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CC11 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité législatif chargé du projet de loi C-11


NUMÉRO 003 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 27 février 2012

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue à la troisième réunion du comité; nous poursuivons notre étude du projet de loi C-11.
    Nous aimerions rappeler aux membres que lors de la première réunion, nous avons demandé à ce que toutes les réunions soient télévisées, alors je m'attends à ce que vous soyez sages.
    J'aimerais donc commencer par vous présenter les témoins d'aujourd'hui. Nous accueillons M. de Beer, professeur agrégé de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, M. Trosow, professeur agrégé de la faculté de droit et de la faculté de l'information et études des médias de l'Université de Western Ontario, et M. Gannon, avocat chez McCarthy Tétrault. Bienvenue, messieurs.
    Je crois que nous allons commencer par les exposés; vous aurez chacun 10 minutes. J'aimerais vous rappeler qu'après ce temps, je devrai intervenir et malheureusement vous interrompre, même si vous n'avez pas terminé.
    Nous allons commencer par la première personne sur la liste. Monsieur de Beer, si vous êtes prêt, veuillez commencer.
    Bonjour. Je m'appelle Jeremy de Beer. Je suis professeur agrégé à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa.
    Mes recherches portent sur le droit, les politiques et les questions d'intérêt pour l'entreprise relativement à la propriété intellectuelle, l'innovation technologique et le commerce international. J'enseigne, entre autres, des cours sur les politiques en matière de propriété intellectuelle à l'échelle mondiale et sur le commerce de la musique numérique. Je suis également avocat, et j'ai travaillé avec divers intervenants dans le domaine du droit d'auteur, des créateurs aux producteurs, en passant par les intermédiaires, les utilisateurs finaux et les groupes de consommateurs. Avant d'être professeur, j'étais conseiller juridique à la Commission du droit d'auteur Canada. Il s'agit de l'organisme de réglementation chargé de la gestion du droit d'auteur au Canada.
    Cela dit, c'est à titre personnel que je comparais aujourd'hui, et je m'appuie sur mes recherches universitaires et mon expérience professionnelle.
    On devrait féliciter le gouvernement du Canada de son engagement dans la réforme du droit d'auteur. Comme un grand nombre d'autres Canadiens, j'ai hâte que le projet de loi C-11, la Loi sur la modernisation du droit d'auteur, soit adopté. Dans ce contexte, votre travail est extrêmement important, et je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de participer au processus qui fera en sorte que les lois canadiennes concernant le droit d'auteur seront parmi les plus appropriées et les plus efficaces au monde.
    Étant donné que je ne suis pas ici pour représenter un organisme ou un certain point de vue, je ne proposerai pas d'amendement précis au projet de loi. Toutefois, afin de favoriser les politiques fondées sur des données probantes, j'espère que mes recherches et mon expérience vous aideront à tirer vos propres conclusions quant à la démarche appropriée.
    Si vous me le permettez, j'aimerais parler de deux aspects de la Loi sur la modernisation du droit d'auteur qui ont attiré l'attention des diverses parties intéressées pendant le processus de réforme du droit d'auteur. Le premier concerne les dispositions relatives aux mesures techniques de protection des articles 41 à 41.21 du projet de loi, et le deuxième concerne l'ajout des mots « d'éducation, de parodie ou de satire » à l'article 29 du projet de loi. Je serai heureux d'aborder d'autres aspects pendant la période de questions, si vous me le permettez.
    Il ne fait aucun doute que les traités internationaux dont le Canada est signataire doivent faire l'objet de réformes afin de procurer une protection adéquate et des recours judiciaires efficaces contre le contournement des mesures techniques de protection. Le sujet ne soulève pas vraiment la controverse. La seule vraie question, c'est de savoir si le Canada devrait adopter l'approche privilégiée par certains pays, tels les États-Unis, ou l'approche choisie par d'autres pays, par exemple la Suisse et la Nouvelle-Zélande. Il s'agit d'une décision stratégique difficile.
    Même s'il existe des différences entre les dispositions anti-contournement du projet de loi C-11 et celles de l'American Digital Millennium Copyright Act, ces approches se ressemblent, car elles ne rattachent pas le contournement des mesures techniques de protection à un acte de contrefaçon, ce qui fait que le projet de loi C-11, dans sa forme actuelle, pourrait empêcher le contournement des mesures techniques de protection même si ces mesures s'appliquent à du matériel du domaine public ou même si la raison d'être du contournement est légitime, y compris l'exercice des droits qui sont prévus ailleurs dans le projet de loi C-11.
    Par contre, en Suisse et en Nouvelle-Zélande, des réformes récentes rattachent les dispositions sur le contournement à la protection du droit d'auteur et aux oeuvres protégées par le droit d'auteur.
    Selon mes recherches, il existe quatre préoccupations au sujet de l'approche proposée actuellement dans le projet de loi C-11. J'ai fourni à la greffière des exemplaires de quelques-unes de mes publications pertinentes, et d'après ce que je comprends, on vous les distribuera lorsqu'ils auront été traduits. Ces documents expliquent plus en détail les conclusions qu'on peut tirer de ces recherches.
    Tout d'abord, ce modèle de disposition anti-contournement n'est pas cohérent, sur les plans conceptuel et pragmatique, avec d'autres parties de lois et de projets de loi canadiens, surtout en ce qui concerne les droits de faire des copies pour usage privé en vertu de la partie VIII de la Loi sur le droit d'auteur et d'autres dispositions du projet de loi. Selon mes recherches sur les différences entre les lois canadienne et américaine au sujet des copies pour usage privé et des mesures techniques de protection, si on permet la copie pour usage privé en vertu de redevances ou d'autres dispositions, il devrait être légal d'exercer des droits de copies pour usage privé, même s'il existe des mesures techniques de protection.
    Deuxièmement, mes recherches démontrent qu'il existe toujours de graves questions juridiques non résolues au sujet de la constitutionnalité des dispositions anti-contournement, si ces dispositions ne reflètent pas les limites fondamentales du droit d'auteur tel qu'il est défini dans la Loi constitutionnelle de 1867 au chapitre de la répartition des compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Les règlements qui visent, en substance, des questions contractuelles privées ou des mesures techniques de protection qui ont préséance sur l'équilibre des droits établis par la Loi sur le droit d'auteur risquent d'être invalidés, car ils constituent une intrusion dans un domaine de compétence provinciale. La décision récente de la Cour suprême concernant la Loi sur les valeurs mobilières augmente le risque que, selon l'approche proposée dans le projet de loi C-11, ces réformes soient déclarées inconstitutionnelles. Dans le pire des cas, on pourrait jeter le bébé avec l'eau du bain.
    Selon mes recherches, réduire le champ d'action des dispositions pour permettre le contournement à des fins légitimes réduit de façon substantielle ce risque. Cela garantit pratiquement que la loi sera jugée constitutionnelle.
    Troisièmement, toujours selon mes recherches, des dispositions anti-contournement rigoureuses n'aideraient pas beaucoup les Canadiens à exploiter le potentiel de nouveaux marchés fondés sur l'innovation, la collaboration et le contenu généré par l'utilisateur, qui sont, selon un grand nombre de spécialistes en affaires et dans les écoles de gestion, les moyens les plus prometteurs pour favoriser la croissance économique, l'innovation et la productivité au cours des prochaines décennies.
    Il existe des preuves qui suggèrent le contraire — c'est-à-dire que les dispositions anti-contournement sont nécessaires pour permettre la création de nouveaux modèles d'affaires —, mais ces conclusions sont plus fondées sur des théories que sur des données empiriques. De plus, les recherches — c'est-à-dire les recherches empiriques — laissent entendre que des dispositions anti-contournement rigoureuses posent le risque d'entraîner un étouffement imprévu de la concurrence — ce qui serait contre-productif —, car elles imposent une plateforme, un dispositif et un modèle de distribution précis au contenu numérique. C'est un risque que les Canadiens préféreraient sûrement éviter.
    Quatrièmement, selon mes données les plus récentes, la majorité des spécialistes qui ont publié des résultats de recherches sur les dispositions anti-contournement n'appuient pas un modèle qui n'établit pas un lien entre la responsabilité liée au contournement et l'acte de contrefaçon. Afin de produire une vue d'ensemble complète, systématique et objective de la question, une équipe de chercheurs et moi-même avons parcouru presque 1 500 articles publiés dans diverses bases de données sur le sujet.
    Après avoir examiné 1 500 articles, nous avons conclu que seul un très faible pourcentage — c'est-à-dire 10 p. 100 des chercheurs — appuyait les dispositions anti-contournement. Trente-quatre pour cent des auteurs de ces études étaient neutres, alors que 56 p. 100 n'appuyaient pas ce modèle précis de loi anti-contournement.
    Même si on ne peut donc pas interpréter ces données empiriques comme représentant de façon concluante l'opinion du public, ou même l'opinion de toutes les parties intéressées, elles laissent voir un consensus parmi les spécialistes qui ont publié des résultats de recherches sur ce sujet. Les données probantes sont dans les documents que j'ai remis à la greffière.
    Compte tenu de ces données probantes, vous voudrez peut-être examiner si l'approche anti-contournement adoptée par la Nouvelle-Zélande ou la Suisse serait plus appropriée pour le Canada. Je serai heureux de vous parler plus en détail de la façon précise de procéder si vous le souhaitez.
    Auparavant, j'aimerais parler d'un autre sujet, c'est-à-dire les répercussions engendrées par l'ajout des mots « d'éducation, de parodie ou de satire » à l'article 29 de la loi, et surtout le mot « éducation ». D'après ce que je comprends, certaines parties intéressées sont d'avis que ces mots sont trop vagues et pourraient soulever des litiges importants et provoquer une baisse des recettes enregistrées par les auteurs et les éditeurs de matériel éducatif.
    Tout d'abord, si l'interprétation de la portée de la nouvelle disposition devait effectivement faire l'objet de nombreux litiges, alors il est pratiquement impossible, pour le moment, de conclure si on aura des effets — négatifs ou positifs — sur le paiement des redevances et sur les recettes au Canada. En ma qualité d'ancien conseiller juridique de la Commission du droit d'auteur Canada, à laquelle il incombe de réglementer les aspects économiques du droit d'auteur, je peux vous affirmer que la structure de redevances qui émergera de ce processus sera souple et équitable.
    Je peux aussi vous affirmer que la possibilité de l'émergence de litiges au sujet de la signification de ces nouvelles dispositions ne constitue pas un motif valable pour rejeter leur intégration dans la loi canadienne sur le droit d'auteur. En fait, si on peut prédire quelque chose avec certitude, c'est qu'on amènera un grand nombre des dispositions du projet de loi C-11 devant les tribunaux. Il faut s'y attendre.
    Je ne dis pas que le Parlement ne devrait pas guider les tribunaux: par exemple, sur les facteurs qu'il juge pertinents pour déterminer le caractère équitable de tout ce qui est lié aux oeuvres protégées par le droit d'auteur. Toutefois, selon mon expérience professionnelle, je peux vous dire qu'il serait dangereux et inapproprié de définir les catégories de façon trop précise, car elles doivent, par leur nature, être souples et équitables.
    Encore une fois, merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de participer à ce processus. C'est avec plaisir que j'approfondirai le sujet ou que je répondrai à vos questions.

  (1540)  

    Merci, monsieur de Beer. Je vous félicite, car vous avez livré votre exposé en moins de 10 minutes.
    Monsieur Trosow, vous avez la parole.
    Bonjour. J'aimerais d'abord vous remercier de m'avoir invité à comparaître. Je m'appelle Samuel Trosow et je suis professeur à l'Université de Western Ontario. J'enseigne à la faculté de droit, et j'enseigne aussi à la faculté des études sur l'information et les médias, qui offre le programme de journalisme, le programme d'études des médias et le programme de bibliothéconomie et sciences de l’information.
    Les politiques en matière de droit d'auteur sont au centre de mes recherches, surtout en ce qui concerne les nouvelles technologies. Aujourd'hui, je vais commenter surtout les aspects du projet de loi C-11 qui ont des répercussions directes sur l'enseignement, l'apprentissage et la recherche dans nos communautés éducatives. Le projet de loi C-11 n'est pas parfait, mais je veux parler d'une chose que le gouvernement a très bien réussie, à mon avis; il s'agit des dispositions sur l'utilisation équitable.
    L'utilisation équitable, c'est le droit de copier des oeuvres sans obtenir de permission ou sans payer de redevances, mais seulement lorsqu'il est équitable de le faire. La Cour suprême du Canada reconnaît que l'utilisation équitable fait partie intégrante de la Loi sur le droit d'auteur et qu'il s'agit d'un droit extrêmement important pour tous les Canadiens. Le défi posé par l'élaboration de politiques sur le droit d'auteur consiste à trouver un équilibre entre les différentes parties intéressées afin de promouvoir l'apprentissage et le progrès, de rémunérer les créateurs et d'encourager la production de nouvelles oeuvres. Pour y arriver, les droits d'auteur créent un monopole limité, c'est-à-dire que les auteurs ont des droits importants et exclusifs sur leurs oeuvres, mais le monopole est limité par sa durée et par les droits des utilisateurs, par exemple l'utilisation équitable.
    Ce que vous devez faire, c'est de veiller à ce que les politiques concernant le droit d'auteur permettent la création de nouvelles formes d'apprentissage et de créativité, et qu'elles garantissent en même temps aux créateurs de biens intellectuels un niveau raisonnable de protection dans l'environnement numérique. C'est à ce moment-là que l'importance de l'utilisation équitable se fait vraiment sentir. Il arrive que, peu importe le rôle que nous jouons, nous devons avoir accès à des renseignements et les utiliser. La Loi sur le droit d'auteur permet actuellement l'utilisation équitable à des fins de recherche, d'étude privée, de critique, de compte rendu et de communication de nouvelles.
    En 2004, dans l'affaire CCH Canadian Ltée c. Barreau du Haut-Canada, la Cour suprême a jugé que l'utilisation équitable était un droit important des utilisateurs, un droit qui fait partie intégrante de l'équilibre général visé par la Loi sur le droit d'auteur. Cette interprétation est cohérente avec les pratiques changeantes et est très appropriée dans un environnement d'information qui s'appuie en grande partie sur la technologie. Toutefois, dans le contexte des établissements d'enseignement, il subsiste un degré d'incertitude sur la portée de l'utilisation équitable, car on a essentiellement adopté le libellé de la Loi sur le droit d'auteur de 1911 du Royaume-Uni, lorsqu'on a adopté la loi canadienne équivalente en 1921.
    Dans les versions précédentes du projet de loi C-11, la communauté éducative était unanime sur le fait que les catégories d'utilisation équitable avaient besoin d'être clarifiées. On avait suggéré d'ajouter les mots « tels les » avant recherche, étude privée, critique, compte rendu et communication des nouvelles, et d'ensuite préciser les six critères du caractère équitable adoptés dans la décision CCH. Toutefois, le projet de loi C-11 n'a pas adopté la suggestion concernant l'ajout des mots « tels les ». Il a plutôt ajouté trois éléments précis à la liste: l'éducation, la parodie et la satire. Bien que j'aurais préféré l'ajout des mots « tels les », la proposition actuelle est un compromis très raisonnable.
    La disposition est devenue le souffre-douleur de l'opposition et plusieurs sources prétendent que l'utilisation équitable vise surtout à épargner de l'argent et qu'on fera beaucoup plus de copies, ce qui nuira aux éditeurs canadiens et aux créateurs. Ceux qui sont contre l'utilisation équitable accusent sans cesse le secteur éducatif de ne pas vouloir rémunérer les créateurs à leur juste valeur, et ils affirment que les écoles, les enseignants et les étudiants souhaitent étendre le champ d'application de l'utilisation équitable afin d'épargner de l'argent, mais rien n'est plus faux.
    Les membres du comité précédent, c'est-à-dire celui sur le projet de loi C-32, ont entendu plusieurs groupes parler des sommes énormes dépensées par le secteur de l'éducation afin d'acheter du matériel documentaire ou d'obtenir une licence pour l'utiliser. Ernie Ingles, la bibliothécaire en chef de l'Université de l'Alberta, a dit au comité, en février dernier, que les bibliothèques des universités du Canada dépensaient plus de 300 millions de dollars annuellement pour l'achat de contenu ou des licences s'y rapportant et que les modifications à l'utilisation équitable ne changeraient rien à cela. Campus Stores Canada a soulevé le même point ce jour-là, en affirmant que l'utilisation équitable n'avait aucune répercussion sur la vente d'ouvrages didactiques ou de manuels scolaires, et l'entreprise ne voyait pas pourquoi cela changerait. Les exploitants de librairies ont appuyé l'ajout de l'éducation comme étant un droit universitaire important en ce qui concerne l'utilisation équitable, et ils pensent que les inquiétudes au sujet de la reproduction à grande échelle sont tout simplement sans fondement.
    Le but de l'ajout de l'éducation à l'utilisation équitable n'est pas d'épargner de l'argent, mais de le dépenser plus intelligemment et de façon à rendre accessible le contenu à plus de gens. De plus, l'utilisation équitable ne détruira pas l'industrie canadienne de l'édition et les créateurs qui en dépendent. Aux États-Unis, le droit à l'utilisation équitable à des fins éducatives est considérablement plus étendu que ce que propose le projet de loi C-11. Même si les Américains sont beaucoup plus permissifs que ne l'est le projet de loi C-11 à ce sujet, leur industrie de l'édition est prospère et solide.

  (1545)  

    Voici ce que je propose comme prochaine étape. Si le comité souhaite clarifier et limiter l'utilisation équitable à des fins d'éducation, il existe une solution bien simple: inclure, dans le texte de la loi, les six facteurs énoncés par la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCH. On peut évaluer l'équité de l'utilisation selon les facteurs suivants: le but, la nature et l'ampleur de l'utilisation, les solutions de rechange à l'utilisation, la nature de l'oeuvre et l'effet de l'utilisation sur l'oeuvre.
    Si vous estimez qu'il faut davantage clarifier et définir l'utilisation équitable à des fins d'éducation, alors n'hésitez pas à ajouter ces précisions à la loi.
    J'aimerais parler d'un dernier point qui me préoccupe. Certains ont proposé que l'utilisation équitable à des fins d'éducation soit limitée aux établissements d'enseignement admissibles. Je rejette cette approche. Ce serait une erreur. L'utilisation équitable constitue un droit pour tous les Canadiens, et non seulement pour ceux qui ont le privilège de fréquenter un établissement d'enseignement — un terme défini et limité dans la loi. L'utilisation équitable n'intervient pas seulement dans un séminaire de deuxième cycle sur la physique quantique. C'est pour l'entraîneur de hockey qui enseigne des habiletés de patinage intensif. C'est pour un centre d'accueil pour aînés qui offre des programmes sur la nutrition et l'activité physique. C'est pour un groupe de guides qui acquièrent des connaissances sur l'environnement naturel. C'est pour une exposition sur l'histoire locale dans un musée près de chez nous. C'est pour un programme d'alphabétisation à la bibliothèque municipale. C'est pour tout intervenant dans le domaine en pleine croissance de l'éducation permanente.
    Oui, il est essentiel de clarifier l'utilisation équitable pour ceux qui travaillent ou étudient dans des établissements d'enseignement, et il est vrai que des exceptions supplémentaires ne s'appliquent qu'à eux. N'empêche que l'utilisation équitable est un droit important pour les Canadiens de tous les horizons, y compris les auteurs, les artistes et les musiciens, peu importe s'ils travaillent ou non dans nos écoles, collèges et universités. En précisant les objectifs de l'utilisation équitable à des fins d'éducation, le projet de loi C-11 renforce et clarifie le droit de chacun à ce privilège, malgré certaines affirmations à caractère sensationnel que vous avez entendues.
    Cette modification est d'importance capitale parce que la meilleure façon d'atteindre les objectifs énoncés dans le document de consultation du gouvernement — à savoir l'innovation, la créativité, l'investissement, la concurrence et le leadership mondial —, c'est de faire du Canada un paradis pour le droit d'auteur équitable. On devrait encourager les Canadiens de tous les milieux à se livrer à des pratiques en matière de droit d'auteur équitable. Le droit d'auteur équitable, sous toutes ses formes, devrait devenir la marque de commerce d'une culture canadienne du droit d'auteur, à l'image des valeurs canadiennes.
    Je vous exhorte donc à adopter la disposition proposée concernant l'utilisation équitable, avant de passer aux prochaines étapes du projet de loi.
    Merci encore de votre temps, et je serai heureux de répondre à vos questions durant la période des questions ou, plus tard, par écrit.

  (1550)  

    Merci, monsieur Trosow.
    Je dois vous féliciter, vous aussi, parce que vous avez pris moins de 10 minutes.
    Je ne veux pas vous mettre de pression, monsieur Gannon. C'est à votre tour.
    Bonjour. Je m'appelle James Gannon. Je suis avocat chez McCarthy Tétrault à Toronto. Je me réjouis d'être ici pour vous parler du projet de loi C-11 et pour répondre à vos questions.

[Français]

    J'espère pouvoir apporter un éclairage sur deux domaines précis du projet de loi.
    Tout d'abord, je vais parler des mesures de protection technologiques, les MPT, ou serrures numériques, comme on les nomme souvent.
    Deuxièmement, je voudrais corriger certaines idées fausses qui circulent au sujet de l'article dit facilitateur et dont nous avons entendu parler ces temps-ci.

[Traduction]

    Permettez-moi d'abord de me présenter rapidement.
    J'ai obtenu mon diplôme en 2008 à la faculté de droit Osgoode Hall. Depuis, je travaille pour McCarthy Tétrault dans les domaines du droit de la technologie et de la propriété intellectuelle. J'ai également un diplôme en génie de conception de systèmes de l'Université de Waterloo.
    Monsieur Gannon, je dois vous interrompre un instant. Auriez-vous l'obligeance de ralentir un peu pour faciliter la tâche des interprètes? Merci.
    Absolument. Merci, monsieur le président.

[Français]

    L'an dernier, lors des réunions du Comité législatif chargé du projet de loi C-32, nous avons entendu beaucoup de témoignages sur la manière dont les jeunes produisent et consomment les médias numériques. On a aussi dit que la Loi sur le droit d'auteur du Canada avait, de façon pressante, besoin d'être modifiée pour s'adapter à ces développements. Par contre, nous n'avons pas vu beaucoup de jeunes Canadiens et Canadiennes devant le comité. J'espère donc aussi pouvoir partager avec vous le point de vue d'un jeune Canadien en ce début de nouvelle législature.

[Traduction]

    Commençons par les MTP, ou les mesures techniques de protection.
    Les MTP sont des technologies conçues pour contrôler la façon dont on peut accéder aux médias numériques et en copier le contenu. Le projet de loi C-11 érige en violation du droit d'auteur le fait de contourner les MTP ou de fabriquer et de distribuer des dispositifs de contournement. Il est à noter que tous les principaux partenaires commerciaux du Canada offrent une protection juridique pour les MTP aux termes des traités Internet de l'OMPI.
    Ces technologies sont souvent qualifiées de « serrures numériques », mais je crois qu'il s'agit là d'une expression tout à fait impropre; au lieu de considérer les MTP comme des restrictions destinées en quelque sorte à frustrer les consommateurs, on devrait les considérer comme un élément essentiel pour un marché des médias numériques en plein essor. S'il y a un message que j'aimerais transmettre aujourd'hui aux membres du comité, c'est qu'on devrait se débarrasser de l'expression « serrures numériques » et remettre l'accent sur ces technologies, sur ce qu'elles permettent de faire et sur la façon dont la législation canadienne sur le droit d'auteur devrait les protéger pour qu'on puisse maintenir un marché canadien plein de créativité et de dynamisme.
    Je vais vous donner quelques exemples.
     Je ne qualifierais pas de serrure numérique la MTP utilisée par Spotify, un service de musique en ligne. Pourquoi? Parce qu'en s'abonnant à Spotify, on peut écouter de la musique de façon illimitée à partir de ce site. On a accès à un immense répertoire de musique qu'on peut télécharger en tout temps. Par contre, la MTP empêche les gens de copier le flux de musique sur leur disque dur. Sans la MTP, il suffirait de s'abonner à Spotify pendant un mois, de copier chaque morceau de musique offert, puis d'annuler l'abonnement. La MTP empêche cette pratique, sans pour autant nous empêcher d'avoir accès au répertoire en tout temps.
    Même les services de distribution de vidéos en ligne profitent des MTP. Par exemple, on peut louer ou acheter des films à partir du site Web de Blockbuster. De nos jours, il ne reste pas beaucoup de clubs vidéos; ceux-ci offrent maintenant des services en ligne. Si on loue un film à partir du site de Blockbuster, on reçoit le fichier vidéo au prix de 3 $; toutefois, le film est protégé par une MTP, qui cause la suppression automatique du fichier après 30 jours. Si on décide d'acheter le même film, il faudra payer un peu plus cher, peut-être 20 $, mais le fichier vidéo ne s'effacera pas automatiquement. À vrai dire, c'est grâce aux MTP que le modèle de location est possible: sans les MTP, il n'y aurait aucune différence entre le modèle de location et le modèle d'achat.
    On entend souvent dire que les industries culturelles doivent trouver de nouveaux modèles d'affaires pour leurs produits. À mon avis, elles ont déjà fait le virage, mais elles comptent sur les MTP pour assurer la viabilité de ces modèles de distribution.

  (1555)  

[Français]

    C'est pour cette raison qu'il est absolument nécessaire de rattraper le reste du monde et de ratifier ces traités de l'OMPI.

[Traduction]

     De plus, le projet de loi C-11 prévoit de nouvelles exceptions qui accorderaient aux consommateurs une plus grande souplesse dans la façon dont ils peuvent utiliser le contenu en ligne qu'ils achètent légalement. Ces nouvelles exceptions concernent entre autres le changement de support, l'enregistrement pour écoute en différé et les copies de secours. On attendait depuis longtemps ces ajouts à la loi canadienne sur le droit d'auteur, mais ceux-ci ne doivent s'appliquer que si les MTP ne sont pas contournées au moment de faire ces nouveaux types de copies.
    Je sais que certaines personnes ont proposé de retirer cette condition et de permettre le contournement des MTP afin de faire des copies de secours et de reproduire des copies dans un autre format. Cependant, une telle autorisation n'a de sens que si nous revenons à la mentalité des serrures numériques et que nous cessons de considérer ces technologies comme des moyens propices aux modèles de distribution dont je viens de parler.
    Je vais vous donner quelques autres exemples. Si je peux contourner la MTP de Spotify, c'est-à-dire la technologie qui protège la diffusion de musique en mode continu, pour faire des copies de secours, comme je l'ai dit, je pourrai tout simplement copier le répertoire complet de Spotify, en toute légalité aux termes du projet de loi C-11, et posséder ainsi ma propre copie de toutes les oeuvres musicales offertes aux abonnés.
    Par ailleurs, si j'ai le droit légalement de faire des copies de secours d'un film loué à partir du site de Blockbuster, je n'aurai aucune raison de l'acheter. Je pourrais tout simplement louer des films et faire autant de copies de secours que je veux. Voilà pourquoi il est absolument essentiel d'inclure les MTP dans ces nouvelles exceptions pour assurer la viabilité de ces nouveaux modèles d'affaires.
     J'ai maintenant quelques observations à faire au sujet des dispositions habilitantes, chose que personne n'a abordée aujourd'hui, si je ne me trompe pas. C'est une question dont on a beaucoup entendu parler dernièrement, alors j'espère pouvoir la tirer au clair maintenant.
    Lorsque l'l'honorable Tony Clement a présenté le projet de loi C-32 il y a quelques années, il a beaucoup parlé de la lutte contre les malfaiteurs ou les destructeurs de richesse dans le milieu des droits d'auteur. Autrefois, c'était des programmes tels que Napster et LimeWire. Maintenant, on parle de sites Web comme isoHunt et The Pirate Bay. Voilà ce que visent vraiment les dispositions habilitantes.
    À l'autre extrême, le projet de loi C-11 contient également des dispositions d'exonération qui sont conçues pour protéger les bons. On entend par là des fournisseurs de services Internet comme Rogers et Bell, des moteurs de recherche ou des sites d'hébergement comme YouTube. Nous savons que ces services bien intentionnés sont parfois utilisés pour transmettre un contenu contrefait, mais ce n'est pas leur objectif principal. C'est pourquoi le projet de loi C-11 leur accorde une exonération et les protège contre toute responsabilité.
    On doit vraiment voir cela comme un spectre. Le projet de loi C-11 contient, d'une part, des dispositions habilitantes pour s'en prendre aux méchants et, d'autre part, des dispositions d'exonération pour protéger les bons.
    Toutefois, le problème que j'aimerais porter à votre attention aujourd'hui, c'est que le projet de loi ne donnera pas assez de pouvoir aux titulaires de droit d'auteur pour leur permettre de poursuivre ces méchants. D'une part, le libellé des dispositions habilitantes est étroit; il y a donc un risque que les méchants comme isoHunt et The Pirate Bay puissent s'en tirer en cour. D'autre part, le libellé des dispositions d'exonération est trop vague. Non seulement les méchants pourraient avoir gain de cause grâce aux dispositions habilitantes, mais ils pourraient aussi être protégés en invoquant les dispositions d'exonération. Ce serait une conséquence négative imprévue du projet de loi, s'il était adopté dans sa forme actuelle.
    Je ne saurais trop insister sur l'importance de trouver le bon libellé pour les dispositions habilitantes et les dispositions d'exonération. Je ne veux pas entrer dans les détails parce que ce serait beaucoup trop technique, mais je vais vous donner un exemple.
    Une disposition habilitante s'applique actuellement aux sites Web conçus principalement pour faciliter une violation du droit d'auteur. C'est ce que dit le libellé actuel. Toutefois, chaque fois que les responsables de ces sites Web ont été traînés en justice dans d'autres pays, leur premier argument a toujours été de dire ceci: « Oui, 99 p. 100 des gens qui consultent notre site Web téléchargent du contenu illégal et oui, nous avons fait des millions de dollars à la suite de ces infractions, mais ce n'était pas notre intention principale. Cela n'a jamais été la raison principale pour laquelle nous avons conçu notre site Web. Nous n'y pouvons rien si les gens l'utilisent maintenant à ces fins. » Voilà pourquoi je propose de changer le libellé des dispositions habilitantes de sorte que les sites Web conçus ou exploités principalement pour faciliter une violation du droit d'auteur soient tenus responsables du nombre exorbitant d'infractions qu'ils causent.
    J'exhorte donc le comité à examiner ces points, ainsi que d'autres modifications proposées aux dispositions habilitantes et aux dispositions d'exonération.
    En dernier lieu, j'aimerais parler rapidement de quelques modifications techniques qu'il faut apporter à certaines parties précises du projet de loi où il est question de logiciels. Il s'agit de dispositions liées à des questions comme la recherche sur le chiffrement, la sécurité des réseaux, la rétroingénierie et l'interopérabilité des logiciels.
     L'année dernière, au comité chargé du projet de loi C-32, des témoins comme l'honorable John Manley et l'honorable Perrin Beatty ont parlé un peu de certaines de ces modifications. Je peux confirmer, en ma qualité d'ingénieur de systèmes et d'avocat spécialiste du droit d'auteur, que ces modifications sont en effet requises pour les dispositions ayant trait aux logiciels. Je n'ai pas entendu beaucoup de gens s'y opposer, alors je pense qu'elles sont assez bien acceptées. Je presse donc le comité d'en tenir compte également.

  (1600)  

[Français]

    Je crois que le temps qui m'était alloué est écoulé. Dans ce cas, je serai heureux de répondre à vos questions au sujet de ce projet de loi.

[Traduction]

    Félicitations à vous aussi, parce que vous avez pris moins de 10 minutes, comme les autres.
    Avant de lancer la période des questions, je dois informer les députés que nous siégerons à huis clos durant les cinq dernières minutes de la séance d'aujourd'hui afin de discuter rapidement de quelques points soulevés à la dernière réunion. C'est ce que j'ai décidé de faire.
    Sur ce, nous allons commencer la première série d'interventions de cinq minutes. C'est, je crois, M. Armstrong qui ouvrira le bal.
    Je tiens à vous remercier tous de votre présence et de vos exposés. Comme vous le savez, il s'agit d'un projet de loi très technique. C'est long et compliqué. Vos explications étaient très claires et concises. Je vous demanderai, probablement à tous les trois, d'apporter quelques précisions, en commençant par M. Gannon, le dernier témoin à avoir pris la parole.
    Vous avez proposé qu'on change la définition, plus précisément qu'on délaisse l'expression « serrures numériques » afin d'insister davantage sur la protection. Vous avez parlé de l'équilibre entre la partie du projet de loi qui porte sur les dispositions habilitantes et celle qui porte sur les dispositions d'exonération.
    J'aimerais que vous précisiez la différence entre les deux. Vous avez dit que, d'une part, les dispositions habilitantes sont trop étroites et qu'on doit en élargir un peu la portée afin de faire payer ceux qui abusent intentionnellement du système. D'autre part, on doit rétrécir la portée des dispositions d'exonération afin d'empêcher certains de ces mauvais joueurs d'en abuser.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la relation entre les deux parties?
    Volontiers. Comme je l'ai dit, pour l'instant, le projet de loi contient quatre dispositions d'exonération. Les exceptions visent, premièrement, les fournisseurs de services réseau, c'est-à-dire des entités comme les fournisseurs de services Internet; deuxièmement, la mise en antémémoire; troisièmement, les sites Web d'hébergement comme YouTube; et, enfin, les moteurs de recherche.
    Cela dit, dans deux des cas — c'est-à-dire les dispositions d'exonération s'appliquant aux services réseau et aux moteurs de recherche —, le projet de loi stipule que l'exonération ne s'applique pas si la personne facilite la violation du droit d'auteur. On entend par là évidemment le fait d'encourager et d'inciter des violations du droit d'auteur à grande échelle. Il est donc logique d'affirmer que toute personne qui incite un grand nombre d'actes de violation ne sera pas exonérée.
    Le hic, c'est que cette condition ne s'applique qu'à deux des quatre dispositions d'exonération. Il se peut donc qu'un exploitant de site Web d'hébergement se défende en disant: « Oui, monsieur le juge, il est vrai que je facilite la violation du droit d'auteur, mais aux termes de la disposition d'exonération prévue dans la Loi sur le droit d'auteur en ce qui concerne l'hébergement, je suis protégé contre toute responsabilité. »
    Voilà pourquoi j'ai fait valoir, dans mon exposé, que les dispositions habilitantes manquent de mordant et que les dispositions d'exonération sont parfois trop vagues.
    Très bien. Je vous remercie.
    Je passe maintenant à M. Trosow. Dans votre exposé, vous avez dit que le but de votre recherche consiste, en gros, à rendre le Canada une sorte de paradis pour l'utilisation équitable. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre l'utilisation équitable et, comme certains l'appellent, l'utilisation libre?
    Oui l’utilisation équitable est prévue par la loi au Canada, aux États-Unis et ailleurs. Au Canada, l’utilisation doit d’abord être classée dans l’une des catégories mentionnées dans la loi, soit la recherche, l’étude privée, la critique, le compte rendu ou la communication de nouvelles. Mais la deuxième étape consiste à soumettre l’utilisation à une analyse qui repose grandement sur les faits et qui, au Canada, est fondée sur les six critères que j’ai exposés. On pèse tous ces différents facteurs, et l’on rend une décision quant à l’équité de l’utilisation.
    Par conséquent, j’établirais une distinction entre l’utilisation équitable et l’utilisation libre parce que, même si l’utilisation remplit les conditions requises pour être classée dans l’une des catégories, elle n’est pas pour autant jugée équitable, et vous ne pouvez pas vous mettre à copier tant que vous voulez. Par exemple, vous ne pouvez pas utiliser une photocopieuse pour produire des manuels en série au lieu de les acheter, ce que vous pourriez faire si le critère n’avait qu’un volet. Comme la mesure législative prévoit des critères d’équité, il est clair que vous devez toujours réfléchir longuement à l’équité de ce que vous faites.
    Je pense que plus nous pourrons sensibiliser le public à ces critères, mieux cela vaudra.
    Vous avez également mentionné que les États-Unis avaient déjà mis en oeuvre ou mis à jour leur loi sur le droit d’auteur. La façon dont leur industrie de l’édition est structurée, en particulier dans le domaine du matériel didactique — je suis un ancien enseignant; c’est la raison pour laquelle je mets l’accent sur cette question — permet une utilisation équitable plus ample que ce que le projet de loi C-11 autorise à l’heure actuelle. Vous dites que cela n’a pas eu un effet négatif sur les ventes de l'industrie et que le marché éducatif lui a, disons, donné satisfaction.
    Alors, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-11 ne devrait pas menacer les grands éditeurs canadiens d’ouvrages éducatifs?

