Passer au contenu
Début du contenu

ERRE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la réforme électorale


NUMÉRO 014 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 22 août 2016

[Enregistrement électronique]

  (1805)  

[Traduction]

    Nous ouvrons la séance numéro 14 de l'étude de notre comité spécial sur la réforme électorale.
    Nous entendrons trois témoins ce soir. Merci beaucoup de sacrifier quelques heures de cette belle soirée d'été.
    Je vais vous présenter brièvement nos trois témoins. La professeure Nathalie Des Rosiers est actuellement doyenne de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa; elle a aussi été avocate générale de l'Association canadienne des libertés civiles ainsi que présidente de la Commission du droit du Canada et membre du Conseil consultatif national de Représentation équitable au Canada. Mme Des Rosiers a été décorée de l'Ordre du Canada pour sa contribution à la défense des libertés civiles. Elle a reçu plusieurs autres distinctions. En 2010, le Globe and Mail l'a nommée parmi les dix personnes qui ont contribué le plus à l'édification de notre pays.

[Français]

     Christian Dufour est avocat, politicologue, auteur et commentateur. Chroniqueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec, M. Dufour est également chercheur et professeur à l'École nationale d'administration publique à Montréal. Les institutions démocratiques et la réforme électorale figurent parmi ses champs de recherche.
    Ayant été fonctionnaire provincial, M. Dufour possède une expérience considérable dans le domaine des affaires intergouvernementales acquise à l'époque où il travaillait dans la fonction publique du Québec. Il a publié de nombreux ouvrages sur l'identité du Québec et les questions linguistiques et politiques.

[Traduction]

    M. Harold Jansen est professeur agrégé à l'Université de Lethbridge. Il dirige sa recherche en partie sur les systèmes électoraux et sur la réforme électorale, mais il étudie également les effets qu'a Internet sur la communication politique et sur la citoyenneté démocratique. Il a aussi examiné l'application du vote préférentiel ainsi que des modes de scrutins alternatifs au Canada.
    Bienvenue à tous trois. Vos opinions et vos suggestions nous intéressent beaucoup.
    Nous allons commencer par Mme Des Rosiers, si vous voulez bien.

[Français]

     Bonjour et merci, monsieur le président. Je remercie le comité de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je vais m'exprimer en français et en anglais. Le texte de ma présentation a déjà été distribué.
    Aujourd'hui, je parle à titre d'ancienne présidente de la Commission du droit du Canada, qui avait produit en 2004 le rapport intitulé « Un vote qui compte: la réforme électorale au Canada ». J'ai pensé qu'il pourrait être utile pour le Comité de connaître le raisonnement qui caractérise ce rapport et la perception que nous avions à l'époque des enjeux auxquels le Canada était confronté.

[Traduction]

    Je vais souligner trois faits généraux importants. Tout d'abord, je crois qu'à la suite des consultations et des travaux qu'elle a effectués, la Commission établit très clairement le besoin de moderniser notre système électoral actuel. Le scrutin uninominal à un tour comporte trop de désavantages pour appuyer les aspirations démocratiques actuelles et futures des Canadiens. Je vais vous présenter brièvement les origines philosophiques de ce système afin d'expliquer en quoi il convient au XIXe siècle, et non aux aspirations de la société du XXIe siècle.

[Français]

     C'était notre vision à cette époque, à savoir que le système devait être réformé. Nous étions arrivés à la conclusion qu'il était nécessaire d'ajouter un élément de proportionnalité et de corriger les effets pervers du système.

[Traduction]

    En un sens, nous essayions de conserver les aspects positifs du système uninominal à un tour tout en corrigeant ses défaillances. Dans un ton modéré, ce rapport visait à aider les Canadiens et le Parlement de l'époque à aborder cette question de réforme électorale. En termes modérés, mais résolus, la Commission soulignait l'urgence de moderniser le système. Elle nous exhortait à encourager l'évolution de notre système électoral.
    Le deuxième aspect que je tiens à souligner est très important. Certains systèmes électoraux risquent d'aggraver les distorsions de notre scrutin actuel, notamment le fait qu'il reflète mal la diversité de la population canadienne. Je vais surtout m'arrêter sur l'égalité des sexes. Il faut que nous y portions attention, maintenant et à l'avenir. Je vous exhorte, si vous avez l'intention de présenter des recommandations différentes des nôtres, à tenir compte des effets qu'elles auront sur la représentation des sexes. À mon avis, cet aspect est crucial.
    Le troisième aspect que je tiens à souligner est le fait que le processus de réforme électorale est continu. Non seulement nous devons examiner les changements à apporter, mais il faudra accorder au nouveau système la capacité de surveiller l'efficacité de ces changements. Dans notre rapport, nous recommandions une évaluation approfondie de l'efficacité du système après trois élections. Nous recommandions aussi l'établissement d'un mécanisme institutionnel qui surveille continuellement la situation et qui puisse apporter les adaptations nécessaires.

  (1810)  

[Français]

     Il ne devrait pas être nécessaire d'attendre qu'il y ait une crise de légitimité pour apporter des amendements au mode de scrutin. D'une certaine façon, je vais demander à votre comité de considérer les recommandations de la Commission. Je veux parler ici des recommandations dans leur ensemble. Il s'agit non pas seulement de celles portant sur le système que la Commission recommandait, mais aussi des autres recommandations, qui traitaient de la capacité institutionnelle de bien évaluer ce qui se passe dans le système et de se pencher avec attention sur les questions de représentation du genre.

[Traduction]

    Je vais ajouter quelques mots sur la Commission.

[Français]

    La Commission a été formée en 1997. Elle avait comme mandat de s'assurer que le droit continuerait d'être pertinent au Canada. C'était un organisme législatif qui rendait des comptes au Parlement par l'entremise du ministre de la Justice.
    Le rapport sur la réforme électorale a été réalisé dans le cadre d'une étude sur les rapports de gouvernance au Canada. On s'inquiétait plus particulièrement du fait que l'innovation, qui semblait se manifester partout dans le monde, n'était pas mise en pratique au Canada. Bon nombre de nouvelles pratiques démocratiques mises en oeuvre dans le monde semblaient avoir de la difficulté à émerger au Canada. La Commission était indépendante et était bien placée pour étudier la question de la réforme électorale et pour baliser un peu la discussion à ce sujet.
    Plusieurs questions sont ressorties à maintes reprises lors de nos consultations, notamment la réduction de l'âge pour voter et le financement électoral. La Commission a suivi son processus habituel. Il y a eu des comités d'experts, des consultations publiques et l'établissement d'outils Web. Un processus de trois ans a mené en quelque sorte à notre rapport.
    Le raisonnement qui sous-tendait les conclusions de notre rapport était fondé sur ce qui suit. Quant à la réforme du système électoral, la méthode par laquelle les votes se traduisent en sièges n'est pas une panacée. Elle ne résout pas tous les malaises politiques ou toutes les défaillances. En fait, le mode de scrutin doit être changé lorsqu'il ne reflète pas bien les valeurs d'une société donnée. Il produit des distorsions qui minent la légitimité du système. Il est important, dans la perspective du droit, que le système parlementaire soit vu comme étant légitime. En effet, c'est ce qui confère l'autorité morale aux lois qui sont adoptées.
    Aucun système électoral n'est parfait. Aucun système ne peut vraiment traduire à la perfection toutes les valeurs qu'une société voudrait avoir. Cependant, les systèmes peuvent être évalués en fonction du choix qu'ils font entre les préférences ou l'équilibre qu'ils établissent entre les valeurs. Les préférences de certains systèmes ont un prix trop élevé. C'était notre conclusion quant au système uninominal à un tour. En effet, sa préférence pour la stabilité était trop coûteuse, en ce sens qu'elle nous privait d'une représentativité plus adéquate en matière d'idées et de population.

[Traduction]

    Nous proposons de fonder l'évaluation du système sur 13 critères. Vous les trouverez dans le rapport et vous en avez déjà déterminé certains vous-mêmes. Je pourrai m'allonger plus tard sur ces critères et sur le rapport, mais je vais me concentrer sur les raisons pour lesquelles nous avons fini par choisir le système de représentation proportionnelle mixte, ou SRPM.
    Nous avons évalué plusieurs types de scrutins en fonction des critères que nous avions fixés. L'un de ces critères était, bien entendu, la représentation géographique et territoriale; un autre était l'équité. Les participants à nos consultations ont constamment souligné la représentation démographique. Ils ont également cité la pertinence: les électeurs ne veulent pas gaspiller des votes, mais ils veulent que l'on traduise adéquatement ce qu'ils font. Ils ont aussi mentionné l'importance d'un vote par personne, de l'efficacité de la législature, de la recherche de consensus, de la responsabilisation, de l'efficacité du gouvernement, de l'efficacité de l'opposition, de la simplification de l'administration et de la facilité de transition. Plus le nouveau système ressemblera au scrutin actuel, plus la transition sera facile.
    Nous avons cependant tenu compte de l'évolution de la culture politique en cherchant à prévoir la façon dont les différents acteurs agiront et de déterminer les gagnants et les perdants. Nous étions convaincus que la culture démocratique est très solide au Canada et que les acteurs s'adapteraient au nouveau système, qu'ils s'efforceraient d'assurer son succès; donc en un certain sens, il était dangereux de penser que le système n'échouerait pas.
    Nous avons examiné en profondeur la question de la représentation des sexes et des minorités. Nous avons mené de nombreuses consultations et effectué des études sur cette question. Nous en avons conclu que la réforme électorale à elle seule ne pourrait pas garantir l'égalité des sexes.

  (1815)  

[Français]

     C'était une condition nécessaire mais non suffisante. Dans notre rapport,

[Traduction]

Notre rapport suggère donc que les parties prennent d'autres mesures telles que, naturellement, de mobiliser les femmes et les personnes venant de minorités et qu'elles rendent compte au Parlement des mesures qu'elles prennent et qu'elles ne prennent pas. Nous avons présenté des recommandations similaires sur la représentation des Autochtones.
    Nous avons aussi recommandé un type précis de scrutin proportionnel mixte comportant des seuils de listes fermées.
    En ce qui concerne la mise en oeuvre, nous n'avons pas recommandé de tenir un référendum, mais d'en examiner la possibilité. Selon nous, il serait très difficile de déterminer pour quels principes la réforme électorale nécessiterait la tenue d'un référendum alors qu'on n'en tiendrait pas pour d'autres réformes législatives telles que l'âge de voter, le financement des partis ou les exigences symboliques comme la citoyenneté. Selon nous, il s'agissait plutôt de

[Français]

justifier pourquoi on ne le ferait pas dans d'autres contextes si on commençait de cette façon. Comme juristes, le fait de nous assurer que ce système est cohérent était notre préoccupation.
En conclusion, la réforme électorale

[Traduction]

La réforme électorale n'est pas une panacée, mais à l'heure actuelle, elle est très nécessaire. Il est normal d'hésiter à s'y lancer, mais nous nous devons de saisir cette occasion d'apporter du changement en étant convaincus que cette étape est cruciale pour améliorer la gouvernance publique du Canada.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer à M. Jansen.
    Monsieur Jansen, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci de m'avoir invité à témoigner devant ce comité.
    Notre manière de traduire les préférences des citoyens en votes, puis ces votes en sièges, constitue le fondement même de la démocratie au Canada. Il est grand temps que nous entamions une discussion approfondie sur notre ancien mode de faire et sur la manière dont nous pourrions faire les choses. Pour moi, discuter des systèmes électoraux est une façon idéale de passer une belle soirée au mois d'août.
    Comme l'a souligné le président, ma recherche vise deux domaines qui pourraient intéresser le comité. D'abord, dans un passé qui me semble s'éloigner toujours plus du présent, j'ai rédigé ma thèse de doctorat sur l'application des systèmes de vote alternatif et de vote unique transférable, ou VUT, en Alberta et au Manitoba de 1920 à 1955. J'ai lu certains des témoignages que vous avez entendus, alors je sais qu'on vous l'a déjà expliqué. Ces provinces appliquaient le VUT dans les grandes villes et le vote alternatif dans les régions rurales. Avec l'utilisation du vote alternatif en Colombie-Britannique en 1952 et 1953, il s'agit des seules occasions où l'on a utilisé d'autres systèmes que le scrutin uninominal pour des élections provinciales et fédérales. L'application du VUT, selon moi, est très intéressante, parce qu'il s'agit de la seule occasion où l'on a utilisé un système électoral proportionnel avec des partis politiques au Canada. Nous avons aussi une occasion rêvée de tirer de nombreuses leçons un peu partout dans le monde, mais ces exemples canadiens nous aideront considérablement à comprendre le fonctionnement éventuel de ces systèmes.
    Je suis persuadé que dès la fin de cette séance, vous allez tous vous précipiter pour lire ma thèse de doctorat, mais pour vous épargner la joie de lire 300 pages de prose ampoulée d'un étudiant de doctorat, je vais vous en présenter les conclusions principales.
    Je mène des études de recherche dans un autre domaine qui pourrait intéresser le comité: l'activité politique que les Canadiens mènent en ligne. Avec des collègues d'autres universités canadiennes, j'ai interrogé des Canadiens pendant au moins deux ans et demi sur ces activités politiques. Dans le cadre de ces sondages, nous leur avons aussi posé quelques questions sur leur attitude face au scrutin en ligne. Cette étude était financée par le Conseil de recherches en sciences humaines qui nous avait demandé, entre autres choses, d'obtenir des renseignements qui éclaireraient les débats publics. Nous commençons à peine l'analyse de ces données, alors à la fin de mon allocution, je vous présenterai brièvement quelques-unes de ces conclusions préliminaires.
    Les résultats de ma recherche sur l'utilisation du scrutin préférentiel aux élections provinciales m'incitent à penser que le vote alternatif ne constitue probablement pas le meilleur choix pour le Canada. Les circonstances historiques suggèrent que ce scrutin produit des résultats électoraux assez similaires à ceux que produirait le système uninominal à un tour; il ne corrigerait pas la défaillance principale de ce système, qui est de ne pas produire une législature qui reflète adéquatement les préférences des Canadiens. En Alberta et au Manitoba, ce scrutin n'influe aucunement la proportionnalité, qui est le critère sur lequel les experts en sciences politiques mesurent la correspondance entre les sièges et les votes. Ce scrutin n'a absolument aucun effet là-dessus.
    Même au niveau des circonscriptions, le vote alternatif ne produit pas de résultats bien différents de ceux du scrutin uninominal à un tour. Pendant les 30 années où l'Alberta a appliqué le vote alternatif, moins de trois pour cent de tous les sièges contestés auraient été attribués différemment par un scrutin uninominal. Au Manitoba, ce chiffre n'atteint même pas deux pour cent. Autrement dit, dans 97 à 98 % des cas, le candidat qui a de l'avance sur les autres au premier tour finit par gagner, et il aurait gagné au scrutin uninominal à un tour.
    Ce résultat s'explique principalement par le fait que plus de la moitié des électeurs du Manitoba, et près de la moitié des électeurs albertains se contentaient d'indiquer leur premier choix. Nous avons découvert que de nombreux électeurs — la majorité d'entre eux au Manitoba — se contentaient d'indiquer leur choix principal même s'ils avaient l'occasion de classer les candidats par ordre de préférence. Ils ne songent même pas à indiquer un deuxième choix, et encore moins un troisième, et ainsi de suite.
    En essayant d'imaginer le fonctionnement du vote alternatif au Canada, nous jetons souvent un coup d'oeil sur l'Australie. Mais nous oublions que la loi oblige les électeurs australiens à classer tous les candidats dans leur ordre de préférence. C'est là toute la différence. Nous n'avons pas fait cela au Canada. En fait, une telle mesure soulève des questions morales. Pouvons-nous forcer les gens à contribuer à l'élection d'un candidat auquel ils s'opposent foncièrement? Ce candidat pourrait être leur troisième choix sur quatre. Nous n'avons pas fait cela au Canada, et quand nous laissons cette liberté aux électeurs, une bonne partie d'entre eux semblent ne pas vouloir indiquer plus d'un choix. Je crois que nous accordons aux préférences beaucoup plus d'importance qu'elles n'en ont en réalité.
    Nous avons aussi découvert que dans les trois provinces qui l'ont appliqué, le scrutin alternatif se soldait par un très grand nombre de bulletins de vote rejetés. Dans certains cas, cela provenait du fait que les règles sur le marquage des bulletins n'étaient pas assez strictes; au Manitoba où ces règles n'étaient pas strictes du tout, le nombre de bulletins de vote rejetés a triplé. On penserait qu'il ne serait pas bien difficile pour les électeurs d'inscrire un, deux et trois dans les cases du bulletin au lieu d'un X, mais il semble que cela posait un problème pour les électeurs; nous n'avons cependant pas eu accès à ces bulletins de vote pour déterminer exactement les causes de ce problème.

