résidus — nous cherchons, bien sûr, à obtenir des déchets plus secs — et à la réduction du volume d'eau utilisé. Cela ne veut pas dire que la recherche ne vise pas d'autres buts.
    Nous arrivons à la diapositive 16, nos recommandations et mes commentaires.
    Premièrement, dans le but de faire progresser l'exploitation responsable des sables bitumineux, les membres de l'OSDG continueront à faire ce qu'ils font le mieux, c'est-à-dire solliciter et mettre en valeur l'investissement, puis exploiter nos installations de manière sûre, fiable et écologiquement responsable. Ce sera notre principale contribution à la sécurité énergétique et à la prospérité économique de notre province et de notre pays.
    Deuxièmement, nous continuerons à communiquer avec tous les intervenants et à exercer notre responsabilité de consultation, en particulier avec les intervenants autochtones.
    Troisièmement, nous allons continuer à mettre l'accent sur le développement technologique et l'innovation, principalement dans le but d'augmenter la proportion de la ressource que l'on pourra exploiter et d'améliorer notre rendement écologique. J'aimerais attirer votre attention sur le fait qu'au moins quatre de nos membres ont établi leurs propres priorités en matière de recherche et financent la recherche à hauteur de plus de 100 millions de dollars par année. Il existe aussi, sur place, des entreprises très dynamiques qui insistent très fortement sur la technologie.
    Nous allons continuer à travailler avec les municipalités régionales et la province pour veiller à ce que l'infrastructure physique et sociale requise soit en place pour répondre aux besoins de notre industrie. À ce chapitre, nous nous attachons en particulier, à l'échelle locale, aux transports, à l'infrastructure, au logement, aux soins de santé, et j'en passe. C'est bien clair lorsqu'on regarde la structure de notre organisme.
    Nous allons continuer à contribuer au développement constant des collectivités des régions où nous travaillons en faisant des dons et en offrant du soutien à nos employés ainsi qu'aux installations éducatives, récréatives et culturelles. Nous allons également contribuer au perfectionnement de la main-d'œuvre de l'avenir. Nous avons mis sur pied et nous soutenons de nombreux organismes à cette fin. J'aimerais parler en particulier de l'organisme CAREERS: The Next Generation. Nous soutenons également, par exemple, le Collège Keyano, le NAIT/SAIT — les instituts de technologie du Nord et du Sud de l'Alberta — et des programmes d'apprentissage. Nous allons continuer de veiller à ce que la surveillance et la présentation de rapports dans la région soient transparentes et respectent les normes les plus élevées.
    Pour finir, nous allons continuer à contribuer de manière constructive au dialogue qui a cours au Canada sur l'énergie et la politique environnementale, en général, et sur les sables bitumineux en particulier.

  (1110)  

    Quant à savoir quels devraient être les objectifs clés des gouvernements pour l'avenir, je dirais qu'à mon avis, ce devrait être d'abord et avant tout de diriger et d'alimenter un débat honnête sur l'énergie et l'environnement. Le fait est que nous devons tous être prêts à faire preuve de transparence par rapport aux choix réels que nous avons et aux délais associés à chacun de ces choix. Nous devons veiller à ce que les gens comprennent bien les répercussions de ces différents choix stratégiques et leur incidence sur les consommateurs d'énergie de partout au Canada.
    J'aimerais que l'environnement stratégique du Canada reconnaisse nos particularités sur les plans de la géographie et de l'énergie. Notre pays est fondé sur une économie d'exportation. Il ne fait pas chaud à Edmonton aujourd'hui, et j'ignore quel temps il fait à Ottawa. Notre pays présente également une faible densité de population et sa superficie est énorme. Nous avons besoin d'une politique énergétique propice à l'équilibre, à la croissance de trois dimensions clés: premièrement, nos intérêts économiques; deuxièmement, la sécurité énergétique et la fiabilité de l'approvisionnement; troisièmement, bien sûr, le rendement écologique.
    Nous avons besoin de politiques qui favorisent le libre-échange avec les États-Unis, notre principal partenaire commercial, et avec les marchés d'outre-mer. Nous avons besoin de politiques fondées sur des solutions qui s'appliquent à l'ensemble de l'économie, favorisent la compétitivité et stimulent l'investissement, en particulier l'investissement destiné à la mise en valeur de la technologie et de l'innovation.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir écouté. J'attends avec impatience vos questions.

  (1115)  

    Merci beaucoup, monsieur Thompson.
    Nous passons tout de suite à M. Lionel Lepine, de la Première nation Athabasca Chipewyan.
    Allez-y, s'il vous plaît, vous avez sept minutes.
    Je vous remercie, Monsieur Ie président, de permettre à la Première nation Athabasca Chipewyan de s'adresser à votre comité au sujet de ce sujet important qui aujourd’hui préoccupe notre peuple. C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui et de vous parler de quelques-unes des grandes questions pouvant avoir des répercussions sur la sécurité énergétique au Canada.
    Comme vous Ie savez peut-être, les terres traditionnelles de la Première nation Athabasca Chipewyan englobent une grande partie des sables bitumineux, situés en surface ou en profondeur, de la région de l'Athabasca, dans Ie Nord de l'Alberta.
    Lors de ses fameuses expéditions, Alexander Mackenzie, faisant comme ses guides dénés, a utilisé un peu de ces sables goudronneux, ramassés sur les rives de la rivière Athabasca, pour imperméabiliser ses canots.
    Aujourd'hui, quelque 230 ans plus tard, la quantité de pétrole présente dans les sables bitumineux s'élèverait à des centaines de milliards de barils; ces réserves de pétrole arrivent au deuxième rang après celles de l'Arabie Saoudite. Bien que les estimations puissent varier, une chose est sûre: II y a suffisamment de pétrole pour combler les besoins énergétiques à venir du Canada tout en exportant de grandes quantités de ce produit. Ces réserves exercent un tel attrait que des sociétés et des gouvernements de partout dans Ie monde se ruent vers l'Alberta, et en particulier vers les terres ancestrales de la Première nation Athabasca Chipewyan, pour s’emparer de leur part de ce butin pétrolier. Ce projet est considéré par certains comme étant Ie plus grand chantier industriel sur terre, et le plus destructeur. On peut même voir de I'espace, à l’œil nu, les terres qui ont été ainsi dévastées.
    Vous pourriez donc penser que tout va bien dans Ie meilleur des mondes économiques, mais il n'en est rien. Malheureusement, la fièvre de l’or noir a changé dramatiquement Ie visage de la région, et, fait plus important encore, elle a bouleversé nos droits issus de traités et notre utilisation des terres ancestrales.
    De nouvelles propositions visent à doubler, voire à tripler Ie nombre de projets d'exploitation des sables bitumineux dans la région, de sorte que les conséquences seront encore plus lourdes et qu’il nous sera impossible d'exercer comme bon nous semble les droits qui nous ont été concédés par traité il y a plus d’un siècle.
    L’enjeu du débat aujourd’hui est différent; nous avons assez de pétrole pour combler nos besoins. Il faut cependant assurer une exploitation et une production sûres, appropriées et équitables des réserves pétrolières existantes. La question est de savoir quels seront pour les Canadiens les coûts environnementaux et humains de ce pétrole. Est-ce que la PNAC et les autres Premières nations du Canada devront payer plus que leur juste part de ces coûts?
    Ne posez pas la question à nos gouvernements, ils n’ont tout simplement pas la réponse. Le gouvernement de l’Alberta se fait tout petit quand il est question de nos droits issus de traités qui devraient nous permettre d’utiliser en toute sécurité nos territoires ancestraux. Nos droits sont donc menacés, mais le gouvernement du Canada n’est pas intervenu et n’a rien fait pour les protéger.
    Les consultations de vive voix avec le gouvernement au sujet des sables bitumineux sont inexistantes, et la PNAC n’a d’autre choix que de recourir aux tribunaux ou d’organiser des campagnes dans les médias.
    Des rapports techniques tout récents ont révélé de graves lacunes dans les processus de surveillance de l’exposition à des substances chimiques, et on ne cherche aucune solution au problème des effets cumulatifs.
    L'honneur de l'État est en jeu. Au lieu de se réfugier derrière des arguments juridiques absurdes, les représentants de l’État, au niveau tant fédéral que provincial, devraient consulter les représentants de la Première nation Athabasca Chipewyan, en personne, de manière appropriée, d'un gouvernement à un autre, et ces négociations devraient prévoir des mesures d'adaptation et d'atténuation des retombées environnementales et économiques.
    Faute de consultations adéquates, les projets d'exploitation des sables bitumineux pourraient être menacés, tout comme la production pétrolière qui en découle. Faute de consultations adéquates, les effets négatifs sur I'environnement pourraient être irréversibles et dévastateurs pour les collectivités autochtones du Nord de l’Alberta et jusqu’aux Territoires du Nord-Ouest.
    Si vous vous interrogez au sujet des enjeux liés aux sables bitumineux du Canada en ce qui concerne la sécurité énergétique, la réponse se trouve dans les retombées énormes de ces projets sur les droits des Autochtones et sur I'environnement.
    À l’heure actuelle, Ie processus de soutien aux consultations risque l’éclatement. Le gouvernement provincial est arrivé à déléguer à l’industrie ses responsabilités en matière de consultation, et ce, même à l’égard des dossiers régionaux et de questions portant sur des répercussions allant au-delà de la région.
    En dépit d'appels continus à cet effet auprès des deux ordres de gouvernement, II n'y a eu aucune consultation directe de la part de l'État. En raison de cette lacune au chapitre des consultations, les droits de la Première nation Athabasca Chipewyan s'érodent peu à peu, et notre capacité à utiliser nos terres est réduite à néant; les résultats des analyses d’échantillons d'eau de la rivière Athabasca ont été contestés en raison de pratiques de surveillance douteuses; les retombées sur la santé humaine, surtout en ce qui a trait aux taux de cancers à Fort Chipewyan, constituent un problème majeur; et, en l’absence de toute mesure d'atténuation, les habitats et les sources de nourriture d’espèces menacées ainsi que d'autres habitats fauniques sont en danger.
    L'absence de consultations minera d'autres batailles juridiques, comme celle des Premières nations de West Moberly, dans la région du Traité no 8, où un projet d'exploitation minière a été stoppé en raison d'un manque de consultation au sujet du caribou, une espèce menacée dans ce secteur. Le caribou des bois est maintenant menacé, et, dans le Nord de l’Alberta, il est en voie d’extinction. Cet animal est très important pour la PNAC des régions où sont exploités les sables bitumineux, car il fait partie de notre alimentation traditionnelle.
    En résumé, la Première nation Athabasca Chipewyan affirme que la sécurité énergétique pétrolière consiste non pas à avoir suffisamment de pétrole, mais plutôt à exploiter de façon appropriée les immenses réserves pétrolières existantes.

  (1120)  