  (1605)  

    Je ne crois pas qu’il y ait des preuves tangibles que le projet de loi aurait cet effet-là. Aux États-Unis, ils emploient l’expression « tel que », laquelle n’impose aucune limite. L’utilisation n’a pas besoin de correspondre à l’un des critères. Leur mesure législative stipule précisément que cette utilisation peut comprendre des copies multiples à distribuer en classe. On passe ensuite à l’analyse des quatre facteurs, qui sont essentiellement semblables aux six principes définis dans la décision de la Cour suprême dans l’affaire CCH. La jurisprudence américaine indique clairement qu’il est interdit de faire des copies en série qui nuiraient au marché, tout comme l'indique notre dernier facteur.
    Par conséquent, je pense que la crainte, qu’en incluant le matériel didactique, on nuise en quelque sorte à l’industrie de l’édition, contredit les faits observés dans un marché beaucoup plus important.
    Merci, messieurs Trosow et Armstrong.
    Je cède maintenant la parole à M. Angus.
    Merci, messieurs. Cette discussion est fascinante.
    Je vais être très bref, car je dispose seulement de cinq minutes, et il y a tellement d’enjeux que nous pourrions discuter.
    Monsieur de Beer, M. Gannon nous a fourni un exemple plutôt convaincant de l’utilisation des mesures techniques de protection pour briser des marchés d’affaires — et voler des produits —, et je pense que c’est une question sur laquelle tous les partis s’entendent. Nous ne voulons pas que des marchés naissants soient perturbés par des clients qui demandent de louer un film et qui décident ensuite que cette location leur donne certains droits de propriété. Il y a une différence entre louer un produit et en être propriétaire.
    Monsieur de Beer, je me demande si nous ne sommes pas en train d’établir deux niveaux de droits. Si certains droits existent dans l’univers analogique, comme celui d’extraire de l’information à des fins de parodie, de satire ou de recherche, et ce, malgré une mesure technique de protection — par exemple, vous pouvez utiliser des extraits d'un DVD dont vous faites un compte rendu —, cela signifie qu’on peut faire quelque chose dans l’univers analogique qu’on ne peut pas faire dans l’univers numérique.
    Vous avez mentionné la question d’une contestation constitutionnelle. Croyez-vous que ces deux niveaux de droits seront problématiques s’ils ne sont pas modifiés?
     Oui. On reproche entre autres au projet de loi de contenir des dispositions qui ne sont pas neutres sur le plan technologique et qui accordent des droits différents aux consommateurs, selon qu’ils travaillent en ligne ou non. Je vais me contenter de parler de certains des 1 500 articles rédigés par des universitaires, que mon équipe de recherche et moi avons passés en revue.
    Dans ceux-ci, la grande majorité des universitaires et des chercheurs signalent ce problème; ce n’est pas leur seule critique, mais c’est l’une d’entre elles. En lui-même, cet enjeu est l’un des facteurs qui influent sur l’analyse constitutionnelle mais, en réalité, la question est de savoir si le gouvernement va adopter une loi qui suit les contours traditionnels de ce que, typiquement, l’on considère comme le droit d’auteur, ou s’il prétend réglementer essentiellement la propriété et les contrats. C’est là que la loi risque vraiment de devenir invalide sur le plan constitutionnel.
    Il me semble que le traité de l’OMPI définit des exceptions qui sont déjà garanties par la loi. Par exemple, il indique qu’il est possible de se prévaloir de ces exemptions dans l’univers numérique, à condition de ne pas en ajouter de nouvelles ou, dans le cas de Spotify, qu’il serait acceptable, dans l’univers numérique, de télécharger le contenu du site en entier et d’annuler ensuite son abonnement — là, ce serait aller trop loin.
    Mais, grâce au traité de l’OMPI, bon nombre de nos partenaires commerciaux bénéficient de moyens clairement définis de protéger leurs exemptions. Est-ce votre entendement?
    Oui, je pense qu’il y a une question importante que nous devons démêler ici, c'est-à-dire la question de l’utilisation de mesures techniques de protection dans le marché et de l’utilisation de la Loi sur le droit d’auteur pour interdire le contournement des mesures techniques de protection. Il s’agit de deux choses très différentes.
    À l’heure actuelle, la loi canadienne est neutre sur le plan technologique par rapport à l’utilisation de mesures techniques de protection. Elle ne comporte aucune disposition qui appuie ou interdit l’utilisation de mesures de ce genre dans le marché. C’est la raison pour laquelle des mesures techniques de protection sont appliquées à toutes sortes d’entreprises, que ce soit l’accès en ligne à des vidéos ou des enregistrements audio en continu, ou la vente de livres numériques ou de DVD. L’utilisation de ces mesures n’est pas défendue et, à ce que je sache, ce sujet n’est pas à débattre ici.
    Nous parlons ici de protections ou de dispositions légales qui interdisent le contournement des mesures techniques de protection. Donc, elles sont comme une couche de protection supplémentaire et, si vous visualisez des cercles concentriques de protection, nous faisons allusion ici à celui qui se trouve le plus loin du centre. C’est l’une des questions ou l’un des points potentiellement problématiques qui devraient être soulevés ou qui pourraient être soulevés dans…

  (1610)  

    Il me reste très peu de temps mais, en raison de votre travail à la Commission du droit d’auteur… Nous sommes vraiment préoccupés par la nécessité de clarifier la question de l’éducation. Ce qui nous inquiète, c’est que le marché du livre canadien est restreint, et que celui du Québec l’est encore plus. Donc, si quelque chose est touché, cela aura des conséquences.
    M. Trosow a suggéré d'utiliser la décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire CCH. Cette définition semble très claire. La décision définit en quoi consiste l’éducation. Dans votre travail à la Commission du droit d’auteur, parce que c’est là qu'on tranche… ces questions sont débattues encore et encore afin de vraiment préciser ce qui est équitable et ce qui ne l’est pas… est-il pratique de disposer d’une définition claire comme celle établie par les six facteurs énumérés dans la décision rendue dans le cadre de l’affaire CCH? Comment la Commission du droit d’auteur examinerait-elle une nouvelle mesure législative et comment s’assurerait-elle que les dispositions concernant l’utilisation équitable ne donnent pas à penser que toute utilisation est acceptable et respectent les principes qui ont été définis?
    Veuillez répondre en 30 secondes ou moins.
    Très brièvement, je dois souligner que je ne peux pas parler au nom de la Commission du droit d’auteur. J’étais leur conseiller juridique, avant de devenir professeur. Mais, pendant la période où j’ai travaillé comme conseiller juridique à la commission, c’est précisément le genre de questions qu’elle tranchait. Ensuite, ces affaires étaient souvent portées devant la Cour d’appel fédérale ou la Cour suprême.
    En fait, cette dernière est actuellement saisie d’une affaire qui fait partie d’une série de causes portant sur ces genres de question. Je pense que la commission et les tribunaux sont tout à fait capables de gérer ces cas comme des questions d’interprétation. Je pense qu’en ajoutant les facteurs dont on tient compte dans un souci d’équité…
    Merci, monsieur de Beer. Merci, monsieur Angus.
    Nous passons maintenant à M. Braid, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également nos trois témoins de leur présence cet après-midi. Vos trois exposés étaient excellents.
    Monsieur Gannon, j’aimerais commencer par vous poser quelques questions, si vous n’y voyez pas d’inconvénient. Vers la fin de votre temps de parole, vous avez parlé de la nécessité pour nous d’envisager d’apporter quelques amendements de forme aux dispositions portant sur la sécurité, la recherche sur le chiffrement, etc., pourriez-vous commencer à nous fournir des précisions à cet égard?
    Bien sûr. Comme je l’ai indiqué, en ce moment, le projet de loi C-11 prévoit quatre exceptions ayant trait à des questions liées aux logiciels ou aux ordinateurs, comme la recherche sur le chiffrement, la sécurité, l’interopérabilité et la quatrième…
    Ça va. Elles sont mentionnées dans le projet de loi.
    Elles sont mentionnées dans le projet de loi.
    La façon dont ces dispositions sont formulées — je les examine en ce moment. Si je les compare à leurs précédents internationaux dans des pays comme l’Australie, Singapour, je constate que ces derniers ont effectivement adopté des exceptions semblables. Elles se sont révélées parfois utiles. Grâce à elles, quelques technologies novatrices ont été élaborées et quelques programmes informatiques ont été copiés afin de mener des recherches sur le chiffrement, d’améliorer la sécurité des réseaux et d’autres choses de ce genre. Leurs exceptions sont beaucoup plus restrictives que la façon dont les nôtres sont définies dans le projet de loi C-11. En ce moment, nos exceptions ne comportent presque aucune réserve, alors que dans des États comme l’Australie ou Singapour, les exceptions exigent, par exemple, qu’on veille à ce que la personne qui l’invoque, qui décrypte un logiciel ou du chiffrement pour mener ce genre de recherches, soit en fait formée pour le faire et qu’elle possède les compétences ou les connaissances nécessaires pour accomplir ce genre de tâches… que nous ne légalisons pas simplement le piratage, comme ce serait le cas.
    Il y a une autre condition qui me semble très raisonnable. Si vous vous apprêtez à déjouer la sécurité du réseau de quelqu’un ou à pirater le programme de quelqu’un afin de vous livrer à ce genre de recherches, vous devriez, au moins, tenter sincèrement d’en aviser la personne et d’obtenir sa permission avant d’aller de l’avant. Voilà certaines des conditions préalables reconnues à l’échelle internationale que comportent ces dispositions axées sur les logiciels.
    Encore une fois, je serais heureux de vous fournir une liste plus détaillée de ces conditions. Voilà ce que je recommanderais.
    Merci.
    En gros, vous suggérez que, dans cette partie du rapport, nous envisagions la possibilité de resserrer le libellé?
    Oui, c’est exact.
    Merci.
    J’ai une question très directe à vous poser au sujet des mesures techniques de protection, des MTP. Croyez-vous qu’elles favorisent et récompensent l’innovation lorsqu’elles sont utilisées pour appuyer un modèle d’entreprise?
    Oui, assurément. Nous avons observé un grand nombre de ces modèles d’entreprise, et nous en avons eu la preuve dans les pays qui les ont adoptés. En ce qui concerne les exemples que j’ai donnés durant mon exposé, à mon avis, ce n’est pas une coïncidence qu’aucun de ces services n’a été élaboré au Canada. Nous avons constaté que les services comme le magasin iTunes d’Apple étaient adoptés rapidement, même s’ils limitent la façon dont on peut utiliser les vidéos qu’on achète. Dans le cas du magasin iTunes, on peut les visionner seulement sur cinq ordinateurs. Encore une fois, je ne crois pas qu’on emploie une serrure numérique lorsqu’on dit ce qui suit: « Je vais vous permettre d’acheter des vidéos et de les copier sur cinq ordinateurs, mais je dis bien cinq, et non pas 10 000. » Les gens ont accepté ce modèle. Cette restriction est connue. Le marché a parlé, et il est satisfait de l’adopter.

  (1615)  

    Je veux maintenant tenter de faire un rapprochement. Dans son exposé, M. de Beer a cité des exemples de dispositions d’anti-contournement. Ces exemples émanaient de la Nouvelle-Zélande et de la Suisse.
    Monsieur Gannon, connaissez-vous ces exemples? Pouvez-vous formuler des observations à propos de cette suggestion?
    Bien sûr. Je ne dis pas que la recherche de M. de Beer est erronée mais, en ce qui concerne le premier exemple, la Nouvelle-Zélande na pas signé les traités de l’OMPI. Par conséquent, ce n’est peut-être pas le modèle que nous devrions examiner.
    Cette observation me semble plutôt pertinente.
    En ce qui concerne le deuxième exemple, il est vrai que la Suisse autorise le contournement de ces exceptions. Mais la Suisse est aussi connue pour avoir l’un des plus importants régimes tarifaires de copie privée. Bon nombre de ces contournements et de ces copies non autorisées sont, en fait, compensés par les redevances plutôt lourdes qui s’appliquent à des services comme les médias numériques.
    Merci.
    Il vous reste 30 secondes, monsieur Braid.
    Monsieur Trosow, vous avez parlé avec passion de l’importance de s’assurer que la notion d’utilisation équitable ne se limite pas aux Canadiens qui étudient dans des établissements d’enseignement. Pourriez-vous nous fournir des précisions à cet égard?
    Oui. Dans le projet de loi, on parle de l’utilisation équitable en général, puis on mentionne des exemptions très précises pour les bibliothèques, les archives, les musées et les établissements d’enseignement. Je pense que ce serait une énorme erreur politique de mélanger les deux et de dire que nous allons créer une définition pour l’utilisation équitable et que nous allons ensuite la limiter à certains types d’établissements. Le processus éducatif est beaucoup plus vaste que ce qui pourrait se dérouler dans un établissement. Je pense que la démarcation entre ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur des établissements commence à s’effriter un peu.
    Merci, messieurs Trosow et Braid.
    Nous allons maintenant passer à M. Regan, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    D’emblée, ce qui me frappe, c’est la difficulté à laquelle nous nous heurtons lorsque nous tentons d’élaborer une mesure législative qui prend en considération les traités de l’OMPI, mais qui tient également compte du fait qu’ils ont été rédigés il y a quelque 15 années. Le monde a beaucoup changé depuis.
    Monsieur Trosow, selon vous, le genre de copie du matériel de Spotify dont M. Gannon a parlé représente-t-il, en fait, le genre de copie en série qui mine les marchés et qui est visé par cette disposition, ce critère?
    Par le critère d’utilisation équitable?
    Oui.
    La reproduction en masse qui n'entre pas dans une catégorie mentionnée dans la loi ne satisferait pas au critère de l'équité appliqué par la Commission du droit d'auteur et les tribunaux. La Commission du droit d'auteur a très clairement dit qu'au-delà d'un certain nombre de copies, elle considérerait qu'il y a violation du dernier facteur.
    Il y a aussi d'autres facteurs, mais il serait surprenant que cela se produise. À mon avis, un tribunal ou une commission du droit d'auteur qui procéderait à une analyse complète de l'utilisation équitable prendrait en compte toutes les circonstances.
    Dans le cas décrit, que se produirait-il?
    Eh bien, il est fort possible à mon avis que la défense de l'utilisation équitable échoue.
    La défense échouerait...
    Oui.
    ... ce ne serait donc pas une utilisation légitime, essentiellement, ou ce ne serait pas une utilisation équitable et il y aurait violation du droit d'auteur.
    Cela dépendrait d'un grand nombre de facteurs.
    Très bien.
    De façon générale, toutefois, je crois que c'est ce qui pourrait se produire.
    D'accord.
    Si je comprends bien l'exemple concernant Spotify.
    Merci.
    Monsieur de Beer, vous avez parlé de la constitutionnalité du projet de loi, des dispositions sur les mesures techniques de protection, et de la possibilité qu'il y ait empiètement sur les responsabilités ou les compétences des provinces en vertu de l'article 92.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée du professeur de droit de l'Université Dalhousie, Graham Reynolds, selon laquelle:
Si le projet de loi est adopté tel quel, les utilisateurs, les consommateurs, les créateurs suivants et les innovateurs de l'avenir peuvent effectivement se voir interdire l'exercice de leurs droits par le biais d'une serrure numérique... Ce genre de modification risque d'appauvrir les valeurs qui fondent le droit à la liberté d'expression protégé par la Constitution...
     Quel est votre point de vue sur cet enjeu constitutionnel?
    C'est un excellent point, en fait. Il s'agit d'un enjeu constitutionnel distinct, le fait de savoir dans quelle mesure toute réforme du droit d'auteur peut avoir des répercussions sur le droit à la liberté d'expression.
    De nombreux universitaires canadiens ont publié des articles sur la question, et je recommande au comité de tenir compte de leur avis. Je pense notamment aux travaux du professeur Carys Craig, de la Osgoode Hall Law School, à ceux du professeur Reynolds de l'Université Dalhousie, et à ceux de Jane Bailey, ma collègue, de l'Université d'Ottawa.
    Ils soulèvent tous des questions très importantes. Sans contexte précis, j'hésite à vous donner un avis juridique, ou même une opinion générale, à savoir si cela doit nous inquiéter. Je peux vous dire, toutefois, que dans la vaste documentation sur les mesures techniques de protection que j'ai consultée, il s'agit de l'un des problèmes les plus souvent soulevés au sujet des dispositions anti-contournement sévères, le fait qu'elles puissent mettre un frein à la libre expression.

  (1620)  

    Vous avez mentionné avoir étudié les modèles de la Nouvelle-Zélande et de la Suisse et vous avez dit que vous seriez heureux de faire des propositions ou de donner des idées au sujet du libellé des amendements.
    Oui.
    Le comité serait certainement très heureux que vous le fassiez.
    Monsieur Geist, par exemple, a fait quelques propositions à ce sujet. Il a, en fait, mentionné au comité l'année dernière que la première chose à faire serait de modifier la définition de « contournement » pour permettre le contournement à des fins légitimes... et tenir compte uniquement de la contrefaçon, excusez-moi. L'autre solution serait d'ajouter une exception pour le contournement à des fins légitimes.
    Laquelle préférez-vous?
    Si on regarde l'analyse comparative, on constate que la loi de la Nouvelle-Zélande est très différente déjà du projet de loi C-11. Elle mentionne à maintes reprises les liens aux mesures techniques de protection qui protègent le droit d'auteur, pas les oeuvres grand public, et la légitimité du contournement à des fins légitimes. Elle rend également obligatoire le droit d'accès des consommateurs dans les situations où les mesures techniques de protection s'appliquent.
    Le modèle suisse est beaucoup plus simple. Il contient une courte disposition qui dit essentiellement que le contournement à des fins légitimes est toujours permis et qu'aucune interdiction ne s'applique dans ce cas. C'est donc beaucoup plus simple. Il serait beaucoup plus facile de l'intégrer au projet de loi C-11.
    Je préfère un peu la loi de la Nouvelle-Zélande qui, à mon avis, permet un meilleur équilibre entre protection et concurrence.
    Il existe une troisième option très importante que le comité pourrait vouloir examiner, et ce serait d'étoffer le paragraphe 41.21, qui permet au gouverneur en conseil de prendre des règlements. À l'heure actuelle, cette disposition va au-delà de ce que prévoit la Digital Millennium Copyright Act aux États-Unis, soit un processus d'examen triennal pour permettre des exceptions au contournement. Le projet de loi dit essentiellement que le gouverneur en conseil « peut » le faire.
    Le comité pourrait donc, à tout le moins, charger le gouverneur en conseil d'adopter des règlements pour instaurer le même genre d'exceptions qui existe dans la loi américaine. Ce serait là un bon départ.
     Merci, monsieur de Beer et monsieur Regan.
    Cela met fin à la première série de questions de cinq minutes. Nous allons maintenant entamer la deuxième série en commençant par M. McColeman.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie à mon tour les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je vais essayer de cerner en termes clairs pour les profanes au Canada ce que le projet de loi vise à accomplir.
    Monsieur Gannon, je vais commencer par vous, car vous avez dit qu'il faudrait effectuer un recadrage de la question dans l'esprit des gens, un recadrage de ce que je vais appeler les occasions. Les restrictions ne sont plus perçues comme des restrictions, mais plutôt comme des points de référence, si on peut dire, que les gens peuvent utiliser dans un modèle d'affaires viable pour aller de l'avant.
    J'aimerais dans un premier temps que vous nous disiez ce que vous voyez venir, le cas échéant, pour l'avenir. Qu'est-ce que vous voyez venir pour les entreprises et les particuliers qui saisiront les occasions qui pourraient être avantageuses pour notre économie? Quels sont les éléments avec lesquels vous travaillez actuellement qui pourraient évoluer avec le temps?
    En fait, je ne crois pas qu'il s'agisse d'une devinette, car, comme je l'ai déjà mentionné, l'un des avantages que nous avons à signer tardivement ces traités de l'OMPI, c'est de pouvoir voir ce qui s'est passé dans les autres pays. Les mesures techniques de protection ont été mises en place aux États-Unis en 1999, et l'UE a adopté sa directive en 2001. Nous avons donc pu constater les effets de ce type de mesures.
    Ce à quoi nous avons assisté, c'est à une solide effervescence économique, à la mise en place de modèles d'affaires viables. Les gens paient pour écouter de la musique, ce que l'on ne voit pas au Canada depuis un bout de temps. Les marchés sont en croissance dans tous ces pays.
    Nous avons des technologies vraiment incroyables qui sont mises au point pour le marché en pleine effervescence des films et des livres numériques, des jeux vidéo numériques, etc., et toutes sortes de plateformes. Ils s'appuient tous sur une protection, pour les mesures techniques de protection, et aussi sur des normes mondiales, parce que si la chaîne comporte un maillon faible — et à l'heure actuelle le maillon faible, c'est le Canada — il sera exploité partout dans le monde.
    Comme on le sait, la terre est plate maintenant, et parce qu'il n'y a pas d'interdiction à l'heure actuelle — en particulier d'interdiction concernant les dispositifs — le Canada est reconnu pour être un pays où l'on peut se procurer des puces pour pirater les jeux vidéo. On peut concevoir un logiciel sans s'inquiéter au Canada, sans être embêté, puis, on peut le distribuer partout sur la planète par Internet. Bon nombre de compagnies qui fabriquent les puces permettant de pirater les jeux vidéo ou les programmes les livrent gratuitement en Amérique du Nord, et on sait très bien pourquoi.

  (1625)  

    Vous êtes donc en train de nous dire que plus vite nous adopterons les nouveaux points de référence prévus dans la loi, mieux ce sera? C'est bien cela?
    Tout à fait, oui.
    Pour examiner un peu plus en détail la question de l'équilibre, il faut qu'il y ait ce que je considère être, à partir de mes points de référence commerciaux, une sorte de souplesse de base intégrée pour toujours être en mesure de réagir au fil du temps; en d'autres mots, il faut que notre projet de loi soit assez souple pour s'adapter aux situations nouvelles qui se présenteront. Êtes-vous d'accord que c'est ce que nous devons envisager?
    Tout à fait, et M. de Beer a abordé la question également. Ce que j'aime beaucoup du projet de loi C-11 et de la protection des mesures techniques de protection qu'il contient, c'est le pouvoir de prendre des règlements.
    C'est quelque chose d'unique au monde. Il s'agit sans doute d'un des modèles les plus souples à ce jour, puisque si une mesure technique de protection venait qu'à trop restreindre l'activité économique, le projet de loi autorise les représentants du gouvernement et le gouverneur en conseil à adopter un règlement disant: « cette mesure technique de protection ne sera plus protégée et elle pourra être contournée ». Donc, si un titulaire de droit utilise une mesure technique de protection de manière anti-concurrentielle, ou de manière à restreindre l'utilisation équitable, le règlement permet au gouvernement d'ordonner à ce titulaire de retirer la protection numérique ou de permettre aux consommateurs de la contourner.
    C'est très souple. En effet, si le marché s'adapte d'une certaine manière, le gouvernement peut lui aussi réagir en adoptant un règlement qui permettra aux entreprises de prospérer.
    Merci de cette information.
    Monsieur McColeman, il vous reste environ 30 secondes.
    Je vais donc clore par une question à M. Trosow.
    Vous avez parlé des détracteurs qui disent qu'on abusera des dispositions sur l'utilisation équitable. Encore une fois, j'ai entendu votre réaction à ce commentaire à la table ici. Pour mettre en évidence ce que vous avez dit plutôt, croyez-vous qu'il y a du vrai dans ce commentaire?
    À mon avis, il y aura toujours des situations où les gens tenteront d'abuser du système, et certaines personnes se spécialisent dans la contrefaçon industrielle. Toutefois, la plupart des gens font tout ce qu'ils peuvent, notamment dans les écoles et les bibliothèques, pour protéger les droits d'auteur. Ils en font sans doute même un peu trop et c'est pourquoi ils ont besoin d'un peu d'assurance. Je ne pense pas que...
    Merci à M. Trosow et à M. McColeman. Je m'excuse de vous interrompre.
    C'est maintenant au tour de M. Benskin. Vous avez cinq minutes.
    Ma question s'adresse à M. de Beer et s'inscrit dans le prolongement de ce que M. Gannon disait.
    Comme le Canada signe tardivement les traités de l'OMPI, nous avons eu les exemples d'autres pays. Vous avez parlé de la Nouvelle-Zélande et de la Suisse en particulier, qui utilisent le régime de la copie privée.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, notamment si vous avez constaté que le régime de la copie privée nuisait de quelque manière que ce soit à l'activité économique?
    Il y a deux éléments qui sont importants au sujet des désaccords concernant les mesures techniques de protection. D'une part, il faut favoriser l'émergence de nouveaux modèles d'affaires et l'innovation, et d'autre part, il faut, dans la mesure du possible, éviter toute conséquence non voulue. Peu importe la solution qu'adoptera le Canada, ces deux éléments doivent être les objectifs primordiaux: favoriser l'émergence de nouveaux modèles d'affaires et éviter les conséquences non voulues.
    Si on regarde les preuves empiriques aux États-Unis, on constate qu'il y a eu toute une panoplie de conséquences non voulues. Il n'y a pas de preuves empiriques — bien qu'il y ait des preuves anecdotiques — qui indiquent que les mesures techniques de protection ont favorisé l'émergence de modèles d'affaires. Remarquez que j'ai parlé de mesures techniques de protection, et non de dispositions anti-contournement. Il s'agit de deux choses différentes.
    Donc, bien qu'il y ait des preuves anecdotiques que les mesures techniques de protection ont favorisé l'émergence de modèles d'affaires, il n'y a pas de preuves empiriques qui relient cela aux dispositions anti-contournement, non plus qu'à des dispositions anti-contournement de style DMCA.
    Si on prend l'exemple de la Suisse, un pays qui a la réputation d'être un chef de file mondial dans l'innovation technique scientifique, leur modèle favorise l'émergence de nouvelles entreprises et il favorise l'innovation, tout en atténuant ou en limitant les conséquences non voulues qui peuvent survenir. C'est tout particulièrement important dans le cas du Canada, étant donné que ces traités remontent à 1996. Si nous nous dotons d'un modèle souple, comme l'a mentionné M. McColeman, il faut qu'il y ait cette marge de manoeuvre. À mon avis, le modèle suisse y parvient très bien.
    Le danger qui réside dans le fait de s'en remettre au pouvoir de réglementation du gouverneur en conseil est que ce pouvoir sera inévitablement réactionnaire et toujours a posteriori. À l'heure actuelle, la Loi sur le droit d'auteur autorise notamment le gouverneur en conseil à prendre des règlements pour exempter certaines technologies des redevances pour la copie à usage privé. On constate toutefois une certaine réticence à utiliser ce pouvoir décisionnel de réglementation. Même si on peut l'utiliser, il s'agit d'un pouvoir réactionnaire, et ce n'est que lorsqu'il sera trop tard qu'on constatera qu'il y a un problème.

  (1630)  

    Merci.
    Je ne me souviens plus très bien, mais je pense que c'est vous qui avez mentionné quelque chose au sujet de lier le contenu à une plateforme particulière. Nous avons été à même de constater l'ampleur des dégâts à l'époque où la compagnie qui fabriquait les appareils Beta a tenté de s'approprier du contenu, littéralement, pour le convertir et ainsi en avoir le contrôle.
    Pourriez-vous nous en dire plus au sujet des dangers que cela se produise dans l'environnement actuel?
    Dans la documentation, un grand nombre de chercheurs montrent la présence de comportements anti-concurrentiels ou potentiellement anti-concurrentiels, et l'un d'entre eux est la vente liée. C'est le modèle du « rasoir et de la lame de rasoir », c'est-à-dire un contenu numérique ou électronique qui est lié à une plateforme ou à un appareil particulier.
    Si vous utilisez des livres électroniques, par exemple, il est tout à fait possible, et c'est même en fait pratique courante, pour Apple de lier les livres conçus pour l'iPad à son appareil. Amazon Kindle peut en faire autant, et en théorique et pratique, il en va de même pour la plateforme Android — même s'il s'agit d'une catégorie un peu à part, pour des raisons que je peux vous expliquer si cela vous intéresse.
    Si une entreprise comme Research in Motion tente d'encourager ses clients à transférer leur contenu iPad à son PlayBook, il n'est pas facile de le faire. C'est possible, mais si on y parvient, c'est uniquement parce que RIM a obtenu la permission des fournisseurs de contenu et du fabricant de l'appareil de le faire — c'est-à-dire de créer le système interexploitable. Ce n'est pas possible de le faire sans coopération générale sur le marché. C'est un exemple de problème qui peut surgir si la responsabilité en matière de contournement n'est pas liée à des actes de violation du droit d'auteur.
    J'aimerais souligner encore une fois que si ce changement était apporté, si le modèle suisse était adopté, les comportements illégaux demeureraient illégaux. Il serait uniquement permis de contourner les mesures techniques de protection à des fins légitimes. Tout acte de violation du droit d'auteur demeurerait un acte de violation du droit d'auteur, et les titulaires de droits auraient des recours additionnels pour remédier à la situation.
    Merci, monsieur de Beer et monsieur Benskin.
    C'est maintenant au tour de M. Moore, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Monsieur Gannon, vous avez parlé avec beaucoup d'enthousiasme de certains des nouveaux modèles d'affaires, des occasions qui pourraient s'offrir au Canada si un régime de droit d'auteur rigoureux était en place. J'ai noté avec intérêt votre désaccord avec l'expression « serrure numérique » et votre préférence pour une autre terminologie.
    Vous avez parlé de Blockbuster. Beaucoup d'entre nous ont été témoins de la fermeture des comptoirs de services traditionnels, mais vous avez parlé de certaines nouvelles occasions qui s'offrent à cette entreprise au moyen du téléchargement. D'après vous, qu'est-ce que ce cadre de politique ouvrirait comme possibilités aux entreprises canadiennes dans les années à venir? Y a-t-il d'autres occasions semblables à l'exemple que vous avez donné?
    Sans favoriser une entreprise plutôt qu'une autre, ce que nous avons beaucoup vu, c'est une réticence de la part des fournisseurs de contenu de fournir leur contenu à la distribution canadienne. Ils savent que si vous êtes une entreprise de cinéma, si vous êtes un concepteur de jeux vidéo, aussitôt qu'une seule copie non protégée se retrouve sur Internet, alors, aussi bien que tout le monde en ait une copie entre les mains.
    Je pense que les fournisseurs de contenu, avec raison, cherchent vraiment à protéger les flux et les canaux par lesquels leur contenu est distribué. C'est pourquoi, lorsqu'il s'agit d'autoriser l'utilisation de leur contenu au Canada, il y a une hésitation parce qu'ils savent que même si le dispositif par lequel leur contenu transitera compte la meilleure protection au monde, il est tout à fait légal de contourner cette protection. Même si nous adoptons certains des amendements proposés pour permettre ce contournement pour les besoins de la copie privée, vous autorisez tout de même que ce contenu soit non protégé, vous permettez tout de même que cette protection soit contournée et vous créez ce contenu non protégé.
    Comme vous l'avez dit, c'est la raison pour laquelle cela fait obstacle à certaines activités économiques, parce que ces fournisseurs de contenu n'autorisent pas l'utilisation de leur contenu au Canada et c'est pourquoi nous ne voyons pas la même gamme étendue de services et de distribution numérique que ce que nous voyons dans d'autres pays, en Europe ou aux États-Unis. Ce genre d'activité économique serait favorisé par l'adoption des types de protection que nous avons maintenant.

  (1635)  

    J'ai une question de suivi. Dans une autre question, vous avez parlé des dispositions d'exonération. Vous avez indiqué ceux qui pourraient couramment être considérés comme des joueurs malveillants et ensuite, certains que beaucoup d'entre nous considèrent comme corrects — et l'importance d'avoir cette distinction. Vous avez mentionné, de manière un peu nuancée, la distinction entre ce qui est principalement conçu par opposition à ce qui est principalement exploité.
    Y a-t-il un juste milieu? Vous ne voulez peut-être pas donner d'exemples précis, mais puisque vous nous avez donné des exemples d'exploitants malveillants et de quelqu'un qui ne serait pas considéré comme tel, y a-t-il un juste milieu que nous devons connaître? Comme l'a dit M. de Beer, en vertu du modèle actuel ou en vertu d'un quelconque nouveau modèle, il y aura des contestations devant les tribunaux. Où la ligne de front sera-t-elle située?
    Absolument, il y a un juste milieu; c'est pourquoi j'insiste auprès du comité pour qu'il essaie vraiment de trouver un bon libellé. Un exemple qui illustre la faiblesse de cette disposition habilitante, c'est que l'an dernier, au comité qui étudiait le projet de loi C-32, même les FSI — les gens mêmes qui seraient mis à l'abri par les dispositions d'exonération — sont venus dire: « Vous savez, cette disposition habilitante? Peut-être voudriez-vous la resserrer un peu. ». Ce ne sont pas les gens qui, normalement, favoriseraient ce genre de modification, mais même eux ont reconnu qu'il s'agissait d'un changement nécessaire.
    Lorsqu'il est question des dispositions d'exonération, il y a certains amendements que vous pourriez apporter qui permettraient de protéger tous les bons joueurs traditionnels, comme les FSI ou les moteurs de recherche, mais qui aideraient à faire en sorte que les joueurs malveillants ne soient pas protégés par ces dispositions — des choses précises, comme si vous êtes au courant de violations, faites quelque chose; si vous hébergez un site Web et que je signale qu'il y a du contenu qui viole le droit d'auteur, faites quelque chose à ce sujet — je ne crois pas qu'un site Web légitime s'opposerait à ce genre d'exigence, que vous preniez certaines mesures contre le contenu qui viole le droit d'auteur une fois que vous êtes informé de son existence. De telles exigences, que nous avons vues dans des lois semblables ailleurs dans le monde, ne figurent pas dans les dispositions d'exonération actuelles.
    Vous avez 30 secondes.
    Monsieur de Beer, vous avez parlé de la menace de contestations juridiques comme n'étant pas une raison majeure de ne pas aller de l'avant avec cette nouvelle loi. Comme vous avez participé à des contestations dans le passé, pourriez-vous nous dire pourquoi nous ne devrions pas nous en inquiéter?
    Je pense que le comité devrait essayer d'arriver avec un cadre prévisible, et non pas avec quelque chose qui comporte beaucoup d'incertitudes inhérentes. Je ne crois pas que vous devriez être exagérément inquiets ou que vous devriez vous laisser intimider et penser que vous ne pouvez pas faire une chose particulière avec ce projet de loi, parce qu'il comportera trop d'incertitudes ou qu'il entraînera trop de contestations juridiques. Je parle en particulier de l'ajout du mot « éducation ». Les tribunaux interpréteront cela, peu importe ce que fait le présent comité.
    Excellent. Merci beaucoup, monsieur de Beer et monsieur Moore.
    C'est maintenant au tour de M. Cash; vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci à nos invités d'aujourd'hui.
    Il s'agissait d'un excellent exposé et je pense que quiconque suit ces délibérations à l'extérieur de la présente salle aura appris quelque chose sur ces questions.
    Je veux simplement faire un suivi sur quelque chose que M. Trosow a dit au sujet de la codification d'un critère pour l'utilisation équitable, comme l'a défini la Cour suprême du Canada.
    Premièrement, savez-vous s'il y a d'autres administrations où l'utilisation équitable a été codifiée? Si tel est le cas, comment cela a-t-il fonctionné?
    Le meilleur exemple qui vient à l'esprit est celui des États-Unis. Aux États-Unis, nous avons une jurisprudence sur l'utilisation équitable qui remonte au XIXe siècle, comme moyen de défense, mais ce n'est qu'au moment de la révision de 1976 de la Loi sur le droit d'auteur que cette question a été codifiée. L'impression était que c'était la common law qui était développée. Il est sensé d'avoir une loi qui est harmonisée autant que possible avec la common law, simplement pour créer de la certitude dans l'esprit des utilisateurs finaux et des institutions qui doivent essayer de se conformer à l'utilisation équitable.
    Les quatre facteurs de l'utilisation équitable que vous voyez aux États-Unis sont fondés sur la façon dont le Congrès, en 1976, a perçu l'état de la loi. Je pense que cela serait très semblable à ce que la cour a dit de faire dans CCH. Dans cette affaire, la cour n'a pas inventé ces six facteurs de toutes pièces. La décision de la cour d'appel de 2002 comportait une très longue analyse; elle a examiné une grande partie de la jurisprudence anglaise et a élaboré ces six facteurs. Essentiellement, la Cour suprême a dit qu'elle appuyait ces six facteurs.

  (1640)  

     Pourriez-vous poursuivre un peu et nous donner une idée de ce que nous manquerions si, par exemple, nous ne suivions pas ce conseil et ne procédions pas à la codification?
    Ce serait quand même la loi au Canada. Les tribunaux du Canada et la Commission du droit d'auteur ont indiqué clairement qu'ils se sentaient liés par la décision de la Cour suprême du Canada, et personne ne semble laisser entendre que cette décision était erronée en ce qui a trait à ces six facteurs.
    Je pense que vous avez l'occasion de dire que vous pensez-vous aussi que c'est correct. Vous n'êtes pas obligés de le faire — vous maintiendrez la situation actuelle —, mais si ce que vous recherchez, c'est plus de certitude, alors, je pense que vous rateriez une occasion de fournir cette certitude en n'important pas ce libellé très clair et relativement peu controversé dans le texte de loi.
    Les gens d'en face diraient que le fait d'ajouter une mesure d'anti-contournement des mesures de protection technique et des lois techniques confère ce genre de certitude. Vous laissez entendre que ceci est une mesure beaucoup plus certaine.
    Je pense que c'est une mesure beaucoup plus certaine. Si vous vous inquiétez des contestations judiciaires qui pourraient s'ensuivre, je pense qu'il y a autant d'inquiétude à y avoir au sujet des contestations judiciaires qui pourraient découler des mesures techniques de protection. Vous avez vu toutes sortes de poursuites aux États-Unis portant sur des choses comme les ouvre-portes de garage et les cartouches d'imprimantes.
    On peut dire que l'adoption de la DMCA a été une véritable génératrice de poursuites judiciaires. Écoutez, vous ne pouvez pas rédiger une loi qui sera à l'abri des contestations judiciaires. La réalité, c'est que nous vivons dans une société qui aime les poursuites en justice — heureusement, pas autant qu'aux États-Unis. J'espère que cela ne changera pas.
    Merci.
    Monsieur de Beer, vous avez dit que certains aspects du projet de loi C-11 risquaient d'empiéter sur les compétences provinciales. Je me demande si vous ne pourriez pas nous expliquer cela un peu plus.
    Oui. La question fondamentale est la suivante: le gouvernement fédéral a la compétence en matière de droit d'auteur; les provinces ont la compétence en ce qui concerne des choses comme les contrats et les droits de propriété et les dispositifs.
    Tant et aussi longtemps que ce projet de loi respecte les limites traditionnelles du droit d'auteur, il est peu probable qu'il y ait de problème majeur. Le problème, c'est si ce projet de loi ne lie pas la responsabilité anti-contournement à des gestes de violation du droit d'auteur, il ne respectera pas les limites traditionnelles du droit d'auteur. Il y a alors une possibilité que cette loi soit invalidée du point de vue constitutionnel, et il y aura très vraisemblablement une contestation de cette loi.
    Simplement pour compléter une observation antérieure, à mon avis, le comité pourrait vouloir diminuer la probabilité qu'il y ait des problèmes après une contestation. Sur les questions liées à l'éducation, vous pouvez réduire la probabilité de problème majeur en codifiant ces facteurs d'utilisation équitable.
    Concernant les dispositions anti-contournement, vous pourriez réduire substantiellement la probabilité de problèmes constitutionnels simplement en liant la responsabilité pour le contournement au droit d'auteur et à la violation du droit d'auteur.
    Vous avez 20 secondes.
    Avez-vous autre chose à ajouter, monsieur le professeur?
    Des voix: Oh, oh!
    C'est maintenant dans 10 secondes.
    J'aimerais simplement répéter que j'ai mis à la disposition du comité toute une série d'articles scientifiques et de travaux de recherche sur cette question remontant à plusieurs années.
    Merci.
    Merci, monsieur de Beer et monsieur Cash.
    C'est maintenant au tour de M. Calandra.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Gannon ou monsieur de Beer, vous avez tous les deux parlé du modèle suisse, mais je ne sais pas exactement ce qu'est le modèle suisse ou de quoi nous parlons. Je pense que vous avez parlé de prélèvements, monsieur Gannon. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qu'est le modèle suisse et quel effet il aura sur les consommateurs?
    Je ne l'ai probablement pas étudié autant que M. de Beer l'a fait pour rédiger tous ses articles, mais je crois savoir que les Suisses ont autorisé le contournement des mesures techniques de protection à des fins de copie privée.
    Est-ce exact?
    Pour toute utilisation légitime.
    Pour toute utilisation légitime.
    Je préciserais d'abord et avant tout que la Suisse… et j'ai lu certains articles qui donnent à entendre qu'il ne s'agit pas d'un modèle conforme à l'OMPI, et même certains des rédacteurs des traités de l'OMPI ont dit, depuis, que la Suisse ne se conformait pas à l'OMPI.
    Il y a toujours l'argument que nous sommes très en retard dans le cas de cette loi. Nous sommes vraiment les derniers dans le monde développé à traiter de cette question. Pourquoi regarderions-nous le pays — l'autre signataire de l'OMPI — qui est largement reconnu comme ayant la protection la plus faible, alors que nous sommes déjà en retard? Ne devrions-nous pas essayer d'améliorer les choses lorsqu'il s'agit de protéger ces nouveaux modèles d'entreprise?
    L'autre argument que j'ai soulevé plus tôt, c'est lorsque vous regardez le régime de droits d'auteur suisse dans son ensemble, la Suisse favorise le recours aux tarifs pour des choses comme les médias numériques et les CD vierges et ce genre de choses, beaucoup plus que ne le fait le Canada à l'heure actuelle, et beaucoup plus que ce qui est la norme dans le reste du monde. Alors, je ne pense pas que les détenteurs des droits d'auteur soient aussi préoccupés par toute cette question du contournement sans compensation, de la copie sans compensation, alors qu'ils touchent déjà des recettes par l'intermédiaire de ces prélèvements.

