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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 128 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 octobre 2018

[Énregistrement électronique]

  (1545)  

[Traduction]

    Nous allons fonctionner avec ce qu’on appelle le quorum réduit. Tant que j’ai trois membres votants du Comité ici et au moins un membre du gouvernement et un membre de l’opposition, nous pouvons tenir la réunion.
    Je crois que nos whips hocheront tous la tête pour dire que c’est vrai.
    Je remercie les témoins. Je suis désolé que cela se soit produit. Il est rare qu’il y ait autant de votes le jeudi.
    Il nous reste un peu de temps avant que la sonnerie ne retentisse et que nous devions retourner à la Chambre pour voter, mais j’ai pensé que nous devrions essayer d’entendre des témoignages. Nous n’aurons peut-être pas le temps de poser des questions, et le Comité décidera alors de ce qui se passera par la suite.
    Commençons.
    Par vidéoconférence, je vais commencer par Mme Martínez Fernández, de l’International Crisis Group. Vous avez environ sept minutes pour nous faire part de vos réflexions.
     Bonjour, monsieur le président et membres du Comité.
     Je suis heureuse d’être ici avec vous aujourd’hui pour discuter de la situation en Amérique centrale et des causes profondes qui poussent les migrants et les demandeurs d’asile à fuir cette région.
    Je travaille comme analyste pour l’International Crisis Group, un organisme de prévention des conflits basé à Bruxelles qui combine la recherche sur le terrain, l’analyse approfondie et la sensibilisation de haut niveau pour trouver comment résoudre et atténuer les conflits meurtriers.
     À ce titre, je couvre le Guatemala, le Honduras et le Salvador à partir de Guatemala City, où je suis basée, bien que je voyage constamment dans la région. Au cours des deux dernières années, j’ai mené des recherches approfondies sur les trois pays pour étudier les problèmes de la violence des gangs, de la faiblesse institutionnelle, de l’instabilité politique et d’autres facteurs qui sont devenus des moteurs croissants de la migration forcée.
     L’une des principales leçons que j’ai tirées de plusieurs centaines d’entrevues sur le terrain avec des représentants du gouvernement, de la société civile, des victimes, etc., est la suivante.
     Chercher de meilleures possibilités économiques et échapper à la pauvreté a toujours été et demeure la principale raison pour laquelle les Centraméricains quittent leur pays d’origine. Cependant, au cours des cinq dernières années, la violence criminelle est également devenue un facteur important de la migration forcée. Cela se reflète dans le nombre de demandes d’asile provenant de la région qui, selon le HCR, a décuplé depuis 2013.
    Non seulement la raison de cet exode a changé, mais le profil du migrant a aussi changé. Traditionnellement, nous avons vu des jeunes hommes qui tentaient de gagner les États-Unis pour envoyer de l’argent supplémentaire à leur famille. Aujourd’hui, nous voyons plus de familles, de femmes et d’enfants non accompagnés.
     C’est important pour la raison suivante. Un garçon de 18 ans du Honduras pourrait être prêt à risquer sa vie pour un meilleur emploi. Une femme enceinte ne le fera pas uniquement pour l’argent. Comme les membres d’autres groupes vulnérables, elle est plus susceptible de vouloir échapper à une situation de vie ou de mort.
    Dans leur voyage vers le Nord, les migrants sans papiers sont exposés à des enlèvements, à la traite de personnes, aux disparitions forcées, à la violence sexuelle, au vol qualifié et à l’extorsion. Cependant, la situation qu’ils laissent derrière eux est souvent pire que les dangers potentiels du voyage.
    Dans des pays comme le Salvador, des groupes criminels comme le MS-13 et les deux factions du gang de la 18e Rue sont l’autorité de facto dans environ 80 % du territoire national. Ils imposent leur loi en rackettant, en extorquant de l'argent aux petits commerçants, en recrutant de force et en ciblant la violence. Tout enfant de 8 à 18 ans risque d'être recruté de force, et les filles sont habituellement victimes d’abus sexuels. J’ai des cas documentés d’esclavage sexuel de jeunes filles par des groupes criminels.
    Le recrutement par les gangs en Amérique centrale ne retient pas souvent l'attention, mais il présente de nombreuses similarités avec le recrutement des enfants soldats dans le contexte africain qui, à long terme, a des effets psychologiques et physiques énormes sur ces enfants.
    Pour vous donner une idée de l’ampleur du problème de la violence des gangs, au Salvador seulement, il y a 65 000 membres actifs de gangs dont le soutien social est d’environ un demi-million de personnes, soit environ 8 % de la population du pays, ou 6,5 millions d’habitants. Imaginez que près d’un Canadien sur dix soit indirectement ou directement lié à un groupe criminel.
    Au Honduras, les gangs ne sont pas aussi puissants qu’au Salvador, mais ils sont aussi très présents dans les plus grandes villes du pays, notamment dans la capitale, Tegucigalpa, et à San Pedro Sula. Au Honduras, les gangs ont des liens plus étroits avec les routes de trafic de drogue qui, depuis le coup d’État de 2009 qui a évincé le président Manuel Zelaya, sont devenues une importante filière de transit de la drogue dans la région.
    En plus de la violence des gangs, il y a aussi, au Honduras, d’importants niveaux d’instabilité politique. La crise qui a suivi les élections générales du 26 novembre 2017 et a provoqué une montée de l'agitation sociale et de nombreuses manifestations qui ont fait une trentaine de morts, a été le plus récent signe des troubles civils, politiques et sociaux qui gangrènent le pays depuis le coup d’État de 2009.
     Dans les deux pays, les politiques que les gouvernements ont mises en oeuvre au cours des 15 dernières années pour lutter contre les groupes criminels ont également alimenté l’insécurité dans les collectivités créant encore plus de raisons de fuir. Les gens, surtout les jeunes, sont victimisés deux fois. D’une part, les gangs les ciblent pour qu’ils entrent dans le gang par extorsion, en menaçant de les tuer s’ils refusent, mais d’autre part, les policiers les harcèlent et les traitent comme des criminels même s’ils ne sont pas membres d’un gang, simplement parce qu’ils vivent dans une communauté contrôlée par un gang. Dans l’ensemble, ce sont là les principaux problèmes qui ont incité les migrants d’Amérique centrale à fuir leurs foyers ces dernières années.
    La caravane qui traverse le Mexique ces jours-ci est le plus récent exemple montrant à quel point les pays du Guatemala, du Honduras et du Salvador n’ont pas réussi jusqu’à présent à répondre aux besoins de leurs citoyens et à leur assurer la sécurité, l’accès aux services de base et la prospérité économique. Il ne fait aucun doute qu’à long terme, la solution à cette crise humanitaire doit commencer par une volonté politique plus forte de la part des autorités locales. Cependant, le problème s’est tellement aggravé que ces pays ne peuvent pas agir seuls.
    Le Canada, fidèle à son approche solidaire envers les victimes des guerres civiles des années 1970 et 1980, a maintenant l'occasion de changer les choses dans la région. D’abord et avant tout, la priorité en ce moment devrait être de protéger les groupes vulnérables, en particulier les femmes et les enfants qui font des demandes d’asile crédibles et qui sont admissibles au statut de réfugié. Encore une fois, d’après mes recherches, je suis convaincue que les femmes et les enfants fuient généralement la violence et pas seulement la pauvreté.
    Les membres de la communauté LGBTQ, dont beaucoup ont survécu à des violences sexuelles, devraient également être considérés comme un groupe vulnérable. Le HCR a identifié plus de 1 000 personnes d’Amérique centrale qui doivent être relocalisées parce qu'elles risquent des représailles de la part de gangs criminels ou ont été victimes de viol. L’attitude accueillante bien connue des Canadiens à l’égard des réfugiés les plus vulnérables peut de nouveau être mise à profit.
    Le Canada aide déjà le Mexique, qui a vu une augmentation de 300 % du nombre de demandes d’asile depuis 2014, à renforcer son système d’octroi de l’asile. À l’exception du Mexique, d’autres pays comme le Guatemala, le Panama, le Costa Rica et le Belize, qui ont également connu une augmentation du nombre de demandes de statut de réfugié, pourraient également bénéficier de l’aide canadienne. Le Canada pourrait partager avec ces pays son expertise en matière d’aide aux demandeurs d’asile.
    La coopération avec les pays d’Amérique centrale pour les aider à s’attaquer aux causes profondes de la migration devrait également faire partie d’une stratégie plus large visant à réduire les niveaux de violence criminelle et à stimuler le développement dans la région. Plus précisément, le Canada pourrait envisager d’accroître les fonds de coopération pour les institutions de lutte contre la corruption et la prévention de la violence au Honduras, au Guatemala et au Salvador. Plus les Centraméricains se sentiront en sécurité dans leur pays d’origine et plus ils feront confiance à leurs institutions, moins ils seront susceptibles d’envisager une migration forcée.
    Merci beaucoup.

