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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 037 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er mai 2012

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, bonjour.
    Je voudrais commencer par revoir l'ordre du jour. En vertu du paragraphe 106(2) du Règlement, nous devons procéder à l'élection d'un nouveau vice-président, puisque M. Christopherson a décidé de se donner de nouveaux horizons, à ce qu'il paraît. Nous accueillerons ensuite notre témoin.
    Monsieur Alexander, vous avez la parole.
    Très heureux, Monsieur le président. Je propose Jack Harris pour la vice-présidence du comité.
    Qu'il soit consigné que je m'y oppose.
    Des voix: Oh, oh!
    Pour commencer, je dois en fait céder la parole à notre greffier pour les formalités de rigueur.
    Monsieur Lafleur, s'il vous plaît.
    Bonjour à tous.
    En vertu du paragraphe 106(2) du Règlement, nous procéderons à l'élection d'un vice-président. Je suis prêt à accueillir des motions à cet effet.
    Je réitère ma proposition.
    M. Alexander propose que M. Jack Harris soit élu premier vice-président du comité.
    Y a-t-il d'autres motions?
    Je veux connaître son programme.
    Plaît-il au comité d'adopter la motion?
    (La motion est adoptée)
    Le greffier: Je déclare M. Harris dûment élu premier vice-président du comité.
    Félicitations, Jack.
    Nous poursuivrons maintenant notre étude du concept stratégique de l'OTAN et du rôle du Canada en matière de coopération de défense internationale.
    C'est avec grand plaisir que nous accueillons James Appathurai, assistant secrétaire général adjoint de l'OTAN. Il est la deuxième autorité civile la plus haut placée de l'organisation où il travaille pour la division des affaires politiques et des politiques de sécurité comme représentant spécial de la région du Caucase et d'Asie centrale, et il est Canadien, de surcroît.
    Bon retour au pays. Je sais que c'est toujours agréable de rentrer au bercail.
    Vous avez la parole pour votre déclaration préliminaire et nous vous poserons des questions par la suite.
    Merci beaucoup et merci de m'avoir invité. Je suis ravi d'être ici et, comme vous l'avez si bien dit, c'est un véritable plaisir de se retrouver au pays. J'ai savouré des trous de beigne de chez Tim et j'ai pu attraper les moments vedettes des éliminatoires hier soir à la télé, que je ne vois pas normalement, alors tout cela m'a mis de très bonne humeur ce matin — sans parler de l'occasion qui m'est donnée de vous adresser la parole.
    Lorsque Chris m'a si généreusement présenté à vous tous, j'ai cru comprendre que vous êtes tous des autorités en matière de politique étrangère et de défense; je tâcherai donc de rester à la hauteur, et je répondrai volontiers aux questions que vous voudrez bien me poser.
    Le moment est tout désigné pour étudier la question qui nous occupe, selon moi, car nous avons eu un peu plus d'une année pour mettre en oeuvre le concept stratégique, mais aussi parce nous la retrouverons à l'ordre du jour du Sommet de Chicago qui doit se dérouler d'ici quelques semaines.

[Français]

    Pour moi, le concept stratégique a trois buts principaux. Le premier est de renforcer les piliers, les fondations essentielles de l'OTAN depuis 1949. Le deuxième est de mettre à jour le concept stratégique parce que depuis le dernier, l'OTAN a beaucoup évolué, surtout après la guerre froide. Le troisième est de bâtir la voie vers le futur. Je parlerai surtout de ces trois buts et je serai prêt ensuite à répondre à toutes vos questions.
    Le premier but est de confirmer les piliers de l'OTAN. Je vais en mentionner trois. Premièrement, il y a la défense collective. Évidemment, l'OTAN a toujours pu et reste capable de dominer militairement n'importe quel agresseur potentiel. Et elle doit le rester. Le concept stratégique donne le mandat aux pays de l'OTAN de garder la capacité nécessaire de jouer ce rôle dans le futur.
    Deuxièmement, il y a la solidarité transatlantique. Le concept stratégique reconnaît que malgré l'évolution démocratique et économique partout dans le monde, les 28 pays de l'OTAN restent une communauté de pays partageant les mêmes valeurs — la démocratie, la liberté individuelle et la liberté des médias. Il reste aussi que ces pays font plus d'échanges économiques entre eux. C'est une structure pour la consultation politique sur toute question de sécurité, et nous l'utilisons tous les jours. Comme on le dit en anglais, when push comes to shove, ce sont des pays qui sont fiables en tant qu'alliés. Pour toutes ces raisons, le concept stratégique renforce la solidarité transatlantique.
    Finalement, ça renforce encore une fois le rôle de dissuasion de l'OTAN, y compris la dissuasion nucléaire. C'est une question ouverte en ce moment. Les pays de l'OTAN iront à Chicago, y compris notre premier ministre, pour agréer un document qui s'appelle, en anglais, « Defence and Deterrence Posture Review ». Ce document établit le bon équilibre, au XXIe siècle, entre les forces conventionnelles, les forces de défense antimissile et les forces nucléaires.
    Le concept stratégique dit pour la première fois que l'OTAN travaillera à créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires. C'est la vision décrite par le président Obama dans son discours à Prague. Cependant, jusqu'à ce que ces conditions soient établies, l'OTAN doit et va rester une organisation avec une capacité nucléaire. Voilà pour le premier pilier.
(1110)

[Traduction]

     La deuxième raison d'être du concept était de dresser le bilan des activités de l'OTAN et des nouveaux rôles qu'elle a assumés.
    Dans un premier temps, vous constaterez que la deuxième tâche essentielle de l'OTAN réside dans la gestion des crises.
    En tant qu'organisation, l'OTAN est mieux équipée que nulle autre organisation pour générer, déployer, commander et maintenir de vastes forces dans le cadre de ses opérations multinationales. Aucune autre organisation ne peut faire cela de nos jours. J'espère que vous ne penserez pas que je suis en train de chanter les louanges de l'OTAN. Il fut un temps où j'étais son porte-parole officiel; mais ce n'est plus le cas et il ne m'appartient plus de vanter ses atouts. Je me contentais de signaler un fait.
    Quand les États-Unis n'ont plus été en position de commander l'opération lybienne, à l'époque où il s'agissait d'une coalition, qui comprenait, bien entendu, un rôle important pour le Canada, mais également pour le Royaume-Uni et la France et de nombreux autres pays, il n'y avait plus vers qui se tourner hormis l'OTAN, car aucune autre organisation ou nation ne peut commander, ne serait-ce qu'une opération de taille moyenne comme celle-là. Il n'y a donc qu'une seule bonne adresse au monde pour les grandes opérations multinationales.
    Aujourd'hui, l'OTAN a plus de 150 000 soldats sur le terrain dans une diversité d'opérations. Je sais que vous êtes au courant et savez lesquelles, car Jill Sinclair est passée par ici la semaine dernière. Mais il convient de rappeler que l'Alliance a également une structure politique qui fait partie de la donne. Il ne s'agit pas uniquement d'un outil technique; il y a un conseil politique qui dirige l'opération et il est extrêmement important que les opérations militaires et politiques aillent la main dans la main.
    Qu'est-ce que cela veut dire? Eh bien que, d'après le concept stratégique, nous devons faire davantage pour renforcer la capacité de gestion des crises. Or, qui dit renforcement, dit instruction, divers types de manoeuvres et d'exercices et mise au point des capacités nécessaires au déploiement. Toutes ces questions seront abordées lors du Sommet de Chicago. J'y reviendrai et je suis persuadé que le général Abrial vous en touchera un mot à son tour dans deux ou trois jours.
    En définitive — et cela est également décrit dans le document — il s'agit de parvenir à une coordination plus poussée avec les acteurs civils. Ce que nous avons appris au fil de la dernière décennie, c'est que les opérations militaires ont changé. Auparavant, les choses se passaient presque invariablement de la même manière: une fois le conflit déclenché, nous passions la balle aux militaires, ils accomplissaient leur objectif, retournaient la balle aux civils et il appartenait dès lors à ceux-ci de faire régner la stabilité, avec un peu d'appui au besoin.
    Ce que nous avons constaté en Afghanistan et partout dans le monde, c'est que nous devons désormais pouvoir faire toutes ces choses simultanément. Une mission ne peut réussir sans la participation des acteurs civils et, inversement, les civils — les ONG, les Nations Unies, l'Union européenne — ne peuvent mener à bien leur mission sans nous. Nous sommes donc en train d'approfondir notre engagement structurel auprès de ces parties, des situations pré-conflictuelles jusqu'à la crise proprement dite, en gérant les conflits de près, afin de faire les choses de manière organique; c'est ce que nous appelons une approche exhaustive. D'autres organisations l'appelleront sans doute autrement, mais voilà de quoi il s'agit en principe.
    La deuxième partie du bilan des activités de l'OTAN porte sur le partenariat. Pendant la guerre froide, l'Alliance était essentiellement comme une île. Nous nous occupions de notre propre défense, sans aller voir ailleurs. À présent, comme vous le savez, nous avons 28 pays membres en Afghanistan, mais 22 autres pays sont également là avec nous et il existe une étroite coopération avec les Nations Unies et l'Union européenne. Chris a joué ce rôle au nom des Nations Unies quand il se trouvait là-bas. Nous avons établi un réseau de partenariats avec des pays du monde entier, ce qui va bien au-delà de toutes mes attentes. Je crois que ces nombres sont nettement supérieurs à ce à quoi peut prétendre toute autre organisation — hormis les Nations Unies, bien entendu — car nous avons 40 partenaires qui sont de pays non membres. À une ou deux exceptions près, nous avons conclu des ententes officielles pour les besoins de consultation politique et coopération pratique avec 36 ou 37 de ces pays. Ces ententes sont renouvelées sur une base annuelle. Et nous avons une boîte à outils avec près d'un millier d'activités auxquelles nous nous livrons avec eux chaque année, et qui sont priorisées en fonction de leurs besoins de réforme ou d'interopérabilité, ou encore de formation linguistique. Il s'agit d'un réseau extrêmement complexe qui n'obtient pas toujours la vedette qu'elle mérite.
    Ensuite, et cela figure dans le document, nous avons pris une décision, en nous fondant sur l'Afghanistan, selon laquelle les partenaires qui contribuent à nos opérations se voient confier un rôle structurel au niveau de la gestion, à l'heure d'élaborer le plan et de prendre des décisions en la matière. Ainsi, le jour où les Qatariens ont décidé d'envoyer des renforts pour l'opération lybienne, ils étaient assis à la table, par ordre alphabétique. Je crois qu'ils étaient étonnés — je leur ai parlé par la suite — de constater comment nous discutons, comment des gens quittent la salle en trombe et comment nous ignorons ce que nous allons faire. À leur grande surprise, ils ont vraiment eu un aperçu de première main de la manière dont la politique prend forme au sein de l'OTAN. Mais je crois que l'expérience s'est également avérée très positive pour eux. Ils ont l'occasion de participer à l'élaboration du plan et d'aider à façonner les décisions que les alliés prennent sur la marche à suivre. C'est quelque chose de très important pour les pays qui envoient des troupes.
(1115)
    Nous nous sommes désormais engagés à consulter les partenaires sur une base régulière pour tenter de prévenir les crises. Nous utilisons des moyens adaptatifs pour ces besoins de consultation. Par exemple, lors d'une réunion sur la manière de lutter contre la piraterie, nous avons songé à rassembler autour de la table les pays les plus susceptibles de contribuer pour discuter et décider ensemble comment régler la question. Nous avons suivi une démarche analogue pour les cyberattaques.
    Comme nous ne disposons pas de beaucoup de temps, je me contenterais de mentionner rapidement des partenariats concrets dont vous pourriez peut-être vouloir discuter plus longuement. Tout d'abord, il y a bien sûr la Russie. Vous pourriez trouver un sujet d'intérêt dont vous pourriez discuter. Deuxièmement, nous nous attachons à approfondir nos relations avec les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord dont nombre d'entre eux sont en pleine transition. Nous sommes en communication avec l'Union africaine, la Ligue arabe. Tout cela découle de la décision d'insister sur les partenariats, tel qu'énoncé dans le concept stratégique. Et permettez-moi de vous dire en passant que l'engagement à l'égard de l'expansion de l'OTAN n'a pas diminué, même si le Sommet de Chicago ne porte pas sur la question.
     Une question nous préoccupe, le secrétaire général et moi-même dans mon propre champ de responsabilité: savoir comment maintenir au-delà de 2014 les acquis sur le plan opérationnel et politique attribuables aux partenariats étroits qui, à bien des égards, sont nés du conflit en Afghanistan. Une fois que l'élément moteur qui nous unit aura disparu, comment continuerons-nous à parler et à travailler avec ces partenaires et que ferons-nous pour éviter que les choses ne partent à la dérive? C'est donc là une bonne partie du travail qui nous occupe en ce moment.
    De fil en aiguille, nous passons au troisième aspect, c'est-à-dire à l'avenir. Quels sont les éléments du document qui se tournent vers l'avenir?
    Premièrement, le document décrit les nouvelles menaces et les nouveaux défis, dont la prolifération des missiles. Lors du Sommet à Chicago, nous lancerons la première phase du système de défense antimissile de l'OTAN pour l'Europe. L'initiative se déroulera en quatre phases, et les choses devraient donc être pleinement opérationnelles d'ici 2020, couvrant la totalité du territoire et de la population européenne. Et la motivation pour cela c'est que plus de 30 pays ont des missiles balistiques, ou sont en train de les développer ou de les perfectionner. Nous tenons donc à garantir que nous pourrons composer avec cette nouvelle menace et que la question est en fait en train d'être réglée.