La sécurité énergétique du Canada est menacée par l’incapacité de l'État à mener des consultations appropriées en ce qui a trait aux retombées massives du plus grand projet industriel du monde. Ce chantier se trouve dans notre cour; en ce qui concerne la Première nation Athabasca Chipewyan, Ie chantier n'est pas que dans la cour, puisque nous sommes dedans. Voila Ie type d'exploitation intensive à laquelle la Cour suprême du Canada faisait allusion lorsqu’elle a tenu l'État de consulter de façon étendue les peuples autochtones.
Nous demandons aux gouvernements du Canada et de l'Alberta de s'acquitter de leurs responsabilités constitutionnelles et, ce faisant, de protéger la sécurité énergétique du Canada.
Je vous remercie de m'avoir donné la chance de m'exprimer.
    Merci beaucoup, monsieur Lepine, de cet exposé.
    Nous sommes finalement rendus à M. Ezra Levant. Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Levant.
    Merci de m'avoir invité.
    Nous allons peut-être, un jour, découvrir un combustible qui n'a aucun effet négatif sur l'environnement, qui est abordable et qui est commode; mais d'ici là, nous avons besoin de pétrole. Et pas seulement pour nous: il y a aussi les États-Unis, à qui nous vendons chaque jour 1,4 million de barils de pétrole extraits des sables bitumineux.
    L'an dernier, pour la première fois, il s'est vendu plus d'automobiles en Chine qu'aux États-Unis. Les Chinois veulent eux aussi deux automobiles par famille. C'est la même chose en Inde et dans les autres pays en développement.
    Nous ne pouvons pas choisir entre le pétrole extrait des sables bitumineux et un carburant de rêve. Nous devons choisir entre le pétrole extrait des sables bitumineux et le pétrole acheté d'autres pays, principalement les pays de l'OPEP. Je ne sais pas à quoi Dieu pensait lorsqu'Il a distribué les réserves de pétrole, mais Il les a toutes données aux salauds du monde entier — l'Arabie saoudite, l'Iran, le Venezuela et le Nigéria. Parmi les 10 pays qui possèdent les plus grandes réserves de pétrole, le Canada est la seule démocratie occidentale libérale.
     Cela n'a pas d'importance pour ceux qui ne se préoccupent que de leur voiture; le pétrole brûle de la même façon, quelle que soit son origine. Mais qu'en est-il de l'éthique du pétrole? Dans mon livre, Ethical Oil — j'en donnerai avec plaisir un exemplaire à tout le monde, courtoisie de mon éditeur, après mon exposé —, je propose quatre valeurs libérales qui pourraient servir de paramètres de la moralité d'un baril de pétrole: le respect de l'environnement; la paix; un salaire équitable pour les travailleurs; les droits de la personne. Je compare le pétrole extrait des sables bitumineux au pétrole de l'OPEP en utilisant ces quatre paramètres. J'en arrive à la conclusion que les sables bitumineux sont le café équitable de l'industrie pétrolière mondiale.
     Prenons l'environnement. Dans les images de propagande diffusées par Greenpeace, les sables bitumineux ont l'apparence du Mordor du Seigneur des anneaux. Mais les sables bitumineux ne sont exploités de cette façon que sur 2 p. 100 seulement du territoire, là où l'on retrouve 20 p. 100 de la ressource. Pour exploiter le reste des ressources in situ, en profondeur, il faut utiliser d'autres méthodes, qui n'endommagent pas la surface. Ces méthodes n'utilisent pas l'eau des rivières; de toute façon, le territoire qui aura été creusé, cette superficie de 2 p. 100, doit être remis en état par la suite. Plus de 60 kilomètres carrés ont déjà été remis en état. Comparez la situation avec celle du Nigéria, où 2 000 sites de déversement de pétrole toxique ne seront jamais nettoyés.
    Il y a ensuite la question du dioxyde de carbone. Selon le modèle d'analyse du puits à la pompe du gouvernement Obama, le pétrole extrait des sables bitumineux a une empreinte carbonique semblable à celle du pétrole en provenance du Nigéria ou de l'Irak, dont les pertes en gaz naturel sont énormes. Mais l'empreinte carbonique du pétrole canadien est moins importante que celle du pétrole que les États-Unis importent du Venezuela et beaucoup moins importante que celle du pétrole produit dans l'État de Nancy Pelosi; on ne parle pas du « pétrole lourd de la Californie » pour rien.
    Donc, si vous vous préoccupez des émissions de carbone, ne pensez-vous pas qu'il faudrait remplacer le pétrole à teneur élevée en carbone du Venezuela et de la Californie par notre pétrole, extrait des sables bitumineux, dont la teneur en carbone est moindre? Depuis 1990, l'empreinte carbonique du baril de pétrole moyen extrait des sables bitumineux a diminué de 38 p. 100. J'ai hâte de voir où nous en serons dans 10 ans.
    Mais l'environnement n'est pas la seule mesure de l'éthique. Qu'en est-il de la paix?
    C'est le Canada qui a inventé les missions de maintien de la paix. L'Arabie saoudite a inventé les attentats du 11 septembre. L'Iran utilise les profits tirés de son pétrole pour fabriquer une bombe nucléaire. Le Soudan utilise les profits tirés de son pétrole pour acheter des armes et poursuivre le génocide au Darfour. Il y a eu au Darfour 300 000 meurtres. Si vous multipliez ce nombre par 185, le nombre d'onces de sang dans le corps humain, et si vous divisez ce produit par le nombre de barils de pétrole que le Soudan a exportés pendant cette période, vous arriverez au résultat suivant: il y a 6,5 millilitres de sang dans chaque maudit baril. C'est la contenance d'un tube de rouge à lèvres.
    Qu'en est-il maintenant des salaires équitables? Fort McMurray est la ville la plus riche du Canada — et c'est aussi la plus généreuse, selon Centraide. Les travailleurs pauvres de cette ville, ceux qui se situent au quartile inférieur, ont un pouvoir d'achat supérieur de 77 p. 100 à celui des travailleurs pauvres d'autres villes, comme Edmonton. Comparez ces données à la situation en Arabie saoudite, qui emploie des immigrants à bas salaire et ne leur donne aucun droit civil; ou à la situation au Nigéria, où les dictateurs comme les bureaucrates ont volé au Trésor public plus de 300 milliards de dollars, faisant de ce pays l'un des plus pauvres du monde.
    Il y a ensuite la question des droits de la personne. Le maire de Fort McMurray est une jeune femme, Melissa Blake. Combien y a-t-il de mairesses en Arabie saoudite? Il n'y en a pas. La loi l'interdit. En Iran, les femmes sont lapidées à mort, si elles sont accusées d'adultère. Ahmadinejad affirme qu'il n'y a pas d'homosexuels en Iran. Et vous savez quoi, il ne ment pas, puisqu'il tue tous ceux qu'il trouve.
    Il faut ajouter que l'industrie des sables bitumineux est le principal employeur d'Autochtones au Canada. En plus de leur offrir 2 000 emplois directs, elle fait gagner des milliards de dollars aux entreprises appartenant à des intérêts Autochtones.
    Si la moralité ne vous intéresse pas, achetez donc du pétrole de l'Iran ou du Soudan. Il est d'aussi bonne qualité que le pétrole canadien. Mais si vous croyez qu'il est possible de vivre dans un monde meilleur, la morale vous oblige à remplacer le pétrole sans éthique de l'OPEP par du pétrole canadien qui est écologique, qui n'est pas une source de conflit, qui assure un salaire équitable et qui respecte les droits de la personne.
    Le chef de l'opposition dit qu'il est important de commercer davantage avec la Chine et l'Inde. Je suis d'accord. À l'heure actuelle, ces pays sont forcés d'acheter leur pétrole à des terroristes, à des dictateurs, au Darfour, car nous ne vendons notre pétrole qu'aux Américains, actuellement. J'aime nos voisins du sud, mais il est dangereux de n'avoir qu'un seul client pour nos produits. Nous sommes à la merci du protectionnisme et des taxes, et on nous tient parfois pour acquis. C'est pourquoi le pipeline de la côte Ouest a une si grande valeur stratégique. Il fait de nous un pays indépendant, qui peut exercer des choix.
    Je trouve très irritant de constater qu'un si grand nombre de militants qui s'opposent aux sables bitumineux sont financés par des groupes de lobbyistes américains comme la Tides Foundation. Bien sûr, il est dans l'intérêt des Américains qu'aucun autre consommateur ne puisse acheter le pétrole canadien, mais il est dans l'intérêt du Canada de pouvoir le vendre à qui il veut, et, sous l'angle de l'éthique industrielle, c'est aussi dans l'intérêt du monde.

  (1125)  

    Bien des gens observent la façon dont le Canada agit dans le dossier des sables bitumineux — les Canadiens, mais également l'ambassadeur des États-Unis. Il espère que les pipelines cesseront d'être utilisés, de façon à pouvoir conserver le pétrole pour lui tout seul. L'ambassadeur de l'Arabie saoudite nous observe lui aussi. Il nous observe peut-être ensemble, je ne sais pas. Il espère également que le pipeline sera fermé, de façon à ne pas perdre de parts de marché en Asie, puisqu'il a déjà perdu des parts de marché aux États-Unis. Mais pour tous ceux qui aiment le Canada, une plus grande exploitation des sables bitumineux est une bonne chose pour notre pays et pour tous ceux qui pensent mondialement et agissent localement, car chaque baril de pétrole extrait des sables bitumineux que nous vendons en Asie ou aux États-Unis est un baril de moins vendu aux terroristes et dictateurs du monde entier.
    Merci.
    Merci de votre exposé, monsieur Levant.
    Nous avons entendu tous les exposés. Nous passons directement aux questions et commentaires.
    Monsieur Coderre.
    J'aime le Canada, alors je vais construire un pipeline. D'accord.

[Français]

    C'est à peu près ça. Ah, ah!

[Traduction]

    Oui.
    Je vais rester poli, car vous pourriez dire de mauvaises choses à mon sujet, comme vous l'avez fait à Julian Assange dans le Toronto Sun. On pourrait mettre ma tête à prix.
    Monsieur Thompson, c'est un enjeu grave, c'est une ressource stratégique. Avant de poser des questions, j'ai jugé bon d'aller à Fort McMurray. J'ai parlé à la plupart des intervenants, y compris des représentants des Premières nations. Tout est une question de perception. L'inclusivité n'est pas au rendez-vous, ou, comme le croient certaines personnes, il manque de surveillance. J'ai vu tous vos chiffres. J'ai entendu parler de vos chiffres.
    Pourquoi pensez-vous que, selon certaines personnes, vos chiffres concernant la toxicité et tout cela ne sont pas justes? Auriez-vous dû faire quelque chose de plus? J'ai parlé à des représentants des Premières nations qui m'ont dit qu'ils n'avaient pas été consultés. Les représentants de votre groupe m'ont répondu qu'ils embauchaient davantage d'Autochtones et que ces derniers participent. Ils ont aussi parlé de Fort McKay, entre autres.
    Il est évident qu'il s'agit d'une ressource stratégique, mais on ne peut pas l'exploiter à tout prix. L'environnement est important également. Ce n'est pas un menu à la carte; il faut tenir compte de tous les aspects. À votre avis, aux fins de notre étude, qu'est-ce que l'industrie devrait améliorer si elle veut s'assurer que, partout au pays, les gens croient que l'expansion est importante?
    Monsieur Thompson, allez-y.
    La première chose à faire, à mon avis, est de diffuser plus largement le message. Il est juste de dire que, pendant que nous mettions au point de nouvelles technologies, pendant que nous nous assurions de leur robustesse et de leur intérêt pour les investisseurs, nous n'avons pas consacré beaucoup de temps à communiquer avec nos intervenants, en particulier les intervenants de l'extérieur de Fort McMurray. Les autres ont profité de cette lacune. Je vais continuer de travailler personnellement sur ce dossier. J'ai prononcé plus d'une centaine de discours en Amérique du Nord, l'an dernier, sur la réputation des sables bitumineux, pour renseigner les gens sur ce que nous faisons. Quand ils apprennent l'existence, par exemple, de la Wood Buffalo Environmental Association, les gens sont impressionnés.
    Je peux me féliciter de cela; j'ai mis sur pied la Wood Buffalo Environmental Association il y a bien des années, avec un de mes collègues de Suncor, et nous nous sommes appuyés sur des aspects primordiaux. Premièrement, nous voulions combiner les deux réseaux de surveillance de la qualité de l'air qui existaient à l'époque: moi, à Syncrude, et lui, à Suncor. Deuxièmement, nous voulions que le régime soit beaucoup plus englobant et transparent. Nous avons donc créé une association et invité divers intervenants à y participer. À cette époque, tout comme aujourd'hui, les intervenants de toute la région, y compris les Premières nations, pouvaient participer. On peut dire la même chose du Programme de surveillance aquatique régionale. En effet, les Premières nations peuvent participer aux programmes de surveillance aquatique de la région.
    Ces deux organismes sont donc très inclusifs, tout comme l'est la Cumulative Environmental Management Association: les Premières nations en sont toujours membres. Quand on parle d'influer sur des programmes, c'est également vrai.
    Je crois qu'au bout du compte, les gens, soit ne désirent pas s'informer, soit ne comprennent pas ce qui se passe. Je ne connais pas d'endroit en Amérique du Nord où on peut trouver un trio semblable d'organismes de gestion et de surveillance plus étendus.

  (1130)  

    Monsieur Thompson, il subsiste quelques problèmes, cependant. Certains sont de nature scientifique. Je crois que l'industrie aurait intérêt à s'y attaquer. J'essaie de comprendre. M. Schindler a présenté d'autres chiffres, et certains experts ne sont pas d'accord avec vous. Croyez-vous que nous avons besoin d'une meilleure surveillance? Il y a la question de la toxicité, mais aussi la question de l'eau. Vous dites que vous vous en êtes occupés. Comment percevez-vous le rôle du gouvernement fédéral? Le gouvernement du Canada et celui de l'Alberta ont déjà signé une convention qui prévoit des programmes de surveillance. Croyez-vous que nous devrions avoir un plus grand rôle à jouer? Que devrions-nous faire, en tant que gouvernement?
    Le gouvernement fédéral participe au Programme de surveillance aquatique régionale depuis le premier jour et il a toujours exercé son influence sur la portée et sur l'objet de celui-ci. D'un autre côté, nous avons un article de M. Schindler, dont la portée chronologique et géographique est limitée. De notre côté, nous avons 13 années de travail, 2,5 millions de points de données et un Programme de surveillance aquatique régionale d'une portée beaucoup plus large.
    Nous avons également deux comités qui étudient cette question en ce moment même. Si nous devons apporter quelque changement que ce soit pour suivre les recommandations de ces comités, nous le ferons.
    Monsieur Lepine, je voulais bien sûr lui poser cette question d'abord de façon que vous puissiez y réagir, car c'est une question importante. L'inclusivité et la transparence exigent que les Premières nations soient également des acteurs. Aujourd'hui, certains représentants de l'industrie disent faire ce qu'il faut. Vous dites le contraire. Comment réagissez-vous aux commentaires de M. Thompson?
    Il a parlé du PSAR, le Programme de surveillance aquatique régionale de la Cumulative Environnemental Management Association. La Première nation Athabasca Chipewyan a déjà fait partie de ces organisations, mais nous nous sommes retirés, car, à notre avis, les résultats que l'on nous présentait n'étaient pas adéquats.
    Là d'où je viens, les Aînés vivent en communion avec la nature, et ils ont vu des changements. Les poissons des lacs et de la rivière ont des malformations. Les animaux tombent malades. Les plantes médicinales tombent malades. Notre mode de vie traditionnel en entier devient plutôt...
    Il ne me reste plus beaucoup de temps, mais j'aimerais dire que la question du cancer me préoccupe particulièrement.
    Oui, c'est un grave problème.
    Nous disons qu'il y a davantage de cas de cancer. Est-ce que nous faisons un suivi quelconque? Est-ce que nous avons des chiffres pour le prouver?
    À l'heure actuelle, les seules preuves que nous avons, outre les données du PSAR, sont celles du rapport de David Schindler. Son étude est à mon avis l'une des plus fouillées qui aient été réalisées. Je crois que nous avons besoin d'autres études de ce type. Pour le moment, nous ne pouvons pas montrer du doigt les exploitants des sables bitumineux ni qui que ce soit. À l'heure actuelle, comme le taux de cancer a tellement augmenté au cours des 20 dernières années, la seule réponse évidente, c'est que le problème nous vient directement du sud, là où on exploite les sables bitumineux.

  (1135)  

    Merci, monsieur Lepine. Merci, monsieur Coderre.
    Nous cédons maintenant la parole à madame...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    À propos d'un rappel au Règlement, monsieur Cullen.
    Pour le bénéfice du comité, et parce que je cherche à comprendre comment notre comité fonctionne, j'aimerais souligner que nous avons demandé à plusieurs reprises que les autres séances soient télévisées. C'est un enjeu national si important, qui touche des millions de Canadiens. Pourtant, aujourd'hui — et je ne veux pas porter d'accusations injustes, monsieur le président —, la séance est télévisée, je comprends mal pourquoi. Il y a ici aujourd'hui un ancien candidat et un ancien employé du Parti conservateur; les autres jours, nous avions demandé que la séance soit télévisée afin que les Canadiens puissent suivre nos débats, en vain.
    Ce que j'aimerais savoir, pour assurer la bonne marche du comité, c'est par quel processus nous en sommes arrivés là, puisque la situation — vous me comprenez — peut me sembler douteuse et peut-être semble-t-elle douteuse aux yeux d'autres membres du comité et des Canadiens qui nous regardent.
    Merci, monsieur Cullen.
    En fait, le processus est très simple. Si un membre du comité demande qu'une séance soit télévisée, elle le sera, dans la mesure où nous pouvons trouver une salle dotée d'installations appropriées. Le greffier fait de son mieux, chaque fois qu'on le lui demande. C'est aussi simple que cela, en réalité.
    C'est aussi la première fois que l'on demande qu'une séance sur ce sujet soit télévisée.
    C'est aussi un coup de chance, car on a demandé à plusieurs reprises que les séances de notre comité soient télévisées, et toutes ces demandes ont été refusées. C'est vraiment par chance que cette salle-ci ait été disponible?
    Est-ce que l'on a présenté des demandes à l'égard d'autres réunions?
    Je n'ai reçu aucune demande officielle.
    Nous n'avons reçu aucune demande.
    Dans le cadre de cette étude en particulier, certes, mais nous avions déjà présenté des demandes, auparavant, de toute évidence.
    Merci, monsieur Cullen.
    Monsieur Anderson.
    Monsieur le président, je ne vois pas vraiment pourquoi M. Cullen... Je crois que nous avons déjà parlé de cela. Il sait très bien que, s'il demande à passer à la télévision, nous essaierons de le satisfaire. Je me demande s'il ne cherche pas à faire de l'obstruction; nous devrions revenir à nos témoins.
    Ce serait l'obstruction la plus courte de toute l'histoire du Parlement.
    Monsieur Cullen, veuillez tout simplement présenter au greffier vos demandes si vous voulez qu'une séance soit télévisée. S'il peut trouver une salle qui convient, la séance pourra être télévisée.
    Comme je l'ai déjà dit, monsieur le président, et je le dis également à l'intention du greffier — je ne veux pas porter des accusations injustes, car il fait bien sûr du bon travail —, je voulais tout simplement m'informer au sujet de notre processus.
    Il fait de son mieux.
    Il fait vraiment de son mieux.
    Je suis certain qu'il essaiera de trouver une salle où la séance pourra être télévisée, si une demande est présentée.
    Merci.
    Allez-y, je vous en prie, madame Brunelle; vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lépine, bonjour. Je suis troublée par ce que vous nous dites aujourd'hui. Vraiment, on sait...

