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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 4 avril 2012

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Je demanderais aux membres de s'asseoir. Nous sommes quelque peu pressés par le temps aujourd'hui, car les cloches doivent sonner à 17 h 15. De manière à ce que nous disposions de suffisamment de temps pour entendre le deuxième groupe de témoins, je propose que nous entendions le premier groupe de témoins jusqu'à 16 h 20, et que nous passions ensuite au second.
    J'aimerais...
    Madame la présidente, combien de temps est alloué à chacun de nos invités?
    Je leur accorde un peu plus de 50 minutes.
    Je suis heureuse de souhaiter la bienvenue à Peggy Taillon, présidente et directrice générale du Conseil canadien de développement social, et à Bonnie Brayton, directrice exécutive nationale du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada.
    Madame Brayton, nous avons une bonne raison de célébrer votre retour. Quant à vous, madame Taillon, nous vous souhaitons la bienvenue à la réunion, car nous savons que vous contribuerez énormément à notre étude. Vous disposez toutes deux de 10 minutes. Madame Brayton, voulez-vous ouvrir le bal?
    Bonjour à tous.

[Français]

    Merci beaucoup de nous recevoir encore aujourd'hui pour partager avec vous.

[Traduction]

    Nous remercions le Comité permanent de la condition féminine de nous avoir invitées à participer à l'importante étude qu'il mène sur l'amélioration des perspectives économiques des filles handicapées au Canada. Il est crucial que nous puissions prendre part de façon significative aux prises de décisions stratégiques qui ont une incidence sur notre vie. Nous vous sommes reconnaissantes de nous donner l'occasion d'engager un dialogue qui sera, nous l'espérons, permanent.
    Nous remercions le peuple Haudenosaunee de nous accueillir sur le territoire des Six Nations et de nous permettre de nous rencontrer ici, aujourd'hui. Nous demandons à notre Créateur de nous éclairer et de nous donner la sagesse dont nous avons besoin pour trouver les mots qui nous permettront de comprendre notre société et de la changer de façon notable de manière à ce que nous puissions tous vivre à l'abri de la violence, des mauvais traitements et de la pauvreté.
    En ce qui concerne les problèmes auxquels font face les filles handicapées, l'expertise et l'expérience limitée que nous possédons constituent le point de départ de notre contribution et de notre collaboration visant à favoriser davantage l'adoption d'attitudes et de pratiques inclusives à l'égard des filles handicapées du Canada, et de les appuyer dans leur quête de la prospérité économique. Je suis certaine que, dans le cadre de vos travaux, d'autres spécialistes vous ont dit que les déterminants sociaux de la santé avaient une incidence énorme sur les perspectives économiques des filles au Canada.
    Au Canada, les 11 déterminants de la santé sont les suivants: le niveau de revenu et la situation sociale, les réseaux de soutien social, le niveau d'instruction et d'alphabétisation, l'emploi et les conditions de travail, l'environnement social et physique, le patrimoine biologique et génétique — je trouve que ce déterminant est fascinant —, les habitudes de vie et les compétences d'adaptation personnelles, le développement sain durant l'enfance, les services de santé, le sexe et la culture.
    Dans le cadre de nos travaux, nous nous penchons plus particulièrement sur la manière dont le sexe et le handicap sont liés à cet égard, et sur les répercussions que cela a sur nos membres. Bien sûr, nous nous penchons également sur d'autres facteurs, par exemple la race, la culture ou l'orientation sexuelle.
    Je ferais preuve de négligence si je ne signalais pas que la plupart des données que nous pourrons mentionner dans notre mémoire, que nous vous transmettrons ultérieurement, ne sont pas à jour, car les données que nous utilisions — celles de l'EPLA, de l'EDTR et du questionnaire complet de recensement — ne sont plus recueillies. Nous devons recommencer à recueillir cet ensemble de données et ces renseignements de manière à ce que, dans l'avenir, nous puissions continuer de collaborer avec le gouvernement du Canada pour que tous soient bien informés à propos de la situation des filles handicapées au pays.
    En matière de pauvreté, d'accès à l'éducation et de sous-emploi, les statistiques ne sont guère réjouissantes. Je pourrais vous parler longuement de ces sujets aujourd'hui, mais je ne le ferai pas. Je vous transmettrai des statistiques. À ce moment-ci, je me contenterai de vous dire que certaines statistiques sont perturbantes, notamment celles qui nous apprennent que les taux de chômage des jeunes femmes et des filles handicapées — indépendamment de leur âge — sont de loin les plus élevés au pays, et que leurs niveaux de revenu sont les plus bas. Cela vaut pour toute population de jeunes femmes ou de jeunes filles handicapées du Canada. La dernière fois que nous nous sommes présentées ici, vous nous avez parlé du fait que les femmes étaient les plus susceptibles d'être victimes de violence. Eh bien, les statistiques sont tout aussi désolantes en matière d'éducation et de soutien du revenu — les femmes sont les plus touchées par des problèmes à ces égards, et je rappellerai aux membres du comité que ces problèmes touchent une femme canadienne sur cinq.
    Au Canada, la moitié des personnes handicapées de 15 à 64 ans touchent un faible revenu. Les personnes handicapées sont deux fois plus susceptibles de toucher un faible revenu que les personnes non handicapées. Quelque 25 p. 100 des Canadiens non handicapés ne détiennent pas de diplôme d'études secondaires; chez les personnes handicapées, la proportion est de 37 p. 100. Les recherches montrent que le fait d'intégrer les enfants handicapés à des classes ordinaires profite non seulement à ces derniers, mais également à l'ensemble des élèves; toutefois, cela exige que des mesures de soutien adéquates soient prises.
    Des études récentes révèlent que 41 p. 100 des enfants handicapés se sont sentis menacés à l'école ou dans l'autobus scolaire au cours de la dernière année, et que 36 p. 100 d'entre eux avaient été victimes d'une agression à l'école ou dans l'autobus. Je ne veux pas m'étendre sur la question de la violence, mais je tiens à rappeler que la violence est un autre élément qui a des répercussions sur les personnes handicapées, et qu'il s'agit de l'une des raisons pour lesquelles nous devons toujours revenir là-dessus lorsque nous discutons des femmes et des filles handicapées — la violence fait partie de notre vie quotidienne.
    Les recherches indiquent que l'intégration favorise la sociabilité des enfants — handicapés ou non —, de sorte que la notion d'éducation favorisant l'intégration devient extrêmement importante à bien des égards, non seulement pour que l'on puisse offrir des possibilités aux enfants handicapés, mais également pour que l'ensemble de la société puisse progresser et devenir une société véritablement ouverte à tous.
    Une formation et une éducation inadéquates constituent des obstacles à l'emploi. Quelque 75 p. 100 des Canadiens non handicapés de 15 à 64 ans occupent un emploi; chez les personnes handicapées, cette proportion ne s'élève qu'à 51 p. 100.
    Comme je l'ai mentionné, je ne veux pas m'attarder sur les statistiques aujourd'hui, mais il y en a une autre que j'aimerais mentionner. Un rapport intitulé « Changing Educational Attainment and Enrolment Patterns Among Youth with Disabilities 1999-2006 », publié en 2010 par l'un de nos bons amis, à savoir Aron Spector, de Ressources humaines et Développement des compétences, contient quelques bonnes nouvelles. Les bonnes nouvelles sont les suivantes — je traduis librement:
Un nombre croissant de jeunes handicapés demeurent à l'école et obtiennent un diplôme d'études postsecondaires.

Les jeunes handicapés qui terminent des études postsecondaires sont beaucoup plus susceptibles de trouver un emploi et de le conserver.
    En outre, en 2007, dans la catégorie des diplômés universitaires de 25 à 29 ans, le taux d'emploi des personnes non handicapées n'était que de six points de pourcentage supérieur à celui des personnes handicapées. Ainsi, il s'agit là de très bonnes nouvelles.

  (1535)  

    En d'autres termes, le rendement scolaire des jeunes handicapés — et particulièrement celui des jeunes femmes handicapées — s'est amélioré au Canada.
    Enfin, l'étude mentionne que les taux de chômage au sein de cette population s'élevaient à 5 p. 100 environ.
    Qu'est-ce qui ressort de cette étude? Il s'agit d'une étude très substantielle, et je ne vais pas l'examiner en détail aujourd'hui. Pour l'essentiel, elle a mis en relief le point suivant — là encore, je traduis librement:
La prise de mesures d'adaptation dans les écoles a vraisemblablement eu pour effet d'accroître notablement le nombre de jeunes handicapés qui terminent des études postsecondaires et qui trouvent un emploi.
    Il s'agit là d'une très bonne nouvelle, d'une nouvelle importante. De plus, je vous dirai que j'ai été très heureuse de constater que les statistiques touchant les filles handicapées étaient relativement semblables à celles concernant les jeunes femmes non handicapées en matière de rendement scolaire — d'après des études récentes, le rendement scolaire des filles handicapées était meilleur que celui des jeunes hommes handicapés. Même s'il ne s'agit pas d'un concours, j'estime que cela est très encourageant. Comme je l'ai dit, le fait que les statistiques concernant les femmes handicapées soient de plus en plus semblables à celles touchant les femmes non handicapées est un indicateur très encourageant.
    Cela dit, aujourd'hui, j'aimerais vous parler de l'une de nos invitées, qui est ici présente. Il s'agit de mon amie Kuy Chheng Treng, originaire du Cambodge. Elle se trouve au Canada dans le cadre du programme de leadership des femmes du Coady International Institute. Je suis heureuse de vous dire qu'elle travaillera auprès du RAFH pendant deux mois — elle est chercheuse invitée de notre organisation, et nous travaillerons ensemble pendant qu'elle se trouve au pays.
    Si je tiens à vous parler de Chheng, c'est pour une raison qui est liée à notre discussion et au sujet que nous examinons. Je me suis rendu compte du fait qu'il était important, au moment de discuter d'économie sociale, d'examiner des exemples stimulants tirés de ce qui se fait à l'échelle internationale, et c'est ce que le RAFH s'emploie à faire — nous examinons la manière dont nous pouvons utiliser et mettre à contribution l'économie sociale afin de créer des possibilités d'emploi et d'instruction à l'intention des jeunes, non seulement au sein de la collectivité de Chheng au Cambodge, mais également ici, au Canada.
    Digital Divide Data est une entreprise d'économie sociale ayant vu le jour au Cambodge — pays d'origine de ma collègue Kuy Chheng Treng — et possédant des bureaux un peu partout dans le monde. Des statistiques indiquent que, au Canada, depuis 10 ans environ, les jeunes femmes qui possèdent, disons, un diplôme d'études secondaires sont beaucoup plus susceptibles qu'auparavant de mener à bien des études postsecondaires, mais qu'elles ont quand même de fortes chances de se retrouver au chômage. Le fait que le taux de chômage des femmes handicapées soit toujours supérieur à 50 p. 100 donne une bonne idée de ce à quoi ces femmes font face lorsqu'elles terminent leurs études postsecondaires au Canada.
    On pourrait établir un parallèle entre cela et la situation de Chheng. À l'âge de 18 ans, au Cambodge, elle a joint les rangs de l'entreprise d'économie sociale Digital Divide Data, laquelle s'emploie principalement à procurer aux jeunes handicapés et aux personnes marginalisées...
    Je répète que ce modèle s'applique non seulement aux femmes handicapées, mais aussi à tout groupe dont le taux de chômage est élevé et dont les possibilités de mener des études postsecondaires sont limitées. Cela englobe les jeunes femmes et les jeunes hommes du Canada. Digital Divide donne aux jeunes la possibilité de mener à bien leurs études postsecondaires tout en occupant un emploi — la journée de ces jeunes est divisée entre les études postsecondaires et le travail.
    Chheng travaille pour Digital Divide depuis 10 ans. Elle est titulaire d'un diplôme de maîtrise en finances. Elle occupe le poste de gestionnaire principale de la comptabilité. Elle a voyagé partout dans le monde. Elle se trouve au Canada parce qu'elle s'est vu offrir le soutien dont elle dit...
    J'ai une biographie. Si quelqu'un veut la consulter, je serai heureuse de la lui transmettre ultérieurement.
    Chheng s'est vu offrir la possibilité d'obtenir deux choses essentielles dont les jeunes ont besoin aujourd'hui, à savoir de l'expérience de travail et une éducation. En règle générale, personne ne veut offrir un emploi à une personne qui vient de terminer ses études postsecondaires parce qu'elle ne possède aucune expérience de travail.
    Je veux vous dire aujourd'hui que si, au moment de conclure votre étude, vous voulez examiner l'un des moyens les plus efficaces de changer les choses au Canada pour les jeunes femmes handicapées — et pour une multitude d'autres jeunes femmes, je dirais —, vous devriez envisager de soutenir la voie d'avenir que constitue l'économie sociale.
    L'économie sociale est l'un des nouveaux modèles qui apparaissent au Canada.