    Deuxièmement, il y a la question des cyberattaques et nous sommes à peine en train de définir le rôle de l'OTAN à ce chapitre. Le concept stratégique limiterait la participation de l'Alliance aux cas où l'on atteint un seuil qui menace la sécurité nationale et où le pays attaqué ne peut régler la situation par ses propres moyens. Je crois que c'est la bonne définition, car cette menace peut présenter toutes ces caractéristiques par définition, mais il se peut aussi que ces seuils ne soient pas atteints et que les pays veuillent s'en occuper par leurs propres moyens.
    Nous venons à peine d'approuver la nouvelle politique de cyberdéfense de l'OTAN. Notre manière de participer avec des pays non membres est une question qui demeure très ouverte. La question de savoir à quels pays non membres nous pouvons divulguer nos systèmes, même parmi les pays qui méritent toute notre confiance, demeure matière à débat au sein de l'Alliance.
    La deuxième partie de cet aspect réside dans les capacités, et je sais que vous avez beaucoup parlé de la question avec Jill la semaine dernière. Face aux compressions actuelles, il importe de rappeler — le Canada et tous les autres pays membres de l'OTAN sont en fait en train de s'y pencher — que l'Alliance compte et continuera à compter un groupe de pays qui représentent 50 p. 100 des dépenses mondiales au chapitre de la défense. Nous avons les gens les plus aptes, les mieux équipés, les mieux armés — à cause de, pour ne pas dire grâce à, l'Afghanistan — et de loin les troupes les plus expérimentées et aptes à l'interopérabilité au monde, non pas seulement entre elles, mais aussi avec les pays non membres. Nos forces sont sans égal, et c'est pourquoi j'estime que nous devrions aborder le débat avec une certaine confiance.
    Mais il est également vrai que les budgets européens de la défense ont rétréci de 45 milliards d'euros depuis les deux dernières années. Les États-Unis viennent d'annoncer des coupures de 450 milliards. Ce chiffre menace de s'avérer encore plus élevé. Nous devons donc veiller à avoir toujours ce qu'il nous faut en 2020.
    Il y a essentiellement deux initiatives qui seront lancées lors du Sommet de Chicago, l'une dite initiative de la défense intelligente et l'autre, initiative d'interconnexion des forces.
    Par défense intelligente on entend veiller à avoir ce dont on a besoin, prioriser les 10 principales capacités de manière à ne pas avoir à tout acheter; acheter ensemble ce que nous ne pouvons plus nous permettre d'acheter séparément, par exemple la surveillance air-sol; et se spécialiser dans les diverses fonctions de sorte que tout le monde ne doive pas tout faire. Les pays Baltes — vous en avez parlé la semaine dernière — assurent la surveillance aérienne. Ils ne peuvent pas se permettre des aéronefs, mais ils jouent des rôles très importants en Afghanistan.
    Ceux d'entre vous qui avez voyagé avec moi ont eu l'occasion de visiter l'équipe de reconstruction provinciale de la Lituanie à Chaghcharan. L'équipe fait un excellent travail. Je crois qu'ils en sont à 4 000 mètres.
    Chris, corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que c'est plus ou moins cela.
(1120)
    L'altitude la plus élevée dans leur pays est de 352 mètres, alors les Lituaniens ne sont pas nécessairement dans leur sauce, mais ils font un excellent travail.
    Ainsi, tout le monde fait ce qu'il peut.
    L'initiative d'interconnexion des forces, c'est quand on a tout ce qu'il faut mais qu'on doit demander comment fonctionne le tout. C'est une question d'interopérabilité, de normalisation, d'instruction conjointe et de concertation avec les partenaires.
    Telles sont les deux initiatives que vous verrez lancer à Chicago et qui découlent du concept stratégique. Mais c'est le général Abrial qui s'occupe de tout cela. Je ne veux pas trop m'étendre, car c'est à lui qu'il appartient de le faire.
    Le dernier point est celui de la réforme. Le quartier général de l'OTAN n' a pas échappé au besoin de réforme, alors nous sommes également en train de rationaliser nos quartiers civils et militaires de fond en comble. Nous coupons du personnel, nous coupons les budgets dans notre propre quartier général, et nous avons créé une nouvelle division portant sur les nouveaux défis et menaces. Mais toute notre structure de commandement a été rationalisée de fond en comble. Le nombre d'organismes qui relèvent de nous est passé de 14 à 3.
    Au sein de l'OTAN, nous assistons à une mobilisation massive en vue de redéfinir les priorités et nous débarrasser de la graisse superflue, si vous voulez, afin de pouvoir investir dans la musculature. Je ne pense pas quant à moi que l'OTAN faisait de l'embonpoint, et dans certains cas il me semble que nous coupons dans les muscles, car nous n'avons pas beaucoup d'argent. Mais quoi qu'il en soit, nous protégeons l'ossature.
    J'ai un peu dépassé mon temps, alors je crois que je m'arrêterai. Je vous ai donné un aperçu général du concept. Je serai heureux de répondre à vos questions. Je suis à votre disposition.
    Merci, monsieur Appathurai.
     Si j'ai bien compris quand vous parlez du « document », vous faites allusion au concept stratégique intitulé « Un engagement actif, une défense moderne », n'est-ce pas?
    Oui.
    Parfait. Je voulais juste le préciser afin que tout le monde soit sur la même longueur d'onde ici.
    Aussi, j'ai oublié de mentionner qu'en ce mois de mai, vous fêtez 14 ans de service à l'OTAN. Félicitations.
    Avant cela, M. Appathurai a travaillé à Radio-Canada, puis au ministère de la Défense nationale.
    Bienvenu au pays. C'est formidable de vous avoir ici et j'apprécie vraiment vos propos liminaires.
    Sur ce, nous allons passer à une série de questions pendant sept minutes.
    Pour démarrer, monsieur Harris, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Appathurai, vous dites que vous ne parlez plus pour l'OTAN. Je ne comprends pas cela. Avez-vous changé d'emploi?
    Non. J'étais le porte-parole officiel de l'OTAN. Je parle toujours su nom de l'Alliance, mais dans un rôle différent, et non pas aux médias; c'est ce que je voulais dire.
    J'étais juste curieux. Je croyais avoir raté quelque chose.
    Qui dit OTAN, dit paix, stabilité et sécurité — la sécurité, bien entendu, étant le moyen d'assurer les deux autres aspects, c'est-à-dire la paix et la stabilité. Parmi les pays membres, je crois que la seule existence de l'OTAN, le fait de maintenir la défense mutuelle mais aussi la stabilité parmi tous les 28 pays membres, sont des choses très importantes.
    Est-ce là une des raisons pour lesquelles on augmente le nombre de membres: pour étendre les régions où peut régner la stabilité dans le monde? Dans ce contexte, je suppose que la Russie serait un partenaire important.
(1125)
    Vous avez absolument raison de dire que la motivation principale de l'acceptation de nouveaux membres réside dans la volonté de stabiliser la région.
    À mon avis, c'est le processus qui compte, tout autant que le fait d'accepter l'adhésion des pays. Avant de pouvoir devenir membres, les pays doivent satisfaire un certain nombre de normes, et ils travaillent très dur pour y arriver. Ces normes sont un complément idéal à celles que préconise l'Union européenne. Quant à nous, nous insistons pour que les pays n'aient pas de différend avec les pays voisins; qu'il y ait un contrôle démocratique adéquat du secteur militaire; des systèmes transparents et l'interopérabilité des forces, de sorte que ces pays puissent faire une contribution réelle lorsqu'ils adhèrent à l'Alliance.
    Nous insistons énormément pour que ces pays aient des principes analogues aux nôtres en termes de leurs systèmes internes et de leurs relations avec les pays voisins avant de les laisser franchir notre porte d'entrée.
    Puis-je évoquer l'exemple de la Lybie pour illustrer certains problèmes qu'il peut y avoir à faire appel à l'OTAN?
    Nous avions une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. Peu après l'établissement de la mission et en réponse à la résolution du Conseil de sécurité, il est apparu que les États-Unis ou quelqu'un d'autre devait prendre le commandement et assurer le contrôle des installations. L'OTAN a consenti à assumer ce rôle. Mais ensuite, elle a commencé à établir ses propres objectifs. Nous avions des membres individuels de l'OTAN, certains ministres de la Défense de divers États — je ferai abstraction de leurs noms, mais le Royaume-Uni me vient à l'esprit — qui parlaient de ce qui se résumait à mon avis à un changement d'orientation, soit un rôle différent de celui que le Conseil de sécurité avait établi.
    Aux dernières nouvelles la semaine dernière, le Canada serait en route pour la Lybie malgré le cessez-le-feu que le Conseil de sécurité avait demandé avec instance, encourageant les hostilités.
    Qu'arrive-t-il donc une fois que l'OTAN intervient?
    Nous avons eu un certain nombre de séances d'information ici une fois que la mission a débuté. Nous avons constaté que l'OTAN adoptait un rôle apparemment différent, voire un changement d'orientation, une incertitude à l'égard des objectifs, sans parler des critiques de la Russie, par exemple, qui, craignant de se faire leurrer, s'était abstenue au sein du Conseil de sécurité. Elle pensait que nous tentions en réalité de nous écarter des dispositions de la résolution du Conseil de sécurité, et que le but réel était un changement de régime.
    J'ai deux questions à vous poser.
    Premièrement, si l'OTAN doit jouer un certain rôle, en raison de sa structure de commandement et de sa capacité, comment peut-on veiller à ne pas perdre le contrôle?
    Je vous remercie de votre réflexion.
    Premièrement, ces questions sont assez récurrentes, certes, et les Russes, particulièrement, ont tendance à manifester leurs inquiétudes sans ambages. Or, de notre point de vue, nous nous en tenions rigoureusement au mandat qui nous avait été confié. Comme vous ne l'ignorez point, ce mandat comportait trois parties: l'embargo sur les armes, la zone d'exclusion aérienne et la protection civile.
    Je puis vous assurer que tous les participants à l'opération, mais également tous les alliés de l'OTAN, même ceux qui n'avaient pas envoyé des forces, surveillent de près la manière dont l'opération se déroule. Nos alliés sont des partisans inconditionnels des Nations Unies. Ils y croient fermement, sans exception, et ne feraient jamais quoi que ce soit — et n'ont jamais fait quoi que ce soit, à mon avis, à une petite exception près — d'étranger à ce cadre de travail. Mais l'exception dont je parlais n'était pas la Lybie.
    Du point de vue des alliés et des gouvernements de l'OTAN, le mandat était respecté. Beaucoup d'entre eux se trouvaient autour de la table. Nous avions également d'autres partenaires: des pays européens non membres de l'OTAN ainsi que des pays arabes. Eux aussi estimaient que tout se passait conformément au mandat. Soit dit en passant, le secrétaire général des Nations Unies en a clairement dit la même chose dans ses déclarations publiques. Enfin, une commission d'enquête internationale sur la Lybie a conclu que l'OTAN avait été fidèle à son mandat. Avec un soutien aussi massif, j'estime qu'il n'y a pas l'ombre d'un doute qu'il en était ainsi.
    J'irais même plus loin et je dirais que l'opération n'aurait pas pu avoir lieu sans l'OTAN. Lors de la période de transition, où l'on est passé d'une coalition de pays agissant pour une même cause à une opération de l'OTAN, certains alliés ont évoqué des motifs juridiques et politiques internes pour affirmer qu'ils ne pourraient pas contribuer si l'Alliance n'en faisait pas autant. Nos partenaires ont fait la même affirmation — non pas tous, mais par exemple, il y a eu les Suédois, qui ont exprimé la chose très clairement lors de leurs propres débats parlementaires.
    Ainsi, selon nous, premièrement les choses se sont passées conformément au mandat et deuxièmement, la mission n'aurait pas pu avoir lieu sans nous.
(1130)
    Permettez-moi de faire brièvement allusion à la défense intelligente, qui semble porter sur la spécialisation et définir votre contribution. Une fois de plus, en citant l'exemple de la Lybie, le Canada a contribué des escorteurs rapides en Méditerranée, des chasseurs à réaction, une surveillance côtière air-sol au moyen des aéronefs Arcturus, en plus d'assurer le transport aérien stratégique.
    Tout cela ne me semble pas constituer des services spécialisés. S'agit-il de faire en sorte que les gens définissent leurs rôles à l'avance ou allons-nous avoir ce genre d'improvisation? Évidemment, chaque mission est différente, mais ne devrait-on pas au moins se faire une idée des choses avant et pendant une période d'inaction où les gens discutent de la nature de leur contribution?
    Merci.
    C'est une question très importante, et je vous suggère de la poser au général Abrial.
    En règle générale, la spécialisation ne veut pas dire que tel ou tel pays doit entièrement renoncer à tous les autres rôles. Il nous faut tout de même disposer de tout l'éventail de capacités. Les pays les mieux dotés, les mieux nantis, ceux qui ont une capacité plus expéditionnaire continueront à avoir toute une gamme de capacités, pour ne pas dire la gamme complète.