  (1550)  

    Merci pour cet excellent exposé.
    Pour ne pas risquer de la perdre, vu qu'elle témoigne par vidéoconférence, nous allons passer à Mme Basok.
    Merci beaucoup de m’avoir invitée. Moi aussi, je vais parler de la situation des migrants et des réfugiés d’Amérique centrale. Veuillez m’excuser du chevauchement possible entre ma présentation et la précédente.
    La caravane de quelque 4 000 à 7 000 demandeurs d’asile honduriens qui transitent actuellement par le Mexique attire l’attention sur le besoin criant de sécurité et de sûreté chez les Centraméricains. Cette caravane suit les traces d’une autre caravane de quelque 700 à 1 000 Centraméricains qui sont passés par le Mexique en avril dernier.
    On estime qu’entre 250 000 et 400 000 migrants d’Amérique centrale — principalement du Salvador, du Honduras et du Guatemala, et un nombre croissant de Nicaraguayens — traversent le Mexique chaque année dans l’espoir de gagner les États-Unis. Ils voyagent à pied, en train de marchandises et en autocar. Pendant qu’ils sont en transit au Mexique, ils risquent d’être enlevés par des organisations criminelles, volés, agressés, violés, extorqués par la police ou les autorités de l’immigration, ou mutilés par des trains qui passent rapidement lorsqu'ils sont sur un train de marchandises ou tentent d'y monter.
    La pauvreté en Amérique centrale, la violence des gangs et l’instabilité politique croissante au Nicaragua sont parmi les principales raisons de l’exode. En 2017, plus de 13 000 homicides ont été enregistrés dans la région. Le Guatemala a enregistré 32 homicides pour 100 000 habitants, le Salvador, 60, et le Honduras, 42,7. L’Organisation mondiale de la santé considère que plus de 10 homicides pour 100 000 habitants constituent une épidémie. Ces niveaux élevés de violence sont attribués principalement aux gangs de jeunes — maras, comme on les appelle en espagnol — comme MS-13 ou Barrio 18, le gang de la 18e Rue. En obligeant les entreprises locales à payer des frais de protection, ils réaffirment leur autorité sur les enclaves urbaines pauvres et des zones rurales.
    Quelle a été la réaction des États-Unis? Ils ont renforcé leurs frontières. Comme les frontières sont de plus en plus difficiles à traverser, les organisations criminelles ont accru leur présence, imposant des frais de passage clandestin élevés, enlevant et tuant ceux qui ne sont pas en mesure de les payer.
    Quelle a été la réaction du Mexique? Je mentionnerai trois réponses: premièrement, la détention et l’expulsion, avec environ 100 000 migrants détenus chaque année; deuxièmement, certains programmes de régularisation du statut ou d’amnistie, qui ont connu un succès limité étant donné que seulement environ 10 000 migrants ont obtenu la résidence permanente ou temporaire depuis 2008; et troisièmement, la possibilité pour les demandeurs d’asile d’obtenir le statut de réfugié.
    Je vais parler un peu plus de la troisième réponse. À la fin de 2017, le nombre total de demandeurs d’asile et de réfugiés en provenance des trois pays d’Amérique centrale, soit le Honduras, le Salvador et le Guatemala, a atteint près de 300 000, c'est-à-dire 58 % de plus qu’au cours de l’année précédente et 16 fois plus qu’à la fin de 2011. La plupart de ces personnes ont demandé l’asile aux États-Unis, au Mexique, au Belize et au Costa Rica. Au Mexique, le nombre de demandeurs d’asile a plus que décuplé entre 2013 et 2017, passant d’un peu moins de 1 300 en 2013 à 14 500 en 2017. La plupart des demandeurs d’asile venaient de ces trois pays d’Amérique centrale.
    Le taux d’approbation au Mexique est relativement élevé. C’est entre 62 et 64 %.

  (1555)  

     Environ les deux tiers des demandeurs d’asile du Salvador et un peu plus de la moitié de ceux du Honduras ont reçu une réponse favorable et ont obtenu le statut de réfugié ou une forme de protection complémentaire en 2016 et 2017. Cependant, la COMAR, qui est la Commission mexicaine d’aide aux réfugiés, manque considérablement de personnel et de ressources, ce qui fait qu’il lui est pratiquement impossible de traiter l’arriéré et le nombre croissant de nouvelles demandes. Même si la loi exige que toutes les demandes soient examinées dans un délai de 45 jours ou moins, plus de la moitié des 14 500 demandes d’asile présentées en 2017 n’étaient pas encore réglées au début de 2018.
    La pénurie de personnel nuit grandement à la protection des réfugiés au Mexique. Selon un chercheur mexicain, dont j’ai eu l’occasion d’entendre l’exposé il y a environ un mois, les fonctionnaires qui interrogent les demandeurs d’asile, qui rendent des décisions, n’ont pas suffisamment de formation ou d’information fiable sur les conditions dans les pays d’origine pour pouvoir prendre des décisions justes. Le processus d’appel est vicié. Les personnes qui rendent les décisions initiales sont les mêmes que celles qui reçoivent l’appel et, dans la plupart des cas, la décision sur l’appel confirme la décision initiale.
    Les demandeurs d’asile qui sont détenus dans des centres de détention sont interrogés par téléphone par les responsables de la COMAR, ce qui les prive d'une audience en bonne et due forme. L’obligation de rendre une décision dans un délai de 45 jours ouvrables exerce d’énormes pressions sur les responsables de la COMAR, ce qui mine leur capacité de statuer sur les demandes de façon impartiale. Comme l’intervenante précédente, je crois que le Canada a un rôle important à jouer pour ce qui est de mobiliser et d’appuyer le processus d’octroi de l’asile au Mexique et d’offrir aux demandeurs d’asile d’Amérique centrale une réinstallation dans un pays tiers.

  (1600)  

