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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 061 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 26 mars 2015

[Enregistrement électronique]

  (1830)  

[Traduction]

    Bonsoir, chers collègues et mesdames et messieurs. Nous allons accueillir nos témoins pour notre séance 61 du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
     Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-51et nous accueillons ce soir deux groupes de témoins.
    Le premier groupe sera constitué de David Matas, avocat-conseil principal et de Marvin Kurz, conseiller juridique national, tous deux de de B'nai Brith Canada. Et puis, de l'Association canadienne des policiers, nous entendrons Tom Stamatakis, président. Par vidéoconférence de Vancouver, en Colombie-Britannique, nous aurons le plaisir d'entendre Jessie Housty, qui témoignera à titre personnel.
    Bienvenue à vous tous.
    Oui, monsieur Easter.
    Monsieur le président, un bref rappel au Règlement — vous pourrez le déduire de mon temps, si c'est nécessaire.
    Nous entamons donc notre dernière séance avec témoins et je crois que nous commencerons notre examen article par article la semaine prochaine. Pouvez-vous nous garantir que nous pourrons entendre les fonctionnaires du ministère de la Justice qui ont peut-être participé à la rédaction de ce projet de loi? Il s'agit d'un projet de loi omnibus comportant cinq sections. Il y aura beaucoup de questions sur toutes ces sections. Je ne pense pas que les avocats de la Bibliothèque du Parlement doivent être les seuls à répondre sur ces points.
    Pouvons-nous avoir la garantie que nous accueillerons les fonctionnaires du ministère de la Justice qui connaissent à fond ce projet de loi et ses répercussions?
    Je peux demander à la secrétaire parlementaire de vous répondre. Tout ce que je peux vous dire, monsieur Easter, c'est que nous avons pour habitude d'accueillir les fonctionnaires du ministère, mais Mme James pourra peut-être nous éclairer sur la situation.
    Merci, monsieur le président.
    Nous accueillerons effectivement des fonctionnaires de Justice. Nous avons entendu les deux ministres lors de la première séance, le ministre de la Justice et celui de la Sécurité publique ont témoigné devant nous parce que ce projet de loi les concerne tous deux.
    Ils ont dû participer à l'élaboration de ce projet de loi, parce qu'il leur faut en connaître le contenu. Nous avons beaucoup de questions à poser. Merci.
    Merci, monsieur Easter.
    Je tiens simplement à confirmer une chose. Madame Housty, êtes-vous en ligne? Êtes-vous prête à nous parler et en mesure de le faire? Je veux simplement m'assurer que le contact est établi. Vous nous entendez bien?
    Oui, tout à fait.
    Fort bien. Merci beaucoup.
    Nous allons donc commencer par le premier groupe de témoins, chacun aura 10 minutes pour son exposé. Si vous pouvez être plus brefs ce serait encore mieux parce que nous aurons ainsi plus de temps pour les questions des membres du comité et pour vos réponses.
    Nous allons commencer par B'nai Brith Canada et plus précisément par MeKurz.
    B’nai Brith Canada est la plus grande organisation juive composée de membres au pays. Par l’entremise de sa Ligue des droits de la personne et de son Institut des affaires internationales, B’nai Brith Canada est le principal défenseur des droits de la personne de la communauté juive canadienne.
    Dans cette présentation, B’nai Brith Canada souhaite offrir son appui et proposer des modifications nécessaires aux dispositions du projet de loi C-51 qui traitent de la fomentation de la terreur, de la saisie de propagande terroriste et de la suppression de propagande terroriste trouvée dans des systèmes informatiques.
     Nous sommes favorables à ces aspects du projet de loiC-51 sous réserve de certaines modifications que nous allons recommander pour préciser les dispositions et en renforcer la portée afin d'éviter d'éventuels problèmes de constitutionnalité du projet de loi.
    Mon confrère, Me Matas, vous parlera plus en détail de ces recommandations de modifications.
    Pour l'instant, je me propose de brièvement vous expliquer ce qui nous a amener à appuyer les dispositions relatives à la propagande terroriste dont on parle. J'en profiterai pour mettre en contexte la vulnérabilité de la communauté juive face à la propagande haineuse dans le monde, surtout au Canada, et je parlerai du lien entre la haine et le terrorisme dans le contexte de notre loi contre la propagande haineuse.
    Dans notre document nous parlons de ce que vous connaissez tous, soit la récente vague d'activités terroristes au Canada, qu'il s'agisse des projets contrecarrés par les services policiers, des attentats qui ont abouti ou de ceux qui sont en préparation, notamment à cause du comportement attendu d'enfants canadiens qui ont été conditionnés pour rejoindre les groupes djihadistes outre-mer.
     Pour ce qui est de la collectivité que nous représentons, il y a un aspect de l'activité terroriste que l'on a tendance à perdre de vue, à cause de son intensité, soit le fait que les groupes terroristes les plus puissants sont aussi les plus actifs sur le plan de la propagande haineuse; le groupe armé État islamique, Hezbollah, al-Qaïda et Hamas supplantent à cet égard le Ku Klux Klan, les Nations aryennes et le Heritage Front. Toutes ces organisations font preuve d'un antisémitisme fanatique.
    Nous avons tous entendu parler des actes de terrorisme commis contre les Juifs en France, avec la prise d'otages au supermarché Hypercacher, en banlieue de Paris, qui a suivi immédiatement le massacre dans les locaux de Charlie Hebdo; les assassinats commis à l'école juive à Marseille, en 2012; le meurtre récent d’un jeune homme qui gardait une synagogue juive à Copenhague, et qui protégeait une centaine de participants à une bat mitzvah; l’attaque de 2013 contre le Westgate Shopping Mall appartenant à des Juifs au Kenya et l'attaque contre un centre religieux de Mumbai, à l'occasion d'attentats terroristes multiples en 2008.
    À chacune de ces occasions, dans chacun de ces crimes, des Juifs ont été ciblés uniquement à cause de la haine des agresseurs envers eux. Aucune autre raison stratégique n'explique qu'on s'en soit ainsi pris à des innocents.
    Au Canada, le West Edmonton Mall, qui appartient à des Juifs, au même titre que d'autres centres commerciaux ailleurs dans le monde, a récemment fait l'objet d'une menace d'attentat par al-Shabaad. Il n'est cependant pas ressorti clairement que si le West Edmonton Mall, plutôt que le Yorkdale Shopping Centre, par exemple, a été pris pour cible, c'est parce qu'il appartient à des intérêts juifs. C'est la famille Ghermezian qui possède ce centre commercial de même que d'autres centres visés. Ainsi, les seuls centres commerciaux ayant été menacés sont ceux détenus par des Juifs.
    Ces menaces terroristes interviennent dans le contexte d'une augmentation du mouvement antisémite dans le monde. Notre vérification annuelle portant sur les incidents antisémites indique qu’en 2013 les incidents de vandalisme et de violence ont augmenté respectivement de 21,6 % et de 7,7 % par rapport à l’année précédente. Nous attendons les chiffres de 2014, qui devraient être nettement plus élevés, comme dans le cas de l'Europe, par exemple, où il y a eu deux fois plus d'incidents antisémites en France; 60 % de plus en Belgique et 50 % de plus en Grande-Bretagne. En Australie, il y en a eu 33 % de plus. Toutes ces données apparaissent dans notre mémoire.
    Le droit canadien élaboré à la faveur d'une série d'arrêts de la Cour suprême du Canada a régulièrement confirmé le caractère approprié des limitations légales imposées aux discours haineux par la reconnaissance accordée au fait qu’il existe un lien tenu entre le discours et l’action. Nous affirmons, pour notre part, que le lien entre le discours et l’action ou le crime, pour ce qui est du discours haineux, est encore plus étroit quand il s'agit de promotion de la terreur, raison pour laquelle nous sommes d'accord avec les dispositions du projet de loiC-51 sous réserve de ce que vous indiquera mon confrère, Me Matas.

  (1835)  

    Merci beaucoup, je vais principalement parler des changements proposés au projet de loiC-51.
    Comme mon confrère vous l'a dit, nous sommes pour le fait qu'on recommande et promulgue la désignation de la promotion de terrorisme en tant qu'infraction. Nous souhaitons, et apprécions que le projet de loi C-51 en soit l'occasion, qu'il soit un rééquilibrage entre la liberté d'expression et la protection des victimes de terrorisme, compte tenu de la montée en puissance de la menace terroriste à laquelle le monde en général, et le Canada en particulier, sont confrontés.
    Nous formulons trois grandes recommandations qui, selon nous, respectent l'esprit du projet de loi.
    Il faudrait d'abord adopter une défense pour les infractions de promotion ou d’apologie de la haine raciale, ce qui existe déjà pour l'infraction de fomentation de la haine. Le Code criminel prévoit que nul ne peut être déclaré coupable de fomenter volontairement la haine si, agissant de bonne foi, la personne voulait attirer l’attention, afin qu’il y soit remédié, sur des questions provoquant ou de nature à provoquer des sentiments de haine à l’égard d’un groupe identifiable au Canada. On pourrait donc rédiger une défense semblable pour les infractions de défense ou de promotion du terrorisme.
    Ensuite, cette disposition érige en infraction le fait de sciemment préconiser ou de fomenter la perpétration d’infractions de terrorisme en général, sans toutefois indiquer de quelles infractions il s’agit. Nous supposons que l’expression « infractions de terrorisme en général » fait référence aux infractions énoncées à l’article 83.01 du Code criminel. Quoi qu’il en soit, nous estimons que cette expression devrait être mieux définie de façon qu’on sache clairement de quelles infractions il est question ici.
    Notre troisième proposition concerne le consentement du procureur général. L'article 16 du projet de loi autorise en outre la saisie de propagande terroriste ou, si celle-ci est sous forme électronique, sa suppression d’un ordinateur qui exige alors le consentement du procureur général. Toutefois, le consentement de ce dernier n’est pas requis et l’absence de consentement signifie que des poursuites privées sont autorisées. Nous sommes réticents à appuyer la possibilité que des poursuites privées soient intentées pour des infractions en lien avec des propos tenus, car, d’après notre expérience, lorsque ces poursuites deviennent possibles, elles sont utilisées de manière frivole pour harceler les personnes avec qui le poursuivant privé est en désaccord.
    Bien que les accusations frivoles soient inévitablement rejetées, ce n’est pas rien de se retrouver devant un tribunal, même quand le procès se solde par un acquittement. Le procureur général a le pouvoir d’ordonner l’arrêt des poursuites privées, mais le processus nécessite du temps et des efforts. Ces poursuites, contrairement aux poursuites au civil, ne permettent pas l’adjudication de dépens à un poursuivant n’ayant pas obtenu gain de cause.
    L’exigence de consentement du procureur général que nous recommandons a, elle aussi, ses problèmes. Dans les territoires, le procureur général compétent est le procureur général du gouvernement fédéral. Dans les provinces, il s’agit du procureur général de la province où l’infraction présumée a été commise. D’après ce que nous avons vu avec l’infraction de fomenter volontairement la haine, certains procureurs généraux étaient peu disposés à ce que des poursuites soient intentées relativement à cette infraction, même dans des cas évidents. Nous recommanderions donc que l’exigence de consentement du procureur général soit assortie de lignes directrices. Dans notre mémoire, nous recommandons plusieurs lignes directrices, mais uniquement à titre de suggestions. Celles-ci pourraient simplement être des instruments de politiques que le gouvernement du Canada publierait après l’adoption du projet de loi et un comité pourrait recommander au gouvernement de rédiger ces lignes directrices. D’un autre côté, le projet de loi lui-même pourrait intégrer ces lignes directrices qui font déjà partie du Code criminel.
    C'est tout ce que je voulais dire pour l'instant, mais permettez-moi de conclure en disant que, compte tenu de l'exigence relative au consentement du procureur général et des lignes directrices que nous proposons, nous sommes d'avis que la loi visant à criminaliser la défense ou la promotion du terrorisme ne devrait pas être invoquée trop facilement, mais elle ne devrait pas non plus demeurer lettre morte.
    Merci beaucoup.

