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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 058 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 14 septembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1000)  

[Traduction]

    Nous sommes une minute en avance, mais comme tout le monde est prêt, nous allons commencer.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. O'Toole et à Mme Vandenbeld devant le Comité aujourd'hui. Merci de témoigner.
    Je souhaite également un bon retour de vacances à mes collègues qui ont passé l'été dans leurs circonscriptions.
    Bienvenue au premier des quatre groupes de témoins qui traiteront de la défense et des affaires étrangères, lequel est composé de Stephen Burt, Mark Gwozdecky et de Sarah Taylor. Nous discuterons de l'évolution de la situation en Corée du Nord et du lien que cela pourrait avoir ou non avec le Canada.
    Nous recevons quatre groupes de témoins. Je me montrerai donc très discipliné au chapitre du temps. Ainsi, que vous posiez une question ou que vous y répondiez, regardez-moi de temps en temps. Si vous voyez ceci, il vous reste 30 secondes pour clore votre propos. Pour éviter un effet d'accordéon qui priverait certains de leur temps de parole, si je n'ai pas votre attention, j'indiquerai poliment que nous devons poursuivre. Veuillez me pardonner d'avance si je semble abrupt, mais je dois assurer le respect de l'horaire.
    Cela étant dit, c'est le représentant du ministère des Affaires étrangères qui prendra la parole en premier, pour cinq minutes.
    Monsieur Gwozdecky, vous avez la parole.
    Distingués membres du Comité, merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
    Le Canada, à l'instar de bien des pays, est fortement préoccupé par les actes imprudents et provocateurs que pose la Corée du Nord dans sa recherche de l'arme nucléaire et des moyens de l'utiliser. Cette probabilité n'a rien d'hypothétique. La Corée du Nord a maintenant montré qu'elle a la capacité de lancer des missiles intercontinentaux d'une portée pouvant atteindre la plus grande partie de l'Amérique du Nord. Ainsi, la menace de la Corée du Nord est réelle, stratégique et de nature internationale.
    La crise actuelle se prépare depuis des décennies. Depuis qu'elle a appris que la Corée du Nord mettait en oeuvre un programme d'armes nucléaires au début des années 1990, la communauté internationale a continuellement cherché à persuader ce pays de se dénucléariser de manière permanente et vérifiable. Ces efforts n'ont pas encore porté fruit.

[Français]

    Bien qu'il soit difficile de déterminer avec certitude le raisonnement qui sous-tend les gestes de la République démocratique populaire de Corée, nous estimons que le comportement nord-coréen est motivé par une seule priorité: la survie du régime.
    La Corée du Nord a élaboré et peaufiné un système brutal de répression interne qui prive systématiquement son peuple des droits fondamentaux de la personne depuis plus de 70 ans, et ce, à seule fin de protéger le régime contre les menaces intérieures.
    La situation des droits de la personne en Corée du Nord est absolument effroyable. Le régime perçoit des menaces externes pour lesquelles il se sent vulnérable. Il se sait incapable d'égaler la supériorité technologique et militaire de la Corée du Sud et des États-Unis. Il estime que se doter de la capacité à frapper l'Amérique du Nord avec des armes nucléaires garantit sa propre sécurité.
    Sur la péninsule, la Corée du Nord et la Corée du Sud sont toujours en état de guerre, en théorie, et leur trêve fragile est mise à rude épreuve en raison de projets de la Corée du Nord de se doter d'armes nucléaires et d'en mettre au point les vecteurs.

[Traduction]

