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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 078 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 octobre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bonjour. Je déclare ouverte la séance du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
    Nous reconnaissons, en cette importante période de l'histoire du Canada, que nous sommes sur le territoire non cédé des Algonquins. Cela témoigne des nombreux traités que, comme colons, nous avons conclus avec les Autochtones et de tous les engagements que nous avons pris avec eux et qui n'ont jamais été respectés intégralement. Le processus a amené beaucoup d'entre nous à examiner et à comprendre les traités, et plus précisément les revendications territoriales — spécifiques et globales — ainsi que l'autonomie gouvernementale et les traités modernes au fur et à mesure de l'évolution de la situation. Nous sommes à un stade de l'histoire où le Canada est enfin prêt à se pencher là-dessus, à comprendre la vérité, et à amorcer une réconciliation.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous attaquons une étude sur les accords sur les revendications territoriales particulières et globales. C'est ainsi que nous accueillons deux groupes de témoins. Le premier est déjà là, avec des représentants de Kitigan Zibi et de la nation naskapie.
    Vous avez 10 minutes chacun pour votre exposé, mais vous n'avez pas besoin d'utiliser tout ce temps. À l'approche de vos 10 minutes, je vous indiquerai par signe qu'il vous reste trois minutes, une minute, ou qu'il est temps de conclure, selon le cas. Donc, jetez un coup d'oeil de mon côté de temps à autre. Ensuite, nous passerons aux questions des députés membres du Comité.
    Nous avons hâte de vous entendre, surtout sur les moyens de réparer le système.
    À vous, chef Whiteduck.
    Encore une fois, bienvenue sur le territoire algonquin non cédé. Comme vous le savez tous, nous avons intenté une action en justice au sujet d'une partie du territoire, y compris les édifices du Parlement, il y a environ un an.
    Essentiellement, nous ne sommes pas très heureux de toute la structure des revendications globales ou particulières. Notre collectivité est l'une des 10 collectivités algonquines, soit neuf au Québec et une en Ontario, qui forment la nation algonquine. La nation algonquine n'a jamais cédé son territoire dans la vallée de l'Outaouais. Rien ne prouve clairement qu'il y a eu une cession pure et simple. Notre réserve date d'avant la Confédération: elle a été établie par une loi spéciale en 1851 et constituée en 1853.
    Nous avons aujourd'hui environ 50 000 acres de terres et à peu près 3 200 membres, dont 50 % vivent dans la réserve et 50 % ailleurs. De nombreuses collectivités algonquines, cependant, occupent aujourd'hui des territoires beaucoup plus restreints.
    Le problème de tout le processus des revendications tient aux restrictions qu'imposent ces politiques. Les revendications particulières ont leurs limitations. Essentiellement, ce sont les fonctionnaires fédéraux qui décident tout parce que les règles du jeu sont bien établies. « Voici la politique, voici les règles. » Y a-t-il vraiment une négociation? Rarement, car c'est la même formule pour tous, et il faut entrer dans le rang.
    Une des grandes préoccupations est la fameuse règle des 80-20, 80 % à taux simple et 20 % à taux composé, calculés sur le manque à gagner. Notre collectivité a de nombreuses revendications. Dès la formation de notre collectivité, les barons du bois d'oeuvre, avec leurs agents indiens, ont pu magouiller et nous prendre nos terres, puis des recherches poussées nous ont fait conclure qu'ils nous ont pris nos terres illégalement. Nous avons plusieurs revendications en cours de négociation et plusieurs autres toujours en attente de dénouement.
    Nous avions une grande revendication sur une vingtaine de parcelles de terre dans la ville de Maniwaki. Ces parcelles ont été négociées. Il y avait une offre sur la table. Nous avons retardé... parce que c'est un tribunal qui prenait les décisions. Le Tribunal des revendications particulières a rendu une décision sur la formule, la 80-20, en disant: « Non, vous devriez envisager un taux composé ». Nous sommes donc retournés à notre planche à dessin avec la revendication particulière en disant: « Écoutez, à la lumière de la décision du tribunal et de l'arrêt judiciaire récent, vous devez revoir toute la formule de calcul que vous avez là, et qui ne nous favorise vraiment pas ».
    C'est en train de se faire. Nous négocions cela, et examinons de près les dépenses de notre fonds de bande, mais le processus prend du temps. Certaines revendications sont dans le système depuis les années 1980 et 1990. Le processus est extrêmement lent. À mon avis, il pourrait être accéléré. Nous pourrions avoir un meilleur système. Réglons ce problème de formule et laissons un peu plus de place à la négociation plutôt que de nous encarcaner dans un système applicable à tout le monde lorsqu'il s'agit d'une revendication particulière.
    Quant aux revendications globales, nous n'avons jamais été d'accord sur cette politique. Nous ne sommes pas d'accord sur l'extinction. Nous ne sommes pas d'accord sur le principe de la certitude. Nous reconnaissons la nécessité d'un arrangement qui donnera à toutes les parties leur place sur le territoire. Un grand nombre de nos collectivités algonquines vivent dans une extrême pauvreté sur des terres qui sont extrêmement riches, avec des mines d'or dans leur cour arrière, et 80 % à 90 % vivent de l'aide sociale. Il n'y a pas de raison pour cela. Selon moi, les Algonquins pourraient avoir leur place à eux, avoir de l'emploi, et jouir du même niveau de vie que les autres Canadiens, ce qu'ils n'ont pas aujourd'hui.
    Ma collectivité n'accepterait jamais la politique actuelle. L'extinction est impensable. Créons un processus où nous aurons notre place. Oui, dans notre cas, nous sommes à cheval sur l'Ontario et le Québec, parce que le coeur de notre vallée est le bassin de l'Outaouais, qui s'étend au nord et au sud d'ici. Nous sommes convaincus qu'avec les paliers de gouvernement en place — les gouvernements fédéral et provinciaux — nous saurons trouver notre voie. Nous ne sommes pas d'accord non plus sur les récentes ententes conclues avec les Algonquins de Pikwakanagan, en Ontario. Nous avons une offre sur la table. Nous n'avons pas été consultés, et nous ne sommes pas d'accord. L'offre est ridicule. Elle équivaut à ce qui se passait à l'époque où l'on jetait une poignée de babioles sur la table en disant: « Voici les babioles. C'est à prendre ou à laisser. »

  (1110)  

    Les Premières Nations n'ont rien à prouver. C'est au gouvernement du Canada de prouver qu'il occupe un territoire légalement. Nous, nous n'avons rien à prouver. Pourquoi devrions-nous faire de plus en plus de recherche pour prouver qui nous sommes et que ce territoire nous appartient? Nous savons que c'est notre territoire. Vous savez, vous aussi, que c'est notre territoire. Le gouvernement est bien au fait. Tous les niveaux de gouvernement se sont penchés là-dessus ad nauseam.
    La Proclamation royale de 1763 a fixé un processus pour la prise de nos terres, un processus selon lequel nos terres allaient être cédées à la Couronne avant de pouvoir être vendues. Nous avons plaidé... jusqu'à ce que le régime britannique se rallie au processus dans les années 1800. L'engagement n'a pas mis de temps à être oublié. N'eussent été les Autochtones en 1812, des 9 000 guerriers qui ont aidé à repousser les Américains pour défendre le Canada, nous serions tous américains aujourd'hui. On a vite fait d'oublier leur rôle après la guerre de 1812, cela n'ayant plus d'importance parce que notre groupe avait été décimé par la maladie et d'autres problèmes.
    Nous pensons qu'il faut reconnaître clairement la présence des Algonquins sur ces terres; c'est leur territoire et nous devons trouver un moyen de coexistence. Il ne s'agit pas de bousculer qui que ce soit. Ni de se débarrasser des tierces parties. Créons un processus approprié où les Premières Nations — les Algonquins — auraient leur place au Canada. Ce qu'ils n'ont pas aujourd'hui. Dans de nombreuses collectivités, ils vivent dans des conditions sordides.
    Ma collectivité a plus de chance. Nous sommes plus près de la ville. Nos niveaux d'instruction sont en hausse. Mais le processus est long et lent. Nous n'avons pas eu de développement économique chez nous. Nous devrions pourtant en être partie prenante. Il y a des terres fédérales en abondance chez nous. Nous devrions participer au développement de ces terres, et les retombées devraient revenir à toutes les nations algonquines. Pas besoin d'accords de contribution assortis d'une lourde réglementation. Ce devrait être: « Voici votre part du produit des ressources. Cela vous appartient. Décidez comment vous voulez vous gouverner, comment vous voulez dépenser ces fonds pour le bien de vos collectivités. » C'est ainsi que ce devrait être.
    Il est certain que les deux politiques sont désuètes. Il y a des arrêts judiciaires pour la politique des revendications particulières. Elle est à modifier et à moderniser. La revendication globale, en ce qui me concerne, il faut la mettre à la poubelle. Elle est inutile. Il faut reconnaître notre peuple, nous devons trouver notre place. Oui, il y aura un processus de négociation, mais nous pourrons trouver notre place. Nous n'avons pas à déplacer qui que ce soit. Il est urgent de donner leur place aux Algonquins. Une foule de jeunes de certaines collectivités algonquines éprouvent de grandes difficultés. Nous avons une grande population de jeunes. C'est une bombe à retardement. Nous devons attaquer le problème, et le plus tôt sera le mieux.
    Meegwetch.
    Meegwetch. Merci de ce discours percutant. Écarter l'accord est une idée intéressante. Pendant la période des questions, vous devrez nous expliquer par quoi on le remplacera.
    Chef Swappie, vous avez 10 minutes.
    Bonjour, tout le monde. Je suis le chef Swappie. Je suis accompagné de Robert Prévost, qui nous aide dans divers dossiers d'intérêt pour la nation naskapie.
    Nous ne nous attendions pas d'avoir 10 minutes aujourd'hui. Nous parcourrons rapidement les 14 pages de l'exposé que nous allions vous présenter. Je commence par l'introduction.
    Les nations naskapies ont toujours été tributaires du caribou. Avant le premier contact, elles tiraient leur subsistance du vaste territoire qu'elles occupaient, et qui s'étend de la Basse-Côte-Nord de la province de Québec, au sud, à la baie d'Ungava, au nord, et qui comprend une vaste partie de ce qu'on appelle aujourd'hui le nouveau Québec—Nunavik et la péninsule du Labrador.
    Après diverses décisions unilatérales de la Compagnie de la Baie d'Hudson ainsi que des Affaires indiennes, qui ont été prises sans égard aux intérêts et aux préoccupations des Naskapis, les Naskapis ont fini par être relocalisés à Kawawachikamach, selon l'anthropologue Alan Cooke.
    Située à 10 kilomètres au nord de Schefferville, près de la frontière Québec-Labrador, Kawawachikamach, la seule collectivité naskapie du Québec, compte une population, en 2017, d'environ 904 membres de la collectivité sur un total de 1 300 membres inscrits.
    En 1978, la nation naskapie de Kawawachikamach a adhéré à la CNEQ, la Convention du Nord-Est québécois, avec le Québec et le Canada. La CNEQ est un traité moderne, au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. À ce titre, ses dispositions lient le Québec et le Canada, et les droits qu'elle reconnaît aux Naskapis sont protégés par la Constitution. La CNEQ a été signée dans le même contexte historique et politique que la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, la CBJNQ, et place les Naskapis sur le même pied que les Cris et les Inuits en vertu de la CBJNQ, comme partenaires de traité du Québec et du Canada. La CBJNQ et la CNEQ régissent une vaste étendue de terres qui correspondent à la zone jadis appelée Terre de Rupert.
    Le régime foncier des territoires est sous les auspices de la CNEQ et de la CBJNQ. La CBJNQ est dite la « zone de droit d'usage prioritaire pour les Naskapis ». La CNEQ délimite aussi une partie du territoire partagé entre les Naskapis et les Inuits, que l'on appelle la « zone de droit d'usage commun ». Ensemble, la zone de droit d'usage prioritaire pour les Naskapis et la zone de droit d'usage commun ont formé la zone naskapie, qui couvre plus de 100 000 kilomètres carrés. La zone naskapie représente environ 10 % des terres désignées dans le cadre du Plan Nord du Québec et comprend la fosse du Labrador, une ceinture riche en minéraux où il y a eu de grands projets d'exploitation minière depuis les années 1950.
    La CNEQ et la CBJNQ fixent les droits, les structures, les processus et les ressources nécessaires, mais pas toujours suffisantes, pour le développement de la nation. Elles ont permis la création d'une solide administration locale à Kawawachikamach et assuré la prestation des services de police, des soins de santé, des services sociaux, et de l'éducation dans la collectivité. Depuis 1978, la collectivité a connu une croissance remarquable. Les investissements en infrastructure comprennent une école, un CLSC, un poste de police et de nombreuses installations publiques. La nation a aussi créé plusieurs occasions d'affaires, en faisant la promotion du développement économique et de l'emploi pour les Naskapis.
    Depuis la signature de la CNEQ, la nation naskapie s'est développée considérablement et ses réalités, comme ses besoins, ont changé du tout au tout. Trente-neuf ans après sa conclusion, il faut engager un dialogue pour revoir la CNEQ afin d'en améliorer l'applicabilité et les effets.

  (1115)  

    Nous avons un sommaire non exhaustif des composantes de la CNEQ et de la CBJNQ qu'il faudrait améliorer, à notre avis.
    Robert vous le présentera.
    Je vous enverrai un gros document qui explique certaines choses. Parce que nous n'avons pas grand temps, je vous le résume.
    Nombreux sont ceux qui vous diront que là où la CNEQ assure des services, cela va bien, mais que de nombreux engagements de la CNEQ ne sont pas bien respectés ou que nous n'avons pas assez d'argent pour les mettre en oeuvre. Voici, en résumé, ce qui ne va pas.
    Au niveau de la santé et des services sociaux, la collectivité vient d'obtenir un nouveau CLSC à Kawawachikamach, qui ouvrira ses portes le mois prochain. Voilà qui est vraiment positif; nous avons enfin le CLSC que la collectivité réclame depuis des années. Cependant, selon la CNEQ, le Québec doit financer une gamme complète de services de santé et services sociaux. Mais nous avons vu au fil des ans que le financement n'est pas suffisant pour offrir tous ces services. Comparons Kawawachikamach avec d'autres collectivités cries de la même taille qui sont sous les auspices de la CBNJQ. Par exemple, une collectivité crie de la taille de Kawawachikamach pourrait recevoir un financement d'environ 4 000 $ par habitant. Pour les Naskapis, c'est plus près de 2 500 $. Il y a une forte baisse lorsque nous comparons les Cris avec les Naskapis. Nous avons beaucoup moins de financement qu'eux pour mettre en oeuvre les mêmes engagements prévus dans le CBJNQ et la CNEQ.
    C'est la même chose pour les prestations de santé non assurées. Selon la CNEQ, les prestations non assurées devraient être couvertes par la CNEQ, c'est-à-dire par le Québec. Encore une fois, les Cris ont un remboursement intégral, un remboursement de 100 %, de ces coûts. Chez les Naskapis, l'argent sort de notre budget du CLSC, et nous sommes donc limités et n'avons pas assez de financement pour absorber tous les coûts. Il nous manque du financement en santé.
    En éducation, je peux dire que cela va bien. Nous avons une bonne école, l'École Jimmy Sandy Memorial à Kawawachikamach, qui offre le cours primaire et le cours secondaire. Nous venons de lancer un programme d'éducation des adultes l'an dernier. Il avait beau être dans la CNEQ — nous étions censés avoir du financement pour cela — il nous a fallu 12 ans de négociation avec le Québec et le Canada. Nous avons désormais cette offre de service d'éducation.
    Environ 100 Naskapis sont allés faire des études secondaires ou prendre de la formation professionnelle ailleurs, ce qui est très positif. Mais lorsque les Naskapis sortent de la collectivité, il arrive que les programmes ne soient pas adaptés à leur situation, et qu'il y ait un choc culturel. La nation et l'école veulent un centre de formation professionnelle pour offrir ce genre de service dans la collectivité, comme pour les Cris et les Inuits. Même s'il en existe déjà chez les Cris et les Inuits, les Naskapis n'ont toujours pas le leur. Nous sommes toujours en négociation avec le Québec et le Canada pour la mise en oeuvre de ce service.
    Pour ce qui est de la chasse, de la pêche et du piégeage, les Cris, les Inuits et les Naskapis ont le programme d'aide aux chasseurs, qui est un peu différent dans chaque cas. Ce programme prévoit du financement pour aider les Naskapis à conserver leur activité traditionnelle de chasse et de pêche. Le problème dans ce cas dans la CNEQ est que, lors de sa signature, il devait y avoir 60 000 $ par année, avec indexation sur l'inflation, sauf qu'on n'a jamais pensé à l'accroissement de la population. La population a triplé depuis 1978; nous avons donc trois fois plus de monde pour les mêmes fonds. Nous n'avons pas assez de financement pour maintenir le programme.
    La CBJNQ que les Inuits et les Cris ont signée tenait compte de l'augmentation de la population et de la participation. Ainsi, au fil des ans, l'écart de financement entre les Naskapis et les Cris s'est creusé considérablement. Aujourd'hui, 40 ans plus tard, nous sommes dans un sérieux pétrin.
    Nous avons aussi un problème de consultation sur l'environnement. La CBJNQ a créé différentes instances chargées de surveiller l'évaluation environnementale sur le territoire. L'une d'entre elles est la Commission de la qualité de l'environnement Kativik. Cette commission compte des membres nommés par Québec et d'autres nommés par l'ARK, l'Administration régionale Kativik, dont un des 17 sièges est réservé aux Naskapis. Il y a longtemps que les Naskapis réclament un siège à la Commission de la qualité de l'environnement Kativik; nous n'y avons pas de siège, de sorte que les Naskapis n'ont rien à dire dans ces évaluations.
    Peut-être pourriez-vous conclure maintenant, Noah.

  (1120)  

    Oui. Notre temps est compté, et je conclus tout de suite.
    Avec près de 40 ans de recul, on voit que la disparité s'est encore accentuée au niveau du financement consacré à la mise en oeuvre de la Convention du Nord-Est québécois, la CNEQ, et de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, la CBJNC, — d'une part, pour les Naskapis et, d'autre part, pour les Inuits et les Cris.
    Comme l'indique ce document, le financement pour les services de santé et les services sociaux est plus bas pour le Naskapi que pour le Cri. Même chose pour l'aide à la chasse, à la pêche et au piégeage dans la comparaison du programme naskapi avec les programmes inuit et cri. Quant à l'éducation, les Inuits et les Cris se sont donné des centres de formation professionnelle dans leur collectivité, tandis que les Naskapis travaillent encore à en créer un pour l'éducation de leurs jeunes et de leurs adultes. Le financement pour la police est un autre problème, pour les raisons citées ici. On pourrait ajouter à la liste de nombreux autres exemples de disparité du financement des Naskapis, d'une part, et des Cris et des Inuits, d'autre part, pourtant...
    C'est tout pour moi? Parfait.
    Vous avez le document, vous pourrez le lire.
    Prière de déposer tous les documents. Ils seront versés au dossier et nous aurons l'occasion de lire votre mémoire.
    Je ne voulais pas vous interrompre aussi brutalement. Vous pouvez prendre encore quelques secondes pour terminer votre déclaration, si vous voulez. Autrement, nous passerons aux questions, et vous pourrez l'inclure dans vos réponses.
    Très bien. Merci.
    J'espère sincèrement que cela ne sera pas mis sur une tablette. Ces dossiers sont très importants, je pense, et ils traînent depuis de nombreuses années.
    Nous sommes allés partout au pays, à Vancouver et à Winnipeg. Nous avons rencontré des Mohawks de Belleville. Nous sommes allés au Québec et sommes rentrés de Yellowknife hier. Vous voyez que la situation est difficile dans tout le pays. Certains se sont mieux tirés d'affaire, mais vous, vous avez su nous rejoindre avec beaucoup d'éloquence par vos expressions. Lorsque nos membres poseront leurs questions, vous pouvez développer divers points.
    Nous allons commencer par Mme Zahid.

  (1125)  

    Merci, madame la présidente.
    Merci aux deux chefs de leur présence.
    Ma première question concerne l'engagement de la collectivité, et je saurais gré aux deux chefs de nous faire leurs commentaires. Nous avons entendu parler de ces cas de revendications particulières ou globales, qui sont extrêmement importants pour vos collectivités. Comment facilitez-vous l'engagement communautaire et l'éducation dans le processus des revendications, et avez-vous des pratiques exemplaires à expliquer au Comité?
    Chez nous, nous avons traité de plusieurs revendications particulières. Notre collectivité est bien informée. Lorsque nous acceptons une revendication, nous devons tenir un référendum. Nous transmettons beaucoup d'information aux membres, qui sont bien informés. Nous gardons les fonds dans une fiducie, dans toute la mesure du possible, pour être sûrs qu'ils seront toujours là.
    Mais nous n'avons pas réglé la grande question de notre revendication territoriale. Les revendications particulières sont limitées. Elles ne rapportent pas beaucoup d'argent, sauf pour quelques-unes qui sont actuellement en négociation, et qui pourraient faciliter, jusqu'à un certain point, l'amélioration des services dans la collectivité. Nous avons les mêmes problèmes que les autres collectivités. Pour les programmes et les services, qu'il s'agisse de la police ou des services de santé, il n'y a jamais assez d'argent. Bien évidemment, si une revendication nous rapporte des fonds, nous pourrons améliorer les services pour l'ensemble de nos membres.
    Je vais demander à Robert de répondre à votre question, car il travaille davantage en éducation.
    La CNEQ a créé l'école naskapie, que le Canada finance à 75 % et le Québec à 25 %. Tous les trois ans, nous négocions avec le Québec et le Canada notre financement triennal. Cela se passe bien aux niveaux élémentaire et secondaire. Comme je l'ai dit, un grand nombre de Naskapis sont à l'extérieur: il y en a 100 qui font des études postsecondaires et prennent de la formation professionnelle. Aujourd'hui, notre défi est de doter Kawawachikamach d'un centre de formation professionnelle et de formation postsecondaire, ici même, à Kawa.
    Merci.
    Ma prochaine question concerne les revendications globales. Lorsque vous engagez un processus de revendications globales, il y a divers mécanismes d'aide pour vous aider. Selon vous, faudrait-il instaurer de nouveaux systèmes d'aide ou rajuster ceux qui existent déjà afin de mieux appuyer nos collectivités autochtones qui se lancent dans le processus des revendications globales.
    Comme je l'ai mentionné tantôt, nous n'appuyons pas la politique actuelle. Une politique qui éteint nos droits est inacceptable. C'est pourquoi nous disons qu'il faut changer et modifier la politique pour nous donner la place qui nous revient et nous laisser gérer nos affaires — mais pas d'extinction. Manifestement, les règles d'engagement doivent être bien établies et les avantages doivent se concrétiser, mais nous devons avoir notre place, comme les gouvernements ont la leur et comme la province a la sienne.
    C'est pourquoi la politique actuelle est inacceptable pour notre nation, manifestement à cause de l'exigence d'extinction pour avoir un traité. Nous ne pensons pas qu'il faille éteindre quoi que ce soit pour avoir une entente pratique.
    Auriez-vous des recommandations à faire pour cela?
    La recommandation serait essentiellement de reprendre la revendication globale depuis le début, d'éliminer les exigences d'extinction et de privilégier un processus où les gouvernements sont reconnus et qui nous fait profiter des ressources sur nos territoires traditionnels. Ces ressources appartiennent à notre peuple aussi. Nous étions les premiers arrivés, et nous sommes d'avis que c'est un processus qui nous aide vraiment à reconstruire nos gouvernements et nos collectivités, à assurer les services essentiels, et à donner de l'emploi à tout notre monde. Je le répète, c'est triste; un très grand nombre de nos membres sont assistés sociaux, et cela n'a pas sa raison d'être.

  (1130)  

    Merci.
    Vous auriez peut-être quelque chose à ajouter, chef Swappie. Le processus des revendications globales a plusieurs mécanismes pour vous aider. Pensez-vous qu'il y a de nouveaux mécanismes de soutien ou des rajustements à mettre en place aujourd'hui, ou avez-vous des recommandations à faire pour aider nos collectivités autochtones?
    Nous avons déjà la Convention du Nord-Est québécois, un traité moderne, qui ne s'applique pas vraiment à nous.
    J'ajoute que nous ne sommes pas vraiment maîtres de notre territoire, car nous relevons de l'administration régionale Kativik ou l'ARK. Nous avons soulevé des problèmes avec l'administration régionale Kativik. Nous sommes encore en pourparlers au sujet de certains dossiers concernant les terres avec le CCEK, le Comité consultatif de l'environnement Kativik, et la Commission de la qualité de l'environnement Kativik, la CQEK. Les deux tables ont des représentants à l'ARK, mais pas la nation naskapie. Les Naskapis ne digèrent pas cela.
    Merci.
    Nous abordons la prochaine ronde de questions avec M. Waugh.
    Merci d'être là. Il y a un an, les gouvernements du Canada et de l'Ontario ont conclu un accord de principe, comme vous le savez, avec les Algonquins de l'Ontario pour les terres où se trouvent la Chambre des communes, les plaines Lebreton, la Cour suprême.
    Deux mois plus tard, votre groupe, chef Whiteduck, s'est amené avec une revendication de titre. Le dossier est très complexe lorsqu'il est question de chevauchements comme nous avons ici aujourd'hui. Vous avez été très clair dans votre déclaration en parlant de tout recommencer, mais vous pourriez peut-être parler aussi des complexités, lorsque vous traitez avec plusieurs groupes ici, d'une revendication territoriale qui comprend la Chambre des communes, la Cour suprême et les plaines Lebreton, qui vous appartiendraient, dites-vous.
    Je crois sincèrement que le gouvernement a eu tort de transiger avec une seule collectivité. Il y a quelques années, nous avons voulu enclencher une revendication territoriale globale, seule chose à faire depuis la décision tsilhqot'in qui a reconnu le titre. Nous avons essayé de réunir toutes les collectivités, et nous en avons rejoint cinq ou six. Les Affaires indiennes nous ont répondu que non, elles ne feraient rien avec nous à moins que nous mobilisions toutes les collectivités. Mais alors le ministère s'est ravisé et a négocié d'abord avec une seule collectivité, Pikwakanagan. Il a négocié avec elle, et d'autres collectivités sont sorties de nulle part, des Algonquins autodéclarés que le gouvernement a trouvé moyen de reconnaître; elles n'ont même pas leur place dans la Loi sur les Indiens en tant qu'Indiens inscrits.
    Le gouvernement aurait dû dire alors à la nation la même chose qu'à nous: allez faire vos devoirs et nous négocierons avec l'ensemble de la nation. Aujourd'hui, il n'en est pas question. Le gouvernement a préféré traiter avec une seule collectivité, ce qu'il refuse de faire avec nous.
    Nous ne comprenons pas ce qui se trame ici. Nous avons des problèmes avec une collectivité juste au nord, où le gouvernement du Canada a participé à une discussion trilatérale sur la gestion des ressources, une discussion dont toutes les autres collectivités ont été exclues. Le principe de la division pour régner est en voie de prendre racine.
    C'est un territoire algonquin, il appartient à la nation, et les retombées devraient revenir à toute la nation. Le gouvernement aurait dû prendre cette position: nous sommes disposés à négocier avec vous, la nation. Si nous rencontrons une collectivité et acceptons de conclure une entente administrative, c'est correct. Cela ne porte pas atteinte aux droits des autres peuples.
    Aujourd'hui, nous refusons de laisser l'Ontario négocier nos droits. L'Ontario peut toujours négocier ses droits à elle; nous garderons les nôtres sur le territoire visé. Mais, de fait, le gouvernement du Canada a manqué à son devoir en accordant ce qu'il nous avait refusé au Québec.
    Deux mois plus tard, vous avez déposé une revendication. Où en est-elle? Deux mois plus tard, après que le Canada l'eut produite, avec l'Ontario et les Algonquins, en octobre, et jusqu'à ce que vous produisiez la vôtre en décembre, avez-vous été entendus?

  (1135)  

    Ma foi, nous devions certainement faire quelque chose. Nous ne sommes pas d'accord sur le processus, et nous le leur avons fait savoir.
    Le ministère des Affaires indiennes a accepté récemment d'engager des pourparlers par voie de protocole d'entente. Nous formulons les principes et les questions à débattre. Dans l'intervalle, nous avons accepté peut-être de mettre notre cause en veilleuse le temps de la discussion.
    Ce ne sera peut-être pas demain la veille. Au début, vous avez été exclus de l'entente en octobre 2016.
    Que voulez-vous dire par « exclus »?
    Eh bien, l'entente a été signée le 18 octobre 2016, puis vous avez découvert que vous n'en étiez pas.
    Essayez-vous de parler avec d'autres groupes des Premières Nations lorsque vient le temps de débattre de ces problèmes complexes, qui se chevauchent... lorsque nous traitons non seulement avec le gouvernement fédéral, mais encore avec les gouvernements provinciaux.
    Je ne pense pas que nous avons été exclus. Nous avons des droits et nous pouvons lancer... Si le gouvernement du Canada ne veut pas prendre position pour nous traiter équitablement, nous n'avons pas d'autre choix que de nous adresser aux autres tribunaux. Nous disons que nous n'avons pas d'autre choix; que d'autres collectivités l'ont déjà fait. Nous nous adresserons aux autres tribunaux pour tout notre territoire lorsqu'il sera question du titre, mais nous préférerions de loin négocier et tomber d'accord sur un processus acceptable. C'est la voie que nous privilégions toujours.
    Lorsque ce n'est pas ainsi que cela se passe et que les conditions sont si dures pour nous, quel choix les Premières Nations ont-elles? Elles s'adressent aux tribunaux.
    Si je ne m'abuse, vous avez 54 revendications particulières. C'est ce que je viens de voir ici. C'est beaucoup.
    Oui, mais beaucoup sont de petites revendications. Bon nombre de ces revendications sont d'ordre financier. C'est assez simple.
    Dans le cas d'un processus de revendications particulières, le problème, c'est la formule 80-20. Les 80 % à taux simple et les 20 % à taux composé nous posent un problème. Il y a eu deux ou trois décisions récentes. Cela a été modifié. Il n'est peut-être pas nécessaire que ce soit 100 %, mais ce doit être plus juste, à mon sens.
    Bien dit.
    À votre tour, chef Swappie. Merci à vous-même et à M. Prévost de votre présence.
    Avec « 40 ans de recul » pour le financement, proposez-vous, alors, d'uniformiser le traitement de tous les accords? Nous vous avons entendu: vous estimez que les Naskapis ne sont pas traités sur le même pied que les Cris et les Inuits. Qu'en est-il au juste?
    Bien sûr, vous avez signé avant les autres, et vous n'avez pas fait inscrire le coût de la vie dans vos accords. Je le vois bien; et aujourd'hui, vous payez le prix. Voulons-nous un « même accord pour tous », ou...?
    Nous avons fait des tournées. Je suis probablement le plus sensibilisé ici, parce que les autres sont arrivés en retard de Yellowknife; je ne les ai pas accompagnés. Dans ce dossier, nous avons entendu que « nous voulons les revendications particulières pour nous », mais voilà que, pour le financement, vous dites: « Eh bien, ils ont obtenu ceci et cela, et nous avons été exclus et nous voulons la même chose qu'eux. »
    Pouvez-vous nous expliquer cela un peu? Vous avez parlé longuement de ce que vous n'avez pas et de ce qu'ils ont, et vous voulez la même chose qu'eux. Je me demande donc si c'est une solution unique pour tous? Ce n'est pas ce que j'ai entendu lors de mon voyage du mois dernier. Chaque groupe veut son propre accord de financement.
    Vous avez été distancés et vous voulez reprendre le terrain perdu, et vous vous êtes tournés vers d'autres secteurs de compétence pour vous rattraper.
    Une réponse brève, je vous prie. Vous avez une vingtaine de secondes.
    Je ne risque pas de me tromper en disant que c'est en partie notre faute. Nos dirigeants n'ont pas été très progressistes dans le suivi des accords, et voilà ce qui arrive aujourd'hui: nous faisons des suivis et du rattrapage.
    Oui.
    Nous aimerions revoir les accords, car il nous semble que beaucoup de choses ont été oubliées, comme la garderie. Leur accord ne prévoyait rien pour les garderies.
    C'est vrai, je pense.
    Poursuivons, car mon temps est épuisé. Merci.
    Merci.
    Monsieur Saganash.
    Bienvenue à nos invités.
    Chef Whiteduck, je commence par vous. Vos propos de ce matin sont très riches. Vous n'êtes pas satisfait de la structure des revendications territoriales; ce sont les fonctionnaires qui décident tout, qui fixent les règles du jeu. De plus, il y a un désaccord total au sujet de l'extinction et de la certitude. J'ai pris des notes de tout ce que vous avez dit. De même, vous devriez être partie au développement économique sur votre territoire traditionnel. Et vous avez dit que cette politique sur les revendications territoriales globales est à mettre à la poubelle.
    Ce sont toutes des choses que vous avez dites, ce qui ne vous a pas empêché de conclure en disant qu'il faut changer la politique. Proposez-vous de maintenir la politique?

  (1140)  

    Non. Je ne pense pas que la politique dans sa forme actuelle nous rend service, en tout cas pas à notre nation. Il faut la refaire du début à la fin. Nous voulons la place qui nous revient. Nous avons une instance de régie; vous avez la province et vous avez le gouvernement fédéral. Nous voulons notre place.
    J'apprends que le Comité négocie une solution unique, qui donnera la même chose à tout le monde. Je ne trouve vraiment pas que ce doit être une affaire de programmes et de services. Il y a des recettes qui découlent des ressources. Elles devraient nous revenir.
    Nous avons des barrages sur nos territoires. Nous avons des activités forestières, des activités minières, dont nous ne tirons rien. Elles nous appartiennent aussi. Nous devons faire partie du développement économique. Nous devrions en profiter aujourd'hui, demain et après-demain. Ce ne devrait pas être un accord uniforme, ponctuel, du genre « prenez votre chèque et allez vous faire voir ».
    Voulez-vous dire que vos griefs devraient être guidés par la politique du gouvernement fédéral? C'est ma question.
    Ma foi, s'il y a une politique, ce devrait être en consultation avec les Premières Nations, les Algonquins. Selon nous, il y a une meilleure façon de faire. Il est possible de conclure un accord avec toutes les parties, un accord où nous aurons notre place. Nous croyons que c'est possible.
    Encore une fois, je pense que c'est parfaitement conforme à l'article 27 de la Déclaration de l'ONU, où il est question de mettre en place et d'appliquer « en concertation avec les peuples autochtones..., un processus équitable, indépendant, impartial, ouvert et transparent ». Est-ce ce que vous êtes en train de dire à notre comité.
    Certes, c'est la base.
    Merci.
    Je vais maintenant m'adresser à vous, chef Swappie et monsieur Prévost.
     [Le député parle en cri.]
    J'allais vous interroger sur certaines des difficultés posées par la Convention du Nord-Est québécois. Vous avez dit dans votre témoignage qu'il faut revoir votre CNEQ — c'est le terme que vous avez employé — et se pencher sérieusement sur les moyens de l'appliquer. Nos politiques actuelles aideraient-elles à faire ce dont vous parlez?
    Je ne connais pas bien les politiques actuelles, mais je crois que le Québec a une obligation en ce qui a trait à ces conventions. Je crois qu'il doit intervenir. Nous sommes ici maintenant parce que le Canada a un rôle à jouer pour veiller à ce que ces politiques soient mises en oeuvre par le gouvernement du Québec.
    Robert a peut-être quelque chose à ajouter.
    D'abord, du fait que tous ces services publics sont offerts dans le cadre de la Convention du Nord-Est québécois ou CNEQ, nous sommes en contact avec un ministère différent, ministère de l'Éducation, ministère de la Santé, etc., pour chacun des services que nous recevons. La nation naskapie est une petite nation dont la population est d'environ 1 300 personnes. Nous n'avons pas la capacité qu'ont les Inuits ou les Cris ou d'autres grands groupes. Lorsque nous traitons avec ces ministères, nous devons négocier et leur démontrer que le financement n'est pas suffisant. La négociation a sa propre dynamique. Il faut beaucoup de temps pour avoir accès au budget qui est affecté à la CNEQ, et cela crée beaucoup de frustration chez les Naskapis. Nous ne disons pas que nous voulons avoir la même chose qu'elles, mais nous voulons montrer, pour que cela serve de repère, que ces communautés obtiennent le financement dont elles ont besoin pour la mise en oeuvre.
    La CBJNQ, et la CNEQ sont similaires. Pour quelle raison n'obtenons-nous pas le même financement lorsque nous le demandons et nous démontrons en avoir besoin? Pourquoi? La seule raison est peut-être que nous sommes trop peu nombreux et que nous n'avons pas suffisamment de poids politique pour inciter les différents ministères à nous fournir du financement. Cela ne devrait pas être ainsi. En ce qui a trait à la CNEQ, elle comporte des engagements qui devraient être mis en oeuvre dans chaque communauté qui a signé ces traités modernes.

  (1145)  

    J'allais justement vous poser une question à ce sujet. Est-ce la seule raison qui explique la disparité entre les Cris et les Naskapis, et entre les Inuits et les Naskapis? Vous avez mentionné quelques chiffres, et la différence est assez importante. S'agit-il, selon vous, de la seule raison qui explique la disparité et l'écart entre votre peuple et les autres groupes qui ont signé des ententes similaires?
    C'est l'une des raisons importantes qui nous viennent à l'esprit. Toutefois, nous ne sommes pas dans la tête des différents sous-ministres et fonctionnaires des ministères qui prennent ces décisions. Peut-être qu'au fil du temps, nous n'avons pas été suffisamment combatifs.
    Y a-t-il une différence dans le libellé de ces deux conventions? Les dispositions de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois sont-elles différentes de celles de la Convention du Nord-Est québécois?
    Je crois que le libellé est à peu près identique, ou peut-être similaire, mais qu'il y a des éléments qui ont été laissés de côté dans notre convention par rapport à celle de la Baie-James, comme le programme de soutien des chasseurs. Au fur et à mesure que la population augmente, le financement augmente aussi, mais dans le cas des Naskapis, il n'y a rien dans la convention qui précise cela. Il s'agit uniquement de l'indexation courante.
    Nous avons entrepris un dialogue soutenu avec les Cris et les Inuits, parce que nous souhaitons obtenir un traitement similaire au leur, sinon identique, mais à tout le moins équivalent à ce qu'ils ont aujourd'hui.
    Merci.
    C'est autour de M. Amos de poser des questions.
    Meegwetch à nos trois intervenants. Vos points de vue sont très appréciés. Les connaissances et l'expérience que vous apportez à cette table sont importantes.
    Chef Swappie, vous pouvez être assuré que les députés ici présents prendront connaissance de votre mémoire écrit, ce qui fait que les détails que vous n'avez peut-être pas eu le temps de présenter verbalement seront certainement pris en compte.
    J'aimerais adresser la majorité de mes questions au chef Whiteduck, sur le territoire de qui se trouve ma circonscription. J'ai eu le privilège de collaborer avec lui à de nombreuses reprises, et aussi récemment que samedi dernier.
    Je reconnais qu'il s'agit de la première fois que nous avons l'occasion d'interagir dans un contexte parlementaire. Je sais que cette interaction passera à la postérité, grâce au compte rendu, ce qui fait que je veux être judicieux dans mes questions.
    Chef Whiteduck, vous dirigez votre communauté depuis les années 1970, ce qui vous distingue dans cette assemblée. En fait, parmi tous les leaders parlementaires, il y en a très peu qui ont votre expérience de la direction d'une nation. Pouvez-vous me parler un peu de la façon dont vous avez vu évoluer la politique du gouvernement fédéral à l'égard des revendications globales, et plus particulièrement en ce qui a trait à l'expérience algonquine? D'où cela est-il parti? Nous avons entendu votre opinion sur la situation dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle. Nous comprenons votre position en ce qui a trait à l'extinction des droits, etc.
    Où tout cela a-t-il commencé, à votre avis, et vers quoi souhaiteriez-vous que cela évolue de façon plus particulière?
    Nous avons noté certains changements au fur et à mesure que le temps a passé, des changements cosmétiques, si vous voulez mon avis. Les principaux sujets de préoccupation pour nous, l'extinction des droits et la certitude, sont difficiles à accepter et à digérer. Comme je l'ai mentionné il y a un certain temps, nous préférerions que cela soit mis de côté et que des modalités entièrement nouvelles soient conclues pour résoudre certains des problèmes qui touchent notre nation. Il s'agit de toute la question de la gestion des ressources et de la possibilité que nous ayons notre mot à dire à ce sujet et que nous obtenions des résultats pour les communautés de notre nation, non seulement la nôtre, mais l'ensemble des communautés algonquines. La politique et le système existants ne correspondent pas bien aux objectifs que nous visons dans notre démarche en vue d'occuper la place qui nous revient.
    J'entends maintenant que le chef des Naskapis soulève les problèmes ainsi que les éléments limités... Si l'on ne négocie pas prudemment, on se retrouve à payer le prix et à dire, d'accord, c'est l'entente qui a été conclue. Nous disons que nous voulons occuper la place qui nous revient. Nous voulons être les cogestionnaires des ressources. Nous voulons nous assurer d'obtenir un rendement permanent de l'utilisation de nos terres, sans évincer quiconque de son territoire. C'est cela que nous recherchons.
    La politique se situe très loin de cela. Nous savons qu'il y a des décisions prises par les tribunaux. Pensons à la décision Tsilhqot'in dans laquelle le titre ancestral a été reconnu. Nous allons voir vers quoi cela va évoluer aussi, mais nous voulons définitivement obtenir la place qui nous revient et nous ne croyons pas réellement que la politique et les changements cosmétiques qui ont été apportés nous permettront d'obtenir ce que nous voulons.

  (1150)  

    Lorsqu'il est question de la règle 80-20, et que vous indiquez qu'un taux composé pour 100 % des sommes n'est peut-être pas nécessaire pour obtenir un « oui » concernant une meilleure approche, de toute évidence, la différence entre un taux composé pour 20 % d'un montant particulier offert par le gouvernement pendant un certain nombre d'années et un taux d'intérêt plus élevé, composé sur de nombreuses années dans le cas des Algonquins, aura un impact majeur. Quelle approche serait selon vous plus équitable, et comment peut-on y arriver sans mettre le pays en faillite? Je dis cela parce que je crois que nous devons obtenir un « oui » au sujet de ces enjeux. Il est important pour nous de le faire.
    Toutefois, vos propres tribunaux, vos propres juges que vous avez nommés au Tribunal des revendications particulières, ont dit récemment, voilà, votre formule ne fonctionne pas, nous ne sommes pas d'accord, et l'intérêt devrait être composé. Il y a eu une révision judiciaire et vous vous êtes retiré du processus et vous avez accepté cette situation particulière. De toute évidence, un intérêt composé pour 100 % du montant pourrait poser un problème, mais il s'agirait de la bonne chose à faire.
    Je comprends que le coût peut être énorme, sans aucun doute, pour certaines revendications. La revendication dont il est question dans notre cas, les quelque 20 revendications qui sont comprises dans cette approche globale, signifierait probablement 400 millions de dollars si l'intérêt composé était appliqué à l'ensemble du montant. Nous demandons à tout le moins que soit élaborée une formule plus juste. Nous suggérons...
    À l'heure actuelle, les fonds de nos bandes sont passés en revue, et on nous demande comment nous aurions dépensé cet argent si nous l'avions eu. Nous avons fait la preuve que depuis 1873, au moment où ces revendications ont eu lieu, nous avons dépensé en moyenne environ 30 %. Cela signifie que 70 % de l'argent a été conservé. La formule devrait donc être 70-30. Cela signifie que l'offre qui est sur la table triplerait au moins. Il se peut que cela soit problématique, mais c'est là où nous en sommes.
    À l'heure actuelle, nous procédons avec une entreprise d'audit à une étude qui a été organisée conjointement par nous et Affaires indiennes, afin d'examiner les fonds de notre bande. L'examen a pris fin et il semble que l'option 70-30 l'emporte. De l'intérêt composé pour 70 % des fonds représente évidemment beaucoup plus d'argent que de l'intérêt pour 20 % des fonds, cela ne fait aucun doute. Mais qu'est-ce qui est équitable? Je crois bien que cela fait partie de la négociation. Il pourrait s'agir d'un taux moindre, ou de quelque chose s'en approchant, mais je crois qu'on ne devrait pas aller plus bas que 50-50. Nous continuons de dire que si, à l'heure actuelle, le processus se situe à 70-30, nous allons aller avec cela.
    Comment le gouvernement fédéral peut-il collaborer avec toutes les composantes de la nation algonquine, pour l'avenir, en vue d'en arriver à une entente finale dans laquelle les droits sont reconnus et la question de l'extinction est laissée de côté?
    Pour le moment, nous avons été approchés par des cadres qui nous ont dit, d'accord, nous voulons conclure un protocole d'entente pour examiner tous ces enjeux avec vous, en laissant de côté l'extinction des droits. Je crois que cela ouvre un peu la porte, heureusement, et nous souhaitons explorer cette possibilité au cours des 12 prochains mois. Si ce processus fonctionne pour nous, les autres communautés algonquines pourront emboîter le pas si elles le souhaitent. Il est à souhaiter que cela évolue vers quelque chose de plus respectueux et équilibré, afin que la génération actuelle et que les générations futures puissent profiter des mêmes choses que nous.
    Merci. Meegwetch.
    C'est au tour de M. Viersen de poser des questions.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos invités d'être présents ici aujourd'hui.
    Un certain nombre des intervenants qui ont participé précédemment à cette étude ont parlé un peu des échéances. Comme l'a dit le représentant du Tribunal, je crois, il n'y a rien qui motive plus les gens qu'une date d'audience, essentiellement. Puis-je avoir votre avis à ce sujet? Si vous le pouvez, donnez-nous un aperçu du temps que certaines de ces choses ont pris, selon votre expérience, et dites-nous si une date fixe serait utile dans certains cas?
    Nous pouvons commencer avec vous, chef Whiteduck.

  (1155)  

    De toute évidence, le processus relatif aux revendications particulières pourrait être accéléré. Si nous précisions le plan de jeu, et plus particulièrement le calcul de la valeur d'une revendication, compte tenu de la perte de revenus et de tout le reste, ces choses pourraient être de toute évidence faites sur une période de trois ans. Je ne crois pas qu'elle devrait s'étirer sur 10 ou 15 ans. Si l'on parle de plusieurs petites revendications, elles pourraient être résolues très rapidement, à mon avis, au plus tard un an après que les personnes concernées ont accepté de négocier. L'objectif devrait être atteint en un an. Pour la plupart des revendications, les choses pourraient se dérouler assez rapidement, je crois.
    La revendication territoriale touchant le territoire occupé par les Algonquins prendra plus de temps, à mon avis, de cinq à dix ans, je crois. Vous ne pouvez pas négocier et fixer toutes les règles et tous les règlements qui régiront le processus en une année, j'en suis certain. Au minimum, je crois, comme je l'ai mentionné, nous devrions pouvoir le faire en cinq ans, ou en dix ans au maximum.
    Chef Swappie, quelle a été votre expérience au sujet des échéances, et que diriez-vous d'échéances fixes selon lesquelles un règlement devrait être conclu à une date particulière?
    Pouvez-vous répéter la question?
    Nous avions le directeur du Tribunal ici, et selon lui, rien ne motive davantage les gens à conclure une entente qu'une date d'audience. Il a essentiellement mentionné que, quelle que soit la négociation, il devrait y avoir une date définie fixée au départ, qui ferait en sorte que l'entente soit conclue avant cette date. Cela force les deux parties à respecter les échéances.
    Êtes-vous d'accord avec cette affirmation, ou diriez-vous qu'une date ferme n'est pas nécessairement souhaitable lorsque le but visé est de conclure la bonne entente? C'est le dilemme qui se pose: on souhaite une bonne entente, mais cela peut prendre du temps, et pour forcer la conclusion de l'entente, on impose une date ferme. Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions concernant ce scénario?
    À mon avis, nous ne devrions pas avoir à fixer de dates fermes ou de dates d'audience si la mise en oeuvre était faite de façon appropriée. Nous avons un exemple classique du temps que nous avons dû attendre. Notre entente a été signée en 1978, et il a fallu au moins 40 ans pour que l'un des dossiers se concrétise.
    Une entente de partenariat avec le Québec a été conclue en 2009 pour faire progresser ce processus, et le mois dernier, est-ce que...?
    Oui, la mise en oeuvre a commencé.
    Dans la CNEQ, il est dit qu'on devrait recruter et former des Naskapis comme agents de protection de la faune. On était alors en 1978. La Convention a été mise en oeuvre avec les Cris et les Inuits, et nous avons demandé cela pendant des années. En 2005, nous avons intensifié nos demandes. Dans l'entente de partenariat avec le Québec, il était dit que cela serait mis en oeuvre, mais ce n'est que cette année que nous avons reçu le financement. Un agent adjoint de protection de la faune naskapi sera recruté le 1er avril 2018.
    Il a fallu 40 ans au Québec pour mettre en oeuvre un engagement de la CNEQ, alors qu'il était déjà en vigueur avec les Inuits et les Cris. Pendant 40 ans environ, tout était déjà écrit noir sur blanc.
    Il nous reste une minute.
    Vance, voulez-vous prendre la parole?
    Quel bel accueil au sein du Comité.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Vance Badawey: Merci, madame la présidente.
    Je vais prendre le temps de poser une question, et je vais vous donner le temps d'y répondre réellement.
    Je reconnais que dans vos communautés, vous établissez des plans et des visions stratégiques qui, dans les faits, sont consolidés et mis en place par l'ensemble de la communauté, et non pas uniquement par une personne ou deux. Cela comprend la détermination d'objectifs, l'élaboration de plans d'action connexes et, évidemment, des tentatives en vue d'exécuter ces plans en fonction des ressources dont vous disposez.
    Dans un contexte de résurgence économique, sociale et environnementale, comment s'inscrit votre avenir dans le mûrissement de ce dialogue, et qu'est-ce que cela peut ajouter dans les faits pour vous faciliter la tâche, afin que vous puissiez respecter les recommandations comprises dans vos plans stratégiques?

  (1200)  

     Nous avons entendu beaucoup de grands discours et de commentaires de la part du premier ministre et de ce gouvernement, mais nous devons voir des mesures concrètes. Nous croyons que s'il existe une volonté, on pourra y arriver, mais il arrive parfois que la volonté politique ne soit pas là. En réalité, nous avons un plan stratégique pour l'ensemble de notre communauté. Lorsque nous nous penchons sur le développement de la nation, chaque communauté qui la constitue se situe à un niveau de développement différent, et le processus est parfois lent pour que l'on atteigne la vitesse de croisière concernant certains des enjeux clés.
    De toute évidence, les choses devraient changer. Si la volonté politique est là, il est à souhaiter que nous puissions apporter plusieurs améliorations au cours des 10 prochaines années.
    C'est l'objectif visé.
     Cela met fin à cette partie de nos travaux aujourd'hui. Je veux vous remercier d'avoir pris le temps de vous présenter devant le Comité permanent et de nous soumettre vos réflexions et vos mémoires. Meegwetch.
    Nous allons suspendre la séance, afin que le prochain groupe puisse prendre place.

  (1200)  


  (1205)  

    La séance est à nouveau ouverte. Merci à tous de vous être installés aussi rapidement.
    Nous traitons d'une question très complexe, c'est-à-dire corriger des erreurs du passé, se pencher sur des processus qui ont été court-circuités, et envisager un processus de réconciliation, ce qui fait que nous voulons entendre votre point de vue. Comme députés, nous serons en mesure de rédiger un rapport qui sera soumis à la Chambre. Le ministre et le ministère réagiront, et cela sera du domaine public. Cela contribuera à soulever des questions et à faire progresser ces dossiers. C'est à tout le moins l'objectif que s'est fixé ce comité, soit faire partie de la solution.
    Nous souhaitons la bienvenue aux deux groupes. Comme vous le savez, le processus commence par des exposés de 10 minutes. Je vous informerai du nombre de minutes qu'il vous reste lorsque nous approcherons de la fin de votre intervention. Je vous ferai signe de conclure. Après cela, nous allons passer à une période de questions et réponses des députés.
    Nous allons commencer par le président de l'ITK.
    Monsieur le président, bienvenue. C'est agréable de vous voir à nouveau.
    Merci beaucoup, membres du Comité et collègues du gouvernement du Nunavut. Nous sommes heureux d'avoir la possibilité de faire des observations en votre présence aujourd'hui.
    J'aimerais d'abord dire que les revendications territoriales affectent tous les Inuits du territoire de l'Inuit Nunangat. Nous avons grandi dans le contexte de négociations entre nos organisations et le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires portant sur nos droits et notre avenir. Nous avons grandi à une époque de grande instabilité et donc les gens de ma génération conçoivent les revendications territoriales d'une façon très spécifique et personnelle, nous rappelant immédiatement que nos organisations ne recevaient alors aucun financement et que nous avons dû emprunter de l'argent pour négocier les questions territoriales dans de nombreux cas, pendant 20, 25 et même 30 ans.
    À ce jour, des accords sur les revendications territoriales ont été signés dans quatre régions de l'Inuit Nunangat. Il existe un gouvernement autonome du Nunatsiavut, à Terre-Neuve-et-Labrador. C'est le troisième ordre de gouvernement. Nous avons ensuite le Nunavik dans le nord du Québec, le Nunavut, bien sûr, et les territoires créés dans le cadre de l'accord sur les revendications territoriales, puis l’Inuvialuit Regional Corporation dans les Territoires du Nord-Ouest. Ensemble, ces régions forment l'Inuit Nunangat, notre territoire inuit. Il représente environ 33 % de la masse terrestre du Canada et plus de 50 % de ses côtes. C'est un espace gigantesque cogéré par les Inuits et des gouvernements, où règne une politique homogène.
    En plus de réfléchir aux effets des revendications territoriales sur le Canada et sur la carte du Canada, nous voulons également réfléchir à la façon dont elles modifient l'élaboration des politiques, à la façon dont le financement du gouvernement fédéral est attribué aux Canadiens, puis aux Inuits du Canada. Nous avons travaillé très fort au cours des dernières années pour revoir la façon dont le gouvernement attribue aux administrations inuites un financement pour les services essentiels tels que le logement et les soins de santé, ainsi que la façon dont les Canadiens perçoivent la relation entre les Inuits et l'État.
    Nous rencontrons encore d'énormes obstacles dans la mise en oeuvre des accords sur les revendications territoriales. Il est encore difficile de concrétiser les dispositions figurant dans les ententes telles qu'elles avaient été conçues. Comme toute mesure législative qui est adoptée, les accords sur les revendications territoriales ont un statut constitutionnel en ce sens qu'ils ont force de loi, si je puis dire. Mais on doit aussi penser au 95 ou 98 % du travail à effectuer une fois que le gouvernement canadien a signé la nouvelle législation ou le nouvel accord pour donner vie au projet.
    Nous avons rencontré des difficultés en tentant de travailler avec le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires pour envisager, par exemple, ce que la cogestion signifie en termes de prises de décisions relatives aux habitats fauniques, aux terres ou aux plans d'eau; comment s'appliquent les politiques d'approvisionnement dans le cadre des accords sur les revendications territoriales; la façon dont les occasions de développement économique se présentent; comment les ressources en éducation sont attribuées dans le cadre d'un contrôle juridictionnel; l'esprit et l'intention des accords, particulièrement pour ce qui est de former une main-d'oeuvre inuite, afin de tirer profit de l'extraction des ressources naturelles, mais aussi de saisir les occasions offertes par le gouvernement.
    Nous sommes encore loin de concrétiser le scénario de mise en oeuvre que nous avions tous imaginé, lorsque nous avons participé à l'exercice de création d'une nation consistant à régler l'ensemble des revendications territoriales avec les Inuits. Nous vivons toujours dans des conditions socioéconomiques qui sont parmi les pires au pays. Il existe un écart moyen de 60 000 $ entre le revenu des Inuits et celui des non-Inuits qui vivent sur le territoire de l'Inuit Nunangat, et les taux de scolarisation secondaire et postsecondaire sont très faibles.
    Je ne suis pas ici pour parler des lacunes de notre peuple, mais nous devons reconnaître qu'elles existent, afin de dynamiser notre démarche visant à créer une équité sociale au Canada. Hors des structures de mise en oeuvre liées aux ententes sur les revendications territoriales, il existe des aspects d'équité sociale qui n'ont jamais été négociés dans le cadre de ces ententes, mais qui doivent être pris en compte pour que les ententes sur les revendications territoriales soient appliquées intégralement. Il suffit d'évoquer les infrastructures et le fait que nous n'avons toujours pas l'accès au service à large bande dans l'Inuit Nunangat; nos pistes et nos ports sont insuffisants; nos subventions pour le transport par avion ou d'autres moyens favorisant la circulation des produits et services entre le sud du Canada et l'Inuit Nunangat sont insuffisantes. Ce sont toujours des pièces essentielles du casse-tête nécessaires pour assurer que les accords sur les revendications territoriales et l'honneur de la Couronne sont appliqués dans notre pays.

  (1210)  

    Nos ententes représentent plus qu'un nombre d'obligations. L'idée de devoir respecter chaque disposition, la lettre des lois, et ce, dans tout le gouvernement fédéral, tous les ministères et organismes des provinces et des territoires, n'est pas exactement ce que nous, les Inuits, avions imaginé en ce qui a trait aux accords sur les revendications territoriales. Cette nouvelle relation et ce cheminement vers la réussite commune, la certitude qu'obtient le Canada après avoir conclu des ententes globales sur les revendications territoriales avec les Inuits, particulièrement en ce qui concerne la souveraineté et le développement économique, sont des facteurs très puissants. Ces ententes font naître des occasions d'investissements dans l'Inuit Nunangat. Elles créent une certitude entourant la souveraineté du Canada dans l'Arctique et alimenteront les discussions de la prochaine génération sur le passage du Nord-Ouest et le transport maritime.
    Toutes ces considérations peuvent être perçues du point de vue de la relation que les Inuits ont avec le gouvernement fédéral, donc il faut faire plus pour mettre nos ententes en application. Il faut faire plus pour reconnaître les obligations existantes et la relation que nous avons déjà. Le fait qu'il y ait eu des procédures judiciaires et d'importantes préoccupations relatives à l'honneur de la Couronne et à l'intention de mettre nos ententes en oeuvre, est non seulement frustrant pour nous, les Inuits, mais aussi, du point de vue des Canadiens, ce n'est pas ce qu'on attendait.
    En ces temps de réconciliation, dans le cadre du cheminement vers la réussite commune, nous devons tous reconnaître que nous avons des obligations qui existaient avant cette nouvelle relation qui ne dure que depuis quelques années. Nous estimons que nous voulons honorer les relations préexistantes et les traités modernes qui ont force de loi. Nous travaillons également avec le gouvernement actuel, et la déclaration de partenariat entre les Inuits et la Couronne, signée à Iqaluit par le premier ministre et moi-même en février, décrit un certain nombre de priorités communes. La première est la mise en oeuvre des accords sur les revendications territoriales. C'est une priorité non seulement pour les Inuits, mais aussi pour la Couronne, de mettre en oeuvre des traités modernes et des ententes sur les revendications territoriales et de créer un nouvel esprit de partenariat avec les populations autochtones — dans le cas présent, avec les Inuits. Nous espérons vraiment que lors des budgets à venir, nous verrons la voie qui mène à cette nouvelle relation et à la mise en oeuvre de nos accords sur les revendications territoriales.
    Par exemple, une portion importante de la politique à venir sur l'Arctique devrait porter sur la mise en oeuvre des revendications territoriales ou le développement des infrastructures dans le cadre de cette relation renouvelée. Elle devrait cibler les problèmes de logement et le taux de surpeuplement de 40 %, car de meilleures conditions de logement pourraient non seulement stabiliser notre économie, mais également améliorer la santé de notre peuple. Cette politique devrait montrer que le Canada prône l'équité, que n'importe où vous vivez, vous avez droit à un niveau de services de base en tant que Canadien. Malgré tout, nous sommes toujours de fiers Canadiens. Nous sommes toujours patriotes, mais nous savons que nous avons des droits en tant que peuples autochtones, que ce soit sous l'égide des Nations unies, de la Constitution ou de nos accords sur les revendications territoriales.
    Nous souhaitons créer ce pays, cet espace que nous partageons avec vous, le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires, mais nous voulons le faire dans le cadre d'une démocratie inuite en évolution. Il existe un espace au sein de la Constitution pour les Inuits, et les accords sur les revendications territoriales font partie du cadre de cette relation. J'espère vraiment que nous trouverons une façon d'amener le Canada à reconnaître cette relation que nous avons déjà.

  (1215)  

    Nakurmiik.
    Merci.
    Nous allons maintenant à notre deuxième invité, le gouvernement du Nunavut, avec William MacKay et Susan Woodley.
    Vous avez la parole. Vous disposez de 10 minutes, puis nous passerons à une période de questions.

  (1220)  

    Merci, président Obed, pour vos observations.
    En début de présentation, j'aimerais mentionner que nous nous trouvons sur des terres algonquines non cédées.
    J'aimerais vous remercier d'avoir invité le gouvernement du Nunavut à discuter avec le Comité permanent aujourd'hui. Je m'appelle Bill Mackay et je suis sous-ministre au ministère de la Justice du gouvernement du Nunavut. Susan Woodley qui m'accompagne est conseillère des affaires autochtones au ministère de l'Exécutif et des Affaires intergouvernementales.
    Mme Woodley et moi-même avons tous deux été engagés étroitement et pendant plusieurs années dans les négociations et la mise en oeuvre des ententes sur les revendications territoriales au Nunavut. Comme les membres du Comité le savent et comme l'a mentionné le président Obed, les ententes modernes sur les revendications territoriales globales font partie intégrante de la gouvernance dans le Nord canadien. La première entente sur les revendications territoriales modernes, comme les membres du Comité le savent, a été conclue dans le Nord du Québec, puis, six ans plus tard, la convention des Inuvialuit a été conclue dans les Territoires du Nord-Ouest. Depuis, onze accords sur les revendications territoriales ont été conclus au Yukon, cinq dans les Territoires du Nord-Ouest et trois au Nunavut. Plusieurs ententes d’autonomie gouvernementale ont également été conclues au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest.
    Le Nunavut est administré par un gouvernement territorial qui, bien qu'il s'inspire fortement des gouvernements territoriaux publics au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, est étroitement lié à un accord sur les revendications territoriales modernes, et il est issu, en effet, de l'entente sur les revendications territoriales du Nunavut. Comme l'a mentionné le président Obed, cette entente a créé la région du Nunavut, laquelle est un immense territoire qui couvre presque l'ensemble du territoire du Nunavut. Comme les autres accords sur les revendications territoriales globales, il confère aux Inuits le titre en fief simple de grandes portions de terres de la Couronne. Il établit également un régime réglementaire en ce qui concerne le développement dans la région désignée du Nunavut et garantit des droits de récolte aux Inuits dans cette région.
    L'entente sur les revendications territoriales du Nunavut exige également que les gouvernements, fédéral et territorial, assurent la participation des Inuits aux politiques sociales et culturelles et qu'ils aident les Inuits à obtenir des emplois au gouvernement et à soumissionner pour des contrats gouvernementaux. Les obligations spécifiques incombant au gouvernement du Nunavut en vertu de cette entente, et en vertu de l'accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik et de l'entente sur les revendications territoriales de la région marine d'Eeyou, sont décrites plus en détail dans un mémoire écrit que nous avons présenté au Comité.
    Les ententes sur les revendications territoriales dans le Nord sont mises en oeuvre par les administrations fédérale et territoriales. Les mises en oeuvre sont régies par des accords de mise en oeuvre qui ne sont pas protégés d'un point de vue constitutionnel. Ils décrivent les activités de mises en oeuvre échelonnées sur des périodes précises, et ce sont des accords tripartites entre le gouvernement territorial, le gouvernement fédéral et le groupe autochtone concerné.
    Le point que nous voulons souligner est que, au moins à l'origine, les revendications territoriales dans le Nord n'incluaient pas le gouvernement territorial comme tierce partie dans les accords. La justification évoquée était que le gouvernement fédéral était responsable, du point de vue constitutionnel, de l'élaboration des traités avec les peuples autochtones. Néanmoins, la majorité des ententes sur les revendications territoriales dans le Nord sont maintenant des ententes tripartites. Certaines sont aussi des ententes d’autonomie gouvernementale qui requièrent par conséquent une pleine participation territoriale. D'autres, telles que les ententes sur les revendications territoriales dans le Yukon, sont des ententes tripartites simplement parce que le gouvernement territorial est reconnu comme un partenaire égal dans le processus de revendications territoriales, et la légitimité de l'entente dépend de la pleine reconnaissance du gouvernement territorial en tant que partie à l’accord.
    Nous estimons, madame la présidente, que ceci correspond à l'évolution du rôle des gouvernements territoriaux, devenus des partenaires égaux du gouvernement fédéral dans le Nord territorial.
    En résumé, les gouvernements territoriaux sont des gouvernements légitimes, élus démocratiquement. Bien qu'établis par l'entremise de la législation fédérale, ce sont des acteurs distincts du gouvernement fédéral. Ils participent pleinement aux négociations au sein de la fédération et sur un pied d'égalité avec les gouvernements provinciaux. Les habitants du Nord élisent ces gouvernements pour qu'ils représentent leurs intérêts et fassent voter des lois dans des secteurs dont les compétences législatives correspondent plus ou moins à la compétence attribuée aux lois provinciales, en vertu de la Loi constitutionnelle. En raison de cette réalité, les gouvernements territoriaux ont la responsabilité de mettre en oeuvre un grand nombre d'ententes sur les revendications territoriales dans le Nord. C'est pourquoi il est approprié et juste que les gouvernements territoriaux soient des partenaires égaux et considérés comme partie aux accords sur les revendications territoriales.
    Cette question constitue le point central du mémoire écrit que nous avons présenté, et nous avons inclus des commentaires précis sur le rôle des gouvernements territoriaux lors des futurs accords sur les revendications territoriales au Yukon, mettant en cause des groupes ayant des droits revendiqués sur le territoire du Nunavut. Certains de ces groupes ont comparu devant ce Comité. Il nous fera plaisir de discuter plus longuement des questions soulevées par ces groupes, de même que de toute autre question exposée dans notre mémoire écrit.
    J'aimerais souligner, en passant, qu'une période d'élection territoriale est en cours et qu'un nouveau gouvernement pourrait ne pas avoir les mêmes opinions que je défends ici, mais je dirais que le point de vue qui consiste à considérer les gouvernements territoriaux égaux aux autres gouvernements de la fédération est de longue durée et est partagé par les trois gouvernements territoriaux.

  (1225)  

    Madame la présidente, j'aimerais vous remercier de m'avoir permis de comparaître devant ce comité. Il nous fera plaisir de répondre aux questions du Comité.
    Merci.
    Très bien. Merci beaucoup.
    N'oubliez pas de déposer vos mémoires, ils seront intégrés au dossier officiel et nous aurons l'occasion de les examiner.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions. Il y aura deux séries. Nous allons commencer par un tour de sept minutes, puis nous poursuivrons avec un tour de cinq minutes.
    Nous commencerons avec le député Bossio.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Président Obed, c'est toujours un plaisir de vous avoir parmi nous et d'entendre votre témoignage. Les points de vue de votre peuple sont toujours communiqués de manière exceptionnelle, et j'ai un grand respect pour cela.
    Nous avons entendu tellement de témoignages dans tout le pays, mais le vôtre est beaucoup plus unique en ce sens que votre groupe est l'un des premiers à réaliser l’autonomie gouvernementale au Canada. Je connais la situation des Cris dans le nord du Québec et quand j'en ai parlé avec le député Saganash, il a affirmé que 20 ans de négociations supplémentaires avaient eu lieu après l'établissement de la revendication territoriale originale.
    Votre revendication territoriale dure depuis une génération. Votre expérience est-elle similaire? S'agit-il d'une entente en constante évolution ou le problème est-il justement qu'elle n'évolue pas autant qu'elle le devrait, comme un document dynamique plutôt qu'une entente statique?
    De façon très très générale, la difficulté réside dans le fait que lorsque les dispositions de l'entente sur les revendications territoriales sont mises à l'épreuve et mises en oeuvre, il semble y avoir des interprétations plus restrictives du côté du gouvernement fédéral et des interprétations plus larges du côté des Autochtones. Je crois que cela reflète simplement la façon dont nous avions envisagé la mise en oeuvre de l'entente sur les revendications territoriales, laquelle est encore contradictoire de nombreuses façons, et qui s'apparente plus à une négociation d'affaires qu'à un cheminement commun vers un avenir meilleur.
    J'ai toujours pensé que les revendications territoriales seraient une occasion pour les Inuits de développer leur potentiel et que les différentes parties des ententes pourraient adhérer à une même vision. Cependant, bien souvent lors de la mise en oeuvre des ententes ou des discussions sur les façons de mettre en oeuvre une disposition particulière d'une entente particulière, nous adoptons plutôt une approche du plus petit dénominateur commun où la préséance en droit et l'incapacité de voir plus loin que le prochain budget limitent les façons de mettre en oeuvre une disposition. J'ai en tête quelques exemples de cas sur lesquels j'ai travaillé personnellement ou des cas reliés à des organisations pour lesquelles j'ai travaillé. Chaque fois, je crois que nous perdons de vue l'intention première et le but que nous tentons d'atteindre ensemble.
    Je sais que c'est une affirmation très générale, ambiguë et bien intentionnée sur des réalités et des faits incontestables concernant la manière dont vous prenez des décisions, mais voilà, à mon avis, ce qui fait que nous ratons la cible la plupart du temps. Dès le premier jour des négociations, nous n'avons pas la même perception de ce que nous tentons de réaliser.
    Plutôt que de respecter l'esprit de l'entente, nous respectons la lettre de la loi.
    Oui.
    Vous avez également mentionné l'écart moyen de 60 000 $ entre le revenu des Inuits et celui des non-Inuits qui vivent sur le territoire de l'Inuit Nunangat. Vous et moi avons justement discuté de ce point juste avant la réunion, et il semble que ce soit une situation qui perdure, même une génération plus tard. Avez-vous constaté quelques différences au sein des populations autochtones sur le plan des emplois pour le gouvernement et du développement économique, tel que prévu à l'origine, à la signature de l'entente?

  (1230)  

    Nous sommes encore très loin de la formation d'une main-d'oeuvre inuite telle que nous l'avions tous imaginée à l'époque des revendications territoriales. Il est vrai que nous avons acquis un nouveau niveau de fierté en ce qui a trait à notre identité, à nos droits et à la place que nous occupons en tant que populations autochtones au sein du Canada et dans le monde. Nous espérons ardemment que nous pourrons subvenir aux besoins de la nouvelle génération et bien faire les choses — que nous fournirons des services de développement de la petite enfance, que nous recevrons une meilleure éducation, que nous pourrons éduquer nos enfants dans notre langue, l'inuktitut, et que nous comblerons les écarts socioéconomiques.
    Nous gardons toujours espoir, mais un grand nombre d'entre nous se sentent trahis, de plusieurs façons, car les améliorations qu'ils avaient imaginées à l'époque de la conclusion des accords sur les revendications territoriales ne se sont pas produites.
    Je suis heureux de voir que vous gardez espoir. Je le sens dans vos paroles et par la qualité de votre présence lors de nos rencontres. Mais comment atteindre ce but? Il me semble que la principale difficulté tient au manque de ressources humaines pour réaliser les objectifs à long terme des Inuits et des peuples autochtones partout au pays. Comment atteindre ce but?
    Eh bien, il y a tout d’abord l’espace où s’applique la politique budgétaire de l'Inuit Nunangat. Pour les Inuits, fois après fois, les sommes prévues pour les Autochtones dans les budgets ou les sections de budget, ou encore les allocations générales destinées à tous les Canadiens, ne se rendent pas à l'Inuit Nunangat. Cela s’explique par de nombreuses raisons, lesquelles ne joueraient plus si on créait un espace d’application de la politique correspondant à l'Inuit Nunangat. Éliminez les régions du Nord, de l’Atlantique ou du Québec pour les Inuits. Créez un espace homogène d’application de la politique pour l'Inuit Nunangat vers lequel les fonds seraient acheminés. Et puis, il y a aussi le pouvoir décisionnel concernant la façon de dépenser ces fonds à l’intérieur de l'Inuit Nunangat ou la participation à ce processus. Sans augmenter le moindrement les dépenses fédérales, vous pouvez changer la nature de la participation des Inuits ainsi que leur accès aux fonds alloués aux Canadiens. Voilà, je pense, la première mesure que nous devrions prendre.
    Qu’est-ce qui manquait à l’origine pour que cela ne soit pas mis en place dès le départ? Vous dites que le manque de participation ou l’absence de capacité décisionnelle… parce que je suppose que cela faisait partie, au départ, du projet d’autonomie gouvernementale, non?
    Coucher un dessein sur papier et croire qu’il s’accomplira sont deux choses différentes. C’est le point principal, je pense, qu’il faut retenir à ce sujet.
    Merci.
    C’est maintenant au tour de la députée Cathy McLeod de poser des questions.
    Je remercie tous nos invités qui se sont déplacés aujourd’hui.
    J’ai écouté avec attention ce que vous aviez à dire aujourd’hui, comme nous avons écouté nos témoins hier à Yellowknife. Je suis d’avis que le Sud a beaucoup à apprendre du Nord. Vous avez encore des défis à relever, mais je pense que sur beaucoup de plans, vous avez très bien réussi. Lorsque je considère la Colombie-Britannique, je me dis que nous avons certainement un long chemin à faire pour nous rendre là où nous voulons arriver. Je tiens à signaler le travail que vous avez accompli au fil des ans pour arriver où vous êtes.
    Je veux aussi dire que je croyais qu’une fois franchie l’étape des difficiles problèmes des revendications particulières et globales… Je sais que la mesure dans laquelle il existe effectivement des problèmes de mise en oeuvre est une chose que nous, en tant que comité, savons très clairement. Quelques solides recommandations nous ont été adressées à ce sujet.
    Cela étant dit, il y a quelques questions que je voudrais aborder ici. Tout d’abord, le présent gouvernement a pris des engagements quand même assez sérieux quant à ses intentions et à la destination qu’il envisage. Je m’inquiète parfois à cause du moratoire sur le pétrole et le gaz qui a été annoncé. À Washington, je pense que beaucoup de vos terres sont soudainement offertes en tant que parcs. Nous avons une taxe sur le carbone qui risque de se répercuter davantage sur le Nord que sur toute autre région du pays.
    Voici comment je perçois la situation. Étant donné le type d’ententes en place, est-ce que vous ne vous attendiez pas à un dialogue sérieux sur chacun de ces trois points avant qu’ils ne soient arbitrairement…? Je ne sais pas si vous avez reçu un préavis de quelques minutes ou d’une heure, mais je ne pense pas que ce qui s’est passé puisse être appelé une consultation.
    Qu’en pensez-vous?

  (1235)  

    Le fait qu’un moratoire ait été imposé avec un préavis d’une vingtaine de minutes aux gouvernements territoriaux a été une cause de frustration pour notre gouvernement. Cela est révélateur, je crois, d’un manque de compréhension ou de connaissance du rôle exercé par les gouvernements territoriaux dans le Nord. Le gouvernement fédéral a imposé le moratoire, ainsi que les autres mesures que vous avez mentionnées, sans tenir compte, je dirais, du rôle qui revenait aux gouvernements territoriaux dans ces décisions.
    Nous avons été déçus, bien sûr. Nous pensons que le gouvernement fédéral devrait reconnaître davantage la nature tripartite de la gouvernance dans le Nord, notamment le rôle du gouvernement territorial.
    Les difficultés du renouvellement d’une relation débutent lorsque vous ne savez même dans quelle relation vous vous trouvez. Tel est le cas des Inuits. Il arrive parfois que les paroles bien intentionnées de réconciliation ou de renouvellement des relations s’étendent à la compréhension que le présent gouvernement peut avoir de la politique autochtone, de la législation touchant les Autochtones ou de leurs droits, non à l’ensemble du tableau. Pour ce qui est des Inuits, nous avons toujours été en marge des discussions sur les questions autochtones, parfois parce que nous sommes arrivés alors que la partie était trop avancée à bien des égards — je sais que les ententes sur les revendications globales ne remontent qu’aux années 1970 —, mais aussi parce que notre poids démographique est relativement faible par rapport à l’ensemble de la population autochtone de ce pays.
    Il n’est pas utile qu’un gouvernement agisse de manière à ne pas respecter ses promesses à l’endroit des peuples autochtones. Au cours de l’été, le gouvernement du Canada a publié 10 principes régissant ses relations avec les peuples autochtones qui n’avaient pas été portés à l’attention des représentants des peuples autochtones avant leur mise en application. Ce sont les choses de ce genre qui, je crois, sont tout simplement incohérentes. J’espère que nous pourrons aller au-delà de tels incidents, mais il faut savoir qu’ils enveniment les relations.
    Cela étant dit, nous demeurons optimistes quant aux possibilités de surmonter ces difficultés. Mais, comme pour toute autre chose depuis les 40 ou 50 dernières années, nous demeurons à la table, prêts à engager le dialogue et soucieux de faire respecter nos droits.
    Merci.
    La prochaine question que je veux aborder est celle des territoires transfrontaliers. C’est un point que le premier ministre McLeod, je crois, a soulevé hier. Je sais que beaucoup des territoires traditionnels sont antérieurs à la création des territoires et des provinces et aux lignes de démarcation que nous avons tracées sur les cartes. Voilà qui crée des difficultés dans le règlement de certaines revendications. Il semble que cela ait, à un certain degré, bien fonctionné avec les Inuits, mais, comme l’a dit le premier ministre McLeod, on constate une volonté de discuter de l’utilisation des territoires par des habitants, disons, du Manitoba et de la Saskatchewan, mais la réciproque n’est pas vraie pour ceux qui résident peut-être dans les territoires et qui considèrent leurs terres traditionnelles.
    Quelqu’un voudrait-il commenter cette situation? Je pense qu’il s’agit d’une question importante qu’il faut débattre. Hier, nous avons entendu parler, de la part des Gwich'in je crois, de certains règlements heureux entre les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. Pourrions-nous en discuter un peu?
    Je peux vous dire que, oui, les revendications remontent à loin et que les terres traditionnelles qui sont occupées par ces groupes autochtones le sont depuis bien avant l’établissement des gouvernements territoriaux.
    En résumé, le gouvernement territorial soutient le règlement de ces revendications et nous voulons y participer. Nous pensons que ces règlements futurs, pour qu’ils soient une réussite, doivent se faire avec la participation tant du gouvernement territorial que du gouvernement fédéral. Je comprends que des groupes transfrontaliers éprouvent un sentiment de frustration à l’occasion parce que le gouvernement territorial peut parfois sembler leur faire obstacle, mais ce n’est pas le cas. Au contraire, nous sommes tous en faveur du règlement des revendications. Il y a des revendications territoriales à peu près partout dans le Nord. Nous sommes conscients de leur importance dans la gouvernance du Nord et nous soutenons le règlement des revendications territoriales pour peu qu’il s’avère nécessaire.

  (1240)  

    Merci.
    C’est maintenant au député Saganash d’y aller de ses questions.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aussi à nos invités de s’être déplacés.
    Natan, c’est à vous que je m’adresserai d’abord parce que vous avez soulevé un point important que je vous demanderais de développer. Vous avez dit que les revendications territoriales allaient « changer la cartographie des politiques » dans le pays. C’est une affirmation importante. J’aimerais bien que vous la développiez. Je suis d’accord avec vous quand vous dites qu’il faut faire davantage pour mettre en œuvre les ententes sur ces revendications territoriales dans le Nord, tout particulièrement en raison de l’importance géopolitique que ces régions prendront à l’avenir, et même celle qu’elles ont déjà, il me semble. À mon avis, il importe de reconnaître à nos peuples dans le Nord la qualité d’acteurs politiques ou l’espace dont vous parliez. Sur ces points, la Cour suprême abonde dans le même sens, puisque dans le renvoi relatif à la sécession du Québec, elle parle des peuples autochtones, ce qui comprend évidemment les Inuits, comme des acteurs politiques dans ce pays, au même niveau que les provinces et les territoires. Je pense donc qu’il importe de bien le comprendre dès maintenant.
    Pourriez-vous nous expliquer quelle est l’influence de ces revendications territoriales sur la cartographie des politiques, comme vous l’appelez, dans ce pays?
    Sur un plan très concret, les droits que nous exerçons en tant que peuple autochtone dans ce pays, ou les droits que nous avons en vertu d’ententes sur les revendications territoriales, imprègnent naturellement toutes nos ententes avec les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral. Qu’il s’agisse de la politique d'approvisionnement — garantissant que, dans les régions où nous sommes établis, les lois, fédérales, provinciales ou territoriales, comportent des mesures d’approvisionnement visant expressément les Inuits — ou d’enjeux sociaux, si nous exigeons de participer à l’élaboration, à la conception et à la prestation de programmes ou de services sociaux particuliers au sein de nos communautés et dans notre sphère de compétence, c’est que nous voulons que les choses se fassent avec nous, plutôt que de nous être imposées. Voilà certains éléments de la structure ou du raisonnement qui sous-tend le renouvellement des politiques. L’imagination doit être au rendez-vous.
    Pour ce qui est de la manière par laquelle les ressources financières sont acheminées à nos communautés, la spécificité inuite, c’est-à-dire l’espace d’application de la politique des revendications territoriales modernes, diffère grandement de celle des Premières Nations dans les réserves ou des Métis, et pourtant les gouvernements sont souvent laissés à eux-mêmes pour la déchiffrer. Dans bien des cas, il s’agit d’un agent de programme dans un des ministères d’exécution qui, se fondant sur son ignorance ou sur ses connaissances, décide si les Inuits peuvent ou ne peuvent pas participer à tel ou tel programme ou bénéficier au maximum de services destinés à tous les peuples autochtones du pays.
    Ce sont des brèches qu’il faut colmater. Nous devons faire en sorte qu’une décision qui peut représenter pour une communauté, soit un avantage énorme, soit une belle occasion ratée, ne dépende pas d’un seul fonctionnaire, qui peut interpréter la situation de façon tout à fait différente. Nous pouvons faire mieux. Notre politique sur les revendications territoriales en dépend.
    Monsieur MacKay, j’ai lu le mémoire que vous nous avez fait parvenir avant votre comparution aujourd’hui. En page 9, vous qualifiez les ententes négociées avec les Denesulines de documents constitutionnels qui, à ce titre, restreindraient nécessairement la compétence législative de l’Assemblée législative du Nunavut.
    Pourriez-vous nous dire quelles sont les dispositions de ces accords négociés et ententes qui restreindraient votre compétence législative?
    Ces ententes reproduiront, en gros, le modèle de celles qui existent déjà dans le Nord. Comme nous l’avons mentionné dans notre mémoire, il y a plusieurs obligations qui incombent au gouvernement territorial, précisément en matière de gestion de la faune et d’exploitation des ressources naturelles. De par leur nature de documents constitutionnels, les ententes restreindront la compétence législative du gouvernement territorial relativement à ces terres une fois que l’accord sera conclu.
    Je vous en donnerai un exemple précis. Il y aura des dispositions visant l’accès aux terres appartenant aux Denesulines à l’intérieur du Nunavut. Cela limitera le type d’exploitation que le gouvernement territorial pourra approuver ou réglementer, de même que l’accès à ces terres par ses fonctionnaires. Ainsi, certaines restrictions particulières seront imposées au gouvernement territorial.

  (1245)  

    Prétendez-vous que la compétence du gouvernement du Nunavut et les droits reconnus aux Denesulines n’ont pas été mis en équilibre? Est-ce cela que vous affirmez?
    Non. Je ne pense pas qu’il y ait un déséquilibre. Le gouvernement territorial, ou le gouvernement fédéral, quand il conclut de telles ententes restreint délibérément sa compétence législative afin de donner une certitude aux groupes autochtones, de les assurer que leurs droits sont officiellement affirmés dans un document constitutionnel.
    En contrepartie de l’avantage qu’aura le gouvernement territorial de faire préciser dans ces ententes les droits reconnus aux Denesulines — il aura cette certitude —, il est disposé à restreindre sa compétence législative dans le domaine visé par ce règlement.
    À la fin du même paragraphe, vous dites que le gouvernement du Nunavut est une partie distincte aux ententes et que son consentement sera demandé. Comment expliquer alors que vous avez participé à ces négociations de 2001 à 2011, puis que vous vous en êtes retirés et qu’ensuite vous y êtes revenus récemment? Est-ce que cela a rapport avec ce que vous disiez plus tôt, au fait que le rôle des gouvernements territoriaux est en évolution?
    Oui, je dirais que c’est le facteur majeur. Comme vous le savez, le gouvernement territorial a conclu un protocole avec le gouvernement fédéral en vue de négocier la dévolution de terres et de ressources au gouvernement territorial. C’était un moment crucial, qui nous a amenés à prendre conscience que nous devions renforcer et élargir notre rôle dans ces négociations, et c’est en partie pour cela que nous avons cessé d’y participer.
    Merci.
    C’est maintenant au tour du député Anandasangaree.
    Merci, madame la présidente. Je partagerai mon temps de parole avec le député Tootoo.
    Merci aussi à nos témoins.
    Je vous souhaite de nouveau la bienvenue, président Obed, et je vous remercie des efforts que vous faites pour nous tenir informés, depuis les premières rencontres, sur de nombreuses questions dont nous sommes saisis. Je veux discuter de la déclaration qui a été signée relativement à l'Inuit Nunangat et de la façon dont vous envisagez sa mise en oeuvre. Je sais qu’elle est quelque peu abstraite, selon qu’on y voit une forme d’autonomie gouvernementale ou une autorité régionale autonome ou simplement le maintien des quatre différentes régions que nous avons actuellement avec, comme vous l’avez mentionné, une politique commune homogène pour l’ensemble de la population inuite.
    L’idée qu’il existe une démocratie inuite à côté de la démocratie canadienne est une idée à laquelle nous tâchons de sensibiliser les Canadiens et que nous cherchons même à renforcer chez nous. Notre démocratie est fondée sur les ententes relatives aux revendications territoriales et sur les modèles de gouvernance que nous avons créés pour les mettre en oeuvre. Les quatre présidents représentant nos quatre régions sont élus parmi tous les bénéficiaires éligibles au-dessus d’un certain âge. Ces quatre présidents siègent au sein du conseil d’administration de l’Inuit Tapiriit Kanatami. C’est d’eux que je reçois mon mandat et mes directives quant aux intérêts nationaux des Inuits canadiens. Ils en font de même pour ce qui est de notre participation au Conseil circumpolaire inuit.
    Du niveau international jusqu’à l’échelon communautaire, il y a une succession démocratique ininterrompue dans laquelle nous façonnons nous-mêmes notre avenir. Le partenariat entre les Inuits et la Couronne, de même que la déclaration qui a été signée, supposent que nous aurons, en tant qu’Inuits, des domaines prioritaires, comme d’ailleurs le gouvernement fédéral. Chaque année, nous nous réunirons en comité pour décider quelles sont nos priorités communes et quelles mesures devraient être prises pour y donner suite. Nous n’y voyons pas un effort partisan, mais plutôt un mécanisme permanent au moyen duquel nous nous attendons à travailler à l’avenir avec le gouvernement fédéral. L’idée ici, c’est d’accomplir un travail pratique dans le respect des droits de chacune des parties au processus et de notre rôle au sein de la Confédération et dans nos efforts pour apporter services et soutiens aux Inuits de l'Inuit Nunangat.

  (1250)  

    Pour dire les choses clairement, il y a actuellement deux territoires, le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest. Ils ont de vrais gouvernements. Qu’arrivera-t-il, par exemple, dans le cas des enfants qui étudient au Nunavut dans le système scolaire territorial? Comment est-ce que cela se répercutera sur, disons, les efforts d’amélioration de l’éducation des enfants? Faudrait-il dans ce cas inclure une troisième partie dans la déclaration?
    Dans chaque région, la relation avec les Inuits est différente, selon les ententes relatives aux revendications territoriales, et il appartient aux Inuits de décider ce qu’elle sera. À cet égard, le gouvernement fédéral a un rôle très bien marqué. Son rôle, sa relation directe avec les Inuits, est concomitant à sa responsabilité de garantir l’équité à tous les Canadiens et d’assurer la prestation de services dans les domaines essentiels des soins de santé, de l’éducation et du logement, les fondements mêmes d’une société juste.
    Nous disons que la situation est plus compliquée que cela et que, dans la prestation de services, les Inuits auraient un rôle à jouer. De plus, il n’est pas exclu que les Inuits puissent assumer des responsabilités de gouvernement populaire. La déclaration prévoit que nous avons un rôle à jouer dans nos communautés et, au chapitre de notre qualité de vie, dans la détermination des moyens par lesquels ces services seront offerts et fournis et des relations à établir avant que ces services soient assurés.
    Merci à tous deux.
    Je voudrais céder le reste de mon temps de parole au député Tootoo.
    La présidente: Monsieur Tootoo, vous avez deux minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    J’ai quelques questions, et je commencerai peut-être avec Mme Woodley ou M. MacKay.
    Vous avez parlé de l’entente de chevauchement avec les Denesulines. Je me souviens très clairement qu’un protocole d’entente avait été conclu entre le Canada et le Nunavut en 2016 qui garantissait que les compétences du gouvernement du Nunavut ne pouvaient être modifiées et qu’aucune obligation financière ne pouvait lui être imposée à la faveur d’une modification de ces ententes définitives et des plans de mise en œuvre sans son consentement.
    Il va sans dire, me semble-t-il, que le gouvernement du Nunavut aurait été l’un des signataires de ces ententes. Auriez-vous des idées à exprimer à ce sujet?
    Le protocole d'entente a été signé pour conforter le rôle du gouvernement territorial, rôle que nous considérons comme nécessaire à la conclusion et à la mise en oeuvre réussies de ces accords. Il est impossible, selon nous, d'arriver à un accord fructueux si le gouvernement territorial du Nunavut n'est pas signataire de l'accord. C'est pour cette raison que nous tenions à signer ce protocole d'entente.
    Peut-être que cela va de soi, mais nous tenions à comparaître devant vous pour rappeler globalement que les gouvernements territoriaux doivent être partie prenante dans ces accords.
    Il vous reste 30 secondes.
    Je vais passer rapidement à Natan, en espérant pouvoir revenir au sous-ministre du Nunavut.
    Vous avez mentionné le Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne.
    Je pense qu'il était grand temps que ce comité soit créé, mais quels ont été les progrès réels depuis sa création? Qu'envisagez-vous de ce côté?
    Le départ a été difficile, mais nous sommes sur la bonne voie. Le rôle du Comité est maintenant plus largement compris qu'il ne l'était à ses débuts. Je pense que le premier ministre doit s'approprier ce processus au sens large; je pense également à l'éradication de la tuberculose, aux investissements dans le logement ou encore à d'autres actions précises qui en découleront et montreront que ce mécanisme de partenariat entre les Inuits et la Couronne est avantageux pour tous les deux parties.

  (1255)  

    Notre dernière série de questions sera celle du député Viersen.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos invités d'être venus aujourd'hui.
    Natan, vous représentez cinq différents groupes, n'est-ce pas?
    Je représente quatre régions visées par les revendications territoriales.
    En ce qui concerne la définition des lignes de démarcation, comment les négociations se sont-elles déroulées entre ces groupes ? Nous avons vu qu'en Colombie-Britannique, on a revendiqué 130 % de la superficie de la province, ce qui démontre l'existence de chevauchements considérables. Comment les choses se sont-elles passées dans votre région, là où ces revendications particulières ont été négociées?
    Votre question est des plus intéressante. Je pense que depuis la première fois où les Inuits se sont rencontrés et se sont mobilisés, au début des années 1970, personne n'avait d'idée préconçue sur ce qui allait se passer, personne n'avait même la moindre idée des revendications territoriales qui allaient survenir. C'était avant la décision Calder.
    Ces revendications ont vu le jour dans la foulée du développement économique et de la menace que présentaient les projets de développement économique, qu'il fallait à tout le moins réfuter par la revendication de droits au sein d'une région donnée. C'est ce qui a donné lieu, en 1975, à la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, sous la pression exercée par Hydro-Québec et les projets d'aménagement en cours dans cette région. La même chose est arrivée dans l'Ouest avec les projets d'oléoducs et de gazoducs dans la vallée du Mackenzie. Dans bien des cas, notre cheminement vers les quatre régions inuites s'est inscrit dans le contexte de la certitude économique du Canada et de la nécessité, pour les administrations, d'exploiter des ressources dans les régions inuites.
    Il y a bien d'autres histoires aussi. Il existe certaines histoires étonnantes, à la fois intéressantes et fascinantes, qui expliquent pourquoi le tracé des frontières se trouve là où il est ou n'est pas, mais en général, ce qui a constitué la principale force motrice de la conclusion de nos accords sur les revendications territoriales, c'est le principe de certitude et aussi la menace que le développement économique des régions se fasse sans consulter les Inuits ou sans établir d'ententes avec eux.
    Pour ce qui est du gouvernement du Nunavut, je dirais que la situation est un peu similaire en ce qui concerne les divisions ou les lignes qui font actuellement l'objet de négociations et qui semblent se régler plutôt à l'amiable. Y a-t-il eu des discussions depuis que les lignes ont été... ou y a-t-il un débat permanent quant à la question de savoir qui a compétence sur ces régions?
    Je ne crois pas, du moins en ce qui concerne le gouvernement du Nunavut, qu'il y ait été question de modifier ces frontières.
    Nous pouvons donc dire que ce point est réglé et que nous pouvons aller de l'avant à partir de cela.
    Comme Natan l'a mentionné, la région du Nunavut est protégée par la Constitution, alors que le territoire du Nunavut, qui coïncide plus ou moins avec la région, est défini par la Loi sur le Nunavut. Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est que la Loi sur le Nunavut est une loi fédérale et peut être modifiée. Je suppose donc qu'il serait plus facile de modifier les frontières du Nunavut que celles de la région du Nunavut, qui elles, requerraient une modification aux revendications territoriales, mais ces frontières sont déjà réglées.
    Comment fonctionne la propriété foncière dans le territoire? Est-ce que je peux arriver là-bas et acheter un terrain?
    Non. Tout ce que vous pouvez obtenir, c'est un bail de 30 ans dans les municipalités, bail que vous pouvez renouveler tous les 30 ans. Toutefois, il s'agit d'un bail et non d'un titre en fief simple. Les Inuits possèdent un titre en fief simple sur les terres situées dans le territoire.
    D'accord. Puis-je acheter un terrain appartenant à un Inuit?
    Oui.
    Natan, est-ce que cela est possible?
    La réglementation du régime foncier est différente pour chaque revendication territoriale. Dans le cas du Nunavut, les terres appartenant à des Inuits sont de propriété collective. Aucun Inuit n'est propriétaire, à titre individuel, de parcelles de terre en fief simple. Les entreprises de développement inuites ou les organismes qui représentent les Inuits détiennent ces terres collectivement.
    Dans d'autres administrations, les régimes fonciers sont différents. Au Nunatsiavut, dont le régime foncier remonte aux années 1700, à l'époque de l'Église morave, on retrouve la propriété en fief simple, qui est inexistante dans les autres régions inuites.
    En gros, dans les régions visées par des accords de revendications territoriales, et dans les 14 % à 17 % des régions détenues en fief simple par des Inuits, les terres visées par des ententes sur les revendications territoriales globales sont de propriété collective et non individuelle. La situation qui prévaut dans les municipalités est souvent antérieure à la conclusion des ententes modernes sur les revendications territoriales globales.
    M. Arnold Viersen: Merci.

  (1300)  

    Je vous remercie.
    Voilà qui termine nos séries de questions. Je tiens à vous remercier d'être venus, d'avoir entrepris ce voyage et d'avoir pris le temps de faire part au Comité permanent de vos réflexions sur ces importantes questions. Meegwetch.
    La séance est levée.
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