  (1840)  

    Merci, maître Matas.
    Passons maintenant à M. Stamatakis pour ses remarques liminaires.
    Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité pour cette invitation à comparaître devant vous ce soir dans le cadre de l'étude du projet de loi C-51 que vous poursuivez.
    Comme vous l'avez dit, monsieur le président, je me présente devant vous ce soir au nom de l'Association canadienne des policiers, organisation qui représente 60 000 policiers professionnels de première ligne, soit des membres civils et des membres assermentés, dans tous les corps policiers provinciaux et municipaux au Canada.
     Comme j'en ai pris l'habitude chaque fois que je me présente devant vous, je m'en tiendrai à des remarques brèves, dans toute la mesure du possible, pour vous laisser suffisamment de temps afin de poser vos questions. J'ai suivi de près les débats sur le projet de loi C-51 et je me propose de replacer ma comparution d'aujourd'hui en contexte et de vous présenter un point de vue qui, selon moi, pourrait vous être bénéfique dans cette présente étude.
    Il est ressort que les discussions concernant nos services de sécurité du renseignement, que ce soit ici ou au Parlement ou dans la population en général, ont surtout tourné autour de la question de la surveillance.
    En ma qualité de policier de première ligne, je suis le premier à reconnaître que je n'ai pas l'expérience d'un agent du renseignement infiltré, mais plutôt de quelqu'un qui est habitué à l'exercice de la surveillance civile dans le secteur de la sécurité publique, cela de façon pratico-pratique et non théorique. Cela ne revient pas à dire que les autres témoins qui ont comparu devant ce comité, et qui ont publiquement commenté le projet de loi, n'ont pas soulevé des questions et des préoccupations intéressantes, mais si je me fie à mon expérience, le simple fait de réclamer plus de surveillance, sans tenir compte de l'aspect pratique ni des conséquences de cette surveillance, ne représente que la moitié de la vérité.
    Permettez-moi de vous donner un exemple. En Ontario, tous les agents professionnels d'application de la loi sont soumis à la supervision d'au moins trois agences civiles: le Bureau du directeur indépendant de l'examen de la police, l'Unité des enquêtes spéciales et la Commission civile de l'Ontario sur la police. Malgré toutes ces strates, chaque fois qu'un incident malheureux concernant un membre du personnel d'application de la police se produit, presque tous les secteurs réclament davantage de surveillance.
    Je ne cherche pas, par cet exemple, à laisser entendre que les organismes de surveillance n'ont pas leur place dans l'encadrement du secteur de la sécurité publique, mais je m'inscris en faux contre ceux qui voudraient que les organismes de surveillance jouent un rôle plus actif en ce qui concerne la nature opérationnelle du travail que nous confions à des policiers parfaitement entraînés et hautement responsables, qu'il s'agisse de policiers fédéraux, provinciaux ou municipaux ou d'agents du renseignement travaillant pour le gouvernement fédéral.
    Ceux qui ont critiqué le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité au motif qu'il n'assure qu'une surveillance « a posteriori », n'ont en général pas vraiment d'idée de la difficulté que représenterait une surveillance opérationnelle en temps réel, surtout dans le contexte d'enquêtes qui évoluent très rapidement et qui ont des répercussions véritables sur la sécurité du public. Par ailleurs, ce genre de critiques sous-évalue les effets éventuellement positifs d'une surveillance ex post facto sur notre secteur d'activité. La mise en exergue des éventuelles actions inappropriées et des décisions positives qui auraient pu changer le cours des choses est essentielle pour nos services et pour le genre de formation et d'instruction que nous offrons à partir de ces examens du service.
    Vu sous l'angle de l'application de la loi, je dirais que, même s'il est important de savoir si un organisme de surveillance comme le CSARS dispose de ressources appropriées pour assumer le rôle qu'on lui a confié, il est peut-être tout aussi important, voire plus, de se demander si l'on dispose des ressources nécessaires afin de correctement former nos policiers et nos agents du renseignement en fonction des pouvoirs que ce projet de loi va leur conférer.
    Comme le dit le proverbe, mieux vaut prévenir que guérir. Cela étant posé, le projet de loi C-51 propose un grand nombre de mesures positives que notre association soutient de tout coeur.
    Durant près de deux semaines, les membres de ce comité ont entendu des témoins sur toutes ces questions et je n'irai pas plus dans le détail ni ne répéterai ce que d'autres ont déjà dit, si ce n'est pour une chose: les dispositions permettant un échange raisonnable d'informations entre les services, sur les problèmes concernant la sécurité nationale, et entre les ministères fédéraux, permettra de régler en partie l'un des plus grands problèmes auxquels nous sommes confrontés au Canada en matière de sécurité publique, c'est-à-dire que les uns n'ont pas le droit d'être au courant de ce que les autres ont découvert, il y a six mois.
    J'irais même jusqu'à dire, quitte à ne pas être populaire, qu'étant donné que la plupart des enquêtes concernant la sécurité nationale font intervenir plusieurs services et que les corps policiers municipaux et provinciaux sont souvent appelés à jouer un rôle dans ces enquêtes, le texte de cette loi ne va peut-être pas suffisamment loin en n'énumérant pas les organismes avec qui le renseignement peut être partagé.
    Je tiens également à souligner le fait que nous appuyons les changements devant être apportés au Code criminel pour permettre aux organismes d'application de la loi de détenir un suspect jusqu'à sept jours quand un policier soupçonne une activité terroriste. Ces nouvelles mesures, si elles sont adoptées, permettront à nos membres de disposer de la souplesse nécessaire pour effectuer des enquêtes plus complètes tout en étant soumis à un processus d'examen judiciaire approprié et nécessaire.
    Comme je l'ai dit au début, j'entends ne pas m'étendre dans mes remarques liminaires, mais je me demande si je suis en train de réussir.

  (1845)  

    Le projet de loi C-51est un texte législatif important qui présente un certain nombre de mesures visant à moderniser l'appareil de sécurité publique et nationale, et les policiers professionnels ont un grand rôle à jouer à cet égard.
    Les policiers que je représente sont confrontés aux véritables défis que constitue la radicalisation croissante de Canadiens, comme nous l'avons vu lors des attaques contre du personnel des Forces canadiennes au Québec et à Ottawa, il y a quelques mois à peine. Si on leur donne une formation appropriée et si on les soumet aussi à une surveillance adaptée, ils continueront à relever ce genre de défis, avec le professionnalisme que les Canadiens apprécient et attendent d'eux.
    Encore une fois merci de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole devant vous et je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Stamatakis.
    Passons maintenant à Mme Housty.
    Vous avez la parole pour 10 minutes, madame.
    Je remercie tout d'abord le comité pour cette invitation. Comme vous l'avez indiqué, je m'appelle Jessie Housty. Je suis membre de la Première Nation Heiltsuk, de la côte de la Colombie-Britannique. La terre d'où je viens est la ligne de front, sur la côte Ouest du Canada, de nos militants qui se sont opposés aux multiples formes d'exploitation des ressources naturelles.
    Je suis conseillère élue du conseil tribal heiltsuk, mais ce n'est pas en cette qualité, c'est-à-dire au nom de la nation Heiltsuk, que je m'adresse à vous aujourd'hui. Je le fais en mon nom propre. Je suis une militante, une conteuse, une organisatrice communautaire. Mon travail est ancré dans mon profond désir de protéger nos terres, nos eaux et nos pratiques culturelles pour ma génération et pour les générations à venir. Je m'adresse à vous depuis ce lieu qui m'anime.
    Dans mon travail actuel, en vertu des lois et des règlements actuels, j'ai été témoin du fait qu'on étiquette a priori les membres de Premières Nations de radicaux et d'agitateurs, dès qu'ils veulent affirmer leur souveraineté. J'entends, aujourd'hui, vous faire part de certaines de mes préoccupations à propos des répercussions éventuelles du projet de loi C-51 sur l'édification des nations autochtones.
    Pour résumé, je suis préoccupée par les pouvoirs supplémentaires dont l'État se dote par ce projet de loi, dont celui de pour placer les gens sous surveillance et de contrôler leurs activités quotidiennes. Je crains que ce projet de loi n'autorise la criminalisation des activités de promotion et de protection de nos droits et de nos titres, de la dissidence autochtone et du militantisme, et plus généralement encore, des activités démocratiques qui sont fondées sur notre désir de protéger et d'améliorer notre environnement pour cette génération et les générations à venir. Je crains également qu'il ne confère au SCRS le pouvoir de perturber les manifestations pacifiques qui constituent la base même des efforts que nous déployons pour faire respecter nos droits, nos intérêts et la souveraineté des peuples des Premières Nations.
    Avant que je n'entame mes remarques, je tiens à souligner le témoignage de nombreux témoins qui m'ont précédée, et à m'en inspirer. Je pense tout particulièrement aux témoignages et aux prises de position du chef national Perry Bellegarde de l'Assemblée des Premières Nations, du grand chef Stewart Phillip, de l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique et de Pam Palmater. Tous ont fort bien décrit les nombreuses préoccupations des peuples des Premières Nations et je me fais l'écho de leurs analyses à propos du projet de loi.
    Je vais maintenant brièvement vous parler de deux préoccupations particulières que nous entretenons à propos de ce projet de loi. Premièrement, j'estime qu'il ne faudrait pas adopter la loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada. Comme d'autres témoins, y compris les professeurs Roach et Forcese, ont longuement parlé des enjeux que soulève la loi proposée, je serai brève à ce sujet.
    Il est écrit que la loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada a pour objet d'encourager les institutions fédérales à communiquer des informations entre elles et à faciliter une telle communication, cela pour protéger le Canada contre des activités portant atteinte à la sécurité nationale. Le texte de la loi est très vague et subjectif, et je crains qu'il ne donne lieu à la classification abusive de certaines activités au nombre des activités terroristes.
    L'accès sans entrave à l'information et la capacité à la partager généralement avec toute personne, pour quelque objet que ce soit, est à la fois dangereux et fondamentalement troublant. La défense d'idéaux qui ne sont pas considérés comme étant d'intérêt national, comme le droit des Premières Nations à la souveraineté, pourrait, en vertu du projet de loi C-51, donner lieu au harcèlement et à la persécution de particuliers sans que ceux-ci aient vraiment la possibilité de réagir aux renseignements recueillis à leur sujet et qui sont communiqués à d'autres. Je crains que cela ne place un étouffoir sur les actions non violentes et directes, sur les actions que mène ma communauté afin de mobiliser l'appui en reconnaissance de ses droits et de ses intérêts.
    Les manifestations ont souvent constitué le coeur des actions que nous avons déployées pour affirmer notre souveraineté et faire respecter nos droits, dans le cas de nos valeurs culturelles généralement respectées qui consistent à agir de façon publique et inclusive. La crainte que des actions légitimes puissent être visées par ce projet de loi d'application très large pourrait avoir pour effet d'opprimer les efforts déployés par les peuples des Premières Nations en vue d'édifier leurs nations.
    Roxanne James a expliqué à certains témoins que l'exonération dont font l'objet les manifestations légales doit être interprétée au regard du reste de l'article et que les activités en question doivent, a priori, saper la sécurité du Canada. Cependant, je crains que cette approche ne soit par trop subjective, surtout advenant que la cause ainsi défendue n'aille pas dans le sens des visées du gouvernement en place et que celui-ci ne décrète que l'activité en question menace la sécurité du Canada. L'actuel libellé du projet de loi ne fait rien pour calmer mes appréhensions à ce sujet.
     Deuxièmement, permettez-moi de parler brièvement de la question des pouvoirs accrus conférés au SCRS. Le projet de loi C-51 propose des changements troublants à la Loi sur le SCRS, puisque l'organisme aurait la possibilité, s'il avait des motifs raisonnables de croire qu'une activité constitue une menace à la sécurité du Canada, de prendre des mesures au pays ou à l'extérieur afin de contenir cette menace.

  (1850)  

    Avec ces modifications, les mouvements de protestation démocratique qui adoptent des tactiques qui ne se conforment pas exactement ne serait-ce qu'au droit municipal ne bénéficieront pas de l'exception prévue pour les protestations licites. Ces mouvements pourraient faire l'objet d'une enquête de la part du SCRS et même être visés par les manoeuvres de perturbation de ce même organisme.
    Je suis troublée de constater qu'il existe une tendance qui a pour effet de réduire constamment la notion de protestation licite, avec l'attribution au SCRS de pouvoirs d'application de la loi physique et en réduisant encore les mécanismes d'examen et de surveillance actuels. Je suis préoccupée en particulier par les nouveaux pouvoirs que l'on envisage d'accorder au SCRS qui lui permettront de perturber les manifestations pacifiques qu'organisent les Premières Nations pour faire reconnaître leurs droits et leur titre ancestral. Je me fais l'écho de la préoccupation manifestée par M. Palmater selon laquelle tout exercice de la souveraineté par une Première Nation risque d'être interprété comme une atteinte à la sécurité nationale puisqu'il constitue par sa nature même une menace à la souveraineté du Canada.
    En tant que femme membre des Premières Nations, je suis guidée premièrement et principalement par les lois heiltsuk. Un des principes fondamentaux du droit heiltsuk est que toutes les activités doivent être exercées publiquement et de façon transparente. Je crains que certains considèrent désormais que les mouvements de protestation pacifique concernant les droits et le titre ancestral soulèvent des questions de sécurité examinées en secret, pratiques qui sont tout à fait contraires à la façon dont j'organise mes activités, à celle dont mon peuple agit et à celle dont mes lois sont exécutées. Cela est particulièrement frustrant compte tenu de l'intention et du fondement de nos pratiques et des lois de nos ancêtres, qui visent la paix et la non-violence. Si les valeurs et les lois traditionnelles des Premières Nations étaient mieux comprises, je pense qu'on serait moins soupçonneux à notre égard et qu'on s'inquiéterait moins de la violence.
    En résumé, j'estime que ce projet de loi constitue une menace réelle pour ce qui est de la boîte à outils qu'utilise les peuples indigènes pour faire reconnaître leurs droits et leur titre ancestral. C'est pour cette raison, ainsi que pour les nombreuses raisons que d'autres témoins ont si bien exposées, que j'estime que ce projet de loi ne devrait pas être adopté.
    Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de vous parler et j'ai hâte d'entendre vos questions.
    Merci, madame Housty. J'ai bien apprécié les commentaires que vous avez faits ce soir.
    Nous allons maintenant passer à nos tours de questions. Nous allons commencer par M. Norlock, pour sept minutes.

