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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 049 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 5 avril 2017

[Enregistrement électronique]

  (1635)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 29 septembre, le Comité poursuit son étude de la santé mentale et la prévention du suicide chez les vétérans.
    Je vous présente nos excuses au nom du Comité. Nous avons dû aller voter, de sorte que nous avons un peu de retard, mais nous vous remercions de votre patience. Nous allons d'abord laisser les témoins présenter des exposés de 10 minutes, qui seront suivis d'une période de questions et de réponses.
    Nous allons commencer par la présentation de Projet de vie, de François Joyet et d'Andrée Roberge.
     La parole est à vous.
    Mesdames et messieurs, bonjour. Je m'appelle François Joyet, et je suis le président de la filiale du Québec de Compagnie Canada, de même que membre du conseil d'administration.
    Je serai aussi bref que possible pour dire qu'au cours des deux dernières années, notre organisation a commandité la campagne RESPECT dirigée par Steve Gregory et Doug Bellevue. L'initiative nous a permis de rencontrer bien des gens et des organisations de partout au Québec, en Ontario et dans l'Ouest. Nous sommes parvenus à une conclusion très fondamentale.
    Puisque nous adoptons une mentalité d'entreprise plutôt que médicale, nous disons souvent dans le milieu des affaires que notre force dépend du maillon le plus faible de la chaîne. Nous avons remarqué que bien des gens prennent différentes mesures, et que des millions de dollars sont investis pour aider nos anciens combattants à trouver des solutions à une chose qui est généralement admise, à savoir que l'état de stress post-traumatique est une maladie mentale, qui peut entraîner l'itinérance et même le suicide.
    Nous avons commencé à nous demander comment nous pourrions trouver une solution au problème. Nous avons eu la chance de rencontrer des gens de la région du Saguenay qui connaissaient les Frères Maristes, qui possèdent une résidence traditionnelle. Nous avons commencé à leur demander comment, en tant que groupe, nous pourrions réunir tout le monde et leur offrir un service complet, de sorte que nos anciens combattants puissent réintégrer la société canadienne et redevenir des citoyens productifs.
    Je ne crois pas pouvoir tout couvrir ici aujourd'hui, mais on nous a notamment demandé comment obtenir officiellement la permission de réunir les différentes organisations à la table afin qu'elles soumettent une proposition complète et officielle. Nous avons rencontré les responsables de l'Hôpital Sainte-Anne, tout comme ceux de la mission Old Brewery, à Montréal. Nous n'avons pas encore discuté avec les représentants des cliniques pour blessures liées au stress opérationnel, ou BSO, mais nous avons prévu de le faire.
    Nous n'avons aucun intérêt à réinventer la roue. Tout existe déjà. Des gens sont traités par zoothérapie à l'aide de chiens. Dans l'Ouest, il y a les programmes de financement Wounded Warriors qui s'associent à des centres équestres. Il y a également La patrie gravée sur le coeur, qui finance même un programme à l'Université de Californie du Sud — je cherche mes mots parce que je ne suis plus mon texte, étant donné qu'on m'a demandé d'être très concis et d'aller droit au but —, où des personnes sont placées dans un simulateur qui leur permet de revivre la cause de leur ESPT.
    Lorsque nous parcourons le Canada et que nous commençons à rencontrer tous ces gens, nous constatons que tout le monde fait quelque chose, mais que personne n'est coordonné. Personne n'offre un service complet sous un même toit. Comment pouvons-nous obtenir des résultats et faire en sorte que la personne redevienne un citoyen productif au sein de la société? Voilà ce que nous aimerions réaliser.
    Je pense que vous recevrez mon texte puisque je l'ai envoyé. Il y a encore beaucoup de pain sur la planche. Je n'ai aucune proposition officielle à vous soumettre, mais je crois que ce serait possible si nous pouvions réunir l'ensemble des voix indépendantes et des dirigeants à une même table pour élaborer un projet officiel.
    En bref, c'est ce qui met fin à mon exposé.

  (1640)  

    Merci.
    Madame Roberge.

[Français]

    Bonjour. Je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui.
    À titre de scholar au Conseil de recherches médicales du Canada, j'ai eu l'occasion de travailler dans le domaine des neurosciences et d'étudier diverses structures du système nerveux. Je me suis intéressée aux maladies neurodégénératives et au stress — au stress post-traumatique, notamment, mais aussi à d'autres types de stress. Je me suis également intéressée à la dépression, à la schizophrénie et aux maladies d'ordre psychiatrique.
    Par l'intermédiaire du Projet de vie, nous proposons aux sujets atteints de stress post-traumatique et à leur famille d'avoir accès à toutes les ressources sous un même toit. Cela commence par le dossier médical, qui contient l'information au sujet du diagnostic et qui explique les différentes approches thérapeutiques utilisées. Nous incluons des tests sanguins qui mesurent quantitativement l'entrée et la sortie d'information dans le cerveau et qui permettent de faire la distinction entre tous les états, qu'il s'agisse de diagnostics liés à l'anxiété ou à la dépression, de troubles cognitifs ou de maladies d'ordre psychiatrique. Selon le résultat, nous pouvons considérer la situation avec le médecin et le sujet, et entamer une prise en charge.
    Pour suivre notre programme, la personne doit comprendre qu'elle a vécu une situation difficile, en l'occurrence un stress post-traumatique, et accepter ce fait afin de se prendre en charge, de trouver le moyen de se réintégrer socialement et de retrouver une qualité de vie dont elle jouissait auparavant et qu'elle avait choisie. On parle donc de l'approche intégrée qui regroupe tout sous un même toit, qui se fonde sur le dossier médical et la famille, c'est-à-dire le conjoint ou la conjointe et les enfants.
    Merci.

