Passer au contenu
Début du contenu

AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 039 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 21 octobre 2014

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Chers collègues, conformément à l'ordre de renvoi, nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-18, Loi modifiant certaines lois en matière d'agriculture et d'agroalimentaire.
    Cela dit, je souhaite la bienvenue à nos témoins.
    Nous accueillons parmi nous M. Chidi Oguamanam, qui est professeur à la faculté de droit à l'Université d'Ottawa.
    Nous avons aussi une vidéoconférence. Bienvenue à tous. Nous entendrons Mme Delaney Ross Burtnack, de la Canadian Association of Agri-Retailers. M. Jaye Atkins représente l'Agricultural Credit Corporation, tandis que Mme Susan Antler parlera au nom du Conseil canadien du compost.
    M. Oguamanam prendra la parole en dernier, au cas où le signal vidéo serait interrompu. Cela nous donnera donc une marge de manoeuvre en cas de problème.
    Pour commencer, nous entendrons la représentante de la Canadian Association of Agri-Retailers, Mme Delaney Ross Burtnack, qui est présidente et chef de la direction.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci de me donner l'occasion de me joindre à vous aujourd'hui pour vous présenter le point de vue de la CAAR sur le projet de loi C-18.
    Je m'appelle Delaney Ross Burtnack. Je suis présidente et chef de la direction de la CAAR, la Canadian Association of Agri-Retailers. Nous sommes un réseau de soutien de confiance pour les agriculteurs canadiens, ce qui englobe les détaillants agricoles — petits et grands —, les producteurs agricoles, les spécialistes en agronomie, les sociétés de transport et d'autres fournisseurs de services qui appuient les détaillants agricoles partout au Canada.
    Vous savez sans doute que le Canada est bien placé pour devenir un chef de file mondial pour répondre à l'augmentation appréciable de la demande pour une production accrue d'aliments abordables de grande qualité destinés à nourrir une population mondiale grandissante. Cependant, les projections concernant la demande mondiale au cours des 35 prochaines années indiquent que les producteurs d'aliments devront presque doubler la production actuelle. Il s'agit d'une croissance sans précédent qui nécessitera une innovation importante. Pour les producteurs agricoles, l'atteinte de cet objectif commence par l'accès aux meilleurs intrants agricoles possible, y compris aux nouvelles variétés de cultures.
    Les modifications proposées dans le projet de loi C-18 concernant neuf lois, en particulier les modifications proposées à la Loi sur la protection des obtentions végétales, constituent un progrès courageux et décisif qui favorisera l'investissement pour l'innovation en agriculture et consolidera le rôle de chef de file du Canada en agriculture. La CAAR reconnaît le rôle crucial que jouera l'innovation relative aux variétés de semences quant à la capacité du secteur agricole canadien de satisfaire à la demande future. Nous félicitons le gouvernement du Canada de rendre la Loi sur la protection des obtentions végétales conforme à la Convention internationale de 1991 de l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales, l'UPOV, que le Canada a signée en 1992 et qu'il met en vigueur seulement maintenant. Cette étape permettra au Canada de s'aligner avec ses partenaires commerciaux internationaux et stimulera les investissements indispensables dans la variété de cultures de l'avenir qui seront le fondement d'une production agroalimentaire accrue et efficace.
    En tant qu'organisme-conseil de confiance auprès des agriculteurs canadiens, la CAAR reconnaît aussi l'importance de protéger le droit inhérent des agriculteurs d'être libres de choisir d'investir dans les plus récentes et les meilleures technologies des semences offertes sur le marché ou d'utiliser leur propre grain pour la prochaine saison de culture. Nous sommes heureux de voir que les modifications proposées protégeront explicitement le droit de nos clients d'utiliser les semences conservées à la ferme tout en protégeant les entreprises qui investissent fortement dans la technologie des semences.
    De plus, la CAAR se réjouit de voir des modifications proposées qui auront pour effet de renforcer la compétitivité des intrants agricoles au Canada. La CAAR a pour mission d'accroître les activités commerciales des détaillants agricoles canadiens. Nous sommes d'accord sur l'évaluation de l'ACIA voulant que les modifications proposées dans le projet de loi C-18 relativement aux aliments du bétail, aux semences, aux engrais, au bétail et aux végétaux aient pour effet de renforcer la sécurité des intrants agricoles, de réduire le fardeau administratif pour notre industrie, de favoriser la croissance économique du secteur agricole et d'entraîner une augmentation du commerce des produits agricoles. Toutefois, la CAAR a remarqué que les modifications pourraient obliger la personne ou les établissements à obtenir à l'avenir un enregistrement ou une licence pour effectuer des activités prescrites relativement aux engrais, aux aliments du bétail ou à d'autres produits.
    Bien que cela puisse seulement être une mesure législative habilitante — et cette modification de régime ne sera peut-être pas mise en oeuvre —, une telle modification pourrait avoir un effet négatif sur les détaillants, en particulier si un établissement doit obtenir plusieurs licences. Si le gouvernement a l'intention de mettre en place un régime d'enregistrement ou de licences, nous aimerions avoir l'occasion de collaborer étroitement avec le gouvernement avec toutes les parties concernées, notamment avec des groupes de l'industrie, comme l'Institut canadien des engrais, de même qu'avec les détaillants d'engrais, d'aliments du bétail et d'autres produits qui seraient touchés par un tel régime.
    Nous ajoutons notre voix à celle des autres qui appuient les modifications proposées dans le projet de loi C-18 — notamment l'Association canadienne du commerce des semences, l'Institut canadien des engrais, CropLife Canada et les nombreux producteurs et groupes de l'industrie regroupés au sein de Partenaires dans l'innovation — pour féliciter le gouvernement du Canada de cette initiative qui favorise l'innovation au Canada et qui nous rapproche de notre objectif collectif: améliorer l'industrie agricole canadienne.
    Merci. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

  (1105)  

    Merci beaucoup, madame Ross.
    La parole est maintenant à M. Jaye Atkins, premier dirigeant de l'Agricultural Credit Corporation. Vous avez six minutes.
    Premièrement, merci de me donner l'occasion de témoigner au comité aujourd'hui et de vous présenter certaines de nos observations au sujet du projet de loi C-18.
    Je m'appelle Jaye Atkins. Je suis premier dirigeant de l'Agricultural Credit Corporation, un organisme à but non lucratif qui administre le programme de prêts pour les produits agricoles pour le compte du gouvernement provincial et le Programme de paiements anticipés offert par le gouvernement fédéral par l'intermédiaire d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. L'Agricultural Credit Corporation, ou ACC, est le deuxième administrateur en importance du Programme de paiements anticipés et est actuellement le seul à le faire dans toutes les provinces canadiennes.
    Nous administrons le Programme de paiements anticipés qui est offert aux producteurs de plus de 250 marchandises, ce qui représente plus de 4 000 produits distincts lorsque l'on tient compte de la diversité des formats et des catégories.
    L'agriculture est en constante évolution en raison des progrès technologiques, de l'amélioration génétique, des conditions et des effets liés aux marchés internationaux, des méthodes de production nouvelles et améliorées et de la demande accrue de produits, en particulier dans les secteurs de la biomasse et des produits qui servent maintenant à des utilisations nouvelles ou novatrices. Il est important que les producteurs du pays puissent financer les cultures et les produits dérivés à l'aide de mécanismes qui n'entraînent pas un fardeau excessif pour les producteurs et qui tiennent compte du marché financier.
    En ce qui concerne le projet de loi C-18, nous croyons fermement que les modifications proposées relatives au Programme de paiements anticipés aideront à moderniser la Loi sur les programmes de commercialisation agricole et correspondront davantage aux pratiques courantes et acceptables de l'industrie financière d'aujourd'hui. Étant donné les coûts de production accrus, surtout au cours de la dernière décennie, les modifications proposées aideront les producteurs à obtenir les avances admissibles auxquelles ils pourraient avoir droit dans le cadre du programme, car elles assoupliraient les dispositions relatives à l'admissibilité, à l'obtention et au remboursement d'un prêt.
    En outre, les modifications proposées — particulièrement le fait de reconnaître que de nombreuses exploitations agricoles sont passées d'entreprises à propriétaire unique à des sociétés par actions, des coopératives ou des partenariats enregistrés, mais que l'on conserve des règles d'admissibilité claires — reflètent les pratiques actuelles des institutions financières et correspondent davantage aux structures de propriété des exploitations agricoles d'aujourd'hui.
    En tant qu'organisme, nous sommes très heureux des modifications proposées et nous croyons qu'elles amélioreront grandement notre capacité d'administrer ce programme. Même s'il existe des aspects pour lesquels nous aimerions voir plus de changements, en particulier en ce qui concerne les preuves de vente et un calcul plus adéquat de la responsabilité de l'agent d'exécution, nous comprenons totalement les contraintes qui pourraient empêcher de le faire.
    Voilà ce que je demande au comité: lorsque la loi sera adoptée, elle devra être mise en oeuvre, définie et appliquée uniformément à tous les organismes qui administrent le programme pour que tous les producteurs au pays soient traités de façon juste et équitable, et tous les administrateurs devront être tenus de respecter la loi et les lignes directrices, sans aucune exception.
    Je tiens à remercier le comité de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. À l'instar de ma collègue, c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

  (1110)  