  (1645)  

    Je ne veux pas vous interrompre, mais pourriez-vous nous expliquer ce qu'est un tarif?
    Un tarif, comme cela a beaucoup été débattu dans le cadre du projet de loi C-32, mais pas autant jusqu'ici devant le présent comité, c'est lorsque vous forcez les détaillants à exiger une somme d'argent additionnelle — je sais que le mot « taxe » peut être un peu controversé à cet égard — qui s'appliquerait à des choses comme les CD vierges. À l'heure actuelle au Canada, vous payez quelques cents sur chaque CD vierge et cet argent va à des sociétés de gestion collective qui distribuent ensuite cet argent aux artistes, plus ou moins en fonction de ce qu'elles croient que les gens copient, à savoir la musique ou les films de quels auteurs sont copiés; cela concerne principalement la musique à l'heure actuelle au Canada.
    Comme je l'ai dit, la Suisse possède un régime beaucoup plus étendu et elle perçoit beaucoup plus de tarifs et de prélèvements, et c'est pourquoi les détenteurs de droits d'auteur ne sont pas aussi préoccupés par toute cette question des copies sans compensation, parce qu'ils sont compensés par l'intermédiaire de ce système de prélèvements.
    Alors, les iPods, les iPads, les téléphones, peu importe le médium, on peut présumer. Désolé, peut-être que vous n'avez pas…
    Je parlais de cette question avec quelqu'un plus tôt aujourd'hui et l'expression qu'il a utilisée, c'est tout sauf un grille-pain.
    Très bien. Cela explique bien la question.
    Monsieur Trosow, dans certaines des consultations que j'ai eues, il y a eu beaucoup de discussions entourant la définition du mot « éducation », ou de réduire la portée de l'éducation. Vous semblez ouvrir cette définition, ou vous laissez entendre que l'éducation est beaucoup plus vaste — les personnes âgées, et le reste. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette question.
    Deuxièmement, j'aimerais vous demander si vous pouvez nous décrire certaines des choses que nos établissements d'enseignement font à l'heure actuelle pour éviter de violer le droit d'auteur et nous dire si ces mesures ne pourront plus être utilisées advenant l'adoption du projet de loi C-11.
    Je pense que dans les établissements d'enseignement que je connais au Canada, il y a beaucoup de mesures en place pour éviter les violations du droit d'auteur, dont certaines, je pense, vont bien au-delà de ce qu'il est nécessaire de faire.
    Il y avait des discussions dans certaines bibliothèques visant à retirer des rayons les documents mis en réserve et de lecture obligatoire. Rien dans la loi n'exige cela. Je sais que certaines bibliothèques n'ajouteront même pas certains documents vidéo dans leur collection alors que vous pouvez les obtenir à la bibliothèque publique locale parce qu'elles sont inquiètes concernant les autorisations relatives au droit de représentation.
    Pendant de nombreuses années, nous avions la licence d'Access Copyright juste à côté de l'utilisation équitable, et j'ai écrit au sujet du fait que je pensais que le principe de l'utilisation équitable était souvent bafoué par certains des paiements liés à la licence là où ce n'était pas nécessaire.
    En d'autres mots, les établissements d'enseignement ont été excessivement prudents, et je ne pense pas que cela changerait si on ajoutait le mot « éducation ».
     Quant à la première partie de votre question, je pense qu'il ne serait pas sage d'essayer de définir davantage le mot « éducation », parce que c'est un bon terme. C'est un bon terme à utiliser parce qu'il s'applique au besoin de rechercher de l'information d'un très grand nombre de personnes différentes dans la société. Je ne voudrais pas que le sens de ce terme soit réduit. Si la cour doit interpréter un terme qui n'a pas de définition dans la loi, comme a dû le faire la Cour suprême dans le cas du mot « recherche », elle utilisera un sens courant, ordinaire.
    Merci, monsieur Trosow et monsieur Calandra.
    C'est maintenant au tour de M. Dionne Labelle; vous avez cinq minutes.

[Français]

    Ma question s'adresse à M. Gannon. Elle porte sur le modèle d'affaires qu'il propose et qui est basé sur les verrous numériques.
    J'aimerais faire un bref parallèle avec la lutte contre la drogue, où l'on a beaucoup mis l'accent sur la répression. On a réussi à faire sauter certains cartels importants, mais en fait, cette lutte est pratiquement perdue, puisque la consommation de drogues augmente constamment en Amérique, et plus particulièrement aux États-Unis, où les prisons sont pleines.
    Votre modèle d'affaires comporte des peines imposées à ceux qui vont outrepasser les verrous numériques. N'est-ce pas un modèle dépassé? Présentement et dans l'avenir, on s'en va vers l'informatique en nuage. Les programmes et les jeux seront dans le nuage et il faudra un accès informatique pour y accéder.
    Je trouve que cette bataille autour des verrous numériques est d'arrière-garde. Qu'en pensez-vous?

  (1650)  

    Je vais vous répondre en anglais, si vous le voulez bien.
    Oui, allez-y.

[Traduction]

    Je suppose que tout le monde a entendu la traduction.
    Je trouve que ce genre d'attitude qui consiste à dire: « puisque nous ne pouvons pas arrêter la copie, pourquoi la rendre illégale? — puisque la copie est possible, il faut donc l'autoriser — » est tout à fait défaitiste.
    Si vous songez au type de copie qui se fait aux États-Unis, par exemple, où on a réussi à mettre sur pied ces modèles d'affaires — on compte sur ces protections —, nous constatons en fait que le vent a commencé à tourner. On constate que l'on a récemment renversé la vapeur dans des pays comme la France et la Corée du Sud. Ils ont réussi, grâce à des mesures législatives progressives semblables au projet de loi C-11 — elles comportent toutefois des dispositions différentes — à renverser la tendance de la copie non rémunérée et de la copie illégale.
    Nous constatons aujourd'hui deux tendances: d'un côté, une diminution des téléchargements illégaux et de l'autre, un accroissement des téléchargements légaux et de la copie rémunérée et donc, un renflouement des recettes des créateurs.
    Je pense donc que c'est un peu défaitiste de lever les bras au ciel et de dire que l'on n'y peut rien, qu'on va continuer de copier, comme s'il était en quelque sorte impossible pour nous de maîtriser cette activité illégale.
    Ce que nous voyons aujourd'hui dans le monde, surtout en France et en Corée du Sud, a prouvé le contraire.

[Français]

    Je me demande si ce changement d'attitude n'est pas plutôt relatif à l'utilisation de iTunes, qui permet de faciliter l'accès sans piratage.
    J'ai une question au sujet de l'éducation équitable. Cette loi doit nous permettre de ratifier le traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Est-ce que le fait de photocopier dans une école, par exemple, un ou deux chapitres complets respecte l'esprit de la Convention de Berne et nous permettrait d'être accepté en tant que signataire de ce traité? Il me semble que l'utilisation de ces photocopies ne respecte pas les trois principes fondamentaux de la Convention de Berne et crée du tort aux ayants droit.
    Monsieur Trosow, qu'en dites-vous?

[Traduction]

    S'agissant d'un ou de deux chapitres, j'imagine que cela dépend du nombre de chapitres du livre, de la longueur de ces chapitres et de leur importance. Si c'est un livre de 10 ou 12 chapitres que l'instructeur demanderait normalement à ses étudiants d'acheter, surtout s'il y en a un ou deux exemplaires à la bibliothèque, je crois que c'est très raisonnable de mettre ces chapitres en réserve.
    Dans certains cours, il est très difficile de trouver le manuel précis que l'on veut utiliser. Au fur et à mesure que l'on monte dans la scolarité, de la première année à la 12e, jusqu'à la première année d'université et finalement aux études de deuxième ou troisième cycle, il s'avère de plus en plus difficile de trouver le manuel qui convient et les instructeurs ont souvent recours à des expédients.
    Heureusement, il y a de plus en plus d'ouvrages publiés sous forme numérique, de là les dépenses énormes que doivent assumer les bibliothèques, qui essaient le plus possible d'établir les besoins de la clientèle de façon à minimiser même le recours à l'utilisation équitable. Ainsi, beaucoup plus de lectures nécessaires à un cours pourraient se faire en vertu d'un permis, d'un permis global, qui donnerait accès à tous les étudiants.
    Le moyen de s'en sortir à long terme serait de financer davantage les bibliothèques afin qu'elles puissent agrandir leurs collections, déterminer les ouvrages que les enseignants doivent donner à leurs étudiants et les acheter. L'utilisation équitable demeurerait cependant, mais de façon marginale. Vous devez en effet quelquefois copier un chapitre — un bon chapitre d'un livre — sans le faire nécessairement acheter par vos étudiants.
    Merci, MM. Trosow et Dionne Labelle.

[Français]

    Le temps dont vous disposiez est écoulé.

[Traduction]

    Pour les cinq dernières minutes de ce tour, nous passons à M. Lake.
    Merci, monsieur le président.
    Et merci à nos témoins. Je dois dire que les délibérations ont très bien commencé et j'ai trouvé ce que vous avez dit très instructif.
    Si je puis me permettre, j'aimerais commencer par la question des mesures techniques de protection. MM. Gannon et de Beer ont fait des commentaires intéressants à ce sujet.
    Je ne crois pas que nous ayons parlé, à la dernière rencontre, de ce à quoi vous avez tous les deux fait allusion, à savoir le rapport entre les prélèvements et les mesures techniques de protection.
    Monsieur de Beer, vous y avez fait allusion en premier en disant que cela n'était pas conforme avec d'autres parties de la loi. Vous laissiez entendre, si je ne m'abuse, que s'il y avait prélèvement, on devrait autoriser les contournements. J'ai pris rapidement quelques notes à ce sujet.
    De votre côté, monsieur Gannon, vous faisiez un lien entre le concept des prélèvements, le régime en vigueur en Suisse, et l'approche qu'elle a adoptée à l'égard des mesures techniques de protection.
    Pouvez-vous, l'un ou l'autre, élaborer à ce sujet? Prenons l'exemple particulier d'un iPod ou d'un iPad. De quel genre de prélèvement pourraient-ils faire l'objet en Suisse? Dans le bref laps de temps qui a suivi vos commentaires, j'ai été sur Internet faire des recherches. Il semble qu'il y ait en Suisse un vigoureux débat à ce sujet.

  (1655)  

    Oui, je peux répondre, si vous me le permettez. En général, ces questions ne sont pas aussi étroitement liées entre elles qu'on pourrait le penser.
    En fait, de façon générale en Europe, qu'il s'agisse de l'Union européenne ou de la Suisse, il y a de très nombreux prélèvements sur les différents dispositifs et médias numériques. Et cela n'a aucun rapport avec un genre particulier de clauses anti-contournement. Ce n'est pas la raison pour laquelle la Suisse a une clause anti-contournement. Il y a de très nombreux prélèvements dans toute l'Union européenne et des modèles complètement différents d'anti-contournement. Il faut souligner que ceux-ci ne sont pas liés.
    Dans un autre article que j'ai publié, je propose que le Canada ne suive pas la voie qui consisterait à faire des prélèvements sur un plus grand nombre de médias et de dispositifs. C'est un problème de marché qui doit trouver sa solution dans le marché. Ce dont il faut parler, ce sont des moyens d'encourager l'innovation dans le marché des contenus numériques, n'est-ce pas? C'est essentiellement de cela qu'il s'agit.
    Dans ce contexte, il s'agit de savoir si nous voulons retourner en arrière au modèle d'affaires numérique des 25 dernières années ou à celui des 25 prochaines années. Il y aurait un réel danger de croire que parce que certains pays ont promulgué des clauses strictes d'anti-contournement, nous devrions emboîter le pas ou de penser que des clauses strictes sont meilleures que des clauses modérées. Ce serait tomber dans l'argument fallacieux selon lequel parce qu'une certaine protection est bonne, en rajouter est nécessairement meilleur.
    Ce n'est pas réellement comme cela qu'il faut voir la question. Nous voulons absolument créer de l'innovation dans les contenus numériques: des modèles d'affaires novateurs qui facilitent la vente et la commercialisation des contenus numériques. Le spectre en est large. D'aucuns pensent que les mesures techniques de protection n'ont aucun rôle à jouer dans ce genre de marché. Je ne pense pas que nous débattions sérieusement de cela; nous nous rendons tous compte que les mesures techniques de protection ont un rôle à jouer.
    La question est de savoir si nous allons élaborer une loi qui protège ces types de modèles d'affaires grâce à des mesures techniques de protection? Tout le monde conviendra que la réponse est oui, que nous allons faire cela. La réelle question est donc de savoir quel type de clauses allons-nous avoir? Vont-elles ressembler aux clauses des États-Unis ou à celles de la Suisse?
    La question n'est pas de savoir s'il y aura prélèvement ou pas, non. La question est de savoir si nous voulons des modèles d'affaires pour les 25 prochaines années ou ceux des 25 dernières, et de quelle façon nous allons gérer le risque…
    Je vais devoir vous interrompre, car il ne reste qu'une minute et demie et j'aimerais avoir l'opinion de M. Gannon à ce sujet.
    Monsieur Gannon, que pensez-vous des commentaires de M. de Beer à propos de la portée que les clauses anti-contournement auront sur le marché?
    J'aimerais une fois de plus faire valoir au comité l'importance d'avoir une norme mondiale qui permette à tout le monde d'être sur le même pied d'égalité lorsqu'il s'agit des protections. Voilà pourquoi nous avons un traité qui fixe une norme minimale.
    Comme nous l'avons dit, les deux seuls pays développés que nous avons mentionnés et qui n'ont pas souscrit à ces normes sont la Nouvelle-Zélande et la Suisse. Il y en a même un qui n'a pas signé le traité. Un autre est considéré comme un mouton noir s'agissant des traités de l'OMPI et le fait qu'il y adhère même est peut être sujet à controverse.
    Ce dont nous n'avons pas parlé, ce sont tous les autres pays, parmi les 80 qui ont signé les traités de l'OMPI et qui ont des normes plus solides et conformes à ces traités. Je poserais donc la question suivante: pourquoi ne parlons-nous pas de ces 78 pays? Pourquoi passons-nous aujourd'hui du temps à parler des deux pays dont on met en doute l'adhésion à ces traités? S'agissant de protection, nous pouvons adopter la norme mondiale.
    C'est parfait.
    Il vous reste environ 20 secondes.
    Je vais donc en profiter pour remercier les témoins d'être venus.
    Pourrait-on demander aux analystes de faire des recherches sur les taxes ou prélèvements en Suisse sur les iPods ou les iPads? J'aimerais savoir ce qu'ils sont.
    Merci, monsieur Lake. Nous ferons en sorte qu'ils nous fournissent cette information.
    J'aimerais remercier nos témoins. Au nom du comité, je vous remercie d'être venus et de nous avoir présenté vos exposés, qui sont très instructifs.
    Et maintenant, nous allons nous arrêter…

  (1700)  

    Désolé, j'ai juste une petite demande à faire, pour donner suite à celle de M. Lake. M. Gannon a dit qu'il y a d'autres pays dont nous n'avons pas parlé. Nous avons parlé de ces deux-là, tout simplement parce qu'on les a pris en exemple, mais peut-être pourrions-nous faire des recherches sur quelques autres pays.
    Peut-être auriez-vous deux autres pays à proposer, avec lesquels nous pourrions faire des comparaisons, par rapport aux solutions de rechange…
    Très brièvement, monsieur Gannon, pourriez-vous proposer deux autres pays?
    Oui, j'ai apporté mes classeurs, qui contiennent les lois relatives aux mesures techniques de protection dans le monde entier.
    C'est rapide. Nous y jetterons un coup d'oeil. Merci.
    Nous allons nous arrêter cinq minutes.

  (1700)  


  (1705)  

    Nous allons commencer le deuxième tour.
    J'aimerais accueillir M. Marc Workman, qui est directeur national de l'Alliance pour l'égalité des personnes aveugles du Canada. Nous accueillons aussi M. Cornellier, de l'Association canadienne des créateurs professionnels de l'image et M. Bryan Boyle, de la Coalition des photographes canadiens.
    Vous avez 10 minutes chacun pour faire votre exposé et j'aimerais commencer par M. Workman.
    Vous avez la parole, monsieur.
    Au nom de l'Alliance pour l'égalité des personnes aveugles du Canada, je tiens tout d'abord à remercier le comité de nous avoir invités à témoigner. Nous en sommes très reconnaissants.
    Je m'appelle Marc Workman et je suis le directeur national de l'Alliance. L'Alliance est une organisation nationale composée essentiellement de personnes non voyantes, sourdes et non voyantes, et malvoyantes. Nous militons pour toute une gamme d'enjeux au niveau local, provincial et national. Pour tout complément d'information sur notre organisation, je vous invite à consulter notre site à l'adresse: blindcanadians.ca.
    La législation sur le droit d'auteur et sa réforme sont d'une importance cruciale pour les Canadiens non voyants. L'accès aux documents imprimés, dont la plupart sont protégés par droit d'auteur, est l'un des principaux obstacles qui empêchent les Canadiens non voyants de participer pleinement à la société. Cela dit et s'il n'en tenait qu'à nous, la non-voyance n'aurait rien à voir avec ce débat. Je préférerais ne pas être ici ce soir pour représenter les Canadiens non voyants. J'aimerais en outre ne pas avoir à compter sur une dispense qui me permet, ainsi qu'aux gens ou aux organisations à but non lucratif auxquels je m'adresse, de créer dans d'autres formats les oeuvres protégées par droit d'auteur auxquelles nous n'avons pas accès. Au lieu de cela, d'autres Canadiens non voyants et moi-même, préférerions emprunter des livres à la bibliothèque, tout comme nos concitoyens qui voient. Tout comme ces derniers, nous préférerions acheter des livres dans des librairies en ligne ou traditionnelles. Bref, à l'instar de tous nos concitoyens qui voient, nous voulons avoir accès aux oeuvres protégées par droit d'auteur.
    Malheureusement, les Canadiens non voyants n'y ont pas accès aujourd'hui. En effet, moins de 10 p. 100 — et d'aucuns diraient moins de 5 p. 100 — des documents imprimés sont disponibles dans un format accessible.
    Je veux que vous gardiez cela à l'esprit en écoutant mes recommandations. Ces changements recommandés ne sont nécessaires que parce que les éditeurs et les titulaires de droits d'auteur créent des produits qui pourraient être accessibles aux Canadiens non voyants, mais ne le sont pas. Un accès véritable nécessite, non pas une dispense, mais un engagement de la part des titulaires de droits d'auteurs et des éditeurs de rendre ces produits accessibles. Pour résumer, nous ne voulons pas avoir à compter sur une dispense, mais nous le devons. C'est pourquoi je vous exhorte à rendre cette dispense aussi efficace que possible en adoptant les recommandations que je vais vous faire pendant le reste de mon exposé.
    La première recommandation a trait aux mesures techniques de protection. Bien que la dispense prévue au paragraphe 41.16 du projet de loi C-11 autorise le contournement des mesures techniques de protection afin de produire, dans d'autres formats, des oeuvres protégées par droit d'auteur, cette autorisation ne pourra pas, à toutes fins pratiques, être exercée par le Canadien non voyant moyen.
    Le bris du verrou numérique qui protège le droit d'auteur des oeuvres est presque certainement au-delà des forces du Canadien non voyant moyen. Non seulement cela exige-t-il un certain niveau de compétence technique, que bien des Canadiens non voyants n'ont pas, mais il n'y a aucune garantie que les outils de contournement eux-mêmes seront accessibles, même aux Canadiens non voyants les plus férus de technique.
    De plus, le contournement de ces mesures techniques de protection représente un fardeau pour les organismes qui produisent d'autres formats pour le compte des Canadiens non voyants, puisque ceux-ci auront à embaucher et à garder des employés compétents pour briser les verrous numériques. Et même si le paragraphe 41.16(2) du projet de loi C-11 accorde une dispense à ceux qui offrent des services ou fabriquent des produits destinés à contourner les mesures techniques de protection en vue de produire d'autres formats, cette dispense n'est accordée que dans la mesure où les services ou les outils en question ne nuisent pas indûment au fonctionnement de la mesure technique de protection. Comme on ne précise pas ce qu'on entend par « ne nuisent pas indûment au fonctionnement de la mesure technique de protection », il reste une ambiguïté qui nous concerne.
    Étant donné les restrictions générales dont est assorti le contournement des mesures techniques de protection, il est peu probable — à notre avis — que les outils nécessaires soient largement et facilement accessibles aux Canadiens non voyants et aux organismes qui travaillent en leur nom. Tout comme bien d'autres organisations, l'Alliance recommande donc — et on en a entendu parler aujourd'hui — que les restrictions sur le contournement des mesures techniques de protection soient liées à des actes associés à des violations du droit d'auteur. Non seulement cela serait plus juste pour la société canadienne en général, mais ce serait, à notre avis, le meilleur moyen d'assurer que les Canadiens non voyants ont accès aux outils nécessaires pour accéder aux oeuvres protégées par droit d'auteur, accès auquel ils ont d'ailleurs droit.