[Traduction]

    Un instant, s'il vous plaît.
    Entendez-vous la traduction?
    Bien.

[Français]

    Donc, on recommence.

[Traduction]

    Excellent.

[Français]

     Bonjour à tous les gens qui nous voient à la télévision. Ah, ah!
    Des voix: Ah, ah!

[Traduction]

    Poursuivez, madame Brunelle.

[Français]

    Bonjour, monsieur Lépine. Ce que vous nous dites concernant les Premières nations me trouble beaucoup.
    On a entendu parler, évidemment, des recherches de M. Schindler sur la rivière Athabasca. Il y en a eu des échos jusqu'au Québec. J'aimerais que vous nous disiez à quel point cette rivière est polluée et de quelle manière vous vous en servez.
    Il y a autre chose que j'aimerais savoir. Vous nous dites dans votre présentation que « les droits de la Première nation Athabasca Chipewyan s'érodent peu a peu » et que votre « capacité à utiliser vos terres est réduite à néant. »
    J'aimerais comprendre. Est-ce que vous aviez une entente avec le gouvernement fédéral sur l'utilisation des terres? Elle date de quand? Et qu'est-ce que vous voulez dire par là? On ne respecte pas vos droits?

[Traduction]

    Monsieur Lepine, c'est votre tour.
    C'est une bonne question.
    Nous avons signé le Traité no 8 en 1899. Il nous donnait le droit de chasser, de pêcher et de trapper. Aujourd'hui, il est à peu près impossible d'aller dans les régions où nous allions il y a 40 ans. Des lacs qui existaient encore il y a 20 ans ont disparu. Il y a des signes de contamination le long des berges, qui sont couvertes d'une drôle de substance mousseuse, pour laquelle les Aînés n'ont pas de nom, car ils n'avaient jamais vu cela auparavant.
    Le chenal principal qui se rend jusqu'au lac Athabasca laisse une trace argentée. Le delta des rivières de la Paix et Athabasca reçoit plusieurs affluents; c'est l'un des plus importants deltas d'eau douce du monde. Nous utilisions beaucoup de ces affluents pour aller dans des régions qui aujourd'hui sont rendues inaccessibles par le manque d'eau.
    L'industrie a besoin de quatre barils d'eau pour extraire un baril de pétrole du sol. Si on fait le calcul, je crois qu'en une seule journée, des millions de barils d'eau sont extraits de la rivière. Si l'Athabasca disparaît... C'est l'un des principaux cours d'eau, et nous l'utilisons depuis des siècles. Je vois déjà le jour où cette rivière ne sera plus qu'un tout petit ruisseau; on l'appellera le ruisseau Athabasca. Si l'exploitation minière se poursuit à ce taux infernal, je suis convaincu que la rivière Athabasca se transformera en ruisseau et que l'eau deviendra introuvable.
    L'industrie utilise maintenant l'eau des nappes souterraines. Ils affirment qu'ils ne contamineront pas l'eau souterraine, mais, s'ils y touchent, il y aura une incidence sur les cours d'eau souterrains et, au bout du compte, sur la rivière Athabasca. Des affluents et des lacs qui existaient il y a 30 ou 40 ans ont aujourd'hui disparu. Des aînés pourraient vous amener à divers endroits; vous verrez des prairies là où il y avait des lacs. Vous pouvez aujourd'hui traverser à pied les lieux où il y avait autrefois de l'eau.
    Le taux de cancer à Fort Chipewyan a quadruplé au cours de la dernière décennie. En un mois, nous avons enterré sept personnes, mortes d'un cancer très rare. Si rare, dans un cas, qu'il ne touche qu'une personne sur 100 000. La population de Fort Chipewyan, où j'habite, n'est que de 1 200 personnes. Alors, expliquez-moi pourquoi, en une seule année, deux personnes sont mortes de cette forme rare de cancer. D'où vient-il? Voilà les questions que l'on pose. La seule réponse que l'on ait trouvée, c'est que cela vient des méthodes utilisées aujourd'hui pour extraire le pétrole du sol.

  (1140)  

[Français]

    Mais comme vous n'avez plus la possibilité de consulter, comment allez-vous vous y prendre? Si vous attendez d'être entendus par les tribunaux, tout le monde va être mort! Et vraiment, les dégâts à la faune et à la flore vont être irréparables.
    Est-ce que vous pensez qu'on peut suggérer des choses au gouvernement? Faudrait-il un type de table de concertation permanente entre les Premières nations et les différents paliers du gouvernement, qui auraient l'obligation de se réunir, l'obligation d'agir surtout et l'obligation de résultats. Je crains que si on laisse les choses aller comme ça, ça va prendre des dizaines d'années et il n'y aura absolument rien de réglé.

[Traduction]

    Oui, parfaitement. En ce qui concerne le processus de consultation, comme je l'ai dit plus tôt, l'État ne fait aucune consultation. À mon avis, si je ne me trompe pas, le Canada a le devoir de consulter les Autochtones, les Premières nations, avant de lancer un projet de mise en valeur, avant de commencer à planifier. Mais il ne le fait pas.
    Cela se passe de la façon suivante: les représentants de l'industrie viennent chez nous, à Fort Chipewyan, et nous consultent. Ils nous parlent de leurs plans. Ils nous parlent de leurs projets. Il n'y a aucun représentant du gouvernement. Nous adorerions que des représentants du gouvernement nous proposent des méthodes plus sûres et plus adéquates pour l'extraction de ce type de pétrole, des méthodes qui assureraient la sécurité non seulement de mes enfants, mais celle de vos enfants également. Et de tous nos arrières-petits-enfants, ceux qui ne sont pas encore nés, seront touchés si l'exploitation continue à ce rythme. Tout ce que nous demandons, c'est une consultation adéquate.
    À mon avis, le processus actuel est imparfait. Nous n'avons pas pu discuter de façon appropriée avec des représentants du gouvernement. Nous ne discutons jamais qu'avec des représentants de l'industrie. Ce sont toujours des gens de l'industrie ou de l'ERCB. Nous adorerions pouvoir discuter — chaque mois, peut-être — avec des représentants du gouvernement fédéral. Chaque fois qu'un projet est proposé, nous aimerions pouvoir nous asseoir avec des représentants du gouvernement et discuter.
    Il y a aussi des gens de l'étranger, des investisseurs étrangers qui viennent ici, et ces gens-là ne savent même pas qui nous sommes, les peuples autochtones. Nous aimerions beaucoup qu'ils le sachent.
    C'est tout le processus de consultation qu'il faut repenser.
    Merci, madame Brunelle.
    Nous passons maintenant à M. Cullen, qui aura sept minutes. Allez-y, s'il vous plaît.

  (1145)  

    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, de vous être présentés ici aujourd'hui.
    Vous venez tout juste, monsieur Lepine, de parler de du besoin de consultations. On dit souvent que les Premières nations s'opposent au développement, que, sur le plan idéologique, ils s'opposent à l'exploitation des sables bitumineux. Dans votre dernière phrase, vous ne m'avez pas semblé vous opposer au développement; vous me semblez plutôt vouloir que l'on vous consulte avant que des permis soient délivrés.
    C'est exactement cela.
    Nous avons entendu M. Thompson et d'autres intervenants de l'industrie nous dire que les relations entre l'industrie, le gouvernement et les Premières nations étaient plutôt bonnes. L'industrie emploie beaucoup d'Autochtones — c'est le principal employeur de l'Alberta —, les choses vont bien, vous faites de l'argent. Il y a peut-être quelques problèmes environnementaux, quoique l'industrie de l'énergie dise le contraire.
    Je crois que l'on ne peut reprocher aux Canadiens d'être déroutés. Selon une des versions, les relations entre les Premières nations et l'industrie pétrolière dans le Nord de l'Alberta sont merveilleuses. Selon votre version, les choses ne se passent pas comme cela.
    Vous savez, le Canada veut toujours soutenir industrie et promouvoir l'emploi. Comme je l'ai dit, notre collectivité ne compte que 1 200 personnes. Elle veut promouvoir l'emploi. Elle veut encourager l'exploitation des sables bitumineux et la production de pétrole. Mais ce qu'elle ne sait pas, et ce que le gouvernement du Canada semble vouloir taire, c'est que, en plus du taux de cancer à Fort Chipewyan — j'aimerais pouvoir aller dans le bois et chasser. J'aimerais pouvoir aller à la chasse et tuer un orignal, mais aujourd'hui, il nous faut toujours aller de plus en plus loin.
    Vous avez dit quelque chose, dans votre exposé, au sujet des effets cumulatifs des projets de mise en valeur qui n'arrêtent de se succéder. On dirait que l'on examine chacun des projets isolément, comme s'ils se déroulaient dans une autre partie du monde.
    Exactement.
    Notre comité essaie de se renseigner sur la sécurité énergétique; or, la sécurité énergétique, au Canada, comprend également la sécurité de l'environnement; nous devons nous assurer de pouvoir continuer à le protéger dans un avenir prévisible.
    Êtes-vous en train de dire que les effets cumulatifs sont une des clés qui permettront de comprendre la composante environnementale de la sécurité énergétique?
    C'est crucial.
    Je vais poser la question à M. Thompson. Des représentants de l'IPAC de même que des représentants de Syncrude, de Suncor et de bon nombre des grandes entreprises pétrolières en Alberta disent que le Canada a besoin d'un programme de sécurité énergétique. Est-ce que les membres de votre groupe sont de cet avis, ou êtes-vous en désaccord avec cette proposition?
    En fait, à ce sujet, je crois que l'un des problèmes auxquels notre pays fait face, c'est la nécessité de s'assurer que toutes les formes d'énergie sont bien comprises et qu'elles contribuent à notre sécurité énergétique à long terme. Pour cette raison, nous ne serions pas contre l'établissement d'un programme énergétique stratégique.
    Dans le même ordre d'idées, alors, et compte tenu de ma conversation avec M. Lepine, on sent une certaine frustration qui vient du fait que, lorsque le gouvernement évalue les projets qu'on lui propose, il ne tient jamais compte des effets cumulatifs de l'ensemble des projets sur le bassin hydrographique. Chaque projet est étudié en vase clos. L'ex-premier ministre Lougheed l'a déjà dit: il n'y a jamais eu de programme, et nous avons besoin d'un programme.
    Ne répétons-nous pas les erreurs du passé? Laissez-moi préciser une chose, car je crois que c'est important pour les Canadiens — les fiers Canadiens, comme on l'a déjà dit. L'on approuve maintenant des projets qui visent explicitement à exporter du bitume brut par pipeline vers d'autres endroits afin de le traiter et de le raffiner. C'est bien cela?
    Pour commencer, allons-y de façon ordonnée.
    En ce qui concerne les effets cumulatifs, tous les processus de réglementation qui ont été effectués, d'aussi loin que je me souvienne, en remontant jusqu'aux années 1970, ont exigé une évaluation des effets cumulatifs dans le cadre de l'évaluation des impacts environnementaux. C'est une exigence fondamentale. Si vous examinez les évaluations des impacts environnementaux ou tout processus réglementaire touchant des projets d'exploitation des sables bitumineux, vous constaterez qu'ils sont complets.
    Deuxièmement, en Alberta, la mise en oeuvre du plan régional de la basse Athabasca est commencée. Il s'agit justement d'un plan régional d'envergure qui porte sur les effets cumulatifs. Quant au territoire, à titre d'exemple, si vous comptez le parc national Wood Buffalo et le secteur du Nord-Est de l'Alberta, qui compte pour 20 p. 100 de la région, pour laquelle la province de l'Alberta a demandé des plans, vous avez au total à peu près 40 p. 100 du territoire du Nord-Est de l'Alberta qui est laissé de côté, libre de tout projet d'exploitation. Je ne sais pas combien de pays dans le monde peuvent dire la même chose.
    En ce qui concerne...
    Je voudrais aussi des précisions sur les exportations de brut. On dit souvent que la sécurité énergétique est abordable et durable. Selon les estimations actuelles, chaque fois que l'on exporte par pipeline 525 000 barils de bitume brut, on entraîne la perte d'environ 15 000 emplois dans le domaine du raffinage et dans des domaines connexes de cette industrie. Est-ce que ce plan va protéger la sécurité énergétique du Canada?
    Le Canada est un marché et une économie d'exportation. Cela veut dire que nous devons exporter du bitume parce que la demande, sur le marché canadien, est insuffisante. Il y a également de nombreuses installations...