    Merci beaucoup, monsieur Atkins.
    Nous passons maintenant à Mme Susan Antler, directrice exécutive du Conseil canadien du compost.
    Madame Antler.
    Nous sommes touchés par cette loi en raison de notre lien avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments et, en particulier, avec la Loi sur les engrais. Le compost est assujetti à l'annexe II, comme le digestat, qui doit être enregistré.
    Le Conseil canadien du compost est un organisme national à but non lucratif qui vise à convaincre les Canadiens que les résidus organiques ne devraient pas être envoyés aux sites d'enfouissement, mais plutôt être retournés à la terre, pour améliorer la santé des sols. Aucune des diverses lois qui seront touchées par cette mesure législative ne fait référence à la santé des sols. On peut y mettre tous les intrants que l'on veut et y indiquer tous les intrants que nous serons autorisés à utiliser, mais l'on ne se soucie aucunement de l'intégrité des sols. Voilà où le compost entre en jeu: retourner les résidus au sol.
    Les activités des membres du Conseil canadien du compost touchent Agriculture et Agroalimentaire Canada, Environnement Canada, les ministères de l'Environnement de chaque province et chaque territoire, chacune des municipalités du pays et l'industrie. Notre préoccupation, c'est qu'en raison de l'intérêt réduit de l'ACIA à l'égard de l'efficacité, il revient maintenant à l'industrie de jouer le rôle de chef de file et de prendre les choses en main. À cette fin, nous avons créé un programme que l'on appelle l'Alliance de la qualité de compost, qui dépasse les exigences du gouvernement en ce qui a trait à l'échantillonnage visant à contrôler les caractéristiques agronomiques du compost. L'industrie s'assure ainsi de préserver la confiance que lui témoignent désormais les consommateurs au lieu de se fier à la surveillance du gouvernement.
    Nous cherchons à obtenir votre appui collectif pour que vous prêtiez une attention accrue à la santé des sols, pour veiller à ce que les résidus organiques soient retournés au sol, ce qui constitue la meilleure façon d'assurer l'intégrité de tous ces nouveaux produits et leur viabilité à long terme sur le marché canadien. Il est très important que vous commenciez à faire savoir que l'on ne parle plus de simple terre, mais de sol. C'est la seule chose qui importe réellement. Tout ce dont les Canadiens profitent provient de notre sol. En tant qu'entité collective, nous devons attirer davantage l'attention sur la santé des sols et faire connaître davantage la nécessité du recyclage des matières organiques au Canada.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Antler.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Oguamanam, qui est professeur à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Vous avez six minutes.
    C'est un immense privilège de parler du projet de loi devant le comité. Je vais limiter mes commentaires aux questions liées aux droits des agriculteurs.
    Comme vous l'avez remarqué tout au long du processus, beaucoup d'organismes affirment représenter les agriculteurs et défendre leurs intérêts. Leurs demandes relativement aux obtenteurs, aux producteurs et à tout autre acteur de l'industrie se recoupent, ce qui se reflète dans les propos qu'ils ont tenus sur la question des droits et des privilèges des agriculteurs, mais cela reflète aussi la nature de plus en plus complexe de la production agricole au XXIe siècle.
    J'aimerais que nous portions attention à la distinction entre l'agriculture et l'obtention. Il y a là un chevauchement qui a toute son importance quant à la façon dont nous réussirons à cerner les intérêts des agriculteurs.
    Dans une certaine mesure, les enjeux et les investissements liés au secteur privé et à la technologie dans le secteur de l'agriculture ont exercé une certaine pression pour limiter la capacité des agriculteurs d'utiliser, de conserver et d'échanger des semences conservées à la ferme. Cela se comprend, étant donné que le Canada est un pays agricole industrialisé. Harmoniser la loi canadienne à l'UPOV de 1991 pourrait accroître notre compétitivité à l'échelle mondiale; cela reflète aussi de la nature hautement industrialisée de la production agricole.
    Le renforcement des droits des obtenteurs de variétés végétales présente d'autres avantages qui, essentiellement, ne sont pas concluants et sont fortement contestés. Toutefois, il faut reconnaître que malgré la nature fortement industrialisée de la production agricole, il existe toujours de petits exploitants, qui sont les gardiens du savoir traditionnel en matière d'agriculture. Ces petits agriculteurs utilisent, conservent et échangent des semences conservées à la ferme; leurs activités incluent l'utilisation traditionnelle des terres et même la reproduction de variétés.
    Ce groupe de petits agriculteurs mène des travaux de recherche et de développement informels et pratique la conservation. Ils sont essentiels à l'agriculture durable, car l'histoire nous enseigne que l'agriculture industrielle et la modification génétique des ressources phytogénétiques à des fins d'alimentation et d'agriculture pourraient parfois entraîner des crises.
    J'invite le comité à examiner le paragraphe 5.3(2) du projet de loi, qui porte sur les droits ou les privilèges accordés aux agriculteurs. Il s'agit des droits des obtenteurs, qui sont visés aux alinéas 5(1)a) et b):
[...] ne s'appliquent pas au produit de la récolte d'une variété végétale qui est cultivé et utilisé par un agriculteur, sur son exploitation, uniquement aux fins de multiplication de la variété végétale.
    Ce que cela signifie, c'est que l'on ne traite que d'une catégorie d'agriculteurs, de gens que l'on pourrait appeler des fermiers amateurs. Ces agriculteurs ne souhaitent pas vendre leurs récoltes; ils cultivent sur leur balcon, en milieu urbain. Ce n'est pas de ces gens dont nous devrions parler, mais des petits exploitants agricoles.
    Ces petits exploitants agricoles jouent un rôle essentiel. Ils n'ont peut-être pas les moyens de payer des redevances, mais j'estime qu'ils ne représentent pas une menace pour les obtenteurs ou pour les droits des obtenteurs. Donc, au lieu de l'interdiction pure et simple de toute activité commerciale, comme l'on fait certains pays signataires de l'UPOV, d'autres ont choisi de mettre l'accent sur la taille de l'exploitation agricole, le volume de la récolte et le pourcentage du revenu annuel des petits exploitants agricoles qui utilisent des variétés végétales adventices pour déterminer s'ils sont visés par cette exemption sur le privilège accordé aux agriculteurs.
    J'attire l'attention du comité sur l'article 9 du Traité international de 2001 sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture de la FAO. Le Canada est partie à ce traité, qui porte sur l'exploitation agricole et l'agriculture du point de vue de la conservation. On y reconnaît aussi le rôle des connaissances traditionnelles quant aux pratiques agricoles. Bien que le Canada ait choisi le modèle de l'UPOV, le traité international comporte beaucoup d'éléments sur les ressources phytogénétiques se rapportant aux droits des agriculteurs. Nous pouvons aider à intégrer ces éléments au projet de loi de façon à protéger les agriculteurs souvent négligés qui jouent pourtant un rôle essentiel dans la conservation des ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture.
    C'est avec plaisir que je répondrai aux questions. Merci.

  (1115)  

     Merci beaucoup. Merci également aux témoins d’avoir respecté le temps de parole qui leur était alloué.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres. Monsieur Allen, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Merci également aux témoins d’être ici.
    Monsieur le professeur, vers la fin de votre exposé, vous avez parlé de deux possibilités en matière de conservation. Vous avez parlé de l’UPOV 91 comme étant en quelque sorte une structure. Pourriez-vous nous dire si d’autres pays…? Vous avez dit que l’UPOV 91, qui a été adopté ailleurs… qu’il est possible pour des gouvernements nationaux de modifier ce modèle et d’être tout de même reconnu comme ayant adopté l’UPOV 91. Est-ce exact? Si oui, pourriez-vous nous donner des exemples de ce que d’autres pays ont fait différemment pour protéger ce que vous appelez les petites exploitations agricoles? À mon avis, ce que vous dites, c’est que des agriculteurs amateurs ou des gens qui font pousser quelques plans sur leur balcon ne sont pas considérés nécessairement comme de petites exploitations agricoles et que ce ne sont pas eux qui sont visés.

  (1120)  

    Prenons, par exemple, la Norvège qui n’a pas adopté le modèle UPOV 91. La Norvège a décidé de poursuivre avec le modèle UPOV 78, celui-là même dont nous tentons de nous éloigner. Les États-Unis et la France ont tous les deux adopté un modèle qui respecte l’UPOV 91, quoique la France a totalement éliminé le privilège des agriculteurs. Les États-Unis, eux, ont choisi de mesurer la capacité d’un agriculteur à être exempté du droit de l’agriculteur en fonction d’un pourcentage de ses revenus découlant de l’utilisation de semences brevetées. Cela est conforme au modèle de l’UPOV qui permet aux gouvernements nationaux de définir l’étendue des privilèges accordés aux petites exploitations agricoles.
    Jusqu’à maintenant, nous avons des exemples qui nous montrent tout le spectre: la France est allée loin, le modèle des États-Unis semble être un juste milieu et la Norvège a choisi de poursuivre avec l’UPOV 78. Je crois qu’il est possible de reconnaître que l’article 9 du traité international pour la protection de la phytogénétique pour les aliments et l’agriculture nous aide à faire valoir les droits des agriculteurs et qu’avant la sélection des végétaux, nous avions des races locales qui représentent un patrimoine national. Celles-ci n’ont peut-être pas encore été touchées par la biotechnologie agricole. Tous ces éléments peuvent constituer une sorte de tampon en cas de crise. Nous voulons soutenir ce genre d’exploitations agricoles et reconnaître qu’elles font de la recherche et du développement de façon non officielle. Elles ne semblent pas avoir été prises de court par l’article 5.
    Vous parlez ici de différentes exceptions…. Ce n’est pas un document holistique. On n'est pas tenu d'accepter toutes les sections de l'UPOV 91 ou de n'en accepter aucune. Vous avez souligné certaines variances. Donc, selon vous, faudrait-il définir l’identité des exploitations agricoles canadiennes et déterminer s’il est possible de créer un modèle basé sur l’UPOV 91 pour protéger le privilège des agriculteurs, comme on l'appelle dans ce projet de loi? Je ne suis pas convaincu que c’est le bon terme, mais c’est le terme utilisé dans le projet de loi.
    Oui, le privilège et les droits des agriculteurs. Nous sommes à la fois signataires d’un traité sur les droits des agriculteurs et d’un traité sur les privilèges des agriculteurs.
    Selon moi, en vertu de l’article 9 du traité international, le Traité de la FAO, dont nous sommes signataires, nous pourrions d'abord prendre conscience que nous avons, au pays, des systèmes agricoles traditionnels, des connaissances traditionnelles et des patrimoines traditionnels. Nous avons des races locales qui font partie de notre identité nationale unique, notamment dans les collectivités autochtones et chez les petites exploitations agricoles, qui constituent la base de la biotechnologie agricole.
    Nous pourrions réfléchir à la façon de nous assurer que cette chaîne vitale de notre évolution agricole ne disparaît pas complètement. À mon avis, il faudrait d’abord reconnaître que ces gens participent à la recherche et au développement agricole, ne serait-ce qu’en utilisant des semences de façon informelle et créative. Ces gens sont les gardiens de notre environnement. Ils ont à coeur la conservation. Ils comprennent ce qui se produit d'une semence à l'autre. C'est une évolution progressive des connaissances qu’il ne faut pas perdre, car cela fait partie de notre histoire et ces informations sont toujours pertinentes.
    Ce que j’essaie de dire, c’est qu’il ne faut pas empêcher les petites exploitations agricoles au pays de mener leurs activités. Elles devraient avoir le droit d’utiliser et de conserver les semences de façon à pouvoir gérer leur exploitation. Il faut trouver un compromis entre ces exploitations et les intérêts des phytogénéticiens.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lemieux, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci aux témoins d’avoir accepté de venir discuter du projet de loi C-18.
    Monsieur le professeur, j’aimerais revenir sur certains de vos commentaires. Dans le cadre d’autres études, le comité a pris connaissance de certains des coûts colossaux, tant sur le plan de l’argent que sur le plan des ressources, associé à la création d'un trait qui pourrait intéresser les agriculteurs. La mise en marché d’un tel produit peut coûter dans les 100 millions de dollars ou plus et prendre de 10 à 15 ans.
    J’ai écouté vos commentaires et je ne vois pas où est le conflit. Vous dites que l’UPOV est un modèle d’exclusion rigide, qu’il s’agit d’un régime fermé de protection qui néglige les intérêts et les contributions novateurs des agriculteurs indigènes et locaux. Mais, la première chose que j’aimerais souligner…

  (1125)  