  (1710)  

    Sans ce changement, c'est presque sûr que peu de Canadiens aveugles pourront exercer leur droit de contourner les mesures techniques de protection pour produire d'autres supports.
    Notre deuxième recommandation porte sur la production à but lucratif d'autres supports. Selon l'article 32 de la Loi sur le droit d’auteur, seules les OBSL n'ont pas à demander une permission à l'auteur pour produire une version accessible de l'oeuvre protégée. Je répète qu'en raison de la loi, seule une petite fraction des oeuvres protégées sont converties sur un support accessible. Mais un nombre croissant d'entreprises à but lucratif participent à la production de supports accessibles. Nous recommandons de supprimer la restriction liée aux entreprises à but lucratif dans les exemptions prévues par la Loi sur le droit d'auteur et le projet de loi C-11. Nous croyons que le retrait de cette restriction permettra de produire beaucoup plus d'autres supports pour les oeuvres protégées.
    Notre troisième recommandation concerne l'envoi d'autres supports à l'étranger. Nous applaudissons les précisions apportées à la loi, qui nous rapprochent d'une entente internationale favorisant l'envoi d'autres supports à l'étranger. Les modifications réduiront beaucoup le transfert des mêmes oeuvres sur d'autres supports dans différents pays partout dans le monde.
    Toutefois, la disposition 37 du projet de loi C-11 sur les alinéas 32.01(1)a) et b) limite la capacité des organisations d'envoyer d'autres supports à l'étranger, dans la mesure où l'auteur doit être citoyen canadien ou citoyen du pays de destination. Il s'agit d'un fardeau pour les organisations qui veulent envoyer d'autres supports à l'étranger, car elles doivent établir la citoyenneté de l'auteur avant l'envoi. En outre, cette disposition restreint le nombre d'oeuvres qu'il est possible d'envoyer.
    Nous recommandons que les restrictions ne s'appliquent qu'aux oeuvres produites au Canada qui pourraient l'être dans le pays de destination et aux oeuvres déjà disponibles dans ce pays. Il faut selon nous se fier à ces deux critères pour déterminer s'il est possible d'envoyer une oeuvre à l'étranger. Ainsi, la tâche serait plus facile pour les organisations qui envoient des oeuvres à l'étranger, et bien plus d'oeuvres pourraient être envoyées.
    Concernant notre quatrième recommandation, le paragraphe 32(2) de la loi limite la portée de l'exemption stipulée à l'article 32 en excluant la production des imprimés à gros caractères. Cette restriction nuit aux Canadiens de tous âges qui ont de la difficulté à lire les imprimés, mais surtout les Canadiens âgés. Elle constituera un problème croissant, car la population vieillit et davantage de Canadiens éprouvent des problèmes de vision et ont besoin de lire des gros caractères. Nous recommandons de retirer cette restriction de la Loi sur le droit d'auteur.
    Concernant notre cinquième et dernière recommandation, l'alinéa 32(1)a) de la loi limite aussi l'exemption de l'article 32 et empêche l'adaptation d'oeuvres cinématographiques pour les rendre plus accessibles. Nous croyons que cette restriction est une des causes de l'offre extrêmement limitée de films présentés en audiovision.
    Je précise que l'audiovision est une narration sonore de l'action qui permet aux personnes aveugles de mieux comprendre le film.
    Nous recommandons de retirer cette restriction qui figure dans la Loi sur le droit d'auteur.
    En terminant, la disposition 37 du projet de loi C-11 contient des restrictions semblables pour la production d'imprimés à gros caractères, l'adaptation d'oeuvres cinématographiques et l'envoi d'autres supports à l'étranger. Nous croyons qu'il faut aussi supprimer la modification du paragraphe 32.01(2), qui exclurait les imprimés à gros caractères et les oeuvres cinématographiques de l'exemption.
    Je présume que mon temps est écoulé. Je vais donc en rester là et je pourrai répondre aux questions.
    Merci.

  (1715)  

    Très bien. Merci beaucoup, monsieur Workman.
    Messieurs Boyle et Cornellier, je crois que vous allez présenter ensemble un exposé de 10 minutes. Vous pouvez y aller.
    Bonsoir.
    Je m'appelle Brian Boyle et je suis accompagné de mon collègue André Cornellier. Nous sommes photographes professionnels.
    Ce qui est bien avec les photos, c'est que des millions de Canadiens peuvent les regarder. Mais comme dans tous les domaines, il faut du talent, des années de formation, de l'expérience et des investissements financiers pour être professionnel.
    Nous sommes coprésidents de la Coalition des photographes canadiens. Je vous remercie de l'invitation à témoigner sur le projet de loi C-11, la loi prévoyant la modernisation de la Loi sur le droit d'auteur. Merci également au gouvernement du Canada d'avoir présenté ce projet de loi; nous lui offrons notre soutien.
    Notre coalition représente les intérêts de deux associations professionnelles: les Photographes professionnels du Canada, les PPOC, que je représente, et l'Association canadienne des créateurs professionnels de l'image, la CAPIC, représentée par André Cornellier. Ensemble, nous représentons 15 000 photographes professionnels, dont plus de 95 p. 100 sont des propriétaires de petites entreprises qui gèrent leurs activités et travaillent partout au Canada.
    Ces hommes et ces femmes propriétaires de petites entreprises comptent sur les revenus générés par leurs créations pour subvenir aux besoins de leurs familles, engager des gens de leurs collectivités et payer leurs factures. Le projet de loi C-11 élimine à juste titre les paragraphes 13(2) et 10(2), qui constituent une inégalité de longue date reposant sur une vision dépassée et discriminatoire de la photographie.
    Le paragraphe 10(2) stipule que le propriétaire de l'original est l'auteur de la photographie. Le paragraphe 13(2) indique que celui qui a passé la commande est le titulaire des droits de l'oeuvre, pas l'auteur. Cette disposition est en contradiction flagrante avec les dispositions concernant toutes les autres oeuvres, comme les enregistrements musicaux et les oeuvres littéraires, dont l'auteur conserve les droits, même si l'oeuvre est commandée par une autre personne.
    Dans presque tous les autres pays industrialisés, comme le Royaume-Uni, la France et les États-Unis, et tout récemment l'Australie, les photographes possèdent les droits sur les photos commandées, pas celui qui a passé la commande. En gros, le projet de loi C-11 met simplement la loi à jour pour refléter les tendances internationales et les réalités économiques.
    Il convient de souligner que les trois projets de loi précédents C-32, C-61 et C-60 proposaient aussi de supprimer les paragraphes 13(2) et 10(2).

  (1720)  

[Français]

    Avant de commencer, je souhaite remercier le comité de nous recevoir aujourd'hui et le gouvernement d'avoir inclus les photographes dans le projet de loi C-11. Pour nous, c'est un geste très important et nous en sommes reconnaissants.
    Je vois aussi que nous sommes dans une salle qui nous convient très bien, puisque devant moi, on peut lire la phrase suivante:

[Traduction]

    « The Spirit of the Printed Word », représentée par une image. J'imagine qu'une image vaut mille mots.

[Français]

    En plus de faire du créateur d'une photographie le premier titulaire du droit d'auteur, le projet de loi C-11 propose d'ajouter l'alinéa 32.2(1)f) à la loi actuelle. Cela donnera des droits de reproduction très larges aux personnes qui passent des commandes destinées à un usage privé et non commercial.
    La CPC est favorable à ce que les personnes qui commandent des photographies et leur famille puissent en faire un usage raisonnable à des fins privées, en particulier dans les médias sociaux.
    Par contre, la CPC est très inquiète du fait que le projet de loi C-11 ne comporte aucune définition de l'expression « non commercial ». Cette omission nuira de manière importante aux photographes professionnels qui gagnent leur vie par ce travail et contribuent à la croissance économique du pays.
    L'absence de définition de l'expression « non commercial » ouvre la porte à des reproductions non prévues qui pourraient avoir des conséquences financières négatives importantes pour les photographes. Cette absence de définition ne peut qu'introduire un déséquilibre entre le droit des utilisateurs et le droit des photographes de gagner leur vie. Ce déséquilibre tient essentiellement au fait qu'il permettrait aux utilisateurs de reproduire des photographies qui seraient pour eux non commerciales, ce qui, par contre, aurait des conséquences importantes sur le plan commercial pour le photographe. Le photographe et la personne qui passe la commande pourraient interpréter de manière très différente l'expression « non commercial ».

  (1725)  

[Traduction]

    Prenons un exemple.
    La couverture arrière de votre brochure montre la photo d'un paysage de Port aux Basques, à Terre-Neuve. Selon le projet de loi, celui qui a commandé la photo peut la reproduire à des fins privées et non commerciales. Il peut envoyer une copie à son fils, en accrocher une dans son chalet ou en donner une à sa grand-mère qui a grandi à Port aux Basques, sans faire subir de pertes financières importantes au photographe.
    Mais même s'il ne s'agit pas d'une pratique commerciale, une photo reproduite des centaines de fois entraîne d'importantes conséquences pour le photographe. Ses revenus futurs sont menacés, car il ne peut pas vendre des photos semblables qui présentent le même paysage. Tous les clients potentiels auraient déjà une copie gratuite de la photo.

[Français]

    En vue de remédier à ce déséquilibre et de préciser le sens de l'expression « non commercial », la CPC soumet un bref amendement technique qui s'inscrit tout à fait dans l'esprit du projet de loi C-11. Le texte de cet amendement technique s'inspire directement du paragraphe 29.21(1) intitulé « Contenu non commercial généré par l'utilisateur » que le projet de loi C-11 souhaite ajouter à la loi. Le texte de l'amendement se trouve à la deuxième page du document que vous avez devant vous.
    L'amendement proposé par la CPC permettrait de nombreuses utilisations des photographies par les personnes qui les auraient commandées. Il restreindrait uniquement les utilisations susceptibles d'avoir des conséquences financières importantes pour les photographes. Il fixe des critères visant à faire en sorte que les pratiques jugées non commerciales par les personnes qui commandent les photographies n'aient pas de conséquences commerciales importantes pour les photographes.
    Parallèlement, cet amendement respecte le désir du gouvernement de garantir un accès équitable aux photographies de commande, conformément au souhait des consommateurs. La CPC ne croit pas que cet amendement aille à l'encontre de l'intention de la loi qu'il vise à modifier. Il est simplement destiné à clarifier la notion de « non commercial ».

[Traduction]

    Monsieur Boyle.
    En résumé, même avec l'amendement que nous proposons, le projet de loi C-11 accorde des droits bien plus importants à ceux qui ont commandé des photos qu'à ceux qui ont commandé une autre oeuvre protégée au Canada. L'amendement technique que nous proposons prévient l'utilisation illimitée qui cause des pertes financières considérables aux hommes et aux femmes propriétaires de petites entreprises. Autrement dit, avec notre amendement, le projet de loi C-11 équilibre la capacité d'utiliser une oeuvre protégée et le droit du créateur de gagner sa vie.
    Merci.
    Merci, messieurs Boyle et Cornellier.
    Nous allons maintenant entamer notre première série de questions, en commençant par M. Armstrong.
    Merci de votre présence et de votre exposé. C'est bien d'entendre des représentants de l'industrie de la photo sur le projet de loi.
    Certains changements proposés dans le projet de loi sont demandés depuis longtemps par les photographes partout au Canada. C'est sans doute une belle occasion pour vous de parler de certaines améliorations.
    Pouvez-vous donner des précisions sur les dispositions qui empêchaient les photographes de gagner leur vie?
    En gros, la loi, qui indique que les droits de l'oeuvre appartiennent à celui qui l'a commandée et non au photographe, a été élaborée en 1920. Nous voulons changer la loi depuis bien des années.
    En fait, presque tous les autres pays industrialisés ont apporté des changements à leurs lois dans les années 1950 ou 1960. Le Canada est le seul qui n'a rien changé dans sa loi jusqu'ici. L'Australie a apporté des changements en 1999, mais la loi au Canada demeure la même. Nous remercions donc le gouvernement d'avoir présenté ce projet de loi. C'est un pas important dans la bonne direction. Au moins, nous serons sur un pied d'égalité avec les photographes des autres pays. La loi modifiée va donner par défaut les droits d'auteur au photographe.

  (1730)  

    Non seulement les photographes canadiens seront sur un pied d'égalité avec ceux des autres pays, mais ils seront considérés au même titre que les compositeurs de musique et les autres créateurs au pays, n'est-ce pas?
    C'est exact, et nous serons considérés de la même façon que les photographes des autres pays. Au Canada, seuls les photographes ne possédaient pas les droits sur leurs oeuvres, contrairement aux écrivains, aux musiciens et aux peintres.
    En effet. La décision a été prise en 1920, et c'est bien d'améliorer la loi au Canada grâce à ce projet de loi.
    C'est excellent.
    Monsieur Workman, ma question s'adresse à vous.
    À l'école où j'enseignais, il y avait beaucoup d'élèves malvoyants. Je connais l'audiovision depuis quelques années, et ça m'intéresse beaucoup. Comment ce projet de loi va-t-il influencer la généralisation de l'audiovision? Vous avez parlé d'apporter des amendements à cet égard.
    Je pense qu'il convient de supprimer la restriction comprise dans la Loi sur le droit d'auteur, mais le projet de loi C-11 ne propose pas une telle suppression. Il faut obtenir la permission chaque fois qu'on veut ajouter l'audiovision à un film inaccessible. Je pense que nous ratons une belle occasion.
    Croyez-vous que l'exemption sur l'éducation permettrait d'utiliser l'audiovision dans les écoles et d'autres contextes liés à l'enseignement?
    Je n'en suis pas tout à fait sûr. Étant donné que l'audiovision est expressément exclue de l'exemption prévue à l'article 32, je suis porté à croire que le gouvernement ne veut pas exempter l'audiovision. Mais je ne sais pas si l'audiovision pourrait être exemptée à des fins éducatives.
    Vous avez parlé de la capacité d'envoyer d'autres supports à l'étranger. D'autres pays ont-ils adopté des lois qui permettent d'envoyer à l'étranger d'autres supports produits pour les malvoyants?
    Depuis un certain nombre d'années, l'OMPI élabore un traité pour faciliter l'envoi d'autres supports à l'étranger. Heureusement, l'amélioration de nos lois nous permettra de signer ce genre de traité. Il faut selon moi rendre nos lois les plus ouvertes possible pour maximiser l'envoi d'autres supports sans restrictions.
    Je vais en rester là.
    Il vous reste 30 secondes, monsieur Armstrong.
    Merci, monsieur Workman.
    Je vais utiliser mes 30 dernières secondes pour poser une question sur les photographes.
    Même si votre association de photographes établis partout au Canada soutient fermement les changements proposés, vous avez parlé d'amender le projet de loi. Pouvez-vous donner des précisions sur ce qui justifierait cet amendement?
    Oui, mais ce serait difficile en 10 secondes.
    Merci beaucoup, monsieur Armstrong.
    Passons à M. Cash, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous trois de votre présence.
    Avant de devenir politicien, j'ai été compositeur, parolier et musicien pendant bien des années. C'est très frustrant pour les créateurs de perdre les droits sur leurs oeuvres. Je veux examiner la question à fond.
    Mais je vais d'abord m'adresser à M. Workman. J'espère avoir assez de temps pour poser des questions aux autres témoins.
    Monsieur Workman, pouvez-vous nous donner une idée de ce que doivent endurer les personnes ayant des déficiences perceptuelles et qui n'ont pas accès non seulement aux imprimés, mais aussi aux oeuvres cinématographiques présentées sans audiovision?

  (1735)  

    Les aînés qui ont perdu la vue regrettent surtout de ne plus pouvoir conduire et lire. C'est clair que les malvoyants souffrent de ne pas avoir accès aux imprimés.
    Je tiens à souligner que je prépare ma thèse de doctorat à l'Université de l'Alberta. J'ai constaté que bien des étudiants changeaient de programmes, parce qu'ils n'avaient pas accès aux documents dans leurs programmes d'origine. Les étudiants malvoyants abandonnent ou prolongent leurs études. Le manque d'accès à la documentation nuit beaucoup aux possibilités d'études et d'emplois des personnes aveugles. Les taux d'emploi chez les Canadiens aveugles sont catastrophiques.
    On peut donc dire sans se tromper que c'est une question d'égalité.
    Absolument.
    Très franchement, nous avons des gens ici qui offrent des produits qui ne sont pas accessibles, mais qui pourraient l’être sans causer de difficultés indues. On nous demande de nous appuyer sur une exemption plutôt que de simplement rendre ces produits plus accessibles. Par conséquent, je demande que cette exemption soit la plus large et efficace possible.
    D’après votre expérience, croyez-vous que les producteurs vont commencer à permettre aux personnes aveugles et aux personnes ayant une déficience auditive d’avoir accès à leurs produits? Selon vous, le secteur privé — ou le marché, si vous préférez — va-t-il réagir à cela?
    Nous avons quelques indices. Si vous prenez Apple, par exemple, les iBooks sont totalement accessibles au moyen des iPods touch, des iPads, et ainsi de suite. Toutefois, c’est tout le contraire dans le cas du Kindle d'Amazon. On a régressé. Le Kindle Fire, qui vient de sortir, n’est même pas offert sur supports accessibles; je ne suis donc pas très optimiste.
    Nous aurons besoin de mesures incitatives — des subventions aux éditeurs qui produisent des supports accessibles — ou d’autres mesures législatives qui l’exigent.
    De façon générale, quelles seraient les conséquences de l’application de cette exemption? Autrement dit, si on n’apporte pas d’amendements au projet de loi C-11 pour dissiper certaines de vos préoccupations, quels seront les effets concrets sur votre communauté et les autres?
    Cela ne ferait que perpétuer les problèmes dont j’ai parlé plus tôt — non seulement les problèmes d’éducation, que je connais mieux, mais aussi l’incapacité de participer pleinement à la vie de sa communauté ou de poursuivre continuellement son apprentissage, lorsque l’on perd la vue. Je pense qu’on se retrouverait devant la même situation, c’est-à-dire avec un très petit nombre d’ouvrages convertis sur des supports accessibles.
    Toutefois, vous dites qu’on doit faire une analyse de rentabilisation afin que les entreprises à but lucratif produisent des ouvrages en médias substituts. Vous dites que cela existe.
    Oui, il y a un certain nombre d’entreprises qui se livrent à ces activités. Cependant, elles ne peuvent tirer avantage de l’exemption prévue à l’article 32, puisqu’elle ne vise que les organismes à but non lucratif. Encore une fois, nous essayons d’éliminer certaines des restrictions qui font en sorte que l’exemption est moins efficace qu’elle ne pourrait l’être.
    Donc, autrement dit…
    Monsieur Cash, il vous restait environ trois secondes, alors malheureusement, je dois vous arrêter ici.
    Merci.
    Merci, messieurs Workman et Cash.
    Je cède maintenant la parole à M. Braid. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d’être ici cet après-midi.
     Monsieur Workman, je vais en fait poursuivre dans la même veine que M. Cash. J’aimerais que vous commenciez par renseigner le comité et lui expliquer les outils et technologies qui existent pour créer des supports accessibles.
    Je ne suis pas expert dans ce domaine, mais les médias substituts seraient le braille et le support sonore. Ces supports de substitution font partie des mieux compris. Plus récemment, c’est-à-dire ces 20 dernières années, le texte électronique s’est révélé être un média substitut révolutionnaire. Il y a des lecteurs d’écran. J’en utilise un en ce moment sur mon Mac pour avoir accès à mon exposé. Nous pouvons lire des livres électroniques à l’aide de ces technologies.
    Le problème, c’est lorsque les lecteurs de livres numériques utilisent la gestion numérique des droits. Pour Kindle, ou dans la boutique NOOK de Barnes & Noble, la gestion numérique des droits peut limiter la capacité des lecteurs d’écran d’accéder aux documents. Nous sommes donc privés d’un livre possiblement accessible.