  (1855)  

    Merci, monsieur le président et merci aux témoins; je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
    Mes premières questions s'adressent à M. Stamatakis, ce qui n'est guère surprenant.
    M. Stamatakis, nous avons entendu Ray Boisvert, un ancien membre du SCRS qui a occupé — je dois le dire franchement — des postes très importants. Il s'est fait l'écho de certaines de vos préoccupations au sujet de la communication d'information qui, bien souvent, et pas seulement dans le monde de la sécurité dans lequel il vivait, mais d'après mon expérience... Vous avez parlé du fait que la main droite ne savait pas toujours ce que faisait la main gauche. Comme nous l'avons appris dans le passé avec les crimes terribles qui ont été commis, nous n'avons pas toujours été en mesure d'en découvrir les auteurs. Et pourtant, si les forces policières avaient la possibilité de partager des renseignements  — je pourrais commencer à faire la liste de ces affaires mais je crois que vous les connaissez aussi bien que moi sinon plus  — nous aurions pu résoudre ces crimes et même peut-être sauver des vies.
    Je vais vous demander de vous référer à la partie du projet de loi C-51 qui favorise la communication d'information. Je me demande si vous pourriez commenter ces dispositions de votre point de vue, après avoir lu le projet de loi, tout en sachant que ce qui peut paraître un incident mineur ou un élément d'information mineur pour une entité pourrait avoir une importance considérable pour une autre. Autrement dit, ce qu'une agence peut considérer comme sans intérêt pourrait être très utile à quelqu'un qui fait un projet et qui, tout à coup, grâce à cet élément, réussit à faire des rapprochements et à résoudre une énigme ou à retrouver l'auteur d'une infraction.
     Pourriez-vous faire des commentaires au sujet des dispositions du projet de loi C-51 qui touchent la communication d'information par les ministères?
    Je crois avoir abordé cet aspect dans mes remarques. À l'heure actuelle, la communication d'information, en particulier du point de vue de la sécurité publique, mais aussi plus largement du point de vue de la sécurité communautaire, est le principal obstacle qui empêche les autorités de mettre en oeuvre leur engagement d'assurer la sécurité de tous les Canadiens.
    De mon point de vue et pour les membres que je représente, les policiers de première ligne... J'assiste à des réunions d'un bout à l'autre du pays au cours desquelles c'est une des principales questions soulevées, nous parlons du fait qu'il n'est pas possible d'obtenir de l'information d'une autre agence, et que si nous l'avions possédée, nous aurions pu intervenir, par exemple, avant qu'une infraction potentielle soit commise.
    Les policiers s'occupent principalement des infractions pénales. Mais si vous regardez plus loin, en particulier à la lumière de certains événements récents, non pas seulement ici mais dans d'autres pays — en particulier lorsque vous prenez les grands centres urbains du Canada — vous constaterez que les policiers de première ligne recueillent des renseignements et interagissent quotidiennement avec différents groupes de nos collectivités. Il est souvent arrivé, comme vous y avez fait allusion M. Norlock, qu'un élément d'information jugé anodin dans une province devienne un élément clé dans une autre province qui permet de boucler une enquête et de porter des accusations .
    Nous sommes favorables aux dispositions relatives à la communication d'information du projet de loi et je pense qu'elles pourraient même aller au-delà des institutions fédérales et comprendre, en particulier, les grands services de police comme ceux de Toronto, de Vancouver et de Calgary. Il se passe beaucoup de choses dans ces grandes communautés urbaines auxquelles les services de police s'intéressent mais les renseignements obtenus ne sont pas diffusés comme ils devraient l'être.
    Je vous remercie. Je vais maintenant passer aux engagements de ne pas troubler l'ordre public et à la détention préventive.
    Pouvez-vous nous parler des autres modifications au Code criminel que propose le projet de loi, à savoir l'abaissement du seuil pour la délivrance des engagements de garder la paix et la détention préventive, compte tenu du fait que les engagements assortis de conditions n'ont pas été utilisés?
    Êtes-vous favorable à l'abaissement de ce seuil mais — et c'est là la partie essentielle — tout en exigeant une autorisation judiciaire et l'examen de la détention; pensez-vous que cela pourrait être un outil utile pour les policiers de première ligne? Bien sûr, les policiers connaissent très bien les engagements de ne pas troubler l'ordre public. La mesure dont nous parlons vise particulièrement, bien sûr, le terrorisme. Nous avons également que grâce aux propositions contenues dans le C-51, les juges peuvent les assortit des conditions qu'ils estiment utiles, y compris celles de se présenter aux autorités sur demande, par exemple.
    Pensez-vous que ce seraient là des outils efficaces? Je me demande si vous pourriez les commenter en utilisant votre expérience.

  (1900)  

    Absolument. Encore une fois, c'est un aspect du projet de loi que mon organisation appuie, tout en sachant, d'après mon interprétation du projet de loi, que toutes ces mesures sont assujetties à une surveillance judiciaire. Je crois que c'est là l'élément essentiel.
    Je peux vous donner de nombreux exemples des efforts que doivent déployer les policiers pour obtenir l'information nécessaire à la délivrance d'un mandat de perquisition ou pour obtenir l'autorisation judiciaire de prendre une autre mesure; cela est tout à fait approprié.
    Il me paraît également approprié, d'après mon examen du projet de loi, de demander, en cas d'urgence — lorsqu'il n'y a pas suffisamment de temps pour obtenir cette autorisation — que le policier obtienne dès que possible après coup l'autorisation. C'est un élément essentiel, je crois, en particulier au Canada, qui permet de veiller à ce qu'il existe un mécanisme de surveillance approprié et que les policiers obtiennent les autorisations appropriées avant d'exercer des activités qui portent gravement atteinte aux droits des Canadiens.
    Nous avons entendu l'inspecteur Irwin plus tôt cette semaine. L'inspecteur Irwin nous a parlé des initiatives utiles qu'avait prises le Service de police de Toronto et d'autres services de polices à l'égard de la radicalisation.
    Êtes-vous au courant des programmes que le Service de police de Toronto et d'autres services de police ont mis sur pied pour empêcher que les jeunes en danger soient radicalisés?
    Je ne pourrais pas vous parler de programmes particuliers. Je sais que, d'une façon générale, c'est une question qui a suscité beaucoup d'attention dans les services policiers.
    Il existe à l'heure actuelle des programmes très dynamiques qui visent à favoriser la participation des jeunes. Je sais qu'on examine à l'heure actuelle ces programmes pour tenir compte des nouvelles menaces à la sécurité publique qui apparaissent au Canada, pour que nous puissions intervenir plus rapidement auprès des jeunes vulnérables dans le but d'empêcher d'autres tragédies.
    C'est un sujet qui suscite beaucoup de discussions dans les milieux policiers au Canada et qui continuera à en susciter, je crois, dans les mois et les années qui viennent.
    Merci, monsieur Stamatakis.
    Merci, monsieur Norlock.
    Maintenant, madame Ashton, vous avez la parole.
    Je remercie tous nos témoins.
    Madame Housty, je vous remercie d'être venue aujourd'hui de la Colombie-Britannique. Nous avons apprécié votre témoignage en tant que jeune femme autochtone activiste. Votre point de vue est unique, compte tenu des interventions que nous entendons aujourd'hui. Je sais que les aspects que vous avez mentionnés aujourd'hui l'ont été au nom des nombreux jeunes Autochtones qui se trouvent aux premières lignes, tout comme vous.
    Vous avez mentionné votre opposition au C-51, vous avez décrit quelques préoccupations essentielles que nous pourrons étudier, et vous vous êtes fait l'écho d'autres témoins que notre comité a entendus. Compte tenu de votre activisme de première ligne, je me demande si vous pourriez nous dire brièvement ce à quoi vous vous heurtez et pourquoi vous et tant de jeunes Autochtones de votre région doivent organiser des manifestations pour se faire entendre?
    Absolument.
    Une des difficultés auxquelles je fais face dans mon travail qui consiste à établir des liens entre ma communauté et la société canadienne en général, c'est qu'il perdure un fonds de racisme ainsi que des préjugés sur ce que veut dire être Autochtone et défendre les droits des Autochtones dans ce pays.
    La force que je possède comme personne vient d'une identité culturelle localisée, qui me relie à mes terres natales, à un héritage de gardiens de la nature qui remonte à des dizaines de milliers d'années. Pour moi, le travail que j'effectue est essentiellement fondé sur l'amour, la passion et l'engagement que j'ai pris de poursuivre cette mission culturelle que j'ai apprise à connaître connu pendant toute mon enfance et que j'espère transmettre aux futures générations dans ma famille et dans ma collectivité.
    J'ai travaillé pendant un certain nombre d'années comme éducatrice et organisatrice communautaire au sujet de diverses questions que soulevait l'extraction de ressources sur mes terres ancestrales et les dommages causés. Je fais ce travail parce que j'estime que notre peuple doit agir, être informé et défendre ses droits et ses terres ancestrales.
    J'ai vu que des actions pacifiques que ma communauté avait lancées qualifiées de menaces à la sécurité, des membres de ma collectivité traités d'extrémistes, d'agitateurs, d'écoterroristes, en fait de tous les noms. C'est une chose extrêmement douloureuse parce que cela veut dire que les motifs qui nous poussent à agir n'ont rien à voir avec les motifs que nous prête la société canadienne au sens large alors que notre action est fondée sur l'amour et l'engagement et qu'on nous qualifie de menace.

  (1905)  

    Merci de nous avoir parlé de cet aspect.
    Madame Housty, le Macdonald-Laurier Institute, un groupe de réflexion conservateur, a publié il y a quelque temps un rapport préparé par Douglas Bland qui décrivait les Premières Nations comme étant un risque potentiel grave pour la sécurité nationale et une source potentielle de terrorisme.
    Que pensez-vous de cette façon de parler des Autochtones au Canada?
    Cela concorde de façon très troublante avec les choses que j'entends très souvent au sujet de nos actions. Je crois que le seul fait que j'existe amène certaines personnes à penser que je représente une menace pour les intérêts canadiens, pour la société canadienne et pour la sécurité du Canada.
    Je suis une Autochtone qui vit sur le territoire de sa famille, de sa communauté et de sa nation, territoire auquel nous n'avons jamais renoncé. Je crois profondément que nous avons des droits territoriaux et d'autres droits qui représentent une part considérable de notre identité. Je crois en la souveraineté de mon peuple. Par le seul fait d'exister, de respirer et de croire ce genre de choses, il y a des gens qui vont me qualifier de diablesse qui rejette le rêve canadien.
    Je crois qu'il y a de nombreux rapports et documents de ce genre, qu'ils aient été intentionnellement rendus publics ou produits à la suite de demandes d'accès à l'information ou de fuites, qui montrent qu'il existe une tendance constante qui consiste à diaboliser les peuples autochtones. J'aimerais répéter que cette grave méconnaissance de notre nature et des motifs qui nous animent est la relique d'un passé que j'espérais disparu.
    Merci.
    J'aimerais également signaler que l'Association du Barreau canadien a affirmé que les groupes qui représentent les Premières Nations devraient s'inquiéter de ce projet de loi; bien entendu, elle se fait ainsi l'écho de ce que vous avez dit ici aujourd'hui et de ce que d'autres témoins autochtones nous ont également déclaré.
     Pensez-vous que le projet de loi C-51 risque, tout comme les autres projets de loi qu'a présentés ce gouvernement, d'attiser les dissensions raciales et de créer des divisions au détriment des peuples autochtones de notre pays?
    Oui, je crains vraiment que les mesures que le projet de loi C-51 autoriserait et que des projets de loi semblables autorisent, nuisent énormément aux Premières Nations ou risquent de nuire énormément aux membres des Premières Nations qui défendent leurs droits et leurs intérêts.
    Je pense que des projets de loi comme celui-ci servent à perpétuer des stéréotypes incroyablement racistes qui causent déjà des problèmes graves dans les relations entre les Premières Nations et la société canadienne en général. D'une façon plus large, je suis très inquiète quand je vois un parti ou un gouvernement qui a l'habitude de caricaturiser des groupes marginalisés et d' en faire des épouvantails, pour simplement marquer des points auprès de ses électeurs.
    Je suis profondément convaincue que nous devons tous faire un choix fondamental et décider si nous voulons construire des ponts ou les brûler; ces choix se reflètent aussi bien dans les politiques et les pratiques d'un parti que dans les messages qu'il envoie aux électeurs. Je dirais simplement que les Canadiens observent ce qui se passe et je suis convaincue que les valeurs progressistes vont l'emporter sur les provocations raciales et les propos alarmistes.
    Je vous remercie beaucoup d'être venue, madame Housty.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Environ 15 secondes.
    Très bien.
    Avez-vous quelques réflexions que vous aimeriez que nous gardions de votre exposé?
    Tout simplement le fait que je pense que nous avons besoin de clarté et de transparence et qu'il faut rechercher la réconciliation.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Payne pour sept minutes, allez-y.
    Merci monsieur le président et merci aux témoins d'être venus. Ma première série de questions s'adresse à M. Stamatakis.
    Nous avons entendu beaucoup de choses à propos du projet de loi C-51 et j'aimerais donc que vous réfléchissiez à ceci. D'après votre interprétation du projet de loi, pensez-vous que la loi qui prévoit la communication de l'information pourrait amener à qualifier quelqu'un de terroriste ou à lui coller cette étiquette? C'est un argument qui semble relier la communication d'information et le Code criminel. Quelles sont vos pensées ou vos commentaires sur ce point?