    Où voyez-vous cela dans mon document d’information ou mon exposé? D’où tirez-vous cela?
    C’est ce que vous avez écrit dans votre blogue.
    La première chose que je soulignerai, c’est que ce passage à l’UPOV 91 ne donne aucun droit aux phytogénéticiens qu’ils ne possédaient pas déjà. On ne fait que prolonger la durée de 18 à 25 ans. Donc, ce n’est pas comme si les phytogénéticiens n’étaient pas protégés auparavant. Ils le sont déjà en vertu du modèle UPOV actuel. On ne fait que prolonger durée.
    C’est une des raisons pour lesquelles je n’arrive pas à comprendre pourquoi cette prolongation de sept ans serait perçue comme une source de conflit ou un changement radical. Selon moi, cette prolongation protège davantage les investissements des phytogénéticiens au profit des agriculteurs, car le choix revient aux agriculteurs de se procurer ou non cette nouvelle technologie.
    Cela m’amène à l’essentiel de ma question. Rien ne change pour les agriculteurs: ils demeurent libres d’acheter ou non la technologie et de signer une entente. C’est à eux que revient la décision d’acheter ou non un produit. Je ne vois pas cela comme étant un modèle d’exclusion.
    En fin de compte, ce que nous disent les témoins, c’est qu’en protégeant davantage les droits des phytogénéticiens, les agriculteurs disposeront de plus de choix, et non le contraire. Si un agriculteur décide de ne pas acheter une technologie, de ne pas payer un supplément ou de ne pas payer des redevances, c’est son choix. Il utilise alors avec les semences disponibles sur le marché.
    Vous dites aussi qu’à l’occasion, des agriculteurs indigènes et locaux ont contribué à la création de semences. Je comprends cela et je respecte ces efforts. Mais, parfois, ces semences ne peuvent pas être commercialisées à grande échelle. Autrement dit, il s’agit plutôt d’une initiative communautaire. Elles ne peuvent donc pas nécessairement être commercialisées et vendues à d’autres agriculteurs à l’échelle du pays ou dans d’autres pays.
    J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
    Nous voulons faire comprendre que l’agriculture est un secteur essentiel qui rend compte, dans une certaine mesure, de la pluralité épistémique, notamment le modèle industriel de la production agricole. Il est clair qu'en tant que civilisation immigrante, nos ancêtres n’avaient aucun choix lorsqu'ils sont arrivés sur ces terres: ils devaient nourrir la population.
    Nous sommes un pays hautement industrialisé. Mais, puisque nous nous appuyons sur un système qui ne soutient qu’une seule façon épistémique de faire les choses, nous courons le risque que dans 10 ans, plus personne n’utilise les races locales traditionnelles. Ce que nous tentons de faire, c’est de permettre aux agriculteurs d’être compétitifs ou autosuffisants sur le marché. Les aliments, c’est également une question de culture.
    Ce que je veux dire, c’est qu’il est possible d’avoir deux systèmes qui coexistent sans empêcher l’agriculteur d’utiliser les semences conservées à la ferme, même…
    Je ne crois pas que ce soit le cas.
    À mon avis, l’avantage d’ajouter le privilège des agriculteurs à une loi fédérale, c’est que ce privilège est maintenant défini. C’est une bonne chose, car ce privilège ne pourra pas être retiré en vertu de mécanismes culturels non définis. Selon moi, l’agriculteur court davantage de risques aujourd’hui de se faire offrir un contrat dans lequel il ne dispose d’aucun privilège.

  (1130)  

    Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Valeriote, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le professeur, d’avoir accepté de venir témoigner. Merci également à tous les témoins.
    Comme l’a brièvement souligné M. Lemieux, certains s’inquiètent que les phytogénéticiens obtiennent des droits, alors que le privilège de conservation de semences à la ferme des agriculteurs est limité.
    Vous en avez déjà parlé, monsieur le professeur.
    Selon le ministre, il s’agit d’un malentendu. Les agriculteurs pourront encore conserver et nettoyer les semences comme avant.
    Ma question est la suivante. J’aimerais citer le ministre qui a dit ceci au comité:
Le droit de l’agriculteur de conserver des semences pour les utiliser plus tard est protégé, et cela comprend le droit de les entreposer. Voilà pourquoi il importe d’actualiser la loi à la lumière de l’UPOV 91. L’agriculteur n’a pas besoin de la permission du titulaire du certificat d’obtention pour conserver les semences à la ferme afin de les utiliser les années suivantes. Je le répète: l’agriculteur n’a pas besoin de la permission de personnes. Compte tenu de ce fait, les intervenants ont fait savoir au gouvernement que les libellés pouvaient être améliorés afin qu’il soit mentionné sans équivoque que l’entreposage de semences fait partie du privilège de l’agriculteur. Notre gouvernement apportera une modification en ce sens.
    Il poursuit en disant que la confusion découle du fait que les avocats et les agriculteurs ne parlent pas la même langue.
    Je suis un avocat. Vous enseignez à l’université où j’ai étudié. Pourriez-vous nous parler de cette incertitude linguistique? Y a-t-il une différence entre « privilège » et « droit »? Selon vous, faudrait-il changer le libellé du projet de loi pour le rendre plus clair?
    Merci beaucoup.
    Bien entendu, il y a une différence entre privilège et droit. Mais, lorsqu'un privilège est promulgué, comme c’est le cas dans le projet de loi C-18, cela lui donne plus de mordant. Que l’on utilise « privilège » ou « droit » ne m’empêchera pas de dormir, car en vertu du traité international, les gouvernements ou les pays sont libres de légiférer les droits des agriculteurs comme bon leur semble. Si le Canada décide de parler de « privilège », je n’y vois aucun inconvénient.
    Le principal problème sur lequel il faut se pencher, c’est l’article 5. Cet article ne permet pas, ni dans son esprit ni dans sa lettre, aux petites exploitations agricoles de vendre leurs récoltes. Il les empêche de le faire. Je crois qu'on peut faire mieux, qu’il est possible d’adapter cet article en conséquence.
    Si je plante quelque chose dans mon jardin pour montrer à mes enfants comment poussent les fruits et légumes, que je récolte ce que j’ai semé et que nous le mangeons, c’est totalement différent. Je n’ai aucune intention de vendre ma récolte. Mais il y a encore des gens dans les collectivités rurales qui n’ont pas les connaissances techniques nécessaires pour conclure un accord. Ce sont des agriculteurs traditionnels, de petites exploitations agricoles. Ces gens peuvent améliorer accidentellement un processus. C'est pour eux que nous voulons modifier la mesure.
    Donc, vous dites qu’il faudrait mieux définir ce qui constitue une petite exploitation agricole?
    Oui, si c’est nécessaire.
    Vous avez certainement obtenu l’opinion de groupes associés et de petites exploitations agricoles dans d’autres pays où l’UPOV 91 a été adopté. Que vous ont-ils dit au sujet des réussites et des problèmes de ce modèle et de son impact sur les petites exploitations agricoles?
    On peut leur poser des questions sur le nombre d’acres nécessaire à une petite exploitation agricole pour être admissible et sur la complexité de l’administration d’un tel régime. On peut également leur parler de leur récolte: quel pourcentage de revenus une petite exploitation agricole doit-elle obtenir? Ensuite, quel est le seuil à atteindre pour être admissible à un permis pour l’utilisation des semences concernées?
    Quel devrait être le seuil, selon vous? Devrait-il être fixé en fonction des revenus, ou de la superficie en acres ou d’une combinaison des deux?
    Je crois qu’il faudrait sérieusement se pencher sur la question. Il faudrait s’assurer de bien comprendre le paysage de la production agricole au pays. Certains ont utilisé un seuil de 10 acres, d’autres une superficie semblable. Certains ont dit: « Vous disposez peut-être de 10 acres, mais pour cette récolte, vous dites que le pourcentage de vos revenus est de x, alors c’est ça votre seuil. »
    Un des bons éléments de ce projet de loi, et je dois le reconnaître, c’est qu’il laisse beaucoup de place pour l’adoption de règlements secondaires. Beaucoup de choses seront réglées en vertu de ce modèle.

  (1135)  

    Je vois.
    Merci beaucoup, monsieur Valeriote.
    Monsieur Zimmer, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci à tous les témoins d’avoir accepté l’invitation du comité de l’agriculture.
    Ma première question s’adresse à M. Atkins. J’ai bien aimé votre exposé. Dans celui-ci, vous dites qu’il faut modifier ce que nous utilisons actuellement. J’aimerais comprendre pourquoi, selon vous, il faudrait procéder par l’entremise de la mesure législative actuelle.
    Allez-y.
    Merci, monsieur Zimmer.
    Je crois que la mesure législative permet certainement de clarifier certaines choses qui nous posent problème actuellement dans l'administration du programme; elle offre par exemple des définitions plus claires des règles d'admissibilité, et pour ceux qui ne sont pas au courant, elle précise la possibilité d'être lié à un autre producteur dans une autre entreprise et tente de prévenir l'utilisation à mauvais escient de la première tranche de 100 000 $ de financement sans intérêt.
    C'est un exemple. Le fait d'envisager l'ajout de certains produits, comme la chèvre, à la catégorie du bétail — alors qu'actuellement, elle est considérée comme un animal qui peut être assujetti à des restrictions en raison de la marge de référence du programme AgriStabilité — permet aux producteurs d'améliorer leur capacité d'obtenir du financement pour leurs activités. Nous examinons cela aujourd'hui, en particulier dans les industries où nous offrons le programme de paiements anticipés; nous les considérons un peu comme des industries périphériques, comme la production caprine et la production de biomasse.
    Il y a beaucoup de nos produits qui n'intéressent pas les institutions financières. Nous nous tenons loin des industries contingentées, et des choses de ce genre. Je pense que certains éléments du projet de loi, comme l'exemple que j'ai donné, nous donnent plus de précision, de sorte qu'on peut plus facilement en respecter l'interprétation. De plus, ils envoient toujours le même message à tous les agents d'exécution, afin que nous n'ayons pas à interpréter la loi en soi en fonction de ce que nous tentons de faire.
    Merci.
    La prochaine question s'adresse au professeur. Je vous remercie de votre exposé. Mais vous avez notamment dit ne pas être certain que les agriculteurs pourraient être compétitifs dans le cadre du nouveau régime. Je ne comprends pas trop. Je pense que mon collègue M. Lemieux a dit lui aussi qu'il y a de la concurrence. On peut utiliser des semences offertes sur le marché ou des semences brevetées, ou n'importe quelle sorte de semences. On devra simplement payer plus cher. Je ne comprends pas trop ce que vous voulez dire quand vous parlez du manque de concurrence.
    Vous avez parlé d'autres pays, mais je dirai bien respectueusement que nous nous soucions de ce qui est bon pour les agriculteurs canadiens. Je suis ici parce que je représente des agriculteurs canadiens. Je ne vois donc pas comment vous pouvez parler d'un obstacle à la concurrence.
    Ce n'est peut-être pas exactement ce que j'ai voulu dire. Mais je veux vraiment que nous portions attention au fait que de ne pas permettre aux agriculteurs, à ceux qui pratiquent l'agriculture familiale, aux petits exploitants agricoles et peut-être aux producteurs biologiques... On ne nous dit pas que leur privilège les empêche de mettre leur récolte sur le marché.
    Comment les empêche-t-on d'offrir... sur le marché?
    À l'article 5, que je vous ai lu, on ne tient pas compte de la capacité des petits exploitants agricoles. Parlons de l'avantage de la conservation des semences. Nous savons ce qui s'est produit dans le cas de Monsanto. Des agriculteurs ont pu en utiliser dans leur exploitation, et peut-être qu'après la récolte, ils ne s'en sont pas soucié, mais à un moment donné, les sélectionneurs peuvent se frayer un chemin et les court-circuiter.
    Ce que j'essaie de dire, c'est que nous pourrions au moins tenir compte des petits exploitants agricoles et leur permettre d'offrir leur récolte sur le marché. De cette façon, nous reconnaissons qu'il y a d'autres acteurs dans le processus agricole, mis à part les sélectionneurs et les sociétés agrotechnologiques de pointe.
    L'un des problèmes liés à l'UPOV 91, et je suis d'accord avec vous, en tant que Canadien, pour dire que notre agriculture est fortement industrialisée et que nous devons protéger cet héritage également, mais...
    Merci beaucoup, monsieur Zimmer. Nous avons dépassé le temps prévu.
    C'est maintenant au tour de Mme Brosseau. Vous disposez de cinq minutes.

  (1140)  

    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leurs exposés sur cet important projet de loi.
    Monsieur Oguamanam, nous avons entendu ici des témoins qui nous ont dit qu'avec l'UPOV 78, nous remplissons nos obligations internationales et qu'il n'est pas nécessaire d'aller dans cette direction. Est-il vrai qu'avec l'UPOV 78, nous remplissons officiellement nos obligations internationales?
    Avec l'UPOV 78, ça va. En ce qui concerne le commerce international et la concurrence mondiale, la plupart de nos partenaires commerciaux ont harmonisé leurs lois à l'UPOV 91, même si ce n'est pas ce que je serais porté à faire. Dans un marché mondial concurrentiel, le fait de passer à l'UPOV 91 permettrait au Canada d'être à égalité avec ses partenaires commerciaux, mais il n'a pas besoin de le faire, car l'UPOV 78 est suffisant. C'est ainsi en Norvège.
    Selon ce que vous avez dit tout à l'heure au sujet des petits exploitants agricoles et des petites exploitations, il semble que nous devions être plus attentifs aux différents types d'agriculture que nous avons au Canada, que ce ne soit pas universel. À la première séance de l'étude du projet de loi C-18, lorsque le ministre a comparu devant le comité, il nous a dit de ne pas nous inquiéter, qu'il allait présenter un amendement et qu'il s'assurerait que le privilège de l'agriculteur serait protégé. Je pense que nous avons tous hâte de voir cet amendement; il serait bien qu'on nous le présente enfin. Nous voulons en discuter avec les témoins, nous assurer qu'il est suffisamment ferme et que le renforcement du projet de loi permet d'apaiser les préoccupations de l'industrie, des agriculteurs et de certains groupes.
    J'aimerais que vous nous parliez des variétés de céréales qui sont protégées en vertu de la protection des obtentions végétales.
    Le projet de loi est clair. Je ne connais pas les variétés précises, mais dans la mesure où les sélectionneurs peuvent apporter une certaine amélioration à une variété... ils ont un droit de propriété. Comme nous l'avons dit à maintes reprises, les droits des sélectionneurs ne sont pas des droits de brevet, car ils permettent aux sélectionneurs d'effectuer également de la recherche sur leurs produits, mais ils empêchent les agriculteurs de participer. Le problème, c'est qu'il y a des gens qui font de la sélection, mais aussi de l'agriculture. En raison des multiples niveaux d'intérêts dans le paysage agricole, il y aura un grand nombre de questions à examiner lorsque le projet de loi deviendra loi. Voilà pourquoi j'aime l'idée d'une loi pour encadrer les règlements secondaires. Je reviens à l'article 9 du Traité international sur les ressources phytogénétiques, qui indique clairement que les parties contractantes doivent protéger le droit des agriculteurs de participer à la prise de décisions sur les questions qui les concernent. Je me demande si le processus de réglementation serait suffisamment évolué pour permettre la participation de toutes les parties concernées, y compris les petits exploitants agricoles.
    Pourriez-vous nous parler du régime de perception des redevances que vous recommanderiez pour l'industrie céréalière au Canada? Je sais qu'il y a divers régimes dans les autres pays. Selon vous, quel serait le meilleur pour l'industrie canadienne?
    Malheureusement, je ne me suis pas vraiment penché sur cette question et je ne voudrais pas induire le comité en erreur.
    Très bien, merci.
    Il reste une minute.
    J'aimerais aborder un nouveau sujet: la contrefaçon de brevet. Il y a eu plusieurs cas très médiatisés où c'est arrivé naturellement. Selon vous, doit-on prouver que les producteurs avaient l'intention d'enfreindre les lois sur les brevets?

  (1145)  

    Notre loi sur les brevets est très stricte en ce qui concerne la contrefaçon; elle ne tolère pas la contrefaçon non intentionnelle.
    D'accord.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Hoback, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je crois que je vais poursuivre dans la même veine. Quand le canola Roundup Ready a été introduit dans les Prairies — il y a eu des poursuites très médiatisées à l'époque, dont celle de Percy Schmeiser —, ce qui était très clair, lorsqu'on acceptait ces semences, c'est qu'on signait un contrat qui n'offrait aucun privilège. On n'avait pas la possibilité d'utiliser les semences l'année suivante; on devait vendre chaque boisseau cultivé.
    Avec l'UPOV 91, il y aura un privilège. Dans ce contexte, l'agriculteur pourrait conserver ces semences. Le canola est devenu hybride, alors je ne tiens pas compte de cette option. Ne diriez-vous pas que la situation est pire actuellement, étant donné qu'un agriculteur pourrait conclure un contrat qui l'empêcherait d'utiliser ces semences les années suivantes, et que l'UPOV 91 est le seul moyen de corriger cette situation?
    On peut la corriger grâce à la partie de l'UPOV 91 qui porte sur le privilège de l'agriculteur. Elle permet de conserver les semences. Les agriculteurs n'ont pas ce privilège actuellement. En fait, le contrat que nous avons créé...
    Cette option figure déjà dans l'UPOV 78, même si on ne l'appelle pas précisément le privilège de l'agriculteur.
    Comme je l'ai dit, dans le cas du canola Roundup Ready, de Monsanto, l'agriculteur devait signer un contrat pour avoir accès aux semences; il s'agissait d'une entente sur les utilisations technologiques. On payait tant par acre pour cette entente, dans laquelle on indiquait que l'agriculteur ne pouvait pas conserver les semences. On disait clairement dans le contrat qu'il ne le pouvait pas.
    Je pense qu'avec l'UPOV 91, on ne pourrait passer ce genre de contrat, n'est-ce pas?
    Les règles de la common law relatives aux contrats au Canada nous donnent toujours la liberté contractuelle, d'où la possibilité de conclure des contrats qui dérogent à la loi. Cela dépend. Un contrat reste un contrat.
    D'accord, eh bien, je ne débattrai pas avec vous de la question des contrats, car vous êtes avocat et je ne le suis pas, mais vous pouvez sans doute comprendre ce dilemme; je sais que l'UPOV 91 peut corriger le problème, alors qu'actuellement, nous n'avons rien pour le corriger.
    Oui.
    Je vais maintenant m'adresser à Mme Susan Antler.
    J'ai bien aimé votre commentaire au sujet de l'utilisation du mot « sol ». Un de mes amis, qui était agronome, avait l'habitude de dire que la terre se soulève et que le sol se cultive. C'est tout à fait vrai, et chaque fois que je parlais de « terre », il me reprenait.
    Vous avez parlé de compost et de matière organique. Les provinces des Prairies sont très efficaces dans ce domaine; elles ont réussi à augmenter leur matière organique grâce, notamment, à la culture sans labour, au semis direct. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, de grands ateliers ont été offerts partout dans les Prairies. Je me rappelle avoir participé aux journées champêtres. J'ai assisté à des ateliers de la Manitoba-North Dakota Zero Tillage Farmers Association.
    Ce qui sera intéressant, avec l'UPOV 91, c'est la nouvelle génétique que nous utiliserons et qui permettra également de réduire l'érosion des sols et d'augmenter la matière organique. N'êtes-vous pas d'accord?
    Je ne peux pas vous en parler précisément, mais je sais qu'il est absolument essentiel à la réussite de tout type d'agriculture de voir à retenir et à renforcer le plus possible les matières organiques.
    L'un de nos problèmes, c'est le fait qu'il nous faut déployer davantage d'efforts proactifs. Par l'entremise de l'Alliance de la qualité du compost, nous avons adopté l'initiative, la vision du gouvernement en entreprenant un programme par lequel nous veillerons à ce que nos produits soient efficaces, soient testés avec succès et obtiennent la confiance des consommateurs, afin que ceux qui achèteront divers types de compost sachent qu'ils proviennent d'installations autorisées, certifiées par le programme de l'AQC. Encore une fois, tout repose sur la confiance des consommateurs, qu'il s'agisse d'agriculteurs ou de citadins, sur la reconnaissance d'un élément de confiance. Si on retire cela de certains aspects et de certains organismes, alors l'industrie et d'autres groupes doivent intervenir.
    Passons maintenant à une partie du projet de loi C-18 qui porte sur les modifications au programme de paiements anticipés et la possibilité, désormais, d'utiliser des produits ou des fonds provenant de toute source pour rembourser l'avance de fonds.
    De plus, je crois qu'il y a un autre avantage, soit le fait qu'on peut faire appel à une seule source, maintenant, pour obtenir les avances pour tous les produits végétaux ou animaux. Quelle incidence cela aura-t-il sur les agriculteurs? Auparavant, c'était compliqué; il fallait aller à divers endroits ou s'adresser à différentes personnes pour obtenir les approbations nécessaires. Selon vous, cela améliorera-t-il l'efficacité?
    Je pense que l'une des choses qui améliorera l'efficacité, c'est précisément ce que vous avez mentionné, le fait de pouvoir administrer le programme pour différents produits.
    À ACC, par exemple, nous nous occupons de divers produits dans chaque province. Il semble que parfois, le producteur doive multiplier les efforts pour obtenir une partie de son prêt de notre organisme et une partie de son avance de fonds d'un autre organisme ou d'un autre agent d'exécution dans ce secteur.
    Je crois qu'en permettant aux agents d'exécution de faire des avances pour ces produits aujourd'hui... Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous nous occupons de quelque 4 500 produits et nous prêtons des fonds pour bon nombre d'entre eux. Il y a des secteurs où nous pouvons offrir des services plus spécialisés, où l'agent d'exécution peut ne pas être présent un jour donné, ce qui nous permet d'administrer selon l'expérience que nous avons.

  (1150)  

    Merci, monsieur Hoback.
    C'est maintenant au tour de Mme Raynault. Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Monsieur Oguamanam, pouvez-vous nous expliquer de quelle façon UPOV 78 permet de conserver et d'utiliser les semences?

[Traduction]

    Sous le régime de l'UPOV 78, nous pouvons conserver les semences sans nécessairement demander la permission du sélectionneur, qui ne peut pas avoir accès à nos récoltes. Il ne peut pas surveiller nos récoltes. Nous pouvons en fait conserver des semences dans la mesure où le sélectionneur ne peut...
    L'UPOV 91 doit... égaliser nos récoltes. Le sélectionneur peut les surveiller.
    Mais sous le régime de l'UPOV 78, je doute que le droit du sélectionneur d'exercer un certain degré de surveillance de nos récoltes soit garanti.

[Français]

    Pouvez-vous aussi nous parler du privilège des agriculteurs dans le cadre d'UPOV 91?
    De quelle manière aimeriez-vous qu'on applique cette disposition?