  (1740)  

    Mais le projet de loi C-11 permettra de remédier à la situation, n’est-ce pas?
    Oui. Le projet de loi C-11 nous permettra de supprimer la gestion numérique des droits.
    Cela dit, je crois qu’il sera difficile d’avoir accès à ces outils. Il n'est pas certain que les outils seront accessibles, alors je considère que le Canadien moyen qui est aveugle aura de la difficulté à exercer son droit.
    J’essaie simplement de comprendre pourquoi il n’y a que 10 p. 100 des ouvrages qui, comme vous l’avez expliqué, sont offerts sur supports accessibles. Est-ce une question de modèles de gestion? De technologie?
    Je considère que les organisations qui font le travail ne bénéficient pas d’un niveau de financement suffisant, et les éditeurs n’appuient pas la production de médias substituts comme ils le devraient.
     Nous parlons ici d’un marché relativement petit, et il ne reçoit pas toute l’attention qu’il mérite.
    Est-il juste de dire que les organismes à but non lucratif au Canada qui appuient les personnes ayant des déficiences perceptuelles et qui ont une expertise dans le domaine sont préoccupés par ces améliorations?
    Je pense que oui. J’ai lu le mémoire de l’INCA au sujet du projet de loi C-32, auquel vous avez sans doute accès. On y a soulevé les mêmes préoccupations en ce qui a trait aux MTP et au maintien d’un effectif qualifié, de même qu’à la capacité de contourner les serrures numériques, et ce, sans nuire indûment au fonctionnement de la mesure technique de protection.
    Merci.
    Messieurs Boyle et Cornellier, vous avez affirmé cet après-midi que le projet de loi C-11 prévoit que les photographes soient les premiers titulaires du droit d’auteur. Il s’agit là d’un changement important. Il semble que les photographes au pays attendent cela depuis des décennies.
    Tout à fait.
    Aujourd’hui, il a beaucoup été question des aspects du projet de loi C-11 qui contribuent aux modèles de gestion. Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure on contribuera au modèle de gestion du photographe, du propriétaire d’une petite entreprise?
    À l’heure actuelle, quiconque commande un travail en détient les droits d’auteur. En ce qui me concerne, je dois négocier pour les reprendre. Avant d’entreprendre un travail, je dois parfois demander à une grande entreprise de me redonner mes droits d’auteur afin que je puisse les vendre. Vous comprenez que c’est un peu problématique. Si nous avons les droits d’auteur dès le départ, il sera plus facile de faire de la promotion et de négocier un prix raisonnable pour notre travail. C’est crucial pour notre entreprise.
    Très bien.
    Vous avez proposé un amendement précis, et j’aime le fait que vous ayez utilisé un libellé précis.
    Vous avez parlé plus tôt de l’importance des définitions, mais l’amendement ne semble pas contenir de définitions. À quel moment l’utilisation devient-elle illimitée et que les effets nuisibles deviennent importants?
    Veuillez répondre en 20 secondes ou moins.
    En gros, le nouvel amendement vise à ce qu’une personne puisse utiliser le travail commandé comme bon lui semble et donner la permission à quiconque d’en faire autant.
    On crée ici un effet illimité. Une personne peut produire 100 copies et en donner une à 100 personnes, et ces 100 personnes peuvent ensuite en donner une à 100 autres personnes, et je pourrais continuer encore longtemps. Chose certaine, ce n’était pas l’intention du gouvernement. Il voulait simplement permettre aux gens de l’envoyer par courriel, de l’afficher sur Facebook et d’utiliser les médias sociaux.
    Supposons que vous donner la permission à votre grand-mère. Vous lui envoyez une photo par courriel; elle a donc le droit de l’envoyer à votre grand-père.

  (1745)  

    Je suis désolé; le temps est écoulé.
    Toutes mes excuses.
    Je dois vous interrompre ici.
    Nous en sommes maintenant à la dernière série de questions. Le premier tour de cinq minutes est accordé à M. Regan.
    Merci, monsieur le président, et merci aussi aux témoins d’être des nôtres aujourd’hui.
    Monsieur Workman, j’ai l’impression que la disposition dont vous avez parlé autorise les personnes ayant une déficience à contourner les verrous numériques, pourvu qu’elles ne les enlèvent pas. Selon vous, est-ce réellement ce que vise le gouvernement?
    Je ne saurais vous dire. Nous ne sommes pas certains de ce que cela signifie, et nous aimerions mieux comprendre. Je pense qu’on craint de devoir enlever le verrou puis le remettre, ou quelque chose du genre, ce qui pourrait être assez difficile à faire sur le plan technique.
    L’enlever, c’est une chose — vous avez décrit à quel point c’est complexe —, mais le remettre, c’en est une autre.
    Oui, absolument. On doit ensuite s'assurer que ces contournements, en supposant qu'on a réussi à les faire, ne nuisent pas indûment au fonctionnement de la mesure technique de protection. On doit le faire correctement.
    À votre avis, en quoi cela touche-t-il les Canadiens moyens qui ont des déficiences perceptuelles?
    Je doute que les outils seront à la disposition du Canada moyen qui présente une déficience visuelle. Quelques personnes aveugles de l’élite pourront peut-être s’en prévaloir, mais ça ne sera pas le cas de la majorité des Canadiens. Il est probable que nous ne puissions pas du tout exercer notre droit.
    Merci beaucoup.
    En ce qui concerne l’envoi de matériel ayant été adapté à l’étranger, pourriez-vous expliquer pourquoi c’est nécessaire? Supposons que vous avez un ouvrage qui a été créé au Mexique et que vous voulez l’acheminer du Canada vers l’Australie. Pourquoi cela est-il nécessaire? Pourquoi ne pas plutôt se préoccuper de ce qui se fait au Canada, entre les citoyens et ainsi de suite?
    Pourriez-vous m’expliquer comment cela fonctionne et quel est le problème?
    Le problème, c’est qu'une organisation canadienne pourrait produire un livre sur supports accessibles dont l’auteur ou le titulaire du droit d’auteur est américain, mais nous ne pourrions pas l’échanger avec quelqu’un en Australie.
     Je pense que c’est problématique. Cela aura pour effet de limiter le nombre de livres qui pourraient être expédiés en Australie et ils auront possiblement les mêmes restrictions. Une personne en Australie ne pourrait pas créer un livre dont le titulaire du droit d’auteur est britannique, puis l’envoyer au Canada.
    De façon générale, je trouve que cela limite le partage de médias substituts entre les frontières.
    Merci.
     Messieurs Boyle et Cornellier, vous nous avez présenté un livre magnifique. Il s’agit d’un livre à couverture souple dans lequel on trouve des photos prises par des photographes exceptionnels de partout au Canada qui, de toute évidence, suivent les traces d’Alfred Stieglitz, d’Henri Cartier-Bresson et de nombreux autres excellents photographes. Ils capturent le moment.
    Ce livre contient des images d’une beauté inestimable. Elles ont une valeur marchande, comme vous l’avez indiqué, et c’est ce qui permet aux photographes de gagner leur vie.
    Je suis heureux d’appuyer ces dispositions du projet de loi. Je pense que l’amendement que vous avez proposé mérite non seulement d’être appuyé, mais je serais également surpris que mes collègues du gouvernement ne finissent pas par y être favorables. J’estime qu’il respecte l’intention générale du projet de loi, et j’espère qu’on le réalisera en temps et lieu.
    Quelqu'un souhaite-t-il intervenir?
    Je suis entièrement d'accord avec vous. Il est évident que cet amendement n’est pas uniquement dans notre intérêt; on agit dans l’intérêt des deux parties.
     Ainsi, chacun sait ce qu’il peut faire ou ne pas faire. En ce moment, l'expression « à des fins non commerciales » n'est pas définie. On ne trouve aucune définition nulle part. Il arrive souvent qu’un utilisateur dise que c'est non commercial et qu’un photographe affirme le contraire.
    Si les deux parties se retrouvent devant le tribunal, le juge aura beaucoup de mal à trancher puisque les deux peuvent avoir raison, mais si leurs idées sont contraires.
    Comment un juge peut-il rendre une décision dans ce cas? Il n’a aucun critère sur lequel se fonder. Nous essayons donc d'établir des critères afin de définir jusqu'où peut aller l’expression « à des fins non commerciales ». Les deux parties sauront ainsi où ne pas franchir la ligne.

  (1750)  

    Je suis désolé, messieurs Cornellier et Regan, nous n’avons plus de temps. Merci.
    C’est ce qui met fin au premier tour de cinq minutes. Nous allons maintenant amorcer le deuxième tour.
    Monsieur McColeman, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, messieurs, d’être des nôtres aujourd’hui.
    J’aimerais que vous terminiez de répondre aux questions de mes collègues. Vous n'avez pas eu la possibilité de décrire suffisamment où commencent et où s’arrêtent ces définitions. S’agit-il de 50 copies? De 50 publications sur Facebook? Y avez-vous pensé au moment de proposer cet amendement?
    Selon nous, il n’y a pas qu’une seule réponse à cela. On ne peut pas inscrire de nombre précis; c’est du cas par cas. Par exemple, on ne pourrait pas enchâsser dans la loi qu'il est acceptable de faire 10 copies. Dans certains cas, la reproduction d’une photographie peut être problématique, et dans d’autres, 50 reproductions ne le sont pas. Chaque cas est unique et doit être défini.
    C’est la raison pour laquelle le libellé peut ne pas sembler clair, mais ce l’est pour nous. Tout d’abord, ce libellé vient du projet de loi C-11, d’une autre partie du projet de loi C-11, où on a essayé de définir « à des fins non commerciales » pour des fins autres que la photographie. Quelqu’un y a réfléchi et a défini l'expression. Nous avons découvert que cela s’appliquait à nous. Dans l’exemple que vous avez donné plus tôt, supposons qu'une personne me demande de faire une photo d’un paysage et la donne à tout le monde de son village. Ce n'est pas commercial pour lui, puisqu’il ne fait pas d’argent, mais il m’empêche d’en faire.
    Napster était exactement comme ça. C’était un site non commercial. Il n’y avait pas d’argent à faire. On mettait des fichiers musicaux sur le Web et d’autres personnes pouvaient les télécharger. C’était un échange, mais il n’y avait aucun échange d’argent. Personne ne faisait d’argent, mais on enlevait la possibilité à des chanteurs d’en faire. Le même exemple s’applique dans notre cas. Le projet de loi a été conçu pour permettre aux gens d’accéder à leurs photos, de les publier sur le Web, sur un réseau social et de les envoyer par courriel. Nous n’avons aucun problème avec ça, mais à un moment donné, une telle pratique peut causer du tort à nos entreprises. Je vais vous donner un exemple. Vous me demandez de prendre une photo, et je fais votre portrait. Vous le donnez ensuite à votre mère, qui l’installe dans la salle à dîner ou ailleurs.
    Dans la salle de bain.
    Je n'irais pas jusque-là...
    Des voix: Oh, oh!
    M. André Cornellier: Supposons que vous êtes promu au poste de vice-président d'Hydro-Québec, et qu'on demande une photo de vous pour en faire l'annonce. Vous utilisez la photo que vous avez donnée à votre mère. Vous êtes en droit d'affirmer que vous ne l'avez pas utilisée à des fins commerciales. En effet, vous ne l'avez ni vendue ni louée, et nous n'avez pas eu un sou pour cela. Pour vous, il ne s'agissait pas d'une utilisation commerciale. Mais pour le photographe, c'en est une, parce que l'entreprise le paie normalement pour ce genre de service.
    C'est un exemple d'une situation où une photographie peut être à la fois un produit commercial et un produit non commercial. Que fait-on dans ces cas-là? Nous pensons que si cela ne cause pas de préjudice important à l'entreprise, c'est acceptable. Autrement, il faut imposer une limite. Mais tout cela doit être négocié au cas par cas.

  (1755)  

    On parle de préjudice sur le plan financier et sur le plan de la crédibilité. Si quelqu'un fait une mauvaise copie d'une de mes photos sur Xerox et que mon nom s'y trouve bien en évidence, je ne serai pas très heureux de la voir partout. Beaucoup de gens pourraient aussi la voir et croire que je suis un très mauvais photographe. C'est un exemple.
    Désolé, monsieur McColeman.
    Bon Dieu.
    Le temps file.
    J'ai posé une question.
    J'ai été indulgent avec d'autres, mais pas cette fois-ci, monsieur McColeman. Désolé.
     Monsieur Benskin.
    Merci.
    Monsieur Workman, votre mise en contexte m'a intrigué. Je viens du Québec, et je vois la situation comme un enjeu linguistique plutôt qu'un enjeu technologique. Je me souviens, il y a un bon moment de cela, que le Québec faisait pression pour que les films américains soient accessibles à la population francophone. La province a adopté une loi qui interdisait la distribution d'un film qui n'était pas aussi offert en version française. J'ai l'impression qu'il est presque question d'un enjeu linguistique, et non pas d'un enjeu technologique, quand on parle d'offrir aux personnes aveugles des vidéos en description vocale ou des livres audio.
    Suis-je complètement à côté de la plaque?
    Non, vous avez absolument raison. Je pense que c'est une question de discrimination. Ces produits pourraient être accessibles.
    Je ne dis pas que cela pourrait toujours être le cas. Un tout petit éditeur qui ne distribue que quelques centaines d'exemplaires d'une oeuvre ne pourra probablement pas l'offrir sur différents supports — Braille, audio, etc.
    Mais la plupart du temps, il serait possible d'offrir ces produits sans contrainte excessive, le critère à prendre en compte pour déterminer s'il y a violation des droits de la personne. Alors, oui, je crois qu'il est absolument question d'une violation des droits de la personne dans ce cas-ci.
    D'accord. Merci.
    Donc, le mouvement réclame que cette option se trouve au menu d'un support vidéo... Par exemple, le matériel serait offert en français, en anglais, en portugais, en espagnol et en description vocale dès le départ, plutôt qu'un tiers ne se charge de cette dernière option après-coup.
    Oui. À l'Alliance pour l'égalité des personnes aveugles, nous faisons toujours la promotion d'un design universel — nous voulons pouvoir accéder aux mêmes choses et de la même façon que les autres, sans recourir à des appareils spéciaux ou à des services et organismes spécialisés. C'est exactement ce que nous recherchons.
    Je ne m'attends pas à ce que ce soit couvert par la Loi sur le droit d'auteur. Je pense que cela va au-delà du cadre de la loi. Il faudrait qu'une autre législation aborde la question, mais d'ici là, je crois qu'il serait possible de renforcer l'exemption qui se trouve actuellement dans la Loi sur le droit d'auteur.
    Merci.
    Je tiens à vous dire, messieurs Cornellier et Boyle, que je comprends votre point de vue. C'est ironique de constater que les photographes sont les derniers à le voir.
     Quand j'étais directeur artistique d'une compagnie théâtrale, j'ai commandé quatre ou cinq pièces de théâtre, et je me suis toujours fait un devoir de veiller à ce que les droits reviennent aux auteurs, et la compagnie m'accordait certains droits de premier refus...
    Merci.
    ... je pense donc que nous avons tous un peu de mal à saisir le concept d'utilisation commerciale. Les acteurs, par exemple, vont se faire prendre en photo. C'est presque un système basé sur l'honneur, parce que le photographe avec lequel je fais affaire va imprimer les photos qu'il a prises de moi, et quand je vais les utiliser, je vais lui faire la publicité qui lui revient. Quand j'aurai épuisé ma réserve, je vais retourner le voir pour qu'il m'en imprime d'autres, et je vais le payer pour ses services.
    D'autres vont demander quatre ou cinq copies, puis vont aller dans un centre de photocopies pour se procurer des copies bas de gamme sur carton. Le photographe ne reçoit rien dans ces cas-là.
    Donc, je sais que vous avez tenté de mieux définir la notion d'utilisation commerciale, et les membres du comité ont voulu vous donner du temps pour le faire, mais je vais encore vous donner cette chance.

  (1800)  

    Monsieur Thibeault...?
    Vous voyez...? Plus de temps pour...
    Rapidement, je peux vous donner un autre exemple. Je pense que c'est plus simple comme cela.
     Supposons qu'une dame est dans sa cuisine et publie une recette sur son blog. Elle prend une photo du mets en question et l'affiche aussi sur son blog. Cela ne nuira pas à mes affaires. Cela ne tuera pas mon entreprise. Ce ne serait pas un problème.
    Mais s'il s'agit du blog d'une entreprise... Évidemment, si l'entreprise a décidé de produire un blog, c'est dans le but de faire de l'argent. À ce moment-là, ce blog devient une utilisation commerciale, à mon sens.
    Donc, on peut avoir un blog utilisé à des fins non commerciales, et un autre utilisé à des fins commerciales.
     Il y a aussi un autre élément à prendre en compte à propos des blogs. Supposons que cette dame utilise la photo à des fins non commerciales. Elle détient les droits nécessaires et peut le faire. Mais si elle autorise tout le monde à la reproduire — ce que la loi lui permet de faire —, un moment donné, la photo qu'elle a affichée sur son blog aura fait le tour du monde et tous les utilisateurs pourront la reproduire et permettre à d'autres de faire de même. À ce moment-là, impossible pour moi de vendre ma photo, parce qu'elle est déjà offerte partout gratuitement.
    Où doit-on fixer la limite? C'est ce que nous tentons d'établir en parlant des préjudices causés à l'entreprise... Si la personne l'utilise une fois ou deux, ou quelques fois, et que le tout se fait respectueusement, il n'y aura pas de dommages. Mais à un moment donné, cela pourrait causer suffisamment préjudice à mon entreprise pour que j'en perde la moitié. Comme pour l'exemple de Napster que j'ai donné tantôt.
    Merci, monsieur Cornellier.
    M. Tyrone Benskin: Merci.
    Le président: Merci, monsieur Benskin.
    Monsieur Moore, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui et de nous faire part de vos commentaires.
    J'étais très fier. J'ai remarqué que mon cousin, John Beesley, était l'un des photographes mis en vedette dans votre livre. Vous avez vraiment attiré mon attention, si bien que je suis maintenant pendu à vos lèvres.
    Je sais que John, comme 95 p. 100 de vos membres, est propriétaire d'une petite entreprise, et nous voulons vraiment aider nos petites entreprises. Nous voulons nous assurer de limiter les frustrations auxquelles sont confrontés les petits entrepreneurs. Nous avons parlé brièvement des défis particuliers que doivent relever les photographes au Canada concernant la protection de leurs oeuvres.
    Pouvez-vous nous expliquer quels sont quelques-uns des irritants actuels, et comment vous entrevoyez les habitudes des photographes et des clients après l'adoption du projet de loi? Nous pouvons tous reconnaître la valeur du travail des photographes, qu'il s'agisse de photographies de mariage ou de graduation. Les photos et les bons photographes immortalisent les plus grands moments de notre vie. On en entend beaucoup parler quand une photo est moins bonne, mais quand c'en est une belle, on adore cela.
    J'aimerais que chacun de vous me disiez comment l'adoption du projet de loi modifiera les habitudes des clients de ces petites entreprises.
    Pour les clients, il y a deux façons de faire en ce moment. Soit ils deviennent propriétaires des images qu'ils ont commandées, soit ils signent un contrat établissant les modalités d'utilisation.
    La nouvelle loi permettra aux clients d'utiliser les images à des fins personnelles, et nous sommes en faveur de cela. L'utilisation personnelle ne pose jamais de problème. L'utilisation personnelle renvoie à la famille, dans un certain cadre... Nous n'y voyons aucun inconvénient. Je ne vois pas comment cela pourrait poser problème. Si l'image sert à votre famille, à quelques amis, mon entreprise n'en souffrira pas tellement. C'est une utilisation non commerciale.
    La plupart des clients vont en faire une utilisation privée, si on veut, et ils seront heureux de pouvoir le faire, et nous sommes pour cela. La loi va leur permettre de le faire. C'est formulé clairement dans la loi.
    Nous avons des réserves à l'égard du secteur non commercial, qui peut pencher du côté commercial comme du côté non commercial. La plupart des gens ne verront pas de conséquences sur leur vie personnelle. C'est pourquoi nous voulons corriger le tir pour ceux qui pourraient utiliser des tribunes non commerciales à des fins commerciales, par exemple, un avocat qui cherche à se faire connaître. La promotion d'un produit ou d'une personne, cela appartient au domaine commercial.
    La nouvelle loi permettra aux clients d'utiliser très facilement les images dans leur espace personnel. C'est un droit acquis, et ce n'est pas un problème pour nous. Cela nous convient parfaitement.

  (1805)  

    Nous aurons aussi l'appui de la loi en désignant les photographes comme premiers titulaires du droit d'auteur sur leur travail.
    Merci.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Vous avez environ une minute.
    On peut aussi présumer, d'après ce que vous proposez, qu'il pourrait y avoir préjudice si la personne utilise la photographie à des fins beaucoup plus larges que ce qui avait été prévu. Dans l'exemple que vous avez donné à M. McColeman, on présume qu'il s'agit du même photographe, autrement il n'y aurait pas de dommages à signaler.
    Comment peut-on regrouper quelques-unes des présomptions à faire pour établir ce qui pourrait causer préjudice?
    Comme je le disais, il faudra y aller au cas par cas. Je ne crois pas qu’il soit possible de rédiger une définition assez vaste pour cerner précisément le problème. Je vous ai donné l’exemple du portrait d’un avocat qui sert à son entreprise, et c’est un problème. Je vous ai aussi donné l’exemple d’une personne qui imprime une centaine de copies de la photographie d'un paysage. Le lendemain, tout le village en a une copie, et il me devient impossible de vendre une photo semblable à qui que ce soit.
    On ne peut pas s’attendre à ce qu’une loi soit parfaite. Je ne crois pas qu’il existe une loi qui le soit. C’est pourquoi elles sont si longues et qu’elles comportent autant d’exceptions. On essaie et on essaie encore. Les photographes ne sont pas là pour poursuivre leurs clients. Ils veulent entretenir de bonnes relations avec eux, et la plupart du temps, ils vont pencher en leur faveur. Si un client fait quelque chose de discutable, le photographe va laisser passer la chose. Cela m’étonnerait qu’on intente un millier de poursuites contre nos clients.
    Notre temps est écoulé depuis un bon moment déjà, monsieur Cornellier. Merci.
     La parole est à M. Dionne Labelle, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Workman, j'ai entendu les amendements que vous proposez. Je vais vous poser une question. J'ai l'impression que ce projet de loi créera un sentiment d'exclusion plus grand au sein de la communauté des personnes qui ont des problèmes de perception visuelle. Ces gens se sentiront davantage exclus de ce monde technologique et numérique dans lequel on vit. Est-ce que je me trompe? Est-ce bien ce que vous avez exprimé?

[Traduction]

    Ce que je dis, c’est que nous avons maintenant la possibilité de modifier les modalités entourant les droits d’auteur, ce qui n’arrive pas très souvent. Des modifications sont du moins rarement adoptées.
    Je propose de remédier à quelques-uns des problèmes que pose la version actuelle de la Loi sur le droit d’auteur, et d’améliorer les modifications présentées. Le projet de loi C-11 propose l’envoi d’oeuvres à l’étranger, et je veux anticiper quelques-unes des contraintes et tenter de les éliminer. Je ne suis donc pas certain qu’il soit question de se sentir davantage exclus. Je crois plutôt que ce serait de ne pas saisir cette chance que nous avons de favoriser notre intégration à la société canadienne.

[Français]

    Merci, monsieur.
    En ce qui vous concerne, les gens de la CPC, j'ai lu avec intérêt l'amendement que vous proposez. C'est le type d'amendement qui est totalement recevable et qui devrait particulièrement intéresser nos amis conservateurs. En effet, cet amendement touche à la notion de marché. Cette question n'est pas abordée ailleurs dans le projet de loi, et vous l'introduisez joliment. Comme les conservateurs sont de fervents défenseurs de l'économie de marché, vous introduisez une notion qui leur plaira, et je pense que votre amendement atteindra son but. Je vous en félicite.

  (1810)  

    Merci.

[Traduction]

    Nous l'espérons en tout cas.

[Français]

    Monsieur Workman, ma question concerne les dispositions sur le contournement de verrous pour s'adapter à la situation de vos membres. Partagez-vous l'impression que j'ai que les amendements qu'on doit soumettre pour vous donner le droit d'obtenir une version adaptée à vos besoins représentent pratiquement des miettes? Pourtant, la loi pourrait imposer de fournir les codes pour contourner ces verrous afin de rendre les oeuvres accessibles lorsqu'une situation particulière comme celle de vos membres l'exige. Préféreriez-vous que la loi contienne de telles obligations, plutôt qu'on adopte un amendement de quelque sorte qui représente des miettes?

[Traduction]

    Je suis d’accord avec vous. Si la loi pouvait imposer aux éditeurs ou aux titulaires du droit d’auteur de retirer les verrous pour la transposition d'une oeuvre sur un autre support dans des situations particulières, ce serait vraiment une meilleure solution. Je ne suis pas sûr si la portée de la Loi sur le droit d’auteur le permet. Si oui, ce serait absolument souhaitable. L’autre option serait de rendre ces outils le plus accessibles possible, et une façon d’y arriver serait de faire en sorte que ce n’est pas illégal dans 99 p. 100 des cas.

[Français]

    Je vous remercie.
    C'est effectivement un angle qui nous intéresse. Plus tôt, avant vous, on a entendu des gens mentionner qu'en Suisse, par exemple, la réglementation en matière de protection numérique des oeuvres est beaucoup plus ouverte. Par contre, elle permet aussi de percevoir de plus grandes redevances sur les différentes oeuvres.
    Il ne faut pas chercher à obtenir de cette loi qu'elle règle tous les problèmes. Il faut reconnaître les culs-de-sac vers lesquels elle mène et savoir renoncer à légiférer quand il le faut, pour ensuite mieux la compléter au moyen d'une réglementation en dehors du code.
    Seriez-vous donc plutôt en faveur d'un changement, d'une addition à la loi?

[Traduction]

    Rapidement, je vous prie.
    Je serais en faveur de cela, si c’était possible.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Calandra pour cinq minutes.
    Merci.
    J’aimerais aller un peu plus loin que M. Workman là-dessus. Comme M. Nantel le disait, la Suisse a décidé d’appliquer des tarifs ou des taxes sur les appareils que les gens utiliseraient pour consommer du matériel frappé de droits d’auteur. Quel impact est-ce que cela aurait sur les personnes qui doivent utiliser des appareils? Qui sait à combien s’élèveraient ces tarifs? Nous allons découvrir plus tard quels seraient les tarifs en Suisse, mais à quel moment est-ce que cela devient un obstacle pour les personnes qui ont besoin de ces appareils?
    Ma deuxième question est la suivante: seriez-vous à l’aise avec cette option? Comme vous le savez, le projet de loi prévoit qu'il sera possible, par l'entremise d'un décret, de contourner les MTP pour certains articles. N'est-ce pas là une solution, de permettre par décret de contourner les MTP pour les programmes employés pour les personnes ayant un handicap visuel?
    Ce sont les deux questions que j’ai pour vous.
    Un grand nombre de personnes aveugles vivent dans la pauvreté. On peut donc difficilement leur demander une somme supplémentaire dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Je crois qu'il est possible de contourner le problème au moyen de ce qu'on appelle les programmes des appareils et accessoires fonctionnels — des programmes publics d'aide pour l'achat de l'équipement indispensable. Mais de façon absolue, chaque fois que vous imposez un coût supplémentaire à un groupe dont le revenu est déjà inférieur à la moyenne, c'est un problème.
    Pour ce qui est de l'utilisation de décrets, je pense que c'est une option. Je crois toutefois qu'on impose un fardeau supplémentaire à l'utilisateur en lui confiant une tâche, ce qui n'est pas le cas si le déroulement des choses est prévu dès le départ.
    Cette mesure pourrait fonctionner, mais je suis un peu réticent à l'idée puisqu'elle semble alourdir le fardeau des consommateurs.

  (1815)  

    Je ne voudrais pas trop m'attarder sur la question, mais ce qui me frappe, c'est que si nous suivons le modèle de la Suisse, nous créerons une autre catégorie de personnes qui, pour se procurer les appareils et accessoires fonctionnels dont ils ont besoin, devront demander de l'aide au gouvernement, et probablement même aux provinces. Je crains qu'une imposition extrême de ces appareils relativement à la réglementation complique sérieusement la tâche de bien des gens.
    Je vais m'arrêter ici au sujet de cette lourde taxe supplémentaire. Au dire d'un autre témoin, il paraît que seuls les grille-pain ne sont pas taxés en Suisse. L'une des premières personnes avec qui j'ai eu le plaisir de travailler chez Rogers Cable, pendant mes études, était un homme malvoyant. Tout ce que cet homme parvenait à accomplir en 1995 avec un ordinateur était véritablement stupéfiant. Il m'avait montré certains des outils dont il se servait à l'époque pour pallier sa déficience au quotidien, et je ne peux qu'imaginer que la technologie d'aujourd'hui est bien plus poussée.
    Je me fais simplement du souci parce que chaque occasion sert de prétexte pour taxer davantage les citoyens, alors qu'on devrait plutôt leur simplifier un peu la vie. Je vous remercie de votre témoignage
    J'aimerais maintenant m'adresser à MM. Boyle et Cornellier.
    Messieurs, vous avez souligné certaines des difficultés que rencontre le gouvernement — comme tout autre gouvernement — à essayer d'adopter de telles mesures législatives. Chaque disposition s'accompagne de 10 autres difficultés ou obstacles.
    M. McColeman m'a parlé d'une entreprise de sa circonscription qui embellit des photos en leur apportant des retouches numériques de façon à ce qu'elles ressemblent à des toiles. Qui détient le droit d'auteur? Est-ce celui qui modifie la photo? Ainsi, une seule modification législative soulève toujours bien d'autres questions.
    Vous avez souligné certains points épineux, mais tout bien considéré, trouvez-vous que le projet de loi constitue un pas en avant?
    Sans vouloir me prononcer sur les amendements que le comité proposera, êtes-vous satisfait du projet de loi, même sous sa forme actuelle?
    Une grande partie du projet de loi nous plaît. À vrai dire, nous allons sabler le champagne dans quelques mois.
    En fait, nous cherchons simplement à clarifier une situation qui posera assurément problème. Il semble peut-être y avoir beaucoup de mots, mais nous avons essayé d'exposer la situation avec simplicité afin de donner à chaque partie la latitude de faire son travail. Nous voulons que ces entreprises se servent des photographies; là n'est pas le problème. Ce n'est pas un feu rouge; nous ne voulons empêcher personne de faire quoi que ce soit. C'est plutôt un feu jeune, ou une mise en garde. Ces entreprises peuvent s'adonner à leurs activités, mais nous leur demandons de ne pas aller trop loin et de ne pas nous ruiner.
    C'est tout ce que nous essayons de dire.
    Merci, monsieur Cornellier. Veuillez m'excuser de vous interrompre, mais nous devons respecter le temps alloué.
    Je laisse maintenant la parole cinq minutes à M. Benskin.
    Merci.
    Monsieur Workman, j'aimerais éclaircir certains points que vous avez soulevés. Pour ma part, j'ai l'impression qu'il s'agit d'un problème de langue et d'accessibilité plutôt que d'une question technologique, comme nous l'avons déjà dit. Un brevet, c'est comme un droit d'auteur, et il en va de même pour tous les logiciels et le matériel informatique; il permet à son titulaire de recevoir une redevance grâce au prix fixé. Par conséquent, l'appareil en question n'est pas assujetti à une taxe supplémentaire ou à quoi que ce soit d'autre en raison du brevet.
    Pour ce qui est de l'accessibilité, pourriez-vous nous dire si vous parliez de l'accès au matériel en soi ou bien de problèmes technologiques?

  (1820)  

    Au bout du compte, c'est l'accès au contenu qui nous intéresse, et il y a différentes façons d'y arriver. Voici ce qui est probablement un peu technique: si nous voulons lire un livre pour Kindle vendu sur Amazon, par exemple, la gestion numérique des droits nous empêche souvent d'utiliser certains lecteurs d'écran ou autres logiciels qui nous permettent habituellement de lire le texte d'un document Microsoft Word, entre autres.
    Je pense qu'Amazon devrait intégrer des fonctionnalités d'accessibilité. Si elle tient à conserver la gestion numérique des droits, elle pourrait alors concevoir un lecteur d'écran qui nous permettrait d'accéder au contenu. Ce qui compte, c'est que nous ayons accès au matériel.
    Vous voulez donc un logiciel plus polyvalent, qui fonctionnerait sur toutes les plateformes et qui vous donnerait accès à des documents, des livres numériques et même des PDF, n'est-ce pas?
    Oui, je pense bien. À vrai dire, je crois que la gestion numérique des droits engendre certains problèmes, mais il existe différentes façons de les contourner. Amazon pourrait se départir de la gestion numérique des droits, puis confier le dossier à une entreprise spécialisée en accessibilité qui transformerait les textes numériques en braille ou en audio. Amazon pourrait également intégrer des fonctionnalités d'accessibilité à l'image d'Apple. En effet, à partir de la boutique en ligne d'Apple, la fonction VoiceOver du iPad permet d'acheter des livres numériques et de les lire.
    Très bien.
    Merci.
    Excellent. Je vous remercie, monsieur Benskin.
    Monsieur Lake, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    À vrai dire, je voulais commencer avec ce dont vous venez de parler. Vous avez mentionné l'accessibilité totale d'Apple et de iBooks, et je voulais vous demander de vous expliquer. Si vous le voulez bien, vous pourriez nous en apprendre un peu plus au sujet du fonctionnement de ces outils.
    Apple a incorporé un lecteur d'écran à ses produits. Lorsqu'on achète un PC, on doit normalement se procurer séparément un lecteur d'écran conçu par une autre entreprise. De son côté, Apple a enjoint une de ses équipes à concevoir des lecteurs d'écrans intégrés. Ils font partie des produits comme le Mac, le iPhone ou le iPad. L'activation du lecteur d'écran donne accès à toutes les applications originales du iPad et à bon nombre d'applications conçues par un tiers, téléchargeables à partir de la boutique d'applications en ligne. L'application iBookstore, une boutique en ligne de livres numériques, en est un exemple. Le lecteur d'écran est capable de lire des phrases, des mots ou des caractères, ce qui est indispensable pour épeler un nom ou pour une lecture plus raffinée.
    Voilà. Apple a donc intégré le lecteur d'écran directement dans l'appareil, et tout le monde a la possibilité de l'activer ou non.
    En théorie, pourriez-vous par exemple ouvrir une application de journaux et demander au lecteur d'écran de vous lire les nouvelles affichées?
    Oui, c'est possible. Le problème, c'est que les applications conçues par un tiers n'intègrent pas toujours l'ensemble des API d'Apple en matière d'accessibilité, c'est-à-dire les protocoles ou les règles correspondant à l'interface de programmation d'applications — et l'application de journaux regroupe justement des applications de tiers, comme celle du New York Times. Puisque ce n'est pas toujours respecté, certains éléments deviennent inaccessibles, mais ce n'aurait pas été le cas si les outils d'Apple avaient été utilisés lors de la création des applications.
    Mon garçon de 16 ans est autiste. Je dois dire que le monde d'aujourd'hui nous a infiniment facilité la vie grâce à l'explosion de technologies et d'applications lui permettant de communiquer, surtout en ce moment. Puisqu'il ne parle pas, son iPhone le fait à sa place; d'ailleurs, le microphone de l'appareil est un peu plus fort que celui d'un iPod.
    Auparavant, il utilisait à cette fin un appareil environ 15 fois plus gros et qui coûtait 10 000 $. Aujourd'hui, son iPhone fait exactement la même chose pour 189 $, le coût de l'application Proloquo2Go, en plus du prix du téléphone. Les personnes aveugles du Canada profitent-elles d'une percée technologique semblable?
    Oui, grâce à Apple.
    Il suffit d'acheter une application au prix de 10 $ pour identifier l'argent, alors qu'il fallait autrefois débourser 100 $ pour un tel appareil, à moins que la Banque du Canada vous en fasse don. Il en va de même pour l'identification de couleurs et d'objets, ou pour la reconnaissance optique de caractères, qui permet de lire un texte après l'avoir pris en photo.
    Auparavant — avec les anciens téléphones cellulaires —, il fallait dépenser plusieurs milliers de dollars pour arriver au même résultat. C'est maintenant possible grâce à une application de 10 $. Le phénomène est donc le même.

  (1825)  

    C'est vraiment emballant. Je sais que la technologie a changé nos vies. Je suis certain que c'est la même chose pour vous.
    Pour terminer, les cinq recommandations que vous nous avez soumises semblent pour la plupart indiquer que le projet de loi est sur la bonne voie, mais qu'il pourrait aller encore plus loin, selon vous. Ai-je bien résumé vos propos?
    Oui. Je pense que le projet de loi contient deux ou trois bons coups, comme en ce qui a trait à l'envoi d'oeuvres à l'étranger. Cette disposition devait figurer dans le projet de loi pour que nous puissions faire partie de l'accord international. Je ne suis pas contre l'exemption entourant les MTP. Je crois simplement que la disposition sera difficile à appliquer sans d'autres mesures.
    Toutefois, les trois autres recommandations ont pour objectif d'améliorer la Loi sur le droit d'auteur actuellement en vigueur. Le projet de loi C-11 passe sous silence les questions de l'impression en gros caractères, des oeuvres cinématographiques et de la production dans un but de profit.
    J'espère que vous aurez l'occasion un jour de nous dire comment nous pourrions vous faciliter la vie encore davantage. Je pense que c'est ce qui rend notre travail aussi agréable.
    Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir comparaître.
    Merci, monsieur Lake.
    J'aimerais remercier nos témoins et invités. Nous allons suspendre la séance un instant, puis nous poursuivrons nos travaux à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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