  (1820)  

    D'un autre côté, je dirais que le système de VUT appliqué à Edmonton, à Calgary et à Winnipeg s'est avéré beaucoup plus efficace en reflétant beaucoup mieux les désirs des électeurs en matière de représentation législative.
     Les gens ont tendance à souligner le fait qu'en passant à un système électoral proportionnel, nous n'aurons plus de gouvernements majoritaires, et je sais que plusieurs témoins ont déjà dit cela au comité. Mais nous avons aussi tendance à oublier que ce système produit une opposition assez vaste pour être efficace. Je viens de l'Alberta, et notre province a presque toujours souffert de ce problème. En général, nous n'avons pas de grands partis d'opposition. À l'époque du Crédit social, le scrutin par VUT à Edmonton et à Calgary s'est avéré crucial pour placer une opposition solide à la législature. Le Crédit social gagnait presque tous les sièges des circonscriptions rurales, et après l'élection de 1955, quand on a cessé d'appliquer le VUT et le vote alternatif, il a raflé presque tous les sièges à Edmonton et à Calgary.
    Le VUT a pour avantage de permettre aux électeurs d'appuyer des candidats de différents partis. Mais le font-ils vraiment? Théoriquement, vous avez raison, ils pourraient choisir. Je vais illustrer cela dans le contexte fédéral actuel. Les électeurs aiment avant tout le candidat libéral, ensuite un candidat conservateur, puis un nouveau démocrate, puis un vert, puis un autre libéral, et enfin un autre conservateur. Ils peuvent classer les candidats dans l'ordre qu'ils désirent. Mais quand nous avons examiné la manière dont les électeurs avaient réellement appliqué ce type de scrutin en Alberta et au Manitoba, nous avons découvert qu'ils avaient tendance à voter au sein d'un parti. Si un autre candidat de ce parti s'était présenté, 60 à 90 % des bulletins transférés seraient restés dans ce parti. Une fois que le dernier candidat d'un parti était éliminé, 35 à 40 % des votes venaient d'électeurs qui n'avaient plus de préférence à indiquer après cela. J'en conclus qu'un moins grand nombre d'électeurs que nous ne le pensions saisissent cet avantage d'appuyer des candidats de différents partis. C'est une des raisons pour lesquelles on préfère souvent le VUT à d'autres modes de scrutins alternatifs.
    Le VUT a aussi ses inconvénients. Les bulletins de vote sont plus longs et plus complexes. Un moins grand nombre d'électeurs que prévu profiteront peut-être des avantages de ce scrutin.
    Permettez-moi d'ajouter rapidement que nous n'avons constaté aucun effet sur les taux de participation aux élections. On entend souvent dire que cela constitue un avantage possible. Je n'ai découvert aucune indication d'un effet quelconque. Certains s'inquiétaient aussi du fait qu'avec la représentation proportionnelle, les partis allaient foisonner, mais je n'ai constaté aucun facteur qui appuie cet argument.
    En examinant ces cas, je me trouve à répéter ce qu'André Blais vous a dit le mois dernier: il est important de prendre avec un grain de sel les avertissements au sujet d'autres effets que les systèmes électoraux pourraient avoir sur la formation des partis et sur le taux de participation des électeurs, car ces effets pourraient être causés par bien d'autres facteurs. Le système électoral peut y jouer un rôle, mais il n'est pas le seul à le faire.
    Le système électoral se contente de modifier le calcul que l'on effectue pour traduire les votes en sièges. Les systèmes de représentation proportionnelle comme le VUT, la représentation proportionnelle mixte ou la représentation proportionnelle avec des listes de parti le font avec beaucoup plus de précision que le scrutin uninominal à un tour et que le vote alternatif. Je crois que nous avons là le critère fondamental à observer en préparant cette réforme électorale.
    Maintenant très brièvement, nous avons fait des découvertes intéressantes au sujet du scrutin en ligne. En examinant les résultats de notre recherche, nous avons remarqué qu'une proportion importante de la population canadienne s'inquiète de sa sûreté, mais désire quand même voter de cette manière. Les résultats de notre sondage indiquent que 36 % des Canadiens pensent que de voter en ligne présente des risques, 42 % d'entre eux pensent qu'il n'y a pas de risque et le reste des répondants ne savent pas si c'est le cas ou non. Ce qui m'a vraiment surpris est le fait qu'un tiers des gens qui ont affirmé que ce scrutin présenterait des risques étaient tout de même prêts à voter ainsi s'ils le pouvaient. Cela s'explique peut-être par le fait que ce risque ne les menace pas personnellement; il menace le système, mais pas eux.
    Quant aux répondants qui pensent que ce scrutin ne comporte pas de risques, ils seront plus enclins à voter en ligne si on leur en offre la possibilité. Je pense que si l'on envisage d'offrir le scrutin en ligne, il faudra rassurer les électeurs pour qu'ils comprennent que ce système ne pose pas de risques à la sécurité.
    Si nous leur en offrions l'occasion, 55 % de nos répondants ont indiqué qu'ils voteraient très probablement en ligne, et 22 % ont dit qu'il y aurait bien des chances qu'ils le fassent. C'est très surprenant.
    Mais attention: nous avons mené ce sondage en ligne.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Harold Jansen: Les répondants étaient donc très à l'aise face à la technologie Internet. Je puis vous affirmer que cela crée une surestimation du résultat. Je ne peux pas vous dire de combien, mais il faut en tenir compte.
    Il y a un autre facteur, qui influence en fait toutes les études effectuées en sciences politiques. Les répondants qui ont accepté de passer 20 minutes devant leur ordinateur pour répondre à des questions sur la politique sont des gens qui s'intéressent beaucoup à la politique, donc nos réponses proviennent en grande partie de personnes qui participent aux élections. Nous faisons tous face à ce problème.
    Du petit nombre de répondants qui nous ont dit qu'ils ne votaient pas, 48 % ont affirmé qu'ils auraient très probablement voté si l'on avait offert un scrutin en ligne.
    Ma dernière observation au sujet du scrutin en ligne est le fait que j'ai examiné quelques indicateurs démographiques. Risquons-nous de négliger certains groupes? Deux groupes sont ressortis d'une manière évidente. Les personnes au revenu très élevé avaient tendance à répondre qu'elles voteraient très probablement en ligne. Cela ne nous surprend aucunement: ces gens sont très à l'aise face à la technologie numérique. C'est un thème qui fait apparition depuis quelque temps.

  (1825)  

    Comme les activités politiques se déroulent de plus en plus sur Internet, notre équipe s'inquiète toujours plus pour les gens qui ne possèdent pas de bonnes compétences numériques. C'est pourquoi je crois qu'il faudrait procéder avec une certaine prudence à la mise sur pied d'un scrutin en ligne. Ce scrutin ne pourra que compléter le système que nous avons déjà; il ne devra pas remplacer ce que fait toujours Élections Canada, parce que les différences de compétence numérique risquent de désavantager des électeurs.
    Je vous remercie, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.

[Français]

     J'invite maintenant le professeur Dufour à prendre la parole.
    Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation.
     J'aimerais souligner qu'après les présentations, il y aura deux séries de questions au cours desquelles chaque député disposera de cinq minutes pour poser des questions et obtenir des réponses. C'est donc dire que ces cinq minutes doivent inclure aussi bien les questions que les réponses. Si quelqu'un pose une question à un témoin et qu'il ne reste pas assez de temps pour y répondre, il pourra toujours y revenir lors d'une prochaine intervention.
    Professeur Dufour, vous avez la parole.
    Je suis honoré de comparaître devant un comité de la Chambre des communes. C'est la première fois de ma vie où, à mon âge vénérable, je fais une telle chose. Je vous remercie de cette invitation.
    Vendredi, j'ai fait distribuer aux membres du Comité un texte synthèse intitulé « Deux dynamiques profondément différentes » puisque je n'aurai pas assez de 10 minutes pour parler de tous ces aspects.
    Au cours de la période qui suivra ma présentation, j'aurai peut-être l'occasion de répondre à des questions concernant l'âge du vote, le vote par Internet ou le vote obligatoire, des sujets que je n'ai pas abordés dans mon texte. Au cours de cette présentation, je vais m'en tenir aux deux points les plus importants de ce que j'ai à mentionner.
     Le premier concerne le processus de la réforme et la façon d'assurer sa légitimité — si elle est menée à terme, ce qui n'est pas évident. Dans ce texte, j'ai essayé de faire ressortir la différence très profonde entre la dynamique du mode de scrutin actuel, d'une part, et celle des modes de scrutin proportionnels, d'autre part.
    Nous ne sommes pas en face de différences seulement techniques ou procédurales. Nous sommes en face de changements structurants. Je ne crois pas beaucoup à l'ajout de petits éléments proportionnels. Ce n'est pas la même dynamique. Ce n'est pas la même façon dont la politique se vit. Cela risque de changer la façon dont la démocratie et la gouvernance se vivent au Canada.
    Pour moi, il est clair que ce sont des changements de nature constitutionnelle. Ce n'est peut-être pas le cas en droit, mais en réalité, il me semble que cela redéfinit la façon dont on vit notre démocratie. De plus, le mode de scrutin est une institution que les Canadiens ont depuis 150 ans. Cela fait depuis 1867 que nous avons ce mode de scrutin. En fait, si cette réforme est menée à terme, cela pourrait possiblement être la réforme la plus importante du gouvernement Trudeau. C'est pourquoi il est important qu'il y ait un véritable consensus pour mener à terme cette réforme et assurer sa légitimité.
    Je suis très francophone, mais dans ma tête, je suis quelque part un conservateur de type britannique et je suis attaché au parlementarisme de style Westminster. Pour que l'on puisse parler de consensus, normalement, il faut l'appui de l'opposition officielle parce qu'elle est officielle et parce qu'on veut changer une institution. Il s'agit de quelque chose de constitutionnel dans les faits, mais à tout le moins, c'est une vieille institution qui existe depuis 150 ans. Je ne dis pas cela parce que je suis pour les conservateurs. Il n'y a pas de lien à cet égard. Il s'agit plutôt de l'aspect institutionnel.
    Si l'opposition officielle n'est pas d'accord, le gouvernement n'a pas d'autre choix que d'inviter les Canadiens, par l'entremise d'un référendum, à choisir entre le mode de scrutin actuel et un mode de scrutin proportionnel que ce comité pourrait recommander. Il est très important d'avoir cela en tête, car je crains que l'on se retrouve devant un précédent très dangereux concernant une réforme touchant une vieille institution qui appartient aux Canadiens.
    Le mode de scrutin n'appartient pas aux experts. Il appartient aux Canadiens. En fait, la plupart des experts sont contre le mode de scrutin actuel. Je suis un des seuls qui trouvent des bons côtés au mode de scrutin actuel. Pour le changer, il faut bien faire les choses. Si on créait le précédent d'une réforme sans l'accord de l'opposition officielle et sans référendum, cela ferait en sorte que, dans quatre ou cinq ans, un autre gouvernement pourrait le faire.
    Il ne faudrait pas devenir comme les Français, qui passent leur temps à envisager un changement de leur mode de scrutin et de leur Constitution. La façon de procéder est donc très importante. C'est aussi une façon de convaincre les gens qui sont réticents à ce changement. Les experts ne représentent pas la population. En tout respect pour les experts, ils ne voient pas beaucoup de qualités au mode de scrutin actuel. En ce qui me concerne, j'en vois beaucoup, et c'est le deuxième point que je veux souligner.
    Dans mon texte, j'ai essayé de parler des avantages et des inconvénients du mode de scrutin actuel, d'une part, et des modes de scrutin proportionnels, d'autre part, parce que le mode de scrutin actuel est très largement décrié par les élites, les experts et les milieux intellectuels. Je trouve cela injuste étant donné que depuis 150 ans, le mode de scrutin actuel assure aux Canadiens ce qui est le coeur de toute démocratie fonctionnelle, soit le remplacement pacifique régulier des équipes partisanes au pouvoir, entre autres par le phénomène des balayages.

  (1830)  

     On sait que c'est une particularité de notre système. Celui-ci donne une prime au parti vainqueur, ce qui fait que ce parti est souvent majoritaire. Ce n'est pas quelque chose qui émane du XIXe siècle ou du XVIIIe siècle. Il y a un an, une élection fédérale a eu lieu. La plupart des experts trouvaient que le gouvernement conservateur, même s'il était usé et impopulaire, serait difficile à défaire à cause de la division de l'opposition entre le NPD et les libéraux.
    Que s'est-il passé? À un certain moment, les Canadiens ont hésité entre le NPD et les libéraux et, finalement, ils se sont concentrés sur les libéraux qu'ils ont élus de façon majoritaire à leur satisfaction, je pense. Les sondages étaient clairs à cet égard.
    Je ne pense pas qu'un expert au Canada avait prévu qu'il y aurait un gouvernement majoritaire. Au mieux, les gens disaient que le NPD ou le Parti libéral allait peut-être réussir à défaire les conservateurs, mais que ce serait alors un gouvernement minoritaire. Le mode de scrutin actuel est plus fort que les experts ne le pensent parce qu'il n'y a pas si longtemps, soit il y a à peine un an, il a produit les résultats que les Canadiens voulaient. C'est le côté pragmatique de la politique, parce que tout cela n'est pas entièrement rationnel et tout cela n'est pas entièrement cohérent.
    On a un gouvernement libéral majoritaire. Il va peut-être devenir impopulaire, mais au début, il livrait la marchandise. Je trouve que ce système mérite que les Canadiens puissent le garder s'ils le veulent. Il faudrait peut-être le moderniser, mais je pense qu'il faut établir la preuve à cet égard.
     Je suis peut-être trop conservateur britannique, mais il est faux de dire que le système actuel ne tient pas la route. Il a ses forces et ses faiblesses, mais globalement il livre l'essentiel. Il livre des gouvernements à la fois forts et susceptibles d'être congédiés, ce qui n'est pas rien. Dans le contexte de la mondialisation, qui est dangereuse, l'impuissance des démocraties est une chose à éviter. Notre système fait en sorte que les gouvernements sont souvent majoritaires. S'il n'y avait pas eu le mode de scrutin actuel, le gouvernement Trudeau ne serait pas majoritaire. Il l'est, mais on peut s'en débarrasser à un moment donné. On peut le congédier et faire le ménage. Au Québec, on dit en français qu'on peut nettoyer la  soue à des intervalles réguliers.
     Il y a aussi l'exemple de l'Italie. Dans ce pays, à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, le Parti démocrate chrétien a été dominant pendant plusieurs décennies. Il a pourri sur place pendant des décennies. Il y avait la proportionnelle et, après chaque élection, il rectifiait le tir en faisant des alliances avec de plus petits partis. Toutefois, le même groupe restait toujours au pouvoir.
    Il faut peut-être changer le mode de scrutin si on en est rendu là. Il est facile de critiquer le mode de scrutin actuel parce qu'on le connaît. Le problème des modes de scrutin proportionnel est qu'il y en a beaucoup. Le 27 juillet dernier, André Blais disait qu'il était pratiquement impossible de prévoir ce que cela pourrait précisément donner.
    Le moins que l'on puisse dire est qu'il existe un principe de précaution qui doit être respecté. Si les Canadiens décident que c'est le temps de changer notre système — je suis un démocrate, je vais me rallier, ce n'est pas la fin du monde —, il est important que cette réforme soit légitime. Je ne pense pas que le gouvernement puisse imposer cela. Je ne suis pas expert en la matière, mais je pense que cela appartient aux Canadiens. Vous êtes des politiciens, vous êtes des députés. Vous devez vous méfier des experts. Ceux-ci ne vont que critiquer le mode de scrutin actuel. On n'en a que pour la proportionnelle et on discute des différences entre les types de mode de scrutin proportionnel. On voit les arbres, mais on oublie la forêt, qui est une dynamique politique canadienne ancienne qui n'est pas parfaite.
    Je pense qu'on juge l'arbre à ses fruits, et les tests ont été faits récemment. C'est pour cette raison que, si on fait une réforme, il faut qu'elle soit vraiment légitime. C'est ma position à cet égard. Il serait absurde qu'on fasse une réforme pour augmenter la légitimité du système et que cette réforme soit elle-même illégitime et qu'elle soit perçue par les Canadiens comme étant un coup de force. Je sais que dans le texte on a traduit l'expression « coup de force » par show of force, mais un ami journaliste canadien-anglais m'a dit qu'il faudrait plutôt parler de power grab.

  (1835)  

     Bref, on parle ici d'un cas où ce serait perçu par les Canadiens comme un coup de force fait par des élites massivement opposées au mode de scrutin actuel. Les élites sont plus intellectuelles. Dans le texte, je fais ressortir cela. Les deux systèmes comportent des avantages et des inconvénients. Il est clair que la proportionnelle est perçue comme étant plus juste, mais pour être franc, je dirais que la proportionnelle pure est quelque chose d'aberrant. Pensons à Israël...
    Je ne veux pas mettre fin à votre critique au sujet des élites...
    On y est. C'est le temps.
    C'est très intéressant...
    Est-ce qu'il me reste encore du temps, monsieur le président?
    Vous aurez l'occasion de poursuivre votre propos en répondant plus tard aux questions.
    Je vous remercie.
    C'est nous qui vous remercions.
    Nous allons maintenant entamer la première série de questions.
     Madame Romanado, vous avez la parole et vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je veux remercier les témoins d'être parmi nous ce soir.

[Traduction]

    Comme vous l'avez fait remarquer, tout le monde n'accepterait pas de passer une belle soirée comme celle d'aujourd'hui dans une salle sombre, alors je vous remercie beaucoup d'être venus.
    Nous avons entendu trois allocutions différentes présentant un grand nombre de sujets. Il nous faudrait trois ou quatre heures pour examiner plusieurs de ces sujets.
    Ma première question s'adresse à Mme Des Rosiers.
    Je n'ai pas lu le rapport en entier, mais j'en ai lu une bonne partie, et je vous remercie de nous l'avoir présenté. Dans vos 23 recommandations et dans votre allocution, vous avez parlé de la forte croissance de la diversité ainsi que de la représentation des sexes chez nos élus et autres. D'autres témoins nous ont aussi dit qu'un changement de système électoral n'aurait pas d'effets sur la diversité et sur la représentation des sexes et qu'en fait, on pourrait appliquer différentes stratégies, comme établir des systèmes de contingents, etc. Une réforme électorale ne vise pas uniquement à modifier le système électoral; cette modification ne résoudrait pas les problèmes une fois pour toutes. Quant à l'engagement et à la participation, vous nous avez présenté un peu votre point de vue sur le scrutin en ligne, et je voudrais que vous vous étendiez un peu là-dessus, monsieur Jansen.
    Quelles modifications apporteriez-vous aux recommandations que vous avez présentées dans votre rapport publié il y a quelques années? Bien des choses ont changé depuis, alors comment adapteriez-vous ces recommandations?

  (1840)  

     Je demeure absolument certaine de notre évaluation du système uninominal à un tour. Même s'il nous satisfait d'une certaine façon à l'heure actuelle, il faut que nous pensions à long terme. Selon moi, ce scrutin a produit beaucoup trop de cas de distorsion. J'en demeure convaincue.
    En 2004, nous n'avons pas examiné ou simulé des solutions adaptées particulièrement au Canada. Nous avons examiné un ensemble de systèmes appliqués un peu partout dans le monde pour les évaluer à partir des critères que nous avions fixés. Je suis toujours convaincue que ces critères étaient valides, tout comme l'importance de la participation et de l'équité, de veiller à ce que le vote

[Français]

que ce soit un miroir de la nation. On aborde

[Traduction]

... représente parfaitement la nation. Je tiens beaucoup à cela.
Je suis encore convaincue que nos recommandations de bien tenir compte de cette question sont toujours aussi importantes et que vous devriez les présenter dans votre rapport.
     Je suis toujours sûre de ce que nous avons indiqué au sujet des sexes... et sans aucun doute, ce n'est pas garanti. Le seul avantage que comportent l'ouverture du système et les nouvelles façons de permettre aux gens d'accéder à des postes d'élus est qu'elles diversifient la classe politique.
    Je dois vous dire qu'en préparant ce rapport, nous avons eu l'occasion de rencontrer le président de la chambre du parlement de la Nouvelle-Zélande, qui avait déjà traversé cette transition. Il nous a dit que de nouvelles personnes ont été élues, de nouveaux types de personnes, et qu'au début, leur manque de connaissance des règles l'irritait. Ces nouveaux élus ne se comportaient pas comme il le désirait. Il ressemblait un peu à Winston Churchill. Puis il s'est corrigé en affirmant que c'était une bonne chose. Certaines règles n'ont pas tardé à changer, et de nouvelles voix ont pu se faire entendre.
    Je suis toujours convaincue que, quel que soit le système choisi, il devrait comporter un élément de proportionnalité. Il faut que nous continuions à viser cela. Autrement, nous manquerons notre objectif, et nous continuerons à faire face à de grands revirements. Selon moi, les fausses majorités n'apportent rien de bon à long terme. Le nouveau gouvernement arrive au pouvoir, il change tout, le prochain gouvernement prend les choses en main et amenuise tous les changements. À mon avis, cela nous coûte cher. Un expert a témoigné des frais que paient les contribuables pour ces grands revirements politiques. Nous n'avons pas inclus cela dans notre rapport, mais ces choses m'inquiètent.

  (1845)  

    Merci.
    Passons la parole à M. Deltell.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame et messieurs, soyez les bienvenus au sein de votre Parlement.
    Si nous avions su cela, monsieur Dufour, nous vous aurions peut-être invité à comparaître avant aujourd'hui, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. Cela dit, c'est un plaisir de vous accueillir dans le cadre des travaux de ce comité parlementaire.
    Je pense que tout le monde s'entend pour dire que notre système actuel est loin d'être parfait. Même ceux qui y croient reconnaissent qu'il comporte des failles majeures. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de système idéal. Nous évoluons dans le système actuel depuis bientôt 100 ans. Cela fait 150 ans, mais depuis une centaine d'années, il y a plus de deux partis dominants au Canada. Il y a un troisième, un quatrième et parfois même un cinquième parti.
     Le fait qu'un tiers parti émerge avec force à un moment opportun est d'ailleurs l'un des éléments forts de notre système actuel. Nous l'avons vu en 1993 avec le Bloc québécois ainsi qu'avec l'émergence du Parti réformiste. Plus tard, des partis fusionnent, deviennent moins populaires ou, au contraire, plus populaires, mais il reste que la démocratie s'exerce. La roue tourne et, en fin de compte, ce sont les Canadiens qui décident, en leur âme et conscience, de ce qui se produit.
    La roue a tourné 29 fois au cours des 100 dernières années. À 29 reprises, nous avons en effet eu des élections. Une fois seulement, la coche était mal taillée, si on peut dire, sur le plan démocratique. Une seule fois seulement en 100 ans de démocratie parlementaire, un parti qui n'avait pas obtenu la majorité des votes a formé le gouvernement. C'était en 1979.
     Au Québec, c'est arrivé plus souvent, c'est-à-dire trois fois. Il reste qu'en 1944 et en 1966, c'était en raison de la distorsion découlant des circonscriptions protégées qui existaient au Québec. Cela faisait en sorte qu'une circonscription pouvait compter 10 000 habitants alors que celle voisine pouvait en avoir environ 50 000.
    La moyenne au bâton n'est donc pas si mauvaise. Je suis d'accord avec M. Dufour pour dire que le système actuel est loin d'être parfait. Par contre, il n'est pas si mal et, si on veut le modifier, encore faut-il prouver que c'est pertinent.
     Monsieur Dufour, il va de soi que nous avons lu le document que vous nous avez envoyé au cours de la fin de semaine. Or ce matin, votre coup de force est un véritable coup de poing sur la table. Votre prose comprend en effet des mots très forts. Il y a d'abord, le terme «  coup de force ». Vous parlez ensuite de précédents dangereux.
    Qu'est-ce qui vous inquiète à ce point dans le fait que ce gouvernement s'apprête à changer le mode de scrutin sans consulter la population? Pourquoi vos craintes sont-elles si fortes?
     Pour être franc, je ne suis pas si inquiet que cela. En effet, il est très difficile de changer un mode de scrutin. Il y a une force d'inertie qui joue en faveur du maintien de ce qui existe. C'est une vieille institution enracinée depuis 150 ans. On entend davantage ceux qui le critiquent. Ce sont des intellectuels — je m'excuse de reparler des élites — qui ont accès aux médias et qui sont structurés. Néanmoins, pour changer cela, dans un système comme le nôtre, je pense qu'il faut avoir une légitimité. C'est une institution. Je ne suis donc pas si inquiet que cela.
    Je dois dire que j'ai quand même été déçu que le gouvernement, de façon préliminaire,  écarte l'idée d'avoir un référendum étant donné qu'il y a fondamentalement un argumentaire démocratique qui sous-tend le projet gouvernemental. En fait, la tenue d'un référendum n'est pas assuré et pour ce qui est de l'opposition officielle, ce n'est pas sûr. Je le répète, je suis un traditionaliste à cet égard. Notre système parlementaire relève de la tradition de Westminster. Pour qu'il y ait un vrai consensus, il ne suffit pas que les députés tiennent des assemblées de cuisine — je ne veux pas être méprisant — et il ne suffit pas de consulter les gens par Internet. On touche à une institution et il faut donc qu'il y ait un consensus institutionnel à cet égard.
    Je trouve que c'est une occasion pour changer le système. Cela est clair. C'est un projet gouvernemental. Il est peut-être temps de le faire, mais ne tenez pas pour acquis que les Canadiens sont rendus acquis à la proportionnelle. Je ne vous cacherai pas que ma crainte provient surtout du fait qu'on ne sait pas dans quoi on s'embarque.
     Le système actuel, on le connaît bien. André Blais le disait. André Blais n'est pas un énervé et vous avez dû le constater quand il a comparu. Il disait qu'il était très difficile de prévoir ce qui allait arriver.
    Plusieurs choses m'inquiètent. Pour être franc, en tout respect pour la Chambre des communes, je dois dire que j'ai trouvé que la rectitude politique était très, très forte dans le libellé de la motion de la Chambre des communes qui a créé votre comité. On parle évidemment des Canadiens, de notre société, de la diversité, des femmes, des peuples autochtones, des jeunes, des aînés, des Canadiens ayant un handicap, des nouveaux Canadiens et des résidants des collectivités rurales et éloignées. C'est clair qu'on est en 2016, mais on ne parle ni du régionalisme au Canada, ni des profondes différences régionales qui ont caractérisé le pays depuis 1867. On ne parle pas des différences linguistiques. Il n'y a pas un mot à cet égard.
    J'ai lu en entier le compte rendu de la réunion du 27 juillet où ont comparu M. Blais, M. Milner et M. Himelfarb. J'en ai retenu que le mode de scrutin proportionnel va réduire la représentation des phénomènes régionaux à la Chambre dans la mesure où on peut le prévoir puisqu'on ne sait pas quelle sorte de système sera établi.

  (1850)  

    Je m'excuse.
    En fait, M. Milner...
    Nous devons passer à un autre intervenant.
    Excusez-moi.
    Je vais vous laisser terminer ce que vous vouliez dire.
    Je mentionnais que M. Milner a dit que cela va empêcher les balayages régionaux qui ont aidé le Bloc québécois et le Parti réformiste étant donné qu'on n'a pas de Sénat fonctionnel pour exprimer la diversité régionale au Canada. Il ne faut jamais oublier cela. Le Sénat ne joue pas son rôle. Il joue un autre rôle.
    Autrement dit, on se lance dans l'inconnu et il faut faire attention.
    Merci, monsieur Dufour.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Madame et messieurs, je vous remercie encore une fois d'être ici parmi nous aujourd'hui. Au nom du NPD, je suis heureux que vous participiez à cette importante étude.
    Évidemment, pour les néo-démocrates, le cas du first-past-the-post system — ce que j'appelle « le premier prend tout » — est assez bien établi. On connaît ses capacités de créer des distorsions.
    Monsieur Deltell ne semble pas être fâché outre mesure qu'il y ait eu une élection où le parti qui est arrivé deuxième au chapitre du vote populaire ait remporté le plus grand nombre de sièges.
    M. Pelletier, qui était ici cet après-midi, nous a dit que c'est arrivé à trois reprises au Québec. Ce n'est pas seulement une distorsion de la démocratie, c'est un renversement de la volonté populaire. On est régi par un système où ces distorsions se produisent à répétition.
    Lors des dernières élections, il y a eu au Québec des courses à trois et des courses à quatre dans certains comtés et des candidats ont été élus avec moins de 30 % des voix. Cela veut dire que, pour les gens de ces comtés, on aurait pu prendre 70 % des votes et les jeter dans le bac à recyclage. Ces gens ne sont pas représentés à la Chambre des communes, dans leur Parlement.
    On a vu aussi des distorsions assez épouvantables lors des élections au Royaume-Uni, l'année dernière. En effet, en Écosse, le Parti national écossais a obtenu 50 % des votes mais 95 % des sièges. M. Dufour peut aimer les balayages régionaux, mais si j'étais un travailliste ou un conservateur en Écosse, je serais un peu fâché à cet égard.
    Madame Des Rosiers, dans votre étude de 2004, vous avez suggéré un mode de scrutin proportionnel mixte, ce qui existe dans plusieurs pays. Cela donne des gouvernements efficaces, responsables et relativement stables. On le constate dans les pays scandinaves et en Allemagne. Vous préfériez le système écossais plutôt que le système néo-zélandais ou allemand. Pouvez-vous nous dire quelles étaient selon vous les vertus de l'un et de l'autre?
     Le système écossais, qui était le plus récent à l'époque, semblait être plus flexible, parce qu'il y avait cette idée visant à permettre à l'électeur de choisir à partir de ce qu'on appelle la liste de Jenkins. On lui permettait de choisir entre la liste du parti et la liste ouverte plutôt que de choisir entre une liste fermée et une liste ouverte. C'est ce qui nous semblait attrayant.
    Dans le cadre de notre analyse, nous étions toujours un peu inquiets. C'était il y a 12 ans, mais je suis toujours inquiète que l'on adopte un système qui ne permettrait pas de faire des compromis. Nous étions donc certainement à l'écoute pour trouver la dernière façon pour résoudre des problèmes.
    Par exemple, nous devions faire des recommandations compatibles avec le droit canadien. Nous étions très inquiets qu'il n'y ait pas de limite pour ce qui est d'éliminer certaines choses puisqu'une décision de la Cour suprême semblait indiquer que ce n'était pas approprié. C'était un autre élément de la réflexion.
    C'est pertinent, car le modèle écossais démontre que, même dans la tradition de Westminster, on peut apporter un changement et aller vers un certain mode de scrutin proportionnel modéré car je ne pense pas que personne veuille aller dans une direction extrême.
    C'est intéressant lorsque vous dites de ne pas prendre une recommandation au hasard et que tout cela forme un tout dont les effets sont liés. Évidemment, il y a beaucoup d'incertitude, mais il y a aussi beaucoup d'exemples internationaux de la façon dont cela se passe depuis des décennies.
    Lors des élections canadiennes de l'an dernier, on a vu le plus grand pourcentage de femmes de l'histoire être élues députées à la Chambre des communes. Je dis bravo. Par contre, cela ne représentait que 26 % des députés. Au rythme actuel, si on se base sur les élections de 2011 et de 2015, on va atteindre la parité des genres au Parlement canadien quand ma grande fille va recevoir sa pension de vieillesse.
    Qu'aimeriez faire pour accroître plus rapidement la place des femmes au Parlement?

  (1855)  

    Il y a toujours de la controverse lorsqu'il s'agit de déterminer si le système est responsable ou si c'est plus compliqué que cela. Évidemment, la réponse est que c'est plus compliqué qu'il n'y paraît.
    Objectivement, nous étions à l'époque arrivés à la conclusion qu'il semblait y avoir des barrières systémiques à l'accès aux femmes à des postes élus. Dans n'importe quelle analyse des droits de la personne, on dira que les Canadiens, selon les indices de valeur des sondages, estiment que l'égalité entre les hommes et les femmes au Canada est meilleure que n'importe où ailleurs dans le monde, alors que nous ne sommes pas en mesure d'atteindre la parité au Parlement.
    Le premier indice consistait à dire qu'il doit y avoir un problème systémique.
    Je vous remercie.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Thériault.
    Je vais profiter de cette occasion pour m'adresser à Mme Des Rosiers.
    La parité entre les hommes et les femmes est importante et cela prend des femmes de qualité en politique. Nous avons aussi beaucoup de difficulté à recruter des femmes. C'est un phénomène qui existe. En politique fédérale, cela est plus difficile qu'en politique municipale et provinciale.
    Cela dit, vous avez indiqué qu'il y avait une question de légitimité qui est en lien avec le mode de scrutin actuel, un mode de scrutin qui serait dépassé. C'est la légitimité qui établit la légalité. Une loi illégitime est une mauvaise loi.
     Alors, pourquoi cette position d'avoir un référendum si nécessaire et pas nécessairement un référendum?
    En ce qui a trait aux principes, quand devons-nous cesser d'exiger un référendum? C'est la raison pour laquelle nous l'avions mis dans ce contexte. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait une raison de principe pour faire une distinction.
    Par exemple, prenons les changements à la Loi sur la citoyenneté. On pourrait penser qu'ils sont très symboliquement importants pour les Canadiens et les Canadiennes, mais cela veut-il dire qu'ils doivent faire l'objet d'un référendum? C'était plutôt une analyse juridique. On n'excluait certainement pas la possibilité d'avoir un référendum. Nous avons eu beaucoup de discussions à ce moment-là à ce sujet. Si je me rappelle bien les points contentieux du rapport et la question des listes ouvertes ou fermées y figurait certainement.
     J'aimerais terminer sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. Notre rapport disait que ce n'était évidemment pas suffisant. Nous recommandons que tous les partis soient tenus d'expliquer au Parlement ce qu'ils font pour recruter des femmes et ce qu'ils ne font pas. À cet égard, nous sommes absolument d'accord pour dire qu'il n'est pas suffisant de changer le mode de scrutin, mais c'est un des éléments à considérer.
     Tant à Québec qu'à Ottawa, la tradition parlementaire veut que lorsqu'il y a un changement à la loi électorale, on forme un comité consultatif présidé par le directeur général des élections et on fonctionne par consensus. Lorsqu'un parti brise cette tradition, il doit s'attendre à un mauvais retour d'ascenseur si jamais il perd le pouvoir. C'est la raison pour laquelle on fonctionne par consensus. Au Québec, avant 1999, l'électeur n'avait pas l'obligation de s'identifier. La cour a reconnu qu'il y avait eu des systèmes d'usurpation d'identité en 1995 et 1998, d'où la majorité dont parlait M. Boulerice.
    En fait, si on parle de changer les règles démocratiques d'une société et que l'on dit vouloir qu'il y ait une pluralité, que les citoyens s'approprient la démocratie, que les gens puissent départager les avantages et les inconvénients si tous les systèmes ne sont pas parfaits, pourquoi leur enlève-t-on cela? Certains experts et certaines personnes qui font partie des élites disent que c'est très compliqué et que, puisqu'il y a un mandat de démocratie représentative, on procède de cette façon et les autres suivront. Personnellement, je trouve que cela ressemblerait à la La République, de Platon. Les philosophes seraient au pouvoir. Je suis un philosophe, mais ce n'est pas cela, la démocratie.
    On disait que la question pourrait être étudiée. Il faut qu'il y ait une possibilité de faire des distinctions. C'était l'idée du rapport.

  (1900)  

    Personnellement, je trouve que cela met en cause des visions très différentes de la politique, de la vie et de la société. Notre mode de scrutin actuel est imparfait, cela est évident. Cela dit, au Québec, on faisait référence aux quelques cas regrettables où le parti qui avait le plus de suffrages n'était pas celui qui avait remporté les élections. Je crois que cela pourra arriver encore au Québec parce qu'on n'a pas fait un travail convenable en ce qui a trait aux circonscriptions électorales.
    Pour que notre système fonctionne, il faut être en mesure de réviser régulièrement les limites des circonscriptions électorales afin de les ajuster à la population. Toutefois, le système actuel ne mérite pas qu'on tienne pour acquis qu'il est discrédité et que c'est terminé. Je trouve cela très excessif. Un référendum permettrait aux Canadiens de choisir. Le système actuel, on le connaît. À la suite des travaux des comités et de la comparution des d'experts, on a identifié un ou deux systèmes. Il ne faut pas en présenter cinq étant donné que les gens ont autre chose à faire que de réfléchir à ces questions. Il faut tenir un débat à ce sujet.
     Dans l'atmosphère post-Brexit, les référendums ne sont pas populaires. Cependant, je rappelle qu'en Nouvelle-Zélande, un pays dont on nous parle tout le temps, les référendums ont constitué des éléments fondamentaux du processus. Il y a eu quatre référendums.
    Je vous remercie.
    Nouis passons maintenant à Mme May.

[Traduction]

    Parlant de mobilisation des femmes, je sais que les députées qui sont autour de cette table ont aussi remarqué, madame Des Rosiers, que vous n'êtes que la troisième femme témoin que nous entendons — et la première était la ministre. Le témoignage de Maryantonett Flumian était aussi très puissant.
    Je reconnais que vous ne vous spécialisez pas en étude des sexes, mais en réforme juridique. Cependant, j'ai de la peine à comprendre les liens étroits que nous avons observés — et le professeur Lijphart vient de nous les rappeler. Ailleurs au monde, les systèmes de représentation proportionnelle fondés sur le consensus produisent un plus grand nombre d'élues dans les parlements. Je voudrais vous demander si vous vous êtes demandé si l'augmentation de la participation des femmes provient d'autres facteurs que du fait que les partis affichent plus de candidates dans leurs listes. Serait-il possible qu'elle provienne d'un changement de culture découlant du fait de ne plus pousser un candidat unique? Serait-il possible que le système de consensus attire plus d'élues parce qu'il est moins féroce?
    Est-ce que l'on a déjà mené des études à ce propos? Est-ce une question d'intuition, ou de valeur?
    En préparant ce rapport, nous avons tenu plusieurs conférences sur les enjeux qui concernent les femmes en nous demandant pourquoi les femmes ne se font pas élire. Ces questions ont soulevé tout un éventail d'enjeux, comme la nature du monde politique, le manque d'accès à l'aide financière, la nécessité de déplacer le nom d'un homme pour présenter une candidate. La représentation proportionnelle mixte, ou l'idée de la liste, semblait atteindre les gens d'une manière différente et étendre la classe politique.

[Français]

la classe politique.

[Traduction]

    C'était une façon d'accroître le nombre de personnes qui participeraient à la vie politique, qui acquerraient de l'expérience, de la visibilité, etc. C'était la première raison.
    La deuxième raison — et je suis d'accord avec vous, parce que c'est l'une des observations que l'on m'a faites, et vous le verrez dans mon document écrit — est le fait qu'au XIXe siècle, les gens désiraient des dirigeants forts, du type « Agissez, faites-vous élire et faites-le »; on ne cherchait pas à créer un consensus. Les gens pensaient que la nature... et je ne suis pas certaine que seules les études sur les sexes produisent ces conclusions. Je dis seulement que la perception que nous avons au XXIe siècle de la bonne gouvernance n'est probablement pas la même que celle de la population coloniale du XIXe siècle, qui tenait à accomplir quelque chose. Il serait peut-être prudent d'attendre un peu et de parler à d'autres personnes avant de procéder.
    Il y a un autre aspect de la vision du XIXe siècle ancré dans le scrutin uninominal à un tour, celui de l'identité définie uniquement par la région où l'on réside. Vous n'avez qu'une identité, et vous votez dans cette circonscription. Je suis seulement une électrice d'Ottawa Est, alors que la représentation proportionnelle mixte me permettrait de m'exprimer de deux façons: je pourrais choisir le candidat qui représentera le mieux Ottawa Est et aussi le parti que je veux au pouvoir. Cela semble mieux refléter la manière complexe qu'ont les gens de définir leur identité. Les gens déménagent plus souvent qu'on ne le faisait au XIXe siècle, un plus grand nombre d'enjeux les concernent, etc.
    Je vous présente la façon dont les gens nous ont décrit cela. Pendant les consultations, quand les gens réfléchissaient à ces choses, pourquoi préféraient-ils ce système?

  (1905)  

    Je voudrais profiter du temps qu'il me reste pour poser au professeur Jansen une question sur la période où l'Alberta appliquait deux systèmes mixtes. En examinant cette période, vous avez découvert que United Farmers of Alberta a instauré en 1926, apparemment sans tenir un référendum, un système qui a duré jusqu'en 1955. Pensez-vous que cette décision ait été liée à l'adoption du vote unique transférable, ou VUT, en Irlande en 1921? On dirait que pendant cette période, les gens préféraient le VUT.
    En regardant les numéros du Brain Growers' Guide publiés entre 1911 et 1921, on y trouve des articles sur les moyens d'améliorer la récolte suivis par des articles détaillés sur le vote unique transférable. Cet intérêt dans les Prairies date de bien avant l'adoption du VUT en Irlande. Les gens parlaient de ces questions un peu partout. En parcourant ce journal, on est étonné de constater une telle variété d'enjeux. J'ai découvert que les membres d'United Farmers of Alberta appuyaient fortement la tenue de référendums et la démocratie directe, mais ils ne s'en sont pas servis pour modifier leur système électoral, ce qui est très surprenant.
    Merci. Le survol de cet aspect de l'histoire canadienne est très intéressant.
    Monsieur Aldag.
    Les témoins nous ont conseillé, entre autres choses, d'examiner les valeurs avant de proposer des solutions. J'ai passé ces trois dernières semaines dans ma circonscription, et j'ai discuté des valeurs avec mes électeurs. Je suis heureux de constater — et l'un des documents de la professeure Des Rosiers mentionne les valeurs — que quelques personnes ici ont observé qu'aucun système ne peut aborder parfaitement toutes les valeurs que la société désire traiter. On mentionne ici un vaste éventail de valeurs, et puisque nous abordons ce sujet, la Commission du droit a accompli un travail extraordinaire.
    Dans notre contexte de 2016, je vais vous demander à tous trois quelles valeurs nous devrions retenir. Sur quel fondement reposera cette réforme? Le mémoire qu'on nous a distribué mentionne 13 qualités, que nous pourrions considérer comme des valeurs. Comment édifier un système qui respectera un tel éventail de valeurs?
    Je vous demande à tous les trois quelles sont les trois valeurs que vous considérez comme étant les plus importantes? Qu'on vous les ait mentionnées ou que vous les ayez trouvées en menant des recherches, quelles sont les valeurs principales qui, selon vous, devraient orienter la conception d'un mode de scrutin autre que celui que nous avons à l'heure actuelle?
    Je ne sais pas qui va me répondre en premier, mais je lance cette question, parce que ces documents contiennent des énoncés extraordinaires.
    Professeur Dufour.

[Français]

     Je crois que chaque système a ses avantages et ses inconvénients. Le danger pourrait être d'avoir à un moment donné le pire des deux mondes, c'est-à-dire de perdre les avantages de notre système sans obtenir ceux d'un nouveau système. Il faut faire attention à cela.
    En réponse à votre question, je dirais que la gouvernance est une valeur très importante. On parle beaucoup ici de la représentation, mais il s'agit d'élire un gouvernement. Il faut que ce dernier ait les moyens de gouverner. Dans la tourmente de la mondialisation, le fait d'avoir un gouvernement fort et stable constitue une valeur significative.
    L'autre valeur est, je le répète, le fait de pouvoir congédier le gouvernement à intervalles réguliers. On sait les effets que peut avoir à la longue l'exercice du pouvoir.
    La représentation est la troisième valeur. On représente l'évolution de la population canadienne.
    Cela dit, je trouve qu'il pourrait y avoir un effet de mode très postmoderne. Nous vivons dans des sociétés de plus en plus individualisées et éclatées où les gens ont des états d'âme et veulent s'exprimer. Il ne faut pas trop coller à cela, sinon nous allons affaiblir notre système. C'est en ce sens que je défends l'État. Je pense que l'État et l'administration publique sont beaucoup critiqués et méprisés. Or le citoyen ordinaire n'a pas une vision claire de ce que sont l'État et l'administration publique. Ce sont des facteurs d'ordre et de stabilité dans la tourmente de la mondialisation. C'est une valeur importante.
    On veut moderniser le système, soit, mais ce que je n'aime pas, c'est le côté un peu complaisant de tout cela. On est très postmoderne. On dit que les choses ont changé et que les gens doivent s'exprimer. Or il s'agit d'élire un gouvernement. Sans faire de partisanerie, je dirai que les Canadiens semblent heureux d'avoir un gouvernement libéral majoritaire qui peut agir. Combien de temps cela va-t-il durer? Je ne le sais pas.
     Un gouvernement solide, qui peut gouverner, dont on peut se débarrasser éventuellement et qui représente non pas parfaitement mais raisonnablement ce que pensent les Canadiens, voilà ce que sont mes valeurs. Il est clair que nous sommes dans l'imperfection, mais les systèmes proportionnels ont eux aussi des effets pervers. La différence ici est que nous ne les connaissons pas encore parce que nous ne les avons jamais testés.

  (1910)  

[Traduction]

    Pour moi, les trois valeurs principales seraient probablement l'équité, la représentation et la participation.
    Je voudrais que le Parlement représente le vote réel de la population, et ceci se rattache à un élément fondamental d'équité. Je parle en résident du Sud de l'Alberta, où cette valeur est considérée comme l'évidence même. Je peux facilement vous prédire avant le vote quel en sera le résultat. Un grand nombre d'électeurs n'y voient aucunement les valeurs pour lesquelles ils ont voté.
    À mon avis, la représentation est un concept complexe. Elle n'est pas seulement binaire, les députés représentant leurs électeurs. Elle s'étend à tout le contexte institutionnel, dans lequel les représentants assument une responsabilité face aux personnes qu'ils représentent. La plupart du temps, ils font ce que leurs électeurs désirent, mais pas toujours; quand ils ne le font pas, ils doivent rendre compte de leur décision. J'ajouterai à ce que le professeur a dit qu'Hanna Pitkin a publié un excellent ouvrage sur la représentation, et c'est ainsi qu'elle la définit.
    En ce qui concerne la participation, je voudrais que les Canadiens s'engagent, qu'ils participent, qu'ils se sentent liés à leur processus électoral.
    Le taux de participation aux élections a augmenté, mais je n'aime pas voir le déclin de l'intérêt envers la politique et du niveau de connaissance en matière de politique. C'est pourquoi la tenue d'un référendum m'inquiète. L'Institut de recherche en politiques publiques a mené un sondage il y a longtemps, environ 20 ans. La majorité des Canadiens pensent qu'il faut gagner une majorité des votes pour obtenir un siège. Les Canadiens ne comprennent pas le statu quo.
    Nous allons passer à M. Reid.
    Mes questions s'adressent au professeur Jansen.
    Je tiens d'abord à souligner que le scrutin uninominal à un tour ne m'emballe pas tellement. En fait, j'ai déposé une motion visant à modifier le scrutin uninominal à un tour que nous utilisons pour élire le président du Parlement, et ma motion a été adoptée. Ce processus vous oblige à écarter les candidats du bulletin de vote les uns après les autres pour établir un bulletin de vote préférentiel.
    Cela dit, le système uninominal à un tour n'est pas le meilleur, mais il n'est pas non plus le pire. À mon avis, le pire des systèmes est celui qui nous permet de prédire quels partis vont gagner ou perdre, qui permet — peut-être pas à chaque élection à venir — à la prochaine élection d'être modifiée de manière prévisible ou truquée au moins en partie, en choisissant un système particulier. Je ne pense pas que les modèles de VUT ou de représentation mixte puissent en être coupables, mais je suis convaincu que le système de vote alternatif et que les scrutins préférentiels à un seul candidat présentent ce problème.
    Je regarde un article dont vous êtes coauteur avec Peter McCormick et qui a été publié le 30 novembre de l'année dernière. Vous y indiquez, comme d'autres témoins nous l'ont aussi souligné, que si l'élection de 2015 avait été tenue par scrutin alternatif et si tous les électeurs avaient voté de la même manière en indiquant leur premier choix et leur deuxième choix, les libéraux auraient obtenu non pas 184 sièges, mais 205. Nous y constatons aussi avec intérêt que lors de l'élection de 2011, à laquelle nous savons que les libéraux ont obtenu moins de la moitié des votes, ils auraient aussi été avantagés par un vote alternatif.
    Je ne sais pas si vos recherches se sont étendues à des élections précédentes — 2008 et 2006 — pour voir si ces résultats se reproduisent, ou non. Je vais vous laisser répondre d'abord à cette question.
    En 2002, Antoine Bilodeau a publié un article dans lequel il indique, si je me souviens bien, qu'après avoir examiné l'élection fédérale de 1997, il avait découvert que les libéraux auraient été avantagés. Je vais maintenant décrier le travail que le professeur McCormick et moi-même avons effectué. Il est risqué de projeter vers le passé, car nous tenons pour acquis que sous un système alternatif, les électeurs auraient voté de la même manière. Par exemple, dans le Sud de l'Alberta où je réside, la circonscription de Lethbridge a toujours été conservatrice. L'Alliance canadienne et le parti réformiste y règnent depuis une éternité. Alors les électeurs qui appuient le Parti libéral, le NPD ou le Parti vert doivent faire un choix, décider s'ils vont voter... c'est là le problème. En écoutant les résultats des sondages indiquant pour qui les électeurs ont l'intention de voter, j'essaie de prédire ce qui va arriver.
    L'espoir que donne le vote alternatif et la raison pour laquelle je pense qu'il semble avantager les libéraux — et d'autres personnes ont effectué ce même genre d'analyses —est le fait que les libéraux constituent le deuxième choix d'un grand nombre d'électeurs attachés à d'autres partis. C'est un fait crucial. L'espoir, la raison pour laquelle les gens appuient le vote alternatif est qu'il permettra aux partis d'attirer les électeurs rattachés à d'autres partis en leur disant: « Bon, nous comprenons que vous appuyez cet autre parti, mais voici ce que nous avons en commun », afin de rapprocher au lieu de polariser.
    Mais j'ai découvert qu'en Alberta et au Manitoba, les choses ne se sont pas déroulées de cette façon. J'ai passé des semaines et des semaines à examiner les archives et les documents des campagnes électorales. J'ai trouvé un document de campagne dans lequel un candidat demandait ouvertement d'être nommé comme second choix. Mais cela ne se voit pas souvent.

  (1915)  

    Permettez-moi de vous demander: puisque j'ai moi-même vécu en Australie, j'ai remarqué qu'aux bureaux de vote, on remet habituellement...
    Une carte indiquant comment voter.
    C'est cela, exactement. Si vous êtes membre du parti travailliste, la carte vous demande de nommer tel et tel comme deuxième choix... bref, c'est cela.
    Est-ce que la différence entre l'Alberta et le Manitoba et l'Australie réside dans le fait qu'en Australie, les électeurs sont obligés de marquer toutes les cases des candidats, sinon leur bulletin de vote sera rejeté?
    Ce qui se passe bien souvent est une coalition entre le Parti libéral et le Parti national. Là où ils étaient forts, ils voulaient instaurer des choix obligatoires pour maximiser l'échange de préférences. Par exemple, ce printemps, il y a eu dans Queensland un incident au cours d'une discussion sur la redistribution des sièges législatifs où les travaillistes ont proposé un amendement réinstaurant les choix obligatoires parce qu'un nombre incalculable de leurs votes allaient au Parti Vert et à d'autres partis, alors ils voulaient récupérer ces votes. Les partis qui pensent perdre essaient de profiter de cela.
    En Australie, on voit des ententes vraiment compliquées. Comme le Sénat applique le VUT, les grands partis s'entendent avec les petits partis en leur demandant d'inscrire leurs candidats sur leurs cartes d'instruction, et en échange le grand parti inscrit les noms des candidats du petit parti sur son bulletin de vote pour le Sénat. Il y a un système de négociations très compliqué entre les deux chambres. Les choix obligatoires sont essentiels à la réussite de ce système.
    Madame Sahota, s'il vous plaît.
    C'est fascinant. Nous n'avons jamais entendu parler de cela auparavant. Vous venez d'éclairer ma lanterne. Comme vous dites, c'est très difficile de revenir sur les élections antérieures, parce qu'on dit que si la dernière élection s'était déroulée selon le modèle de VA, c'est bien ce qui se serait passé. Mais combien d'autres personnes ne se seraient pas senties forcées de voter pour un parti plutôt qu'un autre? Parce que dans ce cas, les gens ne votent pas nécessairement de manière stratégique.
    Pensez-vous qu'un modèle de scrutin alternatif avantagerait toujours le parti libéral? Avez-vous un exemple montrant que dans certains cas et en d'autres endroits où on l'a utilisé, il semblait toujours favoriser le même parti?
    Le problème, c'est que les exemples sont rares. En fait, il n'y a que l'Australie. C'est ce qui m'a amené à parler de l'Alberta et du Manitoba. Ces provinces présentent une série pertinente de cas différents et d'indices supplémentaires. Je ne vois aucune raison qui empêcherait les autres partis de réussir haut la main.
    Il ne faut pas oublier que les autres partis rajusteraient leur tir en fonction du système. J'ai constaté que les conservateurs ont essayé très fort de se polariser contre les libéraux, les néo-démocrates et les verts. Ce qui n'est pas une bonne stratégie dans un système de VA, où il est important de récolter des deuxièmes choix. Auraient-ils fait campagne de la même façon? Auraient-ils structuré le gouvernement comme ils l'ont fait au cours des derniers?... Je présume que non, si les mécanismes incitatifs avaient été un tant soit peu différents. C'est très, très difficile à prédire, parce qu'on se fonde sur la façon dont ils ont agi. Or, si on regarde les résultats des sondages, il n'y a pas eu beaucoup de deuxièmes choix de partis. Ils ont délibérément choisi cette stratégie. Ils auraient pu agir différemment.
    Nous n'aurions peut-être pas autant de problèmes de polarisation si nous tentions de poursuivre des politiques axées sur le consensus.
    C'est ce qu'on espère, mais comme je l'ai mentionné, je ne vois pas beaucoup de signes annonciateurs de cela. Le plus près que nous n'avons jamais été des échanges de préférences, c'est lors des événements qui se sont déroulés en Alberta. La plupart des cas sont survenus en 1955. Il y avait eu un scandale entourant le Crédit social et, 30 ans plus tard, le CCF et les libéraux ont soudain compris et se sont dit: « Tiens donc, si nous faisions un échange de préférences, nous pourrions les battre ». C'est ainsi qu'ils ont défait quatre candidats créditistes grâce à un échange des préférences. En 1956, les créditistes réintègrent l'Assemblée législative et bannissent le vote préférentiel.
    Une fois qu'un système est en place, les gens comprennent très vite comment fonctionner à l'intérieur de ce système. J'ai un peu connu cela lors de ma nomination. Je ne connaissais pas vraiment le système dans lequel j'allais entrer, mais j'ai vite appris comment la nomination fonctionne. On vous dit que ça se fait de telle façon, vous y réfléchissez rapidement, et les gens discutent beaucoup entre eux. Les différents candidats essayaient d'en arriver à une position commune, même qu'à certains moments, ils s'entraidaient s'ils pensaient que c'était dans leur intérêt de le faire.
    Quoi qu'il en soit, au-delà de tout cela, la seule chose qui me préoccupe est la suivante. Hier, j'ai convoqué une assemblée publique sur cette question et quelqu'un s'est levé pour dire qu'à son avis — disons qu'il s'écartait un peu du sujet —, on devrait obliger les députés à vivre dans leur circonscription, parce que si c'était le cas, les gens entretiendraient peut-être des liens plus solides avec leur député. J'entends souvent ce genre de réflexion; les gens souhaitent tisser des liens avec leur député. Je sais que certains experts disent que de toute façon, un lien se crée par l'intermédiaire du parti, mais j'ai vraiment l'impression que si nous utilisons un scrutin de liste par l'adoption d'un système de représentation proportionnelle mixte, nous créerons deux catégories de députés: une qui serait responsable devant le parti, l'autre, devant ses électeurs.
    En tant que députée, je pense que dans le cadre de notre système actuel, nous avons conscience de cet équilibre que nous devons créer entre le parti et les électeurs et nous essayons de faire ce qu'il y a de mieux pour l'un comme pour l'autre. On nous a élus sous la bannière d'un parti et nos électeurs ont aussi voté pour nous, nous avons donc des comptes à rendre chacun. Quel système, selon vous, maintient cette obligation de rendre compte?

  (1920)  

    C'était effectivement une des grandes questions soulevées dans le rapport. Je pense que chaque parti aurait des règles différentes, mais il n'est pas impossible — comme c'est le cas en Écosse et en Nouvelle-Zélande —, que le travail soit réparti en différentes circonscriptions. Les députés de liste ne restent pas là à travailler chacun de son côté; ils partagent le travail, ils offrent différents services et ainsi de suite. Les partis ont élaboré entre eux des règles à cet égard. De cette manière, l'électeur saurait que si son député est absent, il peut s'adresser au député de liste. On en a beaucoup parlé. C'était intéressant, mais ça ne semblait poser aucun problème.
    J'aimerais mentionner brièvement les trois valeurs qui sont ressorties tout au long de notre travail. Premièrement, le vote compte. Les trois valeurs étaient l'équité, la traduction des suffrages en sièges. L'équité, pour les gens, ça veut dire que si je vote pour ceci ou pour cela, je veux que ça compte, je veux que mon opinion soit reflétée à la Chambre. Il y avait aussi la stabilité.

[Français]

     La représentation,

[Traduction]

    , je dois dire, est en place. Nous ne sommes plus une société qui tolère l'inégalité. La raison pour laquelle nous avons

[Français]

le suffrage universel est

[Traduction]

que tout le monde doit posséder non seulement le droit de voter, mais aussi celui d'être élu. Voilà les valeurs.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Dubé.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Autant dans les questions que dans les témoignages, j'entends des propos qui me semblent un peu inquiétants. Comme le disait ma collègue, on parle de travailler à l'intérieur du système, de chercher un résultat et ainsi de suite. Selon moi, le travail que nous faisons ici devrait permettre, comme nous l'avons entendu plus tôt, de faire un choix sensé qui représenterait nos valeurs plutôt que de chercher un résultat ou de travailler à l'intérieur des contraintes d'un système.
    Monsieur Dufour, permettez-moi de reprendre l'expression « congédiable », que vous avez utilisée. Je trouve au contraire que notre système électoral devrait nous permettre non pas de congédier, mais d'engager un gouvernement ou un député. Autant dans les questions que dans les témoignages, on a dit que le même système existe depuis 150 ans. Or les choses ont beaucoup changé.
    Je pense ici à la façon dont un étudiant se trouvant sur un campus universitaire d'une autre province interagit aujourd'hui en 2016 avec les gens de son comté. C'est très différent de ce qui existait dans les années 1970 ou 1980.
    Par ailleurs, il arrive que les citoyens nous disent, lorsque nous faisions du porte-à-porte, qu'ils aiment notre travail au niveau local ou encore ce que fait un certain chef de parti ou un parti. Je suis certain que mes collègues libéraux ont connu cette situation à certains moments de la campagne et qu'il en a été de même pour mes collègues conservateurs. Or on parle beaucoup de la compréhension qu'ont les citoyens du système.
    Selon moi, les citoyens veulent tout cela. Ils veulent élire un premier ministre. Ils veulent aussi un parti et un bon représentant local. Pour ma part, j'ai peine à imaginer quel système pourrait, mieux que la proportionnelle mixte, nous permettre d'obtenir cela. En effet, ce système inclut un représentant local, un représentant d'un parti politique et, par l'entremise de ce dernier, un premier ministre. À mon avis, c'est le défi à relever.
    On accuse souvent les citoyens d'être ignorants quant au système politique, mais je pense qu'il s'agit davantage d'aspirations que d'ignorance.
    Comment pouvons-nous faire cadrer ces aspirations avec la nouvelle réalité changeante des médias  sociaux ou autres et faire concorder le travail d'un député local ou d'un premier ministre qui représente tout le monde et d'un parti dont la plateforme est nationale?
    J'aimerais vous entendre tous les trois à ce sujet. Par contre, il se peut que je vous interrompe pour poser d'autres questions. Je m'en excuse à l'avance.

  (1925)  

    Nous avions recommandé le système mixte avec une compensation proportionnelle parce que nous étions arrivés à la même conclusion. Nous trouvions que ce système permettait d'établir un lien à l'échelle locale, ce que beaucoup de gens désirent. Il permettait aussi d'avoir ces nouvelles formes de participation politique. Le premier ministre, le parti et le représentant local sont ce pourquoi les gens votent. Ils ne savent pas trop quoi choisir. Or ce système reflète un peu cette ambiguïté.
    Au début, nous avons été frappés par le fait que les nouvelles démocraties ne choisissaient jamais le système « first -past -the -post » à cause de ces distorsions. On dit que ce système a cours depuis longtemps, et c'est vrai, mais doit-on se priver de l'évolution des pensées et du savoir sur la démocratie? Déterminer si c'était possible était notamment le mandat que nous avions à cet égard. Le système qui était recommandé tentait de répondre à cela en partie.
    Professeur Jansen, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je pense à un livre sur le système de représentation proportionnelle mixte intitulé The Best of Both Worlds? Essentiellement, les auteurs ont constaté que certains pays qui avaient adopté le système de représentation proportionnelle ont voulu ajouter l'élément de représentation locale et se sont tournés vers le SRPM. La Nouvelle-Zélande en est probablement un exemple classique. Partant d'un système très semblable au nôtre, elle a voulu intégrer l'élément de proportionnalité. De toutes les options existantes, la meilleure est probablement le fusionnement de ces deux éléments.
    Quant à la question plus générale des médias sociaux et de leur place dans le système, je pourrais vous montrer toute une série de recherches sur le sujet, mais cinq minutes ne suffiraient pas.
    Ce serait très intéressant. Le problème est que ça prendrait...
    Monsieur Dufour, nous devons donner la parole à M. Richards.

[Français]

     Toutefois, vous aurez l'occasion d'intervenir de nouveau en répondant à M. Richards ou à un autre député.

[Traduction]

    Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Jansen, en tant que concitoyen albertain, j'aimerais avant tout vous souhaiter la bienvenue. J'ai quelques questions à vous poser.
    Votre recherche, que vous avez résumée dans votre déclaration liminaire et à laquelle vous avez fait référence, se focalise sur l'Ouest canadien et cela la rend particulièrement intéressante pour le gars de l'Ouest que je suis. Vous avez parlé des changements qui ont été apportés pour revenir à l'ancien système, mais dans la description que vous en faites dans votre rapport, je n'ai pas l'impression de comprendre les raisons qui ont motivé ces changements.
    Premièrement, pourriez-vous m'expliquer le pourquoi de ces changements et, deuxièmement, les changements apportés aux différents systèmes ont-ils contribué à résoudre les problèmes qu'on cherchait à régler? Plus particulièrement, les changements ont-ils eu un effet sur l'écart entre le soutien populaire récolté par un parti et le nombre de sièges remporté par ce même parti?
    Vous avez aussi abordé la question des taux de participation et dit que le système de PR-VUT ne semblait avoir aucune incidence sur les taux de participation, sauf que les bulletins de vote seraient un peu plus complexes, du moins selon ce scénario. Le nombre de bulletins rejetés ou gaspillés a-t-il augmenté? Pourriez-vous me donner une petite idée de tout cela? Je sais que ma question est très vaste.

  (1930)  

    Ce qui a mené à ce désir de changements, ce sont les intenses débats sur le sujet, qui ont marqué la décennie 1910-1920 dans les Prairies. Un grand nombre des plaintes exprimées à l'égard du système électoral tournaient exactement autour du même thème que celui que vous entendez ici et dont nous sommes en train de discuter, le manque d'équité en matière de représentation. Le vote unique transférable, alors considéré la forme britannique de la RP, jouissait d'une popularité particulière, mais dans les provinces de l'Ouest il y avait aussi un certain élément populiste qui rendait très attrayante l'idée d'un système axé sur le candidat.
    Lorsque les libéraux progressistes arrivent au pouvoir — grâce à l'alliance libérale-progressiste conclue en 1920 — ils font face à des fermiers devenus soudainement actifs et arrivent à la conclusion qu'en leur accordant cette seule demande, ils aideraient leur propre cause. Ils introduisent donc une forme de représentation proportionnelle à Winnipeg. De plus, comme Winnipeg sort tout juste de la grande grève générale, ils y voient un bon moyen de freiner le radicalisme ouvrier, un peu dans la crainte que les partis travaillistes raflent tous les sièges dans Winnipeg.
    En 1922, le United Farmers of Manitoba accède au pouvoir et étend le VA aux régions rurales, ce qui était en somme une forme de trahison puisque tout le monde avait débattu la question du VUT. Cela permet au parti de préserver le fondement de son pouvoir, un mélange d'idéalisme et d'intérêts politiques partisans. Même son de cloche avec le United Farmers of Alberta. Il introduit le VUT à Edmonton et à Calgary. Il relève des pans entiers de la législation en vigueur au Manitoba, qu'il copie en Alberta. Tout était identique. Le United Farmers of Alberta était fort dans les régions rurales, faible dans les zones urbaines. Cela fragmentait son opposition, mais il tenait en partie ses promesses. Tout le monde se disait que tout ça finirait par s'améliorer et qu'ils allaient passer à autre chose. Il y avait donc, un peu partout, ce tremplin vers le VUT, mais la chose ne s'est jamais concrétisée.
    Le souci premier, c'était la taille des circonscriptions. C'est effectivement un gros problème à une époque où vous vous déplacez à cheval et en calèche. Vous ne pouvez pas aller sur Skype.
    La raison pour laquelle le VUT a avorté était un peu différente dans chaque province. En Alberta, la raison en est une d'intérêt politique personnel pour le Crédit social. Le Crédit social perdait de la vitesse. Les libéraux et le CCF ont fini par comprendre qu'ils auraient pu se servir de ce système pour défaire le Crédit social.
    La situation est un peu plus compliquée au Manitoba où le grand problème était la surreprésentation du milieu rural. Ils ont fait un genre de compromis. S'ils parvenaient à résoudre ce problème de surreprésentation et commençaient à introduire des commissions de délimitation indépendantes, ils abandonneraient le VUT. Les gens avaient aussi un autre sujet de plainte  — c'est important de le souligner, car j'ai vu des gens comparaître devant vous et proposer l'adoption de ce modèle. Si vous utilisez le VA dans les régions rurales et le VUT dans les villes, le problème, c'est que le fait de passer de 30 à 40 % dans un groupe de 10 circonscriptions uninominales est extrêmement payant en nombre de sièges. À Winnipeg, qui compte 10 circonscriptions, passer de 30 à 40 % signifie que vous remportez un siège de plus.
    Sur quoi les partis ont-ils déployé leurs efforts et focalisé toute leur attention? Sur les régions rurales. Winnipeg s'est plainte d'être ignorée.
    Mon temps est écoulé.
    En effet. Merci beaucoup.
    Il y aura probablement un autre tour.
    Monsieur DeCourcey.
    Merci, monsieur Jansen, d'avoir abordé le fait qu'il n'est pas nécessairement possible de se fonder sur des résultats passés pour présumer des élections futures. Cette question fait partie intégrante du discours que j'ai maintes fois entendu, comme quoi le système électoral s'inscrit dans le système plus vaste de la culture politique élargie des gouvernements et des acteurs politiques qui, forcément, adaptent et changent les situations.

[Français]

     Madame Des Rosiers, j'aimerais vous poser une question sur l'analyse de la Commission en ce qui concerne la question de la constitutionnalité et des garanties de sièges dans les provinces maritimes.
    Je ne vois pas cela comme étant nécessairement une chose impossible. Aller vers un système proportionnel dans une province comme l'Île-du-Prince-Édouard serait plutôt un défi. Il y a quatre sièges qui sont garantis, alors que le Nouveau-Brunswick en a dix. Ce sont des endroits qui ont un fort sentiment de représentation locale. Quelle sorte d'analyse a été faite à ce sujet? Quelles sortes de questions vous ont été posées dans le cadre de vos travaux?
    Notre mandat était de voir si c'était possible. Après avoir évalué les divers systèmes et jugé que le système mixte proportionnel était une solution possible sur le plan des valeurs et du rééquilibre, il s'agissait de savoir s'il était possible de l'appliquer au Canada? Notre conclusion était qu'il est possible de le faire en créant des listes. Il y avait même une possibilité d'avoir un siège additionnel. La seule question était de savoir combien de sièges additionnels étaient nécessaires. C'était une autre question. Devait-on établir des sièges additionnels ou décider qu'il n'y aurait pas davantage de sièges additionnels, mais de les répartir différemment?
    D'une certaine façon, on a essayé de trouver une solution avec le moins de sièges additionnels possible.

  (1935)  

    Qu'entendez-vous par le moins de sièges additionnels possible?
    Cela veut dire que notre suggestion était d'accroître

[Traduction]

la superficie de certaines circonscriptions pour permettre les députés de liste. Une des possibilités consistait tout simplement à ajouter un certain nombre de députés de liste; ce serait la solution tout indiquée pour l'Île-du-Prince-Édouard.
    Pensez-vous que les Canadiens aimeraient avoir davantage de sièges parlementaires?
    Vous avez déjà augmenté votre nombre de députés, de toute façon, alors je pense que la question est justifiée. Vous pouvez discuter de ce que vous souhaitez puis trancher, mais il me semble que cela pourrait se faire de manière tout à fait neutre, un peu à l'image du découpage électoral, c'est-à-dire de manière à diminuer le nombre de sièges et trouver la solution la plus logique par rapport aux nombres.
    Le public exerce des pressions pour avancer dans cette direction parce que beaucoup d'études montrent les distorsions qui peuvent découler du découpage des circonscriptions.

[Français]

    Quelles sont les circonscriptions où il y a une forte représentation ethnique? Il y a une certaine façon de procéder à cet égard. On doit affirmer quels sont les grands principes et où on veut aller. S'il faut plus de députés pour se conformer à la Constitution, le fait d'ajouter un député n'est pas la fin du monde.
    Professeur Dufour, vous avez dit avoir une préférence pour le système actuel. Voyez-vous quand même une occasion d'améliorer le système? Selon vous, pourrait-on considérer des modifications à apporter?
     Oui.
    En fait, je ne suis pas totalement fermé au changement. Je suis seulement prudent. Parmi les valeurs liées à notre système électoral, il y a aussi la simplicité. Le système ne doit pas être trop compliqué.
    Une des forces de notre système actuel, c'est le rapport presque physique entre les députés et leurs concitoyens. Cela est précieux. Je m'excuse de revenir là-dessus, mais je suis le seul à le dire. De plus en plus, nous vivons dans un monde virtuel et conceptuel où les gens sont déjà frustrés. Un député représente une circonscription, des édifices et un territoire. En écoutant le débat, ce qui me frappe, c'est qu'il y a deux visions. Je crois que, depuis la Grèce antique, la politique est un combat. Je dis à mes étudiants que la politique, c'est l'encadrement de la loi de la jungle. Une des grandes forces de notre système, c'est l'opposition officielle. Autrefois, l'opposition, c'était des gens qu'on voulait abattre.
    Je vous remercie.
    Aujourd'hui, on leur donne un statut, mais il y a un certain combat. Quant aux systèmes proportionnels, ils visent la coopération et le consensus. Personnellement, je ne crois pas beaucoup à cela.
    D'accord.
     Je crois aussi que les vieilles démocraties sont supérieures aux nouvelles. Je n'ai pas de doute à ce sujet. Ce sont des visions différentes...
    Monsieur Dufour, je ne veux pas avoir un combat avec vous, mais...
    Ce que je tiens à dire, c'est que ce sont deux visions différentes et qu'il est important que les Canadiens aient le choix entre les deux.
    D'accord. Je vous remercie.
    Nous allons débuter la deuxième période de questions.
    Madame Romanado, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    La prochaine question que j'aimerais poser porte sur le taux de participation. Le professeur Jansen a d'ailleurs mentionné quelques données au sujet du vote en ligne.
    Professeur Dufour, vous avez mentionné l'âge pour avoir le droit de vote et le vote obligatoire, mais vous n'avez pas donné plus de détails à ce sujet. Je vous laisse donc la chance de vous exprimer sur ces deux volets.

  (1940)  

    Je vous remercie.
    Personnellement, je trouve que le vote obligatoire est irrespectueux des citoyens. Je trouve cela infantilisant pour eux. Il me semble que les citoyens ont le droit de ne pas voter. Ils n'ont pas à être de parfaits petits citoyens modèles.
    De plus, je trouve que la situation actuelle a l'avantage de nous donner un portrait exact de la situation. Il peut être déprimant ou négatif, mais on sait combien de gens ne votent pas. Le vote obligatoire, outre le fait qu'il est très difficile à appliquer — on ne mettra pas les gens en prison parce qu'ils ne votent pas —, peut donner un portrait artificiellement positif  de la situation.
     En somme, je ne suis pas en faveur du vote obligatoire. Je trouve que c'est désespéré. Obliger les gens à voter me choque. Ce n'est pas à la hauteur du citoyen. Selon moi, le citoyen est roi. Il peut voter ou ne pas voter. Ce sont les députés qui décident, mais il me semble qu'on n'a pas à obliger les citoyens à voter.
    D'accord.
    Vous avez aussi mentionné l'âge pour obtenir le droit de vote.
    J'ai fait un sondage auprès des gens de mon entourage qui ont des enfants et je ne suis pas convaincu qu'une personne de 16 ans soit assez mature pour voter. Encore là, il y a une mode. On nous dit que les gens de 16 ans voteraient plus que les gens de 18 ans. Je crains cette vision de la démocratie où la quantité est plus importante que la qualité. La preuve est à faire à ce sujet.
    À mon avis, à 16 ans, quelqu'un n'est pas suffisamment mature pour voter. Toutefois, il est très révélateur que les gens se demandent pourquoi on ne pourrait pas voter à 16 ans.
    Je vous remercie.
    Professeur Jansen, vous avez la parole.

[Traduction]

    Pour ce qui est de l'âge de voter, je pense que si nous commencions à imposer des tests de maturité et de connaissances, des tas de gens de 18 et 25 ans, voire 40 et 50 ans, ne seraient pas admissibles non plus. Je me souviens, quand j'étais enfant, je trouvais très frustrant de rencontrer des adultes qui possédaient beaucoup moins de connaissances que moi et qui s'intéressaient beaucoup moins que moi à la vie politique. À mon avis, l'âge de voter doit faire partie des droits et des responsabilités associés à la citoyenneté, et à 18 ans, on commence à payer des impôts. C'est une des obligations qui vient avec la majorité. Et puis il y a aussi cette idée de « pas de taxation sans représentation ». Ça veut dire quelque chose, non? Je crois donc que l'âge de voter fait partie de ces autres responsabilités. Un conseiller municipal de Lethbridge a présenté à l'association des municipalités urbaines de l'Alberta une motion visant à abaisser à 16 ans l'âge du droit de vote aux élections municipales. Cela ne pose vraiment aucun problème à l'échelle municipale. Comme les municipalités ont la taxe foncière, le problème est tout à fait différent.
    En ce qui concerne le vote obligatoire, je ne suis pas aussi résolument contre que M. Dufour. Je suis contre le fait d'obliger les gens à voter, mais je suis plutôt ouvert à l'idée d'obliger les gens à se présenter aux urnes. L'idée de forcer les gens à mettre un X à côté d'un nom et de contribuer à l'élection d'un candidat auquel ils s'opposent est absolument inacceptable.
    Tenter d'améliorer un taux de participation faible est quelque chose d'incroyablement compliqué. Les causes sont générationnelles. Elles sont attribuables à des facteurs à court terme. Il y a tellement de facteurs qui entrent en jeu qu'il faudrait une solution miracle. Ne me demandez pas comment faire pour qu'il en soit autrement, je suis à court d'idées. J'ai lu beaucoup d'études sur le sujet, j'ai même donné des cours là-dessus. Il n'y a pas de solution miracle autre que le vote obligatoire.
    Me reste-t-il encore du temps?
    Oui, mais seulement pour une question brève et une réponse brève.
    Nous avons effleuré la question du vote en ligne, vous avez fourni des données et mentionné le fait que ces données n'étaient pas statistiquement valables parce que les personnes qui ont participé à l'étude étaient déjà des utilisateurs d'Internet. Avez-vous fait d'autres recherches sur le sujet?
    Nous avons mené une enquête téléphonique, que j'ai contrôlée. En examinant d'autres aspects de ces données, nous nous sommes tout de suite demandé si nous avions posé ces questions au téléphone. Malheureusement, nous ne l'avions pas fait. Nous avons délibérément mené une enquête téléphonique dans le but de joindre des personnes qui n'étaient pas actives en ligne.
    La proportion des gens qui ne se considèrent pas comme de gros utilisateurs d'Internet tourne autour de 15 à 16 %. Si on soustrait des résultats ces 15 à 16 % complètement désintéressés par le vote en ligne pour la simple raison qu'ils ne sont pas actifs sur Internet, on arrondit le chiffre à la baisse. La proportion des gens ayant affirmé qu'ils voteraient sûrement en ligne s'ils avaient ce choix s'élève à environ 45 à 46 %. Nous avons donc deux problèmes: celui que pose le fait que l'étude ait été effectuée en ligne, et cet autre problème qui en découle, celui de la surreprésentation des personnes intéressées par la politique.

  (1945)  

    Monsieur Deltell.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'ai deux brèves observations à formuler.
    Monsieur Dufour, vous parliez un peu plus tôt de la relation très proche que les députés peuvent avoir avec leurs commettants. Vous avez parfaitement raison à ce sujet. Nous avons tous eu à témoigner de cela au cours es 14 rencontres que nous avons eues. Nous avons tous mentionné chacun à notre tour comment nous pouvons être attachés aux gens et comment les gens peuvent être attachés à leur député, et ce, peu importe le parti et la région du Canada.
    Un peu plus tôt, madame Des Rosiers, vous faisiez état de la possibilité de voter pour le parti et pour le député, mais à cela s'ajoute une troisième variable qui est celle du premier ministre ou de la première ministre. Sur un bulletin de vote, comment fait-on pour voter pour le chef, pour le programme et pour le député? Cela commence à être compliqué et ce n'est pas sans rappeler, comme je vous le disais plus tôt, que notre système actuel n'est pas parfait. Trouvez-nous un système parfait et on l'adoptera. Je pense qu'il n'y en a pas.
    Voulez-vous réagir à ce sujet, madame Des Rosiers?
    Le système qu'on avait recommandé comportait seulement deux votes et non trois. D'une certaine façon, on a essayé d'être près de ce qui existe et de régler les problèmes de distorsion. Lorsqu'on a tenu les consultations, les gens qui se sont exprimés ont estimé qu'il y avait des majorités gonflées ou des minorités qui n'étaient pas représentées. On a essayé de répondre à cela. Le rapport était basé sur la manière de corriger certains excès du système.
     On reconnaît que les partis politiques continuent de jouer un très grand rôle. On peut les punir dans le cadre d'un système mixte avec compensation proportionnelle en arrêtant de voter pour eux. On les punit parce qu'ils ont élu le mauvais chef et qu'ils n'ont pas mis les bonnes personnes sur leur liste. On peut les punir d'une certaine façon.
    C'est pour cette raison que je vous dis que cela est très difficile. On ouvre la porte à une meilleure représentation de ce que le citoyen veut concernant son député, le gouvernement et le premier ministre. Il y a donc trois variables. Combien de gens disent qu'ils appuient tel parti, mais qu'ils n'aiment pas le chef ou qu'ils préfèrent un autre qui n'appartient pas à leur parti. Alors, que fait-on à cet égard? Il n'y a pas de système parfait.
    Nous avons essayé de répondre à des questions qui sont ressorties lors des consultations et au désir d'avoir quelque chose qui soit un peu plus sophistiqué. C'est vraiment ainsi que cela a été présenté.
    Je sens que M. Dufour a quelque chose à dire à ce sujet. Je ne voudrais surtout pas le brusquer.
    Je crois que les citoyens, en tenant compte de ce qu'ils sont et de ce que la société est devenue en 2016, ont des attentes très grandes et fondamentalement contradictoires. Je ne crois pas qu'il existe un système pouvant répondre à toutes ces attentes. Il y a donc un côté frustrant dans tout système. Je ne crois pas que si on adoptait un système proportionnel même modéré, cela réglerait le problème du désenchantement des citoyens. C'est plus profond que cela.
    Votre comité a un gros travail à faire. Il faut que vous accouchiez d'un projet de réforme. Ce n'est pas facile à faire parce que c'est un travail technique et qu'il faut peser le pour et le contre. Je vous souhaite bonne chance. En fait, j'aimerais être convaincu, mais le fardeau de la preuve demeure. Il y a un fardeau de la preuve à établir. Je le répète et je sais qu'on n'aime pas l'entendre, mais les experts sont tous contre le mode de scrutin actuel et je trouve que c'est injuste.
     Monsieur Jansen, en confiant aux politiciens, c'est-à-dire à nous, le soin de choisir ce qui doit être fait pour changer le système, ne craignez-vous pas que nos intérêts partisans priment sur les intérêts de l'ensemble de la population?
     Qu'on le veuille ou non, choisir un mode de scrutin implique pour nous d'être dans une situation de conflits d'intérêts.

[Traduction]

    Absolument. Et je ne dis pas cela pour prêter de fausses intentions à qui que ce soit. Mais même si vous appuyez quelque chose pour des raisons de principe, vos motifs se trouvent à coïncider avec les intérêts de votre parti...
    Pouvons-nous y aller par voie de référendum?
    Le problème avec un référendum, je le répète, c'est que les gens n'ont pas fait leurs devoirs pour être en mesure de voter sur la question. Le modèle que je préconise — et je sais que M. Carty en a parlé lorsqu'il a comparu devant votre comité —, c'est l'assemblée citoyenne. J'aime l'idée d'un processus d'éducation où les citoyens apprennent des choses et établissent les compromis.
    Un référendum est comme une enquête...

  (1950)  

    Mais pour cela, nous avons besoin de temps — beaucoup de temps.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Je vous remercie. Nous devons maintenant passer à M. Boulerice.

[Français]

    Monsieur Boulerice, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux d'abord dire que je suis d'accord à propos de deux choses qu'a dites M. Dufour. Je vais ensuite poser une question à M. Jansen.
    Je vous surprends peut-être un peu.
    Un peu, oui.
    Je partage totalement votre point de vue à propos du vote obligatoire. Je pense que les gens sont libres de rester à la maison. Un citoyen a même le droit de rester couché le matin s'il le veut. Selon moi, notre rôle n'est pas de forcer qui que ce soit à voter.
    Je suis aussi d'avis que nous sommes ici en présence de deux visions. Elles sont toutes les deux légitimes, mais complètement différentes. D'une part, on croit qu'une élection sert à établir un gouvernement fort et stable, quitte à en arriver à avoir une fausse majorité. D'autre part, on pense qu'une élection sert à refléter la volonté de la population dans sa diversité et sa pluralité, quitte à forcer les partis à se parler et à s'entendre entre eux. Ce sont deux visions dont les échelles de valeur diffèrent.
     Monsieur Jansen, on peut considérer le pourcentage de votes et le pourcentage de sièges qu'un parti a obtenus, mais on peut aussi voir combien il a fallu de votes en moyenne pour élire chaque député de chaque formation politique. Pour élire chaque député libéral lors de la dernière élection de 2015, il a fallu en moyenne un peu plus de 37 000 votes. Pour élire chaque député conservateur, il en a fallu 48 000. Pour élire chaque député néo-démocrate, il en a fallu 78 000 et pour élire un député du Parti vert, il a fallu 602 000 votes.
    Vous avez parlé du Manitoba, de l'Alberta et de l'expérience impliquant ces modes de scrutin. Or si le vote alternatif n'est pas une solution pour assurer la diversité des voix, que devrions-nous faire pour nous assurer d'éliminer ce genre de distorsions, qui font en sorte que le vote des citoyens n'est pas égal ou qu'il est parfois gaspillé?

[Traduction]

    La seule solution à cela, c'est de recourir à une forme de représentation proportionnelle, le VUT, la représentation proportionnelle mixte ou le scrutin de liste. On ne peut pas partager le siège d'une circonscription uninominale de manière proportionnelle entre deux partis; c'est le point fondamental. La seule façon de traiter cette question, c'est par l'attribution compensatoire de sièges dans le cadre d'un système mixte ou alors, par la mise en place de circonscriptions plurinominales où plus d'un candidat est élu.
    J'ai lu un article plutôt original qui proposait un système de mandat proportionnel, c'est-à-dire que si les libéraux remportent, disons, 40 % des votes, ils siègent pendant 40 % de la durée du mandat.
    Des députés: Oh, oh!
    M. Harold Jensen: Ça n'a jamais abouti nulle part, mais...
    Je n'en suis pas si sûr.
    Ce n'est pas ce que je recommande, mais voilà quelqu'un qui sort des sentiers battus. Mais non, pour en revenir au problème fondamental des votes gaspillés, seul un scrutin proportionnel peut corriger cette situation.

[Français]

    Nous avons entendu ce matin le professeur Lijphart, qui a tenu des propos intéressants. De multiples expériences décrivent les effets qu'a le mode de scrutin proportionnel sur le comportement aussi bien des électeurs que des partis. On le constate en Allemagne depuis des décennies, mais le plus récent exemple est celui de la Nouvelle-Zélande. Le professeur Lijphart disait qu'un changement de culture politique avait eu lieu dès la première élection. Au cours de celle-ci, on a introduit en effet une certaine proportionnalité. Ainsi, plutôt que d'imposer ses vues, un parti a tendance à chercher des partenaires.
    Les gens dans la rue nous disent souvent vouloir que les partis politiques travaillent ensemble à trouver des solutions. Selon eux, cela se traduit parfois par de meilleures politiques publiques, précisément parce que tout le monde peut participer à la discussion.
    Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Le professeur Lijphart a publié un article magistral dans lequel il analyse les résultats en matière de politiques publiques. Il n'a trouvé aucune différence fondamentale. Ils abordent les choses différemment, mais ce n'est pas comme si l'économie s'améliorait. Un gouvernement fortement majoritaire n'adoptera pas forcément de meilleures politiques publiques. G. Bingham Powell a signé un ouvrage dans lequel il démontre que les pays qui ont élu des représentants sous un régime de RP ont tendance à se conformer aux souhaits de l'électeur médian. Ce dernier occupe une place spéciale dans la théorie démocratique. La position médiane, c'est-à-dire avec une moitié des électeurs d'un côté et l'autre moitié de l'autre, devrait remporter tout vote majoritaire. Il a constaté que les politiques mises en oeuvre par des gouvernements à RP avaient tendance à mieux correspondre à la médiane que n'importe quel autre système. Je signale qu'il a toutefois trouvé une exception parmi les pays à scrutin majoritaire uninominal, le Canada, qui se tire d'affaire étonnamment bien avec ce système. Je dirais toutefois que ce bon résultat est attribuable à notre déplorable conjoncture, marquée par une domination historique du Parti libéral au centre de l'échiquier. C'est là une bizarrerie canadienne.
    Des députés: Oh, oh!
    Je vous remercie beaucoup. Désolé, je n'ai pas entendu la fin.
    Des voix: Oh, oh!
    Le Parti libéral, c'est une bizarrerie canadienne...

  (1955)  

    Je parlais à l'analyste.

[Français]

     Monsieur Ste-Marie, vous avez la parole.
    Je vais poser une brève question à Mme Des Rosiers.
    Madame et messieurs, cela me fait plaisir de vous accueillir et de vous écouter.
    Madame Des Rosiers, j'aimerais poursuivre l'échange que vous avez eu avec M. DeCourcey au sujet d'un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire avec un système de listes. Il était question soit d'accroître la superficie des circonscriptions, soit d'augmenter le nombre de personnes élues. Il y a présentement 338 personnes élues représentant en moyenne 100 000 citoyens.
    Si vous deviez trancher, est-ce que vous augmenteriez le nombre de citoyens représentés par chaque personne élue à 130 000 ou 150 000 personnes ou est-ce que vous augmenteriez le nombre de personnes élues à 450 ou 500 pour le Canada?
    Nous avons tenté d'éviter d'augmenter le nombre de députés, sauf pour des questions constitutionnelles et pour répondre à des enjeux particuliers.
    Je pense que c'est la bonne approche à adopter, c'est-à-dire que ce n'est pas tout l'un ou tout l'autre. Il faut trouver une solution qui se situe entre les deux.
    En fait, 100 000 citoyens, c'est déjà énorme. Il serait très difficile de représenter 150 000 citoyens.
    On peut évaluer différents modèles. Il y a des choix à faire entre 100 000 et 150 000 citoyens et on doit savoir jusqu'où vous voulez aller. Nous ne sommes pas allés dans les détails pour déterminer différents amalgames. Il s'agissait de déterminer si c'était possible de le faire au Canada.
    Je vous remercie.
    Je cède la parole à mon collègue.
    Merci.
    Un des écueils de la réforme au Québec a été de penser qu'on pouvait réduire le nombre de circonscriptions de 125 à 75 de façon mathématique et automatique, alors que les services de proximité qu'offrent les députés québécois dans les circonscriptions sont multiples. Les gens disaient que cela n'avait pas de bon sens, faisant valoir qu'ils avaient déjà de la difficulté à avoir accès à leur député fédéral. Il ne s'agit pas tellement de l'individu, mais plutôt de sa fonction.
    On a parlé de la reddition de comptes, de la simplicité et de l'équité. On parle davantage d'inconvénients, mais on ne les mentionne pas beaucoup. Vous avez raison, monsieur Dufour, lorsque vous dites que le diable est dans les détails, et on l'a constaté au Québec. Il y avait 26 régions, ce qui favorisait trois grands partis, et le pluralisme idéologique était impossible. Alors, on a un gros défi.
    En matière de gouvernance, dans un système proportionnel mixte compensatoire, la reddition de comptes et la ligne de parti sont-elles plus ou moins présentes? Le député qui se retrouve sur une liste et qui a été nommé par l'establishment du parti va-t-il dire non et décider de voter en fonction de la plateforme ou sera-t-il davantage tenu de respecter la ligne de parti?
    J'imagine que les gouvernements de coalition deviennent à la longue de plus en plus centristes si les gens veulent prendre le pouvoir et être ceux à qui on tend la main. Ainsi, est-ce que les plateformes électorales deviennent, d'une certaine manière, insignifiantes?
    Qu'adviendra-t-il du citoyen qui est actuellement habitué de décider qui va prendre le pouvoir? Ce seront des apparatchiks qui décideront qui va former le gouvernement. Ne s'agit-il pas là d'une distorsion politique? Les citoyens ne devraient-ils pas être au courant et décider à ce sujet? Personnellement, je crois que les gens devraient décider à propos de ces inconvénients. C'est la raison pour laquelle il faut qu'il y ait un référendum.
     Quand je discute de politique avec mes étudiants, ils me disent souvent qu'ils trouvent le système intéressant, mais que les partis politiques constituent le seul problème. Selon eux, ceux-ci ne devraient pas exister puisque leur côté partisan leur fait horreur. Je leur explique que c'est dommage, mais que dans la vie, il n'y a pas que de l'harmonie et du bonheur. Il y a aussi un combat. Je trouve que l'enjeu se situe beaucoup à cet égard. Beaucoup de gens voudraient fondamentalement garder le système actuel avec un peu d'éléments inhérents au mode de scrutin proportionnel. Je dirais que c'est un peu cela. Est-il possible que cela se fasse? Je n'en suis pas sûr.
    C'est pourquoi j'insiste sur les deux dynamiques. Chaque mode de scrutin a ses inconvénients et ses avantages. Peut-on garder le système actuel en saupoudrant un peu d'éléments du mode de scrutin proportionnel? Vous allez avoir à le décider. Êtes-vous en mesure d'accoucher d'un système qui est crédible et qui va convaincre les Canadiens? En fait, ceux-ci voudraient des changements, mais ils sont attachés au système actuel. Je vous le rappelle, ce qui me frappe chez mes étudiants est qu'ils ne veulent pas de partis politiques. Les gens ne veulent pas qu'il y ait du combat. Je leur dis qu'ils ne sont pas réalistes. La politique est un combat. D'ailleurs, vous êtes des députés et vous savez que la politique est un combat.

  (2000)  

    Merci.
    Je voudrais répondre, parce que cette question était au coeur des débats.
    Parlez-vous des mandats?
    C'est exactement cela.
    Les partis sont encore tenus de rendre des comptes. En effet, ils peuvent être punis s'ils inscrivent les mauvaises personnes sur la liste. Le rapport reconnaît qu'il faut de la transparence. Les partis devraient être jugés sur la façon dont ils décident qui est sur leur liste, et ce, de la même façon que les partis sont maintenant jugés, par exemple, sur la façon dont ils élisent leur leader ou font leur choix dans les circonscriptions. Ce n'est pas tellement différent. Il y a toujours une demande au chapitre de la reddition de comptes et de la responsabilité des partis.

[Traduction]

    Madame May.
    Merci, monsieur le président.
    À mon tour de remercier les témoins.

[Français]

    J'aimerais poser une question à Mme  Des Rosiers.
    J'aimerais parler du travail de la Commission du droit du Canada. Vous avez, si je ne m'abuse, commencé le travail sur la réforme électorale en 2001?
    C'est exact.
    Vous avez travaillé pendant trois ans avant de produire le rapport de cette Commission. Combien de personnes ont été impliquées dans ce travail et combien de citoyens y ont participé?
    Le travail de la Commission provenait surtout du désir de commencer ce projet. Nous avons tenu des consultations un peu partout au Canada. Nous avions bénéficié un peu à l'époque du fait que la réforme électorale était quand même un sujet de grand intérêt. Beaucoup d'organismes provinciaux tenaient des consultations à ce sujet. Au Québec, un processus était en cours, tout comme à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick. Quelque chose se passait également en Colombie-Britannique à ce sujet. Nous avons évidemment eu la chance de pouvoir nous adresser à des organisations qui avaient déjà agi à ce sujet.
     Une méthode de réforme du droit requiert d'impliquer les citoyens dans la réflexion, d'aborder ces questions et d'organiser des tables rondes regroupant des experts pour voir quelles sont les questions auxquelles ont ne connaît pas les réponses.
     De plus, le but était d'essayer de voir si l'on pouvait

[Traduction]

parrainer davantage de projets de recherche pour voir si nous pourrions avoir...

[Français]

    C'est un peu le cas touchant la question de la représentation des minorités. La preuve à cet égard n'est pas évidente. Il faut aller un peu plus loin. Notre rapport indique que ce n'est pas garanti et qu'il faut donc continuer à regarder ce que le rapport Lortie mentionnait et ne pas abandonner l'idée que les partis ont une responsabilité à ce sujet.
    Le travail s'est fait de la façon suivante. La première étape a été de déterminer ce que serait le document de consultation. La deuxième a été de mener des consultations sur ce document. Le document de consultation avait pour but de se pencher sur les valeurs et les grands enjeux. Entre la stabilité et la représentativité, il s'agissait de savoir ce qui choquait les gens? Y avait-il des choses que nous avions oubliées? On parlait de choses de cette nature.

[Traduction]

    Ainsi, 12 ans après la parution du rapport de la Commission, en 2004, vous maintenez que la conclusion la plus solide, selon vous, c'est que le système de scrutin majoritaire uninominal à un tour n'est carrément plus acceptable dans une démocratie moderne. Vous ne vous exprimez pas seulement à titre d'experte ici, mais c'est l'opinion qui se dégage de l'ensemble de ce processus. Est-ce une conclusion à laquelle sont arrivés la plupart des gens que vous avez entendus? De toute évidence, c'est la conclusion qui se dégage du rapport.
    Je dois avouer que j'étais une néophyte à l'époque. Je suis une praticienne du droit, je pense donc que le fait d'aller demander aux gens ce qu'ils pensaient de notre système électoral a été un exercice convaincant autant pour moi que pour la commission. Au départ, je ne savais pas que nous en arriverions à cette conclusion.
    Je suis persuadée que les gens étaient déconnectés et que les mandats de « longue durée » posaient problème — non pas parce que le système ne fonctionnait pas bien et ne les servaient pas bien, mais parce qu'en raison de la longue durée, la transposition inéquitable des voix en sièges faisait surgir trop de problèmes. C'est ce qui ressortait sans cesse.

  (2005)  

    Nous venons juste de discuter avec le professeur Carty; de son côté, le professeur Jansen a parlé de l'avantage des assemblées de citoyens. J'aimerais savoir si une assemblée de citoyens s'est déjà penchée sur le problème posé par l'actuel système électoral et en est arrivée à la conclusion qu'il serait préférable de le remplacer.
    Non, je ne suis pas au courant.
    Est-ce qu'une commission du droit ou un comité parlementaire a déjà proposé d'étudier et de maintenir l'actuel système électoral au Canada?
    Je pense que ce serait un exercice vraiment difficile parce que savons aujourd'hui qu'il existe d'autres systèmes mieux adaptés...
    D'accord.
    Nous devons passer à M. Aldag, mais c'est une question intéressante qui sera peut-être soulevée à nouveau plus tard.
    Allez-y, monsieur Aldag.
    Ma question s'adresse à Mme Des Rosiers. Tout à l'heure, vous n'avez pas eu tout le temps voulu pour répondre à ma question sur les valeurs. Aviez-vous autre chose à ajouter ou aviez-vous terminé?
    Je parlais évidemment de la transposition des votes en sièges, de l'équité et de l'importance de cet exercice. C'est pour cette raison que vous votez: vous voulez que votre vote se traduise par une représentation équitable et je pense que cela était clair à l'époque. Les électeurs se préoccupaient évidemment de la stabilité, ils voulaient s'assurer que le gouvernement travaillait, tout en reconnaissant que les acteurs et la culture politiques au Canada seraient probablement durables, que nous avions des acteurs politiques capables de travailler.
     Enfin, je pense qu'on souhaitait également, et je le souhaite encore, un scrutin au suffrage universel; nous voulons élire des personnes qui sont, en quelque sorte, le miroir de la population. Il était important d'élire des personnes qui représentent une multitude d'idées et de voix.
    Merci. Je voulais seulement vous donner l'occasion de terminer votre réponse à ce sujet.
    Professeur Jansen, j'ai l'impression que vous aussi, vous aviez autre chose à dire concernant votre recherche sur le vote en ligne. Je dispose encore de quelques minutes. Souhaitez-vous nous faire part de vos réflexions sur le vote en ligne et ses avantages, voire ses lacunes, afin d'éclairer notre étude?
    D'abord, le vote en ligne comporte un aspect technique — comme je ne suis pas informaticien, je laisserai à des personnes plus compétentes que moi le soin de vous en parler.
    Le principal problème est le manque de transparence du processus. Les données disparaissent dans le cyberespace, personne ne sait exactement ce qui se passe et il est impossible de retracer un bulletin électronique comme on peut retracer un bulletin de papier. C'est un point important.
    Il y a également le problème de la vérification de l'identité. Les personnes qui votent sont-elles vraiment celles qui sont censées voter? Comment empêcher la vente de bulletins de vote ou l'échange d'identités? Il y a une foule de problèmes du genre qui, selon moi, posent des défis techniques assez importants.
    En revanche, les gains que cela pourrait représenter... Ce sera une question d'équilibre, n'est-ce pas?
    Oui.
    Je veux parler, par exemple, de l'inclusivité. Si nous parvenons à régler les problèmes techniques, nous pourrons alors nous dire, oui, nous voici maintenant rendus à un point de bascule, c'est le temps où jamais de nous engager dans cette direction. Ce moment est-il imminent?
    Je pense que, techniquement, nous avons encore un bout de chemin à parcourir avant que le système soit suffisamment fiable et sécuritaire. Comme je l'ai déjà dit, je serais favorable à l'idée que ce soit là une option parmi d'autres et non d'un système qui remplacera les bureaux de scrutin. Je pense que ce serait une grave erreur de vouloir réduire le nombre de bureaux de scrutin. Je trouve très préoccupant que des gens qui ne se sentent pas à l'aise de voter en ligne n'aient pas la possibilité de se présenter en personne à un bureau de scrutin. Cela pose de graves problèmes. Nous devons être vigilants sur ce front.
    J'ai également des réserves quant à l'ampleur des gains sur le plan de la participation des électeurs. Selon moi, c'est la motivation qui compte surtout et non l'occasion. Je suis très sceptique à l'endroit des personnes qui affirment dans un sondage: « Oh, j'étais trop occupé pour aller voter ». La plupart du temps, cela signifie « J'ai des choses plus importantes à faire que d'aller voter ». D'accord, les citoyens font ce genre de commentaire. Aller voter, ce n'est pas un exercice très exigeant, d'autant plus que depuis une vingtaine d'années, Élections Canada n'a ménagé aucun effort pour rendre le vote plus accessible. Il y a davantage de façons de voter que jamais auparavant.
À mon avis, il n'est pas réaliste de s'attendre à une plus forte mobilisation des électeurs. Je ne crois pas que cela les motivera. L'exercice sera plus rendu plus facile pour certains, mais ces personnes seraient allées voter de toute façon. J'ai constaté que les personnes les plus enclines à affirmer qu'elles iraient fort probablement voter dans le cadre de notre sondage sont celles qui avaient déjà voté. Ces personnes passeront tout simplement au vote en ligne.

  (2010)  

    Nous poursuivons.

[Français]

     Monsieur Dufour, vous avez environ 30 secondes pour répondre à la question.
    Indépendamment des questions de sécurité et de vérification, il peut y avoir une certaine dévalorisation d'un vote qui devient très facile. À l'heure actuelle, quand on vote, on doit toujours se déplacer dans un endroit physique. Il y a donc un effort à faire. Ce n'est pas un sondage.
    Je fais toujours passer le test suivant à mes étudiants. Je leur dis qu'un gouvernement est élu le 1er octobre avec une très importante majorité, qu'un événement dramatique survient trois semaines plus tard et que la popularité de ce gouvernement chute à 20 % dans les sondages. Je leur demande par la suite si ce gouvernement devrait démissionner. Mes étudiants répondent oui mais je leur dis non, parce qu'un sondage, ce n'est pas un vote. Lorsqu'on vote, on se déplace et on ne peut pas changer d'idée jusqu'à la prochaine élection.
    Il y a donc toujours un danger. D'un côté, je crois qu'on veut faciliter le vote et qu'on veut rejoindre les gens, mais je ne suis pas sûr de savoir jusqu'à quel point cela sera efficace. N'y a-t-il pas un danger qu'on dévalorise le vote lui-même?
    Je vous remercie.
    Monsieur Reid, vous avez la parole.

[Traduction]

    Mes questions s'adressent encore au professeur Jansen. Je m'appuie sur quelques ouvrages que j'ai lus. Le premier est When Citizens Decide: Lessons From Citizens' Assemblies on Electoral Reform, rédigé par un groupe d'éminents auteurs. Le deuxième est Designing Deliberative Democracy: The British Columbia Citizens' Assembly. Ces ouvrages abordent, dans une certaine mesure, le point que vous avez soulevé. Je vous demande de commenter les extraits que je vais vous lire concernant les électeurs qui ne sont pas suffisamment informés pour voter de manière éclairée et intelligente à un référendum.
    À la page 132 du premier ouvrage, les auteurs constatent ceci:
    
Le fait de savoir que la proposition sur laquelle ils étaient appelés à se prononcer émanait de l'assemblée de citoyens a éclairé le choix des électeurs. Le fait d'être mieux informés sur l'assemblée les a incités à appuyer la réforme en plus grand nombre. Cependant, l'impact de la prétendue connaissance que les citoyens avaient de l'assemblée a varié d'un référendum à l'autre. L'effet a été plus fort lors du premier référendum de 2005, en Colombie-Britannique, il a ensuite diminué de moitié en Ontario et il a enfin été négligeable en Colombie-Britannique en 2009...
    Il faut dire que l'assemblée des citoyens n'était plus une nouveauté.
    À la page 187 du deuxième ouvrage, les auteurs affirment ceci:
    
De toute évidence, l'assemblée des citoyens a bouleversé les habitudes de vote des électeurs au point de mener à un résultat majoritaire. La même proposition aurait reçu un appui plus faible si elle avait été élaborée dans les arcanes du pouvoir par un sous-comité de l'assemblée législative et présentée aux électeurs comme un fait accompli.
    De toute évidence, ce que les auteurs font ressortir — et les ouvrages expliquent en détail ce phénomène —, c'est que le fait de demander à une entité non partisane de présenter une proposition a donné de la crédibilité à l'exercice et contribué, dans un cas, à l'obtention d'une forte majorité en faveur de la réforme électorale.
    Ma question porte encore sur le référendum. Si nous devions adopter un système quelconque — j'ignore si cela est du ressort du comité — et s'il est démontré que ce système sur lequel les électeurs sont appelés à se prononcer est le résultat d'un processus impartial et non partisan, croyez-vous qu'il aurait une chance raisonnable de recueillir un soutien majoritaire de la part des citoyens ou des électeurs du Canada?
    Dans le cadre de leur recherche, les auteurs ont également constaté que les citoyens qui étaient très renseignés sur le système VUT proposé par l'assemblée des citoyens — des gens très bien informés — étaient plus enclins à voter pour. Les personnes moins bien informées avaient tendance à être influencées par le fait que cette idée émanait d'une assemblée de citoyens. Même si elles n'avaient pas eu le temps de l'étudier en détail — il faut dire que les tenants et aboutissants du système de VUT sont plutôt difficiles à comprendre —, comme la proposition émanait d'un groupe de citoyens, de gens fiables... elles avaient tendance à avoir confiance dans ce processus. De toute évidence, il existe des preuves démontrant que l'autorité morale du processus suffit parfois à recueillir des appuis.
    Dans ce cas particulier, il s'agissait d'une procédure spéciale et très longue. J'ignore si elle est applicable à l'échelle nationale, où les choses sont vraisemblablement plus complexes qu'à l'échelle provinciale...
    Voulez-vous dire que c'est trop compliqué de recourir à une assemblée de citoyens?
    Je me demande quelle serait la composition d'une assemblée de citoyens. En C.-B., l'assemblée se composait de deux représentants de chaque circonscription, un homme et une femme, et de deux Autochtones, afin d'assurer une représentation autochtone équitable. À l'échelle du Canada, comment pourriez-vous?... Chaque province devrait être représentée ainsi que différentes régions de chaque province. Nous voulons également une représentation équitable entre les sexes et nous voulons que les Autochtones soient également représentés. Il s'agirait donc d'une structure nationale à strates multiples, ce qui devient compliqué. Par exemple, la C.-B. n'a pas vraiment à se soucier du fossé linguistique entre le français et l'anglais, une réalité beaucoup plus présente ici.
    La question de la composition, de la structure de l'assemblée, est incroyablement complexe et je crois comprendre que vous êtes pressés par le temps ici. Cependant, la recherche démontre que les assemblées de citoyens peuvent mobiliser l'appui des citoyens, qu'il ne s'agit pas seulement d'un groupe de personnes qui souhaite imposer son propre programme, ou qui discute de choses complexes qui n'intéressent pas la population. L'assemblée de citoyens peut contribuer à attirer des appuis.

  (2015)  

    Est-ce qu'il reste un peu de temps?
    Il reste environ 35 secondes. Vous avez le temps de faire une intervention.
    Une question seulement. À en juger par votre témoignage, l'autre option a malheureusement, soit l'adoption d'un système mixte VUT/VA par le Manitoba, en 1921, a été motivée par un intérêt purement partisan, comme ce fut le cas également en Alberta, en 1921, ainsi qu'au moment de la suppression du VUT par l'Alberta, en 1956, et l'adoption du VUT par la Colombie-Britannique en 1951. Il ne nous reste plus qu'un autre exemple historique de réforme d'un système électoral. La décision d'abandonner le VUT, prise par le Crédit social en Colombie-Britannique, a-t-elle été motivée par un intérêt purement partisan ou par un désir impartial d'améliorer le système électoral?
    Une très brève réponse, je vous prie.
    Ma réponse s'ajouterait probablement à la liste des motifs purement partisans.
    Des députés: Oh, oh!
    Madame Sahota, c'est à vous.
    J'aimerais d'abord clarifier certains de mes propos qui, je pense, ont été mal interprétés. Lorsque j'ai dit que les acteurs apprennent à travailler à l'intérieur d'un système, je voulais dire que nous avons un système politique en place et que j'espère que le nouveau système que nous adopterons, quel qu'il soit, favorisera la coopération, à l'image de ce comité. Que ce soit un scrutin à vote unique transférable ou un système de RPM ou toute autre solution conçue expressément pour le Canada, nous espérons qu'il favorisera la coopération, comme c'est le cas parmi les membres de ce comité. Je pense que nous avons bien fait de renoncer à notre majorité au sein de ce comité; nous devons trouver une façon de travailler ensemble afin de proposer la meilleure solution pour le Canada.
    J'aimerais toutefois savoir comment nous pouvons concevoir un système adapté au Canada. Nous avons passé en revue une foule de systèmes populaires dans différents pays. Des experts nous ont également confirmé que tous les pays apportent de légères modifications à leur système. Il n'existe donc pas un modèle unique de VUT, de RPM ou de VA — même lorsqu'il n'en existe qu'un seul exemple. Chaque pays adopte une solution légèrement différente, mieux adaptée à sa population et de sa démographie.
    Il y a quelques partisans de la RPM ici. Je sais que mon collègue a posé cette question au sujet des Maritimes. Pouvez-vous me donner une idée de ce à quoi ressemblerait un bulletin idéal, à quoi ressemblerait une élection ici et comment délimiteriez-vous une circonscription dans cette région? À votre avis, comment fonctionnerait le système ici?
    Si j'avais à concevoir rapidement un système électoral, j'opterais d'emblée pour un système de RPM. Il y aurait deux bulletins de vote, un pour le représentant local et l'autre pour le parti. J'augmenterais probablement la taille de la Chambre des communes, tout en sachant que cela permettrait aux détracteurs de la réforme de se faire du capital politique. Cela est certain. Augmenter le nombre de parlementaires n'est jamais une mesure populaire, mais je pense que c'est une solution de facilité.
    Je vais vous donner une autre raison, trop souvent ignorée. La Chambre des communes britannique est incroyablement nombreuse. Il n'y a même pas assez de sièges pour tout le monde. Si vous l'avez déjà vu à l'oeuvre, vous savez qu'elle fonctionne de manière assez remarquable. L'un des effets secondaires intéressants, selon certains observateurs, c'est que cela contribue à réduire la discipline de parti. Si vous vous faites élire au sein d'un caucus de 300 députés, vos chances de faire un jour partie du cabinet sont plutôt minces. Pour réussir votre carrière de député, vous devez donc vous fixer un objectif. En augmentant la taille de la Chambre des communes, vous augmentez le nombre de députés d'arrière-ban par rapport à la taille du cabinet. Je pense que cela a probablement eu comme résultat et comme avantage d'encourager une plus grande indépendance parmi les députés. Voilà qui pourrait être un avantage de plus, mais cet argument est rarement avancé. J'aurais probablement tendance à modifier passablement le nombre de sièges. Je chercherais probablement à avoir une plus grande proportionnalité.

  (2020)  

    D'accord. Nous devrions augmenter le nombre de députés.
    Pour en arriver à ce résultat proportionnel, est-ce que le nombre de députés changerait d'une élection à l'autre? Comment cela fonctionnerait-il sur le plan logistique? Autrement dit, à la Chambre des communes, il faudrait que nous...
    Pour le faire dans les règles de l'art, ce serait moitié-moitié. Vous auriez des demi-circonscriptions. Pour être réaliste, je ne vous recommanderais pas de doubler la taille de la Chambre des communes si vous voulez garder vos emplois.
    Des voix: Oh, oh!
    Je ne pense pas que cette proposition serait populaire.
    Non, je ne crois pas non plus, mais il est possible d'atteindre la proportionnalité avec environ le tiers de la liste.
    Oui, nous avons recommandé un tiers: une liste représentant le tiers, deux tiers...
    Combien aurions-nous de députés de plus à ce moment-là?
    Notre position était plus modérée que cela, parce que nous voulions nous assurer que vous n'augmenteriez pas systématiquement le nombre de députés, mais que vous prendriez une décision équilibrée relativement à la taille des circonscriptions. Nous n'avons pas carrément fixé l'augmentation à un tiers de la députation, cela n'étant réservé qu'à certaines circonscriptions. Il faut veiller à ce que l'augmentation ne devienne pas ingérable, mais il faut aussi pouvoir s'adapter au fait qu'il faudra augmenter le nombre de députés dans certaines circonscriptions, au besoin, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon ou encore au Nunavut. Nous avons ajouté un certain nombre de députés dans ces circonscriptions pour établir une liste.
    Vous trouverez tout cela dans le rapport.

[Français]

     Merci.
    Ce que vous dites est très intéressant, surtout en ce qui a trait à la façon dont vous avez conçu ce système.
    Monsieur Dubé, vous avez maintenant la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis certain qu'il ne parlait pas à mon sujet, mais M. Deltell a fait allusion aux commentaires concernant l'élection d'un premier ministre, d'un parti ou d'un député. Je sais que j'ai formulé cet aspect dans ma question, mais j'ai trouvé la réponse de Mme Des Rosiers intéressante. Elle a mentionné l'idée de punir un parti plutôt qu'un député. C'est une idée intéressante, car on entend souvent des histoires concernant d'excellents députés qui sont défaits dans les vagues qui surviennent.
     On entend aussi le contraire. Parfois, de très mauvais députés sont élus parce que leur siège est assuré par un parti qui obtient l'appui de 70 % des gens de leur circonscription depuis 150 ans au Canada. J'ai donc trouvé la réponse de Mme Des Rosiers intéressante et c'est un peu cela l'objectif que nous recherchons. C'est une vision assez équitable.
    Toutefois, la question que j'aimerais poser ne concerne pas cet aspect. Il s'agissait plutôt d'un commentaire et je vous remercie de votre indulgence à cet égard.

[Traduction]

    Monsieur Jansen, ma question s'adresse à vous. J'espère que vous pourrez me répondre, parce que vous avez dit que le sujet est vaste. J'ai parlé de la réalité changeante du XXIe siècle à cause des médias sociaux et de tout le reste. Vous avez dit qu'il est difficile d'appréhender tout cela. Nous avons beaucoup parlé du vote en ligne et de choses du genre, mais quand on songe à la dynamique actuelle des médias, il y a bien d'autres facteurs qui interviennent. En 2012, j'étais en France pour les élections présidentielles. Les Français ne peuvent pas commenter les sondages à la sortie des urnes avant 21 heures ou quelque chose comme ça, et les travailleurs des partis s'expriment en codes, comme lors de la Deuxième Guerre mondiale à la radio, pour savoir quelles circonscriptions ils ont remportées. C'est absurde. Quand on songe à la participation des jeunes — vous avez tout à fait raison quand vous dites qu'il est difficile de trouver la recette magique — je pense que nous devons nous adapter à ces réalités. Peut-être pourriez-vous nous faire profiter de vos réflexions à ce sujet parce que je trouve que ça ne rejoint pas le concept de vote en ligne. Je ne veux pas faire d'amalgames, mais j'ai l'impression que ça se situe dans la même stratosphère.
    En vérité, les gens, y compris les jeunes, sont beaucoup moins nombreux qu'on pourrait le croire à être politiquement actifs en ligne. Nos sondages ont fait ressortir qu'ils sont très peu nombreux à suivre les politiciens sur Facebook ou sur Twitter ou à leur parler en ligne, et ce sont pourtant des gens qui veulent s'intéresser à la politique. Ces médias-là sont donc un autre outil qui sert à ceux et à celles qui sont déjà politiquement engagés.
    En revanche, pour en revenir à ce que Mme Des Rosiers disait, il y a un rapport avec les systèmes électoraux. Il y a un lien avec notre identité politique qui dépend du lieu où l'on réside. La technologie du numérique nous a permis de communiquer et de trouver des groupes partageant nos intérêts, par-delà les distances, et cela beaucoup plus facilement qu'auparavant. Cela a, je crois, joué un rôle dans la transformation de l'identité politique.
    Permettez-moi, mais je ne veux pas vous interrompre...
    Pas de problème.

  (2025)  

    ... Ce que vous dites est intéressant parce que j'essaie précisément de parler de ce genre de réalité. Si, en 2016, je me présentais dans la circonscription de Beloeil—Chambly, il pourrait très bien arriver qu'un candidat de la Colombie-Britannique, du même parti que moi, fasse quelque chose d'inapproprié et que tous les autres candidats du même parti en paient les conséquences. C'est sur ce plan qu'on constate la différence entre le SMUT, tel qu'il existait en 1867 et aujourd'hui, parce que, de nos jours, on paye le prix non pas uniquement pour ce qui se passe dans sa circonscription ou pour ce que fait le chef, mais aussi pour ce que fait n'importe quel membre du groupe parlementaire.
    Convenez-vous qu'on ne prend pas vraiment cela en compte? Je vous pose la question parce que j'ai l'impression qu'en matière d'action politique, les gens ne se situent plus autant sur le plan régional qu'auparavant.
    C'est vrai, et je ne veux pas minimiser l'importance des régions qui est encore très marquée.
    C'est certain. Tout à fait.
    Je pense, et je suis même prêt à soutenir que le débat sur la réforme électorale n'en est plus là. Avant, nous raisonnions principalement en termes de région — et il est vrai que les régions et les langues sont extrêmement importantes dans ce pays —, mais, de nos jours, on parle de plus en plus de la complexité identitaire qui transcende la notion de régions. Je ne dirais pas qu'il faut l'attribuer à la technologie du numérique, mais celle-ci ne fait qu'exacerber la situation et elle nous donne un autre outil d'expression de ces identités.

[Français]

     Maintenant, notre défi est de concilier ces deux réalités. Il faut nous concentrer sur le processus dans un contexte plus large, tout en tenant compte de ce qui se passe dans les communautés. Les gens habitent quelque part et il y a des conséquences sur leur vie quotidienne.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste une trentaine de secondes pour les questions et réponses.
    Vous sembliez vouloir formuler un commentaire, madame Des Rosiers.
    Je voudrais répondre aux deux questions.
    À la page 111 du rapport, il y a un exemple de bulletin de vote.
    Dans la première partie, on demande à l'électeur de choisir le représentant de sa circonscription. Dans la deuxième partie, il a l'option de choisir le parti ou de faire la liste des gens qu'il veut voir figurer dans une liste. Un tel bulletin de vote n'est pas si compliqué que cela. C'est simplement qu'il comporte deux options plutôt qu'une seule.
    Merci.
    Monsieur Dubé, vouliez-vous ajouter quelque chose à cet égard?
    Il n'y a pas un grand changement.
    C'est plus sophistiqué.
    Je vous remercie.
    Je cède maintenant la parole à M. Richards.

[Traduction]

    Si cela fonctionne à la façon que j'espère, j'aurai une petite question à poser à chacun de vous.
    Je commencerai par vous, madame Des Rosiers. À l'époque où vous étiez à la Commission du droit et où vous avez contribué à son rapport, vous avez bien évidemment étudié un grand nombre de systèmes électoraux. De nombreux universitaires sont venus nous parler des systèmes qu'ils préfèrent. Il y en a qui préfèrent le système actuel, d'autres des systèmes différents, mais s'il y a un point qui semble faire l'unanimité, c'est qu'il n'existe pas de système électoral parfait. Seriez-vous d'accord pour affirmer cela, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de système électoral parfait?
    Chaque système repose sur des valeurs différentes. Ainsi, il faut d'abord et avant tout s'assurer que le système retenu aille dans le sens des valeurs recherchées, de celles que vous voulez protéger.
    Dans son rapport, la commission recommande le SRPM. C'est apparemment le système que vous favorisez vous-même.
    Nous ne l'avons pas appuyé a priori, mais aux termes du processus. Je ne savais même pas qu'il existait avant le début de nos travaux.
    Tout semble indiquer que vous appuyez maintenant, personnellement, ce type de système. Y voyez-vous des inconvénients ou la nécessité de compromis?
    Bien sûr, et tout changement a quelque chose d'effrayant. Il y a toujours un prix à payer au fait de changer un système.
    On peut toujours craindre que des petits partis, des partis marginaux, aux visées racistes ou autres, ne gagnent en visibilité. C'est le problème des seuils et l'on craint toujours que ce genre de chose arrive, qu'on se retrouve dans cette situation.
    Monsieur Dufour, tout à l'heure, Mme May voulait savoir si un comité parlementaire ou un autre organisme avait étudié le scrutin majoritaire uninominal à un tour et conclu qu'il fallait le garder. Vous sembliez vraiment vouloir répondre à cette question et je veux vous en donner la possibilité maintenant.

[Français]

     Selon moi, si on veut des changements, il faudrait être réaliste et assez modeste. En écoutant les discussions ici, j'ai l'impression qu'on veut faire de la réingénierie, ce que je trouve très ambitieux. Il y a une force à considérer. Comme je l'ai déjà dit, les changements correspondent à une vision plus intellectuelle, plus idéologique et plus conceptuelle de la politique. D'après ce que j'ai observé de la dynamique politique canadienne, il y a une force d'inertie qui résiste à ces changements.
    Ceux qui veulent des changements quant à la proportionnalité doivent donc être très réalistes. Il n'y a pas que le travail du comité qui se fait ici. Il y a aussi tout un processus complexe qui joue contre le changement. Je souhaite à votre comité et à ceux qui veulent des changements de faire preuve de pragmatisme et de ne pas être trop ambitieux. Si l'on est trop ambitieux, cela ne fonctionnera pas. Je vous le dis bien franchement. Je le répète et je m'en excuse. Les Canadiens devraient selon moi avoir la possibilité de garder le présent mode de scrutin.

  (2030)  

[Traduction]

    Merci et s'il y a du temps...
    Pour une question.
    ... Monsieur Jansen, tout à l'heure, vous n'avez pas pu répondre à deux ou trois volets de la question. Ainsi pouvez-vous me dire si on a assisté à une augmentation du nombre de bulletins rejetés ou annulés après l'adoption des systèmes de vote alternatifs? De plus, toujours à propos de ce même système, pouvez-vous nous dire s'il a eu une incidence sur les pays qui l'ont adopté quant à la diminution de l'écart entre l'appui populaire pour un parti donné et le nombre de sièges remportés par ce parti?
    Nous avons effectivement constaté une augmentation du nombre de bulletins annulés.
    À Edmonton, en 1952, 9,1 % des bulletins avaient été annulés. C'est énorme. Cela s'explique par le fait que, en Alberta, une règle voulait que, si vous votiez pour un candidat en inscrivant un X à hauteur de son nom, votre bulletin était rejeté. Il fallait plutôt mettre un « 1 », mais certains appliquaient la règle en vigueur à l'échelon fédéral, soit l'inscription d'une croix. Au Manitoba, la règle était différente. L'électeur inscrivant un X indiquait clairement que tel était son choix. Dans cette province, la proportion de bulletins annulés était de 1,5 % à 1,6 % et celle-ci a encore plus diminué après l'entrée en vigueur de ce système. Donc, force est de conclure que des bulletins ont été annulés.
    Quant à l'amélioration de la proportionnalité, à Edmonton, à Calgary et à Winnipeg, les résultats ont été nettement supérieurs et la proportionnalité s'est améliorée, d'ailleurs beaucoup plus à Edmonton et à Calgary qu'à Winnipeg. La situation de Winnipeg était complexe. On a constaté une forte augmentation du nombre de petits partis, mais le phénomène était attribuable à la grève générale. Le mode de scrutin employé en Saskatchewan nous a permis de disposer d'un échantillon de contrôle. Bien que la province n'ait pas modifié son système électoral, elle a assisté à une énorme augmentation du nombre de partis.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. DeCourcey qui sera le dernier à poser des questions. Il sera en quelque sorte notre batteur-vedette.
    J'espère ne pas me faire retirer.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Matt DeCourcey: Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

    Le professeur Dufour nous a présenté

[Traduction]

    L'idée étant que notre système politique donne lieu à des courses entre candidats. Vous m'excuserez si je me trompe et si ma mémoire me fait défaut, mais je crois me souvenir que Ken Carty et d'autres témoins ont parlé des tensions inhérentes au système actuel et ont dit que, si nous changeons le système ou si nous en adoptons un autre, ces tensions ne feront que se déplacer — pour s'exercer non plus entre partis, mais au sein des partis, peut-être pas à l'assemblée législative elle-même, mais au niveau des collectivités.
    J'aimerais que vous me disiez, tous les trois, ce que vous pensez de l'avenir éventuel de ces tensions si des systèmes électoraux différents ou suivant un ordre politique différent étaient adoptés, et je commencerai par Mme Des Rosiers avant de passer à M. Jansen, puis à M. Dufour qui aura le dernier mot.

[Français]

    En ce qui a trait aux systèmes proportionnels, l'expérience internationale ne va certainement pas dans le sens d'une absence de combat entre les partis. La politique est une compétition entre des idées. Dans n'importe quel système, des gens gagnent et d'autres perdent. C'est peut-être une question de degré, mais il est clair que lors des campagnes électorales, le combat entre les idées est toujours bien présent. Ce phénomène est fortement valorisé dans la société. On veut des débats d'idées.
    À l'époque, nous nous étions posé une question fondamentale, à savoir si, au Canada, des voix, des idées ou des perspectives étaient exclues de l'arène parlementaire à cause du système actuel. C'était le grand enjeu. Autrement dit, il s'agissait de déterminer si les pressions, les distorsions existantes et le fait que ces points de vue ne pouvaient pas être exprimés dans l'arène politique avaient comme effet d'appauvrir notre débat collectif. Cette question avait aussi été soulevée.

  (2035)  

[Traduction]

    Dans un de mes cours de science politique 1000, j'ai un jour indiqué à mes étudiants que la politique consiste à recueillir des appuis pour un projet commun. Il est question de bâtir des coalitions. Pour le moment, nous pouvons avoir des gouvernements de coalition, mais les coalitions se produisent aussi au sein des partis politiques. Le Parti libéral est au gouvernement, mais le Parti libéral est une coalition. On y retrouve différents courants d'opinion qui s'expriment au niveau du caucus. On ne le perçoit pas. Nous assisterions à un grand changement à cet égard si, à la faveur de l'adoption d'un système proportionnel, aucun parti ne se retrouvait majoritaire et que tous ces courants d'opinion deviennent davantage publics. La dynamique sera différente et, pour s'y accoutumer, il faudra un temps d'adaptation pour la population et pour les politiciens également.

[Français]

     La politique a toujours été un combat, et elle le restera. C'est dans la nature des choses. Notre système assume le combat, c'est-à-dire qu'il est basé sur le combat. Il y a une sorte de tension créatrice à ce sujet. On parie sur le combat. On se dit que le résultat sera positif.
    Je vais essayer d'être un peu ouvert et dire que je souhaite qu'on sera en mesure d'instaurer des éléments du système proportionnel sans perdre les grands avantages du système actuel. C'est juste cela que je voudrais dire.
    Cela fait une dizaine de fois que je dis que notre système actuel a de grands avantages. Il n'y a pas beaucoup de gens qui vont dire cela.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. J'espère avoir pu récupérer deux ou trois coureurs sur les buts.
    Effectivement et je vous en remercie. Vous venez d'en récupérer trois.
    Des voix: Ah, ah!
    Le président: Sur ce, je remercie les témoins.

[Français]

    Je remercie les témoins de leurs présentations extrêmement dynamiques. Vous avez stimulé le débat et l'intérêt des membres du Comité, et ce, à 20 heures au cours d'une journée à la mi-août. Nous vous remercions beaucoup de votre participation. Nous avons beaucoup appris et les échanges ont été très intéressants.
    Je vous remercie et vous souhaite une bonne soirée.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU