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FOPO Rapport du Comité

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OPINION DISSIDENTE DU NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

Le Nouveau Parti démocratique du Canada soumet respectueusement l’opinion dissidente suivante dans le cadre de l’examen des modifications apportées en 2012 à la Loi sur les pêches et de la gestion des pêches canadiennes qui a été effectué par le Comité permanent des pêches et des océans.

Selon nous, il aurait fallu rétablir la disposition concernant la détérioration, la destruction et la perturbation (DDP) de l’habitat immédiatement après la dernière élection fédérale. Il y aurait eu lieu d’entreprendre, dès le rétablissement des protections de l’habitat dans la Loi, un examen approfondi et des consultations pour améliorer et moderniser encore davantage la Loi sur les pêches.

Certes, nous respectons tout le travail réalisé par le Comité, mais, à notre avis, le temps alloué était insuffisant pour réaliser une étude approfondie en bonne et due forme. En effet, le bref délai qui y a été accordé a empêché la traduction de certains témoignages écrits et leur présentation en temps opportun aux membres du Comité. On aurait facilement pu remédier à cette situation malheureuse en allouant le temps nécessaire à la réalisation d’une étude exhaustive.

Si le Comité a entendu le point de vue sous diverses formes d’un certain nombre de témoins, il reste que bon nombre de Canadiens et de Premières Nations ont été exclus du processus et n’ont pu témoigner en personne. Le Comité n’a pu mobiliser complètement les Canadiens dans le cadre de ce processus important puisqu’il ne s’est pas rendu dans les collectivités côtières et d’eau douce.

Il était clair depuis le début de cette étude que la lettre adressée au Comité par le ministre des Pêches, accompagnée d’un communiqué de presse et du lancement d’un site Web par le ministère des Pêches et des Océans annonçant la tenue de consultations sur l’examen de la Loi sur les pêches, a semé la confusion parmi les membres du Comité et du public quant à la portée perçue de l’étude. La confusion est restée flagrante tout au long de cet examen.

Nous sommes d’avis que la version finale du rapport devrait faire mention de la levée de boucliers qu’ont suscitée les modifications apportées en 2012 à la Loi sur les pêches chez ceux qui s’y opposaient et qui ont eu pour effet d’abolir la disposition relative à la DDP. Plus particulièrement, quatre anciens ministres fédéraux des Pêches ont écrit une lettre ouverte dans laquelle ils s’opposaient aux modifications de 2012, et plus de 700 scientifiques ont publié une lettre priant le gouvernement de conserver les protections de l’habitat dans la Loi. Des milliers de Premières Nations, d’organisations environnementales et de citoyens inquiets ont également dénoncé ces modifications. Leur opinion est importante et doit être prise en compte dans le rapport.

Enfin, le rapport devrait faire allusion à la seule instance qui a porté sur la modification apportée en 2012 à l’article 35. La Cour fédérale a conclu que cette modification avait eu pour effet de faire disparaître la notion de protection de l’habitat du poisson. Selon nous, l’interprétation qu’ont faite les juges – les spécialistes de la loi par excellence – de la signification des modifications de 2012 et la référence aux droits des Autochtones sont importantes et doivent être prises en compte dans le rapport. Le Nouveau Parti démocratique du Canada appuie le témoignage présenté au Comité par West Coast Environmental Law dans son mémoire écrit intitulé Habitat 2.0.

Dans ce mémoire, on peut lire : « Il semble que la seule affaire dans laquelle on ait commenté cette disposition est Courtoreille c. Canada, une affaire de contrôle judiciaire par laquelle la Première Nation Crie Mikisew a contesté avec succès le caractère inadéquat des consultations menées avec les Premières Nations au sujet du projet de loi C‑38 qui modifiait la Loi sur les pêches, entre autres questions, et portait considérablement atteinte aux droits ancestraux. La Cour fédérale s’est prononcée sur la Loi en ces termes : [91] C’est donc dire que les modifications apportées à la Loi sur les pêches ont fait disparaître la notion de protection de l’habitat du poisson du paragraphe 35(1) de cette loi. Le demandeur a fait valoir que, par suite de cette modification, on ne mettait plus l’accent sur la protection de l’habitat du poisson, mais plutôt sur la protection de la pêche, ce qui offre nettement moins de protection pour l’habitat du poisson, et les mots « dommages sérieux » autorisent à perturber et à altérer de façon non permanente l’habitat. [101] […] En outre, pour les raisons que le demandeur a énoncées plus tôt, le fait d’avoir modifié le paragraphe 35(1) de la Loi sur les pêches accroît manifestement le risque de dommages pour le poisson. Il s’agit là de questions pour lesquelles il aurait fallu signifier un avis aux Mikisew, de pair avec une possibilité raisonnable de présenter des observations. »

À la lumière des témoignages reçus par le Comité, le Nouveau Parti démocratique du Canada estime que les recommandations suivantes doivent figurer dans le rapport et, en fin de compte, être incorporées à la Loi sur les pêches si l’on veut moderniser cette dernière.

  1. Énoncé d’objet et préambule : Ajouter à la Loi sur les pêches une déclaration générale énonçant ses buts et objectifs, ainsi qu’un préambule s’inspirant de la Loi sur les océans et de la Loi sur les espèces en péril, deux lois qui comptent un long préambule et un bref énoncé d’objet. Les éléments ajoutés devraient porter sur la gestion écosystémique, l’approche préventive et la gestion scientifique.
  2. Modifier le paragraphe 35(1) de manière à interdire d’exploiter « un ouvrage ou une entreprise ou d’exercer une activité entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson ». Rétablir l’ancienne interdiction de détériorer, de détruire et de perturber l’habitat et renforcer la protection par l’ajout du mot « activité ». Supprimer de la Loi la notion de « dommages sérieux causés au poisson » et y réintégrer l’interdiction visant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson.
  3. Rétablir les éléments déclencheurs de l’évaluation environnementale :

    Réintégrer les autorisations prévues aux articles 32, 35 et 36, qui constituent des déclencheurs du processus d’évaluation environnementale.

  4. Accorder la priorité à la protection du poisson et de son habitat
    • Renouveler l’engagement de Pêches et Océans Canada envers les politiques dites « aucune perte nette » et « gain net » et accorder plus d’intérêt, d’efforts et de ressources à l’amélioration de l’habitat du poisson;
    • Accorder aux secteurs du MPO responsables de la surveillance, de la conformité et de l’application de la Loi des ressources importantes et étendre ces activités grâce à des ententes avec les Premières Nations et à la collaboration avec celles‑ci;
    • Corriger sans tarder les lacunes connues de la réglementation de manière à ce que le MPO, en collaboration avec les Premières Nations, soit en mesure de répondre à toutes les activités qui causent des dommages aux poissons ou à leur habitat et d’évaluer concrètement les répercussions (p. ex. par la collecte continue de données de référence permettant de déterminer les changements qu’entraînent les activités);
    • Le MPO doit prendre l’initiative en ce qui concerne la protection et la restauration de l’habitat;
    • Retirer du mandat du MPO la promotion de l’industrie et des produits de la salmoniculture;
    • Protéger l’habitat du poisson contre les principales activités pouvant lui causer des dommages, comme les pratiques de pêche destructrices et l’effet cumulatif de plusieurs activités;
    • Rendre obligatoire le rétablissement des stocks de poisson lorsqu’ils tombent sous le seuil d’une population en santé;
    • Rendre obligatoire la présentation d’un rapport annuel au Parlement sur l’état des stocks de poissons du Canada et sur les décisions de gestion prises quant aux stocks dans la zone critique.
  5. Insister sur les principes de durabilité
    • Adopter des principes fondamentaux en matière de durabilité;
    • Protéger l’intégrité écologique de l’habitat du poisson;
    • Respecter les lois autochtones sur la durabilité;
    • Adopter une approche écosystémique en matière de protection et de restauration de l’habitat du poisson afin de préserver la totalité du réseau alimentaire du poisson;
    • Protéger l’habitat du poisson contre les menaces importantes, comme les changements climatiques;
    • Protéger les zones essentielles d’activités dans l’habitat du poisson.
  6. Faire progresser la relation « de nation à nation » avec les Premières Nations
    • Reconnaître les droits des Autochtones dans la Loi;
    • Remplacer l’approche de la « délégation » par une collaboration où les Premières Nations sont des partenaires pour la gestion des pêches;
    • Reconnaître le droit des Premières Nations à entreprendre toute forme d’échange commercial ou de troc;
    • Intégrer des principes directeurs de réconciliation qui permettent et favorisent les processus décisionnels partagés et axés sur le consentement (p. ex. cogestion/cogouvernance) avec les Premières Nations, et qui peuvent concilier la souveraineté antérieure et les champs de compétence des Premières Nations;
    • Ajouter aux facteurs pris en compte dans le processus décisionnel les principes de durabilité (y compris l’intégrité écologique et la durabilité culturelle), le droit autochtone, la protection des droits inhérents autochtones et les principes énumérés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones;
    • Veiller à ce que l’élaboration de nouveaux règlements repose sur la consultation véritable, l’accommodement et l’obtention du consentement des Premières Nations.
  7. Réduire le pouvoir discrétionnaire et accroître la portée des questions soumises à l’examen du ministre
    • Réduire la latitude discrétionnaire du ministre par l’instauration de la prise de décision partagée;
    • Élargir le mandat du ministre pour qu’il tienne compte de la conservation à long terme et de la protection du poisson et de son habitat lors de l’évaluation de projets qui contreviennent à la Loi sur les pêches;
    • Limiter la nature discrétionnaire des autorisations ministérielles et veiller à ce que le reste du pouvoir discrétionnaire du ministre ne soit pas structuré d’une manière qui enfreint les droits autochtones.
  8. Augmenter l’effectif responsable de l’application de la Loi sur le terrain
    • Augmenter la présence sur le terrain en recrutant et en maintenant en poste des surveillants de l’habitat, notamment des agents des pêches qui sont affectés à la protection de l’habitat et qui ont le pouvoir de rendre des ordonnances ou de porter des accusations de non‑conformité sur place (par exemple des directives d’inspecteur);
    • Veiller à ce que le personnel responsable de la protection de l’habitat dispose de la formation et des ressources nécessaires de même que d’un financement à long terme. Habiliter les employés sur le terrain à faire leur travail, qui consiste à protéger le poisson et son habitat.
  9. Modifications d’ordre général à apporter au Règlement
    • Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en matière d’octroi de permis, le ministre peut exiger comme condition d’obtention le respect d’objectifs sociaux et économiques, en plus des objectifs de conservation actuellement prévus;
    • Inscrire les politiques de séparation de la flottille et du propriétaire‑exploitant, accompagnées de leurs critères d’application aux différentes pêches, à titre de dispositions réglementaires dans le Règlement des pêches (dispositions générales) ou un autre instrument;
    • Inscrire dans la réglementation que l’intérêt juridique du détenteur du permis de pêche et la propriété effective connexe du permis sont inséparables.