    Cela est toujours nécessaire, mais il y a des pays qui ont des budgets moins pourvus au chapitre de la défense ou un savoir-faire particulier qui déterminent leur manière d'investir. Par exemple, les Tchèques sont exceptionnellement dotés en chimie, biologie et défense radiologique, alors ils sont toujours en demande chaque fois que ces genres d'armes peuvent être nécessaires. Tout le monde cherche à obtenir leur aide, car ils sont les plus chevronnés dans ce champ ou ils se classent tout au moins parmi les meilleurs.
    Ce genre de chose, le fait de se spécialiser dans un champ plus que dans un autre et peut-être un peu moins en quelque chose qui est déjà offert en abondance, c'est la voie qu'on est en train d'emprunter avec l'idée de la spécialisation, à ce qu'il me semble. Mais il nous faut toujours disposer de tout l'éventail des capacités nécessaires.
    Le cas de la Lybie est intéressant, mais j'estime qu'il est toujours important de voir ce qui se passe ailleurs, même sous le commandement de l'OTAN. Pendant que nous étions en Lybie, nous étions également en train de déployer des forces d'appoint au Kosovo, où l'agitation politique n'a pas fini de se dissiper; nous avions 130 000 soldats en Afghanistan, dotés des capacités très précises nécessaires dans ce pays; ainsi que des navires au large de la côte de Somalie, avec tout ce qui était requis là-bas.
    Nous avons besoin de beaucoup de ressources dans beaucoup d'endroits. Dans une conjoncture où les compressions budgétaires sont à l'ordre du jour, il nous faut voir à ce que certains pays investissent davantage dans tel ou tel domaine.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Passons maintenant à Mme Gallant. Vous avez la parole, madame.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Appathurai, compte tenu de votre expérience à l'OTAN, que pouvez-vous nous dire à propos du document du concept stratégique?
    L'aperçu que je vous ai donné décrivait les éléments essentiels du document, les plus importants à mon sens. Il s'agit d'un document qui doit demeurer valable pendant au moins 10 ans, et il est donc de nature plutôt générale. Ce que j'aime de ce document c'est que n'importe qui peut le lire, et c'était là justement le but. Je crois justement que c'est cet aspect convivial qui a incité les dirigeants politiques à y souscrire — je crois qu'ils l'ont même lu — et beaucoup de choses ont découlé de cela. C'est un point de référence constant.
    Comme je vous ai dit, il doit durer 10 ans et le Sommet de Chicago doit s'en inspirer à profusion.
    Y aurait-il quelque chose de plus concret —?
    Comment a-t-il été confectionné?
    Ce document a été élaboré d'une manière un peu différente de celle de documents antérieurs. Auparavant, ces documents passaient par ce que l'on pourrait appeler un processus de négociation conventionnel. Ceux d'entre vous qui avez été diplomates avez eu le plaisir de vivre ce genre de processus. En somme, des démarches à n'en plus finir qui aboutissent le plus souvent à quelque chose de difficile à comprendre.
    Dans le cas qui nous occupe, le secrétaire général a personnellement pris sur lui de rédiger et d'élaborer le document. Il a travaillé à un niveau très élevé et on n'a pas suivi la procédure habituelle. Il a travaillé directement avec les ambassadeurs, et ensuite avec les chefs d'État et de gouvernement directement, avec le concours d'une petite équipe de soutien. C'est pourquoi j'estime que c'est un document de qualité supérieure.
    Quel rôle le Canada a-t-il joué dans son élaboration?
    Le Canada a joué un rôle extrêmement important. Un petit groupe a été constitué avant la rédaction du concept stratégique pour esquisser le cadre de travail ou une première ébauche et certainement, pour examiner tous les enjeux. Le Canada avait un représentant parmi cette équipe. Ensuite, l'ébauche nous a été présentée pour étude.
    Ce ne sont pas tous les pays de l'OTAN qui ont été représentés au niveau de l'élaboration, mais le secrétaire général a demandé au Canada de contribuer. Je peux vous dire que d'autres pays ont affirmé « Eh bien, les Américains sont là de toute façon, alors pourquoi avons-nous besoin des Canadiens? » Il a délibérément fait ce choix parce qu'il savait parfaitement que cette voix devait être entendue.
    Une fois le document rédigé, le Canada a joué un rôle identique à ceux de tous les autres pays.
(1135)
    Vous avez parlé un peu plus tôt de la manière dont nous tirons le meilleur parti des divers créneaux ou domaines de spécialisation de divers pays. Qu'est-ce qui est perçu comme le champ de spécialisation du Canada?
    Je vais vous donner mon opinion personnelle, et je tiens à ce qu'elle demeure personnelle. Je ne crois pas que le Canada soit un des pays vers lequel l'Alliance se tournera pour lui confier un rôle comme celui des Tchèques qui se spécialisent dans un domaine précis. En raison de son histoire et de sa géographie, le Canada a toujours présenté un très vaste éventail de capacités. Il en sera toujours ainsi du moment que nous avons de vastes étendues d'eau, d'un grand espace aérien et un énorme territoire à protéger.
    Ce pays a toujours regroupé des forces pour des opérations expéditionnaires, et nous pouvons donc nous y prendre mieux que ne le peuvent certains pays d'adhésion plus récente, qui ont dû consacrer leurs forces à défendre leur territoire, qui n'ont pas accès à la mer, parmi d'autres inconvénients.
    Toutes ces raisons, l'ample éventail de capacités, que votre collègue vient de décrire, sont en fait un atout du Canada et l'OTAN ne demande qu'à miser dessus.
    Je constate que vous êtes représentant spécial pour la région du Caucase et d'Asie centrale. Si la République de Géorgie devenait membre de l'OTAN, faudrait-il compter davantage de partisans ou de détracteurs du concept stratégique par rapport à l'intérêt qu'il suscite en ce moment?
    Les alliés de l'OTAN ont été très clairs, car en même temps qu'ils s'accordaient sur le concept stratégique, ils convenaient d'accepter un communiqué reformulant la décision de Bucarest et ouvrir la porte à la Géorgie. Il n'y avait pas de réserve à cela, si ce n'est qu'il fallait que ce pays réponde aux normes de l'Alliance. C'est à cela qu'il travaille en ce moment.
    J'estime qu'il n'y a pas d'ambiguïté entre ces deux concepts. Bien entendu, la Géorgie doit satisfaire ces normes. Il ne faut pas être naïf. La Russie contemple le processus d'un oeil inquiet et ses relations avec nous jouent constamment autour de cette pomme de discorde qu'incarne la question de la Géorgie. C'est l'un des très rares principes — voire le seul — où l'OTAN et la Russie sont réellement, constamment et systématiquement en désaccord. La Russie ne veut pas assister à l'adhésion de la Géorgie. Nous affirmons quant à nous qu'il s'agit d'une démocratie et que les normes sont respectées. La Géorgie est une démocratie, elle a le droit d'adhérer à l'Alliance et elle a décidé de le faire.
    Je ne peux pas dire que cela ne complique pas les choses. C'est une complication. Toute démarche de la Géorgie pour tenter de s'approcher de l'OTAN revêt une importance politique réelle pour tous en raison de la manière dont la Russie pourrait réagir. Le point principal demeure ferme et je suis assez convaincu qu'il sera réaffirmé lors du Sommet de Chicago.
    Ainsi, rien n'a avancé et la Géorgie n'est pas passée de la désignation de pays candidat au niveau suivant.
    Il n'y a eu ni avancée, ni repli, aucun mouvement ni vers le bas, ni vers le haut. Mais grâce à ses réformes, le pays s'est approché davantage de l'OTAN. Le secrétaire général a fait cette déclaration comme un énoncé de principe clair. Toutefois la décision finale d'admettre le pays a déjà été prise. Aucun pays n'a été confronté à ce problème auparavant. La Géorgie est le seul pays dans l'histoire de l'OTAN à avoir reçu la promesse qu'il serait admis.
    Quelles sont les implications futures pour le Canada à l'issue du document du concept stratégique 2010 de Lisbonne? Est-ce que cela change la manière dont le Canada aborde les missions dirigées par l'OTAN tel l'Afghanistan ou la Lybie?
    Je crois qu'il s'agirait davantage de poser cette question au gouvernement canadien qu'à moi. Le Canada a toujours été — et je ne dis pas cela parce que je suis Canadien ou un fonctionnaire international — un membre actif et inconditionnel de l'OTAN. Il en a toujours été ainsi, il y a deux ans, trois ans, n'importe, et cela ne changera pas de sitôt.
    Je ne vois pas nécessairement que le document ait joué d'une manière ou d'une autre sur l'engagement du pays. Le Canada est un pays qui tient ses promesses.
(1140)
    Merci. Le temps est écoulé.
    Monsieur McKay, à vous la dernière question de la série de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de vous être déplacé ce matin.
    J'ai lu un livre sur les relations entre l'Occident et le Moyen-Orient, qu'on appelait alors l'Orient. Je ne vais pas vous donner le titre ni l'auteur parce que c'est un livre extrêmement ennuyeux et je ne voudrais pas qu'on dise que je nuis à ses ventes. L'un des chapitres porte sur l'invasion de l'Égypte par Napoléon. Ce qui m'a frappé dans ce chapitre, c'est à quel point Napoléon s'était préparé avant de lancer cette opération. La préparation militaire était évidemment exhaustive, mais l'une des choses que ses gens et lui ont faite, et qui a selon moi été déterminante pour le succès de l'invasion — même après que les Britanniques l'eurent chassé et qu'ils se furent installés — a été de tenter de comprendre les musulmans et l'islam, de comprendre leur façon de penser.
    Dans tous les conflits que nous pouvons envisager pour l'avenir proche, le facteur islamique est présent d'une façon ou d'une autre. Pratiquement tous les pays qui figurent sur la liste sont des pays musulmans.
    Que pouvez-vous nous dire au sujet des efforts de l'OTAN en ce qui a trait à l'islam en général et à propos des thèmes et des schismes qui caractérisent la culture et la religion musulmane; le sunnisme, le chiisme et toutes ces choses? Si Napoléon les avait comprises il y a 200 ans, nous devrions certainement les comprendre aujourd'hui. Que pouvez-vous nous dire au sujet du travail de l'OTAN à cet égard?
    C'est une question extrêmement pertinente. Nous discutons beaucoup de ce sujet.
    Il faut d'abord souligner qu'un des principaux atouts de l'OTAN réside dans la grande puissance et l'importante participation de la Turquie. Elle joue plusieurs rôles au sein de l'organisation. L'un d'eux consiste évidemment à nous instruire sur les sujets auxquels vous faites allusion. J'estime, et je peux même l'affirmer de façon officielle, que les connaissances de l'OTAN au sujet du monde arabe en particulier et du monde musulman au sens plus large sont loin d'être aussi approfondies qu'elles devraient l'être.
    Je dispose d'une équipe efficace et expérimentée de — je ne peux pas dire de Canado-Arabes — d'Otaniens-Arabes, d'Arabes, de natifs de pays de l'OTAN qui viennent aussi de pays arabes et qui travaillent sur des dossiers concernant le Moyen-Orient et le Nord de l'Afrique. Sans eux, nous serions un peu déboussolés.
    La Turquie nous apporte de nombreuses connaissances et elle joue un rôle clé dans les relations avec les pays de ces régions.
    Tant au sens propre que figuré?
    Tant au sens propre que figuré. Comme vous le savez certainement, aux yeux de l'Afghanistan, du Pakistan ou même de l'ensemble du monde arabe, la Turquie est de plus en plus perçue comme différente. Cette image la caractérise plus que jamais.
    Quand le premier ministre Erdogan se rend dans le monde arabe, des dizaines de milliers de personnes l'acclament dans les rues; c'est nouveau. Grâce à la Turquie, nous pouvons entrer en contact avec cette région avec une aisance naturelle, mais nous devons continuer à déployer des efforts en ce qui a trait aux connaissances spécialisées et générales et à la compréhension.
    Le monde arabe n'est pas monolithique. Vous citez l'exemple parfait quand vous parlez d'une des principales divisions, celle entre le chiisme et le sunnisme. Le poste que j'occupe en ce moment m'amène très souvent à travailler dans le monde arabe et j'apprends sans arrêt.
    Qui plus est, beaucoup de pays membres de l'OTAN, dont la France et le Royaume-Uni, entretiennent depuis longtemps de relations avec le monde arabe.
    Mais il s'agit de divers types de relations; coloniales, notamment, et c'est un gros problème.
(1145)
    Cela peut parfois poser problème, mais ça vient aussi avec des décennies, voire plus d'un siècle, de connaissance de ces peuples. Il y a un type au ministère des Affaires étrangères du Royaume-Uni, un ami à moi, qui porte le titre officiel d'« arabologue en chef ». On le nomme ainsi parce qu'il sait tout et est allé partout. Ils accordent beaucoup d'attention à cela.
    C'est encourageant d'apprendre que l'OTAN a pris connaissance de cette question et qu'elle s'y attarde, puisque je crois que, dans un avenir relativement rapproché, ces conflits...
    Les divers niveaux de communication des renseignements lors du conflit en Libye semblent en être un exemple. Il y avait les renseignements que les États-Unis semblaient vouloir garder pour eux, les renseignements qu'ils ne communiquaient qu'à quelques-uns de leurs bons amis et les renseignements à peine plus poussés que ce que l'on pouvait obtenir sur al Jazira.
    Étant donné que les renseignements sont indispensables à la conduite d'une opération, comment l'OTAN compte-t-elle traiter avec les différentes capacités de les communiquer?