    Je vais vous interrompre un instant. Je sais que vous allez continuer. La sonnerie se fait entendre. Nous avons une sonnerie de 30 minutes. Je me demande si nous pourrions poursuivre pendant sept ou huit minutes de plus et laisser 20 minutes pour aller voter. J’ai besoin du consentement unanime pour cela.
    Des députés: D'accord.
    Le président: Poursuivons avec ce témoignage. Abrégez le plus possible, puis nous passerons à M. Duhaime. Merci.
     J’ai terminé.
    Vous avez terminé? Vous ne parlez pas du Venezuela?
    Voulez-vous que je le fasse? Je n’en étais pas certaine. Je peux le faire.
    On y reviendra peut-être. Nous pouvons utiliser cela comme mémoire.
    Passons à M. Duhaime. Nous lui accorderons sept minutes, puis nous reviendrons peut-être à vous, parce que j’aimerais qu'on parle un peu du Venezuela.
    Allez-y.
    Merci de m’avoir invité, mesdames et messieurs.
    Je suis ici à titre de professeur de droit à l’Université du Québec à Montréal, où mon travail porte principalement sur les droits de la personne, en particulier le droit interaméricain des droits de la personne, mais aussi à titre de président et de président du groupe de travail de l'ONU sur les disparitions forcées ou involontaires. J’ai déposé des documents de mes deux domaines de travail pour que vous puissiez les examiner plus tard.
    Je vais vous interrompre un instant. Vous avez un dossier de présentation qui doit être traduit, et nous recevrons donc d’autres documents dès que ce sera fait.
     Merci.
    Comme vous le savez, la migration est au coeur de l’histoire du continent latino-américain et des préoccupations actuelles en matière de politique publique. Il y a eu des crises migratoires dans le passé; ce n’est pas un phénomène nouveau. Il y a eu des vagues de migration liées aux conflits armés, à la violence et aux crises économiques. Pensons à la crise des réfugiés de la mer ou à la vague de réfugiés chiliens dans les années 1980.
    Il y a actuellement une crise, non seulement au Mexique, mais aussi à la frontière entre le Venezuela et la Colombie. C’est vraiment une préoccupation dans la région. Le rapporteur spécial de l’OEA sur les droits des migrants a écrit récemment qu’il était très préoccupé par les politiques relatives à la criminalisation de la migration, au profilage racial et à d’autres conséquences que les politiques publiques peuvent avoir sur les droits de la personne des migrants.
    Je vais aborder essentiellement deux thèmes principaux, puis un autre, brièvement.
    Le premier porte sur le système interaméricain et sa contribution aux enjeux de la migration ainsi que sa pertinence pour le Canada. Deuxièmement, j’aimerais parler du rapport du groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires dans le contexte de la migration, puis vous parler un peu plus des consultations que je mène dans le cadre d’un projet de recherche sur les droits de la personne au Canada et en Amérique latine.
    Commençons par les migrations au Canada dans le contexte du système interaméricain. Comme vous le savez, le système interaméricain de protection des droits de la personne fait partie des mécanismes de l’Organisation des États américains, dont le Canada est membre depuis 1990. Il comprend plusieurs instruments relatifs aux droits de la personne. Premièrement, il y a des dispositions relatives aux droits de la personne dans la constitution de l’organisation, la Charte de l’OEA, ainsi que dans la Déclaration des droits et devoirs de l’homme, qui est un prolongement de la Charte, ainsi que dans la Convention américaine des droits de l’homme.
    Il y a des institutions qui se penchent sur la mise en oeuvre de ces normes par les États membres de l’OEA, soit la Commission interaméricaine des droits de l’homme, dont le siège se trouve à Washington, D.C. — où je travaillais avant d'enseigner — et la Cour interaméricaine des droits de l’homme, qui est composée de sept juges, au Costa Rica. La commission reçoit les cas. Elle fait aussi des visites sur place. Elle rédige également des rapports thématiques et par pays. La cour donne des avis consultatifs aux États, notamment sur les questions de migration, et rend également des décisions dans des affaires litigieuses de la commission et des États.
    La Commission et la Cour se sont penchées sur une longue jurisprudence à l'égard de ces questions, y compris le droit à des garanties judiciaires pour les migrants dans le contexte des droits des demandeurs d’asile, ainsi que le droit à l’égalité des migrants et la pertinence d’interpréter les droits humains interaméricains à la lumière de la Convention de Vienne sur les relations consulaires et de tous les droits qui s’y rattachent. Il y a beaucoup de cas, par exemple, montrant que les réfugiés devraient bénéficier d’un processus judiciaire individualisé pour revendiquer le statut de réfugié — par exemple, dans le cas des réfugiés de la mer haïtiens —, ou que les processus d’expulsion devraient tenir compte des conséquences que l’expulsion peut avoir sur les droits de la personne.
    La Cour interaméricaine des droits de l’homme, en particulier, a adopté deux avis consultatifs très importants. Le premier concerne la Convention de Vienne sur les relations consulaires, c’est-à-dire tous les droits auxquels un étranger a accès si sa liberté est limitée. L’autre est un avis consultatif sur le droit à l’égalité des migrants, l’avis 18, que je vous invite à examiner, et il y a aussi une série de décisions portant sur les garanties de l’application régulière de la loi pour les personnes qui sont visées, y compris une décision très importante interdisant les expulsions collectives dans l’affaire Dorzema, que j’ai plaidée avec succès devant la cour.
    J’aimerais maintenant aborder la question du Canada et du système interaméricain. Comme vous le savez, nous n’avons pas ratifié la Convention américaine relative aux droits de l’homme, mais je soutiens qu’il y a de nombreuses raisons pour lesquelles nous devrions le faire. J’ai rédigé quelques articles à ce sujet, que j’ai également soumis.

  (1605)  

     Le système interaméricain a apporté deux contributions très importantes sur le plan des droits des migrants au Canada. Il s'agit d'abord d'un rapport de 2001 sur les droits de la personne des demandeurs d’asile dans le système canadien de détermination du statut de réfugié, incluant une série de recommandations, dont certaines sont encore pertinentes aujourd’hui; et deuxièmement, d'une affaire très importante, la cause Suresh c. Canada, portée devant le Comité des droits de l’homme de l'ONU, qui recoupe certaines décisions canadiennes rendues dans l’affaire Charkaoui et l’affaire Ahani.
    À propos de l’ONU, le deuxième thème est celui des disparitions forcées. Essentiellement, une disparition forcée est l'arrestation ou l'enlèvement d’une personne par les agents d'un État, lequel nie ensuite la détention de cette personne, ou même son existence. C’est bien sûr une violation des droits de la personne qui ne date pas d'hier.
    Dans les années 1980, l’ONU a créé le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, qui reçoit les cas et publie des rapports thématiques. Je préside maintenant ce comité, ce groupe de travail.
    L’an dernier, nous avons adopté un rapport très important sur le phénomène des disparitions dans le contexte de la migration. Nous avons examiné comment les disparitions causent la migration — particulièrement en tant que menaces pour les défenseurs des droits de la personne et les familles — et comment les familles migrent pour rechercher la justice et la vérité dans les cas de disparition de leurs proches dans les processus transnationaux.
    Nous avons ensuite abordé la question des disparitions de migrants. Ce n’est pas un phénomène nouveau; vous avez entendu parler de l’opération Condor dans les années 1970 et 1980, dans le cadre de laquelle les États du Cône Sud ont collaboré pour kidnapper des réfugiés, par exemple, dans un autre État, par le biais de processus transnationaux.
    Nous avons également documenté des disparitions survenues pendant les processus de détention ou d’expulsion. Dans notre propre jurisprudence, il y a des cas de réfugiés qui ont été capturés alors qu’ils se trouvaient dans un pays d’accueil, puis livrés aux autorités de leur pays d’origine, ou encore, de réfugiés qui ont été capturés par les autorités de l’État d’origine dans le pays d’accueil.
    Nous avons également examiné les disparitions dans le contexte des refoulements, c’est-à-dire lorsque les États empêchent les gens d’entrer sur leur territoire et les refoulent vers des pays où ils risquent de disparaître.
    Ensuite, nous nous sommes penchés sur l’importance de libérer les personnes après leur détention de façon documentée et de leur permettre d’exercer leurs droits.
    Enfin, nous avons examiné l’intervention des passeurs et des trafiquants et la participation des agents de l’État dans ce contexte.
    Nous avons également étudié les facteurs qui contribuent aux disparitions de migrants, à savoir la vulnérabilité et la discrimination intersectionnelle auxquelles sont confrontés les migrants, ainsi que leur invisibilité; les politiques migratoires et antiterroristes de l’État; la criminalisation de la migration et la terminologie utilisée dans les politiques publiques, qui les qualifie de criminels, d’ennemis de l’État, etc., ce qui envoie un mauvais message aux acteurs non étatiques, y compris le crime organisé; et d’autres facteurs, comme les obstacles à la recherche de la vérité et de la justice, l’accès à la justice par les migrants et leur famille, le manque de ressources, les obstacles au niveau linguistique et le manque de collaboration internationale.
    Notre rapport se termine par une série de recommandations, en particulier celles qui portent sur la prévention, les procédures de détention et d’expulsion, les recours et l’accès à la justice.
    Je vous renvoie à ce rapport.
    En terminant, j’aimerais souligner que, depuis l’an dernier, je mène la première année d’un projet de recherche de quatre ans dans le cadre duquel je consulte des représentants de différentes villes canadiennes pour essayer de comprendre quelles sont les priorités des Canadiens en matière de droits de la personne, ce qui comprend les questions liées à la migration.
    J’espère qu’après cela, nous inviterons des experts latino-américains pour essayer de voir comment l’expérience latino-américaine, sur le plan des droits de la personne et de la réconciliation, peut être utile aux Canadiens dans ce contexte, puis nous formulerons des recommandations à l’intention des autorités canadiennes, telles que votre comité.
    J’espère que nous pourrons poursuivre cet échange plus tard.
    Merci, monsieur le président.

  (1610)  

    Merci. Je crains que nous devions nous arrêter ici.
    J'informe les témoins que s’ils ont des documents à nous soumettre, nous les remettrons aux membres du Comité et aux analystes, ainsi que les autres textes de M. Duhaime.
    Je tiens à vous aviser que nous allons peut-être vous convoquer de nouveau pour vous poser des questions. J’ai l’impression que le Comité voudra poser de nombreuses questions sur l’expérience latino-américaine.
    Malheureusement, nous devons aller voter. Je regrette de devoir suspendre la séance, mais nous allons revenir après le vote pour continuer d’entendre les témoignages de notre deuxième groupe, c’est-à-dire l'Iranian Canadian Congress et l'Institut politique de la migration.
    Encore une fois, nous n’aurons peut-être que le temps d’entendre les témoignages, mais nous poursuivrons après le vote.
    La séance est suspendue.

  (1610)  


  (1650)  

     Nous reprenons nos travaux.
    Je présente mes excuses à nos témoins. C’est ce qui se passe dans les démocraties parlementaires. Nous avons des votes.
    Nous disposons d'un certain temps pour entendre votre témoignage. Nous n’aurons malheureusement pas beaucoup de temps pour les questions, mais il est important que vos déclarations figurent au compte rendu.
    Je signale aux membres du Comité que nous travaillons avec le quorum réduit, mais que nous sommes d’accord.
    Nous allons commencer par Mme Hooper, de l'Institut politique de la migration, qui nous arrive de la Californie.
    Merci de vous joindre à nous aujourd’hui.
     Monsieur le président et membres du comité permanent, je m’appelle Kate Hooper et je suis analyste associée des politiques à l’Institut politique de la migration.
    Nous sommes un groupe de réflexion indépendant et non partisan qui a des bureaux à Washington, D.C., et à Bruxelles. L’IPM analyse les politiques et les tendances en matière de migration internationale dans le monde. Mes collègues et moi avons longuement analysé le système d’immigration du Canada et nous l’admirons comme un modèle rare et réussi dans lequel les décideurs peuvent utiliser des données probantes sur les résultats des immigrants et les commentaires des employeurs, des industries, des régions et des localités pour ajuster régulièrement leur système.
    Merci beaucoup de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui.
    Pour commencer, j’aimerais expliquer comment le monde du travail de nombreuses sociétés industrialisées va probablement changer radicalement au cours des deux prochaines décennies. Cela a des répercussions à la fois sur la main-d’oeuvre immigrante et sur les politiques de sélection des pays. Ces changements résulteront d'un certain nombre de tendances différentes, dont quatre que je vais vous décrire maintenant.
    La première est le développement technologique, comme la numérisation, l’automatisation et l’intelligence artificielle, qui vont probablement éliminer et créer des emplois. L’automatisation de certaines tâches courantes risque de transformer ou même d’éliminer certains emplois, mais les emplois qui reposent fortement sur des compétences créatives, cognitives comme la pensée abstraite ou interpersonnelles seront sans doute beaucoup plus difficiles à automatiser. Certains emplois vont aussi en remplacer d’autres. Bien que nous nous attendions à ce que certains emplois dans les secteurs de la fabrication ou de l’administration soient perdus, d’autres seront créés dans le domaine de l’analyse des données ou de l’informatique.
    Le défi, bien sûr, est d’aider les personnes déplacées à trouver un nouvel emploi.
    La deuxième tendance est démographique. La population augmente de jour en jour au Canada et ailleurs, et la part de la population active diminue. Cela crée des pressions supplémentaires, tant sur les régimes d’aide sociale que sur les pensions. Les décideurs considèrent souvent l’immigration comme un moyen de contrebalancer ces tendances, mais cela exige à la fois de veiller à ce que des nouveaux arrivants entrent sur le marché du travail formel et de continuer à admettre un grand nombre de personnes au fur et à mesure du vieillissement de la main-d'oeuvre née au pays ou immigrante.
    La troisième tendance est la polarisation croissante des marchés du travail entre, d’une part, les emplois hautement qualifiés, bien rémunérés et stables et, d’autre part, les emplois peu spécialisés, mal rémunérés et plus précaires. Nous observons une croissance des industries à forte intensité de savoir, ce qui entraînera vraisemblablement une concurrence croissante pour les travailleurs qualifiés, tant parmi les pays d’immigration traditionnels comme le Canada que dans les économies émergentes.
    La quatrième tendance est la modification des modalités de travail. Ici, je fais référence à la fois au développement de l’économie à la demande qui permet aux gens de travailler sur une base contractuelle et flexible — cela va d’Uber aux services de livraison d’aliments en passant par les services de garde — et aussi aux améliorations des modalités de travail à distance et de la collaboration numérique. Cela signifie que l’emplacement devient moins important pour certains types de travail.
    Bien que la souplesse et la nature informelle de l’économie à la demande peuvent attirer des immigrants et d’autres groupes sous-représentés sur le marché du travail, ces emplois offrent moins de stabilité et moins de protections et d’avantages sociaux, comme l’assurance-maladie ou l’assurance-invalidité. Cela risque d’accroître la vulnérabilité de ces groupes.
    Bien qu’il soit évident que le monde du travail subira des changements spectaculaires, il est beaucoup plus difficile de prévoir l’ampleur ou le rythme de ces changements. Ce qui est clair, c’est qu’il y aura probablement beaucoup plus de roulement dans de nombreux secteurs, à mesure que les emplois se transformeront et qu’un plus grand nombre de travailleurs devront quitter leur emploi ou suivre une formation assez importante pour continuer à exercer leurs fonctions.
    Ces tendances exercent une pression croissante sur les systèmes d’éducation et de formation qui devront offrir une formation permanente pour aider les gens à s’adapter aux changements dans leur métier ou même leur profession. Cela a évidemment des répercussions sur les systèmes de protection sociale, qui devront non seulement soutenir les travailleurs qui quittent leur emploi, mais aussi offrir des avantages au nombre croissant de travailleurs nés au pays ou immigrants qui travailleront dans l’économie à la demande.
    Au moment où les décideurs du Canada réfléchissent à ce scénario mondial, je pense qu’il faut mettre l’accent sur la création de politiques de sélection souples qui peuvent intégrer l’information sur le marché du travail et y répondre en temps opportun. Il faut notamment créer des systèmes adaptés qui peuvent admettre toutes les catégories de travailleurs peu spécialisés, semi-qualifiés et qualifiés selon les besoins et en fonction des renseignements sur le marché du travail, et veiller à ce que le système soit facilement accessible pour les immigrants et les employeurs.
    La modification des modalités de travail a également des répercussions sur les politiques de sélection. Par exemple, les modalités de travail à distance peuvent réduire la nécessité d’admettre certains immigrants de façon permanente, et le parrainage par l’employeur peut devenir moins pertinent étant donné la prolifération des travailleurs autonomes qui travailleront à leur compte et collaboreront avec un certain nombre d’employeurs différents.

  (1655)  

     Les décideurs devraient également songer à l’adaptabilité lorsqu’ils évaluent les immigrants éventuels. Si vous admettez un immigrant pour faire un travail, mais que ce travail disparaît, quelles qualités l’aideront à trouver rapidement un emploi différent?
    Une partie de la tâche consiste à examiner les facteurs qui, selon les données longitudinales du Canada, aident les immigrants à s’intégrer rapidement, comme une bonne connaissance de l'anglais ou du français et des liens avec le système d’éducation et le marché du travail canadiens. Toutefois, les décideurs devraient également tenir compte des compétences générales et cognitives qui seront probablement plus utiles pour les employeurs à l’avenir.
    Il faudra peut-être repenser la façon dont nous évaluons les immigrants. À l’heure actuelle, les systèmes d’immigration mettent l’accent sur les titres de compétence de l'enseignement formel, mais ils ne nous donnent pas vraiment une idée des compétences générales qui deviennent de plus en plus précieuses.
    Les décideurs devraient également regarder au-delà des politiques d’admission pour réfléchir à la façon dont elles peuvent aider plus de personnes à entrer et à rester sur le marché du travail. Le Canada investit déjà dans les immigrants qu’il accueille, parce qu’il comprend que les investissements dans la formation linguistique et la reconnaissance des titres de compétences finissent par être rentables pour les migrants, les employeurs et la société.
    Le Canada devra aussi penser aux groupes qui sont actuellement sous-représentés sur le marché du travail et leur offrir la formation qui leur permettra de se préparer aux nouveaux emplois.
    En fin de compte, je pense que la politique d’immigration ne peut être qu’un aspect de ces efforts pour préparer le Canada au monde du travail en évolution.
    Je remercie le Comité de m’avoir donné l’occasion de témoigner et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

  (1700)  

    Merci beaucoup.
    C’est stupéfiant de voir à quel point vous connaissez le Canada à Los Angeles. C’est assez impressionnant.
    Nous passons maintenant au Iranian Canadian Congress, l'ICC.
    Monsieur Tabasinejad, voulez-vous commencer?
    Je suis heureux de vous revoir.
     Merci. Je suis heureux de vous revoir également.
    Bonjour, honorables membres du Comité. Je m’appelle Pouyan Tabasinejad. Je suis vice-président de l'Iranian Canadian Congress. Nous sommes un organisme canadien de défense des droits dont l’objectif est de défendre les intérêts des Canadiens d’origine iranienne, qui sont environ 300 000 au Canada.
    Tout d’abord, je tiens à vous remercier de m’avoir invité ici aujourd’hui à titre de représentant de l'Iranian Canadian Congress. Bien que notre communauté soit confrontée à de nombreux problèmes auxquels d’autres communautés d’immigrants sont également confrontées, je dois malheureusement mettre ces problèmes de côté aujourd’hui pour pouvoir vous parler de quelque chose qui, à mon avis, représente une grave menace non seulement pour notre communauté, mais aussi pour l’intégrité des valeurs canadiennes, et la correspondance entre ces valeurs et nos politiques en tant que gouvernement et en tant que pays.
    Vous avez probablement entendu parler dans les médias de la campagne concernant les demandes iraniennes différées. Les demandeurs iraniens de la résidence permanente ont dû attendre des années avant d’être acceptés, habituellement sans aucune justification. Empêchés de trouver un emploi et d’entreprendre des études, ces demandeurs et leur famille ont énormément souffert pendant des mois et des années d’attente.
    La campagne portant sur les demandes différées et l'ICC ont découvert, à la suite d’une enquête sur cette question, que les demandeurs iraniens de la résidence permanente étaient systématiquement traités différemment par nos autorités de l’immigration et de la sécurité. Parce que leur nationalité est iranienne, ces personnes ont été soumises à de longs processus de sécurité approfondis et opaques, ce qui a retardé leur demande de plusieurs mois, voire de plusieurs années. Nous avons établi que cette politique de facto existait dans sa forme et son intensité actuelles depuis au moins 2016.
    En abordant la question, l’honorable ministre de l’Immigration et des Réfugiés, Ahmed Hussen, a récemment annoncé que les délais pour les demandes de résidence permanente des Iraniens ont été considérablement réduits, bien qu’ils soient encore beaucoup plus longs que la moyenne d’environ 10 mois.
    En fait, nous sommes reconnaissants au gouvernement d’avoir réduit ces délais et nous devons aussi remercier tous les représentants qui ont défendu cette cause, en particulier Jenny Kwan, qui l'a non seulement défendue avec passion, mais qui a aussi traité les cas individuels de ces demandeurs; Thomas Mulcair également, Majid Jowhari et Michelle Rempel, qui ont parrainé une pétition à ce sujet.
    Toutefois, ce que je suis venu vous dire aujourd’hui, c’est que le problème fondamental de la discrimination contre les Iraniens en raison de leur nationalité dans notre système d’immigration persiste, non seulement pour les demandes de résidence permanente, mais aussi pour les demandes de visa et de citoyenneté.
    Selon les données recueillies par la campagne concernant les demandes iraniennes différées, les demandeurs iraniens sont encore soumis massivement à un examen de sécurité exhaustif. La réduction des délais dont parle le ministre semble être attribuable au fait que les Iraniens sont soumis à un processus d’examen exhaustif accéléré et non pas parce qu’ils ne sont pas assujettis à ce processus, ce qui est la cause première du problème.
    Je dois mentionner ici que nous avons des indications selon lesquelles certains fonctionnaires font référence à certains articles de la LIPR, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, traitant de l’interdiction de territoire fondée sur des sanctions ou des règlements sur les droits de la personne, et rationalisant ce traitement des Iraniens. Cependant, et je dois le dire très clairement, aucun article de la LIPR ne prévoit une politique générale contre des personnes d’une certaine nationalité. En fait, la façon dont ces personnes sont traitées constitue une discrimination systématique fondée sur la nationalité dans le système d’immigration canadien. Non seulement cela va à l’encontre des valeurs canadiennes fondamentales d’égalité, mais cela pourrait aussi constituer une violation de la Charte, plus précisément des articles qui interdisent la discrimination fondée sur la nationalité.
    Maintenant que j’en ai parlé un peu, j’ai aussi le plaisir d'être accompagné de Mahdi Yousefi. Il représente la campagne des demandes de RP différées et est lui-même un demandeur de RP. Nous attendons toujours que sa demande soit approuvée.
    Il va maintenant parler de son expérience directe de ce problème.
    Mahdi, vous avez la parole.

  (1705)  

     Merci beaucoup, Pouyan et les membres du Comité, de me donner la parole.
     Je n’ai que trois minutes, mais je tiens à dire que je suis une personne indépendante, indépendante du gouvernement iranien et de toute organisation, y compris l'ICC. Aujourd’hui, je représente la campagne des demandes iraniennes différées.
    À part cela, je suis ingénieur électricien et j’ai deux maîtrises, l’une en télécommunications et l’autre en optique quantique. Je les ai obtenues au Canada, le pays de mon choix.
    Vous vous demandez peut-être pourquoi j’ai choisi le Canada? C’était en raison de ses mérites et de ses valeurs humanitaires.
    Depuis six ans que je vis et travaille à Calgary, je contribue à l’innovation et à la compétitivité économique de notre pays.
    Aujourd’hui, j’aimerais parler des demandes iraniennes différées, une campagne menée par des Canadiens d’origine iranienne indépendants, instruits et talentueux qui défendent l’une des valeurs canadiennes les plus importantes, soit le droit d’être traité sur un pied d’égalité devant la loi.
    L’an dernier, des centaines de demandeurs iraniens vivant au Canada ou en Iran ont remarqué des retards extraordinaires dans le traitement de leurs demandes de visa et de RP. Après une analyse approfondie des données gouvernementales accessibles au public et des données indépendantes, nous avons été déçus d’apprendre que la cause profonde de ces retards était que nous étions ciblés en raison de notre pays d’origine.
    Ces retards ont eu d’énormes répercussions négatives sur nos vies. Les demandeurs iraniens, dont beaucoup sont très instruits et ont des diplômes d’études supérieures en sciences et en innovation, ont été privés de possibilités d’emploi, de conférences internationales, de possibilités d’investissement et de réunification des familles. Cela a été une source d’angoisse et de chagrin. Plus important encore, nous avons été empêchés de participer à la croissance de ce beau pays.
    En avril dernier, lors d’une réunion conjointe entre IRCC, Sécurité publique Canada, notre campagne et l'ICC, on nous a dit que les enquêtes de sécurité menées par l’ASFC étaient la principale raison de ces retards — 293 jours, en moyenne, comme on l’a annoncé devant votre comité.
    En fait, selon les données sur l’immigration, les demandeurs iraniens représentent plus de 16 % des enquêtes de sécurité envoyées à l’ASFC. Il convient de noter que les Iraniens ne représentent que 3,5 % de l’immigration récente au Canada.
    Nous avons des raisons de croire que les demandeurs iraniens font l’objet d’une enquête de sécurité exhaustive après avoir satisfait aux critères d’admissibilité, de criminalité et de santé. Bien que les lois canadiennes en matière d’immigration stipulent que les demandeurs doivent être traités au cas par cas, on demande constamment aux demandeurs iraniens de présenter des documents supplémentaires à l’étape de l’admissibilité. J’ai ce document ici aujourd’hui. Cela donne à penser que nous sommes ciblés en raison de notre nationalité. C’est la définition même de la discrimination fondée sur le pays d’origine.
    Je tiens à remercier les représentants de tous les horizons politiques pour leur aide. La députée Kwan a discuté de cette question à maintes reprises à la Chambre des communes et a traité directement de nombreux cas. La députée Rempel a parrainé pour nous une pétition électronique qui a recueilli environ 2 000 signatures. Je suis heureux d’avoir eu l’occasion de travailler avec elles. Les ministres Hussen et Goodale ont reconnu les retards et ont promis de régler le problème.
    Bien qu’il y ait eu des améliorations dans la réduction du temps d’attente moyen au cours des derniers mois, ce dont nous sommes très reconnaissants, la cause profonde de ce problème consternant est loin d’être résolue.
    J’aimerais inviter tous les membres du Comité, peu importe leur parti respectif, à s’unir contre la discrimination, à nous aider à régler cette question pour les autres demandeurs, y compris moi-même, et à empêcher que cela se produise dans l’avenir de l’histoire canadienne.
    Merci beaucoup de me donner cette occasion.
    J’aimerais demander à Pouyan de parler des solutions.
    M. Pouyan Tabasinejad: Merci, Mahdi.
    Il nous reste environ une minute.
    C’est peu.
    L'Iranian Canadian Congress, l'ICC, recommande cinq mesures pour remédier à ce grave problème.
    La première est de classer par ordre de priorité toutes les demandes qui sont toujours en souffrance pour traiter le plus tôt possible.
    La deuxième est de créer un centre de réception des demandes de visa en Iran pour réduire le nombre de filtrages de sécurité exhaustifs appliqués aux demandeurs à l'étranger.
    Troisièmement, il faudrait veiller à ce que les renseignements personnels recueillis par des tiers au nom du gouvernement canadien ne soient pas communiqués à d’autres pays ou à des organismes tiers. C’est un enjeu très important pour beaucoup de demandeurs, surtout compte tenu de l’interdiction imposée aux musulmans par l’administration Trump.
    La quatrième mesure est d'ajuster les délais applicables aux demandes de citoyenneté en ajoutant les délais d’attente prolongés des demandeurs aux délais d'attente applicables à la citoyenneté. Nous pensons que ce serait équitable.
    Enfin, et c’est le plus important, il faut cesser de considérer chaque Iranien comme une menace à la sécurité et il faudrait fournir des justifications aux personnes qui font l’objet d’examens de sécurité exhaustifs et, de façon générale, faire preuve de transparence quant à la façon dont les personnes sont sélectionnées pour faire l’objet d’examens de sécurité exhaustifs.
    Merci.
    Très bien.
    Avec la permission du Comité, je vais proposer de passer à une série de questions de cinq minutes pour que nous puissions terminer une série avant 17 h 30. Sinon, nous pouvons aussi prolonger la séance de 10 minutes.
    Que préférez-vous? Je vois que c'est plutôt la série de questions de cinq minutes. D’accord, faisons cela dans ce cas.
    Monsieur Tabbara, vous avez cinq minutes.

  (1710)  

     Merci beaucoup aux témoins d’être parmi nous. Encore une fois, excusez-nous de l’interruption due aux votes. Nous sommes revenus aussi vite que possible.
    Kate Hooper, vous avez dit que nous devrions examiner les compétences générales des immigrants et des groupes sous-représentés. Je sais que vous avez manqué de temps dans votre témoignage, et je voudrais donc simplement que vous nous en disiez davantage sur ces deux points.
    Pour ce qui est des compétences générales, nous comprenons bien que, en dehors des titres de compétence auxquels on pense généralement quand on évalue des immigrants, il y a un certain nombre d’ensembles de compétences qui prennent de plus en plus d'importance pour les employeurs.
    Ce sont, par exemple, les compétences créatives, les compétences cognitives, la pensée abstraite, la résolution de problèmes, l’évaluation des données, et ce genre de choses, ainsi que les compétences sociales ou interpersonnelles. Ce sont les compétences qui seront probablement les plus difficiles à automatiser, mais elles deviendront aussi progressivement plus précieuses.
    À l’heure actuelle, il n’y a pas beaucoup de façons dont le Canada peut évaluer cela dans le cadre de son système d’immigration. Le Département du travail des États-Unis a une base de données appelée O*NET, qui circonscrit les différents types de compétences selon les professions. Elle permet de retracer les différents ensembles de compétences dans différentes professions, et on peut même faire une recherche de ces compétences dans différentes professions.
    Je pourrais, par exemple, faire une recherche sur les compétences en pensée abstraite dans différentes professions. C’est une façon intéressante de commencer à réfléchir à ces différents ensembles de compétences et à la façon dont ils s’appliquent à différentes professions à mesure que cela intervient dans différents secteurs. Le Canada pourrait peut-être s’inspirer de l’exemple des États-Unis et se demander dans quelle mesure ce serait applicable à ses politiques de sélection.
    Concernant les groupes sous-représentés, la réalité, c’est que la politique d’immigration sera un élément de réponse aux nouveaux besoins de compétences, mais nous devrons aussi nous intéresser aux groupes qui ne travaillent pas. Il pourrait s’agir des mères au foyer. Il pourrait s’agir des groupes plus âgés. Il pourrait s’agir des groupes minoritaires, qui ont tendance à être traditionnellement sous-représentés. Nous devons examiner les politiques d’immigration, mais nous devons aussi chercher des moyens d’aider les personnes qui ont quitté le marché du travail pendant un certain nombre d’années à le réintégrer.
    Dans le cas des immigrants, il peut s’agir de leur offrir un soutien linguistique adapté ou de les aider à faire reconnaître leurs titres de compétences ou simplement d'envisager d'offrir des programmes de transition qui peuvent, par exemple, aider des mères restées à la maison depuis un certain nombre d’années à réintégrer le marché du travail, à mettre à jour leur CV et à trouver de nouveaux emplois dans lesquels elles peuvent mettre leur expertise à profit.
    Il y a une pénurie de main-d’oeuvre qualifiée ici, surtout dans les métiers spécialisés, et je préconise donc d’examiner le système des points d’entrée pour les migrants admissibles. On se demande toujours s’ils ont un diplôme de premier cycle, une maîtrise, etc., et on leur accorde des points en fonction de cela. J’ai toujours insisté sur l'importance de ces compétences générales dont vous avez parlé.
    Ma question suivante s’adresse à M. Tabasinejad. Le Comité a entendu de nombreux témoignages au sujet du flux continu de réfugiés en raison de l’incapacité à réaliser la paix dans le monde.
    Pouvez-vous nous dire ce que la collectivité internationale devrait améliorer pour favoriser la paix?
    Excusez-moi, j’aimerais beaucoup parler de cette question, mais on m’a dit que le sujet serait la migration volontaire, et c’est ce à quoi nous nous sommes précisément préparés. Nous nous sommes préparés pour discuter de la question des retards dans les demandes de résidence permanente.
    Cela ressemble presque à une question de politique étrangère, et ce n’est pas ce à quoi je m’attendais.

  (1715)  

    C’est compréhensible.
    Outre les cinq mesures dont vous avez parlé et que le gouvernement devrait envisager en Iran, est-ce qu'il y a autre chose que vous aimeriez ajouter au sujet des raisons des retards? Comme vous l’avez dit...
    Je crains de ne pas pouvoir vous donner de temps. Je suis tout à fait totalitaire à ce stade.
    C’est au tour de M. Waugh.
     Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les membres du Comité. Nous n’avons que cinq minutes, nous allons donc essayer d’être brefs.
    Je voudrais simplement dire, madame Hooper, que vous avez tapé dans le mille au sujet du marché du travail au Canada. La situation évolue si rapidement qu’il est difficile de s’adapter. Vous avez parlé d'Uber, des B & B et tout cela. Ces emplois pourraient certainement être offerts aux gens qui viennent au Canada, parce que beaucoup de Canadiens ne veulent pas avoir un deuxième ou un troisième emploi.
    Les pensions de retraite vont changer au Canada. Nous savons que le marché du travail va s’adoucir avec des emplois permanents qui offrent de bonnes pensions de retraite et tous les avantages sociaux, et pourtant, quand nous faisons venir ces gens, ils ne peuvent pas espérer la même qualité de vie que nous avons aujourd'hui dans ce pays — il me semble, et vous êtes peut-être de cet avis.
    Êtes-vous d’accord ou non?
    Ma principale préoccupation au sujet des nouveaux types d’emplois, ce sont les avantages et les protections.
    On observe une forte croissance du travail temporaire et du travail sous contrat ou à la pige. En fait, le fonctionnement de beaucoup de nos systèmes d’emploi fait en sorte que ces avantages sont fournis par l’entremise de l'employeur, mais, si quelqu’un travaille pour plusieurs employeurs, il se peut qu’il n'ait pas d’assurance-invalidité ou d’assurance-maladie, par exemple.
    Je crois qu'il faut vraiment examiner le fonctionnement de notre système de sécurité sociale et s’assurer que les gens ne passent pas entre les mailles du filet. C’est vrai pour les travailleurs immigrants, mais c’est vrai également pour les jeunes, qui ont tendance à être représentés de façon disproportionnée dans ces types de travail informel. Quant à l’avenir, je pense qu'il faudra, entre autres, s'interroger sur notre système d’aide sociale, sur les mesures de protection des travailleurs et sur les avantages sociaux et veiller à ce qu’ils évoluent parallèlement à l’évolution du marché du travail pour qu'on ne se retrouve pas dans une situation où des emplois permanents sont assortis de toutes ces protections et de cette stabilité, alors qu’un nombre croissant de personnes sont laissées-pour-compte.
    L’un des défis auxquels nous sommes confrontés dans ce pays, c’est que, quand nous accueillons des immigrants et des nouveaux arrivants dans nos collectivités pour régler certains des problèmes de main-d’oeuvre — et vous avez parlé des écoles — tout à coup, l’anglais langue seconde est un problème important dans de nombreuses localités du pays. Les divisions scolaires doivent trouver des ressources non seulement pour la population scolaire actuelle, mais aussi pour les nouveaux arrivants. Elles sont débordées, parce que les classes sont plus grandes et qu’il est difficile de s’occuper de ces immigrants qui ne parlent pas très bien l’anglais ou le français. Cela exerce de fortes pressions sur les autorités provinciales et territoriales du pays.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et nous dire comment nous pouvons régler ce problème?
    Je pense que cela prouve l’importance d’investir dans la formation en anglais langue seconde, dans les écoles aussi bien que pour les adultes.
    Je pense que nous pouvons prendre exemple sur les États-Unis dans la façon dont les villes et les États savent partager une partie de leur expertise, surtout quand il s’agit de groupes d’immigrants dont le nombre est plus faible au Canada. Si vous accueillez de nouveaux groupes de personnes qui ont peut-être des antécédents différents ou qui parlent des langues différentes, il serait vraiment utile d’encourager le partage des ressources avec le gouvernement fédéral aussi bien qu'avec les provinces, les territoires et les villes, pour donner aux enseignants l’information dont ils ont besoin pour aider les enfants.
    Je vais donner la parole à Mahdi, parce que je pense qu’il ne me reste qu’une minute.
    De nombreux Iraniens ont dû attendre très longtemps leur statut de résident permanent dans notre province de la Saskatchewan. Avez-vous des conseils à nous donner? Vous êtes à Calgary et vous connaissez très bien le problème.
    Je tiens à dire une chose, c'est qu’ils sont dans tous nos bureaux, les 338. Ceux qui sont ici sont dans nos bureaux et essaient d’obtenir de l’information qui n’est pas disponible en ce moment ou qui est très difficile à obtenir.
    Je vous remercie de cette question.
    Comme vous le savez, il y a des milliers d’Iraniens d’un océan à l’autre au Canada qui sont en cause. Nous sommes convaincus que le principal problème est que le profilage ne se fait pas comme il faut. Par profilage, je veux dire qu’il y a un système de sécurité qui...
    Nous comprenons parfaitement cela, parce que nous voulons élever nos enfants ici et que nous avons l'intention de nous intégrer dans ce pays. Par ailleurs, il devrait y avoir des indicateurs permettant de circonscrire les cas qui doivent faire l'objet d'une vérification de sécurité exhaustive plutôt que d'une enquête ordinaire. Si on soumet tous les Iraniens à une vérification de sécurité exhaustive et qu'il y a une longue file d'attente dans le traitement des cas, cela va prendre beaucoup de temps. La façon la plus simple serait de mieux profiler tous les demandeurs. Peu importe d’où ils viennent.

  (1720)  

     Je crains de devoir vous arrêter ici. Désolé.
    C’est au tour de Mme Kwan.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins de leurs exposés. Dans le peu de temps dont nous disposons, je sais que les demandeurs iraniens sont des personnes hautement qualifiées et pleines de talents qui apportent beaucoup au Canada sur le plan économique. Les employeurs les recherchent. Ils les veulent surtout dans le secteur de la haute technologie et de la nouvelle économie.
    Je crois comprendre que, dans certains cas, le délai de traitement moyen est d’environ un an. Dans le chiffrier que j’ai dans mon bureau, sur lequel il y a quelque 77 demandes, c’est plus de deux ans. Est-ce que c'est l’expérience générale de votre communauté?
    Il vaut peut-être mieux que Mahdi réponde à cette question. Allez-y, Mahdi.
    Le problème, c’est que, quand on examine le temps de traitement des demandes de ressortissants iraniens et toutes les catégories, il n’y a pas de données provenant du gouvernement, parce qu’il n’en a pas divulgué. Nous savons, d’après celles que le gouvernement a fournies en 2015, que le délai d’attente pour les Iraniens était de 90 % supérieur à celui des autres demandeurs de partout dans le monde, et d’environ 40 % supérieur en 2017.
    Encore une fois, nous disposons de données indépendantes qui montrent, par exemple, que le délai moyen pour l’Entrée express est de six mois, mais qu'il est de 18 mois pour les Iraniens, ou que le délai moyen pour le Programme des candidats des provinces est de 15 à 19 mois, mais qu'il va de 27 à parfois 30 mois pour les Iraniens.
    Oui, c’est vrai partout. C'est pareil même pour le Programme des travailleurs qualifiés sélectionnés par le Québec. Il est rare qu'on puisse traiter la demande dans le délai normal.
    On nous a aussi parlé d’une situation au bureau de Paris, par exemple, où sur au moins 15 demandes, 9 avaient fait l’objet d’une vérification de sécurité, d’une vérification des antécédents criminels et d’une vérification médicale, mais les demandeurs n’avaient pas été informés. Leurs dossiers dormaient en quelque sorte sur les tablettes. Nous avons demandé à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, IRCC, comment il était possible, puisque toute la vérification était terminée, que les demandeurs n’aient pas été informés que leur demande était approuvée et qu'ils attendent toujours.
    Je me demande si l’un d’entre vous peut nous éclairer à ce sujet.
    J’en ai une expérience directe. Je représente cette campagne, et, par conséquent, ils m'en parlent. J’ai parlé à 15 d’entre eux qui ont présenté une demande en 2011 ou 2012. Ils ont franchi toutes les étapes du système d’immigration en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR — interdiction de territoire, criminalité, raisons médicales —, mais ils n'ont obtenu aucune réponse, et le gouvernement ne publie aucune donnée sur les raisons pour lesquelles ces demandes sont en suspens.
    Et, quand les gens posent des questions, on leur répond souvent par un ou deux mots comme « situation inconnue » ou « en attente ». N'est-ce pas?
    J’ai personnellement envoyé un courriel au ministre de la Sécurité publique, et on m'a répondu que les enquêtes de sécurité sont en cours et qu’il n’y a pas d’échéancier pour nous.
    Merci.
    Allez-y.
    Il semble bien que tous les dossiers soient acheminés vers une vérification de sécurité exhaustive. C’est le véritable problème auquel sont confrontés tous les Iraniens, en raison de leur nationalité.
    Désolée...
    Pourriez-vous répéter la première partie de votre question? Cela nous a échappé. Merci.
    Le problème que nous avons constaté, c’est que les demandes présentées par des Iraniens ont beaucoup plus de chances d'être soumises à une vérification de sécurité exhaustive. Encore une fois, nous ne savons pas précisément pourquoi, mais c’est la cause profonde de ces retards. C’est ce qu'il faudrait examiner, à mon avis.
    Nous devons examiner les raisons pour lesquelles ces personnes sont étiquetées et nous devons faire preuve d’une plus grande transparence dans le processus, aussi bien pour les organisations comme la nôtre, qui voient les choses de l’extérieur, que pour les demandeurs eux-mêmes. Il faut leur dire pourquoi leur demande est soumise à une vérification de sécurité exhaustive, si c’est effectivement le cas, plutôt que de leur dire simplement que le traitement est en cours.

  (1725)  

    À ce sujet, je pense que le Comité gagnerait beaucoup à recevoir un mémoire de votre part, où seraient décrites les situations actuelles et où seraient donnés des exemples des situations et des défis auxquels les gens sont confrontés, avec, bien entendu, des recommandations pour l’avenir.
    J’espère sincèrement que le gouvernement trouvera le moyen de régler ces problèmes, parce que le fait que les dossiers des demandeurs iraniens soient ainsi bloqués dans le système est vraiment à notre détriment. C’est au détriment du Canada, parce que l'éventail des compétences parmi les candidats est ahurissant. La grande majorité d’entre eux ont un doctorat et des diplômes d’études supérieures doubles. Ils sont plus intelligents que nous tous réunis, et, dans certains cas, on parle d'un seul demandeur. Je pense qu’il est vraiment important que nous essayions de comprendre. Si vous avez des recommandations précises sur ce que le gouvernement peut faire pour remédier à cette situation, nous les accueillerons volontiers.
     Veuillez être très, très bref.
    Malheureusement, nous n'avons pas pu déposer de mémoire, et je tiens à m’en excuser. La raison en est qu’on nous en a parlé seulement tard mercredi soir. Nous n'avons donc pas eu suffisamment de temps pour nous préparer et pour faire traduire. Nous pourrons certainement le faire.
    Je rappelle que j'ai recommandé cinq mesures dans mon exposé. Je vous les fournirai également par écrit, et nous pourrons ensuite formuler une longue recommandation. Merci.
    Merci.
    C’est au tour de M. Whalen.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Hooper. Je ne vais pas axer mes questions sur la délégation iranienne ou les gens de la conférence.
    La plupart des Canadiens savent bien sûr que les relations diplomatiques avec l’Iran ont été rompues en 2003, après le meurtre entériné par l'État de Mme Kazemi, photojournaliste, à la suite de quoi, évidemment, le Canada a rappelé de façon permanente son propre ambassadeur en 2012.
    Est-ce que les membres de la communauté iranienne, ceux qui immigrent au Canada, ont d’autres difficultés en raison de l’absence d’ambassade à Téhéran?
    Ma question s’adresse à vous, monsieur Tabasinejad.
    Quelle était la question?
    Quels sont les autres problèmes auxquels votre communauté est confrontée en raison de l’absence d’une ambassade en Iran?
     En fait, je pense que le problème des demandes retardées est en partie lié à cela, parce que nous n’avons pas d’ambassade en Iran, et c'est surtout le cas pour les demandeurs de l'extérieur. Nous n’avons pas non plus des visas en Iran, et c’est un élément que nous avons en fait intégré à une pétition parrainée par la députée Kwan.
    C’est une des façons dont cela nous touche probablement, mais cela nous touche de multiples façons. Nous n’avons aucun accès. La communauté iranienne, contrairement à presque toutes les communautés d’immigrants au Canada, n’a pas accès à des services consulaires. Si, demain, je voulais renouveler mon passeport iranien, je ne pourrais pas le faire au Canada. Il me faudrait passer par un processus long et coûteux et passer par les États-Unis.
    Dans ce cas, est-ce que vous seriez d’accord pour dire que c’est l’absence de liens diplomatiques officiels entre les pays qui est à l’origine du problème, et non pas la violation des droits de la personne par le Canada?
    Je dirais que les deux raisons ne s’excluent pas nécessairement l'une l'autre et que la rupture des relations a peut-être exacerbé ce problème. En fait, le problème actuel, même en mettant de côté la question des relations diplomatiques, qui doit certainement être réglée, c'est qu'il y a urgence. Notre organisation est très clairement en faveur de relations diplomatiques, mais ce qui importe en ce moment, c'est de déterminer ce qui se passe, et ce de toute urgence. Pourquoi ces personnes sont-elles étiquetées? S’il y a un lien avec l'absence de relations diplomatiques, il faut s’en occuper, mais il faut d'abord le signaler parce que j'estime que c’est une violation de la Charte et des valeurs canadiennes.
    J’entends bien ce point de vue, mais je crois que vous avez également présenté des arguments à l'inverse dans votre déclaration précédente. Dans sa déclaration du 17 octobre — et il y a évidemment eu beaucoup d’autres nouvelles le 17 octobre en dehors de cette déclaration —, le ministre Hussen a fourni certains détails supplémentaires. Êtes-vous au courant de la déclaration au sujet des délais d’attente?
    Oui.
    Est-ce que c'est raisonnable? Est-ce qu'on a réussi à réduire de 20 mois le délai d'attente, entre 2015, année où l'on a atteint un sommet sous le gouvernement précédent, avec 32 mois supplémentaires, et aujourd'hui, où le dépassement est de seulement 10 mois? Il me semble qu'on est en train d’éliminer l’arriéré.
    Premièrement, je ne dirais pas nécessairement qu’il s’agit d’un arriéré. Ce qui se passe, c’est que la grande majorité des dossiers des demandeurs iraniens sont en fait acheminés vers une autre filière. Tout le reste se fait par l’entremise d’IRCC, après quoi les dossiers sont acheminés vers les processus de vérification de sécurité exhaustive.
    Cela dit, la réponse est oui, et nous ne l'oublions pas. J’ai dit dans mon exposé que nous sommes conscients du fait que les délais ont été réduits, mais, même dans sa déclaration, le ministre Hussen dit bien que nous avons encore 10 mois et demi de retard, et c’est toujours un problème.
    À notre avis — et c’est difficile à dire —, la vérification de sécurité exhaustive se fait en fait plus rapidement, mais les Iraniens continuent d’être soumis à ce type de vérification en nombres beaucoup plus élevés que les autres.

  (1730)  

    Je comprends. Comme l'ont dit M. Waugh et M. Saroya, nous avons tous dans nos circonscriptions des Iraniens qui essaient de devenir des Canadiens. Ils offrent d'excellents services et ont de grands talents. Ils excellent dans les universités, et nous voulons que leurs compétences soient mises à profit au pays, mais il y a aussi d’autres communautés. Concernant les immigrants turcs et d’autres immigrants potentiels en provenance du Moyen-Orient, est-ce que vous travaillez avec ces autres groupes? Est-ce qu'ils sont confrontés à des délais semblables à ceux auxquels sont confrontés les Iraniens?
    Soyez très bref, s’il vous plaît.
    À ma connaissance, les Iraniens sont dans une situation singulière à cet égard. Nous sommes les seuls à faire face à ce problème à cette échelle. Ce que je recommanderais au Comité, c’est de vraiment poser des questions et d’exiger des renseignements sur les raisons de cette situation. Nous avons besoin de plus d’information sur les raisons. Nous avons besoin de transparence quant aux raisons pour lesquelles les Iraniens font l’objet d’une vérification de sécurité exhaustives.
     Merci.
    Monsieur le président, je suggère donc que nous obtenions également de l’information sur les retards enregistrés à l'égard des dossiers des demandeurs en provenance de Turquie, de Syrie, d’Irak et d’autres régions du Moyen-Orient, parce que j’ai...
    Et peut-être du Pakistan.
    Oui, juste pour voir, parce que je pense que c’est lié aux zones de conflit dans le monde. Ce n’est pas que les Iraniens soient visés, c’est seulement que les Iraniens aiment venir au Canada. Et nous voulons qu’ils viennent au Canada.
    Merci beaucoup.
    Pour le compte rendu, je précise que nous demanderons à IRCC une analyse comparative de la situation, simplement pour vérifier. Nous nous engageons auprès des témoins à essayer de mieux comprendre ce qui se passe.
    Merci beaucoup, non seulement pour votre présence aujourd’hui, mais aussi pour votre travail en général. Nous sommes toujours impressionnés par la qualité du travail des groupes de la société civile sur ces questions.
    Merci à tous.
    La séance est levée.
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