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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 081 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 30 octobre 2017

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité parlementaire sur le patrimoine canadien étudie les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques. Au cours de la première heure, soit de 15 h 30 à 16 h 30, nous accueillons trois témoins: le Comité national arménien du Canada, par vidéoconférence; M. Robert Kuhn, président de l'Université Trinity Western; et M. Zuhdi Jasser, de Phoenix, en Arizona, par vidéoconférence. Merci.
    Très bien, nous allons maintenant commencer. Voici les protocoles. Vous avez 10 minutes pour présenter votre point de vue, puis il y aura une période de questions et de réponses. À huit minutes, je vous donnerai un avertissement selon lequel il reste deux minutes, et vous devrez conclure.
    Nous allons commencer par Shahen Mirakian du Comité national arménien du Canada.
    Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs, d'avoir invité le Comité national arménien du Canada à témoigner devant vous aujourd'hui.
    Je m'appelle Shahen Mirakian, et je suis président du Conseil national arménien du Canada. Je m'excuse de ne pouvoir me joindre à vous en personne. Le directeur exécutif du Comité national arménien du Canada, M. Sevag Belian, est établi à Ottawa et est aujourd'hui présent dans la salle du Comité.
    J'ai eu l'occasion d'examiner les témoignages des séances antérieures et j'ai suivi également les rapports dans les médias. Le Comité a déjà eu l'occasion d'entendre de nombreux intervenants sur une diversité de préoccupations concernant le sujet du jour et particulièrement l'islamophobie. De nombreux intervenants ont formulé des recommandations sur la façon de mieux réagir à ces questions. Toutefois, nous estimons que le rôle que les organisations de défense des droits peuvent jouer pour promouvoir le respect et la compréhension parmi les Canadiens est un sujet qui n'a pas été suffisamment abordé.
    De façon générale, on considère que les groupes de défense des droits comme le Comité national arménien du Canada font la promotion d'un point de vue particulier au détriment d'autres points de vue. On les considère comme ayant des oeillères et un esprit étroit. Nous entendons souvent dire que le gouvernement ne devrait pas être pris en otage par des intérêts spéciaux, et les organisations de défense des droits sont souvent décrites comme les groupes d'intérêts spéciaux par excellence.
    Nous sommes d'avis que cette conception est erronée et fait fi du rôle important que les organisations comme le Comité national arménien du Canada jouent pour promouvoir des intérêts élargis. Je vais commencer par donner deux exemples, puis je m'éloignerai de ces cas précis pour aborder une thèse plus générale.
    En décembre 1998, l'Arménie soviétique, comme on l'appelait alors, a été frappée par un séisme dévastateur qui a tué des dizaines de milliers de personnes, blessé d'innombrables autres personnes et laissé une partie importante de la population sans abri et sans les nécessités de la vie. La communauté arméno-canadienne a immédiatement entrepris de recueillir des fonds, des fournitures médicales et d'autres articles essentiels pour aider la population. Les organisations arméno-canadiennes ont pressenti des représentants élus et des fonctionnaires canadiens pour voir de quelle façon tous les ordres de gouvernement canadiens pouvaient contribuer à l'effort. Ces organisations ont tendu la main à des entreprises privées afin de fournir une aide pour, par exemple, installer des lignes téléphoniques afin de recueillir des dons — c'était avant Internet — et participer à la logistique entourant le transport de biens vers l'Union soviétique de l'époque. On a ouvert les canaux de communication avec l'ambassade et les bureaux consulaires locaux de l'URSS et avec des représentants gouvernementaux soviétiques et arméniens.
    Cet effort a évidemment été dirigé vers un intérêt particulier important pour la communauté arméno-canadienne. Toutefois, il a eu des effets positifs sur tous les Canadiens, parce qu'il a créé le cadre de base qui serait utilisé dans d'autres catastrophes partout dans le monde. Les gouvernements, l'entreprise privée, les médias et les organisations d'aide ont tiré des leçons importantes pour ce qui est de coordonner leurs efforts et d'améliorer les opérations de secours en faisant participer les Canadiens ayant des liens avec la région touchée. La défense des droits des Arméniens sur ces questions voulait dire que, lorsque d'autres communautés ont été touchées par des tragédies similaires, le Canada était préparé pour intervenir plus rapidement et efficacement. Les retombées de cette expérience continuent de se faire sentir même aujourd'hui.
    Récemment, la communauté arméno-canadienne a participé intensément à l'effort visant à réinstaller des réfugiés du conflit en Syrie. La communauté arméno-canadienne de partout au Canada, de pair avec une multitude d'organisations communautaires, a permis de faire venir 4 000 réfugiés syriens parrainés par le privé et désignés par un bureau des visas au Canada. Cet effort massif a exigé la participation constante du gouvernement canadien, des gouvernements provinciaux, des municipalités, des conseils scolaires, des hôpitaux, des organismes d'établissement, de groupes de parrainage privé et d'innombrables organisations communautaires.
    Une bonne partie de ce travail a commencé bien avant que le gouvernement canadien ne mette les choses en branle à la mi-décembre 2015, et la communauté arméno-canadienne avait donc un éclairage unique sur la façon de faire l'énorme travail qui devait être accompli par d'autres groupes lorsque de grandes vagues de réfugiés parrainés par le gouvernement ont commencé à arriver. Bon nombre des réfugiés parrainés par le gouvernement en ont tiré énormément d'avantages, parce que les organisations arméno-canadiennes avaient déjà cerné les principaux enjeux touchant la réinstallation et travaillé avec nos partenaires afin de les régler.
    Cependant, la communauté arméno-canadienne n'a pas fait cela toute seule. Si nous avons été en mesure de voir plus loin, c'est parce que nous nous sommes appuyés sur des géants qui ont pavé la voie avant nous; les Canadiens d'origine vietnamienne, d'origine hongroise, d'origine somalienne, la communauté juive, et d'autres groupes avaient déjà vécu des expériences semblables, et leurs efforts avaient débouché sur des structures qui étaient déjà en place, ce qui nous a aidés dans nos démarches.
    La défense des droits et le travail de nombreuses communautés confessionnelles canadiennes, y compris l'Église catholique, l'Église unie, l'Église anglicane, les Mennonites, les groupes islamiques, les groupes sikhs et d'autres groupes de réfugiés nous ont aussi permis d'obtenir des conseils utiles sur la façon de travailler.
    Nous pouvons déjà voir comment l'expérience syrienne guide les efforts visant à réinstaller les yézidis au Canada aujourd'hui.
    Ce ne sont là que deux exemples. Le travail de groupes sino-canadiens pour éliminer la taxe d'entrée discriminatoire contre les personnes d'origine asiatique, le travail d'organisations de Canadiens d'origines japonaise et ukrainienne pour chercher à obtenir réparation pour des cas d'internement durant la Seconde et la Première Guerres mondiales, respectivement, et le travail de groupes juifs pour faire le suivi des crimes haineux et lutter contre la discrimination ont tous eu des répercussions positives mesurées qui allaient bien au-delà de l'objet immédiat de leurs activités de défense des droits ou de leur propre communauté particulière.
(1535)
    Le travail de nombreuses organisations communautaires a aidé à faire du Musée canadien pour les droits de la personne une réalité, par exemple. De même, des organisations islamiques et des groupes de défense des droits de diverses cultures qui suivent l'islam jouent déjà un rôle précieux pour ce qui est de lutter contre l'islamophobie et, par la suite, contre des cas élargis de discrimination religieuse systémique.
    Évidemment, les groupes de défense des droits ne sont pas le seul élément de lutte contre des formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques, mais ils peuvent et devraient jouer un rôle. Lorsque ces groupes font campagne pour ouvrir des portes, ces portes s'ouvrent pour tout le monde. Nous profitons tous des efforts déployés par des organisations afin de réagir à des cas particuliers de discrimination systémique, parce que nous nous améliorons pour ce qui est de déterminer quelles lois, actions ou politiques sont discriminatoires, puis nous apprenons comment travailler avec les groupes ciblés afin de réagir à ces questions.
    Dans le but de contribuer à cet effort, le Comité national arménien du Canada aimerait formuler deux recommandations.
    D'abord, nous invitons les députés à servir de ressources pour les groupes de défense des droits.
    Une des choses les plus positives qui puissent être faites, c'est de présenter diverses communautés l'une à l'autre et de les rassembler afin qu'elles puissent discuter de buts communs. Si un député a été approché par deux groupes de défense des droits qui poursuivent le même objectif, le fait de présenter ces deux groupes l'un à l'autre peut créer de nouveaux liens qui, à leur tour, créeront des liens plus larges entre les communautés qu'ils représentent ainsi qu'une meilleure intégration. Le dialogue ouvert entre les communautés peut être renforcé par des députés, qui sont souvent mieux placés pour reconnaître des domaines d'intérêt commun. De plus, les députés peuvent aider les organisations à s'attaquer à des questions de racisme et de discrimination religieuse systémiques, à rencontrer des gens de communautés qui ont déjà fait un travail considérable pour traiter de ces questions et à découvrir la meilleure façon d'apporter un changement positif.
    Ensuite, nous exhortons le gouvernement à rediriger une partie de son financement consacré à la promotion du dialogue interculturel et à l'affecter plutôt au renforcement des liens entre les communautés confessionnelles et culturelles.
    Les subventions qui exigent la coopération entre les communautés profiteront presque toujours aux communautés les mieux organisées qui ont déjà des liens avec d'autres communautés et sont en mesure d'en tirer profit. De cette façon, les plus avantagés continuent de l'être. Si une partie du financement était dirigée vers des organisations communautaires plus petites et moins bien établies, ces communautés pourraient élaborer les structures appropriées afin de pouvoir mieux participer à un dialogue interculturel et de participer plus pleinement à la société canadienne. La participation d'un plus grand nombre de groupes va créer davantage d'occasions de cerner les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques et de s'y attaquer.
    Nous comprenons pleinement que ces recommandations ne traiteront pas entièrement des formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques ni d'islamophobie, mais nous croyons qu'elles sont des premières étapes importantes pour créer des structures au Canada qui peuvent efficacement s'attaquer à cette question.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup. Il restait beaucoup de temps.
    Nous passons maintenant à M. Kuhn de l'Université Trinity Western.
    Vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Madame la présidente et mesdames et messieurs, je m'appelle Bob Kuhn. Je suis privilégié d'agir à titre de président de l'Université Trinity Western. Je suis heureux d'avoir reçu l'invitation de m'adresser à votre comité. J'ai présenté également un court mémoire écrit.
    C'est une question très importante, et elle est importante pour Trinity Western, qui est la plus grande université à vocation confessionnelle au Canada. Elle compte au moins 4 000 étudiants et joue un rôle très important dans le tissu des études supérieures canadiennes depuis 55 ans.
    Trinity Western offre une vaste gamme de diplômes de premier cycle, de diplômes de cycle supérieur dans les arts libéraux et les sciences et de diplômes d'écoles professionnelles en soins infirmiers, en éducation, en psychologie clinique, en sciences de l'activité physique, en commerce et dans d'autres domaines. L'UTW fournit aussi un programme unique de formation en leadership au Laurentian Leadership Centre, à Ottawa. Vous avez peut-être interagi avec des stagiaires de l'UTW dans les bureaux de députés ou ailleurs sur la Colline du Parlement. De plus, en partenariat avec des universités chinoises bien connues, l'UTW offre un diplôme de maîtrise internationale en administration des affaires à Tianjin, à Beijing et à Shanghai.
    Pour ce qui est de la recherche, les professionnels de Trinity Western détiennent trois chaires de recherche canadiennes et de multiples subventions de recherche du CRSNG, de l'IRSC et du CRSH. L'université possède aussi et entretient des zones reservées aux études environnementales, avec des propriétés totalisant environ 150 acres.
    Mais n'oublions pas nos athlètes: au cours des 15 dernières années, les équipes de Trinity Western ont remporté 11 championnats nationaux et 23 championnats dans l'Ouest du Canada, souvent contre des universités 10 fois plus grosses.
    En ce qui concerne l'évaluation objective des parties, Trinity Western a obtenu une note parmi les plus élevées au pays pour ce qui est de la satisfaction des étudiants et a obtenu une note de A+ pour ce qui est de la qualité de l'éducation sept ans d'affilée. Aucune autre université canadienne n'a réussi cela.
    L'Université Trinity Western n'est pas simplement un établissement d'enseignement excellent aux équipes sportives victorieuses. C'est une université chrétienne, une communauté qui se soucie profondément de l'ensemble de ses étudiants diversifiés, lesquels, en retour, se préoccupant grandement des besoins des autres. Environ 65 % du corps étudiant participe chaque année à des activités de leadership étudiant, à des voyages de services à l'étranger et à des activités de service communautaire ou de sensibilisation, travaillant avec des populations carcérales, des travailleurs de l'industrie du sexe, des groupes des Premières Nations, Habitat pour l'humanité et d'autres encore.
    On aimerait croire qu'une université ayant une histoire si remarquable, un corps enseignant extraordinaire reconnu à l'échelle nationale et internationale et des étudiants exceptionnels, outre plus de 24 000 diplômés, ne ferait pas l'objet d'exclusion et de rejet en raison de ses valeurs bibliques traditionnelles, particulièrement lorsque Trinity est mandatée par la Trinity Western University Act pour fournir un enseignement universitaire selon une philosophie sous-jacente et un point de vue chrétiens.
    Malgré son succès et le fait qu'elle fournit son enseignement et son service communautaire sans subvention gouvernementale, elle a été constamment victime de discrimination religieuse. Dans mon mémoire, je parle de plusieurs cas; permettez-moi d'en aborder deux ici.
    Certains d'entre vous connaissent peut-être les décisions prises par trois barreaux provinciaux qui ont rejeté la capacité des diplômés de la faculté de droit proposée de Trinity Western d'être autorisés à pratiquer dans ces provinces. C'était malgré l'approbation reçue par la Fédération professionnelle des ordres de juristes du Canada et le ministre de l'Enseignement supérieur en Colombie-Britannique, et malgré le fait qu'il est reconnu universellement que les diplômés de la faculté de droit de l'UTW auraient été pleinement qualifiés.
    L'unique raison de leur rejet, c'est que l'Université Trinity Western, en tant qu'université chrétienne et conformément aux points de vue de la plupart d'autres religions du monde, souscrit à la définition traditionnelle du mariage comme étant entre un homme et une femme. Bien sûr, ce point de vue est mentionné dans la Loi sur le mariage civil de 2005, selon laquelle « il n'est pas contraire à l'intérêt public d'avoir des opinions variées sur le mariage et de les exprimer publiquement ». Il semble que certains gouvernements, quasi-gouvernements et autres organisations et entités organisationnelles préfèrent faire fi de cet énoncé de principe important.
    À la fin novembre, ces questions portées devant les tribunaux seront encore une fois présentées devant la Cour suprême du Canada, malgré le fait que ce tribunal, devant des faits semblables liés à l'approbation de la faculté d'éducation de Trinity, a tranché en faveur de l'université en 2001. Dans cet arrêt, elle a présenté un certain nombre de déclarations judiciaires relatives à la motion 103. La première déclaration est ainsi libellée:
La diversité de la société canadienne se reflète en partie dans les multiples organisations religieuses qui caractérisent le paysage social et il y a lieu de respecter cette diversité d’opinions.
(1540)
    Voici une autre citation:
La liberté de religion [des étudiants qui fréquentent l'UTW] n’est pas respectée si son exercice entraîne le déni du droit à une participation pleine et entière dans la société.
    J'ai une dernière citation:
Force est de constater que la tolérance de croyances divergentes est la marque d’une société démocratique.
    Si les barreaux puissants peuvent faire de la discrimination à l'endroit des étudiants qui obtiennent un diplôme de Trinity Western, qu'est-ce qui peut arrêter d'autres organisations de le faire à l'égard de ses 24 000 diplômés ou plus et ses 300 membres ou plus du corps enseignant? De fait, c'est exactement ce qui s'est produit.