    Voilà encore une excellente question. En fait, le secrétaire général a, lui aussi, soulevé cette question et a amené le renseignement au sein de l'OTAN. Je vous encourage à demander qu'on vous renseigne sur le sujet, peut-être dans un contexte moins formel et plus fermé que celui-ci. Il a créé à l'intérieur de l'OTAN une capacité de fusion qui a été très bénéfique pour le travail de l'unité de renseignements et très favorable au partage de renseignements entre les alliés. Vous avez tout à fait raison quand vous dites que la communication des renseignements se fait en fonction de différents cercles de confiance plus ou moins inclusifs; c'est bel et bien ainsi. Cette façon de faire peut être améliorée.
    L'OTAN dispose d'un centre de renseignements qui collabore avec les services nationaux reconnus. Ceux-ci répondent à certaines normes, ont accès à certains renseignements. Nous essayons d'établir des normes objectives. Cela fait partie du processus d'adhésion. Les pays doivent répondre aux normes de base pour adhérer, mais nous pouvons ensuite travailler avec eux pour voir s'ils peuvent faire encore mieux. C'est un aspect très délicat, surtout lorsqu'il est question de renseignements pouvant mener à des actions.
    Merci.
    L'hon. John McKay: Y a-t-il...
    Le président: Votre temps est écoulé.
    Oh. Je voulais aborder un dernier sujet très, très délicat.
    Si vous respectez la procédure, peut-être que aurons-nous le temps de faire un troisième et dernier tour et vous aurez alors droit à cinq autres minutes.
    Nous allons poursuivre avec M. Trottier.
    C'est vous qui allez inaugurer la série de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Appathurai, d'être venu ici aujourd'hui et merci pour l'exposé que vous venez de nous donner.
    J'aimerais vous poser quelques questions sur l'interopérabilité. Il en est souvent question dans les discussions que nous avons au Parlement. Il en est aussi beaucoup question dans les nouvelles. Je voudrais simplement savoir si le concept stratégique comporte des dispositions qui visent explicitement l'interopérabilité du point de vue de la force, de l'équipement, des communications ainsi que des renseignements dont parlait M. McKay.
    Pouvez-vous nous expliquer ce qui s'y trouve et nous dire et quelle est l'approche de l'OTAN en ce qui a trait à l'interopérabilité, s'il vous plaît?
    D'abord, oui, il en est question dans le concept stratégique. Je pourrais vous trouver la page, mais ça se trouve essentiellement dans les deux chapitres qui traitent de la première mission essentielle, la défense collective, et encore plus de la seconde mission essentielle, la gestion de crises.
    Je tiens cependant à attirer votre attention sur l'initiative d'interconnexion des forces, à propos de laquelle je vous suggère de vous adresser directement au général Abrial, puisqu'elle constitue les nouvelles lignes directrices que nous utiliserons pour promouvoir l'interopérabilité.
    Cela étant, vous avez tout à fait raison. J'ai été très impressionné lors de l'intervention en Libye parce qu'on a pu voir à quel point l'OTAN... Que l'OTAN est non seulement prête à intervenir, mais que nous avons décidé que... un certain nombre de partenaires souhaitaient contribuer — la Suède et le Qatar, par exemple — et ils étaient prêts à intervenir. Le lendemain, les forces suédoises volaient en formation avec nous.
    Je ne vais pas vous embêter avec les acronymes, mais nous disposons d'un système par lequel les pays partenaires choisissent des forces et les signalent en vue de les mettre à contribution lors d'opérations de l'OTAN, et de constituer notre état-major. Elles doivent répondre à des normes élevées; on envoie donc des gens les évaluer pour leur attribuer une certification de haut niveau. Lorsqu'elles sont de haut niveau deux, elles sont pratiquement en mesure d'opérer entièrement avec les nôtres. Leurs radios sont compatibles avec les nôtres, comme leurs systèmes informatiques, et nous utilisons des munitions de même calibre. Elles sont simplement prêtes à participer.
    L'initiative d'interconnexion des forces va nous permettre d'aller encore plus loin et faire en sorte que nos forces, et celles de nos partenaires, dans la mesure où nous le pourrons, subiront plus d'entraînements et participeront à plus d'exercices. On verra notamment agir la Force de réaction de l'OTAN. J'ignore si vous en avez entendu parler, c'est une force de réaction qui regroupe les meilleures forces de tous les alliés de l'OTAN. Elle va commencer à s'entraîner plus régulièrement, sur le terrain. Dans leur engagement à veiller sur la sécurité de l'Europe, les États-Unis y ont assigné une brigade qui va participer de façon régulière. Il s'agit là d'un engagement très important.
    L'objectif précis de ces exercices sera...
(1150)
    Vous parlez beaucoup des forces. Qu'en est-il de l'équipement? Quels genres d'exigences pourraient s'appliquer à l'interopérabilité du Canada en ce qui a trait à son importante contribution matérielle?
    C'est vraiment une question qu'il faudrait poser au général Abrial. Je ne veux pas trop m'avancer. Cela relève davantage des opérations militaires, à mon avis.
    D'accord. Je comprends.
    Pour changer un peu de sujet, lorsque l'OTAN a été créée après la Seconde Guerre mondiale, l'idée de base était évidemment d'assurer la sécurité collective. Cependant, ses récentes missions sont plutôt axées sur la responsabilité de protéger. On pense notamment au Kosovo ou à la Libye, dans une plus grande mesure.
    Est-il explicitement écrit dans le concept stratégique que la responsabilité de protéger prend le pas sur la sécurité collective, par exemple? Et qu'est-ce que cela signifie quant aux interventions futures de l'OTAN? Quelles sont les balises de la responsabilité de protéger?
    C'est une question intéressante. Je ne crois pas que le concept stratégique mentionne explicitement la responsabilité de protéger. De ce que je me souviens des débats qui ont entouré la rédaction de ce document, il n'en a pas été beaucoup question.
    La mission de l'OTAN consiste essentiellement à défendre les intérêts et la sécurité de ses membres lorsqu'ils sont menacés. L'opération menée au Kosovo était grandement justifiée par le fait que cette région située tout près des frontières de l'OTAN était à feu et à sang. Les réfugiés allaient dans toutes les directions et le risque de propagation était très élevé. L'opération en Afghanistan, même si elle n'était pas une riposte formelle aux attentats du 11 septembre, a bel et bien été menée parce que nous croyions, et les alliés croyaient, que l'Afghanistan posait une menace pour tout le monde.
    Je ne crois pas que la protection des civils était le motif principal de l'opération en Afghanistan. Elle en a fait beaucoup partie, mais la raison première était de s'assurer que l'Afghanistan ne puisse pas servir de refuge aux auteurs d'une attaque terroriste menée contre nous ou n'importe qui d'autre.
    Il est vrai que le cas de la Libye est un peu différent, mais ça revient à ce que je disais plus tôt. Je crois que dans le cas de la Libye nos intérêts en matière de sécurité étaient menacés. Personnellement, je crois que l'OTAN s'est surtout chargée d'intervenir en Libye parce que c'était le seul moyen de remplir le mandat de l'ONU. La responsabilité de protéger n'y était pour rien.
    M. Bernard Trottier: D'accord. Merci.
    Maintenant...
    Le président: Monsieur Trottier, votre temps est écoulé.
    M. Bernard Trottier: Merci beaucoup.
    C'est vite passé, cinq minutes, quand on s'amuse.
    Nous passons maintenant à Mme Moore.

[Français]

    Madame Moore, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
     J'aimerais vous poser quelques questions sur la collaboration des divers alliés en matière de sécurité. On parle de contribuer activement au contrôle et à la non-prolifération des armes ainsi qu'au désarmement. J'aimerais savoir comment on va s'y prendre, quel est le plan à ce sujet.
    Le document comprend un chapitre sur le contrôle des armes et le désarmement. Un grand nombre d'alliés sont fortement convaincus qu'ils devraient jouer ce rôle ou que l'OTAN devrait le faire. Évidemment, le mandat de l'OTAN visant à contribuer au contrôle des armes est une chose, mais la diminution des armes en est une autre.
    D'abord, précisons que nous avons réduit de plus de 90 p. 100 la quantité d'armes nucléaires en Europe depuis la guerre froide. L'OTAN a déjà beaucoup contribué à cette diminution. Elle joue également un rôle consistant à faciliter et soutenir ce qu'on appelle le Traité des forces conventionnelles en Europe. Ce dernier contrôle les niveaux, le mouvement et la transparence des armes en Europe. En ce moment, ce traité connaît des problèmes, mais quoi qu'il en soit, l'OTAN est une organisation clé à cet égard.
    Finalement, dans le cadre des opérations, l'OTAN a joué sur le terrain un rôle essentiel en retirant les armes des combattants pour les mettre sous clé et les détruire. Elle l'a fait dans les Balkans et en Afghanistan, mais ne le fait pas en Libye. L'OTAN pourrait jouer ce rôle en Libye, mais celle-ci n'en a pas fait la demande. L'ONU, qui est chargée de surveiller tout ce processus, ne l'a pas fait non plus, d'ailleurs. L'OTAN joue donc un rôle à l'intérieur de tous ces cadres que j'ai mentionnés, mais disons qu'il n'est pas central.
(1155)
    Est-ce que l'OTAN va peu à peu jouer un rôle un peu plus politique et beaucoup moins interventionniste? Autrement dit, va-t-elle essayer le plus possible de favoriser des actions plus politiques pour empêcher les conflits et les interventions, notamment?
    C'est une très bonne question. Dans le cadre du document, ce concept stratégique donne pour la première fois à l'OTAN un rôle dans ce qu'on appelle en anglais les phases pre-crisis et post-crisis, précisément pour éviter des conflits.
    Nous avons un peu joué ce rôle dans le passé. Je peux vous donner l'exemple de la Macédoine, où il y a eu un conflit il y a quelques années. Cependant, j'avoue ne pas pouvoir encore envisager la mise en oeuvre de ce chapitre. On discute de la façon dont l'OTAN pourrait jouer un rôle accru quant à la prévention des conflits; on en a débattu la semaine passée, mais à ce jour, ça demeure une question ouverte. En ce qui concerne ce document, je ne peux pas dire que l'OTAN a défini clairement son rôle en matière de prévention des conflits.
    Existe-t-il une collaboration avec l'ONU relativement à cette question?
    C'est précisément ce dont nous discutons. Je crois que nous avons davantage joué ce rôle de concert avec l'Union européenne, en particulier. Ce partenariat s'est amenuisé à cause de problèmes externes, mais je pense que l'OTAN pourrait très bien jouer ce rôle. Elle a le potentiel nécessaire. À ce jour, ça demeure néanmoins une question ouverte, à laquelle on donne des réponses floues. J'aimerais vous fournir une meilleure réponse. Pour ma part, je pense qu'on devrait jouer ce rôle, mais on ne trouve pas la base qu'il faudrait pour vraiment le mettre en application.
    Pour ce qui est du concept de défense intelligente et de réorganisation, on voit que les capacités financières de divers pays diminuent de plus en plus. L'application d'un concept comme la défense intelligente demanderait probablement une mise en commun des capacités, une réduction des commandements opérationnels ainsi que des recours plus politiques que militaires. Il serait peut-être alors possible d'envisager un travail tout aussi efficace, mais qui nécessiterait moins d'argent.
    C'est la question clé de la défense intelligente. Comme je l'ai dit précédemment, nos budgets militaires sont quand même assez substantiels. Les États-Unis, l'Europe et le Canada forment un groupe de pays qui dépense 50 p. 100 de tout ce qui est dépensé dans le monde pour la défense militaire. Il y a donc assez d'argent investi, même si on pourrait le faire de façon plus efficace.
    Par contre, si on ne travaille pas de façon coordonnée entre alliés, si on ne discute pas avec ses partenaires de ce qu'ils vont faire avant qu'ils le fassent et s'il n'y a pas de coordination en ce qui a trait à l'achat d'équipement essentiel, il est fort possible que l'équipe ait trop de certaines capacités et pas assez d'autres.
    C'est précisément ce que le secrétaire général cherche à promouvoir, avec ce qu'il appelle la défense intelligente.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Chisu, c'est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup d'être venu nous voir aujourd'hui.
    J'ai une question au sujet d'une région que je connais très bien, l'Europe de l'Est, et je dirais, dans ce contexte, qu'il y a toujours eu des tensions entre l'OTAN et la Russie, mais que, ces dernières années, des efforts ont été faits pour détendre les relations entre ces deux entités.
    Est-ce que le concept stratégique traite du besoin d'améliorer les relations avec la Russie, surtout au sujet du désarmement nucléaire? De plus, il y a des soldats russes dans des pays qui ne souhaitent pas cette présence, et ceux-ci sont à proximité des frontières de l'OTAN. Alors même si l'on a demandé à la Russie de retirer ses troupes lors d'une conférence à Istanbul, j'ignore si le dossier a fait l'objet de quelque suivi que ce soit.
(1200)
    Deux paragraphes du concept stratégique portent sur la Russie. Ils stipulent clairement que nous souhaitons approfondir notre partenariat stratégique avec la Russie et que nous nous engageons à agir en ce sens.