  (1540)  

    Madame Brayton, je suis désolée, mais vos 10 minutes sont écoulées. J'espère que les membres du comité vous poseront des questions qui vous permettront de fournir les renseignements que vous n'avez pas eu le temps de transmettre durant votre exposé.
    Je vous remercie, et je souhaite la bienvenue à Chheng.
    Nous allons maintenant passer à Mme Taillon. Vous avez 10 minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Je suis extrêmement heureuse de me présenter de nouveau devant le comité aujourd'hui.
    Comme bon nombre d'entre vous le savez probablement, le Conseil canadien de développement social — le CCDS — existe depuis 92 ans. Dans le secteur canadien de la politique sociale, il s'agit d'une vénérable institution. Au cours de ces quelque 90 années, le CCDS a participé, en collaboration avec de multiples gouvernements, à l'édification de l'infrastructure sociale du pays. Il a participé, entre autres, à l'élaboration des notions d'assurance-emploi, d'invalidité ou de pension de vieillesse.
    Je suis également présente ici à titre de fondatrice et de présidente de la HERA Mission of Canada, organisation non gouvernementale internationale que j'ai créée pendant que je travaillais dans le domaine du développement dans l'Ouest du Kenya, où j'ai adopté mon fils. Nous soutenons là-bas plus de 200 orphelins et 90 veuves — des grands-mères et des arrières-grands-mères. Une partie de ma déclaration préliminaire porte sur le Canada, mais bon nombre des observations que je formulerai durant la période de questions et de réponses seront tirées de quelques-unes des choses que j'ai vécues dans l'Ouest du Kenya.
    Ce qui importe d'abord et avant tout, c'est de respecter la promesse que nous avons faite aux enfants canadiens, plus particulièrement de donner aux filles canadiennes la possibilité de connaître le meilleur départ possible.
    Le Canada est un pays qui se trouve à la croisée des chemins. Oui, on a déjà entendu cela. Il s'agit d'une expression que l'on utilise souvent afin de jeter un éclairage dramatique sur nos propos, et que nous avons souvent utilisée, à des moments clés de l'histoire du pays, afin d'indiquer qu'il s'apprêtait à faire un pas positif vers l'avant, à progresser et à poursuivre son ascension.
    Cela n'est pas le cas pour les jeunes du Canada d'aujourd'hui. À ce moment-ci, le fait que le Canada se trouve à la croisée des chemins fait ressortir clairement qu'il existe au pays deux voies distinctes qui séparent les Canadiens en fonction de leur revenu; sur la première voie cheminent les gens riches et les très rares personnes extrêmement riches, et sur l'autre — assimilable à un labyrinthe aux murs élevés, aux nombreuses trappes et aux rares sorties permettant souvent de retourner sur le marché du travail — s'embourbent les autres Canadiens.
    Ces derniers sont prisonniers du cycle de l'extrême pauvreté, qui leur offre peu de véritables occasions — voire aucune — d'améliorer leur sort. Depuis la plus récente récession, une autre catégorie a vu le jour — celle de la classe moyenne affaiblie, et dont la sécurité financière, qui paraissait certaine, est à présent menacée.
    Dans un contexte où le marché du travail a du plomb dans l'aile et où le coût de tous les produits et services augmente, ces familles se démènent pour joindre les deux bouts, mais n'y arrivent que très difficilement. Le Canada est en train de changer. Le pays est plus divisé, plus segmenté qu'il l'a jamais été, et ce, même en ce qui concerne les enfants.
    Dans le passé, le Canada était un chef de file dans ce domaine. Peu importe les difficultés qui se dressaient devant nous, nous avons toujours accordé la priorité à nos enfants. Il s'agit d'une promesse que nous leur avons faite collectivement, et que nous nous sommes faite les uns les autres. Nos enfants sont notre plus grande ressource, et tout le monde — parents, grands-parents, voisins, enseignants, décideurs et parlementaires — a l'obligation de leur donner le meilleur départ possible. Il s'agissait d'un principe essentiel, d'une valeur canadienne.
    Puis, quelque chose a changé.
    D'après l'Organisation de coopération et de développement économiques — l'OCDE —, au Canada, le taux de pauvreté infantile s'élève à 15,1 p. 100, soit un taux supérieur à la moyenne des pays membres de l'OCDE. À l'heure actuelle, plus de un enfant canadien sur sept vit dans la pauvreté. Le Canada se classe au 13e rang en ce qui concerne cet indicateur, ce qui lui vaut la cote « C ».
    Les plus faibles taux de pauvreté infantile se trouvent dans les pays nordiques, à savoir le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède. Dans ces pays, moins de 5 p. 100 des enfants vivent dans un ménage pauvre. Il existe une nette corrélation entre les dépenses relatives aux programmes sociaux et la réduction des taux de pauvreté. La redistribution de la richesse est une tradition bien ancrée dans ces pays — ils ont atténué les inégalités, pendant que le Canada regardait sans mot dire l'écart se creuser.
    Il est véritablement inconcevable qu'un pays aussi bien nanti que le Canada se voie attribuer une cote « C ».
    À tout le moins, le Canada fait preuve de constance — depuis les années 1980, il s'est invariablement vu attribuer un « C » pour son rendement médiocre en matière de pauvreté infantile. Nous nous rappelons tous que, en 1989, la Chambre des communes a adopté une résolution unanime visant à éliminer la pauvreté chez les enfants au plus tard en l'an 2000. Dans un premier temps, quelques bons résultats ont été obtenus. Le taux de pauvreté, qui s'élevait à 15,8 p. 100 au milieu des années 1980, s'élevait à 12,8 p. 100 au milieu des années 1990. Cependant, depuis, le taux a recommencé à augmenter, et s'élevait à 15,1 p. 100 au milieu des années 2000.

  (1545)  

     À l'heure actuelle, au Canada, nous laissons tomber au moins 639 000 enfants, soit un enfant sur dix. Le message que nous leur envoyons est le suivant: vous ne comptez pas pour nous, débrouillez-vous tout seuls. Le Canada s'est vu attribuer un « C » pour ce qui est de la manière dont il traite ses enfants, et cette note est un échec. Nous n'avons pas comblé les besoins cruciaux en matière d'apprentissage des jeunes enfants, de services de garde universels et de logements abordables, et nous n'avons pas pris les mesures publiques de soutien qui sont nécessaires pour aider les familles à réaliser leur plein potentiel économique. Nos enfants sont le point de départ. Les parents prospères font des enfants prospères. Tout se joue durant les cinq premières années — si les enfants connaissent un bon départ, ils prospéreront par la suite. Ce que l'on vit au cours de nos premières années a une incidence déterminante sur la suite de notre existence. Nous savons tous cela. Des tonnes de données probantes corroborent cela.
    Tout parent sait que, pour qu'il puisse bien se développer, un enfant a besoin d'un environnement familial stable et sécuritaire, de parents ayant accès à un régime de soutien, de services de garde accrédités et abordables et d'endroits où il peut grandir, interagir et apprendre avec d'autres bambins, et apprendre d'autres parents. Ils ont besoin d'air pur, d'eau potable et d'aliments nutritifs, et de faire de l'exercice, toutes choses auxquelles les familles vivant dans la pauvreté n'ont pas accès.
    Même si nous savons tout cela, nous avons marginalisé les pauvres du Canada, et celui-ci est devenu officiellement un pays où le code postal a plus d'importance que le code génétique. La pauvreté est littéralement en train de rendre malade certaines parties de la population.
    Clyde Hertzman, chercheur canadien de renommée internationale dans le domaine du développement des jeunes enfants, a démontré à maintes occasions que, pour réduire le nombre de diagnostics de THADA, les taux de décrochage scolaire et pour réduire radicalement l'incidence de la criminalité et de la toxicomanie, nous devons mieux comprendre la dynamique des interventions auprès des jeunes enfants. En intervenant auprès des enfants à un stade précoce de leur vie, nous pouvons avoir une incidence positive sur leur rendement scolaire ultérieur et les mettre sur la bonne voie pour le reste de leur existence. Hertzman a suivi, tout au long de leur vie, des personnes ayant fait l'objet d'interventions durant leur petite enfance, et a constaté qu'elles présentaient des taux de maladie chronique et de chômage plus bas que les autres, et des taux plus élevés d'obtention d'un diplôme d'études postsecondaires.
    L'apprentissage en bas âge change la vie, et le Canada doit investir dans ce secteur. Oui, nous avons les moyens de le faire. Le gouvernement pourrait répartir entre les provinces et les territoires les 2,5 milliards de dollars affectés à la Prestation universelle pour la garde d'enfants et investir dans les programmes de garde d'enfants et d'éducation des jeunes enfants; cela aurait des effets bénéfiques immédiats sur les familles à revenu faible ou modeste. Dans toutes les régions du pays, les mères et les pères de famille veulent à tout prix avoir accès à des services de garde abordables et de qualité supérieure de manière à ce qu'ils puissent travailler ou étudier. Les administrations provinciales et municipales et les organisations communautaires ont du mal à trouver les fonds qui leur permettraient d'offrir aux familles canadiennes des services d'apprentissage et de garde des jeunes enfants.
    Écoutez, en tant que parents, nous sommes beaucoup plus productifs et efficaces dans tous les secteurs de notre vie lorsque nous savons que, pendant que nous travaillons, nos enfants se développent dans le meilleur environnement possible. C'est aussi simple que cela. C'est bon pour chacun d'entre nous. Les familles canadiennes font leur part; les gouvernements doivent faire la leur.
    Au bout du compte, il s'agit d'une question d'intégration, de possibilité, de participation et de prospérité commune. C'est ce qui définit notre pays. Il s'agit d'une promesse que nous avons faite à nos enfants, que nous nous sommes faite les uns les autres et que nous avons faite à nos collectivités, et d'une obligation que nous devons assumer à l'égard de nos enfants, de nos concitoyens et de nos collectivités. C'est ce qui caractérise le mode de vie des Canadiens.
    Merci.

  (1550)  

    Merci beaucoup, madame Taillon.
    Nous allons maintenant passer à Mme James. Vous avez sept minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, madame Brayton et madame Taillon.
    Je tiens à rappeler brièvement l'objectif que poursuit le comité. Il mène une étude sur les perspectives qui s'offrent aux filles au Canada, et sur ce que Condition féminine Canada peut faire pour améliorer leur prospérité et leur avenir économique, pour qu'elles participent à l'économie en occupant des postes de responsabilité, etc. Je sais que vous avez abordé de nombreux sujets, entre autres les retombées des mesures que nous pouvons prendre pour encourager les très jeunes filles à réussir, à vouloir devenir les chefs de file de demain et à aspirer à ce que le statut des femmes soit aussi enviable que celui dont jouissent les hommes depuis de nombreuses décennies.
    Je vais d'abord m'adresser à Mme Brayton. À la lumière de ce que je viens de dire, qu'est-ce que Condition féminine Canada peut faire, à votre avis? Quel est le message que l'on peut transmettre aujourd'hui aux jeunes filles? Qu'est-ce que l'on peut faire pour les amener à vouloir réussir et leur donner les moyens de le faire, et pour qu'elles ne restent pas en plan? Je sais que votre domaine d'expertise, ce sont les femmes et les filles handicapées, mais j'aimerais que, de façon générale, vous nous donniez votre avis sur ce que Condition féminine peut faire pour habiliter les filles à réussir et à prospérer au Canada.
    Merci de votre question.
    J'ai pris le temps d'examiner le plan stratégique de la ministre Ambrose. Ce faisant, j'ai constaté qu'elle mettait l'accent sur l'analyse comparative entre les sexes à tous les échelons du gouvernement. Nous savons sans l'ombre d'un doute que la seule façon d'obtenir de véritables résultats pour les femmes et les filles handicapées consiste à adopter une démarche intersectionnelle — qui fait beaucoup jaser dans notre secteur — à l'échelle du gouvernement. Ainsi, nous félicitons la ministre Ambrose d'avoir compris que le fait de mener une analyse sexospécifique à l'échelle du gouvernement constituait la première étape.
    Nous savons que l'amélioration des perspectives économiques de toutes les filles du Canada — et non seulement des filles handicapées — est fondamentalement liée aux déterminants sociaux de la santé, de l'éducation et de l'emploi. Si j'en ai parlé plus tôt, c'est que nous savons que ces déterminants jouent un rôle clé. Nous savons que, pour ce qui est des filles handicapées, cela peut également vouloir dire que nous devrons bonifier les programmes de soutien du revenu. La ministre Ambrose a mis en évidence toute une gamme d'éléments liés à cette démarche interministérielle.
    Je demanderais à chacun de vous de collaborer avec elle pour faire en sorte que cette analyse n'exclue personne, et qu'elle se traduise par une application judicieuse du principe essentiel d'égalité réelle entre les sexes. La véritable force de cette stratégie réside dans l'autorité avec laquelle elle sera mise en oeuvre et, en tant que parlementaires qui savez à présent quelles mesures doivent être prises à cette fin, vous êtes appelés vous aussi à montrer la voie à suivre.
    Puis-je vous interrompre un instant?
    Je tente de découvrir le message proprement dit. Qu'est-ce que Condition féminine peut faire? Bien souvent, nous versons du financement ou lançons des projets. Nous avons récemment lancé un appel de propositions relatif à un projet visant à amener les jeunes femmes et les filles des régions rurales et éloignées à s'investir davantage. C'est sur ce genre d'initiatives que portait ma question.
    D'après vous, qu'est-ce que peut faire Condition féminine pour véritablement encourager les femmes et les jeunes filles à réussir? Je vous demande non pas de formuler simplement des observations de nature générale, mais de proposer une mesure précise.
    Ma réponse se résume en deux mots: capacité et leadership.
    Merci.
    Je vais également revenir là-dessus, car vous avez mentionné qu'une forte proportion de filles handicapées ne détenaient pas de diplôme d'études secondaires, mais le pourcentage exact m'a échappé.
    Je n'ai pas de statistiques détaillées sous la main. Je vous les transmettrai ultérieurement, et je vous fournirai également un mémoire.
    Vous avez mentionné qu'il y avait eu une amélioration à ce chapitre.
    L'amélioration la plus enthousiasmante est celle que font ressortir les statistiques en matière d'études postsecondaires. Ce que nous constatons — et je rappelle que cela concerne les jeunes femmes en général, et non pas uniquement les jeunes femmes handicapées —, c'est qu'il y a eu une amélioration au chapitre du rendement scolaire. C'est une chose positive. Il s'agit d'un pas dans la bonne direction. Le rendement scolaire des jeunes femmes s'améliore. Selon moi, là où le bât blesse, c'est au chapitre de la capacité des jeunes femmes — handicapées ou non — d'obtenir un emploi à la fin de leurs études postsecondaires.
    Merci.
    Comme je l'ai dit plus tôt, votre centre d'intérêt, ce sont les jeunes filles ou les femmes handicapées. Toutefois, il y a un instant, vous avez dit que cela concerne tout le monde, qu'il s'agisse de garçons ou de filles et que ces personnes soient handicapées ou non. De toute évidence, les personnes qui poursuivent leurs études ont de plus grandes chances de prospérer sur le plan économique. Quelles mesures pouvons-nous prendre à l'égard des très jeunes enfants pour faire en sorte que, plus tard, ils obtiennent au moins un diplôme d'études secondaires? Qu'est-ce que Condition féminine peut faire pour véritablement encourager les jeunes filles à demeurer à l'école et à faire le premier pas vers l'obtention d'un diplôme d'études secondaires?