  (1910)  

    Ce n'est pas ce que j'ai compris en lisant le projet de loi. J'ai eu cette conversation avec d'autres personnes. La réalité est que je ne pense pas que la police canadienne ait la capacité d'exercer le genre d'activités dont nous sommes accusés sur le plan de la surveillance.
    Je vais vous donner un exemple, dans mon service d'origine nous avons à l'heure actuelle deux détectives qui font une enquête sur des crimes très graves visant les enfants et dont les auteurs utilisent Internet. Dans toute notre unité technique et vidéo, je crois que nous avons 10 enquêteurs qui examinent à l'heure actuelle les preuves obtenues à partir d'ordinateurs et de disques durs. Il s'agit d'une grande ville canadienne qui possède un service de police important mais nous n'avons tout simplement pas la capacité de nous lancer dans le genre d'activités que, d'après certaines personnes, la police exercerait à cause des dispositions de ce projet de loi.
    Merci et cela est semblable au témoignage que nous avons entendu d'un homme qui avait 30 ans d'ancienneté au sein du SCRS, qui a clairement déclaré qu'il ne s'intéressait pas aux manifestants et qu'il consacrait uniquement son temps aux personnes les plus dangereuses. Il a fait remarquer qu'il s'agissait de communiquer l'information actuelle touchant la sécurité nationale et non pas de recueillir de l'information.
    Vous avez peut-être déjà répondu à cette question mais pensez-vous que la police ait le temps et la capacité d'espionner les manifestants, en particulier compte tenu des motifs à l'origine du projet de loi et de la clause prévoyant une exception?
    Non, nous n'avons pas cette capacité. Même du point de vue des services policiers, je reconnais que dans le passé les services de police ont commis quelques erreurs dans leur rapport avec les personnes qui voulaient organiser des manifestations pacifiques dans notre pays. Mais depuis quelque temps, notre approche est axée sur la collaboration et sur la communication et elle vise à faciliter le déroulement de manifestations pacifiques. Par contre, lorsqu'il y a des gens qui affirment vouloir manifester pacifiquement au sujet d'une question et qui commencent à adopter, de façon tout à fait regrettable, des tactiques et des comportements violents qui posent non seulement un danger pour les membres que je représente mais qui mettent également en danger la sécurité des autres Canadiens qui veulent vivre en paix dans leur collectivité, alors cela crée des problèmes.
    Je sais que mon collègue a fait allusion au système des mandats actuel et nous savons qu'il est déjà très lourd. Je suis sûr que vous le savez et que ce projet de loi aggrave la situation. Je me demande si vous pourriez nous parler du travail que représente l'obtention d'un mandat, pour la police et pour le SCRS, d'après ce que vous savez.
    Je peux vous dire que, dans certains cas, je dois prendre un chariot pour transporter les centaines de pages de documents qui doivent être utilisés pour obtenir un mandat de perquisition, par exemple, dans une enquête complexe.
     J'aimerais revenir au projet de loi C-51, en particulier aux dispositions qui prolongent la période de détention d'un individu. Le point de vue que je pourrais vous présenter est que le fait de pouvoir intervenir et de détenir une personne pendant un certain temps vous permet d'effectuer correctement une enquête; le policier est alors mieux en mesure de rassembler toutes les preuves dont il a besoin pour porter une accusation comme celle-ci, lorsque vous avez détenu quelqu'un dans l'intention de l'inculper d'une infraction. C'est le contraire de la situation actuelle qui place souvent le service de police dans une situation délicate où il lui est difficile d'intervenir, même s'il dispose de preuves qui permettent de penser qu'il y a un danger pour la population.
     Je ne vois pas dans les dispositions que contient le projet de loi C-51 les aspects que certains des témoins ont mentionnés.
    Merci. Ma question suivante s'adressera à M. Matas ou M. Kurz, à leur choix.
    Monsieur Matas, je crois que vous avez déjà dit que, bien souvent, ceux qui critiquent le projet de loi défendent en fait le statu quo, l'ancien équilibre. Le monde a néanmoins changé et il faut que cet équilibre soit également modifié. Les victimes et les victimes potentielles doivent être mieux protégées qu'elles ne l'ont été jusqu'ici.
     C'est ce que nous avons entendu de votre part, pour ce qui est du nombre des activités directement visant la communauté juive. Nous avons également entendu des choses semblables de la part des représentants du Centre des relations juives et israéliennes, ainsi que de la part d'autres témoins. Je me demande si vous pourriez nous expliquer pourquoi le projet de loi C-51 est aussi important et quel en serait l'effet sur tout ceci.

  (1915)  

    Nous avons principalement parlé d'un article en particulier, celui qui réprime le fait de préconiser ou de fomenter le terrorisme. L'article 16 a pour effet de créer une nouvelle infraction et c'est une infraction qui touche la liberté de parole. Cette disposition a pour effet de restaurer un équilibre entre la liberté d'expression d'un côté et la sécurité des victimes potentielles du terrorisme.
    De notre point de vue, nous voulons, bien sûr, conserver dans toute la mesure du possible la liberté d'expression. Nous estimons qu'il est nécessaire de modifier cet équilibre compte tenu de l'aggravation de la menace et du fait que nous avons connu des actes de terrorisme ces derniers mois et ces dernières années.
    C'est la raison pour laquelle le ministre Blaney utilise ce genre d'exemple; le fait que tuer les infidèles par n'importe quel moyen, n'importe où ne constitue pas une infraction pénale. Je crois que c'est là où il voulait en venir, notamment quand il parlait de supprimer la propagande terroriste, aspect que vous avez mentionné, je crois, dans vos remarques préliminaires.
    Je me demande si vous aimeriez faire d'autres commentaires.
    Ce que nous constatons à l’heure actuelle, c’est que le lien entre terrorisme et haine est beaucoup plus étroit qu’auparavant. C’est ce qui nous incite à entériner comme nous l’avons fait les dispositions relatives à la propagande terroriste, sous réserve des mises en garde que nous avons signalées. C’est une façon de reconnaître la proximité du terrorisme et de la haine et que les mêmes principes s’appliquent à la haine, c’est-à-dire qu’on peut utiliser la propagande haineuse pour inspirer des crimes haineux, et aux activités terroristes.
    C’est pourquoi les mêmes principes peuvent s’appliquer au discours terroriste également, et nous pensons qu’ils le devraient, mais, là encore, sous réserve de certaines des garanties applicables à l’équilibre entre le droit d’expression et la protection de la collectivité contre ce genre d’expression très problématique que nous jugeons criminelle.
    Merci beaucoup. Votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Easter, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à tous les témoins d’être venus nous voir.
    Je commencerai par vous, monsieur Matas.
    Vous avez dit, et je cite votre mémoire, que les poursuites privées intentées au criminel pour crimes d’expression, qu’autorise le projet de loi, sont une menace plus grande encore pour la liberté d’expression que les plaintes privées déposées au civil pour atteinte aux droits de la personne. Aucun autre témoin n’en a parlé. J’ai essayé de trouver dans le projet de loi où il en est question. Je comprends parfaitement votre souci concernant les plaintes futiles et en quoi cela peut être un réel problème.
    À quoi cela est-il relié dans le projet de loi et comment comptez-vous de régler le problème, si je peux m’exprimer aussi simplement?
    À l’article 16 du projet de loi, et cette disposition pour l’essentiel comporte trois éléments. L’un d’eux vise à ajouter le nouvel article 83.221 au Code criminel, et cette disposition énonce une infraction. S’il y a infraction à cette disposition, on n’a pas besoin du consentement du procureur général pour intenter une poursuite.
    En général, lorsqu’on n’a pas besoin du consentement du procureur général, cela veut dire qu’une poursuite privée est possible. Je peux vous le lire. C’est le nouveau paragraphe 83.221(1): « quiconque, sciemment, par la communication de déclarations… »
    Ça se trouve partout dans le projet de loi… Par exemple, si vous allez au nouvel article 83.222, où il est question de saisie, le paragraphe 83.222(7) prévoit que le consentement du procureur général est exigible: donc il faut son consentement pour procéder à une saisie. Voyez le nouvel article 83.223, qui permet d’effacer le contenu d’un ordinateur: le paragraphe 83.223(9) prévoit que le consentement du procureur général est exigible.
    Mais dans ce cas-ci, au sujet des poursuites, je me suis en fait adressé à quelqu’un au gouvernement à ce sujet, et il se peut que ce soit simplement un oubli des rédacteurs, car on n’en voit pas la justification.

  (1920)  

    Je ne veux pas prendre beaucoup de temps et je sais que vous avez soulevé certaines questions au sujet du consentement du procureur général ici également, mais nous devons parler à certains juristes du ministère pour régler ça.
    L’autre question que vous avez soulevée a trait au fait que les infractions de terrorisme en général relèvent de l’article 83.01 du Code criminel. Vous avez supposé que c’était là que se trouvaient les infractions de terrorisme. Sauf votre respect, cette supposition est fausse. Selon les témoins entendus par le comité, on s’inquiète beaucoup du fait que les infractions de terrorisme sont définies beaucoup trop largement comparativement au Code criminel. Certains estiment, et je ne sais plus si c’est l’Association du Barreau ou quelqu’un d’autre, qu’il faudrait en limiter la portée aux infractions de terrorisme énoncées dans le Code criminel. Eh bien, voyons cela. Je tiens seulement à le rappeler, et vous pouvez vérifier, et nous pouvons peut-être en discuter plus tard. Mais je pense que vous avez tort de supposer que les infractions de terrorisme énoncées dans le projet de loi C-51 sont celles qui sont définies dans le Code criminel.
    En fin de compte, ce que je veux dire, c’est que ça ne devrait pas être ouvert à interprétation. Ça devrait être défini.
    Merci.
    Monsieur Stamatakis, vous avez raison, on parle beaucoup de surveillance et de toutes sortes de méthodes de surveillance. Mais je peux vous dire que rien de ce que nous avons proposé dans un comité multipartite en 2004-2005, aucun des éléments d'un projet de loi d’initiative parlementaire que j'ai déposé ni de rien de ce qu’un comité parlementaire auquel M. Norlock a participé avait décidé ne s'est concrétisé. C'est tout ce que je voulais dire. Parmi nos partenaires des Cinq-Yeux, et je suis sûr, dans vos rapports avec l’association des policiers, vous parleriez à la police et à leurs partenaires des Cinq-Yeux, certains ont-ils exprimé des préoccupations concernant les organismes de surveillance qui existent dans ces pays? Les opinions sont-elles favorables? Défavorables? Nous sommes le seul pays des Cinq-Yeux qui n’a pas ce genre de surveillance parlementaire.
    Je n’ai rien entendu de ce genre, mais pour donner une réponse juste à votre question, je n’ai pas vraiment fait d’enquête à ce sujet. Je le pourrais si vous le désirez.
    J’aimerais bien, oui, parce que je crois vraiment que c’est un critère important et une nécessité dans ce texte législatif. Cela permettrait aux Canadiens d’avoir au moins une certaine confiance dans le fait que la sécurité, je veux dire tous les organismes de sécurité et pas seulement le SCRS, ne déborde pas les limites dans lesquelles elle doit rester.
    Vous avez également parlé du partage d’information, et je suis d’accord, c’est important. Je suis assez au courant du rapport de la Commission d’enquête O'Connor, et c’est une des préoccupations qui y ont été formulées. Vous avez parlé d’autorisation judiciaire, et, voyez-vous, je ne suis pas d’accord avec vous. Je pense que l’autorisation judiciaire a trait à la demande de mandat, mais je crois qu’un témoin l’a dit mieux que moi: lorsque le mandat passe la porte, il n’y a plus de surveillance. Le juge Mosley était très inquiet des activités du SCRS et de ce que celui-ci a fait avec un mandat. Avez-vous des remarques à formuler à ce sujet?
    Je crois, et je ne saurais vous dire précisément où j’ai lu ça, que c’est une remarque valable à faire, sauf qu’il y a des limites aux mandats lorsqu’ils sont délivrés, notamment à l’égard de leur durée de validité, et les juges peuvent imposer des conditions à l’objet du mandat. Je pense donc qu’il existe déjà des dispositions. Il n’est pas vraiment raisonnable de penser que le porteur d’un mandat pourrait être investi du droit illimité de faire ce qu’il veut.
    Merci beaucoup, monsieur Easter.

[Français]

     Madame Doré Lefebvre, vous disposez de cinq minutes.

  (1925)  

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tous les témoins qui sont présents à cette table et ceux qui témoignent par vidéoconférence. C'est grandement apprécié.
    Je vais d'abord m'adresser à Mme Housty.
    Le gouvernement fédéral a surveillé et récolté de l'information sur certains activistes pacifistes, notamment Cindy Blackstock, ou encore Pamela Palmater, qui a témoigné devant nous il y a à peine quelques jours.
     Avez-vous des préoccupations au sujet des dispositions du projet de loi C-51 qui sont reliées à l'échange d'information ou à la définition de ce qui constitue une menace pour la sécurité du Canada?

[Traduction]

    Merci de votre question. Ces deux choses me troublent énormément dans ce projet de loi.
    Je crois que, à titre d’organisateur et militant des Premières Nations, je suis très inquiet du fait que des renseignements pourraient être recueillis ou non à mon sujet et au sujet de mon travail ou du travail accompli par mes collègues. Il n’existe aucune procédure permettant de répondre aux renseignements ou suppositions qui font partie des données recueillies.
    Surtout quand on appartient à une culture où ouverture, l’imputabilité et la transparence sont des normes ordinaires des activités commerciales et des lois, il est extraordinairement troublant de penser que ce genre de collecte de données pourrait se produire à notre insu et sans que nous puissions nous défendre ou justifier nos intentions.

[Français]

     Merci beaucoup.
    J'aimerais maintenant m'adresser à MM. Matas et Kurz.
     Dans la présentation que vous avez livrée au comité, vous avez parlé des problèmes reliés à la terreur et à la promotion de celle-ci. Vous avez dit qu'ils ne pourraient pas être réglés uniquement par des changements législatifs. Selon vous, l'éducation, le dialogue entre les communautés et les expressions de bonne foi entre les Canadiens en général devraient être largement mis à contribution.
    Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet et nous dire ce que vous pensez de la « déradicalisation »?

[Traduction]

    Merci de cette question. Vous soulevez un problème important. Nous autres avocats, un peu comme les charpentiers, nous pensons que tous les problèmes peuvent se régler grâce à un marteau et des clous. Il est évident que ce n’est pas le cas, loin de là.
    C’est tout à fait au cœur de notre mémoire au comité. Nous nous sommes limités à une partie précise du projet de loi en pensant que nous pourrions apporter une certaine aide au Parlement à cet égard. Mais, pour B’nai Brith en tant qu’organisation accompagnée de sa ligue des droits de la personne et de son institut pour les affaires internationales, nous reconnaissons que les meilleures lois du monde ne vont pas régler tous nos problèmes, notamment ceux dont nous avons parlé aujourd’hui.
    Les lois sont un instrument et seulement un instrument. Nous voulons perfectionner même les parties d’instrument dont il a été question ici aujourd’hui. Le dialogue interculturel et la déradicalisation, dont vous avez parlé, sont des enjeux de premier plan, et ce sont des moyens qui permettraient d’éviter le recours à la loi, qui est évidemment la main de fer du gouvernement.
    Nous sommes favorables à tout ce qui peut être fait à ce titre. Nous participons au dialogue intercommunautaire depuis des décennies. Nous ne saurions trop insister sur l’importance de ces activités dans le cadre de la lutte du Canada contre le radicalisme et la haine et pour le genre de société inclusive dans laquelle tout le monde croit dans cette salle, je pense.
    Nous ne saurions y être plus attachés, et c’est pourquoi nous avons fait tout ce que nous avons fait. Nous appelons de nos vœux une société qui nous inclue tous.
    Permettez que j’ajoute ici que, à mon avis, nous avons besoin de solutions échelonnées. Le Code criminel doit être le dernier recours, quand tout le reste a été voué à l’échec, parce que c’est la solution la plus sévère. C’est là qu’entre en jeu la sanction la plus dure ou c’est là que vous introduisez vraiment un châtiment.
    C’est l’une des raisons pour lesquelles des directives seraient utiles. Je pense qu’elles serviraient à éviter aux procureurs généraux de refuser leur consentement dans des affaires difficiles, mais aussi de l’accorder trop facilement. Nous pouvons intégrer ces garde-fous par des directives, par exemple.

  (1930)  

    Merci beaucoup. Notre temps de parole est écoulé. J’aimerais, au nom de l’ensemble du comité, remercier Mme Housty, M. Stamatakis, M. Matas et M. Kurz. Merci d’être venus nous voir aujourd’hui et merci de votre participation aux délibérations du comité.
    Nous prendrons une pause de quelques minutes avant de passer aux témoins suivants.

  (1930)  


  (1935)  

    Bonsoir, Mesdames et Messieurs.
     Bienvenue à la deuxième heure de réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale dans le cadre de son examen du projet de loi C-51.
    Accueillons nos témoins. Pour cette deuxième heure, nous avons, du Centre for Security Policy, Clare Lopez, vice-présidente, Recherche et analyse. Nous avons aussi Kyle Shideler, directeur du Threat Information Office. Nous sommes heureux que vous ayez pu vous libérer pour arriver ici à temps. Merci infiniment.
    De l’Association du transport aérien du Canada, nous avons John McKenna, président et chef de la direction, ainsi que Michael Skrobica, vice-président senior et chef de la direction financière. Nous avons par ailleurs à titre personnel Matt Sheehy, directeur pour le Canada chez Jetana Security.
    Allons-y, commençons par les remarques préliminaires. Chaque organisation a droit à un maximum de 10 minutes pour ces remarques. Si vous pouvez faire plus court, évidemment, c’est tant mieux. Ce serait certainement apprécié puisque ça nous laisserait plus de temps pour les questions.
    Commençons par M. Sheehy. Vous avez la parole, Monsieur.
    Merci. Je vais lire ma déclaration, Monsieur.
    Je remercie le président et les membres du comité de m’avoir invité à venir témoigner aujourd’hui. La dernière fois que j’ai témoigné ici, à Ottawa, c’était en 2002, à peine quelques mois avant les attentats du 11 septembre. Je m’adressais au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, à l’époque en tant que président du comité de la sécurité de l’Association des pilotes d’Air Canada.
    C’était il y a plus de 13 ans, et pourtant nous voilà encore en train de nous débattre pour trouver des réponses et des solutions aux questions les plus cruciales de notre temps. Notre vol avait été retardé à 9 h, et nous avions pris la porte 21 à Montréal pour monter dans l’avion en cette journée fraîche et lumineuse du fatidique 11 septembre 2001. Il y a eu un problème mécanique mineur, et il a fallu revenir à l’aérogare pour le régler. Inutile de dire que, à notre retour à la porte, tous les départs avaient été annulés, et le monde tel que nous le connaissions venait de changer à jamais. Je suis sûr que cette journée tragique est gravée dans toutes nos mémoires collectives et que nous sommes tous déterminés à éviter que ce genre d’attaque épouvantable se reproduise. La question est celle-ci: comment faire?
    Comme je m’occupe de sécurité depuis plus de 30 ans à un titre ou un autre — je me suis trouvé aux avant-postes comme pilote et comme agent de police auxiliaire —, je peux dire sans l’ombre d’un doute que nous sommes dans une situation très dangereuse et extrêmement fluide et imprévisible.
    Je crois qu’il est indispensable d’essayer de surmonter nos divergences et de comprendre que, si nous ne laissons pas de côté nos convictions partisanes et nos divergences politiques, nous allons perdre cette bataille. Il y a urgence dans ce qui est confié au comité, c’est-à-dire à examiner les enjeux et les positions, évaluer le pour et le contre et convenir de solutions viables. Laissons de côté nos problèmes d’ordre partisan et faisons en sorte que ce processus donne des résultats.
    J’ai examiné la loi antiterroriste de 2015, autrement dit le projet de loi C-51, du point de vue d’un intervenant de première ligne. Je pense que c’est un excellent texte législatif qui permettra de régler beaucoup de questions en souffrance et de combler beaucoup de lacunes en répondant à nos besoins et à nos exigences sur le plan législatif. La nouvelle loi prévoit une stratégie d’intervention plus proactive et précoce au lieu de mesures plus statiques de renforcement réactif. Dans la Partie 2, la loi sur la sûreté des déplacements aériens, là encore, anticipe la menace non seulement en interdisant la possibilité aux sympathisants éventuels de rejoindre leurs compagnons de voyage dans les zones de conflit, mais prévoit une stratégie efficace visant à repérer les jeunes radicaux malavisés et marginalisés et à les empêcher de quitter le pays pour une destination qui, dans bien des cas, est leur propre mort.
     Cette nouvelle loi donne à nos organismes d’application de la loi et de sécurité plus de moyens et plus de latitude non seulement pour intervenir plus précocement dans le processus de radicalisation des intéressés, mais aussi pour partager de l’information dans le cadre d’un système de renseignement mieux intégré qui permettra d’améliorer la précision du processus décisionnel. Il faut se rappeler que c’est le délai qui peut faire la différence entre une interdiction utile et une occasion manquée.
    Je sais qu’il est important de compter sur un mécanisme de surveillance efficace. Je pense que la mise en place d’un Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité plus solide et mieux doté en personnel, avec un mandat clair, un calendrier de vérifications et un système redditionnel, réglerait la plupart des préoccupations.
    Je vous remercie et suis à votre disposition pour répondre aux questions.

  (1940)  

    Merci beaucoup, monsieur Sheehy.
    Passons maintenant au représentant du Center for Security Policy.
    Merci beaucoup. Nous tenons à remercier l'hon. Steven Blaney, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le président Daryl Kramp et le comité de la sécurité publique et nationale de nous avoir invités à venir témoigner ici aujourd’hui.
    Ce moment nous semble particulièrement propice compte tenu de la position de leader international adoptée récemment par le Canada dans la lutte contre le mouvement djihadiste global.
    Permettez que je nous présente: le Center for Security Policy est un groupe de réflexion sur la sécurité nationale dont le siège est situé à Washington (D.C.) et qui a été créé en 1988 par l’ex-secrétaire adjoint intérimaire de la Défense, Frank Gaffney. Dans les années qui ont suivi, nous nous sommes intéressés aux plus graves menaces qui pesaient sur l’Amérique et ses alliés.
    Je m’appelle Clare Lopez et j’assume la vice-présidence du Centre pour la recherche et l’analyse. Auparavant, j’ai été agente des opérations à la CIA, et j’ai par la suite assumé diverses responsabilités contractuelles dans le secteur de la défense aux États-Unis. J’ai également été instructeur pour le renseignement militaire et les forces spéciales en matière de terrorisme et j’ai l’honneur d’être affiliée au conseil consultatif de l’Institut Mackenzie à Toronto.
    Mon collègue Kyle Shideler est directeur de notre bureau d’information sur les menaces, où il s’occupe surtout de surveiller les mouvements djihadistes, notamment le groupe des Frères musulmans. Il renseigne les membres du Congrès, le personnel du renseignement et les agents fédéraux d’application de la loi sur l’histoire, l’idéologie et le fonctionnement des Frères musulmans et notamment sur leur rôle dans le soutien au terrorisme.
    Les dernières attaques meurtrières de djihadistes sur le territoire canadien attestent la nécessité cruciale de mieux comprendre la menace djihadiste mondiale et les moyens de lutter contre elle, et plus particulièrement de comprendre que le terrorisme ne commence pas par un acte violent, mais par des activités de financement, d’endoctrinement et de propagande. Si on entrave ces activités, on entrave les attaques.
    Nous nous réjouissons notamment de la décision d’inscrire à la liste des entités terroristes l’organisme International Relief Fund for the Afflicted and Needy, qui, selon les rapports dont nous disposons, finance l’organisation terroriste Hamas. Nous espérons que les services d’application de la loi et de sécurité du Canada pourront se servir des renseignements obtenus grâce à cette enquête et à d’autres pour entraver mieux encore les activités terroristes.
    C’est également une affaire de financement du terrorisme par le Hamas qui a fourni aux organismes américains d’application de la loi des renseignements concernant l’ampleur véritable de la menace qui pèse contre l’Amérique du Nord. Dans cette affaire, soit le procès de la Holy Land Foundation, des agents fédéraux d’application de la loi des États-Unis ont découvert une grande quantité de documents secrets représentant les archives des Frères musulmans en Amérique du Nord. C’est en partie grâce aux renseignements contenus dans ces documents qu’on a pu fermer la Holy Land Foundation, qui servait de façade au financement du terrorisme par le Hamas, et que les procureurs ont pu obtenir de nombreuses condamnations pour activités de financement du terrorisme. Ces documents témoignent des efforts de longue date, sur plusieurs décennies, des Frères musulmans pour s’établir en Amérique du Nord, y créer des groupes de façade, s’emparer du contrôle des mosquées et des centres islamiques, endoctriner des jeunes par le biais d’organisations de jeunesse dans les écoles islamiques, tromper les médias de masse, mener des activités de renseignement contre les services d’application de la loi et de renseignement et influencer des responsables politiques.
    Cette campagne de subversion soigneusement orchestrée constitue la base de ce qu’on appelle « le grand djihad » pour éliminer et détruire la civilisation occidentale: c’est ce qui ressort du mémorandum explicatif des Frères musulmans découvert au cours de l’enquête sur la Holy Land Foundation.
    On a eu tendance à faire une distinction entre les manifestations physiques d’actes individuels de terrorisme islamique, comme les récentes attaques au Canada, et la vaste infrastructure de soutien fournie par le mouvement djihadiste mondial, mais, en réalité, les hommes et les femmes qui cherchent à partir pour combattre en Syrie ou en Irak ou qui lancent des attaques sur notre territoire ne le font pas sans avoir d’abord été endoctrinés et convaincus de l’obligation de faire la guerre sainte. Ces gens ont appris à faire passer la fidélité à l’oummah islamique mondiale avant la fidélité à leur propre pays. On les convainc que les musulmans ont le droit d’imposer la charia, qui est un système juridique étranger, à leurs concitoyens. Tous ces éléments d’endoctrinement doivent être mis en place avant que l’intéressé songe même à avoir de la curiosité pour la propagande d’Al-Qaïda ou de l’État islamique. Nous pensons qu’il serait utile de donner au gouvernement de meilleurs moyens de viser ou d’éliminer la propagande doctrinale invitant à mener une guerre sainte contre les impies ou de mettre fin aux appels à l’usage de la force pour renverser le gouvernement et imposer la charia, parce que cela contribuerait à entraver l’endoctrinement avant que ses victimes en arrivent au stade où ils envisagent de lancer des attaques contre une cible précise.