    Outre les sanctions et la diplomatie active, il n'existe pas de solutions faciles ou évidentes. Les actions de la Corée du Nord constituent une grave menace à la sécurité de la région et un risque pour nos amis et nos alliés, la Corée du Sud et le Japon, en raison des tirs d'essai de missile de la Corée du Nord, dont un grand nombre touchent terre dans leurs zones économiques exclusives et au moins un a survolé le Japon le 29 août. La Corée du Nord a enlevé des citoyens étrangers, commis des assassinats à l'étranger et menacé à répétition ses voisins au moyen d'armes conventionnelles et nucléaires.
    Bien que l'idée que la Corée du Nord soit dotée de l'arme nucléaire soit troublante, les citoyens de la République de Corée vivent sous une importante menace conventionnelle de la part de la Corée du Nord depuis la Seconde Guerre mondiale. Des milliers de personnes pourraient mourir en quelques minutes si un conflit armé éclatait. Actuellement, il est fort risqué qu'une mauvaise interprétation des intentions ou un mauvais calcul provoque une escalade non intentionnelle des tensions et puisse mener à un conflit militaire. Le Canada a donc fortement préconisé une atténuation des tensions.
    Les conséquences profondes de ce conflit confortent également la position du Canada, qui considère que le problème des armes nucléaires de la Corée du Nord doit être résolu de manière pacifique, grâce au dialogue et à la diplomatie. La ministre Freeland a eu des échanges directs, fréquents et systématiques avec les ministres des Affaires étrangères des États-Unis, de la Chine et de la Corée du Sud, et en août, avec celui de la Corée du Nord pour faire valoir que le problème doit être résolu pacifiquement et diplomatiquement.
    Les pourparlers entre six pays, dont le Japon, la Corée du Nord, la Corée du Sud, la Russie et les États-Unis, dirigés par la Chine, ont été lancés en 2003 afin de trouver une solution pacifique aux problèmes de sécurité que pose le programme d'armes nucléaires de la Corée du Nord. Après six tours de discussion, peu de progrès ont été accomplis, et la Corée du Nord a annoncé en 2009 son retrait des discussions.
    La Corée du Nord constitue actuellement la menace la plus importante à la non-prolifération nucléaire mondiale et au régime qui vise à prévenir la prolifération. Il s'agit du seul pays ayant mené des essais nucléaires au XXIe siècle; il en a effectué six jusqu'à maintenant, le dernier datant du 3 septembre. Ces essais nucléaires contreviennent aux obligations juridiques internationales que ce pays doit respecter en vertu du Traité de non-prolifération et nuit à la norme établie de longue date contre les essais nucléaires du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. À part la Corée du Nord, l'unique exception, le reste du monde maintient un moratoire volontaire sur les essais nucléaires.
    En 2009, des inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique ont été forcés de quitter la Corée du Nord et n'ont depuis eu aucun accès direct à ce pays. Ils doivent se fier à l'imagerie satellitaire pour en surveiller le programme nucléaire. Nous ne pouvons donc pas dire avec certitude quelle quantité de matière fissile la Corée du Nord a produite ou combien de dispositifs nucléaires elle possède.
    La Corée du Nord est prête à faire proliférer des technologies dangereuses, comme elle l'a montré en exportant des missiles et du matériel balistiques en Iran et en Syrie, et en participant à la construction d'un réacteur nucléaire secret en Syrie. Ce réacteur a été détruit en 2007.

  (1005)  

[Français]

    Il faut persuader la Corée du Nord de s'écarter de son actuelle et dangereuse trajectoire, et ce, au moyen de pressions diplomatiques et économiques accrues.
    Le Canada a joué et continue de jouer un rôle pour tâcher de faire changer le programme de Pyongyang. En 2010, le Canada a adopté une politique d'engagement limité concernant la Corée du Nord pour signifier au régime que son comportement entraînait des conséquences à l'égard de ses relations bilatérales. Cette politique limite les relations bilatérales officielles aux questions suivantes: les préoccupations liées à la sécurité régionale; la situation humanitaire et des droits de la personne; les relations intercoréennes; et, enfin, les questions consulaires.
    La Corée du Nord est de plus en plus isolée sur le plan international. Même les pays qui, historiquement, ont entretenu un niveau minimal de relations avec la Corée du Nord rompent ou affaiblissent ces liens. Le Canada a aussi fait preuve de leadership en exerçant des pressions économiques sur la Corée du Nord.
    Les sanctions unilatérales imposées depuis longtemps par le Canada en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales sont parmi les plus strictes au monde et comprennent, entre autres, une interdiction sur toutes les exportations et les importations, ainsi qu'une interdiction de prestation de services financiers à la Corée du Nord et aux personnes qui s'y trouvent.

[Traduction]

    Le Conseil de sécurité a adopté neuf résolutions distinctes imposant des sanctions à la Corée du Nord. Malgré tout, nous considérons que la communauté internationale doit exercer une plus grande pression et avoir des échanges bilatéraux et multilatéraux avec Pyongyang pour que cette dernière comprenne que les coûts de la course à l'arme nucléaire sont supérieurs à ses avantages perçus. Pour la détourner du chemin dangereux qu'elle suit actuellement, nous devons convaincre Pyongyang qu'elle peut atteindre ses objectifs par des moyens pacifiques.
    Le Canada a demandé au Conseil de sécurité de prendre d'autres mesures pour freiner les efforts de prolifération de la Corée du Nord, et nous insistons pour que tous les États appliquent entièrement ces sanctions. La nature grave et mondiale de la menace que la Corée du Nord constitue pour ses voisins, et, de fait, pour la paix et la sécurité internationale mérite que la communauté internationale déploie des efforts substantiels et continus pour résoudre ce problème.
    Merci beaucoup de votre temps et de votre attention. Après que mon collègue aura fini de parler, je répondrai à vos questions avec plaisir.
    Merci de votre témoignage.
    Monsieur Burt, pensez-vous parler 5 minutes, 10 minutes? Nous avons déjà dépassé le temps prévu.
    Merci. Vous avez la parole.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité ce matin.
    C'est avec grand plaisir que je m'adresse à vous aujourd'hui pour vous faire part de notre point de vue sur la Corée du Nord et sur les menaces qu'elle présente pour l'Amérique du Nord, dans la mesure où je suis autorisé à le faire dans un contexte sans classification.

[Traduction]

    Quand on évalue la menace que posent les armes nucléaires et conventionnelles de la Corée du Nord pour le Canada, nous étudions l'intention et la capacité de ce pays. Ce n'est pas chose facile que de surveiller et de prévoir l'évolution de ces capacités, mais il est habituellement possible de le faire avec une marge d'erreur raisonnable. Il est plus compliqué d'évaluer l'intention actuelle de ce pays, qui est en évolution, et il est fort risqué de prévoir son intention future et de faire reposer la sécurité d'un pays sur cette prédiction.
    Quand un État comme la Corée du Nord acquiert une capacité, cette dernière demeure dans son arsenal, peu importe l'évolution de ses calculs et de son intention politiques. Même s'il est parfois difficile de prévoir ses intentions, la Corée du Nord désire depuis longtemps pouvoir cibler l'Amérique du Nord avec des armes nucléaires. C'est avec ce fait à l'esprit que je voudrais vous exposer brièvement les motivations probables derrière le programme d'armes nucléaires de la Corée du Nord et l'état de sa capacité technique actuelle.

  (1010)  

[Français]

    Selon les responsables des renseignements de la défense, la Corée du Nord croit que les progrès de ses technologies nucléaires et balistiques sont essentiels pour assurer la survie à long terme du régime actuel.
    Depuis l'arrivée au pouvoir de Kim Jong-un en 2011, nous avons constaté une augmentation marquée du nombre d'essais balistiques et nucléaires. Le régime a clairement communiqué ses aspirations. Pendant une réunion plénière du Parti des travailleurs de Corée en 2013, Kim Jong-un les a présentées en exigeant la poursuite simultanée du développement économique et du programme nucléaire du pays. Ces deux objectifs sont axés sur le renforcement de l'État et sa survie à long terme.
    Le régime nord-coréen estime qu'il est le seul gouvernement légitime de la péninsule coréenne et il veut être reconnu comme tel par le monde entier.

[Traduction]

    La propagande de la Corée du Nord témoigne également d'un désir d'être vu et d'être traité en égal par les États-Unis, et Pyongyang semble penser que le seul moyen d'y parvenir consiste à être considérée comme une puissance nucléaire. Si nous prenons ses déclarations au pied de la lettre, on détecte des signes que le régime de Pyongyang pourrait être disposé à discuter, tant qu'il n'y a pas de conditions préalables, notamment des exigences internationales pour qu'il abandonne son programme nucléaire. Pyongyang affirme que ses armes nucléaires constituent la garantie la plus fiable et la plus réaliste de paix dans la péninsule coréenne.
    Bref, l'élaboration d'une force de dissuasion nucléaire efficace est, pour la Corée du Nord, un objectif clé à long terme depuis un certain temps. Ce pays considère que ces armes sont essentielles à sa survie et veut être reconnu comme une puissance nucléaire.
    Passons maintenant aux capacités de la Corée du Nord au chapitre des armes de destruction massive. Comme je l'ai déjà souligné, Pyongyang a expressément exprimé le souhait de pouvoir cibler l'Amérique du Nord avec des missiles nucléaires. À cette fin, la Corée du Nord a maintenant effectué six essais nucléaires sous-terrains, le premier en 2006 et le dernier, le 3 septembre 2017.
    La Corée du Nord affirme avoir réussi l'essai d'une arme thermonucléaire, ou bombe à hydrogène, en janvier 2016, ce qui reste à prouver. Cependant, la forte puissance de l'essai de 2017 correspond à une arme à fission ou à une arme thermonucléaire à deux étages. La Corée du Nord prétend avoir utilisé, lors de cet essai, une arme thermonucléaire miniaturisée conçue pour être installée sur un missile balistique intercontinental, qui peut émettre une impulsion électromagnétique à haute altitude au cours d'une attaque stratégique. Ces affirmations sont crédibles, mais non vérifiées.
    Les essais nucléaires que la Corée du Nord a effectués par le passé témoignent de progrès réels dans la mise au point d'armes nucléaires. L'explosion possible d'une arme thermonucléaire laisse entendre qu'elle pourra probablement être capable de concevoir un arsenal de têtes nucléaires à forte puissance sans devoir produire de matière fissile de qualité militaire supplémentaire. Le service de renseignement de la défense juge néanmoins que la Corée du Nord continuera d'amasser de la matière fissile de qualité militaire.
    Il est difficile de déterminer avec justesse le nombre de têtes nucléaires que la Corée du Nord pourrait posséder ou être en mesure de produire. Selon une estimation hasardeuse, elle possède probablement un certain nombre de dispositifs nucléaires pouvant être transportés par des missiles à courte portée et elle aspire à avoir une portée nucléaire intercontinentale. Nous jugeons qu'elle a probablement produit suffisamment de matière fissile pour au moins 30 dispositifs, et tout indique qu'elle poursuivra son programme d'essais nucléaires et ses efforts pour renforcer sa capacité nucléaire.
    Sachez en outre que l'on croit largement que la Corée du Nord a des programmes d'armes chimiques et biologiques offensifs. Même s'il est improbable qu'elle soit en mesure d'atteindre l'Amérique du Nord avec des agents chimiques ou biologiques, il est crucial de comprendre toutes les capacités de destruction massive que la Corée du Nord possède.
    Enfin, outre son programme nucléaire, la Corée du Nord poursuit agressivement son développement de missiles balistiques à diverses portées, notamment celui de missiles balistiques intercontinentaux. En juillet dernier, elle a mis à l'essai le missile Hwasong-14 à deux reprises, et Pyongyang a maintenant montré qu'elle possède la capacité de propulser des roquettes pouvant atteindre le Canada et la plus grande partie des États-Unis.
    Néanmoins, il nous manque certaines connaissances. Par exemple, la Corée du Nord n'a pas fait la démonstration de véhicules de rentrée crédibles à des portées opérationnelles intercontinentales. Cependant, Pyongyang a maintenant montré sans contredit qu'elle a la capacité d'atteindre l'Amérique du Nord. En outre, le fait que la Corée du Nord cherche à se doter d'armes nucléaires et de systèmes de lancement, et qu'elle menace d'utiliser des missiles balistiques intercontinentaux contre des adversaires potentiels n'importe où dans le monde, nuit directement aux normes de non-prolifération et menace des partenaires clés du Canada en Asie.
    Même si nous n'avons pas actuellement de preuve que la Corée du Nord possède un missile balistique intercontinental pleinement fonctionnel, au regard des progrès qu'elle a accomplis jusqu'à maintenant, nous pensons que ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle puisse mettre au point un missile balistique nucléaire fiable.

  (1015)  

[Français]

    Merci.
    C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

[Traduction]

    Merci.
    J'accorderai la parole à M. Mark Gerretsen.
    Vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui.
    Peut-être commencerai-je par vous, monsieur Burt, puisque c'est vous qui avez parlé en dernier. Vous avez longuement traité des capacités de la Corée du Nord et souligné le fait que ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle puisse devenir ce à quoi elle aspire, mais je n'ai pas entendu grand-chose sur ce que vous pensiez de la menace réelle que ce pays représente pour le Canada. Considérez-vous que la Corée du Nord constitue une menace pour le Canada? Pour dire les choses autrement, la Corée du Nord pourrait-elle vouloir attaquer notre pays en certaines circonstances?
    Comme je l'ai indiqué d'entrée de jeu, nous considérons que la menace est un amalgame d'intention et de capacités. C'est la troisième fois que je traite de ce paradigme devant le Comité, et j'ai senti une certaine frustration à cet égard la dernière fois.
    Le fait est que dans le domaine du renseignement, les capacités sont bien plus faciles à évaluer que l'intention, car elles sont plus concrètes. La Corée du Nord a exprimé son désir de posséder la capacité nucléaire, employant un discours très coloré en un certain nombre d'occasions, mais elle n'a pas indiqué ce qu'elle entendait faire de cette capacité. Je présume que son objectif consiste à mettre l'accent sur ce qu'elle espère accomplir au chapitre de la capacité.
    Elle a toutefois fait savoir qu'elle considère les États-Unis comme une cible potentielle, n'est-ce pas? C'est quelque chose qu'on entend beaucoup dans son discours, non?
    Oui, en effet, mais elle n'a pas menacé directement le Canada. En fait, lors des récents échanges avec le gouvernement nord-coréen, notamment en août quand notre conseiller en matière de sécurité nationale était à Pyongyang, les indications montraient au contraire que la Corée du Nord perçoit le Canada comme un pays pacifique, voire amical. Nous ne sentons donc pas de menace directe; au contraire, nous avons l'impression, pour l'instant du moins, que la Corée du Nord ne nous considère pas comme un ennemi, mais comme un ami potentiel.
    Ces présomptions se fondent sur ses affirmations.
    Oui.
    D'accord.
    Monsieur Gwozdecky, vous avez indiqué que les pourparlers ont débuté en 2003 et traité de leur efficacité. Vous avez parlé du Canada et de l'importance du dialogue et de la diplomatie. Je pense qu'à un moment donné, vous avez même dit que le Canada doit exercer des pressions diplomatiques, bien qu'il s'agisse peut-être d'un problème d'interprétation.
    Pouvez-vous nous donner une idée de l'efficacité de ces pressions diplomatiques?
    Si vous voulez savoir si nous avons atteint notre objectif final, nous n'y sommes pas encore parvenus. La diplomatie exige beaucoup de patience.
    Je ferais remarquer, à titre d'exemple, que les efforts qui ont permis de conclure l'accord nucléaire avec l'Iran ont pris plus d'une décennie de négociations diplomatiques assidues visant à tenter de modifier la perception de menace que l'Iran avait à propos de l'Occident et de lui faire comprendre qu'elle pouvait atteindre ses objectifs grâce à une solution diplomatique plutôt que par l'armement.
    Je pense que nous sommes engagés dans un processus semblable avec la République populaire démocratique de Corée. Les acteurs ne sont pas encore revenus à la table de négociations, mais nous espérons qu'ils le feront bientôt.
    Ainsi, aucune pression diplomatique, outre les sanctions, n'a porté fruit ou a apporté des résultats tangibles et productifs?
    Je pense que l'histoire nous dira si nous avons une incidence quelconque. Il est très difficile de savoir où nous en sommes actuellement. À mon avis, nous sommes dans une phase de prénégociation dans le cadre de laquelle les deux parties tentent d'accroître leur influence avant d'arriver à la table de négociations. La Corée du Nord n'est toutefois pas insensible au fait que les membres de la communauté internationale, y compris les puissances occidentales, la poussent constamment à abandonner son attitude agressive et à chercher une solution diplomatique. Nous espérons qu'un jour, nous verrons les résultats de ces démarches.
    À votre avis, quel rôle le Canada peut-il jouer sur le plan diplomatique? Pourrait-il rapprocher les États-Unis et la Chine et jouer réellement un rôle diplomatique afin de contribuer à calmer le jeu ou à améliorer la situation?

  (1020)  

    Je pense que la ministre Freeland considère que c'est le cas, car notre pays est un partenaire de confiance d'un grand nombre d'acteurs principaux, qu'il s'agisse de la Corée du Sud, des États-Unis ou du Japon. Qui plus est, nous sommes crédibles aux yeux des autres pays, comme la Chine. Récemment, nos échanges avec la Corée du Nord, notamment au cours des discussions entre la ministre et son homologue nord-coréen, ont laissé entendre que nous sommes un acteur sérieux, que nous n'avons pas d'objectif particulier et qu'on nous écoute.
    Je pense également que nous sommes considérés comme un pays que les États-Unis écoutent; c'est particulièrement le cas de la ministre Freeland. Nous sommes donc bien placés pour potentiellement exercer une influence non seulement à Washington, mais aussi ailleurs.
    Merci, monsieur le président.
    J'accorde la parole à M. O'Toole.
    Je suis enchanté de me joindre à mes collègues pour commencer nos travaux avant même le début de la session parlementaire.
    Je remercie les témoins qui sont ici aujourd'hui.
    Votre première phrase, monsieur Gwozdecky, était frappante, car elle entrait en contradiction avec ce que M. Burt a dit au Comité l'an dernier, c'est-à-dire qu'aucun État n'a la capacité ou l'intention de constituer une menace pour le Canada. Or, dans cette première phrase, vous indiquez que la Corée du Nord a clairement cette capacité. Si on met l'intention de côté, la capacité qu'a la Corée du Nord d'attaquer l'Amérique du Nord avec des missiles balistiques intercontinentaux est un risque évident.
    Je pense que je peux probablement répondre à cette question.
    Vous avez absolument raison de dire que mon témoignage de l'an dernier diffère de celui de cette année, et ce, parce qu'un certain nombre de choses sont survenues depuis au chapitre de la capacité des armes balistiques et nucléaires.
    Quand la menace évolue, donc, l'attitude du Canada à l'égard de cette menace devrait peut-être changer aussi. Est-ce juste?
    Regardez, le rôle du service de renseignement de la défense consiste à dire aux gens ce qu'il se passe dans le monde de la manière la plus détaillée et la plus précise possible. C'est à d'autres qu'il revient de décider ce qu'il convient de faire de ces informations.
    Certainement, et ce rôle incombe à notre comité et au Parlement, mais je considère que cela rend compte de l'augmentation du rythme des activités que la Corée du Nord déploie dans le cadre de son programme nucléaire et de la mise au point de missiles. Serait-il juste de dire qu'au cours de la dernière année...
    Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, nous avons observé une augmentation notable des essais sur les deux plans sous le régime nord-coréen actuel, particulièrement depuis un an et demi ou deux ans.
    Une fois cette information assimilée, vous avez indiqué qu'on ne sent pas de menace. Je pense que vous avez employé le mot « sentir ». Vous savez, 516 Canadiens ont trouvé la mort lors de la guerre de Corée, un conflit qui fait toujours l'objet d'un cessez-le-feu, n'est-ce pas? Ce conflit n'a toujours pas été résolu.
    Le fait que le Canada ait participé à ce conflit joue-t-il un rôle quant à la possibilité qu'il constitue une cible potentielle ou non?
    Comme je l'ai indiqué, nous n'avons pas d'indication selon lesquelles la Corée du Nord considère le Canada comme un ennemi ou de preuve montrant qu'elle prend des mesures pour l'attaquer.
    Vous avez évoqué le rôle que le Canada a joué parmi les pays membres du Commandement des Nations unies lors de la guerre de Corée. Nous participons encore beaucoup aux activités de ce commandement, y affectant notamment six membres des Forces armées en permanence. Il me semble que nous sommes le troisième acteur en importance à participer à ces exercices annuels avec les États-Unis, la Corée et d'autres pays afin d'avoir une attitude vigilante à l'égard de la péninsule.
    C'est une région du monde que nous prenons très au sérieux et où nous affectons du personnel et des ressources, mais comme je l'ai indiqué, nous n'avons pas encore vu de menace directe de la part de la Corée du Nord.
    Si les États-Unis sont menacés par des missiles balistiques intercontinentaux et que le Canada ne l'est pas à proprement dit, le fait que ces missiles empruntent en partie la route polaire et qu'une erreur des systèmes de ciblage ou de trajectoire pourrait survenir pourrait faire en sorte que certaines régions du Canada soient exposées à la menace, qu'elles soient ciblées ou non. Est-ce juste?
    Je pense qu'il s'agit là d'un scénario hypothétique qui peut prendre un certain nombre de directions. Je reviendrais au fait que le régime nord-coréen est principalement motivé par son désir de survivre et d'imposer sa règle. Même si son discours est coloré et que son comportement nous semble parfois particulier, ce régime n'est pas stupide: il comprend les conséquences de telles actions.