[Traduction]

    Comment mettre en application le privilège accordé aux agriculteurs aux termes de l'UPOV 91? C'est exactement ce qu'a fait le Canada, concrétiser le privilège accordé aux agriculteurs aux termes de l'UPOV 91.
    Le renforcement est tributaire de la réglementation. On a accordé beaucoup de pouvoir aux obtenteurs en ce qui concerne l'octroi de permis, la surveillance, les réclamations relatives aux récoltes, la possibilité de réclamer des redevances en fin de chaîne, et ainsi de suite.
    Selon moi, le renforcement passe par la réglementation et par le cadre normal dont dispose le pays pour mettre ses lois en application. La vérité est que les obtenteurs exercent une grande surveillance sur les agriculteurs. Nous devons vraiment comprendre qu'il y a beaucoup d'agriculteurs. Qui fait quoi? À qui les intérêts défendus profitent-ils? À quel moment ces intérêts se manifestent-ils? Ce sont des questions très complexes avec toutes sortes de ramifications.
     J'ai fait une évaluation de tous les organismes qui parlent aux agriculteurs et qui parlent en leur nom. Il importe de regarder tout cela de plus près et de jauger de quels types d'agriculteurs il est question. Nous parlons des agriculteurs de façon générique, mais nous reconnaissons que les agriculteurs sont loin d'être tous pareils. C'est une question fondamentale.

  (1155)  

[Français]

     Merci.
    J'ai moi-même été agricultrice. Nous n'avions pas une très grande ferme, mais nous étions tout de même considérés comme des agriculteurs. En effet, cela nous permettait de vendre nos produits au marché et à la maison. Bien sûr, nous ne possédions pas des milliers d'acres. Notre agriculture servait plutôt à nourrir la population. Je comprends donc très bien que le producteur doive être protégé.
    Vous avez raison de dire qu'il y a toutes sortes de producteurs. J'ai connu ce qu'on pourrait appeler des producteurs de fin de semaine. Ils s'intéressaient à ce secteur et souhaitaient que les fermes soient conservées à des fins d'agriculture, même si pour eux, ce n'était pas payant. Ils ne vivaient pas de l'agriculture. Il faut protéger nos petits producteurs agricoles. En effet, ils ne sont pas tous en mesure de s'acheter des fermes qui couvrent des milliers d'acres, surtout au Québec.
    De plus en plus, les gens préfèrent la production de proximité. On veut éviter qu'un fruit soit transporté pendant des milliers de kilomètres en provenance de l'étranger. Si on peut le produire chez nous, c'est tant mieux. Ce ne sont généralement pas les grosses fermes qui produisent ces pommes ou ces pommes de terre. La situation est assez différente dans l'Ouest. Les fermes du Québec, par exemple, ne sont pas aussi imposantes que celles de l'Alberta ou de la Saskatchewan, mais c'est la façon dont nous vivons chez nous.

[Traduction]

     Merci, madame Raynault. Nous avons largement dépassé le temps prescrit.
    Passons maintenant à M. Payne, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être là.
    Cette discussion sur le projet de loi C-18 est très intéressante.
    Je veux revenir à vous, monsieur Atkins. Vous avez parlé du Programme des paiements anticipés, le PPA, et je crois que vous avez dit que votre organisation était à l'heure actuelle la seule à voir aux paiements anticipés dans chacune des 10 provinces du pays.
    Nous sommes le seul administrateur qui administre le programme de paiements anticipés dans toutes les provinces. Il y a plus de 50 administrateurs dans l'ensemble du Canada qui font cela, mais nous sommes à ce jour le seul présent dans toutes les provinces.
    D'après ce que je comprends — et je n'ai entendu qu'une partie de vos observations —, en ce qui concerne l'UPOV 91, vous avez dit qu'il fallait fournir de l'aide et moderniser les pratiques courantes et acceptables. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    J'ai parlé de la façon dont les sociétés — aux termes du Programme de paiements anticipés, par exemple —fournissent des garanties par l'entremise d'organismes agricoles qui sont devenus des sociétés, ou des partenariats enregistrés, ou des sociétés à responsabilité limitée.
    Bien entendu, le projet de loi C-18 prévoit une capacité de retour accrue tout en tenant compte du fait que chacun des répondants doit affectivement mettre quelque chose en garantie pour le prêt. Mais en ce qui concerne les signatures et d'autres aspects particuliers, il y a une certaine latitude qui permet de donner ces droits à l'actionnaire majoritaire, à la personne qui contrôle les intérêts de cette organisation.
    De nos jours, cette possibilité existe bien sûr pour la plupart des secteurs d'activité, et le PPA devrait l'offrir aux signataires autorisés, aux actionnaires majoritaires ou à une autorité désignée par le conseil d'administration afin d'amener l'entreprise à conclure une entente.
    D'accord, merci.
    Madame Burtnack, vous avez parlé un peu de la protection des consommateurs, des options possibles, du renforcement de l'aspect sécuritaire et de l'augmentation du commerce. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à cet égard?
    Je sais que vous avez également parlé des semences canadiennes — de l'Institut canadien des engrais et de CropLife. Je souhaiterais en savoir un peu plus long à ce propos.
    Bien sûr. Vous voulez savoir dans quelle mesure nous appuyons la position qu'ils ont prise..? Est-ce bien le sens de votre question?

  (1200)  

    Oui.
    Très bien. Je vais commencer par les intrants, car je veux m'assurer d'en couvrir toutes les composantes.
    En ce qui concerne les intrants et le pouvoir qui a été donné à l'ACIA en particulier pour veiller à ce qu'ils soient d'utilisation sécuritaire, ce sont des aspects qui, bien entendu, nous préoccupent beaucoup, au même titre que l'ensemble des Canadiens. De plus, je crois que le fait de permettre à l'ACIA de se servir de données mises au point à l'extérieur du pays est une nette amélioration. Cette façon de faire permet d'éviter d'avoir à reproduire les données en provenance d'un autre pays appliquant les mêmes normes que les nôtres. Elle permet en outre à l'ACIA d'agir avec une plus grande liberté et d'alléger le fardeau administratif associé à la génération de données qui auraient déjà été acceptables pour établir le caractère sécuritaire du produit visé et déterminer s'il peut être utilisé au Canada.
    En ce qui concerne la protection des droits des obtenteurs, l'innovation que nous aimerions voir découlerait de cela. Il s'agirait en effet de faire en sorte que les innovateurs puissent venir au Canada en sachant que l'investissement consacré à la semence qu'ils produiront est protégé, et qu'ils seront en mesure de continuer à innover avec les fonds provenant des droits des semences mises au point. Je crois que cet aspect revêtira une importance névralgique à l'avenir, surtout si l'on veut atteindre l'objectif de nourrir 9 milliards de personnes d'ici 2050. Tout part de la semence.
    Cela dit, je suis aussi d'accord avec Mme Antler lorsqu'elle affirme que tout est fonction de la terre. En ma qualité d'agronome, je reconnais très bien l'importance que le sol revêt — ce n'est pas de la poussière — ainsi que la nécessité d'assurer qu'il soit aussi fertile que possible, que la semence qu'on y plante puisse atteindre son rendement maximum et que les intrants utilisés sont aussi sécuritaires et efficaces que possible. C'est là notre seule façon d'atteindre notre objectif de doubler la production.
     Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Payne.
    Je veux remercier tous nos témoins d'avoir été là pendant la première heure.
    Nous devons maintenant recevoir de nouveaux témoins et régler les dispositifs vidéos en conséquence. Nous allons donc faire une courte pause.

  (1205)  

    Nous allons reprendre nos travaux.
    Avec nous pour cette deuxième heure, de CropLife, Dennis Prouse, vice-président, Affaires gouvernementales, et Stephen Yarrow, vice-président, Biotechnologie; de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec, nous entendrons M. William Van Tassel, premier vice-président, et Salah Zoghlami, conseiller, Affaires agronomiques et recherche; et, aussi du Québec, Ariane Gagnon-Légaré, organisatrice communautaire pour Les AmiEs de la Terre de Québec.
    Soyez les bienvenus.
    Pour éviter les problèmes techniques, nous allons commencer par la vidéoconférence.
    Madame Légaré, vous disposez de six minutes.

[Français]

    Les AmiEs de la Terre de Québec oeuvrent à la transition vers une société écologique, solidaire et équitable. Nous sommes préoccupés par la manière dont le projet de loi C-18 favorise ou non la transition vers un développement viable.
    On souhaite, de concert avec le gouvernement fédéral, favoriser l'innovation et la prospérité. On parle d'une innovation et d'une prospérité qui renforcent la qualité de l'alimentation des citoyens et qui favorisent le bien-être des personnes qui travaillent dans le secteur agroalimentaire, non seulement au Québec et au Canada, mais aussi à l'échelle globale.
    Ce sont principalement les dispositions encadrant les obtentions végétales et harmonisant les lois canadiennes à la norme UPOV 91 qui retiennent notre attention. Nous discuterons de leurs incidences sur la biodiversité agricole, la reconnaissance du bien commun, l'innovation, l'engagement citoyen et la souveraineté alimentaire.
    D'entrée de jeu, nous craignons que les dispositions concernant les obtentions végétales nuisent à la libre gestion des semences. En effet, ces dispositions permettent de restreindre l'entreposage et la distribution des semences qui font l'objet d'un certificat d'obtention végétale. En fait, ce sont principalement de grandes entreprises qui ont les ressources et la culture nécessaires pour mener les démarches administratives en vue d'obtenir ces certificats.
    Or, ces dernières décennies, on a observé une érosion de la biodiversité agricole à un rythme sans précédent. Selon le programme de travail sur la biodiversité agricole de la Convention sur la diversité biologique, le recul de la biodiversité résulte de l'homogénéisation des systèmes de production agricole à travers l'intensification, la spécialisation des cultures et des élevages et la standardisation qu'entraîne la mondialisation.
    Les données historiques montrent que, à ce jour, la diversité des acteurs agricoles, notamment la coexistence de multiples petites fermes où chacun sélectionnait puis gérait ses semences en les échangeant librement a favorisé la diversification des variétés végétales, alors que l'industrialisation de l'agriculture portée par de grandes entreprises a sévèrement contribué à décimer la biodiversité agricole.
    En adoptant la norme UPOV 91, le Canada pourrait ainsi réduire encore plus le nombre d'acteurs participant à la gestion des semences, affaiblir d'autant l'inventivité des ces acteurs et nuire ainsi au maintien et à l'expansion de la biodiversité agricole.
    Par ailleurs, les semences que nous utilisons aujourd'hui sont le fruit du travail et de l'ingéniosité de millions d'agricultrices et d'agriculteurs qui ont sélectionné au fil des millénaires les variétés convenant le mieux à leur condition géoclimatique, à leur mode de vie et à leur goût. Issues de processus séculaires d'innovation et de diversification, la biodiversité agricole et les semences qui la portent devraient être reconnues comme patrimoine commun de l'humanité. Nous estimons que ce patrimoine ne devrait pas être breveté ni presque breveté par des certificats d'obtention végétale. Un tel accaparement de certaines variétés de semences ne respecterait pas le travail collectif dont elles recèlent.
    Pour stimuler l'innovation, plutôt que de calquer le traditionnel système des brevets et droits d'auteur par le recours aux certificats d'obtention végétale, le Canada gagnerait à s'inspirer des mouvements de logiciels libres et de libération des données. Les sphères informatique et électronique montrent éloquemment comment la diffusion des codes sources permet de puiser dans l'intelligence collective pour produire des outils efficients tout en générant de la richesse. La libération des données est également adoptée par de nombreuses administrations gouvernementales et des centaines d'institutions universitaires et de recherche. Dans l'air du temps, la libération des données offre une profusion d'exemples de sa pertinence et de sa productivité. L'adoption de la norme UPOV 91 irait à l'encontre de ce mouvement.
    Qui plus est, les semences sont à la base de notre alimentation, cette dernière étant l'un des piliers de notre survie et de notre qualité de vie par son incidence sur notre environnement, notre santé et nos facultés mentales. Selon nous, une gestion citoyenne des semences est donc primordiale.
    À cet égard, le projet de loi nous inquiète sur deux points. D'une part, comme nous l'avons souligné plus haut, les changements à la gestion des obtentions végétales prévus par le projet de loi C-18, en plus de leurs conséquences négatives sur la biodiversité, ne favorisent pas la participation populaire à la gestion des semences.
    Par ailleurs, il est selon nous primordial que ce ne soit pas surtout les entreprises motivées par des bénéfices financiers qui orientent le développement des nouvelles variétés végétales. Nous considérons qu'une plus large gamme d'acteurs, animés par un plus vaste éventail d'incitatifs ancrés dans une diversité de communautés et de contextes, sont plus à même de porter un développement qui répond aux besoin des générations actuelles et futures. En ce sens, toujours compte tenu du caractère vital de l'agriculture et de l'alimentation, nous souhaitons que les pouvoirs publics soutiennent l'innovation en matière de semences, et ce, en répondant à des orientations éclairées par des débats publics.
    À travers les points tout juste présentés, soit notre préoccupation pour la biodiversité agricole, sa reconnaissance comme patrimoine commun de l'humanité, le libre accès aux semences ainsi que la gestion démocratique et participative, en trame de fond, ce que nous souhaitons mettre de l'avant, c'est la souveraineté alimentaire. La Via Campesina la définit comme le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée produite avec des méthodes durables ainsi que le droit des peuples de définir leur propre système agricole et alimentaire.