    Nous avons un conseil OTAN-Russie où la Russie siège à titre égal. Toutes les questions concernant l'OTAN et la Russie sont réglées avec le consentement de la Russie. Nous avons également une infrastructure, un partenariat et tout un ensemble d'activités coopératives en vigueur avec la Russie, notamment à propos de l'Afghanistan, et ils sont très exhaustifs. Il existe donc des bases solides.
    En revanche, la défense antimissile les dérange beaucoup et nous cherchons un moyen de les rassurer qui les satisferait et favoriserait la collaboration entre notre système et le leur. Une conférence sur la défense antimissile doit avoir lieu en Russie en ce moment ou dans quelques jours. Je crois que vous allez en trouver le propos très intéressant puisqu'il s'agira de la perception russe de la défense antimissile de l'OTAN.
    Bref, il y a beaucoup de potentiel. Je crois que la collaboration en matière de défense antimissile nous permettrait de nous voir autrement, parce que pour la première fois, l'OTAN et la Russie défendraient ensemble le territoire européen au lieu de se trouver face à face comme c'est le cas en ce moment. Mais je crois également qu'on peut dire qu'il y a un gros manque à gagner au chapitre de la confiance. Cet aspect se fait sentir dans toutes nos relations. La confiance fait souvent défaut. Le président Poutine a fait des déclarations très dures à l'égard de l'OTAN depuis sa victoire aux élections, alors je crois que les quelques années à venir seront très intéressantes.
    Je crois que nous devons accorder plus d'intérêt à ces relations étant donné que la Russie est notre voisine dans l'Arctique. Il est donc très important d'établir des relations saines entre l'OTAN et la Russie.
    Vu l'occasion, je vais aller un peu plus loin. Comment l'OTAN perçoit-elle la force militaire grandissante de la Chine? Je le demande parce que, comme vous le savez, la Chine porte un oeil sur l'Afghanistan, avec qui elle partage une frontière. À ma connaissance, la Chine n'a jamais signifié son intention d'intervenir en Afghanistan ou dans toutes ces autres choses.
    Ça ne figure pas dans le document, mais du point de vue de la prévention des conflits et de ce genre de choses, il y a bien cette puissance militaire qui émerge en Asie du Sud-Est. Ils ont cette petite île qu'est Taïwan... sur laquelle des millions de missiles sont pointés. Et récemment, il y a eu un conflit entre la marine chinoise et la marine des Philippines à propos du récif de Scarborough.
    Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
    D'abord, vous avez tout à fait raison, on parle beaucoup de la Chine. Cette année, le budget militaire de la Chine sera égal au budget total des huit plus importants membres de l'OTAN, exception faite des États-Unis. Cela vous donne une petite idée des proportions. Pour la première fois cette année, les dépenses militaires de l'Asie seront égales à celles de l'Europe. Il y a donc lieu de s'y intéresser.
    L'OTAN ne considère toutefois pas la Chine comme une menace. Nous ne voulons pas adopter un discours qui donnerait un effet Pygmalion à un éventuel conflit avec la Chine. C'est mon opinion personnelle, ce n'est pas une politique officielle. Si nous répétons toujours que la Chine est une menace, elle se sentira menacée. L'Alliance n'adopte pas cette position. Nous devons interagir avec elle en tant que communauté internationale, et en tant qu'OTAN, et favoriser son intégration dans un système qui lui est aussi profitable qu'à nous afin de protéger ce que nous pourrions appeler l'harmonie mondiale.
    Nous partageons le même intérêt pour la liberté des mers, de l'espace, de l'information et du commerce. Les bases de collaboration sont donc nombreuses. À l'heure actuelle, des navires chinois collaborent avec des navires de l'OTAN au large de la côte somalienne. Les occasions d'en faire plus abondent. La Chine demeure toutefois prudente à l'égard de l'OTAN. Elle souhaite établir les relations une étape à la fois. C'est l'expression qu'elle utilise, et sa patience est légendaire.
(1205)
    Merci.
    Monsieur Kellway, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président, et merci à monsieur Appathurai d'être avec nous aujourd'hui. C'est une discussion très intéressante.
    Vous avez parlé de la rédaction du concept stratégique et des avantages de la façon dont cela a été fait. On n'a pas suivi la procédure habituelle, comme vous l'avez dit. J'accroche un peu sur la question des armes nucléaires. Le document me paraît ambigu à ce sujet. On peut y lire que, tant qu'il y aura des armes nucléaires, l'OTAN demeurera une alliance nucléaire. Il est question de la garantie de sécurité suprême qu'apportent les forces stratégiques nucléaires, mais on y traite aussi de la création des conditions pour un monde sans armes nucléaires. Pouvez-vous nous aider à comprendre tout cela et nous expliquer la position de l'OTAN sur le sujet?
    D'abord, vous avez raison, il y a bien deux messages. Il n'y en a pas qu'un. Certains pays membres de l'OTAN, pour faire un peu de politique, tiennent mordicus à la dissuasion nucléaire. Ils croient que renoncer à cette forme de dissuasion dans un monde rempli d'armes nucléaires compromettrait beaucoup trop leur sécurité et celle de l'OTAN.
    Ensuite, tous les alliés de l'OTAN s'entendent pour dire que, si beaucoup d'organismes ou d'États font du désarmement nucléaire une priorité, la mission de l'OTAN consiste à assurer la sécurité. Nous devons être la dernière ligne de défense. Oui, nous pouvons aider à créer des conditions. Oui, nous pouvons déployer des efforts en vue de cet objectif. Je peux vous dire que lors de son discours de Prague, le président Obama a laissé entendre à tous les alliés qu'il s'agit bien d'un de nos objectifs. Mais l'OTAN a pour mission de défendre. Nous allons continuer à tendre vers ces objectifs, mais nous devons préserver l'ultime garantie. Les alliés ont clairement choisi cette position.
    Cela dit, l'engagement à atteindre ces objectifs demeure très ferme, particulièrement dans certains pays membres. Je crois que tout le monde sait à quel point le gouvernement et le ministre des Affaires étrangères allemands sont engagés dans le dossier du désarmement nucléaire et souhaitent obtenir la collaboration de l'OTAN dans ce dossier. Cela va dépendre des discussions entourant le document d'examen de la position sur la dissuasion et la défense. Il sera approuvé à Chicago et nous allons le rendre public. Il comprend des précisions sur les seuils et les objectifs que nous voudrons atteindre. Je vous recommande de le lire. Il n'a pas été rédigé de la même façon, alors j'ignore s'il sera facile à lire. La procédure habituelle n'a pas été suivie.
    Dans votre réponse à la question de M. Chisu sur la Chine, vous avez dit que si vous appeliez constamment la Chine une menace, elle en viendrait à se considérer comme telle et que ce serait nuisible. Je m'interroge au sujet du bouclier antimissile de l'OTAN. N'est-il pas une manifestation claire du fait que nous considérons encore certains pays comme des menaces? Pouvez-vous nous dire où en est l'évolution de ce bouclier et quel en est l'avenir? Après tout, nous essayons d'établir une relation de confiance avec la Russie. Le bouclier antimissile ne vient-il pas miner notre capacité à établir une telle relation?
    D'abord, je vous dirai simplement que la Chine n'a jamais manifesté quelque préoccupation que ce soit par rapport à notre bouclier antimissile.
    La Russie, elle, est préoccupée. Sa stratégie de défense s'articule... Tout repose sur leur stratégie de dissuasion. Ils sont donc très préoccupés lorsqu'ils ont l'impression qu'elle est menacée. Il faut comprendre ce point de vue.
    Techniquement, pour ce qui est des chiffres, de la rapidité d'interception et des emplacements, le système de l'OTAN ne peut pas — même si on le voulait, ce qui n'est pas le cas — neutraliser les quelque 5 000 ogives et missiles nucléaires que possède la Russie. Elle continue néanmoins à nous demander plus de garanties. Nous tentons de leur donner accès aux données techniques pour qu'ils suivent les essais. Nous leur avons offert l'accès à des centres conjoints: un pour le partage de données et un pour les interceptions conjointes, afin de ne pas les laisser hors circuit.
    Nous croyons que nous pouvons y arriver. Nous le croyons parce qu'ils ne veulent pas d'un système qui les menace, et ce n'est pas ce que nous faisons. Il y aura donc consensus tôt ou tard. Il y a un gros avantage, comme je le disais plus tôt; tant en Belgique qu'à Moscou, les gens sauront que l'OTAN et la Russie travaillent de concert pour les défendre tous ensemble.
    Je crois donc que nous allons y arriver, mais nous devrons d'abord surmonter certains obstacles.
(1210)
    Merci.
    Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Norlock.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    À vous et aux témoins, merci d'être avec nous ce matin.
    Je vais vous poser des questions très simples, du style de ce qu'on entend quand on va acheter des « trous de beigne ». Ce sont les gens qui paient la facture, monsieur. Ce sont les gens qui paient les impôts qui nous permettent — pour reprendre les mots de mes électeurs — d'appartenir à ces clubs internationaux auxquels appartient le Canada. Ils m'interpellent — et je crois leur répondre comme il faut, mais je vais vous écouter pour connaître la bonne réponse, et vous pourrez me dire si j'ai raison — et je leur réponds que l'OTAN est une organisation évolutive. Autrement dit, ils regardent l'OTAN et se demandent pourquoi tous ces gens éloignés de l'Atlantique s'y joignent.
    Pourriez-vous répondre en quelques phrases? J'ai plusieurs autres questions à vous poser à ce sujet et elles sont très importantes pour mes électeurs. Ai-je raison de dire que l'OTAN est une organisation évolutive?
    Oui.
    Ils me demandent aussi quelle différence cela fait d'ouvrir les portes de l'OTAN à tous les pays du monde, et je leur explique pourquoi ça peut être une bonne chose. Ensuite, comment puis-je leur expliquer la différence entre l'ONU et l'OTAN? J'avais l'habitude de leur dire que l'OTAN était, et est encore, dans une certaine mesure, le bras armé de l'ONU. Que répondez-vous à cela?
    Il y a trois choses. La première est que l'OTAN ne peut pas s'étendre à tous les pays du monde; seuls des pays européens peuvent encore s'y joindre. C'est dans la charte. Nous avons des partenariats avec beaucoup d'autres pays, mais il n'est absolument pas question d'expansion.
    Deuxièmement, l'OTAN n'a pas les moyens financiers, le mandat ou l'ambition de faire ce que fait l'ONU. Nous ne faisons que des opérations de sécurité, tandis que l'ONU fait de tout.
    Troisièmement, je dirais que vous avez en bonne partie raison; l'OTAN est le bras armé de l'ONU. J'ai travaillé sur des missions de paix de l'ONU quand j'étais à la Défense nationale et je crois que nous devons nous réjouir de cette collaboration parce que l'ONU n'est pas en mesure de traiter 95 p. 100 des dossiers qui lui sont soumis. Si nous nous fiions seulement à l'ONU et aux Casques bleus, ils n'y arriveraient jamais.
    J'invite vos électeurs à réfléchir à ce qu'a dit Ban Ki-moon à propos de l'intervention en Libye. Il a dit: « Nous avons sauvé un nombre incalculable de vies » en remplissant le mandat de l'ONU. Ils n'auraient jamais pu le faire eux-mêmes.
    Je crois donc que les deux organisations y trouvent du positif.
    J'aime différencier les deux en disant que, dites-moi si j'ai tort, l'ONU maintient la paix avec ses Casques bleus, tandis que l'OTAN instaure la paix. Est-ce exact ou vais-je trop loin dans la définition de leurs rôles?
    L'ONU a aussi joué un rôle musclé dans des situations où ses soldats ne portaient pas les Casques bleus. Vous avez toutefois raison de dire que l'OTAN se charge de la partie musclée des missions de paix, celle dont l'ONU ne pourrait s'acquitter. C'est ainsi que je l'expliquerais.
    Très bien.
    Puisque nous parlons de notre relation avec la Russie et de désarmement nucléaire, les Canadiens aiment le hockey et ils savent que la meilleure défense, c'est une bonne attaque. Vous dites que la paix et la sécurité des membres de l'OTAN... Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'une partie de cette paix et de cette sécurité réside dans la capacité de jouer autant à l'attaque qu'à la défense? Si c'est votre avis, pouvez-vous m'en parler un peu?
(1215)
    Je vous dirais que parfois, et de plus en plus souvent, veiller à sa sécurité, chez soi, signifie aller au-devant des problèmes avant qu'ils ne viennent à nous. C'est pourquoi nous sommes en Afghanistan. Le problème est venu à nous. Nous devons nous assurer que ça ne se reproduira pas.
    Il n'y a pas que ce genre de problème. La situation en Libye aurait pris des dimensions encore plus problématiques, et si nous n'étions pas allés au Kosovo, le problème se serait amplifié là-bas aussi. Avec la mondialisation, attendre que le problème se rende à nous serait synonyme d'échec.
    Je suis d'avis qu'il est parfois nécessaire d'aller ailleurs. La sécurité de nos frontières exige parfois que l'on se présente à celles d'autrui, mais seulement lorsque c'est notre sécurité qui est directement menacée. Nous ne voulons pas envoyer le message, à personne, que l'OTAN s'amuse en quelque sorte à aller d'un continent à l'autre pour essayer de régler les problèmes des gens. Ce n'est pas ce que nous faisons. Lorsque la menace est clairement et directement dirigée contre nous, nous intervenons avant qu'elle nous atteigne.
    De façon générale — je ne veux pas vous attribuer des paroles que vous n'avez pas prononcées — l'OTAN préfère que l'ONU détermine, et je le dirai dans mes propres mots, ce qui rend une opération légitime pour ensuite intervenir à titre de bras armé occasionnel de l'ONU. Est-ce exact? L'ONU nous sert de forum international et l'OTAN justifie ses actions en demeurant sous son égide.
    Vous avez utilisé le mot « préférer ». C'est exactement cela. L'OTAN se tourne toujours vers l'ONU pour obtenir un mandat dans les cas de missions expéditionnaires. Ça a toujours été le cas, sauf pendant une phase de l'opération au Kosovo. L'OTAN n'a pas besoin d'un mandat de l'ONU pour aller en mission. Évidemment, lorsqu'il est question de défendre un allié, un traité nous oblige mutuellement et ça ne prend pas de mandat de l'ONU. Notre seule volonté suffit lorsqu'il s'agit de nous défendre.
    Votre temps est écoulé.
    Voilà pourquoi vous êtes diplomate et pas moi.
    C'est comme Jeopardy. J'aime ça.

[Français]

    Monsieur Brahmi, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à notre témoin, M. Appathurai.
    J'ai sous les yeux un article paru ce matin dans le Ottawa Citizen sur un rapport qui sort juste avant le prochain sommet de Chicago. Ce rapport fait état de 2 800 têtes nucléaires non stratégiques, russes et américaines combinées. Aux fins du procès-verbal, pouvez-vous faire des remarques sur ce chiffre?
    Je n'ai pas lu l'article, mais tout ce que je peux dire, c'est qu'il y a des têtes de missiles stratégiques et des têtes de missiles non stratégiques. En vertu du traité Start II signé par les Américains et les Russes, ces deux pays sont en train de réduire leur nombre de têtes nucléaires stratégiques. En ce moment, il y a peu de discussions sur les têtes nucléaires non stratégiques. Le nombre de têtes nucléaires non stratégiques russes est une question qui inquiète plusieurs de nos alliés.
    Quelles sont les intentions de l'OTAN concernant les têtes nucléaires tactiques?
    En fait, c'est dans le concept stratégique, mais l'OTAN aimerait qu'il y ait des discussions avec les Russes pour diminuer le nombre de têtes nucléaires non stratégiques en Europe et voir à les déplacer hors des frontières de l'OTAN. Cela concerne principalement les Russes, car ce sont principalement eux qui en ont. Le président des États-Unis a déjà dit qu'il voulait entamer des discussions avec la Russie à ce sujet, mais jusqu'à présent, la Russie n'a pas accepté d'en discuter, ni avec nous ni avec eux.
    Ces têtes nucléaires tactiques ont été conçues dans le contexte de la guerre froide. Aujourd'hui, peut-on dire qu'elles n'ont plus de raison d'être dans un contexte d'après-guerre froide?
(1220)
    Pour nous, le fait que nous avons réduit, comme je l'ai dit, de plus de 90 p. 100 le nombre de ces têtes nucléaires en Europe démontre qu'elles sont bel et bien moins primordiales pour notre stratégie. Cependant, la Russie les conserve. Nous pensions que l'on pouvait réduire beaucoup plus le nombre de ces têtes, mais nous devons en discuter avec les Russes et, comme je l'ai dit, ils ne sont pas encore prêts à discuter de cela.
    J'imagine que cette discussion aura lieu aussi à Chicago, lors du sommet. N'est-ce pas une part importante de la discussion?
    Je ne suis pas sûr que ce sera discuté là-bas, mais je suis sûr qu'il en sera question dans les documents.
    Je vous remercie.
     J'aimerais revenir sur un autre point, c'est-à-dire ce que vous avez dit lorsqu'on vous a demandé quel devait être le rôle du Canada dans le contexte de la défense intelligente. Vous avez pris comme exemple la République tchèque et ses compétences en matière de protection nucléaire, biologique et chimique. Vous avez répondu que le Canada n'avait pas la vocation de diminuer un des aspects. N'est-ce pas un peu paradoxal? On dit que certains pays ne veulent pas se départir de la totalité de leur arsenal ou de leur capacité militaire.
    Je n'ai pas dit que ce n'était pas la vocation du Canada de réduire ou de ne pas réduire un des aspects. C'est au Canada de décider de ce qu'il veut faire.
    J'ai dit que le Canada a un éventail de capacités qui ont beaucoup de valeur pour l'OTAN. Nous ne voulons pas non plus que le Canada se désarme et se concentre sur une seule chose. Ce n'est pas du tout conforme à l'idée de la défense intelligente. Celle-ci veut dire que certains pays, et cela de plus en plus, n'ont pas assez de ressources pour se payer une force totale. S'ils essaient de continuer à le faire, ils finiront par avoir beaucoup de petites capacités sans avoir de vraies capacités. Il vaut mieux investir plus dans une seule capacité.
    De plus, la défense intelligente comprend une liste de projets, à trois niveaux. Le général Abrial pourrait tout expliquer. Ces projets portent sur des capacités essentielles. Il y aura des groupes de pays pour bâtir cela, avec un pays qui dirigera un projet particulier. Je pense qu'il y a environ 14 projets de niveau un. Le Canada participe, ou prévoit participer, à ces projets comme tous les pays de l'OTAN.
    Je ne voulais pas dire que le Canada devrait se spécialiser dans une seule capacité.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Strahl.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur, pour votre exposé.
    Comme vous l'avez résumé, le concept stratégique décrit trois tâches essentielles: la défense collective, la gestion de crise et la sécurité commune. La sous-ministre adjointe, Jill Sinclair, nous a indiqué que le Canada est surtout porté sur la gestion de crise, tandis que l'Europe se concentre plutôt sur la défense collective.
    Ma question est la suivante: comment le Canada coopère-t-il avec ses alliés pour que ces trois tâches reçoivent une attention équilibrée et efficace, et quelle est la dynamique au sein de l'OTAN par rapport à leur répartition?
    C'est une question très importante. À mesure que l'OTAN prend de l'ampleur, on constate que les priorités diffèrent légèrement d'un pays à l'autre. Disons-le ainsi: les pays au sud se préoccupent de la sécurité de la Méditerranée et souhaitent y assurer une présence, et les pays qui ont eu des relations disons difficiles avec la Russie par le passé demeurent préoccupés par ses actions et souhaitent que l'OTAN améliore sa relation avec Moscou et soit en mesure d'assurer une bonne défense. Le Canada, comme d'autres, est plus expéditionnaire. La France et la Grande-Bretagne, par exemple, ont une attitude similaire.
    C'est une question d'équilibre, et c'est pourquoi il y a trois aspects. Le Canada, je crois qu'on peut le dire, se concentre sur le maintien de la force des capacités expéditionnaires de l'OTAN et il y travaille très fort, mais personne en Europe ne doute de son engagement à défendre ses alliés pour autant. Je crois, comme le disent souvent les Canadiens — et c'est tout à fait vrai — que partout en Europe, des cimetières attestent de l'engagement à la défense collective du Canada. Il n'y a donc aucun doute quant à cela. Si vous voulez en être témoin, vous devez assister aux célébrations du Jour de l'indépendance aux Pays-Bas. Vous verriez combien d'enfants regardent défiler les soldats canadiens. Encore aujourd'hui, les jeunes Néerlandais vont décorer les cimetières canadiens. Je ne crois donc pas qu'il y ait d'inquiétudes à ce sujet.
    Enfin, j'aimerais aussi préciser que, d'après nous, sauf certaines exceptions, les capacités expéditionnaires peuvent également servir à la défense collective. Il faut quand même les déplacer vers l'endroit où nous en avons besoin à l'intérieur des frontières de l'OTAN ou ailleurs. Nous devons continuer de garder d'importantes ressources en réserve. Nous en avons beaucoup. Mais, selon l'état-major de l'OTAN, plus nous investissons dans les capacités expéditionnaires, ce que le Canada souhaite, meilleurs nous sommes dans la défense collective.
(1225)
    S'agissant du dernier aspect que j'ai mentionné, la sécurité commune, à l'occasion de notre étude sur l'état de préparation, on nous a parlé de cybersécurité. Vous avez dit que c'est une nouvelle question qui préoccupe l'OTAN et je crois que cette impression est généralisée. C'est effectivement un nouveau type de menace.
    Quel rôle l'OTAN joue-t-elle dans la lutte contre la cybermenace? Cherche-t-elle activement à la prévenir? Élabore-t-elle des pratiques exemplaires en la matière? Cherche-t-elle simplement à protéger ses propres infrastructures? Quel est le rôle de l'OTAN en matière de cybermenace et en quoi l'action de l'Alliance à ce sujet pourrait-elle être utile à un pays comme le Canada qui est aux prises avec le même problème?
    Je vais vous répondre en quatre points.
    Premièrement, il est vrai que nous cherchons, d'abord et avant tout, à renforcer nos propres systèmes, y compris les réseaux qui relient l'OTAN à des systèmes nationaux, dont celui du Canada.
    Deuxièmement, nous avons constitué ce que nous appelons un centre d'excellence en Estonie où nous rassemblons des experts qui peuvent établir des pratiques exemplaires et appuyer les alliés. Ainsi, si un pays membre fait l'objet d'une cyberattaque, nous pouvons déployer des équipes de réaction rapide susceptibles d'intervenir sur place afin de donner les meilleurs conseils et d'apporter le meilleur appui possibles au pays touché.
    Troisièmement, nous sommes en train d'instaurer lentement la collaboration avec des pays non-membres de l'OTAN confrontés à la même problématique. Comme je le disais, nous sommes, sur ce plan, encore en train de déterminer ce que nous pouvons faire et ce que nous ne pouvons pas faire.
    Quatrièmement, nous travaillons en relation de plus en plus étroite avec les Européens pour établir une norme, qui est essentielle. On peut penser, à cet égard, à des choses très simples comme la protection de la chaîne d'approvisionnement. Ce n'est pas l'OTAN qui s'en occupe, mais les Européens. Qui a bâti votre ordinateur? Vous pouvez toujours le mettre à l'abri d'agressions extérieures quand il est installé dans votre bureau, mais qui l'a bâti, qui en a assuré la sécurité pendant l'assemblage et que contenait-il quand il vous a été livré? Voilà d'importantes questions auxquelles il faut répondre.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Opitz.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue parmi nous. Excusez-moi d'être arrivé en retard, mais j'ai assisté ce matin à une autre réunion de comité.
    Je voudrais que nous parlions un peu de la mission éventuelle, au sein de l'OTAN, des pays de Balkans, côté européen. La Croatie vient de signer et il semble qu'elle se débrouille très bien. La Bosnie-Herzégovine est intéressée à adhérer à l'OTAN, comme la Serbie. Tous ces pays ont fait de grands progrès depuis la guerre.
    Pouvez-vous nous dire quelles sont leurs chances d'être admis au sein de l'OTAN? Tant que vous y serez, pouvez-vous aussi nous expliquer comment se déroule le vote pour admettre un nouveau membre à l'OTAN?
    Merci.
    Trois pays sont officiellement en lice et, comme nous en avons parlé, nous avons déjà rendu une décision dans le cas de la Géorgie.
    Pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro et de l'ex-République yougoslave de Macédonie — que j'appellerai la Macédonie pour des raisons que vous comprendrez — voici ce qu'il en est. La Bosnie vient juste de faire un pas important et je crois qu'elle est bien alignée pour être intégrée à l'OTAN. Le Monténégro a encore des mesures à prendre, mais il est généralement bien placé. Pour l'instant, la candidature de ce pays est bloquée à cause de la guerre onomastique opposant Athènes et Skopje. C'est ainsi. Nous ne pouvons rien y faire. Toutes les décisions prises à l'OTAN, sur absolument tous les sujets, sont consensuelles. La règle de scrutin est très simple: si tout le monde est d'accord, le pays est admis. S'il n'y a pas eu unanimité, alors ça ne passe pas.
    Voilà donc essentiellement les trois pays qui sont officiellement en lice pour devenir membres de l'OTAN. Comme je vous l'ai dit, le quatrième est la Géorgie. La décision de l'admettre a été prise et il ne suffit plus aux Géorgiens qu'à adopter les réformes nécessaires.
(1230)
    Ainsi, n'importe quel pays a un droit de veto. Dans le cas d'Athènes et de Skopje, si Athènes dit non, ça s'arrête là?
    On pourrait dire que la décision doit être consensuelle.
    D'accord. Je voulais simplement que les choses soient claires. Parfois, il s'agit d'un vote à la proportionnelle, mais dans ce cas, c'est tout ou rien.
    Vous avez raison, car à l'UE, on vote à la proportionnelle. Comme nous n'avons pas de vote à majorité qualifiée, pour acheter des verres d'eau, il faut passer devant un comité et tout le monde doit être d'accord, ce qui n'est pas particulièrement efficace.
    Il est sûr que ce mode de fonctionnement peut donner lieu à une véritable impéritie et nous verrons bien ce que cela va donner.
    Pouvez-vous nous parler un peu de la position de l'OTAN au sujet de l'Arctique?
    L'OTAN ne s'occupe pas de la région arctique et c'est très clairement établi. Certains alliés voudraient que nous lancions un débat sur ce thème au sein de l'OTAN, mais comme d'autres ne le souhaitent pas, cette discussion n'aura pas lieu.
    Cela nous ramène à ce que nous disions au sujet de la prise de décisions à l'OTAN qui exige que tout le monde soit d'accord afin que le sujet soit inscrit à l'ordre du jour. Comme ce n'est pas le cas, les choses s'arrêtent là.
    Dans le passé, il est arrivé que la communication de renseignements entre les membres de l'OTAN fasse problème, mais je crois savoir que les choses se sont depuis améliorées. Pouvez-vous nous décrire le système d'échange de renseignements entre les alliés?
    De façon générale?
    Oui, de façon générale, mais si vous le voulez, vous pouvez être plus spécifique.
    J'en ai parlé avec votre collègue. Le secrétaire général a beaucoup insisté pour que nous réalisions une fusion en matière de renseignement: premièrement, il était question d'améliorer le niveau de confiance des alliés envers les systèmes de l'OTAN, afin qu'ils soient plus susceptibles d'y contribuer, ce qui a été fait; deuxièmement, il fallait améliorer les échanges de renseignements entre les alliés eux-mêmes, ce qui a aussi été fait; troisièmement, nous voulions fusionner le renseignement civil et le renseignement militaire pour fournir aux alliés des données beaucoup plus opportunes et donc beaucoup plus pertinentes. Nous avons atteint nos objectifs sur ces trois plans et nous poursuivons nos efforts. Nous n'avons commencé qu'il y a six mois et les choses se sont fort bien déroulées.
    Enfin, le concept stratégique fait état de notre engagement à consulter les partenaires. Ils ont maintenant la possibilité de réclamer des consultations et nous espérons qu'ils s'en prévaudront, principalement pour éviter des conflits. Si un pays a l'impression que quelque chose se trame dans son voisinage, il peut maintenant faire sonner la cloche et convoquer tout le monde à table. Nous pensons que c'est une bonne réalisation aussi.
    Parlons d'autres enjeux, comme l'admission possible de l'Ukraine au sein de l'OTAN. Comment est-ce que ça pourrait fonctionner? Comme ce pays progresse difficilement sur la voie de la démocratie, il faudra laisser s'écouler encore pas mal de temps avant qu'on envisage véritablement sa candidature. Mais avançons les horloges et supposons qu'il soit prêt à être admis au sein de l'OTAN. Comment imaginez-vous les échanges avec la Russie?
    D'abord, je pense que nous devrions nous garder d'avancer les horloges, parce que l'actuel gouvernement a décidé que l'Ukraine sera un pays qu'on pourrait qualifier de non aligné, et il est revenu sur son désir de se joindre à l'OTAN. C'est là où nous en sommes pour l'instant.
    Deuxièmement, comme vous l'avez dit, son rapport à la démocratie est fondamentalement préoccupant. Mais projetons-nous dans le temps et supposons que les membres de l'OTAN décident d'accepter d'autres pays. La Russie n'a pas été particulièrement ravie quand d'anciens pays membres du Pacte de Varsovie, pour définir les choses ainsi, ou de l'ex-Union soviétique se sont joints à l'OTAN. Cependant, après leur intégration, au grand dam des Russes, leurs relations avec le grand frère russe se sont en général améliorées parce qu'ils se sont retrouvés en meilleure posture. Tout ce raisonnement ne fait que rappeler un principe bien établi, soit que seuls les pays membres de l'OTAN peuvent décider d'admettre de nouveaux amis.
    Merci.
    Nous venons de terminer notre deuxième série de questions et nous allons passer à la suivante et dernière lors de laquelle chaque parti aura cinq minutes pour ses questions-réponses.
    Monsieur Harris.
    Merci, monsieur le président.
    Je me propose d'enchaîner sur la question de mon collègue, M. Brahmi, au sujet des têtes nucléaires tactiques. Vous avez dit que l'OTAN souhaite amener la Russie à réduire le nombre de têtes nucléaires de ce genre. D'après les actuelles données de la Federation of American Scientists, la Russie et l'Amérique posséderaient à elles deux 28 000 têtes nucléaires tactiques. Il y a évidemment deux côtés à cette médaille. À quoi ressemble donc l'autre côté? Qu'est-ce que les États-Unis ont déclaré à ce sujet?
    La Federation of American Scientists avance la notion de destruction unilatérale des armes. Comment y parvenir? Les armes nucléaires tactiques sont des armes déployées sur le théâtre des opérations et il est certain qu'elles peuvent avoir un effet déstabilisant et être très dangereuses. Y a-t-il d'autres endroits au monde, en dehors de la Russie et de l'Amérique, où il y a des têtes nucléaires tactiques? Comment amener Américains et Russes, et éventuellement d'autres pays, à envisager cette possibilité?
(1235)
    Je dirais que c'est essentiellement un débat américano-russe. Tout le reste est pertinent et important, mais quand on parle de cet enjeu particulier, dans le contexte de l'OTAN ou le contexte euro-atlantique, il faut se dire qu'on est en présence de deux grands joueurs. Ce sont eux qui possèdent ces types d'armes.
    Les États-Unis prennent grand soin à consulter leurs alliés de l'OTAN au sujet du déploiement d'armes nucléaires préstratégiques. L'OTAN a son mot à dire dans la formulation des politiques applicables aux armes qu'elle possède en Europe — si l'on peut dire —, mais leur nombre est restreint.
    Le vrai débat doit se dérouler entre les États-Unis et la Russie. Quand il a été convenu de signer le traité START II, le président Obama a clairement déclaré qu'il envisageait à partir de là d'aborder ce genre de question avec les Russes. Les Américains ont exprimé très clairement leur désir d'oeuvrer dans ce sens. Personnellement, j'estime qu'il appartient aux Russes de donner suite et de réagir positivement. L'OTAN appuiera sans aucune réserve ce genre de discussion parce que tous les Alliés conviennent qu'elle représentera la prochaine étape logique pour toutes les raisons que vous avez énoncées.
    Merci.
    En ce qui concerne la coopération entre l'OTAN et l'ONU, nous savons qu'elle part de la déclaration signée en 2008 où il est question de liaison et de consultation politique, mais aussi de coopération pratique en matière de gestion de crise quand les deux organisations sont concernées. Cela nous ramène encore une fois à l'intervention en Libye. J'ai constaté que la Résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies parle précisément du rôle du secrétaire général dans la gestion de l'intervention envisagée alors.
    Pouvez-vous me dire comment les choses se sont déroulées, notamment en ce qui concerne la mission de M. Annan et le rôle joué par l'OTAN? Les choses se sont-elles déroulées comme prévu? À quels problèmes s'est-on heurté? M. Annan a-t-il fait l'objet du respect qui lui était dû en vertu de la résolution du Conseil de sécurité et pouvez-vous nous affirmer que, même si le mandat a été exécuté par l'OTAN, il s'agissait bien d'une opération de l'ONU?
    Je commencerai par vous dire qu'à la suite de cette déclaration en 2008, nous avons instauré, avec l'ONU, des rapports officiels très étroits, bien plus étroits que par le passé. Le niveau de confiance qui existe entre nos deux organisations n'a donc rien de comparable avec ce qu'il a pu être.
    Deuxièmement, dans le cas de la Libye, nous avons eu des liaisons quotidiennes et même plusieurs fois par jour avec le personnel de l'ONU. Il connaissait nos plans et nous connaissions les siens. Nous avons communiqué dans la plus parfaite transparence à tous les paliers des deux organisations. Le niveau de coopération a donc été précisément ce que vous auriez souhaité qu'il soit. Évidemment, les deux secrétaires généraux se parlent régulièrement, de même que l'assistant-secrétaire général et moi et tous les niveaux en dessous, tant du côté des opérations que de celui des politiques. Dans la phase postérieure au conflit, l'ONU a assumé un rôle de leadership. Elle a cependant demandé à l'OTAN de lui faire profiter de sa compétence pour la transformation de l'appareil de défense libyen, ce qui revient à aller aider les Libyens à asseoir leur sécurité.
    Jusqu'ici, les Libyens ne nous ont pas invités à le faire. Quand le moment viendra — et je pense qu'ils attendent simplement le résultat des élections de juin pour être en meilleure posture et demander l'appui international —toute opération de l'OTAN, quelle qu'elle doive être, sera placée sous l'égide de l'ONU qui a une équipe sur place et sous les ordres de qui nous travaillerons.
    Pour en revenir sur les lendemains de l'intervention en Libye, je sais que certains ont avancé que des acteurs comme Al-Qaeda auraient désormais le champ libre. Avons-nous des raisons de penser qu'il se passe là-bas des choses pouvant nécessiter une autre intervention?
    Je n'ai pas la réponse à cette question. L'OTAN ne dispose pas de troupes sur le terrain. Nous ne suivons pas l'évolution de la situation en Libye et nous n'avons pas de matériel déployé. Tout a cessé à la fin de la mission. Il y a de nombreux analystes sur place. Mes collègues des Nations-Unis seront peut-être mieux à même de vous répondre que moi.
    Les développements politiques à l'approche des élections sont des signes encourageants. D'après moi, le plus important dans le processus électoral, et dans la politique en général, sera d'assurer aux « milices » ou aux « groupes régionaux » — peu importe leur dénomination — qu'on prendra en compte leurs intérêts. Si on les rassure sur ce plan, ils seront plus enclins à déposer les armes et à œuvrer dans une optique nationale. D'où l'importance du processus politique à venir.
(1240)
    Votre temps est écoulé.
    Je voudrais répondre brièvement à M. Harris. Vous avez parlé du rôle de l'OTAN dans la gestion de l'après-conflit. Nous avons participé au conflit libyen. Qu'en est-il résulté? Vous dites que nous n'avons pas de troupes sur place, que c'est du ressort de l'ONU.
    Comment pouvons-nous gérer l'après-conflit, au travers de l'OTAN, comme vous dites, alors que nous sommes désengagés?
    La participation de l'OTAN dépend de deux composantes essentielles. La première est un mandat de l'ONU, la seconde une demande du gouvernement libyen. Aucune de ces composantes n'existe. Le gouvernement libyen n'a pas demandé d'appui et l'ONU n'a pas délivré de mandat. Nous nous sommes retirés dès la fin de notre mandat et nous ne sommes donc pas en mesure d'apporter un soutien.
    L'OTAN est très expérimentée lorsqu'il s'agit d'aider des gouvernements en transition, nous l'avons fait en Europe centrale et orientale, et nous le faisons également dans d'autres régions du monde. Nous aidons à bâtir des infrastructures de sécurité qui stabilisent le pays après un conflit.
    L'OTAN a beaucoup de choses à offrir, mais tant que nous ne recevons pas de demande de la part du Conseil de sécurité et des Libyens, nous ne pouvons pas agir ni dicter notre loi.
    Monsieur McKay.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite revenir à notre échange sur la Turquie. Son rôle au Moyen-Orient est en train de changer, pourrions-nous dire.
    Vous soulignez à juste titre que M. Erdogan est très populaire, peut-être même le nouveau Nasser. Irait-on jusqu'à évoquer la renaissance de l'Empire ottoman?
    Alors que la Turquie et Israël vivaient en parfaite harmonie il y a peu, nous assistons à un refroidissement de leurs rapports. Cela n'aide pas le travail d'intervention de l'OTAN auprès de la Ligue arabe et des autres nations arabes dans l'ensemble.
    J'aimerais savoir si vous pensez que cela va porter ombrage à la longue relation entre l'OTAN et le Moyen-Orient.
    Vous touchez là un point important. Selon moi, cela ne va pas influer sur nos relations avec la plupart des pays arabes. Nous sommes en train de renforcer nos liens avec la Ligue arabe et l'Union africaine. Et nous sommes entrés en contact avec l'Organisation de la Conférence islamique. Tout est donc pour le mieux. La Ligue arabe a voté sa propre résolution sur la Libye en sachant fort bien qu'elle serait mise en œuvre par l'OTAN.
    D'après moi, et si je me fie à mon expérience, c'est tout à fait gérable. Là où ça pose problème, c'est quand il y a des tensions entre un allié principal et un partenaire important comme Israël. Cela complique nos rapports avec les Israéliens et complique également les rapports de ces derniers avec l'OTAN. Nous souhaitons donc voir s'améliorer les relations entre les deux pays.
    L'accrochage maritime qui a eu lieu dans les eaux internationales est cause d'une grande préoccupation en Turquie. Il a des résonances émotionnelles. Les Israéliens en sont bien conscients, et ils doivent régler ce problème entre eux. Nous espérons qu'ils trouveront une solution, car ce sont nos alliés ainsi que des partenaires importants. Mais à la suite de cet accrochage, la tension a monté dans les deux camps et je ne vois pas quel rôle l'OTAN pourrait jouer.
(1245)
    Mais la question de la popularité de M. Erdogan est plus complexe et elle est peut-être liée au fait que la Turquie est vue par le monde arabe comme le pays qui tient tête à Israël. Ce qui est quelque peu gênant, ne trouvez-vous pas?
    Je pense qu'il faut prendre en compte l'exemple que propose la Turquie. Lorsque que je me déplace dans la région, même si certains avis divergent, nous entendons souvent: « nous voulons être comme eux », ou en d'autres mots, nous sommes fiers d'être musulmans, fiers d'être religieux, fiers de vivre dans un état laïque et fiers de bénéficier d'une économie moderne et d'une politique transparente.
    Un pays non musulman ne sera pas perçu de cette façon. La Turquie n'est pas arabe, mais elle est de confession musulmane. C'est un exemple pour les réformistes. Je pense que nous devrions vraiment nous en féliciter, car sans cet exemple, beaucoup n'auraient pas de modèle à imiter.