[Traduction]

    Notre prochain témoin est le Dr Ken Lee, médecin consultant à la Parkwood Institute's Operational Stress Injury Clinic.
     Je vous souhaite la bienvenue.
    À titre d'information au sujet de ma pratique, sachez que je suis médecin consultant à temps partiel à la clinique BSO de Parkwood depuis une dizaine d'années, c'est-à-dire depuis 2006. En revanche, mon principal domaine de pratique à London est la toxicomanie et la santé mentale au sein de l'Association canadienne pour la santé mentale de London et des Services de toxicomanie. J'ai aussi été membre du comité consultatif du ministère de la Santé de l'Ontario visant à résoudre la crise des opiacés dans la province. Voilà les expériences que je voulais mentionner pour que vous sachiez d'où je viens.
    Les soins de santé mentale dispensés dans les cliniques BSO ont toujours ciblé l'ESPT. Ces cliniques consacrent un temps et des ressources considérables à filtrer les diagnostics d'ESPT par rapport à d'autres troubles mentaux qui ne sont pas nécessairement traités dans leurs locaux.
    Si nous voulons véritablement diminuer les taux de suicide chez les anciens combattants et améliorer leur santé mentale, je trouve important que les cliniques BSO élargissent leur portée afin de traiter d'autres troubles mentaux. Nous voyons beaucoup de cas de dépression, mais ces anciens combattants ne sont pas nécessairement admissibles au traitement dans ces cliniques à moins de souffrir officiellement d'un ESPT lié au service. Nous leur posons alors un diagnostic d'ESPT non perçu consciemment pour qu'ils puissent obtenir un traitement.
    L'autre obstacle majeur que je constate dans ces cliniques, c'est un important problème de consommation excessibe d'alcool et d'autres substances chez les patients que nous voyons. L'alcoolisme est surveillé, mais les autres toxicomanies ne le sont pas nécessairement aussi étroitement.
    Les cliniques BSO ne sont pas outillées pour résoudre ces problèmes. Nous renvoyons les gens à des programmes de traitement et de réadaptation en établissement tels que Homewood, Bellwood et d'autres dans la province, mais nous ne sommes pas en mesure de traiter ces problèmes à la clinique. Nous n'avons aucun conseiller en toxicomanie sur place. Le mode de traitement principal de l'ESPT n'est pas la pharmacothérapie, mais surtout la psychothérapie sur le plan psychologique. Or, la psychothérapie et la thérapie par exposition à l'événement traumatisant ne fonctionnent pas très bien, voire pas du tout en cas d'alcoolisme et de toxicomanie.
    Il serait judicieux d'élargir la portée des cliniques BSO pour qu'elles prennent en charge tous les troubles de santé mentale des anciens combattants. De toute façon, ces personnes ont besoin de soins, que ce soit lié à leur service ou à leur transition à la vie civile. Je trouve important qu'elles soient prises en charge rapidement, peu importe si elles reçoivent des soins dans le réseau fédéral de cliniques BSO ou dans le système de santé provincial. Je suis d'avis qu'il faut offrir les soins requis, puis s'inquiéter plus tard du financement, que ce soit à l'échelle provinciale ou fédérale. Ces détails peuvent être réglés plus tard, au sein d'un comité ou ailleurs.
    Voilà essentiellement ce que je voulais dire. Je pense que nous avons le devoir de prodiguer des soins aux anciens combattants qui ont accepté de risquer leur vie et leur intégrité physique pour servir et protéger notre pays. Le moins que nous puissions faire, c'est de leur redonner en leur offrant les services dont ils ont besoin maintenant qu'ils ont fini de servir notre pays.
    Merci.

  (1645)  

    Merci.
    C'est maintenant au tour de Mme Paris, qui est psychologue.
     Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
    Je vous remercie infiniment de l'invitation. Je suis ravie d'être ici. Je suis bien consciente que je n'ai que 10 minutes, de sorte que je vais survoler mon texte. Je présente mes excuses aux interprètes.
    Je m'appelle Céline Paris, et je suis psychologue. Je travaille depuis 1990 auprès de soldats et d'anciens combattants. J'ai fait mes débuts dans le système des Forces canadiennes, et je suis au privé depuis 2005. Au départ, je posais surtout des diagnostics, mais je fais désormais principalement des traitements.
    Je veux que vous sachiez d'emblée qu'on m'a incitée à vous parler aujourd'hui. C'est un brillant jeune ancien combattant qui me l'a demandé. Il m'a dit que je devais venir vous parler d'espoir. Je suis donc ici parce que l'espoir est un sujet très sérieux pour moi.
    J'aime la définition de l'espoir que propose le psychologue positif Rick Snyder. C'est plus que de l'optimisme ou une attitude généralement positive. Pour Snyder, l'espoir ressemble à un bureau et à des couloirs. L'espoir naît lorsque vous croyez pouvoir atteindre vos objectifs grâce à vos propres efforts, ce qui est représenté par le « bureau », alors que les « couloirs » illustrent le plan que vous mettez en place pour y arriver. L'espoir, c'est se fixer des objectifs et maintenir le cap malgré les aléas de la vie. Je pense toutefois que l'espoir a abandonné le coeur d'un trop grand nombre d'anciens combattants, et que notre société ne fait pas tout en son pouvoir mettre fin à l'hémorragie.
    Mon message d'espoir comporte deux volets. Le premier est un fait, et l'autre, une opinion.
    En réalité, la thérapie fonctionne. Des recherches scientifiques ont confirmé objectivement et à maintes reprises que la psychothérapie donne des résultats chez les patients qui souffrent de l'état de stress post-traumatique, ou ESPT. La science est le fondement solide sur lequel reposent toutes les autres stratégies. J'espère que vous écouterez la séance « TED Talks » du Dr Hector Garcia, ou que vous lirez la transcription que je vous ai distribuée. Son titre est éloquent: We train soldiers for war. Let's train them to come home, too., ce qui signifie que nous formons les militaires pour la guerre, mais que nous devons aussi leur apprendre à rentrer au pays. Le message du Dr Garcia, c'est que nous savons déjà comment mettre un terme à l'ESPT.
    Oui, le docteur parle bel et bien d'y mettre un terme. C'est une affirmation très forte, de sorte que je vais vous en donner la preuve. Il ne s'agit pas d'articles scientifiques, quoique j'en ai quelques-uns ici, si vous le souhaitez. Vous avez donc trois graphiques ici. J'espère que vous avez les documents. Je mise sur le fait que moins, c'est mieux.
    L'échelle subjective de détresse, ou ESD, est employée pour mesurer les progrès réalisés en cours de thérapie. Un résultat de 10 signifie que le patient est extrêmement contrarié, alors qu'un résultat de 1 désigne un patient qui est parfaitement à l'aise. Lorsqu'une personne souffrant d'ESPT traverse ce volet actif de la thérapie, c'est-à-dire qu'elle revit l'événement traumatisant chaque jour pour finir de l'assimiler, son psychologue lui demande d'indiquer quotidiennement où elle se situe sur l'ESD.
    Je vais maintenant vous présenter les trois graphiques. La première page montre les progrès que Marie, une militaire toujours en service, a réalisés en deux semaines. En fait, Marie a été attaquée brutalement par son conjoint, puis laissée pour morte. Ensuite, les pages deux et trois présentent les progrès accomplis par un jeune ancien combattant de la guerre d'Afghanistan qui a été exposé à de graves dangers et à des scènes d'horreur. Il a perdu des amis aux mains des talibans, tandis que d'autres se sont plus tard enlevé la vie. Il a continué à se donner à fond dans sa relation amoureuse et son travail, mais il souffrait atrocement. Appelons-le John. En fait, Marie et John ont tous les deux terminé ce mois-ci leur thérapie de traumatologie concernant le pire événement de leur vie.
    Le troisième cas présenté à la quatrième page remonte à 2013. C'est l'histoire d'un marin septuagénaire qui a frôlé la mort en 1969, lors d'un incendie en mer. Il a quitté la Marine dès qu'il a débarqué du navire. Lorsqu'il a entendu parler pour la première fois de l'ESPT, plus de 40 années s'étaient écoulées. Il a décidé d'entreprendre une thérapie parce que sa femme voulait s'offrir une croisière, mais qu'il était incapable de mettre les pieds à bord d'un navire.
    Comme vous pouvez le constater, leurs évaluations sur l'échelle subjective de détresse étaient élevées au départ, puis elles ont diminué au fil des jours et des semaines. Tout comme Carlos, l'ancien combattant de la guerre du Vietnam traité par le Dr Garcia, leur traumatisme est véritablement chose du passé après quelques semaines de dur labeur. D'ailleurs, le but principal de l'exposition prolongée, c'est que le traumatisme demeure dans le passé.
     Ces trois personnes sont-elles différentes de la plupart des gens? Peut-être. Vous pourriez croire qu'elles ont eu plus de courage, mais j'en doute. Les militaires sont braves. Ce qu'elles avaient toutefois, c'est de l'espoir. Elles ont refusé de laisser un diagnostic dicter leur façon de vivre. Sans espoir, ces trois militaires n'auraient pas voulu affronter leur pire souvenir, pas plus qu'un patient atteint d'un cancer n'accepterait de subir les cruautés et les indignités attribuables à la chimiothérapie.
    Lorsque nous expliquons à nos patients la raison pour laquelle ils doivent revivre leur traumatisme, nous leur disons que toute émotion remplit une fonction. Les émotions sont des signaux, au même titre que la faim, la douleur ou le froid, qui nous avertissent qu'une chose mérite notre attention. Lorsque nous les ignorons, les émotions empirent. Si nous n'avons pas mangé, nous ne considérons pas notre faim comme étant le problème. Si nous le faisions, nous prendrions simplement un coupe-faim plutôt que de manger.
    C'est plus délicat dans le cas de l'anxiété. À la différence de la faim, notre réaction instinctive à cette émotion est erronée. La première chose que nous essayons tous de faire, c'est de repousser les mauvais souvenirs. L'évitement crée toutefois une dépendance puisque ce mécanisme fonctionne merveilleusement à court terme. Mais à long terme, il empire le problème. L'autre solution est l'exposition.

  (1650)  

[Français]

    Ce que je fuis me suit; ce à quoi je fais face s'efface.

[Traduction]

    La thérapie donne donc des résultats. Permettez-moi maintenant de vous donner mon opinion.
    L'espoir est en crise, et nous devons agir bientôt. Pourquoi l'ESPT est-il nécessairement considéré comme une affection chronique? Pourquoi les militaires comme Marie, qui vient de recevoir un diagnostic et qui commence tout juste sa vie, se font-ils dire par les médecins et leurs collègues qu'ils peuvent seulement espérer gérer leurs symptômes? J'ai l'impression que l'espoir aurait besoin d'un groupe de pression.
    Pour chaque nouvelle mesure de soutien, nous devons nous rappeler qu'un filet de sécurité peut empêcher une personne de tomber, mais qu'il peut aussi l'emprisonner. En bref, la raison pour laquelle des militaires et des anciens combattants décident de s'enlever la vie n'est ni l'ESPT, ni la dépression, ni le manque de soutien, mais plutôt le désespoir. Un soutien sans espoir crée des victimes plutôt que des survivants, et les militaires ne jouent pas bien le rôle de victime. Ils ne veulent pas que leurs difficultés soient glorifiées. De toute façon, le remède à la honte n'est pas l'honneur, mais plutôt la compassion envers soi-même, le souvenir de notre humanité commune, et l'idée que si Dieu l'avait voulu autrement, cela aurait tout aussi bien pu être soi. Lorsque les militaires saisissent ce qu'ils doivent faire pour surmonter leur ESPT, ils n'hésitent pas à plonger tête première, mais ils doivent d'abord comprendre qu'ils possèdent un bureau et des couloirs, qui sont déjà très usés d'ailleurs.
    Aucun changement sociétal n'est entièrement positif. L'ESPT est devenu un nom familier, mais la sensibilisation a un prix. Ce trouble psychologique curable est en quelque sorte considéré comme une incapacité chronique, une peine à perpétuité et une identité. Pourtant, un diagnostic définit ce que vous avez, et non pas ce que vous êtes.
    Je n'aime pas l'expression blessures de stress opérationnel, ou BSO, surtout parce que je ne trouve pas très utile d'établir une analogie avec une blessure. Je sais qu'on veut ici combattre les préjugés, mais je ne suis tout simplement pas convaincue que l'objectif soit atteint. J'aime les analogies qui font penser à un bureau, qui représente ce que la personne peut faire elle-même pour se rétablir, et les analogies qui sont porteuses d'espoir. Dans le cas de l'anxiété, mon analogie préférée est celle d'une vague que vous ne pouvez pas contrôler, qui pourrait très bien vous engloutir, mais que vous pouvez apprendre à surfer. C'est pourquoi j'ai choisi cette image sur la couverture de mon livre.
    Par ailleurs, un diagnostic est une étiquette utile. J'étais vraiment ravie d'apprendre que notre gouvernement ouvre de nouveaux centres d'excellence dont le nom contient les lettres TSPT. Comme vous l'avez dit, un diagnostic précis est déterminant puisqu'il dicte le traitement. Comme c'est le cas en médecine, tout commence avec un diagnostic exact, mais rien n'avance lorsque celui-ci est erroné. Pour établir une autre analogie médicale, nous savons que le cancer n'est pas une maladie unique et que le choix du meilleur protocole de traitement nécessite un diagnostic précis.
    Je sais que l'expression « mettre un terme » fait peur. Loin de nous l'idée de donner de faux espoirs, ou surtout de laisser croire à ceux qui n'ont pas répondu à la thérapie qu'ils ont manqué de détermination. Croyez-moi, je partage ces craintes. Mais s'il était question d'un cancer, ne serais-je pas reconnaissante du moindre espoir? Dans le domaine médical, il est normal de traiter l'espoir comme un précieux cadeau. Il est vrai que le risque de rechute existe, surtout si le patient vit d'autres traumatismes plus tard, mais il pourra être en rémission de l'ESPT, au même titre que nous parlons de la rémission d'un cancer.
    Bien sûr, la métaphore du cancer n'est pas parfaite non plus. Un patient n'a pas besoin d'espoir pour guérir d'un cancer, étant donné que le travail d'un chirurgien compétent pourrait suffire. Dans le cas de l'anxiété, une attitude passive ne fonctionnera pas. Il faut qu'un professionnel comme moi convainque la personne de prendre courageusement le scalpel et lui montre comment l'utiliser.
    En résumé, le soutien est déterminant avant, pendant et après le traitement. Il a un effet protecteur et guérisseur, mais ce n'est pas un traitement, au même titre que le soutien ne permet pas de traiter la leucémie, le diabète ou une jambe cassée. Aussi, un joli filet de sécurité devient vite un piège lorsqu'on dit en plus à la personne que c'est tout ce qu'elle peut espérer.
    Un livre controversé est sorti cette année intitulé Against Empathy. L'auteur Paul Bloom soutient que l'empathie peut être une mauvaise stratégie pour les fournisseurs de soins, car elle peut mener à l'épuisement professionnel et négliger des solutions axées sur des données probantes aux problèmes des gens. Cette position a été qualifiée d'extrême, et je suis plutôt d'accord. L'empathie sans raison est aveugle, mais la raison sans empathie est vide.
    Une bonne thérapie repose sur la raison et le soutien repose sur l'empathie. Nos soldats et nos anciens combattants ont besoin des deux et méritent les deux, et ils méritent aussi qu'on leur donne de l'espoir.

[Français]

    Merci.

  (1655)  

[Traduction]

    Merci.
    Nous avons gagné du temps, alors nous allons pouvoir passer à la première série d'interventions et accorder aux membres six minutes.
    Nous allons commencer avec M. Kitchen.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être venus.
    Je suis désolé de notre retard. Espérons que nous pourrons tous obtenir de bonnes réponses à certaines de nos questions. C'est quelque chose que nous suivons beaucoup, et nous avons énormément appris. Les membres du Comité travaillent très bien ensemble et nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire.
    De nombreuses observations que nous avons entendues sur la santé mentale et sur le suicide ont trait à la transition de la vie militaire à la vie civile. Dans le cadre de notre étude précédente, nous avons examiné certains de ces aspects, et nous espérons obtenir des réponses. Nous avons formulé des recommandations. Par ailleurs, nous proposerons de bonnes recommandations tout au long de cette étude.
    On nous a notamment dit que nous formons nos soldats afin qu'ils apprennent à se battre. Nous les endoctrinons dès le premier jour, dès qu'ils se joignent aux forces, nous les conditionnons à suivre les ordres de leurs supérieurs. À la fin de leur service, nous les abandonnons. Nous ne les formons pas à être des civils. Êtes-vous d'accord? Cette question s'adresse à tous les témoins qui veulent y répondre.
    Nous dirigeons un programme à Compagnie Canada du nom de Programme d'aide à la transition de carrière pour les militaires, qui se concentre sur un élément très important qui, je pense, se rapporte à ce que vous dites, à savoir l'éducation.
    L'un des problèmes auxquels les soldats sont confrontés durant leur carrière militaire, c'est qu'ils vivent essentiellement dans une société à l'intérieur d'une société. Ils ont leur propre langue. Ils quittent les forces et parlent une langue qui est complètement différente de celle parlée dans la communauté civile, alors ils doivent apprendre comment exprimer ce qu'ils ont appris.
    Nous travaillons également avec les intervenants du milieu des affaires pour les amener à comprendre les épreuves que ces anciens combattants ont traversées et le rôle qu'ils assumaient, car ils possèdent tout un éventail de compétences qui sont comparables à celles que possèdent nos populations civiles, alors je suis d'accord avec vous. C'est un élément important de l'éducation.
    Docteure Roberge.

[Français]

    Je suis d'accord sur ce que vous avez dit.
    Nous offrons un projet qui est intégré, c'est-à-dire que nous prenons en compte ce qu'a été le soldat et ce qu'il devra continuer d'être tout en sachant qu'il a subi une situation dramatique, qui est le stress post-traumatique — le mot clé pour tout le monde —, lequel peut s'exprimer sur le plan neurophysiologique par des problèmes liés à l'anxiété, voire à la dépression, ce qui peut aller jusqu'au suicide.
    Ce que nous proposons est un programme intégré où nous prenons en charge la personne en tenant compte de son dossier médical, du diagnostic et de toutes les mesures thérapeutiques qui lui ont été prescrites. Nous faisons ensuite des tests sanguins qui mesurent l'entrée et la sortie d'information dans le cerveau. Ces tests permettent aux cliniciens ainsi qu'à l'employeur, les Forces canadiennes, d'affirmer qu'on peut réhabiliter la personne et la réinsérer dans la société.

  (1700)  

[Traduction]

    Docteur Lee.
    Je suis tout à fait d'accord que la réintégration dans la société est un problème de taille. Ils ont appris que leurs comportements dans l'armée ne sont pas adaptés à la vie civile. Ils ne savent pas vraiment comment s'intégrer et ils perdent leur sentiment d'appartenance dans la vie civile normale.
    Par exemple, si vous occupez un poste dans la vie civile, vous ne pouvez pas donner des ordres comme vous le faites dans l'armée. Les gens se mettront en colère, vous serez accusé de harcèlement, vous perdrez votre emploi, et ainsi de suite. Je pense qu'il est très important d'enseigner aux gens comment gérer ces situations.
    Madame Paris.
    Je vais m'arrêter surtout sur les mesures prises pour aider les gens à réintégrer la vie civile lorsqu'ils souffrent de stress post-traumatique. C'est exactement le sujet abordé par Hector Garcia dans sa conférence TED. Il dit que nous formons les soldats pour les préparer à la guerre et que nous devons les former à revenir à la maison également. Les thérapies psychologiques qui aident à traiter le trouble de stress post-traumatique ont de nombreux points en commun avec la formation. Elles misent sur la répétition, tout comme la formation. Il dit que si nous mettons une arme à feu dans les mains d'une personne, on lui apprend à s'en servir. De la même façon, lorsque vous renvoyez un militaire à la maison, il faut faire certaines choses. Si certaines de vos expériences sont associées au trouble de stress post-traumatique, vous êtes dysfonctionnels pour gérer le stress et vous avez besoin d'aide et de formation pour pouvoir corriger le problème.
    Merci.
    Docteure Roberge, votre exposé pique ma curiosité. Je suis une personne qui a des opinions très arrêtées. Je suis un scientifique. J'ai besoin d'avoir des faits, et lorsque vous parlez de tests sanguins, c'est un fait que les gens peuvent comprendre.
    Vous parlez de l'axe HHS. Nous avons entendu au Comité comment une formation adéquate peut être utile en ce qui concerne l'exposition. D'après vous, comment cette formation peut être appropriée, d'un point de vue scientifique, pour traiter une personne? Nous formons les gens, puis nous devons les déconditionner à la vie militaire. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez et nous expliquer comment cette formation peut être utile?
    Je suis désolé, mais vous allez devoir répondre en 30 secondes, s'il vous plaît. Merci.
    Désolé. Je vous ai posé une question technique. Répondez-y le plus rapidement possible.
    En quelques mots, d'après les résultats du premier test, nous pouvons examiner l'axe, la relation entre le cerveau et les glandes surrénales et l'hypothalamus. Nous savons exactement l'état de la personne d'un point de vue neurophysiologique. Nous pouvons vous aider à prendre soin de la personne — car elle doit comprendre et accepter que, selon les résultats que nous avons sur l'axe, nous savons qu'elle souffre d'un trouble psychologique grave, avec lequel elle doit composer. Il faut traiter avec la famille. Ces personnes doivent composer avec la situation socio-environnementale. C'est pourquoi nous avons ce raisonnement à trois sens.

[Français]

afin de réinsérer les individus dans la société.

[Traduction]

    Il faut environ six à neuf mois pour nous assurer que la personne est en mesure de retourner au travail...
    Merci.
    ... et de pouvoir faire un choix de rester dans l'armée ou non. Nous offrons des ateliers pour aider la personne à faire un choix.
    Merci.
    Madame Lockhart.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous tous de nous faire part de vos réflexions aujourd'hui.
    Céline, vous parlez de soutien et d'espoir. D'où provient cet espoir?

  (1705)  

    Il provient parfois de la personne. Dans le cas de Marie, elle a toujours été une personne très optimiste. Elle a travaillé dans l'armée et a eu différents cheminements. De nombreux militaires ont cet espoir, mais ils le perdent en cours de route.
    Dans le cas de John, il était aux prises avec de nombreux problèmes au départ que je préfère ne pas énumérer, mais lorsque je lui ai annoncé que nous pourrions traiter son trouble, il a dit: « Ce n'est pas ce qu'on m'a dit. En êtes-vous certaine? ». Il avait du mal à l'accepter. Je lui ai dit: « N'est-il pas agréable d'avoir une thérapeute qui est optimiste? Je vais garder espoir pour vous pendant un moment. » Il m'en était reconnaissant. Il a fini par lui aussi avoir espoir et à progresser.
    Il est toutefois intéressant que ce soit demeuré un problème tout au long du traitement. Je les ai tous les deux rencontrés la semaine dernière, et ils ont dit que lorsque leur niveau d'anxiété et de détresse était à son plus haut, ils ne croyaient pas que le traitement fonctionnerait. La seule raison pour laquelle ils ont continué le traitement n'était pas parce que j'étais une thérapeute formidable qui les avait convaincus de poursuivre la thérapie, mais parce qu'ils voulaient pouvoir dire qu'ils avaient fait tout ce qu'ils pouvaient. Ce n'était que leur entêtement qui leur a permis de s'en sortir.
    L'espoir qu'ils avaient au début du traitement leur a permis de traverser cette épreuve. Je pense que c'est un élément sur lequel nous devons travailler continuellement en tant que thérapeutes.
    Je trouve cela intéressant. Je peux voir parmi les témoins que nous avons reçus et qui ont traversé des épreuves que, bien souvent, ils ont perdu espoir. Ils veulent vraiment aller mieux, mais ils ont perdu espoir.
    Pouvez-vous m'expliquer brièvement la thérapie par exposition et ce que vous faites?
    D'accord. Il y a un chapitre entier dans mon livre qui l'explique très bien, alors si vous voulez en savoir plus, je peux vous prêter mon livre plus tard.
    Essentiellement, la personne fait exactement l'inverse de ce qu'elle faisait avant. Il est très difficile de convaincre les gens de se soumettre à cette thérapie. C'est la partie la plus difficile. Vous leur demandez de raconter les pires traumatismes qu'ils ont vécus en détail, en utilisant tous leurs sens: ce qu'ils ont vu, ce qu'ils ont senti, ce qu'ils ont ressenti, ce qu'ils ont entendu. Ce n'est pas tant l'expérience que l'incidence.
    Une fois que nous avons une histoire écrite très détaillée, soit ils l'enregistrent, soit nous la lisons au cours d'une séance d'une heure, après quoi ils la lisent chaque jour. Ce sont les règles. Ils doivent la lire pendant 45 minutes, et ce, cinq jours par semaine. S'ils doivent la lire plus d'une fois, ils peuvent le faire. C'est ainsi que les effets diminuent.
    Ce que je peux dire, c'est que tout le monde qui a suivi cette thérapie a des graphiques comme ceux que je vous ai montrés. Cependant, le hic, c'est que des recherches viennent d'être publiées qui révèlent que parmi les anciens combattants qui ont participé à des missions en Afghanistan et en Irak, 70 % abandonnent ce type de thérapie parce que c'est très difficile pour eux. On leur demande de se remémorer ce qu'ils ont vécu et de faire l'inverse de ce qui est naturel pour eux: faire face à leur pire épreuve. Il faut leur fournir de bonnes explications, avoir une bonne relation avec eux et travailler à maintenir cet espoir tout au long du processus si vous voulez continuer la thérapie.
    Je pense au général Dallaire. Lorsqu'il est venu ici, il a parlé des problèmes auxquels il s'est heurté avec deux types de thérapie, l'une visant à essayer de bloquer les souvenirs et l'autre visant à se les remémorer. Je sais que ce sont deux thérapies contradictoires. Je suis persuadée que certains soutiendraient que l'on ne devrait pas suivre les deux thérapies parallèlement.
    J'aimerais vraiment discuter avec le général Dallaire de l'espoir.
    Général Dallaire, si vous écoutez les délibérations, téléphonez-moi.
    Combien de patients avez-vous traités qui sont devenus... peut-on dire des patients qui ne présentent plus de symptôme?
    Oui. Je ne fais pas de recherches, alors je ne peux pas vous fournir de chiffres. Je peux vous dire, comme je l'ai mentionné, que tous ceux qui suivent une thérapie par exposition prolongée ont un graphique comme ceux-là. Ils passent à autre chose, et je ne les suis plus. Je ne les vois plus car ils passent à autre chose.
    Dans les cas de John et de Mary, c'est trop récent, mais je suis certaine que la thérapie fonctionnera pour eux aussi. Dans le cas du marin septuagénaire, il a été réévalué un an plus tard par un thérapeute indépendant et ne présentait toujours plus de symptôme. La thérapie fonctionne vraiment.
    Dans quelle mesure est-il important d'avoir le bon diagnostic de trouble stress post-traumatique avant d'entreprendre cette thérapie? Est-ce un problème? Les gens reçoivent-ils un mauvais diagnostic?
    Je pense que oui. C'est pourquoi je disais que je n'aime pas l'expression car elle est trop vaste. Elle est trop précise et trop vaste à la fois.
    Parce que les blessures psychologiques sont devenues des blessures subies au combat, si vous avez des symptômes psychologiques et que vous êtes un soldat, vous serez considéré comme étant atteint de trouble du stress post-traumatique car il y a un certain honneur y étant associé. Le problème, c'est que la thérapie doit être précise. Même si vous ne souffrez que du trouble de stress post-traumatique, ce qui est rare et pas tellement fréquent, les degrés de symptômes seront différents et il y a différentes stratégies à adopter pour chaque forme de symptômes, comme avec n'importe quel problème de santé.
    Le diagnostic est, à mon sens, la première étape. Il est essentiel d'obtenir le bon diagnostic.

  (1710)  

    Merci.
    Madame Benson.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais commencer avec une observation générale. Lorsque nous parlons de la santé mentale et de la prévention du suicide, nous parlons d'une transition d'une personne de la vie militaire vers la vie civile, et bien des gens auront des expériences différentes qui leur sont propres. Certains feront la transition sans heurts. Certains auront besoin de soutien. Certains auront besoin de plus de soutien. Dans les remarques au sujet des différents groupes qui se manifestent en réaction à certaines des difficultés auxquelles sont confrontés les militaires, la communauté estime-t-elle qu'il y a des lacunes? C'est pourquoi tous ces groupes arrivent d'un peu partout, et la situation se complique parce que les gens essaient d'obtenir de l'aide et n'arrivent pas à l'obtenir, alors ils essaient de s'en sortir par eux-mêmes.
    J'ai aimé votre observation selon laquelle il est temps de rassembler les morceaux.
    Docteur Lee, je me demande si vous pourriez vous prononcer là-dessus. Votre observation m'a frappée. Lorsque les gens franchissent le pas de la porte, ils ont besoin de traitement et doivent pouvoir avoir accès à une multitude de thérapies, en fonction de leurs besoins. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus sur ce que vous avez dit à propos des gens qui n'obtiennent qu'une seule forme de soutien et que c'est tout ce qu'on leur autorise, et s'ils ont besoin d'une autre forme de soutien, ou s'il s'agit d'un problème familial notamment, ils doivent s'adresser à une autre entité. J'aimerais entendre vos observations là-dessus.
    C'est quelque chose qui me tient vraiment à coeur. En raison du travail que je fais également en toxicomanie et en santé mentale à l'ACSM, nous voyons des civils qui souffrent de problèmes de santé mentale et nous les traitons de manière très différente que les patients à une clinique TSO.
    Lorsque des gens se présentent à l'ACSM, que ce soit aux services de toxicomanie, à un refuge pour sans-abri ou peu importe, ils ne frappent jamais à la mauvaise porte et nous leur offrons les services. Nous établissons l'endroit où la personne reçoit des services, réglons la question du financement, l'endroit où ils doivent se rendre, etc. Le patient n'a pas besoin de savoir tous ces renseignements; nous ne faisons que les aiguiller et ils reçoivent les services dont ils ont besoin.
    C'est différent dans le système des cliniques TSO. Vous devez avoir reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique pour pouvoir recevoir un traitement à une clinique TSO. Pour être honnête, nous étirons à l'heure actuelle les définitions des problèmes que nous avons le droit de traiter et nous essayons d'offrir le plus de services possible, mais dans les faits, les services ne sont pas offerts aussi rapidement qu'il le faudrait. Entre le moment où ils sont aiguillés et le moment de leur examen, il y a un temps d'attente pour consulter un psychologue et un psychiatre. Les temps d'attente peuvent sembler trompeusement bons, mais dans les faits, ils ne le sont pas autant qu'on peut le penser.
    Si nous les traitons essentiellement de la même manière que nous traitons d'autres problèmes de santé mentale et d'autres personnes, peu importe s'ils ont servi dans l'armée ou non... Les cliniques TSO doivent vraiment élargir leur portée pour traiter tous les problèmes de santé, et le membre ne devrait pas s'inquiéter au sujet d'une demande, du financement ou de l'admissibilité. Nous pouvons régler ces questions nous-mêmes.
    Quelqu'un veut-il faire une observation?
    J'ai travaillé dans le milieu de la santé mentale et le plus grand problème n'est pas le fait de frapper à la mauvaise porte. Les gens sollicitent de l'aide et le service auquel ils s'adressent ne devrait pas avoir d'importance. Si quelqu'un demande de l'aide, la communauté ou le système doivent les aider à trouver une thérapie ou un service qui fonctionnera pour eux.
    Votre idée de guichet unique a piqué ma curiosité. Cela peut donner un peu l'impression d'un 7-Eleven, mais c'est la solution pour permettre aux gens de frapper à une seule porte et non pas à 16 portes. Je me demande si vous pourriez...

  (1715)  

     C'est la raison d'être du projet, car nous avons constaté que c'est cela le problème. Je discutais avec un homme...
    Parfois c'est le système qui a besoin d'aide, pas nécessairement, vous savez...
    Oui. La clinique TSO de Québec est responsable de tout l'Est du Québec. Un résidant de Rimouski qui a un rendez-vous d'une heure doit faire quatre ou cinq heures d'autobus. Il se rend à son rendez-vous d'une heure et retourne chez lui. Pouvons-nous vraiment croire que cela fonctionne? Non.
    Voilà pourquoi notre projet a vu le jour. Il s'agit d'essayer de regrouper tous les services. Or, si l'on regroupe tout, on n'inclut pas seulement l'aide psychologique et médicale. Il faut que les gens puissent redevenir productifs. Voilà pourquoi nous avons mobilisé tous les éléments qu'il faut regrouper, à notre avis, pour pouvoir offrir ces services. L'avantage, c'est que notre organisme national discute avec la congrégation religieuse. Auparavant, ce sont les congrégations religieuses qui s'occupaient des soins de santé et de l'éducation. Elles ont des propriétés partout au pays et elles sont prêtes à les céder pour un dollar. Vous passez une bonne partie de vos journées à parler d'un budget. Personne ne veut parler d'argent, mais malheureusement, c'est nécessaire de le faire. Il faut créer quelque chose qui est viable financièrement. Il doit y avoir un début et une fin, et la personne doit être productive. Voilà pourquoi notre projet a vu le jour.
    M. Eyolfson utilisera une partie du temps de M. Lemieux.
    Allez-y, monsieur Lemieux.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai la chance d'être député dans la région du Saguenay, où est située la base militaire de Bagotville. Je suis donc très préoccupé par la prévention en ce qui touche la santé mentale des militaires et par le bien-être de nos vétérans.
    Ma question s'adresse à vous, docteure Roberge.
    Croyez-vous que les vétérans ont de la difficulté, dans un premier temps, à demander de l'aide? C'est quelque chose qui me préoccupe beaucoup. Deuxièmement, connaissez-vous les nouveaux systèmes d'intelligence artificielle qui visent à aider les vétérans dans une consultation préliminaire, avant que le premier contact avec un thérapeute ne soit établi? Vous semblez vraiment sympathique, mais malgré tout, le thérapeute peut constituer un obstacle pour un militaire qui a de la difficulté à demander de l'aide.
    J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.
    Je dois répondre à votre question par l'affirmative.
    Je vous ai dit que j'ai été scholar du Conseil de recherches médicales du Canada. À l'époque, j'ai fait toute ma recherche à la Faculté de médecine de l'Université Laval et je me suis intéressée au stress et à l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. J'ai pensé que mes collègues et moi pourrions aller à la base de Valcartier pour y obtenir de la collaboration à cet égard. On m'a dit: « Non, il prend l'escalier noir, on ne s'en occupe plus », ce à quoi j'ai rétorqué que nous avions pourtant la capacité de regarder ce qui arrive avant, pendant et après.
    Nous sommes maintenant en 2017. Néanmoins, il est encore difficile pour un soldat qui n'est pas amputé, mais qui a une blessure psychoaffective, de dire qu'il souffre. Cela prend du temps. La devise du Québec est Je me souviens. De la même façon, le soldat va toujours se souvenir de ce qu'il a vécu. Cependant, cela lui fera moins mal lorsqu'une famille professionnelle, dans un endroit complètement à l'extérieur de sa famille biologique, l'aura aidé à comprendre qu'il a vécu une situation particulière. Lorsqu'il sera de retour dans sa famille, il aura accepté ce qu'il a vécu et accepté d'être ce qu'il est. Sa famille doit comprendre cela aussi, d'où l'importance de notre projet d'intégrer toute cette approche sous un même toit.
    La réponse à votre question est donc oui.
    À ce moment-là, croyez-vous qu'un outil d'intelligence artificielle pour passer cette première étape qui consiste à demander de l'aide pourrait être utile à ces gens?
    Oui, et cette approche fait partie d'un de nos ateliers.
    Existe-t-il des logiciels d'intelligence artificielle qui sont actuellement utilisés par les forces armées?
    Oui, différentes sortes de logiciels peuvent être utilisés.
    Merci.
    Je vous cède le reste de mon temps de parole, monsieur Eyolfson.

  (1720)  

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Eyolfson, vous disposez de trois minutes.
    Madame Paris, je crois comprendre que cela fait environ 20 ans maintenant que vous aidez des gens qui souffrent de stress post-traumatique. Avec le temps, est-ce que le nombre de patients qui en souffrent augmente? Est-ce qu'il diminue? Change-t-il? Quelle est la tendance?
     Je le répète, je suis clinicienne et non chercheuse, et les données peuvent être obtenues par la recherche. J'exerce ma profession...
    Non, je veux dire le nombre de gens que vous...
    J'exerce ma profession à temps complet et il y a toujours...
    M. Doug Eyolfson: Oui, d'accord.
    Mme Céline Paris: Je crois savoir qu'il y a une liste d'attente pour le traitement du TSPT et qu'à certains endroits, elle est assez longue.
    Des gens nous ont dit que dans les forces armées, c'est mal vu lorsque des membres du personnel essaient de demander de l'aide. Avez-vous des patients qui vous disent que les préjugés les empêchent de demander de l'aide?
    Absolument, et c'est le cas malheureusement, malgré les efforts extraordinaires que mènent les FC. J'ai des amis et des collègues qui travaillent au programme En route vers la préparation mentale. On déploie des efforts incroyables pour lutter contre la stigmatisation et pour changer les mentalités, mais je ne peux pas dire que je vois... Remarquez, je vois un groupe très partial. Je rencontre des gens qui ne vont pas bien. Ils me disent que la stigmatisation est un problème bien présent et que les choses ne changent vraiment pas beaucoup.
     Je pense que nous devons faire les choses différemment. Je propose que nous fassions comprendre aux gens que le TSPT se traite et qu'on peut s'en sortir en suivant un traitement. Si l'on cesse de dépeindre le TSPT comme une peine à perpétuité comme le font les médias ces derniers temps et comme le font des groupes de patients, je crois que la situation peut changer. Si cela veut dire qu'on suit un traitement pendant quelques mois ou pendant un an peu de temps après avoir vécu les moments difficiles, alors toute l'image du problème changera.
    Je ne crois pas qu'on informe les gens du fait qu'il existe des traitements efficaces. En fait, j'aurais envie de renverser la situation et de vous demander si des psychologues ont comparu devant vous, car c'est dans le domaine de la psychologie que la recherche a été menée et que les traitements ont été conçus. Avez-vous obtenu le point de vue de psychologues? Vous a-t-on dit que les traitements fonctionnent, qu'ils existent et que nous les appliquons? Ils existent depuis bon nombre d'années.
    D'accord. Merci beaucoup.
    La sonnerie se fera entendre dans environ deux minutes. C'est ce qui met donc fin à notre séance d'aujourd'hui. Encore une fois, j'en suis désolé.
    Monsieur le président, puis-je prendre une minute pour obtenir une information utile?
    Bien sûr. Nous pourrions faire un tour d'une minute si cela vous va.
    Je veux seulement voir si nous pouvons obtenir une information qui serait utile, je pense.
    Je vous remercie tous beaucoup de votre bon travail.
    Monsieur Joyet, veuillez s'il vous plaît dire à Stephen Gregory que je le remercie beaucoup de s'assurer que tous les Canadiens connaissent l'opération Husky.
    Ma question s'adresse aux deux cliniciens. Nous avons beaucoup parlé de la réadaptation et de la formation des militaires. Quel type de recherche mène-t-on présentement sur la prévention? Y a-t-il des recherches qui sont effectuées pour s'assurer qu'une personne est capable de faire face à des situations traumatisantes, de sorte que plutôt que de se contenter de traiter les gens après les événements, on bâtit une résilience avant?
    Puisque ce n'est pas mon champ de compétence, je ne crois pas être en mesure de répondre à la question.
    Ma collègue en sait peut-être plus que moi à ce sujet.
    Parce que j'ai toujours des collègues qui travaillent au sein des FC, je sais qu'il existe d'excellentes initiatives de formation, qui sont maintenant répandues partout dans la société et qui aident les premiers intervenants. Dans le cadre d'un autre emploi, je travaille avec la GRC. Je donne de la formation sur la résilience pour aider les gens à relever de nouveaux défis.
     Le principal problème, c'est que nous ne savons pas si cela les protège vraiment. Aucune recherche ne l'a encore indiqué. Il existe des programmes de résilience; il y en a des centaines partout en Amérique du Nord, mais je ne connais aucune recherche qui démontre que cela permet de protéger les gens.
    La sonnerie se fait entendre et j'ai besoin d'une motion pour mettre fin à la séance.
     J'aimerais tout d'abord vous remercier tous d'avoir été présents aujourd'hui. Si vous voulez ajouter autre chose à votre témoignage, vous pouvez envoyer un courriel au greffier et il fera parvenir l'information à tous les membres du Comité. Encore une fois, je vous remercie tous d'avoir été présents.
     J'aimerais remercier les députés qui ont remplacé des membres du Comité aujourd'hui.
    M. Samson propose la levée de la séance.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: La séance est levée.
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