    Des exemples sont fournis dans le mémoire. De nouveau, je vais m'intéresser à un exemple en particulier. Au cours des derniers mois, un membre du corps enseignant de Trinity Western a présenté sa candidature à un poste dans une université publique. Le dirigeant du syndicat des enseignants de l'université publique a conseillé aux autres membres du corps enseignant de boycotter l'entrevue du postulant de Trinity Western uniquement parce qu'il venait de cette université. Il est alarmant de constater qu'on ne tient pas compte du concept bien établi des accommodements lorsque des autorités comme celle-là ou d'autres organisations se livrent à des réactions rapides et irresponsables à l'égard de valeurs sociales en transformation. C'est-à-dire que les gouvernements, les organisations et les personnes créent et appliquent une hiérarchie de la discrimination sans qu'il ne soit possible d'équilibrer les possibles intérêts conflictuels. Si le concept des accommodements est entièrement éliminé, c'est fait en faveur d'une hiérarchie immuable et préétablie. Essentiellement, on nous dit qu'au nom de la diversité, vous n'êtes pas les bienvenus. Au nom de la tolérance, nous ne tolérerons pas votre liberté religieuse. Vous devez vous conformer aux jugements moraux laïques de la société afin d'être en mesure de vous asseoir à la table du pluralisme.
    Votre comité a demandé qu'on fournisse des suggestions constructives concernant la mise en oeuvre par le gouvernement fédéral qui permettraient de réduire ou d'éliminer les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques. Permettez-moi d'en nommer trois.
    Voici la première recommandation. Inévitablement, si nous voulons retenir la mosaïque de personnes recherchées, équilibrées, multiculturelles et multireligieuses, la discrimination religieuse doit continuer de faire l'objet d'une étude attentive, de discours civilisés et de créativité au chapitre de la résolution de conflits. Je suis d'avis que la première étape consiste à promouvoir et à encourager des occasions utiles d'approfondir le dialogue, les relations et la compréhension raisonnée en plus d'y participer. Le gouvernement peut et devrait mener par l'exemple. Je crois qu'il serait prudent et positif d'assurer la consultation auprès d'organisations religieuses afin de comprendre la perspective des personnes religieuses au Canada. À cet égard, l'obligation de consulter serait appropriée. Dans une certaine mesure, cela permettrait de combler le fossé grandissant entre les communautés laïques et religieuses. C'est quand des gens dans des positions d'autorité ou de pouvoir n'écoutent pas ou ne consultent pas les personnes qui ont des convictions religieuses fortes — en plus de ne pas leur montrer de respect — que la discrimination religieuse surgit.
    La deuxième recommandation, c'est que, si on tient compte des répercussions des décisions sur les minorités religieuses, le concept des accommodements devrait être employé. Si notre pays doit établir un pluralisme sensé et véritable, son leadership doit s'engager à l'égard de l'accommodement des différences religieuses, plutôt que d'adopter et d'appliquer simplement les opinions de la majorité laïque.
    La troisième recommandation, c'est qu'on doit envisager la nomination d'un ombudsman. L'aide que celui-ci apporterait à l'égard du règlement des différends entre les gouvernements, les autorités, les institutions religieuses et les personnes permettrait d'améliorer la compréhension, le dialogue et la médiation, en plus de créer des solutions de rechange créatives en matière de règlement.
    En conclusion, Trinity Western et son personnel, ses étudiants et son corps enseignant font face à une discrimination financière, émotionnelle et systémique importante. La situation s'aggrave, et cela ne devrait pas être le cas.
    Mesdames et messieurs, ce n'est pas le Canada qui a, par le passé, ouvert les bras pour accueillir une grande diversité de gens de fois différentes. Ce n'est pas le Canada qui se targue d'être un pays de paix — un pays où les hommes et les femmes ayant des convictions religieuses profondes ne sont pas obligés de renoncer à leur foi comme condition de la citoyenneté à part entière. Nous sommes le Canada qui offre un refuge aux familles qui fuient la persécution religieuse —, un pays compatissant qui ne dicte pas la conformité, mais cherche plutôt la communauté dans notre diversité.
    Merci.
(1545)
    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant passer à M. Zuhdi Jasser, pour 10 minutes, puis je vous donnerai un avertissement à huit minutes.
    Merci, madame la présidente et chers membres du Comité permanent du patrimoine canadien, de tenir cette audience importante et de m'avoir invité. Je ne peux assez vous dire à quel point cette question est importante pour moi. Ceux d'entre nous qui se trouvent au sud de votre frontière savent que, les États-Unis ont été aux prises avec bon nombre de ces mêmes enjeux, depuis le 11 septembre, tout comme votre pays.
    Je suis président-fondateur de l'American Islamic Forum for Democracy. Comme vous l'avez mentionné, je m'appelle Zuhdi Jasser. Je suis aussi fils d'immigrants syriens. Ma famille a fui le régime Baath en Syrie au milieu des années 1960. La majeure partie de ma famille se trouve encore en Syrie, et je suis donc très au courant du sort des réfugiés et de notre famille.
    Ce à quoi je vais faire allusion aujourd'hui dans le peu de temps que j'ai — nous avons présenté mes commentaires complets aux fins de votre compte rendu, et je vous demande de bien vouloir les accepter —, ce sont les conséquences imprévues de la motion M-103. Elle a peut-être de bonnes intentions pour ce qui est de prévenir le sectarisme à l'égard des musulmans, mais puisqu'elle est formulée au moyen du terme « islamophobie », qu'elle examine vraiment les musulmans comme un modèle, je pense qu'elle causerait plus de tort que de bien. Je vais vous présenter ce que je considère comme certains de ses torts et ce qui, à mon avis, serait une meilleure approche par rapport aux questions qui devaient être soulevées dans la motion M-103.
    En tant que fervent musulman et musulman américain qui adore ma foi et mon pays, je dois vous dire que tout accent que l'on met sur l'islamophobie, ainsi qu'on l'appelle, est profondément boiteux et continuera d'entraîner nos pays sur la pente glissante consistant à répondre aux besoins du séparatisme islamiste. Je suis ici pour vous dire que le seul fait d'utiliser le terme islamophobie et d'amener le gouvernement à surveiller toute forme de discours finira paradoxalement par resserrer les divisions sociétales. Nous ne devons pas cajoler notre communauté musulmane, ce qui aurait uniquement pour résultat de séparer davantage les musulmans. Nous devons traiter celle-ci comme toute autre minorité, comme tout autre groupe ayant des griefs et tout autre groupe ayant besoin que l'on protège ses droits civils; mais le fait d'essayer d'éliminer ce qui peut être un discours douloureux au sujet de l'islam en marge de la société contribuera paradoxalement, dans les faits, à nourrir la conséquence imprévue de fomenter la peur de l'islam chez les non-musulmans.
    Les citoyens qui ne peuvent faire entendre leurs peurs réelles ni leur discours seront réprimés par le secteur public et étouffés; ce ressentiment aura uniquement pour effet de fomenter et d'exacerber en réalité le problème même et une des revendications que nous voulons régler.
    Permettez-moi de vous parler brièvement de notre organisation. Nous avons été fondés dans le sillage du 11 septembre dans le but qu'on sépare la mosquée de l'État. Nous croyons que la seule façon de vaincre la cause profonde de l'islam radical est de vaincre l'idéologie, l'idéologie non violente, de l'islam politique ou des mouvements identitaires de l'État islamique. Nous avons aussi aidé à fonder le mouvement de réforme des musulmans en décembre 2015 et nous comptons des membres partout aux États-Unis, au Canada et en Europe, y compris Raheel Raza qui, je crois, s'est adressé à votre comité avant moi.
    Nous sommes des réformistes, et je souhaite insister sur ce mouvement, parce qu'une bonne partie de ce que nous disons au nom des droits libéraux, des idées libérales, des droits des femmes, des droits des minorités parmi les musulmans est souvent considérée comme des propos blasphématoires par les régimes islamiques. Nos propos sont considérés comme hérétiques en Occident par des mosquées et comme « islamophobes » par des mosquées et des dirigeants, y compris de nombreux alliés de l'auteur de la motion M-103. Je vous dirais que l'islamophobie est une arme utilisée par les théocrates pour empêcher la liberté d'expression et empêcher la réflexion critique et la modernisation des idées qui créent la face cachée de l'Islam radical, en quelque sorte.
    En mettant de l'avant une résolution et un sentiment qui mettent l'accent sur l'islamophobie plutôt que sur le sectarisme qui existe assurément à l'égard des minorités — et je ne vous dis pas qu'il n'y a pas de sectarisme qui existe à l'égard des musulmans, des juifs, d'autres minorités dans l'ensemble de notre société que nous devons combattre —, mais en appelant cela « islamophobie », vous laissez essentiellement entendre que l'islam a des droits.
    L'islam est une idée, comme n'importe quoi d'autre. Il n'a pas de droits. Ce n'est pas une race et cela ne fait pas partie de ces formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques qui sont abordées par la motion M-103. Je vous dirais qu'il faut l'aborder de la même façon que l'antisémitisme. On n'aborde tout simplement pas la judéophobie. Vous abordez l'antisémitisme parce que c'est le sectarisme qui existe par rapport aux adeptes de la foi juive qui doit être vaincu. Au final, le sectarisme qui existe par rapport aux musulmans doit être vaincu, mais nous n'y arrivons pas en dissuadant les gens de mettre de l'avant les questions qui ont besoin d'être réformées et abordées, parce que les victimes principales, même en Occident, du fait que notre gouvernement aborde l'islamophobie et l'appelle ainsi seront les musulmans.
(1550)
    Lorsque le gouvernement vous demande de tenir compte du climat grandissant de haine et de peur et de le réprimer, je crois qu'il ne fait qu'empirer les choses, en empêchant que se tiennent les conversations difficiles que nous devons avoir.
    Lorsqu'il vous demande de condamner l'islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse et de prendre note de la pétition e-411, je vous dirai que le libellé de la pétition e-411 ressemble beaucoup au langage des théocraties de l'Iran jusqu'à l'Arabie saoudite et à d'autres, et cela va habiliter les chefs tribaux et les islamistes au sein de notre communauté.
    Ensuite, la motion M-103 vous demande d'entreprendre une étude de la façon dont le gouvernement devrait élaborer une approche pangouvernementale pour ce qui est de réduire ou d'éliminer le racisme systémique. Assurément, le gouvernement devrait s'occuper de protéger les citoyens individuels contre la haine et le racisme, mais il ne devrait pas s'occuper d'étudier des sentiments négatifs et positifs au sujet d'une confession ou d'une idée particulière.
    La motion vous demande ensuite de recueillir des données au sujet de rapports sur la haine et le crime. De nouveau, cela semble plutôt inoffensif, mais on devrait s'intéresser non pas simplement aux musulmans, mais à toutes les minorités et à tous les croyants, parce que lorsque vous excluez les musulmans, cela alimente le séparatisme.
    Un des défauts de la motion M-103, je crois, consiste à utiliser et à enchâsser le terme « islamophobie » dans l'autonomisation de l'ensemble des islamistes au pays et à l'étranger, ce qui nous marginalise, nous, les réformateurs, qui nous sommes engagés à travailler avec les libéraux et les conservateurs pour protéger les droits des femmes, les droits des apostats et des blasphémateurs et les droits d'autres personnes à qui les islamistes ne veulent pas accorder la liberté d'expression.
    La motion M-103 va donner aux islamistes un pouvoir par rapport aux réformateurs musulmans et permettre qu'ils nous appellent « islamophobes ». Je crois qu'elle infantilise les musulmans en les protégeant de façon disproportionnée par rapport à toute autre minorité ou communauté vulnérable au Canada. Je pense qu'elle va se retourner contre nous et finir par séparer les musulmans davantage en plus d'alimenter les deux extrêmes: ceux qui sont trop ignorants des réalités des communautés musulmanes et ceux qui pourraient blâmer l'ensemble de l'islam pour les actes de radicaux.
    La motion M-103 traite les musulmans comme un monolithe, et je pense que ce n'est pas sain. Fait plus important encore, je pense que ce mantra, ce langage va alimenter les torts qui seront causés aux progrès dans l'appareil de sécurité.
    Une de mes principales recommandations, c'est que vous recommandiez à votre gouvernement de passer de la LEV, la lutte contre l'extrémisme violent, à la lutte contre l'islamisme violent, parce que nous, les musulmans, pouvons seulement vous aider à contrer les idéologies radicales du wahhabisme, du salafisme djihadiste et de toutes ces choses que nos gouvernements n'ont pas voulu approfondir, et de s'éloigner de traques systématiques dans la sécurité nationale pour travailler contre les idées qui radicalisent les musulmans au sein de notre communauté, comme l'épouvantable misogynie, l'antisémitisme et d'autres choses prêchées depuis les tribunes qui radicalisent les gens et servent de précurseurs pour ce qui est d'entraîner les musulmans sur la voie de la radicalisation.
    Ces conversations ne pourront avoir lieu si la motion M-103, qui parle d'islamophobie, est mise en oeuvre parce qu'on verra alors toute discussion au sujet de l'islamisme ou de l'islam politique, qui est l'islam théocratique, ce que tout Américain pourrait comprendre, à mon avis, puisque notre pays a été fondé sur le principe de la lutte à la théocratie. Je pense que l'Occident comprend cette bataille. C'est simplement que l'islam a quelques centaines d'années de retard, puisque nous en sommes seulement à notre 15e siècle.
    Les recommandations que je vous présente sont, en premier lieu, de réagir également à tout sectarisme et racisme entre les confessions et les communautés raciales, sans accorder une importance disproportionnée aux musulmans.
    En deuxième lieu, de ne pas utiliser le terme « islamophobie ». S'il vous plaît, ne l'utilisez pas.
    En troisième lieu, la meilleure façon de faire disparaître tout sectarisme existant à l'égard des musulmans, c'est de nous fournir des plateformes afin qu'on puisse contrer le djihadisme et le salafisme, de sorte que les Canadiens puissent nous voir comme menant la bataille et voir à quel point nous sommes un atout pour ce qui est de contrer la menace. Le fait de permettre aux Canadiens de voir à quel point nous sommes essentiels pour contrer la soi-disant islamophobie ou le sectarisme aura beaucoup plus d'effets.
    En quatrième lieu, il s'agit d'adopter une approche pangouvernementale — telle qu'on la préconise — pour parler de « lutte contre l'islamisme violent » plutôt que « lutte contre l'extrémisme violent » et pour inclure un vaste éventail lorsque vous parlez de diversité dans notre communauté, pour inclure des réformistes et ceux qui s'opposent aux vieux mantras qui ont été fossilisés dans nos processus de réflexion.
(1555)
    Les deux dernières choses que je tiens à dire, puisque mon temps est presque écoulé, c'est qu'il faut arrêter d'interagir avec les groupes issus des Frères musulmans et comprendre quel est le problème dont personne n'ose parler, c'est-à-dire les gouvernements de l'OCI, les théocraties islamiques partout sur la planète qui ne veulent pas que les gens de votre pays critiquent l'islam théocratique.
    Merci de votre temps.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la deuxième partie de l'audience, c'est-à-dire la période des questions et des réponses. Les interventions de la première série seront de sept minutes. Les sept minutes incluent les questions et les réponses, alors je demande à tout le monde d'être le plus à propos et concis possible.
    Nous allons commencer avec M. Breton, des libéraux.

[Français]

     Bonjour à tous.
    Je vous remercie d'être ici aujourd'hui pour la poursuite de notre étude.
    Ma première question s'adresse à M. Mirakian.
    Si j'ai bien compris, vous représentez un organisme communautaire de défense des droits et des préoccupations des Canadiens d'origine arménienne. Votre organisation fait la promotion des droits de la personne au sein du public.
    Puisque vous vous intéressez aux droits et libertés, j'aimerais vous poser une question. Comment le gouvernement du Canada peut-il mieux assurer la protection des droits et libertés garantis par la Charte canadienne des droits et libertés?
(1600)

[Traduction]

    Merci. Je vais vous répondre en anglais parce que je connais mieux cette langue.
    Il y a environ quatre ans, le Comité national arménien du Canada a eu l'occasion de revoir son mandat. Nous y avons réfléchi pendant longtemps. Plutôt que d'être simplement un groupe qui fait connaître les enjeux d'intérêt pour les Canadiens d'origine arménienne, nous avons décidé de modifier le mandat et de dire que nous étions une organisation populaire de défense des droits de la personne qui défend les droits de la personne de tous les gens.
    L'une des raisons pour lesquelles nous avons pris cette décision, c'est que, dans un pays comme le Canada, nous reconnaissons qu'il est très important de défendre toutes les personnes qui sont victimes de diverses formes de discrimination ou de racisme ou dont les droits garantis par la Charte ont été bafoués.
    De toute évidence, nous avons un gouvernement, des tribunaux et tous ces genres de fonctions qui nous permettent de défendre les droits garantis par la Charte. On dirait peut-être que je me crois dans un conte de fées ou que j'ai la tête dans les nuages, mais je crois vraiment que les efforts d'éducation et de défense des droits déployés par les particuliers et les groupes sont très importants pour s'assurer que nous reconnaissons tous nos droits garantis par la Charte et que nous sommes tous prêts à les défendre, au besoin.
    Certains de ces droits sont assez clairs. Je ne crois pas que des gens vont m'enlever mon droit à un procès équitable ou à l'application régulière de la loi sans provoquer tout un tollé, mais d'autres droits sont moins clairs et exigent plus de sensibilisation et plus d'efforts si l'on veut les préserver.

[Français]

    Je vous remercie.
    Le 3 avril dernier, le Comité national arménien du Canada, soit le comité que vous présidez et qui représente aussi les communautés rwandaise, juive et ukrainienne, a publié une déclaration dans le cadre du mois de la commémoration.
    Pour quelles raisons le Comité national arménien du Canada a-t-il décidé de faire une déclaration au mois d'avril dernier?

[Traduction]

    Absolument. En avril 2015, la Chambre des communes a adopté la motion numéro 587, qui reconnaît le mois d'avril comme étant le Mois de la commémoration, de la condamnation et de la prévention du génocide. En avril 2016, nous avons participé aux efforts afin que diverses communautés se réunissent pour reconnaître à nouveau ce mois. Malheureusement, lorsque nous avons enfin été organisés, il était un peu tard.
    Cette année, heureusement, nous avons commencé très tôt, et toutes les communautés ont travaillé en collaboration pour commémorer cette motion très importante adoptée par la Chambre des communes en avril 2015 et pour reconnaître que, au Canada, avril est maintenant le Mois de la commémoration, de la condamnation et de la prévention du génocide.
    Chacune des collectivités a été victime précisément d'actes de génocides reconnus par le gouvernement canadien: l'Holodomor ukrainien, l'Holocauste juif, le génocide rwandais et le génocide arménien.
    Nous avons tous travaillé en collaboration, et c'est là l'une des façons dont les groupes de défense des droits peuvent s'unir pour surmonter les divisions entre les communautés. Nous partageons un intérêt commun en tant que Canadiens, et en tant que membres de ces communautés, nous faisons reconnaître ces choses pour prévenir de tels cas de discrimination systémique à l'avenir.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur Mirakian.
    Je me tourne maintenant vers vous, monsieur M. Kuhn. Je ne connais pas vraiment l'Université Trinity Western. Sauf erreur, vous avez dit qu'elle avait fait l'objet de discrimination religieuse. Je n'ai pas bien saisi ce que vous entendiez par là dans votre discours, que vous avez dû faire en très peu de temps. Est-ce bien ce que vous avez dit?
(1605)

[Traduction]

    Oui. Il y a des exemples dans mes documents de diplômés de l'Université Trinity Western qui, parce qu'ils fréquentaient une école chrétienne, ont été pris à partie, si je peux m'exprimer ainsi. Il y a la situation dont j'ai parlé, celle du professeur dûment qualifié pour postuler un emploi, mais qui a été boycotté par le syndicat des professeurs de l'université où il avait posé sa candidature. La situation plus générale et plus connue, c'est lorsque les barreaux refusent que les diplômés en droit proposés par l'Université Trinity Western puissent exercer le droit dans leur province. Ce sont les trois exemples que j'ai fournis.
    Il vous reste environ 30 secondes, monsieur Breton.

[Français]

    D'accord. Je vais revenir sur ce sujet plus tard, si j'en ai le temps.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à David Anderson, des conservateurs.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à remercier nos témoins d'être là aujourd'hui.
    Monsieur Jasser, j'aimerais commencer par vous. Pouvez-vous nous donner quelques renseignements sur la façon dont vous composez avec la prédication radicale tout en maintenant intacte la liberté d'expression? Avez-vous des recommandations à nous formuler à ce sujet? Nous avons écouté des témoins qui nous ont dit que nous devrions limiter la liberté d'expression, et d'autres, selon qui il ne fallait absolument pas y toucher. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
    J'ai seulement sept minutes, alors je vais vous demander de répondre rapidement.
    Je vous dirais qu'il ne faut absolument pas le faire. Il ne faut pas la limiter. Tous les régimes au Moyen-Orient sont la preuve que, lorsqu'on limite la liberté d'expression, les personnes visées passent dans la clandestinité. Ils vont continuer à prêcher comme ils veulent, mais ils ne seront plus soumis à l'effet antiseptique du soleil. Tout comme je ne veux pas que mon discours soit interdit par le faux argument qu'est l'islamophobie — c'est la même chose pour la critique de l'islam de quiconque —, eh bien, dans un même ordre d'idées, on ne peut mettre en lumière les radicaux et les surveiller que s'ils sont libres.
    Tant qu'ils ne prônent pas une violence immédiate et une violence contre des particuliers, notre Cour suprême a jugé qu'ils ont droit à la liberté d'expression, même le KKK y a droit, et je crois que la plupart des sociétés ont montré que, lorsqu'on limite cette liberté d'expression, on radicalise encore plus les personnes visées.
    Merci.
    Président Kuhn, je me demande... pouvez-vous me dire si vous croyez qu'il est juste d'obliger les organisations confessionnelles à être définies par des sources externes? Je crois connaître la réponse à cette question, mais est-ce juste que ce soit des forces et des sources externes qui définissent les institutions religieuses et les organisations confessionnelles?
    C'est une question très large, et je ne suis pas sûr de pouvoir y répondre de façon définitive sans donner un exemple précis. À certains égards, l'organisation doit être définie par certaines circonstances sociétales externes; à d'autres égards, comme je l'ai indiqué, l'obligation d'accommodement est fondée sur le besoin de trouver un équilibre entre les intérêts des entités de réglementation externes, peu importe l'entité dont il est question, et la communauté religieuse en tant que telle.
    En 2016, la Cour de l'Ontario a dit que la décision du Barreau du Haut-Canada ne respectait pas, en fait, le droit à la liberté de religion de l'UTW, mais que la violation n'était pas déraisonnable. Selon vous, si les tribunaux vont dans cette direction, alors quelles sont les limites qu'on peut imposer à cette notion de raisonnabilité? Dans quelle mesure peuvent-ils se rendre dans une communauté chrétienne, musulmane ou hindoue et dire: « Voici les lignes directrices, vous ne pouvez pas aller plus loin avec vos questions de religion »?
    Il y a beaucoup de jurisprudence à ce sujet qui concerne le fait de trouver un équilibre entre les droits au titre de l'article premier de la Charte. L'autre aspect de la question, c'est qu'on en revient aux accommodements.
    Il y a des options juridiques qui permettraient de trouver un juste équilibre concernant la notion de « raisonnabilité ». L'expression « raisonnable », comme c'est le cas de beaucoup d'autres termes de la langue française, peut avoir pas mal le sens qu'on veut bien y donner. Ce qui est raisonnable pour une personne ne l'est pas pour une autre, mais il y a des principes établis, comme celui des accommodements, qui établissent ce que signifie « raisonnable » dans des circonstances données. Assurément, les tribunaux pourraient tirer la conclusion que vous avez lue de la décision ontarienne et l'opposer à une décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, où l'enjeu de la libéralisation des valeurs sociales empiète généralement sur les points de vue religieux d'une organisation ou d'une communauté comme l'Université Trinity Western.
    Est-ce que la discrimination religieuse à laquelle vous êtes confrontés est systémique, ou croyez-vous qu'elle le deviendra? Notre motion parle de « discrimination systémique ». Je me demande si, de votre point de vue, elle est systémique ou non. Si tel est le cas, s'en va-t-on dans cette direction?
(1610)
    Selon moi, elle continue à gagner en force et présente un caractère systémique, en raison de la façon dont de multiples composants de la société ont maintenant adopté la terminologie qui est mal définie, comme la notion d'« inclusivité », qui, si elle n'inclut pas d'organisation religieuse, n'est pas inclusive elle-même. La notion d'inclusivité est utilisée dans la langue en état mal définie, et cela crée le potentiel de hiérarchisation des droits et de hiérarchisation des points de vue.
    La semaine dernière, un de nos témoins en est venu au point où il a dit essentiellement que, si des sentiments religieux sont blessés, on est allés trop loin. Pour ce qui est de l'islam, il s'agirait là d'islamophobie. Si quelqu'un a l'impression d'avoir été offensé, alors la personne qui l'a offensé est considérée comme islamophobe.
    Croyez-vous que nous pouvons aller aussi loin? Quelle est la différence entre protéger la liberté de religion et la protection des sentiments religieux? Dans d'autres pays, il y a des lois qui protègent les sentiments religieux, avec les mauvais résultats que l'on connaît.
    Avez-vous des réflexions à formuler à ce sujet? De quelle façon pouvons-nous protéger la liberté de religion à une époque où les sentiments des gens semblent aussi importants que tous les autres facteurs?
    Encore une fois, il faut trouver un juste équilibre, mais la loi est assez claire, et « aller trop loin », c'est tenir un discours haineux. Cependant, la liberté d'expression, comme on a entendu d'autres témoins le dire, doit être protégée de façon importante. Il faut trouver un juste équilibre entre ces préoccupations.
    Ma préoccupation est liée davantage au caractère systémique du problème, les situations où ce travail d'équilibrage n'a jamais eu lieu parce que cette idée de liberté de religion, ou de discrimination religieuse, n'a jamais été prise en considération dans le cadre de la création de cette hiérarchie des valeurs morales, qu'elles soient sociales ou autres... l'opinion majoritaire.
    M. Warawa a une question.
    Je veux poser une question rapide. Merci, madame la présidente et merci aux invités.
    Président Kuhn, l'école de droit que vous proposez à l'Université Trinity Western est accueillie par une opposition assez farouche: les trois barreaux et même la CIBC, l'une des plus grandes banques canadiennes.
    Croyez-vous que la diversité canadienne devrait inclure Trinity? Ces gens s'en prennent seulement à Trinity ou s'en prennent-ils essentiellement à la liberté de religion?
    Selon moi, ce n'est pas seulement le gouvernement qui doit trouver un juste équilibre; à ce niveau-là, la liberté de religion est protégée dans une certaine mesure par les lois en place... Vous savez, les solutions juridiques ne sont qu'une des façons dont une société peut gérer ses conflits entre une organisation religieuse ou un point de vue religieux et les normes sociales.
    Cependant, il y a beaucoup d'autres personnes, y compris des sociétés ou des organisations qui régissent les affaires des organisations religieuses indirectement ou directement, par exemple, une banque ou une autre société, qui ont la possibilité d'exclure les organisations religieuses de la table du pluralisme. Ces organisations ont la possibilité de baîllonner ceux qui ont des points de vue religieux et de les pousser en marge de la société lorsque ces points de vue ne sont pas conformes à ce que la majorité a exprimé grâce à une diversité de moyens, comme vous l'avez mentionné.
    Nous nous en allons vraiment dans cette direction.
    Merci, monsieur Kuhn.
    Nous allons maintenant passer à Jenny Kwan, des néo-démocrates.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à tous les invités du groupe, aujourd'hui.
    Je tiens à commencer par préciser quelque chose. C'est quelque chose qui revient presque périodiquement durant les réunions du Comité, soit que, pour une raison ou pour une autre, puisque le mot « islamophobie » est mentionné dans la motion, il est seulement question de l'islamophobie. Bien sûr, ce n'est pas vrai. La motion précise explicitement l'« islamophobie et toutes les formes de [...] discrimination ».
    Je veux le dire pour le compte rendu, afin qu'on comprenne bien ce dont nous parlons et ce que nous étudions, ici.
    J'aimerais poser ma question à M. Mirakian. J'apprécie vos commentaires, surtout lorsque vous avez indiqué avoir élargi la portée de votre organisation pour vous intéresser aux enjeux liés aux droits de la personne de tous les groupes. À cette fin, dans notre pays, nous avions un plan d'action national qui visait à s'attaquer à l'enjeu du racisme. Nous n'en avons plus.
    Pouvez-vous nous dire si, oui ou non, dans le cadre de l'étude, à ce moment précis de l'histoire, il est important pour nous de rétablir un tel plan national. Dans l'affirmative, quelles devraient être les composantes prioritaires du gouvernement dans un tel plan?
(1615)
    Je ne crois pas nécessairement être habilité à m'exprimer au nom de mon organisation sur cette question stratégique précise, mais je dirai qu'une des façons les plus importantes que nous pouvons utiliser pour protéger les droits de la personne et reconnaître ces droits, c'est lorsqu'ils deviennent une priorité du gouvernement. Lorsqu'un dossier n'est pas une priorité du gouvernement, c'est très difficile de prêcher dans le désert et d'être entendu, si on n'obtient pas de réaction ou d'aide du gouvernement relativement à ces sujets.
    L'un des points les plus fondamentaux, c'est que nos groupes s'efforcent de faire de ces choses des priorités du gouvernement, pas parce que, nous croyons pour une raison ou pour une autre que c'est important pour nous tout particulièrement, dans la mesure où nous pourrons en tirer un avantage personnel, mais parce que c'est bénéfique pour tous les Canadiens lorsque le gouvernement établit des priorités importantes pour l'ensemble de la population.
    Par exemple, combattre le racisme, la discrimination religieuse systémique ou toute autre forme de violation de la personne, quelle qu'elle soit, eh bien, ce sont des choses importantes, et le gouvernement devrait montrer qu'il a ce combat à coeur. Qu'il faille ou non dépenser beaucoup d'argent pour créer des plans d'action nationaux, je ne saurais vous dire, ou, assurément, je ne peux pas vous dire ce que mon organisation en pense — j'ai mes points de vue personnels sur ce sujet —, mais je crois que le gouvernement doit en faire une priorité, surtout à l'échelon fédéral; il doit dire que ces choses sont importantes.
    Pour la plupart des Canadiens, lorsque quelque chose devient un enjeu fédéral — c'est un sujet qu'on peut considérer comme un enjeu fédéral, la Charte relève assurément de la compétence fédérale —, ils commencent à en faire aussi une priorité pour eux.
    Merci.
    Vous avez mentionné qu'il est important pour le gouvernement de prendre le dossier au sérieux, et je suis moi aussi d'accord sur ce point. Pour ce qui est des genres de mesures que le gouvernement devrait prendre, je pose la question simplement pour me faire une idée de ce que les gens pensent. De quelle façon le gouvernement peut-il montrer qu'il prend cela au sérieux? Je ferais valoir qu'aller de l'avant et créer un plan d'action national serait une façon de faire, et ce plan porterait à la fois sur le racisme et la discrimination religieuse. En fait, je dirais qu'il faudrait s'attaquer à toutes les formes de discrimination.
    Il y avait, avant, un ministre du multiculturalisme au pays, mais il n'y en a plus. De ce point de vue, le rétablissement d'un ministère du multiculturalisme serait-il une façon pour le gouvernement d'indiquer qu'il s'agit d'une priorité pour lui et de s'attaquer au problème de la discrimination que nous constatons aujourd'hui dans nos collectivités?
    Il est important pour tous les ministères et tous les organismes du gouvernement de reconnaître que le Canada est un pays diversifié. Assurément, nous reconnaissons qu'il y a une diversité des genres et ce genre de choses, parce que nous sommes en 2016 ou peu importe.
    Dans un même ordre d'idées, je crois qu'il est important de reconnaître que le Canada est un endroit diversifié sur le plan culturel qui compte, non seulement des peuples fondateurs et les Autochtones — nos Premières Nations —, mais aussi des groupes qui sont arrivés au Canada, souvent en même temps que les peuples fondateurs, et qui ont leurs propres origines culturelles.
    L'une des choses que je recommanderais, et c'est quelque chose dont je peux parler, c'est qu'on entend souvent parler de lois visant à réduire la bureaucratie, et le gouvernement passe en revue beaucoup de lois et essaie d'éliminer les choses qui sont périmées ou la réglementation problématique. Selon moi, un jour, il faudra bien avoir une loi sur le multiculturalisme ou une loi visant à réduire la discrimination systémique. Il faut passer en revue toutes nos lois et éliminer les reliques d'une autre époque ou les choses qui ne reconnaissent pas de façon appropriée les communautés culturelles. Je crois que ce serait une très bonne première étape, plutôt que d'attendre le dépôt de dizaines et de dizaines de contestations fondées sur la Charte pour essayer de corriger le tir ou que des organisations de défense des droits frappent à la porte.
    Si nous mettions en place un comité dont les membres seraient chargés de passer en revue, minutieusement, certaines des lois et politiques en place — et les mandats de certains organismes — afin d'essayer d'éliminer certaines des causes profondes de la discrimination systémique, nous serions alors proactifs et pourrions régler le problème. Je crois que cela exercerait une influence réelle sur les gens aussi. Ce serait beaucoup moins dispendieux.
    Je crois qu'il est important de s'assurer d'examiner les lois antérieures ou passées de ce point de vue. En fait, en Colombie-Britannique, nous l'avons fait, ou l'opposition l'a fait, particulièrement sur la question de la discrimination ciblée dont était victime la communauté chinoise du Canada avant que nous ne présentions nos excuses. En fait, nous avons trouvé une grande quantité de documents reflétant des politiques et des lois discriminatoires adoptées en Colombie-Britannique. Je suis d'accord avec vous sur ce point.
    Pour aller plus loin, le gouvernement devrait-il examiner de ce point de vue toutes les politiques futures?
(1620)
    Absolument. Je ne saurais être plus d'accord avec vous.
    Nous allons passer à Arif Virani, des libéraux.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai quelques questions à poser à divers témoins. Je vais commencer par M. Mirakian.
    Merci beaucoup de votre témoignage. J'ai déjà travaillé en collaboration avec le ministre McCallum sur le processus de réinstallation des réfugiés, alors je remercie tout particulièrement la communauté canado-arménienne qui a fait de grands efforts pour soutenir la réinstallation des réfugiés au cours des deux ou trois dernières années.
    Pour ce qui est du renforcement des capacités communautaires, j'aimerais revenir à ce dont Mme Kwan et vous parliez. C'est quelque chose que nous avons entendu souvent dans le cadre de la présente étude du Comité. Nous avons entendu dire que, à une époque antérieure, Patrimoine canadien finançait en fait le renforcement des capacités communautaires, le développement communautaire pour des communautés individuelles.
    Pouvez-vous expliquer un peu plus en détail au Comité les raisons pour lesquelles vous croyez que ce serait utile, surtout pour les communautés plus récentes et les communautés de nouveaux arrivants qui sont moins bien établis actuellement au Canada?
    Bien sûr. Encore une fois, je ne veux pas donner l'impression que le financement est la solution à tous les problèmes, mais, assurément, le gouvernement a des outils qu'il peut offrir aux communautés afin que ces dernières puissent renforcer leur capacité et s'organiser de façon à n'être plus seulement des organisations qui visent à préserver leur propre culture. Autrement dit, le gouvernement doit être l'un des moteurs — que ce soit grâce à des moyens financiers, du mentorat ou la prestation d'un soutien — de la création d'outils à l'intention de ces communautés qui pourront défendre leurs intérêts au sein du grand public canadien et participer au sein de la société canadienne à de multiples enjeux.
    Pour être honnête avec vous, la communauté arménienne est établie au Canada depuis plus de 100 ans, et c'est seulement récemment que nous avons arrêté de nous limiter à défendre nos propres intérêts afin de pouvoir défendre les intérêts du public canadien dans son ensemble dans de multiples dossiers. Cette maturité n'est pas apparue du jour au lendemain. C'est arrivé parce que nous avons travaillé sur différents enjeux, comme, par exemple, le Musée canadien des droits de la personne, entre autres, mais aussi un dossier auquel nous avons participé en collaboration avec d'autres groupes et où nous avons bénéficié du mentorat d'autres communautés.
    Je crois que le gouvernement peut accélérer les choses en fournissant la capacité et les outils pour y arriver. Par exemple, on pourrait nommer un employé permanent responsable d'une communauté — ou même un employé à temps partiel —, ce qui, parfois, peut faire toute la différence, plutôt que de s'en remettre uniquement à des bénévoles. C'est dans une telle situation qu'une subvention du gouvernement, par exemple, peut entraîner d'importants changements pour une communauté de nouveaux arrivants au sein de laquelle les gens ont de la difficulté à s'intégrer à la société canadienne et n'ont pas nécessairement les fonds nécessaires. Ce n'est qu'une suggestion.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Kuhn, je m'adresse maintenant à vous. Merci d'être là et merci de votre témoignage.
    Je m'adresse à vous en tant que représentant d'une circonscription du centre-ville de Toronto, Parkdale—High Park. Les préoccupations qu'on me communique au sujet de votre institution ne concernent pas tant la discrimination religieuse telle que vous la percevez que le code de conduite lui-même. Ces préoccupations m'ont été exprimées par des chrétiens pratiquants qui fréquentent l'Église unie, dans ma circonscription, qui affirment tous vouloir protéger le christianisme, comme toutes les autres religions devraient aussi être protégées; la pierre d'achoppement, c'est le code de conduite en tant que tel et son rapport avec le fait que vous produiriez des diplômés en droit qui entreraient dans le domaine, passeraient l'examen du barreau dans les domaines du droit constitutionnel ou du droit lié aux droits de la personne et recevraient ensuite des clients de confessions, d'origines et d'orientations sexuelles différentes. De quelle façon exactement cela fonctionnerait-il?
    Cela dit, je tiens à préciser deux ou trois choses. Dans vos recommandations, vous avez affirmé croire que, en consultation avec les groupes religieux, il faut mieux comprendre la nature des groupes religieux et la façon de leur offrir des accommodements. Est-ce que je vous ai bien compris?
    Oui.
    Et cela s'appliquerait à tous les groupes religieux?
    Oui.
    Durant les audiences du Comité, nous avons aussi entendu le témoignage de différents groupes qui parlaient du besoin de faciliter un dialogue interconfessionnel, particulièrement à la lumière de l'augmentation du nombre de crimes haineux contre les groupes religieux, plus précisément les juifs et les musulmans, actuellement. Le dialogue interconfessionnel serait une façon d'accroître la communication et la compréhension entre les groupes. Une telle affirmation est-elle logique selon vous?
(1625)
    Oui. C'est quelque chose que je prône dans le mémoire que j'ai présenté.
    D'accord.
    Il me reste environ trois minutes et 40 secondes, peut-être deux minutes et 40 secondes, alors je vais passer à M. Jasser.
    Monsieur Jasser, comme Mme Kwan, je veux tout simplement préciser certains éléments de votre mémoire. Puis, si vous pouvez formuler un commentaire à la fin, ce serait parfait.
    Je dois avouer que, après avoir entendu des témoins au cours des huit dernières semaines, je trouve un peu étrange d'entendre dire que la motion et l'étude que réalise actuellement le Comité minent, d'une quelconque façon, la liberté d'expression et la liberté de parole, alors que nous accueillons des témoins de tout acabit qui, eux-mêmes, participent ici à un dialogue solide d'une grande portée et remettent en question beaucoup des notions que nous présentons. De notre point de vue, l'étude encourage le droit de parole plutôt que de le réprimer.
    Vous avez mentionné que Mme Raza est quelqu'un qui partage votre vision du monde, pour ainsi dire, dans la mesure où vous avez travaillé en collaboration avec elle. Il a été prouvé que Mme Raza continue de participer à certaines tribunes et certaines plateformes des médias sociaux, comme le site TheRebel.media, une entité qui a été rejetée par le chef de l'opposition officielle. Cependant, Mme Raza continue d'utiliser cette plateforme, qui a été décrite par d'autres témoins du Comité comme une plateforme qui sème la discorde.
    Vous avez dit avoir de la difficulté à définir la notion d'islamophobie. Je tiens à dire que, selon moi, nous passons beaucoup de temps à réfléchir à la terminologie plutôt qu'à nous attaquer à la cause profonde du problème. Un certain nombre de personnes nous ont dit — et je vous le dis en tant que député musulman — que personne n'a l'impression qu'il est problématique de remettre en question les principes fondamentaux d'une foi, de la même façon que je peux remettre en question les principes fondamentaux de la foi hindoue. Si les gens...
    Combien de temps reste-t-il, madame la présidente?
    Il reste 54 secondes, monsieur Reid.
    Pardonnez-moi, je vais vous dire combien de secondes il reste. Il vous reste moins d'une minute.
    J'allais vous le dire, mais j'ai été interrompue.
    Autant les gens peuvent remettre en question les principes de la foi hindoue, autant ils peuvent contester les principes de la foi islamique; mais c'est quand on en arrive aux insultes et aux menaces, voire à la violence ou à une fusillade dans une mosquée, que la plupart des gens considèrent que c'est de l'islamophobie.
    J'ai trouvé particulièrement blessant le point que vous avez soulevé au sujet de la pétition e-411 — je vais être honnête avec vous —, puisque 70 000 Canadiens l'ont signée, et que vous l'avez comparée à des prises de position théocratiques comme on en voit dans d'autres parties du monde. Je crois que la plupart des Canadiens trouveraient cela plutôt blessant, monsieur. Le fait que la pétition ait été présentée au Parlement sur avis unanime signifie, je crois, que la plupart des parlementaires jugeraient également cela blessant.
    J'aimerais rappeler ce que Mme Kwan a dit au sujet de l'objet de notre étude. Nous ne ciblons pas une seule religion, même si de précédentes motions ont déjà ciblé certaines religions, par exemple lorsque nous avons parlé spécifiquement des coptes qui avaient besoin d'une protection particulière, lorsqu'il a fallu circonscrire l'antisémitisme ou lorsqu'il a été question de discrimination contre les yézidis.
    Nous avons également eu à étudier la discrimination contre les Autochtones, les Noirs et les juifs, et je crois que cela constitue un volet important de la présente étude.
    Monsieur Virani, je crois que vous avez épuisé votre temps.
    Merci.
    J'invoque le Règlement, madame la présidente. Ce n'est pas la première fois que M. Virani fait cela. C’est dommage qu’il n’ait pas eu l’occasion de s’exprimer, mais nous aimerions accueillir ou demander à monsieur s'il serait prêt à nous envoyer une réponse écrite, que nous pourrions utiliser dans notre rapport.
    Je suis un peu préoccupé par le fait que... Je ne sais pas si M. Virani agit ainsi de manière délibérée ou non, mais l'on pourrait presque dire qu'il intimide les témoins, qu'il prend son temps pour leur faire la leçon, alors qu'ils ont bien voulu prendre de leur temps pour venir ici. Nous avons déjà vu cela avant.
    Si vous voulez que le témoin communique sa réponse, il nous resterait environ une minute. Si nous prenons cette minute pour discuter les uns avec les autres, nous n'aurons pas de temps.
    Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Jasser.
    Nous avons également fait savoir aux autres témoins qu'ils pouvaient nous communiquer leurs recommandations. J'aimerais que vous le leur fassiez savoir, vous aussi.
    Oui, il vous reste une minute. Je vais vous laisser une minute. Ensuite, si vous voulez aussi nous faire parvenir des recommandations par écrit, veuillez les envoyer au greffier.
    Merci.
    Merci de m'avoir invité. Je vais tenter de répondre du mieux que je peux.
    Premièrement, même si je reconnais que la résolution cherche à cibler toutes les confessions, il ne faut pas oublier qu'au départ, elle a été rédigée par la députée Iqra Khalid dans le sillage de la pétition e-411. Il n'y a rien de blessant à ce qu'un musulman vous dise que, dans d'autres pays qui ne sont pas des démocraties aussi libres que le Canada et les États-Unis, ces mêmes mots servent à décourager la dissidence des citoyens de ce pays. Ils ne sont pas emprisonnés pour avoir critiqué le président ou le roi. Ils sont emprisonnés pour avoir critiqué l'islam. Voilà pourquoi ça s'appelle l'islamophobie.
    Quand vous vous en prenez au travail de Raheel Raza, disant qu'elle a utilisé tel média et tel autre, plutôt que de parler de la teneur de mon discours et de son discours, cela prouve, je crois, la faiblesse de votre argument. Vous voulez tout simplement établir ma culpabilité par association, ce que vous prétendez être, en tant que musulman, de la bigoterie, alors qu'en fait, vous voulez tout simplement établir notre culpabilité par association, en raison de notre travail, lequel en fait, si vous regardez bien, cherche à éviter tout cela.
    Je crois que le critère de la démocratie et votre...
(1630)
    Monsieur, je crois que vous avez épuisé votre temps.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais finir ma phrase.
    Finissez-la rapidement, s'il vous plaît, si cela ne vous dérange pas, monsieur.
    Le critère de la démocratie n'est pas au centre de ce qui offense les gens bons et modérés. C'est ce qui l'entoure qui est le plus blessant, et c'est cela qui menace la liberté d'expression et la démocratie.
    Merci.
    Je tiens à remercier les témoins d'être venus ici aujourd'hui.
    Nous sommes arrivés à la fin de notre première heure. Nous allons bientôt accueillir un nouveau groupe de témoins et, avant de suspendre la séance, j'aimerais vous demander de réfléchir à la façon dont nous nous adressons aux témoins. J'aimerais rappeler aux membres du Comité de ne pas oublier que les témoins sont en fait nos invités. Je sais que c'est une question épineuse, mais nous devons surveiller notre langage, quand nous nous adressons à d'autres membres du Comité ou aux témoins. Merci.
    Je vais suspendre la séance pendant que le prochain groupe de témoins arrive.
(1630)

(1635)
    La seconde partie de notre séance est ouverte.
    Nous recevons dans le second groupe de témoins, M. Ahmed et M. Dahya de la Muslim Food Bank and Community Services Society. Nous recevons ensuite M. Singh, de la World Sikh Organization of Canada.
    Monsieur Singh, j'espère que tout va bien. J'ai entendu dire que vous aviez eu un accident de la route, la semaine dernière.
    En effet, je n'ai donc pas pu me présenter ici, mais cette fois-ci j'y suis, et tout devrait bien aller.
    Vous n'avez pas été blessé, vous n'avez pas de séquelles de l'accident? Vous allez bien...?
    Tout va bien.
    Bien. Merci.
    Voici le protocole. La Muslim Food Bank and Community Services Society aura 10 minutes. Vous pouvez vous partager ces 10 minutes ou laisser une seule personne les utiliser toutes. La World Sikh Organization dispose elle aussi de 10 minutes. Je vais vous donner un signal lorsque 8 minutes seront écoulées; vous saurez qu'il vous reste 2 minutes et que vous devez conclure. Merci.
    Nous devrions commencer par la Muslim Food Bank and Community Services Society.
    Monsieur Ahmed.
    Madame la présidente, honorables députés, c'est un grand privilège pour nous que de comparaître devant votre comité et de présenter une déclaration préliminaire au nom de notre organisation, la Muslim Food Bank and Community Services Society. Nous espérons sincèrement que cette déclaration aidera le Comité dans son importante étude des formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques.
    Notre déclaration d'aujourd'hui comportera quatre parties: premièrement, nous allons expliquer dans quel contexte notre organisation fonctionne afin de vous faire comprendre sous quel angle nous présentons notre déclaration. Deuxièmement, nous allons vous présenter notre opinion sur les causes systémiques du racisme, opinion fondée sur notre expérience du travail auprès des organismes communautaires. Troisièmement, nous vous présenterons une recommandation quant à la mesure qui aurait à notre avis la plus grande incidence sur ce problème. Pour terminer, nous allons vous soumettre quelques observations et réflexions pratiques supplémentaires que nous avons recueillies dans le cadre de notre travail dans la collectivité.
    Les activités de la banque alimentaire ne sont qu'un des volets de notre modèle d'activités, qui a évolué sur près de huit ans. La banque alimentaire pour les musulmans est issue de la banque alimentaire de Surrey, et vise à combler les besoins de clients qui suivent des régimes particuliers, par exemple, halal, casher, végétarien, végétalien, etc. Étant donné que notre clientèle est principalement composée de musulmans de toutes origines ethniques, nous ne sommes pas à proprement parler un organisme à caractère confessionnel et nous nous efforçons également de répondre aux besoins des familles appartenant à une autre foi ou à une autre communauté culturelle.
    La banque alimentaire est notre principale activité, mais, avec le temps, nous y avons ajouté cinq programmes de plus, à savoir le programme d'intervention ASPIRE, le travail auprès de prisonniers, le soutien aux jeunes, le soutien aux réfugiés et le renforcement des capacités communautaires. Il est important de souligner dès le départ que nous présentons notre déclaration dans une perspective communautaire. Cette perspective témoigne, plutôt que d'une analyse de grand volume de données statistiques nationales, de l'expérience concrète et localisée vécue par des milliers de Canadiens avec lesquels les membres de notre équipe ont interagi depuis la création de l'organisme.
    En élaborant nos programmes, nous nous sommes toujours conformés au principe qui suppose de tirer profit des services sociaux existants plutôt que d'en créer de nouveaux. Nous reconnaissons que la capacité des services sociaux n'est pas toujours utilisée de manière optimale. Il existe toujours un fossé au chapitre de l'accessibilité aux centres de prestation de services par les collectivités qui en ont besoin. Ce fossé n'existe pas dans l'espace physique; il prend plutôt la forme d'obstacles culturels, linguistiques et autres. Nous avons constaté que nos clients, en plus de la pléthore de problèmes de santé mentale découlant d'un traumatisme, souffraient d'autres problèmes de santé mentale et émotionnelle découlant de la discrimination raciale et religieuse.
    La triste nécessité de notre travail, c'est qu'elle nous met en relation avec de nombreuses personnes qui sont victimes de discrimination en raison de leur origine ethnique ou de leur appartenance religieuse. Nos équipes des programmes d'intervention et de soutien des jeunes ont régulièrement affaire à des gens qui ont vécu toutes sortes de violence, allant du racisme flagrant à une discrimination silencieuse et insidieuse. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
    Le programme ASPIRE est un programme d'intervention, et il est conçu comme un mécanisme visant à briser le cycle de la dépendance continue aux services des banques alimentaires. L'objectif est d'amener nos clients à devenir des citoyens canadiens autonomes et à retrouver leur dignité. Les intervenants qui ont l'expérience de notre banque alimentaire interviennent personnellement auprès des clients, les soutiennent et les mettent en lien avec les ressources communautaires et gouvernementales accessibles. L'objectif est de les intégrer sur les plans de l'éducation, de l'emploi et de la collectivité. Nos intervenants font souvent office de mentors et sont les premiers à leur offrir un soutien social lorsqu'ils sont victimes de divers incidents de discrimination raciale. Nos intervenants sont eux-mêmes soutenus par un groupe de travailleurs sociaux dûment formés.
    Ce groupe nous relate de nombreux incidents de discrimination raciale et de harcèlement visant en particulier les femmes musulmanes dans l'espace public. Les femmes musulmanes font aussi l'objet d'une discrimination dans le domaine de l'emploi, c'est-à-dire que celles qui portent le hidjab se font demander d'« enlever ça » pendant les entrevues. Nos dossiers comprennent des cas de discrimination, qui se manifestent aussi dans le processus de recherche de logement, puisque certains propriétaires semblent un peu trop curieux de savoir d'où vient la personne avant même de leur permettre de voir la propriété annoncée.
    Les participants à nos programmes de soutien des jeunes font état d'un niveau accru d'intimidation physique, d'exclusion et de cyberintimidation visant les jeunes musulmans. Cela se passe surtout en milieu scolaire. Ces cas nous éclairent, non seulement au sujet de la discrimination par d'autres étudiants, mais aussi de la discrimination par des enseignants qui singularisent nos clients et font des généralisations injustes.
    Les jeunes musulmans dont nous nous occupons sont régulièrement confrontés à l'islamophobie et à des discours anti-immigrants. Ces données incontestables confirment le fait que la discrimination religieuse existe bel et bien, dans notre société.
(1640)
    Les services de la banque alimentaire sont destinés aux personnes marginalisées sur le plan social, qui portent déjà le fardeau du traumatisme de la guerre, de la pauvreté, de la maladie, de l'incarcération, et ainsi de suite. À notre avis, en raison de cette marginalisation, dans les faits, nos clients sont tout désignés pour être exposés à la discrimination. Nous en sommes venus à cette conclusion étant donné du thème récurrent de leur parcours, selon lequel les auteurs de la discrimination les considèrent invariablement comme « les autres ». Nous en déduisons que le racisme est répandu là où il existe des obstacles sociaux et un manque de connaissance de l'autre. Toute tentative visant à extirper systématiquement le racisme et la discrimination est donc en soi un projet visant à mettre ou à remettre les gens en relation les uns avec les autres.
    Une autre des leçons tirées de notre travail, c'est que, dans le cas des nouveaux arrivants, mettre les gens en lien les uns avec les autres est une responsabilité bilatérale. Nous ne sommes pas en faveur de l'intégration forcée, mais le processus de maillage de liens ne pourra pas fonctionner si les nouveaux arrivants ne font pas eux-mêmes des efforts pour comprendre les nuances de leur nouvel environnement et reconnaître qu'ils doivent jusqu'à un certain point s'adapter. Nous ne voulons pas dire par là que les nouveaux arrivants ne sont pas prêts à le faire; nous disons plutôt qu'il serait possible de mieux harmoniser les services de soutien offerts afin de mieux les adapter à des nouveaux arrivants venant d'une multitude de collectivités, voire d'élaborer de nouveaux services là où un besoin pourrait être constaté.
    Un bon exemple de cela, c'est l'importance d'offrir aux réfugiés des services d'intégration dans leur langue maternelle plutôt que dans les langues officielles du Canada. Le programme des ateliers sur la culture du Canada doit constamment être revu, et il faut y inclure des sujets qui n'avaient pas jusqu'ici été jugés importants, par exemple les normes des responsabilités parentales, l'étiquette occidentale, l'interaction entre les sexes, et ainsi de suite.
    Le programme de renforcement des capacités communautaires de la banque alimentaire reconnaît la composante des problèmes de santé mentale causés par le racisme au sein des collectivités marginalisées, et il s'y attaque par exemple en organisant divers symposiums de formation sur la santé mentale dans la collectivité musulmane, où sont conviés des intervenants du domaine de la santé, des intervenants communautaires et des fournisseurs de services professionnels.
    Puisque notre temps est compté, nous avons déterminé la principale priorité qui, à notre avis, aurait la plus grande incidence. Disons-le platement, nous croyons que le gouvernement assurerait un financement plus efficace s'il versait les fonds directement aux organismes communautaires. Cela supprimerait l'un des principaux obstacles empêchant les organismes communautaires d'intensifier les retombées de leurs efforts déjà si précieux. Nous avons montré, dans notre mémoire, que les organismes communautaires occupent une position unique et avantageuse, par rapport aux organismes gouvernementaux ou aux ONG financées par le gouvernement, qui leur permet d'intervenir auprès des victimes et auprès des auteurs de discrimination raciale. C'est parce que la discrimination se manifeste invariablement là où différentes collectivités se rencontrent.
    Les organismes communautaires en question sont présents partout au Canada, et ils représentent une composante nombreuse, inexploitée, de la société; malgré leurs difficultés, ils peuvent servir à façonner et à exprimer la véritable identité canadienne. Bien que notre modèle d'exploitation soit fondé sur les besoins spécifiques d'une collectivité en particulier, nous croyons que nos programmes peuvent tout à fait être repris dans toutes les collectivités. Rien n'empêche que des organismes comme le nôtre existent dans diverses collectivités, d'un océan à l'autre.
    Toutefois, les organismes communautaires éprouvent bien des difficultés à accéder aux nombreuses sources de financement publiques déjà accessibles. En supprimant ces obstacles, on favoriserait très probablement la naissance de programmes similaires, dans toutes les collectivités du Canada. Les organismes communautaires ont un rôle à jouer dans cette entreprise, et nous croyons qu'un système de jumelage serait très utile à ce chapitre.
(1645)
    Nous avons d'autres recommandations à présenter.
    Notre travail auprès des réfugiés nous a enseigné que les traumatismes qui alimentent la marginalisation tiennent, dès le début et par la suite, à la mère. Les programmes visant des solutions systémiques devraient s'attacher à la mère ou au principal fournisseur de soins.
    Les programmes en anglais destinés aux nouveaux arrivants pourraient être plus solides si on y appliquait la lentille des droits de la personne en y intégrant d'autres sujets, par exemple la définition de la discrimination et les moyens de la reconnaître ou comment composer avec l'islamophobie dans des situations comme les entrevues, et ainsi de suite.
    Il faudrait étendre davantage le programme destiné aux travailleurs sociaux, aux enseignants, aux fonctionnaires et aux professionnels de la santé, pour aller au-delà de la simple sensibilisation vers des programmes de compétences culturelles afin qu'ils apprennent comment travailler auprès des immigrants et des réfugiés. Le programme sur la sécurité culturelle des Autochtones est un bon modèle de réussite de ce type d'éducation.
    Notre programme de sensibilisation touchant les prisonniers a également mis en relief la nécessité de mieux équilibrer le financement des aumôniers des prisons avec le profil démographique réel de la population carcérale de façon que les programmes offerts en établissement soient mieux soutenus et mieux intégrés, sur le plan social.
    Pour terminer, bien que nous discutions ici d'une motion présentée par le gouvernement, la vérité sous-jacente, c'est qu'il faut que les intervenants de tous les secteurs et de toutes les couches de la société travaillent de manière coordonnée pour repousser l'obscurité insidieuse du racisme au Canada. Je vous regarde, et je suis touché que des personnes aussi honorables que vous m'aient accordé leur attention. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité qui désirent mieux comprendre notre modèle et nos expériences.
    Nous espérons que notre mémoire contribuera à permettre au Canada de demeurer un phare de la diversité dans le monde.
    Merci, monsieur Ahmed.
    Monsieur Singh, vous avez 10 minutes.
    Merci. Bonjour.
    Je suis conseiller juridique de la World Sikh Organization of Canada. Nous sommes un organisme sans but lucratif de défense des droits de la personne, créé en 1984, et dont le mandat consiste à promouvoir et à défendre les intérêts des Sikhs du Canada ainsi que les droits de la personne pour tous, peu importe leur origine raciale, leur religion, leur sexe, leur origine ethnique ou leur situation sociéconomique.
    J'aimerais annoncer dès le départ que notre organisme soutient la motion 103 et croit qu'il est important de condamner l'islamophobie, le racisme et la discrimination sous toutes leurs formes. Étant donné l'augmentation marquée de la violence et de la discrimination contre les musulmans, nous estimons qu'il est approprié de dire nommément que l'islamophobie est un problème.
    En 2015, la motion 630, qui condamnait la montée de l'antisémitisme, avait été adoptée à l'unanimité. Nous croyons qu'il ne devrait pas y avoir de problème à condamner la montée actuelle de l'islamophobie.
    Nous avons pris note de l'opposition à cette motion, et nous la jugeons préoccupante. Nous croyons que, même si l'islamophobie devrait être clairement définie, il est inacceptable de ne pas condamner nommément les comportements antimusulmans. Le refus de s'attaquer à la montée des sentiments antimusulmans pourrait entraîner une marginalisation et une victimisation accrues des musulmans du Canada.
    Nous croyons que la définition de l'islamophobie proposée par la Commission des droits de la personne de l'Ontario est valable, et nous encourageons son adoption. La définition est la suivante: « le racisme, les stéréotypes, les préjugés, la peur ou l'hostilité à l'égard des musulmans. »
    Étrangement, la collectivité sikhe se retrouve aux premières lignes de l'expérience de l'islamophobie, puisque les Sikhs sont souvent la cible de ces attaques, malgré qu'il y ait erreur sur la personne. Dans la grande majorité des cas, ils sont insultés et raillés, mais ne signalent pas la chose. Les membres de mon organisation et bon nombre de membres de la collectivité sikhe, refusent toutefois de réagir en déclarant qu'ils ne sont pas musulmans, étant donné que la haine et la discrimination, qu'il y ait ou non erreur sur la personne, n'ont pas leur place au Canada.
    La collectivité sikhe du Canada a beaucoup évolué. De nombreux observateurs ont déclaré que toute leur histoire, de l'incident du Komagata Maru, en 1915, où les Sikhs se sont vu exclure en tant que collectivité, à leur situation actuelle est rien moins que remarquable. Il y a une génération seulement, la possibilité que des Sikhs puissent vivre au Canada, pratiquer leur religion, porter les articles de leur foi, tout en étant accueillis et acceptés, avait toutes les apparences d'un rêve.
    Malgré le fait que les Sikhs n'ont jamais été aussi bien vus au Canada, des cas de discrimination continuent à être régulièrement signalés. Tous les jours, une bonne partie de mon travail consiste à m'occuper de cas de discrimination et de racisme dont sont victimes les membres de la collectivité sikhe. Récemment, des vandales s'en sont pris aux gurdwaras et aux écoles sikhes. Nous avons appris que des Sikhs portant le turban avaient été attaqués. On nous a aussi signalé à plusieurs reprises que des affiches et des pamphlets antisikhs avaient été distribués dans les universités ou les quartiers.
    Nous voyons aussi toujours régulièrement des cas de discrimination contre les Sikhs en raison de leurs articles de foi, en particulier le turban et le kirpan. Ces dernières semaines, j'ai eu à m'occuper d'un passager sikh à qui on avait refusé l'entrée dans un autobus de la TTC parce qu'il portait le kirpan; de chauffeurs de camion sikhs qui faisaient l'objet de harcèlement et se faisaient dire qu'ils ne recevraient aucun service s'ils ne portaient pas de casque, dans un port, même si les autres employés n'en portaient pas; et même d'un jeune Sikh à qui un examinateur avait dit qu'il ne lui permettrait pas de passer son test de conduite tant qu'il portait son kirpan. Nous constatons que les jeunes Sikhs, et en particulier les étudiants internationaux, sont dans une mesure disproportionnée victimes de ce type d'incidents de discrimination. Il faut prendre des mesures pour que les étudiants étrangers connaissent leurs droits et reçoivent du soutien pour se défendre lorsqu'ils font face à la discrimination.
    Les Sikhs du Québec font face à certains défis uniques, touchant à leur identité physique. Le caractère séculier des francophones, la laïcité, veut faire disparaître de la sphère publique tous les symboles religieux, et cela n'est pas compatible avec le port des articles de la foi sikhe. Les tentatives visant à interdire l'expression religieuse, y compris le port de symboles ou de vêtements religieux, par exemple la défunte charte des valeurs ou le projet de loi 62, qui vient d'être adopté au Québec, est une source d'insécurité et a entraîné une augmentation des préjugés contre les minorités religieuses visibles, y compris la minorité sikhe.
    La laïcité est d'une importance absolue, puisqu'il faut ne favoriser aucun groupe religieux et garantir l'égalité de tous; cependant, bien que notre sphère publique doive rester neutre en matière religieuse, la laïcité n'exige pas que toute expression religieuse soit bannie. Nous devons nous assurer que le modèle ouvert et équitable de la laïcité est protégé partout au Canada.
    En ce qui a trait aux solutions ou suggestions pour la lutte contre la discrimination, nous croyons que les chiffres et les statistiques sont des outils essentiels. Nous avons entendu en passant que six étudiants de la région de Peel avaient vécu des problèmes en raison de leur identité sikhe. En 2011, nous avons donc entrepris une première enquête auprès de plus de 300 étudiants de cette région, et nous avons appris que plus de 40 % d'entre eux avaient fait l'objet d'intimidation en raison de leur identité sikhe. Ces données nous ont incités à travailler en plus étroite collaboration avec la commission scolaire du district de Peel pour chercher des solutions à ces problèmes.
    Notre sondage de 2016, mené auprès d'environ le même nombre d'étudiants, a révélé que le nombre d'étudiants signalant avoir été intimidés avait chuté à 27 %. C'est une baisse importante. Sans l'aide de ces chiffres et de ces statistiques, nous n'aurions pas cerné l'étendue du problème, et nous n'aurions pas su aussi clairement ce que nous avions à faire
(1650)
    Bien que nous puissions recueillir, au Canada, des statistiques relatives aux crimes haineux, nous nous ferions l'écho de la suggestion du CIJA, selon laquelle le gouvernement devrait établir des lignes directrices et des normes nationales uniformes touchant la collecte et le traitement des données sur les crimes et les incidents haineux. Le gouvernement devrait aussi recueillir des données sur les droits de la personne auprès des organismes et des services gouvernementaux.
    La forme la plus discrète de discrimination à laquelle nous devons nous attaquer, c'est l'absence de représentation des minorités au sein des conseils d'administration et des institutions. Nous devons chercher à savoir comment les minorités sont représentées et recueillir des données si nous voulons nous attaquer de manière appropriée aux problèmes sous-jacents.
    Enfin, l'un des meilleurs moyens de combattre les préjugés et les stéréotypes, c'est l'engagement, et c'est ce que nous recommandons. Quand nous nous engageons et que nous posons des questions à nos voisins, nous créons des relations et nous combattons l'intolérance.
    En septembre 2016, lorsque des affiches avec le slogan « F--k Your Turban » ont été posées sur les murs de l'Université de l'Alberta, nous avons réagi en organisant l'événement « Turban, Eh! », avec nos partenaires de la collectivité, et tous ceux que le turban intriguait ont été conviés à voir comment on le nouait. L'événement a eu un énorme succès, et, à la Fête du Canada, en 2017, nous en avons organisé un partout au Canada, à Ottawa, à Edmonton, à Calgary et à Abbotsford, avec l'aide des Fondations communautaires du Canada. Ces événements ont eux aussi connu beaucoup de succès et ont ouvert la voie à une bonne volonté incroyable et à des relations positives. Ils nous ont procuré un espace accueillant et sûr dans lequel nous avons pu communiquer avec les autres et discuter avec eux.
    Les préjugés, la discrimination et le racisme se nourrissent de l'ignorance. La solution est de repousser cette ignorance grâce à l'engagement. Nous encourageons le gouvernement à favoriser la création d'espaces et l'organisation d'événements grâce auxquels nous pouvons communiquer avec nos voisins, peu importe leurs antécédents, leur culture ou leur foi, et leur poser des questions afin d'apprendre.
    Pour finir, notre organisation soutient tous les efforts visant à combattre l'islamophobie, la discrimination et le racisme. Nous croyons que les outils que nous avons suggérés — à savoir les statistiques et les données, de même que les possibilités d'interagir avec les autres — feront une différence notable.
    Voilà ce que nous avions à proposer. J'ai bien hâte de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Passons à la deuxième partie de la séance, la période de questions et de réponses.
    Vous avez sept minutes pour poser vos questions et écouter les réponses. J'aimerais que nous ayons le temps pour deux périodes de questions, alors je me montrerai très intransigeante.
    Commençons la période de questions avec Mme Anju Dhillon, du Parti libéral.
    Anju, ne dépassez pas sept minutes, s'il vous plaît.
    J'aimerais remercier l'ensemble de nos témoins et tout le monde d'être venus ici aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à la WSO.
    Depuis le 11 septembre, combien y a-t-il eu de cas d'agressions documentés contre des Sikhs?
    C'est une bonne question. Nous n'avons pas recueilli des données sur tous les incidents, mais je peux vous dire que, parmi les plus récents cas médiatisés, il y a eu l'agression d'un homme sikh à Québec en avril 2016 et une agression contre un homme sikh à Yonge-Dundas Square le 20 octobre 2016.
    En vérité, des incidents sont même signalés sur Facebook. Par exemple, il y a un mois, nous avons appris qu'un incident était survenu dans le stationnement d'un Walmart à Brampton, où un homme s'est fait arracher son turban. Ce n'est pas le genre de chose qui fait l'objet d'une couverture massive, mais nous remarquons tout de même ce genre d'incident.
(1655)
    Vous avez recueilli des données en 2011 et en 2016 par l'intermédiaire de sondages dans la municipalité régionale de Peel. Seriez-vous en mesure de les faire parvenir au Comité?
    Absolument. Vous pouvez les trouver sur notre site Web, mais je serai heureux de les faire parvenir au Comité également.
    Oui, s'il vous plaît. Ce serait mieux que vous communiquiez l'information.
    Je n'y manquerai pas.
    La WSO a-t-elle entrepris des activités de sensibilisation relativement aux Sikhs agressés ou qui se sont fait arracher leurs symboles religieux?
    Quand ce genre de choses arrivent, nous avons une forte présence dans les médias, et au sein de notre propre communauté, nous enseignons aux gens comment réagir à ce genre d'incidents.
    Après le 11 septembre, on nous a signalé régulièrement des incidents où des gens se faisaient traiter de « Osama ben Laden ». En vérité, la meilleure façon de régler le problème est de communiquer. C'est ce que nous avons constaté, vraiment. Si vous pouvez communiquer avec une personne et lui expliquer pourquoi vous portez le turban et que vous êtes vraiment un Canadien... Notre communauté vit ici depuis beaucoup plus d'un siècle. Je suis né et j'ai été élevé ici, et mon père est arrivé il y a plus de 50 ans. La meilleure réaction que nous pouvons avoir face à ce genre d'incidents, honnêtement, est d'expliquer aux gens et de leur faire comprendre que nous faisons partie de leur collectivité.
    En outre, nous avons expliqué très clairement à notre communauté — et celle-ci était tout à fait d'accord — que nous ne pouvons pas réagir à ce genre d'incidents en disant que nous ne sommes pas des musulmans. Ce n'est pas la bonne chose à faire, parce que le fait d'être musulman ou pas ne justifie pas ces agressions. Donc, nous avons surtout axé nos efforts sur l'éducation dans notre communauté.
    Nous organisons aussi des événements comme Turban, Eh! afin de créer un espace positif pour que les gens puissent poser des questions. J'ai rencontré des gens qui connaissaient des Sikhs depuis de nombreuses années et qui n'avaient jamais posé ce genre de question. « Pourquoi portez-vous un turban? Quelle est sa signification? » C'est donc très important de créer un espace pour cela.
    Ce qui se passe avec le port concerne le gagne-pain des gens, leur emploi. Le fait de faire preuve de discrimination à l'endroit d'une personne parce qu'elle porte un turban et de lui interdire de se trouver au port ou d'y travailler... La WSO a-t-elle fait quelque chose pour s'opposer à cela? Avez-vous connu des réussites au Canada?
    Cette situation n'est toujours pas réglée. J'ai porté la décision de la Cour du Québec contre les camionneurs sikhs à l'attention de nos députés. Le mois dernier, j'ai présenté une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne, puisque c'est une question de compétence fédérale. Une personne est allée prendre des photos au port de gens qui ne portaient pas leur casque, et même la dame qui lui a dit qu'il devait porter un casque n'en portait pas.
    Donc, nous sommes en cours de processus, mais j'encouragerais le gouvernement à nous aider avec cette situation, puisqu'il s'agit d'une question de compétence fédérale.
    Par rapport à l'emploi — vous avez parlé de cadres et d'autres postes de direction —, y a-t-il eu beaucoup de plaintes de gens qui n'ont pas obtenu un emploi à cause de leur apparence?
    C'est un peu plus difficile de cerner ce genre de cas de discrimination. Si vous n'êtes pas engagé parce que vous portez un turban, personne ne va vous le dire de nos jours. Vous n'avez pas été choisi parce que vous n'étiez pas la bonne personne pour le poste ou peut-être parce que votre entrevue ne s'est pas très bien déroulée. Dans la plupart des cas, ce ne sont que des excuses. Nous croyons qu'il devrait y avoir une plus forte représentation de Sikhs et de groupes minoritaires en général dans les postes de direction, et je crois que des données à ce sujet pourraient nous aider à cerner le problème et à trouver des solutions.
    Diriez-vous que le gouvernement devrait combattre la discrimination systémique tant religieuse que raciale?
    Encore une fois, avant tout, les deux outils que j'ai recommandé d'utiliser sont les données et les statistiques. Il faut que nous puissions consulter les chiffres. Des statistiques sur les crimes haineux recueillies de façon uniforme, comme cela a été recommandé, seraient aussi utiles. Les chiffres sont la clé du problème. Je n'aurais pas pu travailler avec la commission scolaire de la municipalité de Peel pendant les cinq dernières années si je n'avais pas eu accès aux chiffres dans le rapport sur l'intimidation. Selon nous, les statistiques mènent à la prise de mesures actives pour corriger la situation.
    Il faut aussi encourager et soutenir les activités communautaires où les gens peuvent interagir. L'événement Turban, Eh! était soutenu par les Fondations communautaires du Canada, un réseau qui jouit du soutien du gouvernement fédéral. La bienveillance générée par l'événement était formidable.
    Vous avez mentionné qu'il est très important de permettre aux gens et aux organisations de nouer des liens. Travaillez-vous avec d'autres organisations religieuses, peu importe lesquelles?
    Oui. Nous collaborons avec plusieurs autres organisations interconfessionnelles, et nous travaillons avec nos partenaires communautaires de divers groupes religieux. J'ai eu l'honneur d'être le coprésident du Cabinet of Canadians, organisé par Cardus. Des groupes religieux de partout au Canada étaient invités. Nous avons travaillé avec la Conversation Interreligieuse Canadienne, un groupe interconfessionnel dont les activités touchent l'ensemble du Canada.
(1700)
    Merci.
    Je vais poser ma prochaine question aux messieurs de Muslim Food Bank Community Services.
    Vous avez dit que les immigrants se sentent isolés à leur arrivée. Ils ont l'impression d'être différents de tout le monde. Que fait votre organisation pour soulager un peu leur solitude?
    L'un de nos programmes concerne l'interaction culturelle. Nous organisons des ateliers où nous invitons des gens de la localité qui appartiennent à une culture donnée et nous tenons un événement de rencontres sociales — si je peux dire — pour accueillir les nouveaux arrivants dans la société et pour les aider à nouer des liens avec les organisations communautaires qui pourront les aider.
    Avez-vous quelque chose à ajouter?
    Oui. Quand les réfugiés arrivent ici, nous leur offrons un panier de bienvenue, peu importe leur pays d'origine ou leur religion. Ce panier de bienvenue est rempli de documents pour les encourager à communiquer avec l'organisation. Nous avons également un travailleur social qui fera une évaluation des besoins maternels lorsqu'il y a des bébés, et, ensuite, nous allons fournir, au besoin, des articles pour bébés et des articles de toilette.
    En établissant ce genre de liens dès le départ, en commençant à construire la relation dès leur arrivée au pays, des relations qui vont durer longtemps, je crois que nous réussissons à les aider à s'intégrer un peu plus rapidement dans la collectivité.
    Merci beaucoup. Nous avons dépassé le temps.
    La parole va à Scott Reid, du Parti conservateur.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Singh, pourriez-vous épeler Turban, Eh! pour moi?
    Bien sûr. C'est « Turban », puis « Eh ».
    D'accord.
    J'ai entendu le mot « aid ». Pendant que vous et les autres témoins parliez, j'essayais de faire une recherche sur mon iPad, et je suis tombé sur un article de Nouvelle-Zélande à propos d'un Sikh qui a aidé une personne blessée en retirant son turban de façon à en faire un garrot pour arrêter l'hémorragie. Faites la même recherche sur Google, vous tomberez probablement sur le même article. Donc, merci. Je vais faire la bonne recherche plus tard, après vous avoir posé mes questions et terminé notre discussion.
    Vous avez mentionné un incident où on a utilisé l'excuse des casques de protection pour empêcher un Sikh d'accéder à un chantier, même si personne n'en portait. Que faites-vous lorsqu'il s'agit de milieux de travail où le port du casque de protection est une mesure de sécurité, au même titre que les gilets réflecteurs et les bottes à embout d'acier? Comment réglez-vous la situation, en général?
    C'est une bonne question.
    Je crois, vous savez, que la communauté sikhe sait se montrer très raisonnable à l'égard de ce genre de choses. Lorsqu'il y a un risque véritable de traumatisme crânien — en particulier lorsque la personne n'assume pas exclusivement le risque, mais occupe un poste qui pourrait avoir un impact sur les autres —, il faut porter un casque protecteur. Dans le cas contraire, si la personne refuse de le faire, elle doit être affectée à un poste où cela n'est pas nécessaire.
    Cependant, lorsqu'on demande à une personne précisément de porter un casque protecteur, même lorsque les gens autour n'en portent pas, c'est un peu comme de l'intimidation. C'est de la discrimination, et nous avons déjà vu ce genre de chose. Le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario a conclu de façon claire, dans la décision Loomba, que vous ne pouvez pas demander à une personne en particulier de porter quelque chose si personne d'autre ne le fait. Il s'agissait de postes de pesée où il n'y a rien qui peut vous tomber sur la tête, et ces personnes ont déclaré de façon très raisonnable qu'elles peuvent rester dans leur cabine et ne pas avoir à sortir de leur camion.
    Je pense qu'il y a un manque d'éducation dans ce genre de situation, et il faudrait vraiment régler cela.
    La décision Loomba que vous venez de mentionner, s'agit-il essentiellement d'une ligne directrice sur le caractère raisonnable d'une situation où il n'est pas nécessaire d'appliquer les règles de sécurité, ou est-elle purement axée sur, disons, l'intimidation?
    La décision Loomba est une décision partielle, et la question à trancher était spécifiquement de savoir si quelqu'un avait été ciblé en particulier alors que les autres ne portaient pas le casque et si cela était acceptable ou non. Le tribunal a conclu que ce n'était pas acceptable.
    Par exemple, au Royaume-Uni, les Sikhs sont exemptés de façon générale sur les chantiers de construction de porter un casque. Je crois que c'est quelque chose à prendre en considération, mais comme je l'ai dit, les Sikhs savent se montrer raisonnables dans les situations où le port du casque de protection est obligatoire. Cependant, dans bon nombre de cas, on applique ce genre d'exigence à tout vent sans avoir vraiment analysé la situation.
(1705)
    J'aime ce genre de discussion pratique, c'est très utile. Il y a quelques années, nous avons tenu le même genre de discussion à propos du premier Sikh à se joindre à la GRC: une solution pratique a été trouvée, soit de créer un turban qui fasse partie de l'uniforme. Cela a vraiment réglé le problème, ce qui montre qu'il y a toujours une solution pratique pour régler ce genre de problème. Il faut simplement savoir aborder la question de façon pratique. Je trouve que c'est une bonne chose.
    Vous avez parlé d'incidents haineux contre les Sikhs dans la municipalité de Peel. Il y a un certain nombre d'organisations qui recueillent des données à l'échelle du pays. J'imagine que c'est aussi ce que vous faites, que vous ne vous contentez pas de recueillir des données dans la région de Peel.
    L'étude sur l'intimidation scolaire avait été faite dans les écoles de la commission scolaire de la municipalité de Peel.
    D'accord.
    Nous l'avons aussi fait à Surrey. Nous nous sommes surtout intéressés à ces deux grands centres urbains, puisque c'est là qu'il y a beaucoup de membres de notre communauté. En 2011, nous avons été surpris de constater que 40 % des enfants affirment avoir été victimes d'intimidation parce qu'ils sont Sikhs.
    Était-ce pire à Peel qu'à Surrey?
    Au départ, ça l'était. Dans le dernier sondage que nous avons mené à Surrey, c'était 32 % des enfants sikhs de la ville qui affirmaient avoir été victimes d'intimidation, et ce pourcentage est maintenant de 27 % à Peel. Toutefois, nous travaillons depuis cinq ans avec les responsables de Peel dans le cadre de diverses initiatives.
    Il est vraiment utile que vous nous orientiez vers ces pages. Je pense que la raison pour laquelle il a été mentionné que vous deviez nous orienter vers cette décision, c'est qu'il s'agit vraiment de la façon dont nous devons travailler afin de transformer vos renseignements en données probantes. S'ils ne sont pas intégrés dans nos données probantes par ce genre de voies, il est plus difficile pour nous d'en tenir compte dans notre rapport, alors je comprends cela.
    Une dernière chose, c'est que vous avez mentionné que vous condamniez toute réticence... ou que vous rejetiez toute réticence à condamner une activité antimulsumane. Je devrais souligner le fait que, même si le terme « islamophobie » suscite des préoccupations au sein de mon parti, nous insistons sur le fait qu'il n'y a rien de mal — en effet, c'est essentiel — à condamner une activité antimulsumane. Nous avons des préoccupations au sujet de l'absence actuelle de définition du mot « islamophobie », dans la motion 103, et le Comité ne s'est effectivement pas entendu sur une définition unique, et c'est le problème auquel nous faisons face.
    Pour être clair, l'activité antimulsumane, antisikhe et antisémite, c'est mal. Certaines de ces activités sont criminelles — et devraient l'être —, si elles s'accompagnent d'actes violents, et devraient être condamnées sans équivoque, et peut-être punies plus sévèrement qu'elles ne le sont actuellement. Je voulais seulement que cela figure au compte rendu.
    Laissez-moi m'adresser à nos témoins de la banque alimentaire. Vous avez mentionné très rapidement quelque chose au sujet d'un manque d'aumôniers carcéraux qui représentent toutes les personnes qui ont besoin de recevoir des services. S'agit-il d'un problème qui existe dans le système fédéral et qui, à ce stade, n'a tout simplement pas été réglé? C'est quelque chose que nous pourrions facilement inscrire dans notre rapport.
    Oui. D'après notre expérience, ce problème n'est pas réglé pour l'instant. D'un point de vue strictement musulman, si nous prenons le pourcentage de détenus qui se déclarent musulmans, nous constatons qu'à l'échelon fédéral, le nombre d'aumôniers musulmans est en fait très peu élevé, en comparaison. Par ailleurs, le service qui est offert n'est pas adapté à la culture. Il s'agit de notre expérience, jusqu'ici, dans le cadre du travail que nous faisons.
    Merci, monsieur Reid.
    Maintenant, je passe à Jenny Kwan, pour les néo-démocrates.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie tous nos témoins de comparaître aujourd'hui. Tout d'abord, je vais m'adresser à nos amis de la banque alimentaire afin de leur poser des questions, puis je passerai à la vidéoconférence avec M. Singh.
    Monsieur Ahmed, vous avez mentionné que, dans le cadre de votre expérience, vous avez vu des incidents où des femmes — plus particulièrement des musulmanes — ont été victimes de discrimination. Nous connaissons des succès et des échecs relativement à la question de la collecte des données, actuellement. Selon moi, il y a une importante sous-déclaration. Pensez-vous que le gouvernement devrait entreprendre un processus dans le cadre duquel il mobiliserait des organisations comme la vôtre et d'autres ONG de partout au pays afin qu'elles travaillent en collaboration avec lui pour recueillir ces données afin que nous ayons une meilleure idée de ce qui se passe vraiment?
(1710)
    La réponse courte est « oui », mais je voudrais ajouter que, si nous faisons cela — et je pense que c'est une bonne idée —, des paramètres très clairs doivent être établis relativement à la définition que nous donnons aux termes « discrimination » ou « islamophobie », ou du point de vue de ce qui est déclarable et de ce qui ne l'est pas. Je pense que l'idée de le faire à l'échelon communautaire est très importante, car c'est inévitablement là que les liens se tissent et que les gens se sentent à l'aise.
    Je vais utiliser l'exemple du cas d'une Syrienne que nous avons eu récemment, où, en raison de ses antécédents culturels, la personne se sentait tout à fait mal à l'aise de se confier à un policier. Comme, dans sa culture, en Syrie, les policiers ne sont pas considérés comme des alliés, elle se sentait absolument embarrassée à l'idée même de signaler le problème parce qu'elle avait l'impression que ce n'était pas une chose à dire. Je pense que les organismes communautaires ont certainement un rôle à jouer à cet égard, mais, comme je l'ai dit, en fonction de lignes directrices très claires régissant la collecte de ces données, et ce, dans toutes les collectivités.
    Merci.
    Je vais passer à M. Singh.
    Concernant votre sondage... vous venez tout juste de parler du sondage qui a été mené dans la collectivité de Surrey ainsi que dans la région de Peel. Tout récemment, notre chef — le chef du NPD, Jagmeet Singh — a aussi vécu une situation de discrimination et de haine à son endroit. La vidéo est devenue virale, et de nombreuses personnes l'ont vue, et il a réagi à cela d'une manière que nous avons tous beaucoup admirée, face à une telle situation.
    À cette fin, pour ce qui est de tenter de faire face à des situations comme celle-là et d'établir une stratégie pour l'ensemble du pays, quel genre de recommandation adresseriez-vous au gouvernement à l'issue de notre étude? Comment devrions-nous traiter la discrimination systémique, fondée sur des motifs raciaux et religieux? Comment pouvons-nous sensibiliser le public? Comment pouvons-nous régler cette situation d'une façon plus efficace que nous ne l'avons fait jusqu'ici?
    Encore une fois, je vais revenir à mes deux recommandations. La première, ce sont les statistiques et les chiffres. Je n'arrête pas de parler du conseil scolaire du district de Peel, parce que je pense que ses responsables font du bon travail. Ce qu'ils ont commencé à faire, c'est recueillir des données sur le nombre de personnes issues de minorités religieuses ou ethniques qui occupent des postes à l'échelon supérieur. Combien sont des directeurs? Combien occupent un poste à un autre échelon qui est supérieur? Le fait de disposer de ces données [Difficultés techniques].
    Y a-t-il du son?
    Une voix: Non, il n'y a rien.
(1715)
    Je pense que nous allons peut-être tout simplement devoir poursuivre et poser des questions aux représentants de la Muslim Food Bank Community Services Society.
    J'ai déjà posé une question à M. Singh, et je me demande si nous pourrions demander au bureau du greffier de le joindre afin qu'il nous présente quelque chose par écrit en réponse à cette question.
    Madame la présidente, peut-être que, si d'autres députés ont des questions à adresser à la WSO, ils pourraient les soumettre par écrit au greffier également.
    Je suis certaine que nous pouvons faire cela. Ce sera facile.
    Merci, madame la présidente. Ce serait formidable, car j'avais une deuxième question sur les conséquences de la discrimination sur l'économie des communautés ethniques, alors je ferai le suivi au moyen d'une question écrite.
    Si vous avez des questions à poser à M. Singh, je vous demanderais de les soumettre. Le greffier pourra les lui envoyer, puis il pourra nous répondre. Je sais que tout cela doit être rédigé dans les deux langues, si nous devons procéder de façon officielle, mais...
    Oui, nous pouvons faire cela.
    ... nous le ferons tout simplement dans les deux langues et lui soumettrons les questions.
    Merci beaucoup.
    Je vais passer à nos témoins ici présents. Concernant la question plus générale, en ce qui a trait à l'établissement d'un plan, j'ai demandé aux autres témoins si nous devrions dresser un plan d'action national pour faire face à la discrimination raciale et religieuse.
    Oui. Je pense qu'un plan devrait être établi. Il y a assurément des choses très concrètes qui peuvent être faites. Évidemment, je pense que certains des autres intervenants ont abordé la tenue de dossiers adéquats ainsi que le fait de cerner les régions ou les collectivités qui pourraient avoir besoin de plus de soutien que les autres. Peut-être, en quelque sorte, qu'une partie du financement pourrait être octroyée en fonction de ces facteurs, selon où cela nous mène, mais je pense que l'adoption d'une approche nationale est assurément la meilleure façon de procéder.
    D'accord.
    Je voudrais seulement vous faire part d'une réflexion, qui concerne aussi le plan national: si une politique est en place... Je pense que les statistiques datent de la période de 2011 à 2016 et montrent que la diversité des conseils sans but lucratif n'est pas suffisante. De fait, il y a très peu de diversité, alors c'est un endroit où, si les minorités sont représentées davantage à l'échelon national, cela changera énormément les choses. Encore une fois, la plupart des conseils sont dirigés... S'ils ne sont pas représentatifs, leurs programmes et ce genre de choses ne sont pas fondés sur la culture.
    Bienvenue encore, monsieur Singh.
    Nous pouvons revenir à la question qu'avait posée Mme Kwan quand elle a été interrompue. Nous vous redonnons ce temps de parole.
    Très bien.
    Monsieur Singh, désolée, notre communication a été interrompue, je ne sais trop comment. Pourriez-vous poursuivre?
    Oui. Les statistiques sont importantes — je disais cela — tout comme le fait de permettre aux organismes communautaires de faire appel aux autres et d'établir des liens non seulement entre eux, mais aussi avec le grand public.
    Comme je l'ai affirmé, j'ai beaucoup d'histoires anecdotiques concernant des gens qui ont affirmé avoir vécu avec un Sikh pendant tel nombre d'années, mais ne lui avoir jamais demandé: « Pourquoi portes-tu un turban? » ou « À quoi sert la barbe?» parce qu'ils avaient peur de l'offenser. L'ensemble du projet Turban, Eh!, qui s'est déroulé partout au Canada, a permis aux gens de poser ces questions et de faire l'expérience de ce que c'est d'avoir un turban enroulé sur la tête, s'ils le voulaient.
    Nous avons vu le gouvernement — et c'était un ancien gouvernement — appuyer par l'intermédiaire de la Fondation canadienne des relations raciales une initiative interconfessionnelle qui a rassemblé des chefs confessionnels de partout au pays. Le fait de rassembler des gens de toutes les régions du Canada et de les laisser communiquer a assurément été précieux. Nous avons été en mesure d'établir des liens avec des personnes de partout au pays, et ces réseaux ont perduré, même si ce projet a pris fin il y a plusieurs années. Le simple fait de permettre aux communautés d'établir des liens entre elles et avec le grand public est important.
(1720)
    C'est une initiative que le gouvernement pourrait faciliter et à laquelle il pourrait participer afin que nous adoptions une approche nationale à cet égard. Il est génial qu'un certain travail soit effectué dans la région de Peel, mais, en réalité, ce qu'on doit faire, c'est reproduire ce projet partout au pays pour mobiliser l'ensemble des diverses ONG qui effectuent ce travail important.
    Je voudrais poser la question...
    Suis-je à court de temps?
    Votre temps de parole est maintenant écoulé. Nous avons repris là où vous vous étiez arrêtée, et, maintenant, le temps dont vous disposiez est écoulé.
    Nous allons passer à Julie Dzerowicz, des libéraux, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vais commencer par M. Singh, au cas où vous disparaîtriez encore.
    Si vous regardez l'histoire canadienne, vous verrez qu'à mesure que divers groupes culturels sont arrivés au Canada, il semble y avoir eu du racisme et de la discrimination au fil des ans. Voilà pourquoi je suis aussi ravie que nous soyons enfin arrivés au stade où nous sommes prêts à élaborer une approche pangouvernementale.
    Afin que je puisse réfléchir aux programmes qui existent, je voulais vous demander s'il y a au sein de votre organisation un programme que vous utilisez pour combattre la discrimination religieuse à l'égard d'autres groupes. Dans tous nos groupes, nous devons travailler constamment sur nos propres préjugés. Je viens de deux cultures différentes. Je peux vous affirmer sans équivoque que mon côté ukrainien a des préjugés à l'égard de certains groupes et que mon côté latin a des préjugés à l'égard d'autres groupes.
    Y a-t-il des programmes que vous menez ou des mesures que vous prenez à l'intérieur de votre propre groupe?
    C’est une bonne question. Nous défendons vraiment les libertés religieuses pour tout le monde. Le niqab est un exemple. La confession sikhe interdit le port de vêtements qui couvrent le visage, mais, depuis 2010, nous clamons haut et fort notre appui à l’égard des musulmanes qui veulent porter ce voile. Il s’agit clairement d’un droit. Nous pouvons l'appuyer ou non, mais, à la lumière de la liberté de religion, il est vraiment incontestable que les femmes peuvent le porter, sous réserve de tout préjudice qui peut être établi.
    Nous nous sommes prononcés contre cela, et, en conséquence, nous avons été invités à l'Assemblée nationale du Québec, en 2011, pour présenter des observations. En fait, c'est notre groupe qui a été exclu de cette assemblée en raison des kirpans. Nous avons réellement observé une progression naturelle, au Québec, qui a abouti à la charte des valeurs, laquelle ciblait les turbans, de même que les kippas. La discrimination commence peut-être par les éléments marginaux, comme le niqab, mais elle touche progressivement les éléments plus généraux.
    Nous sommes à la disposition de toutes les communautés. Nous avons fait des choses au nom d'un jeune Écossais qui s'était vu interdire de porter un kilt à sa remise de diplôme. Plus tard, cette semaine — jeudi —, nous comparaîtrons devant la Cour suprême dans une affaire touchant la communauté des Témoins de Jéhovah. Le travail avec les autres communautés et le fait de les soutenir si les libertés religieuses sont touchées fait tout simplement partie de notre travail juridique.
    Merci, j'apprécie cette réponse.
    Mon autre question porte sur un problème avec lequel je suis aux prises personnellement. Au moment où nous élaborons cette approche pangouvernementale, nous discutons beaucoup d'une stratégie nationale que nous voulons mettre en place, et nous parlons des priorités et de l'éducation. L'une des questions avec lesquelles j'ai de la difficulté — et vous l'avez mentionné au début —, c'est celle d'une définition.
    Vous estimiez que nous avions besoin de définir le terme « islamophobie » dans l'avenir. Je ne suis pas convaincue que ce soit vrai, alors je voulais vous demander pourquoi vous aviez l'impression que c'était le cas. Nous avons accueilli des groupes chrétiens ainsi que des groupes musulmans, hindous, sikhs, juifs et autochtones, alors un certain nombre de groupes religieux différents et de confessions différentes ont été représentés ici. Je ne suis pas tout à fait certaine d'avoir l'impression que nous avons besoin de définir ce terme. Si vous pouviez répondre à cette question, ce serait formidable.
    Des préoccupations ont été soulevées. Je vais être honnête. Une grande part de l'opposition à la motion 103 était fondée sur une animosité antimulsumane. Elle n'était fondée sur aucun type de logique ou de principe raisonné. J'admets également que la question de la nature de l'islamophobie et de la façon dont on définit le terme a été utilisée comme bouclier par certaines personnes. Je l'admets.
    Cette question doit tout de même être réglée, par contre. Certaines personnes demandent: « Est-on islamophobe si on critique l'islam ou si on critique une certaine interprétation politique de cette religion? » Il doit être clair que le fait de critiquer une idéologie ou une confession ne fait pas partie de la définition de ce terme. Il s'agit d'une discrimination réelle, de stéréotypes au sujet des musulmans. Nous pouvons tous nous entendre pour dire que tout type de discrimination contre des personnes pratiquant un culte est mal, alors une définition serait utile et ne compromettrait en rien notre objectif, c'est-à-dire la lutte contre l'islamophobie.
(1725)
    D'accord, je comprends cela.
    Dans ce cas, je vais passer à notre groupe de la banque alimentaire musulmane. Merci infiniment à vous aussi de votre merveilleux exposé.
    Vous militez en faveur d'un financement plus important des groupes communautaires et locaux. Vous estimez qu'il s'agit de quelque chose qui est très important relativement au dialogue. J'essaie de vous amener à être un peu plus précis. Les gouvernements posent toujours la question suivante: « Quelle est la somme réellement demandée? Nous allons vous donner de l'argent pour que vous fassiez quoi exactement? » Ensuite, ils demandent: « Qu'allons-nous recevoir en retour? », car les gouvernements cherchent toujours un moyen de justifier la dépense. Je veux que vous approfondissiez un peu plus cette question.
    L'une des choses qui peuvent être reproduites dans un certain nombre de collectivités différentes, c'est une partie des activités que nous menons relativement à la sensibilisation culturelle. Par exemple, nous donnons des cours d'acquisition de compétences culturelles en collaboration avec des administrations et des partenaires locaux, dans le cadre desquels nous expliquons la nature de la culture et comment les gens sont censés agir, des deux points de vue. C'est bilatéral, et nous adoptons tant le point de vue des nouveaux arrivants que celui des personnes qui interagissent avec eux.
    Si nous pouvions disposer d'un financement plus important afin d'exécuter des programmes plus officialisés comme celui-là, je pense que cela contribuerait beaucoup à contrer le racisme systémique.
    À quoi ressemblerait le succès?
    Si je vous disais que nous vous donnons beaucoup d'argent et que vous me disiez: « Voici comment vous saurez que ce programme est fructueux », à quoi ressemblerait votre description?
    À nos yeux, le succès ressemblerait beaucoup à... Outre les statistiques nationales qui indiqueraient une réduction au chapitre des crimes haineux, et ainsi de suite, qui sont signalés, je pense que les intervenants qui travaillent auprès de ces personnes observeraient assurément un revirement sur le plan de la santé mentale des gens et verraient qu'ils sont plus prêts à participer à la vie canadienne.
    Dans le contexte des deniers publics, une fois qu'on a fait progresser une collectivité jusqu'à ce qu'elle soit devenue autonome et, encore une fois, qu'elle soit devenue un organisme bénévole, le nombre d'heures qu'elle va consacrer à la collectivité pour aider...
    Elles se multiplient tout simplement.
    Vous pouvez multiplier ces heures et, une fois que les gens obtiennent un emploi ou qu'ils se lancent en affaires, ils produisent. Ils font augmenter le PIB et les recettes fiscales. Ils redonnent à la collectivité.
    Comme les jeunes suivent les traces de leurs parents et de leurs mentors, encore une fois, si vous parlez de générations de stabilité et de croissance et de la progression du pays dans son ensemble, les organismes communautaires peuvent avoir une grande incidence sur le pays.
    Merci beaucoup, Julie.
    Compte tenu de la pause que nous allons faire, j'espérais que nous puissions tenir une série de questions de trois minutes.
    Pourquoi ne demandons-nous pas à un membre de chaque parti de poser une question de trois minutes? Cela nous prendra 10 minutes.
    Je vais demander à David Anderson.
    Merci, madame la présidente.
    Messieurs, je vous remercie d'être des nôtres aujourd'hui.
    Je voulais discuter un peu de votre banque alimentaire. J'ai un article d'il y a environ un an. Il est énoncé qu'elle est ouverte deux jours par mois pour fournir de la nourriture et qu'elle est financée par la collectivité. Comment a été sa croissance au cours de la dernière année?
    Exponentielle. Ce que nous avons découvert à cet égard, après la Syrie... Dans notre monde, nous parlons toujours d'un avant et d'un après, relativement à la Syrie.
    Avant la Syrie, évidemment, nous observions beaucoup de réfugiés arriver et un grand besoin à l'égard des services. Après la Syrie, ce que nous avons constaté, c'est que je dirais qu'environ 95 % des personnes qui sont arrivées en tant que réfugiés parrainés par le gouvernement — oubliez les demandeurs d'asile — ont fini par devoir recourir aux banques alimentaires. À un moment, nous pouvions inscrire 200 nouveaux clients en une matinée.
    Sa croissance a été exponentielle.
    Elle était financée par la collectivité.
    Nous discutions de financement, un peu plus tôt. Qui la finance, maintenant?
    Tout à fait, c'est encore la collectivité.
    L'organisation dans son ensemble est entièrement financée par la collectivité, sauf pour certains programmes, dans le cadre desquels nous offrons, par exemple, des cours d'été ou quelque chose de ce genre. Nous recevons un financement particulier à cette fin de la part d'organisations comme la Croix-Rouge, etc. Le reste de nos programmes est entièrement financé par la...
    Vous travaillez sur la dépendance et la maladie mentale. Ce travail dépend-il également de subventions, ou bien est-ce que des gens de votre collectivité fournissent les services?
    Non, c'est notre collectivité.
    Bien, je suis heureux d'entendre cela.
    Parlez-moi un peu des programmes pour toxicomanes. Vous avez un peu parlé du programme de santé mentale, d'un symposium, mais qu'avez-vous fait dans ces domaines?
(1730)
    Nous avons fait deux ou trois choses.
    L'une des plus importantes que nous avons faites, c'était dans le cadre des symposiums que nous avons organisés. Nous rassemblons des fournisseurs de services, notamment des représentants de Fraser Health, des gens de la collectivité et des praticiens, comme des conseillers. Nous donnons aux gens la possibilité d'examiner la santé mentale du point de vue de la culture musulmane.
    C'est très axé sur l'éducation. Nous amenons des gens de la collectivité à prendre la parole et à parler de leurs propres expériences.
    Dites-moi, avez-vous été en mesure de rassembler les diverses communautés?
    Absolument.
    Il y a souvent des tensions au sein de la communauté musulmane.
    Un programme très important que nous avons offert, et je pense que ce programme pourrait être reproduit partout au pays, avait été conçu à l'intention des imams. Nous avons créé, en partenariat avec Fraser Health, un séminaire visant à les sensibiliser aux problèmes de santé mentale, afin que les chefs religieux aient la capacité, lorsqu'ils ont affaire aux membres de la collectivité, de faire face à ces problèmes. C'est très important.
    Dans ce cas, quel pourcentage de vos membres pratiqueraient, disons, leur religion dans des mosquées, et quel pourcentage ne fréquenteraient pas la mosquée? Quand vous vous adressez aux imams, interviennent-ils auprès de la majeure partie de la communauté, ou bien...
    Nous dépassons les trois minutes, David.
    Notre organisation n'est pas confessionnelle, alors, nous aidons tout le monde, tant les chiites, que les sunnites, les ahmadis ou les ismaéliens.
    Qu'ils fréquentent la mosquée ou non, cela ne change rien.
    Merci beaucoup.
    Je vais donner la parole à Julie Dabrusin, pour environ trois minutes.
    Merci à vous tous.
    Je voudrais commencer par M. Singh, s'il vous plaît.
    Comme vous avez parlé de votre participation à des affaires judiciaires portant sur des enjeux liés aux droits de la personne, ma question est la suivante: quel est le rôle du Programme de contestation judiciaire dans ce contexte, maintenant qu'il a été rétabli? Est-ce quelque chose qui peut être utile?
    Oui. Nous appuyons assurément le Programme de contestation judiciaire. C'est quelque chose qui a été utilisé par beaucoup d'organismes communautaires afin de faire avancer des causes qui revêtent vraiment une grande importance, mais qui n'obtiennent souvent pas l'attention ni le financement dont elles ont besoin. Brièvement, oui, nous appuierions ce programme. Je ne pense pas que nous y ayons accédé. Il se pourrait que nous le fassions dans l'avenir.
    Vous avez deviné où j'allais en venir avec ma prochaine question, alors c'est bien.
    Le prochain volet, que je pense que vous avez tous deux mentionné, c'est la représentation aux conseils et le besoin de données.
    Encore une fois, je vais commencer par vous, monsieur Singh, mais je voudrais entendre votre réponse à tous les deux.
    Le projet de loi C-25 requiert une structure pour « se conformer et s'expliquer » en ce qui a trait aux rapports sur la diversité, et une grande partie de la discussion a porté sur la reddition de comptes concernant la diversité de genre dans le cas de la haute direction et des membres de conseils d'administration. Pensez-vous que ce soit un moyen qui nous permettra de recueillir de meilleures données sur la représentation? Avez-vous d'autres suggestions à faire quant à la façon dont nous pouvons mieux recueillir des données sur la représentation au sein des conseils d'administration et des hautes directions?
    Je pense qu'un travail important a été effectué en ce qui a trait à l'égalité entre les sexes. Selon moi, des initiatives semblables doivent être orientées vers les communautés racialisées ainsi que les gens qui adhèrent à une religion. Il s'agit évidemment d'un processus d'autodéclaration, alors on ne peut pas forcer les gens à participer, mais je pense que le fait de donner la possibilité d'effectuer un signalement, puis d'avoir accès à ces données est vraiment indispensable pour ce qui est de trouver des solutions.
    Avez-vous des suggestions au sujet de tout autre moyen, qui serait peut-être meilleur, de recueillir ces données?
    Pour l'instant, je ne peux rien vous dire du tac au tac, mais, de façon générale, les données sont très importantes.
    Je suis d'accord avec vous. Si vous avez des idées dont vous voudriez faire part, si quelque chose vous vient à l'esprit après, je vous en serais vraiment reconnaissante.
    Je vais vous demander à tous les deux de faire pareil si vous avez des réflexions à ce sujet, vous aussi.
    La Direction des organismes de bienfaisance, par exemple, recueille des données sur la composition de tous les organismes de bienfaisance et conseils d'administration. Si on peut les motiver à analyser leurs données, ou même amener les communautés à fournir l'identité des membres de leurs conseils d'administration, les communautés minoritaires auxquelles ils appartiennent... Si nous pouvons les amener à recueillir ces données et être en mesure d'utiliser ces données pour générer des statistiques internes, ce serait excellent.
    À part la collecte de données, si des organisations comme l'ARC peuvent recommander des politiques aux organismes de bienfaisance relativement — si nous voulons l'équité et la justice — à une meilleure représentation des gens au titre de l'une des politiques qui pourraient être établies dans le système, alors, l'incidence est bien plus présente. Comme nous utilisons maintenant l'argent d'organismes de bienfaisance — des deniers publics, essentiellement —, l'incidence sera bien plus grande si les gens sont mieux représentés aux conseils d'administration.
(1735)
    Merci beaucoup.
    Nous passons à Mme Kwan, pour les néo-démocrates.
    Merci.
    Je voudrais poser une question au sujet des conséquences économiques pour la communauté ethnique.
    Récemment, Statistique Canada a publié certaines informations à ce sujet. Il a été révélé par les médias qu'une étude avait été menée concernant la deuxième génération d'enfants d'immigrants, et ces personnes étaient victimes de discrimination du fait que, lorsqu'elles présentaient leur curriculum vitae et qu'il était identique à celui d'une personne dont le nom n'est pas d'origine étrangère,... un plus grand nombre des curriculum vitae portant un tel nom étaient sélectionnés à des fins d'entrevue que ceux qui étaient associés à un nom d'origine étrangère.
    Dans ce contexte, monsieur Singh — je ne sais pas si vous êtes au courant de ces dernières informations —, que pouvons-nous faire à ce sujet, et comment pouvons-nous régler ce problème?
    C'est vraiment la partie insidieuse de la discrimination. Celle que nous voyions auparavant était flagrante. Vous portez un turban, vous avez une barbe, cela ne va pas fonctionner. Ce que nous voyons, maintenant — comme je l'ai dit — c'est: « Vous n'êtes pas le candidat idéal » ou « Votre entrevue ne s'est pas aussi bien déroulée qu'elle aurait dû ».
    J'ai obtenu des données empiriques concernant des personnes qui affirment n'avoir connu aucun succès avant de se mettre à attacher leur barbe, avant de l'avoir arrangée pour ressembler un peu plus à un Occidental. Nous entendons ces genres d'histoires, mais, sans données, il est très difficile de saisir toute l'étendue du problème. Je pense qu'il est très clair que, dans le cas de la communauté sikhe, en tout cas, que vous soyez de la première, de la deuxième ou de la troisième génération, vous allez porter les articles de foi, si vous êtes un Sikh pratiquant. Avec le temps, vous perdez votre accent, mais vous avez l'air différent, et c'est parfois problématique.
    Je voudrais adresser cette question à vous deux.
    Vous avez mentionné que nous avons des victimes. Des femmes qui portent le hidjab ont vécu des incidents de discrimination. Concernant la question des victimes et de la façon de les soutenir, avez-vous des recommandations à adresser au gouvernement?
    Il faut affecter des deniers publics à la santé mentale, car il s'agit d'un volet très important de cet enjeu. Les nouveaux arrivants, surtout les réfugiés, ont déjà vécu un traumatisme. S'ils sont ensuite exposés, au Canada, à d'autres traumatismes, ils vivront un très long processus de guérison. Les évaluations psychologiques et les services de soutien adaptés à la culture seront absolument essentiels pour nous, dans l'avenir.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Dahya?
    Oui. Il s'agit d'élargir et de faire ressortir les politiques en matière de multiculturalisme. Les traitements en santé mentale peuvent être l'une des solutions, ainsi que la création d'un espace social sûr. Il devrait y avoir davantage de mobilisation au sein de la collectivité afin de permettre aux communautés de s'épanouir, et ce serait utile dans le domaine de la santé mentale.
    Vous pourriez en fait inverser le processus relatif à la santé mentale en créant un espace sûr, un environnement communautaire ou un environnement social où les gens pourront progresser.
    Avant que vous partiez, j'ai une question à poser à MM. Singh, Ahmed et Dahya.
    Au sein du Comité, nous n'arrêtons pas d'entendre parler du fait que la couleur de votre peau change la donne et que, si vous appartenez à une minorité visible, vous faites face à une plus grande discrimination parce que vous ne pouvez pas vous cacher. Il y a des sikhs qu'on pense être des musulmans, etc.
    Autrefois, on employait le terme « minorités visibles », mais ce terme a en quelque sorte disparu de la terminologie. Quand nous posons des questions à Statistique Canada, est-il important de demander à l'organisation de préciser l'appartenance à une minorité visible? Si vous n'appartenez pas à une minorité visible, vous pourriez — comme on dit — rester dans le placard. Vous pourriez vous cacher. Vous pourriez faire semblant. Vous pourriez changer de nom. Vous pourriez vous faire passer pour quelqu'un d'autre. Pensez-vous qu'il importe que l'on fasse la distinction entre les deux?
    À mon avis, oui. Il est absolument important que l'on fasse la distinction et que l'on désigne très clairement ce que nous considérons comme une minorité.
(1740)
    Monsieur Singh.
    Des termes comme « communauté racialisée » [Difficultés techniques].
    Je suis désolée, monsieur Singh, nous ne pouvons pas vous entendre. Je pense vous avoir entendu dire « oui », par contre, alors c'est excellent.
    Je veux vous remercier tous de votre présence.
    Avant d'ajourner la séance, je veux vous rappeler, monsieur Singh, que vous allez présenter des réponses que vous n'avez pas eu l'occasion de donner officiellement. Veuillez les envoyer au greffier. Tout ce que vous présentez devrait être envoyé au greffier, et il le distribuera.
    Merci beaucoup. La séance est levée.
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