  (1945)  

    La préparation du terrain idéologique est exactement la mission et le rôle des Frères musulmans, qui, selon les documents saisis par des agents d’application de la loi suisses en 2001, se sont donné mission de soutenir les mouvements djihadistes dans l’ensemble du monde musulman. Compte tenu de cette obligation de soutien, il n’est pas surprenant que les antécédents des recrues remontent systématiquement à un centre ou une école islamique ou une mosquée créées ou contrôlées par les Frères musulmans, comme c’était le cas des auteurs de l’attaque à la bombe contre les marathoniens de Boston en avril 2013.
    Les organisations ayant des liens avec les Frères musulmans ne cessent donc de chercher à saper et à affaiblir les stratégies contre-terroristes fondées sur des activités policières et de renseignement visant à entraver les complots et à arrêter les responsables, soit le genre de stratégie dont on discute actuellement ici au Canada. Nous avons examiné la façon dont les politiques dont on discute pourraient aider le Canada à affronter la menace commune. Il faut tenir compte de toutes les activités qui menacent la sécurité du Canada: l’affaiblissement de la capacité du gouvernement en matière de renseignement, de défense, de sécurité publique, etc.; les tentatives pour exercer des pressions indues pour changer ou influencer le gouvernement par des moyens illicites; ou les activités clandestines influencées par l’étranger. Nous devons aussi tenir compte de tout l’éventail des activités djihadistes, y compris l’endoctrinement, la propagande et les activités subversives.
    Il nous semble que des menaces comme celles-là, qui émergent dans la phase de la campagne djihadistes qui précède les attaques, sont exactement le modus operandi des Frères musulmans lorsqu’ils cherchent à miner les gouvernements occidentaux constitutionnels, dont le Canada, au profit du mouvement djihadiste mondial.
    Nous estimons qu’une loi permettant au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) de prendre des mesures visant à entraver des complots et à éliminer des menaces terroristes contre le Canada pourra contribuer à contrecarrer les activités islamiques dans la phase précédant la violence. Ce genre de politique, pourvu qu’elle soit assortie de mécanismes de surveillance valables, donne les moyens d’intervenir et de saper les réseaux d’endoctrinement et de recrutement qui incitent des personnes à s’engager dans le djihad et, selon le cas, à se rendre à l’étranger pour rejoindre des groupes djihadistes ou à lancer des attaques sur leur propre territoire, même sans avoir de liens précis avec un groupe terroriste.
    Nous comprenons qu’il y a débat sur les moyens d’exercer une surveillance sur ce genre de pouvoirs, mais le recours à un comité d’examen intermédiaire plutôt qu’à une surveillance parlementaire directe a des avantages quand ce sont souvent les législateurs eux-mêmes qui risquent d’être visés par ces activités d’influence.
    Il y a déjà une controverse aux États-Unis concernant une personne nommée au comité spécial permanent du Congrès sur le renseignement, dont la campagne a été en partie financée par des organisations liées aux Frères musulmans dans notre pays et qui entretient de nombreux liens avec elles. Les organisations des Frères musulmans se servent largement des médias pour viser des législateurs participant à des audiences de surveillance et les menacer de financer leurs opposants politiques s’ils osent examiner sérieusement des questions liées à l’endoctrinement djihadiste. Nous sommes d’avis que tout comité de surveillance chargé de ces questions risque d’être immédiatement visé par des activités de ce genre.
    Il peut donc être utile de créer un tampon de spécialistes du renseignement entre le SCRS et les membres du Parlement pour préserver et protéger des renseignements importants et isoler les députés de moyens d’influence agressifs visant à miner leur appui aux mesures contre-terroristes prises par le Canada tout en veillant au respect des droits civils et en exerçant une surveillance suffisante compte tenu d’une connaissance détaillée des techniques d’application de la loi et de collecte de renseignement en cause.
    On doit évidemment s’attendre à ce que le Parlement examine attentivement les rapports produits par le ministre et qu’il profite de toutes les occasions d’examiner et d’analyser les données recueillies.
    Dans le cadre de la lutte contre les menaces que font peser les combattants djihadistes dans nos collectivités, les mesures ont surtout visé à les empêcher de se rendre à l’étranger ou à révoquer les passeports de ceux qui étaient partis et voulaient rentrer au Canada.
    Le Center for Security Policy appuie généralement le genre de mesures actuellement débattues au Congrès américain, qui permettraient de retirer leur passeport aux personnes qui se rendent ou cherchent à se rendre à l’étranger pour combattre aux côtés des forces terroristes. Dans le même esprit, les modifications et amplifications apportées aux dispositions relatives à l’engagement de ne pas troubler l’ordre public, ici, nous semblent contribuer à régler une importante difficulté à laquelle se heurte les organismes de lutte contre le terrorisme, à savoir que, dans de nombreux cas récents, les terroristes qui ont lancé des attaques aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en France et en Australie étaient ce que les spécialistes du terrorisme américains appellent des « loups solitaires ». C’est-à-dire que, au lieu d’être indécelables et sans liens avec d’autres groupes djihadistes (autrement dit de vrais loups solitaires), la plupart de ceux qu’on a ainsi surnommés avaient en réalité des liens avec des groupes djihadistes ou des réseaux terroristes ou, du moins, une certaine propension à les soutenir, et ils étaient souvent déjà sous surveillance.

  (1950)  

    Ce n’est pas qu’on ne sait pas, c’est plutôt qu’on ne peut pas prendre de mesures préventives ou entraver le complot, et c’est ça qui, trop souvent, a permis à ces individus de perpétrer un acte de terrorisme d’inspiration islamiste.
    En conclusion, nous croyons que le Canada est bien placé pour mettre en pratique une stratégie prospective qui donnera aux policiers et aux agents du renseignement les instruments dont ils ont besoin non seulement pour surveiller et repérer les menaces terroristes, mais aussi démanteler les réseaux djihadistes qui emploient le terrorisme parmi d’autres moyens de miner et d’affaiblir la sécurité du Canada.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, madame Lopez.
    Passons au représentant de l’Association du transport aérien du Canada.
    Monsieur McKenna, allez-y, je vous en prie.
    Bonsoir, Mesdames et Messieurs, et membres du comité.
    Je m’appelle John McKenna. Je suis président et chef de la direction de l’Association du transport aérien du Canada. Je suis accompagné aujourd’hui par M. Mike Skrobica, vice-président senior et CDF.
    Notre association représente le secteur du transport aérien commercial du Canada depuis plus de 80 ans. Nous avons environ 180 membres du secteur de l’aviation commerciale, qui sont présents dans toutes les régions du Canada et offrent des services à un très grand nombre des plus de 600 aéroports du pays.

[Français]

     Parmi nos membres, nous comptons de grandes compagnies aériennes, des lignes aériennes régionales, des exploitants de taxis aériens et de navettes, des organismes éducatifs du domaine de l'aviation et des écoles de pilotage.
     Notre association compte aussi des entreprises de services de soutien qui interviennent dans toutes les activités liées à l'industrie du transport aérien. Nous les appelons « partenaires de l'industrie ».

[Traduction]

    Nous sommes heureux d’avoir la possibilité de nous prononcer sur le projet de loi C-51. L’ATAC participe activement à l’élaboration des mesures de sécurité aériennes au Canada depuis de nombreuses années. Notamment depuis les attentats de 2001, nous nous sommes adaptés à des exigences de sécurité toujours plus élevées. Nous sommes généralement favorables au projet de loi C-51 car il ajoute une ligne de défense de plus aux cercles de sécurité. Aucune mesure n’est jamais parfaite, et nous pensons que les dispositions du projet de loi permettront de consolider la sécurité du transport aérien au Canada.
    Nous n’avons qu’une remarque à faire au sujet de la Partie 1, qui prévoit l’adoption de la loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada: nous tenons à rappeler que l’une des principales conclusions de la commission d’enquête américaine sur les attentats du 11 septembre est que l’un des facteurs ayant contribué au succès des terroristes ce jour-là était les délais de communication de l’information.
    Nous avons cependant quelques observations à formuler au sujet de la Partie 2, qui prévoit l’adoption de la loi sur la sûreté des déplacements aériens. Quoique cela ne soit pas explicitement exprimé dans le projet de loi, nous supposons que le système fera usage de l’actuel système de protection des passagers, appelé plus couramment la « liste d’interdiction de vol ». On pourrait se demander, si nous protégeons actuellement ainsi les passagers, pourquoi il faut y ajouter une liste supplémentaire. La liste de protection actuelle a une portée limitée parce qu’elle est fondée sur le principe juridique selon lequel une personne doit représenter une « menace immédiate » pour l’aviation civile. La liste et le nombre des inscrits sont des renseignements secrets, mais nous savons que ce nombre est de l’ordre de quelques centaines.
    Des collègues étrangers, par exemple américains, nous disent que leurs listes contiennent des dizaines de milliers de noms. Ils remettent en question l’intégrité de la liste canadienne et son exhaustivité. C’est ce qui a incité le gouvernement américain à prendre des mesures de sécurité supplémentaires applicables aux avions canadiens survolant le territoire des États-Unis. Concernant les personnes qui doivent faire l’objet d’une vérification supplémentaire, les aéroports peuvent utiliser une adaptation de la « Selectee List » de la Transportation Security Administration pour usage au Canada.
    Le nouvel alinéa 9(1)b) prévoit que le ministre peut enjoindre à un transporteur aérien de procéder, notamment, au « contrôle d’une personne ». Rappelons que les compagnies aériennes n’effectuent pas de contrôle, car c’est du ressort de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA), mais la loi attribue cette responsabilité aux compagnies aériennes et prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 500 000 $. Cette mesure est injustifiée et déraisonnable.

  (1955)  

[Français]

    Il importe aussi de souligner que 89 aéroports désignés du Canada où s'effectuent environ 98 % de l'ensemble des déplacements de passagers sont soumis au Programme de protection des passagers. Par conséquent, les risques que représentent les autres aéroports sont plutôt faibles.
    Transports Canada pratique une gestion du risque, et nous soutenons cette approche. Sécurité publique Canada et Transports Canada devraient prévoir des aménagements pour les cas où une personne figurant sur la liste du ministre se retrouverait dans une région où le transport terrestre n'est pas possible, par exemple dans le Grand Nord canadien. Comment cette personne pourrait-elle revenir chez elle?

[Traduction]

    Le nouveau paragraphe 23(4) prévoit une amende maximale de 500 000 $. C’est exagéré. Les aspects pratiques d’un système d’une telle complexité peuvent avoir des faiblesses qui ne dépendent pas nécessairement du transporteur aérien, notamment les pannes de communication et le personnel d’enregistrement qui ne fait pas partie des employés de la compagnie, notamment dans les pays étrangers.
    Nous comprenons bien que le nouvel article 24 prévoit un moyen de défense fondé sur la « diligence raisonnable », mais il n’est pas défini. Nous suggérons d’adopter un système de sanctions administratives pécuniaires monétaires progressives. Nous pensons que, lorsqu’une personne est informée, à l’enregistrement, qu’elle n’est pas autorisée à voyager, un policier devrait être présent par principe. C’est ce qu’on fait aux États-Unis, et nous recommandons d’instaurer la même pratique au Canada. Nos agents d’enregistrement ne devraient pas avoir à s’occuper de passagers refusés qui se mettraient à s’agiter ou même à réagir de façon violente.
    Nous nous inquiétons également beaucoup du coût élevé du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, le DSPTA. Le montant perçu au titre de ce droit sur les billets d’avion vendus au Canada n’est que sommairement comptabilisé. Ce droit taxable n’a pas fait l’objet d’une vérification depuis 2006. Il y a quatre ans, nous avons demandé au vérificateur général de procéder à une vérification des sommes recueillies à ce titre, mais on nous a dit que les données étaient trop anciennes ou trop incomplètes pour qu’on puisse en faire une vérification en bonne et due forme. Nous avons donc fait nos propres calculs à partir des données de Statistique Canada pour l’année 2013 et des renseignements publiés dans le rapport annuel de l’ACSTA pour l’exercice 2013-2014. C’est un exercice plutôt simple.
    Statistique Canada publie le nombre de passagers embarqués et débarqués et l’éventail des passagers canadiens, en transit ou étrangers. Quant au rapport annuel de l’ACSTA, il indique le nombre total de personnes ayant fait l’objet d’un contrôle chaque année. Nous avons multiplié par plus de cinq le nombre officiel de double contrôle, et, compte tenu de ces données, nous avons pu conclure que les recettes découlant du DSPTA dépassaient le budget de l’ACSTA de plus de 250 millions de dollars. Nous avons répété l’exercice pour plusieurs autres années et constaté que les sommes perçues au titre du DSPTA dépassent généralement de beaucoup le budget annuel de l’ACSTA.

[Français]

     Alors pourquoi les passagers doivent-ils payer des frais largement supérieurs à la valeur des services qu'ils reçoivent? Nous croyons que le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien devrait constituer un fonds réservé à l'ACSTA et établi en fonction de ses besoins d'exploitation plutôt que simplement une source additionnelle de revenus pour le gouvernement.

[Traduction]

    Pour que le système fonctionne, les ressources de l’ACSTA sont essentielles. Nous recommandons de procéder à un examen public du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, ainsi que du mode de financement de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. Nous recommandons également que toutes les recettes découlant de la perception de ce droit aillent à l’ACSTA et que le Canada s’informe des taxes imposées par d’autres pays sur les billets d’avion au titre de la sécurité aérienne.
    Vous constaterez que la plupart des autres pays contribuent pour une bonne part aux frais de contrôle, à même leurs revenus généraux. Les terroristes ne sont pas en guerre contre les compagnies aériennes, mais contre les pays auxquels appartiennent ces compagnies. Il n’est que juste que le Canada paie sa juste part de ce coût de la sécurité publique, comme c’est le cas dans la plupart des autres pays. Le barème de coûts actuel est tel que c’est au Canada que la taxe applicable à la sécurité aérienne est la plus élevée au monde.
    Pour terminer, j’aimerais ajouter que l’ATAC s’exprime au nom d’un grand nombre de compagnies aériennes du Canada et que, contrairement aux pratiques antérieures, nous n’avons pas été consultés préalablement au dépôt de ce projet de loi. Il est beaucoup plus constructif et efficace de faire appel à l’expertise considérable des exploitants avant de procéder à des modifications législatives importantes.
    Je vous remercie. Mon collègue et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.
    Très bien. Merci beaucoup et merci à tous les témoins de leur contribution aux travaux de ce comité.
    Nous avons sept minutes pour les questions.
    Madame Ablonczy, je vous en prie.
    Monsieur Falk, vous voulez parler tout de suite? Allez-y, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d’être venus nous voir ce soir et de nous avoir fait part de leurs connaissances spécialisées.
    Monsieur Sheehy, vous avez été pilote et vous êtes aujourd’hui consultant en sécurité, mais je résisterai à la tentation de vous demander votre avis sur la terrible tragédie qui vient de se produire en Europe. J’aimerais revenir sur votre témoignage et vous poser quelques questions. Vous avez dit qu’il y avait des lacunes dans la réglementation actuelle et que le projet de loi C-51 permet de les combler. Pourriez-vous préciser un peu?

