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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 066 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 13 septembre 2017

[Enregistrement électronique]

(0835)

[Traduction]

    Bonjour. Je vous souhaite tous la bienvenue à la 66e réunion du Comité permanent de la santé. Je m'attends à ce que ce soit une journée intéressante.
    Notre premier groupe de témoins s'intéressera à la culture personnelle. C'est l'un des sujets les plus intéressants et les plus controversés que nous devons aborder dans ce dossier, et nous sommes donc très heureux de pouvoir compter sur nos témoins pour nous aider à nous y retrouver.
    Nos invités d'aujourd'hui sont Jonathan Page, chef de la direction d'Anandia Labs, John Conroy, avocat, à titre personnel, et John Dickie, président de la Fédération canadienne des associations de propriétaires et immobiliers.
    Nous vous demandons de présenter une déclaration préliminaire de 10 minutes et de bien vouloir vous limiter à 10 minutes. Par la suite, nous allons vous poser plusieurs questions.
    Nous allons commencer par la déclaration préliminaire de 10 minutes de M. Page.
    Merci, monsieur le président. Je remercie le Comité de m'avoir invité à parler de ce sujet important. C'est vraiment un honneur pour moi d'être ici.
    Je suis un scientifique qui travaille sur la plante de cannabis depuis plus de 18 ans. Mes recherches ont porté principalement sur la biochimie et la génétique de cette plante extrêmement fascinante, et je connais très bien sa culture, dans un contexte scientifique ainsi que dans le cadre de l'industrie commerciale naissante au Canada. Je suis aussi professeur adjoint au département de botanique de l'Université de la Colombie-Britannique et fondateur et premier dirigeant d'une entreprise d'évaluation du cannabis et de biotechnologie de Vancouver, Anandia Labs.
    Je pourrais vous parler de beaucoup de choses, mais j'ai limité mes commentaires au sujet précis de la culture du cannabis, et j'espère vous informer et, peut-être plus tard, répondre à certaines de vos questions.
    Je crois qu'il est d'une importance cruciale que l'actuel processus de légalisation prévoie la capacité de produire du cannabis à usage personnel. J'étais heureux de voir que le projet de loi C-45 contenait certaines dispositions à cet égard. La culture des plants est un aspect fondamental de la culture humaine. En fait, l'avènement de l'agriculture grâce à la domestication des plantes a été l'un des principaux facteurs ayant mené à la création des sociétés humaines.
    Les humains cultivent le cannabis depuis des milliers d'années. Il s'agit d'une source de nourriture, de fibre et de drogue. Vu la relation de longue date entre les humains et le cannabis et le fait que nous allons très bientôt permettre aux adultes d'en consommer légalement, il est important que la Loi sur le cannabis permette aux Canadiens de cultiver la plante. L'absence de la culture personnelle dans la loi, ce qui, par exemple, pourrait se produire si la disposition à cet effet est retirée du projet de loi C-45 en réaction aux pressions des organisations d'application de la loi, ferait assurément en sorte que des Canadiens s'exposeraient à des amendes ou des accusations simplement parce qu'ils plantent des graines.
    Je crois aussi qu'un nombre relativement restreint de personnes décideront de cultiver cette plante, puisque la plupart des consommateurs de cannabis préféreront l'acheter au magasin. C'est la même chose dans le cas des personnes qui brassent de la bière ou font du vin à la maison. Je ne crois pas qu'il faut s'attendre à ce que les immeubles d'habitation soient envahis par des jardins de cannabis.
    Le fait que le projet de loi C-45 prévoit permettre la culture personnelle dans une certaine mesure ne signifie pas que tout est réglé. Il y a un certain nombre de choses qui me préoccupent. Le projet de loi C-45 limite le nombre de plants qu'on peut faire pousser pour usage personnel, soit une limite de quatre plants par ménage. Je comprends pourquoi on impose cette limite, puisque la possibilité de produire un plus grand nombre de plants pourrait entraîner le détournement de la production dans un marché commercial illicite. En effet, toutes les limites liées à la culture des plantes, y compris la hauteur des plants, le nombre de plants et les limites liées à la possession des graines semblent avoir comme principal objectif la réduction du détournement. Cependant, ces limites montrent bien l'embarras lié au fait d'appliquer des définitions juridiques strictes à un organisme vivant, une plante, et cela pourrait entraîner la criminalisation de Canadiens qui font simplement du jardinage.
    La limite proposée de quatre plants par ménage ne tient pas compte des défis pratiques liés à la culture des plantes ni aux caractéristiques biologiques du cannabis. Comme je crois que chaque jardinier ou agriculteur le sait, les plants sont difficiles à faire pousser, et ils peuvent ne pas porter leurs fruits ou même succomber à la maladie. Lorsqu'on produit des tomates, on peut planter des douzaines de graines sur l'appui d'une fenêtre, puis choisir les plants les plus robustes qu'on transplantera ensuite dans le jardin.
    Les plants de cannabis peuvent être des plants mâle ou femelle, les plants mâles étant inutilisables pour produire de la drogue. Sans semis croisés, qui représentent une proportion des graines accessibles, 50 % des plants seront des plants mâles et devront, par conséquent, être jetés. Dans de nombreux cas, les producteurs de cannabis conservent ce qu'on appelle des « plantes-mères » qui sont utilisées en tant que source permanente. On y prélève des boutures pour produire ce qu'on appelle des « clones », lesquels permettent la multiplication végétative des plants par bouturage qu'on utilise pour la production, puis on prévoit la floraison d'un ou deux plants en même en temps. Selon moi, les limites liées à la production devraient être rajustées pour tenir compte de ces plants non florifères et non producteurs, qui sont requis par les pratiques culturales normales. En fait, le projet de loi C-45 fait déjà la distinction entre les plants non florifères et les plants florifères. Par conséquent, je propose que la Loi soit modifiée pour permettre aux adultes de produire, peut-être, jusqu'à 10 plants en tout, dont quatre peuvent être en floraison. Cela offre aux producteurs la souplesse nécessaire pour produire des plants à usage personnel sans enfreindre la loi.
    Je veux aussi parler de la taille limite des plants de 100 cm, soit environ trois pieds et demi. Les espèces de cannabis varient beaucoup, et j'ai vu des plants de 30 cm fleurir, et d'autres plants de plusieurs mètres de haut. La limite de 100 cm est potentiellement problématique en raison du fait que les producteurs pourraient enfreindre la loi simplement parce qu'ils fournissent un sol fertile aux plants et les arrosent bien, puis partent en vacances pendant une semaine. Les plants peuvent pousser et passer de 95 cm à 105 cm durant leur absence. Je me demande quel est l'objectif de la limite de 100 cm, limite qui était aussi mentionnée dans le rapport du groupe de travail sur la légalisation. L'objectif est-il de réduire la quantité de cannabis que chaque Canadien peut produire afin qu'il n'en vende pas ou veut-on réduire la visibilité des plants qui poussent sur les propriétés privées?
    Si c'est la deuxième option, je crois que la meilleure façon de régler ce problème est grâce à des règlements administratifs municipaux. Si l'objectif est la prévention du détournement sur ce que l'on appelle le marché noir, j'estime qu'atteindre cet objectif grâce à un élagage obligatoire est assez absurde et que la limite de 100 cm devrait être éliminée.
    Je veux aussi formuler des commentaires sur le traitement bizarre qu'on réserve aux graines de cannabis dans le projet de loi C-45. Une graine de cannabis est plus petite qu'un grain de poivre. Chaque graine pèse environ 15 mg et ne contient aucun cannabinoïde, comme le THC. Et, malgré tout, l'annexe 3 du projet de loi C-45 indique qu'une graine équivaut à 1 g de cannabis sec. Un gramme de cannabis sec peut contenir jusqu'à 250 mg de THC et il peut tout à fait servir de drogue.
    Le projet de loi C-45 propose que ce gramme est l'équivalent d'une seule petite graine qu'on ne peut absolument pas utiliser comme drogue. La limite de possession en public est donc de 30 graines, soit environ un dé à coudre de graines. Puisqu'on limitera le nombre de plants qu'on peut cultiver, ce facteur d'équivalence semble extrêmement arbitraire. La possession de graines de cannabis à des fins de culture personnelle ne devrait pas être limitée du tout.
    La Loi sur le cannabis fait aussi une distinction entre les produits illicites et licites, qu'on applique aussi aux graines et aux plants. Au titre du RACFM, notre règlement actuel sur l'accès à des fins médicales, les patients et les producteurs autorisés peuvent seulement acheter des graines et des clones de sources licites, alors que la plupart des patients choisissent d'obtenir leurs graines et leurs clones sur Internet, dans des étalages de magasins et grâce à des échanges avec d'autres producteurs. Toutes ces sources sont considérées comme illicites.
    Les producteurs autorisés se voient aussi imposer des restrictions très sévères en ce qui concerne les aspects génétiques des variétés de cannabis utilisées pour commencer leurs opérations commerciales. Comme tout phytogénéticien vous le dira, la diversité génétique est importante. La diversité génétique du cannabis est importante pour la culture future et aux fins d'améliorations.
    Nous devons nous assurer que la réglementation — je comprends le fait que ce n'est pas quelque chose qui est prévu dans la loi en tant que tel, mais que ça se trouvera dans la réglementation qui en découlera — permet un accès plus large à des sources génétiques variées de cannabis sans criminaliser les producteurs qui utilisent leurs propres semences patrimoniales comme matériau de départ.
    Du côté commercial, les producteurs autorisés doivent aussi avoir accès à une abondance de variétés de cannabis et à leur importante diversité génétique telle qu'elle existe actuellement au Canada et à l'échelle internationale.
    Je veux formuler un bref commentaire sur les tests de contrôle de la qualité. Mon laboratoire à Vancouver fait beaucoup de ce genre de travail. Le cannabis peut être produit de façon sécuritaire à toutes les échelles de grandeur, et le cannabis produit par des particuliers n'est pas plus dangereux que les tomates, le basilic et la laitue que d'autres personnes font pousser à la maison. Il y a toujours des dangers associés au jardinage, et l'application prudente d'engrais, de fumier et de produits antiparasitaires est toujours conseillée. Le fait de permettre à tout le monde d'avoir accès à des tests de contrôle de la qualité exacts réalisés par des laboratoires d'essai accrédités aidera à garantir la sûreté du produit. C'est actuellement le cas pour les cultivateurs-patients au titre du RACFM, et il faudrait maintenir cet accès et l'élargir, même, au moment de la légalisation.
    Le dernier point que je veux soulever est lié à mon point de vue en tant que scientifique qui a effectué des recherches sur le cannabis pendant de nombreuses années. La demande que j'adresse au gouvernement, tandis qu'il procède à la légalisation du cannabis et qu'il définit la réglementation, c'est de permettre à nos scientifiques de travailler sur le cannabis. Le cannabis est une plante qui, de maintes façons, a été laissée de côté par le milieu scientifique populaire en raison des interdictions et des limites imposées à la recherche. Autant que je sache, il n'y a actuellement aucun laboratoire universitaire canadien accrédité pour produire du cannabis utilisé comme drogue ou de la marijuana. Il y a donc plus de 200 000 patients autorisés ainsi que 56 ou 58 producteurs autorisés, et nos universités traînent de la patte.
    Lundi, ici même, M. Mark Ware a formulé une affirmation sans équivoque au sujet du leadership du Canada en matière de recherche sur le cannabis, de la phytologie aux essais cliniques en passant par l'épidémiologie. Je me fais l'écho de ce qu'il a dit et j'ajouterais que, si nous permettons la culture du cannabis dans nos maisons et que nous vendons du cannabis dans nos magasins tout en laissant de côté nos universités, le gouvernement et les laboratoires du secteur privé, alors, ils ne pourront pas maximiser les avantages et atténuer les désavantages découlant de la légalisation.
    Monsieur le président, je conclus ma déclaration en affirmant que je soutiens cette ambitieuse mesure stratégique. Le temps de la légalisation est arrivé. Le projet de loi C-45 n'est pas parfait, mais je suis sûr que le Comité recommandera des changements pour en assurer l'amélioration.
    Merci beaucoup.
(0840)
    Bienvenue, monsieur Conroy. Nous avons hâte d'entendre votre déclaration préliminaire.
    Bonjour. En tant qu'avocat, c'est toujours difficile de se limiter à 10 minutes. Mais je vais y arriver.
    Pour reprendre la métaphore utilisée hier sur le fait de voyager par avion, eh bien, je suis à bord de l'avion depuis près de 45 ans. À un certain nombre de reprises, j'ai cru que nous allions manquer de carburant, au fil des diverses autres propositions qui ont été soulevées au cours de ces 45 années, mais je crois que nous sommes mûrs pour un bon atterrissage. Ce ne sera assurément pas un atterrissage parfait, selon moi, mais je crois que ce sera un atterrissage sécuritaire. Il y aura un peu de turbulence, évidemment, au cours du vol.
    Mon expérience dans ce dossier a commencé peu après mon admission au barreau, en 1972, lorsque le rapport provisoire de la Commission Le Dain a été déposé. On recommandait alors au gouvernement un modèle hybride, et de prévoir des déclarations de culpabilité par procédure sommaire et des infractions punissables par mise en accusation pour trafic. C'est seulement maintenant qu'on le propose, environ 45 ans plus tard. On recommandait alors que la pénalité maximale soit de cinq ans d'emprisonnement, pas 14, comme vous le proposez actuellement, quelque 45 ans plus tard.
    Pour ce qui est de la question de la sensibilisation publique, il y a des études qui remontent à 1894, la Indian Hemp Drugs Commission, et il y a bien eu sept ou huit commissions royales qui ont ensuite mené à la Commission Le Dain. Il y a plus de renseignements accessibles sur le cannabis qu'au sujet de toute autre drogue, si vous voulez utiliser ces renseignements à des fins de sensibilisation publique, qui, si j'ai bien compris, est l'une de vos préoccupations.
    Je suis né à Montréal, mais après deux ou trois ans, mon père, qui a obtenu un diplôme en agriculture, de McGill, est parti pour les colonies, alors j'ai grandi en Afrique centrale. Il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour me rendre compte que certains Africains fumaient quelque chose qu'on appelait « dagga »; c'était du cannabis. Des années plus tard, mon père m'a dit que, s'il voyait un plant de marijuana pousser près des plants de tabac, il le déracinait et le jetait au sol, puisqu'il était consultant sur la culture du tabac.
    J'ai grandi dans un contexte où il n'y avait pas de préoccupation au sujet du problème que constitue le cannabis. Lorsque je suis revenu au Canada et que j'ai commencé à pratiquer le droit, au début des années 1970, je me suis rapidement retrouvé devant des juges qui buvaient de l'alcool après leur journée au tribunal et prenaient des valiums, mais ils envoyaient en prison des gens simplement parce qu'ils étaient en possession de cannabis et ils leur faisaient la leçon à ce sujet. L'hypocrisie de ce qui se passait, à cette époque, est assurément quelque chose qui m'a motivé, en ce qui concerne les dossiers dont je m'occupais.
    À cette époque lointaine, personne ne faisait pousser de marijuana. Tous les produits sur le marché venaient de Los Angeles, comme Arlo Guthrie l'a dit, ou la drogue venait de Thaïlande, de Colombie et ainsi de suite. Il s'agissait de cas majeurs d'importation. C'est seulement au fil du temps, grâce à l'ingéniosité des Canadiens, que les gens ont appris comment faire pousser le cannabis à l'intérieur et ont créé ce qu'on a appelé le B.C. Bud, qui est devenu populaire. Nous sommes devenus une économie d'exportation après avoir été une économie d'importation pendant des années.
    Je me rappelle l'une de mes premières affaires concernant la culture. Il s'agissait d'un jeune homme qui avait décidé de faire pousser quelques plants dans sa cour, à Clearbrook, en Colombie-Britannique. Les policiers ne savaient pas comment utiliser leur propre caméra, et c'est donc lui qui les a aidés à prendre les photos. Lorsque nous nous sommes retrouvés devant le tribunal, les responsables ont même traîné les plants sur le plancher, et les gens ramassaient les débris derrière eux. C'était au milieu des années 1970. C'est ce qui se passait alors du point de vue de la production du cannabis durant ces premiers jours. La situation a bien sûr beaucoup changé depuis.
    À cette époque, des membres d'escouades antidrogues, d'autres agents de police et des collègues avocats venaient de me dire que j'essayais de ruiner une bonne situation en prenant la parole et en affirmant que c'était une folie de miser sur l'interdiction dans ce dossier. Maintenant, au moins, les policiers viennent souvent me voir en me disant qu'ils espèrent que nous gagnerons. Les choses ont beaucoup changé depuis lors.
    J'étais un des avocats dans les affaires R. c. Malmo-Levine et R. c. Caine, dans le cadre desquelles l'interdiction a été contestée. Le dossier s'est rendu devant la Cour suprême du Canada, vers 2003. J'ai constitué en une personne morale la BC Compassion Club Society il y a environ 20 ans, et nous avons reçu la visite de sénateurs, de députés et de beaucoup d'autres intervenants qui ont complimenté la société sur son mode de fonctionnement, y compris, récemment, le groupe de travail. J'ai aussi été un des avocats dans le dossier Allard.
(0845)
    Vous devriez avoir accès à un résumé de cinq pages que j'ai préparé ainsi qu'une annexe, qui contient des extraits de la décision de la cour sur l'enjeu que vous m'avez demandé d'aborder, soit la culture à domicile.
    Je dois revenir en arrière et vous fournir quelques renseignements historiques, que certains d'entre vous connaissent probablement déjà. Lorsque la BC Compassion Club Society a vu le jour, les patients avaient une autorisation au titre de l'article 53 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui, à l'époque, autorisait les praticiens à donner, vendre, administrer ou prescrire n'importe quel narcotique à un patient pour une affection médicale qu'ils traitaient. C'était l'idée qui sous-tendait le Compassion Club, lequel faisait l'objet de vérifications policières et tout le tralala à cette époque, et à qui on permettait toujours de poursuivre son travail.
    Par la suite, il y a eu l'affaire Parker, ici, en Ontario, où on a déterminé qu'un patient autorisé pour des raisons médicales devait se voir accorder un accès raisonnable. Lorsque le gouvernement du jour a déterminé, au bout du compte, que le Règlement sur l'accès à la marijuana à des fins médicales, le RAMFM, était la façon d'y arriver, cela a poussé les gens à... La seule solution qui s'offrait à eux, c'était de faire pousser eux-mêmes les plantes ou de demander à quelqu'un de les faire pousser pour eux.
    Même si, à cette époque, nous avons tenté de convaincre le gouvernement qu'il fallait permettre aux gens de faire pousser plus de plants afin qu'il y ait moins d'exploitations de culture, ce dernier a répondu qu'on pouvait faire pousser deux plants, plutôt qu'un. Nous sommes retournés devant les tribunaux pour dire qu'il fallait permettre de cultiver plus de un ou deux plants dans un même endroit, et on nous a dit qu'on pouvait se rendre à quatre. Nous nous sommes efforcés de trouver des gens qui allaient produire du cannabis pour plus de personnes, afin qu'il y ait moins de producteurs à domicile, mais le nombre de producteurs à domicile était passé à environ 38 000, en mars 2014.
    C'est la situation dans laquelle on se trouvait lorsque le nouveau gouvernement a décidé qu'il allait créer le Règlement sur la marijuana à des fins médicales et retirer le droit de cultiver des plants ou éliminer le rôle de producteur désigné, qui existait depuis environ 10 ans. Nous nous sommes tournés vers les tribunaux et nous avons obtenu une injonction du juge Manson en mars 2014. Cette injonction permettait essentiellement à ceux qui avaient un permis de producteur au titre du RAMFM de continuer à produire du cannabis, tant que le permis était valide au 30 septembre 2013. En outre, leur autorisation de possession devait être valide à la date de l'injonction, soit mars 2014.
    Nous avons continué à travailler sur le dossier, et, au bout du compte, le juge Phelan, de la Cour fédérale, a tranché: la nouvelle réglementation était bel et bien inconditionnelle parce qu'elle n'assurait pas un accès raisonnable. La position des patients était qu'ils devaient se tourner vers un producteur autorisé, peut-être pour obtenir ce dont ils avaient besoin, la première fois, et ils pouvaient ensuite faire ajouter leur nom à une liste d'attente, après quoi ils attendaient de recevoir, par la poste, leur médicament, dont ils avaient besoin. Ça ne fonctionnait pas.
    La preuve a permis de déterminer que les patients ont voté avec leurs pieds et se sont tournés vers les dispensaires. Il n'y en avait que quelques-uns durant ces premiers jours, le Compassion Club étant l'un d'eux. Mais soudain, il y a eu une importante augmentation du nombre de dispensaires, parce que les personnes qui tentaient de vendre du cannabis et de faire de l'argent ont déterminé que c'était la façon de faire. La même chose s'est ensuite produite ici, en Ontario, particulièrement à Toronto. L'augmentation du nombre de dispensaires a eu lieu, et a permis de conclure — je crois que Jonathan Page l'a dit déjà — que la plupart des gens ne veulent pas faire pousser les plants eux-mêmes ou demander à quelqu'un de le faire pour eux: ils veulent pouvoir aller au magasin et acheter leur cannabis et obtenir de l'information et pas seulement attendre de tout recevoir par la poste. C'est la situation actuelle.
    Il me reste une minute, alors je vais aller directement au vif du sujet.
    Dans le cadre de ce dossier, qui concerne le droit des patients autorisés pour des raisons médicales à avoir un accès raisonnable — ce qui inclut leur capacité de produire le cannabis eux-mêmes — nous étions confrontés aux services de police, au caporal Holmquist et au chef Len Garis, de Surrey, des ardents opposants à la culture à domicile, qui parlaient d'incendies, de moisissures, de sécurité publique et de tout le reste. Nous avons établi, comme on fait durant les procès, après les interrogatoires et les contre-interrogatoires des témoins, que ces gens manquaient totalement de crédibilité. Le juge Phelan a déterminé que Holmquist était totalement biaisé et n'était pas qualifié. Il en allait de même pour le chef Garis. Nous avons établi clairement que toutes ces choses peuvent être faites de façon raisonnable et sécuritaire dans un marché légal. Toutes les données sur lesquelles ils s'appuyaient venaient des marchés illicites, où les gens coupent les coins ronds, se cachent et ne respectent rien.
(0850)
    Actuellement, les inspecteurs avec lesquels j'interagis au sein des administrations locales me disent que la dernière chose qu'ils veulent, c'est de revenir à ce qu'on faisait avant.
    L'enjeu majeur, ces temps-ci, ce n'est pas un important problème d'incendie, de sécurité électrique, de moisissure ou je ne sais quoi d'autre. Ce sont des choses très faciles à régler. La plainte la plus courante, c'est l'odeur, donc le fait d'empester le quartier et le besoin de ne pas avoir d'incidence sur les voisins constituent l'aspect crucial sur lequel il faut se pencher.
    Je veux conclure rapidement en disant que M. Dickie et moi avons eu le temps de discuter un peu avant d'arriver ici. Il représente les propriétaires d'appartement, et je suis d'accord avec ce qu'il dit, dans la mesure où, encore une fois, on ne veut pas permettre aux gens de faire des choses pouvant faire courir des risques à leurs voisins ou pouvant avoir un impact négatif sur leur quartier. Cependant, on ne peut pas tout simplement ne rien faire et dire, eh bien, nous allons l'interdire, parce qu'une telle décision ne fonctionnera pas. Elle ne fonctionne pas depuis aussi longtemps que j'exerce le droit.
    Je crois que vous allez devoir regarder du côté des jardins communautaires de l'État de Washington ou quelque chose du genre. La plupart des gens n'ont pas une maison d'habitation comme la loi le définit, entourée d'un terrain, et tout le reste. Il va falloir trouver une solution afin d'encourager les gens à faire pousser des plants dans un endroit sécuritaire. Il y a les BloomBoxes, qui sont des solutions d'ingénierie, mais la plupart des gens ne peuvent pas se les payer, et les boîtes prendront trop de place dans l'appartement.
    Je crois que nous voulons une réglementation raisonnable, mais nous allons dans la bonne direction.
    Merci.
(0855)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. John Dickie, de la Fédération canadienne des associations de propriétaires immobiliers.
    Merci, monsieur Casey. Je suis heureux d'avoir été invité à comparaître devant vous, et je suis heureux de le faire.
    En tant que président, je suis en fait directeur administratif de la FCAPI. Je suis aussi l'analyste des politiques de logement de la Fédération et spécialiste des relations gouvernementales.
    Notre association représente les propriétaires et gestionnaires de près d'un million d'unités locatives résidentielles au Canada. L'ensemble du secteur locatif canadien compte près de quatre millions de logements, soit près de un million d'appartements dans des tours d'habitation, un peu moins de deux millions d'appartements dans des immeubles de faible hauteur et diverses autres unités locatives de faible hauteur — des duplex et des triplex — et environ 525 000 maisons unifamiliales qui sont louées. Vous pouvez vous promener dans une rue d'une ville et penser qu'elle est composée de propriétaires occupants, mais, en fait, tout dépend de la ville. À Toronto, par exemple, six ou sept de ces résidences peuvent être louées, même s'il s'agit de maisons unifamiliales, et dans d'autres villes, il peut y en avoir une, deux ou trois qui sont louées ou quelque part entre les deux.
    Permettez-moi de vous en dire un peu à mon sujet aussi, comme M. Conroy l'a fait. J'ai 61 ans. J'ai grandi à Montréal, et je me souviens de la Commission Le Dain. Je me rappelle à quel point il était remarquable de constater que le gouvernement avait donné à M. Le Dain — c'est ce qu'il espérait — la tâche de condamner la marijuana et ce que les jeunes faisaient, et M. Le Dain et sa commission sont plutôt revenus en disant que la consommation non médicale de drogue n'était pas le plus gros problème, et que l'alcool était pire. Cette affirmation était un peu troublante pour un certain nombre de personnes à l'époque. Lorsque j'ai grandi, j'ai bien sûr vu des gens consommer de la marijuana, et certains d'entre eux en consomment sans qu'il n'y ait aucun préjudice. Je connais un jeune homme qui en consomme de cette façon, qui en fume une fois par semaine, et il n'a pas de problème. Ma fille, d'un autre côté, est aussi sortie avec quelqu'un, qui était lui aussi un très bon jeune homme, mais ce dernier est maintenant aux prises avec un problème de schizophrénie, et son problème est apparu parce qu'il a fumé de la marijuana alors qu'il était adolescent. Il y a toute une gamme de réactions au cannabis et à son mode de fonctionnement.
    Si je peux dire une autre chose, d'un point de vue personnel, c'est que, à part représenter la FCAPI, je suis avocat de profession. En fait, je suis l'un des experts du droit sur la location à usage d'habitation en Ontario, et avec mon associé, j'ai rédigé l'un des textes qui font autorité en la matière. Je connais donc très bien les lois ontariennes sur la location à usage d'habitation. Je connais aussi assez bien les lois sur la location à usage d'habitation des autres provinces.
    Je vais revenir à la question des unités résidentielles multiples. Ces unités sont un environnement de vie qui est différent des maisons unifamiliales. Dans une maison unifamiliale, essentiellement, ce qu'on fait n'a un impact que sur nous et notre famille, sans avoir d'incidence sur les autres, tandis que, dans un appartement, ce qu'on fait peut avoir beaucoup d'incidence sur les autres et les voisins. C'est une question de bruit, une question de tout ce qui produit des odeurs dans votre appartement et, bien sûr, c'est une question de sécurité. Si un propriétaire enfreint les règles et n'a pas de détecteur de fumée, les gens qu'il risque de tuer, c'est lui-même et sa famille. Si on n'a pas de détecteur de fumée dans un appartement, on peut très bien tuer une demi-douzaine de personnes dans l'immeuble. Les propriétaires d'immeubles ont le pouvoir de mettre un frein aux activités qui constituent des risques liés à la sécurité ou qui dérangent les voisins.
    Avant, la fumée secondaire indirecte était dans une catégorie de nuisance à laquelle personne ne pouvait s'attaquer. Les gens devaient tout simplement s'y faire, mais ce n'est plus le cas. Je sais que nous ne sommes pas ici pour parler de la cigarette, alors je ne vais pas m'éterniser, mais c'est assurément une préoccupation pour nos membres et les voisins des gens qui consommeront de la marijuana en la fumant plutôt qu'en la mangeant.
    Les diverses provinces ont imposé un certain nombre d'interdictions sur le fait de fumer du tabac. J'espère bien sûr qu'ils vont empêcher les gens de fumer de la marijuana dans ces mêmes emplacements, comme les aires communes des immeubles à appartements de l'Ontario. Mais c'est une question provinciale, et tout ce dossier est très compliqué en raison de la relation provinciale-fédérale.
    Notre position, en tant qu'organisation, c'est que nous aimerions qu'il y ait plus de limites et de restrictions sur la production de cannabis dans des appartements loués afin de protéger les intérêts des propriétaires et ceux des voisins.
(0900)
    Au mieux, il y aurait une interdiction fédérale. Ce n'est probablement pas nécessaire d'en faire une infraction pouvant mener à une peine d'emprisonnement de 14 ans, mais une interdiction fédérale serait la solution que nous préférerions. C'est en raison du risque d'incendie lié aux surcharges électriques, de l'humidité — et donc, de la sécurité des bâtiments — et assurément de l'odeur associée à la production et son incidence sur les voisins.
    C'est ce que nous préférerions. Cependant, je suis ici, et tout ce que je vous dis a été décrit dans notre mémoire; nous nous sommes appuyés sur des renseignements tirés du site Web ilovegrowingmarijuana.com. Jusqu'à il y a 12 mois, je n'étais pas vraiment un expert sur la marijuana, mais je suis bien sûr allé sur ce site et je l'ai trouvé extrêmement informatif. J'ai trouvé ce que, en droit, on appelle des admissions qui vont à l'encontre des intérêts. Si les partisans de la marijuana disent qu'il y a un problème, eh bien, il y a un problème, et ils disent qu'il y a un problème d'odeurs et un problème électrique. Ils disent aussi qu'il peut y avoir un problème d'humidité.
    Il y a des façons de régler ces problèmes, mais elles exigent toutes de modifier physiquement les bâtiments, parce que nos bâtiments ne sont pas construits pour ce genre d'activités, et, habituellement, nous n'avons pas l'obligation de modifier nos bâtiments pour permettre ce genre de choses, à part prendre les mesures d'adaptation au titre du code des droits de la personne en ce qui a trait aux consommateurs à des fins médicales. Pour eux, nous devrons peut-être faire certaines choses, mais pour les consommateurs récréatifs, nous ne sommes pas obligés d'apporter ces changements. Du moins, nous ne l'étions pas avant que cette loi soit proposée.
    Pour ce qui est des compromis et des suggestions, un genre de solution de dernier recours pour nos membres serait, selon moi, la mise en place d'un régime dans le cadre duquel la production est permise dans des logements loués lorsque le propriétaire donne son consentement. Cela permettrait aux propriétaires qui ont de petits bâtiments ou qui n'ont pas d'inquiétude liée à la ventilation ou, encore, qui possèdent de bons systèmes électriques de permettre la culture. Les locataires voulant cultiver du cannabis pourraient aller vivre là. D'un autre côté, les propriétaires qui ne peuvent pas gérer cette situation, qui ne veulent pas investir d'argent, qui ne veulent pas déranger leurs autres locataires pourraient refuser de consentir.
    Par ailleurs, la loi fédérale pourrait permettre aux provinces de créer un cadre pour faire de cette proposition une réalité pratique. En vertu d'un tel cadre, les provinces pourraient dispenser des locataires d'obtenir le consentement des propriétaires. En d'autres mots, un locateur pourrait se présenter et dire: « Eh bien, monsieur le propriétaire, vous refusez de consentir de façon déraisonnable. Votre bâtiment est muni d'un bon système électrique, il n'y a pas de problème d'humidité, en fait, ce n'est pas un problème. Mais deux voisins me disent que ça ne les dérange pas. » Vraisemblablement, la Commission de la location immobilière pourrait donner une dispense de consentement et fournir une solution appropriée. La personne pourrait ensuite faire pousser de la marijuana légalement dans son appartement, sous réserve des limites de taille imposées.
    L'autre côté de la médaille — encore une fois, on pourrait laisser les provinces décider de la façon de faire —, c'est que les provinces pourraient créer un cadre en vertu duquel si un propriétaire veut interdire la culture de marijuana dans son immeuble, il peut présenter une demande, vraisemblablement à la Commission de la location immobilière, et dire: « Écoutez, mon bâtiment n'est pas adapté pour la culture — à cause du système électrique, d'autres considérations techniques, de la ventilation, d'une pétition des locataires du bâtiment — et on devrait donc me permettre d'interdire la marijuana. »
    Encore une fois, ce sera un peu plus complexe, mais il y a des gens très intelligents dans la salle et des gens aussi très intelligents qui travaillent sur le projet de loi. Je suis sûr qu'un système dans le cadre duquel les provinces pourraient s'occuper des petits réglages pour corriger les problèmes qui surviennent vraiment et qui ont été soulevés dans la décision Allard serait une solution positive.
    La dernière chose que j'aimerais suggérer, en ce qui a trait aux compromis, c'est ceci: nous craignons que la limite de quatre plants ne soit pas une limite suffisante. Nous avons entendu M. Page dire qu'il faudrait peut-être permettre plus que quatre plants. Ma préoccupation, c'est que, si on permet aux producteurs d'avoir quatre plants ou peu importe le nombre qui sera établi et qu'ils se rendent sur le site ilovegrowingmarijuana.com, ils découvriront rapidement qu'ils peuvent utiliser une technique de culture qui utilise une grille. Il est possible d'installer une grille au-dessus des plants. Lorsqu'ils grandissent, on peut en couper la cime. On peut ainsi recueillir les feuilles et remplir de feuilles de marijuana une surface qui va de la fin du bureau, ici, jusqu'à passé l'endroit où M. Page est assis ou jusqu'à l'autre bout de la table, et ce, avec seulement quatre plants.
    De toute évidence, ce n'est pas une bonne idée. Je suis sûr que, lorsque le gouvernement s'imagine et que le législateur envisage quatre plants, vous voulez dire quatre plants — un plant ici, un autre là et un autre là-bas —, vous parlez d'environ une verge cube. À notre avis, en plus de limiter le nombre de plants, que ce soit quatre, six ou peu importe, il faudrait aussi limiter une zone de croissance.
(0905)
    Notre suggestion serait un mètre cube, parce qu'on réglemente ainsi pas mal tous les problèmes. Premièrement, on tiendrait compte de la préoccupation de M. Page au sujet de la hauteur des plants, et, deuxièmement, on réglerait la question d'avoir un plant qui soit grand, deux plants en milieu de croissance et un petit plant. J'admets que ce serait des règles un peu plus difficiles à appliquer, mais personne ne sera accusé d'une infraction assortie d'une peine d'emprisonnement possible de 14 ans s'il a une zone de pousse de 1,2 mètre cube. Ce sera assez clair, si on parle de plus de 1,5 mètre cube, d'en déterminer la grandeur. Les policiers peuvent prendre un mètre à mesurer, l'installer et prendre une photo des plants cultivés. Puis, au bout du compte, on peut prouver devant le tribunal que, holà, la personne avait une zone de croissance de 4 mètres cubes, ou 6 mètres cubes, et c'est bien au-delà des limites permises.
    C'est ce que je vous suggérerais de faire pour limiter la quantité de cannabis que les gens font pousser.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Bien, la discussion sera intéressante.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions. Nous allons commencer par M. McKinnon, pour une série de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Page, vous avez indiqué que la hauteur n'est peut-être pas une bonne restriction, mais vous comprenez notre désir de limiter un éventuel détournement. Que pourrait être une bonne restriction?
    C'est une question à laquelle j'ai réfléchi. Est-ce que 1,5 mètre ou 2 mètres permettraient d'inclure la majorité des variétés qu'on fait actuellement pousser? Je crois que c'est le cas, alors on pourrait doubler la hauteur ou augmenter la limite de croissance de 50 %. De cette façon, on engloberait ou on inclurait probablement une plus grande partie des plants habituellement cultivés, y compris dans le cadre de la culture extérieure.
    L'un des enjeux, c'est que le cannabis est, d'un point de vue technique, sensible à la photopériode, ce qui signifie que les plants fleurissent lorsqu'ils sont exposés à de courts jours d'ensoleillement. Si on fait pousser du cannabis à l'intérieur, on peut produire ces courtes journées simplement grâce à l'utilisation d'une minuterie ou d'un interrupteur pour forcer les plants à fleurir à 60 centimètres, 80 centimètres ou un mètre et plus.
    D'un autre côté, à l'extérieur, la durée du jour est bien sûr déterminée par la saison. Pour ce qui est de la production extérieure du cannabis au Canada actuellement, la saison de floraison commence en août et peut se poursuivre jusqu'en septembre. Selon l'endroit où l'on se trouve au pays, en fait, la récolte peut avoir lieu vers l'Action de grâce. Ce qui se produit durant ces longs étés canadiens, c'est que les plants deviennent très grands. Si on permet la culture à l'extérieur, vu les types de climats canadiens, on peut se retrouver avec des plants de près de deux mètres de haut, et peut-être même un peu plus, lorsqu'arrive la période de floraison.
    Bien sûr, comme je l'ai dit, on peut obliger l'émondage, et les gens peuvent plier leurs plants vers le bas, ou je ne sais quoi. Cependant, de façon générale, si on impose une limite, un nombre de plants maximal, si on détermine que c'est quatre plants à fleurs et quelques plants de plus en raison des aléas du jardinage, comme je l'ai laissé entendre, ce peut être là la limite. Pour ce qui est de la question de savoir ce que les gens font avec ces quatre plants, s'ils atteignent 1,5 mètre ou 2 mètres, ou même 2,5 mètres, je ne crois pas que nous devrions vraiment nous préoccuper des 100 centimètres ou d'une telle limite de hauteur.
    Le groupe de travail a décidé de suggérer 100 centimètres, et j'ai été un peu déconcerté par la raison justifiant cette suggestion. Je crois que c'était principalement pour cacher les plants qui poussent dans les cours arrière des gens. La hauteur des clôtures habituelles au Canada est d'environ 4 pieds, selon les règlements municipaux, ce qui est suffisant pour cacher des plants de 100 centimètres de hauteur. Comme je l'ai mentionné dans mon mémoire, il faut permettre aux villes d'adopter ces règlements administratifs. J'éliminerais tout simplement la limite de hauteur des plants.
(0910)
    Même si je me souviens des années 1960, je ne sais pas grand-chose sur la culture du cannabis. De quel genre de cycle de vie des plants parle-t-on, ici? Combien de temps faut-il pour faire pousser un plant normal?
    Je n'arrête pas d'entendre parler du problème d'odeurs. Nous n'arrêtons pas d'entendre parler d'éventuels problèmes de moisissure et de dommages aux biens. J'ai entendu dire que faire pousser du cannabis, c'est comme faire pousser des tomates. Les tomates ne semblent pas causer un problème de moisissure ni de dommage aux biens. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Il y a beaucoup de variabilité quant à l'approche utilisée. Si une personne cultive à l'intérieur, elle force en quelque sorte la floraison des plants, si je peux m'exprimer ainsi. Il peut s'agir d'un cycle dans le cadre duquel la personne plante une graine, ou une bouture, et le plant peut ensuite pousser pendant quatre semaines, environ, après quoi la floraison est provoquée, et la période de floraison peut durer environ huit semaines. On parle habituellement d'environ trois mois en tout, de la plantation à la récolte.
    À l'extérieur, la période peut être plus longue, parce que les graines sont plantées possiblement en mai, en même temps que les plants de tomates, vers la longue fin de semaine de la fête de la Reine, et la récolte aura lieu tard en septembre. Cela allonge la saison de croissance à plus de trois mois, ou un peu plus longtemps.
    Pour ce qui est de l'odeur, le cannabis a une odeur très distinctive, qu'on le fume ou qu'on le fasse pousser. L'odeur tient non pas au THC, mais plutôt aux terpènes, les genres de composants volatiles de la plante. Ce sont les mêmes substances chimiques qui donnent à la menthe, à la lavande et au basilic leur odeur, ce sont aussi des terpènes, dans ces cas-là. Ces substances ont une très forte odeur. Pour ce qui est de la culture à l'intérieur, on peut contrôler l'odeur avec une ventilation appropriée ou un système de filtration approprié. On peut utiliser des filtres à charbon de bois pour retirer l'odeur. C'est un peu plus compliqué que dans le cas des tomates, dans la mesure où les tomates ne sentent pas autant.
    Le problème découle en partie du fait que les gens font pousser de grands nombres de plants dans des garde-robes, dans leur appartement ou leur résidence, et l'odeur, sous cette lumière intense, dans cet espace intérieur confiné, est difficile à contrôler.
    Peut-on déterminer si un plant est un plant mâle ou un plant femelle avant la floraison? Combien de temps faut-il avant de voir les fleurs d'un plant?
    Il y a quelques options, ici. Et dans un premier temps, si les gens font pousser des clones, les plantes clonées sont des plants femelles. Voilà une chose. Il y a aussi des semences féminisées. Ce sont des semences produites pour donner uniquement des plants femelles.
    Il y a des méthodes davantage moléculaires pour déterminer le sexe des plants. Par exemple, mon laboratoire offre un test qu'on peut faire très tôt à l'étape des semis. Généralement — et, encore une fois, tout est fonction du genre de régime lumineux utilisé —, on peut détecter les plants mâles dans les quelques semaines suivant le déclenchement de la floraison, après quoi ces plantes commencent à produire une structure florale différente qui peut être identifiée. Les plants peuvent ensuite être éliminés ou...
    Si j'entre dans une résidence où il y a un certain nombre de plants verts, et que je suis un agent de police, je ne sais pas nécessairement s'il s'agit de plants mâles ou de plants femelles.
    Non. À l'étape des semis, les plants qu'on fait pousser à partir de graines et qui ont environ 40 centimètres de hauteur, les plants mâles et les plants femelles sont quasiment impossibles à distinguer.
(0915)
    Pour ce qui est du fait de contrôler le nombre de plantes — nous ne comptons pas nécessairement les graines, mais une graine devient un plant. Quelle pourrait être une bonne façon de déterminer que telle chose, ici, est un plant, et telle autre, là-bas, n'en est pas? S'il y a un paquet de petites pousses qui sortent du sol, est-ce quelque chose dont on peut contrôler le nombre ou est-ce qu'il doit y avoir une taille minimale avant qu'on puisse dire qu'il s'agit d'un plant qu'il faut compter?
    À ce stade-ci, je crois que tout compte comme une plante au titre de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Les graines sont des plants de cannabis et sont réglementées. L'importation est réglementée, la vente l'est aussi. Je crois que, au titre des lois actuelles, si on prend des boutures sur un plant de cannabis et que ces boutures commencent à faire des racines, elles sont aussi considérées comme des plants du point de vue des accusations portées en raison du nombre de plants possédés.
    C'est le cas actuellement. Si un organisme a des feuilles et qu'il pousse après le stade de la semence, c'est probablement un plant.
    D'accord. Nous allons maintenant passer à Mme Gladu.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question vous est destinée, monsieur Page.
    Connaissez-vous le type de test et de contrôle de la qualité utilisé par les entreprises de production de marijuana thérapeutique, les plus grandes installations?
    Je les connais très bien. Mon laboratoire offre ce service.
    Pouvez-vous décrire certaines choses liées aux tests de puissance, de contamination en raison de l'utilisation de fertilisants, de la moisissure et ce genre de considérations?
    Il y a cinq ou six tests principaux associés aux mesures de contrôle de la qualité prévues dans le RACFM. Comme vous l'avez mentionné, la puissance, la présence de métaux lourds, les aflatoxines, qui sont des toxines fongiques produites par dégradation, les bactéries, la moisissure et les pesticides. Le sixième élément dans le cas des extraits et des huiles concerne les solvants résiduels. C'est une mesure supplémentaire.
    D'accord. Quel genre de test de contrôle de la qualité est-ce que les gens qui cultivent des plants chez eux utilisent habituellement?
    Habituellement, au titre du régime actuel du cannabis thérapeutique en vertu du RACFM et depuis août dernier, les cultivateurs-patients peuvent se tourner vers des laboratoires accrédités par Santé Canada afin de tester leur production. Cependant, ce n'est pas requis, et ils ont donc l'option d'avoir accès à ces laboratoires et de payer pour les tests.
    D'accord. Très bien.
    J'ai une question pour vous, maître Dickie. J'ai vu cet article. Selon un rapport produit par la GRC en 2010 concernant la culture de la marijuana thérapeutique, les incendies étaient 24 fois plus susceptibles de se produire dans des résidences où l'on fait pousser de la marijuana que dans celles où ce n'est pas le cas. Par conséquent, d'après moi, on a de très bonnes raisons de se préoccuper des dégâts par le feu.
    Je sais aussi, puisque nous avons parlé de la fumée secondaire, que, aux États-Unis, on estime qu'il y a 34 000 décès prématurés en raison de maladies du coeur découlant de l'exposition à la fumée secondaire du tabac, et, dans leurs études en laboratoire, les chercheurs ont déclaré que la fumée de marijuana provoque des effets encore plus importants que celle du tabac.
    Ma question est liée aux droits de la personne à qui appartient la propriété. Si une propriété m'appartient et que je m'inquiète du fait que les risques d'incendie augmenteront, ou je loue peut-être mon sous-sol à quelqu'un, et je ne veux pas avoir de problème de fumée secondaire... est-ce qu'un propriétaire a le droit d'interdire aux gens de fumer du cannabis dans le projet de loi actuel?
    C'est un enjeu qui serait différent d'une province à l'autre. Permettez-moi de reformuler légèrement ce que vous avez dit. Un peu partout au Canada, les propriétaires qui louent un appartement pour la première fois pourraient imposer une interdiction liée au fait de cultiver ou de fumer du cannabis. Cependant, l'application de cette interdiction serait relativement facile dans les provinces atlantiques et dans l'Ouest, à partir du Manitoba.
    Au Québec et en Ontario, l'interdiction serait plus difficile à appliquer parce que, en Ontario — c'est la loi de cette province que je connais le plus —, il est établi très clairement dans la loi qu'un propriétaire ne peut pas... La façon dont un propriétaire résilie un bail, c'est en donnant un avis puis en entreprenant des procédures d'expulsion. On ne veut pas nécessairement que le locataire parte. On veut qu'il arrête de faire ce qu'il ne devait pas faire, et la façon d'y arriver, c'est en lui donnant un avis de résiliation. On ne peut pas, en Ontario, donner un avis de résiliation simplement parce que la personne n'a pas respecté une des conditions d'un bail. Le fait de simplement prouver que la personne a fumé alors que c'est interdit dans le bail ou qu'elle a fait pousser des plants alors que c'est interdit dans le bail ne permettra pas au propriétaire d'avoir ce qu'il veut. Essentiellement, le locataire peut lui faire un doigt d'honneur.
    Pour appliquer les conditions d'un bail, le propriétaire doit prouver l'atteinte réelle à la jouissance raisonnable des autres locataires ou la violation des droits et intérêts licites du propriétaire. Le premier est plus facile à faire, même si ce n'est pas une tâche facile. Il faut faire venir d'autres locataires afin qu'ils témoignent devant la Commission de la location immobilière et qu'ils disent de quelle façon ils ont été touchés.
    Vous comprendrez que les gens ne veulent pas agir de la sorte parce qu'ils vivent tout juste à côté de la personne visée, et ils vont continuer de la voir dans le hall. La personne peut monter le son de son téléviseur, le soir, et ce n'est là que la plus légère des représailles possibles, et les gens sont donc mal à l'aise et évitent de le faire. Ils ne veulent pas aller témoigner.
    De 90 à 95 % des mesures prises par les propriétaires relativement aux comportements des locataires visent, en fait, à protéger les autres locataires de l'immeuble. En Ontario, grâce à la loi ontarienne sur les propriétaires et les locataires, il est beaucoup plus facile d'agir dans le cas d'un acte illégal que de faire appliquer une condition du bail.
(0920)
    Oui. Et si j'ai bien compris, cela signifie que, si nous permettons la culture à domicile en vertu du projet de loi, alors les propriétaires de l'Ontario et du Québec perdront essentiellement leurs droits d'empêcher les gens de faire de la culture à domicile et de fumer dans leur propriété.
    La seule façon d'éviter cette situation, ce serait si les provinces ajoutaient les violations à ces conditions ou ce comportement en tant que motif de résiliation au titre, par exemple, en Ontario, de la Loi sur la location à usage d'habitation. Encore une fois, l'Ontario pourrait le faire, parce que la province semble vouloir maximiser les ventes par la LCBO — que le ciel nous vienne en aide —, mais tout dépendrait vraiment de ce que feront l'Ontario et le Québec.
    C'est bon à savoir.
    Et tout dépendrait aussi — dans certaines des autres provinces, les provinces atlantiques ou dans l'Ouest — de la façon dont les commissions réagiraient dans ce dossier. Dans la jurisprudence, il est assez clair qu'un propriétaire ne peut pas résilier un bail pour des violations banales des conditions du bail. Par conséquent, si on adopte le point de vue que, eh bien, le gouvernement fédéral rend ça légal, alors c'est légal, c'est anodin... Disons qu'une personne fait pousser cinq plants. Je doute que, même dans le Canada atlantique ou dans l'Ouest, un propriétaire puisse obtenir une résiliation pour cinq plants, peut-être même pour six plants, si la limite est quatre, parce qu'on considérerait cela comme un manquement mineur, une violation mineure.
    La situation me préoccupe, parce que la personne dans l'appartement 801, ici, à Ottawa, fume tellement de marijuana que je suis exposée à de la fumée secondaire chaque fois que je reviens chez moi. C'est donc préoccupant.
    J'ai une question pour M. Page.
    Est-ce que la plupart des personnes qui font pousser des plants chez eux le font à l'intérieur ou à l'extérieur?
    Je crois que, en général, c'est à l'intérieur, en partie pour des raisons de sécurité et en raison du fait que, si on parle de culture à des fins médicales, les gens ont peur de se faire voler leurs plants et, dans le cas d'une opération illicite, ils craignent que les services de police ou d'autres personnes voient les plants. Je dirais donc qu'il y a plus de production à l'intérieur, mais c'est très difficile d'obtenir des statistiques sur ce monde très gris, très nébuleux.
    Le temps est écoulé.
    Monsieur Davies.
    Merci aux témoins d'être là.
    Monsieur Page, dans votre mémoire au Comité, vous avez souligné que, parmi les six recommandations précises du groupe de travail, il y avait la recommandation de « promouvoir la gérance de l'environnement en mettant en oeuvre des mesures telles que l'autorisation de la production commerciale à l'extérieur, avec des mesures de sécurité appropriées ». Malgré ces directives claires, jusqu'à présent, il n'y a aucune indication du gouvernement fédéral que la production de cannabis à l'extérieur sera visée par la nouvelle réglementation sur le cannabis.
    Ma question est donc la suivante: est-ce le cas? Il est difficile de déterminer à la lumière du projet de loi C-45 si la production à l'extérieur sera permise et, dans l'affirmative, devrait-elle l'être, selon vous, et pourquoi?
    Je ne sais pas exactement si le projet de loi C-45 limite la production à l'intérieur ou à l'extérieur.
    Monsieur Conroy.
    La définition d'une maison d'habitation dans la Loi sur le cannabis inclut les terrains adjacents entourant la maison et toute dépendance sur la propriété.
    Au titre de la réglementation sur la marijuana thérapeutique, on peut seulement cultiver des plants à l'intérieur ou à l'extérieur. On ne peut pas faire les deux, ce qui, en fait, n'est pas logique dans certains cas où les gens veulent commencer à l'intérieur, puis passer à une culture à l'extérieur, pour ensuite revenir à l'intérieur, surtout ceux qui vivent dans la forêt pluviale de la côte Ouest, mais il semble qu'on peut cultiver du cannabis à l'extérieur au titre du projet de loi.
    Est-ce que cela inclut les jardins communautaires?
    Non, les jardins communautaires ne sont pas inclus. C'est la raison pour laquelle il y a selon moi un problème pour ce qui est des appartements où il n'y a pas d'endroit où les personnes peuvent cultiver leurs plants, à part dans leur appartement, il faut donc leur donner la possibilité de le faire ailleurs, plutôt que dans leur appartement, ce qu'on peut faire en créant un jardin communautaire.
(0925)
    Pour revenir à votre question sur la culture à l'extérieur et la durabilité, le mémoire dont vous avez parlé est un mémoire que j'ai préparé en équipe, pas celui associé à ma présence ici en tant que témoin.
    Il souligne très bien les enjeux liés à l'empreinte carbone de la culture intérieure commerciale, mais moins ceux liés à une aire de production personnelle comptant quatre plants. En d'autres mots, lorsqu'on crée une grande exploitation de cannabis dans un bunker de béton, qu'on installe un important dispositif d'éclairage et qu'on munit les installations de CVC et tous les systèmes de régulation d'air nécessaires, cela crée d'importants besoins en électricité. On construit une structure en béton, peut-être sur des terres agricoles ou un terrain de ce type, alors cette industrie a une empreinte écologique, et vous savez, le cannabis est une plante. Il n'a pas besoin d'un éclairage intense. Il peut pousser dans une serre. Il peut pousser dans un champ, comme on le fait pour le chanvre, actuellement, seulement avec la lumière naturelle, et c'est pourquoi on pourrait faire valoir que la réglementation découlant du projet de loi C-45 devrait permettre la culture à l'extérieur aussi.
    Oh, je vois. Vous voulez donc dire que, pour la production, pour les producteurs qui présentent une demande au gouvernement fédéral pour obtenir un permis de production de cannabis, il faudrait dire explicitement que la culture à l'extérieur devrait être permise?
    Oui, exactement, et, à l'heure actuelle, au titre du RACFM et au titre du RMFM, qui l'a précédé, la production extérieure commerciale est interdite en vertu du régime du cannabis thérapeutique.
    Merci.
    Monsieur Page, j'aimerais savoir ce que vous pensez de l'étiquetage. Il n'y a pas eu beaucoup de témoignages à ce sujet. En tant que personne qui comprend les propriétés du cannabis, quels aspects du cannabis, selon vous, intéressent vraiment les consommateurs? Je ne parle pas seulement des niveaux de THC ou de CBD. Quelles autres choses un consommateur pourrait-il vouloir savoir au sujet du projet?
    Les niveaux de THC et de CBD sont, bien sûr, les principaux facteurs de l'activité pharmacologique. Ce sont les informations que nous inscrivons sur les étiquettes du cannabis thérapeutique en ce moment.
    Un autre aspect pourrait être les terpènes dont j'ai parlé déjà, et je parle donc ici des composantes liées à l'odeur et au goût. On pourrait donc imaginer que l'étiquetage pourrait, d'une façon limitée — parce que nous ne voulons pas dresser une liste d'une centaine de produits chimiques que les consommateurs devraient par la suite analyser — nous fournir certains renseignements sur la composition en terpènes du produit.
    Il y a aussi d'autres cannabinoïdes présents. Le THC et le CBD sont les deux principaux, mais nous constatons aussi souvent de grandes quantités de cannabigérol, le GBC et de cannabichromène, le CBC. Je suggérerais d'inclure aussi des renseignements sur la présence de certains des autres cannabinoïdes qui, dans certains produits, peuvent être supérieurs à un niveau de base déterminé.
    On met aussi beaucoup l'accent dans le milieu du cannabis sur les souches, les caractéristiques génétiques et l'origine des plants. Il y a une classification générale qui sépare les types de plants sativa et les types de plants indica, qui, jusqu'à présent, n'a pas résisté à un examen scientifique, mais il pourrait tout de même y avoir un étiquetage concernant le genre de type génétique des plants.
    Merci.
    Je vais passer à M. Dickie.
    Je viens de Vancouver. Un autre irritant majeur pour les gens, c'est le fait de fumer des cigarettes et du tabac dans les appartements. Fait intéressant, le projet de loi, s'il est adopté tel quel, ne légalise pas les produits comestibles, et poussera donc les gens à fumer de la marijuana dans les appartements.
    Lorsqu'il est question des bâtiments à logements multiples, croyez-vous qu'il serait mieux que les gens aient l'occasion de consommer leur cannabis sans avoir à le fumer?
    Oui, absolument, surtout pour les consommateurs médicaux, mais aussi pour tout le monde; c'est quelque chose que nous appuyons énergiquement. Il y a certaines préoccupations liées à la santé associées au fait que les enfants puissent mettre la main sur ces produits, mais, espérons-le, ce sera un problème limité grâce à la prudence. Le fait d'éviter le contact avec la fumée secondaire serait un immense avantage pour toutes sortes de gens.
    Il est ironique de constater la mesure dans laquelle on nous presse maintenant, en tant que propriétaires, de limiter le droit de fumer — et les personnes qui défendent les droits de non-fumeurs sont constamment sur notre dos pour que nous fassions de nos bâtiments des espaces sans fumée de tabac, tandis que, ici, on ouvre complètement la voie, dans une certaine mesure, à la possibilité de fumer de la marijuana.
(0930)
    Merci.
    Maître Conroy, je veux m'adresser à vous. Je tiens aussi à remercier M. Dickie et Me Conroy d'avoir mentionné la Commission Le Dain. Le NPD demande activement la décriminalisation depuis 40 ans, depuis la Commission Le Dain, alors c'est bien que nous en soyons finalement arrivés là.
    Je veux parler rapidement des pardons. Maître Conroy, vous avez passé toute votre carrière à évaluer la stigmatisation et les répercussions négatives associées à la criminalisation sur la vie des gens, et le projet de loi continuera en fait à criminaliser les gens, et nous les criminalisons en ce moment même.
    Quels conseils prodigueriez-vous au Comité sur la façon dont nous pourrions aborder la question du pardon des Canadiens dont le casier judiciaire contient peut-être actuellement des déclarations de culpabilité pour des gestes que le projet de loi rendra maintenant légaux?
    Je crois vraiment que, comme on rendra légal un comportement qui, dans le passé, était illégal, il faut alors s'assurer d'éliminer ces anciens casiers judiciaires et ainsi de suite. Je suis convaincu que vous faites une erreur si vous ne réfléchissez pas à l'industrie actuelle et ne tentez pas de la réglementer plutôt que de simplement l'éliminer pour mettre en place un tout nouveau groupe de personnes qui s'en occuperont, comme on peut le faire dans les magasins de la société des alcools de l'Ontario.
    L'objectif global, tel que je le comprends, c'est d'essayer d'éliminer le marché noir. C'est ce que permet la légalisation. La possibilité de faire pousser des plants à la maison réduira le marché noir, mais les magasins permettront de réduire à la fois le nombre de personnes qui cultivent des plants à la maison et le marché noir. Selon moi, le simple fait que quelqu'un a un casier judiciaire ou a déjà été déclaré coupable dans le passé ne devrait pas l'empêcher de participer au marché. Nous devrions prendre des mesures pour permettre l'élimination de ces choses.
    La Loi sur le casier judiciaire est celle qui régit les pardons, et il y a eu de récentes décisions qui ont souligné que la capacité d'obtenir un pardon est déterminée par la date de l'infraction. Par conséquent, nous nous retrouverons maintenant avec une situation, selon la date à laquelle remonte votre infraction, où des règles différentes s'appliquent au titre de la Loi sur le casier judiciaire comparativement à ce que prévoit la version actuelle de la Loi.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ayoub.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos trois témoins de leur présence parmi nous.
     L'un des avantages qu'il y a à vivre dans un pays comme le Canada, c'est qu'il y a trois ordres de gouvernement. La collaboration entre les gouvernements représente toujours un défi, mais elle constitue aussi un très grand avantage.
    Le niveau fédéral étant ce qu'il est et les niveaux provinciaux et municipaux étant ce qu'ils sont, nos défis et nos avantages sont justement de pouvoir nous fier les uns aux autres et collaborer ensemble pour améliorer une législation. Le fédéral donne un encadrement, basé sur une vision pour pouvoir, dans le cas qui nous occupe, légiférer sur le cannabis. Lorsque cette nouvelle loi s'applique plus localement, l'autonomie du provincial est particulièrement importante.
    Monsieur Dickie, vous avez dit que l'Est canadien, l'Ouest canadien, l'Ontario et le Québec faisaient face à des défis différents. N'est-il pas vrai qu'ils peuvent légiférer selon la volonté de la province afin de bien ajuster cette législation relativement au nombre de plants, particulièrement pour les logements? Déjà, présentement, certains propriétaires de logements interdisent à leurs locataires d'avoir des animaux ou de fumer. Certaines Villes interdisent la possession de pitbulls. Il y a eu des débats incroyables au sujet des pitbulls au Québec, dernièrement.
    Il y a donc une autonomie municipale et une autonomie provinciale. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à cet égard. Croyez-vous que cette autonomie pourrait aider à régler des problèmes plus précis?
(0935)

[Traduction]

    Eh bien, j'ai l'impression que le gouvernement fédéral procède à la légalisation dans ce domaine, en partie en raison de sa compétence en droit pénal. Je comprends que, en ce qui a trait aux procédures criminelles, il y a des différences d'une province à l'autre, mais en ce qui a trait au droit pénal, il est en grande partie uniforme.
    Je crois qu'une certaine valeur tient à l'uniformité en ce qui a trait aux interdictions de base, en partie en raison du fait que les gens se déplacent beaucoup au sein du pays et, selon moi, il pourrait être contraignant pour quelqu'un qui fait pousser des plants dans une province où il a droit, par exemple, à huit plants, et qui accepte un emploi ailleurs où il a seulement le droit de faire pousser quatre plants de s'exposer à 14 ans d'emprisonnement s'il en fait pousser cinq, et ce, sans qu'il le sache. Selon moi, pour ce qui est des interdictions de base, il faut assurer l'uniformité.
    En ce qui concerne les procédures pour accorder un consentement ou contourner le besoin d'obtenir un tel consentement, par exemple, je crois qu'il pourrait s'agir d'un enjeu provincial, parce que ce l'est déjà. C'est un enjeu qui est déjà soulevé relativement à d'autres aspects du droit du logement.
    C'est la raison pour laquelle j'ai dit « C'est un cadre ». Il est possible d'en faire moins, mais on ne peut pas dépasser le maximum.
    Je vois.
    Eh bien, à cet égard ce pourrait être une solution partielle. De toute évidence, d'après ce que j'en comprends, les provinces, en vertu de leur pouvoir lié à la propriété civile et aux droits civils, pourraient en fait interdire la production à domicile. Ils pourraient interdire diverses formes de culture. On leur donne le pouvoir, selon moi, de réglementer le système de production et de distribution, et elles pourraient donc avoir le pouvoir d'imposer des règles plus restrictives.

[Français]

     Merci, monsieur Dickie.
    Monsieur Page, j'aimerais profiter de votre expertise en ce qui à trait la culture des plants de marijuana. En résumé, deux points de vue s'affrontent à cet égard.
     D'un côté, on ne veut pas réglementer le nombre de plants. On veut permettre la culture du cannabis de la même façon qu'on n'impose pas de limite au nombre de plants de tomates ou de tabac. Il n'y a pas de limite sur les quantités permises. On peut en cultiver du moment qu'on a un terrain ou une terre, peu importe l'endroit. De l'autre côté, on veut bannir complètement la culture individuelle du cannabis.
    N'y a-t-il pas un juste milieu? N'y a-t-il pas une solution mitoyenne où l'on permettrait la culture du cannabis? Est-il trop compliqué de légiférer sur la hauteur? Ce sont des détails assez complexes à gérer. Gérer la culture du cannabis comporte une certaine complexité, je dois le reconnaître.
    Comment cela se passe-t-il entre ces deux extrêmes? J'aimerais avoir votre opinion.

[Traduction]

    Je crois vraiment qu'on peut trouver un juste équilibre entre l'absence totale de règles, du genre: « vous pouvez planter 10 acres de cannabis, si vous voulez », et des limites très restrictives. Là où j'essayais d'en venir, avant, c'est que j'étais d'accord pour dire qu'il fallait imposer certaines limites en ce qui a trait au nombre de plants cultivés aux fins de consommation personnelle. De telles limites sont appropriées. Il y en a, par exemple, dans des États américains, comme le Colorado et l'Oregon, où le cannabis est déjà légalisé. On parle souvent de six plants, pas quatre.
    Là où je voulais en venir, j'imagine, c'est qu'il faut imposer une limite qui tient aussi compte des réalités de la culture du cannabis, et à l'idée qu'on pourrait imposer une limite au nombre de plants en floraison, qui sont les plants qui produisent vraiment la drogue. Si on parlait de quatre plants en floraison, je crois que je serais d'accord. Il faudrait prévoir une certaine marge de manoeuvre afin qu'on puisse avoir ces quatre ou six plants supplémentaires à l'état végétatif, pas à l'état floral.
(0940)
    Je veux poser une autre question et je n'ai pas beaucoup de temps.
    Est-il facile de cultiver du cannabis? Je n'ai jamais fait pousser de cannabis chez moi. Est-ce aussi facile que les tomates?
    Oui, c'est aussi facile que les tomates, même si beaucoup de producteurs rendent le processus beaucoup plus complexe en raison des boutures, de la production hydroponique et de toutes ces choses.
    De façon générale, c'est comme une mauvaise herbe. Le cannabis pousse facilement.
    Il pousse comme ça.
    Là où je voulais en venir, cependant, c'était ma recommandation sur la taille des plants: c'est quelque chose qui est difficile à réglementer. La plante croît. Il faut limiter le nombre de plants et, peut-être, le nombre de plants en floraison, mais, après ça, il ne faudrait pas faire intervenir la notion selon laquelle, arrivé à 100 centimètres, c'est soudainement illégal.
    De quelle façon pourrait-on le réglementer? Y a-t-il une façon de le faire?
    Comme votre collègue l'a déjà demandé, pourriez-vous augmenter la limite à 150 centimètres ou 200 centimètres et inclure une grande partie des types de plants qu'on fait habituellement pousser, ce qui ferait en sorte que les Canadiens ne contreviendraient pas à la loi si leur plant a grandi, pour ainsi dire, passé la limite?
    Ce que je dirais, c'est que les policiers ont sur eux des armes à feu, des menottes et toutes sortes d'autres choses du genre. Doivent-ils aussi avoir des rubans à mesurer? C'est un peu là où on s'en va avec les 100 centimètres. Limitons-nous à compter le nombre de plants, et ne nous en faisons pas avec leur hauteur.
    Merci.
    Le temps est écoulé. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à des tours de cinq minutes.
    Monsieur Webber.
    Nous allons passer à M. Carrie. J'interviendrai la prochaine fois.
    Monsieur Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Encore une fois, vous êtes des témoins fascinants. J'aurais aimé avoir plus de temps. J'ai beaucoup de questions à vous poser.
    Il y a beaucoup de choses sur lesquelles nous nous sommes entendus, selon moi, avec certains des témoins que nous avons rencontrés, mais la culture à domicile est l'une des questions sur lesquelles il n'y a pas beaucoup de consensus. Je crois qu'il est important de souligner que le cannabis est différent des tomates. On ne parle pas d'aloès; ni d'oeillets ni de roses. Selon l'AMC et la Société canadienne de pédiatrie, c'est une plante potentiellement dangereuse, surtout pour nos jeunes.
    Comme vous, maître Dickie, j'ai vu quelqu'un de qui j'étais proche devenir schizophrène et avoir toute sa vie des problèmes psychologiques qui ont été attribués à la consommation de cannabis. J'aimerais qu'on parle de mes électeurs, qui me parlent et que j'écoute et qui ont des préoccupations à ce sujet. J'ai surtout parlé à des particuliers et à des propriétaires de petites entreprises — ce que les libéraux appellent les fraudeurs fiscaux —, mais une femme est venue me voir et m'a dit qu'elle était une ancienne consommatrice. Elle m'a dit qu'elle avait une dépendance à la marijuana et qu'il lui a fallu de nombreuses années pour s'en sortir. Elle vit dans un appartement, un vieux bâtiment, et elle est préoccupée par l'odeur. Elle est préoccupée par l'impact que cela aura sur elle. C'est une situation extrêmement difficile parce que, maintenant que le gouvernement légalise le cannabis, il faut composer avec les droits d'un groupe, les consommateurs récréatifs, et les droits des autres, les propriétaires et les voisins pouvant vivre dans les appartements.
    Maître Dickie, pouvez-vous nous donner un exemple? De quelle façon les gouvernements vont-ils gérer les intérêts contradictoires et les droits d'un groupe et ceux de l'autre groupe? En outre, de quelle façon les choses se sont-elles passées historiquement?
    Habituellement, on utilise le critère d'une entrave majeure à la jouissance raisonnable. Il doit y avoir non seulement une entrave à la jouissance de l'autre personne, mais une entrave majeure. Les problèmes médicaux respecteront le premier critère. Si quelqu'un est asthmatique, que quelqu'un est touché, ou quelqu'un tousse lorsqu'il sent de la fumée, ce genre de choses. Puis, il y a la question de la jouissance raisonnable. En d'autres mots, disons qu'une personne joue du piano très fort à 19 heures ou qu'elle joue de la cornemuse, Dieu nous en protège, même si je suis Écossais, du moins par héritage, alors tout le monde doit aimer la cornemuse... Je suis désolé, je vais revenir à l'exemple du piano, parce que la cornemuse constituerait probablement une entrave importante, mais dans le cas du piano, si quelqu'un veut dormir à 19 heures, eh bien, tant pis. Les gens ont le droit de jouer du piano à 19 heures, mais ils n'ont pas le droit de jouer du piano après 23 heures. Et maintenant, pour la fumée, ce n'est pas aussi facile, parce qu'on ne veut pas s'adapter à la fumée. On ne peut pas séparer les intérêts en fonction de l'heure du jour. Ce qui se produit habituellement, à l'heure actuelle, c'est que les fumeurs doivent prendre des mesures pour réduire au minimum l'entrave. Ce peut être de fumer sur le balcon. Ce peut être de fumer du côté de l'appartement qui est loin de la personne qui a le problème. Il peut être simplement question d'utiliser un ventilateur pour pousser la fumée à l'extérieur par une fenêtre.
(0945)
    Pour une ancienne toxicomane, par exemple, ce serait à elle, alors, de prendre des mesures. Si un de ses voisins fait pousser de la marijuana et que l'odeur suscite quelque chose en elle... elle craignait vraiment de retomber — c'est ce qu'elle a dit — dans sa dépendance.
    Oui. Elle pourrait assurément régler le problème d'elle-même, mais il faut une certaine force de caractère pour y arriver. Elle peut, je crois, dans la plupart des provinces, se tourner vers le propriétaire et dire: « Regardez, ce que fait le voisin a un impact sur moi, pouvez-vous s'il vous plaît faire quelque chose? »
    On peut aller voir le propriétaire...
    Mais c'est là que se pose la question de savoir si le propriétaire a le droit, parce que n'oubliez pas que 90 % — et, en fait, c'est même 99 % actuellement — des baux n'empêchent pas les locataires de fumer ou de cultiver de la marijuana. Ce n'était pas nécessaire de le prévoir, parce que la loi l'interdisait.
    Oui.
    Effectivement, le cadre juridique actuel se retrouvera sens dessus dessous. Graduellement, les propriétaires pourront rétablir la situation grâce à une interdiction dans les baux, mais, encore une fois, en Ontario, et, de façon générale, au Québec, on ne peut pas imposer une nouvelle condition de bail à un locataire. Il y aura donc un grand nombre de baux bénéficiant d'une clause de droit acquis dans le cadre desquels les propriétaires n'auront aucun droit au titre des baux.
    Encore une fois, certains de mes électeurs sont des personnes à la retraite qui louent des appartements. Prévoyez-vous alors que des propriétaires se retrouveront avec d'immenses factures pour régler ces conflits? Je sais que l'Ontario vient de présenter son plan, et beaucoup de personnes pensaient que les propriétaires pouvaient simplement interdire la culture de la marijuana dans les baux. Ce que vous avez dit, c'est que, pour certains baux bénéficiant d'une clause de droit acquis, ce sera très problématique pour certaines personnes. D'après ce que vous en savez, l'Ontario a-t-il prévu quelque chose dans son plan, quelque chose qui aidera à régler ces enjeux liés à la culture à domicile?
    Pour ce qui est de la deuxième question, non. Je ne crois pas que l'Ontario s'est penché sur cette question non plus. Les gens n'ont pas tendance à faire une distinction entre les logements locatifs, où il y a d'autres intérêts contradictoires, et les maisons unifamiliales. Pour ce qui est de la première question, la question des dommages, oui, Ottawa, par exemple, a un règlement administratif sur la remise en état des bâtiments ayant servi à la culture de la marijuana, et ce règlement ne contient pas de critères.
    Toute activité de culture pourrait entraîner la préparation d'un rapport des services de police à l'intention de la ville, ce qui pourrait ensuite pousser la ville à aller voir le propriétaire pour dire: « il y avait des activités de culture de la marijuana dans votre unité ou un appartement qui vous appartient. Pouvez-vous prouver qu'il n'y a pas eu de dommage? » On peut espérer que le service de police ne le ferait pas pour 6, 8, 10 ou 12 plants ou peu importe. Cependant, si le service de police décide de procéder ainsi, alors ce propriétaire devra essentiellement s'attendre à débourser 10 000 $ pour produire des rapports d'experts ingénieurs et d'experts en contrôle de la qualité et en sécurité électrique pour prouver que l'unité n'a pas été endommagée. De plus, ils figureront sur le registre, ce qui pourrait réduire de 10 000 à 20 000 $ la valeur de l'habitation.
    Par conséquent, les propriétaires de petites entreprises seront probablement ceux qui seront le plus négativement touchés par ces changements législatifs? Est-ce ce que vous dites?
    Absolument.
    Ces « fraudeurs fiscaux », devrais-je dire. Il faut que ces choses soient bien claires.
    Votre temps est écoulé.
    Madame Sidhu.
    Merci, monsieur le président.
    Hier, nous avons entendu dire que la culture à domicile fera en sorte qu'il serait plus facile d'avoir accès à du cannabis.
    Monsieur Page, pouvez-vous nous expliquer ce qui peut arriver si des enfants ou des jeunes mangent des feuilles d'un plant de cannabis?
    C'est une bonne question.
    Les feuilles du plant de cannabis ne sont habituellement pas consommées par quelqu'un qui veut avoir un effet. C'est la fleur qui est riche en THC et qui contient beaucoup d'autres cannabinoïdes. La raison pour laquelle les gens qui veulent obtenir un effet ne les consomment pas, c'est que les feuilles contiennent de très faibles niveaux de cannabinoïdes. Par conséquent, la feuille de cannabis, l'image classique qu'on voit sur les t-shirts des gens et des choses du genre, ne contient pas beaucoup de THC ni de CBD, le cannabidiol.
    Pour ce qui est de l'impact sur les enfants — et je suis un phytologue, pas un médecin — je m'avance un peu, mais, uniquement à la lumière de la chimie de la plante, si des enfants mangent des feuilles d'un plant de cannabis ou un petit plant de cannabis, il y aura peu de cannabinoïdes dans leur système pouvant avoir un effet sur eux.
    Toutefois, si le plant est en floraison et que les jeunes consomment les sections riches en THC ou en CBD, ils en recevraient une dose. Il s'agit d'une question un peu technique, ici. Le plant, en fait, ne produit pas de THC. Il crée une forme acide du THC. Par conséquent, la plante produit du tétrahydrocannabinol sous forme acide, et il faut en fait le chauffer pour produire du THC, et c'est la raison pour laquelle il faut fumer un joint ou faire cuire un brownie ou quelque chose d'autre.
    Si un enfant devait manger un bourgeon cru de cannabis, il consommerait surtout les cannabinoïdes sous forme acide, une forme qui n'est pas psychoactive. La plante crue ne peut pas produire un effet. Il faut la cuire ou la chauffer ou encore la fumer pour cela.
(0950)
    Merci.
    Actuellement, le marché illégal est contrôlé à 100 % par des criminels, et on estime que le crime organisé en tire chaque année des revenus de 7 milliards de dollars. De plus, le cannabis qui est vendu aujourd'hui n'est pas réglementé, pas testé et, souvent, il n'est pas sécuritaire. En quoi le fait de permettre la culture à domicile permet-il de lutter contre ce marché illégal? Pouvez-vous nous l'expliquer?
    C'est une question que je pose à Me Conroy ou aux deux.
    En quoi la culture à domicile a permis d'éliminer le marché noir?
    Oui.
    Eh bien, c'est parce que les gens font pousser les plants eux-mêmes plutôt qu'être les consommateurs de la production de quelqu'un d'autre. On élimine le marché. Ces personnes n'achètent pas quoi que ce soit sur le marché. C'est la raison pour laquelle les points de vente sont ce qu'il y a de plus important pour réduire le marché noir, parce que la plupart des gens ne veulent pas faire pousser eux-mêmes leur cannabis. Cependant, la culture à domicile permettra de réduire la demande. En ce qui concerne le tabac, par exemple, au titre de la Loi réglementant les produits du tabac, une personne peut faire pousser 15 kilogrammes de tabac chez elle pour quiconque est âgé de 18 ans et plus. Il n'y a plus de demande pour du tabac illégal, d'après ce que j'en sais. En tout cas, je n'ai jamais vu personne être accusé de cela dans ma carrière. C'est la même chose avec l'alcool. Vous pouvez produire autant de bière, de vin et de spiritueux que vous voulez. Vous pouvez en donner à vos voisins, mais vous ne pouvez pas le vendre. Il y a longtemps, il y avait des contrebandiers d'alcool et des alambics illégaux — par exemple — en tout cas, il y en avait dans la région où je vis —, et ce n'est plus quelque chose qu'on voit beaucoup de nos jours.
    Selon moi, inonder le marché est ce qu'il faut faire afin de pouvoir le réglementer et le contrôler. Nous avons la Loi sur le tabac et la réglementation connexe au titre de cette loi. Il y aura probablement une loi et une réglementation fédérales en matière de cannabis, et on peut aussi s'attendre à ce qu'il y ait des lois et des règlements provinciaux sur le cannabis. Je dirais donc, comme M. Page l'a dit, si je ne m'abuse, que bon nombre de ces problèmes peuvent être réglés grâce à ces règlements sans qu'on ait besoin de dire à l'échelon fédéral qu'il faut s'en tenir à quatre plants de 100 centimètres de haut. On peut laisser les agents fédéraux, comme on le fait pour le tabac et l'alcool, contrôler la fabrication, mais on peut laisser le contrôle des menus détails dans ces règlements, et particulièrement au niveau des provinces. L'ingéniosité humaine étant ce qu'elle est — ce qui garde certains avocats comme moi occupés —, les gens trouveront des moyens de contourner ce que vous mettrez en place. Vous devez prévoir que ce genre de choses se produira, mais, comme je l'ai dit, essayez de créer l'occasion pour qu'on puisse le faire d'une façon qui, espérons-le, n'aura pas d'impact sur les autres.
    Monsieur Webber.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être là aujourd'hui.
    Monsieur Page, j'ai votre mémoire présenté au Comité, ici, et je l'ai trouvé très intéressant. Vous avez parlé de considérations environnementales liées à la culture à l'intérieur:
Les statistiques sont renversantes. Selon un rapport publié par le Northwest Power and Conservation Council en Oregon (où la consommation de marijuana à des fins récréatives est légale depuis 2014), un système de culture à l'intérieur de seulement quatre plants consomme autant d'énergie que 29 réfrigérateurs.
    Vous dites:
Les données relatives aux émissions de carbone causées par cette consommation d'énergie sont elles aussi renversantes. On estime que, en moyenne, un kilogramme de produit final génère 4 600 kg d'émissions de CO2. Si l'on examine la situation sous un autre angle, la culture à l'intérieur d'un plant moyen consomme une quantité d'énergie équivalente à celle produite par 265 litres de pétrole. Du point de vue des consommateurs, un seul joint de marijuana représente environ 4,6 kg d'émissions de CO2 ou la quantité d'électricité requise pour alimenter une ampoule de 100 watts pendant 75 heures.

En plus des coûts environnementaux et économiques liés à la culture à l'intérieur, qui exige beaucoup d'énergie, la légalisation de la marijuana a également imposé des contraintes à certaines entreprises de services publics et certains réseaux locaux dans les États américains où la marijuana a été légalisée.
    Il est évident, selon moi, que la culture de quatre plants — ou peu importe le nombre de plants — dans une maison, a une incidence importante sur l'environnement, mais vous proposez tout de même qu'on permette la culture de plus de quatre plants, limite qui est proposée dans le projet de loi. Est-ce parce que vous n'êtes pas préoccupé par l'environnement ou simplement parce que vous croyez que nous avons le droit de faire pousser plus de plants?
(0955)
    Non, je crois que, en général, là où le mémoire veut en venir, c'est principalement à la production commerciale à grande échelle, qui, actuellement, sous le régime du cannabis thérapeutique, permet la production à l'intérieur et en serre, mais pas la production à l'extérieur. L'idée, c'est que la production personnelle — quatre ou 10 plants, peu importe ce qui est prévu pour la consommation personnelle — pourrait aussi inclure la production à l'extérieur. Dans le cas des appartements, il pourrait s'agir de la culture sur un balcon, auquel cas il faudrait faire un contrôle minutieux pour s'assurer que les plants ne sont pas exposés aux yeux de tous. Au sein de l'industrie commerciale à grande échelle, comme on le voit actuellement dans le cas du cannabis thérapeutique, et ce sera la même chose pour le cannabis récréatif, il pourrait aussi y avoir des installations sécurisées munies de clôtures appropriées, de caméras et de systèmes d'alarme pour permettre une production à l'extérieur. Ce sera une des possibilités qui s'offriront aux producteurs afin de favoriser une industrie plus durable.
    Puisque nous parlons de culture personnelle, ici, je dirais, j'imagine que la réglementation pourrait encourager la production extérieure, éventuellement pour réduire l'empreinte carbone.
    D'accord, merci.
    Je comprends, en raison des effets, ici, pourquoi M. Dickie et son association sont préoccupés par la culture de plants à l'intérieur par leurs locataires et les coûts pour l'environnement.
    Monsieur Dickie, je suis propriétaire d'un condominium, à Edmonton. J'ai vécu là pendant un certain nombre d'années dans le passé, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. J'ai dû composer avec un voisin dans un gratte-ciel qui prenait son premier joint le matin et son dernier du soir, avant de se coucher. J'ai dû composer avec la fumée secondaire qui entrait dans mon appartement. C'était frustrant. J'en ai parlé au propriétaire. Il a indiqué que la personne consommait à des fins thérapeutiques et possédait les documents juridiques indiquant le droit de faire pousser des plants et de fumer et qu'il n'y avait donc pas grand-chose que je pouvais faire, à part essayer de vendre mon condo.
    Il est en vente, maintenant, et si quelqu'un cherche un condo à Edmonton, venez me parler.
    Avec la fumée secondaire en prime en tant qu'avantage.
    Oui, exactement. Je comprends bien vos préoccupations et celles de votre association.
    Maintenant que le gouvernement va de l'avant et permet la consommation de marijuana à des fins récréatives, je prévois qu'il y aura de plus en plus d'appartements et de plus en plus de personnes comme moi qui doivent composer avec de plus en plus de fumée secondaire de leur voisin dans les immeubles collectifs.
    Oui, c'est assurément une situation préoccupante.
    Une des suggestions que nous formulons aujourd'hui, c'est d'essayer de trouver un compromis qui exigerait le consentement du propriétaire, et il y aurait différents niveaux — ce serait aux provinces de choisir — de capacité de refuser ou non le consentement. On pourrait ainsi tenir compte des caractéristiques de sécurité des bâtiments. Une telle mesure permettrait un marché diversifié, une offre diversifiée d'appartements, certains bâtiments permettant la consommation de cannabis, ce qui fait en sorte que, si une personne le loue, elle saura qu'il pourrait y avoir un peu de fumée secondaire, mais qu'elle peut elle-même consommer, et d'autres endroits où il n'y aurait pas de fumée secondaire et où on ne pourrait pas fumer de cannabis.
    Les consommateurs à des fins thérapeutiques doivent choisir la première option, et ce serait donc une façon de régler le problème, en créant ces deux secteurs au sein du marché. Il y aurait probablement un entre-deux, et quelques personnes pourraient en consommer à l'occasion sans qu'on monte dans les rideaux. Cependant, il est évident qu'il y a beaucoup, beaucoup de personnes qui louent des appartements et qui ne veulent pas de fumée secondaire du tabac et de la marijuana, en plus de tous les autres enjeux liés à la sécurité incendie et à l'humidité, pour ne nommer que ceux-là.
    M. Len Webber: Oui, c'est intéressant.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Oliver.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup de vos témoignages aujourd'hui.
    Un des objectifs du projet de loi en est un de santé publique et vise à s'assurer que le cannabis est produit d'une façon sécuritaire et sans contaminant dans une installation de production autorisée. Certains témoins nous ont dit que le fait de cultiver la marijuana à la maison réintroduit en quelques sortes ces risques.
    Je suis curieux, et je veux vous poser la question fondamentale suivante: peut-on cultiver du cannabis sécuritairement à la maison? Y a-t-il des risques généraux accrus qu'il y ait un contaminant qui sera néfaste pour la santé des gens et que, dans le cadre de cette visée liée à la sécurité publique, nous devrions prendre en considération dans le projet de loi en ce qui a trait à la sensibilisation du public ou aux messages qu'on communique aux gens?
(1000)
    Je crois vraiment que les gens peuvent faire pousser du cannabis en toute sécurité à la maison. Il n'y a rien d'inhérent à la production à la maison qui entraîne un problème, que ce soit la contamination par la moisissure ou quelque chose d'autre, comparativement, disons, aux méthodes utilisées par les producteurs autorisés. Bien sûr, ce sont des professionnels, et on peut présumer que les personnes qui cultivent à la maison le font davantage en amateur, dans leurs temps libres, mais certains le font très bien.
    L'un des sujets dont nous n'avons pas obtenu de bonnes données statistiques, c'est l'analyse du contrôle de la qualité de la culture à la maison sous le régime médical, alors je ne peux pas vous fournir de statistiques affirmant que, par exemple, seulement 2 % de la production à domicile contenait des signes de moisissure ou de quelque chose d'autre. Nous n'avons pas ces chiffres. Cependant, il n'y a rien qui indique qu'il y a des problèmes inhérents, que ce soit dans le cadre d'une culture à l'extérieur, dans la cour, ou à l'intérieur, dans un garage ou un sous-sol.
    Cela dit, il y a eu des indications de préoccupations concernant des choses comme le chauffage et le câblage et, comme M. Conroy l'a dit, je crois que ces préoccupations ont été rejetées dans l'affaire Allard. Dans l'un et l'autre des aspects, la plante en tant que telle et le genre d'infrastructures nécessaires, nous n'avons pas beaucoup de renseignements permettant de dire que la culture à la maison est absolument néfaste et que les gens ne devraient pas le faire, du point de vue de la sécurité publique.
    Merci.
    Je suis sur Google. Quatre plants de marijuana sous une lampe HPS de 60 watts, peu importe ce dont il s'agit, produiront environ 150 grammes par plant, ou environ 600 grammes pour les quatre plants.
    Beaucoup de témoins nous ont dit être préoccupés par le risque d'exposition accru des enfants, des jeunes, à la marijuana en raison des plantes cultivées à la maison. Encore une fois, un des objectifs du projet de loi est de réduire l'accès à la marijuana pour les jeunes Canadiens.
    Avez-vous des opinions à ce sujet? Je vous ai entendu dire que, lorsque la plante pousse, si on ne la chauffe pas ou qu'on n'y fait pas quelque chose, elle ne produit pas vraiment des composantes du THC, mais une fois qu'elle est séchée et qu'on en tire environ 600 grammes qu'on conserve quelque part, dans des pots... quelles sont vos impressions sur l'exposition des enfants à la maison?
    Être dans la même pièce qu'un pot de cannabis, de toute évidence, ne signifie pas qu'il y a du THC dans l'air. Les enfants — et j'imagine que je les définirais comme ceux âgés de moins de 13 ans — ne fument rien. Ça ne les intéresse pas. Lorsqu'ils deviendront adolescents, ce peut devenir un problème.
    Ce n'est pas quelque chose qu'on a le goût de se mettre dans la bouche. Les bambins ne vont pas se mettre la main dans le pot de cannabis séché pour commencer à en manger. C'est collant. Ça pue. Le goût est mauvais. C'est sec et croustillant. Ce n'est pas comme un biscuit ou je ne sais quoi, qui pourrait être plus attirant, alors je ne crois pas que ce soit un grave problème.
    Il semble quand même plus difficile pour un parent de contrôler 600 grammes de produit sec que 30 grammes de produit sec, pour ce qui est de s'assurer que personne n'y ait accès. Il semble qu'il y aura une plus grande quantité de cannabis à la maison lorsque les gens en feront pousser à domicile.
    Oui, mais je crois qu'un entreposage sécurisé, ça reste un entreposage sécurisé, et 600 grammes, ce n'est pas non plus comme une balle de foin, si je peux m'exprimer ainsi. Ça reste une plus petite quantité qu'on peut placer dans un endroit verrouillé, comme les 30 grammes. J'ai des enfants à la maison âgés de 9 et 13 ans alors je pense à ces choses aussi.
    D'accord.
    Il y a des gens qui le font maintenant depuis 12 ou 13 ans, et personne n'est mort.
    En ce qui concerne la recommandation, monsieur Dickie, je suis un peu préoccupé par le fait qu'il y ait des interdictions dans les logements loués. Je ne suis pas sûr, mais je soupçonne que certains des groupes les plus vulnérables sont des locataires, pas des propriétaires. On les oblige un peu ainsi à se tourner vers le marché, plutôt que de pouvoir cultiver chez eux. Si le projet de loi le permet, est-ce que les cadres régissant les relations entre propriétaire et locataire permettront la culture collective dans une zone d'entreposage, par exemple, dans les immeubles à appartement? Je ne sais pas si le projet de loi le permet actuellement, mais ce serait une façon de dissiper les préoccupations liées au fait que chaque appartement pourrait contenir quatre plants et générer les odeurs qui viennent avec?
(1005)
    Oui, ce serait une amélioration qu'on pourrait apporter.
    Encore une fois, ce serait une façon de répondre à la demande, en... Il est évident que les propriétaires sont dans ce domaine. Nous fournissons des logements aux gens, et nous le faisons de façon très économique. Cependant, le facteur de motivation, franchement, c'est de faire de l'argent. Si les consommateurs veulent pouvoir cultiver des plants et que le propriétaire a de l'espace non utilisé au sous-sol ou qu'il peut faire installer une clôture à mailles losangées autour du terrain, à l'extérieur, dans de nombreuses régions du Canada, alors ce serait une façon de permettre la culture dans l'immeuble sans que les locataires le fassent directement dans leur appartement en dérangeant leurs voisins.
    Encore une fois, c'est une question qui a été soulevée aujourd'hui. M. Conroy m'en a parlé avant le début de la réunion. Oui, j'aime bien l'idée.
    Votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant passer à une série de trois minutes et à M. Davies.
    Merci.
    Monsieur Page, ma recherche indique qu'il y a trois souches de base de marijuana: indica, sativa et ruderalis, ou hybride.
    Fait intéressant, sativa est la souche qui produit des plants hauts et minces. Indica est le type qui a tendance à être plus court et plus fourni. Ma recherche indique que la souche indica, celle qui produit des plants plus touffus, produit plus que la souche sativa, laquelle produit des plants hauts et minces. Ironiquement, on dirait que, en imposant la limite de 100 centimètres aux plants, nous choisissons en fait le type de plants qui produira plus, en fonction d'une notion arbitraire de hauteur, comparativement à la plante de souche indica, qui produit des plants plus grands, mais qui produisent moins. Est-ce que quelque chose m'échappe, ici?
    Je n'avais pas pensé de cette façon. Oui, en général, comme je l'ai mentionné déjà, la science n'a pas encore pris de décision définitive sur la distinction indica-sativa, et à la façon dont la souche influe sur les plants. En général, oui, le type de plants sativa, qui est plus grand, plus mince et qui a des fleurs à pollinisation ouverte produit une récolte moins puissante que le type indica, dont le plant est dense, court et à larges feuilles.
    Il semble y avoir un lien assez clair entre la hauteur et la production. Je parle uniquement de production.
    Oui, et la souche indica — qui produit des plants courts et touffus — est l'épine dorsale de l'industrie commerciale du cannabis, légale ou autre. Alors oui, en appliquant une limite de hauteur, on permettra possiblement de meilleurs rendements dans ce domaine que les plants plus grands, même si on peut aussi obtenir des types de plants indica à rendement élevé.
    J'ai trouvé votre témoignage sur l'enjeu de la recherche très intéressant. Nous limitons la culture à la maison à quatre plants. J'ai compris dans votre témoignage que, selon vous, on devrait permettre plus de plants, peut-être 10. Puis, il y a la question des producteurs qui présenteront des demandes pour obtenir un permis, j'imagine pour une culture commerciale. Cependant, en ce qui a trait aux chercheurs et aux universités qui voudront peut-être cultiver des plants à des fins de recherche et à des fins expérimentales, suggéreriez-vous qu'on modifie le projet de loi pour inclure un article plus clair à ce sujet, de façon à s'assurer que les chercheurs ont vraiment le droit de faire pousser le genre de cannabis dont ils ont besoin pour faire toutes les recherches qu'ils veulent réaliser?
    Oui, un ajout au projet de loi serait bénéfique. Certaines de ces choses ont été traitées dans la réglementation. Actuellement, au titre du Règlement sur les stupéfiants, les permis et les exemptions pour la recherche sont définis, mais le fait est que nous n'avons tout simplement pas accès aux recherches dont nous avons besoin. M. Mark Ware a indiqué la même chose pour ce qui est des études cliniques.
    Le fait d'intégrer dans le projet de loi et de dire très clairement dans la Loi que l'accès à des plants de cannabis, que ce soit du côté de la phytologie ou des constituants à des fins de recherche ou d'essais, est nécessaire. Je suis d'accord: le projet devrait être modifié, et ce serait bénéfique.
    Le mot de la fin est à vous, maître Conroy. Voulez-vous ajouter quelque chose?
    Il n'y a pas assez de temps pour ce que j'ai à dire.
    Comme je l'ai déjà demandé, où sont les cadavres? Après toutes ces années, nous n'avons aucun des problèmes soulevés par tant de personnes. Les producteurs de cannabis thérapeutique sont nombreux depuis longtemps maintenant. Nous avons réussi à résoudre certains problèmes au fur et à mesure, et c'est ce que nous allons devoir faire dans ce cas.
    Évidemment, la loi n'aborde pas tous les problèmes, et vous avez des préoccupations au sujet des sources pour les jeunes de 12 à 17 ans, mais je suis entièrement d'accord avec vous; c'est ce qu'il faut faire pour éviter qu'ils soient stigmatisés pour le reste de leur vie en raison du cannabis.
    Si l'on regarde la situation dans son ensemble et toutes les personnes qui ont été touchées au fil des ans, il est bien normal d'avoir certaines inquiétudes, mais ces problèmes ne sont pas fréquents dans la vraie vie. Nous avons réussi à y faire face, et je crois que nous pourrons le faire à l'avenir.
(1010)
    La série de questions officielle est maintenant terminée, mais il nous reste 20 minutes. Nous avons le temps d'une série de questions de cinq minutes, si le Comité le désire. Est-ce que le Comité veut procéder ainsi? D'accord. Nous reprendrons avec quatre questions de cinq minutes, et nous commençons avec les libéraux. Y a-t-il un membre du Parti libéral qui est prêt pour les questions? C'est bon pour tout le monde? D'accord.
    Passons maintenant aux conservateurs et à Mme Gladu.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai quelques questions. J'ai la même inquiétude que M. Oliver à propos de la possibilité qu'un cultivateur à domicile ait 600 grammes de marijuana en sa possession. Je ne suis pas inquiète que les enfants en mangent. Ce qui m'inquiète, particulièrement avec les jeunes de 12 à 17 ans, c'est qu'ils tentent de faire sécher le produit, de le rouler et de le fumer.
    Je ne vois dans le projet de loi C-45 aucune disposition sur l'entreposage en lieu sûr. Monsieur Page, existe-t-il des pratiques exemplaires ou avez-vous des recommandations quant à l'entreposage afin que la production soit hors de la portée des enfants?
    Un des éléments de l'expérience à laquelle M. Conroy faisait allusion relativement au cannabis médical est le fait que les personnes qui reçoivent du cannabis ou qui elles-mêmes le produisent peuvent l'entreposer dans des boîtes verrouillées ou d'autres types de petits coffres-forts qu'elles gardent chez elles. Évidemment, vu l'épidémie de surdoses d'opioïdes dont nous entendons souvent parler, les ménages se sont assurés que les adolescents ne peuvent pas accéder aux médicaments gardés chez eux. C'est la même chose pour l'entreposage de l'alcool dans nos maisons; il faut qu'il y ait un certain contrôle. Je crois que la situation du cannabis est très semblable à celle des deux autres problèmes que nous avons déjà abordés. Je crois qu'il revient à chaque famille de veiller à la sécurité en fonction de l'âge des enfants. Bien sûr, une pratique exemplaire serait d'entreposer le tout dans un petit coffre-fort à combinaison ou à clé et d'avoir des emballages protège-enfant.
    Outre la culture personnelle, il est évident que si les échantillons sont envoyés par la LCBO ou un producteur en ligne, par exemple, dans des contenants semblables à ceux utilisés pour les pilules, un adolescent peut ouvrir l'emballage, mais pas un jeune enfant.
    Ma deuxième question s'adresse à M. Conroy. Je me demande combien de temps il faudra aux provinces pour adopter une loi. Il a été soulevé aujourd'hui que, en Ontario et au Québec, les propriétaires n'auront pas le droit d'empêcher quelqu'un de cultiver de la marijuana ou d'en fumer chez lui, si les provinces n'adoptent aucune loi à cet égard.
    Dans le même ordre d'idées, si nous voulons nous assurer qu'il existe un règlement qui indiquera où il est autorisé ou non autorisé de consommer du cannabis comme dans le cas du tabagisme, dans combien de temps pensez-vous que les provinces réussiront à mettre un tel règlement en place, si elles y travaillent dès aujourd'hui?
    Cela ne devrait pas leur prendre beaucoup de temps. Malheureusement, le processus bureaucratique associé à l'adoption d'un règlement... il n'est pas nécessaire de passer par le pouvoir législatif ou le Parlement pour une réglementation. Je n'arrive jamais à savoir combien de temps il leur faut. Nous les entendons toujours dire qu'ils ne sont pas prêts et qu'ils ont besoin de plus de temps. Les provinces ont dit que le gouvernement fédéral doit leur en dire davantage sur la sécurité routière. Je sais que, la semaine prochaine, vous allez discuter de la conduite avec facultés affaiblies. Pour ce qui est de la taxation, les taxes sur le tabac et l'alcool, la TVH et la TPS sont de bons exemples, alors je ne comprends pas où est le problème.
    C'est la formation des distributeurs, dit-on. Eh bien, nous avons déjà des distributeurs qui savent quoi faire, et c'est pourquoi nous devons les inclure et réglementer le marché existant au lieu de tenter de le réinventer.
    L'autre problème soulevé par les provinces tient à l'éducation du public. Comme je l'ai déjà mentionné, il y a plus d'information sur le cannabis que sur toute autre drogue, compte tenu des commissions royales d'enquête, entre autres, et de la jurisprudence accumulée. Dans les décisions R. c. Malmo-Levine et R. c. Caine, la Cour suprême du Canada a examiné la jurisprudence découlant de trois décisions qui se sont rendues jusqu'aux instances supérieures; après les témoins experts, comme ceux que vous avez entendus, l'interrogatoire et le contre-interrogatoire, les juges ont constaté les faits et ils ont confirmé notamment que la marijuana ne crée pas de dépendance. Cela est attribuable à la définition scientifique...
(1015)
    Je crois que j'ai votre réponse à propos du temps nécessaire. Ce sera très long.
    Mais cela ne devrait pas prendre beaucoup de temps. Le problème, c'est le processus, et non pas le sujet comme tel.
    Très bien. C'est tout pour moi, merci.
    Monsieur Davies.
    Monsieur Page, j'aimerais savoir à quoi pourrait ressembler, selon vous, une politique sur la production dans un monde idéal. Certaines personnes craignent que la production devienne l'affaire de ce que l'on appelle « géants de l'herbe » ou les grands cultivateurs industriels; ils veulent qu'il y ait une place pour les petits cultivateurs, les cultivateurs de proximité et les cultivateurs artisanaux par analogie avec le phénomène des microbrasseries. Vous avez mené beaucoup de recherches sur les variétés et les cultivars de cannabis, alors j'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.
    D'après l'information qui découle du système thérapeutique actuel, nous comptons parmi les producteurs autorisés de très grandes entreprises ainsi que de petites entreprises familiales. On a l'impression que les acteurs du marché noir, qui comprend de nombreux petits cultivateurs en Colombie-Britannique et ailleurs, ont été exclus. En fait, ceux-ci n'ont pas les moyens de respecter les normes de sécurité ou ils ont des problèmes juridiques qui les empêchent d'obtenir un permis. De plus, les retards liés à l'octroi de permis ont fait en sorte que les grands producteurs ont pu investir largement dans la construction de nouvelles installations.
    Ce que nous devons faire sur le plan commercial, outre la culture personnelle dont il est question ici, c'est de mettre sur pied un système similaire à celui de la production de bière ou de vin, qui réglemente de façon égale les grands joueurs, comme Molson, et les petits producteurs; ils doivent tous respecter les mêmes normes en matière d'échantillonnage et de sécurité. Il est important que les règlements et les lois encouragent les petits producteurs à se joindre à l'industrie, et pour ce faire, il faut éviter que les coûts de démarrage soient trop élevés et que les règles soient trop strictes.
    Merci.
    Monsieur Conroy, le projet de loi vise la légalisation du cannabis, mais la réalité, c'est que nous le rendons moins illégal.
    C'est un petit pas vers la légalisation.
    Si vous avez plus de 30 grammes en votre possession, vous ferez l'objet d'accusations criminelles. Si vous avez plus de quatre plants, vous serez accusé au criminel. Les infractions peuvent mener jusqu'à 14 ans d'emprisonnement. Si un jeune a plus de cinq grammes en sa possession, une peine lui sera infligée également.
    À l'article 7, un des objectifs du projet de loi est de réduire le fardeau sur le système de justice pénale. Est-ce vraiment le cas, d'après vous?
    Je vis dans la bulle de la Colombie-Britannique, où personne n'a été accusé de possession simple depuis longtemps; les policiers se contentent d'une saisie. Il y a encore beaucoup d'accusations, mais très peu de condamnations, sauf dans les cas plus graves qu'une simple possession. Dans mon cabinet, je vois beaucoup moins de cas qu'auparavant, même si la légalisation n'a pas encore eu lieu. Le fardeau a été réduit.
    Cependant, ce thème d'emprisonnement maximal de 14 ans, la mise en accusation, etc., sont totalement irréalistes par rapport à ce que l'on voit sur le terrain. Même la Cour d'appel de la Saskatchewan, qui n'est pas reconnue comme la cour la plus libérale au pays, impose des peines de 12 à 18 mois dans les cas de trafic, par exemple. La plupart des peines d'emprisonnement s'élèvent à deux ans ou moins. Dans le cas du tabac et de l'alcool, les peines d'emprisonnement maximales sont de deux et trois ans. Honnêtement, cette peine d'emprisonnement de 14 ans est ridicule et problématique, car elle augmentera le fardeau de la façon suivante.
    Il y a des années, par l'entremise de la commission sur la détermination de la peine, du Parlement et autres organes, nous avons déterminé que nous devions réduire le nombre de peines d'emprisonnement, car cela ne fait que rendre beaucoup plus de personnes dangereuses au lieu de protéger le public. Par conséquent, pourquoi devrions-nous emprisonner quelqu'un pour trafic de cannabis de nos jours? Cela me semble ridicule.
    Un juge donnera ce que l'on appelle une ordonnance de sursis. L'ordonnance de sursis constitue la dernière mesure qui peut être infligée avant la peine. Selon les principes de dénonciation et de dissuasion, le juge décide d'infliger une peine d'emprisonnement ou non. En raison des amendements de 2012, une peine maximale de 14 ans empêche le juge de faire cela.
    Quelle est la pertinence d'une peine de 14 ans, si le juge estime qu'une peine de deux ans est appropriée et que le délinquant ne présente pas un danger pour la collectivité, qu'il n'a aucun antécédent de violence et qu'il devrait être en mesure de purger sa peine dans la collectivité? Le juge ne peut pas le faire. Que feront les juges dans cette nouvelle réalité? Ils imposeront une probation assortie de conditions qui ressemble à une ordonnance avec sursis.
    Je vous encourage à écouter ce que disait Le Dain il y a au moins 45 ans et à réduire la peine maximale à cinq ans, si vous voulez conserver un système hybride.
    J'espère que les consommateurs de cannabis que j'observe depuis longtemps déjà vont vous prouver qu'ils sont capables de respecter le système proposé et qu'ils ne créeront pas trop de problèmes pour les tribunaux criminels, notamment. J'espère aussi que la légalisation sera efficace et que l'on vous prouvera que bon nombre des limites qui vous préoccupent ne sont pas nécessaires.
(1020)
    D'accord. Notre session sur la culture personnelle est maintenant terminée. Nous apprécions l'information que vous nous avez donnée. Nous continuons d'apprendre. Je crois que vos commentaires nous ont permis d'en apprendre beaucoup aujourd'hui, et je vous remercie infiniment d'avoir pris le temps de participer à notre session.
    La séance est suspendue jusqu'à 10 h 45; nous nous reverrons dans la même pièce.
(1020)

(1045)
    Je vous souhaite à nouveau la bienvenue à la réunion 66 du Comité permanent de la santé. Cet après-midi, nous allons entendre un groupe de témoins sur l'âge minimum pour la possession légale et les répercussions sur les jeunes Canadiens, ce qui constitue certainement un des points les plus controversés de nos discussions.
    Je dois mentionner à tous nos témoins que certaines questions seront posées en français. Nous avons un service d'interprétation, alors vous n'avez qu'à vous tenir prêts.
    Un de nos témoins ce matin est Scott Bernstein, analyste principal des politiques de la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, qui nous parle par vidéoconférence de Vancouver.
    Nous avons aussi avec nous Ian Culbert, directeur général de l'Association canadienne de santé publique, et accueillons Christina Grant, membre du comité de la santé de l'adolescent de la Société canadienne de pédiatrie, Judith Renaud, directrice exécutive, et Paul Renaud, directeur des communications d'Educators for Sensible Drug Policy, sont également présents. Enfin, nous entendrons également Peter A.  Howlett, président, et Peter Vamos, directeur exécutif de Portage.
    Chaque organisme disposera de 10 minutes pour sa déclaration préliminaire, et nous passerons ensuite aux questions.
    Commençons avec la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, par vidéoconférence. Bienvenue.
    Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de nous donner l'occasion de commenter le projet de loi C-45, ce matin, au sein de cet important groupe de témoins.
    Je représente la Coalition canadienne des politiques sur les drogues ou CCPD, une organisation non gouvernementale regroupant plus de 70 organismes et 3 000 intervenants qui appuient l'élaboration d'une politique canadienne sur les drogues fondée sur la science et les principes de santé publique, qui respecte les droits de la personne.
    La CCPD appuie l'adoption du projet de loi C-45 et la réglementation du cannabis à des fins non médicales dans le but de réduire au minimum les coûts sociaux et personnels de la prohibition et de s'assurer du même coût que la politique en matière de cannabis respecte dans la mesure du possible les normes de santé publique et les droits de la personne.
    La légalisation et la réglementation du cannabis permettront une surveillance adéquate du marché du cannabis non médical dans son ensemble, y compris le contrôle des surdoses, de la qualité, de la puissance, de la mise en marché et de l'accès. Après des décennies de prohibition des drogues au Canada, les faits montrent de façon claire et sans équivoque que la criminalisation des personnes qui ont de la drogue en leur possession ou qui en consomment a des conséquences néfastes sur la société et les personnes. Par conséquent, la CCPD appuie la réglementation de toutes les drogues au Canada afin de reprendre le contrôle d'un marché dangereux et non réglementé qui soutient les organisations criminelles et d'éviter qu'un nombre incalculable de Canadiens fassent l'objet de sanctions pénales.
    Nous croyons que la légalisation atténue le risque de contracter des maladies infectieuses, comme l'hépatite C et le VIH, de réduire le nombre de cas de surdose et de stigmatisation sociale et de promouvoir la santé publique et la sécurité. Nous croyons aussi que les faits démontrent clairement que la décriminalisation de toutes les drogues améliorerait encore davantage la santé publique et la sécurité publique.
    J'aimerais commenter ce matin les recommandations de la CCPD à l'intention du Comité, qui se trouvent dans notre mémoire.
    Je vais me pencher d'abord sur l'âge minimal d'accès. La Loi sur le cannabis fixe à 18 ans l'âge minimal d'accès au cannabis et permet aux provinces d'augmenter l'âge minimal, comme l'a fait l'Ontario pour qu'il corresponde à l'âge minimal d'accès à l'alcool. La CCPD appuie le maintien de l'âge minimal de 18 ans fixé par la loi fédérale.
    Malgré qu'il existe depuis des décennies au Canada un système de prohibition du cannabis, une personne sur trois âgée entre 16 et 25 ans est considérée comme un consommateur actif. Une étude menée par les Nations Unies montre que le taux de consommation de cannabis chez les jeunes est moins élevé dans les pays qui ont adopté des politiques plus libérales que le Canada en matière de drogues, ce qui indique que l'application de politiques plus strictes n'a aucun effet dissuasif sur les jeunes.
    Il est irréaliste de conclure que tous les jeunes s'abstiendront de consommer du cannabis, peu importe l'âge limite fixé et les sanctions imposées pour consommation. Toutefois, l'adoption d'un âge minimal trop avancé favorisera la survie du marché noir et encouragerait de nombreux jeunes Canadiens à prendre de plus grands risques que celui que représente la simple consommation de cannabis. Il faut plutôt miser sur une approche axée sur la santé publique qui tient compte de tous les risques pour les jeunes, ce qui inclut la drogue elle-même, mais aussi les politiques. Pour protéger les jeunes, il faut tenir compte des dangers auxquels ils s'exposent en s'approvisionnant sur le marché noir ainsi que des dangers associés à la consommation de cannabis, un équilibre qui soutient l'adoption d'un âge minimal d'accès.
    Pour ce qui est maintenant des sanctions criminelles contre les jeunes, la Loi sur le cannabis interdit aux jeunes d'avoir en leur possession plus de cinq grammes de cannabis séché. Un jeune qui contrevient à cette disposition commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité, par mise en accusation ou par procédure sommaire, une peine aux termes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. La province de l'Ontario a notamment choisi de combler le petit écart et d'établir des infractions provinciales pour les jeunes en possession de cannabis, peu importe la quantité.
    La Loi sur le cannabis semble reconnaître les difficultés qu'entraîne le fait d'avoir un casier judiciaire et prévoit des circonstances dans lesquelles un agent de la paix peut donner une contravention à un adulte ou à une organisation. Par contre, cela ne s'applique pas aux jeunes.
    Il est maintenant bien reconnu que le fait d'avoir un casier judiciaire cause des difficultés sociales considérables, comme limiter les déplacements à l'étranger ainsi que les possibilités de carrière et de bénévolat, exacerber la pauvreté et entraîner une détérioration de la santé, ce qui entraîne la stigmatisation et l'utilisation de ressources publiques déjà rares.
    Comme je l'ai déjà mentionné, les faits démontrent également que le risque de sanctions criminelles ne dissuade pas les adolescents de consommer du cannabis. Comme l'a recommandé le groupe de travail, il faut plutôt miser sur l'éducation et les méthodes douces pour atteindre les objectifs de santé publique et de sécurité de la Loi sur le cannabis et dissuader les jeunes de consommer au lieu de mettre l'accent sur les sanctions criminelles.
(1050)
    Dans une grande majorité, les intervenants devant le groupe de travail ont souligné que la criminalisation des jeunes devrait être évitée et que les sanctions criminelles ne devraient être imposées qu'aux adultes qui fournissent du cannabis aux jeunes, et non pas aux jeunes eux-mêmes. C'est l'approche qu'a adoptée la Californie, dont le cadre réglementaire prévoit que tout jeune trouvé en possession de cannabis se voie infliger une sanction non assujettie à une peine criminelle et doive participer à un cours ou à du counseling sur les drogues et faire des travaux communautaires. La CCPD recommande que les jeunes ne soient assujettis à aucune peine criminelle et que la Loi sur le cannabis soit modifiée afin que les mécanismes moins sévères soient appliqués à la consommation de drogue par les jeunes, notamment le counseling et les travaux communautaires. L'élimination de ces sanctions criminelles améliorera la santé publique et la sécurité, particulièrement pour les jeunes, en réduisant le danger lié à la stigmatisation et à la criminalisation, tout en décourageant la consommation illégale, le tout dans le cadre d'une approche équilibrée et réaliste.
    De plus, le groupe de travail a recommandé que le partage social, qui est répandu chez les jeunes, soit permis. Cependant, la Loi sur le cannabis interdit cette pratique en criminalisant toute forme de distribution à un jeune, infraction qui peut entraîner une peine d'emprisonnement extrêmement sévère de 14 ans. Cela pénaliserait, par exemple, un adulte de 18 ans qui partage du cannabis avec un ami âgé de 17 ans ou un parent qui partage avec son fils ou sa fille.
    Dans le cas de l'alcool, il existe des exceptions claires à la criminalisation des adultes qui partagent de l'alcool avec leurs enfants d'âge mineur dans une résidence privée, et toutes les provinces prévoient pour le partage social d'alcool des sanctions beaucoup moins punitives que la Loi sur le cannabis. La CCPD recommande que le partage social avec un jeune ne soit pas criminalisé, mais qu'il soit plutôt traité d'une façon similaire à la consommation par les jeunes, avec l'obligation de suivre du counseling et d'effectuer des travaux communautaires. La CCPD recommande aussi que les adultes puissent fournir du cannabis à leurs enfants d'âge mineur dans une résidence privée, au même titre que l'alcool.
    Mon dernier point touche la justice sociale. Il existe une notion sous-jacente à la réglementation du cannabis selon laquelle nos politiques de criminalisation du cannabis ont toujours mené à des résultats négatifs inacceptables au sein de la société canadienne, dont le maintien d'un marché pancanadien du cannabis illégal et prospère ainsi que la condamnation au criminel de centaines de milliers de personnes pour des infractions liées au cannabis. Le droit criminel est rarement appliqué de façon uniforme, et la prohibition du cannabis a eu un impact négatif plus important sur les personnes marginalisées, les personnes issues des minorités visibles, les jeunes et les Autochtones. Les mesures législatives visant à corriger les politiques antérieures devraient également chercher à réparer les dommages causés à ceux qui ont été punis par un système injuste et créer, notamment, des possibilités au sein de la nouvelle économie et effacer leur casier judiciaire.
    La CCPD recommande que deux modifications soient apportées à la loi afin qu'elle puisse atteindre son objectif de justice sociale. Tout d'abord, les condamnations antérieures liées à la drogue ne devraient pas permettre à elles seules de refuser l'octroi d'un permis pour intégrer le marché du cannabis. L'alinéa 62(7)c) permet au ministre de refuser l'octroi, le renouvellement ou la modification d'un permis fédéral requis pour participer à l'industrie du cannabis, si le demandeur a contrevenu à la loi réglementant certaines drogues et autres substances ou s'il a commis toute autre infraction liée aux drogues au cours des 10 dernières années. Évidemment, cela inclut toute condamnation liée à la drogue, y compris les condamnations liées à des activités qui seraient considérées comme légitimes en vertu de la nouvelle loi. Il n'y a aucune raison logique d'établir un motif précis relativement aux infractions liées à la drogue dans cette disposition par rapport à toute autre infraction antérieure qui pourrait rendre une personne inadmissible à l'obtention d'un permis, que ce soit un vol ou une fraude. Il serait préférable d'adopter une approche semblable à celle de la Californie, qui interdit d'utiliser une condamnation antérieure pour infraction non violente liée aux drogues afin de refuser l'octroi d'un permis.
    Ensuite, un mécanisme clair devrait être adopté de façon à permettre aux personnes qui ont déjà été condamnées pour des infractions liées au cannabis de demander que ces condamnations soient éliminées de leur casier judiciaire ou, pour celles qui purgent encore leur peine, de faire annuler ou réévaluer leur peine en vertu de la nouvelle loi. La CCPD recommande des amendements à la Loi sur le cannabis pour que les peines en cours soient réévaluées et que les condamnations antérieures figurant au casier judiciaire soient suspendues.
    La Loi sur le cannabis est une mesure législative remarquable qui entraîne la création de nouvelles normes stratégiques pour la réglementation des substances qui étaient illégales auparavant.
(1055)
    Il est important que ces nouvelles normes soient axées sur les données probantes, la santé publique et le bien-être des Canadiens, jeunes et moins jeunes. Merci.
    Cédons maintenant la parole à M. Ian Culbert, directeur général de l'Association canadienne de santé publique. Vous avez 10 minutes.
    Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
    Je vais d'abord souligner ce matin que je vais parler uniquement de la consommation récréative de cannabis; je ne traiterai pas de la consommation de cannabis à des fins médicales.
    Au nom de l'Association canadienne de santé publique, nous sommes ravis que le gouvernement du Canada s'engage à intégrer une approche de santé publique à la légalisation et à la réglementation du cannabis. Nous sommes heureux de constater que le projet de loi C-45 confirme cette approche.
    Par opposition au système de soins de santé public, la santé publique désigne les mesures prises par la société pour garder ses membres en santé et prévenir les blessures, les maladies et les décès prématurés. Ainsi, les principes de justice sociale sont à la base d'une approche de santé publique, qui met l'accent sur les droits de la personne et l'égalité. C'est une approche fondée sur les faits qui touche les déterminants sous-jacents de la santé. Une approche de santé publique est organisée, détaillée et multidisciplinaire et elle favorise les initiatives pragmatiques.
    Comme un collègue l'a expliqué récemment, la santé publique est un peu comme le petit enfant qui demande toujours « pourquoi? ». Dans le cas du cannabis, nous voulons savoir pourquoi les gens en consomment afin que nous puissions élaborer des politiques et des mesures d'intervention qui répondent à leurs besoins. Notre relation avec le cannabis va de l'abstinence à de nombreux niveaux de consommation. Ces niveaux peuvent être bénéfiques, non problématiques, potentiellement dangereux ou à risque de déboucher sur des troubles de consommation. À l'échelle fédérale, la légalisation et la réglementation du cannabis doivent tenir compte de tous les niveaux de consommation, tandis que les provinces et les territoires veulent plutôt se concentrer sur leurs besoins organisationnels, et il revient aux régions ou aux municipalités de répondre aux besoins de leur population.
    L'âge légal de possession de cannabis a fait l'objet de nombreuses discussions, et il est malheureusement difficile d'atteindre un consensus. L'Association canadienne de santé publique appuie les dispositions du projet de loi C-45 qui établissent l'âge légal minimal à 18 ans et qui permettent aux provinces et aux territoires d'imposer un âge plus avancé, le cas échéant. Sur le plan pratique, il est important et approprié que les provinces et les territoires établissent le même âge légal pour la consommation de cannabis et la consommation d'alcool. Ainsi, on évite la confusion, et les mesures de sensibilisation sont plus faciles à coordonner.
    Même s'il serait préférable qu'aucun Canadien ne consomme de cannabis ou tout autre psychotrope, une approche de santé publique reconnaît que le cannabis continuera d'être consommé pour toutes sortes de raisons, peu importe les efforts déployés pour dissuader les consommateurs. Vous connaissez déjà les statistiques: 12 % de la population générale, 21 % des jeunes âgés de 15 à 19 ans et 30 % des jeunes adultes âgés de 20 à 24 ans ont indiqué dans un sondage mené en 2015 qu'ils avaient consommé du cannabis au cours de l'année précédente. Puisque plus d'un jeune sur cinq âgé entre 15 et 19 ans consomme du cannabis aujourd'hui — et nous n'avons aucune raison de croire que la proportion changera —, la stratégie la plus raisonnable à adopter est de créer un marché du cannabis légal et réglementé accessible aux adultes, à partir de l'âge de 18 ans.
    Le projet de loi C-45 permettra d'établir un approvisionnement en cannabis dont la puissance et la qualité sont contrôlées. En ce moment, les consommateurs de cannabis jouent à la roulette russe, car ils ne connaissent jamais la qualité du produit avant de le consommer et ils ne savent pas s'il a été mélangé à d'autres psychotropes plus puissants. Dans une perspective de santé publique, l'Association canadienne de santé publique encourage les gouvernements provinciaux et territoriaux à faire en sorte que le cannabis soit vendu uniquement par des organismes contrôlés par le gouvernement afin que l'objectif demeure la réduction des méfaits, et non pas la génération de profit.
    La prohibition qui existe actuellement au Canada a grandement nui à la promotion de la santé et à la réduction des méfaits. Le seul message qui nous était transmis était « il suffit de dire non », et cela a clairement échoué. Au-delà d'une simple éducation en matière de santé, la promotion de la santé donne aux gens les outils dont ils ont besoin pour prendre le contrôle de leur santé et l'améliorer. Selon nous, la vente légale de cannabis doit d'abord être précédée par des campagnes de promotion de la santé globales, inclusives et sans jugement en vue de transmettre un message clair et cohérent d'un bout à l'autre du Canada. Ces campagnes doivent être appuyées de manière continue et accompagnées de messages visant la promotion de la santé personnelle et la réduction des méfaits aux points de vente. Nous devons ouvrir la communication au sujet du cannabis, et non pas sa consommation.
    Certains craignent que la légalisation entraînera une augmentation considérable de la consommation de cannabis, particulièrement chez les jeunes. L'expérience au Canada peut certes être différente, mais deux rapports récents de l'État de Washington confirment que la consommation de cannabis chez les jeunes est demeurée stable depuis la légalisation à cet endroit. Un des rapports révèle toutefois une augmentation de la consommation de cannabis chez les adultes plus âgés, tandis que l'autre mentionne une augmentation du nombre de personnes qui consomment du cannabis chaque jour ou presque.
(1100)
    Ces premiers rapports de l'État de Washington nous rappellent que nous devons tenir compte de tous les membres de la population et que nous devons prêter une attention particulière aux personnes plus susceptibles d'avoir des problèmes de consommation.
    Certains craignent également les effets de la consommation de cannabis sur le cerveau en plein développement. Bien que les études citées constituent des éléments de recherche importants, ils ne concernent que les jeunes qui consomment beaucoup de cannabis au quotidien. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que, si un enfant consomme une grande quantité de cannabis chaque jour, il y a de quoi s'inquiéter. Si un enfant consommait beaucoup d'alcool chaque jour, il y aurait également matière à s'inquiéter. Encore une fois, dans une optique de santé publique, nous voulons savoir pourquoi cet enfant consomme beaucoup au quotidien, car c'est ainsi que nous pouvons apprendre à intervenir adéquatement.
    En ce moment, nous manquons de données au sujet des effets d'une consommation occasionnelle de cannabis sur la santé, et nous espérons que la légalisation permettra d'effectuer des recherches à cet égard. Maintenant que nous avons accepté que les personnes continueront de consommer diverses quantités de cannabis pour diverses raisons, il est essentiel que nos politiques et nos mesures d'intervention soient axées sur la réduction des méfaits. Veiller à ce que la puissance et la qualité du produit soient connues, mener des activités efficaces d'éducation et de promotion de la santé, s'assurer que les consommateurs et les fournisseurs de soins de santé et de services sociaux connaissent les méthodes de consommation les plus sécuritaires ainsi qu'adopter et promouvoir des lignes directrices pour une consommation de cannabis à faible risque sont toutes des mesures de réduction des méfaits.
    Je sais qu'un groupe de témoins traitera de cette question plus tard aujourd'hui, et c'est pourquoi je n'aborderai pas ces lignes directrices, mais je tiens à dire qu'elles constituent un outil important qui devrait être mis en oeuvre par tous les gouvernements.
    L'Association canadienne de santé publique recommande un amendement au projet de loi C-45 qu'un de vos témoins d'hier a mentionné, je crois. En ce moment, le paragraphe 10(5) du projet de loi fait en sorte que le crime de possession en vue de la vente devient une infraction punissable par mise en accusation qui peut donner lieu à un emprisonnement de 14 ans sur déclaration de culpabilité, y compris pour les jeunes de 12 à 18 ans. L'article 8 qui touche la possession et l'article 9 qui concerne la distribution prévoient des peines similaires pour les personnes âgées de plus de 18 ans, mais permettent l'imposition de peines aux jeunes de 12 à 18 ans aux termes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    Selon l'Association canadienne de santé publique, le paragraphe 10(5) devrait également permettre l'imposition de peines en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Dans de nombreux cas, ces infractions sont liées à la possession par les jeunes en vue de la vente à leurs pairs, et la stigmatisation découlant d'une telle condamnation peut causer un tort irréparable à l'avenir de ces jeunes, tort qui éclipse l'infraction en tant que telle. Il faut prendre soin d'appliquer les règles proposées sur la possession en vue de la vente d'une manière qui reflète la gravité du crime.
    Vous avez également entendu dire que nous ne sommes pas prêts pour la légalisation. Malheureusement, le temps est un luxe que nous ne pouvons nous offrir, car les Canadiens consomment déjà des quantités record de marijuana. Les dommages pour les personnes et la société causés par la consommation de cannabis se font déjà ressentir chaque jour. La loi proposée et la réglementation qui suivra sont le meilleur moyen de réduire ces dommages et d'assurer le bien-être de tous les Canadiens. Nos premières interventions ne seront pas parfaites, mais la perfection n'est pas l'objectif à atteindre, car nous apprenons de nos expériences et nous pouvons adapter nos approches en conséquence. Au bout du compte, nous voulons faire ce qu'il y a de mieux pour les Canadiens qui consomment déjà du cannabis ou qui peuvent choisir d'en consommer pour diverses raisons.
    L'Association canadienne de santé publique croit que le projet de loi C-45 et les mesures prises par les provinces, dont l'Ontario, sont un pas dans la bonne direction. Les administrations qui se sont lancées dans cette grande aventure avant nous ont retenu des leçons importantes. Par exemple, les organismes de réglementation doivent avoir la capacité de s'adapter aux conditions du marché, qui sont en constante évolution; un investissement initial dans l'éducation et la promotion de la santé est essentiel; les organismes d'application de la loi et de santé publique doivent travailler ensemble; et les intérêts de l'industrie privée du cannabis sont rarement ceux de la santé publique.
(1105)
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à la Dre Christina Grant, membre du comité de la santé de l'adolescent de la Société canadienne de pédiatrie.
    Vous avez 10 minutes, et j'ai bien hâte d'entendre votre témoignage.
     Mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la santé, je suis une spécialiste de la médecine des adolescents et professeure agrégée de pédiatrie à l'Université McMaster. Je vous remercie de l'invitation de témoigner au nom de la Société canadienne de pédiatrie au sujet du projet de loi C-45 en ce qui a trait particulièrement à l'âge minimum pour la possession légale et aux conséquences de la légalisation du cannabis sur des jeunes Canadiens.
    Je vous ai fourni un résumé du mémoire de la SCP sur le cannabis et les enfants et adolescents canadiens aux fins de consultation. Mon but aujourd'hui est de m'assurer que vous disposez des dernières données scientifiques sur les conséquences de la consommation de cannabis sur les jeunes Canadiens, y compris les tout-petits et d'aborder la position de notre société quant à l'âge de possession légale.
    Tout d'abord, les données scientifiques confirment hors de tout doute que la consommation de cannabis avant la mi-vingtaine peut avoir des effets structurels, fonctionnels et néfastes sur le cerveau en développement, comme le soutiennent de nombreuses autres études sanctionnées par des pairs. Des recherches rigoureuses établissent un lien entre la consommation régulière de cannabis chez les jeunes et le risque accru d'environ 40 % de vivre un épisode psychotique. Nous savons qu'une consommation précoce, des doses élevées et une consommation fréquente exacerbent ce risque, sans compter les autres facteurs de prédisposition à un trouble psychotique, comme les antécédents familiaux.
    Certaines études démontrent également un lien entre la consommation régulière de cannabis et la dépression clinique, quoique les résultats ne soient pas aussi solides que ceux qui établissent la relation entre la consommation et la psychose. Des études révèlent que les jeunes ayant certains troubles anxieux risquent davantage d'adopter des habitudes de consommation de cannabis problématiques qui interfèrent inévitablement avec leur quotidien.
    Fait étonnant, un adolescent sur six qui consomme du cannabis sera atteint du trouble de l'usage du cannabis, maladie psychiatrique semblable à l'alcoolisme diagnostiquée lorsque la consommation de drogue nuit à de multiples aspects du fonctionnement. Cela peut toucher le rendement scolaire, les relations sociales et familiales et les activités parascolaires, aspects indissociables du grand développement qui se produit au cours de l'adolescence et qui permet de se préparer à la vie adulte.
    Pour toutes ces raisons, il n'y a pas d'âge sécuritaire pour consommer du cannabis, et nous recommandons que les jeunes n'en consomment pas. Cependant, l'adolescence est une période d'expérimentation. Nous savons que les jeunes Canadiens présentent le taux le plus élevé de consommation de cannabis par rapport à d'autres pays du monde. Avec la proposition d'une industrie du cannabis légale au Canada vient la question de l'âge le plus approprié pour la consommation légale, âge qui devrait être déterminé dans le but de réduire au minimum les méfaits pour les enfants et les jeunes, notre population la plus vulnérable.
    Ainsi, l'interdiction de consommer du cannabis avant la mi-vingtaine protégerait les adolescents pendant une phase critique de développement de leur cerveau. Par contre, les adolescents et les jeunes adultes consomment déjà fréquemment de la marijuana. Le fait que l'âge légal pour consommer du cannabis soit le même que pour la consommation d'autres substances contrôlées, soit l'alcool et le tabac, permettrait de s'assurer que seuls les jeunes ayant atteint l'âge de la majorité peuvent obtenir un produit réglementé dont la puissance a été vérifiée. De plus, ils seraient moins portés à prendre de grands risques et à commettre des actes illégaux pour obtenir du cannabis.
    Aux États-Unis et en Europe, on s'inquiète du nombre de cas de très jeunes enfants qui ont ingéré accidentellement du cannabis. Nous parlons ici de produits alimentaires contenant de la marijuana qui peuvent prendre plusieurs formes, comme des biscuits et des bonbons. Ces aliments sont très intéressants aux yeux des jeunes enfants et ressemblent souvent en tous points aux bonbons, aux tablettes de chocolat et aux produits de boulangerie ordinaires. Au Colorado, le taux d'ingestion accidentelle par des enfants de moins de 9 ans a augmenté de 34 % après la légalisation du cannabis. Plus du tiers de ces cas ont nécessité une hospitalisation d'urgence en soins pédiatriques en raison de symptômes de surdose. Dans la plupart des cas, les tout-petits ne pouvaient plus respirer par eux-mêmes.
(1110)
    Une étude de France publiée ce mois-ci révèle que le nombre de jeunes enfants, surtout des tout-petits, ayant besoin de soins pédiatriques d'urgence pour crise ou coma consécutif à une ingestion accidentelle de cannabis a triplé.
    Vu les inquiétudes que je viens de mentionner, je demande au Comité de prendre en considération les recommandations suivantes de la SCP afin que, en tant que société, nous puissions protéger les personnes les plus vulnérables.
    Premièrement, le gouvernement devrait adopter et faire rigoureusement respecter la réglementation sur l'industrie du cannabis afin de limiter l'accès au cannabis et sa commercialisation auprès des mineurs. Cette réglementation doit interdire l'installation de points de vente près des écoles primaires et secondaires, des centres de la petite enfance agréés, des centres communautaires, des quartiers résidentiels et des centres jeunesse. Il faut imposer des normes d'étiquetage rigoureuses pour tous les produits du cannabis, dont l'emballage devrait inclure une liste exhaustive des ingrédients et une mesure exacte de la concentration de cannabis. L'emballage de tous les produits du cannabis devrait être accompagné d'avertissements sur, notamment, les effets nuisibles connus et potentiels de l'exposition à ces substances, comme pour les paquets de cigarettes. Les emballages devraient également être à l'épreuve des enfants. Nous demandons de décréter et d'appliquer une interdiction de commercialiser les produits liés au cannabis à l'aide de stratégies ou dans des lieux qui attirent les enfants et les jeunes, y compris les produits comestibles.
    Deuxièmement, nous recommandons le financement adéquat de campagnes d'éducation publique pour souligner le fait que le cannabis n'est pas sécuritaire pour les enfants et les adolescents et sensibiliser la population aux méfaits liés à la consommation de cannabis et à la dépendance. Ces campagnes devraient être créées en collaboration avec de jeunes leaders et inclure les messages de jeunes leaders d'opinion.
    Enfin, il faut que le public sache clairement que le cannabis présente des risques au chapitre du développement neurologique: par conséquent, il convient de limiter les concentrations de THC dans le cannabis que les adultes âgés de 18 à 25 ans peuvent acheter légalement.
    Merci.
(1115)
    Merci beaucoup.
    La parole revient maintenant à Judith Renaud, directrice exécutive, et Paul Renaud, directeur des communications, d'Educators for Sensible Drug Policy.
    Je ne sais pas comment vous voulez partager votre temps, mais vous avez 10 minutes ensemble.
    Je vous remercie de nous avoir invités à la Chambre des communes pour parler de ce très important projet de loi, du problème de la consommation chez les jeunes, de l'âge pour la possession légale et les conséquences sur les jeunes Canadiens.
    La prohibition du cannabis est un échec monumental. En tant que directrice exécutive d'EFSDP, je veux que les politiques en matière d'éducation et la réforme connexe favorisent un changement progressif, qui permettra aux étudiants, aux parents, aux enseignants, aux professionnels de la santé et aux fournisseurs de soins de santé mentale de travailler ensemble pour offrir un apprentissage de qualité à l'image d'un lieu où ce qui est appris est mis en pratique et fondé sur de solides données scientifiques et où la vérité est mise en valeur.
    De plus en plus, pour diverses raisons, il revient à la société d'éduquer et de soutenir les parents et leurs enfants. Les éducateurs ont la responsabilité d'agir comme bâtisseurs d'estime de soi. Le projet de loi C-45 découle de bonnes intentions, mais la Loi sur le cannabis n'empêchera pas les jeunes d'en consommer, et elles ne devraient pas leur causer plus de tort au chapitre de leurs droits.
    Les éducateurs comprennent que, malgré l'omniprésence des drogues, les jeunes ont une opinion ambiguë sur le cannabis, et c'est ce que confirment les chercheurs. Bon nombre de jeunes ont une position contradictoire et une opinion négative à l'égard de la consommation. Cela n'est pas surprenant vu la complexité de la substance. Contrairement à l'alcool et au tabac, deux substances consommées presque exclusivement à des fins récréatives, le cannabis peut être utilisé à des fins récréatives ou thérapeutiques, et la distinction entre les deux n'est pas évidente.
    Afin que l'on puisse mieux comprendre les problèmes que pose le cannabis relativement à la santé et au bien-être des jeunes, les éducateurs spécialisés dans la réforme de la lutte contre la drogue croient que nous devrions les sensibiliser aux effets négatifs potentiels de la substance, mais aussi à ses effets positifs. Pour ce faire, il faut leur communiquer de l'information holistique, impartiale et fondée sur des données probantes, car c'est la vérité qui compte.
    L'omniprésence du cannabis constitue un problème de santé majeur. Les jeunes doivent connaître les faits sur le cannabis afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées quant à cette substance et à sa consommation et éviter du même coup les risques potentiels. Comme le groupe de travail, nous croyons que 18 ans est un âge approprié pour la consommation légale. Cependant, certains membres d'EFSDP estiment que l'âge de 16 ans est également approprié comme l'avait mentionné le Sénat dans son rapport de 2002.
    En tant que société, nous devons éliminer les nombreux mythes qui se perpétuent après huit décennies de prohibition. Les éducateurs doivent s'entendre. Alors que certains continuent de favoriser le régime prohibitionniste, les éducateurs reconnaissent de plus en plus que l'alcool, les produits pharmaceutiques et les opioïdes présentent un risque beaucoup plus élevé pour les adolescents. Le neuroscientifique Marc Lewis a rédigé un ouvrage intitulé Memoirs of an Addicted Brain. Il explique en détail le fonctionnement des cannabinoïdes comme agents chimiques naturels du cerveau. Voici un extrait:
Le moment où les récepteurs cannabinoïdes prennent le plus de maturité, ce n'est pas durant l'enfance ou l'âge adulte, mais à l'adolescence. Ce ne serait donc pas surprenant que les récepteurs cannabinoïdes soient plus actifs durant l'adolescence qu'à tout autre moment de la vie. Sur le plan de l'évolution, les adolescents ont peut-être avantage à mettre en action leurs pensées, leurs objectifs et leurs plans grandioses. En agissant de la sorte et en faisant fi des données probantes — et de la force d'inertie — qui les entravent, ils seraient encore plus portés à explorer, à expérimenter, à mettre leurs plans à exécution avec plus de confiance... Les objectifs primaires des adolescents sont de devenir indépendants, de créer de nouvelles relations, de trouver de nouveaux territoires et systèmes sociaux, et, surtout, de nouveaux partenaires. Les distorsions de la pensée des adolescents leur permettent peut-être justement d'atteindre ces objectifs.
Les adolescents font fi de la plupart des conseils de leurs parents et des idées convenues, et seules leurs propres idées comptent. Ils suivent une logique que tous les autres trouvent illogique et ils croient dur comme fer que leurs prédictions se réaliseront. Même à jeun, les adolescents vivent dans leur propre monde d'idées et leurs réflexions mènent à des conclusions extrêmes, même s'il est évident qu'ils ont tort sur toute la ligne.
(1120)
    En 2001, je me suis vu offrir un poste d'administratrice au sein d'une Première Nation dans le Nord de la Colombie-Britannique. Cette expérience a changé ma vie et m'a permis de me rendre compte que les éducateurs et les citoyens canadiens ordinaires n'ont aucune idée des difficultés, des tragédies et de l'adversité auxquelles font face de nombreux jeunes autochtones avant même d'avoir atteint l'adolescence. Ces jeunes ont connu la mort, ils ont été victimes de violence, et leur désespoir est palpable. J'ai rencontré le Dr Maté, médecin spécialiste reconnu de la dépendance aux drogues et auteur des ouvrages In the Realm of Hungry Ghosts et Hold On to Your Kids.
    À propos du désespoir vécu par les jeunes des Premières Nations, du dégoût d'eux-mêmes qui les habite et des obstacles à une vie empreinte de liberté et de sens, il a mentionné que l'éducateur ne doit jamais oublier une chose: l'important, ce n'est pas le pourquoi de la drogue, mais bien le pourquoi de la douleur.
    Au coeur des traumatismes toujours vifs qui se transmettent de génération en génération, outre les conditions sociales qui perpétuent le désespoir, j'ai été témoin de traumatismes cachés et multigénérationnels dans plusieurs collectivités autochtones. L'histoire des Premières Nations transparaît dans l'art des jeunes autochtones, qui l'expriment brillamment dans leurs danses, leur musique et leur sagesse. Le Dr Maté a affirmé que, lorsque les éducateurs rencontrent leurs pairs des Premières Nations, ils voient leur humanité, leur grandeur, leur souffrance indescriptible et leur force.
    Il a été démontré que la Loi sur le cannabis est appliquée de façon discriminatoire sur le plan racial. Le passage de l'école à la prison est une réalité. Les cellules de prison ne peuvent faire office de classe. Nos jeunes autochtones souffrent. Nous devons cesser de cibler les personnes issues de minorités visibles marginalisées et nous devons comprendre les traumatismes et leurs multiples effets sur la mentalité humaine et son comportement. Je suis d'accord avec le Dr Maté lorsqu'il dit que les personnes aux meilleures intentions peuvent sans le vouloir replonger dans le traumatisme ceux qui ont de la difficulté à faire face à la douleur et au deuil.
    Le but d'EFSDP est de trouver une solution de rechange aux politiques punitives de lutte contre les drogues qui ont échoué. Peu importe ce que nous faisons, nous ne réussirons jamais à convaincre tous les jeunes de dire non en tout temps. Si nous pouvons régler les problèmes sous-jacents, les jeunes seront moins portés à consommer de la drogue pour faire face à leurs facteurs de stress.
    Je vous remercie et je serai ravie de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Bonjour. Je m'appelle Paul Renaud, et je suis très reconnaissant d'avoir l'occasion d'être ici aujourd'hui.
    Lorsque mon épouse, Judith, était directrice de l'école de bande à Bella Coola, en Colombie-Britannique, la nation Nuxalk m'a embauché en tant qu'agent du développement économique. Ce rôle m'a permis de rencontrer de nombreux membres de la nation et d'entendre leurs histoires. Je me suis vite rendu compte qu'il n'y avait pas beaucoup d'occasions d'emploi dans la région et que de nombreuses personnes touchaient des prestations d'aide sociale. Malgré tout, la consommation d'alcool et de drogues semblait être à la hausse, car les médicaments étaient payés par le gouvernement, et les enfants étaient également sous médication.
    Un jour, j'ai décidé de me rendre au tribunal, dont les séances avaient lieu tous les trois mois dans le sous-sol de l'administration de la bande. J'étais surpris et désespéré de voir le nombre de cas d'infractions liées au cannabis et le nombre de jeunes plaignants, soit des adolescents et des adultes dans la vingtaine. J'y voyais une utilisation cruelle du système judiciaire. En même temps, il était évident selon moi que de nombreux membres de la collectivité consommaient du cannabis pour éviter l'alcool, mais les gens évitaient d'en parler en raison des risques liés à la consommation de cannabis.
    Vu que le cannabis donne des résultats prometteurs pour le traitement de diverses affections, il sera prescrit à des enfants, qui devront en prendre à l'école, comme tout autre médicament standard. Cela nous amène à un élément très important de la sensibilisation au cannabis: il s'agit principalement d'un médicament.
    Comme on l'a déjà mentionné souvent, la distinction entre l'usage récréatif et l'usage thérapeutique est floue. Gabor Maté définit la toxicomanie comme tout comportement qui a des conséquences négatives, dans lequel on est forcé de persister et de rechuter et dont on a envie, malgré ses conséquences négatives. Dans cet esprit, la possibilité qu'une personne, y compris un jeune, consomme du cannabis pour éviter l'alcool ou d'autres drogues plus dures et obtenir un résultat positif ne correspond peut-être pas à la définition de toxicomanie et ne devrait certainement pas être considéré comme une infraction. Les jeunes ne peuvent pas être accusés au criminel pour possession d'alcool. Pourquoi donc devrait-on criminaliser le cannabis?
    Il y a de plus en plus de cas, disons, anecdotiques où on consomme du cannabis pour éviter d'autres substances plus néfastes. Certains disent que cela ne peut pas être considéré comme de l'abstinence et que ce n'est qu'un remplacement d'une drogue par une autre. Cela est peut-être vrai en partie, mais, selon un principe de réduction des méfaits, si l'abstinence est impossible, la consommation réduite d'une substance plus nuisible peut être considérée comme un résultat positif.
    En moyenne, les membres des Premières Nations sont très jeunes par rapport aux autres Canadiens. Les lois et les politiques de santé publique qui visent les jeunes toucheront les jeunes des Premières Nations de manière disproportionnée, comme dans le cas des taux d'incarcération.
    Le gouvernement du Canada dirigé par le premier ministre Justin Trudeau s'est dit prêt à consulter les Premières Nations de manière plus concrète et productive. Puisque les nations sont aux prises avec d'importants problèmes de toxicomanie et que de nombreux membres de leurs collectivités consomment déjà du cannabis, elles pourraient bénéficier...
(1125)
    Combien de temps vous reste-t-il, car nous avons déjà accordé 10 minutes à votre organisation, et le temps est maintenant dépassé.
    Je sais que ce que vous dites est très important, mais, afin que nous puissions continuer et donner la parole à tout le monde, nous ne pouvons vous accorder que 10 minutes. Nous avons dépassé largement notre temps. Si vous pouviez conclure...
    Je vais m'arrêter ici, alors.
    Parfait. Merci beaucoup. Je suis certain que des questions vous seront posées.
    Nous donnons maintenant la parole à M. Peter A. Howlett, président de Portage et à M. Peter Vamos. Je ne sais pas comment vous allez utiliser vos 10 minutes, mais vous devez vous les partager.
     Monsieur le président et distingués membres du Comité, Portage, l'organisme dont je suis le président, traite depuis près de 50 ans les adolescents, les adultes, les toxicomanes enceintes, les mères avec de jeunes enfants, les collectivités autochtones et les toxicomanes atteints de maladies mentales. Nous offrons des programmes en établissement carcéral ainsi que dans 15 autres pays environ. Portage n'est pas ici aujourd'hui pour débattre du bien-fondé de la légalisation de la marijuana. Plutôt, nous voulons vous faire part de nos préoccupations à propos des impacts indirects du projet de loi C-45 sur les jeunes de façon générale, et sur les jeunes toxicomanes en particulier. Nous allons aussi vous présenter quelques recommandations sur la façon dont ces risques pourraient être atténués.
    En avril dernier, Santé Canada a publié un document expliquant que le cannabis est une drogue toxicomanogène dont les effets éventuels sur le corps et l'esprit des utilisateurs sont considérables. Toujours selon le document, l'utilisation fréquente, intensive et prolongée du cannabis est susceptible d'entraîner une physicodépendance et des problèmes de toxicomanie. Dans son étude, Anthony a conclu, en se fiant aux critères du DSM-IV, que de 8 à 10 % des adultes et 16 % des adolescents qui consomment du cannabis remplissent les critères de la dépendance au cannabis. En 2013, Callaghan, Allebeck et Sidorchuk se sont intéressés à un autre facteur de risque, soit la prévalence future de cancers du poumon chez les consommateurs intensifs de cannabis qui ont l'âge de s'enrôler aux États-Unis. L'American College of Pediatricians, dans son article d'avril 2017 intitulé « Marijuana Use: Detrimental to Youth », fait état d'un certain nombre d'études sur la relation de causalité potentielle entre la consommation intensive de cannabis et un certain nombre de maladies non infectieuses, par exemple les impacts à long terme sur le système cardio-pulmonaire.
    En plus de ces risques associés à la consommation intensive de cannabis, d'autres études mentionnées par l'American College of Pediatricians établissent un lien entre la consommation chronique de marijuana et les maladies mentales. Selon les conclusions des études, il semble qu'il y ait un facteur de comorbidité entre la dépendance au cannabis et divers troubles de santé mentale, comme la schizophrénie. Selon une partie des études citées, il y a une augmentation de près de 50 % des cas de psychose chez les consommateurs de cannabis par rapport aux personnes qui n'en consomment pas. Les auteurs ont axé leurs études sur les conséquences d'une consommation intensive et fréquente, et nous voulons rappeler au Comité que 16 % des jeunes consommateurs correspondent à cette description. Notre exposé aujourd'hui concernera surtout cette minorité importante et très vulnérable ainsi que la façon dont nous pouvons la protéger.
    Même si la proportion de consommateurs intensifs et dépendants par rapport aux consommateurs occasionnels est susceptible de demeurer la même, on s'attend à ce que la légalisation entraîne une croissance démesurée dans ces deux groupes. Si on se fie aux données recueillies depuis 2007, on voit qu'il y a eu une augmentation des consommateurs de cannabis chez les jeunes aux États-Unis en raison de la légalisation restreinte et de l'amoindrissement du risque perçu associé à la drogue. Depuis 2014, le nombre de consommateurs de 12 ans et plus est passé de 14,5 millions à 18,9 millions. Aux États-Unis, 7,3 % des personnes admises dans un centre de désintoxication financé par l'État étaient âgées de 12 à 17 ans. Cela met en relief la forte proportion de consommateurs chez les jeunes.
    Une étude sur les impacts de la légalisation du cannabis au Colorado relativement aux infractions routières a montré qu'il y a eu une augmentation de 45 % des cas de conduite avec facultés affaiblies entre 2013 et 2014 ainsi qu'une augmentation de 32 % des accidents routiers causant la mort liés au cannabis. En 2013, la consommation de cannabis au Colorado était supérieure de 55 % à la moyenne nationale chez les adolescents et les jeunes adultes et de 86 % chez les adultes de 25 ans et plus.
    L'American College of Pediatricians affirme que la légalisation du cannabis entraînera une augmentation de la consommation chez les adolescents, des cas de toxicomanie et des risques connexes. On a comparé les deux années précédant la légalisation et les deux années suivantes en utilisant des données recueillies au Colorado chez différents groupes d'âge: de 12 à 17 ans, de 18 à 25 ans et de 26 ans et plus, et on a conclu que la consommation avait augmenté de 17 à 63 %, tandis que la moyenne nationale pour les mêmes groupes était restée stable ou avait diminué. Callaghan, dans son étude de 2016, a cité divers calculs du nombre approximatif de consommateurs de cannabis en 2013 selon qu'ils soient âgés de moins ou de plus de 25 ans et a conclu que les adolescents et les jeunes adultes étaient représentés de façon disproportionnée chez les consommateurs de cannabis.
    Selon les études, il est peu probable que les mesures de contrôle concernant les boissons alcoolisées et les produits du tabac puissent être reprises pour restreindre convenablement l'accès des jeunes au cannabis après la légalisation. Même si la vente et la distribution d'alcool sont interdites aux mineurs, la consommation de boissons alcoolisées est toujours très répandue chez les élèves du secondaire en Ontario, et ce, à tous les niveaux.
    Les données concernant les jeunes de 19 ans et moins qui conduisent avec les facultés affaiblies sont très troublantes. Jusqu'à 18 % des personnes impliquées dans un accident de voiture mortel entre 2000 et 2007 avaient les facultés affaiblies par l'alcool, la drogue ou les deux, selon les analyses toxicologiques. Le nombre de personnes qui ont déclaré avoir conduit avec les facultés affaiblies par l'alcool ou le cannabis est également élevé, et le nombre de personnes qui ont déclaré avoir pris place à bord d'un véhicule conduit par une personne dont les facultés étaient affaiblies est encore plus élevé.
(1130)
    Pour revenir à ce que j'ai mentionné plus tôt, on est en droit de se préoccuper des conclusions tirées des données du Colorado relativement aux accidents de la route mortels liés au cannabis après la commercialisation répandue du cannabis médical. Au Colorado, les tentatives pour restreindre l'accès au cannabis médical ont échoué. De 70 à 72 % des jeunes de 12 à 17 ans qui ont dû suivre un programme de désintoxication étaient en majorité dépendants au cannabis, et 74 % des membres de ce groupe ont déclaré consommer le cannabis médical de quelqu'un d'autre.
    Maintenant, à la veille de la légalisation, nous sommes en train de discuter de l'âge légal et des façons réglementaires de restreindre l'accès pour les mineurs. Vous voyez où le bât blesse.
    D'abord et avant tout, le problème tient au message. Le cannabis n'est pas une substance sans danger. Les adolescents sont de grands consommateurs de cannabis, et ni une limite d'âge ni des mesures de contrôle pour la distribution légale ne sont susceptibles de décourager les adolescents et leurs fournisseurs de poursuivre leurs activités.
     En 2014, Hopfer a affirmé que le rapport de 1964 du directeur du Service de santé publique des États-Unis où il déclarait que fumer était dangereux pour la santé a peut-être été l'intervention la plus importante pour lutter contre la toxicomanie. Ce rapport a entraîné, avec l'aide des intervenants dans le domaine de la santé publique, un virage dans la perception du public à l'égard du tabac, suivi par une diminution progressive des fumeurs. Portage craint que le message actuel sur la consommation à des fins récréatives, et le projet de loi C-45 en général, aient l'effet contraire. A-t-on déjà réussi à dissuader les adolescents, en général, de faire quoi que ce soit en leur disant « attendez que vous soyez assez vieux »?
    On doit se demander qui est avantagé ici. On présume que les recettes tirées de la légalisation, comme c'est le cas pour l'alcool, vont compenser l'augmentation des dépenses pour les programmes et l'éducation dans le domaine de la santé publique. Cependant, une étude menée en 2007 par Rehm et coll. semble indiquer que l'effet inverse est possible. Ils ont conclu que les coûts sociaux et économiques entraînés par la consommation d'alcool sont peut-être supérieurs aux recettes tirées de la production et de la vente. Pourquoi cela serait-il différent pour le cannabis légal vendu par un monopole d'État?
    Portage ne voit pas comment les coûts associés aux services de police pourraient diminuer. Même avec la légalisation, l'importation, la production et le trafic sont toujours des actes criminels qui nécessitent l'intervention des policiers et qui entraînent des dépenses juridiques. Le même principe s'applique à d'autres domaines. Diriger le débat sur l'âge minimum et le mode de distribution semble avoir occulté les problèmes qui mineront notre société et nos jeunes une fois que le projet de loi sera adopté. Nous devons réfléchir sérieusement à la façon dont nous allons protéger nos jeunes à risque, qui vont continuer de sombrer dans la toxicomanie, et peut-être maintenant en plus grand nombre.
    J'en viens à nos recommandations, car comme la situation comporte des risques élevés et suppose des conséquences considérables pour un grand nombre de jeunes Canadiens vulnérables, nous ne pouvons pas procéder par tâtonnements. Nous devons bien faire les choses dès le début.
     Le gouvernement fédéral, en tant que rédacteur et promoteur du projet de loi C-45, se doit de veiller à ce que toutes les provinces disposent des ressources nécessaires, autant sur le plan financier que sur celui des infrastructures pour réagir adéquatement aux problèmes indirects de santé physique et psychologique qui découleront probablement de l'entrée en vigueur du projet de loi. Le gouvernement doit dicter avec rigueur quelles seront les normes minimales qui s'appliqueront à toutes les provinces et tous les territoires; il ne doit pas décliner toute responsabilité, sous prétexte de respecter les droits des provinces.
    Nous recommandons de supprimer les mentions de l'utilisation à des fins récréatives et d'axer le message et la discussion avec les parents, les éducateurs et les employeurs sur les problèmes éventuels que la légalisation entraînera. Il faut aussi se préparer à répondre aux besoins accrus pour le traitement des maladies non infectieuses.
    La distribution devrait être rigoureusement réglementée en ce qui concerne l'âge et la quantité achetée et devrait également être surveillée grâce à un registre centralisé. Le gouvernement pourrait prendre exemple sur l'Europe, où il existe des clubs de cannabis dont il faut être membre pour consommer, où la consommation est permise seulement sur les lieux, où il faut avoir l'âge minimum, etc. Ainsi, on pourrait s'assurer de restreindre au minimum les quantités de cannabis légal dans la rue.
    Le projet de loi devrait également prévoir d'interdire l'achat aux trafiquants qui ont un casier judiciaire, aux personnes qui ont des antécédents de toxicomanie, aux gens atteints de troubles de santé mentale aigus ou à ceux qui ont été pris à conduire avec les facultés affaiblies.
    Nous devrions investir massivement dans la prévention, l'éducation et les traitements afin de répondre à la demande qui sera sûrement exacerbée par la légalisation du cannabis.
    Merci, monsieur le président.
(1135)
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à la première période de questions. Vous avez sept minutes pour poser vos questions et entendre les réponses. Commençons avec le Dr Eyolfson.
    Merci à tous d'être ici.
    Monsieur Howlett, je me demandais si vous pourriez, quand vous aurez l'occasion, nous fournir vos références pour quelques-unes de vos données concernant le Colorado. Nous avons discuté avec la procureure générale du Colorado et le procureur général de Washington à propos de la conduite avec facultés affaiblies et de la consommation chez les jeunes, et ce qu'ils nous ont dit va à l'encontre de votre exposé. En ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies, il semble que l'augmentation rapide initiale était due à des méthodes de détection améliorées qui n'existaient avant. Également, l'utilisation réelle chez les jeunes à la suite de la légalisation a plus ou moins atteint un plateau correspondant à la moyenne nationale, tandis que vous avez affirmé le contraire.
    Voulez-vous que je vous réponde tout de suite, monsieur Eyolfson?
    Très rapidement, s'il vous plaît. Je n'ai pas beaucoup de temps, mais allez-y.
    Monsieur Eyolfson, les données ont été tirées de l'étude d'impact préparée par la Rocky Mountain High Intensity Drug Trafficking Area, et c'est...
    Quelle est l'organisation qui a mené l'étude?
    C'est... il y a plusieurs articles écrits par Harold Kalant. Je vais vous envoyer les...
    Envoyez-nous seulement les sources. Ce serait parfait. Merci.
    Monsieur Bernstein, j'ai aimé votre commentaire à propos des jeunes. Nous sommes d'accord. Nous ne voulons pas que nos jeunes consomment du cannabis. Comme vous l'avez dit, nous savons que cela nuit au développement du cerveau. Je partage aussi vos sentiments, docteure Grant. Nous devons restreindre l'accès à cette substance, parce que nous savons qu'elle n'est pas sans danger.
    J'ai particulièrement aimé votre commentaire en ce qui a trait au fait qu'il faut d'abord se demander pourquoi les jeunes fument tant. J'ai pratiqué la médecine pendant 20 ans, et les changements qui se produisent chez les jeunes qui fument ou qui consomment du cannabis sont très clairs. Plus d'une fois, j'ai diagnostiqué des cas de schizophrénie où il était très évident que les symptômes psychotiques étaient antérieurs à la consommation de cannabis. Ces jeunes avaient recours à l'automédication parce qu'ils ne voulaient pas parler de leurs symptômes à qui que ce soit. Le cannabis les soulageait quand ils commençaient à entendre des voix.
    Ce n'est qu'une partie de l'histoire, mais vous avez raison. Je crois qu'il faut être plus ouvert à propos de ces choses... Nous devons établir un lien avec ces personnes, et pas seulement les jeunes. Si quelqu'un consomme beaucoup de cannabis, on doit d'abord demander pourquoi. Je crois que c'est extrêmement important.
    Docteure Grant, dans votre mémoire et dans votre exposé ici, vous avez recommandé que l'âge minimum pour le cannabis soit le même que pour l'alcool. En fonction de vos interactions avec les adolescents et ce que vous savez de leurs comportements et de leur tendance, pouvez-vous nous dire ce qui, selon vous, arriverait si l'âge minimum était de 21 ou de 25 ans, comme le recommande l'Association médicale canadienne?
(1140)
    Le point que je veux faire valoir est que nous savons déjà qu'environ 30 % des jeunes au Canada, dépendamment de l'âge, essaient le cannabis. À l'âge de 15 ans, 30 % des jeunes Canadiens ont déjà consommé du cannabis ou en ont consommé dans l'année. Les jeunes vont continuer à en consommer, et c'est pourquoi la Société canadienne de pédiatrie est d'avis que l'âge minimum pour consommer du cannabis devrait être le même que celui pour les autres substances réglementées, comme l'alcool. Ce n'est pas en imposant un âge minimum de 21 ans que nous allons comme par magie renverser la tendance. C'est une question de peser les avantages par rapport aux préjudices. Si l'âge minimum est aussi élevé que 21 ou 25 ans, ce qui me préoccupe, c'est la possibilité que tous ces adolescents et ces jeunes adultes de moins de 21 ou de 25 ans qui choisissent d'essayer le cannabis — ce que nous ne recommandons pas — n'auront pas accès à des produits réglementés dont les concentrations sont connues. Voilà ce qui me préoccupe.
    Ce n'est pas quelque chose que nous recommandons, mais nous savons qu'ils essaient le cannabis, et nous devrions appliquer le même principe qu'avec l'alcool ou la cigarette.
    Merci.
    Vous avez également mentionné dans votre mémoire que les campagnes de sensibilisation du public doivent jouer un rôle. Encore une fois, nous sommes d'accord pour dire que le projet de loi C-45 doit prévoir des campagnes énergiques de sensibilisation du public, en particulier celles visant les jeunes.
    Il y a eu, dans le passé, des campagnes de sensibilisation du public qui étaient, pour être poli, un peu maladroites. Je crois que nous avons tous ri de la publicité avec l'oeuf dans la poêle, « This is your brain on drugs; voici votre cerveau drogué ». Nous savons que cette publicité n'a touché aucune corde sensible, qu'elle n'a eu aucun effet de dissuasion. Donc, quel serait le moyen le plus efficace de faire comprendre aux jeunes qu'ils devraient s'abstenir?
    On sort un peu de mon domaine d'expertise, pour être honnête, mais j'imagine que je pourrais reprendre deux ou trois points importants que j'ai mentionnés dans mon mémoire. Nous devons nous associer aux personnes qui sont respectées par les jeunes et avec les organismes de santé publique et nous ne devons pas attendre à la dernière minute pour préparer notre message. Notre position doit être claire en vue de l'été prochain. Nous devons veiller à ce qu'il y ait des investissements adéquats pour sensibiliser la population. Sur cela, je suis d'accord avec Peter Howlett et Ian Culbert: nous devons accentuer le dialogue.
    Il y a énormément de mythes entourant la consommation du cannabis chez les jeunes. Dans nos fonctions de pédiatres ou de médecins spécialistes de la médecine des adolescents, il nous arrive souvent de poser des questions aux jeunes, et il semble que beaucoup de ce qu'ils savent du cannabis provient de YouTube ou des différents groupes de pression. Malgré tout, on n'explique pas clairement ce que sont les risques. Le risque d'acquérir une dépendance au cannabis est de un sur six. Par IRM, on peut voir que la consommation du cannabis entraîne réellement des modifications dans la structure et le fonctionnement du cerveau, mais personne n'en parle.
    Merci.
    Madame Gladu.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux remercier tous les témoins d'être venus ici aujourd'hui.
    J'aimerais commencer avec certaines statistiques que M. Culbert et Mme Grant ont présentées: 12 % des Canadiens et 30 % des jeunes consomment du cannabis. On nous a beaucoup parlé de ce que les consommateurs veulent et de ce dont ils ont besoin, mais je crois que pour trouver un juste milieu dans ce projet de loi, nous devons nous intéresser à l'envers de la médaille, c'est-à-dire aux 88 % de Canadiens — c'est-à-dire la majorité — qui ne consomment pas. Comment pouvons-nous protéger leurs droits de ne pas être exposés à davantage de préjudices, comme la fumée secondaire, les personnes qui conduisent avec les facultés affaiblies par la drogue et les jeunes atteints de psychose ou de schizophrénie? Dans le même ordre d'idée, 70 % des jeunes ne consomment pas de cannabis. Alors, comment pouvons-nous les protéger pour nous assurer qu'ils ne commencent pas?
    Les témoins précédents nous ont fait quelques recommandations, et je voulais vous en soumettre deux afin que vous puissiez nous donner vos commentaires, que vous puissiez nous dire s'il s'agit de bonnes idées.
    D'abord, il y a la sensibilisation du public: on nous a dit que l'État de Washington, où vivent environ sept millions de personnes, dépense environ 7,5 millions de dollars par année pour la sensibilisation du public. Selon les responsables, c'est un moyen de dissuasion très efficace. Au Canada, avec notre population de 30 millions de personnes, je doute que les 9 millions de dollars prévus par le gouvernement libéral soient suffisants, ou investis en temps opportun. Selon moi, nous devons déployer davantage d'efforts en ce qui concerne la sensibilisation du public, et le plus tôt sera le mieux.
    Ensuite, on nous a parlé du message envoyé aux enfants à propos de la quantité appropriée de cannabis pour eux: la loi devrait préciser que c'est zéro pour les personnes de moins de 18 ans et qu'en posséder n'importe quelle quantité est une infraction pouvant donner lieu à une amende. Ce serait mieux que le libellé actuel.
    Je vous pose la question à tous: quels sont vos commentaires par rapport à ces deux recommandations? Sont-elles bonnes? Procédons de gauche à droite.
(1145)
    Je crois qu'une de nos préoccupations concerne le message. On pourrait interpréter l'expression « cannabis à des fins récréatives » pour dire que ça s'assimile à un mode de vie ou à un sport, en quelque sorte. Les données montrent que la consommation peut entraîner des préjudices physiques et psychologiques et qu'il est facile d'en faire un usage abusif. Ce que nous voulons — et peut-être que le projet de loi devrait refléter cela — c'est changer le message. Ce n'est pas une question de légaliser ou non le cannabis, c'est plutôt une question de simplement changer la façon dont la consommation est présentée.
    Selon moi, les préjudices que la consommation abusive ou extrême de cannabis peut entraîner sont évidents. Nous en sommes témoins tous les jours. Chaque année, 500 jeunes doivent subir une cure de désintoxication. La plupart ont commencé en consommant du cannabis, et pour d'autres, c'est leur drogue principale.
    Comme M. Vamos l'a dit, nous devons nous intéresser au message, essayer de changer la culture pour que ce ne soit plus attirant et que le message populaire soit que la consommation de cannabis peut être très nuisible pour vous après une certaine période.
    Essayons de nous en tenir à mes deux questions. Croyez-vous que nous devons renforcer nos efforts quant à la sensibilisation du public le plus tôt possible? Selon vous, le message que nous devons envoyer doit-il être que la quantité maximale pour les jeunes de moins de 18 ans devrait être de zéro?
    Oui. Je répondrais oui à vos deux questions.
    Docteure Grant.
    Pour répondre à votre première question, je dirais oui. Il faut que le financement soit adéquat, et je serais d'accord avec vous sur le fait que les messages doivent être diffusés le plus tôt possible. Toutefois, je ne suis pas d'accord avec votre opinion en ce qui concerne les contraventions pour les moins de 18 ans. Cela ne ferait que pénaliser les jeunes, et ce n'est pas utile.
    Monsieur Culbert.
    Le gouvernement fédéral n'est pas le seul intervenant en ce qui concerne la sensibilisation. Il y en a d'autres, et c'est pourquoi 9 millions de dollars, c'est un bon début. Il y a toutes les provinces et tous les territoires, évidemment, et il faut savoir aussi séparer la sensibilisation du public, c'est-à-dire essentiellement l'aspect légal — où vous pouvez l'acheter, qui peut l'acheter et qui peut en posséder, et ce qui concerne la promotion de la santé, une sphère de responsabilité qui revient au gouvernement fédéral. Nous encourageons à coup sûr le gouvernement à investir énergiquement à ce chapitre, en misant sur la sensibilisation en particulier.
    En 2005, le gouvernement fédéral a financé mon association pour qu'elle mène un projet visant à encourager les parents à parler à leurs enfants à propos de la consommation de cannabis et de la conduite automobile. Nous voulons qu'ils aient une conversation sans jugement ni stigmatisation. L'objectif était essentiellement d'abattre une partie des obstacles.
    Il y a beaucoup d'idées fausses des deux côtés relativement à la consommation de cannabis ainsi qu'à la substance elle-même, et il faut les déconstruire. Les parents doivent avoir accès à des ressources solides qui disent toute la vérité. Les enfants ne sont pas stupides. Vous pouvez avoir une conversation avec eux, et c'est pourquoi j'ai dit qu'il faut que la conversation, et non la consommation, soit ouverte. Prenez l'alcool, c'est une substance acceptée socialement, et pourtant il y a un manque d'ouverture dans le dialogue concernant ce produit.
    Nous avons beaucoup de pain sur la planche, parce qu'un énorme changement social est en train de se produire quant aux attitudes au Canada concernant la consommation de drogue.
    Il nous semble plus approprié de donner une contravention aux contrevenants mineurs que de les accuser d'une infraction au criminel.
    Très bien.
    Monsieur Renaud.
    Oui, je suis d'accord avec M. Culbert. J'ai aussi l'impression que l'information à notre disposition a été influencée par les 80 années de prohibition. Il y a peu d'études scientifiques véritables menées sur le cannabis, et maintenant, on essaie d'élaborer un cadre réglementaire sans pouvoir compter sur la science pour se guider.
    Avec la légalisation du cannabis, il y a aura davantage d'études. Évidemment, la situation sera surveillée de près, et cela nous permettra de recueillir des données concrètes qui éclaireront les modifications ou les ajustements à faire dans les politiques, là où c'est nécessaire.
    Pour l'âge minimum, je crois qu'il est approprié de laisser les provinces en décider dans une certaine mesure, puisque l'âge minimum pour l'alcool est déjà différent d'une province ou d'un territoire à l'autre. Pour un grand nombre d'entre nous, je crois que ce serait insensé d'avoir un âge minimum pour le cannabis qui soit supérieur à celui pour l'alcool. Cela ne ferait qu'encourager la consommation d'alcool, ce qui, pour être parfaitement honnête, est loin d'être notre but, je crois.
    L'incidence du syndrome d'alcoolisation foetale est très marquée...
(1150)
    Par souci de temps, j'aimerais entendre les commentaires de M. Bernstein également.
    Merci.
    Pour ce qui est de la sensibilisation du public, votre première idée était excellente. Bien sûr, nous croyons qu'il faut fonder les campagnes d'éducation sur des données probantes afin de montrer aux jeunes ce que sont les drogues, quelles sont les situations sociales où il serait possible d'être exposé à de la drogue, les dangers de la drogue, les raisons pour lesquelles les gens en consomment ainsi que les effets positifs ou autres, par exemple lorsqu'il s'agit de consommation à des fins médicales ou autres.
    Il est préférable d'avoir cette discussion le plus tôt possible avec les enfants en s'appuyant sur des données scientifiques, et non sur des mythes et des tactiques alarmistes. J'ai grandi avec les campagnes publicitaires « just say no — dites simplement non » et l'oeuf dans la poêle à frire, et aujourd'hui, je suis en train de témoigner devant la Chambre des communes sur la légalisation du cannabis. Je doute que ces messages fonctionnent de la façon escomptée. Il serait plus efficace d'utiliser des données scientifiques et, lorsque c'est possible, de demander aux jeunes eux-mêmes d'agir comme éducateurs et de parler de leur propre expérience.
    Pour ce qui est de votre deuxième point, les contraventions, je me range à nouveau du côté de M. Culbert en disant que cela est préférable à la criminalisation. Le meilleur scénario serait de créer un cadre social où au lieu de punir les jeunes consommateurs, on adopte une approche plus constructive.
    Il n'est pas réaliste de se doter d'un objectif de tolérance zéro, de possession nulle. Cela ne ferait qu'encourager la police à intervenir pour des délits mineurs et à harceler les jeunes. Disons que quelqu'un fume en public, l'agent de la paix devrait confisquer la substance et dire à la personne « C'est interdit », mais je ne crois pas, au bout du compte, qu'il faudrait entamer d'autres procédures pour que la tolérance zéro soit efficace.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Davies.
    Merci, monsieur le président.
    Docteure Grant, j'aimerais en apprendre davantage sur les études dans ce domaine afin de pouvoir séparer ce que nous croyons et ce que nous savons. Certains témoins nous ont déjà parlé des difficultés liées aux études sur un produit criminalisé; il y a toutes sortes de problèmes qui surviennent quand on mène ce genre d'études. Ce n'est pas facile de monter une étude contrôlée où on suit l'évolution d'un groupe de jeunes consommateurs de cannabis de 15 ans par rapport à un autre groupe qui n'en consomme pas. Outre les considérations d'ordre éthique, bien sûr, il faut également faire attention, fondamentalement, à ne pas confondre causalité et corrélation.
    Récemment, une étude menée par la Faculté de médecine de l'Université Harvard et le VA Boston Healthcare System a conclu, et je cite:
Même si le cannabis peut avoir un effet sur l'âge d'apparition de la schizophrénie, il est peu probable qu'il s'agisse de la cause de la maladie [...]
    Je continue:
De façon générale, nous avons conclu que les parents des consommateurs de cannabis sont plus susceptibles d'être atteints de dépression ou de trouble bipolaire, et ce, dans le groupe de patients et le groupe témoin. Cela semble indiquer que les consommateurs de cannabis sont plus susceptibles d'être atteints de troubles affectifs que les gens qui n'en consomment pas et vice versa.
    Même si, en mon for intérieur, je suis aussi préoccupé par la consommation de cannabis chez les jeunes, car je crois que ce n'est pas une bonne chose et qu'il n'y a aucun bienfait — j'y crois fermement — je pense qu'il est important que notre comité sache séparer ce que nous croyons et ce que nous savons.
    Donc, est-ce qu'il y a, selon les études, un lien de causalité entre la consommation de cannabis et l'apparition des maladies mentales, ou s'agit-il d'une corrélation?
(1155)
    Avant tout, la position de la SCP s'appuie sur des études scientifiques, sur les conclusions que nous tirons en examinant les données et non sur nos croyances. Comme je l'ai mentionné dans mon mémoire, il existe une relation complexe entre les psychoses et le cannabis.
    Selon ce que je sais, les études sur la question ne peuvent toujours pas affirmer avec une certitude absolue qu'il existe un lien de causalité, c'est-à-dire que si un jeune consomme uniquement, régulièrement et pendant des années du cannabis, alors il va assurément être atteint d'un trouble psychotique; cependant, un grand nombre d'études nous disent qu'il existe différents types de diagnostics de troubles psychotiques.
    Des études rigoureuses ont été menées sur les effets secondaires de la consommation de cannabis, et nous savons que le déclenchement d'un épisode de psychose aiguë est l'un d'entre eux. Il y a des jeunes qui vivent cela quand ils sont sous l'effet de la drogue. Il y a un autre type d'épisode psychotique aigu qui peut durer des jours ou des semaines, et la plupart du temps, ce sont ces jeunes qui finissent par se rendre à l'urgence parce que leurs symptômes psychotiques ont persisté après que les effets de la drogue se sont dissipés. Selon certaines études qui ont suivi ces jeunes, il semble que le risque de vivre un autre épisode de psychose dans l'avenir qui ne soit pas déclenché par le cannabis augmente de 50 %.
    Je ne suis pas une experte en schizophrénie, mais après avoir examiné les études à ce sujet, il me semble qu'il y a véritablement un lien entre la consommation régulière et fréquente de cannabis qui a commencé en bas âge et se poursuit et l'apparition de la schizophrénie. Cependant, et je l'ai mentionné dans mon mémoire, il n'y a pas que cela. Selon les études, par exemple, le risque qu'un adulte soit atteint d'un trouble psychotique est d'environ 1 %. Avec une consommation régulière et fréquente de cannabis, le risque passe de 1 à 2 %, ce qui peut sembler toujours très faible. Malgré tout, si un membre de votre famille est atteint de schizophrénie ou d'un trouble psychotique, le risque d'apparition de la maladie est beaucoup plus élevé, et c'est dans ce cas que la consommation de cannabis devient un facteur important, parce qu'elle double un risque déjà élevé.
    Les gens qui sont prédisposés à des épisodes schizophrènes sont-ils plus susceptibles d'avoir recours à l'automédication, comme le Dr Eyolfson l'a dit, ou est-ce que la consommation de cannabis entraîne chez eux plus d'épisodes de psychose? C'est essentiellement ce que je veux savoir. Comment pouvons-nous être sûrs que la personne n'aurait jamais vécu d'épisode de psychose autrement?
    C'est une excellente question. La schizophrénie n'est pas mon principal domaine d'expertise, mais je sais qu'il existe des études sur la question. Je serais heureuse de vous fournir les références. Ces études sont mentionnées dans le mémoire de la Société canadienne de pédiatrie: ce n'est pas que le trouble psychotique est apparu d'abord et qu'ensuite les gens ont recours à l'automédication, c'est plutôt l'inverse. Mais tout cela est complexe.
    D'accord, merci.
    Seulement, j'aimerais approfondir un peu la question et parler des produits comestibles. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre témoignage, alors j'aimerais que vous m'éclairiez. Avez-vous recommandé d'exclure les produits comestibles de la légalisation?
    D'après ce que j'ai compris, le projet de loi actuel concerne la marijuana et la culture des plants. Il n'est pas question des produits comestibles.
    C'est exact.
    Ce qui me préoccupe par rapport aux produits comestibles, c'est que nous devons nous assurer d'étudier la possibilité que de jeunes enfants puissent ingérer accidentellement ces produits; les gens doivent être au courant des risques, et il ne faut pas mettre cela de côté.
    Oui. Eh bien, cela a déjà été fait dans l'État du Colorado et nous avons aussi entendu des témoignages à ce sujet. Vous avez absolument raison à ce chapitre: nous devons nous assurer que les produits comestibles sont vendus en format individuel, dans des contenants à l'épreuve des enfants, qu'il n'y ait aucune publicité visant les enfants et qu'il soit indiqué sur le produit lui-même ce qu'il contient. Tout cela a été mis en oeuvre au Colorado. Seriez-vous prête à dire que nous devrions légaliser les produits comestibles, pourvu que toutes ces conditions soient remplies?
    Mon temps touche à sa fin, alors je vais me dépêcher de situer le contexte. Si je vous pose cette question, c'est à cause de ce que vous avez dit dans votre témoignage à propos du fait d'harmoniser l'âge minimum pour l'alcool et les produits du tabac. Vous avez dit qu'il serait préférable de fournir un accès aux produits réglementés dont les concentrations sont connues et d'éviter les comportements à risque élevé. Si on ne légalise pas les produits comestibles, ils seront repris par le marché noir, où il est impossible de réglementer quoi que ce soit, et les jeunes vont continuer d'adopter des comportements à risque élevé. Donc, pouvez-vous élucider la contradiction?
    Ma position est qu'on devrait réglementer les produits comestibles, car autrement, nous allons voir apparaître les mêmes problèmes que ceux contre lesquels vous nous avez mis en garde si l'âge minimum pour le cannabis est inadéquat.
(1200)
    Je ne dis pas que les produits comestibles devraient être légalisés. Ce que je dis, c'est que cela soulève beaucoup de préoccupations relativement à l'ingestion accidentelle par des enfants ou des jeunes enfants qui pourraient en trouver dans la maison. Les mesures que vous avez décrites pour protéger les enfants peuvent servir à atténuer le risque, mais la préoccupation demeure. Les produits comestibles sont un sujet de préoccupation, et vous n'en avez pas discuté.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur McKinnon.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais parler de sensibilisation. L'un de nos objectifs d'intérêt public est, bien sûr, de réduire l'accès ou la consommation, du moins en ce qui concerne les jeunes. Comme un grand nombre de personnes nous l'ont dit ici, la clé, c'est l'éducation.
     Mais quel genre d'éducation pourrait fonctionner véritablement? On a déjà mentionné, comme exemple concret, celui de l'oeuf frit. Je me souviens aussi, il y a longtemps, du film Reefer Madness, utilisé comme outil promotionnel dans les années 1960 pour encourager les enfants à ne pas consommer de la drogue, mais qui est devenu la risée de tous parce qu'il était si bizarre.
    Donc, qu'est-ce qui fonctionne? Peut-être M. Culbert pourrait-il répondre, pour commencer.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, il faut qu'il y ait un dialogue, une conversation ouverte à propos de la consommation de drogue qui ne se limite pas seulement au cannabis. En tant que société, nous avons beaucoup de difficulté à être à l'aise avec ce genre de choses. Nous n'aimons pas discuter de sexe, nous sommes maladroits en ce qui concerne l'alcool, et nous sommes maintenant devant un énorme changement de paradigme en ce qui concerne les substances psychoactives illicites. On doit s'assurer que les parents, les éducateurs, les employés des services sociaux et les professionnels de la santé disposent des outils pour encourager ce dialogue.
    Est-ce que j'aimerais voir une campagne de publicité nationale où le gouvernement du Canada encourage les gens à fumer du cannabis? Non. Je ne crois pas que c'est une façon légitime de progresser. Ce qu'il faut pour avancer, c'est une campagne nationale qui aide tous les Canadiens à trouver des ressources officielles qui vont les aider à avoir ce dialogue dans différents contextes.
    Essentiellement, il faut qu'il y ait un dialogue honnête qui n'est pas influencé par nos partis pris personnels ou les mythes que nous traînons depuis notre enfance. Il faut avoir l'esprit ouvert quand on parle de cela aux enfants ou à des membres de la famille; il faut que les gens qui veulent consommer ces substances puissent en discuter honnêtement, et cela vaut aussi dans les cas où il semble y avoir un problème de consommation excessive.
    Madame Renaud, aimeriez-vous dire quelque chose?
    L'important, c'est que les trois ordres de gouvernement participent au débat. Il faut écouter les opinions à l'échelon municipal. Jusqu'ici, on l'a exclu de la discussion. Il faut aussi consulter les ministres provinciaux de l'éducation. Les enseignants ont l'impression d'avoir été muselés, parce qu'ils n'ont pas de voix dans ce débat. Ils ont peur de perdre leur emploi — c'est rendu à ce point —, et ils ont laissé aux agents d'application de la loi la tâche de parler du cannabis; je pense en particulier au Programme de sensibilisation aux dangers de la drogue, ou programme D.A.R.E.
    Depuis 1982, le programme D.A.R.E. prend littéralement toute la place lorsqu'il s'agit de discuter du cannabis en salle de classe. Habituellement, le message qu'on fait passer est qu'il n'y aura aucune tolérance et « dites non aux drogues », le genre de message que les enfants n'écoutent pas parce qu'il ne fait que les agacer. Dans la salle des enseignants, les enseignants doivent se demander « Pourquoi sommes-nous ici? On ne nous a pas donné pour responsabilité d'enseigner cela ». À présent, nous avons demandé un moratoire sur les agents de police dans les salles de classe afin que les éducateurs assument à nouveau la responsabilité de parler aux élèves de la drogue de façon globale et en utilisant des données scientifiques.
    Le gouvernement fédéral doit consulter les ministères provinciaux de l'éducation d'un bout à l'autre du Canada. Il faut qu'on s'intéresse aux valeurs des familles sans crainte ni jugement. Jusqu'à présent, il n'y a aucun dialogue entre les gouvernements. Les parents ont donc l'impression qu'ils doivent s'en charger eux-mêmes, et dans ce cas, la position des éducateurs doit refléter celle des familles. Ce n'est pas ce qu'on voit actuellement. Si on était capable de vraiment entamer le dialogue et de le mener sans crainte, le gouvernement fédéral pourrait vraiment aider à faire bouger les choses.
(1205)
    Ce que je comprends correspond plus ou moins à ma propre position sur le sujet, c'est-à-dire qu'il faut éviter les sermons et la condescendance, c'est ça?
    Absolument.
    Il y a quelqu'un qui nous a dit qu'on ne devrait pas aborder le sujet du cannabis à des fins récréatives dans le projet de loi. La personne nous a recommandé de nous en tenir seulement au cannabis.
    Pouvez-vous nous donner la perspective du milieu de l'éducation à ce sujet également, monsieur Renaud?
    Je suis d'accord avec Judith sur le fait qu'il y a très peu d'information valable à la disposition des gens, en particulier les jeunes. Lorsqu'ils ont l'impression qu'on leur ment, leur réaction générale est de se refermer sur eux-mêmes et de faire la sourde oreille. Maintenant que nous allons pouvoir mener des études crédibles dans un contexte légal, nous allons tous être en mesure d'étudier comment la situation évolue et quelles données sont pertinentes. Le plus important, c'est d'être honnête et de dire la vérité, sans chercher à atteindre une fin prédéterminée, comme cela s'est fait dans le passé.
    Merci.
    Monsieur Culbert, on nous a dit que la commercialisation restrictive et les emballages neutres pouvaient nuire à la compétitivité du nouveau marché légal par rapport au marché noir existant. De votre côté, vous recommandez un emballage neutre. Quel est votre raisonnement?
    Selon d'autres témoignages, la valorisation de la marque peut être quelque chose d'important, toujours en ce qui concerne l'emballage neutre. Avez-vous des commentaires?
    La valorisation de la marque est quelque chose d'important qui permet au secteur privé d'augmenter ses résultats financiers, voilà tout. C'est la raison pour laquelle vous voulez qu'un produit attire l'oeil, pour que les gens se disent « Je veux le produit avec l'emballage rouge, parce que c'est ce que mon père utilise », peu importe de quel produit il s'agit.
    L'emballage neutre n'empêche pas de fournir de l'information précise en ce qui concerne la puissance, les résultats et les effets secondaires potentiels associés à la consommation du produit. Nous n'avons pas à célébrer la consommation de cannabis, comme nous l'avons fait dans le passé avec le tabac et comme nous le faisons toujours avec l'alcool. Cette industrie n'a pas besoin d'aide pour vendre son produit; on fait fausse route en pensant que la pauvre petite industrie va faire faillite si on ne lui accorde pas ces droits. Elle veut simplement pouvoir commercialiser son produit avec autant de force que toutes les autres industries, mais cela n'est pas nécessaire. Nous savons que le marché existe déjà au Canada.
    En ce qui concerne la compétitivité avec le marché noir, même s'il ne va pas disparaître du jour au lendemain, les études dans les États de Washington et du Colorado indiquent que si les gens en ont le choix, ils préfèrent ce qui est légal. Même s'il ne s'agit pas exactement du même produit que celui auquel ils sont habitués, et même s'il est un peu plus cher, ils préfèrent éviter une amende pour un acte criminel parce qu'ils ont acheté un produit illégal.
    Encore une fois, la légalisation et la réglementation visent à rendre cette industrie légitime, et cela va entraîner au bout du compte un affaiblissement du marché noir.
    Voilà qui met fin à notre période de questions de sept minutes. Nous allons passer aux questions de cinq minutes, en commençant avec M. Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Encore une fois, on a droit à un excellent groupe de témoins. J'aurais aimé avoir plus de temps pour poser des questions, mais je devrai me satisfaire d'une très courte période.
    Je veux commencer en revenant sur un point que, si je ne m'abuse, M. Howlett a soulevé, soit que nos jeunes ont une moins bonne compréhension du risque que nous. L'AMC est venue ici avec des témoins très crédibles. Docteure Grant, merci d'avoir fait le point avec nous sur la science en ce qui concerne les effets structurels et fonctionnels, les problèmes liés à la psychose et la schizophrénie. Je connais quelqu'un qui m'est très cher chez qui il y avait ce lien.
    Je continue à me demander si nous en faisons assez pour aider nos jeunes. Lorsque j'ai parlé à des parents dans ma collectivité, certaines des choses qu'on me disait, c'est que c'est une très grande expérience que mène le Canada, qui choisit une voie que très peu de pays ont choisie. Il y a beaucoup de préoccupations. On peut toujours être plus conciliant, mais c'est difficile de devenir plus sévère.
    Vous avez mentionné quelque chose que j'ai trouvé intéressant. Il n'y a pas beaucoup de personnes qui ont soulevé ce point. Vous avez parlé des niveaux plus élevés de THC et de quelque chose qu'on appelle la puissance. De quelle façon devrait-on appliquer le tout? Est-ce qu'un certain niveau de THC devrait être interdit aux personnes âgées de moins de 25 ans? C'est un âge que beaucoup de personnes ont mentionné. De quelle façon procéderiez-vous?
(1210)
    Une des recommandations de la Société canadienne de pédiatrie, c'est qu'une des façons d'atténuer certains de ces risques, parce que nous savons que les jeunes et les jeunes adultes vont continuer à faire des expériences, serait de seulement permettre l'accès légal à un cannabis moins puissant aux personnes âgées de moins de 25 ans. C'était notre recommandation.
    Il y aurait des produits différents disponibles pour des personnes d'âges différents?
    Oui, une concentration moins élevée de THC, parce que le THC est l'ingrédient psychoactif.
    Les libéraux ont dit très clairement qu'ils veulent retirer le cannabis des mains du crime organisé, mais nous avons entendu des témoins d'autres administrations dire que le crime organisé ne va pas disparaître. Pour ce qui est de réduire la consommation par les jeunes, encore une fois, lorsqu'on regarde ce qui s'est passé au Colorado, et nous avons rencontré des représentants de Washington, ici même, hier, comme M. Culbert l'a dit, la consommation chez les jeunes n'a pas augmenté, mais elle n'a de toute évidence pas diminué non plus.
    J'aime bien toute cette idée de sensibilisation et la mise en place de quelque chose. Je suis déçu que les libéraux, qui ont eu deux ans, n'aient encore rien fait, et que la légalisation arrive dans 290 jours.
    Je veux connaître votre avis. Nous avons reçu des témoins, ici, qui affirment être des experts, et ils disent, par exemple, que le cannabis n'est même pas aussi néfaste que l'alcool. Je crois que la science, surtout dans le cas de nos jeunes — et c'est sur les jeunes qu'il faut se concentrer — montre très clairement que c'est pire.
    Grâce à ce projet de loi, des jeunes âgés de 12 à 17 ans pourront avoir, pour leur consommation personnelle, jusqu'à cinq grammes. Vous avez dit officiellement que vous n'appréciez pas l'idée de donner des contraventions. Douze ans, on parle ici de la sixième année. Vous vous occupez des enfants, ce que je ne fais pas, en tant que politicien. Que feriez-vous avec ces enfants? Nous avons entendu le gouvernement parler de réduction des méfaits, et de cette philosophie tandis qu'on va de l'avant, mais on n'a pas beaucoup entendu parler de ce qu'on fera du côté de la prévention et du traitement.
    Un jeune de 12 ans, qui est le grand à l'école publique, que les plus jeunes admirent, peut avoir en sa possession jusqu'à cinq grammes pour sa consommation personnelle selon le projet de loi. Si un enseignant prend en défaut l'un de ces jeunes, que doit-il faire avec lui?
    Je veux que ce soit clair: comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, il n'y a aucun âge où la consommation de cannabis est sécuritaire. Vous comprenez?
    Je comprends.
    La Société canadienne de pédiatrie ne recommande pas, évidemment, à des enfants ou des jeunes d'expérimenter, et ce, en raison de tous les risques dont j'ai parlé.
    Pour ce qui est de l'âge de légalisation, encore une fois, nous savons que les adolescents font déjà des expériences. L'âge, que ce soit 21 ou 25 ans, n'empêchera pas les jeunes de consommer de ce point de vue.
    Je parle des jeunes âgés de 12 ans.
    Ce que je dis, c'est que, évidemment, ce serait une très grande préoccupation. En tant que médecin, pour revenir à ce dont Ian a parlé, nous voudrions évaluer ce jeune et essayer de comprendre pourquoi. Ce serait un indice que quelque chose ne va pas, très probablement, dans sa vie.
    Qu'est-ce qu'il faudrait prévoir dans ce projet de loi pour que vous puissiez le faire? C'est ce que je veux dire. Quel est le mécanisme actuellement? Si on permet à quelqu'un d'avoir jusqu'à cinq grammes, et, si j'ai bien compris, ce pourrait être jusqu'à 15 joints... il pourrait s'agir d'un jeune de 12 ans, qui pourrait le partager, la vendre... La possibilité que l'élément criminel utilise des jeunes pour que d'autres jeunes deviennent accros existe. Quels outils le projet de loi devrait-il inclure pour permettre aux médecins, aux enseignants et aux personnes qui offrent des traitements de les mettre dans une position où ils peuvent les découvrir rapidement?
    En ce qui a trait à la prévention et au traitement, qu'est-ce qu'il faut mettre dans le projet de loi qui n'y est pas encore?
    On en revient à certains des commentaires de notre premier témoin, ce matin, sur le fait d'obliger les jeunes à obtenir de l'aide, que ce soit d'un médecin ou grâce à un certain lien vers du counseling et la participation de la famille, afin de comprendre ce qui se passe.
(1215)
    Est-ce que c'est quelque chose qu'il faut inclure dans le projet de loi?
    Votre temps est écoulé. Nous passons à M. Ayoub.
    On aura peut-être besoin d'interprétation, ici.
    Oui, je vais poser mes questions en français, alors si vous avez besoin d'interprétation, assurez-vous de l'utiliser. Je vais attendre que tout le monde soit prêt, pour ne pas perdre mon temps.
    Non, c'est bon.

[Français]

     Merci à tous pour vos témoignages plus intéressants les uns que les autres.
    On vit parfois des moments historiques et je crois que, présentement, nous sommes en train d'en vivre un. L'année dernière, nous avons adopté une loi sur l'aide médicale à mourir. Aujourd'hui, nous passons beaucoup de temps à parler de la légalisation du cannabis. J'écoute M. et Mme Renaud, Mme Grant et M. Culbert, et j'entends l'expression d'un sentiment d'urgence. Est-ce que je me trompe? Y a-t-il un sentiment d'urgence d'agir pour sauver les jeunes?

[Traduction]

    Oui, c'est absolument urgent. Nous avons une crise du fentanyl, en Colombie-Britannique, et maintenant, partout au Canada. Nous le savons. Il y a beaucoup de personnes désillusionnées qui n'ont pas vraiment respecté ce que les autorités disaient. C'est le cas actuellement, tant du côté des responsables de l'application de la loi que de celui des enseignants, du personnel infirmier et des médecins.
    Durant la dernière réunion à laquelle j'ai participé dans une école primaire, le sujet était le cannabis et le cerveau. On m'a demandé d'être là et on m'a demandé de m'asseoir et d'écouter. Il y avait deux médecins, trois agents de la GRC et quatre personnes responsables des services communautaires. Ils ont tous dit qu'il fallait à tout prix que les jeunes entendent ce qu'ils avaient tous à dire, mais ce dont ils avaient besoin, c'est que tout le monde soit sur la même longueur d'onde afin de ne pas créer de la frustration chez les jeunes.
    Ce que j'ai retenu de cette réunion, c'est que les services de police veulent travailler en collaboration avec les médecins, les médecins veulent travailler en collaboration avec les responsables des services communautaires, et tous ces intervenants veulent travailler avec les parents. Tout le monde se sentait isolé. Si nous mettons fin à l'isolement et qu'on améliore la communication, on pourra créer le programme afin de s'assurer que les enfants ne seront pas en danger.
    Merci, madame Renaud.
    Monsieur Culbert.
    Absolument. Il est temps d'agir. Comme je l'ai mentionné déjà, les parents, les enseignants et les professionnels de la santé doivent savoir à quoi ressemblera le paysage à venir. Nous ne le savons pas.
    L'Ontario est la première administration à avoir annoncé un plan lié à la façon dont le tout sera mis en oeuvre, et...
    J'ai compris la réponse.
    Docteure Grant, avez-vous la même réponse?
    Oui, je suis d'accord.
    Puisque vous avez répondu par l'affirmative à la question, qu'en pensez-vous? Hier, nous avons accueilli des représentants du service de police de l'Ontario qui nous ont dit qu'ils n'allaient pas être prêts. Que leur répondriez-vous s'il s'agissait d'une urgence et qu'il faut intervenir?
    D'un côté, il y a des personnes qui disent d'attendre, de ne rien faire, d'attendre à ce qu'on soit prêt. D'un autre côté, il y a une urgence. Mon point de vue, c'est qu'il faut sauver les enfants.
    Absolument. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous avons de hauts niveaux de consommation actuellement. Nous devrions déjà être en train de faire quelque chose, et tant qu'on ne décriminalise pas le produit — tant qu'on ne le légalise pas et qu'on ne le réglemente pas — les enseignants ne peuvent pas participer à la conversation. Tout le monde est muselé parce que c'est encore illégal. Il faut agir le plus rapidement possible.
    Il est évident que les organisations d'application de la loi ont des défis à relever, mais de dire qu'il n'y a pas actuellement de conducteurs qui conduisent avec des facultés affaiblies par la drogue... Ils agissent déjà aujourd'hui. Y aura-t-il une augmentation marquée du nombre de conducteurs avec facultés affaiblies par la drogue le 1er juillet 2018? Je ne crois pas, mais je ne veux pas non plus minimiser les réels défis auxquels les responsables de l'application de la loi sont confrontés.

[Français]

    J'ai aussi un commentaire à faire.
     Jusqu'à maintenant, je n'ai jamais envoyé mes enfants ou même de jeunes adultes faire des achats chez des criminels. Comme le disait Mme Grant plus tôt, présentement, 30 % des jeunes ont des liens directs ou indirects avec des criminels, la mafia. L'opposition a tout à fait raison: nous voulons éradiquer le côté illégal et chasser les criminels du marché. Nous voulons sauver les jeunes. Le fait de voir que 30 % des jeunes ont un lien avec des criminels m'interpelle. Il faut éradiquer cela. Il ne faut pas attendre car c'est toujours en progression.
     Quelle est votre réaction à ce système, madame Renaud?
(1220)

[Traduction]

    Comme nous l'avons probablement tous déjà entendu, les vendeurs de drogue ne demandent pas de pièce d'identité. Dans le cadre du système actuel, où il n'y a aucune réglementation et pas de contrôle, toutes les décisions sont prises par les organisations criminelles. Ils décident de la pureté et du prix et ils vendent à absolument n'importe qui.
    Nous ne semblons pas être confrontés aux mêmes problèmes du côté des jeunes et de la consommation d'alcool, précisément parce que c'est légal et parce que c'est réglementé. Selon nous, en adoptant un système où le cannabis sera réglementé, nous obtiendrons les mêmes résultats. Il faudra peut-être du temps, parce que la réalité, c'est que beaucoup de jeunes personnes consomment du cannabis, et peut-être de façon inappropriée. Le cannabis en tant que médicament se révélera peut-être un outil très puissant pour décourager la consommation non appropriée.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Webber.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Monsieur Bernstein, j'ai une question à vous poser. Vous êtes favorable à l'âge minimum fédéral actuel de 18 ans prévu dans le projet de loi. Vous avez laissé entendre que choisir un âge plus élevé reviendra à soutenir le marché illicite. Vous avez mentionné que des politiques d'application de la loi strictes ne fonctionnent pas, que les sanctions criminelles visant les jeunes devraient être l'éducation et qu'il faut adopter l'approche douce, qu'il ne devrait y avoir aucune sanction imposée aux moins de 18 ans.
    Docteure Grant, je vous ai aussi entendue dire que vous êtes contre le fait de pénaliser les jeunes ou de donner des contraventions pour les infractions de possession.
    Ne crée-t-on pas ainsi un environnement parfait pour le marché noir, pour les vendeurs de drogue qui peuvent ainsi s'approcher de ces jeunes, qui ne sont aucunement menacés par des conséquences juridiques, afin de leur distribuer de la drogue? Je tenais à poser la question.
    Je vais commencer par remettre en question votre prémisse selon laquelle la crainte de sanction légale réduit la mesure dans laquelle les jeunes tentent de trouver et de consommer du cannabis. Durant nos décennies d'interdiction, lorsque le cannabis était absolument interdit, il y avait toujours des sanctions juridiques imposées, et nous affichons, comme d'autres témoins l'ont mentionné, les taux les plus élevés de consommation de cannabis chez les jeunes parmi de nombreux pays.
    Selon moi, si nous nous appuyons sur ces anciennes approches et que nous augmentons les sanctions pour les jeunes en croyant que si l'on procède ainsi ils changeront leur comportement, il s'agit d'une mesure mal avisée qui ne s'appuie pas sur les données probantes.
    Je ne dis pas qu'il ne devrait y avoir aucune intervention auprès des jeunes qui sont reconnus... Je suis d'accord pour dire que, si mon fils de 12 ans, par exemple, arrive à la maison avec du cannabis, ce serait, comme on dit, une période propice à l'enseignement. L'important, c'est que nous devons probablement créer des moments propices à l'enseignement avant que cela se produise, mais l'idée, c'est qu'il y a une conversation, et, souvent, cette conversation doit inclure les familles à qui on fournit des données probantes et des renseignements qu'elles pourront communiquer à leurs enfants. Tout cela devrait être accessible aux enseignants, aux conseillers d'orientation et aux autres intervenants.
    Pour les jeunes, ce genre d'intervention pourrait très bien être efficace. Les jeunes ne veulent pas nécessairement de confrontation avec des adultes qui font certaines choses. Comme d'autres témoins l'ont dit, cependant, tout dépend de l'approche. Nous savons que la criminalisation des jeunes et le fait de leur dire « ne consommez pas » constituent la meilleure façon d'obtenir le résultat opposé, et c'est donc l'heure de repenser la façon dont nous abordons ce dialogue avec les jeunes.
    Docteure Grant, avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Permettez-moi simplement de dire que je suis tout à fait d'accord.
    Monsieur Howlett, votre centre de traitement, Portage, s'adresse surtout aux dépendants de la marijuana? Est-ce exact?
(1225)
    Non, il s'adresse aux personnes ayant une dépendance à l'égard d'une vaste gamme de substances.
    Vos commentaires font ressortir, de toute évidence, votre inquiétude par rapport au projet de loi C-45. Vous avez entre autres recommandé que le gouvernement fédéral s'assure que toutes les provinces reçoivent des paiements ou des fonds suffisants pour régler les problèmes de santé qui découleront de la légalisation de la marijuana.
    Pensez-vous qu'il y a aura une augmentation de la demande pour votre service une fois que la législation sera en vigueur?
    Je pense qu'il est évident pour tout le monde que l'offre de marijuana ne va pas diminuer. La consommation de cannabis ne va pas diminuer. Elle va augmenter. La question de l'approche, qui a été désignée comme étant une préoccupation essentielle, est ce qui me préoccupe en tant que personne et ce qui, je crois, préoccupe la plupart de mes collègues aussi.
    Il y a des façons d'approcher les jeunes et des façons évidentes de ne pas le faire, et leur tendance à écouter des personnes et à être influencés par elles est en grande partie liée à leurs héros et aux influenceurs du moment. Nous devons accorder une grande attention à la façon dont les messages leur sont communiqués.
    Nous sommes confrontés à une situation. L'offre ne diminue pas et elle ne diminuera pas. Nous devons également composer avec l'idée selon laquelle l'environnement culturel entourant la marijuana est cool, et ses points de comparaison avec d'autres drogues sont désuets. C'est comme si elle était moins dangereuse et moins préoccupante que d'autres drogues; par conséquent, si vous vous laissez tenter par le moindre mal, vous respectez certaines limites de sécurité. L'élément préoccupant, c'est qu'il circule des images de tous les gens cools qui la consomment.
    Madame Sidhu.
    Merci, monsieur le président.
    En 2015, les jeunes ont été, dans une proportion de 21 %, les plus grands consommateurs de cannabis au Canada. Ma question s'adresse à M. Culbert. Vous avez dit que le marché illicite du cannabis est comme une roulette russe pour la santé publique. Pourriez-vous expliquer davantage les risques pour la santé et la sécurité publiques si nous adoptons un âge minimal supérieur, comme l'ont suggéré certaines personnes?
    Certainement. Comme mes collègues l'ont mentionné, 21 % des jeunes de 15 à 19 ans en consomment. Si vous établissez un âge supérieur, comme 21 ou 25 ans, vous forcez ces jeunes à continuer d'aller sur le marché illégal pour obtenir leur produit. Ce n'est pas comme s'ils allaient cesser d'en consommer. L'interdiction complète ne les a pas freinés. Une limite d'âge ne les freinera pas plus.
    Fait intéressant, si nous observons des proportions si élevées de consommation de cannabis au pays, c'est en partie parce que nous avons si bien réussi notre travail concernant l'âge minimum pour consommer de l'alcool. De plus, des limites sont imposées aux magasins autorisés légalement à vendre de l'alcool. Dans bon nombre de régions du pays, particulièrement dans les régions rurales, il est beaucoup plus facile d'obtenir du cannabis que de l'alcool. De fait, le cannabis vous arrive directement à l'école.
    Le fait d'établir cet âge, malgré les données probantes sur les conséquences neurologiques qui peuvent appuyer cette proposition, va effectivement maintenir les dangers pour ces jeunes.
    Merci.
    Vous avez dit dans votre déclaration que nous ne pouvons nous permettre d'attendre. Les Canadiens consomment déjà du cannabis. Pour ce qui est d'adopter le projet de loi, nous avons entendu certains témoins dire qu'il fallait plus de temps. Quel serait le risque de retarder l'adoption du projet de loi?
     Le risque de retarder l'adoption est de semer la confusion chez la population. Nous avons signalé que nous allons dans cette direction. Il y a toujours cette perception selon laquelle il faut plus de temps. Le travail de base effectué dans le cadre du projet de loi C-45 est sur la bonne voie. Les provinces et les territoires savent depuis octobre 2015 que cela s'en vient, et ils ont travaillé en ce sens. Le projet sera-t-il parfait en date du 1er juillet 2018? Non, mais les provinces seront sur la bonne voie.
    Le danger associé au retard possible, c'est que tous les Canadiens continuent d'être soumis à un modèle criminalisé qui a de graves conséquences néfastes pour tous.
    Je m'adresse aux éducateurs: pensez-vous qu'une transformation de l'éducation du public en même temps que la légalisation permettrait d'atteindre les mêmes résultats?
(1230)
    Oui, nous le croyons. L'éducation au sujet de l'alcool, par exemple, a été très efficace, tout comme l'éducation au sujet de la réduction du taux de tabagisme chez les jeunes. Ce sont les résultats directs des campagnes d'éducation destinées à des groupes de jeunes, et je ne vois aucune raison de penser que le même paradigme ne pourrait pas s'appliquer pour la consommation du cannabis chez les jeunes.
    Monsieur Bernstein.
    Oui, je suis d'accord avec ce que vous dites. La consommation chez les jeunes ne va pas diminuer en fonction de la criminalisation. L'éducation est importante dans le cadre de cette législation. On devrait la considérer comme une approche clé pour aborder la consommation chez les jeunes, comme je l'ai mentionné plus tôt.
    La prochaine question s'adresse à Mme Grant. Vous avez dit que nous devons consentir des investissements adéquats dans les jeunes. Vous avez mentionné la chaîne YouTube sur le cannabis et le besoin d'avoir un message clair. Quel genre de message et d'approche devrions-nous adopter à des fins d'éducation et de santé? La santé est une priorité pour notre gouvernement, pour l'ensemble des Canadiens. Pourriez-vous en dire plus à ce sujet?
    Essentiellement, il doit y avoir une énorme campagne d'éducation destinée aux jeunes et aux familles, semblable à ce qu'a déjà mentionné Ian, de manière à ce qu'on tienne des conversations au sujet des faits réels. Quels sont les faits? Quels sont les risques? Il s'agit de communiquer cela clairement aux Canadiens, aux familles — aux parents et aux jeunes — de sorte que les éducateurs, les médecins, etc., puissent en parler.
    Pour rendre ces messages attirants, il serait vraiment important de mobiliser la voix des jeunes et des jeunes leaders, qui utiliseraient le genre de langage et de mots qui trouveront un écho auprès des jeunes. Ils seront en mesure de se voir eux-mêmes, de comprendre. L'élément de pair à pair est important.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Davies.
    Merci.
     Monsieur Culbert, étant donné votre description claire des dangers causés par la criminalisation et de l'urgence d'adopter ce projet de loi en conséquence, demanderiez-vous au ministre de la Justice d'ordonner aux procureurs de cesser d'accuser des Canadiens pour simple possession en ce moment, en attente de l'adoption du projet de loi?
    Oui.
    Merci.
    Madame Renaud, monsieur Renaud, appuieriez-vous cette idée?
    Oui, absolument.
    Oui, absolument.
    Il me semblerait logique que, si une bonne partie du danger que vous nous avez décrit ici aujourd'hui concerne le contexte criminalisé du cannabis — l'implication du crime organisé, l'absence de sécurité des produits, la stigmatisation et des problèmes durant toute la vie en raison de casiers judiciaires qui peuvent être attachés à des personnes — ce soit quelque chose que nous pourrions et devrions faire également en ce moment même.
    Docteure Grant, nous n'avons pas parlé du fait de fumer. Je crois comprendre que, selon un point de vue pédiatrique, le fait de fumer toute substance de tout type, que ce soit du tabac ou autre chose, aurait des effets importants et graves sur la santé.
    Diriez-vous qu'il serait mieux, selon une perspective de santé, d'essayer d'encourager l'ingestion légale de cannabis par des méthodes qui ne supposent pas l'inhalation, du moins pour ce qui est du système respiratoire?
    Si vous parlez uniquement de problèmes respiratoires, bien sûr, il est mieux de ne pas fumer, mais les produits comestibles présentent des risques uniques. Nous revenons encore une fois aux produits comestibles. Par exemple, les jeunes qui font des expériences avec des produits comestibles peuvent s'attendre à ressentir les effets du cannabis plus tôt, que ce soit en raison de ce qu'ils ont entendu dire ou de ce qu'ils ont vécu en le fumant. On a rapporté dans la littérature des préoccupations selon lesquelles les jeunes qui consomment des produits comestibles le feront de plus en plus, parce que leur corps ne les aura pas encore métabolisés et qu'ils n'auront pas encore ressenti l'effet d'être « high », ce qui entraînera des surdoses et une ingestion importantes.
    Y a-t-il déjà quelqu'un qui est mort de cela?
    Pas à ma connaissance.
    Y a-t-il déjà quelqu'un qui est mort après en avoir inhalé?
    Je suis désolé, vous hochez la tête. Je suppose que cela veut dire oui, que des gens sont morts parce qu'ils en ont inhalé.
(1235)
    Eh bien, votre argument... je ne suis pas exactement certaine de savoir ce que vous voulez dire.
    Parlez-vous de fumer du cannabis?
    Je veux dire fumer du tabac, fumer n'importe quoi. Je crois comprendre qu'il y a un lien de causalité clair entre l'inhalation de toute substance et la mort. Est-ce exact?
    Oh, oui. Je ne nie pas cela.
    Merci.
    J'aimerais revenir à la question de l'âge. Je ne suis pas sûr de savoir où je me situe par rapport à la question de l'âge. Il me semble qu'il y a des avantages et des inconvénients. D'une part, nous devons fixer une certaine limite. Nous n'allons pas laisser tout le monde dire que tout enfant peut y avoir accès. Il y a des arguments en faveur du fait d'associer l'âge à celui de l'âge de l'accès légal à l'alcool, mais il y a aussi d'autres facteurs.
    Monsieur Culbert, je voudrais vous présenter cette question. Disons que nous choisissons un âge, 19 ans. Sept provinces sur 10 ont déjà établi la limite à 19 ans, et cet âge procure l'avantage ajouté de nous assurer que le cannabis ne se trouvera pas vraiment dans les écoles secondaires, parce que, de manière générale, il ne se trouve pas une majorité écrasante de jeunes de 19 ans dans les écoles secondaires. Si nous fixons l'âge à 18 ans, lorsque les jeunes seront en 12e année, la moitié de la classe pourra légalement porter sur elle jusqu'à 30 grammes de marijuana, mais pas le reste de l'école. De plus, nous disposons bien sûr des renseignements sur le développement du cerveau, c'est donc une année de plus pour le développement cérébral.
    Ne serait-il pas logique de fixer la limite à 19 ans à l'échelle nationale en fonction de ces facteurs?
    L'ACSP préférerait que l'âge légal pour boire partout au pays soit de 19 ans, parce que nous savons, selon les données probantes concernant la conduite en état d'ébriété et les accidents qui s'y rattachent, qu'une année fait une énorme différence. Lorsque nous examinons encore une fois le portrait global, soit que l'alcool soit traité différemment du cannabis, il n'est pas très logique de fixer des âges différents dans des provinces différentes. Le volet de l'éducation devient beaucoup plus compliqué. C'est un obstacle fallacieux, et les enfants ne seront pas dupes. Ils remettront cela en question. S'ils doivent avoir 18 ans pour boire, pourquoi doivent-ils avoir 19 ans pour consommer du cannabis? Il doit y avoir une logique sous-jacente.
    En même temps, je prévois qu'il y aura également un décalage en raison du fait que l'Ontario et le Québec sont des provinces frontalières. Nous devrons traiter cela de la même façon que nous avons eu à traiter la question de l'alcool. Nous aurions préféré que, partout au pays, l'âge soit de 19 ans si celui-ci devait correspondre à l'âge légal pour boire partout au pays.
    Si je puis revenir à votre question précédente, oui, des millions de gens sont morts parce qu'ils ont fumé du tabac. Il n'y a pas de cas de personne qui est morte pour avoir fumé du cannabis. La consommation chronique est bel et bien associée à des problèmes respiratoires, et on a rapporté des cas de décès à la suite de la consommation de produits comestibles. C'était...
    Pouvez-vous nous dire d'où vient cette recherche?
    Il s'agit ici de la consommation de brownies contenant du cannabis dans l'État du Colorado. Mais cela n'était pas la raison du décès. Le décès s'est produit parce que la personne s'est jetée du haut d'un balcon d'hôtel. C'est donc un décès associé, mais il n'a pas été relié sur le plan métabolique à la consommation.
    Ma question portait principalement sur le métabolisme.
    Oui, je précisais cela seulement à des fins de clarté.
    Très bien, merci beaucoup. Cela met fin à notre séance et à la réunion de notre groupe.
    Je tiens à remercier tous les membres au nom de notre comité, particulièrement M. Bernstein. Je sais que ce doit être très difficile d'être dans votre situation, et nous comprenons cela. Nous apprécions la patience dont vous faites preuve avec nous. C'est difficile de ne pas être dans la salle et de tout de même en faire partie, mais vous avez fait un excellent travail. À tous nos membres, à tous nos participants, je veux vous dire que vous avez apporté vos points de vue différents et nous avez grandement aidés à comprendre ce à quoi nous avons affaire.
    Merci beaucoup.
    Je suspens la séance, et nous reprendrons nos travaux à 13 h 45.
(1235)

(1345)
    Nous reprenons la séance. Encore une fois, il s'agit de la réunion numéro 66 du Comité permanent de la santé. Nous avons maintenant devant nous un groupe qui est venu discuter de l'âge de la possession légale et des répercussions pour les jeunes Canadiens.
    Nous souhaitons la bienvenue à nos invités et nous vous remercions beaucoup d'avoir pris le temps de venir. Je vais d'abord me présenter. Chaque personne aura ensuite 10 minutes pour se présenter, puis nous passerons aux questions.
    Pour commencer, Amy Porath, directrice, Recherches et politiques, du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, est avec nous. Jeunesse sans drogue Canada, représenté par Marc Paris, directeur général, et William J. Barakett, membre du Comité consultatif de JSD Canada, sont également présents. Nous accueillons Maude Chapados, conseillère scientifique, et François Gagnon, conseiller scientifique, de l'Institut national de santé publique du Québec.
    Nous allons commencer avec Mme Porath: vous avez 10 minutes pour votre déclaration liminaire.
    Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je m'appelle Amy Porath-Waller et je suis la directrice, Recherches et politiques, du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances ou le CCDUS.
    Le CCDUS a été créé en 1988. Nous sommes le seul organisme canadien titulaire d'un mandat législatif visant à réduire les méfaits liés à l'alcool et aux autres drogues pour la société canadienne. Nous sommes heureux de pouvoir vous parler aujourd'hui du sujet de l'âge de la possession légale du cannabis et de ses effets sur les jeunes.
    L'expertise du CCDUS en la matière repose sur la recherche, des conseils stratégiques et des activités de mobilisation des connaissances qui sont le domaine d'intérêt prioritaire pour nous depuis 2008. Par conséquent, la question de la légalisation du cannabis revêt un grand intérêt pour notre organisation, et nous estimons être bien placés pour contribuer de façon importante à la discussion sur le projet de loi C-45.
    Pour ce qui des contraintes de temps, mon exposé aujourd'hui sera bref. Le CCDUS a présenté un mémoire sur le projet de loi C-45 en préparation de notre présence aujourd'hui, et nous serions heureux d'aborder les sujets présentés dans le mémoire qui dépassent la portée des jeunes et de l'âge de possession légale.
    Comme beaucoup d'entre vous le savez peut-être déjà, les jeunes Canadiens sont parmi les plus grands consommateurs de cannabis au monde. Malgré une diminution de la consommation chez les jeunes au cours des dernières années, le cannabis demeure la drogue illégale la plus couramment consommée chez les jeunes Canadiens de 15 à 24 ans. Les jeunes Canadiens de 15 à 24 ans sont aussi deux fois plus susceptibles d'avoir consommé du cannabis au cours de la dernière année, comparativement aux adultes âgés d'au moins 25 ans.
    Les jeunes sont aussi plus à risque que les adultes de subir les méfaits associés à la consommation du cannabis, parce que l'adolescence est une période de développement cérébral rapide. Les risques associés à la consommation augmentent si les jeunes commencent à en consommer plus tôt dans la vie et si la fréquence et la quantité qu'ils consomment sont supérieures. Par conséquent, le fait de retarder le début de la consommation et de réduire la fréquence, la puissance et la quantité de cannabis consommé peut permettre de réduire ce risque.
    Un argument important que je veux faire valoir aujourd'hui, c'est que, lorsque nous parlons d'une approche globale à l'égard de la réduction de la consommation de cannabis chez les jeunes, nous parlons des outils réglementaires, mais de manière tout aussi importante, nous parlons d'une approche globale fondée sur des données probantes à l'égard de la prévention et de l'éducation du public. Je parlerai davantage de ce dernier point bientôt.
    D'abord, l'âge minimum légal de l'accès est un élément important d'une approche globale à l'égard de la réduction de la consommation du cannabis chez les jeunes. Vu le nombre de jeunes de 18 à 24 ans qui consomment actuellement du cannabis de façon illégale, le risque accru d'effets sur la santé doit être pris en compte en même temps que les risques associés à la consommation continue de cannabis obtenu à l'extérieur du marché réglementé.
    Le fait de fixer la limite légale à 18 ans à l'échelle fédérale signifie que les jeunes ne seront pas visés par des accusations criminelles pour adultes pour possession de cannabis. Le fait de fixer l'âge à 18 ans permet également aux provinces et aux territoires d'établir des règlements supplémentaires qui peuvent décourager la consommation sans les risques associés à la participation de la justice criminelle.
    Par exemple, les provinces peuvent songer à faire passer de 18 à 19 ans l'âge de l'accès au cannabis en vue de l'harmoniser avec l'âge minimum légal pour boire dans la plupart des provinces. Cela envoie aux jeunes d'âge légal un message cohérent selon lequel nous leur faisons confiance pour consommer de façon responsable des substances qui peuvent affaiblir leurs capacités et qui sont peut-être dommageables.
    Un deuxième outil réglementaire qui est un élément important d'une approche globale à l'égard de la réduction de la consommation de cannabis chez les jeunes est le prix. Nous savons que les jeunes sont sensibles au prix. On rapporte dans la littérature sur l'alcool que le prix minimum normalisé est un mécanisme efficace pour réduire les quantités globales de consommation d'alcool et que l'indexation — ou plutôt l'établissement du prix en fonction de la puissance du produit, et, dans le cas du cannabis, en fonction de la teneur en THC — peut inciter les jeunes à consommer des produits à faible risque. Des analyses continues seront assurément importantes pour nous permettre de nous assurer que l'établissement des prix permet de maintenir un équilibre entre la réduction de la consommation et l'incitation au détournement vers le marché illégal.
(1350)
    En plus de ces considérations réglementaires, il convient aussi d'adopter une approche globale fondée sur des données probantes à l'égard de la prévention et de l'éducation du public afin de fournir aux jeunes Canadiens les connaissances et les compétences dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées au sujet de leur consommation personnelle de cannabis. Les données probantes accumulées donnent à penser qu'une approche à facettes multiples, qui suppose plusieurs éléments, y compris des programmes dans des écoles, des ressources pour les parents et les familles, des interventions communautaires ainsi que celles des médias de masse, aidera à maximiser les résultats chez nos jeunes. L'adoption d'une approche globale à l'égard de la prévention et de l'éducation nécessite aussi un investissement proactif et continu, ainsi qu'une surveillance et des évaluations continues pour permettre d'obtenir les effets souhaités.
    Le CCDUS a tenu des groupes de discussion avec des jeunes pour comprendre leur perception du cannabis et de la consommation du cannabis. Dans le cadre de ces discussions, les jeunes nous ont dit qu'ils souhaitaient obtenir des renseignements au sujet du risque qui est lié à des résultats concrets et qu'ils souhaitaient connaître des stratégies de réduction des méfaits de manière à pouvoir réduire ces risques s'ils décidaient de consommer du cannabis. Selon les données probantes, et nous avons entendu cela directement de la bouche des jeunes, ils veulent connaître les deux versions de l'histoire du cannabis, les avantages aussi bien que les méfaits. À cette fin, les initiatives d'éducation et de prévention doivent intégrer les commentaires des jeunes afin de produire leurs effets.
    Nous savons aussi que les jeunes continuent de s'accrocher à certaines perceptions erronées au sujet du cannabis, y compris la perception selon laquelle tout le monde consomme du cannabis tout le temps. Nous avons entendu dire dans nos groupes de discussion de jeunes que, même s'ils reconnaissent qu'il est dangereux de boire et de conduire, ils ne perçoivent pas le cannabis de la même façon.
    Nous savons grâce à nos groupes de discussion ainsi qu'à la documentation de recherche en général que les jeunes sont influencés par Internet, les médias et le discours public sur le cannabis. Des renseignements clairs, uniformes et factuels qui déconstruisent les mythes et les perceptions erronées sont donc essentiels pour trancher dans les nombreuses sources et les nombreux types de renseignements et de messages auxquels les jeunes sont exposés par rapport au cannabis de façon quotidienne. De tels renseignements aideront à établir des normes sociales réelles qui réduisent la consommation de cannabis plutôt que de l'encourager.
    Nous savons également grâce à nos recherches que les jeunes veulent recevoir des renseignements de sources qui parlent avec crédibilité du cannabis et en lesquelles ils ont confiance. Selon l'âge, cela comprend des parents et des éducateurs, mais peut-être de façon plus importante encore, des pairs. Par conséquent, l'adoption d'une approche globale à l'égard de la prévention signifie de fournir la formation nécessaire, des ressources et des messages cohérents aux parents, aux éducateurs, aux fournisseurs de soins de santé, aux mentors, aux alliés des jeunes ainsi qu'aux pairs. Cela suppose également de fournir aux jeunes des capacités leur permettant d'évaluer de façon critique les renseignements qu'ils reçoivent. Cela peut comprendre la littératie numérique et les connaissances des médias.
    Il importe aussi qu'une approche globale comprenne des messages ciblés concernant la consommation de cannabis à risque élevé afin d'aider les jeunes à prendre des décisions éclairées et à réduire les méfaits. Cela comprend des renseignements au sujet des effets de la consommation fréquente et importante de cannabis, de l'utilisation à un âge précoce, de la consommation en combinaison avec d'autres substances — parce que nous savons que les jeunes consomment souvent d'autres substances en même temps — de la consommation par des jeunes ayant des problèmes de santé mentale ainsi que de la consommation par des jeunes femmes enceintes.
    En conclusion, les règlements, la prévention et l'éducation du public peuvent fonctionner ensemble à promouvoir la prise de décisions saines chez les jeunes, en augmentant la sensibilisation à l'égard du risque et de stratégies de réduction du risque. Pour être efficaces, la prévention et l'éducation du public exigent des messages clairs, exacts et cohérents qui sont ciblés et appropriés pour les publics clés, et ceux-ci doivent être livrés par des messagers de confiance.
    J'aimerais remercier le Comité de m'avoir permis de parler aujourd'hui de cette question d'importance vitale pour les Canadiens. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
(1355)
    Merci, madame.
    Nous allons maintenant passer à Jeunesse sans drogue Canada avec M. Paris pour 10 minutes.
    Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de nous adresser aux membres du groupe et de fournir des commentaires sur l'établissement d'un âge minimal pour la possession de cannabis et de ses effets sur les jeunes Canadiens.
    Jeunesse sans drogue Canada est une organisation sans but lucratif qui se consacre à éduquer les parents au sujet des drogues, à accroître la sensibilisation du public à l'égard de problèmes entourant la consommation de drogues et à faciliter les conversations ouvertes entre les parents et les adolescents afin de veiller à ce tous les jeunes soient en mesure de vivre leur vie sans abuser de substances.
    Je suis accompagné aujourd'hui du Dr William Barakett, de la Clinique Médicale Knowlton, qui est membre du Comité consultatif de JSD. Il est médecin de famille, clinicien et expert en dépendances et en douleurs chroniques, et possède plus de 35 ans d'expérience pour ce qui est de traiter des familles et des jeunes qui ont des problèmes de toxicomanie.
    Nous sommes ici aujourd'hui pour faire valoir que, peu importe l'âge minimum qu'il faudra avoir pour posséder du cannabis, la protection active de la santé mentale et physique des jeunes — tenir nos enfants loin du danger — doit être une priorité principale du gouvernement. Nous reconnaissons et respectons les recommandations qui ont été formulées par rapport aux exigences relatives à l'âge minimal par d'autres personnes du groupe et le public, mais nous avons choisi de réduire au minimum le temps que nous passons à parler des effets du cannabis sur le cerveau des adolescents. Nous savons que les données probantes existent.
    Nous avons plutôt choisi de passer notre temps à répondre à une question fondamentale qui occupe la société aujourd'hui. Quelles sont les raisons sous-jacentes pour lesquelles les jeunes se tournent vers le cannabis en premier lieu?
    Pour JSD, la question est non pas de savoir à quel âge le cannabis est le moins dangereux, mais pourquoi les enfants en consomment tout court. Le Dr Barakett est ici pour parler de son expérience pratique en tant que travailleur de première ligne. Il va également expliquer certaines des raisons pour lesquelles les enfants consomment du cannabis et les conséquences de la dépendance qui les affectent, eux et leur famille.
    Merci, Marc. Comme vous l'avez dit, j'ai commencé ma pratique médicale en 1972. Peu après, je me suis intéressé aux dépendances, parce que personne d'autre ne le faisait et que je ressentais un grand besoin.
    Au fil des ans, je me suis occupé d'innombrables personnes, et ce, avec grand succès. J'ai élaboré certaines clés et certaines techniques, et peut-être que le fait de vous les communiquer vous aidera à comprendre le dilemme qui se présente à nous avec la consommation juvénile du cannabis. J'ai une accréditation en médecine des toxicomanies, et j'espère que ces commentaires pratiques aideront à alimenter la création d'un programme d'éducation publique, qui doit même précéder la légalisation.
    Dans le cadre du présent exposé, la consommation du cannabis concerne surtout les produits à haute teneur en THC. Cela ne comprend pas le cannabis consommé à des fins médicales, qui est surtout le cannabidiol ou le CBD. Il est très important de faire cette distinction.
    Les adolescents commencent souvent à consommer du cannabis pour soulager l'anxiété propre à l'adolescence, naturellement, et comme résultat de la pression qu'exercent les pairs; mais au-delà de l'usage à des fins récréatives, pour certains jeunes, le cannabis est une forme d'auto-médication pour un trouble sous-jacent, qu'il soit mental ou affectif. Le plus courant est le trouble déficitaire de l'attention, avec ou sans hyperactivité. Celui-ci provoque de l'anxiété et un sentiment d'insuffisance chez les jeunes. La consommation de cannabis calme leur anxiété, mais elle diminue malheureusement aussi leur capacité d'attention, ce qui aggrave le problème.
    Le TDAH et la dépendance coexistent dans au moins 50 % des cas. Je peux dire qu'une bonne partie des jeunes que je traite ont un problème sous-jacent de TDAH qui n'a pas été traité. Lorsque je le traite, nous obtenons du succès.
    D'autres troubles psychiatriques coexistants comprennent l'anxiété généralisée, la psychose latente, le trouble de stress post-traumatique et le trouble bipolaire. Toutes ces affections existent à l'adolescence et sont beaucoup trop fréquemment oubliées par le médecin traitant. Ces adolescents doivent recevoir un diagnostic et être traités, sinon ils continueront de s'auto-administrer des médicaments.
    Les parents d'adolescents qui consomment fréquemment du cannabis et les médecins qui les traitent sont bien au courant des troubles cognitifs caractéristiques qui influent sur le traitement de la mémoire, le raisonnement et le jugement, l'exécution des tâches, les idées et la perception temporelle. Ces troubles s'accentuent en fonction de la durée et de l'intensité de la consommation et prennent plusieurs mois à se régler après la cessation de la consommation. Il s'ensuit un retard du processus de maturité affective, qui, comme vous le savez, n'est habituellement pas terminé avant l'âge de 25 ans, dans des circonstances normales.
    Si une dépendance apparaît, comme c'est le cas chez un minimum de 17 à 25 % des usagers adolescents, on remarque aussi les caractéristiques de la dépendance: une perte de contrôle de la quantité consommée, assortie du défaut de reconnaître les conséquences néfastes de la consommation et d'une envie menant à une consommation obsessionnelle. Le syndrome de sevrage qui suit la cessation de consommation de cannabis, qui comprend de l'irritabilité, de l'insomnie et de la désorganisation, dure environ deux semaines. Cela joue un rôle dans la difficulté d'arrêter.
    Au-delà de tout cela, le nombre de mois qu'il faut pour régler le trouble cognitif causé par la consommation de cannabis contribue à une deuxième phase de sevrage, tandis que la personne s'éveille à une réalité qui est entièrement étrangère et effrayante, ce qui l'amène à éprouver de la panique et de l'anxiété, réactions qui nécessitent souvent un énorme soutien, y compris de la médication. Le type de comportement que nous remarquerons, c'est celui du jeune de 18 ans qui a cessé de consommer, qui n'est pas passé par sa phase de croissance évolutive normale de 13 à 18 ans, et qui recommence à adopter le comportement d'un jeune de 13 ans.
    Peu d'études longitudinales prouvent ce qui est fréquemment observé et ce dont je vous parle. Toutefois, ce type d'études est en train d'apparaître. Le National Institute on Drug Abuse, à Washington, D.C., a produit — notamment Nora Volkow — un travail colossal, et on a cité ses travaux ailleurs. Une nouvelle étude menée en 2016 par le NIDA qui portait sur le développement cérébral et cognitif des adolescents devrait permettre de mettre au jour plus de données probantes.
    Une étude menée au Royaume-Uni en 2016 s'est penchée sur le modèle de la consommation de cannabis durant l'adolescence et son lien avec la consommation de substances dangereuses plus tard au cours de la vie. L'étude a mesuré chez plus de 5 000 adolescents suivis de l'âge de 13 à 18 ans la quantité de nicotine, d'alcool et de drogues illicites consommée. Lorsque ces personnes ont eu 21 ans, on a recueilli toutes les données de l'étude et révélé que la consommation problématique de nicotine, d'alcool et de drogues illicites se produisait dans 20 % des cas chez les personnes qui consommaient du cannabis, et cela, à une intensité comparable à celle de leur consommation de cannabis.
    Ce sont des études très révélatrices qui sont enfin menées. C'est le genre de choses que nous avons constatées pendant des années, mais qui sont mises en lumière seulement maintenant. Malheureusement, on doit investir davantage pour alimenter votre programme d'éducation publique.
(1400)
    Le problème croissant de la dépendance à des substances illicites et à des médicaments d'ordonnance détournés chez les adolescents et les adultes est directement lié à des niveaux élevés de consommation régulière du cannabis également. Peu importe l'âge, la grande majorité des gens que nous traitons pour un trouble lié à la toxicomanie a commencé à consommer du cannabis tôt dans la vie. Chaque héroïnomane, cocaïnomane et accro au speed que je traite à 20, à 30, à 40 ou à 50 ans a commencé à consommer du cannabis vers 12 ou 13 ans. Dans le cas d'adolescents entraînés dans la crise des opioïdes, chaque adolescent que je vois et qui inhale de l'Hydromorph Contin, soit une quantité énorme d'opiacés, a commencé par le cannabis. C'est parce qu'ils ont perdu la faculté de discerner les dangers.
    Comme je l'ai mentionné, les adolescents vont se procurer du cannabis et en consommer peu importe les restrictions légales. Dans cette optique, la création d'un programme d'éducation publique détaillé est primordiale.
    Merci, docteur Barakett.
    Les jeunes Canadiens arrivent au deuxième rang des grands consommateurs de cannabis dans le monde, ce qui est déjà très problématique, même avant que le cannabis à des fins récréatives devienne légal. Le cannabis vient au second rang des substances utilisées par les adolescents après l'alcool, un peu plus d'un adolescent sur cinq, ou 21 %, en ayant consommé au moins une fois. Toutefois, à mesure que les adolescents vieillissent, la consommation grimpe à plus d'un tiers — 37 % en réalité — en 12e année.
    Le fait que l'âge minimum pour la consommation de cannabis à des fins récréatives soit établi à 18, à 21 ou à 25 ans n'aura pas une grande importance si nous ne fournissons pas aux parents et aux enfants de meilleures approches pour traiter la consommation de drogues. Jeunesse sans drogue Canada a déjà commencé à lancer des campagnes de prévention et d'éducation, mais il faudra faire beaucoup plus encore.
    Nous avons déjà produit une brochure qui a été distribuée à plus de 100 000 exemplaires, et une campagne nationale multimédia de plusieurs millions de dollars pour la soutenir est en cours depuis la mi-juin. Elle se terminera à la fin septembre et sera répétée l'automne prochain, et ce, jusqu'en janvier 2019.
    Une étude récente a permis à JSD d'évaluer la valeur de la prévention pour la société. Le coût à vie pour la société d'un adolescent qui souffre d'une dépendance est de 450 000 $. Ce coût tient compte de la santé, de l'application de la loi et de la perte de productivité, mais pas du coût humain pour les personnes et les familles.
    L'avantage du message de prévention de JSD, qui encourage les parents à prendre part à des conversations utiles avec leurs enfants au sujet des drogues, a permis de protéger 700 adolescents de la consommation de substances chaque année. Si le coût pour la société d'un adolescent accro est de 450 000 $, les messages de prévention et d'éducation de JSD ont permis de faire économiser aux Canadiens près de 2 milliards de dollars durant six années d'activités.
    Comme société, nous devons montrer à nos jeunes qu'il y a de meilleures façons que de se tourner vers le cannabis ou d'autres substances pour traiter des problèmes personnels ou des problèmes de santé mentale. Nous croyons que les parents peuvent jouer un rôle essentiel pour ce qui est de changer la relation que les enfants ont avec les drogues, et nous sommes ici pour les éduquer et les soutenir. Nous voulons aider les parents à renforcer chez leurs enfants la résilience pour leur permettre de composer avec les réalités auxquelles ils font face au XXIe siècle.
    En ce moment, nous connaissons les conséquences néfastes du cannabis. Assurons-nous de proposer des stratégies de sensibilisation à l'éducation et à la prévention efficaces bien avant l'adoption de la législation, en fournissant des messages continus qui sont cohérents et clairs, pour nous assurer que nos jeunes sont protégés.
    Nous devons vous rappeler la promesse du gouvernement d'affecter une partie des recettes à la prévention et à l'éducation. C'est la seule façon que nous avons de nous assurer que les jeunes sont outillés pour prendre des décisions éclairées au sujet d'une substance connue comme étant néfaste pour leur santé et leur bien-être, mais qui deviendra bientôt légale.
    J'aimerais remercier le Dr Barakett, du Comité consultatif de JSD, et les membres du Comité de nous avoir permis d'exposer notre point de vue.
(1405)
    Nous aimerions vous remercier de l'avoir fait.
    Passons maintenant à l'Institut.
    Madame Chapados, ferez-vous l'exposé ou est-ce que M. Gagnon s'en chargera?
    D'accord. C'est parfait.

[Français]

     Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités à présenter les travaux de l'Institut national de santé publique du Québec, l'INSPQ, sur la question de la légalisation du cannabis. À l'Institut, nous sommes toujours intéressés à faire part de notre expertise à nos collègues à travers le Canada. Nous l'avons fait au cours de l'hiver dernier au moyen d'une présentation au programme FPT sur la légalisation du cannabis. Nous avons aussi présenté des webinaires à l'occasion des audiences pancanadiennes et donné une conférence sur la légalisation du cannabis à l'Association canadienne de santé publique à Halifax, l'été dernier. Nous allons continuer à présenter nos travaux aujourd'hui et nous espérons que vous en tirerez profit.
    L'INSPQ est un organisme parapublic qui a été créé par le gouvernement du Québec. Il est un centre d'expertise et de référence scientifiques qui a pour mission de soutenir le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec et les directions régionales de santé publique dans l'exercice de leurs responsabilités en matière de santé de la population. C'est à ce titre que nous présentons des travaux depuis de nombreuses années sur l'alcool et le tabac, et maintenant sur le cannabis. Tous ont un point commun assez important, et nous y reviendrons dans notre présentation.
    La commercialisation des substances psychoactives est un élément important de l'équation si on veut réduire les méfaits et en prévenir l'usage. Depuis longtemps, nous nous intéressons à l'alcool sous l'aspect de sa commercialisation, et essentiellement à l'histoire de la santé publique en ce qui concerne le tabac et son industrie. C'est un problème de santé publique que nous cherchons à contenir depuis 70 ans. Nous avons décidé que nos commentaires d'aujourd'hui sur le projet de loi C-45 concerneront ces éléments commerciaux. Pour ma part, je vais présenter strictement notre position sur l'âge minimum pour l'accès au cannabis, qui est un élément de la stratégie visant à contenir la commercialisation, et Mme Maude Chapados abordera d'autres questions plus tard.
    La position de l'INSPQ sur la question de l'âge d'accès au cannabis correspond à une recommandation que nous avons formulée aux autorités québécoises, qui est de fixer cet âge à 18 ans, de manière à ce qu'il soit cohérent avec celui qui est exigé pour l'alcool et le tabac au Québec. Dans les prochaines minutes, je vais essayer de vous expliquer les raisons de notre position.
    D'abord, selon la littérature scientifique, on sait que le fait de hausser l'âge d'accès à 21 ans pourrait retarder sensiblement l'âge de l'initiation au cannabis. C'est un inconvénient pour la santé publique d'avoir un âge d'accès un peu plus bas. En revanche, il y a beaucoup d'avantages à maintenir cet âge d'accès plus bas. Si on présume que la légalisation peut avoir des effets bénéfiques, il serait bien d'en faire bénéficier aussi les gens de 18 à 21 ans si on pensait prendre position pour un accès à 21 ans.
    Si vous n'avez pas suivi nos travaux, je vous signale que l'Institut a recommandé aux autorités québécoises de mettre sur pied un système de distribution à but non lucratif. Qu'il soit entre les mains du secteur public ou du secteur privé, nous avons mis l'accent sur le fait qu'il soit sans but lucratif. Qu'il soit contrôlé par l'État ou par des organisations sans but lucratif, nous souhaitons que la mission première de ce système ne soit pas de faire des profits, mais de prévenir et de réduire les méfaits. C'est l'orientation que nous avons prise; il pourrait donc y avoir des désavantages à hausser l'âge d'accès au cannabis.
    Si on tient pour acquis que notre système de distribution accomplira sa mission de prévention et de réduction des méfaits, on peut se dire qu'il faudrait en faire bénéficier les 18-21 ans sur au moins deux plans. Le premier plan concerne la prévention de l'usage et la réduction des méfaits. Il faudrait que cela s'applique aux 18-21 ans si on pense éliminer cette catégorie du projet de loi.
    Concernant la réduction des méfaits, nous avons beaucoup travaillé sur l'assurance de la qualité des substances, par exemple. Nous souhaitons que la qualité des substances soit contrôlée afin qu'elles soient sécuritaires aussi pour les 18-21 ans. En haussant l'âge légal d'accès au cannabis, nous pensons que cela éliminerait, au moins en partie, l'accès à une substance de qualité contrôlée pour cette catégorie d'âge, ce qui ne semble pas tellement approprié.
    Si vous comprenez bien mon propos, l'âge de l'accès au cannabis est une question importante, mais ce n'est qu'un élément faisant partie d'un ensemble de préoccupations que nous avons, à l'Institut, sur les substances psychoactives, et sur leur commercialisation en particulier.
(1410)
     Je vous ai parlé de l'alcool et du tabac, mais la raison pour laquelle la situation est si préoccupante est la même dans le cas du cannabis. Au Colorado, une commercialisation intense a été mise sur pied et on a pu en observer les conséquences sur les habitudes de consommation, aussi bien globales que par catégorie d'âge. Cela nous concerne directement aujourd'hui. Chez les jeunes de 12 à 17 ans, entre 2009 — soit le début de la commercialisation du cannabis au Colorado — et 2014, l'usage déclaré au cours des 30 derniers jours est passé de 10 % à 12,5 %. Chez les jeunes de 18 à 25 ans, on est passé de 26 % à 31 %. Autrement dit, au sein de deux groupes d'âge qui nous concernent directement aujourd'hui, l'usage déclaré a augmenté respectivement de 25 % et de 20 % au Colorado. Vous avez reçu hier, je crois, des intervenants du Colorado et de Washington. On a observé dans ces endroits des conséquences quant aux admissions à l'urgence et aux collisions de la route impliquant des personnes dont le taux de THC a été vérifié. On peut observer d'emblée les conséquences que subit le système de santé.
    Avant de clore ma présentation, j'aimerais préciser que cette situation dépasse la question de l'âge. Le système qui a été mis sur pied au Colorado a mené à une commercialisation intense. Nous pensons, en nous fondant sur notre analyse, que c'est cet accent mis sur la commercialisation, le marketing et la publicité concernant le cannabis qui ont mené aux résultats qu'on a pu observer.
    Je vais maintenant céder la parole à ma collègue Mme Maude Chapados, qui va vous parler d'autres dimensions du projet de loi C-45 qui, à notre avis, mériteraient une certaine attention.
    Bonjour.
    Au-delà de l'âge minimum, la prévention de l'usage du cannabis chez les jeunes passe en grande partie, comme l'a dit mon collègue, par la mise sur pied d'un cadre légal serré autour de ce produit que nous considérons comme pas ordinaire ou un « no ordinary commodity », comme diraient certains collègues de santé publique.
    La création d'environnements où l'usage de substances psychoactives n'est pas stimulé ou banalisé figure parmi les meilleures pratiques de prévention de l'usage. Les dispositions prises par les provinces et les territoires en matière de vente et de lieux de consommation autorisés seront déterminantes dans la création de ces environnements. Cependant, certaines mesures prévues par le projet de loi C-45 et les règlements qui en découleront seront également d'une grande importance pour la commercialisation de la substance, notamment auprès des populations plus vulnérables comme les jeunes, soient-ils majeurs ou mineurs.
    L'INSPQ saisit dès lors l'occasion qui lui est donnée aujourd'hui pour réitérer certaines analyses présentées dans son mémoire déposé en août dernier, afin d'assurer un meilleur encadrement des pratiques de marketing.
    Les recherches sur les pratiques commerciales dans l'industrie du tabac et de l'alcool ont montré à quel point le raffinement de ces stratégies pouvait engendrer des effets sur la consommation des substances et les problèmes de santé qui y sont associés. Les recherches ont également démontré comment les jeunes y étaient particulièrement perméables. C'est pourquoi l'INSPQ encourage dès lors l'interdiction de toute forme de publicité ou de promotion de marque, ce qui soulève en particulier quatre préoccupations en lien avec le projet de loi à l'étude et les jeunes.
    Premièrement, l'emballage neutre devrait être imposé d'emblée et contenir les informations permettant un jugement éclairé sur la nature du produit. L'emballage constituant en soi un outil de promotion du produit, l'interdiction prévue à l'article 26 voulant qu'il ne soit pas jugé attrayant pour les jeunes n'est pas claire, peut laisser porter à interprétation et ne semble pas suffisamment forte. Le rapport de la consultation sur la banalisation des emballages des produits du tabac publié en janvier 2017 devrait certainement s'avérer instructif à cet égard.
    Deuxièmement, les objets promotionnels ne devraient pas être tolérés. Les casquettes, les chaussettes, les t-shirts et les tasses illustrant des feuilles de chanvre ou exposant des marques de compagnies de cannabis médical sont déjà en vogue, notamment chez les jeunes, et ils favorisent la banalisation de la substance. L'exposition de marque sur une autre chose, dont il est question au paragraphe 17(6) du projet de loi, semble ouvrir la porte à des produits dérivés du même genre. Encore là, l'interdiction visant à assurer que cette autre chose ne soit pas attrayante ou associée pour les jeunes demeure floue, et cette pratique de promotion de marque devrait être interdite.
    Troisièmement, la promotion de marque dans les lieux interdits aux mineurs permise par le paragraphe 17(2) soulève le même problème que l'emballage ou les produits dérivés. D'abord, on sait que les mineurs réussissent souvent à fréquenter ces lieux. Les jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans constituent le groupe où l'on retrouve la plus forte proportion de consommateurs. D'ailleurs, on s'interroge à savoir s'il ne faudrait pas hausser l'âge légal. Le fait que ce groupe de jeunes adultes puisse être exposé à de la publicité dans les bars, par exemple, cadre mal avec une approche de santé publique. Ce type de promotion encourage non seulement l'usage du cannabis, mais peut inciter de manière insidieuse à la consommation concomitante d'alcool, pratique qui peut s'avérer à très haut risque, vous en conviendrez, particulièrement en matière de transport.
    Quatrièmement, mentionnons que toute la stratégie efficace d'encadrement de la publicité ou de la promotion devrait idéalement inclure le Web. Le projet de loi C-45 interdit la diffusion de la promotion par la presse, la radio et la télévision, mais il demeure silencieux sur les mesures qui seront prises par la suite pour l'encadrer sur le Web. Or, c'est sur les plateformes numériques que s'activent déjà de manière prédominante les jeunes et l'industrie, et cette réalité devrait faire l'objet d'une attention soutenue dans la réglementation ultérieure.
    En bref, s'il s'avère légitime de s'interroger sur la possibilité de fixer l'âge d'accès légal au-delà de la majorité, dans la mesure où l'âge légal est un déterminant de l'âge d'initiation, cela pose des enjeux de cohérence avec les dossiers de l'alcool et du tabac, des substances autant, sinon plus toxiques que le cannabis. La discussion d'un âge plus élevé que 18 ans pour le cannabis doit donc s'effectuer dans le cadre d'une discussion élargie autour des substances psychoactives et, en fait, sur l'âge de la majorité.
    Entretemps, il s'avère possible, selon l'INSPQ, de modifier ou de clarifier certaines dispositions du projet de loi C-45 et des règlements qui vont en découler, afin de diminuer la promotion commerciale du cannabis auprès des jeunes.
(1415)
     Nous espérons que les éléments de réflexion soumis aujourd'hui vous aideront en ce sens.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons à notre première période de questions de sept minutes, en commençant par M. Oliver.
    Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui et d'avoir présenté votre exposé.
    Simplement à titre de déclaration liminaire, je dois dire que nous sommes à mi-chemin de notre semaine d'étude du projet de loi. Au bout du compte, les membres du Comité devront faire un examen ligne par ligne et article par article du projet de loi.
    À mon avis, la législation a été proposée en vue d'atteindre trois objectifs principaux. Le premier, c'était de retirer ces drogues des mains des jeunes, ou du moins, de réduire leur accès à ces drogues. Le deuxième consistait à réduire la fonction et le rôle du marché noir et du crime organisé, et, à tout le moins, à réduire leur accès à ce lieu et aux recettes qui en sont tirées. Le troisième concernait un objectif de santé publique, soit de s'assurer que le cannabis à des fins de consommation était produit par des établissements autorisés, nous permettant ainsi de comprendre la sécurité du produit et la toxicité ou le dosage du produit pendant sa préparation.
    La plupart des exposés que nous avons entendus semblent appuyer la législation, mais ils n'appuient pas la façon dont on équilibre ces trois objectifs, particulièrement le premier et le deuxième, et je veux donc les démêler un peu plus.
    Par exemple, madame Porath, je ne l'ai pas entendu clairement aujourd'hui, mais je pense que, dans le passé, vous avez recommandé l'adoption d'une stratégie concernant l'établissement d'un prix minimum normalisé pour réduire la consommation, un genre de prix minimum national, est-ce exact? Si ce n'est pas le cas, toutes mes excuses, mais je crois comprendre que c'est quelque chose que vous avez dit. On arrive ensuite à un moment où le crime organisé connaît exactement le prix le plus bas jusqu'où ses concurrents sont prêts à aller, et il peut donc en faire une histoire de prix.
    Nous avons entendu d'autres témoins dire que si le marché autorisé ne produit pas de variation dans les drogues, y compris même dans certains des produits les plus distillés ou de puissance supérieure, les jeunes iront les chercher. De nouveau, cela ouvre la porte au marché noir pour offrir des solutions de rechange et pour exposer des produits emballés et quoi que ce soit d'autre.
    Pourriez-vous parler brièvement de cet équilibre? Je crois comprendre que, à votre avis, le fait d'accorder un intérêt particulier à la santé peut nous mener sur une voie, mais cela ouvre alors cette autre fenêtre de compétition par rapport à l'accès au marché noir, avec lequel nous essayons aussi de composer. C'est la dualité de l'action. Pouvez-vous exposer votre point de vue et la façon dont vous souhaiteriez équilibrer ces éléments?
(1420)
    Oui, certainement.
    Durant ma déclaration, j'ai parlé de la façon dont nous pourrions nous inspirer de notre expérience avec l'alcool en ce qui concerne la normalisation du prix ou de la puissance du produit. Pour ce qui est du cannabis, si nous pouvions fixer ou indexer le prix en fonction de la teneur en THC, cela pourrait aider à encourager une consommation à moindre risque; donc plus la teneur en THC serait élevée, ou le produit, puissant, plus élevé serait le prix. C'est en quelque sorte ce que je recommandais dans le cadre de ma déclaration. Si nous pouvons nous servir de cette leçon tirée du domaine de l'alcool, cela pourrait être une façon d'encourager la consommation de produits à moindre risque.
    Vous ne recommandiez donc pas un prix minimum. Il était question de relier davantage le prix à la teneur en THC.
    Oui.
    D'accord.
    Monsieur Gagnon et madame Chapados?

[Français]

    Au Québec, on a quand même beaucoup d'expérience dans le contrôle de l'alcool et du tabac. Avec un monopole d'achat et des points de distribution publics et privés, le Québec arrive à contrôler assez bien le marché illicite d'alcool, même s'il existe des produits fabriqués illégalement. C'est un premier élément de réponse.
    Peut-être que le cannabis...

[Traduction]

    Je m'excuse, mais j'ai entendu dire que, selon l'association des chefs de police, la présence des criminels organisés, dans ce secteur, est envahissante. Ils sont littéralement partout. Ce n'est pas du tout la même chose que dans le secteur de l'alcool. Je crois que, si vous voulez comprendre les conséquences du marché noir, vous devrez remonter à je ne sais combien d'années en arrière, à l'époque où on a légalisé l'alcool.
    Je m'excuse de vous avoir interrompu.

[Français]

    On peut le voir dans une perspective de long terme. On a réussi à défaire graduellement le marché illicite d'alcool. Vous avez fait référence à la prohibition, qui n'a pas eu lieu au Québec. En matière d'alcool, on peut dire qu'au Québec, on n'a pas perdu le contrôle du marché noir. Il y en a un, mais il n'est pas à large échelle.
    Pour ce qui est du tabac, les dernières estimations que j'ai vues...
(1425)

[Traduction]

    Je m'excuse de vous interrompre, mais, en ce qui concerne l'alcool, n'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'il existe plusieurs marques, et que plusieurs marchés sont ciblés? On peut acheter du cidre de spécialité à 2 o à 90 o. La gamme des produits est étendue, et ces produits sont facilement disponibles. Il n'y a pas vraiment de restrictions, c'est-à-dire qu'on a le choix entre différents types d'alcools.
    La concurrence était donc efficace, par types de produits. Pourtant, vous recommandez le contraire, dans le cas du cannabis.

[Français]

     Je reviendrai plus tard à la question de la variété des produits.
    Notre grande orientation a été de proposer un modèle à but non lucratif. Il s'agit donc d'un modèle centré sur un monopole d'achat avec des points de distribution, qu'il soit public ou privé. Nous n'avons pas tranché entre le contrôle public ou privé des points de distribution. L'important pour nous est d'avoir une orientation à but non lucratif.
    Puisque vous le mentionnez, le monopole d'achat de la SAQ n'a pas mené à une diversité moindre des produits.

[Traduction]

    Oui, j'ai compris la question du but non lucratif. Je crois que c'est Mme Chapados qui a parlé de limiter la diversité des produits et les offres.
    N'en n'avez-vous pas parlé?

[Français]

    Non, j'ai plutôt voulu parler de la création d'un environnement qui, idéalement, ne banaliserait pas la substance. La position que nous privilégions est la suivante: pour assurer un transfert du marché illicite à un marché licite, il faut essayer de refléter le marché. Il reste encore à documenter ce marché, qui demeure toujours dans l'ombre.
     À partir de là, nous préconisons une approche prudente. En effet, il faut une diversité de produits et une diversité des taux de THC, il n'y a pas de discussion à cet égard. Je parle plutôt de la question des produits dérivés, des casquettes ou des produits de marque par exemple. D'une part, cela crée un environnement de banalisation de la substance.
     D'autre part, pour ce qui est de la diversification des produits, l'idée est toujours de donner accès à un produit. Doit-il pour autant être diffusé en une multitude de formes et de types de produits? Qu'il s'agisse de laits frappés, de muffins, de chocolat ou de bonbons, l'éventail est très large, mais ce sont des stratégies qui visent à créer de nouvelles clientèles et à attirer des gens qui n'auraient peut-être pas consommé cette substance autrement.

[Traduction]

    D'accord. Merci.
    Est-ce que je peux poser une dernière question?
    Votre temps est écoulé.
    Madame Gladu.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins. Je tiens à vous remercier de tout le travail que vous faites pour réduire le nombre de jeunes qui consomment du cannabis.
    Entre autres préoccupations, on nous a fait savoir que la marijuana aujourd'hui était plus puissante qu'elle ne l'était auparavant. J'aimerais que chacun de vous me fasse part de son opinion quant à la possibilité qu'une personne puisse faire pousser chez elle, au vu et au su de ses enfants, quatre plants de cannabis sans que personne ne contrôle la puissance de ces plants.
    Écoutez-moi bien, je côtoie des toxicomanes au quotidien. Je les reçois dans mon cabinet. Cette réglementation n'empêchera personne de faire pousser des plants à la maison. Les gens l'ont toujours fait, et ils le feront toujours.
    En effet, le cannabis est plus puissant qu'avant. Ils ont fait des croisements. Ils ont augmenté le pourcentage du THC, qui s'élève à 20 ou à 25 %; ça gèle. On fait beaucoup de comparaisons entre l'alcool et le cannabis, mais il ne faut pas oublier que l'organisme élimine l'alcool en 12 heures. Le cannabis est une substance très lipophile. Il se dissout dans le gras. Il se dissout dans les tissus cérébraux. Il reste là, il y en a encore dans votre urine quatre ou six semaines plus tard. Et les effets sont cumulatifs, en particulier chez les jeunes dont le cerveau est encore en développement, et on a déjà parlé des effets désastreux sur les capacités cognitives.
    Vous êtes donc d'accord pour que les gens en fassent pousser chez eux.
    Je ne suis pas d'accord, mais ils vont le faire de toute façon. C'est pourquoi j'affirme que c'est en éduquant le public que nous arriverons à empêcher les enfants de commencer à en consommer.
    D'accord.
    Monsieur Paris.
    Je pourrais peut-être faire une comparaison. J'ai déjà dit que l'alcool était le produit le plus consommé de façon abusive par les adolescents, aujourd'hui. Ils en consomment, il faut bien qu'ils puissent s'en procurer quelque part. Est-ce que la réglementation sévère de l'alcool a donné les résultats que nous recherchions? Nous sommes déjà les plus grands consommateurs de cannabis du monde. La question qu'il faut se poser, c'est toujours la même, c'est qu'est-ce qui motive les gens à consommer, au départ? Et ce n'est pas un règlement qui pourra changer cela.
    D'accord. Ce n'était pas ça, ma question.
    Madame Porath.
    Je me ferais l'écho des commentaires de mes collègues en disant qu'il faut souligner l'importance des messages touchant la prévention et la santé publique, s'adressant aux parents, aux jeunes, aux alliés des jeunes, aux gens qui interagissent avec les jeunes, des messages sur les effets du cannabis dans le but de mieux éduquer la population.
(1430)
    Monsieur Gagnon.

[Français]

     La réponse comporte deux éléments. Nous avons dit qu'il fallait permettre la culture à domicile, donc l'encadrer. L'idée était que ce soit à but non lucratif. En matière d'accès à la culture à domicile, nous avons inclus dans notre registre d'options les coopératives d'usagers, donc les points d'accès pour la vente à but non lucratif. Dans le cas de la culture à domicile, il existe assurément des enjeux comme la toxicologie liée aux moisissures dans les maisons ou la banalisation de la substance à l'égard des enfants. Nous avons considéré ces questions. Nous nous sommes dit que, dans le cadre du régime général, il serait souhaitable que des coopératives d'usagers cultivent des terres agricoles, par exemple, pour favoriser le transfert de l'auto-production vers des lieux situés à l'extérieur des domiciles.

[Traduction]

    Madame Chapados.

[Français]

    Je vais simplement compléter l'intervention de mon collègue. Il faudrait discuter de cette question avec les gens de Sécurité publique Canada, mais si on parle d'un contrôle pratique de la situation, il est bien de noter que les coopératives d'usagers sont souvent enregistrées et ont une liste de membres. Cela permettrait de savoir où les choses se passent et éviterait les découvertes fortuites.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je m'adresse maintenant à Mme Porath et à M. Paris.
    Madame Porath, je crois que vous avez dit que vous aviez un mandat, à l'échelle nationale, de réduction des méfaits liés à l'alcool et aux drogues. Je crois que c'est formidable. Savez-vous si le gouvernement aurait mis en oeuvre un programme de prévention et d'éducation des parents et du public après que les libéraux ont annoncé en 2015 qu'ils allaient légaliser la marijuana?
    Notre centre travaille beaucoup en collaboration avec de nombreux partenaires. Certains d'entre eux sont liés au gouvernement fédéral, à un gouvernement provincial ou à des municipalités. Je pourrais vous parler aujourd'hui de certaines de nos réalisations. Avec un de nos partenaires de l'Ontario, l'organisme Parent Action on Drugs, nous avons produit une affiche à partir d'un examen systématique des effets de la consommation du cannabis. Je vous ai déjà parlé du groupe de discussion avec lequel nous avons mené nos recherches.
    Il s'agit donc d'une affiche facile à comprendre qui aide les parents à déconstruire les mythes que les jeunes entretiennent en leur donnant des éléments de preuve pour ce faire. Nous avons récemment collaboré avec Marc Paris et l'organisme Jeunesse sans drogue à l'élaboration de la brochure « Parler cannabis » qu'il a distribuée aux membres aujourd'hui. Comme il l'a dit, elle est très populaire, les parents sont nombreux à s'en servir, et la clé, c'est vraiment de faire circuler les données probantes.
    C'est un excellent programme.
    Monsieur Paris, est-ce que le gouvernement vous a aidé financièrement dans ce projet?
    Le seul financement que nous avons reçu, c'était pour la traduction, l'impression et la distribution. La brochure elle-même, pour parler franchement, a été élaborée au départ par notre organisme soeur, Partnership for Drug-Free Kids, des États-Unis. Nous avons obtenu les droits de distribution au Canada. Nous l'avons adaptée à la situation canadienne; nous l'avons mise à jour; nous nous sommes aussi assurés qu'elle était fondée sur des données probantes, et nous avons travaillé avec CCDUS, en particulier, pour fouiller les recherches. La brochure a ensuite été approuvée par les scientifiques de Santé Canada. Elle est donc passée par plusieurs étapes d'examen, et on estime que c'est à l'heure actuelle une des meilleures brochures.
    C'est certain.
    Ma dernière question concerne la définition des jeunes énoncée dans le projet de loi C-45. On y dit que les jeunes sont des gens âgés de 12 à 17 ans. Il y a de nombreuses dispositions, mais il n'est jamais question des enfants de moins de 12 ans. On parle des infractions liées au trafic de drogue qui peuvent être imposées à des personnes de 12 à 17 ans, qui sont considérées comme de jeunes contrevenants. Mais on ne dit pas un mot sur les personnes âgées de 11 ans et moins.
    J'ai envisagé de proposer une modification pour que l'on définisse les jeunes comme des personnes de moins de 18 ans. J'aimerais que vous commentiez cela.
    C'est un point intéressant, puisque nous nous sommes surtout occupés des adolescents. Quand nous élaborons des campagnes sur la conduite avec facultés affaiblies, en particulier la conduite à haute vitesse, nous nous adressons à un public un peu large, les jeunes jusqu'à 23 ans. En fait, les jeunes de 17 à 23 ans, qui ont le droit de conduire. Mais nous savons pertinemment que les jeunes commencent très tôt à consommer du cannabis. Ils commencent en moyenne à l'âge de 15 ans, mais nous savons aussi qu'il y en a qui commencent à 11, 12 ou 13 ans. Le Dr Barakett pourra probablement confirmer ces données.
    C'est un point intéressant. Si nous autorisons les gens à faire pousser du cannabis chez eux, ne devrions-nous pas trouver le moyen de protéger les enfants?
(1435)
    Votre temps est écoulé, madame Gladu.
    Monsieur Davies.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Porath, il y a quelque chose qui me frappe. Si l'un des objectifs de ce projet de loi est de réduire le nombre de jeunes Canadiens consommateurs, nous allons devoir savoir pourquoi ils en consomment. De nombreux intervenants ont souligné que les jeunes Canadiens de 15 à 24 ans forment le second groupe de consommateurs en importance, ou qu'ils sont parmi les premiers à ce chapitre. Quelle en est la raison?
    C'est une très bonne question, et on me la pose souvent.
    Dans le cadre de notre recherche, des jeunes participants aux groupes de discussion ont exposé les raisons pour lesquelles ils consommaient de la drogue, en particulier du cannabis. Ils ont été nombreux à parler du stress avec lequel ils devaient composer et de problèmes de santé mentale. En réalité, le cannabis est pour eux une sorte d'automédication qui les aide à composer avec la pression qu'ils subissent à l'école et aussi dans leur vie quotidienne.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question sur les raisons pour lesquelles les jeunes Canadiens sont d'aussi grands consommateurs. Je ne sais si je pourrais répondre à cette question. Je sais tout simplement que c'est une statistique alarmante et que nous devons y voir.
    Je ne voulais pas vous mettre dans l'embarras. Peut-être que nous ignorons la réponse.
    Je vais vous poser la même question, docteur Barakett, parce que j'imagine que les jeunes en France, en Allemagne, au Mexique et en Uruguay souffrent eux aussi de stress, et je ne sais pas si c'est vraiment ça, la réponse.
    Docteur Barakett, savez-vous pourquoi les jeunes Canadiens sont-ils d'aussi grands consommateurs?
    Je crois que le cannabis a en quelque sorte obtenu un laissez-passer. La génération d'avant semble en avoir fait une question banale, disant « Eh bien, c'est seulement du pot »; cette génération a fait l'expérience d'un cannabis contenant 4 ou 6 % de THC, mais ce n'est pas ce produit-là que les jeunes d'aujourd'hui achètent.
    En plus, on n'a pas donné aux gens de l'information sur les mécanismes exacts des lésions causées à un cerveau en développement. C'est à ça que nous devrions nous attaquer, vraiment. Je me souviens d'avoir donné un exposé sur la toxicomanie chez les adolescents devant un groupe de médecins. Ils en sont restés bouche bée. Un d'entre eux, responsable d'une clinique de santé pour adolescents, a dit qu'au Québec, la consommation de cannabis chez les adolescents était tolérée, que c'était un comportement normal. « C'est normal »... Je m'excuse, ce n'est pas vrai.
    Nous n'avons pas fait du bon travail, nous n'avons pas suffisamment de recherches. Écoutez, s'il se fait de la recherche dans le domaine de la médecine, c'est parce que les sociétés pharmaceutiques veulent mettre au point de nouveaux médicaments afin d'enrichir leurs actionnaires, au bout du compte. Mais on n'a pas suffisamment financé les recherches qui permettraient de savoir ce qui se passe.
    Merci.
    Je ne veux pas trop m'étendre sur la question, mais est-ce que la situation est différente en Europe de l'Ouest?
    En Hollande, par exemple, le cannabis est vendu à tous les coins de rue, mais les jeunes consommateurs sont beaucoup moins nombreux qu'ici. Ils ont peut-être tenu un débat public plus large.
    Vous en connaissez peut-être plus là-dessus, Amy, étant donné que vous étudiez ces sortes de choses.
    En fait, je ne le sais pas. Je sais seulement que, pour une raison ou une autre, les gens n'ont pas encore établi un lien avec le fait que nous déplorons également un taux de décrochage très élevé. Nous déplorons un taux de toxicomanie très élevé. Pourquoi vivons-nous cette crise des opioïdes, des médicaments d'ordonnance qui sont détournés? Qui en consomme? Les adolescents. Quels adolescents? Ceux qui consommaient déjà du cannabis. Je veux dire que c'est compréhensible, quand vous vivez cela au quotidien.
    Nous avons fait une étude sur les opioïdes. Nous avons découvert qu'il y avait eu 19 millions d'ordonnances d'opioïdes en 2016. Cela a peut-être à voir avec notre problème. Cela équivaut à une ordonnance pour deux Canadiens.
    Oui.
    J'aimerais maintenant parler de l'éducation. Il me semble que cela tombe sous le sens — je crois que nombreux témoins disent la même chose — qu'il faut commencer dès aujourd'hui à éduquer le public, que nous aurions même dû commencer hier. En fait, le groupe de travail a recommandé que le gouvernement fédéral « [joue] un rôle de leadership pour veiller à ce que la capacité soit développée parmi tous les ordres de gouvernement avant le lancement du régime réglementaire ». Nous n'avons pas à attendre au 1er juillet 2018.
    Vous savez que le gouvernement fédéral a annoncé qu'il allait consacrer 9 millions de dollars à l'éducation. C'est le même montant que le Colorado va dépenser cette année pour l'éducation, et cet État compte sept fois moins d'habitants que nous. L'État de Washington, qui compte cinq fois moins d'habitants que nous, consacre 7,5 millions de dollars à l'éducation. C'est peut-être une question évidente, mais est-ce que le gouvernement fédéral ne devrait pas tout de suite augmenter sa contribution à l'éducation, avant que le régime réglementaire n'entre en vigueur?
    J'aimerais tout simplement préciser une chose; je crois que le montant de 9,5 millions de dollars, c'était sur cinq ans, donc ce n'est même pas 9,5 millions de dollars par année. Réfléchissez, franchement, c'est une goutte d'eau dans l'océan. Nous sommes un organisme sans but lucratif et, pour nos campagnes, nous pouvons compter sur plus de 60 partenaires qui nous offrent gratuitement une plage horaire ou des espaces publicitaires, puisqu'il s'agit de services publics, et cela vaut pour nous seulement 15 millions de dollars par année.
    Cela fait six ans que nous existons, et nous avons diffusé pour 100 millions de dollars d'annonces d'intérêt public à propos des opioïdes, de la conduite avec facultés affaiblies et, maintenant, du cannabis. Nous avons toujours été en première ligne dans ces dossiers. Nous sommes un chef de file, dans ce domaine, parce que nous avons suivi les recommandations du groupe de travail.
    M. Don Davis: Oui. Je le vois bien.
    M. Marc Paris: Nous n'avons attendu après personne. Nous nous sommes tout simplement mis au travail.
(1440)
    Merci.
    Je ne me rappelle plus qui a dit que le gouvernement devrait réserver une partie de ses recettes fiscales pour le traitement et la prévention.
    Est-ce que c'était vous, madame Porath? Pourriez-vous nous donner des chiffres?
    À titre d'exemple, nous travaillons actuellement avec un groupe du Québec, La Maison Jean Lapointe, qui a élaboré un très bon programme scolaire ciblant le premier et le deuxième cycles du secondaire et exécuté avec les enseignants. Le programme a été financé par Santé Canada et il est rodé. Il est offert depuis maintenant trois ans. Le coût de ces programmes scolaires est d'environ 10 $ par personne. Il a été suivi par 160 000 élèves du Québec. C'est un programme qui obtient un taux de reconnaissance très élevé. Nous aimerions vraiment beaucoup pouvoir l'offrir dans le Canada anglais. Il y a 1,5 million d'adolescents dans les autres régions du Canada. À raison de 10 $ par ado, cela revient à 15 millions de dollars.
    Permettez-moi de vous poser une petite question et de parler de nouveau du problème du stress. J'ai un peu l'impression qu'il nous faudrait nous attaquer également aux déterminants sociaux de ce problème. Il me semble clair qu'il nous faudra parler non seulement du cannabis, mais des problèmes sous-jacents auxquels les adolescents sont confrontés. Nous avons affaire à une génération vraiment très stressée. Ne devrions-nous pas, en conséquence, mener des recherches et investir pour savoir comment régler ces problèmes fondamentaux, qui s'ajoutent au problème tertiaire du cannabis?
    Je suis on ne peut plus d'accord. Vous l'avez dit aussi. En somme, il faut apprendre à nos enfants à devenir résilients, de façon qu'ils ne deviennent pas angoissés à propos de tout et de rien. Nous savons que les médias sociaux et tout le reste génèrent un niveau d'anxiété que les générations précédentes n'ont peut-être pas connu, mais au bout du compte, il faudrait peut-être remettre en question l'approche dite du parent hélicoptère. Aurions-nous élevé une génération d'enfants qui sont anxieux et qui, dès qu'un problème se présente, se tournent vers les drogues?
    C'est pourquoi nous devons les faire changer d'opinion pour leur dire qu'il existe de meilleures solutions que la drogue, pour un enfant qui veut régler ses problèmes personnels quand ses parents sont en train de divorcer, qui est négligé ou victime de violence ou encore qui a des problèmes d'identité personnelle. Tous ces facteurs entrent en jeu, et la première solution ne doit pas être la drogue. Nous devons changer ce discours.
    Merci beaucoup. C'est très bien.
    Nous donnons maintenant la parole à M. Eyolfson.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être venus.
    Je suis d'accord, il s'agit d'une excellente ressource. Je vois qu'on la doit entre autres à Santé Canada. Il semble que le ministère ait offert son soutien et sa collaboration et qu'il s'est occupé de la distribution de la brochure. Je suis heureux de voir que de nombreux secteurs ont participé à ce projet. Félicitations. C'est du très bon travail.
    Merci.
    Docteur Barakett, vous avez dit quelque chose qui m'a frappé, et c'est d'ailleurs une question que d'autres témoins ont déjà abordée, aujourd'hui. Il y a des problèmes sous-jacents, qui expliquent pourquoi les jeunes consomment de telles substances. Dans ma carrière en médecine, nous avons discuté des gens qui avaient réellement des problèmes psychiatriques avant de commencer à consommer du cannabis ou d'autres drogues et de s'automédicamenter. C'est exactement ce qui se passait quand nos mères nous disaient de ne pas nous asseoir trop près de l'écran de télévision, sous peine d'avoir un jour besoin de lunettes. Pourquoi ne nous sommes-nous pas demandé pour commencer pourquoi on s'asseyait si proche de l'écran? Nous devrions étudier cela, entre autres choses. Vous avez raison lorsque vous dites que, si les jeunes consomment trop d'une substance quelconque, nous devons chercher à savoir pourquoi c'est le cas. La consommation de drogue ne va qu'empirer les choses, mais il ne faut pas oublier que nous devons nous attaquer maintenant à deux problèmes: pourquoi ils ont commencé à consommer et le fait qu'ils consomment. Merci de nous avoir aidés à cerner cela.
    Dans un autre comité, nous avons parlé à des collègues américains de cette question. Chaque fois que nous mentionnons les recherches sur le cannabis, un malaise s'installait, et tout le monde changeait de sujet; c'est que, à l'échelle fédérale, évidemment, le cannabis est toujours illégal et lourdement stigmatisé. Nous devons mener davantage de recherches, comme vous le dites; nous devons mener beaucoup plus de recherches. Pensez-vous que la légalisation va atténuer cette stigmatisation et encourager les recherches dans ce domaine, du point de vue de la toxicomanie, mais aussi du point de vue de son usage médical?
(1445)
    C'est du moins ce que j'espère. Les chercheurs vont aussi s'intéresser au cannabis à des fins médicales, parce que pour le moment, on navigue à l'aveuglette. Nous savons que le cannabis donne des résultats. Je suis inscrit au registre du cannabis du Québec. Je prescris de l'huile de cannabis contenant surtout du CBD à 220 de mes patients qui souffrent d'une maladie chronique douloureuse. À mon immense surprise, ils ont jeté leurs opioïdes à la poubelle. Ils ont cessé d'en prendre. Ils sont bien mieux soulagés. Nous connaissons plusieurs sortes de maladies contre lesquelles le cannabis est efficace, mais nous n'avons aucune recherche neurobiologique qui nous montrerait exactement ce que nous faisons alors nous procédons un peu par tâtonnements.
    Au sujet de la recherche, j'ai dit deux ou trois choses, et j'ai parlé entre autres d'une étude réalisée au Royaume-Uni, où 5 000 enfants âgés de 13 à 18 ans ont fait l'objet d'un suivi. Le National Institute on Drug Abuse a lancé une étude sur le développement du cerveau à l'adolescence. Il ne faut pas oublier les autres travaux réalisés par Nora Volkow, aussi pour le NIDA.
    Toutes ces choses doivent être connues, il faut que les gens soient mis au courant. Dans le temps, dans les années 1980 et 1990, on faisait de la publicité sur le tabagisme, et elle remportait un énorme succès. La plus remarquable montrait une cigarette molle et rappelait aux gens que le tabagisme cause l'impuissance. Les gens s'en sont souvenus, et le taux de tabagisme a diminué de façon spectaculaire. Il faut bombarder le public de publicités de ce type.
    D'accord, merci.
    Madame Chapados, vous dites qu'à votre avis, les produits du cannabis devraient être présentés dans des emballages neutres. Vous avez également recommandé de ne pas faire de publicité dans des lieux comme les bars, parce que vous ne voulez pas que le cannabis et l'alcool se retrouvent ensemble au même endroit. Sur ce point, je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Nous avons entendu certains témoins parler de l'image de marque, du fait que les gens qui prennent des substances intoxicantes ont des traits en commun avec ceux qui consomment de l'alcool, qu'ils deviendraient, pour ainsi dire, fidèles à une marque. Nous savons que les différentes marques d'alcool ont des étiquettes différentes. Certains témoins estimaient que, s'ils étaient emballés de façon neutre, ces produits auraient l'air de provenir du marché noir et qu'il serait difficile de les différencier les uns des autres; ils disent encore que les consommateurs ne pourraient y être aussi fidèles que si les produits étaient associés à une véritable image de marque. Qu'en pensez-vous?

[Français]

     La neutralité des emballages fait l'objet d'importantes discussions entre l'industrie et la communauté de santé publique. On parle de façons de concevoir les emballages pour différencier ces produits de ceux du marché illicite. On peut déjà prendre connaissance des premières statistiques concernant le tabac, notamment pour l'Australie et la France. On voit qu'il y a un lien. Il s'agit d'un ensemble de mesures. Il y a les campagnes de publicité, mais des mesures concrètes peuvent notamment jouer sur les perceptions. Le choix d'une couleur peut influencer la perception du goût de la cigarette. Ce phénomène a d'ailleurs été rendu public. On parle ici de motivations pour cesser de fumer. Si un paquet de cigarettes est blanc, rose ou vert-brun, on a l'impression que le goût de la cigarette est moins bon. Cela se passe dans l'inconscient. Bref, il s'agit d'une approche complète, globale, qui combine diverses mesures.
    Il y a aussi la question des jeunes. Au Québec, l'Enquête québécoise sur le tabac, l'alcool, la drogue et le jeu chez les élèves du secondaire nous a permis d'apprendre que, depuis l'année 2000, les taux de déclaration d'usage ont chuté de façon dramatique. En 2000, ce taux était de 41 %, mais il était de 23 % en 2013. Il s'agit d'un écart important. On se demande à quoi est due cette diminution des déclarations d'usage dans le cas du cannabis.
     Y a-t-il eu un transfert vers d'autres dépendances? C'est peut-être le cas. Par contre, il faut se rappeler que, vers la fin des années 1990, il y a eu au Québec toute une démarche de dénormalisation relativement à l'acte de fumer et que cela a été assorti de lois sur le tabac. On ne peut donc pas établir de lien de cause à effet. Il y a aussi la situation entourant l'usage du tabac dans les bars, au Québec. La loi interdit d'y faire la promotion de marques de cigarettes. Or on se demande pourquoi ce serait permis dans le cas du cannabis. La question se pose.
(1450)

[Traduction]

    C'est un très bon point.
    Dans un tout autre ordre d'idées, je suis heureux de vous entendre parler de l'Australie. L'industrie du tabac fait un peu de propagande et prétend que les emballages neutres n'ont pas donné de résultats, en Australie. Je suis donc heureux d'entendre quelqu'un d'autre confirmer que ces emballages donnent des résultats. Je suis hors sujet, mais je vous remercie beaucoup.
    Je crois que mon temps est écoulé.
    Votre temps est écoulé. Merci beaucoup.
    Cela met fin à notre série de sept minutes. Nous allons commencer maintenant une série de cinq minutes en donnant d'abord la parole à M. Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Encore une fois, je remercie les témoins. Nous avons si peu de temps et tant de questions.
    J'aimerais quand même pour commencer transmettre à Jeunesse sans drogue Canada toutes mes félicitations pour sa brochure. Le gouvernement est au pouvoir depuis deux ans maintenant, cela fait partie de son programme, et tout cela est un peu désappointant. Je crois que, au Colorado, les citoyens se sont plaints au gouvernement, disant qu'il ne finançait pas suffisamment les campagnes d'éducation publique. Nous savons tous à quel point c'est important, nous savons aussi qu'il est important d'anticiper les choses, et c'est pourquoi je vous félicite, messieurs, de jouer ce rôle de chef de file.
    Nous avons également entendu parler du manque de ressources pour la collecte de données et de l'importance de la collecte de données. Je m'adresserai d'abord au Dr Barakett.
    Pensez-vous que, après la légalisation, il faudra publier chaque année un rapport sur la consommation de la marijuana au Canada? Pensez-vous qu'une telle transparence assurerait une meilleure sensibilisation? Écoutez ce que dit le gouvernement; il affirme que, s'il fait cela, c'est pour réduire l'usage de la marijuana chez les jeunes. Nous avons entendu les témoins déclarer que ce n'est pas ce qu'ils ont observé au Colorado. Nous aimerions savoir quelles stratégies fonctionnent et lesquelles ne fonctionnent pas. Quant à ces rapports annuels, pensez-vous qu'ils sont importants?
    Je crois qu'ils sont essentiels. C'est vrai, vous devez joindre le geste à la parole. Si nous voulons aider la société, il serait souhaitable que les gens comprennent les effets du cannabis, ses avantages sur le plan de la médecine, au sujet desquels nous n'avons pas terminé les recherches, même si certains faits portent à croire que c'est une substance utile, et que les gens comprennent aussi que des produits à forte teneur en THC peuvent avoir un effet désastreux, surtout sur les jeunes encore en plein développement. Si nous constatons que les jeunes de moins de 18 ans consomment davantage, ce sera un problème. Cela voudra dire que notre programme d'éducation publique n'a pas fonctionné.
    Pensez-vous que nous favoriserons une meilleure sensibilisation en misant sur la transparence plutôt qu'en accumulant des données que nous ne publions même pas?
    Je dirais que oui. La transparence et la santé publique vont de pair, dans mon esprit. Nous devons faire preuve de la même transparence que si nous étions en train de parler des taux de diabète. C'est essentiel.
    Monsieur Paris.
    Je crois que si nous utilisons les fonds publics pour mener des recherches dans l'intérêt du public, le public devrait être au courant.
    Je suis d'accord.
    Nous avons parlé de ce problème aux témoins qui vous ont précédés. Comme je l'ai dit, je crois que nous sommes tous d'accord. Nous aimerions tous que la consommation de drogue chez les jeunes diminue, au Canada. Elle est bien trop importante, mais je ne vois nulle part, dans cette loi, un outil qui pourrait servir. Toutes sortes d'opinions ont été formulées. Ma collègue a souligné que des enfants de 12 à 17 ans auraient le droit de posséder jusqu'à cinq grammes de cannabis, selon ce projet de loi. Mes électeurs sont nombreux à trouver troublant le fait que des élèves de 12 ans, qui sont en sixième année, puissent avoir le droit de posséder du cannabis à des fins de consommation personnelle.
    Elle a souligné qu'il faudrait peut-être que cela soit une infraction passible d'une contravention. Personne ne veut criminaliser les enfants. Nous ne voulons pas leur imposer ce boulet. Nous avons reçu un avocat de la Colombie-Britannique. Il nous a dit que la plupart des agents de police ne déposaient jamais d'accusations contre des enfants. Ils se contentent de confisquer la substance, mais ils ont ainsi l'occasion de discuter du problème et peut-être d'en informer les parents et les enseignants.
    Il n'y a rien à ce sujet dans le projet de loi. Le gouvernement dit qu'il veut que la consommation chez les jeunes diminue, mais il n'y a ici aucune disposition prescriptive. Il n'y a aucune idée nouvelle.
    Avez-vous des idées? Vous vous occupez tous les jours de ces enfants. Si on parle d'une drogue d'introduction et d'enfants de cet âge, quels outils pourrions-nous donner à nos éducateurs et aux intervenants de la santé publique de façon que, en cas de problème, nous puissions offrir à ces enfants de participer à un programme d'un certain type ou leur proposer un système d'éducation qui les aidera?
    C'est une très bonne question. La plupart des jeunes qu'on m'envoie ont été arrêtés à l'école pour possession.
    Pensez-vous que c'est une bonne chose ou non?
    C'est une excellente chose. Les jeunes sont signalés, et on appelle les parents. Ensuite, on dit au jeune qu'il doit consulter son médecin.
    Merci beaucoup d'en avoir parlé; ma bête noire, c'est que le milieu médical canadien ferme les yeux depuis bien trop longtemps sur le problème de la toxicomanie. L'effroyable crise des opioïdes que nous connaissons ne tient pas seulement au nombre excessif d'ordonnances. Mais on ne rédige pas des ordonnances en trop grand nombre en toute connaissance de cause. Il nous fallait traiter la douleur chronique. Comme nous n'avions pas de médicament efficace contre ce problème, nous avons essayé les opioïdes.
    Le grand problème, quand une personne devient dépendante ou que le comportement d'un enfant change parce qu'il commence trop jeune à consommer du cannabis, c'est que le médecin ordinaire ne sait pas ce qu'il fait. On ne lui a rien appris à ce sujet. Les écoles de médecine n'offrent toujours pas de cours sur la dépendance, et on est en 2017.
    Cela fait 35 ans que je reçois des résidents en médecine familiale de deuxième et de troisième année. Ils passent un mois à m'accompagner dans ma pratique. C'est la seule fois dans toutes leurs études de médecine qu'ils auront affaire au traitement d'une dépendance.
(1455)
    Vous dites que c'est une bonne chose que les jeunes soient signalés.
    Absolument. C'est que si un enfant de 12 ans consomme de la drogue, je suis désolé, mais cela n'est pas bénin du tout. Il y aura des conséquences, surtout s'il a de la drogue sur lui en classe. Soit il en vend, soit il ne peut s'en passer.
    Avez-vous une recommandation à faire quant aux dispositions à inclure dans ce projet de loi?
    Je ne sais pas. Je ne suis pas législateur, mais si l'arrestation se fait à l'école, je crois qu'il faudrait que cela débouche non pas sur une sanction juridique, mais sur un appel aux parents qui seraient alors obligés de consulter un médecin. Mais le problème reste important: à quel médecin vont-ils confier leur enfant?
    Quand un enfant est signalé, aujourd'hui, est-ce qu'il fait face à des conséquences permanentes?
    Votre temps est écoulé.
    Non. Il n'y a rien de permanent... Il sera suspendu par l'école pendant, disons, deux semaines, et il en profitera pour se calmer un peu et discuter avec son médecin.
    Vous n'avez plus de temps. Merci beaucoup.
    Nous donnons maintenant la parole à M. McKinnon.
    Merci, monsieur le président.
    Il est assez évident que la clé de la réussite, dans le cas qui nous occupe, c'est l'éducation publique des jeunes. Vous dites qu'une campagne de plusieurs millions de dollars a été lancée en juin. Quelle est la nature de cette campagne? Quels sont ses objectifs? Pouvez-vous mesurer ces résultats? Est-elle efficace?
    Le but de la campagne, précisément, c'est de distribuer cette brochure au plus grand nombre de parents possible. Notre message visait à les convaincre de télécharger la brochure ou d'en demander un exemplaire gratuit. Les parents n'ont qu'à aller à la page d'accueil de notre site Web. Ils peuvent à partir de là télécharger la brochure ou demander qu'on leur envoie un exemplaire gratuit.
    Comme je l'ai dit, nous avons jusqu'ici distribué 100 000 brochures. C'est-à-dire qu'elles ont été téléchargées ou envoyées par la poste. Nous avons envoyé 36 000 exemplaires à des écoles et à des cliniques médicales au cours de l'été et nous recevons maintenant des commandes. Les directeurs d'école en commandent 300, 450 exemplaires pour les parents. Je crois que nous allons très vite dépasser ce chiffre de 100 000 brochures. C'est une bonne chose, mais il faudrait avoir l'appui des médias de masse.
    Nous avons l'expérience de ces campagnes. Il s'agit ici de notre 12e campagne multimédia nationale. Le secret, c'est de ne jamais arrêter. Nous avons toujours une campagne en cours, 12 mois par année. Nous avons plus de 60 partenaires dans les médias, c'est-à-dire la télévision, la radio, les imprimés, toutes les sortes de médias hors domicile. Ça n'arrête pas. Une campagne suit l'autre. Mais il ne faut pas diffuser un message d'éducation pendant six semaines seulement, puis le faire disparaître. Le problème, c'est que nous pouvons diffuser des messages gratuitement; si le gouvernement veut le faire, par contre — Santé Canada, par exemple, a déjà fait des campagnes d'éducation —, il devra payer, et ça coûte extrêmement cher. Les campagnes multimédias nationales coûtent des dizaines de millions de dollars par année, sinon beaucoup plus.
    Votre campagne, celle dont on parle, visait cette brochure.
    C'est exact.
    D'autres campagnes auraient probablement d'autres objectifs, c'est bien cela?
    Nous continuerions. Nous voudrions reprendre cette campagne en septembre de l'année prochaine et la poursuivre jusqu'à la mi-janvier 2019. Notre prochaine campagne, qui commence en octobre, traitera du mauvais usage des médicaments d'ordonnance en rappelant aux parents qu'ils doivent garder leurs médicaments dans un lieu sûr et rapporter à la pharmacie tous les médicaments non utilisés. L'an dernier, en collaboration avec Shoppers Drug Mart, nous avons pu récupérer 243 tonnes de médicaments non utilisés ou périmés. Cette année, nous allons étendre cette initiative en proposant probablement 4 000 points de chute dans des commerces de détail. La plupart des grandes chaînes nationales ont décidé de participer à la campagne, cette année.
    Cette campagne s'arrêtera à la mi-janvier. Nous allons ensuite reprendre une campagne sur la conduite avec facultés affaiblies, « Un appel sans réponse », pour laquelle nous venons de recevoir un prix international qui en souligne la créativité.
    En plus de faciliter l'accès à ces publicités, ce qui est une bonne chose, quelles seraient à votre avis les activités publicitaires ou de promotion qui réussiraient le mieux à votre avis à décourager les jeunes de consommer de la marijuana?
(1500)
    Il faut que certaines campagnes ciblent directement les jeunes. Nos campagnes à nous ciblent les parents. Mais avec les enfants, il faut adopter une approche différente. On ne recourt pas non plus aux mêmes médias qu'avec les parents. Les jeunes ne s'intéressent pas aux mêmes médias. J'envisagerais des campagnes nationales qui se dérouleraient à la fois à l'école et dans différents médias, mais dans des médias auxquels les jeunes s'intéressent, et qui continueraient...
    Vous devez savoir qu'il existe un lien direct entre le niveau de risque perçu et le désir de faire un essai. Plus le risque perçu est élevé, moins le désir est fort. Il ne s'agit pas de faire peur aux jeunes, mais s'ils perçoivent qu'il y a un risque, ils y penseront à deux fois avant d'adopter un comportement risqué.
    Vous pensez à autre chose qu'aux campagnes qui montrent, par exemple, l'état du cerveau d'une personne qui consomme de la marijuana.
    Peut-être que oui, mais je crois qu'il faudrait une approche différente. Je crois que nous sommes maintenant renseignés. La science a fourni des données probantes. Les jeunes s'ouvrent peu à peu les yeux. Ils commencent à comprendre que cela pose un risque pour la santé personnelle et pour le développement de leur cerveau.
    C'est la même chose en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies. Nous devons changer de discours. Les jeunes ont compris, après 20 ans de campagne de Mothers Against Drunk Driving, organisme qui regroupe les mères contre l'alcool au volant, ce qu'il en est de l'alcool; pour le moment, ils ne croient pas qu'il soit aussi dangereux de prendre le volant après avoir fumé un joint qu'après avoir bu de l'alcool. Nous devons poursuivre notre travail sur ce terrain également.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Il vous reste le temps de poser deux ou trois toutes petites questions.
    Ça va être difficile.
    Madame Chapados, vous avez parlé de l'image de marque. Nous avons entendu des témoins affirmer que, même si la promotion d'une image de marque pouvait être problématique, et je suis d'accord sur ce point, il serait utile d'associer une image de marque à ces produits de façon que les gens puissent reconnaître un produit auquel ils sont habitués, qu'ils sachent ce qu'ils achètent et qu'ils sachent à quoi s'attendre. Qu'en pensez-vous?

[Français]

     En fait, cela rejoint un peu les propos que votre collègue et moi avons échangés plus tôt. La reconnaissance du produit implique qu'on en précise le nom, la marque, et ainsi de suite, mais la stimulation vise pour sa part à rendre le produit attrayant. Il y a une différence entre les deux. On en parle dans le projet de loi C-45. Il ne faut pas stimuler la demande et créer une nouvelle clientèle. C'est pourquoi en matière de santé publique, l'emballage neutre constitue l'une des options privilégiées par la littérature, qu'il s'agisse du tabac ou du cannabis.

[Traduction]

    D'accord, merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Webber.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Barakett, croyez-vous que la marijuana est une drogue d'introduction?
    Oh oui, sans l'ombre d'un doute. J'ai mentionné l'étude réalisée au Royaume-Uni. Elle a permis de réunir des données probantes sur un phénomène que nous connaissons depuis des années, et pour lequel nous avons enfin des chiffres.
    Et est-ce parce que le produit de marijuana ne procure plus aux utilisateurs les effets qu'il leur procurait?
    Je ne sais pas si c'est nécessairement parce que c'est un produit plus puissant. C'est tout simplement parce qu'il nuit au développement cognitif, ce qui amène un jeune à adopter des comportements risqués parce qu'il manque de jugement. Le raisonnement et le jugement sont les deux grandes habiletés cognitives les plus touchées. Et c'est pourquoi les consommateurs de marijuana passent ensuite à... S'ils ont en outre un problème sous-jacent, par exemple le trouble déficitaire de l'attention, comme c'est le cas d'une assez bonne proportion d'adolescents qui consomment du cannabis, et s'ils ne suivent pas de traitement, ils cherchent un moyen de se calmer. Mais quand on traite le trouble déficitaire de l'attention à l'aide de médicaments stimulants appropriés, à action prolongée, ils arrivent mieux à apprendre, à se concentrer, à se sentir bien dans leur peau, et ils laissent tomber la drogue.
    D'accord.
    Vous avez aussi des patients opiomanes à qui vous prescrivez de la marijuana, en raison de sa teneur en cannabidiol.
    Oui.
    Pour traiter des maladies chroniques, il semble que cela donne les résultats attendus; c'est ce que vous avez dit.
    Les patients qui souffrent d'un trouble de stress post-traumatique se font également prescrire de la marijuana, c'est ce que j'ai entendu dire. Est-ce pour sa teneur en cannabidiol ou pour sa teneur en THC?
    On leur prescrit du THC, parce qu'il a un effet calmant plus important. Le problème, c'est que le THC est fort, et que le cannabidiol — qui a un effet antiépileptique, en passant — a aussi pour effet de neutraliser les douleurs neuropathiques; mais il faut combiner les deux médicaments. Dans notre pratique, nous les combinons à raison d'une part de THC pour deux, trois ou quatre parts de cannabidiol en établissant la posologie nécessaire pour neutraliser les effets stupéfiants du THC, et cela vaut pour le traitement de la douleur et pour le traitement de maladies inflammatoires chroniques comme l'arthrite rhumatoïde ou les maladies intestinales inflammatoires. Nous observons de bons résultats.
    Le problème, c'est que l'étude a été menée un peu à la va-comme-je-te-pousse, et le patient était obligé d'acheter lui-même son cannabis de l'une des entreprises autorisées par Santé Canada.
(1505)
    C'est intéressant.
    Encore une fois, je ne saisis pas très bien la différence entre le cannabidiol et le THC. Ce dernier a davantage d'effets hallucinogènes.
    Oui, c'est une substance psychoactive. Le cannabidiol n'est pas une substance psychoactive.
    Donc, les patients qui ont un trouble de stress post-traumatique cherchent-ils à cacher leur traumatisme au moyen d'une drogue hallucinogène plutôt que de...?
    Les symptômes les plus troublants du trouble de stress post-traumatique sont l'insomnie, les rêves et les cauchemars, les cauchemars récurrents, l'évocation constante de l'événement traumatique, peu importe l'époque à laquelle il remonte, et les patients doivent prendre des médicaments pour arriver à bien dormir. Ils peuvent bien essayer les benzos ou d'autres substances, mais cela ne fonctionnera pas, tout simplement. Les antidépresseurs ne leur redonnent pas la forme, et c'est pourquoi nous avons quelques choses. Nous avons essayé entre autres le nabilone, un cannabinoïde synthétique. Il n'a rien à voir avec le cannabidiol ni avec le THC, mais il aide les patients à dormir plus profondément et il supprime...
    Que contient-il? Du THC, du cannabidiol, un peu des deux?
    Ni l'un ni l'autre, le nabilone, c'est tout autre chose. C'est tout simplement un cannabinoïde synthétique qui a été mis sur le marché il y a déjà plusieurs années et qui permet de contrôler la douleur. Il n'a pas donné les résultats attendus, mais il a aidé les personnes qui souffrent d'un trouble de stress post-traumatique à mieux dormir. Nos patients affectés par ce trouble veulent s'en faire prescrire afin de régler leurs problèmes de sommeil; dans leur cas, nous utilisons une combinaison égale de cannabidiol et de THC. Nous les mélangeons à volume égal. Les patients ne sont donc pas gelés, mais sont suffisamment détendus pour dormir profondément.
    C'est intéressant. Merci de votre témoignage.
    Monsieur le président, je n'ai plus de questions.
    Vous n'avez plus de questions. D'accord. C'est bien.
    Nous allons donner la parole à Mme Fortier. Bienvenue.

[Français]

     Je vous remercie de votre présentation. Nous sommes heureux de savoir que vous avez travaillé très fort à votre campagne auprès des parents.
    Je représente une circonscription très diversifiée, où il y a beaucoup de jeunes Autochtones et de jeunes francophones provenant de communautés culturelles.
     En vous fondant sur votre expérience, diriez-vous qu'il est possible, dans le cadre de campagnes d'éducation publique, de rejoindre plus précisément ces clientèles, compte tenu que nous rejoignons les parents?
    Chaque fois que nous préparons une campagne, nous faisons des sondages de vérification auprès d'un échantillonnage d'au moins 300 parents. Nous nous assurons de toucher une diversité de répondants pour obtenir la meilleure réponse possible et nous assurer d'atteindre le but avec ce groupe cible. Cependant, dans le cas de certaines communautés à risque, il faudrait peut-être faire des campagnes spécifiques.
    Comme notre organisme dépend présentement de la générosité des médias, qui nous accordent du temps d'antenne, il nous est difficile de cibler des marchés spécifiques. Ces médias nous accordent du temps d'antenne ou un espace dans les journaux, mais nous ne savons pas quand nous pourrons en bénéficier, étant donné qu'il s'agit souvent d'espace non vendu. Par conséquent, nous n'avons pas un contrôle total sur le ciblage des diverses communautés.
     En vous fondant sur votre expertise, diriez-vous qu'il sera important de tenir compte de ces questions à l'avenir?
    Les enfants sont des enfants et les parents sont des parents. Les problèmes se rejoignent pratiquement tous de la même façon. Ils ont un aspect universel. Que ce soit aux États-Unis ou au Canada, je pense que les problèmes parentaux sont les mêmes, à quelques exceptions près. Les jeunes fréquentent l'école ensemble, et ainsi de suite.
    Madame Chapados, dans votre présentation, vous parliez de l'importance d'utiliser les plateformes numériques et le Web, je crois, pour les questions de marketing ou de promotion.
     Pouvez-vous nous en dire plus sur le genre de mesures que vous suggéreriez?
    Je ne suis pas experte en marketing social, mais des applications sont actuellement disponibles, et des campagnes...
    En tant qu'experte, avez-vous fait des études?
     Avez-vous vérifié comment cela pouvait s'appliquer à ce que vous avez étudié?
    Non. Par contre, nous savons que les jeunes sont sur le Web. De plus, simplement en se promenant à Montréal, on peut voir des pancartes placardées qui affichent des applications Web de compagnies et de dispensaires qui sont illégaux pour le moment. C'est toléré ou il y a du moins une détente à cet égard. Il est clair qu'il y a là un enjeu. L'industrie est déjà sur le Web.
(1510)
    Très bien. Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous commençons notre dernière série de questions en donnant la parole à M. Davies.
    Merci, monsieur le président.
    Il y a des avertissements sur les produits du tabac. Il y a des avertissements sur les produits de l'alcool. Je présume qu'il y aura un avertissement sur les produits du cannabis.
    Je vais peut-être commencer par vous, madame Porath. Que devrait-il y avoir sur cet avertissement?
    Je pense qu'il doit y avoir des renseignements fondés sur des données probantes. Je ne pense pas que nous voulions adopter des tactiques alarmistes, mais nous devons réellement énoncer les faits tels qu'ils sont.
    Nous avons établi qu'il y a encore beaucoup de choses que nous ignorons au sujet du cannabis, mais des recherches ont été réalisées, et nous pouvons tirer certaines conclusions définitives dans quelques domaines. Nous savons que le cannabis augmente le risque de psychose. Nous savons qu'il nuit à la capacité de conduire de manière sécuritaire un véhicule motorisé. Nous savons qu'il y a un risque d'accoutumance. Selon les données scientifiques que nous savons irréfutables, je pense que nous devrions écrire ces renseignements sur les étiquettes d'avertissement.
    Docteur Barakett, monsieur Paris, ajouteriez-vous quelque chose à cela?
    Je pense que, dans la mesure où ce sont des renseignements fondés sur des données probantes, parce que les enfants sont intelligents... Ils peuvent chercher, et, s'ils se rendent compte que c'est de la foutaise, ils ne vont pas...
    Cela pourrait en fait aller à l'encontre du but recherché.
    Oui, exactement. Les renseignements doivent être entièrement fondés sur des données probantes. Je suis totalement d'accord.
    Chose certaine, la commercialisation devrait être exclue. À l'heure actuelle, nous voyons des entreprises de cannabis médical commanditer des concerts de rappeurs et présenter la substance comme faisant partie d'un certain mode de vie. À mes yeux, c'est très mauvais, car comme nous l'avons appris avec l'alcool... Il est trop tard maintenant. Nous ne pouvons pas corriger cette erreur. Nous ne pouvons pas revenir en arrière, remettre l'oeuf dans sa coquille, mais nous avons dû le faire en ce qui concerne le tabac, car à cette époque, il y avait des publicités où les médecins disaient qu'il était bon de fumer.
    Pourquoi ne pourrions-nous pas revenir en arrière? Pourquoi ne pourrions-nous pas? Nous l'avons fait avec le tabac, alors pourquoi pas? Comment s'appelle le stade de hockey à Montréal? Est-ce le Centre Molson?
    C'est cela... on l'appelle maintenant le Centre Bell.
    Le Centre Bell, mais c'était le Centre Molson, n'est-ce pas? Est-ce le même genre de chose? Pourquoi ne pourrions-nous pas prendre ce genre de...
    Je pense que d'essayer de remettre l'oeuf dans sa coquille à ce moment-ci, principalement...
    Mais encore une fois, nous l'avons fait pour le tabac. Nous l'avons fait, donc pourquoi ne pourrions-nous pas?
    Les préjudices causés par l'alcool, je pense que nous sommes tous d'accord, sont immenses pour la société, tout comme nous savons que le tabac entraîne d'énormes problèmes de santé. Nous savons que la consommation de cannabis comporte certains dangers et risques, alors ne tombons pas dans le même piège que pour l'alcool.
    Ce n'est pas pour rien que j'insiste sur ce point. Je vais avancer une thèse. Je suis père de trois enfants devenus adultes. Les jeunes sont particulièrement sensibles à l'hypocrisie. L'hypocrisie lorsqu'ils nous voient traiter différemment l'alcool, qui est, selon moi, la vraie drogue d'introduction et qui est également responsable d'au moins autant de mal, si ce n'est plus... Encore une fois, je ne dis pas cela pour minimiser les effets du cannabis...
    Non.
    ... c'est pour qu'on le traite de manière adéquate.
    Si on donne l'impression de ne pas employer la même approche pour l'alcool que nous avons pour le cannabis, n'y a-t-il pas un risque que les jeunes regardent leurs parents s'enfiler six verres de scotch un vendredi soir et, comme quelqu'un d'autre l'a dit, prendre un Valium? Cela ne mine-t-il pas la crédibilité lorsqu'on parle des préjudices du cannabis ou si nous adoptons un cadre législatif différent en ce qui concerne la publicité et la tolérance? Ne risquons-nous pas de perpétuer ce sentiment d'hypocrisie auprès des jeunes, ce qui risque de réduire notre capacité de faire passer notre message?
    Vous savez, 10 % de la population est foncièrement incapable de consommer de l'alcool de manière contrôlée. Ce sont ceux qu'on désigne comme des alcooliques. C'est une prédisposition génétique à la perte de contrôle, une déficience cognitive dont elles souffrent. C'est le même genre de trouble cognitif, mais ce sont deux drogues différentes: l'une a une durée d'action extrêmement prolongée, le cannabis; et l'alcool, avec lequel vous êtes sobre le jour suivant, à moins que vous ne soyez un buveur quotidien, auquel cas, vous aurez une déficience cognitive.
    C'est important. Vous ne pouvez pas apporter de nuance à cet égard sur l'emballage d'un produit si vous voulez aborder les problèmes. Je pense qu'il est aussi important pour quiconque de comprendre que ce que nous pouvons dire jusqu'à présent, c'est qu'il s'agit d'une drogue qui endommage le développement du cerveau et qu'il est dangereux de conduire un véhicule motorisé après avoir consommé cette substance. Ce sont les deux seules choses dont nous sommes certains à l'heure actuelle.
    L'autre aspect dont j'aimerais parler est le suivant: si vous êtes un adulte qui consomme régulièrement du cannabis à des fins récréatives et que vous en consommez beaucoup — vous savez quoi? —, vous tentez de camoufler un trouble psychiatrique sous-jacent. Je traite ce genre de personnes. Elles sont âgées de 30 à 32 ans. Elles fument depuis des années, et elles n'arrivent pas à arrêter. J'ai découvert qu'elles souffraient d'un TDAH sous-jacent, et 20 % de celles qui en souffrent présentent également un trouble bipolaire.
(1515)
    Puis-je poser une petite question? Je vais manquer de temps.
    Ma question concerne le traitement. Je pense qu'au Canada, il y a un manque flagrant de publicité payée pour l'accès universel à des installations de traitement.
    Absolument.
    Les gens viennent vous voir avec ce problème. Réussissez-vous à trouver des places qui sont payées par notre système de santé publique pour ces personnes, chaque fois que c'est approprié pour elles, ou devons-nous accroître nos dépenses à cet égard?
    Il faut intensifier les dépenses, mais, vous voyez, malheureusement, ces centres de traitement d'une durée de un mois ne permettent pas réellement d'atteindre un objectif. La déficience cognitive est telle que, durant le premier mois, la pauvre personne n'apprend rien. C'est pourquoi le taux de rechute est si élevé immédiatement après son départ...
    Je pense qu'à l'heure actuelle, la norme n'est pas de un mois; elle est de trois à neuf mois.
    Elle doit être de trois ou six mois.
    Si une personne est « suffisamment chanceuse » pour bénéficier de l'aide sociale, elle ira dans l'un des multiples centres de traitement qui prendront sa carte d'aide sociale au Québec. Si la personne ne bénéficie pas de l'aide sociale, elle va devoir sous-louer son appartement, réunir la somme nécessaire pour y aller et débourser 2 000 $ par mois, ce que la plupart des gens ne peuvent se permettre, particulièrement s'ils ont un problème de drogue. C'est un énorme problème d'accès.
    Nous avons terminé, monsieur Davies.
    Nous avons terminé, mais il nous reste du temps. Je cherche à obtenir un consensus. Êtes-vous intéressés à poursuivre? De fait, nous avons terminé avec nos questions, mais nous apprenons des choses, alors êtes-vous d'accord pour qu'on ajoute quatre questions de plus à cinq minutes chacune, si le temps nous le permet?
    D'accord. Allons-y.
    Monsieur Eyolfson.
    Docteur Barakett, j'aimerais vous demander des observations au sujet de quelque chose que vous avez dit pendant la dernière série de questions. Vous avez qualifié la marijuana de drogue d'introduction. Il existe des ouvrages faisant autorité qui portent sur la question. Nous parlons des ouvrages utilisés en résidence et pour les bourses d'études supérieures en toxicologie, Ellenhorn's Medical Toxicology et Goldfrank's Toxicologic Emergencies. Ils expliquent clairement que le concept de marijuana en tant que drogue d'introduction n'a jamais été établi de manière définitive. Cela a aussi été répété maintes fois dans des revues scientifiques sur l'accoutumance entretemps.
    Compte tenu de cette information, quel est le fondement de votre déclaration selon laquelle la marijuana est une drogue d'introduction?
    Le fondement réside dans plus de 30 années d'observation. Le fondement vient également d'études de premier plan, comme celle du Royaume-Uni que je viens tout juste de citer, qui date de cette année seulement, qui a pris fin en 2016 et à laquelle ont participé des jeunes âgés de 15 à 18 ans et qui a permis d'établir une corrélation entre l'abus de trois substances: la nicotine, l'alcool et les drogues illicites.
    J'en conviens, il y a un lien. C'est pourquoi cet effet a toujours été décrit.
    C'est dans la coexistence d'un trouble psychiatrique, principalement le TDAH, que réside la nuance. Si le TDAH n'a pas été décelé, alors les enfants s'auto-prescrivent des médicaments.
    Je suis totalement d'accord avec vous...
    Lorsqu'on regarde les toxicomanes adultes, on peut voir qu'il y a facilement 50 % des cas où la dépendance et le TDAH coexistent.
    À cet égard, vous et moi sommes en parfait accord. Une grande proportion de ces personnes dépendantes de toutes sortes de drogues souffrent de maladie mentale. Les personnes vont s'automédicamenter pour traiter la maladie mentale.
     Le fait que si vous essayez la marijuana, c'est une porte d'entrée vers des drogues plus dures est un problème différent. De nombreuses études montrent cette corrélation; toutefois, il y a une différence entre une corrélation et une relation de cause à effet. Cet enjeu fait l'objet d'études depuis des décennies. Chaque fois qu'on a vu une corrélation, il y avait tant de facteurs de confusion et de maladies concomitantes qu'il n'a jamais été établi de manière définitive que la marijuana était une drogue d'introduction. D'après ce que je sais de la littérature, ce point particulier n'a toujours pas été établi fermement.
    Qu'il s'agisse d'une drogue d'introduction ou non, elle nuit au développement cognitif du cerveau.
    Et sur ce point, nous sommes d'accord.
    Sur ce point, nous nous rejoignons, et c'est tout ce que vous avez besoin de dire, parce que toute la question de... Ce que nous voyons, c'est une très forte corrélation. Quand je dis que chaque toxicomane que j'ai traité a commencé à consommer du cannabis à l'âge de 11 ou 13 ans, je ne sais pas par quel mécanisme cela s'est produit, mais c'est un fait.
    Oui, c'est ce que je dis, mais encore une fois, cela touche la crédibilité et quelque chose que M. Davies a dit, soit que si nous apprenons des choses à nos enfants, nous voulons nous assurer qu'elles sont vraies. Nous voulons dire des choses qui sont crédibles de sorte que nos enfants n'iront pas chercher ailleurs et les réfuter. Il est vrai que la marijuana nuit au développement du cerveau, nous pouvons donc définitivement le dire. Ils vont écouter parce que c'est vrai.
    Mais je ne veux pas que le message soit brouillé par d'autres éléments; il y a tant de renseignements qui circulent à propos de cette chose en particulier... Si nous disons: « N'en prends pas parce que c'est une drogue d'introduction » et qu'il existe beaucoup de données probantes...
(1520)
    Je suis d'accord.
    ... selon lesquelles ce n'est pas le cas ou que cela n'a pas été établi, nous pourrions alors causer plus de mal que de bien en faisant la promotion de ce discours. C'est ce que je dis.
    Évidemment. On ne peut pas effrayer les gens. C'est comme dire à un alcoolique: « Vous allez mourir d'une cirrhose ». Il ne va pas mourir d'une cirrhose. Cet homme va avoir un accident de voiture, il va rendre un millier de personnes misérables et il ne mènera jamais une vie heureuse. Voilà le message avec lequel vous devez composer.
    Exactement.
    Merci.
    Merci.
    Madame Gladu, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Si je ne dépasse pas mon temps avec mes propres questions, je le partagerai avec M. Carrie.
    Docteur Barakett, vous semblez en connaître beaucoup au sujet de la marijuana et de ses effets sur les gens; j'ai plusieurs petites questions que je gardais pour moi.
    L'une d'entre elles concerne la déclaration de Santé Canada selon laquelle les hommes qui souhaitent fonder une famille ne devraient pas consommer de cannabis. Pourquoi dit-il cela?
    Je suis désolé, Santé Canada dit quoi?
    Que les hommes qui veulent fonder une famille ne devraient pas consommer de cannabis. Pourquoi cette déclaration?
    Non. Je pense qu'une ancienne étude faisait état d'une diminution du nombre de spermatozoïdes et de cas d'impuissance, mais je ne pense pas que ces choses soient vraies.
    D'accord.
    Les producteurs de chanvre ont demandé à être exemptés de cette loi sur le cannabis. Avez-vous des préoccupations à cet égard? Ils disent que sa teneur en THC est faible et donc, vous savez, c'est...
    Ce sera les mêmes règles. Les enfants ne devraient pas en consommer. S'ils en consomment suffisamment, il y aura une accumulation dans leur cerveau et ils souffriront d'effets semblables. Si j'avais un jeune enfant à la maison, je ne pense pas que j'aimerais qu'il fume du chanvre.
    D'accord.
    Ma dernière question concerne la quantité à posséder. Il a été établi que la limite était de 30 grammes si vous êtes âgé de plus de 18 ans.
    Il s'agit de cannabis séché, n'est-ce pas?
    Oui, c'est du cannabis séché. Êtes-vous préoccupé par la quantité? Tout dépend de la façon dont vous roulez un joint... Il pourrait s'agir de 60 grammes...
    Comme je l'ai déjà dit, je côtoie des toxicomanes à longueur de journée, tous les jours. S'ils veulent quelque chose, ils vont l'obtenir. Vous pouvez limiter la quantité, mais comment pouvez-vous appliquer ce genre de norme? Il s'agit vraiment d'informer les gens et de leur faire comprendre ces choses.
    Il existe toute une notion selon laquelle on n'a pas parlé du cannabis au fil des ans parce que les gens se disent: « Eh bien, ce n'est que du pot. » Bon, je suis désolé, mais il y a bien plus que cela. Il cause des préjudices chez les jeunes, il y a des adultes qui en abusent et qui s'en servent pour camoufler des troubles sous-jacents.
    D'accord, très bien. Merci.
    Je vais céder la parole à M. Carrie.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Je pense que vous en avez beaucoup trop, trois minutes.
    D'accord, c'est une bonne chose à savoir, car mon collègue de l'autre côté a soulevé un aspect très important au sujet de la crédibilité. Je pense que lorsqu'on parle de consommation de marijuana chez les jeunes, nous devons être honnêtes et nous devons montrer les aspects scientifiques qui sous-tendent la question. C'est l'un des aspects qui me dérangent au sujet de l'approche du gouvernement à l'égard du projet de loi parce qu'il dit qu'il doit légaliser la marijuana afin de réduire la consommation chez les jeunes. Selon les témoignages entendus ici devant le Comité, ce n'est pas le cas au Colorado ni à Washington.
    Ce dont nous nous rendons compte, c'est que le gouvernement emprunte cette voie, et nous aimerions que ce projet de loi soit le meilleur possible, le meilleur projet de loi pour assurer la santé et la sécurité des Canadiens.
    D'après ce que vous comprenez du projet de loi, que doit faire le gouvernement fédéral pour aborder la question de la consommation de marijuana chez les jeunes à votre avis? Croyez-vous que le projet de loi est la clé pour résoudre le problème de consommation élevée chez nos jeunes, ou croyez-vous qu'il manque quelque chose dans ce projet de loi?
    Je sais que j'ai abordé un peu le manque d'information, la collecte de données et les outils pour amener les jeunes à suivre certains types de traitement. Nous aimerions connaître votre avis, et j'aimerais simplement parler à tous les témoins de l'autre côté, en commençant par le Dr Barakett. Ce serait vraiment apprécié si vous pouviez nous aider à rendre ce projet de loi meilleur.
    Je vois simplement le projet de loi comme une possibilité d'enfin dégager l'information au sujet du cannabis et de dissiper les mythes qui existent selon lesquels il s'agit d'une substance inoffensive, particulièrement en ce moment puisque nous avons déjà légalisé son utilisation à des fins médicinales et que les gens tirent automatiquement comme conclusion que tous les produits du cannabis sont les mêmes et qu'ils sont bons pour la santé. Nous devons informer les gens. Les gens ne comprennent tout simplement pas.
    Lorsque je vois une dame âgée de 80 ans qui souffre de polyarthrite rhumatoïde et que je lui prescris de l'huile de cannabis qui contient un peu de THC, elle est horrifiée jusqu'à ce que je lui explique, et elle est surprise du résultat lorsqu'elle revient me voir et qu'elle n'a plus besoin d'analgésiques.
    Nous savons que la prohibition n'a pas été une réussite; je pense donc qu'il faut faire quelque chose d'autre. Je pense que l'une des solutions consisterait à trouver la cause fondamentale, mais il s'agit également de dissiper ces mythes. Lorsque les enfants disent à leurs parents: « Maman, ce n'est qu'une plante naturelle », c'est à ce moment-là que les parents doivent dire: « Eh bien, l'herbe à puce aussi. » Toutes les plantes naturelles ne sont pas bonnes pour nous. Nous devons simplement faire valoir les données probantes afin qu'ils comprennent que ce n'est pas une drogue sans danger et qu'il y a des conséquences de sorte que les enfants puissent prendre ce genre de décisions éclairées. Nous allons fixer l'âge à 18 ans. À cet âge, ils sont suffisamment âgés pour voter, pour fumer, pour boire, pour conduire une voiture et pour contracter une hypothèque. Même si leur jugement n'est pas tout à fait forgé, c'est pourquoi nous devons leur fournir des renseignements pour qu'ils aient le sentiment de faire un choix éclairé.
(1525)
    Des responsables du CCDUS ont eu la chance de visiter le Colorado et Washington il y a quelques années pour vraiment entendre ce que nos collègues du Sud ont vécu comme expériences et tiré comme leçons, et je sais que vous avez entendu certains de ces témoins hier. Juste pour le rappeler, ce que j'ai entendu lorsque j'ai visité Washington et le Colorado, et dans certains dialogues entendus ici aujourd'hui, c'est qu'il faut un investissement initial très solide en prévention et en éducation publique et qu'il faut nous assurer d'adapter les messages aux différents groupes. Nous aurons besoin d'éducation publique à l'intention des jeunes, mais il en faudra aussi pour leurs parents. Au-delà de l'approche médiatique massive, nous aurons besoin de cette approche à multiples volets dont j'ai parlé durant ma déclaration: des programmes scolaires fondés sur les données probantes, des interventions dans la collectivité, du soutien pour les parents. Quiconque travaille avec les jeunes doit réellement comprendre quels sont les effets du cannabis et en discuter avec les jeunes, parce que ce n'est pas facile. Je recommande vraiment aux parents de consulter l'outil de Jeunesse sans drogue Canada, qui les aidera à aborder la question et à vraiment savoir de quelle façon entamer la discussion.
    L'autre aspect sur lequel j'aimerais insister tient au fait qu'il faut réellement avoir des ressources pour la mise en oeuvre du projet de loi. C'est quelque chose que nous avons entendu d'un grand nombre d'intervenants lorsque nous sommes allés à Washington et au Colorado: il faut nous assurer que nos agents d'application de la loi sont suffisamment formés, que des ressources sont consacrées à la prévention, mais aussi au traitement, et nous en avons déjà parlé un peu également, nous devons nous assurer d'avoir cet investissement.
    L'autre aspect est la recherche. À titre de chercheur qui étudie le cannabis depuis 16 ans, je sais que nous en connaissons beaucoup, mais il y a tant de choses que nous ignorons. Mon organisation a dirigé une rencontre de deux jours l'automne dernier où nous avons réuni 50 des spécialistes nord-américains du cannabis afin de vraiment définir certains des domaines prioritaires à l'égard desquels il faut accroître la recherche. Nous travaillons en collaboration avec les Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC, et nos partenaires de Santé Canada et Sécurité publique afin de commencer à aller de l'avant avec ce projet. En fait, je vais assister à une rencontre à Montréal la semaine prochaine avec les IRSC.
    Ce sont les aspects que je voulais faire ressortir: nous devons investir dans la recherche, dans la surveillance continue et l'évaluation de même que dans la prévention et l'éducation publique.
    Merci.

[Français]

     Je ne veux pas répéter tout ce que ma collègue a dit, et l'Institut national de santé publique du Québec n'a pas le mandat de recommander autre chose que ce qu'il a déjà proposé dans son mémoire sur le projet de loi C-45. Si je voulais m'étendre un peu sur la question, je pourrais vous conseiller d'inclure dans le projet de loi des dispositions qui feraient en sorte qu'il n'y aurait aucun système de distribution à but lucratif au Canada, mais là, je dépasserais largement les compétences de l'INSPQ.
     Toutefois, c'est l'essence du propos que nous avons tenu face aux autorités québécoises quand nous leur avons recommandé de faire tout en leur pouvoir pour qu'une logique à but lucratif ne soit pas mise en place et ne puisse déterminer les options de règlements futurs. L'histoire du tabac et de l'alcool est une histoire de commercialisation. On peut donc penser que plus on en fait pour contenir la commercialisation — sinon complètement l'enrayer —, le mieux c'est pour la santé publique.
    Je compléterai en soulignant ceci. Vous nous rappelez les données concernant le Colorado. Il est intéressant de constater que les hausses observées précèdent la légalisation de 2014. En effet, elles datent de 2009. En fait, la question du cannabis à des fins non médicales est apparue en 2014. Tout l'enjeu de la commercialisation du cannabis a commencé avant cela, dès 2009, et on peut observer des hausses.
    D'ailleurs, si on consulte d'autres rapports, ils indiquent que ce n'est pas le changement de statut légal qui amène la hausse de la consommation, c'est plutôt comment celle-ci est encadrée, que ce soit la décriminalisation, comme on l'a fait en Europe, ou la légalisation elle-même de la consommation du cannabis à des fins non médicales. Il faut se rappeler cela, il ne faut pas diaboliser le cannabis. C'est important sur le plan de la cohérence par rapport à l'alcool et au tabac, notamment.
     Il n'en demeure pas moins que ce n'est pas un pomme, un produit ordinaire. C'est pourquoi il faut l'encadrer ainsi.
(1530)

[Traduction]

    Merci beaucoup. J'aimerais vous féliciter, monsieur Carrie. Vous apprenez de M. Davies.
    Monsieur Davies, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    C'est amusant. Il semble que notre approche vise à légaliser et à réglementer le cannabis et à dissuader les gens d'en consommer. Cela semble être l'approche générale à cet égard, et je pense qu'elle est appropriée compte tenu de tout ce que nous entendons.
    J'aimerais aborder la question d'un autre point de vue. Il y a une expression qui dit: « Si le mouton ne suit pas le troupeau, la faute n'est peut-être pas imputable au troupeau. » Je me demande simplement si nous pourrions étudier davantage certaines des raisons qui motivent des millions de Canadiens à consommer du cannabis de manière responsable. Un peu comme les Canadiens font le vendredi soir lorsqu'ils arrivent à la maison et qu'ils prennent une bière ou deux ou quelques verres de vin, il y a manifestement des millions de Canadiens qui consomment de la marijuana parce que c'est plaisant, ou peut-être parce que ça les aide à soulager certaines douleurs. Ce sont les mots de M. Neil Boyd, qui était ici l'autre jour. Je pense que c'est en réalité pourquoi les gens en consomment. Il y a des millions de gens qui ne vivent pas les répercussions négatives que nous décrivons. Ils ne souffrent pas de psychose. Ils ne perdent pas leur emploi. Ils ne sont pas impliqués dans des accidents de voiture.
    Nous n'avons pas consacré suffisamment de temps à cet aspect du volet éducatif de la stratégie gouvernementale alors que nous nous apprêtons à légaliser ce produit. Ne risquons-nous pas de perdre notre crédibilité si nous ne tenons pas compte de cet aspect? Je n'ai pas vraiment de question pertinente. Je ne fais que le signaler afin de connaître vos observations et vos commentaires.

[Français]

     On traite les substances psychoactives de différentes manières. En matière d'alcool, on admet généralement qu'il y a un certain plaisir à en consommer et on essaie d'avoir un système de réglementation de l'alcool qui tient compte de cela.
     En matière de tabac, on n'admet pas du tout qu'en consommer peut apporter un certain plaisir ou bénéfice. Pourtant, les usagers peuvent dire qu'ils retirent un bénéfice d'une certaine façon, parce que, sinon, ils n'en consommeraient pas. On a donc vraiment des traitements différents d'une substance à l'autre.
    Cette question du plaisir et des bénéfices que les usagers retirent de leur consommation doit être mieux prise en compte lors de l'élaboration des politiques. Cela dit, vous avez tout à fait raison de souligner qu'il y a différents profils de consommation.
     On n'a pas souligné aujourd'hui que, selon les meilleures données que nous avons, seulement un petit pourcentage des usagers consomment une large proportion de la production. C'est le cas en matière de tabac et d'alcool. En matière de cannabis, les données dont on dispose au Québec ne sont pas suffisantes pour dire la même chose de manière très claire, mais on peut soupçonner que c'est la même chose.
    Par exemple, au Colorado, environ 20 % des usagers consomment 80 % de tout ce qui est consommé. Il faut donc, à la fois dans l'approche réglementaire et dans les politiques de prévention et de traitement, faire ces différences et aborder ces questions de front.

[Traduction]

    Vous l'avez plutôt bien dit. Je pense que c'est ce que je me pose comme question. Il n'y a pas d'analogies parfaites. Le cannabis n'est pas la même chose que l'alcool. Ce n'est pas la même chose que le tabac. Je suis d'accord pour dire que le tabac procure un sentiment de plaisir, mais je ne crois pas qu'il y ait un fumeur qui puisse vous dire que c'est bon pour lui. Mais je crois que les consommateurs de cannabis qui en font usage à l'occasion et de manière responsable établiraient une distinction avec ce produit. De quelle manière pouvons-nous distinguer l'utilisation responsable du cannabis du point de vue de la politique publique?
    L'une des mises en garde que nous devons faire avec le cannabis concerne la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue. Dans ce cas particulier, en ce qui me concerne, les facultés affaiblies sont des facultés affaiblies. Nous devons clairement faire comprendre aux gens que s'ils fument du pot ou qu'ils boivent de l'alcool, ou pire encore, qu'ils font les deux, ils ne devraient pas conduire un véhicule, fin de l'histoire.
    Par ailleurs, nous ne pouvons absolument pas affirmer qu'une personne qui fume un joint va être complètement gelée. Ce qui est dangereux c'est de ne pas pouvoir contrôler sa teneur. Lorsqu'on parle de marijuana très concentrée, comme le « shatter » qui est essentiellement un produit concentré pouvant contenir jusqu'à 30 % ou plus de THC, on parle de niveaux dangereusement élevés d'agents psychoactifs. J'ose croire que ça commence à être une zone dangereuse. C'est un peu comme consommer un produit dont la teneur en alcool est de 80 %.
(1535)
    Les gens n'arrivent plus à fonctionner lorsque les niveaux de THC sont si élevés.
    J'aime la façon dont vous avez présenté la chose: on légalise le cannabis, on le réglemente et on dissuade les gens d'en consommer, mais si nous décidons de légaliser le cannabis, cela veut dire que nous devrons le réglementer, mais qui voulons-nous dissuader? Les jeunes? De plus, nous informons les adultes au sujet de la consommation. Comme je l'ai dit, beaucoup de gens s'automédicamentent, que ce soit pour soulager une affection douloureuse ou un trouble psychologique.
    Il faut aussi tenir compte du fait qu'avec la légalisation, il sera également question de la disponibilité des composés oraux. Pour quelle raison les gens devraient-ils fumer cette substance et consommer tous ces produits de combustion?
    C'est un gros morceau, et je pense que le gouvernement a tout à fait raison de procéder à la légalisation puisque cela nous donnera l'occasion d'informer les gens.
    Monsieur Oliver.
    Merci beaucoup. Lorsque nous avons entendu parler du Colorado, nous avons en fait vu une lettre rédigée à l'intention du procureur général, l'honorable M. Sessions. On pouvait lire que le plus récent sondage national sur la consommation de drogues et sur la santé révélait qu'entre 2013-2014 et 2015-2016, période au cours de laquelle les commerces de marijuana destinée aux adultes ont réellement ouverts leurs portes, la consommation de marijuana chez les jeunes a diminué d'environ 12 %. On a attribué ce résultat assez remarquable — parce que nous ne sommes pas parvenus à ce résultat — à trois activités différentes. Il y avait le financement accru en matière d'application de la loi afin de réellement s'attaquer au marché noir, de faire en sorte que des restrictions adéquates soient mises en place et que des accusations soient portées, ce que le gouvernement a réellement fait. L'éducation et la sensibilisation appropriées en étaient une autre. En fait, ils ont consacré, je crois, 22 millions de dollars de leurs revenus liés à la taxe sur la marijuana à l'éducation, ce qui va droit au coeur de ce qu'était votre message je crois, docteur Barakett et monsieur Paris. C'est vraiment ce dont vous parlez ici. La dernière était la mise en place de dispositions réglementaires strictes visant à prévenir la consommation chez les jeunes, y compris les exigences en matière de vérification de l'âge, les exigences liées aux points de vente et les interdictions touchant la publicité, l'emballage et les produits. Lorsque j'ai demandé si, dans ces trois catégories d'activité, il y avait une panacée, on m'a répondu que ces activités étaient toutes très importantes pour abaisser le taux de consommation chez les jeunes.
    Je sais que vous êtes ici principalement pour parler de l'importance de l'éducation et du message visant à promouvoir la santé, deux autres aspects que vous comprenez très bien également. Avez-vous des préoccupations au sujet de ces deux autres aspects?
    Je suis totalement d'accord. Je pense que la réglementation est un aspect important. De quelle façon le cannabis sera-t-il vendu? Où sera-t-il vendu? Quelle sera sa teneur? Qu'en est-il des produits comestibles? Où pourra-t-il être consommé, en public ou à la maison? Allons-nous permettre aux parents de fumer du pot dans leur voiture lorsque des enfants sont à bord? Ce sont des questions très sérieuses. Si des parents possèdent quatre plants de cannabis dans la cour arrière, que se passera-t-il si l'enfant va dans la cour et qu'il mâche des feuilles? Il y a beaucoup de scénarios qui font peur.
    Je pense que le projet de loi et les agissements du gouvernement contribuent à créer un très bon équilibre en ce qui a trait à ces priorités, et je pense que vous mettez vraiment en évidence le message de l'éducation.
    Les parents doivent assumer la responsabilité.
    J'ai une autre question. C'est au sujet de votre modèle sans but lucratif, qui est un modèle intéressant. C'est la première fois que j'entends parler d'un modèle mis de l'avant de manière aussi convaincante. Au Colorado, des préoccupations ont été soulevées quant à la prévention de l'intégration verticale au sein de l'industrie, plus particulièrement, le fait d'établir une distinction entre les cultivateurs-producteurs, la distribution et commercialisation et la vente au détail. Il s'agit d'un modèle sans but lucratif. Avez-vous des préoccupations au sujet de l'intégration verticale? Croyez-vous qu'il devrait y avoir une distinction, qu'il devrait y avoir trois entités sans but lucratif, ou pensez-vous qu'une entité exclusive verticalement intégrée et sans but lucratif conviendrait?

[Français]

     Le modèle que nous avons proposé aux autorités québécoises incluait un monopole d'État. Dans les faits, ce dernier prévient l'intégration verticale du marché. Le fait qu'il s'agisse d'un système complètement public, d'un système privé ou de points de distribution était moins important pour nous que ne l'était la logique du modèle. Quoi qu'il en soit, le modèle que nous avons proposé prévient l'intégration verticale du marché.
(1540)

[Traduction]

    Je pense que c'est logique. Dans un milieu non lucratif, vous n'avez pas à vous soucier d'un monopole à cet égard.
    Voilà pour mes questions. Merci.
    J'aimerais remercier le groupe de témoins au nom de notre Comité. Chose certaine, nous avons appris beaucoup, et vos exposés, vos commentaires et les renseignements que vous nous avez fournis étaient très intéressants.
    Il y a beaucoup d'uniformité entre les témoignages et les exposés. On a beaucoup parlé de la recherche, de l'information, de la sensibilisation du public et de la formation.
    Encore une fois, j'aimerais vous remercier au nom du Comité d'avoir pris le temps de venir et de nous faire part de votre expérience.
    Nous allons suspendre la séance et revenir à 16 heures.
(1540)

(1600)
    Nous reprenons la réunion 66.
    Nous sommes maintenant en compagnie d'un groupe de témoins qui parleront de prévention, de traitement et de consommation à faible risque de cannabis. Souhaitons la bienvenue à ceux qui témoignent par vidéoconférence et à ceux qui sont présents.
    Je vais faire les présentations.
    Gabor Maté, médecin à la retraite, comparaîtra par vidéoconférence en Colombie-Britannique à titre personnel.
    Nous entendrons Benedikt Fischer, scientifique principal de l'Institut de recherche sur les politiques de santé mentale. Avec un peu de chance, nous entendrons Bernard Le Foll, chef du Service de traitement médical de la toxicomanie par vidéoconférence de Toronto.
    Est-il avec nous?
    Je pense qu'il n'est pas là. Son fauteuil est vide.
    De Toronto, nous entendrons Eileen de Villa, médecin-hygiéniste de Santé publique de Toronto.
    Merci beaucoup d'être venue.
    Sharon Levy, directrice du Programme pour adolescents toxicomanes de l'hôpital pour enfants de Boston témoignera par vidéoconférence de New York à titre personnel.
    Bienvenue. Merci de prendre le temps de nous aider avec cette question.
    Michelle Suarly, présidente du Groupe de travail sur le cannabis et Elena Hasheminejad, membre du Groupe de travail sur le cannabis de l'Association pour la santé publique de l'Ontario sont avec nous.
    Bienvenue et merci beaucoup.
    Nous allons commencer par une déclamation préliminaire de 10 minutes. Je crois savoir que certains d'entre vous vont partager le temps, mais j'aimerais qu'on essaie d'en rester à 10 minutes.
    Je vais offrir au Dr Maté, qui est médecin à la retraite, de commencer avec une déclaration préliminaire de 10 minutes.
    Si vous le souhaitez, donnez-nous une idée de votre position à l'heure actuelle.
    Merci de m'inclure dans la conversation. C'est un plaisir pour moi d'être ici.
    J'ai travaillé pendant 12 ans dans le Downtown Eastside de Vancouver, qui est reconnu dans toute l'Amérique du Nord comme étant le quartier où la consommation de drogues est la plus concentrée; et à l'heure actuelle, je voyage beaucoup à l'échelle internationale pour parler de la dépendance et des problèmes connexes.
    Avant tout, en ce qui concerne le cannabis, je me réjouis du projet de loi qui va apporter une certaine rationalité dans la politique touchant cette substance. En général, les lois relatives à la drogue — et j'y reviendrai plus tard — sont plutôt irrationnelles, dans le sens où elles ne comportent aucun lien logique et ont très peu de liens avec les données scientifiques de quelque nature que ce soit.
    Pour ce qui est de la marijuana, il s'agit d'une substance présente depuis longtemps. Je crois que le premier document archéologique montrant la consommation de la marijuana par l'homme remonte à 4 000 ans, et il a été mentionné pour la première fois dans un compendium médical publié en Chine en l'an 2700 av. J.-C.; alors, sa consommation remonte à très loin.
    Dans les temps modernes, la substance était bien connue de l'Inde britannique, où les médecins l'ont étudiée et ont découvert qu'elle aidait à soulager la nausée, à détendre les muscles et à apaiser la douleur. D'ailleurs, la reine Victoria s'est elle-même fait prescrire de la marijuana pour ses crampes menstruelles, alors l'utilisation médicale de la substance et ce que vous pourriez appeler son utilisation à des fins récréatives remontent à très longtemps.
    Du point de vue du risque d'accoutumance, il est tout faux de croire que la plante en soi crée une dépendance ou qu'il s'agit d'une drogue d'introduction pour d'autres dépendances. S'il existe une substance d'introduction à l'accoutumance, c'est le tabac, puisque la majorité des gens qui ont eu une dépendance à quoi que ce soit ont d'abord fait usage du tabac. Mais ce n'est pas une question d'introduction. En réalité, pour toutes les substances, qu'il s'agisse de marijuana, d'héroïne, d'alcool, d'aliments ou de stimulants comme la cocaïne, la majorité des gens qui en font usage de manière répétée ne deviennent jamais dépendants, mais une minorité le deviendra.
    La question qui se pose toujours est la suivante: la substance crée-t-elle une dépendance? La réponse est oui et non. En soi, aucune substance ne crée de dépendance, et pourtant, tout peut créer une dépendance. Le fait qu'une chose crée une dépendance ou non repose grandement sur la susceptibilité de la personne. Maintenant, ces susceptibilités peuvent être déterminées génétiquement dans une certaine mesure, mais pour l'essentiel, je ne sais pas où trouver les réponses. Je pense fondamentalement que les substances que consomment les gens ont une fonction dans leur vie.
    Si on prend le cas d'une personne qui souffre de TDAH, par exemple, il est bien connu que les enfants souffrant d'un trouble déficitaire de l'attention sont plus susceptibles de consommer de la marijuana. Pourquoi? Parce qu'elle calme le cerveau hyperactif. Bien souvent, les dépendances sont une forme d'automédication; elles commencent comme automédication.
    La marijuana apaise également l'anxiété. Cela veut-il donc dire que sa consommation est inoffensive? Pas nécessairement, parce que certaines personnes vont commencer à s'automédicamenter puis elles vont commencer à consommer à un point tel que cela crée un problème dans leur vie. Vient une dépendance. Donc, la question de savoir si une substance crée une dépendance n'a rien à voir avec la substance en soi: il faut déterminer si une personne en consomme à un point tel que cela crée une incidence négative sur sa vie. Comme toute autre substance, la marijuana peut avoir cet effet, donc on ne peut pas vraiment dire qu'elle crée une dépendance, mais on ne peut pas dire qu'elle n'en crée pas. Encore une fois, c'est une question très personnelle, et ce qu'il faut déterminer c'est la façon de l'aborder.
    Avant tout, nous devons aborder la question de manière rationnelle. Le personnel non médical pourrait être choqué ou surpris d'apprendre que les substances légales comme le tabac et l'alcool sont, médicalement, beaucoup plus nuisibles que presque toutes les substances illégales. Par exemple, si vous prenez 1 000 gros fumeurs ou gros buveurs et que vous les comparez à 1 000 héroïnomanes qui consomment tous les jours une quantité qui n'entraîne pas de surdose, et que vous observez ces personnes 10, 15 ou 20 ans plus tard, vous verrez qu'il y a beaucoup plus de cas de maladie et de décès chez les consommateurs d'alcool et de tabac que chez les consommateurs d'héroïne. Cela est particulièrement vrai pour la marijuana.
(1605)
    Des études à long terme montrent qu'avec le temps, les consommateurs de marijuana ne subissent tout simplement pas de conséquences considérables, à part une exception notable près, et j'espère que le Comité en tiendra compte. Une étude très convaincante menée par les Britanniques a révélé que si les adolescents consommaient de manière intensive de la marijuana durant la période de développement cérébral, cela pouvait en fait avoir des conséquences nuisibles sur leur fonctionnement psychosocial et cognitif à long terme. En d'autres mots, même s'il est vrai que la marijuana n'est pas aussi nuisible que le tabac et l'alcool, des substances déjà légales, il est aussi vrai que si elle est consommée abondamment durant la période de développement du cerveau des adolescents, elle peut avoir des effets négatifs à long terme.
    Ce qu'il faut savoir, c'est comment aborder ces problèmes. Le problème avec les adolescents et la marijuana, c'est que même si la substance a toujours été entièrement illégale, elle l'était jusqu'à aujourd'hui, cela n'a jamais empêché les adolescents d'en consommer. En fait, c'est la chose la plus facile à obtenir pour presque tous les jeunes de 12 ans et plus.
    Je ne sais pas si le projet de loi peut possiblement régler ce problème. Je ne sais pas quelles mesures légales pourraient empêcher les adolescents d'en consommer. En d'autres mots, lorsque nous pensons à la prévention, nous devons vraiment nous pencher sur la raison pour laquelle les gens consomment une substance, la culture qui motive leur utilisation et la façon dont nous pouvons aborder ces problèmes.
    Malheureusement, lorsqu'il est question de stratégies de prévention de la toxicomanie, le fait de dire aux jeunes que la substance est mauvaise pour eux ne fonctionne tout simplement pas. La raison est la suivante: les jeunes qui écoutent les adultes ne sont pas à risque. Ceux qui sont réellement à risque n'écoutent pas les adultes. Le vrai problème concerne la façon de créer les conditions propices dans nos foyers et nos écoles pour que les jeunes écoutent réellement ce que leur disent les adultes. Sans ce lien de confiance du côté de l'adolescent, les jeunes vont simplement écouter beaucoup plus leurs pairs que les adultes.
    La dépendance à la marijuana existe bel et bien. Je définirais la dépendance comme tout comportement, qu'il soit lié à une substance ou non, caractérisé par une personne qui ressent un manque à l'égard de quelque chose, quelque chose qui lui procure un plaisir temporaire ou quelque chose qu'elle aime faire, et qui la soulage temporairement, mais qui entraîne des conséquences négatives à long terme et à quoi la personne n'arrive pas à renoncer. C'est ce qu'on appelle une dépendance.
    Lorsqu'il s'agit de traiter une dépendance, le fait de traiter uniquement la dépendance est inadéquat, puisqu'il y a toujours une raison pour laquelle une personne consomme une substance ou adopte un certain comportement. Lorsque vous demandez à une personne pour quelle raison elle consomme de la marijuana, elle dira que c'est pour se sentir plus détendue. Si vous posez la question à une personne qui consomme de l'héroïne, elle dira que c'est pour ne pas ressentir la douleur émotionnelle.
    En d'autres mots, le problème réel n'est pas la consommation de marijuana ou d'héroïne; le vrai problème réside dans la douleur émotionnelle que ressent cette personne. Le vrai problème est le bouleversement dans le cerveau de la personne. Autrement dit, les dépendances sont toujours une deuxième tentative de résoudre un problème. Je dois dire qu'au pays, le traitement des dépendances n'aborde pas les vraies questions la plupart du temps. Le traitement des dépendances, dans la plupart des cas, aborde la dépendance, mais pas les causes sous-jacentes, les raisons pour lesquelles la personne se comporte ainsi. Ces traitements sont insuffisants.
    Pour ce qui est de la prévention, je pense qu'il faut nous pencher sur les conditions qui, au sein de la société, font la promotion de la consommation de substances en grand nombre. Si on regarde les statistiques chez les enfants, le nombre d'enfants anxieux et dépressifs, aliénés, troublés ou qui ont reçu un diagnostic de ceci, de cela ou d'autre chose augmente de plus en plus avec le temps. Chaque année, les statistiques sont de plus en plus désastreuses. C'est un vrai problème.
    L'utilisation de la drogue est un phénomène secondaire. Ce sont ces questions primaires au sein de notre société qui alimentent l'inconfort mental chez nos jeunes que nous devons aborder. Ce sont des questions sociales de grande envergure.
    En ce qui concerne le traitement, encore une fois, il faut savoir comment aborder le traumatisme, le stress et la détresse émotionnelle des gens qui consomment alors des substances pour apaiser ces symptômes. Je le répète, nous devons nous pencher sur les causes plutôt que sur les comportements. Je ne sais pas où j'en suis avec mes 10 minutes. Je vais clore le sujet.
(1610)
    Je dirai que je suis encouragé par la volonté du Parlement d'opter pour un point de vue rationnel à l'égard d'une chose pour laquelle notre attitude a été complètement non scientifique et irrationnelle. J'espère seulement que cette même ouverture d'esprit et cette volonté d'être réaliste seront bientôt élargies pour s'appliquer à l'ensemble des politiques sur les drogues, car toute l'irrationalité qui caractérise la politique sur la marijuana au pays depuis des décennies caractérise encore la politique sur les opioïdes, par exemple. L'épidémie actuelle de surdoses liées à la consommation d'opioïdes pourrait être réglée efficacement, mais seulement si l'on tient compte de la science et des expériences et si l'on examine les données probantes.
    Il y a quelques années, on m'a demandé de témoigner dans le cadre d'un comité du Sénat au sujet d'un projet de loi omnibus sur la criminalité, et j'ai dit aux honorables sénateurs que, en tant que médecin, on s'attend à ce que je pratique la médecine fondée sur des données probantes, ce qui est une bonne chose. En ce qui concerne les lois sur les stupéfiants, je souhaiterais que le Parlement mette en pratique des politiques fondées sur des données probantes, étant donné que les données probantes à l'échelle internationale montrent que les approches actuelles en matière de consommation de drogues ne fonctionnent habituellement pas. Elles exacerbent le problème.
    Je vous remercie de votre attention. Je suis très encouragé par le fait que ce projet va de l'avant et j'espère que d'autres suivront.
(1615)
    Merci. Au nom du Comité, nous sommes très heureux que vous preniez le temps de faire cela.
    Passons maintenant au Centre de toxicomanie et de santé mentale. Nous recevons M. Fischer, et je crois comprendre que vous partagerez vos 10x minutes avec M. Le Foll; est-ce exact?
    Oh, le voici. Le fauteuil est maintenant occupé.
    Merci, mesdames et messieurs. C'est génial d'être ici et de partager quelques pensées avec vous.
    Je m'appelle Benedikt Fischer. Je suis scientifique principal à l'Institut de recherche sur les politiques de santé mentale du CTSM et président de la psychiatrie de la dépendance du département de psychiatrie de l'Université de Toronto.
    Je partagerai mon allocution avec mon collègue, le Dr Le Foll. Je vous parlerai principalement du point de vue de la santé publique, et il vous parlera essentiellement des traitements d'un point de vue clinique.
    Je travaille sur l'épidémiologie, les interventions et les politiques en matière de cannabis depuis près de 20 ans. De façon générale, nous accueillons très favorablement l'initiative du gouvernement fédéral en ce qui concerne la légalisation de la consommation et de l'offre de cannabis au moyen de lois strictes, car nous croyons — et nous l'avons énoncé clairement dans le cadre stratégique du CTSM de 2014 — qu'il s'agit de la meilleure façon d'améliorer les questions de santé publique et de sécurité relatives à la consommation de cannabis. C'est ce que nous avons dit avant que cela devienne populaire sur le plan politique à l'échelle fédérale.
    En ce qui concerne la consommation de cannabis, je formulerai quelques commentaires de fond. La consommation de cannabis n'est pas inoffensive et présente des risques pour la santé. Elle est associée à un certain nombre de risques graves et chroniques pour la santé. Je ne les répéterai pas: ils sont très bien documentés dans la littérature scientifique.
    Il s'agit d'une tribune sur les interventions en matière de prévention et de traitement. J'aborderai un peu le volet prévention. Dans le cadre d'interventions, nous faisons habituellement la distinction entre la prévention primaire et la prévention secondaire: la prévention primaire est la prévention générale, et la prévention secondaire, ou ciblée, vise les consommateurs afin de réduire les risques concrets des effets nuisibles liés à la consommation.
    Laissez-moi insister sur le fait que la prévention primaire liée à la consommation de cannabis, plus particulièrement dans le cadre de la légalisation, constitue un volet important de la politique et des interventions. Je souligne que le fait de s'abstenir de consommer du cannabis est encore le moyen le plus sécuritaire et le plus fiable d'éviter les risques liés à la consommation et de les réduire.
    Toutefois, un grand nombre de Canadiens — environ 15 % de la population adulte, mais de 40 à 45 % des jeunes et des jeunes adultes — ont pris la décision d'en consommer, peu importe la raison. Nous devons donc unir nos efforts du côté de la prévention afin de garder le vrai taux d'abstinence aussi bas que possible dans une mesure raisonnable et pour faire tout en notre pouvoir afin de réduire les risques et les préjudices pour ce grand nombre de personnes qui ont choisi de consommer. Il s'agit essentiellement du principal défi pratique à relever dans le cadre de la légalisation.
    Étant donné que la consommation se concentre principalement dans le groupe des 15 à 29 ans — en d'autres mots, les jeunes et les jeunes adultes — nous devons nous assurer que ces jeunes Canadiens passent au travers cette période de consommation de cannabis et se rendent au milieu et à la fin de l'âge adulte avec le moins d'effets possibles sur leur santé et leur vie sociale afin que la légalisation connaisse du succès en tant qu'intervention en matière de santé publique. Il s'agit essentiellement du principal défi à relever dans le cadre de la politique sur la légalisation afin qu'elle ait un effet bénéfique sur la santé publique.
    Afin de décrire un peu la prévention secondaire, ou ciblée au moyen de quelques exemples, je dirai que la prévention secondaire est, bien sûr, un domaine très vaste, ou suppose une diversité d'efforts liés à de nombreux détails différents concernant la façon dont la légalisation est conçue et mise en place. En d'autres mots, il s'agit de ce que nous vendons, de l'endroit où nous le vendons, à qui nous le vendons, et comment nous contrôlons la distribution, mais cela comprend aussi le fait d'éviter la promotion et la publicité du cannabis ainsi que la politique de fixation des prix. Tous ces aspects de l'organisation de la légalisation telle que promulguée, comme nous le savons très bien grâce aux données découlant des politiques sur l'alcool et le tabac, constituent des leviers extrêmement puissants au chapitre des risques et des préjudices que nous souhaitons éviter. Nombre de ces détails — ou les problèmes qui se cachent dans ces détails — sont étroitement liés aux types de résultats que la politique sur la légalisation entraînera.
(1620)
    Je vais donner quelques exemples. Le type de produits vendus constituera un aspect extrêmement important de ces risques et préjudices. Nous devrions éviter de vendre des produits à risque élevé ou très puissants. Par contre, les produits comestibles devraient être autorisés, car ils ont le potentiel de réduire les effets liés à la fumée, par exemple.
    Nous ne devrions manifestement pas permettre tout type de commercialisation au moyen de la publicité ou de promotion qui entraîne une hausse de la consommation et des préjudices. Selon notre expérience avec l'alcool et le tabac, la distribution devrait être laissée entre les mains d'un monopole public.
    La tarification et les taxes constituent des éléments très importants, mais pas de manière statique. Elles doivent être souples afin de nous permettre de nous adapter et d'organiser l'offre et la demande.
    Personnellement, je suis préoccupé par le fait que l'on limite la consommation de cannabis — et la production potentielle par la culture à domicile — aux résidences privées. Cela n'est pas dans l'intérêt supérieur de la santé publique.
    Enfin, on peut aussi réduire les risques et les préjudices chez les consommateurs de cannabis en influençant leurs choix comportementaux. C'est précisément le fondement conceptuel des lignes directrices en matière de réduction des risques liés à l'utilisation du cannabis que nous avons présentées en juin, en collaboration avec un comité international de scientifiques, et qui ont été publiées dans le American Journal of Public Health et approuvées par la ministre fédérale de la Santé et par cinq grandes organisations importantes dans le domaine de la santé à l'échelle nationale. Il s'agit d'un outil prêt à l'emploi visant la prévention ciblée des consommateurs dans le cadre d'une stratégie globale en matière de prévention à laquelle nous sommes heureux de collaborer.
    Je cède la parole à mon collègue, le Dr Le Foll, afin qu'il parle des troubles liés à la consommation de cannabis et des traitements.
    Mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner l'occasion de parler des traitements des troubles liés à la consommation de cannabis. En guise de présentation, je suis scientifique clinicien au Centre de toxicomanie et de santé mentale. Je pratique dans le domaine de la médecine des toxicomanies. J'ai effectué des recherches sur les effets du cannabis, réalisé des études sur l'administration de cannabis à des sujets humains ainsi que des essais cliniques analysant une approche thérapeutique des troubles liés à la consommation de cannabis.
    J'aimerais commencer par décrire divers symptômes cliniques que nous pouvons observer. Des sujets peuvent présenter des symptômes liés à une intoxication au cannabis, notamment l'euphorie, mais aussi la tachycardie, un jugement affaibli et des complications psychiatriques. Je mentionne ici essentiellement les symptômes physiologiques et psychotiques.
    Le cannabis n'est pas lié à un risque de surdose, ce qui le rend beaucoup moins risqué que les opioïdes, qui peuvent causer la mort.
    Il y a aussi des symptômes très clairs qui peuvent survenir lorsqu'un sujet cesse d'être exposé au cannabis après une consommation régulière prolongée. Il y a un syndrome de sevrage typique du cannabis, qui comprend l'anxiété, la dysphorie, les troubles du sommeil, l'irritabilité et l'anorexie. Le sevrage du cannabis peut être éprouvant, mais il ne met pas la vie en danger. Néanmoins, nous savons que les symptômes du sevrage font en sorte qu'il est plus difficile de cesser de consommer du cannabis et qu'ils sont associés à un plus grand risque de rechute.
    Le principal défi concerne la perte de contrôle sur la consommation de cannabis. Cela peut survenir chez une partie des consommateurs et entraîner des problèmes d'accoutumance. Actuellement, dans le domaine, cela est défini comme le trouble lié à l'usage du cannabis. Ce trouble se caractérise par un schéma relatif à l'usage du cannabis qui cause une détresse cliniquement importante ou un dysfonctionnement social et qui entraîne des conséquences négatives, comme l'incapacité de cesser de consommer.
    Dans le passé, le milieu utilisait les termes « abus » et « dépendance », la dépendance étant la forme d'accoutumance la plus grave. La recherche fondée sur les enquêtes épidémiologiques montre clairement que de 7 à 9 % des personnes qui consomment du cannabis au cours de leur vie acquerront une dépendance au cours de leur vie. Il y a une certaine partie des gens qui perdront le contrôle de leur consommation et qui seront atteints du trouble lié à l'usage du cannabis. On estime que ce pourcentage va de 30 à 40 %.
    Il est important de garder en tête que ces chiffres couvrent la vie entière, ce qui signifie qu'il y a des sujets qui connaîtront des problèmes liés à l'usage du cannabis seulement pendant une certaine période de leur vie et qui s'en sortiront sans avoir nécessairement besoin de traitements spécialisés. Toutefois, on constate qu'il s'agit actuellement d'un problème croissant, car on voit de plus en plus de personnes qui se présentent pour le traitement de la toxicomanie et qui demandent un traitement pour un trouble lié à l'usage du cannabis ou qui présentent une accoutumance liée au cannabis.
    J'aimerais préciser que, pour l'instant, le nombre de sujets qui se présentent pour le traitement de la toxicomanie principalement en raison d'un trouble lié à l'usage du cannabis est très faible comparativement au nombre de sujets qui souhaitent obtenir un traitement lié à l'alcool ou aux opioïdes.
    Si le traitement du trouble lié à l'usage du cannabis peut se faire en consultation externe, parfois les patients peuvent être hospitalisés ou traités dans un établissement, mais habituellement, cela est réservé aux sujets qui ont simultanément des problèmes psychiatriques ou qui consomment plusieurs substances. On recommande que le prestataire de soins évalue attentivement les objectifs du patient relativement au traitement et qu'il comprenne que ces objectifs peuvent varier considérablement. Certains sujets peuvent vouloir devenir complètement abstinents, tandis que d'autres peuvent souhaiter réduire leur consommation ou éviter la consommation risquée.
(1625)
    Docteur Le Foll, je suis désolé, mais votre temps est écoulé. Pourriez-vous conclure?
    Bien sûr.
    Actuellement, il y a des interventions efficaces. Il y a des interventions psychosociales, principalement la thérapie cognitivo-comportementale et la thérapie de renforcement de la motivation. L'analyse de la littérature montre que ces approches en matière de traitement sont les plus efficaces. Il convient de souligner que le milieu du traitement de la toxicomanie n'utilise pas nécessairement les approches qui se montrent les plus efficaces. On effectue actuellement des recherches en pharmacothérapie pour traiter le trouble lié à l'usage du cannabis. Il ne s'agit pas encore d'une approche thérapeutique généralisée. Comme elle fait encore partie du domaine de la recherche, nous n'offrons pas d'interventions pharmacologiques pour le moment. Nous croyons qu'il est très important de faire d'autres essais cliniques dans ce domaine afin de produire les données probantes nécessaires à une meilleure pratique à l'avenir.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à la ville de Toronto.
    Docteure de Villa.
    Je suis désolé, docteure de Villa.
    Ça va. Je suis assez souple en ce qui concerne le titre, même si j'ai travaillé fort pour l'obtenir.
    Bonjour, et merci, monsieur le président et chers membres du Comité, de l'occasion que vous me donnez de vous parler aujourd'hui.
    Comme vous l'avez entendu, je suis la Dre Eileen de Villa et je suis médecin hygiéniste en Santé publique de Toronto, où j'offre des services à 2,8 millions de résidents de notre très belle ville.
    J'aimerais souligner que les commentaires que je formulerai aujourd'hui représentent non seulement mes points de vue, mais également ceux de Santé publique de Toronto et du Conseil de la santé de Toronto, et qu'ils se limitent au projet de loi proposé en ce qui concerne le cannabis à des fins non médicales.
    Pour commencer, j'aimerais dire que nous appuyons l'objectif du projet de loi C-45, qui consiste à fournir aux Canadiens un accès légal au cannabis et, par conséquent, à cesser de criminaliser les personnes qui consomment du cannabis à des fins non médicales.
    Comme vous l'avez entendu jusqu'à présent, la science en matière de cannabis est encore émergente. Nous savons que ce n'est pas une substance inoffensive. Nous savons qu'il s'agit d'une substance qui a un effet psychoactif et qui entraîne des effets nuisibles connus. Mon organisation et moi croyons donc qu'il est urgent qu'on élabore un cadre réglementaire fondé sur des principes de santé publique afin de trouver un équilibre entre l'accès légal au cannabis et la réduction des effets nuisibles liés à sa consommation.
    Comme vous l'avez déjà entendu aujourd'hui de la part de certains autres témoins, des données probantes en santé montrent que le fait de fumer du cannabis est lié à un certain nombre de problèmes de santé et à des troubles respiratoires, notamment les bronchites et le cancer. On sait également qu'il affaiblit la mémoire, la durée de l'attention ainsi que d'autres fonctions cognitives. Il altère les capacités psychomotrices, notamment la coordination motrice et l'attention divisée. Il s'agit de préoccupations pertinentes en matière de santé publique puisqu'elles sont particulièrement liées à la conduite avec facultés affaiblies.
    Vous avez aussi entendu qu'une consommation très importante de cannabis durant l'adolescence est associée à des problèmes plus graves et chroniques, comme une plus grande probabilité d'acquérir une dépendance et d'avoir des troubles de mémoire et d'apprentissage verbal. De plus, le risque de dépendance croît lorsque la consommation commence à l'adolescence, comme l'a bien souligné le Dr Maté.
    Comme vous le savez peut-être, les accidents de véhicules constituent le principal facteur de maladie et de blessures liées au cannabis au Canada. Une récente étude a révélé que de nombreux jeunes Canadiens croient que le cannabis affaiblit moins les facultés que l'alcool; toutefois, comme nous l'avons mentionné plus tôt, les effets psychoactifs du cannabis peuvent nuire aux aptitudes cognitives et psychomotrices nécessaires à la conduite.
    En plus de renforcer les sanctions pour conduite avec facultés affaiblies en modifiant le Code criminel, comme le propose le projet de loi C-45, la prévention de la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis exigera une sensibilisation publique ciblée. Je crois comprendre que le gouvernement du Canada prépare une campagne publique pour sensibiliser davantage la population à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Santé publique de Toronto recommanderait au gouvernement qu'il ait recours à des messages fondés sur des données probantes qui ciblent en particulier les jeunes et les jeunes adultes et qu'il lance cette campagne sans tarder.
    De plus, je recommanderais au gouvernement de soutenir les initiatives locales des municipalités, des provinces et des territoires qui visent à décourager les personnes à conduire après avoir consommé du cannabis.
    Dans ses recommandations finales au gouvernement, le groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a soulevé des préoccupations concernant la fiabilité de la prédiction des facultés affaiblies fondée sur les taux de THC, le principal composé psychoactif du cannabis décelé dans des échantillons de fluides corporels. Ces préoccupations ont également été formulées par d'autres organisations, notamment aux États-Unis. Je recommanderais que le gouvernement investisse davantage en recherche et en perfectionnement des technologies pour mieux associer les taux de THC aux facultés affaiblies et au risque de collision afin d'élaborer des normes fondées sur des données probantes.
    L'objectif clé énoncé dans le projet de loi C-45 qui consiste à empêcher les jeunes d'avoir accès à du cannabis est essentiel pour que l'on adopte une approche fondée sur la santé publique au chapitre de la légalisation du cannabis. Nous devons appliquer les leçons apprises du tabac et de l'alcool en élaborant un cadre stratégique adéquat à tous les échelons du gouvernement afin de prévenir l'usage de cannabis chez les jeunes.
(1630)
    Comme l'a mentionné mon collègue, les données probantes concernant la publicité sur le tabac montrent qu'elle a des répercussions sur la consommation de tabac chez les jeunes et que l'interdiction générale de la publicité est plus efficace pour réduire l'usage du tabac ou le fait de commencer à fumer. En ce qui me concerne, j'applaudis les exigences du projet de loi C-45 qui conservent les règles de promotion et de commercialisation du tabac déjà en place, notamment les restrictions concernant la promotion dans les points de vente. Nous aimerions également que l'on renforce ces restrictions afin d'inclure la publicité présente dans les films, les jeux vidéo et d'autres médias, notamment la commercialisation et la publicité en ligne, auxquels les jeunes ont accès. De plus, il faut effectuer d'autres recherches sur les répercussions de la commercialisation et de la promotion afin de modifier les règlements à la lumière de données probantes et pour élaborer des stratégies de prévention. Le financement fédéral devrait viser ces domaines.
    En outre, nous savons que l'étiquetage et l'emballage sont utilisés pour la promotion du tabac et des marques de tabac. Même si j'appuie le fait que le projet de loi C-45 interdise les emballages et l'étiquetage du cannabis de façon à le rendre attirant pour les jeunes, on a oublié d'inclure dans le projet de loi une exigence relative à la banalisation des emballages des produits du cannabis, ce qui est essentiel.
    Dans un rapport récent, le Comité consultatif scientifique de la stratégie Ontario sans fumée mentionnait que la banalisation des emballages constitue un moyen très utile de réduire la consommation du tabac. L'exigence relative à l'emballage banalisé et normalisé pour le tabac est actuellement proposée dans le projet de loi fédéral S-5, et nous vous recommandons de faire de même pour le cannabis.
    La réglementation de l'accès au marché de détail est essentielle dans le cadre d'une approche en matière de santé publique au chapitre de la légalisation de l'accès au cannabis. Je suis heureuse que la province de l'Ontario ait récemment annoncé son intention de mettre en place un organisme provincial de contrôle de la vente au détail et de la distribution de cannabis à des fins non médicales séparé de la régie des alcools. Un système de vente au détail et de distribution contrôlé par le gouvernement et fondé sur des objectifs de santé publique et la responsabilité sociale assurera un meilleur contrôle des mesures de protection de la santé liées à la consommation de cannabis. J'exhorte également votre gouvernement à ordonner aux autres provinces et territoires de mettre en place un système de vente au détail et de distribution fondé sur des principes de santé publique et de responsabilité sociale.
    Je recommande au gouvernement de ne pas légaliser l'accès à des produits comestibles contenant du cannabis avant que l'on ait élaboré une réglementation exhaustive en matière de production, de distribution et de vente. L'expérience des États-Unis nous met en garde contre les défis que posent les produits comestibles contenant du cannabis, notamment la consommation accidentelle par des enfants, une surconsommation causée par le délai avant que la personne ressente des effets psychoactifs et le fait d'assurer la normalisation de la puissance du cannabis contenu dans les produits comestibles.
    J'aimerais maintenant attirer votre attention sur certaines des limites de la recherche actuelle sur le cannabis. Même s'il y a de plus en plus de données probantes concernant les effets du cannabis sur la santé, certaines des conclusions de la recherche sont incohérentes ou même contradictoires, et les relations de cause à effet n'ont pas toujours été établies. Il y a encore beaucoup de choses que nous ne savons pas. La plupart des recherches effectuées jusqu'à présent ont mis l'accent sur la consommation fréquente et chronique, et les résultats doivent être interprétés dans ce contexte. Il faut obtenir plus de données probantes sur l'usage occasionnel et modéré du cannabis, qui constitue la plus grande partie de la consommation. Par conséquent, je vous prie instamment de réserver des fonds pour la recherche sur la gamme complète des effets sur la santé liés à la consommation du cannabis, plus particulièrement à la consommation occasionnelle et modérée.
    Il est essentiel de sensibiliser le public en se fondant sur des données probantes afin de mettre en place un cadre réglementaire concernant le cannabis qui fait une promotion efficace de la santé. Nous avons l'occasion de favoriser une culture de modération et de réduction des risques liés au cannabis qui peut s'étendre à la consommation d'autres substances, particulièrement chez les jeunes. Le gouvernement du Canada a déclaré qu'il prévoit adopter le projet de loi C-45 d'ici le 1er juillet 2018. Toutefois, pendant ce temps, des Canadiens continuent d'être arrêtés pour possession de cannabis. La criminalisation pour usage et possession de cannabis a des répercussions sur les déterminants sociaux de la santé, comme l'accès à un emploi et à un logement. Étant donné que la possession de cannabis sera bientôt rendue légale au Canada, je vous demande de décriminaliser immédiatement la possession de cannabis à des fins non médicales pour consommation personnelle.
    En conclusion, j'aimerais réitérer que Santé publique de Toronto appuie l'intention déclarée du projet de loi C-45 et recommande que l'on renforce les exigences du projet de loi relatives à la promotion de la santé. Nous sommes conscients de la complexité que représente l'élaboration d'un cadre réglementaire pour la consommation de cannabis à des fins non médicales. Étant donné que nous apprenons encore de nouvelles choses sur les effets de l'usage du cannabis, le cadre réglementaire concernant le cannabis doit permettre de renforcer les politiques en matière de promotion de la santé tout en limitant l'influence des politiques fondées sur les profits. J'attends avec impatience les prochaines consultations du gouvernement du Canada concernant le contexte stratégique évolutif de cet important enjeu en matière de santé.
    Je vous remercie de votre attention.
(1635)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant rejoindre Sharon Levy par vidéoconférence; elle est directrice du Programme pour adolescents toxicomanes et nous parle de New York. Merci.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d'autres lois. En tant que pédiatre du développement et du comportement et chercheuse dans le domaine de la consommation de substances chez les adolescents, je suis préoccupée par les effets potentiels des modifications apportées, plus particulièrement sur la santé des enfants et des adolescents.
    J'ai été présidente du comité national de l'American Academy of Pediatrics sur la consommation de substances et la prévention, et je suis directrice du Programme pour adolescents toxicomanes au Boston Children's Hospital depuis ses débuts, en 2000. Au cours des 17 dernières années, j'ai évalué et traité des centaines d'adolescents avec des troubles de toxicomanie, et, même si nombre de mes commentaires ont déjà été formulés d'une façon ou d'une autre, j'aimerais parler de mon expérience personnelle.
    Le cannabis est une drogue qui cause une accoutumance et qui est particulièrement nuisible au développement du cerveau des adolescents. Les adolescents qui consomment du cannabis ont une moins bonne qualité de vie, à certains égards. Ils ont plus de troubles de santé mentale, notamment la dépression, l'anxiété et la psychose. Dans l'ensemble, ils vont moins longtemps à l'école et sont plus susceptibles de se retrouver sans emploi ou sous-employés que leurs pairs. Ces effets nuisibles se distinguent de ceux liés à la consommation d'autres substances, comme le tabac, l'alcool et les opioïdes, mais ils ne sont pas pour autant moins graves ou sans conséquences.
    En tant que directrice d'un programme pour adolescents toxicomanes qui sert les jeunes de 12 à 25 ans, je travaille régulièrement avec des enfants et des jeunes adultes qui consomment du cannabis. En fait, plus de 90 % des patients que nous voyons dans le cadre de notre programme ont un problème lié à l'usage du cannabis. Bien que la plupart d'entre eux aient commencé par consommer du cannabis, peu de jeunes consomment une seule drogue. Presque tous nos patients traités pour une dépendance à l'héroïne ont commencé par consommer du cannabis, et la plupart en consomment beaucoup.
    Nous avons traité un certain nombre d'adolescents qui consommaient du cannabis et qui ont développé des problèmes de schizophrénie sous nos yeux et qui ne seront jamais en mesure de prendre soin d'eux-mêmes ou de mener une vie autonome. Nous ne savons pas ce qu'ils seraient devenus s'ils n'avaient pas consommé de cannabis, mais la science et les statistiques font en sorte que nous nous demandons s'ils auraient eu une vie différente, n'eût été ce facteur de risque complètement évitable.
    Plus fréquemment, nous voyons et revoyons des adolescents dont la consommation de cannabis entrave les progrès. Deux patients avec des antécédents semblables dressent un portrait très clair de la dépendance au cannabis. Les deux étaient de bons élèves au secondaire et ont été acceptés par des universités prestigieuses; c'est là qu'ils ont commencé à consommer beaucoup de cannabis et ils ont fini par échouer. Tous deux disent que leurs changements dans leurs résultats scolaires sont liés à leur forte consommation de cannabis. Les quatre parents étaient dévastés. L'un des pères a confié avoir dû modifier ses espoirs et attentes envers son fils. Quelques années plus tôt, il imaginait que son fils deviendrait un professionnel accompli. Maintenant, tout ce qu'il espère, c'est qu'il soit en mesure de subvenir à ses besoins.
    La liste s'allonge, et de nombreux adolescents dont je m'occupe et n'atteignent pas leurs objectifs scolaires, sont sans emploi et aux prises avec des troubles de santé mentale, et leurs familles les observent et se demandent ce qu'il adviendra d'eux.
    Le projet de loi C-45 interdirait la vente ou la commercialisation du cannabis chez les adolescents et les jeunes adultes de moins de 18 ans, et la légalisation est souvent proposée en tant que mécanisme pour réduire l'accès chez les jeunes en imposant une taxe et en réglementant le cannabis, en augmentant les prix, en éliminant le marché noir et en donnant un rôle de gardien aux propriétaires de commerce. Par le passé, cette approche a échoué avec d'autres substances. Les restrictions relatives à la commercialisation se sont montrées d'une utilité limitée lorsqu'elles s'opposent à un potentiel de profits importants. Même si les compagnies de tabac n'ont pas le droit de commercialiser les cigarettes auprès des enfants, l'histoire familière de Joe Camel illustre bien à quel point la publicité peut être pernicieuse.
    Aux États-Unis, l'expérience du Colorado, qui a été l'un des deux premiers États à légaliser le cannabis, en dit long. Au cours des deux années suivant la légalisation du cannabis, le nombre de consommateurs adolescents au Colorado a augmenté de 20 %, tandis qu'il a diminué de 4 % dans le reste du pays. En tant que pédiatre en développement et aussi parent de deux adolescents, je ne trouve pas que ces conclusions sont surprenantes. La vente au détail de cannabis sert à banaliser la consommation. Les adolescents sont très sensibles aux tendances culturelles. Si la consommation de cannabis est acceptée, les adolescents sont plus susceptibles d'en consommer. Tout argument contraire est simplement déraisonnable d'un point de vue du développement.
    Aux États-Unis, les politiques évolutives sur le cannabis ont entraîné des changements dans le cannabis en tant que tel. La concentration de THC, principal ingrédient actif du cannabis, a augmenté de façon marquée au cours des trois dernières décennies, ce qui expose les consommateurs à des taux plus élevés de drogues que jamais. C'est l'une des raisons pour lesquelles la science a tant de difficultés à cerner la question, parce que le produit change constamment. De nouveaux produits comestibles, notamment des biscuits, des bonbons et des boissons gazeuses sont apparus sur le marché et sont vendus comme produits renfermant de la marijuana.
(1640)
    Il faut s'attendre à cette expansion du marché, car la création de produits nouveaux et améliorés est une technique qui a fait ses preuves pour ce qui est de faire augmenter les ventes, soit en invitant constamment les nouveaux utilisateurs à faire l'essai de nouveaux produits et les anciens utilisateurs à en ajouter à leur répertoire.
    Le dabbing, un nouveau moyen populaire de consommer du cannabis, entraîne une élévation extrême des taux de THC dans le sang. Une exposition à une forte concentration de THC produit davantage d'euphorie, mais cause aussi davantage de problèmes médicaux. Dans notre pratique clinique, les jeunes arrivent avec de nouveaux problèmes que nous observions rarement il y a 10 ans. Le syndrome d'hyperémèse cannabinoïde, qui provoque des vomissements récurrents, était autrement rare, mais est maintenant très fréquent dans notre pratique. Les occurrences de symptômes psychiatriques ont également augmenté. Nombre de nos patients ont entendu des voix, ont déliré ou sont devenus anxieux et paranoïaques à cause de la consommation de cannabis. Dans une étude que mène actuellement notre groupe dans notre centre de soins primaires, plus de 25 % des consommateurs de cannabis déclarent avoir eu des hallucinations pendant qu'ils étaient sous l'influence du cannabis, et plus de 30 % déclarent avoir été paranoïaques.
    En tant que pédiatre, je trouve ces chiffres terrifiants. Même si le nombre d'études menées dans le passé sur ces questions est limité, notre expérience clinique nous donne à penser que ces taux augmentent, comme on pourrait s'y attendre compte tenu de l'exposition toujours croissante à la drogue.
    En puisant dans mon expérience en tant que chercheuse et que clinicienne, je voudrais faire les suggestions suivantes: tout d'abord, je recommande que l’on explique clairement aux jeunes que la meilleure façon de protéger leur santé consiste à ne pas consommer de cannabis. L'American Academy of Pediatrics et la Société canadienne de pédiatrie sont toutes deux opposées à la légalisation de la marijuana et elles encouragent les parents, les fournisseurs de soins de santé, les enseignants et d'autres adultes à donner des conseils clairs et limpides aux enfants.
    Des campagnes de sensibilisation du public qui viseraient a prévenir la consommation de cannabis ou à retarder l'adoption d'un tel comportement pourraient être bénéfiques. La campagne menée par Truth Initiative pour enrayer le tabagisme a remarquablement permis de transformer la perception du tabac par le public, qui y voit maintenant une habitude répugnante plutôt que chic. Les taux d'utilisation du tabac ont chuté au cours des 20 dernières années, à mesure que s’est accélérée la stigmatisation du tabagisme. On sait bien que le cannabis est une substance psychotrope qui nuit particulièrement au développement du cerveau chez les adolescents. Les affirmations selon lesquelles le cannabis est « bon pour la santé parce qu'il est naturel », ou « sans danger parce que la consommation en est légale » présente un attrait culturel, mais elles sont fausses, et il importe de leur opposer des messages continus et solides à l'effet contraire.
    L'imposition d'une limite d'âge est efficace pour réduire la consommation de drogues chez les jeunes. Aux États-Unis, l'adoption de la National Minimum Drinking Age Act, qui a effectivement fait passer à 21 ans dans les 50 États l'âge minimum qu'il faut avoir pour boire de l'alcool, a entraîné une réduction de 16 % du nombre d'accidents de la route. Il s’agit du résultat direct d’une consommation réduite d’alcool. Le Canada, où cet âge minimum est moindre, affiche le taux de problèmes dus à l'alcool le plus élevé des Amériques. Ces faits militent en faveur d'un âge minimum plus élevé, car c'est là un élément d'une bonne stratégie en matière de santé publique.
    Les innovations dans le domaine des produits à base de cannabis présentent des risques pour la santé publique, surtout pour les adolescents. II se pourrait qu'il faille des approches stratégiques carrément nouvelles face aux substances qui créent une accoutumance. De nouveaux régimes réglementaires qui permettraient d'éliminer les profits, de contrôler les prix et d'exercer une surveillance tant au niveau de la personne qu'à celui de toute la population devraient être envisagés. Une telle approche nécessiterait une collaboration sans précédent entre les diverses branches du gouvernement. L'histoire et les éléments de preuve existants donnent à penser qu'en légalisant tout simplement le cannabis et en laissant l'industrie ainsi engendrée agir à sa guise, le gouvernement confierait au secteur privé le soin de protéger la santé publique, rôle que l'industrie n'est pas conçue pour jouer.
    Enfin, il nous faut davantage de cliniciens qualifiés pour traiter les adolescents dépendants au cannabis, ce qui exigera du soutien financier. Compte tenu de la légalisation de la marijuana au Canada, il y aura un besoin pressant de fournisseurs de soins de santé spécialisés dans la dépendance chez les jeunes et le traitement des troubles liés à la consommation de substances chez les adolescents. Je suis heureuse de déclarer que le premier médecin à avoir obtenu une formation spécialisée en médecine des toxicomanies pédiatriques en Amérique du Nord est un Canadien. La formation se donne actuellement à l'hôpital pour enfants de Boston. On a besoin de bien plus de soutien et d'un bien plus grand nombre de places et de programmes de formation financés.
    Merci d'avoir écouté et de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à votre groupe.
(1645)
    Merci, docteure Levy. Nous sommes chanceux d'avoir accès à votre expertise. Nous allons vous poser des questions sous peu.
    Maintenant, nous allons entendre le témoignage de représentantes de l'Association pour la santé publique de l'Ontario. Michelle Suarly est présidente du groupe de travail sur le cannabis, et Elena Hasheminejad en est membre.
    Allez-vous vous partager la période?
    Très bien. Je vais vous faire signe quand cinq minutes se seront écoulées.
    Nous allons prendre la parole tour à tour.
    Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de nous donner la possibilité de comparaître devant votre Comité.
    Je m'appelle Michelle Suarly et je représente l'Association pour la santé publique de l'Ontario, où j'occupe le poste de présidente du groupe de travail sur le cannabis. Je suis heureuse d'être accompagnée par ma collègue, Elena Hasheminejad, qui est membre du groupe de travail.
    L'Association pour la santé publique de l'Ontario — ou l'OPHA — est une association non partisane sans but lucratif qui rassemble les membres des secteurs public, privé, universitaire, du bénévolat et de la santé communautaire, qui sont déterminés à améliorer la santé des gens. Nombre de nos membres, qu'il s'agisse d'infirmières en santé publique comme nous ou de personnes d'autres domaines, travaillent en première ligne afin de promouvoir et d'améliorer la santé publique au sein de leurs collectivités.
    L'OPHA est la championne de la prévention, de la promotion et de la protection de la santé depuis sa création il y a plus de 68 ans. Notre mission est de faire preuve de leadership à l'égard d'enjeux touchant la santé publique et de renforcer l'incidence des personnes qui oeuvrent activement dans le milieu de la santé publique et communautaire partout en Ontario.
    Notre groupe de travail encourage le gouvernement fédéral à adopter une approche de santé publique à l'égard de la réglementation du cannabis afin de permettre un plus grand contrôle des facteurs de risque associés aux effets néfastes liés au cannabis. À la lumière des données probantes selon lesquelles les risques posés par le cannabis sont plus grands parce que sa consommation commence à un âge précoce et/ou lorsque la consommation est fréquente, une approche de santé publique viserait à retarder l'âge du début de la consommation du cannabis, à réduire la fréquence de la consommation, la consommation à risque élevé, la consommation problématique et la dépendance, à élargir l'accès aux programmes de traitement et de prévention et à assurer une éducation et une sensibilisation du public précoces et durables.
    Nous proposons que le gouvernement fédéral applique un point de vue d'équité en santé et qu'il reconnaisse le rôle que jouent les déterminants sociaux de la santé, qu'il comprenne qui sont les personnes les plus susceptibles d'être touchées par la légalisation du cannabis récréatif et qu'il appuie les stratégies correspondantes visant à atténuer les conséquences.
    Elena va maintenant souligner les recommandations de l'OPHA.
(1650)
    Je voudrais commencer par mentionner que nous appuyons l'objectif du groupe de travail fédéral sur la légalisation et la réglementation du cannabis de protéger les jeunes Canadiens en gardant la marijuana hors de la portée des enfants et des jeunes.
    Comme on vous en a fait part aujourd'hui et tout au long de la semaine — j'en suis certaine —, les jeunes Canadiens ont l'un des taux les plus élevés de consommation déclarée parmi les pays industrialisés, ce qui, nous le savons, est préoccupant, car les recherches ont montré que le cerveau continue de se développer jusqu'au début de la vingtaine.
    Afin de protéger les jeunes Canadiens, il importe que nous envisagions la prise de certaines de ces mesures de prévention. Santé Canada reconnaît que les emballages de produits du tabac sont de puissants organes publicitaires pour l'industrie du tabac et a déclaré être déterminé à instaurer l'emballage neutre, ce que beaucoup de mes collègues ont également souligné aujourd'hui.
    Nous recommandons que la même réglementation soit mise en place dans le cas des produits du cannabis. Nous recommandons des exigences claires et contraignantes pour l'atténuation de la vente et la promotion de produits auprès des jeunes, la prise en compte de l'exposition accidentelle et des exigences relatives à l'octroi de permis de vente au détail. Nous recommandons que tout le cannabis et les produits qui en contiennent comprennent une indication clairement affichée de la teneur en THC et en cannabinol, des avertissements relatifs à la santé étayés par des données probantes, des messages concernant la réduction des préjudices et de l'information sur l'accès à des services de soutien.
    Même si un emballage neutre et à l'épreuve des enfants pourrait réduire le risque d'exposition accidentelle grâce à la réglementation, il ne réduirait pas efficacement les risques liés aux produits comestibles. Les enfants pourraient confondre ces produits avec des aliments réguliers s'ils ne sont pas dans leur emballage. Dans cette optique, nous recommandons que la réglementation concernant les produits comestibles tienne compte des conséquences des produits de fabrication qui ressemblent à des bonbons, à des biscuits, à des jujubes et à d'autres produits habituellement commercialisés auprès des enfants.
    Enfin, étant donné qu'une proportion importante des consommateurs de cannabis sont de jeunes adultes, nous encourageons le gouvernement fédéral à faciliter les discussions avec tous les ordres de gouvernement afin de veiller à ce que l'âge minimal soit uniforme. Cette uniformité éliminerait la variation transfrontalière, laquelle limiterait l'efficacité de la réglementation relative à l'âge légal minimal pour ce qui est de protéger les jeunes.
    Nous voulons également nous assurer que les Canadiens sont bien informés grâce à des campagnes de santé publique appropriées et soutenues et, dans le cas des jeunes en particulier, veiller à ce que les risques soient compris.
    Comme il a été mentionné plus tôt, le rapport du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies intitulé Les perceptions des Canadiens sur le cannabis énonçait ce qui suit: « Dans l’ensemble, les jeunes considèrent que le cannabis est moins nocif que l’alcool et les autres substances ». En outre, les jeunes étaient confus au sujet des lois sur le cannabis.
    Nous craignons qu'il n'y ait pas suffisamment de sensibilisation publique au sujet des effets préjudiciables du cannabis. D'autres recherches sont nécessaires pour que l'on puisse continuer à comprendre les conséquences, que ce soit sur le développement du cerveau, sur les femmes enceintes et qui allaitent ou dans d'autres domaines. Nous exhortons le gouvernement fédéral à faire participer les jeunes à la création de documents et de stratégies de promotion de la santé qui les ciblent.
    Afin de nous assurer que le public est pleinement conscient des préjudices associés à la consommation de cannabis, nous recommandons au gouvernement d'élaborer et de mettre en oeuvre une campagne de sensibilisation du public étayée par des données probantes avant même l'adoption du projet de loi fédéral. Une sensibilisation générale visant à promouvoir des lignes directrices relatives à la consommation de cannabis à faible risque et des initiatives ciblées visant à sensibiliser les gens aux risques chez des groupes précis, comme les adolescents, les femmes enceintes et les personnes ayant des antécédents personnels ou familiaux de maladie mentale sont nécessaires.
    Il est également crucial que le gouvernement fédéral s'engage à utiliser un pourcentage élevé des recettes tirées de la vente de produits du cannabis comme source de financement pour la prévention, le traitement, la réduction des préjudices et l'application de la loi. Un financement important destiné à une approche axée sur la population à l'égard du mieux-être mental, de la gestion du stress et de stratégies d'adaptation saines doit également être envisagé.
    Pour ce qui est de faire en sorte que nos routes restent sécuritaires, il importe de souligner que nous savons que la conduite avec facultés affaiblies est une principale cause criminelle de décès et de blessures sur nos routes et que les cannabinoïdes font partie des substances psychoactives les plus fréquemment trouvées dans les conducteurs décédés ou blessés au Canada.
    Nous sommes d'accord avec le gouvernement fédéral sur le fait qu'il faut renforcer nos lois sur la conduite avec facultés affaiblies afin de mieux comprendre la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. De plus, nous appuyons la recommandation de l'Association canadienne des chefs de police concernant le financement anticipé d'une formation améliorée pour les agents et des investissements dans les technologies de reconnaissance de la drogue pour veiller à ce qu'un système clair et fiable permette de repérer la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, d'effectuer les analyses qui s'y rattachent et d'imposer des conséquences dans de tels cas, et ce, avant la légalisation du cannabis.
    En ce qui concerne le mieux-être en milieu de travail, la consommation de cannabis ou les facultés affaiblies par cette substance au travail, surtout pour les personnes occupant un poste critique pour la sécurité, peut poser un danger pour tout le monde, y compris la personne qui a les facultés affaiblies. Même si la consommation de substances au travail n'est pas un nouveau problème, les groupes d'employeurs et les lieux de travail profiteraient de consignes claires de la part des gouvernements fédéral et provinciaux concernant des mesures telles que des politiques et des procédures qu'ils peuvent suivre afin de régler les cas de consommation de cannabis au travail. En outre, l'accès à des programmes et à des services pour soutenir les employés ayant une dépendance ou des besoins liés à une consommation de substances problématique doit être accru de façon importante.
(1655)
    Enfin, nous appuyons la recherche et la collecte continue de données, y compris de données de base afin de surveiller les conséquences du nouveau cadre.
    Notre groupe de travail met l'accent sur le besoin d'investir dans la recherche et dans des systèmes de surveillance nationaux centralisés, de sorte que les problèmes puissent être détectés à une étape précoce, que les réussites fassent l'objet d'un suivi et soient soulignées et que le tir puisse être corrigé. Ces systèmes devraient être mis en oeuvre maintenant afin que nous disposions de données de base.
    Nous mettons également l'accent sur la nécessité d'un cadre complet de surveillance et d'évaluation des politiques. Pour l'avenir, nous recommandons des recherches poussées afin que l'on enquête sur la consommation de cannabis par les mères durant la grossesse, sur les conséquences à la naissance et les résultats durant l'enfance, sur les conséquences de l'exposition au cannabis par l'allaitement, sur les conséquences de la consommation de cannabis sur la santé mentale, sur les interactions entre la consommation de cannabis et de produits pharmaceutiques, sur les méthodes de dépistage permettant de déterminer les taux de cannabis et/ou d'affaiblissement des facultés et sur les effets sur la santé d'une consommation forte, régulière ou occasionnelle de cannabis, pour n'en nommer que quelques-uns.
    Notre recommandation, c'est d'améliorer les systèmes de surveillance nationaux actuels, comme l'Enquête sur la santé mentale dans les collectivités canadiennes et l'Enquête canadienne sur le tabac, l'alcool et les drogues, afin qu'ils comprennent des questions supplémentaires concernant l'opinion publique sur les politiques et la réglementation relatives au cannabis, la connaissance des effets sur la santé de la consommation de cannabis et les effets de la consommation de cannabis durant la grossesse ou l'allaitement. Ces données pourront contribuer à éclairer l'élaboration et la modification des politiques sur la santé, des programmes de santé publique et des campagnes de communication portant sur la consommation de cannabis.
    Nous voudrions conclure en vous remerciant de nous donner la possibilité de transmettre les idées et les recommandations de nos membres. Vous pourrez trouver d'autres recommandations relatives à la légalisation de la consommation récréative de cannabis dans notre déclaration de principes, que nous vous avons laissée aujourd'hui et qui s'intitule Les conséquences pour la santé publique de la légalisation du cannabis à usage récréatif.
    Notre déclaration de principes donne des détails sur la recommandation que nous avons formulée aujourd'hui et sur d'autres domaines d'intérêt particuliers, comme la taxation, l'âge, les ventes et l'accès, et nous serions heureuses d'aborder ces sujets également.
    L'OPHA croit que le projet de loi C-45 et la réponse récente de l'Ontario sont des pas dans la bonne direction. Nous croyons que, grâce à des interventions stratégiques axées sur la santé publique efficaces, une approche complète axée sur la collaboration et la compassion à l'égard des politiques relatives aux drogues pourra être mise en place conformément à l'engagement du gouvernement de légaliser et de réglementer le cannabis et de limiter l'accès à cette drogue.
    Nous accueillons favorablement la possibilité de collaborer avec le gouvernement fédéral et avec d'autres intervenants afin d'atteindre ce but commun, et nous continuerons à offrir à nos réseaux locaux, provinciaux et nationaux nos renseignements fondés sur des données probantes, nos connaissances et notre expertise.
    Nous vous remercions du temps et de l'attention que vous nous accordez aujourd'hui.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à une série de questions de sept minutes. Nous allons commencer par Mme Sidhu.
    Merci, monsieur le président
    Merci à tous de vos exposés
    La limitation de l'accès au cannabis par les jeunes Canadiens est un but clé du projet de loi. Afin de fermer le marché illicite et de tenir les profits loin de criminels, le gouvernement a fixé l'âge légal fédéral à 18 ans, mais donne aux provinces la capacité de changer cet âge.
    Monsieur Fischer, pourriez-vous nous donner les raisons pour lesquelles vous croyez que 18 ans est le bon âge minimal aux fins de la loi fédérale?
    Je dirais que 18 ans — ou 19 ans, comme il a été décidé en Ontario — est un bon compromis politique, parce qu'il fait que l'âge limite correspond à celui qui est prévu dans la réglementation relative à l'alcool et au tabac. Autrement, ce ne serait pas logique. Il serait insensé de laisser les gens boire à 19 ans et consommer une substance qui, dans l'ensemble, est moins dangereuse à un âge plus avancé.
    En même temps — et j'ai déjà employé ce terme auparavant —, je pense qu'il y a un certain sentiment de — si vous me permettez — naïveté politique, c'est-à-dire que nous pensons que nous allons légaliser et réglementer le cannabis et fixer un âge limite et que tout à coup, tous les jeunes âgés de moins de 19 ans qui consommaient du cannabis à l'époque de la prohibition, quand l'âge limite était de 500 ans ou de 0, cesseront subitement de consommer du cannabis. Nous devons être très réalistes et être conscients de cela.
    Le mieux que nous puissions espérer pour les personnes n'ayant pas atteint l'âge limite de 19 ans, c'est que des effets bénéfiques découlant de la légalisation toucheront ce groupe d'âge, lesquels rendront la consommation de cannabis moins risquée et moins préjudiciable grâce à des produits réglementés, à une distribution plus sûre, etc., combinés à une prévention plus efficace, plus réaliste et fondée sur des données probantes. Je vous prie de ne pas vous faire d'illusions en vous disant que la légalisation assortie de la réglementation la plus rigoureuse et la meilleure possible éliminera la consommation de cannabis chez les personnes âgées de moins de 19 ans. Nous nous bercerions tous d'illusions si nous le pensions. Cela n'arrivera pas. Il s'agit du talon d'Achille de la politique et du projet de loi actuellement proposés. D'un point de vue politique, l'abaissement de l'âge limite ne serait pas plus défendable. Je le comprends et je l'apprécie, mais nous devons tout mettre en œuvre afin de réduire les risques et les préjudices de ce qui sera certainement une consommation continue de cannabis aux taux les plus élevés, relativement à d'autres populations, dans les groupes d'âge inférieurs à 19 ans.
(1700)
    Merci.
    J'ai remarqué que vous appuyez également le modèle de la Régie des alcools de l'Ontario comme système de distribution. Pourquoi estimez-vous qu'il est meilleur que les ventes dans un comptoir de services privé?
    J'ai toujours appuyé un système de distribution constituant un monopole public contrôlé par l'État. Quant à savoir si les succursales de la Régie des alcools de l'Ontario seront le meilleur système à elles seules, je pense que la question se pose. Personnellement, j'en doute.
    J'ai milité en faveur d'un modèle hybride entre les ventes publiques fondées sur la Régie des alcools de l'Ontario et les comptoirs de services communautaires principalement pour la raison suivante: dans une grande mesure, le succès de la légalisation dépendra de la mesure dans laquelle nous pouvons efficacement amener les consommateurs à s'approvisionner auprès de sources et sur des marchés illégaux vers les sources légales, en pratique — pas sur papier ou en théorie. Autrement dit, si nous concevons maintenant un système de distribution qui est parfait sur papier, mais qui est réglementé trop rigoureusement, trop stérile, trop déconnecté des réalités, des souhaits et des préférences — si subjectifs que ces éléments puissent être — des consommateurs actuels, ils ne le feront pas; ils continueront plutôt à acheter des produits illégaux, dangereux et risqués auprès de sources illégales et sur des marchés illégaux. La légalisation échouera. Elle sera peut-être réussie selon une théorie abstraite, mais elle aura échoué en pratique. Il s'agit d'une variable cruciale dont dépend le succès de cette initiative: le fait que nous pourrons ou non faire passer les consommateurs — tous ou le plus grand nombre possible — des sources et des marchés illégaux aux marchés légaux. Par conséquent, cette partie de l'équation doit réussir.
    Pour l'instant, nous ne savons pas exactement quelle est la meilleure façon de le faire et comment bien le faire. Nous avons de bonnes idées théoriques. Je pense que certaines d'entre elles sont un peu mal avisées, telles qu'elles sont conçues actuellement... Probablement trop contraignantes et trop stériles, mais cela reste à voir. Nous devons tenter d'observer ce qui arrivera et, s'il le faut, de nous adapter. Il pourrait s'agir d'une petite ou d'une grande adaptation, mais nous devons amener les gens dans des systèmes de distribution légaux. Si cela ne se produit pas — si nous ne réussissons pas —, la légalisation, dans une grande mesure, en tant qu'entreprise de santé publique, échouera.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à la Dre de Villa.
    Je vous remercie de servir 2,8 millions de résidents de Toronto. J'ai remarqué que vous appuyez l'idée selon laquelle les produits du cannabis devraient être vendus dans un emballage neutre. Pourriez-vous nous dire pourquoi vous favorisez ce modèle?
    Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration, l'idée consiste à emprunter ce que nous connaissons d'autres produits qui sont déjà sur le marché. Pas mal de recherches ont été effectuées en ce qui concerne la façon dont l'emballage influe sur le début de la consommation, par les jeunes en particulier. Nous savons — et je crois qu'il y a des bonnes raisons de le croire... d'ailleurs, je pense que mes collègues qui se trouvent à ma droite en parlent également dans leur déclaration de principes — que l'emballage neutre non seulement donne la possibilité de transmettre des renseignements appropriés, mais qu'il réduit également au minimum l'attrait pour les jeunes.
    Comme nous l'avons entendu de la bouche de nous tous ici présents, des préoccupations particulières sont liées au commencement de la consommation de cannabis chez les jeunes, surtout à la forte consommation par les jeunes, et à ses conséquences à long terme. C'est là que les données probantes sont les plus solides même si nous savons que notre compréhension complète des conséquences du cannabis sur la santé est encore quelque chose qui évolue beaucoup.
    La notion consiste à tenter de réduire au minimum ou d'atténuer l'attrait du cannabis pour les jeunes de manière à réduire au minimum les conséquences négatives sur la santé et les conséquences sociales négatives associées à un commencement précoce et à une forte consommation par les jeunes.
(1705)
    Le temps est écoulé.
    Monsieur Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins. Encore une fois, nous accueillons d'excellents témoins, mais disposons de très peu de temps pour leur poser des questions. J'en ai tellement. Je peux peut-être commencer par la Dre Levy.
    Tout d'abord, merci beaucoup de participer à cette réunion très importante du Comité. J'apprécierais vraiment d'obtenir vos commentaires en tant que pédiatre du développement et de personne qui travaille sur le terrain. Je veux vous poser une question.
    Nous avons obtenu des opinions divergentes, mais une chose est claire: plus on commence jeune à fumer de la marijuana, plus les probabilités que l'on devienne dépendant sont élevées. Je me demandais ce que vous pensez du fait que la légalisation permettra à des jeunes âgés de 12 à 17 ans de posséder jusqu'à cinq grammes. Je crois savoir que cela pourrait correspondre à 10 à 15 joints. Le gouvernement fédéral envoie-t-il le mauvais message par cette initiative?
    Vous savez, c'est une excellente question. J'ai entendu beaucoup d'autres membres du Comité aborder le besoin de décriminaliser la possession et la consommation de marijuana, et je pense que c'est très important. Ce que nous ne voulons pas faire, parce que nous savons que c'est voué à l'échec, c'est arrêter les consommateurs, arrêter les personnes qui sont en possession de cannabis et les envoyer en prison ou leur donner un casier judiciaire. Ce n'est utile pour personne, et c'est un gaspillage d'efforts, de temps et d'argent, et cela entraîne aussi de mauvaises conséquences à long terme.
    Par contre, il y a des moyens de se servir du système judiciaire comme levier afin d'amener les gens à recevoir un traitement. Dans le cas des consommateurs n'ayant pas atteint l'âge légal, je pense qu'il y a une occasion exceptionnelle de ne pas les arrêter, leur donner un casier judiciaire ou les jeter en prison, mais plutôt d'utiliser d'une certaine manière leur possession de marijuana pour les faire évaluer, les faire rencontrer en personne un médecin, un travailleur social ou un autre professionnel de la santé qui peut vraiment découvrir à quel endroit du spectre le jeune se trouve et déterminer quelles sont les prochaines étapes appropriées, et il pourrait s'agir de quoi que ce soit allant des conseils et des consignes jusqu'à un traitement officiel du trouble lié à la consommation de cannabis.
    Quand nous avons reçu le groupe de témoins précédent, j'ai posé une question semblable à l'un des autres médecins. Ce qui est maintenant évident, c'est que cette légalisation ne fournit vraiment pas ces outils. Je ne pense pas que quiconque veuille voir un jeune être criminalisé et avoir un casier judiciaire qui le suit, mais l'un des témoins a affirmé qu'il devrait y avoir un moyen de permettre à la question d'être abordée, et nous n'avons toujours pas trouvé de réponse à ce sujet. Nous tous ici présents espérons en faire un meilleur projet de loi. Si le gouvernement emprunte cette voie, nous voulons faire en sorte qu'elle soit la meilleure possible.
    Il y a également une controverse à propos de la mesure dans laquelle le cannabis est dangereux pour les jeunes esprits. Encore une fois, le groupe de témoins précédent a affirmé qu'il est plus dangereux en raison des effets cumulatifs pour les jeunes. Nous avons entendu le Dr Fischer affirmer qu'il s'agit d'une substance moins dangereuse.
    Je me demandais quel était votre avis. Le cannabis est-il moins dangereux que l'alcool pour les jeunes, ou bien est-il plus dangereux? Vous avez soulevé divers éléments au sujet de nouveaux troubles, des choses de ce genre. Quelle est votre opinion?
    Chaque substance a son propre profil de conséquences et de préjudices. D'une certaine manière, la question consiste en réalité à comparer les pommes à des oranges.
    La consommation de cannabis cause très clairement des troubles de santé mentale et des problèmes de fonctionnement. En passant, ces problèmes sont plus difficiles à cerner parce qu'habituellement, les systèmes de surveillance détectent des choses comme la maladie cardiaque et le cancer du poumon, les problèmes classiques liés au tabagisme. Ils ne sont pas aussi efficaces pour ce qui est de déceler la dépression ou le sous-emploi, alors certains de ces problèmes peuvent nous échapper. Il s'agit d'un élément important.
    Demander lequel est le plus préjudiciable n'est vraiment pas une question très logique. Je pense que les résultats de ces deux substances sont mauvais. Je voudrais les éviter tous. À mes yeux, il n'est pas très logique de tenter de comparer les substances.
    Je suis d'accord. Je pense que les deux entraînent des conséquences très importantes et très graves. Comme les jeunes du Canada ont cette idée selon laquelle ce n'est que de l'herbe et qu'en réalité, il n'y a rien à craindre, nous devons vraiment prendre de l'avance en ce qui a trait à l'éducation. Le gouvernement actuel a eu deux ans pour prendre de l'avance à cet égard, et c'est une vraie occasion manquée.
    C'est de cela que je veux parler aux représentants de l'OPHA. Vous avez mentionné l'importance d'éléments tels que la collecte de données. Encore une fois, nous tentons d'améliorer le projet de loi. Certains de nos témoins ont affirmé que la collecte de données devrait maintenant être continue, mais je ne pense même pas qu'il en soit question dans le projet de loi. Je ne vois même rien bouger relativement à la collecte de données et au fait d'aider les provinces et les municipalités quant à la façon de procéder.
    Vous avez parlé d'éducation. Encore une fois, il s'agit d'une belle occasion manquée. Le gouvernement a eu deux ans pour le faire. Nous avons recueilli une organisation privée qui a expliqué ce qu'elle fait, et je pense que le gouvernement a investi 9,5 millions de dollars sur cinq ans pour le Canada. Le Colorado a investi 10 millions de dollars par année pour une population de cinq millions de personnes, et l'État de Washington, sept millions de dollars pour sept millions de personnes. Je me demande si vous pourriez vraiment formuler un commentaire sur l'absence dans le projet de loi d'une orientation pour la collecte des données et l'éducation... et vous vouliez aussi dire le traitement.
(1710)
    Je peux aborder le volet de l'éducation et souligner son importance, comme vous l'avez dit. Comme j'ai déjà travaillé en première ligne, j'ai eu la possibilité de me rendre dans des écoles, quoique, pendant de nombreuses années, nous avons connu des difficultés même pour nous rendre dans les écoles.
    Le fait que nous prenions des mesures dans le but de légaliser le cannabis a attiré l'attention sur ce sujet et nous a permis de commencer à parler de cette substance. Pour ceux d'entre nous qui travaillons en première ligne, ce n'est pas que nous n'ayons pas tenté de le faire, mais il y a toujours eu un obstacle parce qu'il s'agissait d'une substance illégale. Nous savons que les Canadiens font partie des plus grands consommateurs, et nous savons même de nos collègues du CCDUS que, lorsqu'ils interrogent des jeunes, ou même lorsque j'en vois en consultation, leur perception est que c'est naturel, que ce n'est pas néfaste. Voilà où se trouve la plus grande lacune.
    Voilà le problème.
    Oui, l'éducation doit commencer. L'une des plus grandes clés de la prévention, c'est la présentation de cette éducation, et pas seulement aux jeunes, mais aussi aux parents, aux éducateurs ou aux personnes qui travaillent aux côtés des jeunes. Il s'agit d'une population qui est importante.
    Toutefois, je pense qu'une question qui doit également être soulevée, c'est le fait que beaucoup de jeunes se demandent pourquoi nous procédons à la légalisation du cannabis. Par moments, cela renforce la perception selon laquelle cette substance est encore moins dangereuse. Même le fait de les éduquer au sujet des raisons pour lesquelles nous prenons cette initiative peut au moins les aider à comprendre que nous légalisons cette substance non pas parce que, comme certains d'entre eux l'ont déclaré dans ces entrevues, « c'est naturel » ou « c'est une plante », mais pour les raisons que nous avons décrites. Selon moi, ce sont vraiment des éléments clés de l'éducation qui doivent débuter.
    Je sais que, si nous regardons les diverses unités de santé publique, nous tentons tous de travailler ensemble pour procéder à l'éducation. J'ai vu la trousse sans drogue, dont nous avons tous entendu parler...
    Si je puis vous interrompre...
    Le temps est écoulé.
    ... comme il reste 290 jours avant sa mise en œuvre, avez-vous reçu du soutien de la part du gouvernement?
    Monsieur Carrie, le temps est écoulé.
    Oh, zut.
    Monsieur Davies.
    Merci à tous les témoins de leur présence.
    Docteur Maté, peut-être que je pourrais commencer par vous poser certaines questions. Le gouvernement libéral a affirmé que la politique publique appropriée en ce qui a trait au cannabis consiste à le légaliser afin d'atteindre un ensemble de buts précis. Les néo-démocrates sont d'accord avec le gouvernement à ce sujet, c'est-à-dire sur le fait qu'il s'agit d'une approche appropriée en matière de politique publique.
    Je vais vous lire l'objet des raisons pour lesquelles ils veulent légaliser le cannabis:
La présente loi a pour objet de protéger la santé et la sécurité publiques, et notamment?:

de protéger la santé des jeunes en restreignant leur accès au cannabis;

de préserver les jeunes et toute autre personne des incitations à l’usage du cannabis;

de permettre la production licite de cannabis afin de limiter l’exercice d’activités illicites qui sont liées au cannabis;

de prévenir les activités illicites liées au cannabis à l’aide de sanctions et de mesures d’application appropriées;

de réduire le fardeau sur le système de justice pénale relativement au cannabis;

de donner accès à un approvisionnement de cannabis dont la qualité fait l’objet d’un contrôle;

de mieux sensibiliser le public aux risques que présente l’usage du cannabis pour la santé.
    Cependant le premier ministre Trudeau a écarté officiellement et explicitement l'adoption d'une approche semblable à l'égard d'autres substances. Je reviens aux commentaires que vous avez formulés à la fin de votre déclaration préliminaire. À votre avis, s'agit-il d'une position rationnelle à adopter?
    Eh bien, je pense qu'il y a deux mondes: celui de la réalité, et celui de la politique. Il faut trouver une façon de joindre les deux. Dans le monde de la politique, je comprends totalement pourquoi le gouvernement a pris la mesure très rationnelle — et aux fins louables que vous venez tout juste de mentionner — d'apporter de la rationalité dans la situation de la marijuana. Je comprends également que, pour des raisons d'ordre politique, il ne serait tout simplement ni populaire ni acceptable pour bien des gens, en raison de l'ignorance et de beaucoup de propagande au fil des décennies, d'apporter cette même justification dans les politiques en matière de drogue en général. D'un point de vue politique, je le comprends totalement. D'un point de vue médical, du point de vue de la souffrance humaine, d'un point de vue humain et du point de vue de ce qui serait le plus utile aux approches en matière de prévention, de traitement et de système judiciaire sain, bien entendu, je ne peux pas souscrire à l'actuelle réticence à étendre cette même largesse d'esprit et rationalité aux autres drogues qui sont actuellement illégales.
    Alors, oui, d'un point de vue politique, c'est compréhensible. Du point de vue de ce qui serait le mieux, de ce qui serait bon et de ce qui serait utile à la population, non, je ne peux pas être d'accord avec l'approche actuelle.
(1715)
    Eh bien, je me posais simplement la question, car nous avons entendu beaucoup de témoignages au sujet du cannabis et de ses conséquences sur la santé, du caractère indésirable de sa consommation, de ses conséquences sur les jeunes; pourtant, nous, en tant que Parlement, tentons de fournir un système rationnel qui reconnaît le fait que, même si les gens en consomment, nous sommes aussi bien de le réglementer et de nous assurer que le crime organisé ne s'en mêle pas et que les quantités ne sont pas dangereuses. Bien entendu, je viens de Vancouver, où la crise des opioïdes fait rage. Cette année, nous sommes en voie de connaître davantage de décès que l'an dernier, qui était en soi un record, dus au fentanyl et à d'autres opioïdes, et je suis frappé par le fait qu'une approche semblable... S'il s'agit de la bonne approche à adopter à l'égard du cannabis, j'ai de la difficulté à trouver quelle serait la distinction par rapport aux autres drogues.
    Eh bien, oui, je suis d'accord avec vous. Aux États-Unis, une commission présidentielle a récemment déclaré que, toutes les trois semaines, le pays subit l'équivalent d'un 11 septembre en raison des surdoses d'opiacés; pourtant, les politiques en général ne changent pas. Il y a une contradiction réelle entre ce qui arrive dans le vrai monde et ce qui se passe dans le monde de la politique.
    Je serai à Ottawa — je pense — en novembre. Je crois qu'un événement est prévu, auquel participera l'ancienne ministre de la Santé, qui est maintenant ministre des Affaires autochtones, Jane Philpott. J'espère que, si l'événement a lieu, nous aborderons cette matière. Je partage entièrement votre impatience et votre frustration à l'égard du manque de cohérence. Le fait est que, comme dans le cas de toutes les substances dont nous avons parlé aujourd'hui — y compris la marijuana —, les substances licites comme le tabac et l'alcool peuvent avoir des effets négatifs délétères. Personne n'affirme que ces substances sont bonnes; il s'agit de demander quelle est la politique la plus rationnelle à leur égard. Tout comme nous avons appris, dans le cas de l'alcool, ce que coûte la prohibition — nous avons payé un prix énorme —; tout comme nous aurions dû avoir appris quelles sont les conséquences de la prohibition sur les opiacés et d'autres drogues; et comme nous venons tout juste de nous rendre enfin compte des conséquences et de l'irrationalité des approches prohibitives à l'égard de la marijuana, j'espère qu'à un certain moment, nous arriverons à l'étape de la rationalité en ce qui a trait aux politiques sur les drogues en général. Je ne le souhaite pas avec moins de ferveur que vous.
    Dans une entrevue que vous avez menée en mai 2017 auprès de Jaisal Noor, vous avez déclaré que « la supposition fondamentale qui éclaire l'approche légale à l'égard des drogues, c'est que la consommation de drogues — et, plus particulièrement, la dépendance — est un choix que font les gens ».
    Oui.
    Le procureur général américain actuel, Jeff Sessions, a récemment fait une déclaration selon laquelle nous devons en revenir aux années 1980 et à l'approche de Nancy Reagan consistant à dire tout simplement « non ». Il pense que c'est ainsi qu'on prévient la consommation de drogues: si les gens se font simplement dire à quel point la drogue, c'est mal, ils cesseront d'en consommer. La conversation publique sur la drogue ne tient tout simplement pas compte des véritables raisons pour lesquelles les gens consomment et deviennent dépendants. À votre avis, docteur Maté, quelles sont les véritables raisons pour lesquelles les gens consomment de la drogue et deviennent dépendants et comment cette information éclairerait-elle les politiques publiques?
    C'est également lié à la discussion actuelle sur la marijuana et sur la prévention. Si M. Sessions a raison, que ces politiques consistant à dire aux gens que la drogue, c'est mal, et de ne pas en consommer à tout âge fonctionnent, pourquoi y a-t-il de cinq à dix fois plus de consommation d'héroïne aux États-Unis qu'il y a 10 ans? Autrement dit, la situation actuelle démontre plus qu'amplement l'échec de ce genre d'approche.
    La raison pour laquelle les gens consomment de la drogue — et je l'ai indiqué dans une certaine mesure en ce qui concerne la marijuana... Si vous demandez aux jeunes ce qu'ils en tirent, ils vous diront ce qu'ils en tirent. Ils éprouvent un sentiment de connexion sociale. Leur esprit est calmé. Dans le cas de certains problèmes comme le TDAH, le cannabis a en fait un effet apaisant dont les personnes atteintes ont un besoin impérieux. L'héroïne est un analgésique. Elle soulage la douleur émotionnelle et physique. Les stimulants font en sorte que les gens se sentent plus en vie, plus présents, plus vifs et plus dynamiques.
    La vraie question est la suivante: pourquoi les gens ressentent-ils de la douleur émotionnelle? Pourquoi un si grand nombre de jeunes sont-ils anxieux? Pourquoi un si grand nombre de jeunes sont-ils déprimés? Pourquoi ces chiffres augmentent-ils encore et encore? Pourquoi de plus en plus de jeunes reçoivent-ils un diagnostic de TDAH, trouble qui, en soi, est un facteur de risque de dépendances de toutes sortes, surtout à la marijuana?
    On ne trouvera pas ces réponses auprès de chaque personne; on les trouvera dans les facteurs sociaux. Quand je parle de prévention, nos approches de prévention doivent vraiment tenir compte de ces facteurs sociaux: ce qui se passe dans les écoles; ce qui se passe dans les maisons; et ce qui se passe dans la culture.
    Je sais que le projet de loi ne peut pas répondre à ces questions de façon complète ou même approfondie, mais je souscris certainement à l'opinion de tous mes collègues qui ont affirmé qu'il devrait s'agir d'un système public fondé sur le monopole. Je suis également d'accord avec tout ce qu'ils ont dit au sujet de la façon dont l'argent tiré de la vente du cannabis ne devrait pas servir à financer les routes ou quoi que ce soit d'autre. Il devrait être injecté dans les programmes qui aident à prévenir les affections et les pressions sociales qui poussent les jeunes à consommer de la drogue. Autrement dit, si nous devons établir un monopole, utilisons les recettes qui en découlent pour régler les vrais problèmes expliquant pourquoi les jeunes consomment de la drogue.
    Enfin, je dirai — et j'ai écrit à ce sujet dans un de mes livres — que le problème lié au fait d'exhorter les jeunes à ne pas faire des choses tient, encore une fois, à ce que les jeunes qui écoutent les adultes sont bien moins à risque et que ceux qui présentent un risque élevé n'écoutent pas les adultes en raison de ce qui s'est passé dans leur vie.
    Nos approches de prévention doivent aller au-delà du fait de dire aux jeunes de ne pas consommer des substances. Elles doivent également aller jusqu'à amener ces jeunes à entretenir une relation saine avec les adultes, de sorte qu'ils nous écouteront. C'est un gros problème.
(1720)
    Le temps est écoulé.
    Monsieur Oliver.
    Merci beaucoup, et merci du témoignage que vous avez présenté aujourd'hui.
    Nous avons obtenu un certain nombre d'assez vastes conversations à divers sujets, mais, pour nous, en tant que Comité, au bout du compte, notre mandat consiste à examiner le projet de loi dans le cadre d'une étude article par article afin de déterminer s'il permet d'atteindre les objectifs énoncés ou s'il doit faire l'objet d'amendements.
    À cet égard, un domaine que nous n'avons pas vraiment encore approfondi en tant que Comité, c'est la question de l'emballage, de la stratégie de marque et de la promotion. Je me suis dit que j'allais consacrer un peu de temps à ce sujet avec vous. Je pense que l'Agence de la santé publique du Canada et l'OPHA ont toutes deux proposé l'emballage neutre. J'ai certainement vu ce type d'emballage dans le cas des cigarettes, et il fonctionne très bien dans certaines administrations. Je ne suis tout simplement pas certain de la façon dont on le légifère.
    Je vais simplement lire rapidement ce qui figure dans le projet de loi au sujet de la promotion et de la stratégie de marque. Vous verrez si vous pensez que c'est suffisant ou si vous avez des conseils à adresser au Comité afin que nous y fassions des ajouts.
    Aux termes du paragraphe sur la promotion... je vais l'abréger un petit peu, simplement pour que ce soit plus facile:
17 (1)… il est interdit de faire la promotion du cannabis…
a) par la communication de renseignements sur leur prix ou leur distribution;
b) d’une manière dont il existe des motifs raisonnables de croire que la promotion pourrait être attrayante pour les jeunes;
c) au moyen d’attestations ou de témoignages, quelle que soit la façon dont ils sont exposés ou communiqués;
d) au moyen de la représentation d’une personne, d’un personnage ou d’un animal, réel ou fictif;
e) par leur présentation, ou celle de l’un de leurs éléments de marque, d’une manière qui qui évoque une émotion ou une image, positive ou négative, à l’égard d’une façon de vivre… intégrant… du prestige, des loisirs, de l’enthousiasme, de la vitalité, du risque ou de l’audace.
    Ce sont toutes les façons dont on ne peut pas en faire la promotion.
    Le paragraphe sur la stratégie de marque énonce qu'une personne peut faire la promotion du cannabis par exposition de l'un de ses éléments de marque, comme Players par rapport à — je ne sais même pas quelles sont les marques de cigarettes — sur le produit ou sur une chose qui n'est pas le produit, pas du cannabis,
17(6)… sauf dans les cas suivants:
a) la chose est associée aux jeunes;
b) il y a des motifs raisonnables de croire que la chose pourrait être attrayante pour les jeunes;
c) la chose est associée à une façon de vivre, telle une façon de vivre intégrant notamment du prestige, des loisirs, de l’enthousiasme, de la vitalité, du risque ou de l’audace.
    Ces limites sont très claires. C'est un genre de nom et peut-être une couleur, et, dans le cas des cigarettes, on n'utilise même pas de couleur dans l'emballage neutre. Ces dispositions sont-elles suffisantes, à votre avis, en ce qui concerne la promotion et la stratégie de marque, pour que l'on interdise strictement quoi que ce soit qui rendrait ce produit attrayant pour les jeunes? Y a-t-il des réactions à cela?
    On dirait que cette liste contient la plupart des éléments. Il faudrait que j'y réfléchisse un peu plus, mais la notion consiste à suivre les données probantes qui ont été utilisées et qui se sont révélées avoir une incidence en ce qui a trait à l'emballage neutre applicable au tabac. Je pense que nous avons une certaine expérience à cet égard, qui pourra servir à éclairer le Comité dans ses délibérations sur cette question particulière.
(1725)
    Merci.
    Je vais me faire l'écho de ces propos, mais j'ai seulement une chose à indiquer.
    Encore une fois, il faudrait que nous nous penchions là-dessus de façon un peu plus approfondie, mais je sais que, même quand nous avons étudié certaines leçons tirées du Colorado et de Washington, on a déclaré que les personnes affirment que, lorsqu'elles ont la possibilité d'obtenir du cannabis de façon légale, elles préfèrent cette option à l'illégalité.
    Je sais qu'il a été question de trouver un équilibre avec la stratégie de marque et le marketing et le fait de penser que, sans ces éléments, où est la concurrence? Ou bien les personnes optent pour cette stratégie de marque, comme elles le font dans le cas des cigarettes. Toutefois, comme nous l'avons appris des leçons du tabac, et comme l'ont signalé mes collègues, concernant les avantages de l'emballage neutre et ce que nous avons observé, et sachant que dans d'autres administrations qui ont légalisé le cannabis, les gens empruntent encore cette voie pour en faire la promotion, l'emballage neutre est quelque chose qui, selon moi...
    D'après votre expérience de l'emballage neutre, ces interdictions... On ne peut pas simplement dire « emballage neutre ». Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un terme législatif. Il faut être plus descriptif. Ces dispositions prévoient-elles l'emballage neutre, à vos yeux, ou bien pensez-vous qu'il y a des éléments précis qui devraient être ajoutés à ces interdictions?
    À l'extrait que vous avez lu du projet de loi? Encore une fois, il faudra probablement que je l'étudie un peu plus. Je sais que...
    Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, si quelque chose vous vient à l'esprit plus tard, je serais ravi de voir quoi que ce soit que vous auriez à ce sujet.
    Oui, bien sûr.
    Nous serions heureuses de vous en faire part.
    Personne ne veut qu'on fasse la promotion de cette substance auprès d'enfants de quelque manière que ce soit ou qu'on lui donne un aspect attrayant.
    Est-ce que d'autres témoins ont des commentaires à formuler sur la promotion ou la stratégie de marque?
    J'ajouterai simplement que, bien entendu, une partie du problème ou du défi tient au fait que le génie est un peu sorti de la bouteille, car le projet de loi permet la production commerciale privée, et pas mal de ces problèmes sont liés à cette disposition. On ne peut pas vraiment avoir de producteurs commerciaux sans stratégie de marque, publicité ou quoi que ce soit, puisqu'ils ont besoin d'avoir un nom et qu'ils vont utiliser une certaine police, etc., n'est-ce pas? Une partie du génie est un peu sorti de la bouteille, et, maintenant, les environnements, les produits et les publicités doivent être limités le plus rigoureusement possible.
    Une question clé que vous devez régler, selon moi, ou bien que le projet de loi doit régler, concerne des éléments comme la promotion culturelle. J'ai lu les documents, et il y a déjà des festivals de musique, des festivals culturels, des festivals du film et toutes sortes d'autres événements sur le thème du cannabis, que nous n'associons pas nécessairement directement à de la publicité et à de la promotion typiques. Il faut que la question soit étudiée de façon beaucoup plus large et vaste.
    Dans le cas du tabac et de l'alcool, il y a les problèmes liés à la stratégie de marque indirecte et à la publicité 2.0 — le monde virtuel, les sites Web, les ordinateurs, etc. — qui sont très difficiles à légiférer et à limiter, dans les meilleures circonstances, et auxquels il faut réfléchir en l'occurrence. Il s'agit d'un problème épineux.
    En outre, bien sûr, nous avons proposé que cette substance soit distribuée, du moins en Ontario, par l'intermédiaire de la Régie des alcools de l'Ontario, un monopole public qui, selon nous, est très sécuritaire et limité, mais, en même temps, regardez comment on fait la publicité et la promotion de l'alcool dans ces monopoles publics. Les brochures en papier glacé nous invitant à en acheter autant que nous le pouvons sont partout. Il reste encore beaucoup de détails délicats...
    Simplement pour clarifier ma question, j'ai lu un article très limité portant sur la promotion et la stratégie de marque. Le projet de loi contient tout un autre article sur l'interdiction des commandites et de certains des genres d'événements publics que vous avez mentionnés. Je me concentre simplement sur le volet de l'emballage promotionnel de cette question.
    Votre temps est écoulé.
    Merci beaucoup.
    Voilà qui met fin à notre série de questions de sept minutes.
    Nous allons maintenant passer à des questions de cinq minutes, en commençant par M. Webber.
    Merci, monsieur le président. J'adresserai cette première question à la Dre Levy, qui se trouve à New York.
    Comme vous êtes pédiatre du développement et que vous avez de l'expérience à l'hôpital pour enfants de Boston et à de tels endroits, je suis curieux au sujet des effets de la marijuana sur les mères enceintes. Ils ont été soulevés dans l'exposé de Michelle Suarly, mais on n'en a pas beaucoup parlé à la table. Existe-t-il des études à ce sujet? Je sais qu'il n'y a pas beaucoup d'études concernant la marijuana et que nous avons besoin de plus de recherches, mais peut-être que vous pouvez nous parler un peu de votre expérience auprès des femmes enceintes et de leur consommation de marijuana ainsi que des effets négatifs qui en découlent.
(1730)
    Je ne peux pas en dire trop parce qu'aucune étude adéquate n'a encore été menée. Personnellement, je m'occupe d'adolescents et, occasionnellement, d'adolescentes enceintes, mais je ne m'occupe habituellement pas de nouveau-nés. Je veux simplement que ce soit clair. Je peux vous dire que la préoccupation tient au fait que la marijuana est très liposoluble, alors il traverse très bien les membranes, et il va traverser le placenta et, fait très préoccupant: il va se trouver en concentrations très élevées dans le lait maternel. Alors, une mère qui allaite et qui consomme du cannabis va donner une dose bien plus élevée à son nourrisson que ce qu'elle ingère elle-même. Les études sur les conséquences de ce que cela fait, selon moi, sont toutes — pardonnez le jeu de mots — à un stade embryonnaire, et je pense qu'il faudra une certaine période avant que nous comprenions vraiment cela.
    J'allais adresser cette question à la Dre de Villa également.
    Avez-vous des réflexions sur la question des mères qui attendent un enfant et la consommation de marijuana? Connaissez-vous des études qui ont été publiées?
    Pour être franche, cela fait pas mal de temps que je n'ai pas exercé ce type de médecine, alors je ne suis pas certaine d'avoir un commentaire particulier à ajouter sur ce sujet. Toutefois, je disais que, même pour les personnes qui ne sont pas enceintes, comme je l'ai mentionné plus tôt, les recherches sur le sujet sont assez limitées, en grande partie parce que la substance est illégale dans la plupart des administrations depuis pas mal de temps. Cette situation a nui à notre capacité et, encore une fois, témoigne du besoin de mener d'autres recherches.
    Tout à fait. Il y a encore beaucoup de choses que nous ne savons pas, et la recherche est essentielle.
    Et il y a beaucoup de choses que nous savons, n'est-ce pas?
    C'est aussi vrai.
    Nous avons de l'information, mais je suis d'accord pour dire qu'il y a des aspects qui requièrent des initiatives et des études plus poussées.
    Exactement.
    Je vais adresser celle-ci au Dr Maté.
    Vous avez mentionné que vous aviez travaillé dans l'est du centre-ville de Vancouver. Est-ce là que se trouvait votre cabinet? Bien entendu, nous connaissons tous très bien East Hastings. J'ai eu l'occasion de visiter l'établissement d'InSite, là-bas, avec un collègue, M. Carrie, il y a quelques mois. Il est vraiment troublant de voir le nombre de personnes qui s'y trouvent, et partout au pays et dans le monde, qui sont atteintes de ces dépendances.
    Nous avons accueilli un conférencier juste avant la séance en cours, qui a indiqué qu'en tant que médecin, il estimait que la marijuana était une drogue d'introduction qui mène à la consommation de drogues dures.
    Je veux simplement savoir quelles sont vos réflexions à ce sujet, docteur Maté. Croyez-vous que la marijuana est une drogue d'introduction?
    Je veux seulement formuler un commentaire sur votre question précédente au sujet de la grossesse. Je pense qu'il s'agit d'une question importante. Selon moi, du point de vue médical — et peut-être que le projet de loi pourrait en tenir compte —, il devrait y avoir un avertissement pour les femmes enceintes, selon lequel, comme nous ne savons pas quels sont les effets, puisque les recherches sont inexistantes, en général, la meilleure politique consiste à éviter les substances dont nous ne connaissons pas les effets.
    M. Len Webber: C'est une grosse expérience.
    Dr Gabor Maté: Il s'agit simplement de la réflexion rationnelle, selon moi, en l'absence de bonnes données probantes.
    Quant aux drogues d'introduction, le fait qu'une personne consomme de la marijuana d'abord, puis qu'elle se mette à consommer autre chose par après, ou bien qu'elle commence par consommer du tabac, puis qu'elle se mette à consommer autre chose par après, ne signifie pas qu'un phénomène de drogues d'introduction est en cours. De fait, nous ne savons même pas si ce phénomène de drogues d'introduction existe vraiment. Il n'y a tout simplement aucune donnée probante qui confirme que toutes les personnes qui consomment ces substances développent un problème. Il se pourrait que beaucoup de gens, avant de commencer à consommer les drogues fortes, en consomment des légères, si on veut, comme de l'alcool, du tabac ou de la marijuana, mais il n'y a pas nécessairement de relations de cause à effet. Ce qui est bien plus vrai, c'est que les gens dont l'inconfort interne les pousse à consommer des substances sont plus susceptibles de consommer d'autres substances de façon excessive ou d'en consommer d'autres de la même manière plus tard, mais cela ne signifie pas que l'une a mené à l'autre. Je ne pense pas qu'il existe de données probantes sur lesquelles fonder une politique selon une théorie relative aux drogues d'introduction.
(1735)
    D'accord, merci.
    J'apprécie le témoignage de la Dre Levy, de New York, selon lequel beaucoup des adolescents auxquels elle a affaire, qui sont atteints d'un trouble lié à la consommation de substances, ont, de façon générale, commencé par consommer de la marijuana, mais cela ne signifie pas qu'il y a une relation de cause à effet, et cela ne signifie pas non plus que la légalisation...
    Et je sais, docteure Levy, que vous ne laissez pas entendre que la légalisation est une bonne idée. Ainsi, du point de vue du projet de loi, je pense que la théorie de la drogue d'introduction n'est tout simplement pas une façon utile d'envisager la question.
    Merci beaucoup.
    Docteur Eyolfson.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Docteur Maté, j'ai vraiment apprécié vos commentaires au sujet d'avoir à réfléchir à ce qui constitue les meilleures données scientifiques, mais aussi d'avoir à penser politiquement. Je suis médecin, mais, maintenant, comme vous l'avez probablement deviné, je dois également penser politiquement dans le cadre de mon emploi actuel. C'était un peu amusant de penser à cela et à la façon dont cela fait partie de nos délibérations à cet échelon.
    L'un des éléments que vous avez mentionnés plus tôt — et nous avons tenu beaucoup de discussions à ce sujet —, c'est que de nombreuses personnes déjà atteintes de maladie mentale souffrent ensuite d'un trouble lié à la consommation de substances, qu'il s'agisse du cannabis, du tabac, de l'alcool ou de quoi que ce soit d'autre. Croyez-vous que, si nous avions un meilleur investissement dans les soins de santé mentale primaires et un meilleur engagement à cet égard et que nous traitions plus efficacement les gens à l'échelon des soins primaires, ce serait utile du point de vue de la prévention primaire de beaucoup de troubles liés à la consommation de drogues?
    Absolument. Dans presque tous les cas de consommation de substances, on peut déceler la présence de quelque chose. Souvent, c'est le TDAH — et je parle de ce trouble parce que j'ai moi-même reçu le diagnostic, et j'en sais un peu à ce sujet; ce pourrait également être la dépression, l'anxiété, un trouble de stress post-traumatique, les phobies sociales ou un trouble bipolaire qui fait habituellement l'objet d'une automédication à l'alcool. Dans beaucoup de cas de consommation de substances, il existe déjà un problème de santé mentale.
    Non seulement cela, mais, comme certains de mes collègues l'ont souligné, les drogues, en soi, peuvent causer des problèmes de santé mentale ou les exacerber. Il y a une forte corrélation entre la cause et l'effet, d'où la pertinence de votre commentaire selon lequel un meilleur traitement en santé mentale, surtout chez les adolescents et les enfants, aurait tendance à réduire la consommation de drogues. C'est ce que je crois, et c'est logique pour toutes sortes de raisons.
    Encore une fois, la grande question que j'ai soulevée deux ou trois fois, à laquelle personne n'a répondu dans ce contexte, c'est qu'est-ce qui, dans notre culture et notre mode de vie, pousse de plus en plus de gens...? Tous les ans, des études menées au Canada et aux États-Unis montrent que de plus en plus d'enfants vivent avec les symptômes de troubles de santé mentale de toutes sortes. Il se passe quelque chose, et c'est une grande question sociale.
    Plus précisément, en ce qui concerne le traitement en santé mentale, la réponse est « oui ». Si, dans les écoles, nous reconnaissions mieux les problèmes de santé mentale, si nous admettions qu'un grand nombre des problèmes comportementaux que nous observons sont en fait des manifestations d'une tourmente intérieure, si, par exemple, les écoles pouvaient agir comme des lieux de dépistage afin de repérer les jeunes à risque — et nous pourrions le faire de façon beaucoup plus vaste, à l'échelle communautaire également —, je pense que, plus nous le ferions, moins nous aurions à faire face à la consommation de substances.
    Merci beaucoup.
    Docteure de Villa, nous avons parlé de la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis. Je souscris à votre opinion. Certes, pas seulement à en juger d'après mon expérience de discussions avec mes patients... mais si on remonte à l'époque où je fréquentais l'école secondaire, dans les années 1970 — oui, je suis très vieux —, on croyait qu'il n'y avait rien de mal à conduire avec les facultés affaiblies par le cannabis. Je connaissais des gens qui en fumaient et qui juraient que leurs scores aux jeux vidéo s'amélioraient après qu'ils avaient fumé, alors la conduite ne devait pas poser de problème. Les gens ont toujours cru cette absurdité.
    Nous savons que beaucoup d'annonces ont été diffusées concernant la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool et, selon beaucoup de paramètres, elles sont assez efficaces pour faire passer le message. Plus particulièrement, MADD, Les mères contre l'alcool au volant ont diffusé des publicités très puissantes et efficaces. Est-ce que cela fait longtemps que nous aurions dû transmettre le même message au sujet de la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis dans ces publicités et peut-être mettre cela dans le même contexte? Ces messages pourraient-ils avoir plus de crédibilité maintenant que nous avons affaire à un produit légal, la façon dont nous considérons l'alcool?
    Je me plais à le croire. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, les blessures et les accidents de véhicule automobile liés à cela sont le principal facteur à contribuer au fardeau de la maladie associé au cannabis actuellement au pays.
    Ces campagnes de sensibilisation pourraient-elles être utiles? Oui, je pense que cela en fait partie. Une série d'éléments sont requis dans une telle campagne, et la conduite avec facultés affaiblies en est un. Vous avez entendu d'autres témoins affirmer ici qu'en fait, il y a d'autres sujets de conversation, comme le fait de tenter de nous assurer que nos jeunes comprennent que, plus ils commencent tôt et plus ils en consomment, plus ils seront susceptibles de subir des conséquences à long terme.
    Dans le même ordre d'idées, je pense que nous avons entendu ma collègue ici présente, à gauche, affirmer qu'il y a beaucoup de consommation chez les jeunes. Comme dans le cas de pratiquement toutes les drogues, nous devons nous demander comment adopter une approche préventive et, si la substance est consommée, comment adopter une approche réduisant au minimum les préjudices associés à la consommation de cette substance, quelle qu'elle soit, à l'échelon de la personne et, au bout du compte, à l'échelon de la société.
(1740)
    Le temps est écoulé.
    Madame Gladu.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins d'aujourd'hui.
    Mon collègue, M. Davies, vous a lu certains des objectifs du projet de loi, dont les plus importants sont la protection de la santé des jeunes en limitant leur accès au cannabis et le fait d'offrir un accès à des stocks de cannabis dont la qualité a été contrôlée. Nous regardons et écoutons les témoignages afin de tenter de trouver des pratiques exemplaires permettant de garder le cannabis hors de la portée de nos jeunes.
    Les responsables de l'État de Washington ont affirmé que leurs données montrent maintenant, compte tenu de ce qu'ils ont mis en œuvre, que les jeunes ont plus de difficulté à se procurer du cannabis. Ce qu'ils ont fait, c'est fusionner leurs systèmes d'approvisionnement en marijuana médicale et récréative, de sorte qu'elle est contrôlée, que l'accès est limité en fonction de l'âge et qu'elle fait l'objet d'un suivi. La culture à domicile n'est permise qu'à des fins médicales.
    Ma question s'adresse au Dr Fischer. Pensez-vous que le projet de loi actuel, qui permet la culture à domicile, va fournir un produit dont la qualité a été contrôlée et qui restera hors de la portée des jeunes?
    Comme vous me posez cette question très directement, je vais vous dire qu'à mon avis la disposition sur la culture à domicile est l'un des pires éléments de la version actuelle du projet de loi, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, je pense que c'est une très mauvaise idée pour la santé publique, car nous ne devrions pas compter sur les domiciles privés pour la production de substances psychoactives.
    Deuxièmement, il pourrait y avoir des conséquences néfastes sur la santé d'autres personnes se trouvant dans le domicile... pour toutes les personnes qui s'y trouvent, en fait. Il s'agit notamment de beaucoup de personnes qui ne consomment pas, mais aussi de personnes vulnérables, comme les enfants, les parents ou les conjoints.
    Troisièmement, il s'agit probablement du moyen le plus sûr d'assurer le détournement possible du cannabis de ce qui, autrement, devrait être un marché réglementé et limité.
    Quatrièmement, le domicile est probablement — et c'est malheureux, l'ancien chef de police de Toronto n'est plus là — l'environnement le plus difficile à contrôler et à réglementer pour les autorités, du moins dans notre société.
    Tout à fait.
    De façon générale, le domicile est probablement le pire lieu ou le plus inapproprié pour la production de cannabis. Nous devrions la confier à des établissements de production, de distribution et de vente au détail autorisés.
    Je suis entièrement d'accord.
    Docteure de Villa, sachant que les exploitations de culture à domicile sont 24 fois plus susceptibles de faire l'objet d'un incendie, et comme la Police provinciale de l'Ontario a déjà déclaré qu'elle va avoir beaucoup de difficultés à tenter de faire appliquer le projet de loi, seriez-vous d'accord pour dire que l'option de la culture à domicile est probablement le moyen le moins préférable de nous assurer que nous gardons le cannabis hors de la portée de nos enfants?
    Je ne sais pas s'il s'agit du moyen le moins préférable en ce qui a trait à ce but précis, mais je souscris à l'opinion de mon collègue, Benedikt Fischer, selon laquelle il ne s'agit d'une disposition ni idéale ni optimale dans le contexte du projet de loi. Il est certain que c'est truffé de difficultés, à une série de niveaux. Quant à savoir si la disposition a une quelconque incidence en ce qui a trait à l'accès par les jeunes, il est clair que nous privilégions une méthode de distribution réglementée publiquement, bien contrôlée et bien surveillée. Voilà la bonne façon de gérer la situation.
    Très bien, merci.
    Docteure Levy, j'ai été très intéressée quand vous avez abordé le tabac et sa stigmatisation, car cela me fait penser que le tabac était déjà légal et qu'un âge de consommation avait été établi. Il n'empêchait en rien les gens d'en fumer à des taux alarmants. C'est vraiment une campagne de sensibilisation publique visant à changer l'opinion du public qui a été la plus efficace.
    Je souhaite connaître vos réflexions sur le fait de mener une campagne semblable pour le cannabis. Manifestement, nous parlons de légaliser depuis deux ans, mais nous n'avons pas tenu cette campagne de sensibilisation publique. Pourriez-vous nous donner des détails à ce sujet?
(1745)
    Je pense qu'un élément crucial de la stratégie de santé publique doit être notre campagne pour envoyer le vrai message au sujet de la marijuana. Comme nous l'avons entendu plus tôt dans le témoignage, le message selon lequel la marijuana est sûre, sans danger, naturelle et légale est très ancré dans la culture.
    Je veux vous dire, d'après mon expérience... l'État où j'exerce, c'est-à-dire le Massachusetts, a récemment adopté la légalisation également. Les jeunes arrivent maintenant en disant: « Eh bien, je sais que ce n'est pas si mal, parce que c'est légal. » Il y a beaucoup de travail à faire à cet égard. Les termes « sûr » et « légal » n'ont pas la même signification.
    Je pense que, compte tenu de là où nous en sommes avec la marijuana, nous pouvons utiliser le tabac comme analogie. C'est légal. Ce n'est pas sans danger. Ce n'est pas bon pour la santé. Le tabac ne cause pas de surdose, mais cela ne veut pas dire qu'il n'est pas dangereux d'en consommer. Je pense qu'il est vraiment crucial de faire ces comparaisons. Il est important de le faire comprendre aux enfants, à leurs parents et aux autres adultes qui interagissent avec eux et d'envoyer des messages très clairs.
    Merci beaucoup. Je pense que mon temps est écoulé.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur McKinnon.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Maté, ma circonscription est Coquitlam—Port Coquitlam dans la vallée du Bas-Fraser. En tant que résident de cette région, je suis bien au courant de votre long militantisme et du fait que vous êtes une force positive dans ce domaine, alors je voudrais vous souhaiter la bienvenue à vous, en particulier, et vous remercier de vous être joint à nous aujourd'hui. J'apprécie particulièrement vos réflexions et la clarté de votre témoignage.
    Je remarque que notre gouvernement a prévu dans le budget de 2017 un investissement de cinq milliards de dollars afin de fournir des services de soutien en santé mentale, notamment pour 500 000 personnes âgées de moins de 25 ans. Je vous dirais que cette somme est destinée à la prévention. Dans le modèle que vous proposez en ce qui concerne la dépendance, un grand nombre des causes sous-jacentes sont des problèmes psychologiques et psychiatriques. Je me demande si vous pensez qu'un financement important des programmes de mieux-être mental et le financement du diagnostic précoce des problèmes de santé mentale en vaudraient la peine et s'il s'agit d'un mécanisme de prévention efficace.
(1750)
    Docteur Maté, pouvez-vous m'entendre? Nous ne vous entendons pas; nous avons perdu le son.
    J'ai l'impression que nous ne pourrons pas rétablir le son. Je voudrais vous remercier infiniment de votre participation. Elle a été très enrichissante... vous avez pu nous faire part de vos connaissances et de votre expérience. Je suis désolé que nous ne puissions pas terminer.
    Monsieur McKinnon, il vous reste encore un peu de temps.
    Je vais céder la parole à quiconque de mes collègues aurait une question à poser. J'étais prêt à poser d'excellentes questions.
    Je vais passer mon tour.
    Pour la dernière question, je donnerai la parole à M. Davies. Comme d'habitude, vous fermez toujours la marche.
    Merci.
    Docteure de Villa, vous avez produit un rapport sur les approches de protection de la santé et de réduction des préjudices liés à la consommation. Vous avez souligné comment la criminalisation du cannabis et sa possession influent sur les déterminants sociaux de la santé. Vous avez indiqué que les personnes arrêtées et reconnues coupables de possession de marijuana peuvent faire face à des conséquences à long terme, y compris leur accès à l'emploi et au logement, leur situation économique et la stigmatisation sociale. Vous avez souligné que ces conséquences touchent de façon disproportionnée les jeunes Canadiens ainsi que les collectivités racialisées et marginalisées. Vous avez ajouté que, d'après les taux actuels — c'était en juin —, 59 000 personnes seront arrêtées et 22 000 seront reconnues coupables de possession simple de cannabis avant que le projet de loi entre en vigueur, et vous avez demandé une décriminalisation immédiate afin que l'on commence maintenant à régler ces problèmes. Êtes-vous toujours de cet avis?
    Oui, je le suis. Comme je l'ai mentionné, il est question de conséquences à long terme associées à la possession personnelle.
    Avant ces malencontreux problèmes de son, le Dr Maté parlait d'un grand nombre des problèmes et des facteurs sociaux qui favorisent beaucoup de ces choses. Selon moi, en fait, la création de nouveaux préjudices sociaux est illogique.
    Le projet de loi C-45 — j'ai déjà employé ce terme — légalise le cannabis dans une certaine mesure, mais il ne s'agit pas d'une pleine légalisation; il sera moins illégal. Il y aura encore des sanctions pénales pour la possession de plus de 30 grammes, pour la culture de plus de quatre plants et pour la vente. Si un jeune de 20 ans en vend à un jeune de 17 ans, ils feront l'objet de sanctions pénales.
    Seriez-vous d'accord avec moi sur le fait que le projet de loi C-45 continue d'exposer les collectivités marginalisées et racialisées à un risque de préjudice disproportionné en maintenant essentiellement une approche criminalisée à l'égard de certaines formes de cannabis?
    Je pense que ce risque existe certainement, mais que certaines questions se posent quant à la façon dont le projet de loi sera mis en œuvre dans la réalité. Il y a ce qui figure sur papier, puis il y a ce qui arrive en pratique. Je serais d'accord avec vous sur le fait qu'il s'agit encore d'une possibilité, mais, à ce que je crois savoir, il s'agit d'une incursion initiale, et, de fait, d'autres domaines ne sont pas réglementés au titre du projet de loi actuel, lesquels pourraient le devenir par la suite, et on peut supposer que d'autres éléments pourraient également être...
(1755)
    Laissez-moi passer rapidement à cet autre domaine dans la période limitée dont je dispose, car les produits comestibles et les autres concentrés ne sont pas prévus dans le projet de loi, et je crois que vous avez recommandé que ces produits soient réglementés. Comme l'a indiqué Mme Hasheminejad, la leçon tirée du Colorado, c'est que les gens préfèrent obtenir leurs produits auprès de sources légales. Si nous laissons les produits comestibles, les concentrés et les autres produits sur le marché noir, le projet de loi n'atteindra pas son plein potentiel.
    Quelle est votre position quant au fait que le projet de loi C-45 devrait comprendre les produits comestibles et les concentrés dans le cadre légalisé et réglementé?
    Dans mes commentaires, j'ai évoqué le fait que je pense qu'il s'agit d'une approche raisonnable pour l'instant et que nous devrions continuer d'aller de l'avant et réfléchir à l'expérience d'autres administrations et nous assurer que nous en tirons parti. C'est une question de tenter d'établir un équilibre, alors je souscris à l'idée selon laquelle les gens préfèrent avoir accès à des produits légaux. La question est de savoir comment mettre en œuvre ces dispositions d'une manière qui maximise les principes liés à la santé publique, qui réduit au minimum les préjudices et qui augmente la sécurité publique. Comme je pense qu'un grand nombre de nos autres collègues l'ont mentionné dans leurs commentaires, c'est toujours un équilibre délicat à établir, mais je suis favorable à la réglementation de ces produits afin que nous puissions nous assurer que les principes liés à la santé publique sont ceux qui régissent ces produits et leur consommation.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    D'accord, merci beaucoup.
    Voilà qui met fin à l'échange avec notre groupe de témoins pour aujourd'hui. Encore une fois, je veux remercier tous nos témoins, au nom des membres du Comité, de nous avoir fait part de leurs renseignements, de leurs connaissances et de leur expérience.
    Je veux souligner la contribution de nos participants par vidéoconférence: le Dr Le Foll et la Dre Levy. Il est difficile de faire ce que vous avez fait aujourd'hui, et nous vous sommes reconnaissants de votre patience à notre égard et d'avoir partagé votre temps avec nous.
    Encore une fois, merci à tous. Vous avez beaucoup contribué à notre étude. Vous avez participé au projet de loi C-45, et nous vous en sommes très reconnaissants.
    Sur ce, je vais mettre fin à la séance, mais je veux simplement mentionner que nous accueillons un cinquième groupe de témoins demain soir à 18 heures, de 18 à 20 heures. Le dernier groupe de témoins du vendredi est déplacé et comparaîtra demain soir.
    Désolé, monsieur le président, le dernier groupe de témoins qui était prévu pour vendredi a maintenant été déplacé?
    Il comparaîtra maintenant demain soir, de 18 à 20 heures. Nous entendrons le cinquième groupe de témoins demain. Nous accueillerons cinq groupes de témoins, demain au lieu de quatre.
    D'accord, la séance est levée.
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