  (1210)  

     Une population ou un État est souveraine ou souverain sur le plan alimentaire si elle ou il a « la liberté, la capacité et le droit de définir ses propres politiques en matière d'agriculture, d'emploi, de pêche, d'alimentation et d'aménagement du territoire, et ce, sans que ces politiques ne portent préjudice aux pratiques agricoles d'autres pays ». C'est dire que la souveraineté alimentaire d'une population ne peut être atteinte au détriment d'autres populations.
    La souveraineté alimentaire place les questions agroalimentaires entre les mains des populations locales. L'alimentation et l'agriculture doivent alors, par définition, être gérées collectivement afin d'être adaptées aux caractéristiques environnementales, sociales, économiques et culturelles des communautés.
    Le concept se dissocie ainsi de la tendance économique actuelle où l'agriculture et l'alimentation répondent à des règles économiques déconnectées de leurs conséquences sociales et environnementales. La souveraineté alimentaire se pose comme une fin légitime, par exemple, pour adopter des mesures pour protéger la production, la distribution et la mise en marché locales, et instaurer des critères de qualité d'emploi et de respect de l'environnement. Des mesures qui pourraient être perçues comme protectionnistes par des économistes traditionnels deviennent alors des outils de base du développement des communautés.
    Adhérer au principe de souveraineté alimentaire permettrait de contrer la disparition des petites exploitations agricoles observée au cours des dernières décennies. C'est une manière de dynamiser l'économie des régions rurales, tout en se prémunissant contre les aléas des marchés mondiaux. Favoriser les petites entreprises agricoles peut également être un outil pour donner accès localement à des aliments frais et de qualité. Ces aliments de qualité, tout comme la participation à des activités agricoles, ont un rôle à jouer dans la propagation de saines habitudes de vie.
    Il ne me reste qu'un phrase à mentionner.

[Traduction]

     Je vais vous demander de conclure, s'il vous plaît.
    D'accord.

[Français]

    En partant de la gestion des semences, nous proposons une vision qui prend en compte plus largement la justice environnementale, la santé publique et la réduction de la pauvreté. Selon cette vision, notre système alimentaire, compte tenu de son rôle névralgique sur les plans de l'économie, de l'environnement, du dynamisme régional et de la santé publique, est déterminé par des débats et des décisions communautaires au bénéfice des générations actuelles et à venir.

[Traduction]

    Merci.
    Merci beaucoup.
    Au tour maintenant de M. Prouse, de CropLife Canada. Monsieur, vous avez six minutes.
     Monsieur le président, membres du comité, merci de nous avoir invités ici aujourd'hui. Je suis accompagné de mon collègue Stephen Yarrow, le vice-président de notre secteur de la biotechnologie. Nous sommes heureux que vous nous donniez l'occasion de vous faire part, au nom de nos membres, de certaines de nos observations concernant le projet de loi C-18 — la Loi sur la croissance dans le secteur agricole. Nous espérons en outre être en mesure de répondre à vos questions.
    CropLife Canada est une association qui représente des fabricants, des développeurs et des distributeurs de technologies dans le domaine de la phytologie, dont les produits antiparasitaires et les biotechnologies destinés à des contextes agricoles, urbains et de santé publique. Nous nous efforçons de faire en sorte que les agriculteurs et les consommateurs profitent des avantages associés aux innovations en phytologie. CropLife Canada fait la promotion du recours à des pratiques agricoles viables et accorde une importance particulière à la protection de la santé humaine et de l'environnement.
    Nous travaillons en outre avec un certain nombre de groupes intéressés. Nous sommes à cet égard très fiers du fait que tous les grands groupes de producteurs agricoles du Canada sont membres de notre partenariat GrowCanada. Nous appuyons sans réserve le projet de loi C-18, et nous espérons que la Chambre des communes et le Sénat l'adoptent dès que possible.
    Nous sommes particulièrement heureux de voir qu'il sera possible de modifier la Loi sur la protection des obtentions végétales, une ouverture qui est l'une des pierres d'assises du projet de loi. Nous sommes en outre particulièrement emballés par les sections de la Loi sur la croissance dans le secteur agricole qui donnent à l'ACIA le pouvoir de travailler avec des examens, des données et des analyses provenant de l'étranger durant l'approbation ou l'homologation de nouveaux produits au Canada. Après tout, ce sont deux choses que l'on attendait depuis longtemps. Comme vous le savez, le Canada obéit toujours à la Loi sur la protection des obtentions végétales de 1990. Or, cette loi ne se conforme qu'à l'UPOV 78, et non aux mises à jour qui y ont été apportées lors de la convention de 1991. Je crois que le Canada, la Nouvelle-Zélande et la Norvège sont les seuls pays développés à ne pas se conformer à l'UPOV 91.
     Or, cette non-conformité n'est pas sans conséquence. Elle décourage l'importation au Canada de variétés végétales mises au point à l'étranger. Corollairement, elle incite à investir à l'étranger. Comme nous l'avons déjà signalé au comité, l'innovation en agriculture est une réalité à laquelle on ne peut échapper, et elle est en cours à l'échelle mondiale. Il s'agit donc d'établir si le Canada fournira un environnement propice à cette innovation. À cet égard, le projet de loi C-18 est un pas dans la bonne direction, une démarche attendue de longue date pour redresser la situation.
    Le fait de soutenir le développement de nouvelles variétés végétales n'intéresse pas seulement les entreprises. Il procure des avantages directs aux agriculteurs canadiens, qui utilisent l'innovation à la fois pour augmenter le rendement et pour améliorer la viabilité des pratiques agricoles. Seul un cadre législatif moderne pour la protection de la propriété intellectuelle — un cadre qui permettra au Canada de se mettre au diapason de ses partenaires commerciaux internationaux — peut encourager le type d'investissement propice à l'innovation.
    La seule présentation du projet de loi C-18 a déjà eu un effet positif dans le milieu de l'investissement en innovation. Pas plus tard que le mois passé, l'une de nos sociétés membres a commencé ses travaux pour l'aménagement d'une nouvelle installation de recherche — pour la sélection du blé, cette fois — près de Saskatoon. Au moment où cette société de calibre mondial se demandait où elle allait investir ses fonds de recherche, l'annonce du projet de loi C-18 et l'adoption de l'UPOV 91 ont joué un rôle déterminant. Maintenant qu'elles savent que le Canada sera bientôt aligné sur les normes internationales, d'autres entreprises se préparent fébrilement à importer de nouvelles variétés au pays.
    Les conséquences concrètes de ne pas moderniser nos lois sont claires: lorsque ces investissements en innovation s'en vont ailleurs, les avantages immédiats comme l'augmentation des rendements ou l'amélioration de la résistance aux maladies profitent aux agriculteurs qui nous font concurrence sur les marchés mondiaux. Il importe aussi de souligner que les universités, les ministères gouvernementaux et les petits obtenteurs indépendants — qui sont de plus en plus nombreux — profitent aussi de la conformité à l'UPOV 91. Près de la moitié des demandes relatives aux droits d'obtention présentées au Canada viennent d'institutions publiques, et les redevances continueront de leur être versées.
    Il est cependant nécessaire de régler la question des semences conservées par l'agriculteur et de dissiper le mythe selon lequel ce projet de loi veillera à ce que cela ne soit plus possible. Évidemment, cela est totalement faux. Ironiquement, la version actuelle de la loi ne dit absolument rien à ce sujet. Le projet de loi C-18 traite de cette question de façon explicite et prévoit une exception clairement définie permettant aux agriculteurs de conserver et de semer leurs propres semences.
    Voilà certains des enjeux abordés par le projet de loi C-18 au sujet des droits relatifs aux obtentions végétales. Il y a d'autres intervenants qui pourront vous en dire beaucoup plus long à ce sujet. Je crois savoir que, lors de l'une de vos premières réunions, vous avez reçu des représentants de Céréales Canada, de l’Association des producteurs de canola du Canada et du Conseil de l'orge du Canada. Nous croyons que l'Association canadienne du commerce des semences vous fournira elle aussi des renseignements fort utiles en la matière.
    L'élément le moins débattu du projet de loi C-18, et qui, pourtant, mérite notre attention, voire nos éloges, est cette partie qui donne à l'ACIA le pouvoir de travailler avec des examens, des données et des analyses provenant de l'étranger durant l'approbation ou l'homologation de nouveaux produits au Canada.

  (1215)  

     L'un des grands défis que devra relever l'ACIA pour la suite des choses est la simplification et la modernisation du processus d'approbation. Nous savons que le nombre de demandes d'approbation soumises à l'examen de l'agence continuera d'augmenter. Voilà pour la bonne nouvelle. Elle témoigne avec éloquence de l'esprit de modernisation et de la confiance qui soufflent sur le Canada.
     La difficulté est d'assurer que ces approbations et ces homologations soient traitées en temps opportun et avec une certaine prévisibilité. Le Canada doit travailler avec d'autres pays pour adhérer à des normes mondiales liées à une réglementation fondée sur la science. Il est absolument inutile que le Canada recueille un deuxième jeu de données, qu'il procède à un nouvel examen et qu'il fasse une autre analyse lorsque tout cela a déjà été fait par un autre pays possédant des normes conformes aux nôtres. C'est un gaspillage et un dédoublement de procédures qui peuvent être éliminés et qui devraient être éliminés.
     En donnant ce pouvoir à l'ACIA de manière explicite, le projet de loi fait en sorte que les consommateurs canadiens seront beaucoup mieux servis, et que le Canada deviendra, avec son régime de réglementation prévisible, prompt et fondé sur la science, un endroit de plus en plus attrayant pour investir et faire des affaires. C'est une disposition dictée par le gros bon sens que nous appuyons sans réserve.
    Monsieur le président, le Canada est l'un des grands producteurs et exportateurs agricoles de la planète, et nous croyons qu'il est absolument nécessaire de procéder à une modernisation de son cadre législatif pour encourager l'innovation et l'investissement en son sol. Le statu quo sera grandement nuisible aux agriculteurs et aux consommateurs canadiens ainsi qu'à l'économie du pays dans son ensemble.
    Le potentiel agricole du Canada est immense. La population mondiale en croissance guette avec impatience l'essor des exportations agroalimentaires de qualité provenant du Canada. Nous avons les terres, le climat et les gens pour répondre à ce besoin. Il n'y a jamais eu de meilleurs moments que maintenant pour le secteur agricole canadien. Or, la réalisation de notre plein potentiel ne pourra se faire que si nous continuons à progresser et à nous moderniser afin de rester à la hauteur de nos concurrents à l'échelle internationale. Le projet de loi C-18 est un pas important dans cette direction.
    Merci, monsieur le président. Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.

  (1220)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant laisser la parole à William Van Tassel. Monsieur, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup d'avoir invité ma fédération à témoigner devant votre comité.
    Je ferai ma présentation en français, mais je répondrai aux questions dans l'une ou l'autre des deux langues officielles.

[Français]

     Fondée en 1975, la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec est formée de 14 syndicats régionaux qui se retrouvent partout au Québec où l'on produit des grains. La fédération compte plus de 11 000 membres. Le secteur des grains génère un revenu à la ferme d’environ 1,1 milliard de dollars.
    Je vais vous présenter un sommaire de la production de grains au Québec.
     La production de grains au Québec s'étend sur presque un million d'hectares. Pour l'année 2014, les superficies ensemencées sont estimées à 910 000 hectares. Les deux productions prédominantes sont le maïs et le soya avec 39 % et 38 % respectivement de la superficie totale. Le graphique qui figure dans ma présentation démontre l’importance relative des principales productions de grains au Québec. Les productions du maïs et du soya sont davantage présentes dans les régions du sud et du centre de la province. Les autres productions sont plus abondantes dans les régions du nord et de l’est.
    Les superficies en cultures génétiquement modifiées avoisinent les 300 000 hectares pour le maïs, pour un total de 355 000 hectares. Elles sont de 200 000 hectares pour le soya, pour un total de 345 000 hectares. Presque 57 % de la superficie cultivée fait appel à la biotechnologie, la superficie restante étant cultivée selon un mode de production conventionnel. Ainsi, dans le premier mode de production, c'est la Loi sur les brevets qui prévaut, alors que pour le deuxième mode de production, c’est la Loi sur la protection des obtentions végétales, ou la LPOV, qui domine. Je vais vous donner plus tard des détails à ce sujet.
    Je vais maintenant parler de notre compréhension du projet de loi C-18 et du contexte de la recherche sur les grains.
     Bien que le projet de loi C-18 propose des modifications à plusieurs lois reliées au secteur agricole, celles qui ont mérité l’attention particulière de la fédération portent sur les modifications à la LPOV qui sont envisagées. En effet, la fédération est en faveur de ces modifications. Grâce à celles-ci, la LPOV deviendrait conforme à la Convention de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales, l'UPOV, de 1991. Cette dernière encadre les droits des sélectionneurs et protège la propriété intellectuelle rattachée aux résultats de recherche dans la création de nouvelles variétés de cultures. Cette harmonisation est nécessaire dans un contexte où la collaboration en matière de recherche se fait de plus en plus à l’échelle mondiale et n’obéit plus aux frontières géographiques.
    Cette position exprimée par la fédération se traduit aussi par son adhésion aux Partenaires dans l’innovation, qui regroupent 20 membres et qui représentent presque la totalité des producteurs agricoles du Canada. D’ailleurs, l’ensemble des partenaires salue la mise à niveau du contexte réglementaire. Celle-ci assure une conformité des lois canadiennes à l’UPOV de1991.
    La fédération considère que la protection de la propriété intellectuelle ne peut qu’encourager le déploiement d’investissements supplémentaires en recherche provenant de différents intervenants dans le secteur des grains. Ceci permettra de pallier la diminution des efforts publics en matière de recherche scientifique en agriculture. En outre, cela encourage les chercheurs de plusieurs pays membres de l’UPOV à rendre leurs résultats de recherche accessibles au Canada, favorisant ainsi la diversité des ressources génétiques et la disponibilité de variétés pour les producteurs de grains canadiens et québécois. Avec une offre diversifiée de ressources génétiques, le secteur répondra mieux aux besoins du marché et au maintien de la compétitivité des fermes.
    Je voudrais vous faire part de quelques chiffres qui montrent la nécessité de disposer d'une autre loi pour que les fournisseurs, c'est-à-dire ceux qui font la semence, soient davantage protégés. Pour le canola, c'est de la semence certifiée qui est utilisée dans 92 % des cas. Bien sûr, c'est un hybride, et les producteurs sont obligés de l'utiliser. Il reste qu'au Canada, le pourcentage d'investissement se chiffre à 74 % dans le cas du canola. Dans celui des céréales à paille, entre autres l'orge et le blé, le pourcentage de producteurs qui utilisent de la semence certifiée est de 18 %. Au total, l'investissement privé alloué aux céréales à paille totalise 2 % au Canada. On voit que ces cultures ont besoin d'être protégées davantage pour qu'il y ait plus d'investissements.
    Je vais maintenant parler de la réalité de la recherche en génétique au Québec. Le Québec compte quelques institutions publiques et privées qui se spécialisent au plan de la recherche dans l'amélioration génétique. Celles-ci oeuvrent dans le domaine de la sélection génétique et sont les premières visées par la partie du projet de loi C-18 qui modifie la LPOV.
     Par rapport aux multinationales qui oeuvrent dans la production et la distribution de semences de grains, ces compagnies sont d'une taille relativement petite. Tel que mentionné, ces compagnies qui visent les marchés de niche ne faisant pas appel aux cultures génétiquement modifiées sont indispensables pour assurer une offre de semences aux régions de la province qui sont situées plus au nord et dont la production est à vocation plutôt céréalière.

  (1225)  

     Rappelons que ces productions sont moins attrayantes pour les multinationales spécialisées en production de semences en raison des faibles retombées et de la petite part de marché que cela représente comparativement aux productions génétiquement modifiées. Cette réalité milite en faveur d'un modèle de compagnie ou d'institution de recherche pouvant répondre aux besoins des producteurs, et ce, pour l’ensemble de la production de grains. Une meilleure protection des droits des sélectionneurs de végétaux est donc incontournable pour assurer la présence des petites entreprises sur le marché.
    Au Québec, notre assurance-récolte nous oblige à utiliser de la semence certifiée.
    Je vais maintenant aborder l'implication de la fédération dans la filière des grains et le lien avec ce qui touche la LPOV.
     Au Québec, les producteurs de cultures commerciales contribuent au financement de la recherche sur les grains en prélevant des sommes sur les ventes de grains. Un fonds de recherche, géré par la fédération, a ainsi été créé pour cofinancer principalement le Centre de recherche sur les grains, le CÉROM. La fédération finance aussi l’Alliance de recherche sur les cultures commerciales du Canada.
     Comme il faut accélérer le rythme, je deviens nerveux.

[Traduction]

     Vous avez dépassé de beaucoup le temps qui vous était alloué. Si nous continuons à ce rythme, nous n'aurons plus de temps pour les questions.
    Comme vous le savez, le comité siégera à huis clos à partir d'environ 12 h 45.
    Madame Raynault, vous avez cinq minutes, veuillez commencer.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Il reste environ 15 minutes pour poser des questions. Ce n'est pas beaucoup de temps.
    Madame Gagnon-Légaré, vous avez dit que les semences qui ont été utilisées pour créer de nouvelles variétés étaient elles-mêmes issues du travail de plusieurs générations d'agriculteurs. Pourriez-vous nous en parler davantage, s'il vous plaît?
    En fait, depuis le début de son existence, l'humanité est en coévolution avec son environnement. Je ne suis pas une historienne, mais bien une biologiste. On sait qu'au départ, les êtres humains étaient plutôt nomades. Ils ont commencé à sélectionner des semences et des fruits dans leur environnement. Depuis cette époque, ils ont contribué à créer des variétés biologiques.
    Ainsi, ce travail s'est produit pendant des millénaires et n'a pas fait l'objet de certificat d'obtention végétale. Il n'est pas reconnu, dans une certaine mesure, quand des individus ou une entreprise s'approprie une semence.
    De plus, c'est ce développement qui a été fait pendant des millénaires par l'ensemble de l'humanité qui fait en sorte que notre organisation soutient la reconnaissance des semences comme un bien commun de l'humanité.

  (1230)  

    Vous savez que l'industrialisation a réduit le nombre de variétés de pommes de terre. Par exemple, on sait qu'en Irlande, il y a eu par le passé un grave problème à cet égard et que beaucoup d'Irlandais sont venus vivre au Canada.
    Il est possible que le privilège des agriculteurs puisse être amendé et amène une certaine insécurité alimentaire. Qu'en pensez-vous?
    C'est un peu la définition qu'on soutient. Il existe un programme au chapitre de la Convention sur la diversité biologique des Nations Unies portant sur cette question. Historiquement, si on regarde la tendance des quelques dernières décennies, on voit une diminution de la biodiversité agricole et une homogénéisation des stocks génétiques.
    En fait, lorsque cette capacité de sélectionner et de partager les semences est répartie entre un plus grand nombre d'acteurs, on observe une plus grande diversité biologique. C'est à travers ces processus que s'est créée la diversité biologique et non pas à travers les certificats d'obtention végétale ou les brevets dont on fait la promotion aujourd'hui.
    Il est donc important de conserver notre souveraineté alimentaire si on veut éviter les famines.
    C'est notre première préoccupation.
    Monsieur Van Tassel, vous aviez des choses à ajouter dans le cadre de votre présentation.
    Qu'aimeriez-vous ajouter que vous n'avez pas eu le temps de nous mentionner?
    Au Québec, l'assurance-récolte oblige l'utilisation de semences certifiées. Pour cette raison, les compagnies investissent parce qu'il y a un certain retour sur l'investissement. Il y a des petites compagnies au Québec, mais il y a aussi les centres de recherche comme Ceresco, Semican et Céréla. Il y a certaines obligations de la part du producteur pour payer une redevance sur la semence. Ainsi, il y a de la recherche et des travaux qui y sont reliés. C'est un peu cela que je voulais dire. Cela va se faire un peu ailleurs.
    Cette loi va faire en sorte que les compagnies vont travailler davantage dans le domaine des céréales. Personnellement, je suis producteur agricole dans le nord du Québec, soit au Lac-Saint-Jean. On y produit des céréales. Il faut qu'il y ait plus de travail pour augmenter le rendement et pour qu'il y ait des variétés ayant une certaine résistance.
    Vous avez mentionné qu'une maladie avait affecté les pommes de terre en Irlande. Dans ce cas, il faudrait un facteur qui apporte une amélioration, c'est-à-dire une compagnie qui travaillerait à introduire une résistance dans la pomme de terre pour qu'elle n'ait pas une maladie.
    C'est en somme pour cela qu'il nous faut des gens qui travaillent à développer ces nouvelles variétés qui seraient bonnes pour les producteurs et tout le monde en général.
    Par exemple, pour le blé, il pourrait y avoir des résistances à la fusariose, mais il faudrait des investissements importants à cet égard.
     C'est exact.
    Je crois qu'à Saint-Amable, on ne peut plus produire de pommes de terre parce qu'il y a une maladie qui se retrouve dans le sol. La pomme de terre n'est plus viable dans ce secteur.