    Ce qui est ironique c'est que Erdogan est associé à un parti islamiste, le parti précédent était laïque, mais cependant…
    C'est peut-être sa force. Sa force est d'être fièrement religieux, tout en étant à la tête d'un gouvernement laïque. Personne dans le monde arabe ne peut lui reprocher cela. C'est pourquoi je pense qu'il a, ou plutôt que son gouvernement a un fort potentiel. Il peut inspirer un changement au travers de son gouvernement.
    Ma dernière question porte sur un sujet complètement différent. Il est évident que les Américains sont en train de se tourner vers le Pacifique.
    L'OTAN est une organisation de l'Atlantique. Étant donné que les Américains sont primus inter pares, comment imaginez-vous la situation dans le cinq prochaines années, alors que les États-Unis se focalisent sur la Chine et l'Asie?
    Il y trois choses à souligner. En premier lieu, nous pensons qu'il est bon que les États-Unis se concentrent davantage sur l'Asie. Cela ne veut pas dire qu'ils délaissent l'Europe. Mais c'est très bien qu'ils continuent à jouer un rôle important en Asie pour stabiliser la région. Nous ne pourrions pas nous permettre un retrait des Américains en Asie, nous en serions tous affectés. Donc, c'est bien.
    En deuxième lieu, l'OTAN a tendu la main à ses partenaires asiatiques, non pour jouer un rôle militaire, mais pour établir de bonnes relations et renforcer les liens de confiance avec des pays asiatiques comme la Corée du Sud, la Chine et l'Inde. C'est un peu plus compliqué avec le Pakistan actuellement...
    L'hon. John McKay: C'est compliqué avec tout le monde...
    M. James Appathurai: ... mais nous engageons le dialogue avec eux.
    En troisième lieu — et cela a été souligné dans le discours du secrétaire général récemment — nous pensons que les alliés européens doivent adopter une vision mondiale et ne pas se concentrer uniquement sur leurs problématiques ou sur leurs voisins immédiats. Les États-Unis se focalisent sur ce point. Mais les alliés européens doivent aussi prêter leur concours aux Américains en adoptant une vision mondiale. Nous faisons pression en ce sens, c'est un message qu'a répété le secrétaire général.
    Merci.
    Monsieur Alexander, les dernières questions sont pour vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne sais pas si les « trous de beigne » doivent faire partie des éléments mis en commun au titre de la défense intelligente, ou s'il y a des succursales de Tim Hortons à Chicago, mais...
    Des voix: Oh, oh!
    Cela pourrait faire partie des exigences de mission pour les F-35.
    Je ne sais pas ce que vous avez mangé ce matin, James, mais j'ai l'impression que ça vous a donné le don de la sagesse et de la concision, car je n'ai jamais entendu un aussi bon exposé sur ce que représente l'OTAN actuellement. J'espère que mes collègues partagent mon opinion. C'était d'une grande qualité. Je vous remercie pour cet exposé et pour avoir fait l'effort de venir jusqu'à nous.
    J'ai trois questions très brèves traitant de sujets qui n'ont pas encore été abordés.
    Si vous et moi nous étions retrouvé autour de cette table, il y a cinq ou dix ans, nous aurions agonisé au sujet des armes chimiques et biologiques, de la prolifération des armes nucléaires, des sources de radioactivité, etc. Bien sûr, ce sont toujours des sujets d'actualité, mais il me semble que, dans le concept stratégique, ils ne revêtent pas la même importance qu'avant. On parle davantage de cybermissiles, qui peuvent, il est vrai, projeter divers moyens de frappe, mais qui représentent une menace en eux-mêmes. Et il y a la menace persistante du terrorisme.
    Pouvez-vous nous dire quelles sont les priorités de l'OTAN dans le sillage du concept stratégique? Est-ce que le partenariat mondial, soutenu par les gouvernements libéraux et conservateurs canadiens successifs, a aidé à atténuer l'importance de ces menaces d'envergure mondiale?
(1250)
    Je répondrai par l'affirmative.
    Il est vrai que ces menaces ne sont plus au premier plan. On n'en parle plus autant et les ministres, présidents et premiers ministres en parlent moins souvent. Je crois que cela tient à deux choses. Tout d'abord, certaines menaces, notamment celle que représente les missiles, ont pris naturellement le pas. De plus, les initiatives internationales visant à circonscrire, localiser et sécuriser — si l'on peut dire — les armes chimiques, biologiques et radioactives ont obtenu de francs succès. Nous avons des projets, même l'OTAN a des projets, en Asie centrale où nous nous occupons des résidus radioactifs. Ces résidus sont sécurisés en Russie et en Ukraine.
    Il y a beaucoup à faire. Lorsqu'il s'agit de la Libye, ou plus particulièrement de la Syrie, où il y a un très grand nombre d'armes chimiques, il faut suivre ces armes de près.
    Parlez-nous de la Biélorussie. Ce pays est souvent oublié. Bien sûr, ses voisins sont la Russie et l'Ukraine, mais la Pologne et les pays baltes ont des frontières avec la Biélorussie. Quelle est la stratégie de l'OTAN dans cette région?
    Enfin, vous avez parlé du rôle de l'Afghanistan dans l'expansion de la gamme des partenariats avec l'OTAN et leur qualité. C'est, pour moi, quelque chose d'important. Dites-nous ce que vous en pensez, sans états d'âme. Est-ce que le concept stratégique fonctionne en Afghanistan? Et avec son voisin, le Pakistan, qui, à ce que je sache, n'est pas un partenaire, mais est néanmoins indispensable à l'État afghan? Si ça ne fonctionnait pas comme on voudrait, quels seraient les raccourcis à prendre dans cette mission?
    Merci. Vous avez gardé le meilleur pour la fin.
    La Biélorussie connaît une détérioration sur le plan de la démocratie et des droits de la personne. Les alliés aimeraient que ce ne soit pas le cas, mais pour être tout à fait franc avec vous, ça ne va pas en s'améliorant. La Russie exerce un contrôle particulièrement important sur son économie. Nous nous attachons à travailler avec la société civile. Nous pouvons continuer à apporter un soutien à la base, mais nous ne pouvons pas le faire au niveau des hautes sphères politiques du pays. Nous émettons beaucoup de réserves quant à la direction que prend la Biélorussie.
    Pour ce qui est de l'Afghanistan, je crois que le concept stratégique traduit en grande partie ce que nous avons pu appréhender dans ce pays. La forte coopération avec les Nations Unies sur le terrain, que vous avez aidé à diriger, les différents acteurs, la capacité expéditionnaire, les partenariats avec d'autres pays, tout cela se retrouve dans le concept via les leçons apprises en Afghanistan. Nous avons très certainement d'autres leçons à tirer de l'Afghanistan, mais tout ne fonctionne pas.
    En deux mots, et selon l'OTAN, si on s'appuie sur les données militaires et les résultats de la mission militaire, cela a été un assez grand succès en dépit de tout ce que vous pouvez lire dans les journaux. Et les statistiques le démontrent. Néanmoins, la question politique pose problème. Notamment au niveau régional avec les voisins, pas simplement avec les Pakistanais mais aussi avec les voisins d'Asie centrale car les choses n'avancent pas forcément dans la bonne direction, ce qui préoccupe les voisins d'Asie centrale. Nous ne sommes pas encore tirés d'affaire.
    Merci.
    Je vais user de mon droit de président et poser moi-même quelques questions.
    Puisqu'on en est à l'examen du concept stratégique actuellement en place à l'OTAN, pouvez-vous nous dire en quoi celui-ci diffère des précédents? Quels sont les principaux changements qui mériteraient d'être signalés au comité? Ce concept est assez différent des précédents.
(1255)
    En effet, et je soulignerai trois choses. J'en ai déjà parlé, mais je vais y revenir.
    Tout d'abord, l'accent a été mis sur la gestion de crise, plus particulièrement sur la sécurité commune, autrement dit sur les partenariats. Tout cela est très récent. Deuxièmement. il y a toutes les nouvelles menaces: la cybermenace, la sécurité énergétique et les missiles. C'est nouveau. Troisièmement, vient l'approche globale dont nous avons parlé, les liens entre le civil et le militaire. L'OTAN sort de son microcosme et voit bien qu'elle évolue dans un autre univers et qu'elle a besoin de partenaires à toutes les étapes, pas juste avant et après une intervention.
    Beaucoup de choses tournent autour de la notion de partenariat et vous venez de dire que c'est là un des changements majeurs dans le concept. Le chapitre 32 traite de l'Union européenne et bien sûr de nombreux États sont membres des deux organisations.
    Comment pensez-vous que ce partenariat va évoluer? Va-t-il se renforcer? Pensez-vous que l'Union européenne va davantage adopter les objectifs et les missions de l'OTAN?
    La façon dont l'OTAN perçoit l'Union européenne a changé du tout au tout depuis mon arrivée à l'organisation. Il y a quelques années, plusieurs alliés s'inquiétaient de voir l'UE prendre trop d'importance et drainer les ressources. Maintenant, ils craindraient plutôt que l'UE ne soit plus assez forte. Ils souhaiteraient voir une Union européenne plus en mesure de supporter une partie de la charge. Voilà pour commencer.
    Deuxièmement, les équipes sur le terrain collaborent beaucoup entre elles, mais c'est en haut de la pyramide OTAN-UE qu'il y a blocage à cause de tensions bilatérales comme celles entre la Turquie et Chypre. Il faut dire les choses comme elles sont. Du coup, il y a des doubles emplois. Il n'y a pas assez de coordination, car il n'y a pas de pourparlers, de rencontres ou de planification politique. Nous essayons cependant de nous entendre entre nous, dans les tranchées. Les chefs d'unités font un travail magnifique ensemble, sur le terrain, mais ce blocage est un problème.
    Dans le document, il est aussi question de défense et de dissuasion, de contrôle des armements et de désarmement, ainsi que de non-prolifération. Que fait l'OTAN face à la prolifération des armes en Iran et en Corée du Nord?
    On ne fait rien dans le cas de la Corée du Nord. L'OTAN n'a pas de rôle à jouer.
    Pour ce qui est de l'Iran, l'OTAN n'a pas encore pris de mesures officielles. Une démarche a été entreprise au sein d'autres instances. Si l'Iran devenait une menace pour l'Alliance ou une partie du territoire de l'OTAN, cela changerait bien sûr la donne. Comme je vous l'ai dit, l'Iran est au nombre des 30 pays, ou plus, qui sont en train de se doter de missiles balistiques. C'est à cause de ces pays, dont l'Iran, que l'OTAN a décidé de construire le système de défense antimissiles. Ceci explique cela.
    Pour terminer, vous avez dit qu'en matière d'opérations multinationales d'envergure, seule l'OTAN tient la route. Bien sûr, certains se sont interrogés sur le partenariat ONU-OTAN.
    Les choses changent partout dans le monde. En Syrie, par exemple, on est en pleine guerre civile. Cela ne représente peut-être pas une menace directe pour les territoires couverts par l'OTAN, même si la Syrie a une frontière avec la Turquie. Mais suivez-vous la situation de près?
    Supposons que la Ligue arabe affirme qu'elle a fait tout en son pouvoir pour maintenir la paix, qu'elle réclame maintenant une intervention et que l'ONU demande à l'OTAN de déployer un contingent. Vous iriez? C'est bien sûr une hypothèse. Mais est-ce que l'OTAN interviendrait quelque part dans le monde sans que ce soit en réaction à une menace énoncée dans le concept stratégique, c'est-à-dire principalement pour protéger son territoire? Interviendriez-vous si le pays cible présentait une menace pour la défense ou pour le territoire de l'OTAN?
    Le jour où j'ai assumé mes fonctions de porte-parole de l'OTAN, il y a bien des années, le secrétaire général de l'époque, Jaap de Hoop Scheffer, m'a dit: « Je vais vous donner un conseil: ne répondez jamais à une question débutant par “si”. » J'ai toujours respecté cette règle et je ne vais pas l'enfreindre maintenant.
    D'après ce qui se passe au Conseil de sécurité, ce scénario n'est pas très probable. Par ailleurs, l'OTAN n'intervient d'aucune façon dans la crise syrienne à l'heure actuelle. Mais plus généralement, je ne voudrais pas vous donner l'impression que les États-Unis ne pourraient pas soutenir, dans la durée, de grandes opérations militaires. Ils peuvent le faire et pour très, très longtemps. Toutefois, mis à part les Américains, personne d'autre n'a les moyens de lancer et de soutenir une intervention multinationale importante. C'est ce que je voulais dire.
    Si le Conseil de sécurité de l'ONU décidait de demander à l'OTAN d'intervenir, l'Alliance ferait sans doute preuve de diligence, d'autant qu'elle compte dans ses rangs 28 alliés membres des Nations-Unies et trois membres permanents du Conseil de sécurité.
(1300)
    Monsieur Appathurai, merci infiniment pour votre franchise et votre analyse de la situation. Je suis très fier qu'un civil canadien occupe une fonction aussi élevée à l'OTAN et participe pleinement aux débats sur ces questions.
    Je crois pouvoir dire que nous sommes ou avons été entièrement d'accord avec les actions de l'OTAN: son succès en Libye, son rôle en Afghanistan, et son travail soutenu pour instaurer des partenariats partout dans le monde et attirer de nouveaux membres.
    La séance est levée.
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