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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 064 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 11 septembre 2017

  (0830)  

[Traduction]

    Il est 8 h 30; je déclare ouverte la séance no 64. Je tiens à souhaiter à tout le monde une bonne reprise parlementaire, en plus de souhaiter la bienvenue aux nouveaux membres du Comité. Je souhaite également la bienvenue à tous nos invités venus témoigner aujourd'hui.
     Nous nous attaquons aujourd'hui à une mission intéressante: l'étude du projet de loi C-45, Loi sur le cannabis. Je m'attends à des débats stimulants, il semble que la question suscite de l'intérêt. Nous recevons plusieurs témoins aujourd'hui.
     Je tiens à rappeler que nous sommes le 11 septembre et que nous observerons une minute de silence à 8 h 46, en mémoire des catastrophes survenues en Virginie, à Washington et à New York, qui ont causé la mort de presque 3 000 personnes, dont entre 24 et 29 Canadiens, dans une tragédie atroce. J'interromprai la séance à 8 h 46 et demanderai le silence. D'ici là, je vous présente nos témoins.
    Nous accueillons aujourd'hui essentiellement des hauts fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux. Nos témoins sont Jacqueline Bogden, sous-ministre adjointe, et Eric Costen, directeur général au ministère de la Santé, Direction générale de la légalisation et de la réglementation du cannabis. Nous recevons également Carole Morency, directrice générale et avocate générale principale à la Section de la politique en matière de droit pénal, ainsi que Diane Labelle, avocate générale aux Services juridiques de Santé Canada, qui représentent le ministère de la Justice. Nous recevons Kathy Thompson, sous-ministre adjointe du Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime au ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. De même, accueillons Joanne Crampton, commissaire adjointe aux Opérations criminelles de la Police fédérale à la Gendarmerie royale du Canada.
    Je tiens à vous souhaiter à toutes et à tous la bienvenue et à vous remercier d'être ici. Je suis certain que vos vies sont en train de devenir palpitantes et que vous pourrez nous en parler un peu.
     Je crois que c'est Mme Bogden qui brisera la glace au nom du groupe.
    Vous avez 10 minutes, madame Bogden, après quoi les membres vous poseront des questions.
    Bonjour, et merci de me permettre de comparaître devant le Comité. Le président nous a déjà présentés, mes collègues et moi, je passerai outre les présentations.
    En notre qualité de fonctionnaires, nous avons pour responsabilité de fournir des conseils et du soutien aux ministres dans l'élaboration de ce projet de loi. Je dois aussi mentionner le projet de loi C-46, déposé pour renforcer les lois touchant la conduite avec facultés affaiblies. Le comité de la Justice en a été saisi.
    Monsieur le président, votre comité amorce l'étude d'un projet de loi important, complexe, transformateur. Au nom de mes collègues, j'aimerais vous en présenter un bref aperçu. Je mettrai l'accent sur trois éléments centraux. Il y a d'abord le contexte dans lequel se situe l'élaboration du nouveau cadre de réglementation du cannabis qu'on trouve dans ce projet de loi et les objectifs du gouvernement. Je vous présenterai ensuite quelques-unes des dispositions clés du projet de loi, particulièrement celle sur les rôles et responsabilités des différents ordres de gouvernement. Ce faisant, je vous décrirai également comment nous collaborons avec nos homologues provinciaux et territoriaux. Enfin, je vous décrirai le travail tout aussi important qui se déploie à l'appui de cette modification législative et qui prévoit notamment un renforcement de l'éducation et de la sensibilisation publiques et aux risques associés à la consommation de cannabis pour la santé et la sécurité.
    Permettez-moi de commencer par vous décrire le contexte actuel. Le Canada affiche l'un des taux de consommation de cannabis les plus élevés au monde. Il faut particulièrement s'inquiéter des habitudes de consommation des adolescents et des jeunes adultes. Plus d'un Canadien sur cinq de 15 à 19 ans affirme avoir consommé du cannabis au cours de la dernière année. Les chiffres sont encore plus élevés chez les jeunes adultes. Près d'un Canadien sur trois de 20 à 24 ans déclare en avoir consommé au cours des 12 derniers mois. Ces taux de consommation sont inquiétants, compte tenu du fait que les risques associés au cannabis sont plus grands pour les jeunes que pour les adultes et que plus une personne commence à en consommer jeune et plus sa fréquence de consommation est élevée, plus le risque croît.
    Par ailleurs, non seulement le taux de consommation est-il élevé chez les jeunes et les adultes, mais il entretient un marché illégal évalué à 7 milliards de dollars par année pour le crime organisé et ceux qui choisissent de contrevenir à la loi. Ce marché illégal représente un fardeau considérable pour les ressources du système de justice pénale du Canada. Le nombre de poursuites pour possession simple en fait foi. Selon Statistique Canada, plus des trois quarts des accusations portées relativement au cannabis en 2016 l'ont été au motif de possession de cannabis.
    Monsieur le président, il est clair que le statu quo ne réussit pas à freiner la consommation de cannabis ni à prévenir son accès facile pour les jeunes. Avec le projet de loi C-45, le gouvernement propose un nouveau cadre de réglementation du cannabis. Les objectifs du gouvernement sont clairement énoncés à l'article 7 du projet de loi. Ils consistent à protéger la santé des jeunes en restreignant leur accès au cannabis; à les préserver des incitations à l'usage du cannabis; à prévenir les activités illicites à l'aide de sanctions et de mesures d'application appropriées; à permettre la production licite de cannabis afin de limiter l'exercice d'activités illicites; à réduire le fardeau sur le système de justice pénale; à donner accès aux adultes à un approvisionnement de cannabis dont la qualité fait l'objet d'un contrôle et, je souligne, à mieux sensibiliser le public aux risques que présente l'usage du cannabis pour la santé.
    Le projet de loi est cohérent avec les conclusions du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis. Ce groupe de travail a mené de vastes consultations en profondeur. Il a sollicité l'avis d'experts de la santé publique, de la justice, de l'application de la loi et d'autres disciplines. Il a sondé les représentants des gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux; des représentants du gouvernement américain et bien sûr, des Canadiens.
    Le projet de loi créerait des règles nationales strictes qui encadreraient la production, la distribution, la vente et la possession de cannabis au Canada. Il permettrait aux adultes d'avoir accès légalement au cannabis, selon des règles strictes, et de se le procurer auprès d'un vendeur autorisé par le gouvernement ou de le cultiver en quantité limitée à leur domicile.

  (0835)  

    Plus particulièrement, le projet de loi propose un train de mesures destinées à mieux protéger les jeunes du cannabis. Par exemple, il serait illégal pour les adultes de vendre ou de distribuer du cannabis à quiconque a moins de 18 ans, mais les provinces et territoires pourraient relever cet âge minimal.
    La loi créerait deux nouvelles infractions pénales assorties de peines maximales de 14 ans d'emprisonnement pour distribution ou vente de cannabis à un jeune ou utilisation d'un jeune pour commettre une infraction liée au cannabis. La loi interdirait également toute promotion ou publicité du cannabis susceptible d'attirer les jeunes, un peu comme les restrictions qui s'appliquent actuellement au tabac. Les produits, emballages et étiquettes susceptibles d'être attrayants pour les jeunes seraient également interdits.
    Les adultes seraient autorisés à posséder jusqu'à 30 grammes de cannabis séché dans les lieux publics ou l'équivalent sous d'autres formes. Des sanctions s'appliqueraient à toute personne contrevenant à ces nouvelles règles, et les sanctions seraient proportionnelles à la gravité de l'infraction. Il y aurait des contraventions pour les infractions mineures, alors que les infractions les plus graves, comme la production commerciale illicite ou l'exportation de cannabis hors des frontières canadiennes, exposeraient les contrevenants à des amendes ou à un emprisonnement.
    J'aimerais maintenant vous parler des rôles et responsabilités des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Conformément aux recommandations du groupe de travail, le projet de loi propose un cadre partagé de légalisation et de réglementation du cannabis, qui exigerait une coopération fédérale-provinciale-territoriale. En vertu de la nouvelle loi, le gouvernement fédéral aurait la responsabilité des permis et de la réglementation régissant la production de cannabis et devrait établir et faire appliquer des normes élevées de santé et de sécurité. Conformément à leurs compétences et à leur expérience, les gouvernements provinciaux et territoriaux pourraient réglementer la distribution et la vente de cannabis sur leur territoire.
    Les provinces et les territoires, en collaboration avec les municipalités, jouiraient également d'une vaste marge de manoeuvre afin d'adapter certaines règles à leur réalité et de les faire appliquer à l'aide de divers outils dont les contraventions. Ils pourraient donc, par exemple, relever l'âge minimal ou resserrer les limites à la possession ou à la culture personnelles. Les autorités locales auraient par ailleurs la responsabilité d'établir des règles relatives à la consommation de cannabis dans les lieux publics, d'adopter des règlements administratifs sur le zonage concernant l'emplacement des boutiques, le maintien de l'ordre et l'application des règlements administratifs.
    Monsieur le président, la coordination entre les divers ordres de gouvernement est et demeure absolument essentielle. Pour cette raison, au printemps 2016, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de la Santé, de la Sécurité publique et de la Justice ont établi un groupe de travail composé de personnes chevronnées afin de faciliter la consultation, l'échange d'information et la collaboration dans la conception et la mise en oeuvre du projet de loi. Depuis, les hauts fonctionnaires se rencontrent toutes les trois semaines pour discuter des grands enjeux, se consulter, échanger des renseignements et coordonner leurs efforts respectifs, et cette collaboration se poursuivra.
    Les provinces et territoires se préparent. Beaucoup ont annoncé des plans, ont lancé des consultations publiques ou ont exprimé leur intention de le faire. Nous sommes résolument déterminés à travailler ensemble, en collaboration, au cours des prochains mois, alors que les divers gouvernements se préparent à la mise en oeuvre potentielle de ce projet de loi, s'il est approuvé par le Parlement.
    Monsieur le président, avant de conclure mes observations d'aujourd'hui, j'aimerais décrire brièvement quelques autres éléments qui appuieront ce projet de loi. Il y a d'abord la mise en place d'un système complet de suivi et de surveillance. Celui-ci nous aidera à évaluer la mise en oeuvre de la loi et à y apporter les modifications nécessaires, au besoin, comme d'autres gouvernements l'ont fait avant nous, dont ceux du Colorado et de Washington. Ensuite, comme je l'ai mentionné au début de mon exposé, il y aura une vaste campagne d'éducation et de sensibilisation du public, de concert avec les provinces et les territoires, les organismes de santé municipaux et d'autres grands partenaires. Cette campagne permettra de transmettre aux Canadiens, particulièrement aux jeunes, toute l'information dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées concernant les risques pour la santé et la sécurité que pose la consommation de cannabis.
    Pour terminer, monsieur le président, je souhaite souligner que le projet de loi C-45 se veut un nouveau cadre plus efficace pour réglementer le cannabis, qui permettra de mieux protéger les jeunes et à terme, de remplacer le marché illégal. Sur ce, nous serons ravis de répondre aux questions des membres du Comité.
    Merci.

  (0840)  

    Merci beaucoup.
    Je tiens à m'assurer que les représentants de la Justice et de la Sécurité publique auront l'occasion de nous présenter leurs déclarations préliminaires.
    Ils n'ont pas demandé à en présenter?
    Très bien, nous passerons tout de suite aux questions, à commencer par M. Oliver, qui aura sept minutes.
    Merci infiniment de cet exposé. Je remercie tous les autres témoins qui sont parmi nous aujourd'hui.
    Il est assez clair que notre cadre actuel pour régir le cannabis ne fonctionne pas. Jacqueline, je crois vous avoir entendu dire dans votre exposé que 21 % des jeunes déclarent avoir consommé du cannabis au cours de la dernière année, tout comme 30 % des jeunes adultes. Nous devions faire quelque chose, et je pense que ce projet de loi met justement de l'avant les changements nécessaires.
    Je crois que les objectifs du gouvernement étaient de mieux protéger les jeunes, de retirer leur marché aux criminels et de prioriser la santé publique, pour que tous les consommateurs de cannabis comprennent qui l'a produit et comment ils peuvent le consommer en toute sécurité. C'étaient les trois principaux objectifs.
    J'aimerais commencer par une question sur les jeunes. C'est l'objectif numéro un: comment pouvons-nous mieux protéger nos jeunes, qui ont actuellement accès assez facilement à la marijuana?
    Ma première question s'adresse aux représentantes de Justice Canada. Carole et Diane, comment ce projet de loi peut-il protéger les jeunes Canadiens, en particulier?

  (0845)  

    Le projet de loi C-45 propose de créer des infractions criminelles pour quiconque vend ou distribue du cannabis à un jeune. L'intention de ce projet de loi est de faire en sorte que le cannabis ne se retrouve pas entre les mains des jeunes. On reconnaît toutefois que les jeunes, même dans un régime d'interdiction totale comme le régime actuel, ont accès au cannabis et en proportion très élevée, comparativement à ce qui s'observe dans d'autres pays. Le projet de loi C-45 ne proposerait pas de criminaliser la possession d'une très petite quantité de cannabis (5 grammes ou moins), mais laisserait plutôt les provinces déterminer si et comment elles souhaitent réglementer la chose selon leurs compétences respectives.
    Si toutefois un jeune commettait une infraction au projet de loi C-45, celui-ci prévoit les conséquences habituelles en droit pénal. Tout jeune qui commet une infraction liée au cannabis sera jugé selon le régime de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui préconise une approche réparatrice axée sur la réhabilitation et somme les policiers d'envisager d'autres solutions que l'application du système de justice formelle, comme des mises en garde ou des avertissements avant de porter des accusations, ou encore de diriger ces jeunes vers des programmes communautaires.
    Ce sont là les protections de droit pénal que prévoit le projet de loi C-45 pour les jeunes.
    Bien sûr, comme ma collègue l'a déjà mentionné, le projet de loi contient également diverses dispositions destinées à préserver les jeunes d'un accès au cannabis... Il y a par exemple diverses dispositions sur l'étiquetage, la promotion et la publicité.
    Je vais interrompre la séance quelques instants.
    Comme je l'ai dit plus tôt en introduction, nous ne vous enlèverons pas de temps de parole, mais nous soulignons aujourd'hui l'anniversaire des attentats du 11 septembre. À 8 h 46, à cette heure exactement, des avions ont foncé dans le World Trade Center, prenant du coup la vie de 3 000 personnes, dont des dizaines de Canadiens. Nous observerons une minute de silence pour nous les rappeler. On compte parmi les victimes des hommes, des femmes, des enfants, des petits-enfants, des grands-parents, des personnes de tous les horizons qui ont perdu la vie ce jour-là. Prenons donc une minute de silence au Comité de la santé en leur mémoire.
    [On observe un moment de silence.]
    Monsieur Oliver.
    Je vous remercie.
    Je pense que tous les membres de ce panel seront d'accord pour admettre que les preuves cliniques abondent pour montrer qu'une consommation excessive de marijuana, particulièrement chez les jeunes Canadiens, peut causer toutes sortes de torts tant à court qu'à long terme.
    Pouvez-vous donc nous expliquer pourquoi prévoir une exemption pour possession de 5 grammes? Pourquoi ne pas opter pour la tolérance zéro?
    C'est juste, comme vous l'avez dit, les données médicales prouvent l'incidence possible du cannabis sur tous les Canadiens, y compris sur les jeunes et le cerveau en développement. Le projet de loi C-45 propose de protéger les jeunes, comme je l'ai décrit, mais outre les torts qu'il peut causer sur la santé d'un jeune, il reconnaît toutes les difficultés auxquelles un jeune peut se heurter dans la vie s'il traîne un casier judiciaire. Cela peut nuire à son éducation, à son emploi ou l'empêcher de traverser la frontière. Le projet de loi C-45 en fait état et propose une toute petite fenêtre. Il ne s'agit pas d'approuver ou de promouvoir la consommation de cannabis, mais de tenir compte de la réalité, parce que les jeunes risquent d'avoir tout de même accès au cannabis et d'en consommer.
    Les membres du Comité savent probablement que le vendredi 8 septembre, l'Ontario a annoncé son intention de faire connaître ses propositions afin de réglementer le cannabis. Il a annoncé qu'il ne permettrait pas aux jeunes de moins de 19 ans de posséder une quelconque quantité de cannabis.
    C'est cette approche combinée qui permettra de prendre en considération tous les torts qu'il peut causer aux jeunes.

  (0850)  

    Y a-t-il quoi que ce soit que vous aimeriez voir ajouter au projet de loi pour protéger davantage les jeunes? Y a-t-il quoi que ce soit, puisque vous avez participé à la rédaction du projet de loi, que le Comité pourrait proposer pour protéger davantage les jeunes Canadiens? Sinon, êtes-vous plutôt satisfaite de l'équilibre que vous avez su trouver?
    Je serais portée à dire que le projet de loi C-45 propose un bon équilibre; cependant, le Comité pourrait entendre d'autres façons de voir d'autres témoins. Je pense qu'il importe de ne jamais oublier, comme je l'ai déjà mentionné, que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents s'appliquera aux jeunes contrevenants trouvés coupables d'infractions liées au cannabis, ce qui, en soi, apportera une perspective très différente quant à la façon de traiter les jeunes dans le système de justice pénale.
    Je vous remercie.
    Certains membres de ma communauté m'ont dit craindre que ce projet de loi n'affaiblisse en rien le crime organisé, parce que le crime organisé est partout, dans tous les rouages de la distribution de drogues. C'est l'objet de ma question suivante.
     Kathy Thompson, elle s'adresse à vous. L'un des buts avoués du projet de loi est de priver le crime organisé de profits. Pouvez-vous nous en parler davantage? Comment ce projet de loi permettra-t-il d'atteindre cet objectif, d'après vous? Croyez-vous qu'il sera efficace?
    Nous savons qu'il faudra du temps pour évincer complètement un secteur qui a fait beaucoup de gains sur ce marché depuis un siècle. Il nous faudra du temps et il nous faudra un régime robuste.
    Vous avez entendu Mme Bogden décrire certains des éléments que nous essayons de mettre en place pour évincer le crime organisé, notamment une chaîne d'approvisionnement sûre et des communications aux Canadiens afin qu'ils sachent qu'ils ont accès à une chaîne d'approvisionnement sûre. Il faut aussi veiller à ce que les Canadiens aient accès aux produits et à ce qu'on puisse répondre à la demande du marché, qui est diversifiée. En temps et lieu, nous nous pencherons sur ces questions. De même, évidemment, le prix sera un facteur très important si nous voulons pouvoir remplacer le crime organisé. Nous avons un groupe de travail FPT, qui est en train de se pencher sur la question des prix. À Sécurité publique, nous avons mené une vaste étude au cours de la dernière année sur les prix en vigueur sur le marché illicite.
    Nous nous efforçons de nous attaquer à ces quatre piliers pour réussir à remplacer le crime organisé. Nous nous inspirons de l'exemple d'autres États, comme le Colorado, qui est lentement en train de supplanter le crime organisé, une année à la fois, si l'on regarde la proportion de l'approvisionnement qui vient du marché licite. Je crois que vous comptez entendre des représentants du Colorado, monsieur le président.
    De même, le gouvernement a annoncé vendredi dernier un investissement important de 274 millions de dollars. Une partie de ces fonds servira à financer la GRC et l'ASFC, afin que les mesures prises pour lutter contre le crime organisé et les déplacements transfrontaliers de cannabis se fondent sur le renseignement.
    La question du crime organisé est une priorité pour les autorités policières fédérales. Je vais d'ailleurs céder la parole à ma collègue de la GRC.
     Comme l'a mentionné Kathy, la question du crime organisé est une priorité pour les autorités policières fédérales, en particulier, pour la GRC. Nous ciblons les plus hauts échelons dans le milieu du crime organisé. Nous sommes très conscients... et nous savons que les possibilités de voir le crime organisé éliminé du marché du cannabis... Il serait probablement naïf de croire que cela pourrait se produire. Évidemment, il y aura beaucoup d'inconnues au fil du temps, et nous devrons voir, si le projet de loi est adopté, comment les choses évoluent et réévaluer la situation à ce moment-là.
     Comme l'a mentionné Kathy, il y a des questions qui nous préoccupent, dont celle de la vente de cannabis à un prix moindre dans le marché légal. Le cannabis légal pourrait être vendu à un prix inférieur au prix actuel. L'exportation pourrait se poursuivre. C'est pour nous une priorité également de nous assurer que le volet du renseignement soit solide et que nous avons une bonne compréhension du marché des exportations. De plus, il y a la question de la vente aux jeunes — et les mesures législatives constituent un bon cadre — et celle de l'infiltration dans le régime légal. Nous jouons également un rôle dans le volet médical, nous effectuons la vérification des casiers judiciaires, et nous continuerons notre travail à cet égard.

  (0855)  

    Je crois que vous vouliez intervenir, maître Labelle.
     J'aimerais mentionner au Comité que la protection des jeunes est un objectif qui fait partie intégrante des mesures proposées dont vous êtes saisis aujourd'hui. Par exemple, si une province adopte une loi sur la distribution et la vente au détail du cannabis, il faut que celle-ci contienne des dispositions interdisant la vente aux jeunes. C'est un élément que je voulais mentionner.
    Il nous faut également examiner les mesures réglementaires générales qui sont proposées dans le projet de loi C-45, comme l'imposition de restrictions sur la promotion, en particulier la promotion qui rendrait le cannabis attrayant pour les jeunes. Notre expérience avec le tabac nous a appris que les jeunes sont particulièrement vulnérables aux tactiques de manipulation dans la publicité. Dans plusieurs situations, la Cour suprême du Canada a reconnu l'importance de protéger les jeunes contre ce type de mesures.
    En plus de l'inclusion de ces deux nouvelles infractions sur la vente aux jeunes et l'utilisation des jeunes pour commettre un crime lié au cannabis, nous avons demandé aux provinces de tenir compte de cet aspect dans l'élaboration de leurs propres projets de loi. Ces mesures permettront de restreindre la promotion et la publicité destinée aux jeunes et seront assorties de dispositions sur l'emballage et l'étiquetage.
    Merci beaucoup.
    Je veux souligner que le temps accordé a été largement dépassé pour cette question — ou les réponses. Je pense que nous voulons tous entendre les réponses. Je vais continuer à laisser les témoins terminer leurs interventions. Une fois le temps écoulé, je mettrai fin aux questions, mais pas aux réponses, à moins que quelqu'un s'y oppose. Je pense qu'il est important d'entendre les réponses. Nous voulons les entendre toutes.
    C'est maintenant au tour de Mme Gladu. Bienvenue.
    Il va sans dire que j'aimerais aussi connaître les réponses. Je suis en faveur de l'équité.
    Je remercie les témoins de leurs témoignages.
     Vous ne serez probablement pas étonnés d'apprendre que je suis contre la légalisation de la marijuana, mais que je suis pour l'imposition de contraventions aux adultes pour possession de marijuana à des fins personnelles. Mes questions porteront surtout sur les moyens de protéger les enfants et la population, soit sur des questions de ce genre.
    Nous commencerons par les représentants du ministère de la Santé. Selon les données scientifiques fournies par l'Association médicale canadienne, il est clair que les gens de moins de 25 ans qui fument de la marijuana risquent davantage d'être atteints de psychose et de schizophrénie. Dans ce contexte, que pensez-vous du fait que le projet de loi permet à toutes les provinces de fixer elles-mêmes l'âge minimal...?
    L'établissement d'un âge minimal pour l'accès au cannabis est une mesure de contrôle clé du projet de loi. C'est un aspect au sujet duquel le gouvernement a cherché activement les conseils de spécialistes, comme l'Association médicale canadienne et le Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis. Après de vastes consultations auprès de responsables de la santé publique, de l'application de la loi et de la justice, ainsi que de jeunes et de défenseurs de la jeunesse, le groupe de travail a recommandé que le gouvernement fixe l'âge minimal à 18 ans et que les provinces aient la possibilité de le relever si elles le souhaitent.
    Cela assure un équilibre entre non seulement les risques connus pour la santé des jeunes que présente l'usage du cannabis, mais aussi ce que j'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, soit que 30 % des jeunes adultes de 20 à 24 ans ont déclaré avoir consommé du cannabis. Il s'agit d'essayer d'établir un équilibre entre les deux.
     Ce que je peux dire également, c'est que fixer un âge minimal trop élevé comporte de grands risques, dont celui que ces jeunes adultes décident de continuer à se procurer du cannabis sur le marché illégal, ce qui présente des risques pour leur sécurité personnelle, car ils se procureraient alors des produits non réglementés et possiblement dangereux. Il est important de mentionner qu'ils risqueraient toujours également de faire l'objet de poursuites criminelles, d'être condamnés pour une infraction criminelle et d'avoir un casier judiciaire, ce qui, comme l'ont dit mes collègues, peut avoir des conséquences durables.
    Ma prochaine question concerne l'objet du projet de loi, c'est-à-dire protéger la santé des jeunes en restreignant leur accès au cannabis et donner accès à un approvisionnement de cannabis dont la qualité fait l'objet d'un contrôle. Je me demande si vous pouvez me dire en quoi le fait d'autoriser chaque personne à faire pousser quatre plantes d'au plus trois mètres de hauteur chez elle empêche ou réduit l'accès des jeunes au cannabis et fait en sorte que la qualité fait l'objet d'un contrôle.

  (0900)  

    L'adoption de la Loi sur le cannabis qui est proposée ferait en sorte que la culture d'au plus quatre plantes à domicile, par des adultes, ne serait plus une infraction criminelle et que les provinces et les territoires auraient la possibilité d'établir des règles supplémentaires. La démarche qui est proposée dans le projet de loi reflète les conseils qu'a fournis le groupe de travail à la suite des vastes consultations menées auprès de responsables de l'application de la loi et de la santé publique et d'autres intervenants et de l'examen attentif de la question de la culture à des fins personnelles.
    En fin de compte, le groupe de travail a recommandé qu'on autorise les adultes à faire pousser jusqu'à quatre plantes, mais avec certaines restrictions: par exemple, la hauteur des plantes ne devrait pas dépasser un mètre; la source devrait être légale, ce qui est important; et si une personne en cultive à domicile, il lui serait interdit de vendre le cannabis à une autre personne ou à en donner à des jeunes. Bien entendu, comme je l'ai dit, les provinces et territoires pourraient instaurer des mesures de contrôle supplémentaires.
    Ma question s'adresse à la représentante de la GRC. Lorsqu'on pense aux gens qui cultivent des plants chez eux, bien entendu, ils ne font pas de contrôle de la qualité que toutes les entreprises légales seraient tenues de faire et on ne peut pas vraiment déterminer s'ils donnent du cannabis. Comment surveiller et veiller au respect de cela?
    Nous recommandons que les services de police locaux soient mobilisés, ou que le gouvernement crée un organisme de réglementation. La culture à domicile suscite des préoccupations, comme vous le soulignez, mais les mesures législatives contiennent des dispositions sur ce plan.
    Ma prochaine question porte sur de l'information que des provinces m'ont fournie. Le gouvernement entend rendre le cannabis légal d'ici moins de 290 jours. Il donne aux provinces la capacité d'établir leurs propres règles dans des lignes directrices et ensuite de les mettre en oeuvre — bien que l'argent que verse le gouvernement est destiné à la formation et non pas vraiment à l'application ou à la mise en place de tests, par exemple.
     Ma question s'adresse aux représentantes du ministère de la Justice. Avez-vous des préoccupations quant à la capacité des provinces de mettre en place des lignes directrices connexes d'ici moins de 290 jours?
    Je crois que Mme Bogden et mon collègue, M. Costen, seraient parfaitement en mesure de parler des mesures qui sont prises à l'heure actuelle pour établir le cadre et procéder à la mise en oeuvre. Je crois qu'ils sont mieux placés que moi pour répondre à ces questions.
    Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration préliminaire, des fonctionnaires collaborent très étroitement avec les provinces et les territoires depuis que le projet de loi a été présenté à la Chambre des communes. Nous avons passé les semaines et les mois qui ont suivi sa présentation à collaborer avec nos collègues des provinces et des territoires pour nous assurer qu'ils comprenaient les objectifs du gouvernement et le contenu du projet de loi, ainsi qu'à répondre à des questions techniques afin de faire exactement ce dont parle la députée, soit faire en sorte qu'ils ont la capacité et le soutien du gouvernement fédéral pour la préparation des cadres législatifs.
    J'ai indiqué également que nous voyons des provinces annoncer ce que pourraient contenir leurs cadres législatifs et d'autres mesures qu'ils sont en train de mettre en place. La plupart, si ce n'est chacune d'entre elles, ont commencé à tenir des consultations publiques ou ont annoncé leur intention de le faire. Nous continuerons à nous assurer que nous les aidons à accomplir le travail nécessaire.
    J'aimerais vous demander une précision. Mme Gladu a dit que chaque adulte a le droit de cultiver quatre plantes. S'agit-il de quatre plantes par adulte ou bien par ménage?
    C'est une très bonne question. Il s'agit de quatre plantes par ménage, et c'est une restriction importante ou un choix fait consciemment dans la conception de cette disposition. J'aurais dû le mentionner.
    Merci.
    Monsieur Davies.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également tous les témoins de leur présence.
    Le projet de loi C-45 limite les produits du cannabis devenant légaux au cannabis séché, à l'huile de cannabis, aux plantes de cannabis, aux graines provenant d'une plante de cannabis et à un autre produit dont le nom m'échappe. Cependant, il est clair que des produits du cannabis resteront illégaux, comme les produits comestibles, les crèmes, les teintures et les timbres. Quelle proportion de l'actuel marché du cannabis les produits qui demeureront illégaux représentent-ils?

  (0905)  

    Je préciserais peut-être que le projet de loi prévoit des mesures pour le cannabis séché et l'huile de cannabis, de même que les plantes et les semis, mais que la question de légaliser la vente de produits comestibles, d'un plus grand nombre de produits qui entreraient en concurrence avec ceux du marché illégal, est également examinée. Lors de la présentation de son projet de loi, le gouvernement a indiqué que lorsque celui-ci entrerait en vigueur, la vente de cannabis séché, d'huile de cannabis et de plantes serait permise et qu'il faudrait un peu plus de temps pour élaborer la réglementation qui permettrait de mettre en vigueur la vente de produits comestibles. Si vous voulez en savoir plus...
    Je comprends cela. Je vous pose ma question. Au moment de l'entrée en vigueur du projet de loi, les produits comestibles ne seront pas légaux. Je comprends que le projet de loi prévoit la possibilité d'aller plus loin dans la légalisation, mais ai-je raison de dire que le jour suivant son entrée en vigueur, il ne sera pas possible d'acheter des produits comestibles?
    C'est exact.
    Merci.
    Quelle proportion du marché actuel les produits qui demeureront illégaux lorsque le projet de loi entrera en vigueur représentent-ils? Est-ce que le gouvernement le sait?
    Je ne crois pas avoir cette information, mais je peux m'engager à vous revenir là-dessus si nous avons une estimation à cet égard.
    Merci.
    D'après mes recherches, à l'heure actuelle, au pays, environ 65 % du cannabis est consommé en le fumant et environ 35 % du marché est accédé par des gens qui ne veulent pas le fumer pour diverses raisons liées à la santé et par préférence. L'un des objectifs du projet de loi, c'est d'amener les produits du marché noir dans un marché légal, réglementé. J'ai du mal à comprendre comment on y parviendra si on laisse au marché noir le tiers des produits que les Canadiens consomment présentement et, d'après ce qu'on me dit, produisent, car les gens essaient de renoncer à fumer et préfèrent consommer le cannabis par des moyens plus sains.
    N'est-il pas vrai que si l'on ne légalise pas ces produits, des Canadiens continueront de s'en procureront dans le marché noir et que, par conséquent, nous n'atteindrons pas vraiment les principaux objectifs du projet de loi?
    Je vais commencer et je laisserai peut-être la parole à mon collègue, M. Costen, par la suite.
    Vous soulevez un point très important. Vous avez tout à fait raison: un nombre croissant de Canadiens choisissent de ne pas fumer le cannabis et se tournent plutôt vers, par exemple, l'huile de cannabis, qui peut être consommée sous différentes formes. Je devrais préciser que les Canadiens seraient en mesure de consommer l'huile de cannabis sous la forme de produits comestibles. Ils pourraient s'en servir dans la préparation de produits, comme ils le font maintenant. Par exemple, les gens font du beurre à la maison. Le projet de loi contient une disposition qui interdirait l'utilisation de solvants dangereux pour fabriquer ces produits comestibles chez eux, de sorte que les gens pourraient consommer le cannabis de façon plus saine.
     Puis-je vous poser une question à ce sujet? J'aimerais en savoir plus. En parlant de l'article 7, vous avez indiqué que l'un des objectifs du projet de loi, c'était de donner accès aux Canadiens à du cannabis « dont la qualité fait l'objet d'un contrôle ». En quoi le fait de laisser les Canadiens préparer des produits comestibles dans leur cuisine, dont la qualité ne fera l'objet d'aucun contrôle — et j'imagine qu'une partie de ces produits sera partagée avec des voisins, par exemple —, permet-il aux Canadiens d'avoir accès à du cannabis dont la qualité est contrôlée, par opposition à réglementer des produits comestibles et d'autres produits, ce qui correspond à une recommandation qu'a faite le groupe de travail au gouvernement, en fait?
    Je crois qu'il est important de ne pas oublier qu'il faudra un certain temps avant que tous les règlements soient en place pour la mise en oeuvre de ces mesures législatives. Nous avons actuellement un règlement régissant la production de cannabis à des fins médicales qui peut être utilisé et facilement mis en application relativement à la production de cannabis — cannabis séché et huile de cannabis — et le gouvernement veut que la réglementation sur les produits comestibles soit élaborée dès que possible de sorte qu'elle puisse être mise en application rapidement.

  (0910)  

    Merci. Je vais passer à un autre sujet, si possible.
    Dans un document d'information sur le projet de loi C-45, le gouvernement du Canada explique que les provinces et les territoires pourraient « hausser l'âge minimal » pour la vente de cannabis, mais il ajoute également qu'ils pourraient « réduire la limite de possession à des fins personnelles dans leur province ou leur territoire ». C'est ce qu'il indique dans le document intitulé La légalisation et la réglementation stricte du cannabis: les faits. Est-ce exact? Le projet de loi permettrait-il aux provinces de réduire la limite de possession à des fins personnelles, qui est de 30 grammes, je crois?
    Oui, c'est exact.
    Qu'en est-il si une province décidait de réduire cela à zéro?
    Je demande à quelqu'un du ministère de la Justice de répondre, si ça lui va.
    Comme on peut le lire aussi dans le résumé législatif, nous nous sommes servis de cet exemple. Le régime exposé dans le projet de loi C-45 prévoit des interdictions, des infractions et des peines et il autorise des activités liées au cannabis tout en permettant aux provinces et aux territoires d'édicter eux-mêmes des lois dans le même domaine.
    On revient au partage des compétences législatives entre le niveau fédéral et les provinces. La santé est l'un de ces domaines qualifiés d'« indéterminés » par la Cour suprême du Canada. Selon l'objectif de la loi, ces compétences peuvent appartenir au Parlement, en vertu du droit pénal, ou aux provinces, par exemple pour les questions locales ou les droits civils.
    Madame Labelle, est-ce que ça peut être réduit à zéro? Si elles le pouvaient, à quel niveau minimal les provinces pourraient-elles abaisser la limite? Est-ce que ça ne ferait pas échec à la loi?
    Le principe, ici, est que chacun exerce ses propres pouvoirs, n'est-ce pas? Le Parlement a fixé une limite supérieure, par exemple 30 grammes en public. Une province, pour ses propres besoins, pourrait l'abaisser à 15 grammes.
    Ce genre de limites touche la doctrine du double aspect. Lorsque, pour respecter une loi, il faut en enfreindre une autre — cas où la province abaisse la limite à zéro — ou qu'une disposition provinciale contrecarre une loi fédérale — encore une fois dans le cas où la province abaisse la limite à zéro — la question de la primauté pourrait se poser. Autrement dit, le tribunal cherchera à déterminer s'il existe une incompatibilité ou si la loi fédérale est contrecarrée et il pourrait juger la loi de la province inapplicable dans la mesure où elle neutralise la loi fédérale.
    Quand le Parlement veut autoriser des adultes à s'approvisionner à une source légale et qu'une province édicte une loi les y empêchant absolument, le tribunal saisi pourrait déterminer dans quelle mesure la loi du Parlement a été contrecarrée.
    Votre temps est écoulé. Merci beaucoup.
    Monsieur Eyolfson.
    Ce projet de loi, et c'est mon opinion depuis bien avant mon arrivée en politique, s'est longtemps fait attendre.
    J'ai exercé la médecine d'urgence pendant 20 ans à Winnipeg. J'y ai notamment constaté que, à un égard, le cannabis était une drogue très dangereuse, mortelle. Par les activités criminelles des trafiquants. J'ai trop vu de blessures par balles, armes blanches et de personnes battues à mort. L'immense majorité de ces cas était reliée au trafic de la drogue. À la fin des années 1980, j'ai été obligé de quitter un immeuble contre lequel on avait lancé des bombes incendiaires. Une transaction de drogue qui avait mal tourné. Ce n'était pas contre mon appartement, mais contre l'immeuble où je vivais. Je connais la violence que cause le régime en vigueur et je connais bien la prospérité du marché noir. Il importe que nous y mettions fin.
    En ce qui concerne certaines des inquiétudes soulevées... Les provinces peuvent fixer leurs propres limites d'âge. Nous savons que l'Association médicale canadienne a proposé l'âge de 21 ans. Le projet de loi dit que l'âge minimum est de 18 ans. Il y a un certain nombre d'années, les États-Unis ont tenté une expérience. Ils ont relevé partout l'âge légal de la consommation d'alcool à 21 ans, qui, avant, variait d'un État à l'autre. On avait ainsi constaté que, par exemple, si cet âge était de 19 ans dans un État et de 21 ans dans l'État voisin, beaucoup de consommateurs allaient boire dans le premier, ce qui causait beaucoup d'accidents de part et d'autre de ce que certains ont appelé les « frontières de sang ».
    Si, entre les provinces, l'écart entre les âges légaux pour la consommation d'alcool était trop grand, pensez-vous que ce genre de problème de sécurité publique se poserait?

  (0915)  

    Actuellement, dans notre pays, on reconnaît que les provinces peuvent prendre ce genre de décisions. Différents âges sont en vigueur pour la consommation d'alcool. Je dirais aussi que les provinces sont très conscientes du problème que vous soulevez et qu'elles discutent entre elles de ce sur quoi elles pourraient souhaiter s'entendre. Quels sont les points qu'elles pourraient souhaiter uniformiser et ceux pour lesquels un manque d'uniformité est acceptable, sous réserve de mesures pour en atténuer les effets?
    D'accord. Merci.
    En ce qui concerne le maintien de l'ordre, les provinces ont émis beaucoup d'hypothèses sur ses coûts et sur les fonds qu'elles obtiendraient à cette fin. A-t-on estimé les coûts qu'entraîne actuellement le régime en vigueur pour les services de police? Nous savons qu'ils consacrent actuellement leurs ressources aux arrestations pour possession simple, au traitement de ces dossiers par le système judiciaire et ce qu'il en coûte à ce système et tout ça. Il faut aussi compter le coût pour la société de ces détenteurs de casiers judiciaires. Ils ne peuvent plus aspirer à certains emplois. A-t-on estimé les coûts du régime en vigueur par rapport à celui qui suivra l'adoption du projet de loi?
    Me Morency, du ministère de la Justice, pourrait répondre.
    Nous n'avons pas d'estimation réelle des coûts, mais je suis en mesure de vous communiquer un ordre de grandeur du nombre d'accusations et d'infractions, aujourd'hui, dans le système de justice pénale. Vous savez peut-être que le Centre canadien de la statistique juridique publie un rapport annuel sur les crimes signalés à la police. Dans le numéro de juillet de Juristat, qui reproduit les données de 2016, il y est question d'un peu plus de 95 400 infractions signalées à la police sous le régime de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cinquante-huit pour cent concernaient le cannabis. En creusant un peu plus, on s'aperçoit que la possession de cannabis était le premier chef d'accusation. En 2016, 76 % des chefs d'accusation, 17 733, la concernaient. Quel est le coût pour le système de justice pénale? Eh bien le comité sait que la Cour suprême du Canada s'est prononcée sur les délais judiciaires dans le système de justice pénale en juillet 2016. Le nombre de dossiers traités a de profondes répercussions sur le système.
    On peut s'attendre à ce que, dès que le projet de loi C-45 sera adopté et appliqué, le nombre d'accusations portées diminue. La police aura désormais le pouvoir d'émettre des contraventions pour la possession d'un peu plus de 30 grammes, c'est-à-dire entre 30 et 50 grammes, par exemple. Pour les quantités supérieures, les sanctions ordinaires continueraient de s'appliquer. Le projet de loi C-45 aura incontestablement des répercussions, en détournant officiellement du système beaucoup d'accusations. Dans la mesure où on continuera d'en porter, la police possédera de nouveaux moyens, et la Couronne aussi, pour y donner suite de manière plus efficace. Nous nous attendons à une réduction de certains des coûts pour le système en général.
    Merci.
    Ma question s'adresse aux fonctionnaires du ministère de la Justice.
    Vous dites que certaines de ces infractions sont des contraventions plutôt que des infractions passibles d'un casier judiciaire. L'une des inquiétudes soulevées est que nous savons que les voyageurs qui passent par les États-Unis et qui reconnaissent, devant un agent frontalier, avoir déjà consommé de la marijuana ou même qui l'avouent publiquement risquent d'être indéfiniment privés du droit d'entrer aux États-Unis. Si on vous a délivré l'une de ces contraventions, comme je sais que les services frontaliers américains ont accès aux casiers judiciaires de tout le monde, auraient-ils connaissance de ces infractions moins graves? Une de ces contraventions figurerait-elle dans la base de données des services frontaliers américains?

  (0920)  

    Votre question est double. Je répondrai à la première partie, puis ma collègue complétera la réponse.
    En ce qui concerne les contraventions, le projet de loi C-45 oblige à maintenir séparé des autres dossiers le document judiciaire relatif à la condamnation de l'auteur d'une contravention et à ne pas s'en servir pour l'identifier. Ce document est traité différemment du casier judiciaire.
    Ajoutons seulement qu'il est actuellement interdit d'importer ou d'exporter du cannabis. Cette interdiction sera maintenue sous le régime de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
     De plus, l'Agence des services frontaliers du Canada fera des campagnes de sensibilisation. Elle a reçu des fonds à cette fin. Elle installera une signalisation sans ambiguïté pour avertir les Canadiens de ne pas traverser la frontière avec du cannabis. De plus, les Canadiens devraient savoir que le cannabis est illégal aux États-Unis, au niveau fédéral. Nous ferons très bien comprendre aux Canadiens que ça ne cessera pas.
    Maître Morency, pourriez-vous nous éclairer sur la statistique des 76 %. De quoi s'agissait-il?
    C'était le taux d'accusations pour possession de cannabis. On a accusé 23 329 personnes d'infractions liées au cannabis. Soixante-seize pour cent d'entre elles l'ont été pour possession de cannabis.
    Nous pouvons communiquer à votre comité le lien permettant d'accéder à Juristat, si vous voulez.
    Oui, s'il vous plaît.
    Monsieur le président, c'était en quelle année?
    Les chiffres ont été publiés en juillet. Ils se trouvent dans le numéro de Juristat pour l'année 2016.
    Voilà qui met fin aux interventions d'une durée de sept minutes.
    Nous entreprenons avec M. Carrie les interventions d'une durée de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'être ici. En fin de compte, je pense que tout le monde tient à la santé et à la sécurité des Canadiens, particulièrement de nos jeunes. Je pense que chacun de nous serait d'accord pour dire qu'on abuse manifestement de notre jeunesse.
    Je voudrais peut-être contester un peu ce que vous avez dit, madame Bogden, sur l'inefficacité du statu quo. L'Organisation mondiale de la Santé et l'Agence de santé publique du Canada ont publié les résultats d'une enquête menée auprès de plus de 30 000 écoliers de 377 établissements scolaires de partout au Canada. La première remonte à 1990. D'après ses résultats, la consommation de cannabis a maintenant touché un creux depuis 1990. Environ 23 % des garçons et des filles de 15 à 16 ans déclarent avoir essayé la drogue, ce qui est deux fois moins par rapport au sommet observé en 2002, quand le taux, chez les garçons qui en avaient fumé, était de 50 %.
    Vous avez répété exactement, comme un perroquet, le mantra du gouvernement récité par M. Oliver, selon lequel le statu quo est inefficace. Ç'a piqué ma curiosité. Si nous définissons le statu quo, nous constatons que les taux de consommation passent, disons pour les garçons, de 50 % à... Peut-être que ce taux est seulement de 40 % ou dans les environs, mais il est évident que nous assistons à un déclin, et on dit que le taux de consommation, actuellement, est d'environ 22 %. Si c'est ça l'inefficacité, comment définiriez-vous un système efficace? Comment allez-vous mesurer vos actions à venir? Avez-vous des faits qui prouvent que le projet de loi abaissera davantage encore ce taux?
    Je comprends. J'ai communiqué au comité les renseignements que nous possédons. Santé Canada sonde régulièrement les Canadiens et les jeunes pour mieux chiffrer les taux de consommation. Nous consacrons aussi des sommes supplémentaires d'argent à des enquêtes supplémentaires qui donneront une meilleure idée de...
    Ma question, cependant, est que vous avez dit que le statu quo était inefficace.
    Oui.
    Je vous crois sur parole, mais, d'après les chiffres publiés, il semble que la consommation de cannabis soit à son plus bas depuis 1990, et d'une manière très sensible.
    Quant à la légalisation, quelques États l'ont déjà tentée. Avez-vous des preuves qu'elle sera, par votre méthode, encore plus efficace? Si, d'après vous, passer d'un sommet de 50 % à 23 %, c'est inefficace, comment définirez-vous un régime qui donne des résultats?

  (0925)  

    Mon collègue Costen répondra.
    Je ferai de mon mieux. Je ne connais pas précisément les chiffres que vous citez, mais je peux vous en dire un peu sur les données qui nous sont facilement accessibles, pour éclairer la position sur l'accès des jeunes aux drogues. L'une des enquêtes de Santé Canada dont parle Mme Bogden est l'Enquête canadienne sur le tabac, l'alcool et les drogues. Elle a lieu tous les deux ou trois ans et elle permet l'étude longitudinale du phénomène.
    Les données les plus récentes nous proviennent de l'enquête de 2015, et voici les données souvent décrites: chez les 15 à 19 ans, 21 % déclarent en avoir consommé et, chez les 20 à 24 ans, 30 %. Les résultats de cette enquête au cours de la dernière décennie montrent que ces taux ont peu bougé.
    Pour répondre à la deuxième partie de votre question sur la confiance d'assister à une baisse de ces taux grâce à l'adoption d'un nouveau cadre réglementaire, je pense que l'expérience du Canada à l'égard du tabac est instructive dans la mesure où un régime réglementaire assez rigoureux se double d'un certain nombre d'autres modalités d'intervention, comme la sensibilisation, la prévention, la cessation de la consommation et des interventions stratégiques...
    Eh bien, monsieur Costen, c'est théorique. Je citais des chiffres de l'Organisation mondiale de la Santé et de l'Agence de la santé publique du Canada. Ils ont publié les résultats d'une enquête, en 2014, auprès des écoliers sur leurs comportements qui pourraient influer sur leur santé. Vous pouvez peut-être donc en prendre connaissance. Ce n'est rien de théorique. Nous sommes inquiets pour nos enfants, et c'est la raison pour laquelle je voulais savoir comment vous en arrivez à déclarer que le statu quo est inefficace.
    Madame Crampton, qu'arrive-t-il, aujourd'hui, si j'ai moins de 18 ans et qu'on m'arrête pour possession de quelques joints? Qu'arrive-t-il ensuite? À mes 18 ans, on efface mon dossier ou il me suit pour la vie? Comment ça marche?
    Pour connaître le sort du casier judiciaire, il serait peut-être mieux de questionner un conseiller juridique, mais des accusations sont possibles. Conformément à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, on peut accuser un jeune de possession; cependant, l'agent peut toujours exercer un pouvoir discrétionnaire sur nos chefs d'accusation...
    Je sais que, aujourd'hui, les agents ont un pouvoir discrétionnaire, mais, dans le projet de loi, je crois que la quantité est de cinq grammes, de 12 à 17 ans. J'ignore si vous le savez, mais on peut, avec cette quantité, rouler de 10 à 15 joints, n'est-ce pas?
    Ce ne sont pas simplement des écoliers du secondaire. Certains fréquentent l'école publique. Peut-être que je poserai la question aux fonctionnaires de Justice Canada: Qu'arrive-t-il maintenant si j'ai moins de 18 ans? Je crois, maître Morency, que vous avez dit que ça me suivrait le reste de ma vie, mais j'en connais qui ont été accusés et je pense que, à 18 ans, on n'efface rien...? N'est-ce pas?
    Effectivement. Les dossiers peuvent... On traite différemment les dossiers des jeunes, absolument, et ils sont protégés contre la divulgation, après que la peine a été purgée. Mais je pense que votre question portait sur deux aspects. Sur ce qui arrive maintenant à un jeune trouvé en possession de drogues, la police peut actuellement exercer son pouvoir discrétionnaire, sous le régime de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    Oui. La plupart du temps, on ne porte pas d'accusations, n'est-ce pas?
    On peut servir un avertissement, une mise en garde, diriger le jeune vers un programme communautaire ou, encore, porter des accusations. Le projet de loi C-45 maintient ce pouvoir discrétionnaire pour l'infraction commise par un jeune, mais il s'agit de cinq grammes et, encore une fois, ça dépendrait de l'existence, dans la province, de mesures différentes pour cette quantité, sous le régime des pouvoirs qu'elle possède en matière non criminelle...
    Je parle du projet de loi qui nous intéresse. Il semble que cinq grammes soient acceptables, mais je dis simplement que les gens de mon milieu ne sont pas d'accord et…
    Puisque votre temps est écoulé, monsieur Carrie, auriez-vous l'obligeance de laisser madame répondre…?
    Bien sûr.
    Je dirai simplement que le projet de loi C-45 ne cherche ni à encourager ni à excuser la consommation de cannabis. Il reconnaît toutefois qu'un jeune qui en possède et consomme une très petite quantité, à savoir cinq grammes ou moins, s'exposerait à un préjudice supérieur s'il se retrouvait avec un casier judiciaire, qui peut avoir une incidence sur sa situation d'emploi et lui causer d'autres problèmes. Le seul fait d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale entraîne des préjudices qui ne se limitent pas au casier judiciaire. Les répercussions négatives de toute cette expérience peuvent être supérieures aux conséquences de la consommation d'une petite quantité de cannabis.
    Comme il a été mentionné, je tiens aussi à préciser que le gouvernement mène une campagne de sensibilisation du public afin de conscientiser non seulement les jeunes, mais aussi l'ensemble des Canadiens sur les effets néfastes de la consommation de cannabis, et ainsi de suite. Voilà qui cadre avec l'objectif visant à ce que les jeunes n'y aient pas accès.

  (0930)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur McKinnon, je vous souhaite la bienvenue à notre comité. J'ai hâte d'entendre votre contribution.
    Merci, monsieur le président.
    Puisque mes questions jouent sur tous les tableaux, je vais simplement plonger dans le vif du sujet. Je crois savoir que les jeunes Canadiens sont les plus grands consommateurs de cannabis, du moins parmi les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE.
    Monsieur Costen, pourriez-vous commenter cette affirmation?
    Un certain nombre d'études cherchent à mesurer la consommation de drogues à l'échelle mondiale. Je crois que l'UNICEF en a publié une il y a quelques années selon laquelle le Canada serait au premier rang sur le plan de la consommation chez les jeunes. D'autres instruments internationaux visent à évaluer la consommation juvénile. Bien que les méthodes et les résultats peuvent varier, l'ensemble des résultats démontrent que les jeunes Canadiens consomment généralement plus de cannabis que ceux de pays similaires.
    Comment peut-on mesurer la consommation chez les jeunes? Au moyen d'enquêtes à participation volontaire?
    Oui. Les différentes enquêtes utilisent diverses méthodes, mais il s'agit généralement d'une consommation autodéclarée. L'enquête demande aux jeunes s'ils ont consommé au cours de la dernière année et des six derniers mois, après quoi les répondants l'indiquent de leur plein gré. C'est généralement ainsi que ces enquêtes sont réalisées.
    J'aimerais maintenant aborder la limite de cinq grammes.
    Madame Bogden, vous avez dit, je crois, qu'un des objectifs est ici de protéger les jeunes, notamment en leur évitant les préjudices qui accompagnent la possession d'un casier judiciaire. Or, je trouve quelque peu paradoxal que le seuil auquel les jeunes entrent dans le système de justice pénale soit inférieur à celui des adultes. Les adultes ne font pas face à des accusations criminelles avant d'avoir 30 grammes de cannabis en leur possession, tandis que cette limite se situe à 5 chez les jeunes. Voilà qui me semble contradictoire. Qu'en pensez-vous?
    Parlez-nous du besoin d'imposer une limite inférieure aux jeunes, ou du fait que nous puissions simplement confisquer le cannabis, suivant le même seuil de 30 grammes, sans que le jeune n'ait de casier judiciaire.
    Le projet de loi dit très clairement que les jeunes Canadiens ne doivent aucunement avoir accès au cannabis. C'est tout à fait clair. Je vais demander à ma collègue Carole Morency d'expliquer de nouveau les raisons qui expliquent cette disposition particulière qui limite la possession à cinq grammes. Elle essayera ainsi de répondre à la question du député.
    Le projet de loi C-45 propose l'interdiction de fournir, de distribuer ou de vendre toute quantité de cannabis à un jeune. Il propose également d'empêcher le recours aux services d'un jeune pour commettre une infraction liée au cannabis. Dans le cadre du projet de loi, les jeunes ne devraient pouvoir n'être en possession d'aucune quantité de cannabis ni en consommer. Cette décision s'appuie sur des considérations en matière de santé aussi, comme ma consoeur l'a dit en ce qui a trait aux objectifs de protection des jeunes contre les préjudices associés à la consommation de cannabis.
    Comme il a également été mentionné, le fait est que sous le régime actuel d'interdiction complète, les jeunes Canadiens affichent tout de même un taux élevé de possession et de consommation de cannabis. C'est pourquoi le projet de loi C-45 propose d'exempter la possession d'une très petite quantité. Dans le cas d'un jeune qui se trouve en possession de cinq grammes ou moins, les auteurs du projet de loi C-45 ont dû faire le choix suivant: ce jeune devrait-il être criminalisé même en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, dont l'approche est moins sévère et axée sur la réparation et la réadaptation? Sinon, devrait-on les traiter autrement aux termes de la loi?
    L'exemption de cinq grammes sur le plan pénal vise à reconnaître le grand préjudice auquel un jeune est exposé au sein du système de justice pénale pour cette quantité modeste. Le problème n'est pas seulement le casier judiciaire, mais bien l'ensemble du système. Le gouvernement fédéral encourage les provinces et les territoires à décider ce qu'elles feront de cette limite dans leur sphère de compétence législative, le cas échéant.
    Pour sa part, l'Ontario a déjà annoncé qu'elle interdirait la possession de toute quantité chez les jeunes. Son cadre législatif ne permettra pas la possession de cinq grammes, et l'âge minimal passera de 18 à 19 ans. Elle aborde la question des jeunes d'une façon totalement différente de celle des adultes étant donné que ces derniers sont plus matures. Le projet de loi C-45 propose de légaliser la consommation de cannabis chez les adultes en la réglementant strictement, et il s'engage à tenir la substance loin de la portée des jeunes.

  (0935)  

    Nous allons maintenant écouter M. Webber.
    J'aimerais maintenant parler de la production, ainsi que de la réglementation afférente. Il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion de visiter un établissement autorisé du nom de Sundial à Airdrie, en Alberta. J'ai été fort surpris de constater l'ampleur des mesures de sécurité entourant l'installation. À l'entrée se trouvaient des fils barbelés acérés. On aurait dit une prison fédérale, et des agents de sécurité nous inspectaient dans des salles. La visite m'a également permis de constater la qualité de la production; c'était incroyable. Il est évident que le produit sera sûr et exempt de toute contamination, ce qui est une bonne chose.
    Les frais généraux nécessaires à l'ouverture de cet établissement étaient bien sûr exorbitants. Cela dit, le produit devra évidemment être vendu à un prix élevé. J'imagine que les Canadiens sont prêts à payer le nécessaire pour obtenir un produit sûr, mais je doute qu'un citoyen moyen puisse se permettre ce genre de prix. Il devra évidemment se tourner vers un autre fournisseur, c'est-à-dire le crime organisé. Je ne crois pas du tout que le marché noir soit supplanté, compte tenu de toutes les exigences déjà en place.
    Vous avez dit que le marché noir disparaîtrait en temps voulu, mais avec la réglementation déjà en place, je doute que cela ne se produise. Madame Bogden, j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Le gouvernement compte-t-il continuer d'imposer sa réglementation sévère à toute production de marijuana au pays?
    Les exigences régissant actuellement la production de cannabis à des fins médicales découlent du cadre législatif actuel, où tout le cannabis est interdit, à moins qu'il ne soit autorisé par la loi. Il y a donc des exigences de sécurité strictes pour éviter tout détournement vers le marché noir, de même que d'autres mesures.
    Je dirais aussi que bon nombre d'analyses montrent que le prix d'une partie du cannabis actuellement produit sous le régime d'accès à des fins médicales est concurrentiel à certains produits du marché noir.
    Cela dit, l'un des objectifs les plus importants du gouvernement est de supplanter ce marché noir. Nous devons en être très conscients lorsque nous adoptons les règlements qui régiront la production de la nouvelle industrie.
    Je vais demander à M. Costen, mon collègue, de parler brièvement du besoin de mettre en place des règlements, ainsi que des éléments dont il faut tenir compte.
    Si vous me le permettez, j'aimerais brièvement revenir à la question du prix. Dans le rapport publié il y a quelques mois, le directeur parlementaire du budget a donné des précisions à ce sujet, et a même fourni le prix moyen du cannabis sur le marché noir à l'heure actuelle. Si ma mémoire est bonne, il se chiffrait à un peu moins de neuf dollars. Je trouve votre observation très pertinente. Mais comme Mme Bogden vient de le dire, si nous examinons les prix réels des producteurs autorisés, nous constatons que le prix médian est légèrement supérieur à celui du marché noir, soit un peu plus de neuf dollars. Le marché sera évidemment très dynamique, et le prix sera absolument essentiel pour atteindre le deuxième grand objectif du gouvernement.
    En réponse à votre question sur la réglementation d'aujourd'hui et de demain, vous avez sans doute remarqué que le projet de loi C-45 prévoit des pouvoirs de réglementation pour une multitude de volets du nouveau système, y compris la sécurité, tant du matériel que du personnel. À l'instar de Mme Bogden, je dirais que la réglementation en place était de son temps compte tenu de l'illégalité du cannabis. Étant donné l'intérêt avoué des organisations criminelles à l'égard de ce marché, la réglementation a été conçue pour créer un système très intègre, du point de vue tant du consommateur que du gouvernement. L'objectif était d'éviter toute infiltration des organisations criminelles. Voilà qui explique dans une certaine mesure la rigueur que vous avez observée.

  (0940)  

    Merci.
    Monsieur Ayoub.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être parmi nous.
    C'est un sujet extrêmement important pour les générations à venir, et même pour les générations passées.
    Cela soulève beaucoup de questions, mais je vais me concentrer sur les différentes applications de la législation canadienne dans les provinces.
    Le gouvernement a un rôle de leadership à jouer, et c'est ce que nous faisons présentement en discutant de cet important projet de loi. Comment allons-nous nous assurer que la législation sera pancanadienne et qu'elle ne donnera pas de dossier criminel en dépit des différences importantes à ce chapitre entre les provinces? Des provinces, dont l'Ontario, vont choisir de ne pas permettre la possession totale de cannabis. Lorsque les gens voyageront dans une autre province, qu'en sera-t-il? Il n'y a pas de frontières entre les provinces. Par exemple, il n'y a qu'un pont à traverser entre Ottawa et Gatineau. Comment va-t-on gérer cet aspect? Pouvez-vous m'éclairer et éclairer la population là-dessus?
    J'aurai peut-être d'autres questions à poser à Mme Morency ou à Mme Labelle.

[Traduction]

    Je peux répondre à la question, monsieur le président.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de votre question.

[Traduction]

    Je vais m'exprimer dans ma langue pour vous donner une réponse des plus exacte.
    Je pense que le projet de loi dont le Comité est saisi tient compte et découle en quelque sorte des consultations et des discussions avec les provinces et les territoires. Lors de leurs échanges avec le groupe de travail et le gouvernement fédéral, ces instances ont dit souhaiter conserver une certaine marge de manoeuvre quant au fonctionnement du système au sein de leur territoire. Une des caractéristiques fondamentales de notre pays, c'est justement la marge de manœuvre des provinces. Ces instances sont plus au fait de leur réalité, tout comme les municipalités, ce que nous reconnaissons aussi.

[Français]

    Je comprends très bien cette nuance, mais ma question porte vraiment sur l'application de la loi et sur le dossier criminel, s'il y en a un. Comment va-t-on gérer cela, étant donné que la réglementation est différente d'une province à l'autre? Quand on traverse la frontière pour se rendre aux États-Unis, c'est très clair: du côté américain, le cannabis est illégal, alors que du côté canadien, on travaille à le rendre légal.
    À l'intérieur même du Canada, comment la législation pourra-t-elle s'appliquer partout? J'aimerais vraiment examiner l'aspect légal de la chose.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais répondre à cette question.
    En ce qui a trait à l'application du droit criminel, les interdictions les plus importantes du projet de loi C-45 sont les mêmes partout au Canada. S'il est un peu difficile de répondre à votre question, c'est que cela va dépendre des lois provinciales. Pour se prononcer là-dessus, il faudrait vraiment voir le détail de chacune des lois provinciales pour savoir à quel moment quelqu'un pourrait s'exposer à une pénalité en vertu de la loi provinciale et à une pénalité en vertu du projet de loi C-45.
    C'est une question de fait, ce qui est étudié au moment de la rédaction de la législation. Les discussions entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires sont très importantes à cet égard. Comme Mme Bogden l'a indiqué, nous voulions aussi adopter une approche fondée sur un système fédéral coopératif. Il était important de reconnaître que les provinces voulaient avoir leur mot à dire. Il fallait leur donner l'espace nécessaire pour qu'elles puissent adapter les règles à leur propre situation. Pour ce qui est de savoir comment la loi va s'appliquer, la question est un peu théorique en ce moment, mais nous allons l'étudier.

  (0945)  

    Si je peux me le permettre, je vais faire une dernière remarque.
    Le but visé était de légaliser et de décriminaliser, en partie, l'usage et une certaine production de marijuana. C'est simplement cela au niveau canadien. C'est un projet dans lequel le fédéral doit exercer un leadership. Évidemment, nous travaillons de concert avec les provinces, mais nous devons nous assurer que tout cela pourra s'imbriquer de la bonne façon et que tout le monde comprendra le but que nous visons. C'est ce que je voulais entendre.
     Nous sommes d'accord là-dessus. C'est d'ailleurs à cela que nous travaillons dans le cadre de nos discussions avec les provinces et les territoires.
    Merci.

[Traduction]

    Le temps est écoulé. C'est ainsi que se terminent les questions de cinq minutes.
    Nous allons maintenant passer à celles de trois minutes, à commencer par M. Davies.
    Merci.
    Si j'ai bien compris, le projet de loi fixe à 30 grammes la limite de possession à l'échelle fédérale, mais vous avez confirmé que les provinces peuvent la modifier. Une province pourrait donc opter pour un seuil de 28 grammes, une autre de 25 grammes, ou encore de 20 grammes. Je comprends que vous examineriez la proposition pour vérifier si elle correspond au principe fondamental du projet de loi, mais nous pourrions nous retrouver avec une mosaïque de limites différentes d'un bout à l'autre du pays, n'est-ce pas?
    Oui, le projet de loi C-45 est conçu pour permettre aux provinces de choisir leur seuil de possession en fonction de leur population et de leurs besoins locaux. Je pense qu'elles ne pourraient pas…
    … aller à l'encontre du principe du projet de loi en rabaissant la limite à zéro. Je vois. Merci.
    Madame Morency, je trouve que vous nous avez donné une explication très passionnée et convaincante de la raison pour laquelle le projet de loi permet aux jeunes de 12 à 18 ans d'être en possession d'un maximum de cinq grammes, ce qui représente près d'un quart d'once de marijuana. Vous dites que c'est parce que le projet de loi reconnaît le grand préjudice que les jeunes Canadiens peuvent subir en étant exposés au système de justice pénale pour une possession simple.
    Dans ce cas, pourquoi le gouvernement procède-t-il à l'arrestation de ces Canadiens à l'heure actuelle? Ne serait-il pas logique de ne pas appliquer la loi dès maintenant, pour éviter de soumettre ces jeunes Canadiens à la stigmatisation du système de justice pénale?
    Nous reprenons simplement les propos des ministres et du premier ministre à ce sujet, à savoir que la loi demeure en vigueur jusqu'à ce que le Parlement la modifie, le cas échéant. Dans cette optique, les forces de l'ordre et la Couronne traitent les cas qui leur sont soumis puisque c'est le système qui est en place.
    Merci.
    J'ai une question à l'intention de la représentante de la GRC. Le gouvernement a-t-il donné des consignes à la GRC visant peut-être à user de sa discrétion pour éviter d'accuser les Canadiens, surtout les jeunes, d'ici l'adoption du projet C-45? Avez-vous reçu des directives en ce sens?
    Non, pas du tout, et je doute que nous recevions une directive semblable.
    Merci.
    Madame Bogden, lorsque le projet de loi sera adopté, les Canadiens pourront-ils consommer du cannabis par vapotage?
    Cette question relève de la réglementation. C'est une bonne question.
    Je vais demander à M. Costen, mon collègue, d'y répondre.
    Votre intervention fait suite aux questions que vous posiez plus tôt sur les formes comestibles et la gamme de produits, ce qui…
    Pourtant non, je parle de…
    … plus particulièrement du vapotage, oui.
    L'annexe du projet de loi dresse la liste des formes de cannabis qui seront légales; elles sont énumérées. La question du vapotage porte plus particulièrement sur les caractéristiques de la substance inhalée. Par conséquent, dans la mesure où les produits chimiques utilisés pour créer les cartouches de cigarette électronique n'apparaissent pas à l'annexe, ce ne serait pas autorisé au moment de l'adoption du projet de loi. Ce pourrait toutefois être possible si les formes de cannabis énumérées à l'annexe pouvaient être employées dans une cigarette électronique.

  (0950)  

    J'ai une dernière question.
    M. Eyolfson a posé une question sur les relations canado-américaines. Les Canadiens savent qu'à la frontière américaine, les agents frontaliers leur demandent souvent s'ils ont déjà fumé de la marijuana. Ils ne cherchent pas à savoir si vous avez déjà été trouvés coupables, mais bien si vous avez déjà fumé.
    Lorsque le projet de loi entrera en vigueur et que la consommation de cannabis sera légale au Canada, les Canadiens devront soit mentir, soit dire la vérité et risquer de se voir refuser l'entrée. Le gouvernement canadien discute-t-il actuellement avec les États-Unis, à la table de l'ALENA ou dans un autre contexte, afin de protéger les Canadiens à l'arrivée du 1er juillet 2018, si c'est bien la date à laquelle la consommation de cannabis devient légale au Canada?
    Merci, monsieur le président. Je vais répondre.
    Comme je l'ai dit plutôt, l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, s'efforcera de faire savoir aux Canadiens que le cannabis est illégal aux États-Unis, et qu'il continue d'être illégal et interdit d'en importer ou d'en exporter.
    De plus, ils ne doivent pas oublier que chaque pays a le droit de déterminer ses conditions d'admissibilité, et les États-Unis aussi. On leur conseillera de répondre honnêtement à toute question d'un agent frontalier. Nous veillerons à ce que l'information soit diffusée.
    Nous avons également parlé des contraventions et de la conservation du casier judiciaire en cas d'accusations criminelles, et nous allons essayer de diffuser le plus d'information possible aux Canadiens.
    En réponse à votre question sur les discussions avec nos homologues américains, nous échangeons bel et bien avec eux et continuons à le faire alors que le projet de loi progresse au Parlement. Les représentants des États-Unis sont donc en communication avec nous, et nous essayons de leur faire comprendre les objectifs de légaliser le cannabis au Canada, tout en le réglementant strictement, et la raison pour laquelle nous prenons cette voie.
    Nous avons le temps de faire un autre tour à l'image de la première série de questions. Le Comité souhaite-t-il continuer de poser des questions sous cette forme? Les interventions seront toutefois de cinq minutes plutôt que de sept. Est-ce que tout le monde est d'accord? Très bien, nous allons donc recommencer avec le Parti libéral, qui dispose de cinq minutes.
    John.
    J'ai une question au sujet de la distribution autorisée par le gouvernement fédéral par rapport à celle autorisée par le gouvernement provincial ou territorial. D'après ce que je comprends, une fois le projet de loi adopté, un producteur autorisé par le gouvernement fédéral pourra, aux termes de dispositions sur le commerce électronique, vendre ses produits à des gens qui les achètent en ligne et les leur faire parvenir par l'entremise de Postes Canada. La province de l'Ontario, par exemple, vient d'élaborer un plan selon lequel la LCBO serait le principal distributeur. Tout d'abord, est-il vrai qu'un producteur autorisé par le gouvernement fédéral pourra, en vertu du présent projet de loi, distribuer ses produits grâce au commerce électronique? Qu'arrivera-t-il alors aux provinces, qui pensent qu'elles décideront de la manière dont le cannabis sera distribué, quand il existe un système fédéral parallèle?
    Le projet de loi stipule que les provinces et les territoires pourront autoriser la distribution et la vente au détail sur leur territoire. Le projet de loi est prévu ainsi. En ce qui concerne l'éventuelle entrée en vigueur de la mesure, que le gouvernement s'est engagé à la faire adopter par le Parlement au plus tard en juillet 2018, la loi ne s'appliquerait qu'aux provinces et aux territoires n'ayant pas instauré de régime de vente au détail réglementée. S'ils ont adopté un tel régime, alors ce sont ces règles qui s'appliqueraient, dans la mesure où elles satisferaient aux conditions minimales que le gouvernement a imposées dans la loi fédérale, bien entendu. Pour ce qui est des provinces ne s'étant pas encore dotées d'un régime, le gouvernement fédéral autorisera, en vertu de la loi fédérale, des producteurs à y distribuer leurs produits.
    Où, dans le projet de loi, puis-je trouver le droit d'un producteur autorisé par le gouvernement fédéral à vendre ses produits directement? Il semble que cette activité soit illégale autrement.
    Il s'agit d'une décision stratégique et juridique à la fois. Du point de vue stratégique, je crois comprendre qu'une fois que les provinces auront établi leurs propres régimes de distribution et de vente au détail, le gouvernement fédéral aura la certitude que les adultes y auront un accès légal et n'aura plus à s'occuper de la vente en ligne par les producteurs autorisés. Le ministre de la Santé pourra s'occuper de diverses manières de la question de l'autorisation en ce qui concerne les producteurs autorisés. Nous pourrons toutefois faire une distinction en ce qui concerne les producteurs autorisés qui continueront de vendre leurs produits directement à des fins médicales.

  (0955)  

    Comment les choses se passeront-elles concrètement? La province devra-t-elle adopter une loi interdisant l'expédition de produits achetés en ligne à des fins autres que celles autorisées? Comment surveiller le respect de ces dispositions? Cela m'apparaît comme un important aspect opaque et imprécis de la distribution, et il est difficile de déterminer comment vous entendez régir la question dans la loi.
    Si on examine l'article 69, il est clair qu'une province doit adopter une loi comprenant quatre aspects importants: ne peut être vendu que le cannabis produit par une personne autorisée en vertu de la présente loi, autrement dit, un producteur autorisé par le gouvernement fédéral; la vente aux jeunes est interdite; les producteurs doivent conserver la documentation pertinente...
    Je comprends ce que les provinces doivent exiger.
    D'accord. Ainsi, une fois qu'elles ont adopté une loi et qu'elles instaurent un régime de vente au détail, que ce soit en ligne...
    Est-ce que le gouvernement fédéral interdit le commerce électronique dans cette province à ce moment-là?
    Il n'est pas interdit, mais le ministre de la Santé dispose des outils nécessaires pour régler la question en accordant des autorisations à des producteurs et en déterminant dans quels provinces et territoires ils peuvent étendre leurs activités.
    M. Costen voudrait peut-être ajouter quelque chose.
    Je vais tenter de résumer la situation, mais je ne suis pas avocat. Cela étant dit, à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi, les consommateurs canadiens pourront acheter du cannabis légalement, et tout le régime est élaboré de telle sorte qu'il reviendra aux gouvernements provinciaux et territoriaux d'établir, d'instaurer et de surveiller le régime de vente au détail. Le projet de loi tient compte du fait qu'il s'agit d'une entreprise complexe et porteuse de transformation, comme Mme Borgen l'a fait remarquer dans son exposé. Lorsque la loi entrera en vigueur, si une province n'a pas encore établi de régime de vente au détail, il sera possible pour un producteur autorisé par le gouvernement fédéral d'y vendre directement ses produits aux consommateurs.
    S'agit-il d'une permission que nous leur accordons ou est-ce simplement quelque chose de légal qu'ils peuvent faire?
    Il existe une panoplie de mécanismes réglementaires grâce auxquels nous pourrions permettre cette activité, mais il s'agirait d'une permission accordée à l'entreprise. Cette permission peut être définie de diverses manières.
    Cela vous aide-t-il?
    Je pense que je peux téléphoner à un établissement vinicole de la Colombie-Britannique pour commander du vin. Le producteur me l'enverrait par l'entremise de Postes Canada et les taxes seraient payées. Pourquoi ne tiendriez-vous pas compte de la capacité d'un producteur local d'expédier ses produits au lieu de vous en tenir à diverses stratégies de distribution provinciales et territoriales? Pourquoi ne permettez-vous pas l'expédition de produits par l'entremise de Postes Canada?
    Vous voulez savoir pourquoi cette disposition...
    Pourquoi n'est-elle pas permanente?
    ... n'est peut-être qu'une mesure de temporaire?
    Non, je veux dire qu'elle pourrait constituer une stratégie permanente sur le plan de l'accès aux divers marchés.
    Le projet de loi est conçu de manière à autoriser cette possibilité. Ce disant, je tiens compte de l'annonce faite par l'Ontario, dans le cadre de laquelle le gouvernement provincial a signifié son intention d'autoriser, en vertu de la loi, une plateforme de vente en ligne s'apparentant fort à ce que vous venez d'évoquer. De façon générale, la politique est conçue de manière à ce que la vente au détail soit définie par la loi provinciale.
    Merci beaucoup.
    Même si cette discussion est très intéressante, le temps est écoulé.
    Madame Gladu.
    Mon collègue a soulevé des points qui valent la peine qu'on s'y attarde; quoi qu'il en soit, je pense qu'il est illégal d'expédier en Ontario du vin acheté en Colombie-Britannique.
    Je veux traiter brièvement d'un des résultats que les Canadiens souhaitent tirer de ce projet de loi. Je pense que nous avons tenté, d'une certaine manière, de réduire le nombre de dossiers d'accusation de possession de cannabis qui engorgent les tribunaux. Je constate que le projet de loi contient un grand nombre de mesures de protection visant à prévenir le trafic et la vente aux jeunes. Il y a toutefois quelque chose que je ne vois pas; peut-être est-ce là et je ne l'ai simplement pas vu. Les jeunes sont décrits comme étant des personnes âgées entre 12 et 18 ans. Il n'y a rien dans ce projet de loi qui interdise de fournir du cannabis à des jeunes de moins de 12 ans ou qui permette de porter des accusations à cet égard.
    Madame Labelle?

  (1000)  

    Il s'agit d'une question de droit pénal à laquelle ma collègue, Me Morency, est mieux à même de répondre.
    Le projet de loi C-45 interdit la distribution, la fourniture ou la vente de cannabis à des jeunes de moins de 18 ans. Un jeune de 12 à 17 ans ne ferait pas l'objet d'accusation criminelle pour la possession de cinq grammes ou moins. De même, il pourrait partager du cannabis avec un autre jeune du même âge sans s'exposer à des accusations. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents stipule que l'âge de responsabilité pénale s'étend de 12 à 18 ans. Ainsi, tout adulte donnant du cannabis à un jeune ferait l'objet d'accusations, mais il en irait autrement pour un jeune.
    Oui, mais le problème, c'est que la loi définit un jeune comme étant une personne âgée entre 12 et 18 ans. Il faut donc modifier cette définition, sinon, les jeunes de moins de 12 ans ne sont pas protégés.
     L'âge auquel vous faites référence concerne l'accusation d'une jeune pour une infraction relative au cannabis. Le projet de loi C-45 interdit clairement à une organisation adulte de fournir, de vendre ou de distribuer du cannabis à des jeunes sous quelque forme que ce soit.
    Où est-il indiqué qu'un « jeune » est une personne de moins de 18 ans dans le projet de loi? Voilà ce que je ne vois pas.
    Si vous examinez les dispositions relatives aux infractions, par exemple l'article 9 figurant à la page 8 du projet de loi, lequel porte sur les infractions relatives à la distribution, vous verrez qu'il est interdit de distribuer du cannabis à un jeune de moins de 18 ans. Il en irait de même pour la vente ou la fourniture.
    Merci.
    Je voulais également traiter des quantités que l'on peut posséder. La possession de 30 grammes m'apparaît considérable. Je n'ai aucune expérience en la matière, mais on m'a dit que selon la manière dont on roule le cannabis, on pourrait faire entre 60 et 90 joints. Cela me semble beaucoup. Je m'intéresse aux quantités que l'on trouve habituellement sur les personnes que l'on soupçonne de s'adonner au trafic. Quelle quantité possèdent-elles habituellement? Comment en sommes-nous arrivés à la quantité de 30 grammes?
    Je commencerai peut-être par Mme Crampton.
    Je ne pourrais pas expliquer comment la quantité de 30 grammes a été établie. Je pense que Mme Bogden serait mieux à même de répondre à cette question.
    La quantité de 30 grammes prévue dans le projet de loi a été recommandée par le groupe de travail sur la légalisation du cannabis. Il s'agit là d'une des principales questions que le gouvernement a demandé au groupe de travail d'examiner. Après avoir procédé à moult consultations et soumis la question à une étude et à des délibérations attentives, comme il en a fait état dans son rapport, le groupe s'est également intéressé aux mesures adoptées par d'autres gouvernements, comme celles prises au Colorado et dans l'État de Washington. Il a indiqué au gouvernement qu'il serait raisonnable que les gens possèdent 30 grammes à des fins de consommation personnelle.
    Mon autre question concerne l'emballage et la réglementation du cannabis par rapport à l'emballage et à la réglementation dans l'industrie du tabac. Il me semble qu'il existe de nombreuses similarités quant à la manière dont nous voudrions protéger la population en tirant parti de certaines des leçons tirées du passé. Nous avons dépensé des milliards de dollars pour tenter d'empêcher les gens de fumer. Or, nous savons que la fumée du cannabis est environ cinq fois plus toxique que celle du tabac.
    Madame Thompson, peut-être pourriez-vous nous expliquer pourquoi il existe des différences dans la loi entre la manière dont on emballe et réglemente le tabac et celle dont on emballe et réglemente le cannabis.
    Cette question serait davantage du ressort de Santé Canada.
    La distinguée députée soulève un point très important au sujet du rôle que l'emballage et l'étiquetage, ou que la promotion ou la publicité, pourraient jouer en encourageant les jeunes à consommer du cannabis. Le projet de loi dont le Comité est saisi confère au gouvernement le pouvoir d'adopter des règlements instaurant des mesures de contrôle supplémentaires, en ce qui concerne l'emballage, par exemple, ou d'autres mesures comme des emballages à l'épreuve des enfants qui protégeraient mieux les jeunes.
    Forts de l'expérience acquise sur le plan de la réglementation du tabac, nous continuons de tirer des leçons importantes quant à la façon de réglementer ces substances de manière à dissuader les jeunes d'en consommer. Nous nous appuierons sur ces leçons pour élaborer des règlements aux fins de consultation.

  (1005)  

    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Davies.
    Merci.
    Les statistiques selon lesquelles environ 23 000 personnes ont été accusées relativement au cannabis en 2016, dont 76 % pour possession, nous permettent évidement de conclure que des certaines de milliers de Canadiens ont été condamnés pour des infractions relatives au cannabis, dans bien des cas pour des actes que le projet de loi légalisera.
    Le ministère de la Justice a-t-il des plans pour en quelque sorte simplifier le processus afin de gracier les Canadiens qui ont été condamnés pour des actes qui ne seront plus illégaux en vertu du projet de loi? Je me rappelle que le gouvernement Harper a augmenté le prix des pardons. Il en coûte plus de 600 $ pour demander un pardon, et il faut attendre cinq ans. Envisage-t-on d'aider les Canadiens à être graciés pour des actes qui ne seront plus des infractions en vertu du projet de loi?
    Je demanderais à ma collègue, madame Thompson, de répondre à la question du distingué député.
    Comme le distingué député l'a fait remarquer, il existe actuellement un processus permettant aux Canadiens condamnés pour possession simple de demander un pardon à la commission des libérations conditionnelles nationale cinq ans après avoir purgé leur peine. C'est le processus actuellement en place, et on n'envisage pas d'accorder un pardon automatique pour l'instant.
    Merci.
    Je veux revenir aux peines proposées dans le projet de loi. Si je comprends bien, une personne ayant enfreint la loi s'expose à des peines allant jusqu'à 14 ans de prison. Si une personne de 19 ans vend du cannabis à un jeune de 17 ans, ai-je raison de croire qu'elle pourrait s'exposer à une telle peine? Cette personne pourrait-elle être condamnée à une peine d'incarcération de 14 ans?
     Comme vous l'avez souligné, le projet de loi prévoit un éventail de peines pour les diverses infractions. Celle à laquelle vous faites référence relativement à la vente est assujettie à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cette infraction relative au trafic s'accompagne d'une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité. La Loi impose des sanctions minimales.
    En vertu du projet de loi C-45, la distribution ou la vente constituerait une infraction mixte; ainsi, la Couronne pourrait opter pour une procédure sommaire en cas d'infractions mineures et procéder par voie de mise en accusation pour les infractions graves.
    En ce qui concerne la mise en accusation, le député a raison de dire que la peine maximale serait de 14 ans. Cependant, sur le plan de la procédure sommaire, la peine maximale serait de 18 mois pour un adulte vendant du cannabis à un jeune, alors qu'elle serait de six mois pour la vente entre adultes.
    Le projet de loi C-45 accorde une plus grande souplesse au chapitre du prononcé de la sentence au système de justice pénale, notamment à la Couronne et aux tribunaux, leur permettant de mieux tenir compte de la gravité de l'infraction. Il offre aux tribunaux une souplesse supérieure leur permettant de composer avec un éventail de possibilités sur le plan de la sentence au lieu de ne prévoir qu'une infraction punissable par mise en accusation pouvant donner lieu à une peine d'emprisonnement à perpétuité.
    Merci.
    Lorsqu'il s'est penché sur les arguments favorables et défavorables aux restrictions relatives aux produits mangeables, le groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a majoritairement conclu que le fait d'autoriser la consommation de tels produits permettait de mieux prévenir les risques pour la santé. Les produits du cannabis mangeables offrent la possibilité de dissuader les consommateurs de fumer du cannabis et de les protéger des dommages pulmonaires que cette pratique peut causer.
    Je demanderais donc à la représentante du ministère de la Santé pourquoi le gouvernement fédéral a fait fi de cette recommandation?
    Je pense qu'il est manifeste, dans le projet de loi, que le gouvernement s'intéresse à une vaste gamme de produits. Si nous voulons réussir à combattre le marché illégal, nous devons offrir quelque chose qui nous permettra d'y faire concurrence. Il faut donc proposer un éventail de produits.
    Le gouvernement a l'intention d'autoriser les produits mangeables. Comme je l'ai indiqué, nous avons besoin d'un peu de temps pour élaborer des règlements et pour consulter l'industrie et d'autres parties avant de les faire entrer en vigueur, mais nous avons l'intention d'autoriser ces produits le plus rapidement possible une fois la loi en vigueur.

  (1010)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Eyolfson.
    La culture à domicile soulève quelques préoccupations, particulièrement au chapitre du contrôle de la qualité. Comment assurerait-on la qualité quand les gens cultivent le cannabis eux-mêmes? Quels sont les points dont on tient compte sur le plan de l'innocuité?
    Les gens peuvent depuis longtemps brasser leur propre bière et élaborer leur propre vin à la maison. Puis-je vous demander en quoi la disposition à cet égard serait similaire ou différente de celle autorisant actuellement ces activités?
    J'apporterai quelques précisions à ce propos. Dans son rapport, le groupe de travail a admis que dans bien des situations, les gens cultivent une petite quantité de plants en toute sécurité chez eux. Bien entendu, à titre d'organisme de réglementation dans le domaine de la santé, nous voulons jouer notre rôle pour veiller à ce que les Canadiens connaissent les risques potentiels afférents à la culture du cannabis à domicile.
    Aux termes du régime actuel d'accès à des fins médicales, certaines dispositions autorisent les gens à cultiver du cannabis à des fins médicales. Nous faisons énormément d'éducation pour aider les Canadiens à connaître les précautions qu'ils devraient prendre.
    Par exemple, nous voulons les encourager activement à prendre des mesures pour empêcher les enfants d'avoir accès au cannabis, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur. Nous encourageons également les gens à assurer une ventilation suffisante, particulièrement s'ils cultivent les plants à l'intérieur.
    Il faut pouvoir éliminer des plants l'humidité excessive qui pourrait engendrer de la moisissure dans les édifices.
    Si les gens emploient des produits chimiques comme des pesticides, nous les encourageons à examiner les renseignements très importants que nous fournissons.
    Ces démarches constitueraient, selon moi, un volet actif des efforts que nous déployons pour veiller à ce que les Canadiens soient bien informés des choses dont ils doivent tenir compte s'ils décident de cultiver du cannabis en vertu de la nouvelle loi.
    Merci.
    Santé Canada est-il au fait d'événements fâcheux ou de problèmes de santé répandus en ce qui a trait à la production de vin et de bière à domicile, une pratique qui existe déjà?
    Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.
    Merci. Ça va.
    Il y a quelques semaines, dans le cadre d'une assemblée publique sur le sujet, j'ai été approché par des détaillants de ma circonscription qui vendent des accessoires utilisés pour la consommation de cannabis. Dans le jargon, on appelle ces boutiques des « head shops ». Ces détaillants se sont dits inquiets de l'impact que pourrait avoir cette mesure législative sur la façon dont ils font des affaires et ce qu'ils pourraient devoir faire différemment en vertu de la nouvelle législation.
    La mesure législative proposée aborde la question des accessoires. Je crois que la meilleure façon de comprendre ce que propose cette mesure, c'est de dire que rien dans le texte ne laisse entendre que le gouvernement devrait réglementer la production ou la fabrication de ces accessoires. Toutefois, leur vente, promotion et mise en marché y sont abordées. Dans de nombreux cas, les dispositions de cette mesure législative — par exemple, celles concernant la publicité et la promotion —  s'appliquent autant au cannabis lui-même qu'aux accessoires utilisés pour sa consommation.

  (1015)  

    Merci. Ces informations sont utiles.
    J'aimerais seulement préciser une chose. Je crois déjà connaître la réponse, mais je veux m'assurer que cette information ne passe pas inaperçue. Disons qu'une province juge qu'elle ne sera pas prête à temps et qu'elle décide de ne pas agir dans ce dossier et de ne pas participer à ce processus. Un résidant de ces provinces pourra-t-il obtenir du cannabis par l'entremise d'un réseau en ligne ou d'un réseau de transactions postales?
    Cette question a été abordée un peu plus tôt. La mesure législative a été conçue de façon à ce que les provinces et territoires puissent occuper cet espace et à ce qu'ils soient responsables de la vente et de la distribution de cannabis. Si une province ou un territoire est incapable de s'acquitter de cette responsabilité au moment de l'entrée en vigueur de la mesure législative, nous mettrons en place un mécanisme permettant aux producteurs détenteurs d'une licence fédérale de fournir leurs produits directement aux résidants de cette province ou de ce territoire.
    Le gouvernement est conscient qu'au moment où cette mesure législative entrera en vigueur, et que les adultes pourront posséder légalement du cannabis, il serait très important que tous les adultes qui le souhaitent aient accès à une réserve de cannabis de qualité contrôlée, peu importe la région où ils habitent au pays. Nous aurons cette capacité.
    D'accord. Merci.
    Ceci met fin à cette partie de la séance. Je tiens à remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation. Je crois qu'ils ont bien répondu à nos questions.
    De toute évidence, vous avez beaucoup travaillé pour faire évoluer ce dossier. Il est incroyable de voir tout le travail que vous avez fait et la façon dont vous avez répondu aux questions.
    J'aurais deux questions brèves à vous poser.
    Pour revenir aux ménages et à la capacité de cultiver ses propres plants, qu'arrive-t-il si une famille possède deux ménages, soit une résidence principale et une maison d'été? Les deux sont-elles reconnues comme des ménages distincts ou comme un seul ménage?
    Aussi, est-il possible de cultiver les plants à l'intérieur ou à l'extérieur? Existe-il une quelconque réglementation à ce sujet?
    Monsieur le président, je répondrai d'abord à votre deuxième question et demanderai ensuite à ma collègue, Mme Labelle, de répondre à votre première question.
    La mesure législative permet la culture des plants à l'intérieur ou à l'extérieur. Évidemment, elle reconnaît également que les provinces, territoires ou municipalités peuvent exercer leur propre autorité et imposer des mesures de contrôle supplémentaires, limitant la culture des plants à l'intérieur.
    Je demanderai maintenant à Mme Labelle de répondre à votre première question.
    Selon le projet de loi C-45, tout adulte peut cultiver jusqu'à quatre plants à sa maison d'habitation. Comme nous l'avons déjà entendu, cette culture peut se faire à l'intérieur ou à l'extérieur, mais elle doit se faire là où habite habituellement l'adulte concerné. Tout devient donc une question de faits. Si l'individu habite habituellement à son chalet sept mois par année, ce chalet peut être considéré comme sa maison d'habitation. S'il habite habituellement le centre-ville d'Ottawa sept mois par année, sa résidence au centre-ville serait alors considérée comme sa maison d'habitation.
    Merci beaucoup.
    Je tiens encore une fois à remercier les témoins. Nous allons maintenant suspendre la séance jusqu'à 10 h 45.

  (1015)  


  (1045)  

    Reprenons. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-45. Nous accueillons maintenant un groupe de représentants fédéraux, provinciaux et territoriaux, ainsi que des représentants de l'industrie pharmaceutique. Nous vous souhaitons à tous la bienvenue. Nous accueillons l'honorable Anne McLellan, conseillère principale, Bennett Jones, à titre personnel; Me Michael Spratt, avocat criminaliste; Dr Mark Ware, professeur agrégé, Département de médecine familiale, Université McGill; M. David Johnston, président-directeur général, Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique; et Mme Shelita Dattani, directrice, Développement de la pratique et application des connaissances, Association des pharmaciens du Canada.
    Si j'ai bien compris, l'honorable Anne McLellan et le Dr Ware partageront leur temps de parole.
    Vous disposez en tout de 10 minutes. Je vous laisse décider comment vous allez partager ce temps de parole.
    Monsieur le président, nous pensions disposer chacun de 10 minutes.
    Le greffier me dit que c'est possible.
    Très bien.
    Vous voyez? Il est facile de s'entendre avec nous.
    Nous souhaitons recueillir le plus d'information possible. Madame McLellan, vous avez donc la parole.
    Très bien. Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour à tous. J'aimerais d'abord dire que je suis très heureuse d'être de retour dans la Cité parlementaire. Je dois admettre que je suis stupéfaite par la transformation de l'édifice Wellington. Il s'agit d'un édifice très impressionnant. Il n'existait pas dans sa forme actuelle lorsque j'étais ici.
    Comme vous le savez déjà, mon nom est Anne McLellan. J'ai agi à titre de présidente du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis. Je suis accompagnée aujourd'hui du vice-président du groupe de travail, Mark Ware. Nous sommes ici pour vous donner un aperçu du travail et des recommandations du groupe de travail. Le groupe de travail avait pour mandat de mener des consultations et de fournir des conseils indépendants sur la conception d'un nouveau cadre législatif et de réglementation.
    Nos travaux ont mené à la production d'un rapport intitulé Un cadre pour la légalisation et la réglementation du cannabis au Canada que nous avons remis aux ministères de la Justice, de la Sécurité publique et de la Santé, et publié le 13 décembre 2016 à l'intention de tous les Canadiens. Ce rapport contient plus de 80 recommandations. Nos conseils portent sur les mesures de protection qu'il serait important, selon nous, d'adopter pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement, soit mieux protéger la santé et la sécurité des Canadiens en réglementant l'accès au cannabis.
    Pendant cinq mois, nous avons sillonné le pays et entendu ce qu'avaient à nous dire les Canadiens, y compris des représentants des communautés autochtones, des parents, des jeunes, des militants, des producteurs et des patients qui consomment du cannabis à des fins médicales. Nous nous sommes entretenus avec des spécialistes et des organisations qui nous ont partagé leurs divers points de vue et aidés à comprendre la complexité de la légalisation et de la réglementation. Nous avons rencontré des représentants des gouvernements provinciaux, territoriaux, municipaux et autochtones qui ont insisté sur le fait qu'une collaboration étroite entre tous les ordres de gouvernement était nécessaire.
    Nous nous sommes rendus au Colorado et à Washington et nous sommes entretenus avec des représentants du gouvernement de l'Uruguay — le seul autre pays au monde à avoir légalisé l'accès au cannabis — afin d'apprendre de gens ayant participé directement à la mise en place de réseaux d'accès légal au cannabis. Nous avons également reçu près de 30 000 réponses de spécialistes, d'organisations et de Canadiens qui ont pris le temps de répondre à notre questionnaire en ligne.
    Dans le cadre de vos audiences, vous entendrez, comme nous, divers points de vue réfléchis, éclairés et passionnés sur une multitude de questions relatives à la légalisation et à la réglementation du cannabis. Certains de ces points de vue seront contradictoires. En tenant compte de l'expérience et de l'expertise des gens que nous avons consultés, nous avons cherché à trouver un équilibre entre adopter des restrictions appropriées pour minimiser les méfaits associés à la consommation de cannabis et fournir aux adultes l'accès à un approvisionnement réglementé de cannabis. De plus, nous souhaitions réduire la portée et la taille du marché illicite et les dommages sociaux qu'entraîne ce marché.
    Nous avons également conclu qu'il serait judicieux de procéder avec prudence. Nous sommes seulement le deuxième pays à aller de l'avant dans ce dossier, et ceux qui nous ont précédés dans cet exercice nous ont prévenus qu'il y aurait des surprises. Bien qu'il y ait des leçons importantes à tirer de ce qui s'est fait ailleurs, la conception et la mise en oeuvre d'un réseau national canadien constituent une entreprise unique. Cette approche équilibrée et prudente axée sur la protection de la santé et de la sécurité a permis d'orienter les conclusions du groupe de travail sur les questions les plus controversées.
    J'aimerais attirer votre attention sur deux de ces questions afin d'illustrer notre approche.
    Le groupe de travail a été quelque peu surpris de constater l'étendue des discussions qu'a entraînées la question de l'âge minimum pour l'achat de cannabis lors de nos consultations. Les délibérations du groupe de travail sur la question en font foi et nous avons réfléchi sérieusement aux diverses recommandations proposant un âge minimum allant de 18 à 25 ans.

  (1050)  

    Nous comprenons les risques accrus associés à la consommation de cannabis en bas âge. Selon certaines recherches, la consommation de cannabis à l'adolescence pourrait nuire au développement du cerveau. Pourtant, nous savons également que les adultes âgés de 18 à 24 ans représentent le segment de la population le plus susceptible de consommer du cannabis. En 2015, près de 30 % des membres de cette cohorte ont dit avoir consommé du cannabis au cours de l'année. L'adoption d'un âge d'accès trop élevé pourrait entraîner un éventail de conséquences involontaires, comme inciter les jeunes adultes à continuer de se procurer du cannabis sur le marché illégal où il n'y a aucune mesure de contrôle de la qualité, notamment.
    Nous avons appris  — et il en a été question plus tôt avec des fonctionnaires — que les prohibitions pénales en vigueur aujourd'hui et qui existent depuis plus de 90 ans ont peu fait pour prévenir l'accès au cannabis et dissuader les gens de consommer du cannabis. En 2016, 80 % des infractions liées au cannabis concernaient la possession et 18 000 accusations de possession de cannabis ont été portées. Nous avons également entendu parler de la stigmatisation associée à la mise en état d'arrestation et des conséquences à vie potentielles pour les jeunes adultes qui se retrouvent avec un casier judiciaire pour simple possession de cannabis.
    En proposant un âge minimum fédéral de 18 ans, tout en respectant les intérêts des provinces et territoires qui souhaiteraient fixer un âge plus élevé, notre objectif était de trouver un équilibre entre la nécessité de protéger les mineurs et de réduire le marché illicite. Le groupe de travail a également conclu qu'à elle seule, l'imposition d'un âge limite était insuffisante pour décourager et retarder la consommation de cannabis. Nous avons recommandé l'adoption de mesures préventives robustes, comme la sensibilisation continue du public et l'adoption d'une réglementation judicieuse, afin d'exercer un meilleur contrôle sur l'accès au cannabis et sa consommation par les jeunes adultes et d'atténuer les risques de cette consommation pour la santé.
    La question de la culture à domicile a également suscité un débat important et des arguments convaincants ont été avancés pour et contre cette culture. Des préoccupations ont été soulevées quant aux risques pour la santé et la sécurité associés à la culture à domicile, aux obstacles à une surveillance adéquate, notamment en ce qui a trait aux enfants, et à la facilité potentielle avec laquelle le produit pourrait se retrouver sur le marché illégal. Toutefois, il était clair pour nous que ces préoccupations concernaient principalement, mais pas exclusivement, les cultures clandestines à grande échelle, et non la culture à domicile à petite échelle.
    Des arguments fondés sur la conviction que la culture responsable et sécuritaire à domicile est possible si elle est encadrée par des limites et des mesures de protection appropriées ont aussi été présentés. Au bout du compte, le groupe de travail a recommandé de permettre la culture à domicile, mais de limiter celle-ci à quatre plants par ménage, d'interdire tout processus de production dangereux, d'adopter des mesures de sécurité raisonnables, notamment en ce qui a trait aux enfants, et d'avoir recours aux autorités locales pour la surveillance. Selon nous, cette recommandation tient compte des préoccupations soulevées en matière de santé et de sécurité et offre un cadre permettant aux adultes respectueux de la loi de faire la culture du cannabis à petite échelle et pour consommation personnelle, un peu comme la production à domicile de boissons alcoolisées déjà permise.
    Nos recommandations sur la culture à domicile ne devraient en aucun cas être interprétées comme quoi nous fermons les yeux sur les cultures clandestines à grande échelle dont il a été question dans les médias et qui posent des risques importants pour la santé et la sécurité des Canadiens, y compris les policiers et les premiers intervenants. Disons que les points de vue sur ces questions — l'âge et la culture à domicile — étaient divergents et passionnés. Nos recommandations témoignent du fait qu'en s'engageant sur cette nouvelle voie, le Canada doit agir de façon judicieuse et pragmatique.
    Nous devons également tenir compte de l'expérience de ceux qui ont déjà emprunté la voie de la légalisation, même s'ils sont peu nombreux. L'expérience du Colorado, un des pionniers dans la réglementation du cannabis, est encourageante. Le gouverneur du Colorado, John Hickenlooper, et la procureure générale de l'État, Cynthia Coffman, ont récemment écrit au procureur général des États-Unis, Jeff Sessions, pour faire le point sur les progrès réalisés et dissiper certaines des fausses idées entourant la légalisation du cannabis.
    Ils ont fait remarquer que malgré les craintes de nombreux observateurs, les statistiques ne montrent aucune augmentation importante de la consommation du cannabis chez les jeunes après la légalisation. Je suis heureuse d'apprendre que, selon les dernières statistiques disponibles, cette même tendance a été observée dans l'État de Washington. Ces résultats sont en grande partie attribuables aux dispositions réglementaires rigoureuses adoptées pour prévenir la consommation du cannabis, comme des exigences relatives à la vérification de l'âge, des interdictions relatives à la publicité, à l'emballage et à la vente de produits attirants pour les enfants et une campagne de sensibilisation publique rigoureuse qui attire l'attention sur les conséquences de la consommation de cannabis.

  (1055)  

    De façon similaire, bien que les premières données montrent une augmentation du nombre de visites en salle d'urgence pour des raisons liées au cannabis, les plus récentes données publiées au Colorado montrent un renversement de cette tendance. Encore une fois, cette tendance est attribuable aux campagnes de sensibilisation publique ciblées sur les risques associés à la consommation et la nécessité d'assurer une consommation et un entreposage sécuritaires. Par exemple, tous les emballages de produits de cannabis comestible au Colorado doivent être refermables et sans danger pour les enfants.
    Bien qu'il soit impossible de garantir des résultats similaires au Canada, il est tout de même encourageant de voir que les éléments d'information les plus récents au Colorado montrent que les préoccupations soulevées initialement concernant la légalisation du cannabis ne semblent pas se confirmer. Le Canada peut tirer des leçons de ces expériences, soit que l'adoption de politiques bien fondées, une campagne de sensibilisation publique robuste et l'application du cadre réglementaire peuvent atténuer bon nombre des risques perçus de la légalisation.
    J'ai souvent dit qu'il sera essentiel pour le gouvernement de demeurer vigilant et d'être prêt à corriger le tir en fonction des éléments d'information disponibles. Il y aura des obstacles imprévus et des conséquences involontaires. Grâce à une surveillance attentive et étroite et à une volonté d'adaptation, il sera possible de réagir efficacement aux situations au fur et à mesure qu'elles se présenteront.
    Merci, monsieur le président. Je suis impatiente de répondre aux questions des membres.
    Merci beaucoup. Je suis convaincu que les membres auront de bonnes questions à vous poser.
    Docteur Ware, vous avez la parole.
    Bonjour à tous. Mon nom est Mark Ware et j'ai agi à titre de vice-président du Groupe de travail pour la légalisation et la réglementation du cannabis.

[Français]

     J'ai le plaisir d'être en mesure de m'adresser aujourd'hui à ce comité. J'espère pouvoir fournir quelques suggestions à propos de la période où j'ai été coprésident du groupe de travail et faire également un parallèle avec mon expérience professionnelle.

[Traduction]

    Je crois que la plus grande contribution que je pourrais apporter au Comité serait de fournir le point de vue d'un chercheur sur les données actuelles concernant le cannabis, y compris ses méfaits et avantages potentiels; de souligner certains des défis que pourraient présenter pour vous les éléments d'information dans le cadre de vos examens; de partager avec vous les réflexions et conclusions du groupe de travail concernant les conséquences que pourrait avoir la légalisation sur l'accès au cannabis à des fins médicales; et, finalement, mettre en évidence l'importance de la recherche en appui à une politique publique bien fondée.

[Français]

    À titre de médecin clinicien se concentrant particulièrement sur la gestion de la douleur, j'étudie depuis longtemps le cannabis à des fins médicales. J'ai pu constater moi-même le changement de paradigme au sein de la culture canadienne qui nous a menés au moment où nous prévoyons mettre en oeuvre un cadre pour le cannabis légal. Il s'agit d'un changement vraiment remarquable, mais il est important de se rappeler que ce fut un long processus, qui a débuté en 1996 par la légalisation du chanvre pour aboutir au cadre réglementaire sur le cannabis à des fins médicales au cours des années 2000.

  (1100)  

[Traduction]

    Mes propres recherches et les nombreuses conversations qu'a eues le groupe de travail avec des spécialistes de partout au pays montrent clairement qu'il y a une grande variété de points de vue réfléchis, parfois divergents, et parfois très colorés sur le cannabis. J'ai appris que personne n'a le monopole de la vérité en ce qui a trait au cannabis. C'est ce qu'a souligné Mme McLellan, et je crois qu'il est important de le réitérer.
    Au cours de cette semaine de témoignages, vous entendrez de nombreux points de vue différents. Idéalement, toutes nos décisions cliniques et recommandations stratégiques devraient être fondées sur des données claires et bien documentées. Toutefois, à la suite des nombreuses conversations qu'il a eues et des nombreuses lectures qu'il a effectuées, le groupe de travail a compris que, dans de nombreux domaines, il y a un manque de recherches complètes et de grande qualité pour alimenter la politique sur le cannabis. Dans bien des cas, il ne fait aucun doute que les données sont souvent inexistantes, incomplètes ou non concluantes. C'est la raison pour laquelle nos recommandations s'appuient sur des faits et non sur des données.
    Ceci est particulièrement évident lorsque l'on examine les méfaits liés à la consommation de cannabis. Des témoins feront référence à des études qui parlent de liens entre la consommation fréquente de cannabis et des maladies mentales, comme la psychose, et à d'autres études qui parlent d'effets à court terme sur la mémoire, l'attention et les fonctions psychomotrices. Pourtant, il existe également des arguments selon lesquels de nombreux individus aux prises avec divers problèmes médicaux sérieux pourraient tirer un avantage thérapeutique de la consommation de cannabis, notamment pour la gestion de la douleur.
    Au cours des prochains jours, vous entendrez beaucoup parler des liens entre le cannabis et plusieurs résultats liés à la santé. Vous avez probablement déjà votre propre opinion sur certaines de ces questions. Vous comprendrez sans doute rapidement que bon nombre de ces liens sont incertains. Même au sein de la communauté scientifique, la force et l'orientation de ces liens font l'objet d'un débat.
    Une chose qui m'a particulièrement frappé lors de mon examen des données sur la consommation de cannabis est le manque d'uniformité dans la quantification de la consommation. On parle de la fréquence de consommation — quotidienne, hebdomadaire, mensuelle —, mais rarement de la puissance du cannabis lui-même. La quantité de THC varie énormément en fonction de la méthode de préparation du cannabis. Pourtant, cet aspect est rarement examiné dans le cadre d'études épidémiologiques et de recherches. Cette information est extrêmement importante pour comprendre les effets sur le cerveau et certains comportements.
    C'est à cet égard que la légalisation et la réglementation du cannabis pourraient avoir un impact important. Nous serons en mesure de quantifier de façon précise la consommation de cannabis. En sachant ce que consomment vraiment les gens, nous pourrons en apprendre davantage sur la formulation de la puissance du cannabis et les taux de concentration de THC ou de CBD en pourcentages ou en milligrammes par dose. Cela nous permettra de mener des recherches plus informées et, par conséquent, de mieux informer le public.

[Français]

     Cette opposition entre les risques et les avantages potentiels est un des éléments dont le Comité devra tenir compte quand il examinera divers sujets et qu'il prendra connaissance de différents points de vue.
    Vous découvrirez qu'il n'y a pas de panacée pouvant clarifier tous ces points de vue. Le fait est que la recherche actuelle ne mène pas à un consensus. Il est important de comprendre et d'accepter ce fait.

[Traduction]

    La question de l'accès à du cannabis à des fins médicales est un bon exemple des questions qui suscitent des points de vue divergents. D'un côté, il y a ceux qui croient nécessaire de créer un système distinct pour le cannabis à des fins médicales — notamment des groupes de patients — afin de préserver leurs relations avec les professionnels de la santé et leur accès à des produits spécialisés de cannabis à des fins médicales. Ils insistent sur le fait qu'ils consomment du cannabis par nécessité, et non par choix, et craignent que leurs besoins ne soient pas satisfaits et que leurs droits d'accès ne soient pas respectés sous un système unique.
    D'un autre côté, d'autres, principalement des représentants de la communauté médicale, prétendent que la mise en place d'un système dédié au cannabis à des fins médicales n'est pas nécessaire, car en raison de la fin de la prohibition, ceux qui ont besoin de cannabis à des fins médicales pourront s'en procurer sur le marché général du cannabis. Étant donné le manque de données et les inquiétudes entourant le fait d'être responsable d'autoriser la consommation d'une substance non approuvée sur le plan médical, les membres de la communauté médicale ne veulent pas jouer le rôle de protecteur. D'autres ont souligné les défis associés à la gestion et à l'application d'un double système.
    Au bout du compte, en tenant compte des points de vue différents et en s'appuyant sur des principes de prudence et d'équilibre, le groupe de travail a conclu que la façon la plus raisonnable de procéder était de conserver le système médical dans sa forme actuelle et de réévaluer les besoins dans cinq ans, une fois que le réseau légal aura été établi. Le manque de consensus sur les différentes questions met en évidence la nécessité d'effectuer plus de recherche afin d'assurer une surveillance, une évaluation et une communication systématiques, non seulement pour mieux comprendre et atténuer les risques associés à la consommation problématique, mais aussi pour comprendre les avantages potentiels de la consommation.
    Le groupe de travail a entendu des témoignages convaincants de patients sur les avantages qu'ils tirent de la consommation de cannabis, ainsi que de chercheurs de la communauté médicale qui souhaitent plus de données afin de mieux comprendre le potentiel thérapeutique du cannabis. Il serait dans l'intérêt à la fois des médecins et des patients d'effectuer plus de recherches scientifiques et cliniques sur les usages thérapeutiques du cannabis et des cannabinoïdes associés. La capacité de recherche au Canada est très forte, de l'agriculture scientifique à la psychiatrie, de la neuroscience aux sciences infirmières, des essais cliniques à la pratique communautaire. La discussion canadienne sur la légalisation du cannabis a déjà encouragé des communautés de chercheurs à discuter du programme de recherche et d'éducation nécessaire pour soutenir et guider le changement d'orientation stratégique. Il s'agit d'une occasion pour le Canada de jouer un rôle de chef de file à l'échelle internationale sur des questions d'importance mondiale.

  (1105)  

[Français]

     Le Canada s'engage sur une nouvelle voie, une voie qui lui fournira des occasions d'effectuer des recherches supplémentaires afin de mieux comprendre les méfaits et les avantages du cannabis. Alors que le nombre de données probantes augmente et que celles-ci sont mieux comprises, nous pouvons apprendre de ces leçons et en tenir compte lors de la mise en oeuvre de nos programmes et de nos politiques, afin de mieux protéger la santé et la sécurité publiques.
    Je considère qu'il s'agit d'une occasion unique et emballante pour le Canada de devenir un leader mondial dans ce domaine.

[Traduction]

    En s'appuyant sur toutes les consultations qu'il a menées, le groupe de travail a produit un rapport qu'il a remis aux ministres. Je suis ici aujourd'hui pour vous fournir mes commentaires, convaincu que le Canada est bien placé pour entreprendre ce travail avec précaution et de façon sécuritaire.
    Merci.
    Merci beaucoup pour ces commentaires. Vous avez bien souligné le défi qui nous attend.
    Maître Spratt, vous avez la parole pour 10 minutes.
    Merci. Je suis honoré et me sens privilégié d’avoir été invité à venir témoigner devant le Comité. Mon nom est Michael Spratt. Je suis avocat criminaliste. Je me limiterai à cela en guise de présentation. Vous trouverez des renseignements plus détaillés à mon sujet dans mon mémoire qui vous sera remis prochainement, une fois qu'il aura été traduit.
    Le 21 février 2010, pendant qu’un jeune homme nommé Michael Swan regardait le match de hockey pour la médaille d’or entre le Canada et les États-Unis, trois jeunes hommes de Toronto circulaient en direction d’Ottawa sur une autoroute peu éclairée. Ces trois jeunes hommes, qui seront connus sous le nom des « Toronto three », avaient un plan pour faire un coup d’argent; ils allaient voler la marijuana de Michael Swan. Un peu plus tard le même soir, Michael Swan a été tué d’une seule balle qui lui a transpercé le poumon et déchiré le coeur.
    Michael Swan n’avait rien de particulier. C’était un adolescent type issu d’une bonne famille. Il avait des amis proches et, comme l’ont déjà fait près de la moitié des Canadiens, il fumait de la marijuana. Il vendait également de la marijuana, principalement à ses amis, mais une rumeur selon laquelle il possédait une grande quantité de marijuana s'était rendue jusqu'à Toronto.
    J’ai représenté un des membres du Toronto three. Comme M. Swan, il était âgé de 19 ans. Il n’avait aucun casier judiciaire. Ce n’est pas lui qui a tiré sur M. Swan, mais il était présent lorsque le meurtre a été commis. Il a été reconnu coupable de meurtre au second degré et a été condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité.
    Il y a de ces cas que l’on n’oublie pas; cela fait partie de la réalité d’un avocat criminaliste. On se souvient souvent d’une affaire en raison du résultat, une victoire inattendue ou une condamnation injustifiée. Je me souviens de l’affaire Swan, car il s’agissait d’une affaire tragique — un jeune homme a été tué, trois jeunes hommes ont été condamnés à la prison à vie et une famille a été détruite. Malheureusement, il ne s’agit pas d’un cas isolé. Dans les faits, la criminalisation de la marijuana tue.
    Mais, ce n’est pas tout ce qu’elle fait. La criminalisation de la marijuana épuise aussi les ressources judiciaires et détourne l’attention des ressources policières des activités vraiment nuisibles. Les poursuites pour des infractions liées à la marijuana entraînent un casier judiciaire et stigmatisent indûment des citoyens autrement respectueux de la loi. La criminalisation de la marijuana touche de façon disproportionnée les jeunes, les personnes marginalisées, les membres de communautés qui font l’objet d’une surveillance policière abusive ou les personnes racialisées. Il y a effectivement des échos de racisme et de préjudice dans notre législation sur les drogues. Il faudrait féliciter le gouvernement d’avoir fait les premiers pas hésitants vers l’adoption d’une politique rationnelle et efficace sur les drogues.
    Le projet de loi C-45 est prometteur, mais il y a place à amélioration, car il comporte aussi de sérieuses lacunes.
    Par exemple, le projet de loi C-45 ne propose aucune mesure pour aider les dizaines de milliers de Canadiens stigmatisés par les casiers judiciaires contre-productifs qu’ils se sont vu imposer dans le cadre de la guerre contre la drogue. La Loi sur le casier judiciaire a été adoptée en 1970 afin d’étendre la prérogative royale discrétionnaire de clémence. La Loi explique en détail la procédure que doivent suivre les personnes reconnues coupables d’infractions criminelles qui souhaitent obtenir un pardon. En vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, adopté en en 1985, les employeurs ne peuvent plus utiliser les infractions pour lesquelles une personne a été pardonnée aux fins de discrimination. Des lois semblables ont également été adoptées par les provinces.
    Il est dans l’intérêt public d’avoir un régime de pardon solide. La réintégration des contrevenants est dans l’intérêt de la société. La logique veut que l’élimination, même partielle, de la stigmatisation associée à une condamnation facilite la réintégration des contrevenants. Il est bien documenté que la stigmatisation continue des contrevenants est inefficace pour réduire les risques des récidives. Ceux qui ont un casier judiciaire ont plus de difficulté à trouver un emploi et un logement et à traverser les frontières internationales, et ils sont moins susceptibles de pouvoir profiter pleinement des perspectives éducatives. Le projet de loi C-45 ne propose aucune mesure, comme les pardons automatiques, rapides et subventionnés, pour les individus reconnus coupables d’une infraction qui n’en serait pas une en vertu du projet de loi C-45.
    De plus, le projet de loi C-45 ne contient aucune mesure pour modifier les dispositions inconstitutionnelles actuelles de la Loi sur le casier judiciaire qui ont prolongé de façon rétroactive les périodes d’admissibilité au pardon. Ces modifications rétroactives ont été jugées inconstitutionnelles et en violation de la Charte canadienne des droits et libertés par des tribunaux en Ontario et en Colombie-Britannique. J'étais l'un des avocats dans l'affaire en Ontario. Les deux tribunaux ont déclaré que ces modifications concernant le prolongement rétroactif des périodes d'admissibilité au pardon étaient inopérantes. Toutefois, ces dispositions inconstitutionnelles relatives au pardon demeurent en vigueur dans le reste du pays. Donc, ceux qui n'habitent pas en Ontario ou en Colombie-Britannique sont assujettis à une loi inconstitutionnelle.

  (1110)  

    Le projet de loi C-45 devrait modifier la Loi sur le casier judiciaire de façon à éliminer l’application inconstitutionnelle rétroactive des périodes d’admissibilité prolongées et de rétablir les périodes en vigueur avant ces amendements. Les individus reconnus coupables d’infractions liées à la marijuana, qui ne seraient pas considérées comme des infractions en vertu du projet de loi C-45, devraient pouvoir profiter de périodes d’attente moins longues. Actuellement, un délinquant de 18 ans qui en est à sa première infraction et qui est reconnu coupable de possession simple de marijuana le jour précédant l’entrée en vigueur du projet de loi C-45 devra attendre cinq ans avant d’être admissible à une suspension de son casier judiciaire. Le projet de loi C-45 doit remédier à cette situation.
    Le projet de loi C-45 est une mesure législative complexe inutile qui, dans de nombreuses circonstances, ne modifie en rien la criminalisation de la marijuana. Un adulte en possession de plus de 30 grammes de marijuana en public est un criminel. Un jeune en possession de plus de cinq grammes de marijuana est un criminel. Un individu de 18 ans qui partage un joint avec son ami de 17 ans est un criminel. Un adulte qui cultive cinq plants de marijuana ou qui possède un plant de 101 cm est un criminel.
    Cette criminalisation continue va à l’encontre d’une politique de justice criminelle rationnelle et fondée sur des données probantes et ne fera qu’atténuer certaines des conséquences positives du projet de loi C-45. L’impact disproportionnel de la criminalisation continue des jeunes est un anathème à une politique de justice criminelle. Aucune autre disposition du Code criminel ne criminalise un jeune pour un acte jugé légal s’il est posé par un adulte.
    La politique inefficace sur les drogues en vigueur depuis plus de 100 ans a démontré que la criminalisation est un mécanisme déficient et inefficace pour décourager la possession de drogue. Bref, il n’y a aucune raison de croire que rendre criminelle pour un jeune la possession de plus de cinq grammes de marijuana sera plus efficace que la criminalisation actuelle pour décourager les jeunes de posséder de la marijuana. La distinction entre la marijuana légale et illégale et la criminalisation asymétrique de la marijuana ne fera que maintenir l’application disproportionnée de la loi contre les jeunes, les personnes marginalisées et les membres racialisés de notre société.
    Même en vertu de cette nouvelle loi, la marijuana demeurera, dans bien des cas, criminalisée, sauf que les membres de l’escouade de la moralité du gouvernement devront maintenant garder avec eux une règle et apprendre à faire la différence entre la marijuana légale et illégale.
    Le projet de loi C-45 met également en place un mécanisme législatif permettant aux agents de police de faire preuve de discrétion et, dans certains cas, d’émettre une contravention plutôt que de porter des accusations criminelles. Il s’agit d’un mécanisme bien intentionné, mais problématique, étant donné ce que nous savons au sujet de la discrétion policière. Il ne faut pas oublier que, de façon disproportionnée, de nombreux groupes marginalisés ne jouissent pas de la discrétion policière. L’option de donner une contravention est appliquée à la discrétion des agents de police. La décision de porter ou non des accusations criminelles est également discrétionnaire et le résultat de cette discrétion est manifeste dans les répercussions discriminatoires de la loi en vigueur. Il n’y a aucune raison de croire que l'option de la contravention changera quoi que ce soit. La légalisation totale et la réglementation de la marijuana permettraient d’éliminer les répercussions discriminatoires de la discrétion policière.
    Il faut reconnaître que le projet de loi C-45 tente d’atténuer les effets préjudiciables des contraventions et propose des dispositions conçues pour empêcher la divulgation des dossiers judiciaires. Toutefois, tout cela dépend de la capacité du contrevenant à s’acquitter d’une amende. Si l’amende associée à la contravention demeure impayée 30 jours après la reconnaissance de culpabilité, le contrevenant ne jouit plus des droits de confidentialité qui empêcheraient la divulgation de son dossier judiciaire. Le problème est évident. Autrement dit, les pauvres qui ne peuvent pas payer les amendes seront davantage stigmatisés par la divulgation de leur dossier judiciaire. Si vous avez les moyens de payer l'amende, votre casier judiciaire est scellé et ne peut pas être divulgué.
    Compte tenu des résultats des recherches menées sur les répercussions des dossiers judiciaires, l’incapacité des pauvres à acheter la confidentialité de leur dossier judiciaire et l’application disproportionnée des lois liées à la marijuana contre les groupes marginalisés, il est probable que les dispositions du projet de loi C-45 relativement à l’émission de contraventions soient jugées en violation de la Charte canadienne des droits et libertés.
    La politique et la législation canadiennes sur les drogues nécessitent une réforme. La guerre contre la drogue a été un échec sur toute la ligne. Les coûts sociaux et financiers de la criminalisation de la drogue surpassent tout bienfait illusoire. Chaque année, une foule de jeunes hommes et de jeunes femmes se font tuer pour des quantités relativement petites de marijuana. Ils se font tuer, car la marijuana est illégale. Il est possible que le projet de loi C-45 limite ce problème, mais il ne l’élimine pas.
    La criminalisation continue de la marijuana impose des sanctions déraisonnables pour un vice qui comporte des risques relativement faibles. Dans la réalité, le fait d’avoir un casier judiciaire limite les possibilités d’emploi, rend plus difficiles les déplacements et entraîne de nombreuses autres conséquences collatérales dévastatrices. Seules la légalisation totale, la décriminalisation et la réglementation de la marijuana protégeront totalement la société et permettront d’éliminer l’ingérence de l’État dans une activité qui, dans le contexte des lois criminelles actuelles, est relativement inoffensive, ainsi que l’injustice et le racisme associés à cette activité.

  (1115)  

    Je me ferai un plaisir de répondre aux questions du Comité.
    Merci beaucoup. Nous sommes ravis d'avoir entendu votre point de vue. Il nous amènera certainement à envisager d'autres avenues.
    Nous allons maintenant céder la parole à M. David Johnston, président-directeur général de l'Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique.
    Je m'appelle David Johnston. Je suis le président et chef de la direction de l'Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique.
    L'ACGAP représente la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique du Canada et regroupe parmi ses membres des distributeurs pharmaceutiques, des chaînes pharmaceutiques autonomes ainsi que des fabricants de médicaments d'ordonnance et de médicaments en vente libre. L'ACGAP a été fondée en 1964 et plusieurs de nos membres distribuent des produits pharmaceutiques en toute sécurité au Canada depuis plus de 100 ans.
    J'aimerais débuter ma déclaration en réitérant l'énoncé selon lequel la distribution n'est pas synonyme de vente au détail.
    Une distribution de gros efficace et coordonnée sera un élément essentiel pour la légalisation réussie et sécuritaire du cannabis. Je vous dirais aussi que la distribution n'a pas encore été considérée comme il se doit par le gouvernement fédéral ni par les gouvernements provinciaux dans leurs activités de planification en cours.
    Permettez que je vous fasse part d'un certain contexte quant à l'industrie de la distribution pharmaceutique.
    Plus de 95 % des produits pharmaceutiques au Canada transitent par un distributeur pharmaceutique. Il s'agit du système de choix des gouvernements et de l'industrie au Canada pour la distribution de produits pharmaceutiques. C'est ainsi que des produits, allant des médicaments en vente libre pour contrer la migraine jusqu'aux substances contrôlées les plus puissantes, sont livrés à plus de 9 000 pharmacies communautaires et 900 hôpitaux à tous les jours.
    Une commande effectuée une journée donnée se trouvera sur une tablette dès le lendemain, et ce, peu importe la situation de la pharmacie. Et du point de vue de la distribution, le coût sera le même indépendamment de la destination. Par conséquent, au Canada, il n'y aurait pas de différence, aucun désavantage du point de vue de la distribution si vous accédiez à vos médicaments dans une petite pharmacie de village rural ou dans une grande pharmacie du centre-ville d'un centre urbain. Ce système sûr, sécuritaire et efficace est l'étalon d'or à l'échelle mondiale et fait l'envie des autres pays et instances.
    Les distributeurs pharmaceutiques agissent aussi comme un tampon contre les pénuries de médicaments, en aidant à aplanir l'offre et la demande entre les pharmacies et les fabricants, et ce, en entreposant plusieurs semaines d'inventaire dans leurs installations et en travaillant avec les fabricants et les gouvernements afin de gérer l'offre de près en temps de pénuries de produits. L'industrie est sévèrement réglementée par Santé Canada qui exige de nombreuses licences et assujettit nos membres à des exigences des plus strictes au plan de la vérification et de la reddition de comptes.
    Un dernier point à souligner dans cette mise en contexte est que les distributeurs pharmaceutiques appuient un système bidirectionnel. Non seulement ils distribuent des produits, mais ils exercent un suivi sur ceux-ci et ont des protocoles en place qui permettent aux produits rappelés d'être retirés du marché et de se retrouver au centre de distribution dans les 36 heures.
    Pour en revenir maintenant à mon énoncé de départ, la distribution n'est pas synonyme de vente au détail. La distribution est le déplacement de produits du producteur à un point d'accès, soit le déplacement d'un producteur agréé à un point d'accès ou un point de détail pour le public. Une distribution efficace est essentielle au succès du cannabis légalisé.
    Les discussions, jusqu'à présent, ont porté sur la production et le point de vente du cannabis légalisé. Des 52 fois que le terme « distribuer » ou une variante ont été utilisés dans le projet de loi C-45, sauf exception, ils référaient à la vente ou au détail, et non aux activités précises de distribution. Le terme « distributeur » n'apparaît pas dans le projet de loi C-45.
    Étant donné ce contexte, je vous suggérerais que la distribution doit être activement discutée et que les distributeurs pharmaceutiques sont les partenaires naturels de la distribution, et ce, aussi bien pour le cannabis médical que récréatif. En profitant de ce système éprouvé et très réglementé, indépendamment du point de détail final, qu'il s'agisse d'un point de détail contrôlé par le gouvernement ou d'un détaillant privé licencié, le Canada évitera les embûches imminentes lorsque la distribution est considérée dans son sens le plus limité du mot, lesquelles embûches ont été vécues dramatiquement et négativement par d'autres instances. Par exemple, au Nevada, qui a récemment légalisé le cannabis, les détaillants ont manqué de stocks seulement deux semaines après leur lancement, sans qu'on puisse profiter de l'inventaire tampon fourni par un modèle de distribution de gros viable.
    Le cannabis devant être légalisé dans moins de 10 mois, l'heure est grave, le gouvernement fédéral et celui des provinces et des territoires étant aux prises avec plusieurs enjeux complexes. Les provinces sont très préoccupées par l'échéancier serré à respecter, que certaines considèrent même comme étant irréaliste, pour se préparer à la légalisation du cannabis.
    D'expérience, nous comprenons ce à quoi les provinces font face. Des complexités considérables et des investissements importants sont associés à l'établissement d'un nouveau régime incorporant les meilleures pratiques pour une chaîne d'approvisionnement très réglementée, sécurisée, économique, mandatée pour protéger la santé et la sécurité publiques, et qui doit fonctionner efficacement et concurrentiellement pour réduire la prévalence du cannabis provenant du marché noir.
    Selon le rapport final du Groupe de travail fédéral, un système de distribution qui fonctionne bien, où la chaîne de possession est bien contrôlée, est essentiel au succès global du nouveau régime. Nous sommes tout à fait d'accord.

  (1120)  

    À l'heure actuelle, la responsabilité de la distribution de cannabis serait confiée aux provinces et aux territoires. Vu les demandes réglementaires que nous devons satisfaire tous les jours dans notre chaîne d'approvisionnement pharmaceutique, nous ne pouvons pas envisager un système de distribution fonctionnel et concurrentiel du cannabis qui reposerait sur une mosaïque de règlements et de modèles provinciaux incorporant le mandat du fédéral en matière de mesures de suivi, de reddition de comptes et de rappels de produits.
    Pourquoi réinventer un système dans chaque province et territoire, alors qu'un système éprouvé existe déjà? Il s'agit d'un système éprouvé et bien établi, qui ne nécessite qu'un minimum d'investissements de la part du gouvernement. Un système éprouvé qui satisfait déjà toutes les exigences définies par le gouvernement fédéral et qui comporte des systèmes existants de supervision et de vérification. Un système éprouvé et économique qui permettra ainsi au marché légal de l'emporter sur le marché noir au plan du prix.
    L'adoption de ce modèle de distribution existant pour la distribution de cannabis procurera une solution clé en main, prête à fonctionner, qui soulagera le système d'un stress important, les grossistes pharmaceutiques ayant déjà une infrastructure et des processus sécuritaires en place pour éviter que le cannabis ne soit détourné. Ce modèle offrira également des services de distribution efficaces et à faible prix, qui assureront la compétitivité des structures de coûts afin d'éloigner le cannabis du marché illicite. Il s'agit d'un modèle de distribution agnostique pouvant servir différents détaillants, qu'il s'agisse de points de vente contrôlés par le gouvernement ou d'autres canaux de détail, un modèle déjà sévèrement réglementé régi par des normes nationales et inspecté par Santé Canada. Il permettra la prestation de données de livraison en temps opportun, fournissant ainsi une transparence complète au gouvernement quant aux déplacements de produits. La capacité de livraison le lendemain même signifie que les détaillants pourront maintenir de faibles stocks, minimisant ainsi les pertes dues au vol. Le modèle permettra également d'assurer une exécution rapide et efficace de rappels de produits.
    L'ACGAP et ses membres recommandent, premièrement, que la distribution soit reconnue comme étant essentielle à la légalisation réussie du cannabis et qu'une distribution efficace devienne un sujet de discussion des plus importants pour le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Deuxièmement, ils recommandent qu'un modèle national soit établi pour la distribution de cannabis afin d'éviter une mosaïque de systèmes de distribution inefficaces et potentiellement dangereux et conflictuels. Troisièmement, ils recommandent que le réseau sûr, sécuritaire, efficace et exhaustif de la distribution pharmaceutique soit considéré comme l'option clé en main pour un système national.
    Enfin, je conclurais mon exposé en revenant à mon énoncé de départ, à savoir que la distribution n'est pas synonyme de vente au détail. Pour que la légalisation du cannabis soit réussie, de solides modèles de production, de distribution et de détail sont tous essentiels. La légalisation du cannabis nécessite la prise de milliers de décisions. En ce qui concerne l'élément essentiel que constitue la distribution, les distributeurs pharmaceutiques offrent une solution éprouvée et clé en main pour une distribution de cannabis sûre, sécuritaire, exhaustive et économique.
    Merci beaucoup. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

  (1125)  

    Merci beaucoup. Nous allons maintenant entendre Mme Shelita Dattani, de l'Association des pharmaciens du Canada.
    Bonjour, tout le monde. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
    Je suis Shelita Dattani. Je suis une pharmacienne praticienne et la directrice du Développement de la pratique et de l'application des connaissances à l'Association des pharmaciens du Canada. Je suis ici aujourd'hui au nom des 42 000 pharmaciens au Canada, qui sont les spécialistes des médicaments dont le travail consiste à veiller à ce que les traitements médicamenteux soient sécuritaires et appropriés pour leurs patients.
    Chaque jour, les pharmaciens agissent à titre d'intendants des médicaments au nom des Canadiens. Nous nous assurons que les médicaments et les dosages conviennent pour chaque patient. Nous détectons et réglons les problèmes liés aux médicaments, et nous travaillons avec les patients pour nous assurer qu'ils comprennent leur pharmacothérapie. Nous examinons également les effets secondaires et les interactions, et nous surveillons l'amélioration de la santé de nos patients dans le cadre de leur traitement.
    Nous voyons un plus grand nombre de patients qui utilisent le cannabis médical depuis la dernière décennie, et les pharmaciens sont de plus en plus préoccupés par la santé et la sécurité de ces patients, surtout ceux qui consomment le cannabis conjointement avec d'autres médicaments traditionnels ou en remplacement de ces médicaments, et ce, souvent sans la supervision d'un pharmacien. Notre inquiétude pour les patients qui consomment du cannabis médical s'accentue à mesure que nous nous dirigeons vers la légalisation du cannabis à des fins récréatives.
    Nous reconnaissons que le projet de loi C-45 se concentre principalement sur la légalisation du cannabis à des fins récréatives, mais il est important que le gouvernement comprenne comment le projet de loi pourrait avoir une incidence sur les patients qui ont besoin de cannabis à des fins médicales dans le cadre de leur plan de traitement de la douleur, de l'épilepsie, de la sclérose en plaques et d'autres problèmes de santé.
    Nous voulons nous attarder sur trois secteurs: la distinction entre le cannabis à des fins médicales et le cannabis à des fins récréatives, le rôle des pharmaciens à l'égard du cannabis à des fins médicales et l'utilisation de termes médicaux tels que « dispensaire » de cannabis à des fins récréatives.
    Depuis mars 2017, Santé Canada a recensé plus de 201 000 patients inscrits pour obtenir du cannabis à des fins médicales par l'entremise de producteurs autorisés ou de production personnelle. Ces patients ont des besoins uniques qui sont différents de ceux des consommateurs de cannabis à des fins récréatives. Les utilisateurs à des fins médicales pourraient avoir besoin de certaines variétés de cannabis pour atténuer leurs symptômes et minimiser l'intoxication, comme le cannabidiol ou CBD, tandis que les usagers à des fins récréatives pourraient rechercher des effets euphorisants et des variétés qui contiennent des teneurs plus élevées en THC. Les utilisateurs de cannabis à des fins médicales doivent également faire l'objet d'une surveillance clinique associée à n'importe quelle pharmacothérapie.
    D'autres instances, telles que les États du Colorado et de Washington, ont légalisé le cannabis. Ils ont conservé différentes variétés en établissant des restrictions, en créant des modes d'accès distincts pour le cannabis à des fins médicales et en traitant le produit à des fins médicales comme étant unique.
    Nous sommes ravis que le gouvernement canadien ait signifié son intention de suivre ces pratiques exemplaires en maintenant deux variétés distinctes lorsque le cannabis à des fins récréatives sera légalisé en 2018, mais nous sommes inquiets que les lacunes actuelles dans le régime médical pourraient être exacerbées par la légalisation du cannabis si des politiques et des pratiques ne sont pas en place pour faire clairement la distinction entre les variétés de cannabis à des fins médicales et celles à des fins récréatives.
    Le coût est un bon exemple. Si le coût du cannabis à des fins récréatives est plus attrayant que celui du cannabis à des fins médicales, ou si l'accès est moins restreint, les patients pourraient opter pour le cannabis à des fins récréatives et seraient ainsi laissés sans surveillance médicale, ce qui pourrait accroître les complications de santé pour les patients à risque élevé. La sécurité de nos patients est primordiale, et nous devons nous assurer que les utilisateurs de cannabis à des fins médicales seront appuyés et protégés par un régime médical lorsque le cannabis à des fins récréatives sera légalisé.
    Il faudra aussi protéger les variétés de cannabis à des fins médicales contre le marché à des fins récréatives pour veiller à ce que l'approvisionnement des variétés de cannabis à des fins médicales soit suffisant pour répondre aux besoins des patients. Les utilisateurs de cannabis à des fins médicales sont souvent des patients vulnérables qui ont essayé de nombreux autres traitements avant de se tourner vers le cannabis ou qui n'ont trouvé qu'une seule variété de cannabis qui atténue leurs douleurs. Les variétés de cannabis à des fins médicales doivent être protégées contre le marché du cannabis à des fins récréatives afin d'éviter qu'il y ait des pénuries de ces variétés pour les patients, comme d'autres de mes collègues l'ont souligné, qui consomment du cannabis par nécessité, en non pas par choix.
    Enfin, il y a un plus grand nombre d'avantages systémiques à maintenir les variétés de cannabis à des fins médicales distinctes. En séparant ces variétés, plus de recherches cliniques pourraient être menées pour comprendre cette substance complexe, ce qui permettrait de recueillir une solide base de données probantes sur les avantages thérapeutiques et les risques pour la santé afin d'éclairer les fournisseurs de soins de santé dans la gestion des soins aux patients et l'élaboration de lignes directrices.
    Pour réduire les méfaits, et plus particulièrement chez les personnes qui utilisent le cannabis à des fins médicales, le gouvernement doit prendre des mesures pour établir une distinction claire entre les deux marchés avant juillet 2018. La première étape logique serait de veiller à ce que les pharmaciens assurent une supervision clinique lorsque le cannabis à des fins médicales sera distribué au Canada.

  (1130)  

    Partout au Canada, des pharmaciens comme moi doivent répondre régulièrement à des questions de patients qui s'interrogent sur l'utilisation du cannabis pour divers problèmes de santé, mais en tant que spécialistes des médicaments faisant partie d'une équipe de soins de santé des patients, nous n'assumons pas actuellement un rôle dans la distribution du cannabis à des fins médicales. Santé Canada reconnaît la complexité du cannabis et de ses interactions potentielles avec d'autres médicaments plus traditionnels. Compte tenu de ces risques, nous estimons qu'il est essentiel que les patients reçoivent le meilleur soutien possible de la part de fournisseurs de soins de santé qualifiés pour renforcer la sécurité du patient et la reddition de comptes du système de santé.
    Dans le système actuel, les patients consultent leur médecin qui peut leur remettre un document pour qu'ils puissent se procurer du cannabis à des fins médicales. L'approvisionnement est géré par des distributeurs qui font parvenir les commandes par la poste ou des patients qui cultivent le cannabis. Aucune de ces options n'incluent la participation des spécialistes des médicaments à l'étape de la distribution pour s'assurer que les patients comprennent les raisons pour lesquelles on leur a prescrit la substance et soient informés de la voie d'administration la plus sûre, de la dose à prendre et des effets secondaires potentiels.
    De plus, comme je l'ai déjà dit, pour de nombreux patients qui consomment du cannabis à des fins médicales, c'est le traitement de troisième ou de quatrième intention, et ces patients prennent souvent de nombreux autres médicaments. Par exemple, les anciens combattants qui consomment du cannabis pour maîtriser les symptômes d'un trouble de stress post-traumatique ou les patients qui souffrent de problèmes de santé mentale sont susceptibles de prendre de nombreux autres médicaments, y compris des psychotropes, des anxiolytiques et des somnifères. Le risque d'interactions médicamenteuses chez ces patients est élevé, si bien qu'il est d'autant plus important que les pharmaciens assurent une supervision.
    Avec plus de 10 000 pharmacies communautaires situées dans des régions rurales, urbaines et éloignées au pays, les pharmaciens sont des praticiens axés sur le patient qui sont qualifiés pour distribuer le cannabis à des fins médicales et assurer la supervision clinique requise. Les Canadiens pensent à nous et à leur relation avec leurs pharmaciens locaux lorsqu'ils envisagent où ils préféreraient obtenir leurs médicaments et qui les conseilleraient et les guideraient dans leur traitement.
    Les pharmaciens travaillent avec des substances contrôlées tous les jours. Ils ont le cadre et la capacité d'assurer la sécurité et le suivi des produits qu'ils distribuent chaque jour. Nous utilisons régulièrement notre expertise clinique pour détecter les problèmes possibles liés à la pharmacothérapie et nous sommes en mesure d'atténuer les risques potentiels associés au cannabis à des fins médicales, y compris les contre-indications chez les patients qui souffrent d'une maladie psychotique, par exemple, ou chez les patientes enceintes. De plus, nous sommes souvent en mesure de détecter les comportements de dépendance qui pourraient donner lieu à une utilisation abusive ou à un mauvais usage de médicaments. Nous devrions apprendre de notre expérience avec les opioïdes et le risque potentiel de dépendance aux médicaments psychotropes. Nous ne devrions pas commettre la même erreur en sous-estimant la nécessité d'assurer une supervision clinique de l'utilisation du cannabis à des fins médicales et de toutes ses complexités uniques.
    Bien que l'ACSP n'appuie pas l'idée d'un système de production ou d'approvisionnement pour le cannabis à des fins récréatives autres qu'un processus réglementé avec la promotion de la santé comme priorité, nous croyons que pour le cannabis à des fins médicales, il est essentiel que les patients reçoivent le meilleur soutien possible de fournisseurs de soins de santé qualifiés. La sécurité des patients devrait être la principale considération. Pour cette raison, nous exhortons les décideurs à inclure et à appuyer les pharmaciens dans la distribution du cannabis à des fins médicales et d'assurer une utilisation sécuritaire et efficace par les patients des variétés de cannabis à des fins médicales.
    Enfin, conformément à notre demande de séparer les variétés de cannabis à des fins médicales et celles à des fins récréatives et d'inclure la supervision des pharmaciens dans le modèle médical, nous sommes d'avis que les fournisseurs et les détaillants de cannabis à des fins récréatives ne devraient pas avoir le droit d'utiliser des termes liés à la pharmacie tels que « dispensaire » ou des symboles comme la croix verte.
    Depuis que le gouvernement a annoncé son intention de légaliser le cannabis, nous avons constaté une prolifération de soi-disant dispensaires au pays qui prétendent vendre du cannabis à des fins médicales. Puisque le cannabis à des fins médicales est légal au Canada dans certaines circonstances, de nombreux Canadiens ne sont pas au courant que ces dispensaires sont des opérations illégales. L'utilisation du terme « dispensaire » et les symboles associés aux pharmacies accentuent cette idée fausse. Nous exhortons le gouvernement à restreindre l'utilisation du terme « dispensaire » et des termes et des symboles associés aux pharmacies pour les sites de vente au détail du cannabis à des fins non médicales. Ces termes et symboles encouragent l'idée selon laquelle le cannabis à des fins récréatives a des bienfaits pour la santé ou est un médicament, que le site est une pharmacie ou qu'il offre une surveillance professionnelle de pharmaciens. Ce règlement est particulièrement important pour assurer la sécurité publique ou pour faire une meilleure distinction entre les variétés de cannabis à des fins récréatives et celles à des fins médicales.
    Merci encore une fois de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole au nom des pharmaciens canadiens aujourd'hui. Les pharmaciens ont à coeur de s'assurer que leurs patients ont accès à une pharmacothérapie appropriée et que leur traitement est sécuritaire et efficace.
    Dans le cadre de nos démarches en vue de légaliser le cannabis à des fins récréatives, nous demandons au Comité d'appuyer l'idée selon laquelle une distinction claire doit être établie entre les variétés de cannabis à des fins récréatives et celles à des fins médicales, de recommander que des restrictions soient imposées à l'utilisation de symboles associés aux pharmacies sur le marché du cannabis à des fins récréatives, et de contribuer à renforcer la supervision clinique de l'utilisation du cannabis à des fins médicales en appuyant les pharmaciens dans la distribution et la gestion du cannabis à des fins médicales pour leurs patients.
    Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

  (1135)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant commencer notre série de questions de sept minutes.
    Je vais procéder comme la dernière fois. Si le temps vient à être écoulé tandis que les témoins sont en train de répondre à des questions, je vais leur permettre de terminer. Toutefois, si le temps est écoulé, je demanderais aux députés d'éviter de les interrompre et de poser des questions supplémentaires.
    Nous commençons les questions avec Mme Sidhu.
    Merci, monsieur le président. Je remercie tous les témoins.
    Pour que ce soit clair, monsieur Spratt, vous avez dit que les gens qui ne peuvent payer leurs contraventions sont criminalisés. En réalité, l'article 55 stipule que la capacité de payer est clairement un facteur à prendre en compte pour les infractions pouvant faire l'objet d'une contravention. J'aimerais simplement avoir une précision à ce sujet.
    Il n'est pas question d'emprisonnement. La loi indique clairement que dans ce cas, la protection des renseignements personnels liés au dossier judiciaire n'est pas la même que pour une personne qui a les moyens de payer. Le problème, ce sont plutôt les effets dévastateurs — qui sont bien documentés — de la divulgation du dossier judiciaire. Voilà comment les gens sont punis.
    Merci.
    Nous savons que la mesure législative vise surtout à garder le cannabis hors de la portée des jeunes Canadiens. La loi fédérale prévoit des mesures obligatoires, mais n'empiète pas sur les compétences provinciales. En quoi cette mesure législative est-elle semblable aux lois existantes sur l'usage de l'alcool et du tabac?
    La question s'adresse à Mme McLellan.
    Il existe certaines similitudes entre cette mesure législative et la réglementation relative au tabac. Rappelez-vous que mon collègue Mark Ware et moi sommes ici pour parler du rapport du groupe de travail et expliquer ce qui a motivé nos recommandations. Le gouvernement a retenu certaines de nos recommandations, et non l'ensemble, pour les projets de loi C-45 et C-46.
    En ce qui concerne la réglementation relative au tabac, nous en avons examiné les dispositions, en particulier celles sur le marketing, la publicité, l'image de marque et les commandites. Nous étions d'avis que l'approche adoptée était une approche relativement bonne pour la promotion de la santé publique, en particulier pour les jeunes, mais sans s'y limiter. Par conséquent, ce que reflète la mesure législative, c'est le désir de ne pas permettre la promotion ou la publicité qui associerait l'usage du cannabis à un style de vie, lorsqu'il sera légalisé. En ce sens, la mesure législative est fort semblable au régime de réglementation du tabac actuellement en vigueur à l'échelle fédérale.
    En ce qui concerne l'alcool, je pense qu'il est juste de dire que le régime de réglementation relatif à l'alcool, pour les aspects liés à l'éducation du public ou à la prévention dans les domaines autres que la conduite automobile, est principalement de compétence provinciale.
    Pourquoi le groupe de travail a-t-il jugé qu'un système de suivi de l'ensemencement jusqu'à la vente est nécessaire?
    L'idée est d'éviter tout détournement du régime légal et réglementé vers le marché noir, ce qui comporte de nombreux aspects. Toutefois, une des meilleures façons d'y arriver est l'adoption d'un système de suivi de l'ensemencement jusqu'à la vente. C'est d'ailleurs quelque chose que les Canadiens connaissent, notamment lorsqu'on parle de l'expression « de la ferme à l'assiette » dans le domaine de l'alimentation. Nous avons constaté que des États, comme l'État de Washington et le Colorado, ont mis en place un système de suivi de l'ensemencement jusqu'à la vente pour éviter tout détournement vers le marché noir. Le groupe de travail a eu l'occasion de voir comment cela fonctionne lorsqu'il a visité des producteurs autorisés.
    On peut donc faire un suivi, de l'ensemencement jusqu'à l'arrivée d'un produit final quelconque sur le marché, et ce tout au long de la croissance. Il ne s'agit pas uniquement d'un mécanisme de promotion de la santé et de sécurité visant à connaître les origines du produit et les mesures de contrôle de la qualité utilisées par le producteur ou le fabricant. Il est aussi utile à l'application de la loi. Par exemple, dans un système réglementé, l'absence d'un code à barres indique qu'on a affaire à un produit illicite. De même, si vous trouviez un produit dont le code à barres a été modifié, cela indiquerait qu'il a été détourné.

  (1140)  

    Le groupe de travail a aussi recommandé que le personnel soit bien formé et ait des connaissances approfondies. Quel genre de formation devrait-on offrir pour la vente de cannabis? À votre avis, quels sont les éléments importants à intégrer à une telle formation?
    Je pense que d'autres personnes ici présentes pourraient présenter leur point de vue, parce que tout dépend de l'approche qu'on adopte à l'égard de la formation. Par exemple, notre ami de l'Association des pharmaciens du Canada a indiqué que l'Association insisterait fortement pour qu'une formation soit offerte pour le cannabis médical. On parle évidemment de pharmaciens professionnels dûment formés qui, comme on pourrait s'y attendre, peuvent offrir des conseils, notamment sur les effets secondaires et ce genre de choses.
    En ce qui concerne le commerce de détail, nous recommandons qu'une formation soit offerte au personnel de vente, comme ce qui est censé être fait pour la vente d'alcool au pays. À mon avis, il appartiendra aux provinces de déterminer la nature exacte de cette formation. Il est juste de dire, d'après les discussions que nous avons eues avec les provinces, que certaines provinces — et peut-être toutes — peinent à déterminer la forme que prendra cette formation. Le groupe de travail n'a pas eu l'occasion de se pencher sur cet aspect de façon détaillée. Ce que nous avons constaté, tant lors de notre examen d'autres administrations qui ont procédé à la légalisation que dans nos discussions avec de nombreux intervenants, et compte tenu de nos objectifs généraux en matière de santé publique et de sécurité publique, c'est que le personnel de vente du secteur du détail doit avoir une formation.
    Monsieur Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à Mme McLellan. Le groupe de travail a recommandé que la production de cannabis et de ses produits dérivés, y compris les formes comestibles, soit réglementée au niveau fédéral. En tant qu'ancienne ministre, vous savez qu'à l'exception de la Loi sur le tabac, la réglementation ne nécessite pas une surveillance parlementaire.
    Croyez-vous que la réglementation relative à la production de cannabis et de ses produits dérivés devrait faire l'objet d'une surveillance parlementaire?
    Surveillance parlementaire... Il me semble, selon mon expérience, qu'en tant que membres de ce comité, vous avez en fin de compte la possibilité de convoquer n'importe qui et n'importe quel ministre pour demander des réponses et exiger des comptes.
    Si votre question est plutôt de savoir si la mesure législative fédérale devrait traiter des formes comestibles, absolument. Les produits comestibles devraient être offerts sur le marché? Absolument. Le groupe de travail a été très clair à cet égard.
    Ce n'était pas ma question. Je veux votre opinion. Vous avez été ministre et vous savez qu'à l'exception du tabac, il n'est pas nécessaire que la réglementation fasse l'objet de surveillance parlementaire, et nous nous retrouvons maintenant avec ce produit, le cannabis. Vous étiez membre du groupe de travail.
    Le cannabis et ses produits dérivés devraient-ils faire l'objet d'une surveillance parlementaire?
    Je ne me suis pas attardée outre mesure à la question, ce qui est plutôt évident, mais comme je l'ai indiqué, je suis généralement de ceux qui croient que vous avez été élus pour faire un travail et que la surveillance par les élus est un aspect important.

  (1145)  

    Très bien. Je suppose que la réponse est oui.
    Vous avez entendu ce que j'ai dit.
    Tout à fait.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Spratt. Je comprends que vous avez misé sur certaines recommandations du groupe de travail. Mme McLellan a indiqué qu'elle visait à offrir un avis indépendant. Diriez-vous que le groupe de travail était indépendant?
    Je ne suis pas en mesure de dire s'il était indépendant. Il semble que le mandat était de ne pas reprendre intégralement les recommandations du groupe de travail dans la mesure législative. Les différences entre les recommandations, dont celle sur les formes comestibles, et la mesure législative témoignent du degré d'indépendance du groupe de travail.
    L'association entre Mme McLellan et Bennett Jones vous posait-elle problème?
    Je pense que c'est un aspect qu'il faut prendre en considération lorsqu'on examine la question. Nous nous écartons d'un siècle caractérisé par la criminalisation, la prohibition et l'incarcération des individus liés au commerce de la marijuana. Nous voyons actuellement de grandes entreprises et d'autres entités tenter d'investir ce marché en toute légalité. La composition des gens liés à ces grandes organisations pourrait susciter des préoccupations quant à l'équité du processus.
    Cette mesure législative, selon la façon dont elle est rédigée, favorise-t-elle... Par exemple, de grandes entreprises oeuvrent actuellement dans le domaine de la marijuana à des fins médicales. Ces grandes organisations sont-elles favorisées, comparativement à de nouveaux acteurs ou, comme vous l'avez indiqué, à ceux qui veulent investir ce marché?
    C'est fort possible. J'ai notamment parlé de gens qui ont été touchés parce qu'ils ont un casier judiciaire pour une activité qui sera désormais légale. C'est l'un des facteurs qui peut être pris en compte et mener au rejet des demandes de ces personnes. Évidemment, votre question soulève également des enjeux liés à certaines compétences provinciales et à des considérations commerciales qui sont totalement hors de mon champ d'expertise.
    Ce qui m'intéresse, c'est d'avoir votre avis sur l'indépendance et, en somme, sur ceux pour qui cette nouvelle mesure législative serait avantageuse. La mesure législative soulève des problèmes manifestes.
    Je dirais que pour les gens que j'ai représentés et que j'ai vus en cour — les jeunes et les personnes marginalisées et racialisées —, des gens qui ont été criminalisés en vertu des lois antérieures ou actuelles relatives à la marijuana, cette mesure législative ne comporte pas beaucoup de dispositions pouvant les aider à corriger ou à améliorer leur situation. Je pense qu'il s'agit là d'un aspect que le Comité devrait examiner très attentivement.
    J'ai une question pour vous, monsieur Ware. Je vais remettre en question un de vos commentaires; vous avez indiqué qu'il y a un manque de recherches de grande qualité. Je peux le comprendre, à certains égards, mais nous avons reçu des mémoires, notamment de l'Association médicale canadienne, dans lesquels on indique que la recherche est très claire. Chez les gens de moins de 25 ans, il existe une corrélation claire entre les problèmes psychologiques et les dommages causés par l'utilisation du cannabis. La Société canadienne de pédiatrie a également indiqué que le lien est très clair.
    Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par « manque de recherches de grande qualité »? Je sais qu'il y a un manque de données scientifiques pour de nombreux aspects, mais pour ce qui est des dommages, convenez-vous que les données montrent clairement que cela peut entraîner des problèmes psychologiques et parfois une déficience permanente chez les personnes de moins de 25 ans?
    À mon avis, le problème que cela pose est lié à l'interprétation de toute preuve de risque. Je pense que vous devez faire preuve de prudence lorsque vous affirmez que les preuves démontrent clairement l'existence de risques. La question n'est pas de savoir s'il y a un risque ou non, mais plutôt d'en connaître l'ampleur et les facteurs qui y contribuent.
    Dans le cas de la santé mentale, ce qui nous est apparu évident après examen de diverses prises de position, notamment celles de l'AMC, de la Société canadienne de pédiatrie, d'associations de psychiatres et d'autres, c'est que la corrélation entre l'usage du cannabis et les problèmes de santé mentale, à des échelles extrêmement variées, est atténuée par divers autres facteurs et ne se limite pas seulement au cannabis.
    J'ai déjà parlé des problèmes liés à la puissance du produit, qui ne sont pas pris en compte dans de nombreuses discussions, mais l'âge de la première utilisation, la fréquence d'utilisation, le mode de consommation et les facteurs socio-économiques de ceux qui consomment du cannabis à un jeune âge entrent tous dans l'équation du risque. La façon dont ces éléments problèmes sont pris en compte varie d'une étude à l'autre. Même lorsqu'on parle aux experts... Les associations médicales et les associations de pédiatrie examinent un vaste ensemble de données. Le danger, c'est de résumer en une ligne un ensemble de données très complexe. Ces associations se trouvent à faire des résumés et à prendre position en fonction d'un examen des preuves. Lorsqu'on discute avec les gens qui réalisent ces études, on se rend rapidement compte qu'ils ont des contraintes liées à l'interprétation de certains constats en raison des diverses méthodologies employées, des différences relatives aux déclarations, aux utilisateurs, à ceux qui déclarent faire usage du produit et aux quantités déclarées.
    Cela étant dit, c'est là où je veux en venir lorsque je parle d'un manque de recherches de grande qualité, que je souligne l'importance d'avoir une meilleure idée de ce que les gens consomment, des quantités qu'ils consomment et du moment où ils consomment, ainsi que de l'importance de concevoir des programmes de sensibilisation pour minimiser ces risques, pas seulement ceux liés à la drogue elle-même, mais aussi ceux liés à l'économie sociale et aux déterminants sociaux des gens. Pourquoi une personne de 13 ans choisit-elle de faire usage de cannabis? Voilà un aspect que nous devons étudier.

  (1150)  

    Mais est-il juste de...
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Davies.
    Je remercie les témoins d'être venus.
    Madame McLellan, le groupe de travail a recommandé que les produits comestibles et les concentrés soient légalisés et réglementés. Pourriez-vous indiquer au Comité pourquoi le groupe de travail a formulé cette recommandation, s'il vous plaît?
    Ce sont des produits qui étaient facilement accessibles lorsque nous avons discuté de la légalisation au Colorado et dans l'État de Washington. Comme il a été indiqué plus tôt, il s'agit d'un créneau en croissance du marché du cannabis. Évidemment, si votre préoccupation est la santé du public, votre objectif est de dissuader les gens de fumer le produit et d'y prendre plaisir. Si le produit est utilisé à des fins médicales, il existe des thérapies sans inhalation de fumée. Comme nous l'avons mentionné, et comme on le mentionne dans le rapport du groupe de travail, le marché des produits comestibles est en croissance. Il y a une variété de produits.
    Nous savons qu'il y a une demande. Si vous voulez passer d'un marché illicite à un marché légal et réglementé, alors vous devez offrir la même qualité et la même variété que ce qui est offert dans le marché illicite. On peut certainement affirmer que nous avons entendu ce commentaire à maintes reprises du large éventail de personnes auxquelles nous avons parlé. Vous pourriez certainement autoriser ou permettre les produits comestibles sous diverses formes pour des raisons de santé publique et de sécurité publique. Nous avons découvert qu'il y a un nombre illimité de formes; c'est une question d'imagination.
    Je souligne que les gens du Colorado et de l'État de Washington nous ont servi une mise en garde. Quelle a été leur plus grande surprise? C'était l'ampleur de la demande pour les produits comestibles. Ils nous ont donc invités à nous y préparer. Notre marché réglementé doit comprendre des produits comestibles et nous devons nous assurer d'être prêts. Il faut veiller à ne pas reproduire les mêmes erreurs qu'eux. Par exemple, une personne a consommé une tablette de chocolat complète. Il faut savoir que lorsqu'on recherche un effet, il faut plus de temps pour le ressentir dans le cas d'un produit comestible. Un homme qui avait mangé deux morceaux de chocolat et qui n'avait ressenti aucun effet après 30 minutes a décidé de manger tout le reste. Le Colorado a dû intervenir et apporter des correctifs, et le secteur privé n'était pas très heureux de l'augmentation des coûts.
    La prudence est de mise. Il faut veiller à traiter des produits comestibles adéquatement, parce que les mauvaises décisions et les erreurs de ce genre sont possibles à l'étape de la consommation. Il faut s'assurer d'avoir un étiquetage précis et d'apposer des étiquettes de mise en garde, etc. Il convient d'être prudent pour les produits prêts à l'utilisation. Il faut tirer des leçons de ce que nous avons observé dans d'autres administrations, mais ces produits doivent absolument être offerts aux consommateurs dans un marché réglementé.
    Comme vous l'avez souligné, il a été mentionné à maintes reprises que l'un des objectifs premiers du projet de loi est de soustraire la production de cannabis au contrôle du marché illicite, du marché noir, du marché contrôlé par le crime organisé et en faire une activité réglementée.
    De toute évidence, le gouvernement n'a pas encore retenu ce conseil. Permettez-moi de citer ce que le groupe de travail a mentionné au sujet de l'Alaska:
Le gouvernement pourrait vouloir prendre en considération l'approche adoptée par le gouvernement de l'Alaska, qui interdit la manufacture et la vente de produits à base de cannabis qui « ressemblent de près à un aliment familier ou à une boisson familière, y compris les bonbons » ou qui sont « falsifiés » avec des additifs ou des édulcorants. Nous sommes persuadés qu'avec une orientation claire offerte à l'industrie par le régulateur et avec une exécution vigilante et prévisible, cette barrière n'est pas insurmontable.
    Il a fallu deux ans pour que la mesure législative soit présentée au Parlement. Nous avons l'exemple du gouvernement de l'Alaska. D'autres administrations ont autorisé les produits comestibles.
    Craignez-vous que l'adoption du projet de loi C-45 sans la mise en place d'un régime réglementé pour les produits comestibles fasse en sorte que nous laisserons toujours un segment important et croissant du marché du cannabis, comme vous l'avez indiqué, sous l'emprise du marché noir, sans aucune réglementation sur le plan de la santé ou sur le plan juridique?

  (1155)  

    Je pense que vous avez répondu à votre propre question.
    Merci.
    Un de mes collègues voudra peut-être ajouter quelque chose.
    Je vais passer à monsieur Spratt.
    Je crois comprendre que vous êtes du même avis que moi.
    Oui.
    Monsieur Spratt, pour revenir encore une fois au groupe de travail, une des recommandations était que les infractions liées au dépassement de la limite soient réglées par des sanctions administratives progressives, comme les contraventions, les saisies et les amendes, sauf s'il y a une preuve d'intention de trafic.
    J'aimerais me concentrer sur les sanctions administratives progressives. Il y a une peine maximale de 14 années d'emprisonnement susceptible de s'appliquer à un jeune de 19 ans qui vend de la marijuana à une personne de 17 ans. Je suis conscient que les tribunaux ont un pouvoir discrétionnaire, mais c'est possible, théoriquement. C'est une peine beaucoup plus sévère que celle à laquelle s'exposerait une personne de 19 ans qui donnerait une cigarette à un jeune de 17 ans, ou une personne de 19 ans qui donnerait de l'alcool à un jeune de 17 ans. En fait, la peine maximale de 14 années d'emprisonnement correspond à la peine applicable au fait de tenter de quitter le Canada pour commettre un acte terroriste ou encore à la production de pornographie juvénile.
    Est-ce là un exemple d'une peine proportionnelle à l'infraction? Pensez-vous que ce soit justifié, en vertu de cette mesure législative?
    Non, ce ne l'est pas, et vous avez raison de dire que dans les circonstances que vous avez décrites, je serais scandalisé si un tribunal imposait un jour une peine de 14 ans d'emprisonnement.
    Ce que nous enseigne l'histoire et ce que nous enseignent les études sur les conséquences des casiers judiciaires, c'est que l'obstacle le plus important qui empêche les jeunes de progresser et de devenir des membres productifs et prosociaux de la société, c'est l'imposition d'un casier judiciaire et non l'imposition d'une peine d'emprisonnement.
    Maintenir la possibilité d'imposer un casier judiciaire dans toutes ces situations mènera à des préjudices considérables. Nous savons également que ce ne sont pas des jeunes de 18 ans de race blanche issus d'un quartier huppé qui se retrouveront devant la justice pour avoir passé un joint à un ami âgé de 17 ans, mais plutôt des personnes déjà marginalisées, désavantagées et victimes de discrimination. Voilà qui se retrouvera devant les tribunaux pour des accusations de ce genre.
    Il n'y a rien dans la mesure législative pour atténuer le problème, outre la croyance dans l'usage du pouvoir discrétionnaire pour les infractions pouvant faire l'objet d'une contravention.
    Le gouvernement a clairement indiqué qu'il ne souhaitait pas procéder à la décriminalisation maintenant. Le NPD presse le gouvernement de le faire.
    Selon vous, y a-t-il un mécanisme qui permettrait de le faire? Quelle politique conviendrait à l'application du droit pénal maintenant, étant donné que nous nous dirigeons vers la légalisation?
    Actuellement, il conviendrait de mettre en place une politique fédérale — et il aurait été équitable et juste de le faire il y a longtemps — pour exhorter les procureurs à utiliser leur pouvoir discrétionnaire pour détourner les accusations de ce genre du système de justice pénale. La possession de marijuana est actuellement une infraction, mais nous savons que cela changera probablement bientôt.
    Il y a en ce moment une fausse conception courante selon laquelle les gens ne se font pas arrêter pour des infractions liées à la marijuana. Ce n'est pas vrai. Cela arrive. Ces gens sont emprisonnés et ce sont, dans une grande proportion, des gens qui sont déjà désavantagés ou des gens de minorités racialisées. Ils se retrouvent devant nos tribunaux, puis ils ont un casier judiciaire et on leur impose des sanctions pénales pour possession simple de marijuana. Il y a deux semaines, dans un tribunal d'Ottawa, le temps de la cour a servi à l'instruction du cas d'un jeune homme en possession d'un demi-gramme de marijuana.
    À l'ère où l'on prône l'utilisation judicieuse des ressources des tribunaux et où s'appliquent les principes de l'arrêt Jordan, alors que l'on voit des causes rejetées par les tribunaux, les situations de ce genre ne sauraient être tolérées, et le problème pourrait être réglé facilement par l'envoi d'une directive aux procureurs du ministère public.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à M. Oliver.
    Je veux simplement faire un suivi sur votre dernier commentaire voulant que cela puisse être réglé facilement. Nous procéderons évidemment à l'examen du projet de loi puis à l'étude article par article.
    Quelle serait votre solution pour régler ce problème? Cela ne fait pas partie des consignes législatives. Il s'agit plutôt...
    Ce serait une directive envoyée aux procureurs.
    Le projet de loi pourrait servir à atténuer certaines des conséquences qu'on a observées au fil du temps et qui se poursuivent alors que le Parlement est saisi du projet de loi, de façon à permettre aux gens qui ont été reconnus coupables de simple possession de marijuana de présenter facilement une demande de pardon accéléré. Le problème des frais de plus de 600 $ qui, encore une fois, restreignent de façon disproportionnée et parfois injuste l'accessibilité au pardon aux citoyens les mieux nantis, pourrait être réglé directement dans ce projet de loi. Il s'agirait d'une occasion idéale de corriger l'inconstitutionnalité du processus actuel de suspension de casier.

  (1200)  

    Merci.
    Comme j'interviens tardivement, la plupart de mes questions ont déjà été posées. Je vais me concentrer sur la présentation des représentants des pharmacies pendant quelques minutes.
    Cela m'a laissé un peu perplexe. Le projet de loi C-45 dont nous sommes saisis traite de la marijuana à des fins récréatives, mais vous avez fait valoir que les pharmaciens devraient continuer de vendre le cannabis sous ordonnance.
    Les pharmacies ont cessé de vendre des cigarettes il y a longtemps en raison de leur effet nocif sur la santé. À votre avis, n'est-il pas contradictoire que votre association souhaite vendre de la marijuana à des fins médicales, un produit qui sera surtout fumé?
    Je vous remercie de la question.
    Premièrement, je tiens à préciser que les pharmaciens ne jouent actuellement aucun rôle dans la distribution ou la vente de marijuana à des fins médicales aux patients.
    Très bien.
    Deuxièmement, je suis d'accord avec vous. Les pharmaciens sont préoccupés, comme d'autres, par les risques potentiels du fait de fumer de la marijuana et toute autre substance ainsi que par la toxicité de ce mode de consommation. Comme l'ont indiqué d'autres témoins, la marijuana est disponible sous d'autres formes. La recherche à cet égard progresse.
    Simplement pour que ce soit clair, vous êtes ici pour faire valoir que les pharmaciens doivent se charger de la vente de marijuana à des fins médicales. Est-ce bien ce que vous...
    Pour que les pharmaciens jouent un rôle dans la distribution de la marijuana médicale...
    La distribution de la marijuana médicale; très bien.
    Comment conciliez-vous cela avec la position de l'AMC qui, maintenant que le projet de loi a été présenté, prône l'abandon du système de distribution de la marijuana médicale?
    Je dirais que d'autres professionnels de la santé, les patients et nous convenons qu'il est nécessaire d'avoir davantage de preuves solides sur les effets thérapeutiques et les risques associés à la marijuana. Nous avons malgré tout remarqué, depuis un certain nombre d'années, que ces médicaments ont des effets bénéfiques pour les patients. J'ai entendu des témoignages en ce sens lorsque je travaillais dans une pharmacie de quartier. J'ai discuté avec de nombreux patients lorsque je travaillais à l'hôpital. Ils m'ont parlé des bienfaits indéniables que cela leur procure.
    Malgré le manque de preuves scientifiques, ces patients utilisent toujours ces médicaments sans aucune surveillance médicale. Ils ont parfois une ordonnance d'un médecin. La marijuana leur est expédiée par la poste par l'intermédiaire d'un distributeur, une entreprise de vente par commande postale. Je ne sais pas si cela se fait en consultation avec des professionnels de la santé, mais il n'y a pas de contact en personne avec un professionnel de la santé comme avec les pharmaciens. Nous sommes d'avis que dans l'intérêt de la sécurité des patients, il est important que nous soyons un rouage important de ce cercle de soins.
    Merci.
    Pour revenir au système de distribution, je crois comprendre que le projet de loi prévoit que la délivrance de licences et l'établissement de stratégies de vente au détail relèveront des provinces et des territoires. L'Ontario vient tout juste d'annoncer que la LCBO aura le mandat d'établir quelque 150 points de vente, je crois. On mettra en place un réseau de distribution et de points de vente au détail. Je suis certain que d'autres provinces ont des structures semblables. Pourquoi êtes-vous d'avis qu'un système de gestion de l'approvisionnement pharmaceutique serait une meilleure solution que la LCBO, par exemple?
    Premièrement, beaucoup d'autres provinces ont songé à avoir recours à leur réseau de distribution d'alcool, mais elles se sont révisées, parce qu'elles ont reconnu que cela nécessiterait ensuite des investissements considérables.
    En ce qui concerne la distribution des produits, je pense que l'industrie de la distribution de produits pharmaceutiques se distingue par sa capacité existante de faire un suivi des produits et aussi par sa capacité de procéder au rappel des produits et de les récupérer rapidement, comme nous savons le faire. Je pense que les contrôles et les mesures de sécurité mises en place pour ces produits sont sans égal. Je me plais à demander aux gens de penser à la dernière fois où ils ont entendu parlé du détournement de produits pharmaceutiques au Canada. La réponse, c'est qu'ils ne trouvent pas d'exemple, étant donné que le système est si cloisonné. Plus de 95 % des produits passent par ce système.
    Je pense que les principaux motifs pour lesquels nous proposons cette solution sont la robustesse, le caractère sécurisé et l'exhaustivité du système. Gardez également à l'esprit que nous servons beaucoup de petites collectivités qui n'ont pas une succursale de la LCBO.
    En effet. Merci de la réponse.
    Je tiens à remercier les deux coprésidents de l'étude qui a été faite. Ma question est une question ouverte. Nous sommes ici pour examiner le projet de loi. Nous avons parlé brièvement des produits comestibles et des concentrés. A-t-on omis autre chose dans ce projet de loi, à votre avis? Compte tenu des trois objectifs — protéger les jeunes, combattre le crime organisé et adopter pour la production de cannabis une approche axée sur la protection de la santé et de la sécurité —, y a-t-il d'autres aspects qui sont absents de cette mesure législative et que vous souhaiteriez voir ajoutés ou inclus?

  (1205)  

    Vous avez déjà entendu mon point de vue sur les produits comestibles.
    Oui.
    Je dirais que je crois comprendre que le gouvernement compte prendre des mesures concernant les produits comestibles.
    Exactement. En effet, on a appris ce matin qu'il...
    On a simplement besoin de temps pour faire des tests d'équivalence, entre autres choses.
    Mais vous avez entendu mon point de vue sur les produits comestibles.
    Tout à fait. C'était le témoignage...
    Voilà; je vous ai donné 30 secondes pour y penser.
    Merci.
    C'est difficile. Je pense que le mot-clé utilisé par Anne est « temps ». Nous reconnaissons tous que la mise en oeuvre de mesures législatives comme celle-ci est d'une extrême complexité. Plus on examine la question, plus on se rend compte que cela touche profondément tous les secteurs de la société. Nous sommes tous conscients que les mesures qui seront mises en place d'entrée de jeu, quelles qu'elles soient, que ce soit à l'échelle fédérale ou provinciale, ne seront que des points de départ et devront évoluer.
    Je pense que ce que j'ai omis, c'est notre profonde conviction qu'un réseau éclairé de chercheurs et de scientifiques a contribué à jeter les bases de cette mesure. Des bases de données probantes de ce genre sont continuellement mises à jour, et nous avons la capacité de le faire. J'aurais aimé que ce réseau ait un meilleur appui pour favoriser sa contribution, ce qui aurait été une reconnaissance du caractère évolutif de ce programme, du fait qu'il est appelé à évoluer, qu'il doit refléter les changements et être réactif, comme nous l'avons vu dans d'autres administrations. Je ne crois pas que cela ait fait l'objet d'une disposition législative, mais je souhaiterais certainement qu'on y accorde un bien meilleur appui.
    Le temps est écoulé, monsieur Oliver.
    Nous avons terminé les interventions à sept minutes.
    Nous commençons les interventions à cinq minutes avec M. Webber.
    Merci, monsieur le président.
    La plupart de mes questions s'adresseront à ma concitoyenne de l'Alberta, l'honorable Anne McLellan.
    Je suis heureuse de vous revoir.
    Il en va de même pour moi. Vous êtes bien connue à Calgary.
    En effet.
    En fait, je crois que lorsque vous avez été élue, nous avons perdu notre Currie Barracks à cause de vous, à Edmonton, parce que nous n'avons élu aucun libéral à Calgary. Alors, nous croyons que vous êtes responsable de cela.
    Oui, mais n'oubliez pas les sables bitumineux.
    Bien sûr.
    Dans un autre ordre d’idées, je m'intéresse beaucoup à vos voyages au Colorado et dans l'État de Washington, et à ce que vous y avez appris. Vous avez parlé d'un document qui aurait été publié faisant le point sur la situation. Si vous pouviez nous en faire parvenir une copie par l'intermédiaire du président et du greffier, ce serait très utile. En fait, nous espérons que vous pourrez le faire.
    Je crois être en mesure de le faire. Il s'agit d'une lettre écrite par le gouverneur John Hickenlooper et son secrétaire à la justice en réponse à une lettre du procureur général des États-Unis, Jeff Sessions, demandant des renseignements au sujet de certaines questions qui le préoccupaient. C'est probablement l'information la plus à jour que l'État du Colorado a publiée.
    Formidable. Ce sera assurément très utile.
    Vous avez dit que cette mise à jour indique qu'il n'y a pas eu d'augmentation considérable de la consommation...
    De la consommation chez les jeunes, oui.
    ... de marijuana dans ces deux États depuis la légalisation.
    Il est question du Colorado.
    Ensuite, plus récemment, Jeff Sessions, sans grande surprise, a envoyé la même lettre au gouverneur de l'État de Washington. Je crois savoir qu'ils ont aussi répondu, bien que je n'aie pas vu cette réponse.
    Si vous prenez connaissance de tous les travaux qu'ils ont faits depuis trois ans — cela ne fait que trois ans —, les statistiques n'indiquent aucune augmentation considérable de la consommation chez les jeunes.
    De la consommation chez les jeunes?
    Oui.
    J'ai de la difficulté à croire ça. J'aimerais savoir comment ils ont obtenu ces chiffres.
    Eh bien, les études longitudinales qui appuient ce constat sont accessibles. Le Colorado a fait un travail en profondeur. Je crois qu'ils se servent d'au moins cinq études distinctes. Certaines ont été menées dans leur propre État et d'autres s'intéressent à la consommation à l'échelle nationale. Ils disposent d'une méthode passablement complexe pour tester et tester à nouveau, et ils se servent pour ce faire de sources émanant de différents endroits. Je crois que nous pouvons probablement apprendre quelque chose de cela.
    Comment le marché noir a-t-il été touché par la légalisation dans ces deux États? Par exemple, y a-t-il eu une diminution de la criminalité? Quelle incidence cela a-t-il eue sur le marché noir là-bas et sur la vente illégale de marijuana? Ont-ils des statistiques à ce sujet?
    Je crois que le commerce illicite continue de donner du fil à retordre aux deux États. Ils ont un problème que le Canada n'aura pas, puisqu'il y a là-bas des gens qui viennent au Colorado — et dans l'État de Washington, mais assurément dans celui du Colorado — pour faire la culture dans le but d'écouler leur production dans d'autres États.
     Je pense au Kansas, qui n'a pas opté pour la légalisation. Les gens ont flairé l'occasion d'aller au Colorado, d'y faire la culture, et de faire passer leur production dans un autre État. C'est pour cette raison que les state troopers du Kansas et d'ailleurs surveillent maintenant les frontières. Ils commencent à faire des saisies. Il y en a des camions pleins, du moins, cela a été le cas.
     C'est un problème que nous n'aurons pas au Canada parce que la légalisation va se faire à l'échelle nationale. D'après ce que je comprends, une grande partie du marché illicite du Colorado et de l'État de Washington — mais pas tout — s'emploie à détourner le produit dans d'autres États où il n'y a pas eu de légalisation.

  (1210)  

    Voilà qui est intéressant.
    Vous êtes-vous penchée sur la question des prix sur le marché licite et sur le marché noir? Y a-t-il des différences ou si c'est à peu près la même chose dans l'un et l'autre?
    Mark, vous étiez au Colorado. J'étais dans l'État de Washington. Nous avons parlé à des gens de l'Oregon. Je crois que l'on peut affirmer sans se tromper que, d'entrée de jeu, l'État de Washington — je crois que c'est bien celui-là — y est allé un peu fort avec les taxes. Ils n'étaient pas concurrentiels par rapport au marché illicite. Lorsque j'y suis allée l'an dernier, les chiffres concernant les achats qui se faisaient encore sur le marché illicite étaient plutôt surprenants. Ils ont tiré une très sérieuse leçon de cela et ils ont rapidement modifié leurs prix en ajustant la taxation des produits offerts à la vente.
     Le facteur prix va être un élément clé pour concurrencer le marché illicite et réussir à inciter les gens à se tourner vers le marché légal. Le contrôle de la qualité — la garantie que votre produit n'est pas coupé avec quelque chose comme du fentanyl ou autre chose — est important lui aussi, mais ce sont les prix qui sont déterminants pour la demande. Je crois que les détaillants et l'État ont tous deux retenu que l'on ne peut pas imposer des taxes à l'aveuglette, et les détaillants comprennent....
     Les prix sont en train de baisser dans ces États. C'est un marché compétitif. Les prix ont chuté considérablement. Je dirais que le prix au gramme est en tout temps à peu près le même sur le marché légal et sur le marché illégal.
     Vraiment? D'accord.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Eyolfson, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Docteur Ware, vos observations sur la nécessité de faire plus de recherche m'ont particulièrement plu. Nous savons que nous avons besoin de plus de recherche à ce sujet, tant sur les effets d'un usage récréatif que pour ceux d'un usage médical. Vous nous avez donné un bon exemple du lien qui existe entre la maladie mentale et les troubles psychiatriques comme la schizophrénie. Au cours de ma carrière de médecin, j'ai diagnostiqué plus d'une fois la schizophrénie chez des patients qui avaient consommé beaucoup de cannabis, avant de m'apercevoir par leurs antécédents que leurs symptômes psychiatriques s'étaient manifestés avant qu'ils ne se mettent à consommer, et qu'ils se traitaient eux-mêmes. Cela dit, le pluriel d'anecdote n'est pas « données », et nous avons besoin de plus de recherche à ce sujet.
     Maintenant que le cannabis a été légalisé, croyez-vous qu'il y aura une augmentation du nombre de chercheurs disposés à étudier ce domaine, et que les organismes de financement seront plus enclins à financer cette recherche?
    Absolument. Je crois que nous le constatons déjà. Nous constatons que de grands organismes de financement nationaux commencent déjà à penser aux besoins futurs en matière de recherche et qu'ils commencent à penser aux mécanismes et aux installations qu'il faudra afin de fournir l'infrastructure et le financement nécessaires pour appuyer la recherche tous azimuts à cet égard, qu'elle ait trait à la santé publique, aux sciences végétales ou à autre chose.
    C'est bon à savoir. Je siège aussi au comité des anciens combattants. À un moment donné, nous étions dans un établissement médical et nous discutions du trouble de stress post-traumatique. Or, toutes les fois que nous mentionnions le cannabis, nos interlocuteurs avaient l'air mal à l'aise et ils changeaient de sujet. Ils nous ont simplement dit: « Non, c'est un sujet que nous ne pouvons pas aborder. Nous ne pouvons pas en parler. Nous ne faisons aucune recherche là-dessus ici. »
    Je crois que cela a trait au deuxième enjeu, la disponibilité du financement. Par ailleurs, vous vous demandiez aussi si la légalisation suscitera l'intérêt d'un plus grand nombre de chercheurs, et je crois que cette légalisation est effectivement en train de modifier la stigmatisation associée à l'étude de cette substance. Jusqu'ici, si vous vous intéressiez au cannabis... et c'était assurément le cas quand j'ai commencé, il y a 18 ans. J'étais un peu la risée de mon milieu de recherche, car je voulais étudier le cannabis fumé. Les choses sont très différentes maintenant parce que les gens reconnaissent l'importance que cela revêt, et nous nous éloignons du cannabis fumé.
    Je veux simplement remettre en question cette observation selon laquelle le cannabis médical est principalement fumé. En fait, on l'utilise principalement sous forme d'huile et de produits mangeables, et non sous forme fumable. Certaines impressions que nous avons se confrontent à la réalité.
    Je crois que l'intérêt des chercheurs va en grandissant. Il y a de nouvelles façons d'avoir accès aux produits du cannabis, et je crois que les patients sont disposés à participer à cette recherche, car ils en mesurent l'importance, une notion qui gagnera probablement aussi le grand public. Je crois que les gens souhaitent contribuer à la base de connaissances.

  (1215)  

    Merci. Cela fait plaisir à entendre.
    Maître Spratt, vous avez parlé de certains problèmes concernant notre projet de loi. Je comprends ces problèmes, et je suis d'accord avec vous. Encore une fois, nous devons trouver un équilibre entre la sécurité et les droits de toutes les parties concernées. Cela ressemble au dilemme que nous avons eu lorsque nous avons présenté l'aide médicale à mourir. Certains étaient tout à fait contre. Une fois le projet de loi adopté, d'autres ont trouvé que la loi était beaucoup trop restrictive.
    Comme c'était le cas avec l'aide médicale à mourir, nous sommes ni plus ni moins en terrain inconnu. Quelques administrations nous ont précédés, mais nous sommes parmi les premiers. Nous sommes seulement le deuxième pays sur la planète à tenter cela à l'échelle nationale. Bien que nous soyons conscients de ces problèmes, croyez-vous que ce que nous faisons ici, à cette étape du processus — par rapport aux endroits où c'est criminalisé et ceux où ce ne l'est pas — est, à tout le moins, un bon premier pas?
    C'est un bon premier pas. Malheureusement, la criminalisation maintenue aux articles 8 et 9 va à l'encontre de la raison d'être et des principes du projet de loi. Ils minent certains des avantages associés au projet de loi et ils ne s'appuient sur rien d'historique ou qui soit le fruit de recherches. Prenons par exemple le maintien de la criminalisation à l'endroit des jeunes trouvés en possession de cinq grammes ou plus. Je présume que cela est dans le projet de loi parce que le gouvernement veut décourager les jeunes d'être en possession de marijuana. Comme nous l'ont montré les 100 dernières années qui se sont écoulées depuis l'adoption de la Loi sur l'opium, le fait de tenter cela par le biais de la criminalisation n'a pas fonctionné. Si la criminalisation intégrale de la marijuana n'a pas dissuadé les jeunes d'avoir de la marijuana sur eux, une demi-mesure comme celle-là n'y parviendra pas non plus. Une mesure de ce genre ne va pas dissuader les jeunes d'avoir de la marijuana sur eux, et je présume que l'accès plus facile qui résultera probablement de l'adoption de ce projet de loi ne permettra certainement pas de le faire.
    Parallèlement, cela suscite beaucoup de problèmes associés à la criminalisation du commerce de gros et détourne les ressources; cela ouvre la porte au mauvais usage du pouvoir discrétionnaire; cela permet l'entrée en scène des facteurs discriminatoires systémiques. Au bout du compte, c'est une disposition très coûteuse. La même chose s'applique lorsqu'il s'agit d'établir la différence entre la marijuana illicite et la marijuana « licite », si un tel mot existe...
    C'est effectivement le cas.
    Nous voilà fixés.
    C’est de ce type de distinction dont je parle: vous savez, les cinq plantes au lieu des quatre autorisées, ou les personnes qui partent pour le week-end et qui deviennent soudainement des criminels parce que leur plante a poussé d’un centimètre dans l’intervalle.
    C’est coûteux, et l’obligation de composer avec cette distinction peut s’avérer très pénible. Cette distinction n’est nécessaire que parce que nous continuons à miser sur des sanctions criminelles pour faire avancer la politique. Je crois comprendre pourquoi il y a une certaine réticence, mais nous avons vu que cette sorte de criminalisation ne fonctionne pas. Nous obtiendrions plus d'avantages si cet aspect était supprimé du projet de loi.
    D’accord.
    Merci.
    C’est tout le temps que vous aviez.
    Madame Gladu, nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président.
    Nous constatons que beaucoup de pays dans le monde se dépêchent à légaliser la marijuana. Je crois que l’Uruguay est le seul autre à l’avoir fait. Pouvez-vous nous dire combien de temps il leur a fallu concrètement pour y arriver?
    Vous parlez de l’Uruguay?
    Oui, je parle de l’Uruguay.
    Ils ont procédé par étapes. À partir du moment où ils ont décidé de légaliser, ils ont amené la chose, disons, progressivement. Leur système fait une grande place au contrôle gouvernemental. Je ne crois pas qu’il s’accorderait bien ou facilement avec les attentes des Canadiens.
    Il leur a tout de même fallu plus qu’un an et deux mois.
    Je crois qu’il serait juste de dire qu’il leur a effectivement fallu un certain nombre d’années... Cela s’explique en outre par les changements qui se sont produits au sein du gouvernement. Il y a eu une élection, et nous savons tous à quel point cela peut changer la donne.
     Quoi qu’il en soit, pour en revenir à ce que vous dites, oui, il leur a fallu passablement de temps pour arriver là où ils sont aujourd’hui.

  (1220)  

    D’accord.
    Bien entendu, l’une de mes préoccupations est que le fait de permettre à toutes les provinces d’agir différemment les unes des autres sera très déroutant pour les Canadiens. Quel est l’âge légal dans telle ou telle province? Quelle quantité suis-je en droit de consommer ici ou là? En ce qui concerne les 290 jours qui restent, je crois que les témoignages que nous entendons sur la marijuana médicale font état d’un excellent contrôle, y compris en ce qui concerne la qualité. Cette industrie semble en mesure de faire une mise en marché très ciblée en fonction des organismes ou des personnes mêmes, et ce, sous de multiples formes, y compris l’huile et les comprimés.
    Si cette façon de procéder devenait le mécanisme présidant à l’approvisionnement de marijuana « récréative », nous éliminerions une bonne partie des préoccupations que nous entendons au sujet de la culture maison, à savoir que cinq pouces de plus peuvent faire de vous un criminel, ou que le fait d’avoir cinq plantes au lieu de quatre peut devenir un problème, sans oublier le contrôle de la puissance du produit et tout le reste.
    Est-ce que les prix du système qui contrôle la marijuana médicale seraient concurrentiels si ce système était pris comme modèle pour la marijuana récréative?
    Je laisse commenter qui le voudra bien.
    J’ai peut-être mal compris, mais je crois que c’est exactement ce qui est proposé, c’est-à-dire que les producteurs autorisés vont se transformer pour aviser et approvisionner le marché légal, le marché non médical.
    Mais ils vont aussi permettre la culture maison. À mon avis, il y a si peu de contrôle sur la qualité, sur la puissance, et à savoir si vous utilisez de l’engrais, si vous avez trop de plantes ou pas, si vos enfants y ont accès. Ce que je cherche à dire, c’est qu’il y a aujourd’hui des personnes qui, ni plus ni moins, enfreignent la loi en en fumant, et que vous allez leur faire confiance pour gérer comment ils le font.
    J’estime que c’est cet élément de « culture maison » qui est problématique, et que l’autre mode de distribution est préférable.
    Je vais évoquer un point de vue que nous avons souvent entendu lors des consultations du groupe de travail. Les gens décident de faire pousser du cannabis pour toutes sortes de raisons. C’est une plante facile et bien des gens vont continuer à le faire, que ce soit légal ou pas. À vrai dire, si les gens étaient en mesure de se procurer du cannabis de façon légale, relativement facilement et à un prix raisonnable, le besoin d’en faire pousser serait éliminé ou atténué.
    On nous a dit que les gens avaient le droit de faire pousser du tabac et de confectionner leur propre alcool, de la bière et du vin. Certains choisissent de le faire. Ils le font pour leur propre avantage et pour faire des cadeaux à leurs amis à Noël. Ensuite, les amis rangent la bouteille dans le placard et n’y touchent jamais.
    Le fait est que c’est quelque chose qui existe. La perspective de laisser ce cadre en place a été considérée comme étant raisonnable. Si l’accès s’avérait adéquat ailleurs, le besoin d’en faire pousser diminuerait considérablement.
    Très bien.
    Madame McLellan, il y a une dernière question.
    Nous voulons bien sûr nous assurer que les enfants n’auront pas accès au cannabis et que nous contrôlons la sécurité publique, mais en plus de cela, si l’intention finale est d’inciter les gens à cesser de consommer — parce que nous savons que c’est nocif —, il devrait y avoir une certaine forme de prévention. Que pensez-vous de la partie prévention du projet de loi C-45?
    À mon avis, comme nous l’avons appris avec le tabac, l’alcool et d’autres choses encore — j’inclurais le jeu —, la partie la plus importante de la prévention c’est la sensibilisation du public. C’est la leçon à retenir que l’on entend sans cesse dans des États comme le Colorado et celui de Washington. Il faut une sensibilisation rigoureuse du public et il la faut tôt dans le processus. Lors de nos discussions en table ronde, nous avons entendu les témoignages de parents et de commissions scolaires. Pratiquement tout le monde s’entend sur une chose, et c’est que nous avons besoin de bien informer le public. Les parents veulent avoir des informations factuelles qu’ils pourront communiquer à leurs enfants. Les commissions scolaires et les enseignants veulent la même chose.
    Nous avons tiré des leçons de notre expérience avec le tabac. Un certain nombre de raisons expliquent pourquoi le tabagisme a diminué de façon radicale, même depuis le temps où j'étais ministre fédérale de la Santé. Bon, disons qu'il a diminué. Je suppose que je ne devrais pas dire « de façon radicale ». Cela a beaucoup à voir avec la sensibilisation du public. Oui, le prix a aussi quelque chose à voir là-dedans, mais encore une fois, cela nous renvoie à la discussion que nous eue, monsieur Webber. Le prix est effectivement un facteur important, mais la sensibilisation du public l'est aussi. Les gens doivent comprendre quels sont les risques, pourquoi ils ne devraient pas commencer à fumer et savoir que s'ils fument déjà, ils devraient le faire à l'occasion et avec modération. Il y a des choses auxquelles il faut faire attention. Ne conduisez pas quand vous avez fumé. J'estime que la sensibilisation est la meilleure stratégie de prévention possible.
    Ensuite, il y a une foule de choses que vous pouvez faire en plus de cela, comme ajuster le prix des produits, travailler sur l'étiquetage ou restreindre la mise en marché et l'accès, mais en fin de compte, je crois que plus il y a de sensibilisation... Pour revenir à l'observation de Mark, je dirais que nous aurons besoin de recherches pour cerner ce que nous devrions dire aux gens. Nous avons besoin d'informations de bonne qualité que nous pourrons communiquer au public de différents groupes démographiques et de différents groupes d'âge. Nous devons leur donner cette information pour leur permettre de faire un choix éclairé.

  (1225)  

    Votre temps est écoulé.
    Monsieur McKinnon, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mme McLellan et au Dr Ware.
    Le groupe de travail recommande que la culture personnelle soit autorisée, mais avec une limite de quatre plantes d'une hauteur maximale de 100 centimètres. Je voulais savoir pourquoi, au départ, il y a une hauteur maximale?
    Voulez-vous commencer?
    Cela a un lien avec la hauteur des clôtures et la nécessité d'assurer que les plantes ne seront pas visibles de l'extérieur. C'est une préoccupation qui concerne la vie privée, c'est-à-dire que si vous faites pousser du cannabis à l'extérieur, on ne veut pas que vos plantes dépassent la hauteur de votre clôture et que tout le monde puisse les voir.
    Nous avons examiné les lois qui existent dans d'autres États où il y a beaucoup de plantes et nous avons établi que c'était là une façon raisonnable de permettre aux gens de faire pousser du cannabis pour leur usage personnel.
    Ce n'était pas pour limiter la quantité de substance psychotrope qui peut être produite. C'était en vérité pour que les plantes soient à l'abri des regards. Est-ce bien cela l'objectif?
    Principalement, à moins que j'oublie d'autres...
    Nous avons aussi consulté et entendu des spécialistes — surtout aux États-Unis — qui nous ont dit que quatre plantes de 100 centimètres étaient en mesure de fournir un approvisionnement adéquat pour un utilisateur modéré ou raisonnable.
    Mes recherches approfondies sur Google me montrent qu'une plante de 100 centimètres... Vous pouvez tirer beaucoup de cannabis d'une petite plante ou d'une grande plante, alors il n'y a pas vraiment de corrélation entre le rendement des plantes et leur taille. Sachant cela, je me demande pourquoi ces spécialistes ont fait cette recommandation.
    Je comprends la question de la visibilité. Je me demande cependant pourquoi nous devrions utiliser des pouvoirs d'ordre pénal pour limiter la visibilité comme on se propose de le faire. C'est une chose que les provinces sont peut-être mieux en mesure de réglementer. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Si je me souviens bien, nous avons effectivement suggéré que les provinces et les municipalités pourraient envisager des mécanismes particuliers pour octroyer des permis aux gens qui souhaitent en faire la culture. Nous avons laissé aux provinces et aux municipalités le soin d'évaluer la chose. La personne s'inscrirait comme étant quelqu'un qui fait pousser une plante, et elle aurait au moins un permis indiquant qu'elle est autorisée à le faire, et cela serait du ressort des municipalités...
    Sauf que, dans ce projet de loi, la limite reste 100 centimètres, ce qui impliquerait une sanction pénale pour une hauteur supérieure à cela, alors qu'en réalité, l'objectif n'est pas de... Je ne crois pas qu'il soit criminel...
     Il s'agit d'une gradation. Je n'ai pas le projet de loi sous les yeux. Je vois, maître Spratt, que vous l'avez.
    Oui, je l'ai.
    Vous êtes arrivé bien préparé.
     Je ne peux pas retrouver le passage exact à l'instant, mais je crois qu'il y a une gradation. C'est une question d'anticipation.
    Dans notre rapport, nous avons évoqué le fait qu'il pourrait y avoir de soi-disant sanctions administratives. Il pourrait y avoir confiscation. Si quelqu'un fait pousser 100 plantes pour un soi-disant usage personnel, il y aurait lieu d'appliquer le droit pénal, surtout si vous avez des preuves sur le nombre de plantes.
    Maître Spratt, je présume que les plantes elles-mêmes ne constitueraient pas une preuve à première vue suffisante pour présumer d'un trafic, mais il y aurait peut-être d'autres preuves dans la maison — des sacs en plastique ou quelque chose du genre — qui pourraient s'avérer incriminantes, dans lequel cas, vous utiliseriez assurément le Code criminel. S'il s'agit seulement de quelques plantes de plus que la limite de quatre, vous pourriez très bien utiliser un système de contraventions. Vous pourriez aussi confisquer les plantes et donner un avertissement.
    C'est ce qui nous est apparu comme étant la chose pragmatique et raisonnable à faire, lorsque nous avons travaillé là-dessus.
    D'accord, merci.
    Puis-je ajouter quelque chose, brièvement?
    Oui.
    Le pouvoir du droit pénal est un outil très brutal pour traiter de problèmes sociaux, et ce l'est encore plus pour traiter de problèmes de jardinage. En examinant les raisons données pour justifier la criminalisation de ce centimètre de trop — le fait de tenir compte de la hauteur des clôtures, mais pas du rendement, de la puissance ou des problèmes relatifs à la distribution —, on pourrait bien se retrouver avec certains problèmes de Charte à l'égard du bien-fondé de cette valeur de référence quelque peu arbitraire.

  (1230)  

    Dans notre rapport, nous avons effectivement abordé certaines des choses que vous avez mentionnées au sujet des raisons qui justifient cette valeur, et nous en avons assurément discuté avec des spécialistes américains... Pourquoi? Parce que tous les États qui ont légalisé cela et qui permettent d'en faire la culture — ce qui n'est pas le cas de l'État de Washington — ont fixé une limite à la culture maison, et qu'ils ont mûrement réfléchi aux raisons pour lesquelles cette limite devait être fixée. Nous avons écouté ce que les Américains — et les gens d'ici — nous ont dit quant au nombre raisonnable de plantes qu'un utilisateur modéré devrait avoir le droit de cultiver, quant au produit, etc.
    Merci. Je comprends.
     J'aimerais passer à autre chose, s'il me reste du temps.
    Je m'excuse, votre temps est écoulé.
    Monsieur Davies, c'est à vous.
    Merci.
    J'aimerais parler de la plateforme nationale en ce qui concerne le commerce électronique.
     À l'instar de M. McKinnon, j'ai fait beaucoup de recherche indirecte durant l'été, et voici ce que j'ai découvert, ou du moins, ce que j'ai retenu. Je blague.
    Le marché illicite est partout. Il est présent d'un océan à l'autre. Il y a toute une variété de produits. Certains viennent d'ici, d'autres sont importés. Partout, il y a des distributeurs et des revendeurs à qui l'on fait confiance. Leurs prix sont acceptables par rapport au marché, et le marché est complexe.
     On me dit qu'il y a au moins 12 sites Web où l'on peut se procurer du cannabis illicite. Il y a des mécanismes de livraison à la maison. L'Institut C.D. Howe nous indique que le marché licite doit concurrencer avec le marché illicite pour que l'ensemble de ce régime fonctionne, et que ce n'est pas seulement une question de prix. C'est aussi une question de commodité et de choix.
     Cependant, on me dit que le projet de loi C-45 ne contient rien sur une plateforme nationale d'approvisionnement fondée sur le commerce électronique. L'un des principaux producteurs de cannabis à usage médical du pays m'a dit de but en blanc que le projet de loi était voué à l'échec si le régime du commerce à des fins récréatives ne se dotait pas d'une plateforme permanente et efficace de commerce électronique.
     J'ai vu que le rapport du groupe de travail indique ce qui suit :
Il y a également lieu de s’assurer que les ventes au détail en ligne disposent des droits des consommateurs appropriés.
    
Pour prendre en charge ceux qui n’ont peut-être pas accès aux points de vente au détail (par exemple, les petites collectivités, les communautés rurales et éloignées, les personnes à mobilité réduite), un système de vente par correspondance s’adressant directement aux consommateurs de cannabis non médical devrait être envisagé.
    Ce que je comprends, c'est qu'un producteur de l'Ontario qui voudrait poster un produit en Colombie-Britannique devra être sous réglementation fédérale, et ce, dans au moins trois champs de compétence fédéraux. Il s'agit d'un produit listé, de commerce interprovincial et de la poste, et pourtant, le projet de loi C-45 ne parle pas de cela de manière explicite.
    Madame McLellan, j'aimerais savoir si vous avez des suggestions à nous faire pour améliorer cet aspect du projet de loi.
    Je crois que les points que vous soulevez sont importants. Dans ce domaine comme dans d'autres, j'ai toujours été d'avis que la façon de concurrencer le commerce illégal était de miser sur la qualité, le choix et les prix. Il sera intéressant de voir comment cela va se jouer. Chose certaine, c'est que cela prendra du temps. Il faudra plus que quelques mois pour développer un marché de détail stable et normalisé selon les régimes que les provinces décideront d'adopter. Dans le monde d'aujourd'hui, les gens sont habitués à commander et à acheter en ligne. Nous avons d'ailleurs pu constater, avec le cannabis à des fins médicales, que cette plateforme fonctionne.
     Je tiens assurément compte de l'absence d'intervention directe de pharmaciens dans bon nombre de ces transactions, même si chaque usager devrait avoir été autorisé par un médecin à consommer ces produits.
    Je crois que le commerce électronique occupera une place importante pour la suite des choses. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'Ontario a explicitement inclus une plateforme de commerce électronique dans sa proposition de vendredi dernier. C'est quelque chose qui concerne la province puisqu'il s'agira de passer des commandes à ses distributeurs de gros et de détail. Au fur et à mesure que ce marché évoluera, il sera intéressant de voir si, oui ou non... De quelque sorte que ce soit, une plateforme nationale de commerce électronique sera un complément important à celle qui est recommandée actuellement dans le projet de loi.
    Je crois qu'il ne faut pas perdre de vue que cela prendra du temps. Nous allons apprendre de quoi le marché a besoin tant sur le plan de la sécurité que sur celui de la santé, mais nous allons aussi essayer d'évincer le marché noir ou le marché illégal. Nous ne sommes pas naïfs. Je ne laisse pas sous-entendre que nous allons un jour atteindre le nirvana et que nous allons réussir à éliminer complètement les transactions illégales. Nous avons toujours des ventes de tabac illégales et un peu de ventes d'alcool illégales, bien qu'il s'en consomme très peu.
    Je crois que le groupe de travail dirait que le commerce électronique sera un élément important de ce marché dans l'avenir. Pour ce qui est de savoir comment cela va se passer et à quel moment, il faudra qu'il y ait des discussions plus approfondies entre le gouvernement du Canada et les provinces et territoires.

  (1235)  

    Voilà une brillante façon de terminer. Au nom du Comité, je remercie chacun d'entre vous de sa contribution. Vous nous avez aidés à comprendre les diverses permutations et combinaisons auxquelles nous devons nous attendre. Nous sommes au tout début de cette étude, mais vous nous avez assurément fourni beaucoup d'informations et je vous remercie sincèrement de l'avoir fait. Nous allons suspendre la réunion jusqu'à 13 h 45. Nous nous retrouverons tous ici à 13 h 45, car nous avons deux autres groupes de témoins à entendre.
    La séance est suspendue.

  (1235)  


  (1345)  

    Très bien. Nous allons maintenant reprendre cette 64e séance du comité de la santé.
    Nous accueillons un nouveau groupe de témoins. Avec nous, aujourd'hui, du Conseil canadien du cannabis médical, nous avons Philippe Lucas, directeur exécutif; de l'Alliance Commerciale Canadienne du Chanvre, nous avons Keith Jones, président, et Robert Rae, directeur. Nous nous demandions s'il s'agissait de Bob Rae, mais ce n'est pas le cas: c'est Robert Rae. Du ministère de la Justice de la Saskatchewan, nous accueillons Dale Tesarowski, directeur exécutif, Initiatives organisationnelles, rendement et planification. Enfin, de l'Association Cannabis Canada, nous recevons Sébastien St. Louis, membre du conseil d'administration, et Colette Rivet, directrice générale.
    Chaque partie dispose de 10 minutes pour commencer. Nous allons commencer par M. Lucas. Je crois comprendre vous avez un exposé et que vous allez nous l'envoyer plus tard.
    Je vais le faire. Merci beaucoup. Je vais en parler aujourd'hui. Vous recevrez les notes peu après.
    Aujourd'hui, je suis là pour représenter le Conseil canadien du cannabis médical. Je veux également mentionner le fait que je suis adjoint de recherche au Centre de recherche sur les toxicomanies de la Colombie-Britannique et vice-président du service de recherche sur les patients et d'accès de Tilray, un des producteurs autorisés situés ici, au Canada, à Nanaimo, en Colombie-Britannique. Je travaille personnellement sur le cannabis médical depuis maintenant environ 22 ans, alors il s'agit d'un domaine que je connais assez bien. Je suis ravi d'être ici aujourd'hui et de pouvoir vous communiquer certaines de nos connaissances ainsi que les travaux et les recherches que nous effectuons.
    Je veux vous parler un peu du Conseil canadien du cannabis médical. Nous sommes une association industrielle représentant sept producteurs autorisés et servant environ 40 000 patients de ce groupe de producteurs. La prise en compte du point de vue des patients dans ses politiques et pratiques est une caractéristique distinctive du Conseil canadien du cannabis médical. Nous possédons un comité consultatif sur les patients composé d'organisations nationales qui comprennent la Société de l'arthrite du Canada, la Société canadienne du sida, le Réseau canadien des survivants du cancer, la Société gastrointestinale du Canada et un certain nombre d'autres organisations qui contribuent à nous conseiller en ce qui a trait aux politiques que nous adoptons et à nos positions de lobbying.
    Parmi les priorités du CCCM, mentionnons la réduction du coût du cannabis médical et l'amélioration de l'accès pour les patients. Nous exhortons les gouvernements fédéral et provinciaux à maintenir une séparation claire entre les marchés du cannabis médical et du cannabis récréatif en les taxant différemment. Nous estimons que le cannabis médical devrait être traité comme tous les autres médicaments sur ordonnance au Canada et qu'il ne devrait pas être taxé. Il s'agit certainement d'un sujet que j'espère pouvoir aborder au moment où nous répondrons aux questions, aujourd'hui, savoir les raisons pour lesquelles le cannabis médical devrait être détaxé comme les autres médicaments au Canada.
    Je voudrais également mentionner que nous travaillons avec des assureurs privés afin de mieux améliorer et accroître la protection des patients traités au cannabis médical comme précurseur de l'obtention d'une protection provinciale pour les patients du Canada.
    Aujourd'hui, je vais communiquer certains résultats d'un sondage national que nous avons mené auprès de patients au mois de janvier. Il s'agit du plus important sondage auprès de patients, jamais mené au Canada; il a suscité 2 032 réponses, et il contribuera à illustrer certains des moyens qu'emploient les utilisateurs finaux du cannabis médical au Canada, car il y a beaucoup de chevauchements entre la population de patients et la population consommatrice de cannabis récréatif.
    L'âge moyen de cette population particulière est de 40 ans. Nous constatons qu'en fait ce sont habituellement des personnes d'âge moyen qui cherchent à obtenir du cannabis médical. Bien souvent, elles ont reçu des traitements qui ont échoué, et elles cherchent des solutions de rechange aux médicaments sur ordonnance qu'elles consomment actuellement.
    Pour ce qui est des problèmes de santé primaire, nous constatons que les problèmes de santé mentale, qui regroupent l'insomnie, la santé mentale et le trouble de stress post-traumatique, sont en fait la principale raison pour laquelle les patients consomment du cannabis médical. Ce groupe englobe 40 % des patients du Canada. Ce problème est suivi de près par la douleur, qui regroupe l'arthrite, la douleur chronique et la céphalée, qui compte pour environ 37,5 %. Ce que l'on observe, c'est qu'environ 80 % des patients du Canada consomment actuellement du cannabis comme traitement de la douleur ou d'un problème de santé mentale.
    En ce qui concerne la consommation moyenne, nous observons que les patients déclarent consommer, en moyenne, environ 1,5 gramme de cannabis par jour et que 78 % des patients consomment trois grammes ou moins par jour. Nous ne voyons pas de grandes tendances liées à la consommation sur ce plan. Ces données correspondent aux recherches qui ont été effectuées au Canada, aux États-Unis et en Europe au cours des dernières années. Elles montrent que la plupart des patients traités au cannabis médical en consomment entre 0,5 et 1,5 gramme par jour.
    Pour ce qui est de la principale méthode d'utilisation, j'ai de bonnes nouvelles à vous annoncer. Je fais ce genre de recherche depuis les 10 ou 15 dernières années. Dans ce sondage, nous constatons que la principale méthode d'utilisation déclarée est la vaporisation, à un taux de 31 %. Cette méthode est en fait plus populaire que les joints, les pipes et les pipes à l'eau, qui étaient peut-être plus populaires dans le passé. Il s'agit en réalité d'un changement provoqué par des préoccupations relatives à la santé que nous observons au sein de la population consommant du cannabis médical, mais je pense aussi qu'il a des conséquences stratégiques, au moment où nous procédons à la réglementation même de la vaporisation de produits en Ontario et partout au Canada.
    Le principal domaine sur lequel porte ma recherche, c'est l'effet de substitution du cannabis, c'est-à-dire la façon dont les patients et les consommateurs récréatifs utilisent, consciemment et inconsciemment, le cannabis au lieu d'autres substances. Je vais communiquer un peu de données à ce sujet, tirées de ce sondage. Selon le sondage — qui, comme je l'ai dit, est de loin le plus important à avoir été mené auprès des consommateurs de cannabis canadiens à ce jour —, 69 % des patients déclarent avoir remplacé des médicaments sur ordonnance par le cannabis, alors ils en consomment dans le but de réduire leur dépendance à des médicaments sur ordonnance. Nous constatons également le remplacement spécial de l'alcool par 44 %, du tabac, par 31 %, et de substances illicites, par 26 % de la population qui avait déjà consommé ces substances.
    Je voulais pouvoir vous présenter des données plus granulaires, alors lorsque des patients affirment qu'ils remplacent des médicaments sur ordonnance, je leur demande: « Eh bien, pouvez-vous nommer trois médicaments sur ordonnance que vous remplacez, ou bien en nommer jusqu'à trois? »

  (1350)  

    Comme on sait que les patients consomment du cannabis pour traiter la douleur et les problèmes de santé mentale, le fait que cette substance remplace des opioïdes sur ordonnance dans 35 % des cas ne devrait pas être surprenant. Ces médicaments sont suivis de près par les antidépresseurs, à un taux de 21 %, puis par les analgésiques ne contenant pas d'opioïdes, à un taux de 10 %. Nous observons également des taux très élevés de remplacement de benzodiazépines, qui sont presque aussi problématiques dans notre société que le sont les opioïdes du point de vue de la dépendance et des répercussions sur la santé publique.
    Je voulais que les données soient encore plus granulaires que cela, alors, quand les patients mentionnent qu'ils remplacent des opioïdes, je leur pose la question suivante: « Remplacez-vous 25 %, 50 % ou 75 % des opioïdes, ou bien les abandonnez-vous totalement? » Ce que nous avons constaté, c'est que des 458 patients qui ont mentionné le remplacement de 610 opioïdes au total — il faut comprendre que certains patients consomment plus d'un type d'opioïde — 60 % les avaient abandonnés totalement, et une autre tranche 18 % avait autodéclaré en avoir abandonné au moins 75 %.
    En ce qui concerne l'alcool, nous obtenons des données semblables. Des 513 répondants qui avaient remplacé l'alcool par du cannabis, 31 % ont affirmé que l'abandon total de l'alcool était simplement un genre de conséquence spéciale liée à l'introduction du cannabis médical dans leurs soins.
    Maintenant, je veux utiliser ce sujet comme transition pour me pencher sur certaines des recherches parues aux États-Unis, concernant les États où le cannabis médical est légal et ceux où l'est le cannabis récréatif, car je pense qu'il peut être utile d'étayer ce à quoi nous pouvons nous attendre, ici, au Canada. Au cours des 20 dernières années, plus de 20 États — comme vous le savez — ont légalisé l'accès au cannabis médical. Actuellement, huit États ont également légalisé la consommation de cannabis récréatif par des adultes. Cette légalisation a entraîné des conséquences importantes sur la santé et la sécurité publiques. Ces conséquences comprennent une réduction des décès par surdose d'opioïdes. De fait, une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association a montré une réduction de 25 % des décès par surdose d'opioïdes dans les États ayant légalisé le cannabis médical, comparativement aux États voisins. Plus le programme de marijuana médical était en place depuis longtemps dans l'État, plus l'effet était grand. Nous observons également des réductions au chapitre des accidents d'automobile mortels liés à l'alcool, des crimes violents et des homicides et du suicide. Voilà qui répond à l'une des questions que nous avons entendues aujourd'hui.
    Nous observons également une diminution de la consommation de cannabis chez les adolescents. De fait, un rapport qui est ressorti d'une enquête nationale pas plus tard que la semaine dernière énonçait que la consommation de cannabis chez les adolescents a maintenant diminué jusqu'à un taux qui n'a jamais été aussi bas depuis 2002. Nous observons une réduction importante de la consommation de cannabis chez les adolescents.
    Nous observons une légère augmentation de la consommation de cannabis par des adultes, mais il est intéressant de constater que cette augmentation est aussi accompagnée d'une diminution subséquente de la consommation d'alcool et des risques qui s'y rattachent. Les chercheurs laissent entendre que tous les préjudices que j'ai mentionnés et qui font actuellement l'objet d'une réduction, qu'il s'agisse des crimes violents, des homicides, des suicides ou d'autres choses, diminuent en raison de ce remplacement de l'alcool par le cannabis.
    Parmi les autres répercussions, mentionnons les grandes conséquences sur les taxes. Le Colorado tire maintenant plus d'argent de la vente et de la taxation du cannabis que de l'alcool. C'est à la maison, bien entendu. En outre, concernant la création d'emplois, en 2015, le Colorado a créé 18 000 emplois et généré 2,4 milliards de dollars d'activité économique grâce à ses politiques relatives au cannabis.
    Voilà qui m'amène à une analyse qu'il importe, selon moi, que le Comité prenne en considération, c'est-à-dire l'importance des marques pour ce qui est de vaincre le marché noir. Aujourd'hui, nous avons entendu les conférenciers précédents aborder le fait qu'actuellement, si on se rend en ligne, on peut commander du cannabis auprès de plus de 20 sources en ligne différentes de partout au Canada. Aucune d'entre elles n'est une source légitime de cannabis, et il sera incroyablement important de permettre aux consommateurs canadiens de faire la distinction entre le marché illicite et le nouveau marché licite émergent. L'une des façons dont ils pourront le faire, c'est grâce à l'importance des marques. La justification d'une stratégie de marque responsable orientée vers les adultes comprend l'élimination de la confusion entre les marchés illégal et légal, ce qui permettra aux entreprises professionnelles de se distinguer de concurrents moins scrupuleux, d'établir une distinction entre les produits de grande qualité et ceux de faible qualité et d'avoir la possibilité de sensibiliser les consommateurs au sujet d'une consommation responsable.
    Cette situation a provoqué le lancement d'une initiative qui se déroule actuellement entre un certain nombre des producteurs autorisés au Canada — de fait, 16 producteurs autorisés représentant 90 % du marché médical actuel — et les deux associations de l'industrie: l'Association Cannabis Canada et le Conseil canadien du cannabis médical. Il s'agit d'une initiative que nous menons avec Les normes canadiennes de la publicité afin de créer un régime d'autoréglementation qui permettra l'établissement d'une stratégie de marque responsable adressée aux adultes en ce qui concerne l'accès au cannabis récréatif.
    Les principes de cette initiative sont que le marketing effectué par les producteurs autorisés ne fera qu'encourager la préférence à l'égard des marques et ne tentera pas d'influencer les adultes qui ne consomment pas de cannabis.

  (1355)  

    Le marketing par les producteurs autorisés ne sera pas orienté vers les personnes âgées de moins de 18 ans, ou quelle que soit la limite dans chacune des provinces, que ce soit 19 ans ou plus. Tous les messages publicitaires contiendront des énoncés concernant une consommation responsable, qui iront bien plus loin que ce que nous voyons de la part de l'industrie de l'alcool actuelle. Les producteurs autorisés pourront obtenir volontairement une approbation préalable de leurs campagnes publicitaires pour garantir qu'elles répondent à ces lignes directrices, et ils accepteront de respecter les dispositions du Code canadien des normes de la publicité.
    En conclusion, je voudrais dire que le cannabis médical — comme je l'ai déclaré — est utilisé principalement dans le traitement de la douleur chronique et des problèmes de santé mentale, que les patients qui en consomment autodéclarent fréquemment qu'ils remplacent des opioïdes pharmaceutiques et l'alcool, ce qui mène souvent à une abstinence complète des substances nommées, et que la stratégie de marque peut non seulement réduire les préjudices associés à la légalisation et à la réglementation de la consommation du cannabis par les adultes, mais qu'elle peut aussi maximiser les avantages potentiels pour la santé et la sécurité publiques.
    Merci infiniment du temps que vous m'accordez aujourd'hui. Je vous en suis vraiment reconnaissant.
    Merci de vos informations.
    Quand le rapport que vous allez présenter sera-t-il accessible?
    Nous allons le présenter d'ici la fin de la journée, et je pense que nous allons faire usage de vos services de traduction pour en traduire une partie.
    D'accord.
    Nous allons également présenter une toute nouvelle publication tirée d'une étude que j'ai effectuée, qui s'intitule « Rationale for cannabis-based interventions in the opiod overdose crisis » — je serai heureux d'en parler aujourd'hui, si on me pose des questions concernant la consommation de cannabis et d'opioïdes — et une autre étude que j'ai menée sur le remplacement des opioïdes également.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant accueillir M. Jones, de l'Alliance Commerciale Canadienne du Chanvre, qui va nous présenter un exposé de 10 minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes très reconnaissants d'avoir la possibilité de comparaître devant le Comité permanent.
    Je m'appelle Keith Jones. Je siège au conseil d'administration de l'Alliance Commerciale Canadienne du Chanvre. Dans le cadre de mon travail de jour, je suis directeur général des fermes Rowland, qui sont une vaste exploitation agricole du Sud de l'Alberta. Nous cultivons du chanvre depuis 1998, quand la réglementation du chanvre industriel a été mise en place et qu'il est devenu légal de cultiver le chanvre ici, au Canada.
    Robert Rae m'accompagne; il siège également au conseil d'administration de l'Alliance Commerciale Canadienne du Chanvre. En outre, Robert travaille pour Canada Hemp Foods, qui est l'un des distributeurs de produits du chanvre menant ses activités ici, au Canada. L'entreprise de Robert comprend l'exportation de produits du chanvre vers un certain nombre de pays de partout dans le monde.
    L'Alliance Commerciale Canadienne du Chanvre est un organisme dont sont membres 250 agriculteurs ainsi que des transformateurs, des distributeurs, des phytogénéticiens et des chercheurs. Nous sommes une association industrielle sans but lucratif qui est axée sur le bénévolat. Nous avons eu la possibilité de faire appel à Ottawa plus tôt ce printemps, et nous avons été invités à examiner la loi sur le cannabis — le projet de loi C-45 — quand il a été publié et à présenter un exposé au Comité si nous estimions qu'il y avait des conséquences imprévues qui pourraient découler du projet de loi pour l'industrie du chanvre.
    Nous sommes là aujourd'hui parce que nous craignons que, tel qu'il est rédigé, le projet de loi C-45ne mette en péril 1 200 emplois dans l'industrie canadienne du chanvre aujourd'hui, pour des raisons précises.
    L'une, c'est que le projet de loi actuel ne fait pas la distinction entre le chanvre, le cannabis et la marijuana.
    Relativement à cela, le projet de loi actuel attribue aux provinces et aux municipalités la responsabilité à l'égard de la réglementation de la production, du transport et de la distribution de tous les produits de cannabis. Cette situation va créer un fardeau exceptionnel sur l'industrie du chanvre actuelle. Nous dirigeons nos propres exploitations agricoles dans cinq municipalités, et le fait de tenter de mettre les organismes de réglementation au diapason va probablement limiter nos activités pour deux ou trois ans, d'après ce qui est exigé actuellement.
    La proposition que nous soumettons à l'étude du Comité, c'est qu'afin de prévenir la conséquence inattendue que sera le déraillement de l'industrie du chanvre canadienne, il faudrait exempter le chanvre dans le projet de loi en tant qu'élément 5 au titre des exceptions prévues à l'annexe 2, en exemptant l'ensemble des plants de chanvre du projet de loi et, comme cette exemption serait alors en place, retirer le chanvre de la réglementation sur le cannabis prévue dans la LRCDAS.
    Voilà donc notre demande. Monsieur le président, je voudrais fournir un peu plus de données contextuelles à l'appui de notre demande.
    Le chanvre est très différent de la marijuana et du cannabis, du fait que les variétés de chanvre proviennent d'une sélection végétale qui a été effectuée dans le but de réduire la teneur totale en THC dans le plant de chanvre à un taux inférieur à 0,3 %. On ne peut pas se défoncer en fumant du chanvre, sauf si on en fumait l'équivalent d'un poteau de téléphone, ce qui serait très difficile à faire. Il provient de la plante Cannabis sativa. En se fondant sur l'expérience de la réglementation du chanvre industriel au cours des 19 dernières années, Santé Canada a approuvé une liste de cultivars qui, on le sait, sont du chanvre. Il a été confirmé que leur teneur en THC est constamment inférieure à 0,3 %.
    Santé Canada a fait beaucoup de travail depuis l'entrée en vigueur de la réglementation du chanvre industriel et peut facilement consulter ces définitions.
    Le chanvre s'est avéré être sans danger. En 19 ans de culture, aucun risque pour la sécurité associée à la culture et au transport du chanvre n'a été signalé, et aucun incident n'a été déclaré relativement à une activité criminelle associée à l'industrie du chanvre. À l'époque où la réglementation du chanvre a été mise en place, il y avait beaucoup d'apprentissage à faire, mais les 19 années nous ont procuré un assez bon bilan d'innocuité prouvée.
    Notre exploitation agricole produit du chanvre précisément pour le marché de l'alimentation. Nous cultivons un plant de chanvre afin de récolter les graines au sommet. Il nous est actuellement interdit de récolter les feuilles ou les boutons du plant de chanvre au titre de la réglementation du chanvre industriel. Nous pouvons récolter la paille pour les fibres, mais aucune industrie de fibre n'a encore été créée au Canada.

  (1400)  

    Au pays, on sait que l'industrie canadienne est le chef de file mondial de l'utilisation alimentaire du chanvre. Le Canada est reconnu pour avoir la plus importante industrie du chanvre appuyant une consommation alimentaire sécuritaire du chanvre. En 2016, l'industrie canadienne a exporté pour 145 millions de dollars de produits alimentaires de chanvre vers d'autres pays de partout dans le monde. Aujourd'hui, on peut aller dans la plupart des épiceries au Canada pour se procurer un sac de graines de chanvre Hemp Hearts. Encore une fois, le profil nutritionnel du chanvre décortiqué et des graines de chanvre est formidable: les deux sont reconnus pour leur profil d'huile à forte teneur en oméga-3 et pour leur profil de protéines végétales très attrayant. Le chanvre est en train de devenir un produit alimentaire très populaire.
    En outre, le potentiel de l'industrie du chanvre est fort. Nous cultivons jusqu'à 100 000 acres de production. L'Alliance Commerciale Canadienne du Chanvre prévoit que, grâce à une certaine modernisation de la réglementation associée au chanvre, nous pourrons faire croître l'industrie jusqu'à plus d'un milliard de dollars au cours des sept prochaines années. Nous avons à peine commencé à travailler sur le marché des aliments pour animaux, celui des fibres et celui des produits de santé naturelle. Une excellente occasion se présente à l'industrie du chanvre pour l'avenir. En décembre, le groupe de travail fédéral sur le cannabis a recommandé un assouplissement du régime réglementaire relatif au chanvre dans son rapport. Nous apprécions cette recommandation.
    Dans notre proposition particulière, nous souhaitons voir le chanvre exempté du projet de loi C-45 par son inclusion dans les exemptions prévues à l'annexe 2. Je vais fournir la définition précise, qui, encore une fois, s'inspire de la définition du terme « chanvre » de Santé Canada. Nous demanderions que le chanvre et les parties de plants de chanvre, y compris le plant de chanvre entier, soient exemptés au titre de l'élément 5, parmi les exemptions prévues à l'annexe 2, et que le chanvre soit ainsi défini: « plants de cannabis cultivés à partir de semences certifiées figurant sur la liste des cultivars approuvés par Santé Canada ». Il s'agit de cultivars dont il a été confirmé qu'ils produisent régulièrement un maximum absolu de 0,3 % de THC.
    Le CBD suscite un intérêt exceptionnel en tant qu'autre élément constitutif ou composante de la santé. Les Européens travaillent de façon extrêmement dynamique là-dessus, et la FDA tient une période de commentaires ouverte afin d'obtenir des données sur le CBD. Lorsqu'on retire le THC du chanvre, on obtient naturellement plus de CBD, et c'est pourquoi le chanvre est considéré comme une très bonne source de CBD. L'industrie médicale étudie un certain nombre de façons d'utiliser le CBD et les avantages médicaux qui pourraient découler de cette substance. L'utilisation du plant de chanvre entier permettrait à un certain nombre de personnes — des patients canadiens et d'autres dans le monde—  d'accéder à une source de CBD à coût très modique. Nous pensons qu'il s'agit d'un avantage réel qui peut provenir de l'industrie du chanvre également.
    Merci beaucoup de votre attention. Robert et moi serons très heureux de répondre à toutes les questions que vous pourrez avoir.

  (1405)  

    Merci beaucoup.
    Maintenant, nous passons au ministre de la Justice de la Saskatchewan, M. Tesarowski, pour 10 minutes.
    Merci de me donner l'occasion de dire quelques mots concernant le projet de loi C-45 et la légalisation probable du cannabis au Canada.
    Au cas où vous seriez en train de compter, il nous reste environ 292 jours avant le 1er juillet 2018. J'ai trouvé un site Web qui contient un compteur à rebours.
    Nous avons notre propre compteur ici même.
    Je m'excuse à l'avance de poser plus de questions que je ne donnerai de réponses aujourd'hui.
    Nous venons juste de faire participer les résidents de la Saskatchewan à un sondage en ligne concernant les diverses responsabilités provinciales. Une fois que nous obtiendrons nos résultats, nous aurons une meilleure idée de l'orientation que nous prendrons à partir de là. Plus de 20 000 personnes ont rempli les sondages au cours des trois derniers jours et demi. C'est un nombre stupéfiant, qui ne fait que mettre en relief l'importance de ce que nous faisons aujourd'hui.
    L'autre argument que je voudrais formuler en ce moment, c'est que la légalisation du cannabis — ou en réalité, la légalisation de la possession, de la consommation, du partage ou de la culture de certaines quantités de cannabis par des personnes ayant atteint un certain âge — ne faisait pas partie de notre programme provincial. Même si on ne nous entraîne pas de force dans cette initiative, elle ne faisait pas partie de nos plans. Le gouvernement fédéral a imposé beaucoup de responsabilités aux provinces, sans leur donner beaucoup de temps pour se préparer à la mise en œuvre.
    Entre autres, les provinces sont responsables de concevoir et d'autoriser la distribution et la vente au détail sur leur territoire ainsi que de mener les activités d'assurance de la conformité, de taxation et d'application de la loi qui s'y rattachent. Elles sont également responsables d'établir des exigences réglementaires supplémentaires pour régler les problèmes suscitant des préoccupations locales, comme l'établissement d'un âge minimal plus élevé ou d'une limite plus contraignante relativement à la possession ou à la culture personnelle. Les provinces et les municipalités sont responsables d'établir des règles de zonage pour les entreprises fondées sur le cannabis, de limiter les endroits où le cannabis peut être consommé et de modifier les lois provinciales sur la sécurité routière afin d'y ajouter des dispositions sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. La Saskatchewan a déjà mis en place des lois en ce qui a trait à la suspension du permis pour conduite avec facultés affaiblies par la drogue pour les conducteurs nouveaux ou expérimentés et à la tolérance zéro à l'égard de la consommation de drogues par les nouveaux conducteurs.
    Nous devons mobiliser nos gens, nos entreprises, nos collectivités, nos partenaires et les autres intervenants concernant ces enjeux et mettre en œuvre des processus et des pratiques avant le 1er juillet 2018. Nous devons être prêts à mettre en œuvre un âge minimal pour l'achat, à modifier des lois et des règlements et à composer avec ces questions et à réglementer la culture personnelle de cannabis et les taux de puissance. Nous allons devoir maintenir un contrôle de la qualité aux points de vente. Il faudra que nous veillions à ce que les consommateurs obtiennent ce qu'ils sont censés obtenir, pas quelque chose qui pourrait être préjudiciable. Nous devons réglementer la distribution, la vente au détail, la consommation et la possession de cannabis, et j'entends par là les endroits où le cannabis pourrait être permis, comment il pourrait être consommé et comment fixer son prix et le taxer.
    Le cadre de taxation du cannabis doit prendre attentivement en considération le modèle de distribution et les méthodes d'administration et d'application de la loi pour que l'on puisse s'assurer que la taxe est appliquée et prélevée adéquatement. Au moment d'établir le taux de taxation applicable au cannabis, le gouvernement doit envisager un taux qui est suffisamment élevé pour décourager la consommation de cannabis du point de vue de l'acceptabilité sociale, mais pas élevé au point que les gens choisissent de l'acheter illégalement pour éviter le paiement de la taxe. J'appelle cela le « point idéal ».
    De plus, nous devons régler des questions telles que la mobilisation, l'éducation du public et les stratégies de sensibilisation, la santé et la sécurité au travail, les problèmes de sécurité au travail et les lois concernant la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Nous devons entreprendre la réglementation de la vente et de la distribution du cannabis en direction et en provenance de nos collectivités autochtones. Nous devons assurer la surveillance à l'égard de l'autorité municipale concernant le zonage, l'autorisation, la taxation et les frais. Nous devons également prendre part à une collaboration et à une analyse interprovinciales/territoriales concernant l'âge, les modèles de vente au détail, la taxation et l'établissement des prix. Nous voulons que le paysage soit le plus semblable possible à l'échelle du pays, afin que des provinces ou territoires différents n'établissent pas de lois extrêmement différentes.
    La vraie question est la suivante: tout cela peut-il être fait à temps? Nous l'espérons, mais il y a beaucoup à accomplir en une très courte période. Si nous avions disposé de 12 à 18 mois après la sanction royale, le délai aurait été facile à respecter. Ce délai a plutôt été réduit à 14 mois après l'adoption du projet de loi.
    L'un des problèmes que nous avons, en Saskatchewan, tient au fait que nous avons des sessions législatives fixes pour le printemps et l'automne et un échéancier relativement strict pour l'adoption de lois. Nous donnons les avis en janvier, obtenons les approbations au printemps puis adoptons les lois dans le cadre de la session d'automne. Tout projet de loi fait ensuite l'objet d'un débat et d'un vote durant la session du printemps suivant.

  (1410)  

    Telle qu'elle est proposée, la légalisation du cannabis entraîne la Saskatchewan en territoire inconnu. Nous devons déroger à nos règles de pratique habituelles pour pouvoir respecter l'échéance, en juillet 2018. Bien que nous fassions de notre mieux pour y arriver, nous ne pouvons pas garantir que nous parviendrons à respecter l'échéancier fixé par le gouvernement fédéral.
    De plus, nous devons entreprendre la démarche sans disposer de la version définitive du projet de loi du gouvernement fédéral. Le contenu du projet de loi C-45 est connu, mais sera-t-il le même lorsqu'on lui accordera la sanction royale? Il existe d'innombrables exemples de projets de loi qui ont été amendés, parfois considérablement, au cours du processus législatif qui a mené à leur adoption; pourtant, on demande aux provinces et aux territoires du Canada d'aller de l'avant sans filet de sécurité, car on espère qu'il n'y aura aucun amendement majeur en cours de route ou que nous serons en mesure de nous y adapter dans le cadre de nos propres stratégies de mise en oeuvre.
    Certains aspects de la légalisation de la marijuana suscitent des préoccupations pour la Saskatchewan. Par exemple: les infractions pouvant faire l'objet d'une contravention; la mise en application et la réglementation dans leur ensemble; l'éducation du public, la sensibilisation, la prévention et le traitement; l'âge minimal; l'étiquetage et l'emballage; la sécurité en milieu de travail; et le type d'approche qu'il serait préférable d'adopter, soit une approche progressive, soit une approche par étapes.
    Relativement aux infractions pouvant faire l'objet d'une contravention, la Saskatchewan estime qu'une contravention pour une infraction liée au cannabis, comme cela est prévu dans la partie 2, est une affaire criminelle. Une condamnation pour une infraction de cette nature est une condamnation au criminel, et c'est là le coeur du problème. Nous sommes reconnaissants de l'effort déployé en vue d'obtenir des gains d'efficience dans le système de justice grâce à l'utilisation de contraventions, mais cette façon de procéder amènera-t-elle les contrevenants à penser qu'en payant l'amende, l'affaire sera réglée? Penseront-ils qu'il ne s'agit que d'une simple contravention pour excès de vitesse? Ces personnes seront-elles conscientes qu'elles auront fait l'objet d'une condamnation au criminel qui pourrait les empêcher de voyager à l'étranger, par exemple? Il faut que cela soit établi très clairement dans la contravention. Les gouvernements provinciaux ont entamé des discussions avec le gouvernement fédéral à propos de ces questions. Peut-être devrait-on ajouter un passage au paragraphe 51(3) ou aux articles 52 ou 53 pour préciser qu'une condamnation pour une infraction de cette nature est une condamnation au criminel.
    Un aspect peut-être plus important encore que la question des contraventions tient aux préoccupations soulevées par le paragraphe 52b), soit l'exigence qui prévoit que le casier judiciaire conservé par une province doit être classé à part des autres dossiers judiciaires. Puisqu'il s'agit d'une condamnation au criminel, cette exigence ne semble pas nécessaire. Si la Saskatchewan doit créer un système distinct pour la conservation des dossiers liés à ces infractions, non seulement devra-t-elle le faire à grands frais, mais il faudra également beaucoup de temps pour y parvenir, et tout cela, à quelles fins? Un délinquant qui essaie de traverser la frontière devra tout de même divulguer la condamnation. La condamnation apparaîtra tout de même si on vérifie son casier judiciaire.
    En ce qui concerne la mise en application et la réglementation, la légalisation du cannabis, bien que louable, est en train de se faire sans fondements scientifiques suffisants. Le Dr Ware nous en a parlé ce matin. Quelle est la concentration précise de drogue dans le sang qui correspond au seuil de facultés affaiblies pour une personne? Les experts en toxicologie s'entendent-ils tous pour dire que toute personne ayant x % de nanogrammes de THC dans le sang a les facultés affaiblies? Avec l'alcool, c'est possible. J'ai discuté avec des toxicologues, et il semble qu'il n'y a pas encore de taux semblable à la limite permise de 0,08 pour l'alcool. Nous sommes en train de façonner un système de justice pénale avec les projets de loi C-45 et C-46, mais nous allons trop vite pour les scientifiques.
    Nous nous préoccupons également du fait que les cas de conduite avec facultés affaiblies par la drogue augmenteront en raison de la légalisation du cannabis et un nombre beaucoup plus important de testeurs de sobriété normalisés, ou TSN, ou d'experts en reconnaissance de drogues, les ERD, devront être formés et envoyés sur le terrain d'ici très bientôt, lorsque la loi entrera en vigueur. Non seulement faut-il du temps pour former les agents, mais cela engendre aussi des coûts importants. Même si la Saskatchewan réduit au minimum ces coûts en offrant la formation théorique de deux semaines aux ERD à l'interne — c'est-à-dire, en Saskatchewan —, les agents doivent tout de même se rendre en Floride ou en Arizona pour la troisième semaine de formation, et cela coûte cher.

  (1415)  

    Par ailleurs, les contrôles routiers n'en sont qu'à leurs débuts. Il n'existe pas encore de règles de pratique reconnues, tout comme il n'y a pas d'appareils approuvés pour les contrôles routiers. Encore une fois, nos amis de la communauté scientifique et du ministère de la Justice travaillent très fort à ce chapitre. Il ne nous reste que 292 jours, et nous n'avons toujours pas d'outils approuvés.
    Le coût de ces appareils sera probablement important, et les agents chargés de l'application de la loi et les agents municipaux de la Saskatchewan craignent que les besoins en formation, l'acquisition des appareils et le coût pour chaque test et analyse ne dépassent ce qu'ils peuvent absorber.
    Mettons les choses en perspective. Sécurité publique Canada a récemment annoncé de nouveaux investissements qui seront utiles: le ministère a promis un financement de 81 millions de dollars sur cinq ans, répartis entre les provinces. Mais qu'est-ce que cela veut dire? Si les 13 provinces et territoires doivent se partager 81 millions de dollars, ils se retrouvent chacun avec 6,231 millions de dollars sur cinq ans ou 1,246 million de dollars par année.
    Pour vous donner une vue d'ensemble de la situation, le coût pour un appareil de dépistage approuvé est estimé à 3 500 $. Nous savons aussi qu'il coûtera environ 3 500 $ pour envoyer un agent en Arizona ou en Floride pour qu'il suive une formation d'une semaine. La formation d'un agent pour les TSN coûte environ 1 000 $. Je ne suis pas comptable, alors vous m'excuserez, mais si on divise 1,246 million de dollars par 3 500 $, cela donne 356. Donc, nous pouvons acheter 356 appareils ou former 356 agents ou un peu des deux avec l'argent offert. Le reste, c'est à nous de l'absorber.
    En outre, étant donné que les analyses de sang seront nécessaires — ce qui est justifiable sur le plan scientifique — nos laboratoires seront-ils en mesure de traiter l'afflux important d'échantillons? Y a-t-il suffisamment de laboratoires ou de techniciens pour que les tests soient effectués en temps opportun? Dans la situation actuelle, un échantillon pourrait prendre des semaines ou des mois après avoir été prélevé pour être analysé.
    En dernier lieu, les autorités policières saskatchewanaises craignent que la mise en application de la disposition permettant de cultiver quatre plants de cannabis soit difficile à appliquer, surtout si la culture se fait à l'intérieur ou loin des regards. C'est pratiquement impossible de faire appliquer la loi à cet égard. C'est quelque chose qui préoccupe beaucoup nos agents.
    Un autre sujet de préoccupation concerne l'éducation du public, la sensibilisation, la prévention et le traitement. Les ministères et les organismes gouvernementaux de la Saskatchewan sont tous d'avis que les efforts à ce chapitre doivent viser en priorité les jeunes et les jeunes adultes. La consommation sécuritaire et la sensibilisation aux conséquences possibles de la marijuana sont des sujets qui doivent être abordés avec eux, et bien qu'il s'agisse d'un domaine de responsabilité commune, le gouvernement fédéral doit donner l'exemple bien avant l'entrée en vigueur de la loi.
    Nous savons que les jeunes du Canada présentent l'un des taux de consommation du cannabis les plus élevés dans le monde industrialisé; pourtant, les jeunes Canadiens semblent mal informés des dangers de la marijuana. Ainsi, le récent rapport du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, Les perceptions des jeunes Canadiens sur le cannabis, indique que les jeunes considèrent que le cannabis est moins nocif que l'alcool, alors que la consommation de cannabis augmente de manière considérable les risques de blessure ou de décès dans un accident de la route. Les risques pour la santé associés à la consommation du cannabis sont aussi très méconnus. Il y a cependant tout lieu de s'attendre à une hausse de la demande à l'égard des ressources en santé pour traiter les cas de dépendances, de problèmes de santé mentale et d'autres problèmes médicaux.

  (1420)  

    Monsieur Tesarowski, ce que vous dites est bien important, mais vous avez dépassé la limite de temps. Pouvez-vous conclure de façon à nous laisser du temps pour les questions?
    Certainement.
    Il y a un dernier point que je veux soulever: quelle approche serait la meilleure, une approche progressive ou une approche par étapes? Le processus a déjà été entamé en ce qui concerne les produits consommables. Pour l'instant, ils demeurent interdits. Plus tard, nous allons envisager la possibilité de les légaliser, mais nous allons faire cela de la bonne manière. Nous devrions procéder par étapes afin de ne pas tout déséquilibrer. Efforçons-nous de bien faire les choses dès le début, mais commençons lentement. Commençons bien, et nous verrons la suite des choses en temps et lieu.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    La parole va à M. St. Louis de l'Association Cannabis Canada
    Je vais céder la parole à notre directrice générale, Colette Rivet.
    Merci, monsieur le président, d'avoir invité l'Association Cannabis Canada. Nous vous sommes très reconnaissants de l'occasion d'exprimer nous aussi notre point de vue sur le sujet.
    Laissez-moi vous parler un peu de notre organisation. Notre association compte 20 membres qui sont des producteurs autorisés par Santé Canada. Nous avons un comité de patients qui fournissent une rétroaction à nos membres et un comité chargé d'étudier la réglementation qui communique fréquemment avec le Bureau de cannabis médical afin d'améliorer la réglementation et, conséquemment, la qualité de nos produits. Nous avons aussi un comité des normes de communication, et nous sommes sur le point de poursuivre nos discussions avec le secrétariat. Nous espérons être en mesure de les épauler.
    Depuis 2013, les producteurs autorisés du Canada, autant les grands que les petits, ont été des partenaires efficaces dans l'établissement d'un système strict et bien réglementé de production et de distribution de cannabis à des fins médicales. C'est un système qui fait l'envie du reste du monde. C'est pourquoi le gouvernement du Canada a confié aux producteurs autorisés canadiens le devoir de jeter les bases du système de production de cannabis légal pour consommation récréative chez les adultes.
    Les producteurs autorisés sont impatients de travailler en collaboration et en conformité avec les gouvernements fédéral et provinciaux pour établir rapidement des modèles efficaces de distribution et de vente qui comprennent peu de risque, qui sont bien réglementés, hautement sécuritaires et adaptés aux besoins de chaque province. Il faut prévoir dans le projet de loi C-45 des mesures qui permettront à l'industrie légale de concurrencer le marché noir, notamment en ce qui concerne le prix, la valorisation de la marque et la publicité, en conformité avec des paramètres bien établis, afin d'éliminer la confusion qui règne sur le marché au sujet de la légitimité des sources et afin d'orienter les Canadiens dans leur utilisation de produits nouveaux et complexes. Le système de cannabis à des fins médicales doit également être protégé pour le bien des patients canadiens.
    Comme je l'ai déjà dit, depuis 2013, nous avons été des partenaires de confiance du gouvernement à ce chapitre, et nous voulons poursuivre notre partenariat avec les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Les producteurs autorisés ont démontré qu'ils sont en mesure d'offrir: des installations de production de pointe, propres, sûres et exploitées de façon professionnelle; des produits emballés et étiquetés de façon à protéger les enfants et à fournir aux adultes l'information dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés; un système de distribution et de vente éprouvé, sans détournement dans le marché illégal; et des méthodes de production et de vente sans effet sur les collectivités avoisinantes et sans regroupement avec les produits de l'alcool.
    Avec la légalisation, l'objectif du gouvernement est de démanteler le marché noir. Il y a un certain nombre de facteurs qui nuiront à la capacité du nouveau système légal de concurrencer le marché noir fermement enraciné. Les gouvernements doivent veiller à ne pas imposer de prix ou de taxes qui empêcheront les producteurs autorisés de concurrencer le marché noir. Le directeur parlementaire du budget du Canada l'a d'ailleurs signalé dans son rapport de novembre 2016: « Plus le prix du cannabis légal sera élevé par rapport à celui du cannabis illicite, plus grand sera le nombre de Canadiens qui se procureront du cannabis sur le marché illicite. » En se fondant sur la même recherche, l'Institut C.D. Howe a estimé que même un coût supplémentaire relativement modeste d'un dollar le gramme pourrait faire en sorte qu'environ 35 % du marché demeurerait non réglementé.
    Il y a aussi la question de la valorisation de la marque et de la publicité. Les producteurs autorisés doivent être en mesure de se distinguer du marché noir pour le concurrencer. En effet, si les gouvernements cherchent sérieusement à affaiblir le marché noir, et s'ils souhaitent le faire le plus vite possible, ils devront veiller à ce que les entreprises légales puissent démarquer leurs produits de l'offre illégale.
    En outre, les consommateurs ont besoin d'information au sujet d'un produit inconnu. Cette information, provenant d'une source qui s'y connaît et expérimentée, doit les éclairer pour qu'ils en fassent l'expérience de manière sécuritaire et uniforme. Il existe de nombreuses souches de cannabis, et elles varient en puissance et en effets selon leurs niveaux de THC — l'élément hallucinogène — et de CBD. Les niveaux peuvent être très, très bas, comme on l'a dit plus tôt, soit de 0,01 ou de 0,05. Le produit peut aussi être constitué principalement de CBD. Il faut aussi tenir compte des autres caractéristiques, comme l'odeur et la forme du produit. Par exemple, la forme n'est plus restreinte à la plante séchée, il y a aussi une forme adaptée aux vaporisateurs. Il y a également les huiles et les comprimés. Nous essayons de mettre au point différentes formes pour que les gens puissent utiliser le produit sans avoir à le fumer. Il est important que l'industrie illégale soit en mesure de communiquer adéquatement les caractéristiques de chaque produit pour éclairer les choix des consommateurs et pour soutenir la consommation responsable, en vue de réduire les risques potentiels.
    Sachez aussi qu'il règne une grande confusion sur le marché autour de la légalité des différentes sources de cannabis.

  (1425)  

    Les Canadiens doivent être en mesure de distinguer facilement les produits légaux de ceux qui ne le sont pas. Ils doivent savoir où, comment et auprès de qui il est possible d'obtenir du cannabis légal et sûr. La valorisation de la marque et la publicité, en autant qu'elles ne dépassent pas les paramètres convenus — par exemple, interdiction de cibler les enfants ou les jeunes —, donnent aux consommateurs les balises dont ils ont besoin pour reconnaître les sources et les produits légitimes. Ainsi, les Canadiens d'âge adulte seront en mesure de savoir où ils peuvent acheter en toute sécurité des produits de la plus haute qualité.
    Il serait malheureux que les Canadiens continuent d'être exposés à des messages provenant de sources illégales, auxquelles les entreprises légales n'opposeraient que le silence. Sans valorisation de la marque et de la publicité, l'industrie légale naissante sera désavantagée dans ses efforts pour déloger le marché noir bien enraciné. L'Association Cannabis Canada espère que le Comité de la santé défendra le besoin de mettre en place les initiatives réfléchies et strictement réglementées pour la valorisation de la marque et la publicité du cannabis destiné à un usage récréatif chez les adultes.
    En terminant, compte tenu de notre mandat et de notre engagement envers les patients canadiens, nous aimerions demander au Comité de soutenir également la conservation du système de cannabis à des fins médicales. La légalisation prochaine du cannabis fait que les décideurs devront s'assurer que les patients continuent d'avoir un accès adéquat au produit, comme cela a été convenu par les tribunaux canadiens. Sans système approprié pour l'usage médical, les patients pourraient perdre leur protection, autant dans le secteur public que dans le secteur privé, ce qui les empêcherait de se procurer leur médicament d'ordonnance.
    Il y a des distinctions importantes à faire entre l'usage du cannabis à des fins médicales et l'usage à des fins récréatives, par exemple: l'usage à des fins médicales continue d'être supervisé et prescrit par des professionnels de la santé; les régimes d'assurance-santé peuvent continuer de couvrir le cannabis à des fins médicales; les patients, y compris les jeunes patients, doivent avoir accès à la souche, à la puissance et à la quantité adéquates afin de soulager leurs symptômes, conformément aux directives de leur médecin; les patients doivent pouvoir prendre leur médicament dans des lieux publics donnés, et ce, dans toutes ses formes sans fumée, y compris le vapotage; et le cannabis doit être abordable, détaxé et inscrit sur les listes de médicament des provinces et des assureurs des secteurs public et privé.
    En conclusion, l'Association Cannabis Canada soutient pleinement les objectifs du projet de loi C-45, soit éviter que les jeunes aient accès au cannabis, protéger la santé et la sécurité publiques au moyen d'exigences strictes quant à l'innocuité et à la qualité des produits et éliminer les activités criminelles au moyen de sanctions pénales graves pour ceux dont les activités dépassent le cadre légal. L'Association Cannabis Canada jouit d'une expertise inégalée relativement à la distribution sûre de cannabis dont la qualité a été contrôlée et aux façons de veiller à ce que seules les personnes admissibles puissent y avoir accès.
    Afin de promouvoir les objectifs du gouvernement et en vue de déloger aussitôt que possible le marché noir solidement enraciné, l'Association Cannabis Canada recommande respectueusement au gouvernement de prendre en considération, pendant l'élaboration du projet de loi C-45, le besoin de veiller à ce que l'industrie légale ne soit en mesure de concurrencer avec le marché noir en ce qui a trait au prix, d'autoriser certaines démarches de valorisation de la marque et de publicité, sans dépasser les paramètres rigoureusement établis, afin de distinguer les produits et les vendeurs légaux de ceux du marché noir et afin d'orienter les Canadiens dans leur consommation d'un produit nouveau qu'ils connaissent peu, et de préserver le système de cannabis à des fins médicales en vigueur ou, à tout le moins, de prendre les mesures nécessaires afin de protéger les patients, y compris leur droit de consommer leur médicament par vapotage.
    Nous voulons continuer d'aider les gouvernements fédéral et provinciaux et de protéger la sécurité du public et nos patients. Nous nous engageons à soutenir le gouvernement en ce qui concerne, entre autres, la distribution et la réglementation. Nous voulons poursuivre notre collaboration et travailler très dur pour vous prouver que nous sommes dignes de votre confiance.
    Merci.

  (1430)  

    Merci.
    Nous allons passer à la période de questions. Chaque personne aura sept minutes au premier tour.
    Commençons avec M. Ayoub.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

     Bonjour à tous. Je vous remercie de votre présence.
    Je trouve que sept minutes, c'est très peu de temps pour poser toutes les questions possibles. Je me concentrerai donc sur quelques aspects.
    Chez les témoins que nous recevons aujourd'hui, on trouve beaucoup d'expertise et de conscience sociale. Par ailleurs, ceux-ci ont aussi différentes approches.
    Je commencerai par poser des questions à M. Tesarowski sur l'approche adoptée par sa province.
    On comprend que vous n'y allez pas en dansant, et peut-être même y allez-vous un peu à contrecoeur. Ce n'est pas du tout l'approche des autres témoins. Au contraire ils veulent savoir quoi faire et cherchent comment collaborer le plus possible pour que nous puissions légiférer et rédiger des lois qui vont assurer, autant que faire se peut, la sécurité des citoyens.
    J'ai beaucoup apprécié ce que vous avez dit au départ, particulièrement sur l'éducation du public et sur la sensibilisation. Vous avez parlé des jeunes et de la croissance de l'usage du cannabis. J'aimerais comprendre ce que vous faites, ce que vous avez fait et pourquoi vous avez attendu pour procéder, dernièrement, à une consultation de votre population pour, par la suite, engager votre administration à trouver des solutions concrètes. Pourtant, le projet de légalisation du cannabis ne date pas d'hier. Il est sur la table et on étudie cela depuis plusieurs années. Maintenant, il y a une échéance, le mois de juillet 2018. Selon moi, il y avait moyen de se préparer, à tout le moins. Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait plus tôt? Quelles embûches, selon vous, pourraient vous empêcher de respecter l'échéance du 1er juillet 2018?

  (1435)  

[Traduction]

    D'abord, je veux dire que j'ai eu un peu de difficulté à respecter la limite de temps de 10 minutes, alors je vais faire un effort pour respecter les sept minutes.
    Ensuite, c'est difficile d'entamer des consultations avec la population sans savoir ce dont on parle, et jusqu'à ce que les diverses responsabilités aient été établies dans le projet de loi en avril, je doute qu'aucune des provinces n'ait été en mesure d'entreprendre une forme ou une autre de consultation publique.
    Cela étant dit, le pouvoir a changé de main dans ma province au gouvernement, et c'est pourquoi il nous était impossible d'amorcer les consultations publiques jusqu'à ce qu'on nous en donne la permission. Comme cerise sur le gâteau, nous avons eu une élection partielle en plein milieu de tout cela, et il a fallu attendre le lendemain de l'élection partielle pour commencer notre enquête publique.
    Cela étant dit, nous faisons de notre mieux pour rattraper notre retard. Nous avons mis sur pied des groupes d'étude et des groupes de travail qui ont travaillé avec une très grande diligence au cours des derniers mois pour préparer la voie au dépôt du projet de loi. Malgré tout, il nous reste beaucoup de choses à faire; c'est une entreprise titanesque. Notre province n'est pas la seule à devoir étudier ces questions. Toutes les provinces et tous les territoires doivent se pencher sur le même problème, et nous faisons de notre mieux pour respecter l'échéance.

[Français]

    Je vous remercie de votre réponse.
    Je souhaite que vous puissiez atteindre l'objectif que les autres provinces semblent être en mesure d'atteindre, au bout du compte.
    J'aimerais entendre ce que vous avez à dire, messieurs Lucas et St. Louis ainsi que madame Rivet, sur la vente de cannabis à des fins médicales ou récréatives. Où devrait-on trouver, vendre ou se procurer ces médicaments?
     Il y a d'abord la question médicale. C'est une drogue médicale, dans un cas, et c'est autre chose lorsqu'elle est consommée à des fins récréatives. Le fait de pouvoir se la procurer dans deux endroits différents serait-il une solution en ce qui a trait à l'image de marque et à la qualité?
    Si j'ai bien compris ce que M. Lucas a dit, on souhaite qu'il n'y ait pas de taxe sur le cannabis médical et qu'il y en ait une, probablement, sur ce qui n'est pas médical.
    Comment voyez-vous cela? Selon vous, quelles seraient les solutions? Le fait d'avoir deux régimes différents en serait-il une?
     Je crois que c'est une partie de la solution. La distribution de cannabis médical se fait déjà par commerce électronique et il n'y a aucun doute qu'il finira également par être offert dans les pharmacies. Il est bien à propos qu'il soit disponible dans les pharmacies. Je ne parle pas nécessairement des bourgeons ou des fleurs de cannabis. Des extraits de cannabis sous forme de capsule et d'huile seraient certainement à leur place dans des pharmacies, alors que les distributeurs pourraient recevoir une formation spécifique sur l'utilisation de cannabis médical. Je ne doute aucunement qu'il finira par être offert en pharmacie, et nous sommes d'accord là-dessus.
    C'est sûr que le cannabis récréatif va séparer les marchés. Il faut vraiment qu'il y ait une autre source d'information que le lieu d'achat pour informer les adultes qui voudront s'en procurer.

[Traduction]

    Laissez-moi vous donner un exemple d'un des problèmes avec lesquels nous devons composer actuellement: dressons un parallèle avec l'industrie de la bière et disons que cette industrie n'est autorisée qu'à produire des bouteilles avec un étiquetage neutre. Le degré d'alcool serait indiqué, mais rien de plus. Je ne présume pas savoir ce que les membres du Comité aiment boire, mais disons que vous préférez les microbrasseries ou la bière de grande qualité, il n'y aurait absolument aucun avantage pour une brasserie de continuer à produire un produit de haute qualité, puisque toutes les sortes deviendraient essentiellement de la Old Milwaukee. Je dis cela parce qu'il n'y aurait aucune façon de différencier un produit de qualité d'un autre, et aucune raison, conséquemment, de produire un produit de qualité.
    Je crois qu'il est très important de comprendre que si nous voulons encourager les microbrasseries, si nous voulons que les Canadiens aient accès à des produits de qualité, il faut qu'une certaine valorisation de la marque soit autorisée chez les adultes afin de pousser les distributeurs — les producteurs — à mettre sur le marché un produit de qualité. Si on impose un étiquetage neutre, les producteurs vont se contenter de faire pousser un produit de très basse qualité, et c'est tout ce que les Canadiens pourront se procurer d'ici quelques mois.

  (1440)  

    Madame Gladu.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins qui sont avec nous ici aujourd'hui.
    Monsieur Tesarowski, j'approuve beaucoup de vos commentaires quant à la nature précipitée de ce projet de loi. Je sais que les Canadiens étaient au courant de cette promesse électorale faite par le gouvernement fédéral, mais je crois qu'ils s'attendaient aussi à ce que le gouvernement fédéral nous indique comment cela allait être mis en oeuvre et qu'il allait aussi le financer. Je suis aussi d'accord avec vous sur ce point. Cependant, quand je repense aux témoignages que nous avons écoutés plus tôt dans la journée... Je crois que c'était le Dr Ware qui nous a dit qu'on s'attendait à ce que le système utilisé pour la marijuana à des fins médicales soit repris pour la mise en oeuvre, parce qu'il offre un bon contrôle de la qualité et un bon système de distribution. Ce serait un moyen de respecter l'échéance. Cependant, on dirait que ce ne sera pas le cas, puisque Kathleen Wynne vient justement d'annoncer qu'elle allait créer un conseil du cannabis suivant la structure de la Régie des alcools de l'Ontario. Encore du nouveau.
    Voilà ce qui me préoccupe avec cette affaire de Régie des alcools: si je vis en région et que le magasin est ouvert de 9  h à 18 h, je crois que les prix et les heures de vente offerts par les Hells Angels seront plus avantageux. Monsieur Tesarowski et madame Rivet, pouvez-vous nous donner vos commentaires là-dessus?
    Pour l'instant, nous n'avons pris aucune décision définitive en ce qui concerne la commercialisation au détail. C'est l'un des points pour lesquels nous demandons l'avis de nos citoyens. Au-delà des heures d'ouverture, il y a aussi l'approvisionnement dans les collectivités rurales et les collectivités du Nord. Dans beaucoup de ces endroits, le seul établissement de la ville sert également de bureau de poste, de régie des alcools, de vendeur d'assurance, de pharmacie, d'épicerie et de magasin de pièces automobiles. S'implanter dans ce genre de marché tout en évitant les problèmes avec le marché illégal représente un défi de taille.
    Si je puis ajouter quelque chose à ce sujet, je crois que la raison principale pour laquelle l'Association Cannabis Canada est venue ici aujourd'hui est que nous souhaitons nous mettre à votre disposition pour régler certains de ces problèmes. Le groupe de producteurs autorisés que nous représentons actuellement à cette table — il s'agit de la majorité des producteurs du pays — ont servi plus de 200 000 Canadiens au cours des quatre dernières années. Sur ces 200 000 Canadiens qui ont été servis, il n'y a eu aucun détournement du produit. On a servi ces clients dans des régions éloignées d'un bout à l'autre du pays. Certaines des entreprises qui font partie de nos membres offrent un service d'aide téléphonique 24 heures sur 24, sept jours sur sept afin d'aider les patients, et nous travaillons déjà à des mesures de vérification qui dépassent ce qui serait nécessaire pour l'utilisation chez les adultes à des fins récréatives.
    L'utilisation récréative chez les adultes suppose de mettre en place des mesures pour vérifier l'adresse et l'âge des acheteurs et pour éviter le détournement. Ces outils, nous les avons déjà aujourd'hui. Nous les utilisons pour vérifier les ordonnances, par exemple, et pour vérifier si le médecin qui a prescrit le médicament a bonne réputation auprès de son collège dans sa province. Dès aujourd'hui, dès le premier jour, nous pourrions mettre en oeuvre des procédures pour la vérification de l'âge, par exemple. Nous sommes enthousiastes à l'idée de pouvoir poursuivre notre collaboration avec les diverses provinces, y compris, bien sûr, la Saskatchewan, afin d'examiner les possibilités relatives à ce genre de partenariat, mais ce sont les gens dans les provinces qui décideront de la forme que cela va prendre. Nous avons les outils nécessaires et nous pouvons les mettre en oeuvre dès le premier jour, alors nous avons hâte de pouvoir poursuivre la conversation.
    Très bien.
    J'ai une question pour M. Lucas, à propos des quantités maximales pour la possession. Je crois que vous avez dit que 78 % des gens qui ont accès au cannabis à des fins médicales utilisent moins de trois grammes par jour. Le projet de loi C-45 prévoit que la quantité maximale de possession personnelle sera de 30 grammes, ce qui équivaut, selon moi, à 10 jours de consommation assez importante. Que pensez-vous de la quantité maximale prévue? Croyez-vous que c'est une limite raisonnable pour la possession personnelle, ou préféreriez-vous qu'on l'abaisse?
    Je crois que c'est un point de départ correct, puisque nous n'avons pas de données sur la consommation personnelle éventuelle. Je crois que ce serait suffisant pour une personne qui voyage et qui veut consommer un produit de qualité pendant quelques jours à défaut d'en trouver en magasin. Selon moi, 30 grammes, c'est une limite raisonnable. Je ne crois pas que notre but est d'encourager les gens à fréquenter quotidiennement les boutiques de cannabis pour aller chercher le produit; pas plus que nous ne voudrions que les gens aillent s'acheter de la bière chaque jour.
    Selon les données à notre disposition, la consommation de cannabis à des fins récréatives sera très différente de la consommation à des fins médicales. Lorsque les gens consomment du cannabis à des fins médicales, c'est parce qu'ils souffrent de douleurs chroniques ou qu'ils ont des problèmes de santé mentale. Il s'agit d'affections chroniques, et cela se reflète dans leur consommation. De fait, dans le sondage que je vous ai présenté, 74 % des patients qui consomment du cannabis à des fins médicales le font quotidiennement. Pour ce qui est de la consommation à des fins récréatives, j'imagine que cela se fera davantage la fin de semaine, et je serais même prêt à dire que la consommation sera inférieure à la consommation actuelle à des fins médicales. Il est aussi possible de réduire considérablement la consommation en encourageant l'utilisation de vaporisateurs ou d'extraits. Sous ces formes, l'effet dure plus longtemps. La consommation serait davantage réduite si on encourage l'utilisation de cannabis sous la forme d'extraits ou de produits comestibles.

  (1445)  

    Excellent. J'ai une autre question.
    Par rapport au projet de loi, en ce qui concerne la possibilité de faire la promotion du cannabis, je vois qu'il y a une différence marquée entre les gens de l'industrie du cannabis à des fins médicales, une industrie en croissance mondiale. L'entreprise Tilray s'est implantée dans ma collectivité avec une installation qui exporte ses produits dans cinq pays. Pour faire cela avec un produit donné, j'aurais pensé qu'il serait nécessaire de pouvoir le promouvoir et valoriser la marque sur le Web et dans d'autres pays. Il me semble que cet aspect est plutôt limité dans le projet de loi C-45, puisque cela serait interdit aux producteurs de cannabis à des fins médicales. Je peux comprendre qu'on ne veut pas encourager la consommation à des fins récréatives chez les jeunes, ni leur rendre le produit attirant ou leur faire croire qu'il s'agit de quelque chose de merveilleux, mais j'aimerais connaître votre opinion: croyez-vous que c'est restrictif?
    Certainement. Nous sommes actuellement limités, comme c'est le cas pour l'ensemble des médicaments d'ordonnance au Canada, en ce qui concerne notre image de marque. En réalité, la promotion de marque est beaucoup plus restrictive que celle qui concerne l'alcool et le tabac en ce moment — il n'y a pas de publicité. Vous ne verrez dans les magazines ni ailleurs aucune publicité qui fait la promotion de Tilray ou de l'un des producteurs autorisés au Canada.
    Nous estimons cependant qu'il est important que les patients puissent faire des choix éclairés et que nous puissions sensibiliser les gens au moyen de campagnes axées sur la santé publique et fournir des renseignements, plus particulièrement aux usagers à des fins récréatives qui pourraient pénétrer dans le réseau sans savoir utiliser les produits de façon sécuritaire, qu'il s'agisse des différentes façons dont les produits sont consommés — par inhalation ou vapotage ou par ingestion —, et pour que nous puissions encourager les gens à éviter l'inhalation dans la mesure du possible. Je pense qu'il est très important que nous réussissions à faire passer une partie de ce message.
    J'aimerais vous faire part d'un concept dont nous devons absolument tenir compte dans ce débat. Nous parlons beaucoup de réduire les dangers associés au cannabis, ce qui est tout à fait approprié, parce que c'est une des préoccupations que nous éprouvons pendant la transition vers la légalisation. Mais si, en tant que chercheur universitaire, vous faites de la recherche sur des humains, vous avez une responsabilité conjointe — et il existe des responsabilités équivalentes pour ce qui est de la mise au point d'un nouveau médicament ou de l'introduction d'un nouveau produit — vous devez réduire les dangers pour les utilisateurs finaux et maximiser les avantages.
    Je pense que le Comité a la chance de pouvoir faire les deux: non seulement de réduire les dangers associés au cannabis à mesure qu'il est introduit et légalisé et de réduire les répercussions de l'interdiction, bien sûr, mais aussi de maximiser les avantages de l'accès des adultes. J'ai communiqué certains des avantages liés à la diminution de la consommation d'alcool que nous avons également pu constater aux États-Unis, tout comme, bien sûr, de la diminution de la consommation d'opioïdes.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Davies.
    Je remercie tous les témoins de leur présence et de nous faire part de leur expérience.
    Madame Rivet, j'aimerais commencer avec vous. Vous avez livré un témoignage très intéressant sur les dispositions du projet de loi, figurant à l'article 26, qui touchent l'image de marque et la publicité. Pensez-vous que les dispositions actuelles sont trop restreintes?
    Monsieur le président, je vais répondre à cette question.
    Nous devons connaître plus en détail les règlements précis qui se chevaucheront dans les législations provinciales et fédérale. Pour ce qui est de lutter contre le marché noir, il est essentiel, comme l'a soulevé précédemment ma collègue, que l'approvisionnement légal, les producteurs autorisés et la distribution légale puissent se distinguer de ce qui est actuellement offert sur le marché noir. Nous oublions souvent, et j'inviterais les membres du Comité à se le rappeler, que même en nous baladant ici dans la ville d'Ottawa, nous apercevons plusieurs magasins qui affichent illégalement en vitrine des produits de marque — ils se trouvent sous forme de vaporisateur ou sous forme comestible et pratiquement sous n'importe quelle forme qu'on souhaite consommer du cannabis illégal. On peut entrer dans n'importe lequel de ces magasins et acheter en ce moment ces produits sans qu'il y ait aucun contrôle.
    Je pense que le Comité doit prendre quelques instants pour tenter de trouver le juste équilibre entre la nécessité de lutter contre le marché noir et la possibilité d'autoriser la publicité sécuritaire et responsable par les producteurs autorisés qui ont été des partenaires de confiance dans le cadre du régime médical.

  (1450)  

    Merci. Je crois que vous avez bien exprimé le problème touchant cet aspect. De nombreux producteurs m'ont dit, comme vous-même, que nous devons différencier les produits et obtenir suffisamment de renseignements, non seulement pour distinguer les produits provenant du marché noir, mais aussi de ceux du marché légal, car des produits différents seront offerts par des producteurs différents avec des caractéristiques différentes. Il est aussi nécessaire qu'apparaissent des renseignements suffisants sur l'emballage, de sorte que le consommateur sache dans les faits ce qu'il consomme et à quelles fins, et enfin, comme vous l'avez dit, il est nécessaire de concurrencer efficacement le marché clandestin, où il n'y a aucune règle que ce soit concernant l'image de marque.
    Je vais m'adresser à M. Lucas.
    Avez-vous une opinion à cet égard? J'aimerais obtenir tout particulièrement votre point de vue sur ce qui figure actuellement à l'article 26 du projet de loi C-45, parce qu'il s'agit en ce moment d'un ensemble très étroit de restrictions sur l'étiquetage et la publicité. De nouveau, j'aimerais votre avis: croyez-vous que c'est trop restreint?
    Je crains que cela soit effectivement trop restreint; et je le répète, c'est dans le but de maximiser les avantages du pas que nous franchissons ici au Canada. Je comprends qu'il faille adopter une approche prudente: nous sommes le premier pays occidental à aller de l'avant sur cette question. Mais selon les données probantes qui nous viennent des États-Unis et d'autres administrations — y compris le Portugal, qui a décriminalisé la marijuana, et de la Hollande, qui exploite des cafés depuis longtemps —, nous continuons de considérer le cannabis comme un ajout à l'alcool et au tabac, et nous utilisons une optique similaire: devrions-nous le réglementer comme l'alcool et le tabac? Je dois rappeler aux membres du Comité que ce n'est ni l'un ni l'autre.
    Si nous examinons n'importe quelle recherche, pas un aspect de la recherche plutôt qu'un autre, mais bien n'importe quelle recherche concernant les répercussions sur la santé publique — en matière de services publics de soins de santé et de répercussions sur la sécurité publique — du cannabis par rapport à l'alcool ou au tabac, sans parler des substances illicites, nous constatons qu'il s'agit d'une substance beaucoup plus sécuritaire. Cela ne veut pas dire que nous devrions en promouvoir l'utilisation. Cela veut dire que nous ne devrions pas désavantager le cannabis par rapport à l'alcool ou au tabac pour ce qui est de l'accès au produit.
    Nous sommes d'avis que l'Ontario a fait des premiers pas intéressants pour commencer à obtenir du cannabis et se préparer pour juillet 2018, mais nous parlons d'environ 60 magasins au début. L'Ontario compte plus de 600 points de vente où l'on peut acheter de l'alcool. Évidemment, je ne compte pas non plus tous les restaurants et les bars, qui seraient des dizaines de milliers...
    Je ne veux pas aborder tout de suite le sujet de la distribution; j'aimerais que l'on s'en tienne à l'image de marque et à l'étiquetage.
    Vous avez soulevé la question de savoir si cela devrait être réglementé davantage comme le tabac ou l'alcool, ou peut-être d'aucune de ces façons. Certaines personnes m'ont dit qu'elles croyaient que le cannabis devrait être réglementé de façon semblable à l'alcool pour ce qui est de la publicité et de l'étiquetage, parce que le tabac est une substance uniforme, tandis que le cannabis, comme le vin par exemple, a des caractéristiques différentes. Les niveaux de CBD et de THC, combinés particulièrement à des toluènes, en font presque... Il y a une panoplie d'effets et de types différents, et ce sont des renseignements importants pour permettre aux consommateurs de faire une distinction et pour faire concurrence au marché noir.
    On me rappelle que le projet de loi prévoit qu'il est interdit de faire la promotion au moyen de la représentation d'une personne, d'un personnage ou d'un animal, réel ou fictif. Je me dis que vous pouvez aller dans un magasin d'alcool et y trouver le vin de Wayne Gretzky, et je pense à la façon dont les gens différencient les vins, qui est aussi un produit que l'on garde à l'écart des enfants. Il y a beaucoup de restrictions par rapport à ce qu'on peut en dire, et je me demande si l'analogie est plus appropriée que celle d'un paquet de cigarettes ordinaire.
    Je pense que vous avez tout à fait raison. Ce que nous appuyons, ce sont les interdictions touchant la promotion de marque fondée sur un mode de vie. Nous ne voulons pas célébrer la consommation du cannabis. Nous ne voulons voir aucune représentation d'une personne qui prend des risques, qui fait des choses excessivement athlétiques, etc. Nous n'appuierions pas du tout cette sorte de promotion de marque liée à un mode de vie. Mais nous sommes d'avis que, dans les endroits de rassemblement exclusifs aux adultes, comme l'équivalent de points de vente d'alcool, de bars ou de lieux de consommation, nous devrions pouvoir nous adresser à ces adultes d'une certaine manière, être en mesure de communiquer des messages sur des produits différents et des effets liés aux produits, et cela peut être fait au moyen des marques également.
    J'aimerais qu'on parle un peu des produits. Je suis un peu confus. En ce moment, dans le monde de la consommation du cannabis à des fins médicales, les patients utilisent-ils d'une façon ou d'une autre des produits non inhalables? Utilisent-ils des crèmes, des timbres, des comprimés sublingaux, des pulvérisateurs oraux ou des capsules? Est-ce pratique courante et, le cas échéant, dans quelle mesure?
    Oui, environ 50 % des patients au Canada utilisent en ce moment principalement des méthodes d'ingestion non inhalables. Environ 31 % utilisent des vaporisateurs. Il s'agit de la forme la plus couramment utilisée en ce moment. C'est suivi de près par des produits comestibles, qui représentent un peu moins de 20 % des produits consommés. Je ne veux pas que vous vous imaginiez des biscuits ni autre chose du genre; les produits comestibles sont des gouttes, des extraits, des produits destinés à l' ingestion par voie orale...

  (1455)  

    Le fait d'avoir deux systèmes parallèles différents représente-t-il un danger? Au titre du projet de loi C-45, dans le monde de l'usage récréatif, aucun de ceux-là n'est légal.
    Ils le seraient. Je pense que les capsules et les huiles seraient légales. Elles ne seraient simplement pas consommées sous forme de produits comestibles. Les capsules, les extraits, les huiles seraient légaux, mais leur concentration ne serait pas forte. Nous croyons comprendre que ces produits seraient légaux. Ils ne seraient toutefois pas mélangés à un brownie, par exemple.
    Je ne suis pas certain que ce soit déjà le cas avec le projet de loi C-45, mais nous allons examiner cela.
    Je me tourne vers M. Tesarowski. D'abord, la Saskatchewan sera-t-elle prête pour le 1er juillet? Ensuite, si j'ai bien compris, je pense que M. Ayoub a mentionné que la Saskatchewan était la seule province qui a fait part de difficultés pour ce qui est de respecter l'échéance. Avez-vous eu vent de toute autre province qui pourrait avoir du mal à respecter l'échéance du 1er juillet 2018?
    Chaque province a du mal à respecter l'échéance du 1er juillet. Certaines provinces disent publiquement qu'elles seront prêtes. Tout le monde dit qu'il essaiera d'être prêt. C'est certainement ce que nous faisons en Saskatchewan. C'est que la liste des choses à faire est très longue, et nous voulons bien les faire.
    Serez-vous prêts?
    Nous espérons l'être.
    Madame Sidhu.
    Monsieur Tesarowski, merci de vous joindre à nous aujourd'hui.
    Avec la légalisation, les provinces et les territoires auront la capacité d'adopter leurs propres dispositions législatives connexes, sous réserve de certaines restrictions supplémentaires, si elles le souhaitent.
    Plus tôt cette année, la Saskatchewan a adopté une nouvelle loi concernant la conduite avec facultés affaiblies dans l'ensemble de la province. De nombreuses provinces ont adopté des lois strictes semblables par rapport à la conduite avec facultés affaiblies, et cela a entraîné une diminution, depuis 1984, du nombre de conducteurs aux facultés affaiblies d'un bout à l'autre du Canada. Quelle leçon tirée de la législation relative à la conduite avec facultés affaiblies peut-on appliquer afin d'assurer la sécurité publique une fois que le cannabis sera légalisé?
    L'une des choses que nous avons essayé de faire en Saskatchewan, c'est de traiter l'alcool et les drogues exactement de la même façon. Par exemple, nous avons une politique de tolérance zéro pour les conducteurs dans le cadre du programme de permis de conduire progressif. Si vous avez de l'alcool dans l'organisme, il y aura une conséquence. Si vous avez une drogue dans votre organisme, peu importe laquelle, il y aura une conséquence. Nous essayons de donner suite à ce que nous savons et de l'appliquer, dans la mesure du possible, à cette nouvelle situation.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse au représentant de l'industrie du cannabis médical qui est ici aujourd'hui. Certaines personnes ont exprimé des préoccupations concernant le fait que la légalisation du cannabis à des fins récréatives entraînera une réduction de l'offre de cannabis à des fins médicales. D'autres ont dit que l'autorisation d'un plus grand nombre de producteurs profitera aux usagers à des fins médicales. Quels seraient les avantages de cette mesure législative pour les usagers à des fins médicales?
    D'abord — et nous avons entendu certains messages de la part du gouvernement fédéral — nous espérons que cela fournira l'occasion de réévaluer la taxation du cannabis à des fins médicales. En ce moment, les patients qui consomment du cannabis à des fins médicales paient une taxe provinciale ainsi qu'une taxe fédérale. Nous estimons que cela n'est pas conforme à la consommation actuelle de médicaments au Canada. Cela serait le premier avantage.
    À mon avis, le deuxième avantage sera la déstigmatisation. Nous estimons que la légalisation de la consommation du cannabis à des fins récréatives permettra en réalité à la communauté médicale de prendre en considération plus pleinement et plus globalement la consommation du cannabis à des fins médicales. Plus vite nous pouvons l'amener dans les pharmacies, plus sa consommation à des fins médicales semblera normalisée. Nous croyons réellement que ces étapes vers la légalisation de la consommation récréative chez les adultes aideront également à normaliser ou à déstigmatiser le cannabis à des fins médicales.
    De plus, on consent actuellement beaucoup de fonds pour étudier la consommation récréative, ce qui, je pense, sera avantageux pour ce qui est d'étudier également des modèles de consommation à long terme du cannabis à des fins médicales. Nous avons entendu aujourd'hui le Dr Ware parler d'une partie des recherches qu'il aimerait entreprendre.
    Je participe à un certain nombre de projets de recherche, à des essais cliniques sur le TSPT et à des examens sur le cannabis comme substitut aux opioïdes. De nouveau, je pense que la recherche nous aidera à mieux comprendre les dangers possibles associés au cannabis, mais aussi les avantages possibles de la légalisation de la consommation récréative chez les adultes.
    Merci.
    Pour donner suite à la recommandation du groupe de travail, le gouvernement va maintenir le régime de consommation du cannabis à des fins médicales pour les personnes qui ont reçu l'autorisation d'un professionnel de la santé. Le groupe de travail recommande également que cela soit examiné dans les cinq ans suivant l'adoption de la nouvelle loi, ce que le gouvernement a l'intention de faire. Quel sera l'avantage de maintenir un accès distinct à la consommation pour les patients qui en prennent à des fins médicales?
    Quel sera l'avantage pour ces patients? Il y a certains types et certaines préparations de cannabis. Notre ami M. Jones a parlé des avantages de souches de cannabis à forte teneur en CBD. Le CBD ne nuit pas aux facultés; ce n'est pas quelque chose que les utilisateurs à des fins récréatives rechercheraient habituellement. Vous avez peut-être entendu parler de la consommation de cannabis à des fins médicales dans le traitement de l'épilepsie pédiatrique. Toutes les formes utilisées sont des préparations à forte teneur en CBD. De fait, Tilray — mon employeur — participe chez SickKids à un essai clinique, qui consiste à examiner des produits dérivés à forte teneur en CBD comme traitement de l'épilepsie pédiatrique. Si nous ne maintenons pas un programme robuste de consommation du cannabis à des fins médicales, ces produits disparaîtront probablement du programme de consommation à des fins récréatives, parce qu'ils n'affectent tout simplement pas les facultés; ils ne vous gèleront pas, et il n'y aura donc pas beaucoup de motivation pour les produire. À mon avis, le fait de protéger les produits de ce type et de consommer des capsules et des produits par voie orale afin de décourager l'inhalation du cannabis formeront une partie très importante de ce à quoi nous pouvons nous attendre dans le système médical.
    Vous avez posé une question très importante: les patients seront-ils encore en mesure d'accéder à du cannabis à des fins médicales lorsque le cannabis à des fins récréatives sera disponible? Il y a certainement quelques entreprises qui misent sur le cannabis à des fins récréatives ou qui font déjà de la publicité ou se font connaître comme entreprises vendant du cannabis à des fins récréatives. Mais certains d'entre nous sont déterminés à se concentrer sur le patient qui consomme du cannabis à des fins médicales, à investir dans le cannabis à des fins médicales et à effectuer des recherches dans ce domaine. Nous continuerons d'essayer de répondre aux besoins des patients de partout au Canada du mieux que nous le pouvons au moyen de la légalisation et dans l'avenir.

  (1500)  

    Merci.
    Madame Rivet, vous avez dit que les Canadiens ont besoin de plus d'orientation provenant de sources juridiques. De quel type d'orientation les Canadiens ont-ils besoin en ce qui concerne la forme et la production des produits pour pouvoir faire une distinction entre le marché noir, les produits légaux et les produits illégaux?
    Il doit y avoir une connaissance du produit même. Actuellement, ceux qui ont le plus d'expérience et d'expertise sont les producteurs autorisés de Santé Canada. Ils travaillent également d'arrache-pied pour tenter de trouver différentes formes de produits afin d'encourager les gens à ne pas fumer du cannabis et pour leur fournir les renseignements dont ils ont besoin.
    Par exemple, si vous inhalez par vapotage, vous sentirez l'effet beaucoup plus rapidement, mais il ne durera pas aussi longtemps. Toutefois, si vous utilisez une huile, il faudra plus de temps avant de ressentir l'effet; vous ne devez donc pas continuer de prendre de l'huile dans les deux heures qui suivent, parce que vous aurez alors beaucoup de produit dans votre organisme. Toutes ces choses doivent être expliquées. De plus, chaque personne réagit différemment au cannabis; encore une fois, tout cela doit être expliqué pour qu'on s'assure que ces personnes ont une bonne expérience et ne retournent pas sur le marché noir. Le cannabis que l'on trouve sur le marché noir pourrait très bien être contaminé — et c'est souvent le cas —, et sa consommation est dangereuse.
    Pourriez-vous s'il vous plaît expliquer davantage les mesures d'assurance de la qualité que l'industrie a mises en place pour protéger les Canadiens?
    Ce n'est pas une industrie qui n'a commis aucun faux pas. Les producteurs autorisés ont eu des problèmes de qualité découlant de la contamination par les pesticides. Ce sur quoi il faut davantage insister, c'est sur le fait que nous avons été en mesure de diffuser partout au pays des rappels au lendemain d'un événement. Nous avons été en mesure de protéger les consommateurs; nous avons été en mesure de communiquer avec les consommateurs et de corriger les lacunes dans le processus qui ont mené aux événements de contamination.
    À mesure que nous allons de l'avant, nous constatons dans l'industrie un système qui fonctionne ou qui commence à fonctionner; bien sûr, aucune des personnes concernées — les intervenants, les producteurs autorisés — ne souhaite être témoin d'événements concernant des pesticides ou une contamination. Nous ne voulons pas avoir de problèmes liés à la qualité. Toutefois, à mesure que nous grandissons dans une industrie qui change rapidement, nous constatons que des choses se sont produites en raison de processus médiocres, et nous avons maintenant la preuve que ce système fonctionne. C'est quelque chose que nous devons mettre en oeuvre dans l'avenir, comme le propose le projet de loi C-45; nous devons maintenir ce bon système de contrôle de la qualité robuste que nous avons mis en place du côté médical.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Lucas, avez-vous un commentaire?
    Je souhaite seulement ajouter, par souci de précision, que nous vérifions l'existence d'impuretés biologiques également: des levures, des moisissures et des concentrations de métaux lourds. Des tests pour détecter la présence de pesticides sont également obligatoires. Je peux dire avec une confiance énorme que la communauté internationale considère en ce moment le Canada comme la source d'approvisionnement en cannabis aux fins de recherche et de qualité médicale la plus sécuritaire et uniforme du monde. Nous fournissons actuellement du cannabis par l'intermédiaire du programme d'accès spécial pour les patients pédiatriques en Australie et pour des essais cliniques concernant les nausées et les vomissements induits par le cancer menés en Australie. Nous distribuons des capsules d'extraits de cannabis en Croatie. Un certain nombre d'entreprises au Canada exportent actuellement des produits en Allemagne, à l'intérieur de son réseau très rigide et médicalisé.
    Nous sommes vraiment un exemple pour le monde pour ce qui est de fournir un produit de la plus haute qualité possible, et un certain nombre de nos membres, pas seulement du CCCM mais aussi de l'Association Cannabis Canada, ont maintenant reçu la certification BPF, qui représente les bonnes pratiques de fabrication. C'est le même niveau élevé de qualité que celui qui est utilisé pour fabriquer des produits pharmaceutiques partout dans le monde. C'est une norme internationale qui remplace le règlement du PPM qui nous régit au Canada, et j'ai donc amplement confiance en la sûreté, en la sécurité et en la qualité de cette source d'approvisionnement.

  (1505)  

    Merci beaucoup.
    Cela termine notre tour de sept minutes. Nous passerons maintenant à une période de cinq minutes, en commençant par M. Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins de leur présence. Au bout du compte, nous souhaitons vraiment insister sur la santé et la sécurité des Canadiens et, en ce qui me concerne tout particulièrement, de nos enfants. Je ne pense pas qu'il existe beaucoup d'arguments concernant la responsabilité liée à la consommation de marijuana à des fins médicales et la responsabilité des adultes. Je reviens au raisonnement formulé par le premier ministre, et j'ai posé la question aux témoins aujourd'hui, et cela ne cesse de revenir; il répète sans cesse que le statu quo ne fonctionne pas.
    Je tiens réellement à remercier les témoins cet après-midi. Je pense que c'est vous, monsieur Lucas, qui avez cité quelques statistiques disponibles qui montrent une tendance à la baisse de la consommation et, selon celle que vous souhaitez citer, la proportion de 50 % de garçons en 2002 est passée, je le crois, à 22 % aujourd'hui. Le raisonnement du premier ministre est de dire que le statu quo ne fonctionne pas. Je trouve assez intéressant de constater que Mme McLellan, ancienne ministre du cabinet libéral, était presque aux anges ici aujourd'hui lorsqu'elle a dit que nous avions reçu une lettre du Colorado selon laquelle les chiffres n'ont pas augmenté. Eh bien, devinez quoi? La légalisation au Colorado n'a pas entraîné une diminution de la consommation du cannabis chez les enfants, donc je crois que c'est très important d'étudier davantage cette question et d'examiner la compétence provinciale.
    J'ai trouvé assez hallucinant que les libéraux fédéraux critiquent les provinces à cet égard, parce qu'il y a beaucoup de données scientifiques qui demeurent inconnues. Le gros du travail incombe aux provinces et aux territoires, et je vais profiter de l'occasion pour remercier la Saskatchewan de s'être présentée ici aujourd'hui. Nous avons invité d'autres provinces et territoires, et je pense que vous êtes les seuls représentants d'une province à vous être présentés. Je sais que ma propre province, l'Ontario, vient d'adopter un bref projet préliminaire. Elle ne souhaite même pas se présenter ici et répondre à quelques questions à ce sujet.
    Étant donné que vous avez le plus gros du travail à faire, je me demandais si vous pouviez passer en revue certaines de vos préoccupations concernant des éléments controversés, comme la culture à domicile et l'âge de possession légale. Vous avez parlé dans votre déclaration liminaire des niveaux de drogue, des taux de drogue dans le sang et de la controverse qui entoure tout cela. Verrons-nous beaucoup de contestations judiciaires à ce sujet pour ce qui est de l'application de la loi?
    Absolument.
    En fait, le dossier de la conduite avec facultés affaiblies témoigne éloquemment de la créativité dont peuvent faire preuve les avocats de la défense. Les contestations liées à cette question vont nous pleuvoir dessus, et mieux nous pouvons nous y préparer, mieux nous pourrons y répondre.
    Lorsque j'ai affaire à mes collègues fédéraux, l'un de mes mantras, c'est la preuve manifeste de l'intention du législateur. Si nous pouvons établir des raisons claires pour lesquelles le législateur avance dans une certaine direction, nous devons les indiquer. Faisons-le dans le cadre d'une réunion du Comité. Faisons-le dans les discours à la Chambre et au Sénat et dans les comités du Sénat et soyons clairs au sujet de ce que nous faisons et de pourquoi nous le faisons. Cela nous servira plus tard lorsque nous devrons régler des contestations fondées sur la Charte.
    Je pense que l'intention... Comme je l'ai dit, le premier ministre a été clair sur le fait que la justification tient au fait que le statu quo ne fonctionne pas, particulièrement pour nos enfants, mais les données probantes donnent à penser le contraire, et même les résultats précoces du Colorado montrent exactement le contraire.
    Une des choses dont j'entends parler à Oshawa, c'est toute cette affaire au sujet de la culture à domicile. Pouvez-vous dans un premier temps vous prononcer sur la façon dont vous allez mettre cela en application? Combien cela coûtera-t-il? Comment cela va-t-il permettre de restreindre l'accès des enfants à la marijuana?
    En fait, c'était une des questions que je vous posais. J'ai rencontré le chef du service de police de Weyburn la semaine dernière. Il est président de l'Association des chefs de police de la Saskatchewan, et c'est une des préoccupations fondamentales de l'association. Comment allons-nous mettre cela en application? Comme je l'ai dit dans mes commentaires, si nous tombons sur une personne qui cultive des plants, particulièrement si ceux-ci ne sont pas visibles ou se trouvent à l'intérieur d'une résidence, ce sera le fruit du hasard. Il n'y a pas d'exigence pour que ces personnes soient enregistrées, par exemple. Je ne pense pas qu'une province soit très intéressée à exiger l'enregistrement.
    Ce que nous pouvons faire, c'est aider les propriétaires et les associations de condominiums à gérer les risques pour la santé qui sont associés à la culture et à d'autres choses; mais du point de vue de l'application de la loi, c'est une très grande préoccupation. Je n'ai aucune idée de combien cela coûtera, mais si vous ne pouvez vraiment pas tirer cela au clair, il n'y a rien que vous puissiez faire, et il n'y a donc pas vraiment de coût.

  (1510)  

    Avez-vous discuté de cette loi? Les jeunes ont entre 12 et 18 ans. Autrement dit, un jeune peut avoir jusqu'à...
    Ou 17.
    Ou 17, jusqu'à l'âge de 18 ans. Un jeune peut avoir jusqu'à cinq grammes en sa possession. Nous avons bien entendu que 5 grammes peuvent équivaloir à 10 à 15 joints. Et je pense aux jeunes de 12 ans. Ils sont en 6e année. Ils sont à la fin du parcours. Ce sont les plus vieux de l'école primaire. Avez-vous discuté avec les enseignants ou les services de police des façons de gérer cette situation? Croyez-vous qu'il serait possible de passer de 12 ans à 10 ans ou 8 ans, car les plus jeunes voient les plus vieux comme des modèles.
    Vos questions sont excellentes. L'inquiétude est palpable chez nos enseignants, mais il ne faut pas oublier que nous avons déjà des problèmes de drogue dans nos écoles. Un des objectifs de la loi est d'atténuer certains de ces problèmes ou de les encadrer le plus possible. Il revient aussi aux provinces d'établir un plan afin de régler certains de ces problèmes et de redéfinir les limites afin que nous puissions mieux encadrer la situation.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Oliver.
    Je vous remercie chaleureusement de votre témoignage. Certains disent que la consommation de cannabis est en chute au Canada. L'Enquête canadienne sur le tabac, l'alcool et les drogues de 2015, qui est la plus récente, révèle que la prévalence de la consommation de cannabis au cours de l'année précédente était de 12 %. Cela représente une augmentation de 1 % par rapport à 2013, et, alors que les chiffres n'ont pas changé chez les hommes, la consommation de cannabis a augmenté de façon considérable chez les femmes, pour passer de 7 % à 10 %.
    Je reviens au fait qu'il y a déjà un problème chez les jeunes, et je suppose que 21 % de jeunes et 30 % de jeunes adultes qui consomment du cannabis... ce sont également les chiffres de la Saskatchewan. Vous nous avez mentionné que les difficultés rencontrées en Saskatchewan sont notamment le coût de la détection de la conduite avec facultés affaiblies attribuable à la consommation de drogues ainsi que le manque de formation et d'équipement pour la détecter. Je suppose que, vu l'état assez stable de la consommation de cannabis dans votre province, vous êtes déjà aux prises avec des conducteurs dont les facultés sont affaiblies par le cannabis, alors si ce n'était pas de cette loi, n'auriez-vous rien fait ou n'auriez-vous pas pris les mêmes mesures que les autres provinces?
    J'ai une deuxième question. Je vais la poser maintenant et je vous laisserai y répondre ensuite.
    Nous avons entendu ce matin que, si une province ou un territoire n'est pas prêt, la loi prévoit un modèle de commerce en ligne qui permettrait aux consommateurs d'acheter du cannabis auprès de producteurs autorisés et de se le faire livrer par Postes Canada, un peu comme le modèle utilisé pour la marijuana thérapeutique. Quelle serait la réaction de la Saskatchewan à cet égard, advenant que, si vous êtes incapables d'appliquer la loi, les gens de la Saskatchewan seraient toujours en mesure de s'en procurer d'une manière qui échappe à votre contrôle? De plus, c'est dans les collectivités les plus défavorisées qu'il sera le plus difficile d'atteindre les personnes et d'assurer la distribution, mais elles aussi ont besoin d'un modèle de commerce en ligne. Il n'est tout simplement pas possible d'avoir pignon sur rue dans tous les villages.
    C'était mes deux questions à l'intention du représentant de la Saskatchewan.
    Je vais d'abord répondre à la deuxième question, car c'est la plus facile.
    Un modèle de commerce en ligne pourrait bien faire partie de notre plan. C'est un modèle qui fonctionne relativement bien pour les consommateurs de marijuana thérapeutique. Fait intéressant, une des préoccupations qui ont été soulevées est que, dans le cas d'un consommateur de marijuana thérapeutique qui demeure dans une résidence pour personnes âgées, par exemple, le livreur apporte le colis à la porte. Tout le monde sait pourquoi il est là. On préférerait peut-être une approche plus anonyme et la possibilité de récupérer la marijuana à la pharmacie ou de la faire livrer par la pharmacie, car c'est une façon plus normale de faire les choses, et cela pourrait bien faire partie de notre solution de commerce.
    La première question touchait les conducteurs problématiques. Tout d'abord, tout cela est bien nouveau. La détection sur la route des conducteurs avec facultés affaiblies en est à ses premiers balbutiements au Canada. C'est probablement quelque chose que nous aurions fait de toute façon, mais la légalisation ne fait qu'exacerber le problème, et la situation ne fait qu'empirer.

  (1515)  

    Je vous remercie de votre réponse. Il faudrait que je revoie mes notes, mais je crois que nous avons entendu à ce sujet que, outre l'engouement initial, la légalisation n'a généralement aucune incidence sur les taux de consommation, alors le problème demeurera le même. Du moins, c'est ce que j'ai compris du témoignage.
    J'ai une question assez simple pour les producteurs de chanvre. Il existe des variétés sans THC. Vous a-t-on expliqué pourquoi ces variétés ne figurent pas à l'annexe 2? Il me semble que cela aurait été logique.
    D'après notre expérience du Règlement sur le chanvre industriel, un principe de précaution a été appliqué dans le cadre de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances jusqu'à ce que l'on puisse en savoir davantage sur...
    S'agit-il d'un problème de transition pour vous, alors?
    Cela semble être le cas, et nous avons communiqué avec Santé Canada à ce sujet. Le problème est...
    J'aimerais poser une autre question. Merci de votre réponse. Je voulais simplement m'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un non catégorique et savoir si le non catégorique était justifié, mais les problèmes de transition sont nombreux, et il nous a été dit que nous devons faire preuve de prudence.
    Effectivement.
    J'ai une dernière question pour vous, Philippe.
    Une des principales préoccupations qui sont venues à mes oreilles dans ma circonscription, malgré que je n'en ai pas entendu beaucoup, et que le cannabis est comme un tremplin pour passer aux drogues plus dures. Il me semble que je vous ai entendu dire que, au contraire, il constitue une solution pour cesser de consommer des drogues plus dures qui créent une plus forte dépendance.
    Pourriez-vous nous en dire davantage?
    C'est exact. Aucun membre du Comité n'oserait affirmer que le cannabis ne présente aucun danger, mais seuls 9 % des consommateurs réguliers présentent des signes de dépendance grave, et la gravité est beaucoup moins importante que dans le cas d'une dépendance au tabac, à l'alcool ou à d'autres substances.
    De plus en plus de recherches confirment qu'il s'agit non pas d'une drogue d'introduction — affirmation confirmée depuis plus de 20 ans —, mais bien d'une drogue de réhabilitation pour de nombreux toxicomanes.
    Dans certains cas, le geste est bien conscient. Des médecins choisissent de prescrire du cannabis pour le traitement de la douleur chronique en vue de réduire l'utilisation d'opioïdes. Par contre, dans d'autres cas, le geste est inconscient, et c'est ce que nous voyons en ce moment au Colorado, seul État américain qui n'a pas connu de hausse de la consommation de bière l'année dernière grâce à la légalisation. Dans un tel cas, le changement se fait au sein de la population.
    Je tiens à préciser que des chercheurs ont confirmé que la consommation a diminué chez les jeunes du Colorado. C'est modéré — environ 12 % —, mais il s'agit bien d'une diminution. Vous avez mentionné une consommation accrue de cannabis chez les femmes, et je tiens à préciser que, d'après les derniers chiffres, ce sont les femmes et les personnes âgées qui sont les plus grands utilisateurs du programme de marijuana thérapeutique. Ce fait peut à lui seul expliquer la hausse marquée que nous observons chez les femmes.
    Comme vous l'avez dit précédemment, la légalisation pourrait entraîner une augmentation initiale de 2 à 4 %, et les chiffres reviendront à la normale par la suite. Ce que l'on observe généralement, c'est que ceux qui consomment continuent de consommer, mais la loi actuelle n'a pas un grand pouvoir dissuasif sur eux. Cela m'amène à un des problèmes qui touchent les jeunes en ce moment: la loi n'a aucun effet sur la distribution aux enfants sur le marché noir.
    J'aimerais ajouter une chose. J'ai déjà enseigné à l'école secondaire. J'ai déjà demandé à des élèves de 11e année: « Quelles drogues pourriez-vous obtenir dans les prochaines 24 heures? » Ils ont mentionné le LSD, les champignons magiques et, évidemment, le cannabis. Les deux substances qu'ils auraient de la difficulté à se procurer en 24 heures étaient l'alcool et le tabac.
    Je suis assez jeune pour me rappeler encore les façons dont nous contournions les règles, mais si l'on retire le cannabis du marché noir, que l'on impose un âge minimal et une preuve d'identité et que l'on empêche le marché noir de distribuer cette drogue, les taux de consommation diminueront considérablement. Je pense donc que nous pouvons nous attendre à ce que les taux de consommation chez les jeunes diminuent après la légalisation, même si de nombreux éléments pourraient nous faire croire le contraire.

  (1520)  

    Merci.
    Madame Gladu.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je veux simplement apporter une correction au compte rendu. Les régions qui ont légalisé la marijuana, comme le Colorado, ont vu une augmentation de 32 % de la conduite avec facultés affaiblies. Je ne voulais pas que vous ayez l'impression qu'il n'y avait aucune augmentation.
    Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement, mais la parole est à vous.
    Non. C'est à son tour.
    Monsieur Webber.
    C'est mon tour. Ai-je bien cinq minutes?
    C'est exact.
    Aux fins de précision, M. Jones et M. Rae de l'industrie du chanvre, vous êtes ici aujourd'hui pour faire pression afin que le chanvre soit exempté de la loi; vous craignez que le projet de loi ne fasse aucune distinction entre le chanvre et la marijuana. J'essaie moi-même de comprendre les différences. Je comprends que le chanvre n'a pas la même teneur en THC que la marijuana, mais c'est en fait un plant de marijuana qui a servi à créer une variété sans THC. Il s'agit d'un plant de marijuana malgré tout, n'est-ce pas?
    L'espèce s'appelle Cannabis sativa. C'est le nom de l'espèce, mais le chanvre a été créé par des cultivateurs qui désiraient avoir une variété sans teneur en THC. Ce sont deux variétés fondamentalement différentes qui proviennent de la même espèce.
    Le taux de cannabidiol est également élevé...
    Oui.
    ... ce qui est bon pour un usage thérapeutique, mais qui est principalement utilisé en alimentation.
    Existe-t-il une pilule de chanvre thérapeutique que les médecins peuvent prescrire aux personnes qui le demandent, par exemple un cas de schizophrénie ou de problèmes pédiatriques?
    Je veux faire une distinction. Je suis certain que M. Jones sera d'accord avec moi. Il y a une différence entre l'huile de chanvre que vous pouvez vous procurer en magasin maintenant — il s'agit d'un excellent supplément contenant des antioxydants et des omégas 3, 6 et 9 — et l'huile de cannabidiol qui est extraite de la fleur ou des trichomes de la fleur.
    L'huile de chanvre est extraite des graines par pression, tandis que l'huile de cannabidiol est extraite des trichomes ou des cannabinoïdes de la fleur.
    Certaines variétés de chanvre ont une teneur en cannabidiol plus élevée et pourraient certainement servir à la production de médicaments à base de cannabidiol, comme c'est déjà le cas aux États-Unis et en Europe.
    L'industrie du chanvre est-elle aussi réglementée que la production de cannabis autorisée? Y a-t-il des problèmes de sécurité que vous devez régler? Vous avez mentionné que vous ne pouvez pas récolter les bourgeons et les feuilles. Vous devez les incinérer.
    En effet. Pour être un producteur de chanvre autorisé, il faut demander un permis chaque année, tout comme les agriculteurs qui cultivent le chanvre et tous les transformateurs à qui nous vendons notre récolte. Nous pouvons vendre nos semences et nos grains de chanvre uniquement aux transformateurs et aux acheteurs qui ont un permis délivré par Santé Canada. Chaque année, nous renouvelons notre permis auprès de Santé Canada.
    Aujourd'hui, le Règlement sur le chanvre industriel nous interdit de récolter les bourgeons, les trichomes, les bractées et les fleurs des plants de chanvre, car elles présentent un taux plus élevé de cannabinoïdes, que ce soit le THC ou le cannabidiol.
    Le problème, c'est que nous produisons déjà beaucoup de cannabidiol. Nous appliquons des normes phytosanitaires. De plus, en tant que producteurs biologiques certifiés, nous sommes assujettis à des inspections et des normes de certifications et nous devons appliquer un certain nombre de processus.
    Cette année, notre récolte de chanvre nous a permis de produire environ 10 000 kilogrammes de cannabidiol que nous avons dû répandre au sol comme les déchets agricoles. Le Règlement sur le chanvre industriel nous empêche de récolter la partie du plant de chanvre qui contient le cannabidiol.
    C'est intéressant.
    J'ai une toute petite question pour Mme Rivet et M. St. Louis.
    Vous avez mentionné que vous devez vendre vos produits à faible prix afin de compétitionner avec le marché noir. Je crains que la situation ne fasse qu'empirer, compte tenu des règlements qui régissent les activités d'un producteur autorisé et les coûts connexes. La seule solution que je vois pour que vous puissiez garder les prix bas et compétitionner avec le marché noir est de bénéficier d'une subvention du gouvernement. Êtes-vous d'accord?
    Pas tout à fait.
    Pour ce qui est des coûts, nous avons déjà observé une importante chute des coûts de production pour les producteurs autorisés. À nos débuts il y a quatre ans, le prix le plus bas affiché au sein de l'industrie était d'environ 2,55 $. Actuellement, le prix le plus faible affiché dans l'industrie est de 1,17 $ par gramme.

  (1525)  

    Par gramme.
    Cela s'applique aux coûts, y compris les coûts de contrôle de la qualité, qui font partie du programme réglementaire.
    Cependant, je suis d'accord avec un point que vous avez soulevé. Nos organismes de réglementation, qui travaillent d'arrache-pied, pourraient finir par assouplir certaines dispositions du Règlement. Par exemple, un producteur autorisé doit faire installer 500 caméras vidéo sur un seul emplacement. Je vois une belle occasion de discuter de certains éléments et de les modifier tout en gardant comme première priorité la sécurité publique et l'atténuation du risque de détournement.
    Notre industrie réussira à réduire les coûts à moins de 1 $ par gramme dans un avenir rapproché. Évidemment, nous parlons des avantages pour tous les acteurs du milieu médical, mais aussi pour une industrie élargie qui comprend le marché thérapeutique et le marché récréatif pour les adultes, marchés qui nous feront gagner en importance. Une telle situation devrait également nous faire réaliser des économies intéressantes.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur McKinnon.
    Je vous remercie, monsieur.
    Ma première question s'adresse à M. Jones.
    Le nom scientifique du chanvre est cannabis sativa. L'espèce ou le genre est le même. Comment pouvons-nous le distinguer du produit récréatif?
    Santé Canada travaille d'arrache-pied sur cette question depuis les 19 dernières années, depuis l'adoption du Règlement sur le chanvre industriel; le ministère veille notamment à l'inspection annuelle de chaque champ. En tant que producteurs autorisés, nous devons fournir chaque année — c'était le cas jusqu'à cette année — des échantillons provenant de nos champs afin de confirmer que nos plants sont effectivement du chanvre et non de la marijuana et que nos cultivars font bien partie de la liste des cultivars autorisés.
    Nous produisons le cultivar FINOLA qui fait partie des cultivars autorisés par Santé Canada, et dont les plants contiennent toujours pas plus de 0,3 % de THC. Santé Canada a déjà élaboré une définition qui fait la distinction entre le chanvre industriel autorisé aux termes du Règlement sur le chanvre industriel et les autres variétés de cannabis, qui peuvent avoir une teneur en THC plus élevée.
    Est-ce que n'importe qui peut faire la distinction? Faut-il être un botaniste pour voir la différence?
    Si vous regardez le plant, vous ne verrez pas la différence. L'espèce est la même, mais la génétique est fondamentalement différente. Mais pour ce qui est de l'aspect visuel du plant, vous ne pourriez pas distinguer l'un de l'autre.
    Si nous étions devant un champ de chanvre bercé par le vent, nous ne pourrions pas dire s'il s'agit de chanvre ou de marijuana. C'est bien cela?
    Oui, en effet.
    Il y a une grande différence entre les deux, car, dans un champ de marijuana, il n'y aurait que des plants femelles. S'il y avait des plants mâles dans un champ de marijuana, la récolte serait moins bonne. C'est une pratique contre-productive.
    Je tiens aussi à souligner que, lorsque le Règlement sur le chanvre industriel a été élaboré en 1998, les fleurs et les bourgeons soulevaient des préoccupations, car ils ont tendance à présenter un taux de THC plus élevé. De nos jours, les plants ont un taux plus faible que le taux exigé pour le plant en entier. Il est donc dommage que l'on soit obligé, comme Keith l'a mentionné, de répandre le cannabidiol au sol, car il est sécuritaire d'utiliser les plants dans leur intégralité.
    Si le chanvre était ajouté à l'annexe 2, serait-il retiré du programme d'octroi de permis?
    D'après notre compréhension de la situation, l'industrie continuerait d'exploiter le chanvre dans le cadre du Règlement sur le chanvre industriel, ce que nous appuyons.
    Je crois que la loi dont il est question aujourd'hui remplacera la réglementation sur le chanvre industriel, non?
    Je ne crois pas. Je crois que le Règlement sur le chanvre industriel est mentionné dans le projet de loi.
    Je vais devoir vérifier cela. Merci.
    Je vais maintenant m'adresser à M. Lucas.
    Il y a beaucoup de choses à dire sur l'accès à la marijuana ou au cannabis thérapeutique par rapport à l'accès au cannabis récréatif. On en parle comme s'il s'agissait de deux choses différentes. S'agit-il vraiment de deux choses différentes ou parlons-nous du cannabis à des fins thérapeutiques par rapport au cannabis à des fins récréatives?

  (1530)  

    Je crois que cela dépend de la préparation. La réponse est oui dans les deux cas.
    Ils sont différents, car, comme nous l'avons mentionné, le cannabidiol n'est généralement pas souhaitable dans un cannabis consommé à des fins récréatives. Ce n'est pas pour cela que les gens consomment du cannabis récréatif. En fait, si les chercheurs s'intéressent au cannabidiol depuis seulement cinq ou six ans même s'il a été découvert il y a plus de 40 ans, c'est parce qu'il n'y avait pas de variété à teneur élevée en cannabidiol sur le marché récréatif initialement. C'est la mise sur pied du système de marijuana thérapeutique au Canada et aux États-Unis qui a motivé les producteurs à créer les variétés à teneur élevée en cannabidiol qui donnent des résultats thérapeutiques efficaces pour de nombreuses personnes aujourd'hui. Voilà une caractéristique qui distingue le cannabis thérapeutique du cannabis récréatif. Cela ne veut pas dire pour autant que le THC n'a aucune propriété thérapeutique. C'est un analgésique puissant ainsi qu'un anti-inflammatoire. Il possède un certain nombre de propriétés thérapeutiques qui lui sont propres.
    La variété utilisée à des fins récréatives peut également être utilisée à des fins thérapeutiques dans certains cas, mais je crois qu'il existe, par exemple, des méthodes de contrôle de la qualité quant à l'ingestion qui sont plus précises pour un usage thérapeutique par rapport à un usage récréatif. Pour obtenir un effet continu et de longue durée, l'ingestion est la voie d'administration la plus appropriée. Par contre, si la personne recherche un effet rapide — disons par exemple qu'elle souffre d'une migraine accompagnée d'auras ou de nausées — l'ingestion ne serait pas la méthode de choix. La vaporisation, peut-être un vaporisateur oromucosal, serait plus adéquate.
    Des chercheurs élaborent en ce moment des timbres qui permettraient une diffusion lente de cannabinoïdes thérapeutiques dans l'organisme. Beaucoup de recherches sont menées en ce moment par les producteurs autorisés au Canada, mais aussi par les compagnies pharmaceutiques de partout dans le monde en vue de contrôler le système endocannabinoïde qui est en chacun de nous. C'est bien différent de l'usage récréatif et, par exemple, des jujubes à teneur élevée en THC.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Davies.
    Merci.
    Monsieur Lucas, j'aimerais vous poser une question à propos de l'approvisionnement. Le directeur parlementaire du budget s'y est attardé et il a indiqué que, en 2018, les Canadiens âgés de 15 ans et plus consommeront près de 655 tonnes métriques de cannabis. En 2021, cela pourrait s'élever à 734 tonnes. En ce qui concerne la production actuelle de cannabis thérapeutique — la seule production légale — les producteurs autorisés seront-ils assez nombreux pour répondre à la demande du marché légal le 1er juillet 2018?
    Je crois que personne ne vous confirmerait que nous serons prêts à répondre à la demande le 1er juillet 2018. Il y a 55 producteurs autorisés en ce moment et, à la même date l'an dernier, nous étions environ 25, alors nous rejoignons de plus en plus de gens en ligne. Les producteurs autorisés prennent rapidement de l'expansion et passent à la culture en serre afin d'accroître leur production.
    Comme nous l'avons mentionné ce matin, un des plus grands problèmes observés dans les États de Washington et du Colorado est la pénurie, malgré que la légalisation avait été annoncée bien à l'avance. Nous avons observé le même problème au Nevada récemment.
    Je m'attends à ce qu'il y ait une pénurie au tout début et à ce qu'une réglementation soit appliquée ou qu'un plafonnement soit observé quelques mois plus tard.
    D'après moi, ce qui inquiète le plus, c'est de savoir si nous réussirons à encourager les utilisateurs du marché noir à opter pour le système légal. Si les taxes sont trop élevées, si l'accès est trop difficile ou si les produits sont trop chers par rapport au marché noir, je crois que nous aurons de la difficulté à convaincre ceux qui achètent sur le marché noir à opter pour le marché légal. Le Comité ici présent et le gouvernement en poste ont la responsabilité de s'assurer que l'accessibilité ne devient pas un obstacle.
    Est-il possible que le cannabis thérapeutique soit détourné et que, par conséquent, les consommateurs de cannabis thérapeutique n'y aient plus accès?
    Je crois que cette responsabilité revient à chaque entreprise qui décidera de produire du cannabis thérapeutique et récréatif. L'entreprise pour laquelle je travaille, Tilray, se concentre sur la production thérapeutique. Tilray n'a pas l'intention d'offrir des produits récréatifs.
    Merci.
    J'ai quelques questions, monsieur Tesarowski. Dans son rapport final, le groupe de travail recommande au gouvernement fédéral de travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux à l'élaboration d'un régime fiscal incluant une distribution équitable des revenus.
    À votre connaissance, y a-t-il eu des discussions ou une entente à ce sujet en Saskatchewan?
    Les discussions sont en cours. D'après ce que je comprends, les discussions ont lieu depuis un certain temps déjà et se poursuivront jusqu'à ce qu'une entente soit conclue.
    D'accord.
    Ma question touche la Constitution. D'après ce que je comprends, le projet de loi C-45 obligera tous les producteurs à obtenir un permis auprès du gouvernement fédéral.
    Je viens de la Colombie-Britannique et je sais que, dans l'industrie de la bière, il y a beaucoup de microbrasseurs, et je crois qu'ils sont assujettis à une réglementation provinciale. Y a-t-il des points à prendre en considération sur le plan de la Constitution? Disons, par exemple, qu'un producteur de la Saskatchewan veut cultiver et vendre uniquement dans sa province. Voyez-vous ici une usurpation d'une compétence provinciale relativement à la propriété et aux droits civils, ce qui crée un problème constitutionnel? Y a-t-il eu une discussion ou une réflexion à ce sujet?

  (1535)  

    Ciel, c'est une bonne question. C'est quelque chose à quoi nous avons pensé, mais nous n'avons pas eu le temps de nous pencher sur la question compte tenu du temps dont nous disposons.
    D'accord.
    J'aimerais poser une dernière petite question.
    Je rappelle que le groupe de travail a recommandé au gouvernement fédéral d'« effectuer l'analyse économique nécessaire en vue d'établir une approche fiscale et de prix qui établit un équilibre entre la protection de la santé et le but de réduire le marché illicite ».
    Le gouvernement fédéral a-t-il fait part de cette analyse économique à la Saskatchewan?
    Je ne suis pas bien placé pour répondre à la question. C'est quelque chose dont il parle avec notre équipe de finances...
    D'accord.
    ... et il ne communique pas toujours l'information.
    Merci.
    C'est tout.
    Je remercie les témoins. Vos commentaires et votre contribution sont très précieux pour notre étude. Nous en apprenons toujours plus, mais vous nous avez été d'une grande aide.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pour 20 minutes. Nous reviendrons à 16 heures pour écouter notre prochain groupe de témoins.

  (1535)  


  (1600)  

    Il est 16 heures, je déclare la réunion 64 du Comité permanent de la santé ouverte. Bienvenue à notre nouveau groupe de témoins.
    Nous avons parmi nous Jennifer Lutfallah, directrice générale des Programmes d'exécution de la loi et du renseignement de l'Agence des services frontaliers du Canada; Laurent Marcoux, président, et Jeff Blackmer, vice-président du Professionnalisme médical de l'Association médicale canadienne. Nous recevons aussi Trevor Bhupsingh, directeur général de la Division de l'application de la loi et des stratégies frontalières du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile.
    Nous entendrons par vidéoconférence Martin Bruce, inspecteur, et Bill Speam, sergent-chef, tous deux de la Section du crime organisé du Service de police de Vancouver.
    Je crois comprendre que l'Agence des services frontaliers ne fera pas de déclaration préliminaire; nous allons donc passer directement à l'Association médicale canadienne, qui dispose de 10 minutes.
    Monsieur Marcoux, la parole est à vous.

[Français]

    Je suis le Dr Laurent Marcoux. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui à titre de président de l'Association médicale canadienne, soit l'AMC. Je suis accompagné du Dr Jeff Blackmer, qui est vice-président du Professionnalisme médical de l'AMC.
    En tant qu'entité nationale représentant plus de 85 000 médecins et futurs médecins, l'AMC est préoccupée depuis longtemps par les risques pour la santé que pose le cannabis, en particulier lorsqu'il est fumé. Ces risques incluent les maladies cardiovasculaires, pulmonaires et mentales, les accidents de véhicules à moteur et, bien sûr, la dépendance.
    En légalisant la consommation de cannabis à des fins récréatives, le gouvernement fédéral doit faire preuve de prudence. Il doit fixer des objectifs liés à la santé publique et rendre compte des mesures prises pour les atteindre. Il doit viser avant tout à protéger la population canadienne et à réduire les préjudices.
    C'est pourquoi l'Association médicale canadienne recommande une approche générale basée sur la santé publique visant avant tout à prévenir les problèmes de consommation de drogues, à garantir l'accès à des traitements dans le cas des personnes qui souhaitent cesser d'en consommer, et à réduire les préjudices afin d'accroître la sécurité des personnes qui en font usage.
    Cette approche vise à réduire les conséquences sanitaires, sociales et économiques négatives de l'usage des drogues sur la personne, sur la communauté et sur l'ensemble de la société.
    Les enfants et les adolescents sont particulièrement exposés aux préjudices, étant donné le développement de leur cerveau. Or ils sont parmi les plus grands consommateurs de cannabis au Canada.
    Pour mieux protéger ce groupe de la population, nous recommandons de fixer l'âge à 21 ans dans le cadre de la loi et même de restreindre les quantités ainsi que la puissance du cannabis pour les moins de 25 ans.
    En dépit de ces risques accrus, des éléments de preuve montrent que les jeunes d'aujourd'hui ne croient pas que le cannabis a de graves effets sur leur santé. Une stratégie de gestion du cannabis basée sur la santé publique doit donc inclure des mesures d'éducation, comme ce fut le cas pour le tabac.

  (1605)  

[Traduction]

    Avant l'adoption de toute législation, ou au plus tard au même moment, il faudrait mettre en oeuvre des stratégies d'éducation afin de mieux faire connaître les préjudices et de pousser les recherches sur ses effets. L'AMC exhorte le gouvernement à appuyer la diffusion généralisée des directives de consommation à moindre risque pour le cannabis et à intégrer ses messages dans des stratégies d'éducation.
    Après la légalisation, le cannabis sera accessible à ceux qui veulent en faire usage pour des raisons de santé — avec ou sans autorisation médicale. C'est pourquoi nous recommandons un seul régime pour l'usage à des fins médicales et non médicales. Ce régime devrait toutefois garantir l'accès pour les personnes qui sont incapables de se procurer du cannabis légalement, par exemple celles qui n'ont pas l'âge minimum.
    Si le gouvernement décide de maintenir deux régimes distincts, nous recommandons de revoir la législation dans les cinq ans pour évaluer, par exemple, le nombre d'utilisateurs dans le système médical et le nombre de médecins qui autorisent l'usage de cannabis à des fins médicales.
    L'usage de cannabis comporte des risques importants pour la santé, et nous continuerons de préconiser des recherches plus poussées sur ses effets. La légalisation ne changera rien aux risques. Le gouvernement devrait donc viser d'abord et avant tout à protéger la population canadienne — et en particulier les jeunes — et à réduire les préjudices pour la santé.
    Je vous remercie et je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter M. Bhupsingh, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile.
    Monsieur Bhupsingh.
     Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de m'adresser à vous au sujet du projet de loi C-45 du point de vue de l'application de la loi et de la sécurité publique.
    Je m'appelle Trevor Bhupsingh, et je suis directeur général de la Direction générale de la loi et des stratégies frontalières à Sécurité publique Canada. J'aimerais vous présenter brièvement ma collègue, Jennifer Lutfallah, qui est directrice générale de la Direction des programmes d'exécution de la loi et du renseignement de l'Agence des services frontaliers du Canada.

[Français]

    Ma collègue et moi sommes ici aujourd'hui pour répondre à vos questions au sujet de nos rôles organisationnels respectifs en ce qui concerne le projet de loi C-45.
    Le gouvernement a adopté une approche équilibrée en matière de légalisation et de réglementation du cannabis, et nous nous sommes assurés que les questions nécessaires relatives à l'application de la loi et à la sécurité publique sont intégrées au projet de loi et orientent l'élaboration du régime qui sera mis en oeuvre en vue de réglementer le cannabis.

[Traduction]

     Le projet de loi C-45 reflète le travail accompli en collaboration par Santé Canada, le ministère de la Justice, Sécurité publique Canada, la Gendarmerie royale du Canada, l'Agence des services frontaliers du Canada, les gouvernements des provinces et des territoires ainsi que les responsables de l'application de la loi.
    Sécurité publique Canada joue un rôle de dirigeant pour ce qui est de la collaboration avec des responsables de l'application de la loi de l'ensemble du pays ainsi qu'avec nos partenaires internationaux pour veiller à ce que la légalisation et la réglementation du cannabis soient accomplies d'un point de vue lié à la sécurité publique. En prévision des travaux du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis, Sécurité publique Canada a organisé une table ronde sur la législation du cannabis avec des organismes d'application de la loi et des représentants des gouvernements des provinces et des territoires. Les discussions ont fourni des données claires sur les éléments et les points de vue qui devaient être pris en considération et qui devaient être compris dans la Loi sur le cannabis et le régime de légalisation. Cette information a été fournie au groupe de travail et a aidé à orienter ses consultations auprès des responsables de l'application de la loi, d'autres intervenants et des Canadiens.
    Les responsables de l'application de la loi, notamment à la frontière, reconnaissent qu'un régime de cannabis légalisé doit protéger la santé et la sécurité du public, tout particulièrement celle des jeunes. À cet égard, Sécurité publique Canada et ses partenaires, dont la GRC et l'ASFC, se sont penchés sur plusieurs objectifs clés pendant l'élaboration du projet de loi. Tout d'abord, il faut empêcher les criminels et les réseaux du crime organisé d'infiltrer le marché légitime du cannabis, renforcer les lois pour décourager le commerce illicite du cannabis et protéger les jeunes.
    La légalisation du cannabis constitue un changement important de normes sociales, mais nous savons que le cannabis a été un produit très lucratif pour les criminels, et cela doit changer. La GRC et les organismes d'application de la loi de l'ensemble du pays peuvent confirmer que le crime organisé a beaucoup contribué au commerce illicite du cannabis et a réalisé des profits considérables qu'il utilise pour financer d'autres activités illégales. Selon des estimations, on compte jusqu'à 650 organisations criminelles au Canada, et jusqu'à 50 % de ces groupes identifiés seraient actuellement impliqués dans le commerce illicite du cannabis.
    Il est difficile de prévoir la façon dont les groupes du crime organisé et le marché illicite réagiront lorsque le régime sur le cannabis entrera en vigueur. La participation du crime organisé au commerce de tout bien ou à toute activité peut changer en fonction de l'évolution de l'offre et de la demande et lorsqu'il y a moins d'occasions de réaliser des profits. Toutefois, de grands travaux sont en cours en vue d'empêcher le crime organisé de toucher aux profits découlant du cannabis. Sécurité publique Canada appuie d'autres ministères fédéraux qui dirigent des discussions sur le prix du cannabis et les taxes connexes. Il s'agit d'aspects importants qui aideront à faire en sorte que les groupes du crime organisé ne toucheront pas aux revenus prévus découlant de la production, de la distribution et de la vente du cannabis.
    Pendant l'élaboration du nouveau régime, les exigences de la loi, comme la vérification du casier judiciaire des personnes qui veulent produire du cannabis, empêcheront les criminels qui participent actuellement au commerce illicite du cannabis de passer au régime légal. La police fédérale de la GRC et d'autres organismes canadiens d'application de la loi continueront de collaborer, à l'échelle nationale ainsi qu'avec des partenaires internationaux, en vue de cibler le crime organisé et les réseaux criminels. Sécurité publique Canada appuiera ces efforts en surveillant l'évolution des marchés clandestins de la drogue.
    En ce qui concerne la sécurité frontalière, l'ASFC mène des enquêtes et empêche le passage transfrontalier non autorisé de cannabis aux points d'entrée au Canada tout en maintenant la libre circulation des voyageurs et des marchandises légitimes.

  (1610)  

    La nouvelle loi ne changera pas le cadre transfrontalier actuel en ce qui concerne l'expédition illégale de cannabis. En ce sens, l'ASFC continuera d'examiner les personnes et les expéditions afin d'intercepter le cannabis aux points d'entrée, conformément à la Loi sur les douanes. L'Agence continuera de collaborer étroitement avec ses partenaires de l'application de la loi, comme la GRC et les services de police locaux qui sont responsables de mener des enquêtes en vertu de la nouvelle Loi sur le cannabis.
    Il est important de souligner que la Loi sur le cannabis proposée ne nuit pas à la capacité des responsables de l'application de la loi de cibler et de démanteler des activités illégales liées au cannabis. Le projet de loi transmet un message fort concernant la gravité des crimes impliquant le cannabis. À titre d'exemple, en vertu de la loi proposée, les infractions criminelles liées à la production, à la distribution, à la vente et à l'importation ou à l'exportation de cannabis peuvent entraîner des peines minimales de 14 années d'emprisonnement.
    Un autre objectif très important pour le gouvernement, c'est que Sécurité publique Canada et la collectivité de l'application de la loi s'efforcent d'appuyer la protection des jeunes. La loi démontre clairement que nous voulons garder le cannabis hors de la portée des jeunes en limitant leur accès au produit et en prévenant les activités criminelles liées au cannabis grâce à des sanctions et à des mesures d'application de la loi appropriées. C'est pourquoi les adultes qui utilisent des jeunes pour commettre des crimes liés au cannabis seraient passibles de la même peine maximale de 14 années d'emprisonnement que les personnes qui effectuent la vente ou le trafic illégal du cannabis. De plus, les provinces et les territoires ont la capacité de mettre en place leurs propres dispositions pour interdire à toute personne dont l'âge est inférieur à l'âge minimal de posséder du cannabis. Cela donnerait à la police le pouvoir de saisir le cannabis des jeunes sans que ces derniers fassent l'objet de poursuites au criminel en raison de la possession et de la distribution de très petites quantités de cannabis.
    Le gouvernement a été clair: il est primordial d'effectuer une réglementation stricte du cannabis au sein du cadre de la législation. Par conséquent, la Loi sur le cannabis propose une approche fondée sur la contravention qui permettrait aux responsables de l'application de la loi d'imposer une contravention à une personne âgée de 18 ans ou plus en cas d'infraction relativement mineure aux règles prescrites par la nouvelle loi, y compris dans les cas de possession d'une quantité de cannabis dépassant la limite légale de 30 grammes, pouvant aller jusqu'à 50 grammes de cannabis, ou, pour ce qui est de la culture à domicile, de la limite de 5 ou 6 plants ou l'inobservation des restrictions prescrites. La pénalité pour ces infractions est une amende de 200 $.
    Sécurité publique Canada est consciente du niveau d'effort requis pour faire en sorte que des mesures de protection du public soient en place en prévision de la légalisation du cannabis. Nous continuerons de collaborer avec Santé Canada et le ministère de la Justice pour toutes les questions relatives au nouveau régime, y compris la délivrance de permis, la conformité et une campagne de sensibilisation du public rigoureuse qui ciblera notamment les jeunes. Nous communiquerons les nouvelles lois et le régime d'application de la loi aux services de police et à tous les Canadiens grâce à des modules de formation en ligne et en misant sur les médias et les médias sociaux. Qui plus est, nous effectuerons, de façon continue, des recherches, de la collecte de données, de la surveillance, de l'évaluation et des consultations à l'échelle du Canada et avec les responsables de l'application de la loi. Nous travaillerons en vue d'aider les responsables de l'application de la loi à mettre en oeuvre et à opérationnaliser la nouvelle loi.
    La Loi sur le cannabis proposée constituera une mesure législative importante du point de vue de l'application de la loi et de la sécurité publique.
    Merci. Ma collègue et moi serons heureux de répondre à vos questions.

  (1615)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre l'inspecteur Bruce, du Service de police de Vancouver, qui présentera sa déclaration préliminaire par vidéoconférence.
    Bon après-midi. Je suis l'inspecteur Martin Bruce de la Section du crime organisé du Service de police de Vancouver. Je suis en compagnie de Bill Speam, sergent-chef. Bill est l'expert en enquêtes concernant le crime organisé.
    Au nom d'Adam Palmer, agent de police en chef, j'aimerais remercier les honorables membres du Comité de me donner la possibilité de présenter mes observations au sujet du projet de loi C-45. Compte tenu du temps dont dispose le Comité, je serai bref.
    Les préoccupations du Service de police de Vancouver sont fort probablement les mêmes que celles de l'Association canadienne des chefs de police et d'autres partenaires en sécurité publique. Toutefois, dans le contexte local, nos préoccupations concernent quatre principaux domaines: l'accès au cannabis par les jeunes, la culture à des fins personnelles, le rôle des groupes du crime organisé et le calendrier de mise en oeuvre.
    En ce qui concerne l'accès au cannabis par les jeunes, nous sommes d'avis que le fait de permettre à des jeunes âgés de 12 à 17 ans d'avoir en leur possession ou de partager socialement jusqu'à cinq grammes de marijuana créera un problème lorsque les policiers devront intervenir dans un certain nombre d'établissements où se trouvent des jeunes, mais particulièrement dans nos écoles. Par exemple, nos agents de police auront-ils le pouvoir d'intervenir dans un cas où un jeune offre de la marijuana à un autre jeune vulnérable et de la saisir, ou de gérer efficacement tout autre appel lié à une infraction commise par un jeune? Nous constatons que le régime d'imposition de contraventions proposé ne s'appliquera qu'aux personnes âgées de 18 ans ou plus.
    La capacité de posséder du cannabis combinée à la culture à des fins personnelles à domicile semble entrer en conflit avec l'objectif du gouvernement, soit de créer un environnement hautement réglementé qui réduit au minimum l'accès des jeunes à la drogue.
    En ce qui a trait à la culture à des fins personnelles, nous sommes contre et nous croyons que ce sera un catalyseur pour la surproduction qui inondera le marché illicite et réussira à miner la structure de prix et l'approvisionnement qu'offre le régime de réglementation. Cela fera également croître le risque de cambriolages à domicile, d'introduction par effraction, de vol qualifié, de vol d'électricité, de nuisance et le nombre d'appels de service de toute autre nature qui nuisent à la sécurité des collectivités et mettent à rude épreuve les policiers et les autres premiers répondants qui sont déjà confrontés à la crise des surdoses d'opioïdes dans la province et ailleurs au pays.
    Il sera impossible d'appliquer la limite de quatre plants, et puisque la nouvelle loi sera superposée au règlement sur la marijuana à des fins médicales existant, il sera difficile pour les agents de première ligne de déterminer quel pouvoir ils ont dans la myriade de circonstances potentielles qui se présenteront. Les saisies que l'on jugera plus tard illégales pourraient rendre les services de police responsables de la marijuana détériorée entreposée avec le temps et qui doit être rendue aux propriétaires. Les agents risqueront également de faire l'objet de plaintes pour mauvaise interprétation des diverses dispositions au titre de la loi sur la police de la Colombie-Britannique.
    En ce qui a trait au rôle des groupes du crime organisé, la structure de prix et la disponibilité de la marijuana réglementée ne sont pas établies à des niveaux réalistes, le crime organisé en tirera profit de la même manière qu'il le fait avec les produits du tabac illicite. Pour répondre à toute augmentation de la demande, les éléments criminels seront également susceptibles d'accroître la production, particulièrement dans les régions urbaines, sous le couvert de la production à des fins personnelles et en favorisant la prolifération des activités de culture résidentielle de la marijuana.
     Pour ce qui est du calendrier de mise en oeuvre, la mise en oeuvre du projet de loi C-45 soulève de nombreuses questions, particulièrement en ce qui concerne ceux à qui incomberont les responsabilités en fin de compte, et la façon dont les renseignements seront transmis et le moment où elles le seront. En l'absence de ce détail, nous craignons que le temps qui reste pose des difficultés considérables au chapitre de la formation et de l'équipement appropriés de nos membres, de la modification de nos procédures et éventuellement de l'adaptation de nos établissements.
    Enfin, nous voulons nous assurer que le financement sera en place pour soutenir une vaste stratégie d'éducation du public, qu'il soit en place bien avant la légalisation, et qu'une campagne soit axée sur les préjudices développementaux chez les jeunes, sur les autres préjudices connus associés à la consommation de la marijuana et sur les dangers associés à la conduite avec facultés affaiblies d'un véhicule motorisé.
    Merci encore de nous fournir cette tribune. Nous serons ravis de répondre aux questions du Comité.

  (1620)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions de sept minutes; nous allons commencer avec M. Eyolfson.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais profiter de l'occasion pour corriger rapidement certains renseignements qui ont été fournis au Comité lors de la dernière séance au sujet de l'augmentation du nombre de conducteurs aux facultés affaiblies au Colorado. J'ai en ma possession deux lettres venant du Colorado et de Washington adressées au procureur général des États-Unis, qui mentionnent explicitement que la détection accrue en matière de conduite avec les facultés affaiblies était attribuable aux différentes méthodes en place, qui ne l'étaient pas avant la légalisation. Au Colorado, une période de six mois en 2016 comparée à la même période en 2017 a révélé que la conduite avec facultés affaiblies par la marijuana a en fait diminué de 21 %. Je fournirai des copies de ces deux lettres au greffier afin qu'il les distribue aux membres intéressés.
    Merci. Je vais poursuivre avec mes questions. J'aimerais seulement préciser quelque chose. Je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Cette question s'adresse au Service de police de Vancouver. Je vous remercie de votre témoignage.
    Disiez-vous que le projet de contravention ne s'appliquait pas aux jeunes âgés de 12 à 17 ans, qu'il ne s'appliquerait qu'aux personnes âgées de plus de 18 ans? Ai-je mal compris?
    Nous croyons comprendre que cela s'applique aux jeunes de 12 à 17 ans. C'est ainsi que nous voyons la situation à l'heure actuelle.
    Vous comprenez qu'ils ne peuvent faire l'objet d'une contravention?
    C'est cela.
    Non, ils peuvent recevoir une contravention. En fait, la mesure législative prévoit de manière assez claire que, s'il s'agit de jeunes âgés de 12 à 17 ans qui se voient confisquer la substance, ils feront l'objet d'une contravention, mais ils n'auront pas de casier judiciaire si la quantité est inférieure à cinq grammes. C'est ce que prévoit la mesure législative. Je voulais simplement faire une mise au point à cet égard.
    La prochaine s'adresse à l'Association médicale canadienne. Je crois comprendre que, comme vous le dites, selon la science médicale, la croissance des tissus cérébraux dure jusqu'à l'âge de 25 ans, et vous recommandez que l'âge soit de 21 ans. Ce qui nous préoccupe, comme vous le savez probablement, c'est que la plus grande proportion d'utilisateurs se situe chez les personnes âgées de 18 à 24 ans. Nous n'avons pas parlé beaucoup de cet aspect.
    Êtes-vous d'accord pour dire que les personnes âgées de 18 à 21 ans seraient exposées à des risques de préjudice importants si elles ne sont pas en mesure d'acheter la marijuana légalement, et qu'elles doivent par conséquent passer par le marché illicite et risquer de faire face à des sanctions pénales en plus d'avoir à composer avec les éléments dangereux du marché noir?
    Je dirais que la majorité d'entre elles commence à consommer avant l'âge de 18 ans, mais qu'entre 18 et 24 ans, elles sont déjà dépendantes à la drogue. C'est pourquoi la proportion est si importante pour cette tranche d'âge. Nous voulons fixer l'âge à 21 ans, et peut-être même 25 ans, parce que les dommages causés au cerveau seront permanents, et ils sont pires que ce que nous pensons. Nous croyons qu'il s'agit d'une drogue à usage récréatif, mais cette drogue peut endommager le cerveau pour le reste d'une vie. Nous devons les protéger. C'est pourquoi nous insistons sur la question.
    Peut-être que Jeff a d'autres...?

  (1625)  

    C'est une bonne question. Je dirais que nous nous concentrons essentiellement sur les preuves médicales et sur ce qu'elles révèlent au sujet des effets de la marijuana sur le développement du cerveau. Nous comprenons les autres aspects. C'est pourquoi nous avons dit que l'âge idéal serait 25 ans, puisque le cerveau a fini de se développer à ce moment-là.
    Je dirais qu'à bien des égards, nous avons été étonnés que les preuves médicales n'aient pas été prises en considération davantage. C'est peut-être parce que nous sommes des professionnels de la santé et que c'est notre travail. Je reconnais certaines priorités concurrentes dans le calcul des risques. Je tiens à dire que, selon notre point de vue fondé sur ce que nous voyons en clinique et sur ce que montrent les données probantes, nous pensons tout de même que la légalisation à 21 ans favoriserait le bon équilibre si l'on tient compte, comme vous l'avez dit, du risque concurrentiel selon lequel les jeunes pourraient devoir se tourner vers d'autres sources. Je pense qu'il est un peu plus facile d'essayer d'atténuer certains de ces aspects que de réparer les torts qui pourraient potentiellement être causés avant l'âge de 21 ans. Nous continuons de penser que ce serait un bon terrain d'entente.
    Je comprends. Encore une fois, d'un point de vue purement médical et scientifique, je serais le premier à accepter cette décision; toutefois, comme vous l'avez dit dans votre témoignage, les jeunes en consomment déjà en grande quantité alors que c'est illégal. C'est déjà illégal, et nombre d'entre eux n'écoutent tout simplement pas les conseils à cet égard.
    Si vous haussez l'âge à 21 ans, n'y aurait-il pas moins de jeunes qui en consommeraient? Si vous fixez l'âge légal à 21 ans, est-ce que les personnes âgées de 18 à 21 ans en consommeraient moins qu'elles le font à l'heure actuelle, alors que c'est illégal et qu'elles en consomment beaucoup?
    C'est ce que nous espérons.
    Cette recommandation ne vient pas seule, elle vient avec une bonne éducation. Après la légalisation, il sera permis de mettre en place un bon programme éducatif destiné aux jeunes.
    Bien sûr.
    Si les jeunes sont déjà bien informés à l'âge de 12, 13 ou 14 ans, ils devraient se tenir loin de la drogue encore plus. S'ils décident d'en consommer à l'âge de 21 ans, ce sera leur décision, et les préjudices seront moindres. Mais s'ils endommagent déjà leur cerveau à 16 ans, 17 ans, 18 ans ou 19 ans, ce sera pour la vie. Les médecins au Canada s'inquiètent de ces préjudices.
    Certainement.
    Nous voyons ces personnes tous les jours dans nos bureaux. Nous voyons à quel point elles en souffrent et elles le regrettent, mais en raison de l'accoutumance, elles n'arrivent pas à arrêter de consommer. Nous devons les aider à perdre cette mauvaise habitude qu'elles ont adoptée.
    J'ai une petite question pour nos collègues de la sécurité publique.
    Nous nous rappelons tous l'exemple de la prohibition aux États-Unis et combien il y a eu d'activités criminelles à cause de l'alcool illégal et de ce qui s'est passé dans le milieu après cela. J'ai entendu certaines personnes critiquer cette analogie puisque cela remonte à 100 ans.
    Cela dit, même si un siècle s'est écoulé, avons-nous des leçons à tirer de cet exemple en ce qui concerne la sécurité publique et la prohibition?
    Je pense que oui, mais nous devons garder à l'esprit que 100 ans se sont écoulés et que les joueurs et les groupes auxquels nous avons affaire ne sont pas les mêmes.
    Maintenant, nous créons un régime qui prévoit une source légale de cannabis, alors nous croyons qu'il faut mettre en place ce cadre. Nous voulons assurer un accès sécuritaire au cannabis. Nous voulons nous assurer que, en ce qui concerne l'application de la loi, nous allons réellement avoir la capacité de prévenir le crime organisé pour certaines des autres questions dont nous venons tout juste de parler qui concernent nos jeunes, je pense que c'est important également.
    Pour nous, il est important qu'il y ait beaucoup de sensibilisation publique auprès des jeunes dans tout le système. Les choses sont probablement légèrement différentes d'il y a 100 ans en ce qui concerne les communications. Tout ça pour vous dire que je crois qu'il est très important que la sensibilisation publique à l'égard du régime soit une priorité, puis que les agents d'application de la loi, particulièrement, aient la capacité de composer avec les groupes du crime organisé et le marché noir pour que nous puissions nous assurer que les profits ne finissent pas entre les mains des organisations criminelles, principalement parce que les profits vont habituellement à d'autres domaines de préoccupation.

  (1630)  

    Merci beaucoup.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Webber.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie tous aussi d'être présents aujourd'hui et de nous présenter vos exposés.
    Je souhaite remercier en particulier les représentants du Service de police de Vancouver, M. Bruce, inspecteur, et M. Speam, sergent-chef. Vos préoccupations, ainsi que celles soulevées par l'Association canadienne des chefs de police, sont assurément partagées par le caucus conservateur. Nous vous remercions de témoigner devant le Comité aujourd'hui pour faire état de vos préoccupations, en particulier en ce qui concerne l'accès pour les jeunes en raison de la culture personnelle à la maison. À mon avis, cela créera un immense problème. Bien entendu, vous vous opposez à la limite de quatre plants par résidence. Vous avez mentionné qu'il sera presque impossible de faire respecter cette disposition et qu'il est probable que cela... Dans les faits, le marché illégal sera inondé, et, bien sûr, vous avez évoqué les crimes qui en découleront, comme les cambriolages à domicile et les vols d'électricité. Tout ce que vous avez dit est parfaitement sensé, et nous sommes entièrement d'accord avec vous.
    Encore une fois, la formation de vos effectifs et les échéanciers prévus poseront problème. Dans les mois suivant le 1er juillet 2018, il vous arrivera de pénétrer dans des résidences où il y a quatre, cinq ou six plants. Que ferez-vous? Ce sera intéressant de traiter tous les problèmes qui découleront de cette disposition. Vous avez mentionné la structure de prix, et je l'ai aussi évoquée plus tôt aujourd'hui. Pour ce qui est de la concurrence avec le marché illicite, je ne vois pas comment cela sera possible, même si des témoins présents aujourd'hui laissent entendre que nous pourrons afficher des prix comparables à ceux qui ont cours sur le marché noir. Selon moi, ce ne sera pas possible en raison de la réglementation en place...
    Je crois que nous avons perdu la connexion avec nos amis de Vancouver. J'ai perdu le fil de mes idées en ce qui les concerne. Je m'apprêtais à leur poser quelques questions. Sont-ils toujours là?
    Nous vous entendons, mais nous n'avons plus d'image.
    Très bien. Je peux vous entendre, mais je ne vous vois pas.
    Quoi qu'il en soit, je souhaitais simplement vous remercier, tout d'abord, d'avoir soulevé ces préoccupations. Elles sont assurément partagées par notre caucus, et j'aimerais savoir de quelle façon notre gouvernement libéral traitera les problèmes incroyables qui découleront du fait de permettre la culture personnelle dans les maisons.
    Avez-vous autre chose à ajouter à ce sujet?
    Non, pas vraiment.
    D'accord. Je vous souhaite la meilleure des chances. Je sais que vous en aurez besoin. Tous les services de police au Canada seront assurément confrontés à beaucoup de difficultés quand cette législation entrera en vigueur.
    J'ai une question à poser à Mme Jennifer Lutfallah de l'Agence des services frontaliers du Canada.
    Avez-vous constaté une augmentation du trafic de marijuana vers le Canada à partir des États américains ayant légalisé cette substance, en particulier à partir de l'État de Washington, vu que celui-ci borde la frontière? Avez-vous noté une différence notable dans le trafic de marijuana et de produits de la marijuana vers notre pays?
    En ce qui concerne la contrebande à partir de l'État de Washington vers la région de Vancouver, nous avons noté une augmentation marquée du nombre de saisies effectuées par nos agents. Je n'ai pas le pourcentage précis, mais nous avons noté une augmentation importante du taux de saisies.
    Je ne crois pas que la contrebande a beaucoup augmenté par rapport aux années précédentes, mais beaucoup de personnes croient qu'elles peuvent rapporter de la marijuana au Canada de l'État de Washington, par exemple. C'est pourquoi le nombre de saisies de ces produits a augmenté dans ces régions.
    C'est intéressant.
    Ce matin, l'honorable Anne McLellan a mentionné dans son témoignage que, après qu'elle s'est rendue là-bas et a discuté avec les intervenants, on a constaté qu'il y a maintenant de la contrebande vers d'autres États à partir de ceux qui ont légalisé la marijuana, ce qui entraîne des problèmes importants dans les endroits où la substance est illégale. Je peux imaginer que cela pourrait aussi être le cas vers le Canada, et dans le sens inverse. Une fois que notre pays aura légalisé la marijuana, en ce qui concerne sa culture, je suppose que vous allez vraisemblablement constater des activités de contrebande transfrontalière importantes vers les États-Unis. Croyez-vous que ce sera le cas?

  (1635)  

    Je crois qu'en ce moment il est un peu tôt pour émettre des hypothèses concernant le trafic transfrontalier du nord vers le sud. Cela dit, nous allons continuer de collaborer avec les responsables de la CBP et de surveiller les tendances quant aux saisies et aux tentatives de trafic à partir de notre pays, et vers celui-ci. En ce moment, je suis d'avis qu'il est un peu trop tôt pour avancer des hypothèses.
    Bien sûr.
    Je pense aussi aux problèmes qui sont apparus concernant la crise des opioïdes et le fait que 98 % de ces substances proviennent de la Chine. Bien entendu, l'Agence des services frontaliers du Canada joue un rôle clé pour empêcher ces produits de traverser notre frontière, mais cela est très difficile.
    C'est la même chose en ce qui concerne la marijuana; je peux très bien imaginer des événements et des problèmes survenir en raison de la légalisation de ce produit, et je vous souhaite bonne chance quant à vos efforts et à ceux de l'Agence des services frontaliers du Canada. Ce sera une préoccupation et un grand défi.
    Je souhaite aussi remercier les représentants de l'AMC de leur présence aujourd'hui ainsi que d'avoir fait état de leurs préoccupations; celles touchant la santé, liées à l'inhalation de la fumée. Nous avons tellement consenti d'efforts pour essayer de réduire le tabagisme dans notre pays, néanmoins, nous favorisons, en raison de la légalisation, le fait qu'une personne puisse se faire encore plus de tort en consommant de la marijuana. Je comprends vos préoccupations. Elles sont également les nôtres.
    Je ne sais pas combien il me reste de temps, monsieur le président. J'ai quelque chose à ajouter brièvement.
    Je vous remercie d'avoir fait votre exposé et d'avoir exprimé vos préoccupations. Enfin, des personnes ont exprimé de graves préoccupations concernant la loi proposée et la légalisation de ce produit. Je vous remercie donc tous de votre présence aujourd'hui.
    Monsieur Davies.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    Monsieur Marcoux, du point de vue de la santé, serait-il juste de conclure que le fait de fumer du cannabis est plus dommageable pour la santé que de le consommer autrement qu'en le fumant?
    En ce qui concerne les dommages au cerveau, je crois que c'est équivalent. Toutefois, le fait de fumer du cannabis entraîne une forte incidence de problèmes pulmonaires et cardiovasculaires, et, en ce sens, c'est pire.
    Pour ce qui est de la dépendance, je suis d'avis que c'est aussi équivalent, parce que cela laisse une empreinte dans le cerveau. Nous sommes très préoccupés quant aux résultats de cette empreinte sur le cerveau chez les jeunes, parce qu'elle est permanente et que cela est très inquiétant.
    Oui. Merci.
    Je vais m'adresser à nos collègues de l'ASFC. C'est drôle. Cet été, je crois que bon nombre d'entre nous, comme députés, étaient dans leur circonscription et, pour ma part, il m'arrive toujours de rencontrer des personnes qui ont eu des problèmes au moment de traverser la frontière, dans un sens comme dans l'autre; des Canadiens qui ont été refoulés à la frontière américaine, et des Américains qui ont essayé d'entrer au Canada et qui ont été refoulés par des agents de l'ASFC.
     De fait, j'ai eu connaissance du cas de deux jeunes hommes de Los Angeles qui se sont vu refuser l'accès au pays par l'ASFC parce qu'ils avaient des condamnations antérieures. J'ai vu des cas où une personne a été refoulée parce qu'elle avait à son dossier une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies, désignée par l'acronyme « DUI » aux États-Unis. De quelle façon l'ASFC traitera-t-elle les cas d'Américains ayant été déclarés coupables de possession de cannabis après l'entrée en vigueur du projet de loi C-45? S'agira-t-il toujours d'un motif d'interdiction de territoire pour les citoyens américains qui souhaitent entrer au Canada?
    Comme vous le savez, l'ASFC est l'organisme chargé d'établir l'admissibilité des personnes au Canada. S'il s'agit toujours d'une infraction, si la personne a été déclarée responsable en matière pénale pour un geste quelconque, eh bien oui, elle serait interdite de territoire dans notre pays, parce que quand il s'agit d'établir l'admissibilité d'une personne, nous examinons le casier judiciaire dont disposent les autorités américaines et établissons s'il s'agit d'une infraction criminelle au Canada.
    Si ce n'est pas un acte criminel dans notre pays, c'est-à-dire que si le projet de loi C-45 est adopté, après juillet 2018 ou à un autre moment, ce ne sera plus une infraction criminelle au Canada d'être en possession de 30 grammes de cannabis. Si un Américain a déjà été déclaré coupable de possession de moins de 30 grammes de cannabis, il ne s'agirait plus d'une infraction criminelle au Canada. Cela serait-il un obstacle à son entrée au Canada, à ce moment-là, vu que ce ne serait plus une infraction dans notre pays? La condamnation figurerait toujours dans son casier judiciaire, n'est-ce pas?

  (1640)  

    Cela figurerait quand même dans le casier judiciaire, et ces personnes seraient interdites de territoire en raison de leurs antécédents criminels.
    Je vais devoir vous revenir à ce sujet, si vous permettez.
    Bien sûr. Merci. Je comprends.
     Maintenant je vais parler de la situation inverse, parce que nous avons entendu certains témoignages à ce sujet ce matin. Quand la possession de cannabis sera légalisée au pays, selon le projet de loi -45C, la possession de certaines quantités de cannabis et sa consommation ne seront plus une infraction criminelle pour des adultes au Canada. Je suis préoccupé par ce qui se passera au moment où des citoyens canadiens se présenteront à la frontière américaine et se feront demander par un agent à la frontière s'ils ont déjà consommé des drogues. Cela se produit fréquemment, on ne parle pas de condamnation, mais les agents demandent si vous avez déjà consommé des drogues. J'ai connu des cas de citoyens canadiens qui se sont vu refuser le droit d'entrer aux États-Unis après avoir répondu à une telle question.
    Les responsables de l'ASFC ont-ils tenu des discussions avec leurs homologues américains pour arriver à une entente pour que les citoyens canadiens ne se trouvent pas dans la situation délicate de devoir soit mentir à un agent à la frontière américaine, ce qui est mal, soit courir le risque de se voir refuser l'entrée aux États-Unis s'ils reconnaissent avoir fait quelque chose qui est tout à fait légal au Canada. Savez-vous si des discussions ont été tenues dans votre ministère en vue de régler ce problème avec les autorités frontalières américaines?
    Ce problème a été cerné dans le cadre de notre examen du projet de loi C-45. D'abord et avant tout, manifestement, tout Canadien se rendant aux États-Unis doit répondre honnêtement à toutes les questions. Cela dit, des discussions initiales ont eu lieu avec nos homologues, mais cette question n'a pas été réglée.
    D'accord, merci.
    Voici ma dernière question. Dans l'objet du projet de loi, à l'alinéa 7e), il est énoncé que la loi vise à « réduire le fardeau sur le système de justice pénale relativement au cannabis ». L'ASFC est chargé d'appliquer la loi au nom de la GRC... Est-ce exact?
    Nous ne menons des activités qu'à la frontière.
    Vous n'êtes qu'à la frontière. Très bien.
    Je vais poser la question à vos collègues du Service de police de Vancouver. Les responsables du Service de police de Vancouver s'attendent-ils à voir une réduction du fardeau relativement aux infractions liées au cannabis après la promulgation de cette loi?
    Nous sommes préoccupés par le nombre d'appels que recevra le service de police, en particulier en ce qui concerne la culture personnelle à domicile et d'autres types de nuisance. Nous anticipons ce qui pourrait se passer. Nous ne pouvons que fonder nos prévisions sur ce que nous pensons que les membres du crime organisé pourraient faire, ce que les citoyens pourraient décider de faire, après que certains aspects seront légaux, en particulier en ce qui concerne la culture à domicile et le fait de cultiver eux-mêmes de la marijuana, peut-être pour leur propre consommation ou peut-être en vue de la revendre. Nous ne savons tout simplement pas quel sera le volume d'appels, mais nous sommes craintifs, en particulier ici, à Vancouver et en Colombie-Britannique. Nous sommes déjà à la limite de nos capacités en matière d'application de la loi relativement à la crise des opioïdes et au Fentanyl, et nous nous concentrons sur ces problèmes.
    Il s'agit d'une grande inconnue, mais nous sommes méfiants à cet égard tout simplement à cause de la forte demande actuelle touchant nos ressources.
    Je suis de Vancouver — je suis fier de représenter la circonscription de Vancouver Kingsway —, donc je suis très au fait des dispensaires qui sont en activité à Vancouver. Je sais qu'il y en a qui ont un permis et d'autres qui fonctionnent dans l'illégalité. Je sais que, de façon générale, le Service de police de Vancouver n'a pas fait fermer les dispensaires qui n'ont pas de permis, où je sais qu'on vend des produits comestibles et toutes sortes d'autres produits que les dispensaires titulaires d'un permis n'ont pas le droit d'offrir.
    M. LePard, chef adjoint, a affirmé dans un rapport que le Service de police de Vancouver ne force pas la fermeture d'un dispensaire à moins qu'il ne pose un risque pour la sécurité publique. J'en conclus que, parce qu'on ne force pas leur fermeture, ces dispensaires ne posent pas un risque pour la sécurité publique aux yeux des responsables du Service de police de Vancouver. Est-ce que je me trompe?
    Ce serait proportionnel. Si nous recevons des renseignements selon lesquels un dispensaire vend à des jeunes — ou s'il y a un lien direct avec le crime organisé —, il est évident que nous interviendrions.
    La réglementation des dispensaires, ici, à Vancouver, relève d'un règlement administratif de la ville de Vancouver. Évidemment, le nombre de dispensaires a augmenté de façon exponentielle depuis leur première apparition, à Vancouver, ce devient donc un enjeu d'application de la loi qui exige l'établissement des priorités. Nous allons intervenir si nos citoyens se plaignent, mais pouvons-nous consacrer des ressources pour assurer la fermeture de tous les dispensaires? La réponse courte, c'est que non, ce n'est pas possible.

  (1645)  

    Environ combien de dispensaires — titulaires d'un permis ou non — sont exploités actuellement à Vancouver et vendent du cannabis?
    J'estime qu'il y en a environ 100, peut-être 120 ou 130 qui sont en processus d'obtenir un permis de la ville. Un nombre beaucoup plus restreint ont déjà obtenu des permis d'exploitation. La question qu'il faut se poser, c'est d'où viennent leurs stocks? Est-ce d'un producteur accrédité? Ou s'agit-il peut-être du surplus du système médical qui est vendu de façon illicite? C'est ce que nous ne savons pas.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Ayoub, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    L'éducation est un des éléments importants dans ce dossier. Le Dr Marcoux l'a mentionné, notamment. Je suis content de voir que l'éducation peut jouer un rôle important afin d'aider la population à faire des choix éclairés relativement à la consommation de produits qui sont présentement illicites, mais qui seront prochainement légalisés. On parle ici du cannabis.
    On voit qu'il y a des différences de budgets. Quand on parle d'éducation, on parle nécessairement de budgets, car c'est toujours intimement lié. Je suis tout à fait favorable à ce qu'on augmente les budgets en éducation pour prévenir une prolifération de la consommation chez les jeunes.
    On sait très bien que la consommation de marijuana a des conséquences chez les jeunes. Vous avez parlé de problèmes cognitifs. Potentiellement, cela peut toucher le cerveau de façon permanente.
    Je fais un lien avec la consommation d'alcool, qui a aussi des conséquences sur la santé, quoique peut-être différentes de celles du cannabis.
    Par ailleurs, comment expliquer les différences bien marquées d'une province ou d'un territoire à l'autre, par exemple en Ontario et au Québec, en ce qui a trait à l'âge légal pour la consommation d'alcool? Si je ne me trompe pas, c'est 21 ans en Ontario et 18 ans au Québec, malgré toutes les conséquences médicales que peut avoir la consommation d'alcool.
    La Confédération canadienne suit une certaine logique voulant qu'elle soit participative. Ainsi, on laisse chaque province s'exprimer et légiférer dans ses champs de compétence. Comment expliquez-vous qu'en Ontario il sera légal de consommer de la marijuana à 19 ans, alors que l'âge légal pour la consommation d'alcool est plus élevé, soit 21 ans? Comment expliquez-vous cette logique?
    Des témoins précédents ont mentionné qu'il était plus facile pour les jeunes de se procurer de la marijuana que de l'alcool et des cigarettes. Comment réagissez-vous à ces commentaires? Je suis un peu préoccupé par tout cela.
    La réponse n'est peut-être pas facile à donner, mais j'aimerais vous entendre parler de ce sujet.
    Vous avez abordé plusieurs éléments. C'est une très bonne question à laquelle on doit réfléchir.
    Quand on parle d'éducation, cela veut dire qu'il faut que les gens soient bien au courant. Jusqu'à maintenant, on n'en parlait pas beaucoup. Comme c'était illégal, les gens le faisaient en cachette. Maintenant, il faut que les jeunes, dès l'âge de 12 ans, soient bien informés sur les effets des produits qu'ils vont consommer. Quand ils arriveront à un âge plus avancé où ils prendront leurs propres décisions, ils sauront depuis longtemps que la consommation de ces produits a des conséquences prouvées sur leur concentration et que cela pourrait déclencher de graves psychoses. À long terme, il y a des conséquences importantes et d'autres qui le sont moins.
    On a tout à apprendre sur le cannabis. On sait très peu de choses sur ce produit, même s'il est utilisé largement. Même sur le plan scientifique, les recherches n'ont pas été faites.
    Je vais vous mentionner un fait. On parle du cannabis médical, mais on ne peut pas prescrire un produit dont on ne connaît pas les interactions, les effets secondaires ni la force selon l'état de santé, l'âge et le poids des personnes.
    Tout médicament qui est prescrit se voit attribuer par Santé Canada un numéro d'identification, ce qu'on appelle un DIN. Il est maintenant question de prescrire un produit qui n'est pas bien connu. C'est pourquoi les médecins sont réfractaires à cela.

  (1650)  

    En fait, c'est déjà prescrit.
    Ce produit n'est recommandé que quand toutes les autres méthodes se sont avérées insuffisantes, surtout dans le cas de patients en phase terminale ou qui ont des problèmes chroniques qui ne peuvent se régler autrement.
    En fait, très peu de médecins le prescrivent. On en parle, mais dans nos bureaux, nous ne pouvons pas dire qu'il s'agit d'une prescription. Une prescription est basée sur des données probantes, de sorte que lorsque nous prescrivons un produit, nous nous rendons responsables des interactions, des effets secondaires, et ainsi de suite.
    Donc, aux yeux des médecins, cette prescription n'est pas acceptable actuellement. C'est la raison pour laquelle nous voulons une seule voie de distribution du cannabis.

[Traduction]

    Merci beaucoup de poser la question. Je veux soulever deux ou trois choses.
    Ce qui a été dit sur l'éducation est extrêmement important. Selon les derniers chiffres que j'ai vus en ce qui a trait aux fonds affectés à l'éducation touchant la consommation de marijuana chez les jeunes, le montant s'élève à 9,6 millions de dollars, tandis que le budget de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme, par exemple, s'élève à 38 millions de dollars. Je crois que nous en sommes arrivés à un point au Canada où aucun adulte ne fume en croyant que c'est bon pour lui. Nous avons fait du bon travail et aidé les gens à comprendre les risques pour la santé, et lorsqu'ils prennent la décision, il s'agit d'une décision adulte et éclairée de prendre le risque.
    Nous n'en sommes vraiment pas là dans le dossier de la marijuana. Il reste encore beaucoup de personnes qui croient non seulement que ce n'est pas néfaste pour elles, mais même que c'est peut-être bon. Nous avons besoin de plus d'argent, pas moins, pour ce qui est de l'éducation.
    En ce qui a trait à l'âge, j'entends beaucoup de personnes dire qu'il faudrait établir l'âge à 19 ans, parce que c'est la limite applicable à l'alcool. Selon moi, c'est une façon très paresseuse de réfléchir. C'est une façon de dire qu'on maintiendra tout simplement le statu quo sans procéder à une évaluation de la question selon ses propres mérites. Si on regarde aux États-Unis, l'âge de la majorité pour la consommation d'alcool est de 21 ans, et qui dit que ce n'est pas préférable, pour une substance comme l'alcool? En fait, il y a de nombreux groupes, des groupes oeuvrant dans le domaine de la santé mentale et dans d'autres domaines, qui disent qu'il est peut-être temps de réévaluer l'âge auquel les gens peuvent acheter de l'alcool.
    J'encouragerais les gens à se pencher sur cette question en s'appuyant sur les données probantes liées à ce produit précis, et pas sur des décisions historiques qui ont été prises au sujet de l'alcool. Comme vous dites, c'est quelque chose qui fluctue, en fonction des provinces, en tout cas. Nous espérons vraiment que les gens évalueront cette question selon ses propres mérites.

[Français]

    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse aux représentants de la loi de Vancouver.
    Vous procédez parfois à l'arrestation de personnes qui conduisent en ayant les facultés affaiblies. Avez-vous des statistiques qui indiquent le nombre d'arrestations liées directement au cannabis comparativement au nombre d'arrestations liées à l'alcool?

[Traduction]

    Je n'ai pas ces statistiques sous la main.
    Pour ce qui est de l'aspect de la possession, habituellement, en principe on ne porte pas d'accusation pour possession simple, mais pour ce qui est de la consommation et de la conduite avec facultés affaiblies, je n'ai pas vraiment ces statistiques sous la main.
    Si vous pouviez nous les fournir, si jamais vous les avez — peut-être plus tard — je vous serais très reconnaissant.
    Assurément, nous pourrons le faire.
    Merci.
    Votre temps est écoulé.
    Merci beaucoup. Voilà qui termine notre série de questions de sept minutes. Nous passerons à des interventions de cinq minutes, en commençant par M. Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à tous vous remercier d'être là aujourd'hui.
    J'ai une question pour le Service de police de Vancouver. Je crois que mon collègue de Winnipeg vous a repris sur le fait qu'il y a des pénalités et des contraventions prévues dans le projet de loi. J'ai fait faire les vérifications. Il n'y a aucune pénalité requise pour la possession par un mineur de cinq grammes ou moins. C'est l'Ontario qui a annoncé la semaine dernière qu'elle allait permettre aux services de police de confisquer la marijuana des personnes âgées de moins de 19 ans. Par conséquent, en fait, vous aviez raison. Je voulais corriger tir pour le compte rendu.
    Ma première question est destinée à l'ASFC. Je suis d'Oshawa, et vous savez quoi? Nous sommes une ville frontalière. Nous faisons beaucoup d'échanges commerciaux. Certains de nos camionneurs font l'aller-retour de nombreuses fois chaque jour. Nous sommes vraiment préoccupés par l'épaississement de la frontière. Comme mon collègue du NPD l'a dit, il y a eu certains questionnements, et des personnes ont dû rebrousser chemin simplement parce qu'elles ont admis avoir déjà consommé de la marijuana à des fins récréatives. Vu le projet de loi, croyez-vous que ce problème pourrait devenir encore plus marqué?
    Je crois que, pour l'instant, je ne peux pas spéculer quant au genre d'impact que le projet de loi aura sur la frontière canado-américaine et la possibilité d'entrer aux États-Unis.
    Croyez-vous que la situation s'améliorera avec le projet de loi?
    Si je crois que les choses s'amélioreront...?
    Oui.

  (1655)  

    Est-ce que je crois que cela faciliterait l'entrée?
    Oui. J'ai posé la question dans un sens, et je vais vous la poser dans l'autre sens.
    Je ne crois pas que le projet de loi facilitera l'entrée. Je crois que l'agent de la CBP évaluera chaque cas qui lui est présenté et posera des questions fondées sur les caractéristiques propres à chaque personne voulant entrer.
    Effectivement. Je ne crois pas que le projet de loi aidera notre situation commerciale avec M. Trump et les États-Unis. De toute façon, la prochaine question est destinée à l'Association médicale canadienne.
    Premièrement, j'apprécie votre position. Les Canadiens s'attendent du gouvernement qu'il prenne soin de leur santé et de leur sécurité et qu'il en fasse sa première priorité. Ils ne s'attendent pas à des compromis, et à voir la façon dont le gouvernement traite cette substance alors que les données probantes montrent très clairement que, jusqu'à 25 ans, il peut y avoir des conséquences importantes lorsque nos jeunes en consomment... Qu'en pensez-vous? Est-ce que le gouvernement devrait établir l'âge légal pour consommer de la marijuana en fonction des données scientifiques ou en fonction de ce compromis auquel il tente d'arriver?
    Est-ce même logique d'un point de vue médical, selon vous, que le gouvernement fasse un compromis aussi important? Ce n'est pas seulement la question de fixer l'âge limite à 18 ans, mais je crois que vous savez très bien que, au titre de ce projet de loi, les enfants âgés de 12 à 17 ans peuvent posséder cinq grammes. Cinq grammes, d'après ce que j'en sais, c'est possiblement de 10 à 15 joints. Croyez-vous que la décision du gouvernement de fixer l'âge à 18 ans constitue un manque de respect des connaissances scientifiques?
    Ce que je peux vous dire — et je vais demander à Jeff de poursuivre —, c'est que la consommation peut causer des dommages à 12 ans, avant que les jeunes aient 25 ans. Si on en consomme un peu chaque jour pendant de longues périodes, il peut y avoir des dommages, c'est sûr. Je ne sais pas de quelle façon on peut gérer tout ça de façon appropriée.

[Français]

    Monsieur Blackmer, voulez-vous poursuivre la réponse, s'il vous plaît?

[Traduction]

    Je vais rappeler ce que j'ai déjà dit, soit que pour nous, l'un des aspects les plus difficiles de la discussion concerne l'âge. Nous avons été un peu surpris de voir que les gens ne respectent pas davantage les données probantes et le réel potentiel de dommages.
    On ne parle pas de modèles théoriques en laboratoire. On parle d'études, et nous savons que plus les gens commencent tôt, plus grand sera le dommage, plus permanent il sera, et plus il est probable que les personnes acquièrent une dépendance à la marijuana. Nous avons toutes ces statistiques. Nous avons toutes les données probantes dont nous avons besoin pour ce qui est des effets sur l'éducation, la carrière, les niveaux de QI et tous ces genres de choses. Et malgré tout, on continue d'entendre les gens dire qu'il faut opter pour la même limite d'âge que pour l'alcool.
    Encore une fois, pour nous, cet argument ne tient pas la route. Nous avons quelques préoccupations liées au projet de loi, et c'en est certainement une. Nous aimerions vraiment qu'on mette davantage l'accent sur la santé et la sécurité, exactement comme vous le dites. C'est vraiment l'une des façons dont le gouvernement pourrait montrer son sérieux: en prenant les données probantes médicales plus au sérieux qu'on ne l'a fait, selon nous, jusqu'à présent. Je me répète, nous comprenons qu'il y a d'autres enjeux. Nous comprenons très bien ces enjeux. Nous comprenons les autres priorités du gouvernement et des autres instances, mais nous continuons de croire que la santé et la sécurité devraient être la première considération.
    On dirait bien qu'il s'agira d'une immense expérience sur le public canadien. Malheureusement, le gouvernement a tendance à vouloir poursuivre sur cette voie.
    Voici la question que je veux poser au Service de police de Vancouver: le gouvernement fédéral va de l'avant dans le dossier, et, comme on l'a souligné, il y a très peu de fonds affectés pour les gens sur le terrain. Il ne semble pas y avoir beaucoup d'argent pour les outils d'application de la loi, l'éducation publique, la formation des agents de police sur le terrain ni même pour les recherches scientifiques, lorsqu'on vous demandera de déterminer si une personne est sous l'effet de la marijuana lorsqu'elle conduit. Je n'ai vu aucun examen de conduite valide. J'ai vu de quelle façon on peut déterminer qu'une personne a consommé ou non, mais pour ce qui est de savoir si ses facultés sont affaiblies, il n'y a même pas encore un test valide scientifiquement qui permette de le savoir.
    Croyez-vous que le gouvernement s'est assuré de veiller à ce que les dimensions nécessaires liées à l'application de la loi et à la sécurité publique ont été prises en considération dans le projet de loi ou croyez-vous qu'elles brillent par leur absence?
    Notre préoccupation est liée essentiellement à l'application sur le terrain. Comme vous l'avez mentionné, par exemple, déterminer si quelqu'un a les facultés affaiblies après avoir consommé de la marijuana alors qu'il conduit exige la présence d'un expert en reconnaissance de drogues. Pour n'avoir qu'un seul de ces experts, il faut procéder à un cours de formation intensif, et les experts doivent obtenir une réaccréditation chaque année.
    Aux dernières nouvelles — et je ne sais pas si c'est tout à fait exact — il y aurait environ 400 experts en reconnaissance de drogues dans tout le Canada en ce moment. S'il faut s'attendre à une augmentation importante du nombre de conducteurs avec les facultés affaiblies après avoir consommé de la marijuana, nous nous demandons s'il y aura suffisamment de ressources sur le terrain afin que ces experts soient formés à temps pour composer avec la situation. C'est là notre préoccupation de base.

  (1700)  

    Qu'en est-il des tests sanguins? Ces tests sont-ils même constitutionnels?
    Je suis désolé, monsieur Carrie. Votre temps est écoulé.
    Madame Sidhu.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être là.
    Ma première question est destinée à l'Agence des services frontaliers du Canada. Quel plan l'Agence a-t-elle établi actuellement pour s'assurer que le cannabis n'est pas importé ou exporté à des fins non médicales sans pour autant ralentir le traitement à la frontière?
    Nous avons des mécanismes pour contrôler l'exportation de marchandises passées en contrebande. Est-ce ce qui vous intéresse?
    Oui.
    Dans le cadre du mandat de l'ASFC consistant à soutenir la sécurité publique et à faciliter la libre circulation des personnes, nous contrôlons les marchandises qui entrent au pays et en sortent. Nous utilisons une diversité de méthodes d'évaluation de la menace et des risques, des renseignements et des technologies d'appoint afin d'essayer de détecter la contrebande — dans ce cas-ci, la marijuana — qui entre au pays ou en sort.
    Merci.
    Ma prochaine question est destinée au Service de police de Vancouver. Tout marché du cannabis est, concrètement, un marché illégal. Toutefois, actuellement, il est plus facile pour les jeunes Canadiens d'avoir accès à du cannabis qu'à des cigarettes, qui sont légales. Selon vous, quel sera l'impact de la légalisation du cannabis et des restrictions connexes sur le marché illicite et l'accès des jeunes?
    J'imagine que notre préoccupation, c'est que si on permet la culture à domicile, les jeunes auraient davantage accès à la marijuana que si on essayait de les en tenir loin, par exemple, en la vendant en magasin. Le fait de permettre aux gens, dans toutes les résidences du pays, de cultiver jusqu'à quatre plants ferait en sorte que les jeunes y auraient plus facilement accès que si on vendait la marijuana sur les tablettes.
    Y a-t-il des façons de détecter la consommation de cannabis qui n'exigent pas le recours à des techniques invasives comme des tests sanguins? Quelle est la formation que les agents de police reçoivent actuellement pour reconnaître les facultés affaiblies découlant de la consommation de cannabis? S'est-on entendu sur un niveau de THC dans le sang en tant que seuil à partir duquel la capacité de conduire d'une personne est touchée?
    Nous savons — et, en fait, le service de police de Vancouver y a participé — qu'il y a eu un essai d'appareils de dépistage sur le bord de la route. Nous ne savons pas exactement de quelle façon on procédera. Concrètement, l'un des appareils exige de racler la langue, et, donc, la question reste à savoir si la personne se conformera sur le bord de la route.
    Encore une fois, pour ce qui est de déterminer si une personne a les facultés affaiblies, le programme des experts en reconnaissance de drogues — dont il a déjà été question — est la principale façon de faire. La plupart des organismes, je présume, n'auront pas assez d'agents formés qui possèdent cette compétence précise pour pouvoir composer avec l'augmentation prévue du nombre de cas de conduite avec les facultés affaiblies à la suite de la consommation de marijuana. Le dilemme est là.
    Merci.
    Je passe à l'ASFC. Quel genre de campagne de sensibilisation et d'éducation publique liée à la consommation du cannabis sera mise en place, avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-45, en ce qui a trait aux passages à la frontière? Beaucoup de personnes traversent la frontière chaque jour. Pour éviter les problèmes, quel genre de mesures de sensibilisation faudra-t-il mettre en place avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-45?
    L'ASFC réalisera un certain nombre d'activités de communication pour dire aux gens qu'il reste illégal de transporter de la marijuana de part et d'autre de la frontière. Nous allons mettre des affiches dans les points d'entrée. Nous allons utiliser les médias sociaux et mettre à jour un certain nombre de sites Web pour indiquer quelles sont les obligations des voyageurs qui arrivent au pays et en sortent.
    Ce sont essentiellement les types de méthodes que nous utiliserons.

  (1705)  

     Croyez-vous qu'il faut commencer à sensibiliser les gens maintenant, avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-45?
    Je crois qu'une campagne de sensibilisation avant l'entrée en vigueur serait utile. Nous réalisons certaines activités à cette fin.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Gladu.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux parler rapidement de la frontière, parce que ma collectivité de Sarnia—Lambton est une collectivité frontalière. Je suis affligée d'entendre que, alors qu'il reste environ 290 jours avant que, supposément, on légalise la marijuana, nous n'avons toujours pas d'accord avec les États-Unis. À la frontière, une personne qui déclare avoir fait quelque chose de légal au Canada ne pourra pas entrer aux États-Unis. C'est troublant.
    L'autre chose troublante, c'est qu'il y a trois traités que nous avons signés et relativement auxquels il faut donner des préavis avant de les enfreindre. Ce sont des traités signés avec l'ONU dont, j'imagine, la Homeland Security se préoccuperait. À ma connaissance, nous n'avons pas donné de préavis. Si nous donnons un préavis maintenant, il faudra attendre jusqu'à janvier 2019 avant de pouvoir vraiment légaliser la marijuana au Canada sans enfreindre notre traité.
    Est-ce que les responsables de la Homeland Security ont formulé des préoccupations de ce genre à votre connaissance?
    Je suis désolée, de quels traités parlez-vous?
    Les traités sont la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, la Convention sur les substances psychotropes de 1971 et la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988.
    Je comprends ces traités, et je sais qu'il y a des discussions en cours avec Affaires mondiales et Santé Canada et ces organisations internationales concernant ces conventions et la marche à suivre pour le Canada.
    D'accord.
    J'ai une autre question à poser et qui concerne cette fois-ci les examens obligatoires une fois la marijuana légalisée. Au cours de ma carrière, j'ai été directrice du génie pour Suncor, et nous voulions mettre en place une politique de tolérance zéro en matière de drogues. Nous ne voulions pas que les gens qui travaillent dans une raffinerie le fassent avec des facultés affaiblies. La Cour suprême a déclaré qu'il s'agissait d'une atteinte à la vie privée que de procéder à des tests obligatoires. Vous savez, je suis préoccupée pour les pilotes d'Air Canada qui vont piloter les avions, et pour les gens qui travaillent dans des installations nucléaires et des usines de produits chimiques si on n'a pas la capacité de procéder à des tests obligatoires une fois qu'il est parfaitement légal pour les gens de consommer de la marijuana.
    Monsieur Bhupsingh, qu'avez-vous à dire du point de vue de la sécurité publique?
    Je peux seulement dire que nous discutons avec diverses organisations. Les provinces et les territoires ont une certaine marge de manoeuvre pour discuter avec des organisations qui contrôlent des choses comme les lois sur la location immobilière et ainsi de suite. En ce qui a trait aux transporteurs aériens que vous avez mentionnés, encore une fois, il y a des discussions en cours qui visent à comprendre les répercussions sur ces diverses industries.
    Oui, les discussions sont en cours, mais elles seront d'autant plus importantes dans 290 jours.
    Je voulais aussi mentionner au greffier que, en ce qui a trait aux données dont nous parlions plus tôt sur l'augmentation de la conduite avec facultés affaiblies liées à la consommation de drogue constatée au Colorado et aussi à Washington, je peux lui aussi lui fournir des données liées à la source de mes renseignements. En fait, je crois que, demain, nous allons rencontrer un représentant de Smart Approaches to Marijuana, qui parlera d'une augmentation de 145 % de la conduite avec facultés affaiblies par la consommation de marijuana de 2013 à 2016. Je vais vous envoyer l'information, avec les autres renseignements déclarés par sam.org selon lesquels Washington a constaté que le nombre de cas a doublé une fois la marijuana légalisée. Le taux est passé de 8 à 17 %. Je me ferai aussi un plaisir de fournir cette information au greffier.
     J'aimerais poursuivre la discussion sur la prévention avec l'Association médicale canadienne. J'ai l'impression que, vu tous les efforts déployés pour criminaliser le trafic et toutes ces diverses choses, nous ne mettons pas beaucoup l'accent — à tout le moins, je ne vois pas un tel accent dans le projet de loi C-45 — sur les efforts pour s'assurer que les gens ne prennent tout simplement pas de drogue d'entrée de jeu. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Merci beaucoup de la question. C'est très important.
     Dans notre mémoire, nous avons parlé entre autres de l'importance de la prévention, et cela signifie, en partie, l'éducation. Il faut aider les jeunes à comprendre les risques liés au fait de commencer à consommer à un jeune âge et aider à communiquer des renseignements qu'ils peuvent utiliser afin que, encore une fois, ils puissent prendre une décision éclairée, ce qu'ils ne peuvent pas vraiment faire facilement à l'heure actuelle, grâce à un accès facile à de l'information qu'ils comprendront. La façon dont les jeunes consomment l'information est très différente de la façon dont les autres le font.
    Notre stratégie consiste en partie à nous assurer que l'information leur est accessible sur différentes plateformes et dans différents types de médias afin qu'ils comprennent les risques avant de consommer. Assurément, une stratégie de prévention importante doit faire partie du processus d'éducation, tout comme les traitements, la réduction des préjudices et tous ces autres types de choses.
    Je suis d'accord. Je crois que c'est quelque chose qu'on verra un peu plus, espérons-le, lorsque nous aurons une meilleure idée de ce à quoi ressemblera le programme d'éducation.

  (1710)  

    C'est bien. Mon temps est écoulé.
    Nous allons passer à M. Oliver.
    Merci beaucoup.
    Ma question est destinée au Service de police de Vancouver. Le Comité a réalisé une étude sur la crise des opioïdes au Canada. Nous avons entendu directement certains premiers intervenants de Vancouver, alors nous connaissons très bien la situation avec laquelle vous composez et vos difficultés continues liées à la crise des opioïdes là-bas, mais je veux revenir à la question qui, je pense, a déjà été posée précédemment.
    Au titre de la loi fédérale, pour ce qui est de l'interdiction pour les jeunes âgés de 12 à 18 ans qui possèdent moins que cinq grammes, il n'y a aucune accusation criminelle fédérale à cet égard. Ce serait la même chose que pour les permis d'alcool, j'imagine. C'est quelque chose qui relèverait de la compétence provinciale. Les provinces devront mettre en place des mécanismes pour contrôler ces situations. Si on veut prendre ou confisquer une quantité inférieure à cinq grammes d'une personne de ce groupe d'âge, il faudrait le prévoir dans une loi provinciale.
    Je sais que vous avez fait des essais liés à un régime de contravention visant certaines de ces choses déjà. Comment les choses se sont-elles passées? Je crois que vous avez utilisé certains agents chargés de faire appliquer les règlements afin qu'ils donnent des contraventions pour certaines violations liées au cannabis. Est-ce que ce modèle de prévention a bien fonctionné pour vous?
    Les agents qui sont chargés de faire appliquer les règlements de la Ville de Vancouver émettent déjà des contraventions aux magasins de marijuana qui n'ont pas obtenu un permis en vertu des règlements administratifs de la ville. Un très petit pourcentage de ces contraventions a été payé. Un certain nombre d'entre elles sont restées non payées.
    Merci de cette réponse.
    J'ai une autre question. Je veux revenir à l'AMC. Il y a eu quelques discussions sur l'âge minimal et la façon de l'établir. De toute évidence, il y a des intérêts contradictoires, ici. Je crois que tout le monde sait que les recherches médicales révèlent que, vraiment, jusqu'à l'âge de 25 ans, on ne devrait pas consommer du cannabis, mais il y a aussi des pressions contradictoires. Nous savons que 30 % des personnes âgées de moins de 30 ans consomment du cannabis, et nous affichons l'un des plus hauts taux de consommation de cannabis du monde industrialisé. Il y a aussi des préoccupations liées au marché noir.
    J'ai été un peu préoccupé par le ton de l'AMC, ici, aujourd'hui, qui semble dire que le gouvernement rejette les connaissances médicales et scientifiques sous-jacentes ou n'y porte pas attention. À l'automne dernier, l'AMC a dit dans son énoncé de principe que 25 ans est l'« âge minimal idéal » pour tout acte d'achat légal, mais que 25 ans n'est pas réaliste. Comme vous l'avez dit, il n'est pas réaliste de retenir les jeunes ou de les empêcher d'avoir accès à de la marijuana avant l'âge de 25 ans, pour ensuite adopter un autre point de vue et dire qu'on pourrait peut-être opter pour 21 ans. Le gouvernement a adopté le même genre de point de vue pour affirmer qu'il faudrait peut-être établir l'âge légal à 18 ans. Je crois qu'il est préférable de travailler ensemble dans ce dossier plutôt que de dire quelque chose comme « vous ne portez pas attention aux données scientifiques médicales ». C'était simplement une observation.
    Au bout du compte, je reviens à la même question: si c'est illégal, à part utiliser les accusations criminelles, de quelle façon allons-nous arrêter les enfants de consommer? L'une des solutions consiste à éliminer le marché noir le plus possible, et il y a eu beaucoup de discussions sur la mesure dans laquelle la loi sera efficace à cet égard, mais l'autre enjeu est évidemment l'éducation, on n'y échappe pas. Voulez-vous formuler un commentaire sur les paramètres dont vous tenez compte pour faire le saut de 25 à 21 ans? Vous avez déjà parlé de la question de l'éducation, alors je ne vais pas vous poser à nouveau une question là-dessus. Je voulais simplement vous permettre d'adoucir votre message, ici, à ce sujet.

[Français]

    Je vais d'abord préciser que la maturation du cerveau ne suit pas une courbe linéaire. Elle évolue davantage pendant les premières années de la vie. Au cours de celles-ci, le cerveau se développe beaucoup en volume et, par la suite, les connexions s'établissent. C'est un peu de cette façon que les choses se passent.

[Traduction]

    Je comprends.

[Français]

    Au cours des dernières années de la maturation, il y a un plateau.
    On sait que plus la dépendance survient tôt dans la vie, plus elle deviendra forte, du fait que le cerveau est peut-être plus malléable ou que les habitudes se sont prises en plus bas âge. Par conséquent, plus on retarde le début de la consommation de cannabis, moins on développe cette dépendance.
    En outre, il se peut qu'à 21 ans, les gens aient atteint une maturité sociale et individuelle. À cet âge, ils envisagent parfois d'établir leur vie. Il se peut que les programmes de formation et d'information leur aient permis de connaître les dangers liés à la consommation de cannabis et qu'ils éprouvent une certaine crainte à cet égard.
    De plus, l'information et la formation qu'on doit donner aux jeunes sont étroitement liées à la recherche qui se fait dans ce domaine. On est en train de légaliser un produit dont nous-mêmes, du côté scientifique, ignorons plusieurs aspects. Il y a encore beaucoup d'inconnu quant à ce produit et à ses effets.

  (1715)  

[Traduction]

    Je comprends ce que vous dites, mais je veux tout simplement revenir à un point que j'ai soulevé. Si l'AMC restait fidèle à la science, fidèle à la recherche, vous nous diriez que l'âge minimal devrait être 25 ans, pas 21.
    Oui, je vais demander à Jeff de terminer de répondre.
    Je comprends ce que vous dites. Ce n'est bien sûr pas notre intention de tomber dans l'antagonisme, mais, selon moi, exprimer de la frustration au sujet de certaines des conversations est... Je crois que nous avons été un peu frustrés par certaines des autres conversations qui ont eu lieu.
    Vous avez raison. Dans une certaine mesure, lorsqu'on choisira entre 18 et 25 ans, cette décision aura quelque chose d'arbitraire. Nous le comprenons. C'est exactement la raison pour laquelle nous avons voulu tenir compte des différents points de vue. Un des points de vue, c'est de dire: « Jusqu'à quand le cerveau se développe-t-il? » Aussi, ensuite, quelles sont certaines des considérations sociales et des considérations liées à l'application de la loi et qu'est-ce que les données révèlent? Je suis tout à fait d'accord. Qu'on dise 21, 22 ou 23 ans, j'imagine que le principe de base, c'est « le plus tard possible », en tenant compte de toutes ces autres considérations.
    Nous aimerions vraiment travailler en collaboration avec le gouvernement pour essayer de trouver une solution. Je crois que notre préoccupation est liée au fait que, selon nous, la conversation semble se clore trop rapidement sans qu'on ait nécessairement eu l'occasion de poursuivre le dialogue sur ce à quoi la solution pourrait ressembler. Je crois que c'est une occasion que nous apprécierions. Nous ne voulons assurément pas adopter une position de confrontation, mais nous aimerions qu'on tienne compte de ces préoccupations.
    Merci beaucoup.
    Votre temps est écoulé. Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à une série de trois minutes.
    Monsieur Davies.
    Merci.
    Pour revenir aux préoccupations de mon collègue M. Oliver, il me semble évident qu'on ne devrait pas vouloir endommager son cerveau en consommant quelque chose qui pourrait modifier l'état de conscience et que, comme le jeune cerveau se développe, il s'expose à plus de dommages. C'est la thèse que j'ai à l'esprit, mais je veux examiner un peu les données scientifiques à ce sujet.
    Y a-t-il réellement des études longitudinales à long terme, examinées par des pairs, qui montrent l'impact de la marijuana sur les cerveaux en développement? J'aimerais bien savoir de quelle façon ces études auraient même pu être réalisées, puisque la marijuana est illégale et en raison de considérations éthiques. Vous savez, on ne peut pas créer un groupe témoins de jeunes de 15 ans à qui on donne ou non de la marijuana.
    C'est la question que je me pose. Je ne doute pas du fond, mais je suis curieux. En tant que Comité de la santé, nous tentons d'examiner les données scientifiques. Dans quelle mesure la science a-t-elle déterminé l'impact du cannabis sur les cerveaux et les cerveaux en développement?
    Je dirais que tout n'est pas encore coulé dans le ciment. Il ne fait aucun doute qu'il reste du travail à faire.
    Pour revenir sur ce que vous avez dit, beaucoup d'études sont de nature très rétrospective. On regarde des gens qui ont fumé dans le passé et on regarde l'impact que cela a eu. Il y a beaucoup de variables confusionnelles, comme la situation socioéconomique et les différents types d'occasions pédagogiques, mais lorsqu'on neutralise ces éléments, nous constatons une différence liée à des choses comme le niveau de scolarité, le QI, la réussite professionnelle et tous ces types de choses, et ces différences semblent être liées principalement à la consommation de cannabis. Plus les gens ont commencé tôt, plus les niveaux sont élevés, et plus l'incidence est marquée.
    Je suis d'accord avec vous: il y a vraiment beaucoup de recherche qui reste à faire. Aux États-Unis et dans des endroits où la marijuana a été légalisée, je crois que les gens commencent à se pencher sur la question de façon un peu plus prospective et que, probablement, on aura plus de données au fil du temps.
    Merci.
    Pour ce qui est de l'âge, je crois que M. Oliver a aussi décrit certains des enjeux contradictoires auxquels nous sommes confrontés. Je ne suggère pas qu'on procède ainsi, mais purement théoriquement, le gouvernement a choisi 18 ans comme âge minimal, et je crois qu'un certain nombre de facteurs semblent donner à penser qu'il faudrait plutôt opter au moins pour 19 ans.
    Instinctivement, j'ai l'impression que, plus on peut reporter le début de la consommation de cannabis, mieux ce sera pour le développement du cerveau. Sept provinces sur 10 ont déjà établi l'âge de la consommation d'alcool à 19 ans, et je constate qu'il y a moins de jeunes âgés de 19 ans dans les écoles secondaires de façon générale, alors on pourrait ainsi limiter la possession légitime de cannabis légal dans les écoles secondaires. Cela va à l'encontre de la réalité selon laquelle les jeunes âgés de 15 à 18 ans obtiennent du cannabis peu importe ce que nous faisons et ce que nous disons.
    Je me pose tout simplement des questions à ce sujet. Vu tout ce qui précède, diriez-vous que 19 ans — je crois que vous avez mentionné 21 ans — serait un âge minimal plus raisonnable ou est-ce encore là un âge arbitraire?

  (1720)  

    C'est mieux que 18, mais, dans une certaine mesure, c'est un peu arbitraire, selon moi. Je comprends l'argument selon lequel les gens vont se tourner vers le marché noir. Je comprends tout ça. Encore une fois, vous devez comprendre le point de vue qui est le nôtre, soit la primauté de la santé et de la sécurité. Nous laissons la question de l'application de la loi à d'autres personnes. Nous aimerions tout de même que l'âge minimal soit supérieur à 19 ans, encore une fois pour protéger les cerveaux en développement. C'est très simple, et tout le monde comprend.
    Nous comprenons que le gouvernement doit trouver un juste équilibre entre toutes ces priorités contradictoires. Nous essayons de faire ce que nous pouvons, au nom de nos médecins et de nos patients, pour offrir la meilleure protection possible et tenir compte le plus possible de la santé et de la sécurité dans le projet de loi.
    Merci.
    Avez-vous des préoccupations similaires en ce qui a trait à l'alcool? Les notions sont-elles les mêmes?
    C'est très similaire. J'ai fait allusion tantôt au fait que beaucoup de personnes diront, eh bien ce devrait être 19 ans, puisque c'est l'âge établi pour l'alcool, mais, en fait, le débat n'est pas clos à ce sujet, et c'est encore un enjeu controversé. Vous savez, la limite d'âge a été établie il y a longtemps. Un certain nombre de personnes qui travaillent dans le domaine des services de santé mentale estiment qu'il faudrait recommencer cette discussion, et qu'il serait peut-être approprié aussi de repousser l'âge légal pour consommer de l'alcool. Je ne dis pas qu'il faut en parler aujourd'hui, je dis simplement qu'il y a une certaine controverse à ce sujet dans certains milieux.
    Du point de vue médical?
    Du point de vue médical.
    Merci.
    Voilà qui termine la réunion.
    Je tiens à tous vous remercier au nom du Comité des excellents renseignements que vous nous avez fournis. Vous avez été d'excellents témoins. Vous nous avez fourni beaucoup d'information.
    M. Oliver a mentionné l'étude sur les opioïdes que nous avons réalisée. Nous avons rencontré des premiers répondants de Vancouver. Certains des témoignages les plus marquants que nous avons entendus au cours des deux dernières années venaient de ces intervenants. Nous vous remercions, tout comme nous remercions le service de police et les premiers répondants de Vancouver de nous avoir aidés à comprendre votre point de vue.
    Merci beaucoup aussi à l'Association médicale canadienne et à l'ASFC, nos services frontaliers. Nous vous sommes très reconnaissants.
    Cela dit, la réunion est terminée, et je vous dis à demain matin.
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