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Au tour maintenant de M. Dreeshen. Vous disposez de cinq minutes; allez-y je vous prie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bienvenue à tous nos invités. J'aimerais simplement aborder quelques sujets.
    Nous avons parlé de sécurité alimentaire et nous avons parlé de biodiversité.
    Monsieur Van Tassel, vous avez parlé de certaines avancées qui ont été faites au Québec, et du maïs et du soya qui en sont les composantes clés. Évidemment, vous avez aussi parlé de l'importance de l'augmentation de la production grâce aux OGM et à d'autres progrès qui ont été faits.
    De votre côté, madame Gagnon-Légaré, j'ai l'impression que vous adoptez une approche opposée dans ces domaines; vous avez exprimé des inquiétudes à propos d'agriculture où l'on ne suit pas une approche anthropologique et historique.
    J'imagine le conflit auquel font face les deux organisations pour faire avancer le dossier. Des gens ont présenté des pétitions disant que vous voulez sauver votre semence, ce que cette mesure est évidemment censée faire, mais nous avons toutes ces questions conflictuelles à examiner.
    Monsieur Van Tassel, vous avez parlé de quelque chose que je trouve très significatif, à savoir que pour faire assurer vos récoltes, vous deviez utiliser des semences certifiées. Vous devez avoir une grande banque de données sur les rendements obtenus grâce aux semences certifiées, par rapport à ce que vous obtiendriez avec des semences de deuxième génération. Avez-vous de l'information à ce sujet?

  (1235)  

    Nous n'avons pas vraiment d'information de notre compagnie d'assurance-récolte; la Financière agricole se charge de notre assurance. Nous n'avons pas d'information parce que, normalement, l'agriculteur est obligé d'utiliser des semences certifiées, de sorte que si vous avez un problème et que vous n'avez pas utilisé de semences certifiées, vous n'avez pas de remboursement. Normalement, on doit avoir des semences certifiées.
    Comme je le disais et comme vous en avez parlé, le maïs est hybride depuis les années 1930. La production s'accroît au rythme d'environ 2 % par an. Le blé n'est pas vraiment… Eh bien, le marché sera un peu plus protégé pour les sélectionneurs, mais par rapport à l'augmentation du rendement, si c'est 1 %, c'est le maximum et ce sera probablement moins que cela. À propos de la situation au Québec et des raisons pour lesquelles il y a beaucoup plus de maïs que de soya, c'est en raison du rendement sur les investissements. Le rendement n'est pas le même pour le blé, l'orge ou l'avoine parce que l'augmentation des rendements n'est pas aussi conséquente.
    Monsieur Prouse, vous parliez de certains groupes dans votre organisation et de ce qu'ils recherchent s'agissant de l'accroissement des rendements et de la résistance des récoltes, ainsi que de l'adaptation aux exigences du commerce mondial.
    Pourriez-vous nous dire de quelle façon les changements proposés aux droits des obtenteurs vont encourager les investissements dans la recherche et le développement?
    Je pense que mon collègue Dennis Prouse a bien expliqué dans son exposé que les droits des obtenteurs favorisent les investissements au Canada, les innovations, etc. Il s'agit de protéger les investissements. C'est pour nous le principal facteur.
    Est-ce que cela va amener les obtenteurs à venir au Canada et à développer des produits adaptés au marché canadien?
    C'est ce que nous disent nos membres et c'est ce à quoi nous nous attendons, certainement.
    Ce sont donc pour vous des facteurs positifs?
    Oui.
    Simplement, pour élaborer très rapidement à ce sujet, il y a une concurrence au niveau mondial. J'y ai fait quelques allusions. En fait, nos compagnies membres vous diront qu'il y a de la concurrence entre elles. Quel pays va recevoir cet investissement? Est-ce que ce sera le Canada? Est-ce que ce sera l'Argentine? Est-ce que ce sera le Brésil? Est-ce que ce seront les États-Unis?
    Voilà pourquoi le Canada doit être le marché le plus attirant possible pour les investissements. Comme je le dis, il y a des innovations en agriculture. Il y a de la croissance et il y a de l'innovation quelque part. Et nous aimerions que ce soit au Canada.
    Vous parliez de l'ACIA et des divers examens menés à l'étranger. Pourriez-vous élaborer à ce sujet?
    Je vais laisser Stephen répondre.
    À notre avis, l'aspect le plus intéressant des changements proposés — et je serai bref — est que, pour créer un choix de caractères nouveaux grâce à la biotechnologie et aux techniques modernes de sélection des végétaux, une série de mesures doivent être prises pour assurer la sécurité, celle de l'environnement, des aliments et des aliments du bétail.
    Le projet de loi C-18 comporte une proposition visant particulièrement les aliments du bétail en permettant aux organismes de réglementations de tenir compte des évaluations de sécurité faites par d'autres pays. Nous croyons que cette proposition est extrêmement prometteuse, à condition bien sûr que les normes de ces autres pays soient équivalentes à celles du Canada. Cette mesure va être très profitable pour nos compagnies membres et autres développeurs de méthodes modernes de sélection des végétaux. Cela permettra d'épargner des ressources, tant pour les développeurs qui n'auront pas à soumettre d'information aux organismes de réglementations que pour ces derniers, qui n'auront pas à refaire des évaluations de risque menées par d'autres pays qui ont des normes équivalentes…

  (1240)  

    Merci beaucoup, monsieur Dreeshen.
    Nous passons maintenant à M. Eyking, qui a cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Et merci à nos invités d'être venus.
    Comme beaucoup d'entre vous le savez, notre pays a besoin de lois modernes et ce projet de loi contient beaucoup d'éléments modernes. En un sens, il aurait été préférable de diviser le projet de loi, car les témoins que nous avons récemment entendus étaient presque tous membres de l'UPOV et c'est là que semble résider la principale difficulté. Au bout du compte, chaque fois que nous entendons des témoins, c'est ce qui arrive. Comme on l'a mentionné auparavant, il semble y avoir deux philosophies distinctes. Certains disent que c'est tout ou rien et qu'il faut emboîter le pas au reste du monde; d'autres ne sont pas du tout satisfaits et préféreraient que ces éléments soient retirés.
    Cela n'arrivera pas. En tant que comité, nous essayons d'avoir des amendements susceptibles de satisfaire tout le monde. C'est le problème que nous avons habituellement en tant que comité.
    Cela dit, est-ce que pour CropLife — et je sais que vous représentez beaucoup de grandes entreprises et des entreprises qui produisent les semences —, il y aurait une marge de manœuvre pour changer certains libellés de façon à ce que tout le monde soit plus ou moins satisfait du nouveau projet de loi? Le ministre a déclaré qu'il serait disposé à changer le libellé concernant les droits et privilèges, et d'autres choses.
    C'est ce que je comprends également et je suppose que certains des changements pourraient concerner les semences de ferme. Je pense vraiment que nos amis de l'Association canadienne de commerce des semences seraient les mieux placés pour s'occuper de cette question.
    Je suppose, monsieur Eyking, que nous examinons cette question de très haut. Qu'est-ce qui encourage l'investissement au Canada, qui reconnaît l'innovation, qui encourage l'innovation et comment pourrait-on arriver à certains compromis? Avons-nous beaucoup réfléchi à la question? Non. Avons-nous réfléchi au fait que le Canada doit de façon urgente s'aligner sur la convention de 1991 de l'UPOV? Oui, nous y avons beaucoup réfléchi et nous pensons que le Canada doit le faire.
    Il ne s'agit pas simplement de réfléchir à cela de très haut, mais de rester aussi au niveau du sol, n'est-ce pas?
    Absolument.
    Monsieur Van Tassel, vous représentez un groupe important d'agriculteurs et de gens de ferme au Québec. Des témoins nous ont déjà parlé de pays européens qui, pour la plupart, ont déjà une loi concernant l'UPOV. Certains disent qu'il y a des problèmes en France, où beaucoup d'agriculteurs sont contre.
    Outre la langue, le Québec et la France ont beaucoup de choses en commun. Les deux se passionnent pour l'alimentation; un bon nombre de leurs aliments sont produits localement. Que savez-vous de la situation en France et dans d'autres pays européens, et comment réagissent-ils à l'UPOV? Pour rassurer certains opposants, comment envisagez-vous les changements au sujet de l'UPOV?
    Pour le Québec, lorsque l'on pense à l'UPOV et aux changements survenus entre 1978 et 1991, la situation n'est pas très préoccupante. Je pense aux petits agriculteurs; ils ne sont pas très au courant de ce qui se passe, mais pour l'agriculteur moyen au Québec, je ne crois pas que cela fasse une énorme différence. L'agriculteur est prêt à payer 250 $ pour un sac de maïs. Pourquoi? Parce qu'il bénéficiera d'un rendement sur son investissement. Il est prêt à débourser un certain montant pour des semences certifiées dans la mesure où il obtient un rendement sur son investissement.
    Depuis 1991, nous sommes obligés d'utiliser des semences certifiées pour bénéficier d'une assurance-récolte. Je ne pense donc pas que cela fasse une énorme différence pour nous. La plupart des agriculteurs souscrivent à une assurance-récolte. Pour certains types de soya, l'agriculteur contourne l'obligation et ne s'en sert pas. En tout cas, il le cache, mais normalement, la majorité le fait. Je ne pense donc pas que cela fasse une énorme différence pour les agriculteurs du Québec.
    Peut-être que Salah pourrait en parler parce que je vis loin de la France et je ne sais pas ce qui s'y passe.

[Français]

     Je m'excuse, mais je vais devoir m'exprimer en français, car cela ira mieux pour communiquer mes idées.
     En France, comme partout dans le monde, on doit toujours peser le pour et le contre des lois ou des nouveaux projets de loi. À la base, toutes les statistiques dans le monde indiquent qu'en 2050, la population mondiale sera de 9 milliards de personnes. La production agricole mondiale devra donc être le double de celle qu'elle est présentement. Pour la même portion de terre, il faut donc doubler notre potentiel.
    Bien sûr, il y a la mécanisation et la technologie, mais il y a aussi le potentiel de la plante, en ce sens qu'elle doit produire davantage. Pour produire plus, il faut plus de recherche et il faut y mettre de l'effort. Or, pour mettre de l'effort, il faut que nous ayons la garantie d'être récompensés. C'est un constat très simple.
    La sécurité alimentaire a pour but de nourrir tout le monde. Cela ne passe que par le producteur agricole, et ce, avec une agriculture performante. Pour une agriculture performante, il faut disposer des outils nécessaires. Il faut donc du matériel végétal génétique qui répond aux besoins du marché et aux besoins de la consommation. Que ce soit en France ou ailleurs, je pense que le constat logique doit prévaloir sur toute spéculation idéologique ou nostalgique.

  (1245)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Eyking.
    Je remercie les témoins de leur participation.
    Nous allons maintenant passer à huis clos pour discuter des affaires du comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU