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CHPC Rapport du Comité

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RAPPORT DISSIDENT – PARTI CONSERVATEUR

Aujourd’hui, beaucoup croient que les médias et les nouvelles sont en crise. C’est dans ce contexte que le Comité permanent du patrimoine canadien a entrepris une étude d’une année sur les médias et les communautés locales. Les témoins ont abondamment témoigné des changements dynamiques qui se produisent dans le milieu des médias et des nouvelles. Les sources et les médias prolifèrent en ligne, et les anciens diffuseurs d’information ont perdu du terrain en raison de l’arrivée de nouveaux concurrents.

Dans les témoignages des nombreux témoins ayant comparu devant le Comité, il s’est dégagé un vif désir de retourner au bon vieux temps où les nouvelles étaient diffusées à la télévision et dans les journaux. Globalement, les recommandations de la majorité des membres du Comité témoignent de la volonté de revenir en arrière et de garder les choses comme elles étaient – c’est-à-dire d’essayer de reproduire les façons de faire du monde analogique dans le nouveau monde numérique. Or, c’est se tromper que de penser ainsi.

Le monde change. Et avec le changement vient son lot de perturbations. Certains voient ces perturbations comme un problème.

Des hausses fiscales et le contrôle des nouvelles par le gouvernement ne sont pas la solution au problème. Les efforts pour remonter le temps sont voués à l’échec.

Au début de la Confédération, les journaux abondaient et véhiculaient généralement des positions politiques claires. Les nouvelles étaient présentées dans cette optique partisane. Les partis politiques publiaient même des listes des journaux qui les appuyaient et qui étaient donc fiables.

Or, le journalisme a évolué avec le temps. Les journaux (plus tard rejoints par la radio et la télévision) se sont efforcés de se montrer « objectifs » et « axés sur les faits ». Des points de vue différents ont continué toutefois de se faire entendre, mais la capacité qu’ont certains médias à dicter l’ordre du jour a agi comme un filtre. Le surnom qu’on attribuait aux médias, le « quatrième pouvoir », témoignait de leur puissance et les positionnait comme un pilier institutionnel de la société. Mark Twain avait observé cette position de pouvoir des médias, déclarant qu’il ne faut « jamais chercher querelle auprès de ceux qui achètent de l’encre au baril ».

Le monde numérique se transformant, les médias se démocratisent véritablement pour la première fois. Les citoyens ne sont plus limités dans leur choix de journaux ou de chaînes de télévision pour s’informer. Maintenant, tous les citoyens peuvent avoir recours au monde numérique pour rapporter des nouvelles et des opinions et les diffuser.

C’est un environnement ouvert à tous.

Les gens ne sont pas stupides. Ils s’adaptent au changement. Ils ont appris quelles sources sont fiables dans le monde analogique et, avec le temps, ils sont de plus en plus en mesure d’évaluer avec un œil critique les nouvelles sur lesquelles ils peuvent se fier en ligne, dans le monde numérique.

Il est vrai que les gens qui ont grandi à une époque où il n’y avait que quatre grands journaux et quelques médias fiables pourraient avoir tendance à être crédules et instinctivement portés à croire tout ce qu’ils voient qui leur apparaît au départ comme une nouvelle. Mais le sens critique se développe rapidement – et la plupart des consommateurs de nouvelles en ligne ont déjà acquis une saine capacité à distinguer les histoires crédibles de celles qui ne le sont pas et des fausses nouvelles, peu importe à quel point elles sont divertissantes ou qu’ils veulent y croire.

Les membres conservateurs du Comité n’approuvent pas les témoignages et les recommandations qui préconisent un rôle plus vaste du gouvernement dans le contrôle des nouvelles. Cela va à l’encontre de la notion de liberté de presse dans la société.

Dans le monde de George Orwell, un ministère de la Vérité était la solution aux « fausses nouvelles », qu’il produisait bien entendu – mais seulement des nouvelles jugées acceptables aux yeux des autorités.

La solution de rechange aux fausses nouvelles est le « marché des idées » de John Milton. Cette solution défend le principe voulant que le public soit en mesure de faire des choix informés et éclairés qui sont dans son intérêt.

Certains ont demandé au Comité – d’une façon ou d’une autre – que l’État se pose en arbitre des véritables nouvelles. Or, ce rôle n’est pas approprié dans une société démocratique et libre. La solution voulant que cela se fasse de façon indépendante n’est pas crédible. Tout organisme indépendant mis en place par un gouvernement, ou financé par lui, est à un moment ou l’autre conscient des intérêts de son ministre. Lorsqu’on fait affaire avec une autorité portuaire ou un organisme chargé d’assurer la sécurité des transports, cela ne pose peut-être aucun problème. Par contre, lorsqu’il s’agit de la liberté de presse, qui est fondamentale, toute mesure de l’État pour contrôler la vérité – qu’il s’agisse de règlementer l’éthique des journalistes ou de dicter où une organisation devrait couvrir les nouvelles – est inappropriée.

Nous sommes d’autant plus préoccupés par les recommandations du Comité qui reposent sur l’octroi de fonds publics ou l’imposition de redevances pour maintenir les médias traditionnels. Un journaliste payé par le gouvernement n’oublie jamais totalement la main qui le nourrit.

Nous ne souscrivons pas à l’énoncé de principe de la majorité, à savoir que le « gouvernement du Canada doit mettre en œuvre les mesures nécessaires pour favoriser l’existence de médias et de nouvelles locales libres et indépendants ». En réalité, les mesures gouvernementales pour appuyer les médias vont à l’encontre du concept même de média véritablement libre et indépendant. Une presse réellement libre et indépendante doit être exempte de toute ingérence gouvernementale (même lorsqu’il s’agit de « soutien », qui suppose une presse dépendante du gouvernement et, inévitablement, qui doit lui rendre des comptes).

Pour justifier la proposition d’accorder plus de fonds publics aux médias, on prétexte s’inquiéter du fait que ces derniers perdent des lecteurs et des téléspectateurs, et, par conséquent, des fonds pour employer des journalistes. Ce qui est clair, toutefois, c’est que les médias commencent par perdre leur auditoire, puis viennent les compressions. Donner des fonds publics à des médias dont l’auditoire a diminué ne ramènera pas celui-ci où il était auparavant. L’argent ne donnera pas l’objectif escompté – et les médias locaux verront désormais leur indépendance compromise et seront redevables au gouvernement, la main qui les nourrit.

Dans les faits, des indications claires montrent que le marché en évolution sert peut-être les médias locaux. Par exemple, alors que Torstar a subi d’énormes pertes du côté du Toronto Star, son principal journal, Metroland, son journal local, demeure viable. Québecor-Postmedia a constaté la vigueur des journaux locaux et en a acheté toute une série pour s’approprier ce marché. Mais dans les deux cas, les journaux locaux ont subi des coupes parce que les revenus qui en sont tirés sont dirigés vers les journaux principaux.

L’intérêt est présent pour les nouvelles locales, et un vide sera bientôt comblé. Nous en sommes déjà témoins. De nouveaux arrivants – tant des journaux locaux qui démarrent que des groupes de nouvelles locales en ligne – comblent ce vide. Bon nombre des journaux de quartier sur Facebook dépassent largement les journaux traditionnels lorsqu’il s’agit de couvrir et de débattre de questions allant d’enjeux de développement et de délibérations du conseil aux crimes locaux et aux sports. Les gens s’adaptent à l’environnement changeant – et pour bon nombre d’entre eux, la qualité et la quantité de nouvelles locales sont plus grandes et celles-ci sont plus accessibles que jamais. Si vous avez une question, quelqu’un y répondra. Si vous avez une autre version des faits, vous pouvez la présenter. Rien de tout cela n’est un « problème » que doit régler un journaliste payé par le gouvernement.

Enfin, le Comité cherche de nouvelles façons de taxer les Canadiens afin qu’ils paient pour tout cet effort du gouvernement de s’ingérer dans la production de nouvelles destinées aux Canadiens. Les Canadiens n’ont pas besoin de hausses de taxes ni de nouvelles taxes. Autrement dit, les Canadiens sont déjà surimposés alors que leur revenu stagne et que la croissance de l’emploi est faible. Les membres conservateurs du comité s’opposent vivement à toute proposition d’imposer aux Canadiens une « taxe Netflix », une taxe sur Internet, ou toute autre nouvelle taxe.

Paradoxalement, l’appel du Comité à imposer une taxe aux médias numériques publiant du contenu canadien réduira, en pratique, la quantité de contenu local ou canadien accessible dans le monde numérique où les gens vivent et consomment ces médias.

Si on taxe quelque chose, on obtient moins en retour; il s’agit d’une vérité fondamentale de politique publique. En cherchant à appliquer une taxe sur Internet aux nouveaux agrégateurs publiant des nouvelles canadiennes, la majorité du Comité, par sa recommandation, « n’égalisera pas les règles du jeu » ni ne génèrera des recettes fiscales. Cela aura tout simplement pour effet d’amener les gens à cesser de publier des nouvelles canadiennes afin d’éviter de payer des taxes.

L’ère des médias, axée comme elle l’est sur l’univers numérique, ne peut être arrêtée, bloquée ou règlementée au Canada. Elle est alimentée, consommée et créée par les citoyens. C’est inévitable.

Le moment est venu pour le gouvernement, et la majorité libérale du Comité, d’accepter et d’embrasser cette nouvelle ère, et d’abandonner ces efforts futiles de recourir à la règlementation gouvernementale, à la fiscalité et aux subventions pour maintenir le paysage médiatique dans l’état où il était dans les années 1960.