  (1555)  

    Dans le cas des filles handicapées, il s'agit de s'assurer que Condition féminine voit comme une priorité l'éducation inclusive. Comme je l'ai déjà dit, il s'agit de comprendre que le travail dont la ministre Ambrose a fait une priorité, c'est-à-dire l'analyse comparative entre les sexes dans l'ensemble des ministères et une approche intersectionnelle, qui est très liée à l'analyse comparative entre les sexes, va beaucoup contribuer à faire avancer les choses. Si les politiques et les programmes reflètent à partir de maintenant une compréhension de l'analyse comparative entre les sexes et de l'éclairage qu'elle peut apporter à toute question, ils vont donner lieu à des changements importants.
    Il s'agit de changements systémiques qui vont prendre du temps à se réaliser. Nous savons que c'est quelque chose que les parlementaires doivent envisager à long terme, et c'est la raison pour laquelle nous sommes très contents que vous en fassiez une étude et envisagiez des solutions à long terme plutôt que de simplement examiner des solutions immédiates.
    Puis-je vous demander, madame la présidente, combien de temps il me reste?
    Il vous reste environ une minute et demie.
    D'accord. Je vais essayer de parler très vite, ce qui ne devrait pas être difficile.
    La prochaine question, je la pose assez souvent. Il y a évidemment des différences entre les familles qui sont fonction du revenu du ménage, mais il y a aussi des éléments liés à l'ethnie, à la religion, au bagage culturel ou au contexte familial qui peuvent empêcher des jeunes filles de jouir des mêmes possibilités que les autres. Je me demandais simplement — et je vais vous poser la même question à tous les deux et voir où vous vous situez — si vous êtes d'accord ou non avec cette affirmation.
    Que pouvons-nous faire, comme société, comme gouvernement et à Condition féminine, pour joindre les filles et les garçons de ces groupes communautaires et leur parler du fait qu'il nous faut vraiment promouvoir l'égalité des femmes et leur offrir les mêmes possibilités. Que pouvons-nous faire, à Condition féminine, pour y parvenir?
    Veuillez répondre très rapidement.
    Allez-y en premier, Peggy. Je n'arrête pas de parler depuis tantôt.
    Les jeunes femmes doivent prendre conscience de la place qu'elles occupent dans leur milieu. Elles doivent pouvoir voir les possibilités, et non se faire dire par nous quelles sont ces possibilités. Elles doivent donc voir que leur mère réussit et n'est pas isolée.
    C'est la raison pour laquelle je me concentre autant sur les premières années, parce qu'il faut imaginer la situation d'une nouvelle mère canadienne qui s'installe au Canada et dont l'anglais n'est pas la langue maternelle. Elle est isolée à la maison avec ses enfants, parce qu'elle n'a pas les moyens de payer les frais de garde ou parce que ses enfants ne fréquentent pas la maternelle pendant toute la journée. Les femmes qui sont dans cette situation sont d'autant plus isolées et d'autant moins intégrées à la communauté.
    Comment nous y prendre pour les joindre...
    C'est tout. Désolée. Non, nous avons terminé. Désolée.
    Madame Brosseau et madame Freeman, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais vous remercier toutes les deux du travail que vous avez accompli et du fait d'avoir pris le temps de vous joindre à nous aujourd'hui.
    Je dispose de sept minutes. Je vais aller le plus vite possible, et je vais partager mon temps avec Mylène.
    Je pense que ce qui est vraiment important, c'est que nous abordions les problèmes fondamentaux. Il est vrai que les gestes sont plus éloquents que les paroles. Nous avons entrepris notre étude. Je pense qu'il faut que nous cernions les problèmes fondamentaux et que nous y trouvions des solutions, et j'espère que le rapport que nous allons produire sera bon.
    La pauvreté est un élément très important. Lorsque les mères ne s'en sortent pas bien et qu'elles sont pauvres, les enfants sont pauvres aussi. L'éducation est très importante.
    Madame Taillon, je me demandais si vous pouviez nous parler davantage de votre expérience. J'aimerais aussi vous féliciter du travail que vous avez fait et des recherches que vous effectuez au sein du groupe.
    Merci.
    La pauvreté est un enjeu de taille. Nous devons créer des possibilités pour les enfants, et, si j'avais une liste de choses auxquelles je m'attaquerais, l'éducation figurerait en tête.
    Au Kenya, il y a tant de choses que nous pourrions faire, et nous faisons plusieurs choses différentes par l'intermédiaire de ma fondation. Cependant, l'un des éléments dont nous savons qu'il change la donne dans nos villages, c'est l'accès à l'éducation. Le fait d'offrir au plus grand nombre d'enfants possible au sein d'une génération une éducation de bonne qualité multiplie donc les possibilités qui les attendent.
    Comme les représentantes du RAFH l'ont dit, une personne peut passer par le système d'éducation, mais s'il n'y a pas de bons emplois gratifiants au bout du compte, à quoi cela sert-il? Nous savons que le taux de chômage des jeunes a atteint son niveau le plus élevé depuis 10 ans au pays, alors c'est quelque chose qui pose problème.
    Lorsque je parle d'éducation, je parle aussi de connaissances de base en finances. Je regarde nos données démographiques et le fait que la population vieillit. Je regarde la situation de mes parents et de leur génération. Ils n'ont pas reçu d'information de base dans le domaine des finances, c'est-à-dire les éléments fondamentaux de la planification financière, la constitution d'un coussin, et ainsi de suite. Ces choses ne figurent pas dans nos programmes d'une manière qui interpelle les jeunes et suscite chez eux de l'enthousiasme à l'égard des possibilités qui s'offrent à eux. Ils ont l'impression qu'il doit toujours y avoir quelqu'un pour s'occuper d'eux, qu'il va y avoir un programme quelconque. Nous devons donc sensibiliser les gens aux questions de cet ordre et les responsabiliser.
    Une chose importante, chez les filles, c'est l'estime de soi. Comme je le disais à la députée précédente, il faut être capable de prendre conscience de soi. Il faut être en mesure de constater soi-même que des possibilités s'offrent dans la collectivité, pour pouvoir le croire. Lorsqu'on a vu sa mère et sa grand-mère isolées, sans aucune possibilité, dans un cycle de pauvreté, malades parce qu'elles vivaient dans la pauvreté, aux prises avec un mari violent, on ne pense pas avoir beaucoup de choix.
    Il s'agit donc de renforcer la collectivité. On ne peut pas s'occuper des enfants sans s'occuper de leur famille. On ne peut pas s'occuper des enfants sans soutenir leurs parents, alors la lutte contre la pauvreté est un élément très important.

  (1600)  

    Si le gouvernement fédéral adoptait une stratégie nationale à l'égard de la garde des enfants pour aider les mères à payer les frais de garde, cela leur viendrait donc en aide.
    Si l'éducation ne coûtait pas si cher... Les femmes gagnent 71 ¢ pour chaque dollar que les hommes gagnent, et si nous réglons ce problème aussi... Voilà les mesures que nous devrions prendre selon moi.
    Oui, l'éducation de la petite enfance et la garde des enfants, le logement et le fait de s'assurer que les gens ont mis toutes les chances de leur côté parce qu'ils vivent dans un milieu sûr et abordable. La nutrition, le fait d'obtenir...
    Une stratégie nationale dans le domaine de l'alimentation.
    Les enfants n'ont pas beaucoup de chances de réussite s'ils vont à l'école sans manger. Rendu à midi, ils n'ont plus la capacité d'apprendre ni de retenir quoi que ce soit.
    C'est la raison pour laquelle je me suis concentrée sur la petite enfance, parce que, si nous ne mettons pas toutes les chances du côté des enfants dès le départ, nous enlevons les possibilités qui s'offriraient à plusieurs générations, les prochaines générations de Canadiens.
    Les enfants sont notre avenir, et je pense que nous devons en prendre conscience.
    Je vais céder la parole à Mylène, très rapidement. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Je suis désolée.
    Merci. Désolée. Nous manquons toujours de temps.
    J'ai des questions à poser à Mme Brayton. En 2010, le gouvernement a annoncé que le questionnaire détaillé du recensement n'était désormais plus obligatoire. Évidemment, les experts soutiennent que les données recueillies ne seront plus exactes ni représentatives sur le plan statistique, ce qui fait que nous n'allons plus vraiment pouvoir les utiliser.
    Pouvez-vous expliquer au comité l'effet que cette mesure va avoir sur la façon dont vous défendez les femmes handicapées et sur la capacité de Condition féminine de tenir compte des femmes handicapées dans le processus d'élaboration de politiques?
    Il y avait en fait trois choses parmi celles que faisait Statistique Canada qui étaient vraiment importantes. L'une d'entre elles, c'était le questionnaire détaillé du recensement. L'effet n'est pas important pour ce qui est des filles. Les ensembles de données de l'EDTR et de l'EPLA étaient tous les deux vraiment cruciaux. Je vais vous faire parvenir des études en même temps que notre mémoire après la séance, et vous allez constater que la majeure partie des données les plus intéressantes que je vous ai communiquées aujourd'hui viennent de l'EDTR et de l'EPLA. Cela est attribuable à l'orientation particulière des questions qui y sont posées.
    Je dirais assurément que le questionnaire détaillé du recensement est une autre source vraiment importante de données, parce que, encore une fois, il permet de repérer les familles dont un membre est handicapé. Nous avons beaucoup entendu dire aujourd'hui que la pauvreté joue un rôle important, et je suis sûre, que vous l'entendez constamment. Comme vous le savez pour me l'avoir entendu dire tant de fois déjà, les gens les plus pauvres du pays sont les personnes handicapées. Et puisque c'est le cas, il s'agit aussi des enfants handicapés et des filles handicapées et de leur famille.
    Parmi les déterminants sociaux de la santé, il y en a un qui ne figure pas dans la liste officielle, mais qui se retrouve dans la liste concernant les personnes handicapées. Je vais vous l'expliquer en vous disant ce que vous pourriez faire pour améliorer la situation des filles handicapées. Il s'agit de prendre conscience du fait que le réseau de transport du pays pose un obstacle majeur pour les jeunes femmes handicapées. L'accès à l'éducation, ce n'est pas seulement ce qu'on entend évidemment lorsqu'on utilise cette expression. L'accès à l'éducation, c'est aussi la possibilité de se rendre à l'endroit où cela se passe. C'est aussi une résidence accessible sur les campus. C'est une chose vraiment fondamentale. Je vous prie d'en tenir compte. C'est la possibilité de continuer de profiter d'un soutien au revenu lorsqu'on quitte sa province pour aller étudier dans une autre province.
    Je pourrais vous donner l'exemple d'une jeune femme que je connais dont la relation avec son aide familial résident a dû continuer simplement pour qu'elle puisse poursuivre ses études. Si elle n'avait pas accepté qu'il déménage avec elle dans une autre province le temps qu'elle fasse ses études, elle aurait raté sa chance de suivre une formation.
    Le soutien au revenu offert aux personnes handicapées n'offre pas beaucoup de marge de manoeuvre, et c'est un obstacle de taille dans tous les aspects de leur vie, et surtout pour les jeunes femmes. C'est quelque chose qui peut les empêcher de poursuivre des études postsecondaires, tout comme les problèmes de transport et l'absence de résidence accessible sur les campus. Ce sont des choses vraiment cruciales pour les jeunes femmes handicapées.
    Merci beaucoup.
    Madame Bateman, pour sept minutes, s'il vous plaît.

  (1605)  

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à vous deux d'être venues. Ce que vous dites m'intéresse. Vous m'avez remplie d'enthousiasme, Bonnie, lorsque vous avez dit que le nombre de jeunes femmes handicapées qui font des études postsecondaires a augmenté de façon notable. Si vous pouviez inclure des détails là-dessus dans votre mémoire, ce serait excellent.
    Pour que ce soit clair, les ensembles de données vont de 1999 à 2006. Je ne connais pas les nouveaux chiffres, parce que nous ne disposons d'aucune nouvelle donnée.
    C'est une période intéressante, parce que, en fait, votre collègue, Peggy... Je pense que je vais simplement vous appeler par votre prénom; moi, c'est Joyce.
    Ça me va, et ça va à Bonnie aussi, j'en suis sûre.
    Le Conseil canadien de développement social a publié en 2006 un profil du marché du travail selon lequel l'écart entre les sexes s'était inversé et le marché de l'emploi s'était amélioré davantage pour les filles que pour les garçons. Je suis fascinée par le fait que nous entendons exactement la même chose de votre part.
    Pourriez-vous parler de cela en premier, Peggy? Je vais assurément revenir à vous, Bonnie. J'aimerais beaucoup savoir à quoi cela est attribuable. Il s'agit là de chiffres concrets. Vous les avez publiés. Votre organisation les corrobore. À quoi cela est-il attribuable?
    Je pense que l'on s'était mis d'accord pour consacrer davantage de ressources aux domaines en question.
    Non, mais il s'agit de l'emploi chez les jeunes. C'est un profil du marché du travail pour les jeunes. Selon votre rapport, l'écart entre les sexes s'est inversé, et le marché de l'emploi s'est amélioré davantage pour les filles que pour les garçons. À quoi cela est-il attribuable?
    Nous sommes ici pour trouver les moyens de venir en aide aux jeunes femmes.
    Je dirais que cela revient probablement à l'optique sexospécifique selon laquelle on a élaboré les politiques sociales. Il faut penser à certains mouvements dans les milieux universitaire et de la recherche qui ont commencé à préciser de façon très concrète l'orientation que nous devions nous donner pour créer les possibilités en question pour les jeunes femmes.
    Avez-vous des données concrètes sur les divers secteurs vers lesquels les jeunes femmes sont allés?
    Nous pourrions assurément en obtenir. Je pourrais demander à notre chef de la recherche de vous les fournir.
    Cela m'intéresserait vraiment. Il est incroyable que l'écart entre les sexes se soit inversé pour les jeunes femmes... En tant que mère d'une fille — j'ai aussi un fils... comme vous l'avez toutes les deux clairement exprimé, les choses peuvent être différentes. J'aimerais beaucoup savoir si ce sont des secteurs différents qui les ont attirées. Sont-elles en train de faire leur entrée dans les secteurs où il n'y avait pas de femmes auparavant, par exemple?
    Ensuite, l'autre grande question — parce que je ne suis pas seulement la mère d'une fille —, c'est ce qu'il advient des garçons. Y a-t-il des choses nouvelles que nous devons savoir? Nous nous préoccupons du sort de tous ici. Leur manque-t-il quelque chose?
    Bonnie, vous avez dit clairement que les filles sont de plus en plus nombreuses...
    Le degré de scolarité atteint après le secondaire a progressé davantage chez les filles que chez les garçons. Je pense que c'est le produit de beaucoup de choses différentes. Je pense que certaines des choses que Peggy a dites en font très clairement partie.
    Le féminisme existe maintenant depuis plusieurs décennies. On voit dans beaucoup d'organisations aujourd'hui les effets de la prise de conscience des différences entre les sexes et les besoins différents selon le sexe — dans les établissements d'enseignement, entre autres, et dans beaucoup de travaux. Ce qui fait que le comité de la Condition féminine existe aujourd'hui, c'est que le féminisme a fait progresser les choses à une époque de notre histoire où les femmes n'avaient pas droit à l'égalité, où les perspectives d'emploi et les possibilités de formation n'étaient pas les mêmes pour les hommes et pour les femmes, ni pour les garçons et les filles.
    J'aimerais vous demander ce que votre organisation fait pour joindre les gens.
    À la dernière séance, le comité a reçu deux femmes remarquables qui dirigent leur entreprise et font avancer les choses sur le plan de l'inclusion; elles font simplement ce qu'il faut faire dans le marché du travail.
    En fait, l'une des deux femmes a dit qu'elle n'était pas sûre qu'elle pourrait poser sa candidature pour un prix. On n'arrêtait pas de lui demander de le faire. On lui a dit qu'on voulait lui remettre le prix en question en raison de ses statistiques, du fait qu'elle employait un si grand nombre de femmes. Elle a dit qu'elle n'était pas sûre parce qu'il n'y a pas dans son entreprise plein de comités et une infrastructure lourde; on n'y fait que ce qui s'impose.
    Essayez-vous de joindre des organisations comme celles-ci? Tentez-vous de créer des liens en vous fondant sur les chiffres selon lesquels l'écart entre les sexes est en train de se combler? Faites-vous le pont entre votre monde et celui dans lequel les emplois se trouvent?

  (1610)  

    Pour ce qui est d'une démarche globale — je vais être tout à fait franche, Joyce — mon organisation est vraiment sous-financée. Pour accomplir une bonne partie de mon travail, il faut que je fasse preuve de beaucoup de créativité. L'une des choses que nous avons faites au RAFH, à titre d'approche, c'est d'adopter un mantra qui est en fait un plan stratégique. Notre mantra, c'est leadership, partenariats et réseautage.
    Pour en revenir à ce à quoi vous faites allusion, il n'y a absolument aucun doute dans mon esprit: je vais faire avancer les choses pour les femmes et les filles handicapées du pays en mobilisant les gens qui dirigent, y compris les parlementaires, pour qu'ils comprennent leurs besoins et les obstacles auxquels elles font face, ainsi qu'en essayant de contribuer au genre de politiques, de stratégies et de mesures de financement qui vont donner des résultats.
    Pouvez-vous répéter votre mantra? Leadership...
    Leadership, partenariats et réseautage.
    Je pense que vous tenez là quelque chose.
    Un mantra, ce sont des mots qui favorisent le changement, et c'est ce que le nôtre vise. C'est l'orientation que je donne à mon travail et à mon approche.
    Si un tiers de votre mantra concerne le réseautage et que l'autre tiers concerne les partenariats, en avez-vous noué avec le secteur privé pour venir en aide aux jeunes femmes en question?
    Vous m'avez entendu parler de ma chère collègue qui me rend visite, Kuy Chheng Treng. Je pense que cela témoigne précisément du genre de stratégie que le RAFH essaie d'appliquer.
    Comme je l'ai dit, nous reconnaissons le fait que l'entreprise sociale est un moyen très important par lequel nous devons contribuer à régler les problèmes d'éducation et d'emploi des jeunes femmes, ainsi que des femmes plus âgées, qui ont un handicap — de toutes les femmes handicapées. Pour que ce soit très clair, ce genre d'approche s'éloigne beaucoup du modèle dans le cadre duquel on demande au gouvernement de régler les problèmes.
    Il s'agit de trouver le moyen de les régler ensemble. Je veux que vous sachiez que l'entreprise sociale est un moyen vraiment important par lequel le gouvernement du Canada peut commencer à appuyer et à apporter des changements significatifs pour les jeunes personnes handicapées. Les stages...
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Sgro, s'il vous plaît, pour sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Merci à vous deux d'être ici.
    Je vais poursuivre avec Bonnie sur le thème de l'entreprise sociale et de Digital Divide. Pouvez-vous nous parler un peu plus de cela et nous expliquer pourquoi la chose a si bien fonctionné pour votre jeune visiteuse qui est avec vous? Comment nous y prendrions-nous pour appliquer cela ici?
    J'en serais ravie.
    Comme je l'ai dit, je pense qu'il serait extraordinaire de pouvoir entendre le témoignage des représentants de Digital Divide. Je comprends que nous ne pouvons pas le faire aujourd'hui.
    Pour ce qui est du modèle de Digital Divide, le contexte, c'est qu'un Californien qui vient en fait du Canada, Jeremy Hockenstein, faisait partie d'un groupe de gens qui cherchaient des moyens d'expansion au sein de nouveaux marchés. Il s'est rendu au Cambodge il y a environ 10 ans, et a mis au point le modèle de données de Digital Divide, qui est fondé sur l'idée d'une entreprise sociale viable... Je vais vous donner un exemple. L'an dernier, les ventes de l'entreprise ont été de 2,3 milliards de dollars. Qu'a fait l'entreprise avec les 2,3 milliards de dollars de profits qu'elle a réalisés l'an dernier? Elle les a réinvestis dans l'entreprise sociale.
    Que font les gens de Digital Divide? Ils fournissent un service technique. Comme je l'ai dit, je n'ai pas besoin d'entrer dans les détails, mais c'est une entreprise très technique qui s'est trouvé un marché à l'échelle internationale, y compris ici, et qui offre des services un peu partout dans le monde. Mais ce qui est important, c'est qu'elle offre des occasions à des jeunes gens comme Chheng, qui s'est adressée à une organisation et a commencé à travailler à 18 ans, comme je l'ai dit, avec son diplôme d'études secondaires, ses ambitions et pas grand-chose d'autre pour ce qui est du soutien.
    Chheng faisait face à énormément d'obstacles qui réduisaient ses chances de poursuivre des études postsecondaires. Vu la façon dont est conçu le modèle de Digital Divide, elle a été en mesure d'occuper une série d'emplois à Digital Divide pendant qu'elle terminait ses études. Comme je l'ai dit, elle est maintenant comptable principale là-bas. Il y a des collègues de Chheng que je connais qui ont quitté Digital Divide et qui sont allés travailler ailleurs dans le secteur privé.
    Fondamentalement, ce que fait l'entreprise sociale, dans le cadre de ce modèle en particulier, c'est qu'elle utilise la formation et l'emploi pour générer un revenu, ou, autrement dit, pour générer du capital humain et financier dans le but d'investir ailleurs dans le capital humain et financier. C'est un cycle merveilleux. Essentiellement, il s'agit de prendre ce que j'appelle un modèle capitaliste et de l'inverser, en refusant que les profits aillent à quelques personnes et en les réinvestissant plutôt au bénéfice des gens qui sont à la base de l'entreprise sociale.
    Dans le cas en question, l'entreprise est très axée sur la création d'emplois pour les jeunes handicapés et les jeunes gens qui viennent de ménages très pauvres. Elle ne s'adresse pas particulièrement aux handicapés, mais comme les handicapés forment l'une des communautés les plus pauvres au Cambodge comme ailleurs, ils font inévitablement partie des groupes auxquels on prête attention.

  (1615)  

    Combien de personnes comme Mme Chheng avez-vous eu l'occasion d'observer ou de prendre part...?
    Dans quel contexte, Judy? Désolée, mais je ne comprends pas.
    Par rapport à Digital Divide, dans l'ensemble, vous dites...
    Eh bien, en fait, Chheng travaille dans mon bureau. Encore une fois, cela nous ramène à la question du leadership. C'est une chose dont je parle souvent. Chheng et moi avons pris un engagement à l'égard d'un projet de leadership qui nous fait sortir de ce que nous faisons habituellement pour travailler sur un projet international qui permettra en fait la mise sur pied d'une entreprise sociale dans les Caraïbes.
    À mon sens, il s'agit en grande partie de bâtir un pays et de nous rappeler que ce grand pays qui est le Canada a été construit sur le fondement non pas seulement de l'entreprise, mais aussi de l'inclusion sociale et de l'inclusion économique pour tous les Canadiens, et que le modèle de l'entreprise sociale en est un qui permet de définir élégamment une vision des gens et de l'orientation que le pays peut prendre.
    Peggy, vous avez parlé un peu du travail que vous avez fait et de ce dont vous avez été témoin dans un village du Kenya en particulier, mais vous vous êtes beaucoup concentrée sur nos filles, et sur les enfants du Canada. Je suis par ailleurs d'accord avec tout ce que vous avez dit à l'égard de ce que les éléments fondamentaux doivent être au cours des cinq premières années, et ainsi de suite.
    Mais maintenant que nous commençons à envisager le cas de jeunes femmes qui sont rendues à 16 ou 17 ans, quel genre de perspectives économiques y a-t-il? Quels sont les obstacles que nous pouvons supprimer et qui, selon vous, empêchent ces jeunes femmes de réussir?
    C'est une excellente question. La discrimination commence tôt, et elle est souvent latente. Elle n'est pas évidente. Les gens ne décident pas de créer des obstacles. Souvent, ceux-ci sont institutionnalisés ou systémiques. Comme femmes, on en fait l'expérience et on les remet en question.
    Trouver une bonne garderie qui soit sûre pour ses enfants... Lorsqu'on en trouve une, on ne devrait pas se sentir comme si on avait gagné à la loterie. C'est drôle, parce que je suis une mère célibataire et j'ai un petit garçon, et l'une des choses que j'ai apprises, c'est que l'école primaire peut être très axée sur les jeunes femmes. Le milieu est très axé sur les jeunes femmes. Souvent, les garçons ne réussissent pas aussi bien que les filles dans ce milieu d'apprentissage.
    Il s'agit de renverser le paradigme et de trouver un équilibre pour que les garçons et les filles puissent réussir. Il s'agit de créer des occasions pour les enfants de prendre conscience d'eux-mêmes et de côtoyer des mentors qu'ils respectent, ainsi que de créer des occasions pour eux de grandir et de s'épanouir. L'analyse comparative entre les sexes, par exemple, est une excellente chose. Mais s'il ne s'agit que d'une analyse, s'il ne s'agit que de déterminer quels sont les obstacles, s'il n'y a pas d'application concrète et si la chose ne va pas au-delà du gouvernement, alors nous ne rétablissons pas vraiment l'équilibre.
    Vous avez posé tout à l'heure une question au sujet des employeurs qui ont trouvé la solution, chez qui nous voyons des changements démographiques, vu que davantage de femmes travaillent dans certains segments du marché du travail. Il est probable qu'une personne ait eu dans ce cas le leadership et la vision nécessaires pour appliquer une optique sexospécifique à son entreprise ou à son organisation et commencé à créer les conditions qui permettent à tous de venir travailler et de réussir. C'est ainsi que cela commence.
    L'optique en question, c'est de permettre aux hommes et aux femmes, aux filles et aux garçons, de réussir et de trouver un équilibre dans ces milieux. Souvent, ce que nous finissons par faire, lorsque nous procédons à une analyse du genre, c'est que nous examinons la situation de l'un ou l'autre des groupes, plutôt que de créer les conditions dans lesquelles tout le monde peut également réussir. Beaucoup des obstacles en question peuvent être vus comme étant des sources de division. Souvent, ils sont latents. Personne ne les crée volontairement, tout comme personne ne crée des obstacles pour les personnes handicapées, mais ils existent.
    Apporter des changements à cet égard prend du temps, mais cela exige aussi des efforts concertés et du leadership. Je pense également que les jeunes femmes doivent vraiment se voir au gouvernement, dans des rôles proéminents qui exigent la prise de décisions, à la tête des dirigeants.
    Je viens du milieu de la santé, et je faisais partie des cadres supérieurs de l'un des plus importants hôpitaux d'enseignement du pays. Je me rappelle la première réunion des médecins-chefs à laquelle j'ai participé. Il y avait 47 départements dans cet hôpital. Il n'y avait qu'une femme parmi les médecins-chefs. Imaginez. Qu'est-ce que cela nous dit sur notre culture?

  (1620)  

    Je suis vraiment désolée; c'est un réel plaisir d'entendre toute cette merveilleuse information, et je sais que les autres membres du comité l'apprécient tout autant, mais nous devons passer à d'autres témoins.
    Mesdames Braton et Taillon, je tiens à vous remercier encore une fois. Nous avons été ravis de vous voir, et nous vous sommes reconnaissants de la contribution que vous apportez, pas seulement ici aujourd'hui, mais tous les jours.
    Je vais maintenant suspendre la séance pour quelques minutes afin que nous puissions accueillir nos autres témoins.

  (1620)  


  (1620)  

    Nous sommes prêts à reprendre. Je demanderais aux membres du comité de reprendre leur place.
    Souhaitons la bienvenue à Mme Jocelyne Wasacase-Merasty et, bien sûr, à Mme Paige Isaac. Je vous remercie beaucoup d'être là.
    Nous allons commencer par Jocelyne; vous avez 10 minutes.
    Je veux d'abord remercier le Comité permanent de la condition féminine de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui. J'estime qu'il s'agit d'un immense honneur. J'ai accepté l'invitation sans la moindre hésitation. Lorsque j'ai commencé à penser à la façon dont j'allais faire mon exposé, je me suis rendu compte que la meilleure façon de le faire serait de m'inspirer de mon propre vécu de femme autochtone au Canada et de mon rôle de directrice régionale du Centre national pour la gouvernance des Premières nations. J'apprécie également le fait que nous pourrions envisager de nombreuses approches différentes pour déterminer comment nous pouvons, en tant que Canadiens, travailler ensemble à améliorer les perspectives économiques des filles au Canada. Toutefois, j'ai décidé d'articuler ma déclaration préliminaire autour du thème suivant: la réédification de la nation et les femmes autochtones — la force de nos nations.
    De nos jours, nous entendons beaucoup parler des processus de réconciliation. Au Canada, les Autochtones et les non-Autochtones ont amorcé un mouvement de guérison très important — dans le cadre de la Commission de vérité et de réconciliation — qui vise à panser les terribles blessures laissées par les pensionnats indiens. Toutefois, je souhaite aborder un autre aspect de la réconciliation, car je crois qu'il s'agit d'un processus multidimensionnel, et parler d'autres questions importantes, à savoir la restitution des terres, l'indépendance économique et l'accroissement de la compétence des Premières nations. La réconciliation peut aussi être l'occasion de reconnaître que les femmes autochtones ont tout autant que les hommes un rôle à jouer dans leurs collectivités et dans la société canadienne en général. C'est seulement grâce à un dialogue comme celui-ci que toutes les parties pourront trouver des approches respectueuses permettant de recréer la relation équitable que nous recherchons.
    On dit que les femmes autochtones sont la force de nos nations. Depuis toujours, les femmes autochtones sont l'un des piliers de la famille et de leur nation. Dans les structures de gouvernance traditionnelles et les cérémonies spirituelles, les femmes exécutaient des tâches précises. Les enseignements culturels transmis par la tradition orale autochtone montrent que les femmes autochtones avaient autant de pouvoir que les hommes et que chacun pouvait prendre ses propres décisions sur le plan tant personnel que social.
    Nous ne pouvons plus continuer de nier le rôle des femmes autochtones et de marginaliser ces dernières. Il y a beaucoup trop d'exemples de leurs accomplissements, de leurs forces uniques et de leur grande résilience. C'est en voyant ce type d'exemples que les femmes autochtones pourront s'émanciper et faire l'éloge de leurs semblables, et elles pourront ainsi trouver leur juste place dans la société. Dans le but de rétablir cet équilibre, les femmes autochtones doivent commencer à comprendre le contexte historique qui a miné le rôle des femmes autochtones dans la société d'aujourd'hui, plus particulièrement dans les domaines du leadership, de la gouvernance et du développement économique.
    En ce qui a trait au contexte historique, dans les sociétés autochtones traditionnelles, les femmes jouaient un rôle central au sein de leur famille et du gouvernement et dans les cérémonies. Les femmes étaient considérées comme des personnes qui à la fois donnaient la vie et prenaient soin des autres. Les hommes respectaient les femmes, croyant que le Créateur leur avait donné des cadeaux sacrés, comme le fait d'être responsables de la socialisation précoce des enfants et d'être les gardiennes des feux domestiques.
    Au cours d'une conférence des gestionnaires des Premières nations à laquelle j'ai récemment assisté, Kathleen Whitecloud a déclaré que la colonisation — c'est-à-dire l'imposition des valeurs et des normes culturelles étrangères — a occasionné d'énormes changements historiques, sociaux et économiques.
    À cette époque, il était courant d'interdire les pratiques traditionnelles de la société autochtone, car il s'agissait d'un moyen de faciliter l'assimilation des Autochtones et l'aliénation de leur identité. L'adoption unilatérale de lois fédérales comme l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et la Loi sur les Indiens; les tentatives d'assimilation telles que le livre blanc de 1969; les pensionnats indiens; une présence policière excessive et un système de justice inefficace; la perte de nos moyens de subsistance traditionnels; et le déplacement des populations autochtones des terres ancestrales aux réserves sont autant de facteurs qui ont contribué à rendre les Premières nations dépendantes d'une économie fondée sur l'aide sociale, de sorte que les conditions de pauvreté persistent d'une génération à l'autre et que les Autochtones ont un très faible poids socioéconomique. Les femmes ont pratiquement été laissées pour compte, notamment dans le cadre du processus de conclusion des traités ainsi que dans les lois fédérales subséquentes, comme la Loi sur les Indiens, et dans de nombreuses décisions administratives concernant la citoyenneté et les inégalités entre les sexes.
    Aujourd'hui, nous pouvons constater les effets de la colonisation: les Premières nations ont été dépossédées de leur identité et ont rompu avec leurs pratiques traditionnelles. L'éclatement des familles est évident. Il y a une surreprésentation des Autochtones dans le système judiciaire. Les Autochtones sont victimes d'inégalités sociales, de discrimination et de racisme systémiques, de violence latérale, de pratiques d'embauche discriminatoires et de la violence faite aux femmes — pensons au dossier des femmes autochtones disparues et assassinées au Canada.

  (1625)  

    J'ai appris — et j'insiste toujours sur cet aspect lorsque j'anime des ateliers dans des collectivités — que le chemin vers l'autodétermination et la réédification de la nation commence par soi-même et qu'à l'origine de tout cheminement, il y a une personne. Dans le cas des femmes autochtones, l'émancipation et la décolonisation reposeront sur l'échange du savoir autochtone, le renforcement du rôle de leadership et l'amélioration des capacités — en insistant particulièrement sur l'enseignement postsecondaire et le perfectionnement des compétences —, la revitalisation des langues autochtones et la renaissance du rôle traditionnel des femmes.
    On ne saurait trop insister sur l'importance de l'enseignement postsecondaire et du perfectionnement des compétences pour quiconque essaie d'améliorer sa situation et celle des personnes à sa charge. Toutefois, nous devons mettre l'accent sur les types de mesures de soutien dont ont besoin les femmes autochtones qui souhaitent poursuivre leurs études et se réaliser sur le plan professionnel. Le droit à l'éducation qui est inscrit dans les traités signifie qu'il faut investir dans l'avenir en instruisant les Autochtones. L'éducation des personnes fait partie de la solution.
    Par « ressources adéquates », on n'entend pas seulement le financement et les bourses d'études, particulièrement dans le cas des femmes autochtones. D'autres facteurs entrent souvent en ligne de compte: des services de garde appropriés, l'accès aux soins de santé et au transport ainsi que l'accès à des services aux étudiants adaptés aux Premières nations, par exemple la tenue de cérémonies et la consultation d'Aînés. Sans oublier le fait que, pour réaliser son rêve de faire des études supérieures ou se perfectionner sur le plan professionnel, la personne doit encore une fois quitter sa collectivité pour s'installer dans un centre urbain et composer avec tous les changements que cela suppose.
    L'administration de l'éducation des Autochtones par les Autochtones est liée à la nécessité de créer des établissements d'enseignement adaptés à la culture des Autochtones et d'offrir des possibilités d'éducation qui sont axées sur ces particularités culturelles. Une éducation bilingue et biculturelle soulève la difficulté d'évoluer dans deux mondes différents, et il est tout aussi important pour les Autochtones d'acquérir une base de connaissances qui sont issues à la fois du monde contemporain et du monde traditionnel.
    Le savoir autochtone comprend les enseignements traditionnels sur la création; l'apprentissage de nos chants et de nos histoires; la connaissance des lois, des protocoles et des méthodes ancestrales; la pratique de nos cérémonies; la pratique des arts autochtones; et le fait de renouer avec nos lieux sacrés, entre autres choses. À mesure que ces enseignements seront mis en commun avec d'autres peuples autochtones, l'identité des femmes et les liens culturels seront renforcés, ce qui aura des effets positifs à long terme sur les familles et les collectivités.
    Pourquoi est-ce que je m'intéresse autant à la question de l'identité culturelle et à la façon dont celle-ci est liée à l'indépendance économique?
    Je vais citer un professeur de l'Université de Regina, Bob Kayseas. Il a récemment présenté un exposé à l'occasion d'une conférence et a déclaré ceci:
Au fil du temps, le renforcement de la culture autochtone fera naître l'esprit d'entreprise chez les Premières nations. Cela favorisera ensuite un entrepreneuriat durable.
    Si nous nous éloignons du noyau composé de la personne et de la famille pour nous rapprocher du contexte plus vaste de la réédification de la collectivité et de la nation, nous pouvons observer d'autres aspects qui sont discriminatoires à l'égard des femmes autochtones. Aujourd'hui, au sein des structures de direction, d'affaires et de gouvernance, on préconise une approche très descendante et non inclusive, et, trop souvent, cette approche est intégrée aux structures de gouvernance autochtones, ce qui entraîne encore une fois la marginalisation des femmes autochtones.
    Les travaux de recherche de M. Kayseas confirment cette réalité. Il a discuté des questions des moyens de subsistance et de l'indépendance économique avec un groupe d'Aînés, qui ont évoqué l'éclatement de la famille et des systèmes communautaires et les répercussions de cette situation sur la transmission de la culture, de la langue et des valeurs. Ce chercheur a conclu que les activités traditionnelles des Autochtones et leur conception des moyens de subsistance sont intimement liées à leur vision du monde et que leur survie dépend de l'innovation, du travail acharné, du partage et du respect à l'égard de tous les éléments de la création. La résilience et l'autonomie des Premières nations et leurs moyens de subsistance peuvent désigner ce qu'on appelle aujourd'hui l'indépendance et la prospérité économiques.
    Dans le cadre de ces ateliers et de ces groupes de discussion, le bureau des Prairies du Centre national pour la gouvernance des Premières nations a pu prendre connaissance des préoccupations des Autochtones, et je peux moi-même les entendre lorsque je siège au conseil d'administration de l'Université des Premières nations du Canada et lorsque je participe aux activités de l'Indigenous Leadership Development Institute et du bureau de la Saskatchewan des Aboriginal Women Leaders. Nous parlons de la nécessité de réunir les femmes pour qu'elles puissent commencer à discuter de ces aspects et de la façon d'aller de l'avant et de trouver des stratégies pour s'y attaquer.

  (1630)  

    Nous sommes donc en train d'élaborer une proposition pour créer une tribune en vue de discuter de ces aspects.
    Pardon de vous interrompre. J'espère que nous pourrons aborder le reste de votre mémoire lorsque les membres poseront leurs questions. Je suis sûre que nous pourrons le faire.
    Merci.
    La parole est maintenant à Mme Isaac; vous disposez de 10 minutes.
    Je m'appelle Paige Isaac. Je suis Micmaque et membre de la Première nation de Listigouche.
    Je veux remercier le Comité permanent de la condition de la femme de m'avoir invitée à témoigner. J'en suis très honorée.
    J'ai une majeure en biologie de l'Université McGill. J'ai commencé à travailler à la Maison des peuples autochtones à l'Université McGill dès que j'ai terminé mes études, et je me suis découvert une passion pour l'éducation et la promotion de l'éducation des Autochtones dans le pays.
    Je vais vous expliquer brièvement en quoi consiste la Maison des peuples autochtones et de quelle façon nous contribuons à améliorer les perspectives économiques des Autochtones grâce à l'éducation.
    Nous faisons partie des services aux étudiants. Nous offrons un soutien aux étudiants membres des Premières nations, Inuits et Métis — inscrits et non inscrits — en instaurant un esprit de communauté et en donnant une voix aux étudiants autochtones qui ont quitté leur collectivité pour poursuivre leurs études. Les étudiants que nous servons sont en grande partie des femmes et des mères de famille. Nous voyons une grande part de la population étudiante active. Il y a des étudiants en médecine, en droit, en éducation et en travail social, entre autres domaines. Nous offrons un vaste éventail d'activités. D'ailleurs, nous avons dû augmenter au cours des dernières années le nombre de nos employés pour gérer toutes ces activités. Nous intervenons à toutes les étapes: nous faisons de la sensibilisation dans les collectivités — dès l'école primaire et l'école secondaire —, auprès des familles et dans d'autres universités; nous soutenons les étudiants pendant leurs études, nous soulignons l'obtention de leur diplôme et nous les aidons à s'intégrer au marché du travail.
    Je voudrais mentionner quelques-uns de nos programmes d'approche qui remportent un franc succès. Cette année, nous tiendrons la sixième édition du camp annuel Eagle Spirit High Performance. Il se déroule durant une longue fin de semaine en mai, et, à cette occasion, de jeunes autochtones âgés de 13 à 17 ans de partout au pays viennent passer la fin de semaine à McGill pour se renseigner sur les carrières dans le domaine de la santé, entre autres domaines, et pour découvrir leur passion. Et les activités du camp sont beaucoup axées sur le sport, la forme physique et le bien-être global.
    Nous constatons d'ailleurs que de plus en plus de participants au camp s'inscrivent à McGill. Le premier participant à s'inscrire est justement en train de faire sa première année à l'université. Il veut se diriger vers la médecine sportive. Il s'agit donc d'un programme qui porte vraiment ses fruits. Nous collaborons avec des gens de différents milieux, et vous pouvez le voir dans mes notes. En outre, nous utilisons divers programmes pour informer la communauté de McGill au sujet de l'histoire, de la culture et de l'identité autochtones.
    Je vais aborder brièvement la question des obstacles. Je recommanderais qu'on fasse des investissements durables et à long terme dans la Maison, surtout pour qu'elle puisse conserver les nouveaux postes qui ont été créés. Les activités de la Maison sont financées à l'aide de subventions qui doivent être continuellement renouvelées. Le financement destiné aux étudiants — le Programme de soutien aux étudiants du niveau postsecondaire — ne reflète pas le coût de la vie. Ce programme doit être maintenu. Je crois qu'il ne devrait pas être converti en programme de prêts et que le plafond devrait être augmenté. Le programme est assorti de beaucoup de restrictions. Un grand nombre de nos étudiants doivent suivre des cours à temps plein, et, parfois, ils ne peuvent étudier pendant l'été, et le programme ne s'applique qu'à certains programmes. Il ne permet pas de financer les programmes de transition que certaines universités mettent en place parce qu'elles jugent que certains étudiants — même s'ils ont terminé leur douzième année — n'ont pas les connaissances nécessaires pour entrer à l'université. Ce serait donc merveilleux si certains de ces programmes pouvaient être financés.
    En ce qui a trait au logement, nous logeons certains étudiants dans notre immeuble, mais les coûts sont très élevés, et les logements ne conviennent pas à des familles.
    Je constate qu'il y a un besoin de services de counselling adaptés à la culture. Bon nombre d'étudiants ayant besoin d'amorcer un processus de guérison ne se sentent pas à l'aise de rencontrer n'importe quel conseiller. Il faut améliorer la communication entre les conseillers communautaires dans les établissements postsecondaires, les établissements d'enseignement et les gouvernements fédéral et provinciaux pour qu'ils élaborent ensemble une stratégie moderne et plus uniforme visant à faire la promotion de l'éducation des Autochtones.
    J'ai assisté récemment à une conférence où nous discutions du chômage et de la pauvreté. Les conférenciers montraient les statistiques — taux de chômage et de pauvreté élevés —, et une étudiante a soulevé un excellent point. Elle voulait savoir si nous pouvions ventiler les chiffres et a demandé qui avait fixé ces normes.

  (1635)  

    Je crois que, dans le cadre de la discussion sur le chômage et la pauvreté, nous pourrions aborder beaucoup plus d'aspects, comme la place qu'occupent les valeurs autochtones par rapport aux normes qui ont été fixées. Qu'est-ce que cela signifie pour les Autochtones d'être au chômage et de vivre dans la pauvreté? La situation varie d'une personne à une autre.
    Vous savez, on nous associe toujours à ces statistiques déplorables. On ne reconnaît pas suffisamment que la situation des Autochtones au pays est des plus diversifiées. Certains stéréotypes persistent en raison de ce genre de statistiques. Nous pourrions mettre davantage l'accent sur nos réussites et nos réalisations. Il y a des Autochtones qui sont médecins, avocats et PDG. Ces choses doivent être visibles.
    Il y a des problèmes d'ordre structurel et systémique. Les valeurs autochtones et occidentales tendent à être incompatibles. Je crois qu'il faut améliorer la coordination et mener davantage de campagnes de sensibilisation et de promotion de l'éducation. Je crois qu'il faut en faire plus et ne pas uniquement se limiter à la sensibilisation. Nous devons aspirer à une meilleure compréhension.
    Je crois qu'il est absolument nécessaire de mettre en place un meilleur programme d'enseignement obligatoire destiné aux jeunes Autochtones de la maternelle à la douzième année. Ainsi, nous n'aurions pas à mener toutes ces campagnes de sensibilisation et de promotion de l'éducation. Nous pourrions aller nous attaquer aux problèmes directement à l'école, en discuter et les analyser plus en profondeur et trouver des solutions ensemble. Nous pourrions créer un programme d'enseignement qui repose sur des ressources et des valeurs autochtones.
    Les facultés d'éducation dans les universités et les collèges du pays peuvent faire de même. Nous formons de futurs enseignants, et tout le monde doit apprendre à faire face aux enjeux autochtones.
    Il faudrait offrir davantage de services de mentorat et de soutien, particulièrement pour les étudiants des cycles supérieurs. Comme je travaille à l'université, je sais que c'est une chose que nous voudrions voir se produire.
    De plus, il faudrait faciliter l'intégration des Autochtones. L'un de nos étudiants aimerait beaucoup qu'on produise une publicité qui met en vedette des Autochtones occupant divers postes pour montrer aux jeunes Autochtones des deux sexes qu'ils peuvent eux aussi exercer des professions semblables.
    Par ailleurs, nous devrions préparer un document sur les bourses qui pourraient servir à financer des projets économiques à l'intérieur et à l'extérieur des réserves. Il serait bien de rendre ce genre d'information plus accessible.
    Je voudrais maintenant souligner certains des facteurs qui touchent plus particulièrement les femmes. L'accessibilité des services de garde est l'un d'eux. Élever une famille pendant qu'on est aux études, loin de sa collectivité et du soutien qu'elle procure, est un défi de taille. Dans la plupart des cas, les femmes qui retournent aux études sont seules à prendre soin de leurs enfants. Nous constatons que les mères autochtones ont tendance à retourner aux études plus tard, lorsqu'elles sont plus âgées, car, à ce moment-là, elles prennent conscience de l'importance de l'éducation et de l'influence qu'elle peut avoir sur leurs enfants. Elles savent qu'elles doivent tracer la voie pour leurs enfants afin d'assurer leur avenir. Nous devons donc les soutenir dans ce cheminement.
    La discrimination est un autre facteur important. Les femmes autochtones sont encore victimes de discrimination.
    Il y a aussi la question de l'estime de soi. Encore une fois, nous devons offrir plus de programmes de mentorat. Les programmes existants pourraient être adaptés aux particularités des collectivités autochtones pour qu'on fasse en sorte qu'ils permettent à toutes les femmes de s'émanciper.
    Il y a quelques petites différences entre les Autochtones qui vivent dans des réserves et ceux qui vivent hors réserve. Je le répète: la population autochtone est très diverse, et nous devons toujours garder cela à l'esprit. Elle est très hétérogène sur les plans social, culturel et économique. Nous devons nous méfier des idées reçues. Je vais vous donner un exemple. Lorsque nous créons un programme d'approche, disons en collaboration avec une école dans une réserve, c'est fantastique. En même temps il y a beaucoup de parents qui envoient leurs enfants dans des écoles privées ou situées dans des centres urbains parce qu'ils estiment qu'ils jouiront ainsi de meilleures perspectives d'avenir. Je crois que nous devons tenir compte de cet aspect pour que nous puissions rejoindre aussi les étudiants envoyés à l'extérieur.
    J'ai remarqué que les jeunes qui arrivent en ville après avoir fait leurs études dans la réserve présentent pour la plupart beaucoup plus de besoins sociaux, culturels et affectifs parce que tous ces besoins étaient comblés lorsqu'ils étaient dans leur collectivité. Nous devons donc être en mesure de répondre aussi à ces besoins en milieu urbain et de recréer cet esprit de communauté. Habituellement, les étudiants doivent quitter la réserve pour s'installer dans un centre urbain s'ils veulent avoir accès aux mêmes possibilités que le reste de la population — que ce soit pour aller à l'école secondaire, faire des études postsecondaires, trouver un emploi ou obtenir des soins de santé.

  (1640)  

    Il y a donc beaucoup de compromis à faire. En effet, pour obtenir une éducation de qualité et avoir la chance de réussir, on devra probablement quitter sa collectivité et sa famille et s'intégrer.
    Je suis désolée, madame Isaac. Nous sommes rendus à 10 minutes. J'espère que les membres du comité vous donneront la possibilité de conclure vos remarques.
    La parole est maintenant à Mme Young, pour sept minutes.
    Je tiens à vous remercier toutes les deux d'avoir présenté votre exposé et d'avoir pris le temps de nous faire part de votre expérience personnelle. Je crois qu'il est très important pour nous d'entendre ce que vous avez vécu.
    Je voudrais aussi que vous nous parliez un peu plus de l'objet de notre étude, à savoir la participation économique des filles et des jeunes femmes, et je voudrais savoir ce que le pays peut faire pour relever certains des défis à ce chapitre. Si chacune de vous pouvait me dire quelles sont les trois principales choses que nous pourrions ou devrions faire, cela m'intéresserait beaucoup. Nous pourrions peut-être commencer par Jocelyne.
    J'espère que ça ne vous dérange pas que je vous appelle par votre prénom.
    Pour ce qui est des quatre principales choses que nous pourrions, selon moi, commencer à explorer, je pourrais, encore une fois, parler abondamment de la colonisation, mais je crois que nous devons — en tant que femmes autochtones — vraiment comprendre la façon dont les répercussions se font sentir dans la culture d'aujourd'hui. Il s'agit donc de comprendre le rôle de la femme, les questions du leadership et de la gouvernance et le fait que tous ces aspects sont liés aux questions de la réédification de la nation et de l'autonomie gouvernementale. Nous devons aussi montrer les réussites — des exemples de dirigeantes autochtones et de la résilience dont les femmes autochtones font preuve.
    Par ailleurs, il faudrait encourager l'indépendance économique. Encore une fois, il faudrait présenter beaucoup de modèles de femmes entrepreneures, de femmes d'affaires et d'intervenantes communautaires, donner des connaissances financières de base aux femmes autochtones, former des gestionnaires solides, renforcer les capacités des femmes autochtones et leur offrir des possibilités de formation. Il s'agirait donc de mettre ce modèle en valeur.
    De plus, le mentorat joue un rôle essentiel ici. Nous devons former la prochaine génération de dirigeantes autochtones et être à l'écoute de nos futures dirigeantes pour connaître leurs besoins, et nous devons réfléchir à la façon dont nous pouvons leur offrir des services et faciliter leur cheminement. Si nous pouvons le faire à l'aide de projets existants, le CNGPN offre certains services utiles. Nous offrons un programme de mentorat. Il existe aussi d'autres organismes, comme l'Indigenous Leadership Development Institute et son projet qui vise à encourager l'autodétermination des femmes.
    Un autre aspect que j'estime important, c'est de commencer à examiner le rôle que les femmes peuvent jouer au sein des conseils d'administration, car je crois qu'elles peuvent aller chercher un certain pouvoir décisionnel dans ce domaine, et les femmes doivent commencer à envisager une telle avenue. En effet, beaucoup de femmes pensent qu'elles doivent être élues pour exercer un leadership, mais il y a d'autres avenues qui leur permettent de participer au processus décisionnel. Par conséquent, il faut vraiment faire en sorte que les membres des Premières nations et les femmes autochtones aient les moyens de tirer parti de ce genre de possibilités, promouvoir le rôle que les femmes autochtones peuvent jouer au sein des conseils d'administration, discuter des obstacles à surmonter et expliquer pourquoi il est important d'avoir une présence féminine dans ce domaine.
    Voilà les quatre choses que je juge prioritaires.

  (1645)  

    Je crois que ce sont d'excellentes choses. Je vous remercie beaucoup de vos commentaires.
    Avant de laisser la parole à Paige, je voudrais vous demander, Jocelyne, si vous saviez que le budget 2012 — qui est celui que nous venons de présenter — prévoit une initiative très importante qui consiste à mettre sur pied un conseil consultatif des femmes. Nous voulons que ce conseil national puisse aider des personnes à se faire nommer à différents conseils d'administration dans tous les secteurs au Canada, de façon à ce que nous puissions faire entendre davantage la voix des femmes dans tous ces différents secteurs.
    C'est donc quelque chose que vous pouvez surveiller, et j'espère que vous allez y participer dans l'avenir. Ce serait merveilleux.
    Mme Jocelyne Wasacase-Merasty: Oui, bien sûr.
    Mme Wai Young: Paige, pourriez-vous nous dire quelles sont les trois choses qui, selon vous, seraient vraiment cruciales et que nous pourrions utiliser pour surmonter les obstacles à la participation des filles et des jeunes femmes à la réussite économique?
    Bien sûr. Je crois que je dirais qu'il est important d'appuyer les projets d'approche. Il faut établir le contact avec les jeunes Autochtones dès l'enfance et conserver ce contact tout au long de leur cheminement vers l'obtention d'un emploi. Je crois que le mentorat est un aspect crucial, et j'en entends constamment parler. Il y a aussi les stages. Il faut offrir des possibilités de stage intéressantes et essayer d'intégrer les Autochtones sur le marché du travail. Des étudiants m'ont dit que les stages leur ont vraiment donné les moyens de réussir.
    Est-ce parce qu'ils acquièrent des compétences et de l'expérience durant le stage et qu'ils ont aussi la possibilité de se constituer un réseau et de nouer des relations pendant le stage, ce qui leur permet ensuite de recourir à ces outils pour aller de l'avant?
    Exactement, et je crois que les stages contribuent peut-être aussi à démystifier le monde du travail. Je crois qu'ils constituent une très bonne introduction au monde du travail. C'est exactement cela: les stages leur permettent d'acquérir de l'expérience, et ils peuvent faire mention de cette expérience dans leur curriculum vitae et accéder à d'autres possibilités d'emploi.
    Si vous me permettez de vous demander à toutes les deux... Je crois qu'il me reste un peu de temps, madame la présidente?
    Une minute et demie.
    Croyez-vous qu'il y a des différences entre les filles issues du monde rural et celles qui vivent dans les centres urbains? Croyez-vous que les filles de la ville font face à des défis différents de ceux qui touchent les filles de la campagne, et quels seraient, d'après vous, ces défis? Pourriez-vous juste glisser quelques mots à ce sujet?
    Je constate certes que les possibilités de carrière... Une grande partie de nos compétences, notamment en leadership, qui ouvrent la voie à des possibilités sont acquises tout au long du cheminement de carrière. Toutefois, lorsqu'on vit en milieu urbain, et plus particulièrement au sein d'une communauté autochtone, ce genre de ressources est limité. Je constate donc qu'il y a une énorme différence, des obstacles professionnels considérables que nous devons prendre en considération, selon qu'on soit en milieu rural ou urbain.
    Je généralise peut-être, mais j'aurais d'abord pensé à l'identité et aux liens culturels. Peut-être que les Autochtones urbains sont juste plus intégrés au reste de la société et ont donc plus facilement accès à ces possibilités, contrairement aux jeunes Autochtones qui viennent des réserves. Ces jeunes sont peut-être plus proches de leur collectivité et souhaitent peut-être y rester, mais la collectivité n'offre peut-être pas les mêmes possibilités. Je crois que ce serait ma première idée.

  (1650)  

    Madame Boutin-Sweet, vous avez sept minutes. Allez-y, je vous prie.

[Français]

    Mesdames, merci beaucoup d'être ici.
    Je vais poser mes questions en français.
    Madame Wasacase-Merasty, sur votre site Web, il est question de gouvernance efficace et autonome. Vous avez aussi beaucoup parlé d'identité culturelle et d'autodétermination.
    Cependant, trop souvent, les solutions qui sont proposées proviennent de l'extérieur de vos communautés. Quelles recommandations nous feriez-vous pour le rapport que nous allons produire sur les perspectives économiques des femmes autochtones? Avez-vous des recommandations spécifiques qui favoriseraient l'autodétermination des femmes autochtones?

[Traduction]

    Selon moi, quand on se met à parler des droits inhérents aux membres des collectivités en question, cela leur ouvre les yeux. Essentiellement, nous disons à ces personnes que cela a trait à elles et au fait qu'elles ont leur mot à dire au chapitre de la gouvernance de leur collectivité. Je leur dis toujours que ce qui manque dans le processus, c'est leur voix. Trop souvent, nous comptons sur notre chef et notre conseil pour qu'ils prennent les décisions et apportent les changements qui s'imposent; mais, si on remonte dans l'histoire, on voit que bien des choses ont perturbé nos systèmes traditionnels.
    Donc, quand on se met à parler de construire quelque chose à partir de la base, parmi les premiers aspects qui entrent en jeu et qui génèrent beaucoup de discussions, il y a notre culture, nos traditions, notre langue et notre histoire. Cela détermine vraiment la voie qui sera suivie en ce qui concerne l'élaboration de la structure de gouvernance. Il est donc très important d'avoir de telles discussions.
    Mais quand cela se produit, nous parlons toujours du rôle qu'ont joué les femmes à cet égard par le passé. Dans les Prairies, on dit que c'était nous qui faisions les lois. Les hommes étaient chargés de les appliquer, mais c'était nous qui les faisions. Qu'est-il advenu de ce processus dans la société d'aujourd'hui, où nombre de lois et de politiques nous sont imposées en vertu de divers instruments législatifs? Donc, si l'on veut bâtir cela à partir de la base, nous devons commencer à tenir de telles discussions.
    Je pense qu'il y a un troisième point que j'ai oublié. J'ai un peu perdu le fil.

[Français]

    Avez-vous des recommandations particulières pour le rapport du comité, relativement à l'autodétermination?

[Traduction]

    Je pense que nous devons vraiment nous efforcer de mieux faire entendre la voix des femmes autochtones. Nous devons vraiment leur donner des moyens de participer. Il règne beaucoup de crainte dans les collectivités des Premières nations, car les femmes ont souvent été victimes de réactions très négatives. Quand elles entreprennent des démarches en vue de participer au processus global, de prendre part aux décisions ou même de briguer les suffrages, il y a parfois de telles réactions. Les femmes dans nos collectivités éprouvent beaucoup de crainte simplement à l'idée de trouver leur voix, de participer à ce que nous devons commencer à créer de nouveau.
    Voilà pourquoi je pense que le fait de parler de la colonisation et de ses effets sur notre population — sur nos femmes — constitue un bon point de départ. Nous devons vraiment comprendre comment ces problèmes surviennent, comment ils apparaissent et quelle forme ils prennent de nos jours. Ensuite, nous pourrons commencer à nous attaquer à certains d'entre eux. Il faut simplement faire prendre conscience aux gens des gestes auxquels nous essayons de mettre fin.
    Voilà donc une première recommandation. J'ai toujours été d'avis que la collectivité a son mot à dire. Je crois toujours que nous avons de tels problèmes et que nous devons en parler, mais nombre des solutions doivent provenir des femmes mêmes. Elles doivent établir certaines stratégies. Elles doivent participer le plus tôt possible au processus.
    Voici ma recommandation: amorcer ce dialogue et voir ce qui se produira.

  (1655)  

[Français]

    Je vais vous poser une autre question, très rapidement, et je vais vous demander une réponse très brève.
    J'imagine que vous connaissez les centres d'amitié autochtones. Aujourd'hui, j'ai appris que l'apport financier du fédéral au centre de Montréal avait fait l'objet de compressions. D'après vous, cela influencera-t-il l'avenir économique des jeunes femmes?
    Ces centres aidaient-ils les jeunes femmes?

[Traduction]

    D'après ce que je comprends, les centres des régions de l'Est jouent un rôle plus important. Dans les Prairies, les centres d'amitié ne jouent pas un rôle très important à cet égard.
    Il serait donc difficile pour moi de vous donner une réponse exacte, car je n'ai pas assez d'information, à la lumière de ma propre expérience, mais je pense que c'est...

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vais céder le reste de mon temps de parole à Mme Freeman.

[Traduction]

    Merci.
    Merci à vous deux d'être ici et d'avoir pris le temps de discuter avec nous aujourd'hui.
    Ma question s'adresse à Mme Isaac.
    Les Autochtones, qui comptent pour environ 13 p. 100 de la population, forment le groupe démographique qui affiche la croissance la plus rapide. Connaissez-vous le pourcentage moyen d'étudiants de l'Université McGill qui sont des membres des Premières nations, des Métis, des Inuits, etc.?
    Il s'agit d'un très faible pourcentage. Environ 120 personnes se sont déclarées autochtones parmi les 3 200 étudiants des divers cycles universitaires et de l'éducation permanente. Le pourcentage est très faible.
    C'est dommage.
    Je veux dire, c'est fantastique; vraiment, j'adore McGill — j'ai étudié là-bas — et je sais que vous faites du bon travail.
    Je vais faire une digression: Mme Bateman a dit plus tôt que l'écart entre les femmes et les hommes se resserre au Canada, et j'aimerais réfuter cette affirmation. En fait, les statistiques de l'OCDE révèlent que l'écart s'accroît depuis 2006.
    Et, si je puis me permettre, madame la présidente, j'apprécie la correction apportée par ma collègue...
    Je ne veux pas que vous empiétiez sur mon temps de parole.
    ... mais cette affirmation n'est pas erronée. Je ne...
    Non, désolée, mais vous empiétez sur mon temps de parole.
    La présidente: Silence.
    Mme Mylène Freeman: Je voulais simplement rectifier les faits aux fins du compte rendu.
    Mais c'est une information fausse, car je citais notre témoin...
    Silence!
    Madame Bateman, s'il vous plaît, je veux entendre le point de vue de...
    Mais c'est faux.
    Je veux entendre le point de vue de nos témoins, et nous devrons faire très vite, car...
    J'invoque le Règlement, madame la présidente. Mon intégrité a été mise en doute par cette femme, et vous ne me donnez pas l'occasion de clarifier la situation.
    Elle a mal compris mes propos, peut-être parce qu'elle n'était pas attentive.
    Ce que j'ai dit, c'est que le Conseil canadien de développement social a déclaré — et j'insiste sur le mot « déclaré » — dans son étude de 2006 sur les jeunes travailleurs que l'écart entre les sexes s'était resserré et que les perspectives sur le marché du travail s'étaient améliorées davantage pour les filles que pour les garçons.
    Je citais un témoin. Mes propos ont été mal interprétés.
    J'ai été calomniée devant ces personnes et j'aimerais qu'on me présente des excuses.
    Merci.
    Merci, madame Bateman.
    Je vous remercie de votre intervention, qui figure au compte rendu.
    Je voulais donner l'occasion à nos témoins d'exprimer leur point de vue. Je pense qu'il est important de connaître leur opinion. Nous avons seulement...
    En fait, tout le temps que nous avions est écoulé.
    Mme Mylène Freeman: Oh, non.
    La présidente: Je suis terriblement désolée, madame Freeman.
    La parole va à Mme Truppe pour sept minutes.
    Je suis désolée.
    Merci, madame la présidente, et merci à vous d'être ici aujourd'hui.
    Jocelyne, vous avez mentionné ou laissé entendre qu'il serait utile de donner aux femmes autochtones des moyens de faire entendre leur voix et de faire en sorte qu'elles trouvent elles-mêmes des solutions et qu'elles participent dès le début du processus.
    Avez-vous des suggestions concernant le travail que pourrait effectuer Condition féminine Canada pour vous aider au chapitre de la participation économique, de la prospérité et du leadership?
    Je suggérerais de faire connaître et de mettre en valeur des histoires de réussite d'autres femmes — pas seulement de femmes autochtones, mais de femmes en général — et peut-être de parler davantage du perfectionnement des compétences et des besoins qui, à leur avis, doivent être comblés pour les aider à emprunter de telles voies.
    Il faudrait tenir un forum sur l'entrepreneuriat conçu précisément à leur intention, car, comme je l'ai dit, nombre de nos femmes sont marginalisées et ne se sentent pas à l'aise de prendre la parole dans un forum sur l'entrepreneuriat et le commerce auquel participeraient des hommes. Il faudrait organiser un tel forum pour qu'elles puissent aborder certains problèmes et certains obstacles présents, puis réfléchir ensemble à certains besoins ou à certaines formes de soutien qu'elles considèrent comme cruciaux et essayer de réaliser certains objectifs.
    Encore une fois, tout est une question de dialogue. J'ai toujours envisagé les choses ainsi.

  (1700)  

    Vous venez de mentionner que ces femmes ne sont pas à l'aise de prendre la parole en groupe — peut-être devant des hommes.
    Que pourrions-nous faire pour les rendre à l'aise? Avez-vous des suggestions? Que pouvons-nous faire pour elles?
    À l'occasion d'un projet concernant le leadership des femmes autochtones auquel j'ai participé, nous avons tenu une séance de planification stratégique où nombre de ces problèmes ont été évoqués, et j'ai entendu le point de vue de femmes autochtones. Elles ont parlé de tous ces problèmes, alors je considère qu'il s'agit d'une des façons les plus efficaces de...
    Et puis, nous avons simplement établi une stratégie concernant leurs besoins. Selon moi, tout était une question d'identité culturelle, de compréhension du contexte historique qui nous a fait emprunter cette voie et de certaines corrections à apporter; il s'agissait de célébrer et de soutenir les femmes qui accomplissent déjà de telles actions, mais aussi d'élargir le bassin de femmes qui évoluent dans ce monde-là.
    Merci.
    Mme Jocelyne Wasacase-Merasty: Encore une fois, vous savez...
    Mme Susan Truppe: Allez-y. Désolée
    Non, j'allais probablement m'écarter du sujet.
    Vos commentaires ont été très précieux. Merci.
    Quand la Girls Action Foundation a comparu, elle a recommandé d'offrir des possibilités de mentorat et diverses sources d'inspiration aux filles, d'apprendre aux garçons et aux jeunes hommes à remettre en question les idées reçues à l'égard des membres des deux sexes, de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes ainsi que de mettre en oeuvre et d'élargir les programmes de lutte contre le harcèlement sexiste, surtout dans les établissements d'enseignement.
    Depuis, un certain nombre de témoins ont exprimé leur soutien à l'égard de ces recommandations.
    Je vais de nouveau commencer par vous, Jocelyne. Que pensez-vous de cette approche? Y a-t-il d'autres facteurs qui devraient être pris en considération?
    Cette approche me plaît. Elle permet de sensibiliser les gens à certains problèmes que nous soulevons. Je pense que la même approche pourrait être adoptée par les Premières nations. Quand il est question, entre autres, de violence latérale et de discrimination systémique, je me dis toujours que si nous donnons un nom à ces problèmes, nous pourrons ensuite les cerner et commencer à les régler.
    Plus nous sommes conscients de ces obstacles qui nous empêchent de progresser, plus nous serons en mesure de les surmonter efficacement. Cette approche me plaît. Je pense qu'elle pourrait être adaptée à l'intention des Premières nations.
    Certains enjeux pourraient différer. Certains termes devraient être adaptés aux types de difficultés éprouvées dans les collectivités des Premières nations.
    Merci.
    Paige, je vous pose la même question. Vous souvenez-vous de la question?
    Oui.
    Je suis d'accord. J'appuierais une telle approche.
    À mon avis, le fait de sensibiliser les femmes et les hommes ne peut que les rapprocher. Je mettrais précisément l'accent sur ceci: devenir une collectivité qui favorise la participation de tous et apprendre comment — j'ignore comment le formuler — ne pas tenir les femmes à l'écart.
    Nous devons créer une telle collectivité, car, pour réussir, nous devons nous épauler les uns les autres. Si nous voulons arriver à des résultats, nous devons travailler ensemble.
    Selon vous, est-ce que le fait d'apprendre aux garçons et aux jeunes hommes à remettre en question les idées reçues à l'égard des membres des deux sexes serait utile dans vos collectivités? Vous pouvez toutes deux répondre à la question.
    Je pense que oui. Assurément. En assimilant la langue, en assimilant les connaissances relatives aux diverses mesures et attentes, les jeunes hommes et les garçons pourraient apprendre à voir les choses différemment.
    Je vais vous poser la même question à l'égard des garçons et des hommes.
    Je pense que plus les parties concernées sont informées, plus nous obtiendrons des résultats positifs à long terme. Cela permettra de créer la synergie nécessaire pour commencer à réaliser ce que j'ai toujours considéré comme un objectif commun.
    Nous sommes toujours là. Nous essayons de faire en sorte que la prochaine génération vive dans un monde meilleur, et les hommes auront forcément un rôle à jouer à cet égard. Ils se sont mis à prendre conscience de leur réalité. Ils doivent revoir leur façon de penser, car, autrefois, les femmes et les hommes étaient considérés comme égaux et se complétaient. Ce qui manque à l'heure actuelle, c'est notre voix, car il n'y a pas d'équilibre. Cette situation a des répercussions non seulement sur les femmes, mais aussi sur la vision holistique et globale du monde que nous voulons créer. Les femmes et les hommes sont des partenaires égaux à ce chapitre, c'est certain.

  (1705)  

    Merci.
    Désolée, les sept minutes sont écoulées.
    La parole va maintenant à Mme Sgro. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Madame Merasty, madame Isaac, selon les statistiques que nous avons examinées, surtout au début de notre étude, les femmes et les filles autochtones ne font pas des progrès comparables à ceux des autres filles canadiennes. En effet, le pourcentage de filles autochtones qui éprouvent beaucoup de difficultés continue d'être bien plus élevé que la moyenne nationale. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
    Pourquoi n'y a-t-il toujours pas d'équilibre, d'égalité à ce chapitre? Je connais de nombreux éléments de réponse à ces questions. Mais je me demande — comme vous êtes jeunes, toutes les deux — quels sont les obstacles qui, à votre avis, continuent d'empêcher les filles autochtones de réussir comme nous le souhaitons?
    Vous savez, je ne suis pas si jeune, mais, sur le plan culturel...
    Vous avez l'air plutôt jeune dans la vidéo. Vous paraissez bien.
    D'après ce que je vois, nos femmes sont aux prises avec les mêmes problèmes. La question est complexe. Je mentionnerais d'ailleurs que je participe également à un programme de développement du leadership. Les femmes autochtones qui sont les plus confiantes, qui sont disposées à se mobiliser et qui font des études en vue d'avoir une carrière sont, à mes yeux, les plus conscientes de leur identité et de leurs racines culturelles. On retire une grande fierté de son appartenance à sa collectivité, à son peuple, à sa famille et à la terre. Cela suscite beaucoup de fierté, et il s'agit d'un élément crucial dans le cadre des changements qu'il faut apporter.
    Par contre, il y a aussi des jeunes à risque. Une grande partie de la culture de ces jeunes a été remplacée par ce qu'on pourrait peut-être appelé des « sous-cultures », comme celle des gangs. Il est triste de voir qu'ils ont remplacé une chose si spéciale et si fondamentale sur le plan identitaire.
    Je dis aussi aux gens que nous devons nous gouverner nous-mêmes. Quand je compare notre mode de gouvernance... Nous avons nos propres lois autochtones. À nos yeux, elles ont plus de valeur que les autres. Nous nous faisons un devoir d'observer ces lois. Les valeurs et les lois qui nous ont été imposées et qu'on nous demande de respecter ne sont pas aussi importantes que celles qui ont trait à notre propre culture. Peut-être que cela explique en partie les inégalités constatées chez les femmes. Je ne sais pas.
    Je pourrais probablement en dire plus long à cet égard, mais je tenais à soulever d'abord ce point.
    Je dirais que tout dépend du milieu d'où elles viennent. Peut-être que leurs parents n'ont pas fréquenté de collège ou d'université et qu'elles n'ont donc vu personne emprunter une telle voie.
    Je pense que l'indépendance joue aussi un rôle important à cet égard. Si une jeune Autochtone est indépendante, elle pourra peut-être faire de tels choix elle-même. Je pense que les comportements de codépendance pourraient représenter un problème, qu'il soit question de relations ou encore de consommation de drogue et d'alcool.
    Je pense qu'un grand processus de guérison s'impose à cause du traumatisme intergénérationnel — dont les jeunes ne sont peut-être même pas conscients — qui a été provoqué par le régime des pensionnats. Par ailleurs, comme vous le savez, la rafle des années 1960 a causé de nombreux traumatismes. Elle a entraîné des répercussions sur les grands-parents et les parents des jeunes — il est possible qu'ils n'en soient même pas conscients — et même sur leur collectivité. Je pense que bien des Autochtones ont vécu de nombreux traumatismes et qu'il faut leur permettre d'amorcer un processus de guérison. Des Autochtones ont vécu des choses par le passé que le reste de la population canadienne n'a peut-être pas vécues.

  (1710)  

    Madame la présidente, combien de temps reste-t-il?
    Environ deux minutes et demie.
    Je sais que ma collègue souhaitait poser une question, alors je vais lui céder ma minute et demie — ou, du moins, le temps qu'il reste à mon intervention.
    Merci beaucoup, madame Sgro.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à offrir mes excuses aux témoins pour le problème que nous avons éprouvé tout à l'heure et qui nous a empêchés de poser des questions. Je suis très reconnaissante à Mme Sgro de me permettre de faire une intervention.
    Je veux parler du fait que la sous-représentation au chapitre des études supérieures constitue probablement un facteur important. Il existe déjà des obstacles relativement à l'accès à de telles études, et, même si nous pouvons permettre à un nombre suffisant de femmes d'y accéder... Enfin, il y a beaucoup d'étudiantes. Dans certaines facultés, comme celle de droit, il y a plus de femmes que d'hommes, et pourtant, les femmes ont moins de possibilités de devenir avocates, n'est-ce pas? Donc, ce n'est pas seulement une question d'accès à l'éducation, bien que je reconnaisse que les Autochtones font face à certains obstacles à cet égard.
     Il y a également des problèmes comme la rémunération inéquitable et la discrimination systémique — et, dans le cas des Autochtones, il s'agit des répercussions des pensionnats indiens. Je veux donc vous demander quels types de facteurs sociaux nuisent à l'accès aux études supérieures des filles autochtones.
    Ma question s'adresse à vous deux. J'aimerais d'abord entendre la réponse de Mme Isaac.
    Des facteurs sociaux? Je ne sais pas. Spontanément, la seule chose qui me vient à l'esprit, c'est ce que je viens de...
    Si vous le voulez bien, Jocelyne pourrait prendre la parole en premier, et vous pourriez ensuite ajouter des commentaires.
    J'aimerais vous faire part d'une anecdote personnelle. Quand j'ai commencé à fréquenter l'université, je n'avais aucune idée des domaines d'études offerts. Tout ce que je connaissais, c'était ce sur quoi j'étais tombée par hasard. En fait, à l'époque, l'établissement d'enseignement en question s'appelait le Saskatchewan Indian Federated College, et j'aurais dû demander à quelqu'un de remplir les formulaires pour moi. J'ai su que j'étais inscrite à l'université seulement après la fin du premier trimestre.
    Cela témoigne de notre méconnaissance de la réalité des études postsecondaires. Dans notre milieu, il n'y a pas de personnes inspirantes qui nous disent que les études universitaires sont importantes. Nous n'avons pas de parents pouvant nous fournir un tel encadrement et remplir les formulaires pour nous, entre autres choses.
    Alors, la première fois que je suis allée à l'université, cela ne s'est pas très bien passé. J'étais une jeune mère avec beaucoup de problèmes sociaux. J'étais d'ailleurs dans une relation de violence. Mon expérience à l'université n'a pas été concluante. J'ai eu un enfant, puis je suis devenue veuve à un jeune âge, alors j'ai dû retourner à l'université plus tard...
    Je suis vraiment désolée. Je ne cesse de vous interrompre et je le regrette, car c'est un grand honneur pour nous de vous accueillir, vous et Mme Isaac, et d'entendre vos témoignages.
    Nous nous attendons à être convoqués pour un vote bientôt, mais nous allons amorcer le deuxième tour et y consacrer le plus de temps possible.
    J'aimerais rappeler aux membres du comité qu'ils peuvent certes soumettre à la greffière toute question additionnelle à l'intention des témoins après la réunion. La greffière aimerait qu'on lui soumette ces questions d'ici 17 heures demain.
    Madame Ambler, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je suis vraiment désolée que vous n'ayez pas pu finir votre anecdote, Jocelyne. Si vous le voulez bien, prenez une minute pour terminer ce que vous aviez à dire.
    J'allais seulement dire que j'étais une jeune Autochtone célibataire qui essayait d'aller à l'université. J'ai eu de nombreux problèmes à surmonter. Il s'agit d'une situation courante pour bon nombre d'entre nous. D'ailleurs, 60 p. 100 des femmes autochtones canadiennes qui font des études postsecondaires vivent une telle situation. Environ sept ans plus tard, je suis retournée à l'université et j'ai obtenu mon diplôme en communications, mais j'ai dû aller étudier ailleurs, plus précisément à Victoria, en Colombie-Britannique. J'ai dû terminer mes études avec un nouveau-né dans les bras. Il m'est arrivé de passer trois jours en pyjama à essayer de rédiger un travail scolaire tout en m'occupant de mon bébé.
    De telles anecdotes sont courantes. Si vous leur posez la question, d'autres femmes autochtones vous raconteront le même genre d'histoire. Cela témoigne de leur résilience, et nous devons aborder ces difficultés et faire connaître et mettre en relief ces histoires.

  (1715)  

    À coup sûr. Merci.
    Je pense que toutes les mères ici présentes peuvent compatir avec vous d'une façon ou d'une autre.
    D'ailleurs, j'aimerais poser à vous deux une question que ma collègue, Mme James, a posée à deux témoins qui ont comparu plus tôt aujourd'hui.
    Selon vous, comment est-ce que Condition féminine Canada pourrait donner aux femmes des moyens de réussir? Quelles sont les choses que cette organisation et que le gouvernement fédéral peuvent faire à cet égard?
    Ce serait de créer des forums afin que le dialogue s'amorce à l'échelon des Premières nations et de vraiment leur faire comprendre que vous souhaitez écouter ce qu'elles ont à dire et comprendre, premièrement, certains concepts historiques, et deuxièmement, certains obstacles à surmonter. Il faut aussi aborder la question de front en disant: nous sommes là pour vous écouter et nous voulons collaborer afin de trouver des solutions créatives et innovatrices et parler de choses dont nous n'avons pas encore discuté, et partir de là. Selon moi, c'est la meilleure façon d'amorcer tout type de projet.
    Paige, avez-vous des suggestions?
    Oui. Je pense que j'élargirais simplement les programmes de soutien existants et que je ferais comprendre aux femmes autochtones qu'elles peuvent changer les choses et qu'il y a des mesures de soutien à leur intention, et je m'arrangerais peut-être pour faire connaître ces mesures. Certaines Autochtones ne savent tout simplement pas à qui s'adresser et n'ont aucune idée du soutien offert, alors je veillerais à ce que l'information soit accessible et à ce que ces liens soient établis.
    Merci beaucoup.
    Je suis désolée, c'est la sonnerie d'appel, nous devons partir. Mais, encore une fois, nous vous exprimons toute notre reconnaissance. Vous nous avez fourni des commentaires extrêmement utiles.
    Merci.
    La séance est levée.
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