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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 098 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 31 mai 2018

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Chers collègues, puis-je déclarer la séance ouverte?
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous amorçons l'étude sur la situation en Somalie, au Soudan du Sud et en République du Congo. Nous allons commencer avec les témoins du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. Nous accueillons Marc-André Fredette, directeur général, Direction générale de l'Afrique australe et de l'Est; Susan Green, directrice, Direction du développement au Soudan du Sud; Jean-Bernard Parenteau, directeur, Division Afrique de l'Ouest et du Centre; et enfin, Nicolas Simard, ambassadeur, Ambassade du Canada en République démocratique du Congo.
    Je vous souhaite la bienvenue à tous.
    Je ne suis pas certain de savoir qui commence, mais je pense que c'est M. Fredette. Je cède la parole au témoin qui nous présentera son discours d'ouverture, et comme c'est l'usage, chers collègues, nous passerons ensuite aux questions.
    Monsieur Fredette, je vous en prie.
    Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité. Merci de nous avoir invités à venir vous parler ici aujourd'hui. J'ai le plaisir de faire le point sur la situation au Soudan du Sud, en République démocratique du Congo et en Somalie. Mes collègues, Susan Greene, directrice de la Direction du développement au Soudan du Sud, l'ambassadeur du Canada en République démocratique du Congo, Nicolas Simard, et Jean-Bernard Parenteau, directeur de la Direction de l'Afrique centrale et occidentale, m'accompagnent.
    Je voudrais tout d'abord exposer le contexte plus large et certains faits nouveaux importants en Afrique subsaharienne. Selon la Banque mondiale, l'Afrique comptera 6 des 10 économies qui connaîtront la croissance la plus rapide au monde en 2018. Un certain nombre de pays ont fait des progrès significatifs dans des domaines tels que la santé, l'éducation et la réduction de la pauvreté. L'Afrique subsaharienne compte également la population la plus jeune du monde. Avec les bonnes politiques, le Fonds monétaire international estime que le continent pourrait réaliser un dividende démographique qui augmenterait de jusqu'à 50 % le PIB par habitant d'ici 2050. Bref, le potentiel est immense.
    La stabilité et la sécurité sont nécessaires pour exploiter pleinement cet immense potentiel. Dans le cas du Soudan du Sud, de la République démocratique du Congo et de la Somalie, les défis actuels comprennent: des conflits prolongés qui créent des besoins humanitaires, des niveaux élevés d'inégalité entre les sexes, des lacunes en matière de gouvernance, des violations des droits de la personne, la corruption, les effets du changement climatique, les déplacements forcés et l'insécurité alimentaire.
    Le Soudan du Sud est le pays le plus fragile et l'un des plus pauvres du monde. En 2013, une guerre civile a éclaté au Soudan du Sud, deux ans seulement après avoir obtenu son indépendance du Soudan. Plus récemment, en décembre 2017, les parties au conflit au Soudan du Sud ont signé un cessez-le-feu dans le cadre d'un processus de revitalisation d'un accord de paix qui était au point mort. Cependant, les violations du cessez-le-feu sont beaucoup trop fréquentes.
    En raison du conflit prolongé, le Soudan du Sud est aujourd'hui la deuxième source de personnes déplacées en Afrique, après la République démocratique du Congo. Plus de 4,3 millions de personnes, soit un tiers de la population du pays, ont été forcées de quitter leur foyer, et plus de la moitié d'entre elles ont trouvé refuge dans les pays voisins. Plus de 7 millions de personnes souffrent encore d'une grave insécurité alimentaire. Malgré la réponse humanitaire extraordinaire qui a suivi la découverte de poches de famine en 2017, des conditions similaires ou pires sont attendues en 2018.
    Des violations généralisées des droits de la personne et des abus ont été commis en toute impunité par toutes les parties. Les femmes et les filles continuent d'être les premières victimes du conflit, comme en témoignent les niveaux extrêmes de violence sexuelle et fondée sur le sexe, et l'utilisation systématique du viol comme arme de guerre.

[Français]

     La situation générale en République démocratique du Congo est malheureusement similaire. L'Est du pays, soit le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, est aux prises avec un cycle de violence qui perdure depuis plus de 20 ans. Trois autres régions sont maintenant également touchées. Comme pour le Soudan du Sud, cette situation touche grandement les femmes et les filles, qui sont particulièrement vulnérables.
    La crise humanitaire en RDC continue d'être l'une des plus longues et des plus complexes au monde, plus de 13 millions de personnes ayant besoin d'aide humanitaire en 2018. La RDC a récemment surpassé le Soudan du Sud et est devenue le pays où il y a le plus de personnes déplacées en Afrique: approximativement 4,4 millions de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays et plus de 700 000 réfugiés et demandeurs d'asile le sont dans des pays voisins.
    Le pays traverse également une crise politique. Les principales causes sont le report des élections générales, la méfiance envers le président, Joseph Kabila, qui pourrait tenter de se maintenir au pouvoir, et une situation économique désastreuse. Malgré certaines avancées positives, telles que l'annonce des élections pour décembre 2018, la tension reste très élevée.
    Les principaux partis de l'opposition, les groupes de la société civile et la majorité de la population ont perdu confiance envers les institutions du pays. Ils demandent notamment l'accroissement de l'espace démocratique, qui passe par le respect des droits de la personne comme les libertés d'expression, d'association et de réunion pacifique. Les forces de sécurité du pays sont d'ailleurs responsables de plus de la moitié des violations des droits de la personne.

  (1540)  

[Traduction]

    La Somalie se trouve à une phase critique de l'édification de l'État. Après des décennies de guerre civile et d'instabilité, ce pays, classé au deuxième rang comme État le plus fragile du monde, a tenu des élections législatives et présidentielles en décembre 2016 et février 2017, respectivement. Le gouvernement somalien a pour objectif de relever une myriade de défis. Il s'agit notamment de la corruption généralisée, de la prestation de services essentiels aux citoyens, des injustices régionales de longue date, de la dynamique clanique, et de la menace persistante d'Al-Chabaab.
    Malgré les progrès réalisés par la Mission de l'Union africaine en Somalie et par les forces somaliennes, Al-Chabaab a toujours l'intention et la capacité de frapper des cibles gouvernementales, civiles et de sécurité, comme l'illustre l'horrible attentat d'octobre dernier à Mogadiscio, qui a fait plus de 500 morts, l'attentat le plus meurtrier de l'histoire récente de la Somalie.
    Ces difficultés aggravent une situation humanitaire catastrophique. En outre, la persistance des conditions de sécheresse crée une menace permanente de famine généralisée. Les conflits, l'instabilité et quatre saisons consécutives de faible pluviométrie ont laissé 6,2 millions de personnes, soit environ la moitié de la population, dans le besoin d'aide humanitaire et ont entraîné des déplacements internes à grande échelle. En outre, quelque 875 000 Somaliens continuent de vivre en tant que réfugiés dans les pays voisins.
    Dans ce contexte, les conditions de vie des femmes et des filles somaliennes sont parmi les plus difficiles au monde, résultat d'une combinaison de pauvreté aiguë, de conflits, et d'une culture clanique qui favorise la hiérarchie et l'autorité masculines. Les femmes et les filles souffrent d'un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde. Et une écrasante majorité des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi des mutilations génitales féminines.
    La situation dans ces trois pays a donné lieu à l'engagement du Canada sur de multiples fronts, en utilisant une gamme d'outils diplomatiques et humanitaires, ainsi que d'outils de développement et de sécurité. Au coeur de notre engagement, nous trouvons le bien-être et la promotion des femmes et des filles, une priorité du gouvernement du Canada.
    Le Canada reconnaît qu'il peut aider à réaliser le potentiel de ces États extrêmement fragiles et de leurs populations, en collaboration avec ses partenaires. Notre engagement comprend une diplomatie fondée sur des principes à l'échelle nationale, régionale et internationale, complétée par notre aide internationale, conçue pour réduire la pauvreté: en faisant la promotion de la paix et de la stabilité; en favorisant une gouvernance inclusive; en sauvant des vies humaines et en protégeant la dignité humaine.
    Le Soudan du Sud et la RDC sont les 8e et 13e bénéficiaires de l'aide internationale du Canada (115 millions de dollars et 91 millions de dollars en 2016-2017, respectivement). Dans le cas du Soudan du Sud, nous figurons parmi les cinq premiers pays donateurs. En Somalie, nous avons fourni 31 millions de dollars en 2016-2017, principalement sous forme d'aide humanitaire. Notre aide à ces trois pays comprend le soutien institutionnel du Canada aux organismes multilatéraux comme l'UNICEF, ainsi qu'aux institutions régionales comme l'Union africaine.
    Monsieur le président, distingués membres du Comité, je vais maintenant m'attarder sur ce que fait le Canada dans ces trois pays.
    En matière de paix et de sécurité, le Canada appuie depuis longtemps la paix et la sécurité sur le continent et accompagne les processus de paix dans la région. Cela comprend nos contributions au budget des Nations unies pour le maintien de la paix, auquel le Canada est le neuvième contributeur en importance au chapitre des contributions obligatoires. Notre engagement actuel comprend un soutien renouvelé au maintien de la paix ainsi qu'un effort particulier pour respecter les engagements énoncés dans le Plan national d'action du Canada consacré aux femmes, à la paix et à la sécurité.
    En mars, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a annoncé 1,8 million de dollars pour appuyer le programme consacré aux femmes, à la paix et à la sécurité par la prévention de la violence sexuelle liée au conflit en Somalie, au Soudan du Sud, et au Kenya. Il s'agit notamment de travailler avec les réfugiés somaliens dans le camp de réfugiés de Dadaab.
    Le Canada croit fermement que les enfants ne devraient pas être des armes de guerre. À cette fin, nous appuyons des partenaires comme l'UNICEF et l'Initiative des enfants-soldats de Roméo Dallaire dans les trois pays afin de prévenir le recrutement et l'utilisation d'enfants-soldats.
    Le personnel des Forces armées canadiennes est déployé à la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS). De plus, en 2017-2018, le Canada a fourni 2,7 millions de dollars en soutien à la sécurité et à la stabilisation au Soudan du Sud. Notre appui aide à constituer des circonscriptions politiques en vue d'une résolution pacifique de la crise.

  (1545)  

[Français]

     Le Canada contribue également à la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo, la MONUSCO, et ce, depuis l'établissement de la mission, en 1999.

[Traduction]

    En Somalie, le Canada fournit un soutien au Bureau d'appui des Nations unies en Somalie par l'entremise de nos contributions obligatoires au budget de maintien de la paix des Nations unies. Grâce à son Programme d'aide au renforcement des capacités antiterroristes, le Canada aide à fournir aux policiers et aux responsables de la sécurité somaliens une formation pertinente pour faire face aux menaces terroristes. Nous avons également établi des partenariats avec des organisations non gouvernementales locales pour cibler les efforts de recrutement de terroristes parmi les populations vulnérables.

[Français]

     Je vais maintenant traiter de la gouvernance et des doits de la personne.
     Le Canada est également un chef de file en matière de promotion de la gouvernance inclusive et des droits de la personne, particulièrement des droits des femmes et des filles.

[Traduction]

    Le Canada, y compris par la voix de notre ministre des Affaires étrangères, a publiquement exprimé à de nombreuses occasions sa profonde préoccupation concernant les violations flagrantes continues des droits de la personne au Soudan du Sud. De plus, le Canada a mis en place des sanctions ciblées contre plusieurs personnes du Soudan du Sud qui ont été impliquées dans des violations flagrantes des droits de la personne. À cela s'ajoutent les sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU que nous appliquons contre ceux qui menacent la paix au Soudan du Sud.

[Français]

    Le Canada suit de très près les situations politique et sécuritaire ainsi que celle des droits de la personne en RDC et saisit les occasions de soulever ses préoccupations. Certaines interventions qui visent à encourager l'alternance démocratique et pacifique, le respect des droits de la personne et l'amélioration de la situation sécuritaire ont été faites par l'entremise de communiqués de presse ainsi que dans le cadre de notre participation aux organisations internationales.
     Le Canada finance également un projet d'appui à l'éducation civique et électorale à hauteur de 10 millions de dollars pour la période de 2016-2020. Le projet vise à accroître la participation au processus électoral et à la vie démocratique.

[Traduction]

    La Somalie est dans une étape importante de construction et de renforcement de ses institutions. Dans cette optique, le Canada appuie les efforts déployés par les autorités somaliennes pour renforcer les principales institutions économiques et mettre en œuvre des politiques macroéconomiques saines. Cela comprend notamment notre contribution de 2,5 millions de dollars américains au Fonds d'affectation spéciale pour la Somalie du Fonds monétaire international.
    Sur le plan de la dignité humaine, il ne peut y avoir de paix et de stabilité durables sans un développement durable et inclusif à long terme. L'aide internationale du Canada au Soudan du Sud, à la RDC et à la Somalie, qui vise à aider les populations les plus pauvres et les plus vulnérables, a pour objectif à long terme de bâtir un avenir plus sûr et plus durable dans la région.
    L'aide du Canada au Soudan du Sud est axée sur la satisfaction des besoins fondamentaux des plus pauvres et des plus vulnérables, en particulier les femmes et les filles, tout en créant les conditions d'une paix durable et d'un développement équitable. Il s'agit notamment d'améliorer l'accès à des services de santé qui tiennent compte des sexospécificités, l'accent étant mis sur la promotion des droits sexuels et reproductifs, et sur la lutte contre la faim par l'acquisition de connaissances et de compétences agricoles en complément de l'aide humanitaire d'urgence. De plus, jusqu'à présent, le Canada a alloué 35 millions de dollars en 2018 en aide humanitaire pour adresser les besoins dans le pays.

[Français]

    En RDC, notre aide met l'accent sur l'égalité des genres, les droits des femmes et des filles, la lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre, la santé, la protection des enfants et la promotion de la démocratie. Le Canada a également alloué 39,5 millions de dollars en aide humanitaire destinés à la RDC pour l'année 2018. Cela inclut une aide humanitaire d'urgence de 2,5 millions de dollars pour appuyer les organismes qui luttent présentement contre la flambée d'Ebola.

  (1550)  

[Traduction]

     Grâce à l'appui de la communauté internationale, la Somalie a mis en place un Plan national de développement (2017-2019) pour la première fois en 30 ans. Se fondant sur ce plan, les participants à la Conférence de Londres sur la Somalie, y compris le Canada, ont approuvé un Nouveau partenariat pour la Somalie en mai dernier. En avril, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, ministre Hussen, a annoncé un montant supplémentaire de 18 millions de dollars pour répondre aux besoins humanitaires liés à la sécheresse et au conflit en Somalie, ce qui porte la contribution du Canada à 25 millions de dollars jusqu'à maintenant. Le Canada est également un ardent défenseur des organismes multilatéraux, qui réalisent d'importants programmes en Somalie, particulièrement dans les domaines de la santé et de l'éducation.

[Français]

    En terminant, je peux vous affirmer que nous sommes conscients des nombreux défis que ces pays ont à surmonter et que nous travaillons afin d'aider leurs populations à améliorer leur situation. Pour ce faire, nous utilisons une approche multisectorielle de façon à maximiser notre impact.
    Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Fredette.
    Chers collègues, nous allons passer directement à la période de questions.
    Nous commençons par M. Aboultaif. Je vous en prie, monsieur Aboultaif.
    Ma première question porte sur le Soudan du Sud.
    Nous savons que la guerre a éclaté en décembre 2013, et que le conflit a perduré entre le président Kiir et Machar à l'époque. Ce conflit a dégénéré en guerre civile dans les environs de Djouba. Nous savons à quel point ce conflit a envenimé toute la situation. D'une manière ou d'une autre, IGAD, l'Autorité intergouvernementale pour le développement, est parvenue à négocier un accord de paix si l'on peut dire pour mettre les choses en perspective, et en 2015, les parties l'ont signé. Pour en venir à cet arrangement, de nombreux pays ont uni leurs forces et, nous pouvons l'imaginer, ont fourni un soutien politique quelconque, en plus d'une aide financière et au développement.
    Où se situe le Canada dans toute cette affaire? Est-ce que le Canada a participé de quelque manière à ces efforts? Est-ce qu'il a joué un rôle significatif? Pouvez-vous nommer les pays qui ont participé davantage à la négociation en vue d'obtenir cet accord?
    Votre analyse est très juste. Toutefois, franchement, les choses ont tendance à se compliquer encore davantage. Nous avons assisté à une succession d'ententes et de signatures d'accords de paix. Mais il n'y a jamais eu d'accord exhaustif et global, approuvé par les parties, et mis en oeuvre complètement.
    Si l'on revient en arrière, jusqu'en décembre dernier, le dernier cycle de négociation fut plus prometteur, en ce sens qu'il mettait l'accent sur une approche plus graduelle. Par exemple, commençons par un cessez-le-feu réalisable et bien surveillé. Malgré les horreurs qui sont exposées tous les jours au Soudan du Sud, et si l'on tient compte du parcours suivi depuis quelques années, cette situation prévaut de façon épisodique, mais aussi — et c'est la seule manière dont je peux la qualifier, franchement — moins pire qu'au cours des années précédentes. Quant au cessez-le-feu, la communauté internationale continue d'y accorder beaucoup d'attention. Le Canada a participé très activement au processus. J'espère que vous comprenez qu'une très petite partie de ces activités sont publiques, ou peuvent être révélées publiquement, parce que le meilleur endroit où se trouver dans ces cas-là, c'est en coulisses.
    Mais l'une des choses que je peux vous dire, par respect pour la fonction que vous occupez, c'est que nous participons très activement aux négociations, surtout dans certains domaines. Lors du plus récent cycle de négociations, qui s'est déroulé à Addis-Abeba, le Conseil des Églises du Soudan du Sud s'est impliqué pour la première fois d'une manière très proactive, en vue d'exercer une forme de médiation. Le Soudan du Sud est un pays très religieux, en dépit des agissements de certains envers les autres. C'est justement le point que nous avions encouragé et facilité — pas directement, bien entendu, mais facilité tout de même. Aussi, nous sommes de loin... Vous pouvez vous enquérir auprès de quiconque — si vous cherchez des l'optimisme à Djouba — sur le rôle joué par le Canada pour veiller à ce que les femmes fassent partie du processus de paix en tant que tel. Nous avons été les premiers à prendre l'initiative, avec une aide considérable de la part d'autres partenaires internationaux majeurs, d'un processus visant à ce que les femmes participent même aux discussions entourant l'élaboration d'un accord de paix exhaustif et global.
    C'est ce qui devrait porter fruit, mais franchement, ce processus sera graduel. Il sera laborieux. Nous sommes également très présents, comme vous venez de l'entendre, sur la question des enfants-soldats. Dans ce cas aussi, même sous un ciel assombri par les nuages, quelques percées de soleil apparaissent. Ces derniers mois, si vous avez suivi les nouvelles à ce sujet, vous aurez entendu qu'un certain nombre d'enfants-soldats ont été relâchés, très récemment encore — il y a deux ou trois semaines.
    Il s'agit d'un processus long et ardu, mais on enregistre de modestes progrès, et le Canada joue un rôle actif en coulisses. Notre ambassadeur à Djouba, qui ne nous accompagne pas aujourd'hui, voyage aussi régulièrement dans toute la région. Il était présent, en fait, dans l'ombre, à Addis-Abeba, en marge de ce processus, afin de faciliter et d'accompagner les démarches, sans être directement partie au processus.
    Ce qui s'avère de plus en plus difficile, toutefois, c'est que l'on assiste à une fragmentation parmi les différents intervenants. Vous avez parlé des deux leaders historiques, Kiir et Machar. Nous assistons aujourd'hui à une fragmentation encore plus poussée au sein des clans. Par exemple, je me trouvais à Djouba, récemment. On m'a alors confié que les forces militaires comptent 7 000 généraux dans un pays dont la population est d'environ 12 millions d'habitants. Je ne sais pas combien de généraux compte l'Armée canadienne, mais cela signifie essentiellement que l'on doit composer avec des troupes de miliciens errants qui s'autoproclament membres de l'armée et qui changent d'allégeance principalement en fonction d'intérêts économiques, parfois d'enjeux ethniques et d'autres questions axées sur les ressources.
    Deuxièmement, vous avez posé la question au sujet des autres acteurs importants. L'Éthiopie compte parmi ces acteurs importants. Elle est l'âme dirigeante du processus d'IGAD, un organisme régional. Quant aux autres intervenants, il y a l'Ouganda qui a souvent, si ce n'est la plupart du temps, joué un rôle très utile. Ces pays ont mis en place une politique d'accueil très généreuse et servent de refuge à un nombre considérable de réfugiés sud-soudanais. D'autres pays voisins contribuent aussi à des degrés divers et selon diverses formes, notamment le Soudan, l'Égypte et le Kenya.

  (1555)  

    Nous allons céder la parole à M. Wrzesnewskyj.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur votre déclaration, à savoir que le Canada joue un important rôle en coulisses, mais que c'est un sujet qu'il est préférable de ne pas aborder en public. Peut-être pourrions-nous tirer profit d'une séance à huis clos à un moment donné. Je pense qu'il est important, sur des enjeux de ce genre, que le Comité puisse se renseigner convenablement, puisque nous devons formuler des recommandations au gouvernement.
    Concernant la Somalie, combien y a-t-il de Canadiens, approximativement, dans ce pays à l'heure actuelle?
    C'est l'une de ces questions magiques auxquelles on peut répondre de deux façons très différentes. Quelques dizaines sont actuellement inscrits, mais selon nos estimations, il y en aurait plutôt quelques milliers, et cela en raison de la double citoyenneté — et c'est la même chose pour les États-Unis et le Royaume-Uni, puisque ce sont les trois plus grandes diasporas dans le monde — qui sont rentrés dans leur pays d'origine pour s'y engager comme volontaires et y travailler, vraiment pour des salaires de misère, pour le nouveau gouvernement émergent ou auprès d'ONG locales, ou d'organismes de la société civile locale. Bon nombre d'entre eux sont rentrés en vue d'y démarrer des entreprises ou pour ouvrir des hôpitaux et des écoles privées. Ils ne s'inscrivent pas auprès de nous, c'est pourquoi nous ne sommes pas en mesure de vous fournir une réponse plus complète.
    Merci.
    C'est exactement la raison pour laquelle j'ai posé cette question précise, parce que dans votre rapport sur l'engagement du Canada en Somalie, il n'est aucunement question du travail incroyable qui est effectué sur le terrain par la diaspora somalienne au Canada. Peut-être, même encore plus que le gouvernement canadien, est-ce la diaspora somalienne au Canada qui fait toute la différence sur le terrain.
    Il me semble que cela aussi serait très instructif. Auriez-vous, peut-être, un tableau ou un graphique montrant tous les divers responsables gouvernementaux en Somalie, ce qui nous indiquerait combien parmi eux sont Canadiens?
    Nous savons que le gouvernement somalien compte six ministres qui sont détenteurs d'une double citoyenneté, dont certains sont très importants. Ils occupent notamment le ministère de la Planification, et le ministère des Femmes. Il existe donc un lien très puissant à cet égard.
    Pour revenir au point précédent, je tiens à reconnaître que nous sommes tout à fait d'accord avec vous. Les deux raisons pour lesquelles je n'en ai pas fait mention sont, premièrement, parce que je suis ici pour représenter Affaires mondiales Canada, donc je vous explique ce que nous accomplissons. Et deuxièmement, peut-être est-ce encore plus important, parce qu'en réalité, nous l'ignorons.
    Nous essayons. Nous tentons constamment d'entrer en contact avec ces gens, soit dit en passant, mais de façon très informelle. Lorsque je me trouvais à Mogadiscio, il y a peu de temps, j'ai vu un hôpital sur lequel flottait un petit drapeau canadien. On m'a raconté une anecdote comme quoi c'est un citoyen canadien d'origine somalienne, un homme d'affaires prospère à Toronto, qui a ouvert cet hôpital privé largement subventionné, en plein centre de Mogadiscio. Mais nous ignorons combien d'argent il y a investi. Nous ne savons pas exactement combien de personnes y sont soignées. Nous disposons de très peu de renseignements à ce sujet.

  (1600)  

    Je vois.
    Monsieur Fredette, je suis très rassuré d'entendre que vous avez visité Mogadiscio. Nous n'avons pas d'ambassade là-bas. Nous travaillons à partir de Nairobi. À quelle fréquence notre ambassadeur se rend-il à Mogadiscio?
    Notre haute-commissaire à Nairobi, Mme Sara Hradecky, s'y rend très fréquemment. Je ne vous citerai pas de moyenne, parce que je dirais qu'au cours de la dernière année, le rythme s'est beaucoup accéléré.
    Elle m'a accompagné lorsque je m'y suis rendu, récemment. Depuis la Conférence de Londres, la Somalie suscite beaucoup d'attention, comme je l'ai déjà mentionné, d'une manière quelque peu orchestrée, pour la première fois en 30 ans, il se passe quelque chose. C'est incomplet, c'est imparfait, mais il s'y passe quelque chose de significatif, aussi nous nous y sommes rendus très fréquemment, sous réserve de nos bulletins de sécurité. L'année dernière, je dirais qu'elle s'y est rendue presque une fois par mois, ou des membres de son personnel y vont aussi.
    Merci.
    C'est encourageant parce que, comme vous l'avez dit, il se peut que nous nous trouvions devant une véritable conjoncture favorable dans une situation qui, depuis des décennies, a été marquée par le règne des chefs de guerre et de l'anarchie. Le potentiel existe d'y accomplir beaucoup de travail. Nous avons déjà des ressources sur le terrain, en fait. Il y a beaucoup de Canadiens sur le terrain. Nous avons pris l'engagement de reconstruire la force policière.
    Quelle est l'ampleur des ressources que nous consacrons à cet engagement, tant financier qu'en ressources humaines?
    Une partie de ces renseignements sont, naturellement, hautement confidentiels, mais il est clair que cela nous met en bonne position comparativement à la majorité des autres partenaires internationaux, non seulement sur le plan de la valeur financière de ce que nous y accomplissons, mais aussi... Je ne suis pas ici pour brandir le drapeau, mais j'aimerais ajouter une chose, c'est que la GRC a une réputation qui dépasse largement les frontières du Canada.
    J'ai passé une bonne partie de mon existence à l'étranger. C'est aussi la qualité de la formation qu'elle dispense, en matière de pragmatisme, par exemple, et l'élaboration de techniques, comme les services de police communautaires, qui ont été mis à l'épreuve, ici au Canada, et qui s'avèrent très utiles pour nos homologues là-bas. En ce qui a trait à votre suggestion de poursuivre notre réunion à huis clos, si vous souhaitez obtenir des renseignements plus précis sur les investissements et les activités relatifs à la sécurité, nous serons honorés de revenir devant vous.
    Merci, monsieur Wrzesnewskyj.
    Nous allons céder la parole à Mme Duncan; je vous en prie, madame Duncan.
    Ma première question concerne la RDC. Si j'ai bien compris, et corrigez-moi si j'ai tort, il me semble qu'il existe une certaine forme d'aide pour la santé des femmes, plus précisément les soins maternels, et ainsi de suite.
    Quel degré d'assistance le Canada fournit-il pour lutter contre le sida?

[Français]

    Monsieur le président, je suis heureux d'être ici avec vous. Si vous me le permettez, je vais m'exprimer en français puisque je travaille beaucoup en français en RDC.
    En ce qui a trait à la RDC, nous avons effectivement reçu beaucoup d'aide au développement dans le domaine de la santé, un secteur prioritaire pour le Canada. En fait, notre aide vise à renforcer les systèmes de santé en RDC. Grâce au renforcement des systèmes de santé, nous pouvons obtenir un appui pour la lutte contre le sida au pays. C'est donc une approche plus générale qui passe par un appui aux systèmes nationaux de santé de la RDC.

[Traduction]

    Si j'ai bien compris, nous aidons les cliniques pour les femmes en matière de diagnostic, mais est-ce que nous fournissons des médicaments?

[Français]

     C'est une excellente question, et je vous en remercie.
    Je dois dire que, depuis très longtemps, nous avons des projets de lutte contre les violences sexuelles, en RDC. Au moyen du Fonds des Nations unies pour la population et du Programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, avec qui nous travaillons, nous avons un centre populaire qui permet d'offrir aux femmes victimes de violences sexuelles non seulement un appui médical, donc des médicaments, mais aussi un appui psychologique, un appui juridique et un appui économique en vue de les réintégrer à la vie économique du pays.
    Pour répondre à votre question de manière plus précise, dans le cas de ces cliniques, l'appui provient du PNUD et du Fonds des Nations unies pour la population, le FNUAP. Il y a aussi des contributions sous forme de médicaments.

[Traduction]

    J'ai essayé de lire et de me renseigner le plus possible, et je suis préoccupée par ce que j'ai lu au sujet de marchands d'armes canadiens qui vendent indirectement au Soudan du Sud. Je sais que mon collègue au sein de ce comité a proposé une modification visant à faire cesser les ventes indirectes; par exemple, si vous vendez des armes aux États-Unis, et que ces derniers les vendent ensuite à un pays banni. Que se passe-t-il actuellement au chapitre des ventes d'armes entre le Canada et le Soudan du Sud? Est-ce que la vente d'armes se poursuit toujours, même indirectement?

  (1605)  

    Notre position est, et a été, systématiquement claire. Le Canada n'a jamais délivré de permis en vue de l'exportation de marchandises militaires, y compris, par exemple, de véhicules blindés au Soudan du Sud, lesquels ont fait les manchettes. De plus, le Canada appuie tous les efforts en vue d'imposer un embargo sur les armes de concert avec la communauté internationale.
    J'ai précisé « ventes indirectes ».
    Ces ventes indirectes, qui ne relèvent pas de notre compétence, de nos règles ou de nos lois, sont précisément ce que le nom en dit.
    Savons-nous, dans ce cas, si des armes canadiennes sont toujours acheminées au Soudan du Sud?
    Nous n'avons aucun moyen de le savoir.
    Il semble bien qu'elles le soient, et que nous ne les ayons pas contrôlées.
    Que pourriez-vous me dire au sujet du minerai de conflit en RDC?

[Français]

    Différents minéraux sont à l'origine des conflits qui ont cours dans l'Est du pays, dont l'or et les minéraux 3T, soit l'étain, le tungstène et le tantale. Un travail énorme est fait pour essayer d'assurer la traçabilité des minéraux.
    Je vais vous donner un exemple. La semaine dernière, j'étais à Toronto, où j'ai rencontré des entreprises canadiennes qui travaillent à s'assurer de la traçabilité des minéraux. Un grand travail est fait pour faire en sorte que, depuis l'extraction, c'est-à-dire depuis la personne qui va travailler dans les mines, jusqu'aux ventes, aux transactions et à l'exportation vers le Canada, il y ait une traçabilité assurée à l'aide de logiciels.
    Un programme de développement appelé Impact nous permet de travailler dans plusieurs pays africains, dont la RDC. Par ce programme, nous nous assurons qu'il y a une dimension éthique à l'exportation des minéraux.
    Cela dit, il est vrai qu'un conflit demeure important dans l'Est du pays. La MONUSCO rapporte actuellement une centaine de groupes armés. À l'intérieur de ces groupes armés, il y a certainement aussi des activités extractives permettant de financer les activités liées au conflit. Nous en sommes très conscients et nous travaillons avec l'OCDE et les partenaires internationaux pour assurer une meilleure traçabilité des minéraux de conflit.

[Traduction]

    Je m'intéresse beaucoup à toute l'aide que le Canada apporte à la Somalie. Corrigez-moi si j'ai tort. En 2016, elle se chiffrait à 31 millions de dollars, et aujourd'hui, d'après ce que je lis dans la documentation, elle se situe à 18 millions de dollars. Je me demandais seulement pour quelle raison il y avait eu une réduction, et j'aimerais connaître la période pendant laquelle cette aide a été accordée, et l'incidence de la nouvelle Politique d'aide internationale féministe du Canada sur les changements d'orientation quant à l'aide accordée à la Somalie.
    D'abord, ce à quoi nous faisons allusion, ici, c'est à une combinaison de deux choses différentes, selon deux angles différents. Premièrement, nous avons cité les chiffres pour l'année financière, c'est-à-dire pour 2016-2017, parce que ce sont les chiffres les plus récents à avoir été confirmés. Ils portent en réalité soit sur la totalité de notre aide ou sur ce que nous appelons notre « aide au développement », qui est distincte de l'aide humanitaire.
    Une partie des chiffres plus récents que j'ai mentionnés pour l'année civile 2018 concerne l'aide humanitaire, parce que ces chiffres sont les plus récents et qu'ils font l'objet d'un suivi immédiat; en revanche, le suivi de l'aide au développement, compte tenu de son caractère, prend plus de temps, parce que nous ne savons jamais exactement, au 1er avril, combien nous aurons fini de dépenser sur des projets de développement à long terme avant le 31 mars de l'année financière en cours. C'est essentiellement l'explication.
    Si nous prenons une moyenne de tous ces programmes d'aide au cours des cinq dernières années, le modèle est assez stable. Il s'agit majoritairement d'aide humanitaire, sensible, bien entendu, à des facteurs comme les chocs climatiques lesquels, comme vous le savez, sont cycliques. Nous intervenons, par exemple, chaque fois que nous sommes en présence d'une menace plus élevée de famine.
    Je vous remercie, madame Duncan.
    Nous allons maintenant céder la parole à Mme Vandenbeld. Madame Vandenbeld, je vous en prie.
    Pour revenir à la question soulevée par Mme Duncan, je pense que le Traité sur le commerce des armes nous aidera à empêcher la diversion d'armes, particulièrement dans des régions comme la RDC.

  (1610)  

[Français]

     Ma question s'adresse à Son Excellence M. l'ambassadeur Simard et porte sur les prochaines élections en RDC.
    J'ai géré un programme de dialogue entre les partis politiques aux élections de 2011. On sait que les élections n'étaient ni crédibles, ni transparentes ni justes. J'étais directrice du National Democratic Institute, le NDI. Maintenant, je vois exactement la même chose se produire avec les fichiers électoraux et les machines de vote proposés, qui contreviennent à la loi. Comment peut-on éviter que le même problème survienne dans cette élection?
    J'ai vu que vous disposiez de 10 millions de dollars pour augmenter le niveau de participation des électeurs. La dernière fois, j'avais proposé qu'on consacre 100 000 $ à la formation des observateurs des partis politiques, mais maintenant, il n'y a pas d'observateurs.
    Après l'élection, l'Agence des États-Unis pour le développement international, l'USAID a donné 3 millions de dollars pour qu'on fasse une vérification, mais il n'a pu être mené, faute de preuve. Le Canada pourrait-il utiliser ce fonds pour former des observateurs des partis politiques, des réseaux de femmes et des gens de l'Église? Il y a des réseaux qui peuvent faire cela dans chaque petit village.
    Si on a pas le portrait du résultat du vote, il est très difficile de dire par la suite s'il est juste ou non. Maintenant, j'ai peur que M. Kabila fasse obstacle aux observateurs internationaux. Il ne veut pas de l'aide humanitaire et je crois que les observateurs seront bloqués.
    Serait-il possible de commencer maintenant le processus en recourant à ce fonds?
    Je vous remercie beaucoup de votre question, madame Vandenbeld.
    Effectivement, la situation des élections en RDC est extrêmement compliquée et ce n'est pas nouveau. C'est un phénomène qu'on a vu en 2006 et en 2011, et qu'on voit à nouveau maintenant. Ces élections devaient se tenir en 2016 et elles ont été reportées à deux reprises.
    La question n'est pas seulement de savoir si elles vont avoir lieu, mais, comme vous l'avez dit, si elles seront crédibles, transparentes et justes, et surtout, si les Congolais auront confiance dans les résultats pour l'apaisement du pays. Si les Congolais n'ont pas confiance, cela ne sert à rien de tenir des élections puisque cela va générer un conflit par la suite.
    Sur la question de la machine à voter, que les Congolais appellent « la machine à tricher » — cela donne déjà une bonne indication de la manière dont c'est perçu par la population —, c'est un choix qui a été fait par le gouvernement. Moi-même, comme observateur, ainsi que les diplomates internationaux présents au pays avons l'impression qu'il sera très difficile, pour le gouvernement, de réaliser cette opération avec la machine à voter, parce qu'il y aura plus de 100 000 bureaux de vote. La RDC est un pays énorme qui fait la taille de l'Europe occidentale. Il faut vraiment imaginer la taille de cet État et le nombre de bureaux de vote qu'il y a. Pour pouvoir tenir des élections avec la machine à voter, il aurait fallu investir des centaines de millions de dollars, que le gouvernement ne semble pas avoir. Surtout, il aurait fallu passer la commande pour ces machines en février dernier, ce qui n'a pas été fait. Je suis donc un peu sceptique quant à la réalisation concrète de cet engagement du gouvernement congolais. J'ai plutôt l'impression qu'il y aura une utilisation mixte de machines à voter et de scrutin traditionnel en papier.
    Sur la question de l'observation, on a un projet très intéressant de 10 millions de dollars avec la Conférence épiscopale nationale du Congo, la CENCO. Ce projet a pour but de faciliter la formation des citoyens en vue des élections, mais aussi l'observation. Dix mille observateurs congolais sont financés par ce projet et sont en train d'être formés par la CENCO. Beaucoup de femmes font partie de ce programme également. Je suis donc très encouragé par cela.
    En ce qui concerne la vérification, comme vous le savez, l'Organisation internationale de la Francophonie, l'OIF, est en train d'en faire une, qui est menée par le général Sangaré, lequel a beaucoup d'expérience en Afrique francophone. Ce qui est très positif dans la vérification du fichier électoral qui a été menée, c'est que les partis de l'opposition, la société civile et les organisations internationales ont pu y prendre part directement. Des électeurs ont été enregistrés de manière incomplète et les empreintes de 8 millions d'électeurs ne sont pas disponibles, mais l'OIF encourage le gouvernement à faire en sorte que ce soit régularisé avant les élections.
    Il y aura également une vérification citoyenne de la liste électorale, ce qui permettra aux citoyens de voir la liste et d'essayer d'en corriger les erreurs.

  (1615)  

     Est-ce que le Canada envoie des experts dans le cadre de l'Organisation internationale de la Francophonie?
    Le Canada est le deuxième bailleur de fonds de l'OIF. Sa contribution est importante. Cela dit, ce sont surtout des experts africains, notamment des Congolais, qui sont présents là-bas.
    Serait-il possible d'y envoyer des experts canadiens?
    Nous pourrons considérer cela avec le ministère et voir ce qui peut être fait.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous allons céder la parole à M. Sidhu.
    Vous pourriez intégrer ce point dans l'une des autres questions.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous trois de comparaître aujourd'hui devant le Comité.
    Monsieur Fredette, pour revenir à la Somalie, vous avez mentionné que 50 % de la population continue de lutter contre la famine, et que nous injectons suffisamment d'argent dans cette aide, soit 31 millions de dollars en 2016, et puis récemment, un autre montant de 18 millions de dollars.
    Est-ce que nous ne nous contentons pas de leur donner un poisson? N'y aurait-il pas moyen, dans un secteur ou l'autre, de leur apprendre à pêcher afin qu'ils deviennent autonomes un jour? Qu'en pensez-vous?
    Tout d'abord, j'aimerais finir de répondre à la question précédente, et j'intégrerai ma réponse à celle-ci parce que l'une des principales choses que nous pouvons faire dans ces trois pays, et dans d'autres pays comparables, c'est de faire preuve d'une grande diligence dans la manière d'appliquer notre politique d'aide internationale féministe, mais aussi notre politique étrangère féministe.
    Lorsque l'on travaille sur des cas complexes et fragiles, comme dans ces trois pays, c'est probablement les endroits où c'est le plus utile et le plus nécessaire, parce que, comme je l'ai mentionné déjà, au Soudan du Sud, on fait face à une combinaison de facteurs; par exemple, en s'assurant que les femmes participent au processus de paix. De même en Somalie, lorsque nous travaillons avec des organismes de la société civile ou d'aide humanitaire, nous disposons désormais d'opérations beaucoup plus ciblées qui sont destinées aux femmes et aux filles lesquelles sont inévitablement les plus vulnérables, les plus victimisées, dans les circonstances de ce genre.
    Cela me permet donc de répondre à votre question, mais aussi à la vôtre.
    Que pourrions-nous faire de plus dans un endroit comme la Somalie pour renforcer l'aide au développement en vue de compléter et, éventuellement, de remplacer l'aide humanitaire? Il faudra un certain nombre de choses qui semblent assez prometteuses, mais surtout du temps. Il s'agira d'un cheminement long et ardu.
    Premièrement, il faut terminer la tâche entreprise au chapitre des institutions démocratiques et des processus politiques. Ce qui s'est produit au cours de la dernière année est très encourageant, et c'est la meilleure évolution que nous ayons vue depuis 30 ans, mais il reste encore un long chemin à parcourir. J'ai mentionné tout à l'heure que les dernières élections ne s'étaient pas déroulées selon le principe un électeur, un vote. C'est au programme. Cela fera toute une différence et nous aidera à créer un partenaire gouvernemental à part entière, qui se dote de plans validés par un processus démocratique complet, ce qui constitue l'une de nos exigences pour mener ce genre de programme d'aide au développement à long terme avec un partenaire.
    Deuxièmement, il nous faut finir d'établir un minimum de stabilité. Il a coulé beaucoup d'encre au cours des six derniers mois au sujet d'al-Chabaab qui serait affaibli, et selon les données probantes dont nous disposons, il serait effectivement affaibli, mais il possède toujours une solide capacité de nuire. Avant qu'une partie de nos projets soient stabilisés, il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour renforcer, former et équiper la police et les militaires somaliens, etc., et pas seulement par le Canada. Bon nombre de pays européens participent, plus particulièrement le Royaume-Uni, ainsi que les Américains. Il faudra continuer dans cette veine pendant encore un certain temps avant de pouvoir équiper les hôpitaux ou les écoles, et certainement, plus longtemps encore avant de pouvoir envoyer des Canadiens, sous notre drapeau, travailler dans ces conditions risquées.
    Ce qui me ramène au commentaire fait un peu plus tôt sur le profond respect que nous éprouvons à l'égard des citoyens à double nationalité qui s'engagent comme volontaires et qui réalisent des projets avec leur propre argent et à leurs propres risques. Mais en tant que gardiens de la sécurité de nos citoyens qui travaillent pour nous, soit directement ou indirectement dans le cadre de nos programmes d'aide, les conditions ne sont pas encore réunies pour « aller leur enseigner à pêcher », comme vous venez de le mentionner, selon le fameux adage.
    Ceci dit, nous effectuons néanmoins un peu de ce genre de travail dans les domaines où il est possible de le faire, en dépit des contraintes liées à la sécurité et institutionnelles. J'ai mentionné le montant de 2,5 millions de dollars américains que nous avons injecté par l'entremise du FMI, par exemple. J'ai aussi mentionné plus tôt que l'un des citoyens à double nationalité, qui est ministre de la Planification, est d'ici. Nous travaillons là-bas en vue de créer... Par exemple, comment procéderiez-vous pour créer et faire fonctionner un ministère des Finances ou un ministère du Revenu?
    J'ai rencontré leur premier ministre lorsque je me trouvais à Mogadiscio, et sa première priorité consiste à trouver un moyen de créer un système fiscal —imaginez, en cet endroit — afin de disposer de l'argent nécessaire pour mettre en place leur propre système de santé et d'éducation et d'autres programmes, auxquels nous pourrions contribuer grâce à une aide constructive à long terme.

  (1620)  

    Vous avez effleuré la question du système démocratique, en lien avec l'élection possible en 2018, l'élection présidentielle. Est-ce que les Canadiens sont en mesure de s'harmoniser avec le gouvernement afin que nous exercions une meilleure influence au cours de l'élection prochaine, ainsi qu'avec qui que ce soit susceptible de remporter la prochaine élection, afin que nous puissions collaborer avec eux?
    Il est un peu trop tôt pour le dire. Il se tiendra dans quelques semaines une importante réunion au cours de laquelle on se penchera sur les questions suivantes: la documentation de ce qui s'est produit depuis la Conférence de Londres tenue il y a un an; les prochaines étapes à franchir et comment la communauté internationale peut s'organiser et se coordonner afin de déterminer qui sera chargé de faire quoi. Je peux déjà vous dire que l'un des aspects qui sera placé sous la loupe est la manière dont nous pourrions contribuer à des choses comme les institutions démocratiques.
    Vous savez probablement que la Somalie a une histoire unique qui tient à sa culture et à son système clanique. C'est une question dont les Somaliens débattent entre eux — la relation avec certaines parties qui constituaient dans le passé le pays uni de Somalie: Puntland, Somaliland et ainsi de suite. Toutes ces questions font l'objet d'un débat très animé actuellement, et pour nous, à titre d'étrangers, il serait très inapproprié de s'immiscer dans le processus qu'ils ont l'intention d'adopter pour composer avec cette réalité. Toutefois, nous nous tenons prêts pour le moment où ils auront arrêté des plans communs afin de pouvoir les aider de diverses manières, notamment en leur fournissant de l'aide technique et des conseils.
    Merci, monsieur Sidhu.
    Monsieur Aboultaif.
    Ce sujet concerne la RDC. Nous avons la chance d'avoir l'ambassadeur ici aujourd'hui.
    En 2011, le pays a finalement adopté une constitution. Avant cela, ils fonctionnaient selon une entente de partage du pouvoir entre toutes les parties, ce qui rappelle une histoire très familière qui se déroule dans certains pays du monde. Il est malheureux qu'après tout cela ils se soient retrouvés avec le président Kabila. Son mandat est censé prendre fin, et selon certaines rumeurs il désignerait lui-même son successeur, qui serait quelqu'un qu'il pourrait contrôler. Les contestataires sont déjà sur le terrain, et la situation s'envenime de jour en jour.
    Étant donné que le Canada est toujours prêt à tendre la main au chapitre du développement et des institutions démocratiques et d'autres aspects de l'aide humanitaire, quel est le poids de notre influence sur ce pays et sur les politiciens afin qu'ils protègent et respectent réellement leur constitution et qu'ils mettent en place des institutions démocratiques? Je pense que c'est la recette secrète dans ces pays pour faire en sorte que... Lorsque toutes les parties respectent la constitution, nous savons que le conflit est... ou du moins, nous ferons valoir l'une de ces raisons ou les causes du conflit.
    Pourriez-vous, monsieur l'ambassadeur Simard, ou l'un d'entre vous, nous conseiller sur cette question?
    Merci beaucoup pour cette question.

[Français]

     Il est évident que la situation politique et démocratique en République démocratique du Congo est très complexe. Le Canada s'emploie depuis assez longtemps à renforcer les institutions, du moins à appuyer la gouvernance inclusive dans ce pays. Évidemment, nous ne sommes pas seuls là-dedans.
     Le Canada joue un rôle important en RDC. Il fournit une aide au développement assez importante. L'an dernier, soit en 2016-2017, il a versé 91 millions de dollars à cette fin. Nous ne versons ces fonds qu'aux Nations unies, aux ONG canadiennes ou aux ONG internationales. Pas un cent n'est versé au gouvernement congolais.
    Pour ce qui est de l'influence que nous pouvons exercer pour renforcer les institutions et faire en sorte que le pays adhère davantage à sa constitution, nous exerçons des pressions diplomatiques en tant que puissance apte à réunir les bonnes influences, si je puis dire, de plusieurs partenaires internationaux. Nous travaillons énormément avec les acteurs de l'Union européenne ainsi qu'avec ceux des États-Unis et de la Suisse. En outre, nous travaillons de plus en plus avec les États africains voisins de la RDC.
    Il faut comprendre qu'une crise en RDC a une incidence majeure sur les neuf pays qui partagent une frontière avec elle. En tant qu'ambassadeur, j'invite les autres ambassadeurs à la résidence de l'ambassade du Canada afin de déterminer comment, de manière conjointe, nous pouvons faire pression pour que la Constitution soit respectée.
    Comme vous l'avez dit, ce gouvernement est très nationaliste et peu ouvert à l'aide internationale. Je crois toutefois, compte tenu de la pression que nous exerçons collectivement, de plus en plus, ces gens vont devoir finir par entendre raison. C'est du moins ce que j'espère.

  (1625)  

[Traduction]

    Quelle est la mesure du résultat... ? Si vous deviez évaluer les efforts consentis par la communauté internationale, du moins la partie qui concerne la Suisse et nous-mêmes — et il pourrait s'agir des États-Unis ou de certaines nations ou pays européens — à quelle distance nous trouvons-nous d'un point où nous pourrions croire que les choses vont vraiment changer et que le pays se remettra sur les rails d'ici je ne sais pas combien d'années? Êtes-vous optimiste, et dans quelle mesure l'êtes-vous?

[Français]

     Comme je suis de nature très optimiste, je vais faire attention à ce que je vais dire.
    Je vais vous donner un exemple concret. Pendant deux ans, le président Kabila a reporté les élections. Normalement, son mandat est terminé depuis le 20 décembre 2016. Il a d'abord reporté les élections en 2017, puis il les a reportées en 2018. Cependant, à la suite des pressions internationales faites par le Canada, par les États-Unis, par l'Union européenne et par les pays africains de la région, il a fini par publier, en novembre dernier, un calendrier électoral, et les principales étapes de ce calendrier sont respectées.
    Si cet effort n'avait pas été fourni et si on avait laissé le gouvernement à lui-même, les élections seraient probablement encore reportées en 2019 ou en 2020, ou le calendrier n'aurait jamais été publié.
    Je pense que c'est par la mobilisation qu'on peut arriver à ce genre de résultats. Le Canada joue d'ailleurs un rôle important sur le plan de la mobilisation des autres acteurs.

[Traduction]

    J'ai terminé.
    Merci, monsieur Aboultaif.
    Monsieur Saini, je vous en prie.
    Merci beaucoup de vous être déplacés jusqu'ici aujourd'hui pour venir nous faire part de vos perspectives.
    L'une de mes questions porte sur les élections, un sujet que vous avez déjà abordé. Habituellement, dans les démocraties matures, les élections portent sur des enjeux idéologiques, mais en Afrique il semble que ce soit le dernier des enjeux... Sur ce continent, les élections se déroulent habituellement sur un fond de lutte de pouvoir ou pour des ressources, mais le tribalisme exerce aussi un impact énorme, et un clan ou une tribu tentera d'englober les autres tribus minoritaires.
    Il me semble que nous parlons de démocratie, et que nous tentons d'exercer une certaine influence là-bas en voulant faire en sorte que les élections soient libres et justes, mais il est une chose que nous n'avons pas essayé de faire — et je ne parle pas seulement du Canada en général, mais aussi de la communauté internationale — dans ces pays où la démocratie est fragile ou encore où l'État est fragile, c'est de changer la manière dont ils exercent la démocratie. Autrement dit, plutôt que de faire reposer les élections sur des luttes de clans ou sur le tribalisme, ils devraient les faire reposer sur des idées, sur une plateforme.
    Il me semble que toute cette violence, toutes ces querelles intestines dans ces pays, et le pillage des ressources, même dans des États démocratiques, tirent leur origine de l'enjeu du pouvoir qui a été remporté non pas pour des idées, mais parce qu'un chef de clan ou de tribu est le plus populaire. Est-ce que l'on a déjà tenté de changer la manière dont ils exercent la démocratie dans ces pays?
    C'est une très bonne question. En fait, comme je l'ai mentionné au tout début, c'est le genre de chose dont il est question derrière des portes closes, mais de façon très intense et assez systématique. Je vais vous citer deux ou trois exemples.
    En Somalie, je dirais que les meilleurs champions et défenseurs de l'idée que vous avancez sont effectivement ces six Somaliens du Canada qui sont membres du cabinet, parce qu'ils cherchent à faire triompher les valeurs canadiennes. Je les ai entendus, de mes propres oreilles, affirmer que leur expérience... L'un d'entre eux, par exemple, a travaillé pour la Ville d'Ottawa en tant que fonctionnaire pour un service municipal. Il est en train d'essayer d'introduire à même la constitution d'une fonction publique somalienne certaines des choses qu'il a apprises au service de la Ville d'Ottawa, notamment eu égard au service à la clientèle et à l'écoute des contribuables sur la qualité des services publics.
    Il y a aussi des membres de la communauté somalienne canadienne du secteur privé qui préconisent une approche plus pragmatique axée sur les résultats. Bon nombre d'entre eux partagent certainement avec nous le fait qu'à l'intérieur du cabinet de ce gouvernement émergent en Somalie ils promeuvent exactement ce genre de valeurs. Ils travaillent actuellement, avec beaucoup de courage, il faut le reconnaître, et une certaine difficulté, à trouver un moyen de contrer ce système fondé sur les clans afin de s'en éloigner pour se diriger plutôt vers le système un électeur, un vote. On constate désormais un accord de principe sur cette idée.
    Ils espèrent y arriver en utilisant une combinaison, à certains égards, de leur propre interprétation ou adaptation de ce que nous appelons le fédéralisme. Ce ne sera jamais quelque chose que l'on peut transposer directement, mais je peux vous dire qu'ils ont un million de questions à nous poser. Leur ministre de la Planification est passé me voir en personne, dans mon bureau, à Ottawa. Je suis économiste de formation. Il me posait des questions sur la gestion macroéconomique de base. Il m'interrogeait sur la manière de mettre au point un système pour les partis politiques qui représente effectivement les politiques, les valeurs et les approches. Parfois, ils ont une approche quelque peu régionale, mais pas nécessairement axée sur le clan ou la tribu.
    Une bonne partie de ce dont vous parlez est déjà en train de se réaliser. Nous accomplissons beaucoup de travail sur le plan de la facilitation et de l'encouragement sur cette question. Mais en Somalie, par exemple, c'est un sujet tellement sensible que si une personne comme moi, qui porte une épinglette du drapeau canadien à son revers, devait s'immiscer dans cette conversation, cela pourrait bien faire tourner la sauce, et c'est pourquoi nous travaillons en coulisses.

  (1630)  

    Ce n'est pas mon opinion, mais c'est à mon avis une idée intéressante. Bon nombre d'universitaires africains ont suggéré que, compte tenu des frontières de certains pays, des tribus ont été incluses ou non. Peut-être qu'un moyen de pacifier certaines régions pourrait consister à modifier les frontières afin d'inclure certains clans ou certaines tribus, soit des gens qui avaient été privés de leurs droits dans un autre pays, d'une manière ou d'une autre. Est-ce que cela pourrait être envisageable?
    Si on considère la violence clanique, et les frontières, bon nombre de celles-ci remontent à 50, 75 ou 100 ans en arrière, et elles étaient arbitraires. Peut-être que l'on pourrait réaligner les frontières. J'ignore comment on pourrait procéder, mais cela demeure une idée intéressante. Peut-être que l'on pourrait modifier les frontières pour que les tribus ou les clans qui ont la même façon de penser puissent se retrouver dans une région, et peut-être que les tribus ou les clans qui auraient dû se retrouver ailleurs pourraient être déplacés.
    Je vais vous aiguiller vers les colonisateurs européens qui ont dessiné cette carte.
    Sérieusement, c'est une chose sur laquelle nous essayons de travailler, mais pour ce genre de choses, il faut œuvrer à l'échelle locale, très locale. Au Soudan du Sud, par exemple, un lieu horrible sur cette planète, nous travaillons à l'échelle locale — j'ai mentionné tout à l'heure les Églises, par exemple — avec les Églises et les groupes de femmes afin d'inciter les gens qui appartiennent à des clans différents ou qui s'identifient à d'autres ethnies à apprendre à partager les ressources naturelles, ou à venir ensemble suivre la formation que nous offrons, que nous subventionnons, et que nous finançons par l'entremise de nos organismes. Parfois, le seul fait d'être assis côte à côte et d'apprendre des choses ensemble, peut améliorer le bien-être général. Vous pouvez aussi vous unir au cours d'une conférence sur la paix, mais ce faisant, vous créez aussi une base qui en fait partie.
    Nous nous concentrons particulièrement sur les jeunes aussi, parce que, il faut le reconnaître, les pays dont nous parlons sont essentiellement dirigés par des gérontocraties masculines. En travaillant de plus en plus, comme nous le faisons, avec les jeunes, nous tentons d'encourager un nouveau départ, en effet, et d'indiquer une nouvelle direction, mais il faudra y mettre le temps.
    Je vous remercie, monsieur Saini.
    Nous allons céder la parole à M. Genuis. Monsieur Genuis, je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    C'est un honneur pour moi d'être présent ici aujourd'hui. Je vais vous poser seulement deux ou trois questions précises au sujet de notre approche en matière d'aide au développement, et ensuite, je vais céder mon temps à M. O'Toole.
    Pour en revenir à l'aide au développement international féministe, j'aimerais savoir si le Canada finance des procédures ou des activités médicales qui sont illégales dans le pays où elles se déroulent.
    Très bien.
    Est-ce que le gouvernement du Canada finance des organismes qui exécutent eux-mêmes des procédures qui sont illégales dans un pays donné, en vue de mener d'autres projets?
    Je ne suis pas sûr de bien comprendre. Pourriez-vous reformuler votre question?
    Très bien, disons que l'organisme X effectue des avortements illégaux dans certains pays. Est-ce que le gouvernement du Canada financerait l'organisme X pour qu'il fasse quelque chose d'autre dans ce pays, ou choisirait-il de ne pas s'associer avec cet organisme justement parce qu'il s'adonne à une activité qui est illégale dans le pays?

  (1635)  

    Certainement, je peux vous affirmer que notre façon de travailler est la suivante: nous tenons compte d'entrée de jeu du contexte local, et bien entendu, des lois locales. De toute évidence, nous sommes des représentants du gouvernement canadien, alors nous fonctionnons à l'intérieur d'un système de droit. Nous respectons toujours les lois locales. Dans la mesure où un projet est conçu dans un pays donné, dans le pays X, si la loi dit que certaines choses sont permises et que d'autres sont interdites, tout projet conçu en vue d'être mis en place dans ce pays devra respecter ces lois. Les partenaires qui seront sélectionnés en vue de mettre en oeuvre ces projets devront eux aussi respecter les lois. C'est notre façon de travailler.
    Les partenaires auprès desquels vous vous engagez, êtes-vous en train de dire qu'ils devront respecter les lois locales en général, ou seulement qu'ils devront respecter les lois locales dans le contexte spécifique du projet sur lequel ils collaborent avec le gouvernement du Canada?
    Voici comment ces transactions fonctionnent. Si vous êtes un organisme canadien, une ONG, une organisation non gouvernementale quelconque, et si vous travaillez dans un pays où nous avons l'intention de financer un projet, lors de l'examen du projet nous tenons compte de nombreux critères, par exemple, s'il est bien conçu, si le budget est bien établi, si les résultats sont crédibles, et si les résultats sont proportionnels à l'investissement. Grâce à ces nombreux filtres, ces processus font en sorte que nous travaillons avec des partenaires qui respectent toujours les lois.
    Je tiens à confirmer que j'ai bien compris. Vous dites que le gouvernement du Canada ne conclurait pas de partenariat avec un organisme qui ne respecte pas les lois locales, et ce, même si le projet donné respecte les lois locales. Dans le cas que j'ai utilisé, l'exemple de l'organisme X qui effectue des avortements illégaux dans un pays donné, vous choisiriez de ne pas collaborer avec cet organisme, et ce, même si le projet potentiel de partenariat n'a rien à voir avec l'avortement.
    Est-ce exact?
    La réponse courte est que nous ne travaillerions pas avec un organisme qui fait quoi que ce soit d'illégal dans un pays où nous travaillons.
    Est-ce que vous travailleriez avec un organisme qui enfreint les lois locales dans un autre pays, s'il s'agissait d'un organisme international?
    Honnêtement, je ne sais pas quoi vous répondre. Si un organisme bénévole de santé du sud de Toronto qui s'appelle ABC souhaite travailler avec nous au Soudan du Sud dans le secteur de la santé, de toute évidence nous devons respecter un processus de diligence raisonnable en regard de la crédibilité de l'organisme, notamment sa crédibilité financière et la conception du projet. Comme je l'ai déjà dit, il existe une série de filtres pour tous les projets.
    Si à l'aide d'un financement obtenu d'une autre source, l'organisme en question a fait des choses d'une manière ou d'une autre, j'imagine mal comment nous pourrions gérer cela. Je ne comprends tout simplement pas comment nous pourrions...
    Très bien.
    Je vais maintenant céder mon temps à M. O'Toole.
    Merci.
    Je vous remercie beaucoup de votre exposé.
    Pour le temps qui nous reste, en ce qui a trait à la République démocratique du Congo, il est clair que le secteur minier et de l'extraction des ressources représente le pourcentage le plus élevé des exportations dans le PIB. De toute évidence, le conflit et les diverses luttes pour la paix ont influé sur la participation internationale à l'industrie qui a connu des hauts et des bas. Le Canada jouant le rôle de chef de file à cet égard, pourriez-vous nous donner des exemples de la diplomatie économique en action? C'était un centre d'intérêt du gouvernement précédent, mais je pense que c'est toujours d'actualité lorsque l'on voit les intervenants de l'industrie conjuguer leurs efforts avec l'aide étrangère, le commerce, le développement et ce genre de choses.
    Auriez-vous des exemples dans l'un ou l'autre de ces pays, mais principalement en RDC?

[Français]

     Je vous remercie de votre question.
    En fait, en RDC, l'ambassade du Canada est très active dans le secteur minier. Comme vous le savez, depuis l'intégration du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, nous travaillons à ces question sous un chapeau unifié.
     Évidemment, c'est extrêmement difficile pour une compagnie de faire affaire en RDC, parce que le gouvernement de la RDC est non seulement illégitime, mais il est aussi malheureusement prédateur. Un travail est fait auprès de l'industrie minière pour essayer de détourner les ressources minières des coffres publics ou de l'exportation.
    Dans ces cas, nous devons accompagner les compagnies canadiennes pour faire pression sur les ministres concernés afin qu'ils respectent les lois nationales, et nous y parvenons. Souvent, ils ne respectent même pas leurs propres lois. Un travail d'accompagnement est donc fait. À l'ambassade, par exemple, nous recevons des entrepreneurs et des chefs d'entreprise du secteur minier. Ils nous disent quels défis leurs sont posés par le pays, ce que l'on appelle dans le langage congolais « les tracasseries administratives ». Nous essayons de régler ensemble ces tracasseries administratives.
    Par exemple, je vais souvent voir le ministre des Mines et d'autres ministres, comme le ministre de l'Économie, pour leur expliquer la situation. En mettant de la pression et en étant pédagogique, cela fonctionne généralement plutôt bien.

  (1640)  

[Traduction]

    Si je peux me permettre de compléter cette question, au Soudan du Sud et en Somalie, malheureusement à bien des égards, le secteur privé canadien soit est inexistant parce que l'on entretient des craintes, à juste titre, soit est présent, mais nous n'en savons rien du tout. Il est certain que nous entendons parler de certaines personnes qui s'y rendent, mais à titre privé. Ces gens ne s'inscrivent pas auprès de nous.
    Merci.
    Madame Duncan, je vous en prie.
    Merci beaucoup. J'apprécie l'occasion de poser quelques autres questions. Je suis impatiente de tenir cette séance d'information, si nous parvenons à trouver des dates qui conviennent à toutes les parties.
    D'après la réponse donnée à d'autres questions au sujet de la Somalie, j'ai cru comprendre qu'une partie de l'aide financière du Canada finance des ONG canadiennes qui elles-mêmes se rendent dans les pays africains pour y apporter de l'aide. Si c'est le cas, je suis heureuse de l'entendre, parce qu'il fut un temps où ce financement a été réduit, et où l'on ne demandait pas aux communautés de travailler directement auprès des communautés. J'ai toujours trouvé que c'était la forme d'aide la plus valable et la plus fiable, parce qu'elle ne repose pas sur un fonctionnaire quelconque ou sur un expert-conseil bien payé qui se rend dans le pays.
    Est-ce exact qu'au Soudan du Sud, une partie du travail est effectuée par des ONG canadiennes financées par le gouvernement canadien qui travaillent directement, par exemple, avec des organismes de femmes ou avec des femmes dans les communautés du pays?
    Oui, nous le faisons.
    En fait, il y a un pan entier de nos programmes, à Affaires mondiales Canada, que nous appelons la Direction générale des partenariats pour l’innovation dans le développement, dont c'est la raison d'être. Disons que CARE Canada ou Oxfam conçoit un projet pour travailler dans un secteur quelconque au Soudan du Sud, et que ce projet comprend des partenaires communautaires locaux. Ils vont trouver leur propre financement, et viendront nous demander de fournir une contribution de contrepartie.
    Nous avons aussi des programmes un peu plus pointus. J'ai découvert par exemple un programme fascinant qui se déroule dans ces endroits où il est difficile de travailler. Il s'agit d'un projet avec des sages-femmes. À cette occasion, nous avons travaillé avec l'Association canadienne des sages-femmes. Dans ce cas précis, il s'agissait de sages-femmes de Kenora, dans le nord de l'Ontario, qui s'étaient portées volontaires pour aller travailler dans des endroits comme ceux-là pour aider à former d'autres femmes sur place.
    Nous cherchons à mettre ce modèle à l'échelle parce que, former des sages-femmes, c'est un projet vraiment rentable.
    Je suis heureuse de l'entendre, parce que je connais des femmes dans les Territoires du Nord-Ouest qui y ont lancé la profession de sage-femme et qui ont vraiment amélioré la situation des femmes nordiques.
    Vous pourriez peut-être envisager de leur offrir une occasion — même si je sais qu'elles sont très occupées dans les Territoires du Nord-Ouest — parce que les circonstances dans lesquelles elles travaillent dans les communautés rurales isolées sont similaires à celles que vous connaissez, plutôt que de faire appel à des sages-femmes qui travaillent à Toronto ou à Vancouver, par exemple.
    Je m'intéresse de près à l'aide canadienne à la bonne gouvernance. J'ai travaillé en Jamaïque, en Indonésie et au Bangladesh à des projets environnementaux. Il s'agissait essentiellement de bonne gouvernance et de mettre en place des systèmes. Bien entendu, nous montions les systèmes financiers. Nous nous occupions de la lutte contre la corruption, mais il s'agissait aussi de travailler au niveau le plus élémentaire, et d'enseigner comment mettre en place des protocoles, pour établir une contrepartie avec les homologues canadiens, et ainsi de suite.
    Je me demandais, quel pourcentage de l'aide qui est accordée à l'Afrique vise essentiellement la bonne gouvernance. Comment procède-t-on pour administrer concrètement un gouvernement à l'échelle locale? Comment fait-on pour engager la communauté dans cette direction?
    C'est une question très vaste. Pour être franc, pour pouvoir vous fournir une réponse complète, il faudrait que je consulte des statistiques dans notre volume principal. Mais je peux certainement vous brosser un tableau rapide.
    Si vous regardez tous les partenaires internationaux en matière de développement qui travaillent en Afrique subsaharienne, le Canada figure parmi ceux qui affichent les pourcentages les plus élevés de travail dans le domaine que vous mentionnez. Nous travaillons sur la gouvernance à l'échelle nationale, nous participons à l'élaboration de lois nationales, et nous fournissons une aide technique — en fait, je pense que certains parmi vous le savent — à des parlements. Nous avons travaillé avec le centre parlementaire dans plusieurs pays. Nous avons aussi utilisé le modèle du vérificateur général canadien et l'avons implanté dans plusieurs pays, notamment dans des endroits où j'ai travaillé au cours de mon existence, comme l'Éthiopie, le Mali, le Ghana et ainsi de suite. Il y a beaucoup d'exemples à cet effet.
    Nous travaillons aussi avec la Fédération canadienne des municipalités dans de nombreux pays, y compris sur la dimension que j'ai déjà mentionnée. Vous évoquiez l'idée de s'éloigner de l'approche tribale et clanique, et de ce genre de choses, et vous disiez qu'en adoptant une approche plus axée sur la géographie avec des gens ayant des allégeances différentes on pourrait obtenir des résultats différents. Il est essentiel que l'eau qui sort du tuyau soit propre, et il est plus facile de surmonter des différences sur le plan tribal et clanique et sur le plan politique lorsque l'on discute de sujets comme celui-là. C'est très concret. Très tangible. Nous avons appuyé des groupes d'utilisateurs et des associations, par exemple, pour des problèmes d'eau et d'autres choses du même genre.
    Nous faisons beaucoup de choses de cet ordre. Je ne dispose pas des chiffres sur toutes nos activités en Afrique subsaharienne, mais elles sont considérables et se présentent sous de nombreuses formes différentes.

  (1645)  

    Ma dernière question porte sur la maladie à virus Ebola en RDC.
    J'ai cru comprendre que le Canada va intensifier son action et fournir une aide quelconque. S'agit-il d'une aide supplémentaire ou simplement d'une aide réaffectée?
    Merci pour cette question.
    Oui. La ministre Bibeau a annoncé une aide humanitaire supplémentaire de 2,5 millions de dollars pour réagir à l'épidémie. Nous agissons en collaboration avec l'OMS et l'UNICEF.

[Français]

Médecins sans frontières et le Service aérien d’aide humanitaire du Programme alimentaire mondial des Nations unies.
    La réponse a donc été très rapide. En effet, il y a eu une mobilisation internationale extrêmement rapide pour répondre à la crise et pour la contenir dans la province de l'Équateur et éviter la propagation. Actuellement, il y a un plan de financement national de 52 millions de dollars américains qui a été fait avec l'OMS. Il est financé à 100 %, ce qui est très rare en aide humanitaire. C'est extrêmement rare de voir des demandes financées à 100 %. Il y a donc une grande mobilisation.
    On a ajouté 2,5 millions de dollars, mais on a aussi des mécanismes internationaux qui étaient déjà en place et que nous avons utilisés dès le début de la crise pour y répondre.

[Traduction]

    Merci.
    Merci, madame Duncan.
    Chers collègues, voici qui met fin à cette réunion.
    Au nom du Comité, je tiens à remercier les représentants gouvernementaux pour cet excellent départ d'une discussion très importante. Il se peut que nous saisissions l'occasion de vous réinviter au cours de notre étude, mais d'ici là, au nom de mes collègues, je vous remercie monsieur Fredette, monsieur l'ambassadeur Simard, monsieur Parenteau et madame Greene, de votre participation aujourd'hui.
    Chers collègues, nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, puis nous reprendrons nos travaux à huis clos afin de régler quelques affaires d'ici la fin de la journée.

[Français]

     Merci.

[Traduction]

    Je vais prendre quelques minutes pour suspendre la séance et je demanderais aux témoins de quitter la salle.
    Merci.
     [La séance se poursuit à huis clos.]
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