  (2000)  

    Certainement. Merci de la question.
    Par exemple, l’une des modifications proposées vise à examiner tout simplement ce que les gens disent en public. Par conséquent, si vous êtes en train de publiquement faire l’apologie du terrorisme, en vertu de la nouvelle loi, vous commettez un crime. Je me suis entretenu avec mes collègues des organismes de maintien de l’ordre et, plus généralement, à des agents de première ligne, mais j’ai aussi eu des conversations avec certains commissaires. Ils sont tous d’accord pour l’essentiel: jusqu’ici, quand un policier essaie d’interdire ou d’entraver ce qui semble être une activité terroriste, les lois sont si vagues qu’on hésite même à donner suite. C’est un exemple parmi d’autres.
    Merci.
    J’aimerais m’adresser à madame Lopez. Merci de votre témoignage et merci à votre collègue, monsieur Shideler. Vous pouvez l’un ou l’autre me répondre, c’est égal.
    Plus tôt aujourd’hui, nous avons entendu Steven Bucci, de la Heritage Foundation. Il nous a donné le point de vue de quelqu’un de l’extérieur sur le projet de loi. Selon lui, ces dispositions créent un bon équilibre entre la sécurité et la protection des libertés. J’aimerais vous entendre à ce sujet, mais je suis également curieux d’en savoir plus sur l’un des enjeux que vous avez abordés, à savoir la surveillance. Pourriez-vous nous parler un peu plus de votre perspective sur ce que ce projet de loi propose et sur le système actuel.
    Après examen du projet de loi, ce qui nous semble important, c’est la responsabilité de la surveillance. Nous avons le même genre de mécanisme au Congrès américain pour la surveillance des services de renseignement et de sécurité du pays. Ça reste une fonction très importante du Parlement que de veiller à l’application de n’importe quelle nouvelle mesure de ce genre pour la sécurité du Canada. D’après ce que nous pouvons observer, je crois que les mesures prévues dans le projet de loi dont nous discutons le permettraient. Je pense que c’est un point important.
    Kyle, voulez-vous ajouter quelque chose?
    J’aimerais parler de notre point de vue, après avoir observé ce genre de situation aux États-Unis, où des législateurs qui mènent des activités de surveillance et posent des questions précises sont des cibles. Aux États-Unis, nous avons eu une discussion en profondeur sur la question de la surveillance de la radicalisation qui a lieu dans les prisons. Certains membres du Congrès ont été traités agressivement par les médias et, bien entendu, par des organisations connues pour avoir des liens avec les Frères musulmans et avec des organisations terroristes. Il s’ensuit une hésitation à aborder des enjeux qui doivent peut-être faire l’objet d’une discussion.
    Si on peut créer une séparation où la surveillance directe et le jugement positif ou négatif ont lieu à l’échelle d’un comité, on a alors un niveau parlementaire qui peut observer les activités du comité de sécurité et s’assurer que l’examen qui doit être fait l’est effectivement. Ce serait positif d’après nous, parce qu’il y aurait un degré de protection des législateurs qui risquent d’être visés par des activités d’influence.
    Vous voulez dire qu’il y a un risque associé à la surveillance parlementaire directe, par opposition à notre système actuel où un organisme d’examen indépendant qui procède après les faits et tient nos organismes de sécurité responsables de leurs actes. Ils sont toujours tenus de respecter les mandats et les lois en vigueur.
    Nous avons aussi un système de surveillance judiciaire permanente. Lorsqu’on demande un mandat, il faut obtenir l’approbation d’un ministre et d’un juge. Nous sommes loin d’une surveillance politique partisane.
    Estimez-vous que nous avons un bon système?

  (2005)  

    Je pense que oui, tel que vous en parlez, en effet.
    Vous avez parlé, entre autres, de toute la question d’empêcher que des gens soient endoctrinés et radicalisés et deviennent finalement des djihadistes. Que voyez-vous exactement dans ce projet de loi qui serait un atout à cet égard?
    Il nous semble, après examen, qu’il y a dans ce projet de loi de nouvelles mesures qui consolident et prolongent la période d’examen avant qu’une personne attirée par le djihad s’engage dans le chemin d’une attaque cinétique. Elles permettent d’examiner les déclarations. On y tient compte de la manifestation d’une propension à l’endoctrinement djihadiste avant qu’il se produise ou soit achevé. Les services de renseignement et la police auront la possibilité, là encore sous réserve d’une surveillance appropriée et du respect des droits civils, tenir compte du comportement, des actes et des déclarations, voire des commentaires affichés sur les réseaux sociaux, d’une personne en route vers le djihad, mais avant qu’elle en soit à ourdir un complot ou pire à passer à l’acte.
    Merci beaucoup.
    Votre temps de parole est écoulé, monsieur Falk.
    Madame Doré-Lefebvre, à vous.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui pour nous parler du projet de loi C-51.
     Compte tenu du peu de temps que j'ai, j'aimerais concentrer mes questions sur les dispositions concernant la sûreté du transport aérien et l'interdiction de vol pour les passagers. Peu de témoins nous en ont parlé. C'est pourquoi je trouve extrêmement intéressant que vous abordiez ces points aujourd'hui.
    Je vais commencer par M. McKenna.
     Le 12 mars dernier, nous avons reçu M. Marc-André O'Rourke, du Conseil national des lignes aériennes du Canada. Il a lui aussi soulevé des préoccupations à l'égard de certaines dispositions du projet de loi C-51. Il a parlé plus particulièrement de l'article 9. Comme vous l'avez également mentionné dans votre présentation, je ne le répéterai pas.
     Voici un extrait du témoignage de M. O'Rourke:
     Nous sommes préoccupés par l'expression « prendre toute mesure ». Nos membres sont bien sûr des partenaires engagés, mais ce qui est raisonnable et nécessaire du point de vue du ministre n'est pas toujours réalisable du point de vue d'un transporteur aérien. En tant que sociétés privées, nos membres pourront être limités dans les mesures qu'ils peuvent prendre.
    Pourriez-vous nous parler de toute cette charge qui est imputée aux transporteurs aériens et de ce que vous pouvez faire réellement, dans les faits?
    Je vais inviter M. Skrobica, qui est notre expert en la matière, à répondre à cette question, et j'ajouterai des détails s'il y a lieu.

[Traduction]

    Nous tenons à souligner que, d’après nous, nos systèmes sont très complexes. Ils dépendent d’ordinateurs. Nous nous en servons pour enregistrer les passagers et les prendre en charge. Ça suppose intrinsèquement des mesures de sécurité d’une ampleur substantielle. Si les ordinateurs tombent en panne, il est impossible de donner les mêmes garanties.
    Il y a des problèmes à l’échelle mondiale dans certains aéroports. Par exemple, les systèmes dont vous disposez — quand je dis « vous », je rappelle que les compagnies aériennes n’ont pas la possibilité d’utiliser leurs propres systèmes. Nous avons fait une analyse du système d’information préalable sur les voyageurs mis en place par l’ASFC. Nous avons été très surpris de découvrir que l’aéroport qui nous cause le plus de problèmes est l’aéroport Charles-de-Gaulle de Paris, en France. Nous pensions que ce serait un aéroport cubain, par exemple, mais il y a beaucoup d’éléments qui échappent à notre contrôle.
    La deuxième partie du nouvel article 9 porte sur la diligence raisonnable, mais on n’y donne aucune précision. C’est très préoccupant. Nous n’avons pas eu la possibilité… Par exemple, l’ASFC a mis en place un certain nombre de systèmes au cours des dernières années. Nous avons toujours pu avoir des entretiens préalables avec ses agents pour que tout le monde comprenne bien les limites et les attentes. Ça n’a pas été le cas ici.

  (2010)  

[Français]

    Vous parlez du niveau d'assurance, des mesures de sécurité auxquelles tout cela peut donner lieu. Vous avez parlé aussi du fait que la loi imposerait un certain fardeau fiscal aux transporteurs aériens. En outre, vous avez mentionné des amendes possibles de 500 000 $ aux compagnies aériennes.
    Outre les amendes, pour lesquelles nous avons un chiffre concret, avez-vous une idée de ce que qui serait nécessaire, en termes de sécurité, pour mettre en vigueur les mesures du projet de loi C-51?

[Traduction]

    De notre point de vue, nous comptons pouvoir utiliser le programme de protection des passagers déjà en place appelé la liste d'interdiction de vol. Si Sécurité publique s'attend à ce que nous mettions en place un nouveau système, cela pourrait coûter des millions de dollars.
    Concernant les mesures supplémentaires de sécurité qu'on s'attend à ce que nous prenions à l'égard de certains passagers, en plus de leur interdire de monter à bord d'un avion, il y a déjà une procédure en place. Cela demeure hypothétique parce que Sécurité publique ne nous a pas encore demandé d'adapter la liste noire ou la Selectee List que les Américains ont mis en place. Ce système oblige le personnel de l'ACSTA à prendre des mesures de sécurité supplémentaires pour se conformer aux exigences de la Transportation Security Administration.

[Français]

     Vous avez peut-être vu d'autres bonnes pratiques dans d'autres pays du monde dont nous devrions nous inspirer pour régler nos problèmes liés à la liste d'interdiction de vol.

[Traduction]

    Une mesure que nous avons vue ailleurs et que nous préconisons, c'est la présence d'un agent d'exécution de la loi sur place. En vertu de l'actuel programme de protection des passagers, nous ne sommes pas autorisés à dire à quelqu'un qui s'apprête à prendre l'avion et dont le nom figure à la liste d'interdiction de vol, qu'il ne pourra monter à bord, à moins de s'être présenté au comptoir d'enregistrement de l'aéroport avec les documents d'identité requis.
    Les États-Unis ont mis en place une procédure qui prévoit la présence d'un agent d'exécution de la loi sur place. Je crois que nos agents d'enregistrement méritent le même niveau de sécurité, étant donné que nous nous considérons ces personnes comme étant une menace immédiate pour l'aviation civile. En raison du renforcement des mesures dans le transport aérien, nous prévoyons que les attaques contre des zones non sécurisées des aéroports se multiplieront. Nous voulons être capables de les anticiper et de nous en protéger.
    Je vous remercie beaucoup. Votre temps est écoulé.
    Madame Ablonczy, vous avez sept minutes.
    Je remercie les témoins.
    J'aimerais commencer par le Center for Security Policy. Vous avez rappelé que le Canada s'est distingué comme chef de file mondial dans la lutte antiterroriste et nous vous en remercions. Nous savons que les Canadiens sont très fiers de voir que nous faisons plus que notre part dans la lutte contre cette menace.
    Vous avez parlé de groupes qui se sont donné comme mission de tromper les médias de masse, d'influencer les politiciens, de saper les politiques de lutte antiterroriste et de déstabiliser les gouvernements du monde occidental. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur ces groupes et sur leur façon de procéder?
    Nous voulons parler en particulier du réseau des Frères musulmans. Ce réseau a des ramifications jusqu'aux États-Unis et dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, y compris au Canada, mais il est aussi présent ailleurs, notamment en Europe de l'Ouest. Il cherche à s'infiltrer au sein de notre société aux fins de subversion. Pendant que nous observons, dans certaines parties du monde, des organisations djihadistes recourir à une tactique de violence et de mouvement pour perpétrer des attaques à l'explosif et des assassinats, les Frères musulmans, eux, ont adopté un programme bien planifié d'infiltration de différentes sphères de la société. Nous voulons parler, par exemple, du milieu universitaire, de divers paliers de gouvernement — que ce soient les législatures de nos pays ou de hauts fonctionnaires et membres élus du gouvernement — des médias, assurément, et de la société en général. Voilà le modus operandi des Frères musulmans et de ses divers groupes.
    Nous savons que bon nombre de ces groupes sont actifs dans toute l'Amérique du Nord, tant aux États-Unis qu'au Canada. Parmi ces groupes, il y aurait ceux énumérés à la dernière page de la note explicative de la Fraternité musulmane, l'un des documents présentés comme élément de preuve à notre propre procès contre la Holy Land Foundation. Dans cette liste, que les Frères musulmans appellent Our friends and the organizations of our friends (Nos amis et les organisations de nos amis),  — plutôt utile — il y a des organisations telles CAIR (Council on American-Islamic Relations), ISNA (Islamic Society of North America), lICNA (Islamic Circle of North America), NAIT (North American Islamic Trust), qui, en passant, détient les actes de fiducie de près de 80 % de l'ensemble des mosquées et centres islamiques des États-Unis. Ce sont là quelques-unes des organisations dont je parlais.

  (2015)  

    Cette semaine, les médias ont annoncé une nouvelle information militaire selon laquelle notre MDN surveillait les menaces constantes dirigées par des terroristes de l'EIIL contre des membres des Forces armées canadiennes et leurs familles par le biais des médias sociaux. J'aimerais savoir si vous êtes au courant?
    Tout à fait. Nous avons pris connaissance de menaces similaires contre des militaires américains, également par le biais des médias sociaux. Nous savons que le groupe État islamique est extrêmement compétent dans l'utilisation d'Internet, notamment des médias sociaux, pour ses activités de propagande, d'endoctrinement et de menace.
    Je vais demander à mon collègue de vous donner plus de détails à ce sujet, parce que c'est un domaine qu'il étudie de très près.
    Comme vous l'avez mentionné, nous avons récemment constaté, ici au Canada et également aux États-Unis, que l'organisation pirate appelée État islamique a diffusé une liste de noms qu'elle prétend avoir volée dans des ordinateurs du département de la Défense. En réalité, ils ont obtenu ces renseignements de sources ouvertes, au moyen d'un système appelé doxxing dans le jargon des pirates informatiques, qui leur a permis de regrouper des noms, des adresses et des identités numériques de membres des forces armées. Ils ont également utilisé cette technique pour cibler les alliés arabes qui effectuent des missions de combat contre le groupe État islamique ainsi que des personnes qu'ils soupçonnent être membres du service de renseignement israélien.
    À ma connaissance, le groupe État islamique n'a encore réussi à cibler personne au moyen de cette liste, mais il est certain qu'une fois la liste créée et diffusée, n'importe quel adepte du groupe État islamique pourrait considérer qu'il est acceptable, justifié et légitime de s'en prendre à une personne dont le nom figure à la liste. Je suis même tout à fait convaincu qu'ils essaieront de le faire.
    Prenez l'attentat survenu à Paris contre Charlie Hebdo .Les journalistes avaient reçu des menaces bien des années auparavant. Ils ont fini par être ciblés, mais plus tard.
    À votre avis, ce projet de loi propose-t-il des mesures qui permettraient d'intercepter le genre de menaces dont nous venons de parler?
    Oui. Créer des occasions de prévenir ou de nuire... Par exemple, créer des occasions de mener des activités agressives de contre-espionnage pour tenter de s'infiltrer et d'obtenir les noms des partisans de l'IEEL avant qu'ils ne passent à l'action, ou quelque chose de cette nature, serait un moyen de nuire ou de prévenir. D'après la lecture que nous en avons faite, le projet de loi autoriserait ce genre d'activité et cela serait utile.

  (2020)  

    Je vous remercie.
    Monsieur Sheehy, vous avez dit que nous sommes dans une situation hautement dangereuse et instable et que nous devons être proactifs. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là?
    Merci pour votre question.
    Je dois d'abord vous préciser que je possède une expertise principalement dans les domaines de l'aviation et des transports. Cela étant dit, j'ai passé 37 ans à piloter des avions dans des environnements hostiles et je pense que le raisonnement qui me guidait alors pourrait s'appliquer au contexte de menaces dans lequel nous évoluons. Cela consiste à recueillir absolument tous les éléments d'information qui nous permettront d'à arriver à destination en toute sécurité.
    Par exemple, ce projet de loi préconise l'échange de renseignements entre divers organismes et je pense que c'est là une excellente mesure. Lorsque je pilote un avion, le mécanicien m'indique l'état technique de l'avion et les météorologues nous informent des conditions météo avec lesquelles nous devrons composer et ainsi de suite. De plus, nous mettons également l'équipage à contribution.
    Nous sommes dans un environnement très instable. Je crois que tous les Canadiens souhaitent sincèrement faire la bonne chose ici. Nous traversons une période très difficile et ce projet de loi, malgré la controverse qu'il soulève dans certains milieux, est un excellent point de départ. Je pense qu'il revient au comité de le bonifier, si cela est nécessaire. Mais d'une manière générale, c'est un bon projet de loi et l'échange de renseignements est un élément essentiel. Si vous n'avez pas l'information, si elle n'est pas claire et si elle n'est pas diffusée en amont... si elle est gardée secrète aux quartiers généraux du SCRS, de la CIA ou de tout autre organisme au lieu d'être partagée, elle ne sert à rien.
    Merci beaucoup.
    Merci à vous également, madame Ablonczy.
    Monsieur Easter.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie également tous nos témoins pour leur prestation.
    Je veux simplement m'assurer que je vous ai bien compris. Est-ce que l'Association du transport aérien du Canada représente toutes les compagnies aériennes qui exercent leurs activités au Canada?
    Non, monsieur. Nous partageons cette responsabilité avec le Conseil national des lignes aériennes du Canada. Nous représentons quelques gros transporteurs, mais surtout les transporteurs régionaux et les petites compagnies.
    Nous avons entendu un autre représentant des lignes aériennes. Vous ai-je bien entendu dire, dans votre exposé, que nous n'avez pas été consultés durant la préparation de ce projet de loi? Avez-vous vraiment dit ça?
    Mike est notre spécialiste local, notre expert en la matière. Il est habituellement consulté sur ces questions. Je vais le laisser répondre.
    Nous n'avons pas été consultés à l'avance au sujet de ce projet de loi.
    Nous ne savons pas si l'autre groupe représentant les lignes aériennes — mais moi oui.
    Pour être honnête avec vous, je suis sidéré. Je suis sidéré que votre association n'ait pas été consultée sur l'un nos plus importants projets de loi de lutte antiterroriste, un projet de loi omnibus. Je suis sidéré. C'est tout ce que je peux dire.
    La disposition relative aux lignes aériennes est la suivante :
Le ministre peut enjoindre à un transporteur aérien de prendre toute mesure que le ministre estime raisonnable et nécessaire en vue d'éviter qu'une personne inscrite...
    Je suis favorable aux dispositions du projet de loi qui établissent les listes d'interdiction de vol à l'intérieur du pays. Je crois également qu'il doit y avoir une meilleure coordination à l'échelle internationale. Vous avez soulevé certains points qui ont éveillé mon inquiétude. Quelle est notre position à cet égard? Si je vous ai bien entendu, vous avez dit qu'aux États-Unis, il y a un agent de police, probablement un agent des douanes armé ou quelqu'un d'autre, sur place pour aider les représentants à détenir une personne inscrite à la liste d'interdiction de vol. Nous n'avons pas cela au Canada.

  (2025)  

    C'est exact, monsieur Easter.
    Les Américains ont adopté des mesures qui prévoient la présence d'un agent d'exécution de la loi sur place, juste au cas où la situation dégénérerait. Nous n'avons pas de mesure semblable ici. Au moment de la création du programme de protection des passagers, c'était l'une des quatre mesures que nous avions recommandées lorsque nous avons été consultés. Le gouvernement a choisi de ne pas donner suite à notre recommandation.
    Vous avez dit, et c'est l'une des dispositions du projet de loi, que vous pouvez encourir une amende, ou que votre compagnie aérienne risque de se voir imposer une amende maximale de 500 000 $, si elle ne respecte pas la procédure établie. Ce que j'entends, c'est que vous êtes responsable, même si, en dernier lieu, ce n'est pas vous qui êtes en charge.
    Est-ce que ce serait une mesure équitable?
    Vous avez raison.
    Vous vous souvenez sans doute de ce passager qui transportait une bombe tuyau et qui a fait la manchette des médias. L'ACSTA a saisi l'engin, puis a autorisé la personne à voyager. En vertu de ce projet de loi, si l'ACSTA était trouvée fautive, nous pourrions être tenus responsables. Nous pensons que ce n'est pas juste.
    Nous n'avons pas le temps de poursuivre ce soir et vous n'avez proposé aucun amendement à cet égard. Nous commencerons l'examen des amendements dans le courant de la semaine prochaine.
    Seriez-vous en mesure de faire parvenir une lettre au greffier au cours du week-end concernant les amendements qui permettraient de résoudre ce problème dans le projet de loi? Nous vous en serions très reconnaissants.
    Merci.
    Avec plaisir.
    Je vous remercie.
    Je voudrais m'adresser aux représentants du Center for Security Policy. En écoutant l'échange que vous avez eu avec monsieur Falk, j'ai remarqué que vous aviez très mal compris le régime de surveillance que nous avons au Canada. Nous n'avons pas de pouvoir de surveillance sur tous nos organismes de sécurité nationaux. Il n'existe aucun régime de coordination de leur travail. Nous sommes nombreux à penser que nous devrions en avoir un. Aux États-Unis, vous avez le Comité spécial du Sénat sur le renseignement — dont j'ai rencontré les membres — qui a accès à des renseignements classifiés, ainsi que le Comité spécial de la Chambre sur le renseignement, qui peut examiner des renseignements classifiés et poser des questions. Au Canada, nous n'avons pas de comité semblable de représentants élus. Vous avez également le comité consultatif du président sur le renseignement qui coordonne un gros volume d'information. Nous n'avons rien de tel au Canada.
    Nous avons un organisme d'examen appelé le SCRS qui peut examiner des cas après le fait. Nous avions un inspecteur général jusqu'à ce que ce gouvernement supprime ce poste. Nous sommes nombreux à réclamer que soit créé, pour accompagner ce projet de loi, un régime de surveillance de l'ensemble de nos organismes nationaux de sécurité, avec un accès à des renseignements classifiés qui nous permettrait de nous assurer que nos organismes nationaux font leur travail, sans outrepasser leur mandat et sans incidence sur les libertés civiles.
    Voici ma question, qui découle de votre réponse à monsieur Falk...
    Soyez très bref...
    Est-ce que vous seriez prêts à renoncer aux organismes de surveillance en place aux États-Unis et que nous n'avons pas ici?
    Une réponse très brève.
    Que nous renoncions à ceux que nous avons aux États-Unis? Non, jamais.
    Merci. Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.
    Merci, monsieur Easter.
    Quelques minutes encore, monsieur Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Les audiences sur ce projet de loi tirent à leur fin. Je tiens à dire que nous avons eu de nombreux moments exceptionnels durant les témoignages, au demeurant excellents, et nous avons reçu des mémoires exhaustifs provenant notamment des communautés musulmanes, juives et autochtones qui sont très touchées par les thèmes que nous abordons.
    Je suis honoré d'avoir entendu ces précieux témoignages.
    Notre comité a également reçu des contributions de nombreuses personnes qui n'ont pas été en mesure de venir témoigner, mais qui nous ont envoyé leurs mémoires par écrit. Je veux dire à toutes les personnes qui peut-être nous écoutent que nous les examinerons avec un grand sérieux.
     Je dois cependant ajouter que nous avons aussi eu quelques moments moins glorieux, notamment des attaques contre l'intégrité et la sincérité de certains témoins faites sous le couvert du privilège parlementaire. Je suis toujours déçu lorsque cela se produit. Un autre point déplorable a été l'interdiction faite à la chef du Parti vert de participer aux audiences, malgré sa présence assidue aux séances.
    Nous approchons de la fin sans avoir pu entendre quelques témoins très importants. Je veux entre autres parler du commissaire à la vie privée du Canada, un agent du Parlement, que nous n'avons pas pu entendre...

  (2030)  

    J'invoque le Règlement...
    Il y a un rappel au Règlement.
    Nous avons discuté de la raison pour laquelle le commissaire à la vie privée n'est pas venu témoigner. C'est parce que les partis de l'opposition ne l'ont pas inscrit à leur liste et qu'il n'était pas prioritaire pour eux. Je veux que cela soit clair pour le comité plénier.
    Cela n'a rien à voir avec un rappel au Règlement.
    ... et même pour les témoins qui sont devant nous aujourd'hui, ce n'est carrément pas vrai. Le gouvernement n'a empêché personne de venir. S'il avait été un témoin prioritaire, vous auriez dû l'inscrire à la liste.
    C'est bien. Merci beaucoup.
    Finissons-en avec cette discussion de qui a dit quoi. Je vous en prie, terminez, monsieur Garrison.
    Je tiens à préciser que nous avons déposé une motion devant le comité pour entendre le commissaire à la vie privée et cette motion a été bloquée par le Parti conservateur. Je tiens à ce que cela soit consigné au compte rendu.
    Il n'était pas sur votre liste.
    Ou sur votre liste.
    Nous avons également entendu trois témoins par groupe. Nous avons tous constaté que combien cette façon de procéder a été inefficace. Cela ne nous laisse que sept à dix minutes pour poser des questions à des témoins très importants sur un projet de loi complexe. Nous avons entendu 36 témoins en une seule semaine; il est alors très difficile pour tout le monde de suivre les délibérations du comité. Et nous avons une échéance pour le dépôt des amendements, soit 9 heures demain matin. Ce soir, nous n'avons entendu que six témoins, dont l'Association B'nai Brith qui nous a fait des suggestions fort intéressantes et soulevé un nouveau point concernant l'éventualité de poursuites privées. Nous avons seulement entendu l'Association du transport aérien qui a exprimé d'importantes préoccupations. En raison de cet échéancier serré, il est très difficile d'en tenir compte.
    La dernière remarque que je ferai, comme je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, c'est que nous avons été saisis d'un sujet fort important. Si mes calculs sont exacts, quelque 45 à 49 témoins ont exprimé de sérieuses préoccupations au sujet de ce projet de loi et proposé de nombreux amendements importants. Il nous tarde de voir si le gouvernement est prêt à amender son projet de loi d'une manière ou d'une autre. Nous croyons toujours que certaines dispositions sont impossibles à bonifier. Certains éléments y sont absents, mais il reste que le comité a pris note de suggestions fort judicieuses qui pourraient nous permettre d'intercepter des menaces réelles par des moyens efficaces, tout en assurant notre sécurité et en respectant les libertés civiles.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    C'est bien. Merci beaucoup, monsieur Garrison.
    Au nom de tous les membres du comité, j'aimerais remercier nos témoins pour le temps et l'énergie qu'ils nous ont consacrés et pour avoir partagé leurs expériences. Le comité prend leurs témoignages très au sérieux. Vous n'avez pas perdu votre temps.
    Je vous remercie très sincèrement. Comme nous terminons notre première ronde de questions avant de poursuivre notre examen, j'aimerais remercier notre personnel, notre greffier, notre analyste et tout le personnel de soutien qui nous ont accompagnés pendant de nombreuses réunions interminables afin de donner à tout le monde l'occasion de participer. Je les remercie sincèrement.
    La séance est levée.
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