  (1150)  

    Je m'excuse, puis-je vous interrompre? Je ne crois pas que ce que vous venez de dire soit nécessairement pertinent.
    Monsieur Cullen, veuillez le laisser terminer sa réponse.
    Je crois qu'il n'a pas bien compris ma question, monsieur le président, je voudrais donc simplement clarifier la question.
    Je ne voulais pas dire que tout le pétrole produit au Canada doit être utilisé au Canada. Ma question porte plus précisément sur le fait que l'on perd des emplois dans ce même pipeline. Si on avait prévu que l'industrie assurerait le raffinage du pétrole en Alberta, en particulier, cela veut dire que, si l'on perd ces milliers d'emplois, la sécurité énergétique du Canada et la possibilité de tirer le maximum de nos ressources naturelles en sont diminuées, n'est-ce pas?
    Voici ce qui se passe, en ce qui concerne notre marché aux États-Unis. Certaines grandes raffineries de pétrole lourd ne sont plus approvisionnées par le Venezuela, le Mexique et les autres États producteurs de pétrole lourd. Il s'est donc créé un marché pour le pétrole lourd canadien dans le sud, et voilà la situation. Le pétrole est exporté là où le marché le demande.
    Pour le moment, la différence de prix entre le bitume et le pétrole brut enrichi ne justifie pas l'établissement d'installations de traitement. On ne parle donc pas d'exporter des emplois; on parle de répondre à la demande du marché.
    J'ai une question. Vous avez parlé, dans votre exposé, de l'aperçu sur l'énergie, préparé par l'Agence internationale de l'énergie. N'est-ce pas?
    Oui.
    Je me demande pourquoi vous avez évité de parler, à propos de cette augmentation de 40 p. 100, de la seconde proposition de l'AEI selon laquelle les gouvernements ne prennent aucune mesure. C'est ce qui explique cette augmentation de 40 p. 100. Cela entraînerait également, selon l'AEI, une augmentation de six degrés de la température du globe. Vous en avez parlé aujourd'hui. Je sais bien que vous avez dit qu'il faisait froid aujourd'hui en Alberta, mais j'espère que vous ne dites pas que cette augmentation prévue de six degrés, dans un scénario qui fait du gouvernement un complice, serait une bonne chose pour la sécurité énergétique du Canada.
    Le gouvernement du Canada a établi sa politique en matière de changements climatiques, et nous attendrons de voir comment elle est mise en oeuvre...
    Nous le ferons tous.
    Nous allons y réagir, mais, pour l'instant, comme je l'ai déjà dit, notre travail consiste à répondre à la demande du marché, à produire l'énergie dont le Canada a besoin et à assurer le bien-être économique des citoyens canadiens.
    Merci, monsieur Cullen.
    Nous passons finalement à M. Anderson, qui dispose de sept minutes.
    Voudriez-vous me faire signe lorsqu'il me restera une minute? J'aimerais laisser une minute ou une minute et demie, environ, à Mme Gallant.
    Je vais poser rapidement mes questions. J'en ai un certain nombre, et je vais peut-être devoir interrompre certaines personnes.
    Monsieur Lepine, je crois que la PNAC compte environ 920 membres. Est-ce que vous représentez le regroupement des gens d'affaires de la PNAC?
    Je ne représente pas le regroupement des gens d'affaires de la PNAC.
    À qui devons-nous nous adresser si nous voulons inviter un représentant de ce regroupement? Savez-vous qui serait cette personne?
    Oui, c'est quelqu'un du nom de Garry Flett. C'est le PDG.
    J'ai remarqué que le regroupement des gens d'affaires de la PNAC chapeaute plusieurs entreprises de la Première nation Athabasca Chipewyan et qu'elle emploie plus de 1 400 personnes. Il existe donc une autre façon de voir comment les choses se passent, dans votre collectivité, au chapitre des débouchés d'emplois qui y sont offerts.
    De ces 1 400 personnes, je crois qu'une vingtaine ou une trentaine de membres de la PNAC travaillent là.
    Pourriez-vous me dire pourquoi les entreprises de votre propre collectivité ne les embauchent pas?
    Parce que bien des gens aimeraient habiter à Fort Chipewyan. Ils aimeraient rester chez eux. Il arrive un moment où ils n'ont d'autre choix que de partir de chez eux et d'aller travailler dans le sud. Des représentants de l'industrie viennent dans nos écoles et font un lavage de cerveau à nos enfants en leur disant de ne pas poursuivre leurs études et d'apprendre plutôt le métier de soudeur ou de tuyauteur. Allez à Fort Chipewyan et demandez aux enfants ce qu'ils veulent faire lorsqu'ils seront grands; ils vous répondront qu'ils veulent être soudeurs ou tuyauteurs.
    Vous me choquez au plus haut point. Mon fils vient d'obtenir son titre de compagnon charpentier, et je ne considère pas que son éducation est limitée. Je crois que c'est un jeune homme qui a fait preuve d'une très grande initiative en faisant cela. Je crois que la plupart d'entre nous pensent la même chose. Les débouchés existent. Ce que vous voulez dire, peut-être, c'est que les gens n'en profitent pas.
    Oui.
    D'accord.
    M. Levant a parlé du financement provenant de l'extérieur. Qui finance votre organisation et votre travail?
    Moi?
    Oui.
    Dans mon domaine, le financement vient directement de l'industrie. Je participe au processus de gestion de l'information sur l'énergie. J'étais chargé de m'assurer de la diffusion du savoir traditionnel touchant l'environnement. Je devais interviewer les aînés et discuter avec eux avant le début d'un projet. L'industrie veut que nous faisions une étude des impacts environnementaux, que nous arrivions, en nous appuyant sur le savoir traditionnel...

  (1155)  

    Donc, l'industrie vous consulte. Elle vous paie un salaire pour que vous lui donniez des informations?
    Oui.
    Monsieur Levant, dans votre livre, parlez-vous de la question des taux de cancer?
    Oui, j'en parle.
    C'est un médecin originaire de la Nouvelle-Écosse, John O'Connor, qui a été le premier à sonner l'alarme, et il n'y est pas allé de main morte. Il a affirmé avoir vu six cas d'un cancer rare, le cancer du canal cholédoque, que l'on appelle un cholangiocarcinome. Dès qu'il en a parlé aux médias, le ministère de la Santé de l'Alberta a décidé d'étudier le dossier, et l'Alberta Cancer Board lui a demandé les dossiers de ses patients. Surprise, il a refusé. L'infirmière en chef lui a expliqué qu'il devait remettre les dossiers relatifs à ces cancers, que la loi l'exigeait. Il n'a jamais accepté. Le Collège des médecins et chirurgiens a donc lancé une enquête déontologique. Ce n'était pas des politiciens ni des administrateurs. Il s'agissait de ses collègues médecins.
    Le Dr O'Connor avait parlé de cas effarants, de six cas de cancer rares, d'une personne de 33 ans qui a succombé au cancer. Il en a parlé pendant deux ans. Finalement, lorsque le rapport déontologique du Collège des médecins et chirurgiens a été publié, il indiquait que cela était inexact, que le Dr O'Connor avait signalé des cas qui n'existaient pas: deux cas sur six, seulement, de cholangiocarcinome existaient. Personne n'a pu retrouver la trace de cette personne de 33 ans qui aurait prétendument succombé au cancer. Plutôt que de punir le médecin, le Collège a voulu rendre public un exposé des faits sur lequel ils pouvaient tous s'entendre, car le médecin avait causé tout un émoi à Fort Chip. Étonnamment, le Dr O'Connor a refusé de publier un exposé des faits avec le Collège. Je le répète, il ne s'agit pas là de politiciens ni d'administrateurs; il s'agit de collègues médecins, qui ont rendu leur décision: le Dr O'Connor avait agi de façon contraire à l'éthique.
    J'ai rencontré le Dr O'Connor il y a quelques semaines, à Calgary, et je lui ai demandé s'il allait interjeter appel de cette décision; on l'avait traité de menteur. Il a dit que non, il n'allait pas interjeter appel, et je crois que cela veut tout dire.
    J'ai une autre question à vous poser.
    Vous avez parlé de la Tides Foundation, je crois, quand il a été question de financement de l'extérieur. La fondation Rockefeller fait partie des groupes organisateurs. Steven Rockefeller a participé à la rédaction de la Charte de la Terre. Dans ce document, on déplore le fait que les modèles dominants de production et de consommation entraînent la dévastation de l'environnement, l'épuisement des ressources et l'extinction massive d'espèces.
    Avez-vous un commentaire à faire sur ce type de financement qui provient de l'extérieur du Canada? Je dirais que c'est un geste anticanadien. Quels en sont les motifs?
    Vivian Krause, qui a déjà témoigné, si j'ai bien compris, a fait des recherches sur toute cette question. Il reste que des groupes de lobbyistes des États-Unis ont dépensé 190 millions de dollars au Canada afin d'avoir une incidence sur notre politique intérieure. J'aime les Américains, mais je ne veux pas qu'ils nous disent comment rédiger nos lois. Ils sont de bons voisins, mais cils ne sont pas nos patrons. Mais ils ne sont pas les seuls. Greenpeace, qui était au départ un groupe de pression canadien, est aujourd'hui une multinationale dotée d'un budget d'un quart de milliard de dollars par année, et son siège social est en Europe.
    Je ne veux surtout pas que des lobbyistes de l'étranger viennent nous dire quelles décisions prendre. Nous devons prendre nos décisions en nous fondant sur les valeurs du Canada. Quand des Américains nous disent de ne pas exporter notre pétrole vers la Chine, que nous devrions rester entièrement dépendants d'eux et de leur marché, est-ce qu'il est dans notre intérêt de le faire? J'ai l'habitude de dire qu'il faut aller là où se trouve l'argent. Qui se réjouirait de la réduction de l'exploitation des sables bitumineux? L'ambassadeur de l'Arabie saoudite.
    Cela ne concerne pas seulement des enjeux environnementaux.
    Tout à fait.
    Il y a un programme idéologique. Il y a un programme en matière politique étrangère. J'aimerais que tout le monde, de Greenpeace à la Tides Foundation, en passant par la Fondation Suzuki, qui a accepté 10 millions de dollars de ces gens, soit tenu de s'enregistrer comme lobbyiste étranger, puisqu'ils acceptent de l'argent étranger.
    J'aimerais laisser la parole à Mme Gallant.
    Je remarque cependant, monsieur Lepine, que vous semblez d'accord avec M. Levant.
    Oui.
    Merci.
    Monsieur le président, nos collègues de l'opposition soutiennent que les compagnies minières canadiennes ne respectent pas les normes d'emploi dans les autres pays, mais qu'ils jugent tout à fait acceptable que les pétrolières étrangères oppriment leurs travailleurs au profit du pétrole canadien. Ici même, aujourd'hui, nous avons entendu des insultes puériles, des gens qui parlent de « sables goudronneux » plutôt que de sable bitumineux.
    Monsieur Levant, qu'est-ce qui se cache derrière cette contradiction? Se peut-il que des entités extérieures ou étrangères influencent d'une manière ou d'une autre nos législateurs?
    C'est en partie à cause du syndrome « pas dans ma cour ». Je crois qu'il y a des gens qui ne veulent pas qu'il y ait des effets sur l'environnement au Canada, mais qui restent indifférents au fait que le Nigéria compte 2 000 sites d'enfouissement de déchets toxiques. Ils restent tout à fait indifférents à l'oppression des femmes de l'Arabie saoudite parce que cela ne se fait pas sous leurs yeux.
    Il y a quelques semaines, 230 canards ont péri parce qu'ils se sont posés sur nos bassins de résidus. Mea culpa, c'est terrible. Mais je ne vais pas parler ici de tragédie, parce que le pétrole de la guerre est une réalité — on parle de 300 000 personnes, au Darfour. Peut-être que si ces 300 000 personnes avaient été des canards, la Tides Foundation s'en serait occupée, mais elle ne s'en préoccupe pas du tout. Savez-vous quoi? Je crois que nous devrions constamment nous améliorer, au Canada. À franchement parler, je suis en partie d'accord avec ce que M. Cullen a dit au sujet d'une amélioration constante et d'une autocritique constante. Et je crois que je suis en fait d'accord avec M. Lepine sur ce point.
    Mais au contraire, plutôt que de viser l'amélioration, c'est le syndrome « pas dans ma cour »... Des gens disent qu'ils préféreraient acheter le pétrole de l'Arabie saoudite, un pays misogyne et terroriste, ou encore le pétrole des Russes — la dictature militaire, l'invasion de la Géorgie —, plutôt que de prendre le pétrole d'ici... Savez-vous quoi? J'ai appris tout cela après avoir écrit mon livre; je ne l'ai su qu'après. La moitié du Canada importe son pétrole. Nous exportons du pétrole de l'Ouest, mais les gens des provinces atlantiques, et même ceux de Montréal... Des navires pétroliers de l'OPEP naviguent sur les eaux canadiennes. Je parie que la plupart des Montréalais ne se rendent même pas compte du fait que, lorsqu'ils font démarrer leur voiture, ils brûlent du pétrole de l'Arabie saoudite, un pays où les femmes n'ont pas le droit de vote.
    J'aimerais que l'on prenne un peu de recul afin de penser mondialement et d'agir localement. Si cela ne vous fait rien d'acheter le pétrole de la guerre au Soudan, allez-y. Mais, je veux tout simplement...

  (1200)  

    Je suis désolé, monsieur Levant, votre temps est écoulé. Et malheureusement, c'est tout le temps dont notre comité dispose pour cette table ronde.
    Merci beaucoup d'avoir présenté des exposés et d'avoir répondu aux questions. C'était une table ronde très informative.
    Nous allons suspendre la séance pour deux minutes, pour accueillir les intervenants de la prochaine table ronde. Nous allons le faire le plus vite possible.
    Monsieur Lepine, vous avez un bref commentaire à faire?
    Je voulais seulement poser une question.
    Bien sûr.
    On m'a prié de vous demander si votre comité allait présenter des recommandations solides pour assurer la sécurité des bisons et des caribous des forêts, aujourd'hui menacés de disparition, et celle des autres animaux, et pour réduire au minimum toute destruction supplémentaire de la région.
    Les membres du comité doivent discuter entre eux avant de présenter leur rapport. Je ne saurais vous répondre avec certitude. Mais les membres du comité ont certainement entendu votre prière.
    Merci.
    Merci beaucoup, tout le monde.
    Nous allons suspendre la séance quelques minutes, puis nous reprendrons les travaux avec le second groupe d'intervenants.

  (1200)  


  (1205)  

    Bon après-midi, mesdames et messieurs.
    Nous en sommes à la seconde table ronde et nous allons poursuivre notre étude sur la sécurité énergétique au Canada.
    Pour notre seconde table ronde, nous accueillons Ian Potter, chef de l'exploitation, Alberta Innovates Technology Futures. Bienvenue. Nous accueillons aussi Mme Vivian Krause, à titre personnel. Bienvenue. Nous accueillons également Mme Jessie Inman, directrice exécutive, Expansion de l'entreprise, de HTC Purenergy Inc. Bienvenue.
    Nous allons entendre les exposés dans l'ordre indiqué sur l'ordre du jour. Nous commençons par Ian Potter, d'Alberta Innovates Technology Futures. Allez-y, vous avez sept minutes.
    C'est un plaisir de représenter Alberta Innovates Technology Futures ici aujourd'hui. J'aimerais préciser à l'intention de ceux qui ne nous connaissent pas que nous nous appelions à l'origine l'Alberta Research Council. Il y a eu une restructuration, le 1er janvier 2010, dans le cadre de la restructuration provinciale du système d'innovation.
    Ce domaine est très vaste et très complexe. Dans mon esprit, je suis un gars tout simple. Mon épouse dit de moi que je suis un gars très simple. Je vais donc m'en tenir à des faits très simples. La question de la sécurité énergétique est très vaste; on peut même avoir de la difficulté à la définir. Vous allez trouver de nombreuses définitions. Je suis convaincu que vous en avez entendu plusieurs pendant vos travaux. Mais, en termes simples, les Canadiens moyens veulent avoir de l'électricité lorsqu'ils actionnent un commutateur, ils veulent de l'eau chaude lorsqu'ils tournent le robinet, et ils veulent de l'essence lorsqu'ils vont à la station-service. Malheureusement, ils veulent tout cela à un prix raisonnable, peu importe ce que cela veut dire aujourd'hui. Ils veulent aussi que les méthodes de production d'énergie soient respectueuses de l'environnement — dans la mesure où cela ne coûte pas plus cher.
    La réalité de la sécurité énergétique du Canada est très complexe. Nous importons et nous exportons de l'énergie sous toutes ses formes. Il s'agit parfois de matières brutes comme le pétrole, le charbon ou l'uranium. Mais nous avons aussi l'électricité, un vecteur énergétique qui nous permet de transmettre de l'énergie aux États-Unis et à d'autres provinces. Nous vivons dans un pays immense et peu peuplé où la température atteint des extrêmes extraordinaires. La construction de l'infrastructure nécessaire pour exploiter les ressources et fournir de l'énergie aux Canadiens a été l'un des projets les plus ambitieux et les plus complexes, sur le plan technique, de tous les temps. À mon avis, nous avons été très chanceux de pouvoir compter sur des gens qui ont relevé le défi et qui ont trouvé en eux l'énergie nécessaire pour agir.
    Envisageons la sécurité énergétique dans son ensemble. Je suis d'accord avec les résultats présentés dans le rapport du séminaire Capstone de 2009-2010, publié par l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa, où l'on dit que huit facteurs interdépendants influent sur la sécurité énergétique du Canada: la diversité du bouquet énergétique du Canada, le degré de transparence du marché, l'investissement, le libre marché dans le secteur énergétique canadien, l'infrastructure énergétique, l'intensité énergétique, l'environnement et les considérations géopolitiques.
    Mais à mon avis, d'autres aspects plus complexes viennent brouiller les cartes de la sécurité énergétique et le rôle de soutien que les gouvernements doivent jouer. Tout d'abord, la gestion du risque. Notre rôle, en tant que gouvernement, consiste à gérer les risques et à les comprendre. Nous ne maîtrisons peut-être pas parfaitement la matière, mais nous pouvons gérer le niveau d'incertitude et atténuer les risques dans le cadre d'un processus continu.
    Deuxièmement, la souveraineté. Prenons par exemple l'Arctique — la souveraineté sur les territoires de l'Arctique est contestée. À qui appartiennent-ils? À quel pays? Où est la ligne de démarcation?
    Troisièmement, et j'en suis convaincu, nous devons devenir le chef de file mondial de la gouvernance énergétique et environnementale. Le Canada est-il une superpuissance énergétique ou un simple commerçant? Quelles mesures devons-nous prendre pour être reconnus comme une superpuissance énergétique plutôt que de nous contenter d'affirmer que nous le sommes?
    Quatrièmement, il y a le problème des liens de cause à effet. Dans bien des cas, les pays qui produisent de l'énergie le font à grande échelle. Les conséquences sur l'environnement sont également énormes. Mais d'autres défis ont pour enjeu le bien-être social et économique des collectivités.
    Pour terminer, l'innovation. On croit naïvement qu'on pourrait comprendre et gérer tous ces enjeux en innovant dans des secteurs comme le développement technologique, les cadres stratégiques et la gestion des services de santé. À mon avis, une stratégie en matière d'innovation est la clé de la sécurité énergétique. Les récents travaux du Conseil canadien des chefs d'entreprise donnent des exemples des possibilités d'un programme d'innovation. Il y aura toujours des conférenciers qui, en parlant d'innovation, affirmeront que les programmes d'innovation antérieurs ont échoué. Lorsque Herb Dhaliwal était ministre des Ressources naturelles, je me souviens l'avoir entendu dire que des lacunes au chapitre du transfert de connaissances minaient le débat sur l'innovation. Le gouvernement innove et l'industrie aussi. Mais que faut-il faire pour qu'ils innovent de concert?
    Pourquoi avons-nous échoué? Premièrement, je crois que les gens qui ont conçu les programmes scientifiques et technologiques qui ont été mis en oeuvre n'avaient pas bien compris ni intégré la vue à long terme que l'innovation suppose. Deuxièmement, je crois que nous ne posons pas les bonnes questions. Qu'est-ce que l'innovation? Qu'essayons-nous de faire grâce à l'innovation? Est-ce qu'elle concerne l'environnement? Est-ce qu'elle concerne l'économie? Quelle est sa nature? Par quels moyens essayons-nous de comprendre cet aspect important?

  (1210)  

    Un troisième élément — peut-être le plus important dans le cadre de tout programme stratégique — est le leadership ou l'absence de celui-ci. Nous avons besoin d'un champion pour faire avancer ce programme. Cela n'arrivera pas du jour au lendemain — et probablement pas au cours des prochaines périodes électorales —, mais nous avons besoin d'un engagement à long terme pour veiller à ce qu'un programme d'innovation appuyant un programme de sécurité énergétique puisse être mis à exécution.
    En Alberta, de nombreuses recommandations présentées récemment par le CCCE, comme le soutien offert aux entreprises en démarrage, l'amélioration des relations entre les entreprises et les universitaires, la création de bassins d'employés hautement qualifiés et la restructuration de cadres stratégiques en contribuant au développement de nouvelles entreprises, sont actuellement mises en oeuvre. Le nouveau nom de mon entreprise découle de la restructuration du système d'innovation — ma collaboration avec trois organisations soeurs des secteurs de la santé, de la bioindustrie et de l'énergie.
    En ce qui concerne l'innovation sur le plan fédéral, la capacité d'orienter le programme est primordiale. La complexité du programme limite peut-être la capacité des organes chargés d'élaborer des politiques fédérales de tirer des leçons de programmes scientifiques et technologiques et de faire des progrès au défi de la sécurité énergétique.
    Nous devons nous poser les questions de base: que faut-il faire? Qui doit le faire? Quand faut-il le faire? Quelles sont les ressources dont ils ont besoin pour mettre cela à exécution? Comment pouvons-nous les tenir responsables?
    Même s'il est complexe, le long cycle naturel d'innovation a besoin de la contribution des universités et de groupes comme le Conseil national de recherches — où de grands projets scientifiques peuvent se réaliser dans le cadre d'un objectif national —, mais il suppose également une collaboration où les cadres régionaux établissent des liens avec diverses entités provinciales de recherche, comme le Conseil de la recherche et de la productivité du Nouveau-Brunswick, le Conseil de la recherche de la Saskatchewan, le Centre de technologie industrielle du Manitoba, le CRIQ à Québec et mon propre groupe Alberta Innovates Technology Futures. Nous comprenons les avantages de la compétence en matière d'énergie et lorsqu'il est question de l'environnement, et nous pouvons non seulement appuyer directement les entreprises pour stimuler l'économie, mais aussi comprendre et favoriser le bien-être de tous les Canadiens dans nos sphères de compétence provinciales.
    Je suis optimiste et je crois fermement que les difficultés que nos ancêtres ont surmontées au tout début de la croissance énergétique au Canada constituent la force et la résolution dont nous avons besoin pour aplanir les difficultés d'aujourd'hui et les transformer en débouchés pour demain. Les ressources énergétiques canadiennes sont au coeur du développement du pays, mais elles viennent avec des responsabilités.
    Les gouvernements au Canada doivent assurer une bonne gestion et un bon leadership en élaborant des cadres stratégiques et financiers qui permettent de déterminer quand ou si ces ressources devraient être exploitées et sous quelles conditions. À mon avis, le système de réglementation au Canada est robuste, approprié et responsable, mais il peut être amélioré. Nous devrions toujours chercher à améliorer nos systèmes, toujours nous demander si nous faisons la bonne chose pour les bonnes raisons et nous améliorer constamment.
    Cela dit, je crois qu'au chapitre de la sécurité énergétique, le rôle fondamental du gouvernement est de faire preuve de leadership à l'échelle provinciale, nationale et internationale. Cela ne veut pas toujours dire qu'il joue un rôle de premier plan, mais cela suppose qu'il comprenne les risques et les gère; qu'il offre, au besoin, un soutien au chapitre des finances et des politiques; qu'il communique efficacement avec les intervenants pour comprendre leurs préoccupations au lieu de simplement leur transmettre un message; qu'il fasse avancer l'élaboration de politiques futures fondées sur de solides connaissances au chapitre de la science et de l'ingénierie; et qu'il sache à quel moment confier ce leadership à autrui; et qu'il fasse preuve d'innovation pour tirer avantage de mesures futures et d'une bonne gestion. Mais, tout comme nous tenons les politiciens responsables en votant pour eux, vous devez nous tenir responsables — en tant que représentants de l'industrie et groupes de recherche — de nos actions et de notre inaction.
    Merci encore une fois, monsieur le président, de m'avoir donné l'occasion de témoigner. J'ai hâte de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup pour votre exposé, monsieur Potter, d'Alberta Innovates Technology Futures.
    Nous allons maintenant passer au deuxième témoin, Vivian Krause, qui témoigne à titre personnel. Allez-y, je vous prie. Vous avez jusqu'à sept minutes.
    Je réside à Vancouver-Nord. Je suis titulaire d'une maîtrise en sciences de la nutrition et j'ai passé une bonne partie de ma vie à travailler pour le Fonds des Nations Unies pour l'enfance: six ans au Guatemala, et cinq en Indonésie.
    Par souci de brièveté, je ne m'attarderai pas sur la façon dont je suis passée de l'UNICEF à la salmoniculture à l'examen approfondi de plus de 6 000 pages de déclarations de revenus aux États-Unis produites par des fondations de bienfaisance qui financent une campagne contre l'exploitation des sables bitumineux en Alberta. Mais je tiens à dire, d'entrée de jeu, que je ne reçois aucun financement et que je ne fais partie d'aucune industrie ni d'aucun parti politique.
    J'aimerais également remercier la contribution grandement appréciée de mon collègue, Rob Scagel.
    Mes observations mettront l'accent sur le financement étranger — provenant de fondations de bienfaisance américaines — de ce que j'appelle le « démarketing » du pétrole de l'Alberta. J'entends par démarketing la publicité dissuasive qui réduit ou détourne la demande pour un produit donné. Nous n'entendons pas beaucoup parler du démarketing, car le marketing vise surtout à vendre non pas moins, mais davantage. Mais, lorsqu'il est question du pétrole de l'Alberta, la publicité dissuasive est précisément ce que font les organismes environnementaux canadiens avec l'argent des fondations de bienfaisance américaines.
    Le pétrole albertain n'est ni le seul ni le premier produit d'exportation canadien d'importance à faire l'objet d'une publicité dissuasive dans le cadre de campagnes financées par des millions de dollars américains. Le même sort a été réservé aux produits forestiers et à la salmoniculture au Canada. Si toutes les choses négatives qu'on a dites sur le pétrole de l'Alberta étaient vraies, je conviendrais qu'il faudrait faire du démarketing. Toutefois, comme nous l'avons entendu au cours de la séance précédente, certains propos sont de toute évidence faux.
    Alors, je crois donc que la question suivante s'impose: y a-t-il des principes scientifiques de base fiables ou des arguments judicieux en faveur du démarketing du pétrole de l'Alberta? Si non, pourquoi fait-il l'objet d'une publicité dissuasive?
     Selon mon analyse des déclarations de revenus aux États-Unis, des fondations de bienfaisance américaines ont accordé au moins 18 millions de dollars de dons expressément pour salir le pétrole albertain et pour contrecarrer l'industrie pétrolière canadienne. En passant, ce montant représente une hausse d'environ trois millions de dollars par rapport aux 15 millions de dollars dont j'avais parlé dans un article publié dans la page éditoriale du Financial Post en octobre. Certaines sommes visaient particulièrement à contrecarrer l'industrie pétrolière et gazière canadienne. À titre d'exemple, en 2006, le Rockefeller Brothers Fund a versé 200 000 $ à la Pembina Foundation et à West Coast Environmental Law « pour empêcher le développement d'un pipeline et d'un port pour pétroliers... », entre autres choses.
    En 2009, la Bullitt Foundation a versé des fonds à la Tides Foundation pour la Dogwood Initiative « pour élargir la campagne de sensibilisation pour mobiliser les électeurs urbains en faveur d'une interdiction fédérale des pétroliers caboteurs... » Et la Brainerd Foundation — une autre fondation américaine — a financé la Dogwood Initiative « pour aider à accroître l'opposition publique afin de contrer le projet de pipeline d'Enbridge... ». Elles mènent des activités pour lesquelles elles ont été payées.
    Le Rockefeller Brothers Fund a consenti au moins 105 000 $ précisément pour les Premières nations situées à l'embouchure du chenal marin de Douglas, où des pétroliers devront effectuer leur chargement aux fins d'exportation en Asie. Cette somme comprenait 70 000 $ versés pour la célébration d'un anniversaire en 2004 et 35 000 $ pour la tenue d'une cérémonie en 2006. Alors, parmi tous les Autochtones et tous les endroits du monde, pourquoi le Rockefeller Brothers Fund a choisi de verser plus de 100 000 $ aux Premières nations du village de Kitimat qui se trouve à l'embouchure du chenal marin de Douglas?
    Je peux voir que ce qu'ils font, c'est protéger l'environnement. Je peux aussi voir que ce qu'ils font, c'est du protectionnisme au nom de l'environnement. Je crois qu'il importe d'envisager la campagne contre le pétrole albertain dans le contexte plus large des activités de financement de fondations américaines dans notre pays.
    Selon mon analyse et mes calculs préliminaires, au cours de la dernière décennie, des fondations américaines ont dépensé près de 300 millions de dollars pour appuyer des initiatives canadiennes de conservation et de soi-disant réforme de nos industries d'exploitation des ressources naturelles — les industries forestière, minière, pétrolière et gazière et aquacole. Environ 50 millions de dollars sont allés directement aux Premières nations — plus particulièrement, celles vivant sur la côte de la Colombie-Britannique —, y compris, par exemple, un don de 27,3 millions de dollars. C'était un seul don.
    Plus ou moins 80 p. 100 des 209 millions de dollars provenaient de cinq fondations: la Hewlett Foundation, la Packard Foundation, la Gordon and Betty Moore Foundation, les Pew Charitable Trusts et le Rockefeller Brothers Fund. Ce sont les fondations que je considère comme « Le club des cinq ». Elles possèdent 22 milliards de dollars d'actifs. Elles donnent chaque année 1,2 milliard de dollars. Leurs PDG respectifs gagnent de 600 000 à 700 000 $ par année. Les cadres supérieurs chargés de l'étude de l'environnement touchent une rémunération dans les 300 000 $. Certains de ces environnementalistes professionnels gagnent plus que le premier ministre du Canada.

  (1215)  

    Pour le reste de mon exposé, j'aimerais vous faire part des trois grandes conclusions que j'ai tirées de ma recherche et de mon analyse.
    Tout d'abord, il n'y a aucun doute que les environnementalistes se soucient énormément de l'environnement, mais il y a beaucoup plus que cela. Certaines des fondations qui financent le démarketing du pétrole albertain ont octroyé du financement visant précisément à réduire la dépendance aux combustibles fossiles pour des raisons de sécurité nationale. Alors, de toute évidence, il ne s'agit pas que de l'environnement; d'autres intérêts sont en jeu.
    Aux alentours de la même période où la Hewlett Foundation et la Packard Foundation — deux fondations distinctes — ont versé 83 millions de dollars à des initiatives environnementales au Canada, elles ont également versé plus d'un demi milliard de dollars à la ClimateWorks Foundation et à l'Energy Foundation.
    L'Energy Foundation a un programme clair de « création d'un marché de l'énergie solaire robuste ». Depuis 2009, l'Energy Foundation a effectué au moins 33 dons qui visaient la réduction des obstacles à l'accès au marché pour la mise en valeur de l'énergie solaire, la promotion de l'énergie solaire à l'échelle des services publics, la conception de politiques sur l'énergie solaire et le soutien aux interventions réglementaires, à la planification de corridors de transmission à long terme et à l'élaboration de modèles de financement de l'énergie solaire.
    Il faut plus que du soleil pour mettre sur pied un secteur de l'énergie solaire. Il faut aussi enlever des capitaux de placement à des industries concurrentes, surtout l'industrie pétrolière. La ressource solaire est peut-être infinie, mais ce n'est pas le cas des capitaux, et le fait de faire peur aux consommateurs, aux électeurs et aux investisseurs — ce qui est l'objectif des campagnes — est une façon d'influencer les investisseurs et d'attirer leurs capitaux.
    Alors, la Hewlett Foundation finance l'Energy Foundation pour créer un marché de l'énergie solaire robuste et pour contrecarrer industrie du charbon tout en finançant la Tides Foundation et Tides Canada pour salir le pétrole albertain et contrecarrer l'industrie pétrolière et gazière canadienne.
    De mon point de vue, le démarketing du pétrole albertain fait partie intégrante de la vaste et coûteuse initiative de Hewlett pour détourner le marché énergétique des combustibles fossiles et pour le diriger vers les ressources renouvelables.
    Le problème du démarketing, c'est que vous vous retrouvez coincé, car, si vous avancez que vos produits et services sont meilleurs que ceux des concurrents — qui sont mauvais — et que vous commencez soudainement à changer vos propos sur vos concurrents, cela change non seulement ce que le marché pense des concurrents, mais aussi ce qu'on dit sur vous. Vous devez donc maintenir votre position, et c'est à ce moment-là que vous vous retrouvez coincé, car, même si vos concurrents procèdent à une réforme et apportent des améliorations, vous n'avez d'autre choix que de continuer à les attaquer et à les salir — c'est ce que nous constatons.
    Deuxièmement, le militantisme environnemental n'est plus ce qu'il était. Le nouveau facteur, c'est l'argent — des millions et des millions de dollars. Tant que les organismes environnementaux sont payés pour mener des campagnes qui coûtent plusieurs millions de dollars, je crois qu'il est déraisonnable d'espérer qu'ils ne le feront pas.
    Je vais terminer par une suggestion. Vu que des fondations américaines ont dépensé plus de 300 millions de dollars au Canada — plus particulièrement, 120 millions de dollars dans le cadre de l'initiative de la forêt tropicale de Great Bear et de l'initiative de la forêt boréale —, elles prennent visiblement au sérieux ce qu'elles font. J'espère donc que les dirigeants du gouvernement et de l'industrie vont s'entretenir directement avec les PDG de ces fondations.
    L'exploitation du pétrole albertain est une possibilité qui vaut des milliards de dollars, et j'espère que nous allons profiter au maximum de cette possibilité en réduisant les risques à un niveau acceptable pour les Canadiens. Tant au pays qu'à l'étranger, nous pourrions faire beaucoup de choses à cet égard, de même qu'au chapitre de la sécurité énergétique. J'espère que nous réussirons.
    Merci, monsieur le président.

  (1220)  

    Merci beaucoup, madame Krause, de votre exposé.
    Nous allons terminer par Jessie Inman, directrice exécutive, Expansion de l'entreprise, HTC Purenergy Inc.
    Merci beaucoup de votre présence. Nous vous écoutons; vous avez jusqu'à sept minutes.
    Mesdames et messieurs les membres du comité des ressources naturelles de la Chambre des communes, monsieur le président, merci beaucoup de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui.
    J'ai présenté un mémoire avant la tenue de la séance, et il est trop long pour que je puisse le lire en sept minutes, alors, je vais relever les points saillants du mémoire. J'espère que vous aurez l'occasion de le lire plus tard.
    Les Canadiens sont très choyés. Nous possédons un très grand territoire qui regorge de ressources naturelles, et notre population est relativement petite pour une si grande masse terrestre. À l'heure actuelle, nous utilisons 2,3 milliards de barils d'équivalent pétrole par année, et cette quantité augmentera de 34 millions de barils d'équivalent pétrole d'ici 2025, ce qui veut dire que nous aurons besoin de 2,9 milliards de barils d'ici 2025.
    Nous avons un niveau de vie incroyable parce que nous sommes un pays choyé. Cela tient au fait que nous avons des ressources pour nous et que nous en avons suffisamment pour les exporter chez nos voisins. Le Canada est donc un pays très choyé, mais cela ne veut pas dire que nous pouvons nous reposer sur nos lauriers et dire: « C'est parfait, nous avons un très bel avenir qui nous attend. » Nous ne pouvons pas faire cela.
    Nous devons faire exactement ce que le comité fait actuellement, c'est-à-dire essayer de comprendre et de prévoir et de gérer une combinaison raisonnable et durable au chapitre de notre approvisionnement énergétique futur. Actuellement, nous utilisons environ 30 p. 100 de pétrole, 27 p. 100 de gaz naturel, 8 p. 100 de charbon, 6,5 p. 100 d'énergie nucléaire et 28 p. 100 d'hydroélectricité. À la lumière de ces chiffres, vous pouvez constater que 65 p. 100 de notre énergie provient de combustibles fossiles.
    Le fond du problème, c'est que, pour rendre cet approvisionnement durable, nous devons miser davantage sur nos ressources renouvelables. Nous sommes très chanceux de pouvoir produire de l'hydroélectricité, mais nous avons peu de capacités d'accroître la production d'hydroélectricité. Nous travaillons très dur sur la production d'énergie solaire, mais, à l'heure actuelle, la puissance installée pour la production d'énergie solaire n'est que de 120 mégawatts. Même au chapitre de la production d'énergie éolienne — sur laquelle nous travaillons très dur —, nous avons une production de 3 320 mégawatts. Cela ne représente que 0,2 p. 100 des besoins énergétiques du Canada. C'est très modeste. Nous produisons aussi de l'éthanol à titre d'énergie de remplacement, à raison de 5,8 millions de barils, ce qui représente 0,27 p. 100.
    Si vous prenez la production totale d'énergie éolienne, d'énergie solaire et d'éthanol et que vous dites que vous allez simplement les adapter à la demande croissante jusqu'en 2025, il faudrait que vous augmentiez la production annuelle de ces secteurs de 300 p. 100 d'ici 2025. C'est un investissement incroyable que nous devons faire au chapitre des énergies renouvelables du Canada. De toute évidence, nous devons prendre des mesures à l'égard des combustibles fossiles au fur et à mesure que nous nous dirigeons vers une société axée sur des ressources renouvelables.
    Je crois que l'examen des sources non conventionnelles d'approvisionnement est très important. Nous avons bien sûr le méthane de houille, qui est une source non conventionnelle, et nous avons tous entendu parler du gaz de schiste, en vogue sur tout le continent. Et nous sommes très conscients du fait que nous avons 160 milliards de barils de pétrole et que près de 20 p. 100 de cette production seront récupérables. Nous faisons face à toutes sortes de problèmes pour que cela se réalise, et nous avons recours à de nouvelles méthodes de fracturation et d'autres façons d'exploiter cette ressource.
    Je suis ici aujourd'hui pour vous dire qu'à mon avis, nous avons la chance incroyable au Canada de jouir d'une sécurité tant énergétique qu'environnementale; nous pouvons utiliser cette ressource non conventionnelle qu'on appelle le dioxyde de carbone pour accroître notre production énergétique. Je crois que nous avons comme atout le dioxyde de carbone que nous émettons dans l'atmosphère pour absolument aucune raison. Cela mine notre image; nous donnons l'impression de produire du pétrole sale, et je conviens que nous ne méritons pas cette réputation, mais, malheureusement, nous l'avons déjà. Le problème peut être facilement réglé si on extrait le dioxyde de carbone des sables bitumineux. Voici ma stratégie pour l'Alberta: extraire le dioxyde de carbone des chaudières de DGMV et l'utiliser pour accroître la récupération du pétrole provenant d'installations de pétrole conventionnel et lourd dans le centre et dans le Sud de la Saskatchewan et de l'Alberta.
    Nous avons 170 milliards de barils de pétrole provenant des sables bitumineux. La production aura lieu, comme tout le monde ici présent l'a dit aujourd'hui — nous avons tous convenu que la production aura lieu. D'ici 2025, nous allons émettre plus de 60 millions tonnes de dioxyde de carbone en raison de l'ensemble de cette production. Pourquoi laisserions-nous cet atout s'envoler dans l'atmosphère lorsque nous pouvons nous en servir?

  (1225)  

    Nous savons tous que 80 p. 100 des sables bitumineux seront traités in situ — ce n'est pas une exploitation à ciel ouvert —, que la production in situ exige l'injection de vapeur dans un des puits horizontaux et que nous utilisons des générateurs de vapeur à passage direct pour produire de la vapeur. Ces générateurs produisent du dioxyde de carbone. Ce sont ces émissions dont je vous parle.
    Pourquoi ne pas recourir au dioxyde de carbone pour la production non conventionnelle, que j'appelle la récupération assistée des hydrocarbures? Certaines personnes de l'industrie appellent cela une injection de fluides miscibles ou immiscibles. Il s'agit simplement de modifier la viscosité du pétrole; son volume augmentera, et vous pourrez le récupérer.
    Concernant la production de pétrole conventionnel en Alberta, nous estimons que nous pourrions augmenter notre production de 3,5 milliards de barils de pétrole.
    Je dois vous avouer qu'à la page 4 du mémoire que je vous ai présenté, je parle de « millions » plutôt que de « milliards ». Dans cette industrie, vous devez toujours vous assurer d'avoir la bonne unité parce que cela donne des chiffres très différents.
    Alors, si nous misons sur cet atout — à savoir le dioxyde de carbone — que nous laissons partir dans l'atmosphère, ce sont 3,5 milliards de barils supplémentaires. Pourquoi ferions-nous cela? C'est insensé. Nous devons le capter et l'utiliser.
    Le même principe s'applique au pétrole lourd que nous retrouvons au centre de l'Alberta et, en particulier, en Saskatchewan. C'est un autre milliard de barils de pétrole que nous pouvons produire grâce au dioxyde de carbone si nous l'injectons dans les champs de pétrole en question.
    Nous avons donc une occasion unique, et l'une des choses sur lesquelles j'aimerais attirer votre attention — et j'ai réussi —, c'est le centre d'excellence pour le dioxyde de carbone qui se trouve à Regina. Il compte parmi les quelques centres d'excellence du monde entier. Je crois que nous devons en être très fiers. Notre entreprise utilise cette technologie. Elle peut être exploitée en Saskatchewan et en Alberta pour qu'on puisse récupérer le dioxyde de carbone des générateurs de vapeur à passage direct et extraire une quantité supplémentaire de pétrole que le Canada peut utiliser pour assurer sa sécurité.
    Nous devons miser sur les ressources renouvelables et augmenter nos capacités nucléaires, je suis tout à fait d'accord. Mais, nous n'avons absolument aucune raison de ne pas produire une énergie propre à partir de combustibles fossiles. Cela est possible grâce à l'extraction du dioxyde de carbone des sables bitumineux. Cela a des répercussions importantes sur la prospérité du Canada.
    J'aimerais inviter les membres du comité à venir à Regina, à jeter un coup d'œil au centre d'excellence que nous avons pour le dioxyde de carbone et à songer à la façon dont nous pouvons faire en sorte que le Canada gagne sur tous les tableaux.
    Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je suis ouverte à vos questions.

  (1230)  

    Merci, madame Inman de HTC Purenergy Incorporated.
    Passons directement aux questions; vous avez jusqu'à sept minutes.
    Monsieur Tonks allez-y, je vous prie.
    Je ne sais vraiment pas par où commencer. Nous avons certainement été très bien informés grâce à la qualité des témoignages que nous avons entendus. Il n'y a certainement aucune exception; nous avons eu des exposés formidables aujourd'hui.
    Monsieur Potter, je tiens à dire que vous êtes loin d'être un homme simple. Si j'étais aussi simple que vous, je n'aurais aucune difficulté à rentrer chez moi et à le déclarer. Vous avez décrit la nature de l'interdépendance stratégique avec le sujet que vous avez abordé: tirer des possibilités futures des difficultés actuelles. Vous parlez d'une collaboration avec le Conseil national de recherches et les filiales provinciales afin d'établir une entité ou un régime visant à élaborer des politiques stratégiques dans les administrations.
    Vous avez entendu Mme Krause décrire ce à quoi je fais allusion — et c'est mon allusion personnelle — à savoir un complot qui en quelque sorte donnerait à penser que nous sommes incapables de réagir aux critiques éclairées qui sont financées par des entités légitimes et que ce complot va en fait nous mener plus loin de ce que vous, monsieur Potter, avez décrit comme une possibilité. Vous nous avez fourni une analyse clinique et un pronostic indiquant les mesures à prendre.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Potter. Vous avez entendu Mme Inman, qui a aussi parlé de la technologie visant à exploiter le dioxyde de carbone et à l'utiliser pour trouver une solution technologique aux problèmes qui touchent la santé et qui soulèvent des préoccupations pour les Canadiens. Je vais maintenant vous laisser la parole. Qu'en pensez-vous? Êtes-vous toujours optimiste à l'égard du renforcement des capacités qui est nécessaire pour obtenir les solutions qui ont été mentionnées par d'autres?
    Je vous remercie de la question.
    Encore une fois, je vais essayer de rester bref.
    Plus bref que la question.
    Permettez-moi de vous présenter rapidement mes antécédents.
    J'ai quitté le nid familial à 16 ans pour aller travailler sur la flotte marchande de Shell Oil avant de joindre les rangs de la Marine royale en tant qu'officier de la mécanique navale, puis je suis entré à l'université et j'ai obtenu mon doctorat en génie mécanique, qui met l'accent sur la conception de systèmes d'alimentation et de sous-marins. La conception de sous-marins dans la région des Prairies est plutôt particulière, sauf si vous vivez dans le West Edmonton Mall.
    Au cours de la dernière décennie, j'ai concentré mes efforts sur les changements climatiques. J'étais le gestionnaire principal du groupe chargé des changements climatiques de l'Alberta Research Council. Je suis passé au développement durable, dans un cadre plus large où je m'occupais, entre autres choses, de la remise en état du terrain, de l'amendement des sols et de la production d'énergie à partir du fumier. Durant cinq ans, j'ai été vice-président — principalement — du groupe sur les hydrocarbures, jusqu'à ce que je prenne mon poste actuel en tant que chef de l'exploitation.
    Je crois avoir participé à toutes les feuilles de route que le Canada a élaborées au cours de la dernière décennie au chapitre de l'hydrogène, des sables bitumineux, du pétrole et des ressources renouvelables. La capacité qu'ont les Canadiens à se mobiliser autour d'une feuille de route est incroyable. Leur capacité d'aller au-delà de cette feuille de route et de passer à l'action manque de leadership.
    Je crois qu'il y a un désir de faire quelque chose. Je crois qu'il y a une soif, un esprit d'entreprise chez les Canadiens, et le désir de faire ce qu'il faut pour les bonnes raisons. Alors, selon moi, il y a une énorme impulsion qui n'attend qu'à se manifester pour régler ces problèmes.
    Une seule technologie sera-t-elle le remède miracle? Non. Notre pays, notre environnement et nos sources énergétiques sont si diversifiés que nous aurons besoin de toute une série de technologies. Nous devons passer par diverses séquences de développement, passant du laboratoire à l'entreprise, à la mise en œuvre sur le terrain, au lancement de projets pilotes et à la démonstration sur une échelle qui permettra de réduire le risque d'investissement.
    Le risque d'investissement constitue un élément crucial. Le fait d'avoir un cadre stratégique qui appuie ce risque d'investissement est crucial.
    Alors, il y a beaucoup d'éléments interdépendants, mais je crois qu'au bout du compte, les Canadiens aiment le défi. J'aime le défi. C'est en fait ce qui me motive quotidiennement à aller travailler.

  (1235)  

    Merci, monsieur Potter.
    Ma question s'adresse à Mme Krause.
    J'espère que vous n'êtes pas offusquée de la notion de complot, car, dans votre mémoire, vous avez également fait remarquer que des organismes et des fondations investissent aussi dans des activités qui sont considérées comme faisant partie intégrante des stratégies visant à réagir aux préoccupations concernant les combustibles fossiles, comme l'énergie solaire, l'énergie éolienne, l'énergie marémotrice, etc. Les mêmes organismes font des investissements à ce chapitre.
    Cela ne permet-il pas en quelque sorte de renforcer votre argument selon lequel la balance penche tellement en faveur de l'exploitation des sables bitumineux qu'elle joue, en fait, contre l'ensemble des objectifs de développement économique et durable qui ont, dans le passé, orienté les politiques canadiennes sur l'environnement, car on reconnaît qu'il y a énormément de problèmes liés aux étangs de résidus, à l'utilisation de l'eau, au lessivage dans les aquifères et à toutes ces choses?
    Compte tenu de ce que vous avez entendu et de votre expérience au sein de différents organismes qui tentent actuellement de faire partie de l'équation du développement durable — et cette équation compte de nombreuses variables —, cela ne permet-il pas en quelque sorte de renforcer votre argument selon lequel il s'agit de la recherche d'un équilibre plutôt que d'un complot, que le cheminement est très démocratique et axé sur les objectifs et que les militants et tous les autres ont un rôle à jouer?
    Madame Krause, vous avez environ une minute pour répondre à cela. Allez-y.
    Je conviens que les militants ont un rôle à jouer. Ils veillent à ce que le gouvernement et l'industrie restent sur leurs gardes, et ils le font bien. J'ai plus de 10 ans d'expérience de travail aux Nations Unies et à l'égard du financement d'organismes militants. J'ai moi-même été une militante.
    Par contre, je crois qu'aux yeux de toutes les parties de l'équation — le gouvernement, l'industrie et les militants —, l'éthique est vraiment importante. Le militantisme doit être fondé sur la transparence et la vérité. Je crois parfois que, lorsque des critiques sont formulées à l'endroit de nos industries, et lorsqu'elles sont légitimes et vraies, nous devons le dire. Nous devons également réagir lorsque des déclarations sont fausses.
    Je ne crois pas que nous devrions soulever des problèmes qui cachent d'autres problèmes. Dans le cas qui nous occupe, je crois que nous constatons qu'il y a plusieurs problèmes. Plus d'un intérêt est en jeu.
    Il est très simple de soulever des préoccupations à l'égard de la pêche au saumon sauvage ou de problèmes environnementaux, mais nous devons nous rendre compte qu'il y a beaucoup plus d'éléments en jeu. À mon avis, notre réflexion doit aller au-delà des frontières et porter sur les conséquences à l'échelle mondiale.
    L'interdiction d'exportations au nom de la conservation marine ne passera pas inaperçue. S'il s'agit d'une question de conservation marine, il y a de nombreux endroits dans le monde où l'argent pourrait être dépensé. À mes yeux, le fait qu'on dépense des centaines de millions de dollars au Canada et que des sommes beaucoup plus modestes sont dépensées dans d'autres parties du monde soulève des questions.
    Merci.
    Merci, monsieur Tonks.
    Nous passons maintenant au Bloc québécois. Monsieur Pomerleau, vous avez jusqu'à sept minutes.

  (1240)  

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous. J'abonde dans le même sens que mon collègue. On a entendu aujourd'hui d'excellentes présentations de la part de personnes venant de milieux très différents.
    Monsieur Potter, vous avez souligné que le temps était venu de se poser de bonnes questions concernant l'innovation. D'ailleurs, j'aime beaucoup le nom de l'organisme que vous représentez, Alberta Innovates - Technology Futures. En fait, on est en plein dans quelque chose d'extraordinaire, du moins en ce qui concerne le nom. Vous parlez du long terme, vous dites qu'il faut éviter de penser à la prochaine élection, qu'il faut penser à plusieurs élections à venir si on veut vraiment considérer toute la question de la sécurité énergétique du Canada.
    On a beaucoup parlé de pétrole sous toutes ses formes, depuis qu'on est ici, avec raison d'ailleurs puisqu'on dispose de beaucoup de ressources, mais il y a d'autres énergies comme l'éolienne, la marée, la géothermie, qui est utilisée abondamment en Islande, l'énergie solaire. Je suis allé à Gibraltar récemment où il y a des champs couverts de systèmes d'énergie solaire qui sont utilisés pour les maisons. Donc, il y a d'autres formes d'énergie.
    N'avez-vous pas le sentiment qu'à part en ce qui concerne l'énergie produite par le pétrole, on ne fait pas énormément de recherche actuellement sur les autres formes d'énergie qui pourraient être utilisées également — comme le CO2, par exemple?

[Traduction]

    Je vous remercie de la question.
    Je suis en Alberta. Je travaille évidemment dans l'industrie des sables bitumineux. J'évolue dans le secteur pétrolier, mais je m'intéresse beaucoup aux ressources renouvelables. À mon avis, la source n'est pas nécessairement importante. J'ai besoin d'un produit fini. J'ai besoin d'électricité. J'ai besoin de quelque chose pour faire fonctionner ma voiture. Où puis-je l'obtenir? Où suis-je? Je suis en faveur d'un investissement dans toutes sortes de formes d'énergie, selon l'endroit où vous vous trouvez et ce dont vous avez réellement besoin.
    Je crois que le vent est une très bonne source. Il y a des contraintes liées au moment où le vent souffle. À titre d'exemple, dans la province de l'Alberta, le vent est fort dans le Sud-Ouest. Il n'est donc pas pratique de subir des pertes durant le transport de l'énergie dans un long réseau pour, par exemple, que l'énergie éolienne se rende dans les installations d'exploitation des sables bitumineux, car il y a des fluctuations. Le réseau et la façon dont le réseau est géré et dont les harmoniques sont injectés dans le réseau posent problème.
    Si je considère le Canada dans son ensemble, je ne vois aucune forme d'énergie que nous ne pourrions pas utiliser efficacement. Je suis donc d'accord. Je me suis penché sur les statistiques de l'Agence internationale de l'énergie sur les investissements énergétiques réalisés par les gouvernements canadiens — à l'échelon fédéral et provincial —, et j'ai constaté à quel point ils ont changé au cours des 30 dernières années. Vous pouvez voir les fluctuations. Différents groupes ont différentes raisons. Ils diront qu'il faut parler de la bioénergie aujourd'hui et du pétrole demain, et vous pouvez voir les fluctuations. L'énergie nucléaire y figure également.
    Je crains seulement que la recherche soit fondée sur ce que j'appellerais la « saveur du mois ». La recherche a normalement une vue à long terme. Si je tiens compte du cheminement intégral, soit de la naissance d'une idée dans une université à la mise en œuvre sur le terrain — dans l'exploitation des sables bitumineux, si vous voulez —, il faut 15 ans. Vous avez besoin de ce programme à long terme. Si je m'interromps tous les trois ans, je ne vais jamais réaliser la mission réelle ni récolter le fruit de mes efforts. Il faut une continuité.
    Je reviens donc à des groupes provinciaux. Je reviens à des groupes comme le Conseil national de recherches qui peuvent supporter les changements de régime dans les gouvernements et prendre des bonnes décisions à long terme et de façon durable.
    Mais, je suis en faveur de toutes les formes d'énergie, tant que ce sont pour les bonnes raisons et aux bons endroits.

[Français]

    Un peu dans la même veine, madame Krause, il y a des choses que j'ai un peu de difficulté à comprendre dans votre rapport. Vous savez que les Américains ont besoin de notre pétrole. Il y a des compagnies américaines qui viennent investir ici et il y a des Américains qui dénigrent l'utilisation de ce pétrole pour d'autres raisons. Je pense qu'ils ont le droit de le faire.
    Vous avez dit, à un certain moment, que ces gens finissent par « se peinturer dans le coin ». N'avez-vous pas l'impression que si les compagnies de pétrole mettaient énormément de capitaux de risque à améliorer leur technique, à faire un peu de recherche, à trouver de nouveaux procédés, etc... À un certain moment, il y a tellement d'argent d'investi là-dedans que ces compagnies sont elles-mêmes « peinturées dans le coin », qu'elles ne peuvent plus penser à d'autres formes d'énergie à développer. Ce n'est pas leur rôle non plus, mais les gouvernements sont attachés à cela. Donc, à un certain moment, tout le monde est « peinturé dans le coin » et il n'y a plus rien qui bouge.
    Je suis tout à fait d'accord.

[Traduction]

    C'est une bonne réponse.

  (1245)  

[Français]

    Si je vous comprends bien, l'industrie s'améliore — et c'est ce qu'on veut —, mais les activistes continuent à protester. S'il y a une bonne raison pour continuer à « démarketer » le pétrole, allons-y. Mais s'il n'y a pas de bonne raison, il faut s'arrêter là.
    C'est votre opinion.
    Oui, c'est ça.
    Vous êtes appelée à vous présenter dans des endroits comme ici, pour dénoncer ce qui, d'après vous, n'est pas une bonne raison. En ce sens, c'est bien.
    J'ai soulevé la question et j'ai essayé d'identifier... La question clé, c'est de savoir s'il y a une bonne raison, une justification, pour le demarketing. Il y a-t-il une sound scientific basis pour tenir ces campagnes? Si oui, il faut songer à améliorer l'industrie. S'il n'y a pas un bon fondement, il faut se poser des questions pour savoir pourquoi ils tiennent ces campagnes.
    L'objectif qu'il faut atteindre, c'est la vérité. Y a-t-il de bonnes raisons? Je ne suis pas la personne... Je ne pense pas que ce soit une question à laquelle une seule personne puisse répondre. C'est une question de sciences et d'expertise technique. C'est ce sur quoi il faut se pencher.
    D'accord.
    C'est tout, monsieur le président.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. Cullen. Vous avez jusqu'à sept minutes.
    Merci, et merci à nos témoins.
    Tout d'abord, ma question s'adresse à Mme Inman. Lorsque nous tentons de comprendre la sécurité énergétique, l'une des questions soulevées est la suivante: quel est le rôle du gouvernement fédéral? Et vous pouvez parfois vous retrouver dans l'eau chaude si vous prononcez ces mots en Alberta. Quel est le rôle du gouvernement fédéral au chapitre de l'énergie? On devient vraiment nerveux dans certains milieux.
    Pourtant, nous entendons constamment des entreprises pétrolières, dont beaucoup sont installées en Alberta, dire: « Il faut que le gouvernement fédéral joue un rôle », et certaines laissent entendre que le gouvernement devrait jouer un plus grand rôle au chapitre de la sécurité énergétique.
    Votre groupe et l'industrie que vous représentez s'intéressent à la séquestration du carbone. L'absence d'un prix du carbone est-il un facteur dans les décisions prises dans votre industrie — le fait que le Canada n'a actuellement mis aucun prix sur le carbone? Nous attendons en quelque sorte après le Congrès américain. C'est ce que le ministre actuel nous dit. Quelle est l'incertitude qui découle de cela dans votre industrie?
    L'absence d'un prix du carbone est la première raison pour laquelle nous ne faisons pas actuellement le captage du dioxyde de carbone, alors, oui, tout à fait. En Alberta, le prix est établi à 15 $ la tonne, mais cela est loin de créer des mesures qui visent à inciter les entreprises à effectuer la captage du dioxyde de carbone.
    Le rôle des gouvernements fédéral et provinciaux était complet lorsqu'ils ont créé des mesures incitatives au tout début de l'exploitation des sables bitumineux dans le Nord de l'Alberta. Il y avait des incitatifs fiscaux. Toutes sortes de groupes ont été créés en collaboration avec les gouvernements pour permettre à l'industrie d'exister, car, jusqu'à ce moment-là, il était simplement trop coûteux d'exploiter les sables bitumineux pour produire du pétrole. C'était la barrière technologique.
    Monsieur Potter, cela est-il vrai?
    Oui.
    Alors, j'avancerais que le rôle que le gouvernement fédéral jouait à ce moment-là au chapitre de l'énergie en Alberta était important pour contribuer à la création de l'industrie, telle qu'elle existe aujourd'hui.
    Cela est-il exact, monsieur Potter?
    C'est exact.
    J'ai un commentaire à cet égard, qui est vraiment important. Si nous remontons plus loin dans le temps et examinons le rôle que le gouvernement fédéral a joué lorsque nous avons mis en place l'infrastructure de l'industrie gazière et pétrolière existante en Alberta, cette dernière a été mise en place par le gouvernement fédéral. Pourquoi le gouvernement fédéral ne nous aiderait-il pas à mettre en place certaines des infrastructures nécessaires pour capter le dioxyde de carbone et le faire circuler?
    Je comprends votre point sur cet argument. Le pétrole est encore aujourd'hui de 90 $ le baril. Au chapitre du prix — même compte tenu du captage du carbone —, le public canadien se demandera pourquoi ce coût ne serait pas simplement internalisé.
    Je reviens sur mon point concernant le prix du carbone. Shell a déjà commencé à internaliser le prix du carbone. L'entreprise a indiqué qu'elle fixera le prix à 40 $ la tonne dans ses projets futurs. Pourquoi le public devrait-il subir le coût lié au captage du carbone au profit des entreprises pétrolières qui, à tous égards, s'en tirent très bien actuellement, et ce, depuis assez longtemps?
    De mon point de vue, je ne crois pas que notre entreprise demande au gouvernement de s'engager à long terme à subventionner le captage du dioxyde de carbone, mais nous constatons un écart pour le moment. Même si nous utilisons ce dioxyde de carbone pour la récupération assistée des hydrocarbures, il y a un écart de 1 $ entre le coût du captage et celui de la production au moyen de la récupération assistée des hydrocarbures, car la récupération assistée n'est pas tout à fait simple. Comme les réservoirs ne conviennent pas tous à la récupération, on procède par tâtonnements.
    Les débuts sont chers.
    Les débuts sont très, très chers.
    Je vais devoir vous interrompre parce que je vais manquer de temps, et je veux m'adresser à M. Potter pour un instant.
    Monsieur Potter, en avril dernier, le gouvernement fédéral a résisté à l'offre de Sinopec d'acheter une part des marchés des sables bitumineux, plus particulièrement au chapitre de l'exportation de bitume brut vers une région dont les normes sont moins élevées aux fins du raffinage. Le premier ministre s'est engagé en 2006, puis en 2008, à ne pas exporter de bitume brut dans des administrations qui affichaient des normes environnementales moins élevées que les nôtres.
    Vous avez dit que le marché libre et la géopolitique constituaient deux facteurs de l'environnement lié à la sécurité énergétique. Est-ce que c'est ce que le premier ministre a fait en se conformant aux principes du marché libre pour résister à une offre de marché libre qui permettrait à Sinopec de venir au Canada et d'acheter une grosse part du marché des sables bitumineux?

  (1250)  

    Je ne suis pas un spécialiste du marché, alors, je ne vais probablement pas m'attirer des ennuis en essayant de répondre directement à la question.
    C'est tout de même intéressant, non? Sinopec veut acheter ConocoPhillips. Des milliards de dollars en prétendus investissements étrangers sont en jeu, et le gouvernement dit non. Le gouvernement affirme que c'est en raison des faibles normes chinoises, plus particulièrement, au chapitre de l'amélioration des normes liées aux émissions de GES.
    C'est une réalité géopolitique très importante. C'est pourquoi vous avez d'autres groupes qui possèdent l'expertise — et ce n'est pas mon cas — et qui peuvent vous conseiller de façon appropriée. Je pourrai vous conseiller sur la technologie et les besoins en recherche, mais ce qui concerne le marché va au-delà de mes compétences, pour dire les choses simplement.
    Cela nous ramène donc à ce que le comité tente d'examiner, soit les notions liées à la sécurité énergétique. Si je suis dans le secteur pétrolier, cela représente un élément d'incertitude à l'égard des personnes à qui je suis en droit de vendre, selon l'endroit d'où elles viennent. Il s'agissait d'une entreprise de la Chine. Si elle avait son siège social en Allemagne, en France ou en Australie, la vente aurait peut-être eu lieu. Qui sait? Cela nous ramène encore une fois au rôle du gouvernement fédéral.
    Madame Krause, je vais m'adresser à vous pour un instant. J'ai pris connaissance de votre article publié dans le Post , et je crois que vous avez dû mettre la pédale douce en ce qui concerne les relations entre Tides Canada et Tides aux États-Unis, mais peut-être pas. Vous avancez que l'influence extérieure — autrement dit, les fonds extérieurs — se fait sentir et touche les politiques canadiennes et la vie des Canadiens. Cela est-il exact? Est-ce la préoccupation que vous soulevez dans l'article que j'ai lu?
    Je crains qu'il y ait un mélange d'intérêts. Ce n'est pas strictement lié à l'environnement. Je peux voir que ce qu'ils font permettrait de protéger l'environnement, mais je vois aussi d'autres fins à l'égard d'autres...
    La notion des fonds provenant des États-Unis... Si les fonds avaient été amassés à Toronto ou à Calgary ou encore à Vancouver pour mener la même lutte, vous auriez moins de préoccupations. Dans votre article, vous répétez sans cesse à quel point l'argent est...
    Non.
    Non, c'est vraiment le cas. Ce sont vos propres mots.
    Ma question est la suivante. Il y a actuellement une proposition en cours liée au pipeline d'Enbridge — et je suis sûr que tous les témoins sont au courant de cela. Des représentants d'Enbridge ont dit au public et à moi-même qu'ils ont amassé 100 millions de dollars — 10 millions de dollars provenant de 10 différentes entreprises — pour promouvoir leur projet. Certaines de ces entreprises sont à l'étranger, et elles achètent de l'influence, si elles le peuvent. Elles financent des événements tenus dans le village de Kitimat, comme ce que vous avez mentionné plus tôt. Elles financent des célébrations. Elles paient pour de nouveaux planchodromes. Elles dépensent de l'argent qui provient de l'étranger, ce qui touche le cœur et l'esprit des Canadiens. Pourquoi n'avez-vous pas enquêté sur cela?
    Permettez-moi de clarifier un point. Je crois que les organismes de bienfaisance devraient exercer des activités de bienfaisance. Je serais simplement déçue si des fondations de bienfaisance canadiennes finançaient une cause qui n'était pas exclusivement de nature caritative. Il se trouve que les fondations de bienfaisance qui financent cela sont américaines. Je les dénoncerais, peu importe leur pays d'origine...
    Ne sont-elles pas également canadiennes?
    ... y compris celles qui seraient du Canada.
    Oui, il y a un financement provenant d'organismes de bienfaisance, mais c'est très, très peu comparativement à ce qui provient d'autres sources.
    Vous n'avez donc aucune préoccupation à l'endroit d'Enbridge. C'est surprenant.
    Votre temps est écoulé, monsieur Cullen.
    La question à laquelle elle n'a pas répondu, monsieur le président, portait sur le fait qu'Enbridge a amassé un montant comparable de dizaines de millions de dollars, mais aucune préoccupation n'a été soulevée.
    Eh bien, votre temps est écoulé. Elle pourrait décider d'y répondre lorsqu'elle répondra aux questions de M. Allen, qui a maintenant la parole.
    Monsieur Allen, allez-y, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Madame Inman, j'aimerais commencer par vous et revenir sur une des observations que M. Cullen a commencé à présenter concernant le fait de fixer le prix à 40 $ la tonne. Puis, vous avez parlé de 15 $ la tonne en Alberta. Quelles seraient les répercussions? Nous savons tous que le prix sera refilé au consommateur. Quelles seraient les répercussions de cela sur le consommateur? Avez-vous une estimation du prix à la tonne?
    Pour le moment, en ce qui concerne l'écart entre le coût du captage, le coût du transport et le coût d'injection dans un réservoir qui pourrait donner lieu à une production considérable de pétrole, je crois que le coût est aux alentours de 70 à 100 $. À l'heure actuelle, la taxe en Alberta est de 15 $ la tonne, alors, nous sommes loin d'être en mesure de couvrir ces coûts. Lorsque je parlais des producteurs qui effectuent la récupération assistée des hydrocarbures, ces derniers disent: « Eh bien, peut-être que 40 $ la tonne est un prix que nous aimerions payer. » Vous pouvez donc voir que l'écart est énorme, et c'est pourquoi — pour lancer l'industrie dans cette voie — il nous faut l'aide du gouvernement pour mettre notre technologie en place — qui, selon moi, est une technologie totalement prouvée à une très petite échelle — dans le secteur commercial. Nous aimerions qu'elle démarre avec l'aide du gouvernement.
    Cela répond-il à votre question?

  (1255)  

    Oui. Quoi qu'il en soit, nous allons créer, à mon avis, un faux marché, car...
    Pas au fil du temps.
    ... le gouvernement a offert des subventions, ou les consommateurs vont finir par payer.
    Mais, seulement au début.
    Monsieur Allen, je n'ai pas les chiffres exacts en main, mais je peux vous les fournir. Si vous tenez compte du grand nombre de consommateurs qui se trouvent partout au pays, c'est une hausse très, très minime au chapitre du coût de l'énergie que nous consommons quotidiennement à la maison et dans nos voitures. C'est beaucoup plus minime que ce que nous croyons.
    Récemment — au cours des dernières années —, le prix de l'essence a triplé. Les gens ont-ils cessé d'utiliser leur voiture? Non. Alors, je ne crois pas qu'au bout du compte, le coût du captage du carbone touchera grandement les consommateurs. Mais nous avons besoin de la contribution du gouvernement pour que nous puissions commencer. Au bout du compte, les consommateurs seront disposés à payer pour cela.
    D'accord. Eh bien, je pourrais débattre ce point avec vous.
    Madame Krause, concernant l'une de vos observations sur le fait que le militantisme n'est plus ce que c'était, oui, j'en dirais autant. Je veux dire... je me penche sur le salaire de certains chefs des placements qui figure sur l'une des diapositives — 1,6 million de dollars, 1,5 million de dollars sont versés annuellement aux PDG à titre de rémunération. Ces montants sont très importants; ils sont presque comparables à ceux versés dans les principales banques.
    Dans le cadre de certaines de vos recherches, vous avez mentionné que des montants de 300 millions de dollars ont été versés au cours de la dernière décennie. Par contre, vous avez souligné que cela concernait trois industries: l'industrie pétrolière et gazière, l'industrie forestière et ce genre de truc. Vous avez ajouté que, cette année, les sommes sont passées de 15 à 18 millions de dollars à la suite d'activités de lobbyisme auprès de l'industrie pétrolière et gazière.
    Le montant a-t-il baissé au cours de la décennie? Ou avez-vous vu une croissance liée à l'exploitation pétrolière et gazière? Avez-vous constaté une croissance de ces montants au cours de la dernière décennie ou même au cours des deux ou trois dernières années?
    Une augmentation énorme, oui.
    La première observation que je voudrais faire porte sur la principale raison pour laquelle j'ai dit que l'écoactivisme n'est plus ce que c'était, car, si vous remontez à 10 ans auparavant — vers la fin des années 1990 —, les dons moyens étaient peut-être de 50 000 $. Vous voyiez beaucoup de dons de 10 000 $ ou de 12 000 $ ou même de moins de 10 000 $. Au milieu des années 1990, des dons d'un demi-million de dollars n'étaient pas du tout inhabituels. À présent, il n'est pas du tout inhabituel de voir des millions de dollars ou plusieurs millions de dollars pour un seul don. Nous sommes donc passés de dons à cinq ou six chiffres à des dons de sept chiffres. C'est ce que je constate.
    Prenons le cas d'une fondation — la Tides Canada Foundation — qui, en 2001, avait des actifs équivalant à 1 million de dollars. À présent, ses actifs sont de 33 millions de dollars. Comment est-elle passée de 1  à 33 millions de dollars d'actifs? Vous pouvez en faire beaucoup avec ce que génèrent 33 millions de dollars.
    Prenons l'exemple de la Hewlett Foundation qui, en 2004, a versé 70 000 $ à Tides Canada pour élaborer — et je cite — « un plan stratégique pour traiter le développement du pétrole et du gaz en C.-B. ». J'aimerais savoir quel était ce plan stratégique. Depuis, au cours des quatre dernières années... Après 70 000 $ en 2004, il y a eu un don de 250 000 $, puis 1,5 million de dollars en 2007, et, pour l'année suivante, les dons sont passés de 1,5 à 3 millions de dollars, puis, au cours des deux dernières années, 2 millions de dollars, et 2,4 millions de dollars cette année.
    Alors, oui, nous constatons une augmentation très importante au chapitre du financement.
    Pouvez-vous fournir des commentaires sur l'une des diapositives de votre mémoire? C'est celle où vous dites que 56 millions de dollars américains ont été versés à Tides Canada et que:
« depuis que Tides Canada a obtenu le statut d'équivalence aux États-Unis en 2003, Tides Canada peut ré-octroyer des fonds des États-Unis au nom de Tides Canada ».
    Comment fonctionne le processus au chapitre des fonds qui sont ré-octroyés?
    À ma connaissance — si je ne m'abuse —, Tides Canada compte essentiellement deux entités. Au Canada, il y a deux organismes de bienfaisance enregistrés; l'un s'appelle la Tides Canada Foundation, et l'autre, Tides Canada Initiative Society. La Tides Canada Foundation a un statut d'équivalence aux États-Unis. Elle produit des déclarations de revenus à l'IRS. Des fondations de bienfaisance américaines peuvent donc verser des dons à la Tides Canada Foundation. Elle peut ensuite ré-octroyer une partie de cet argent à sa fondation — la Tides Canada Initiative Society. Alors, lorsque la Tides Canada Foundation fait des dons au Canada, ils sont faits au nom de Tides Canada. Mais vous ne savez pas, par exemple, la provenance des dons.
    Je crois qu'il importe vraiment d'examiner la portée réelle de certains dons. À titre d'exemple, 700 000 $ ont été versés — et je cite — « pour ralentir l'expansion de la production des sables bitumineux en stoppant le développement de nouvelles infrastructures ». J'aimerais savoir... Prenons par exemple la recherche sur la qualité de l'eau qui a été menée à l'égard des répercussions que l'exploitation des sables bitumineux avait sur la rivière d'Athabasca: elle a été menée par la même université, elle a été financée par le même organisme — Tides —, elle a été publiée dans la même revue et elle a été annoncée dans la même revue qu'une autre série de recherches a servi à contrecarrer l'industrie de la salmoniculture. Il importe de savoir: le financement de cette recherche fait-il partie intégrante d'une campagne de démarketing?

  (1300)  

    Désolé, monsieur Allen, votre temps est écoulé.
    J'aimerais vous remercier tous les trois d'être venus aujourd'hui. Les renseignements que vous nous avez fournis sont effectivement très utiles. Jessie Inman, Ian Potter et Vivian Krause, merci.
    Nous nous arrêtons ici pour aujourd'hui.
    La séance est levée.
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