  (1025)  

    Je terminerai en parlant de la délégation qui a été envoyée au début d'août et à laquelle on a fait allusion. Daniel Jean, l'envoyé spécial du premier ministre, et la délégation de six membres a attiré beaucoup l'attention sur l'affaire du pasteur Lim, mais selon les rapports faits sur ses travaux, ce sont d'autres questions à portée régionale qui ont été abordées.
    Pourriez-vous expliquer la position du Canada à l'égard de la Corée du Nord au cours des réunions tenues en août en ce qui concerne son programme nucléaire et la mise au point de missiles?
    De fait, le conseiller en matière de sécurité nationale s'est rendu brièvement à Pyongyang en août. De notre point de vue, la mission visait principalement à obtenir la remise en liberté du pasteur Lim, libération que les délégués ont réussi à obtenir. Nous sommes enchantés de ce résultat.
    Le conseiller a discuté avec des représentants du ministère des Affaires étrangères de la Corée du Nord, exprimant notamment nos préoccupations à l'égard de la prolifération et de la grave menace que la Corée du Nord pose pour la paix et la sécurité dans la région. Ils ont discuté de ces questions.
    Je n'ai pas la transcription intégrale de ces échanges, mais d'après mes souvenirs, la réponse de la Corée du Nord a été la même que celle que nous avons entendue à maintes reprises.
    Existe-t-il une transcription de ces échanges que nous pourrions obtenir? Ce qui me préoccupe, c'est que le tir dans les zones économiques exclusives du Japon a eu lieu peu après les réunions du début d'août avec la délégation canadienne. J'en conclus certainement que le régime nord-coréen n'a pas entrepris de cesser ses activités. En fait, il semble avoir accru ses mesures agressives après la visite de la délégation canadienne.
    Non, le régime nord-coréen n'a pas entrepris de cesser ses activités. Je le répète, les discussions ont principalement porté sur l'affaire du pasteur Lim. Dès que l'occasion se présente, si nous avons une interaction avec la Corée du Nord, nous exprimons nos préoccupations quant à la prolifération, au désarmement et aux droits de la personne.
    Serait-il possible d'obtenir la transcription de ces réunions pour que le Comité les examine? S'agit-il de renseignements confidentiels?
    Je pense qu'ils sont confidentiels, mais je peux le vérifier.
    Monsieur le président, est-ce que le Comité pourrait demander la transcription? En cas de refus, nous l'aurons au moins demandée.
    Nous demanderons les documents et nous verrons où cela nous mène.
    Merci.
    J'accorde maintenant la parole à M. Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à commencer par dire que le NPD a appuyé la tenue des présentes séances, car nous considérons qu'il s'agit d'une question importante au sujet de laquelle le Canada a l'occasion de jouer un rôle positif.
    Je commencerai par faire le suivi quant à ce que M. Burt a dit, car on décèle une tendance, dans les médias et parmi certains acteurs, à considérer la Corée du Nord comme étant complètement irrationnelle et suicidaire. Les remarques que vous venez de formuler cadrent, il me semble, avec l'impression que le NPD a de la situation, c'est-à-dire que la Corée du Nord tend à appliquer des politiques traditionnelles de dissuasion nucléaire, comprend comment ces politiques ont fonctionné par le passé et voit sa capacité nucléaire comme une manière de protéger son régime et d'assurer sa survie. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet, car je pense qu'il est dangereux de présumer que les acteurs sont irrationnels s'ils n'agissent pas de manière irrationnelle.
    Je dirais qu'il est absolument évident que la Corée du Nord est motivée par la survie de son régime et qu'elle agit en conséquence.
    Pour ce qui est du comportement conforme à une politique de dissuasion traditionnelle, il importe de se rappeler que la politique de dissuasion que nous connaissons et qui date de l'époque de la guerre froide a été élaborée sur une longue période et a suscité un certain nombre de tensions très vives. Les risques de mauvais calcul des deux côtés sont élevés dans des situations de ce genre, et la tension, particulièrement dans la région entre la Corée du Nord et ses voisins, est telle que, comme nous l'avons vu dans un passé pas si lointain, des conflits traditionnels locaux peuvent surgir très facilement. Si la Corée du Nord a l'impression que la survie de son régime est menacée dans une de ces situations, cela pourrait avoir de très lourdes conséquences.
    Je ferais attention en employant l'expression « politique de dissuasion » dans le sens historique que nous connaissons avec les Américains et les Russes.

  (1030)  

    Pour que tout soit bien clair, je ne voulais absolument pas laisser entendre que j'appuierais une telle politique. En fait, le NPD s'est dit contre l'existence des armes nucléaires, et nous sommes fort déçus que le Canada n'ait pas pris part aux discussions à New York et aux tentatives visant à interdire les armes nucléaires.
    Ce que je cherche vraiment à faire, c'est trouver un moyen de composer avec la Corée du Nord. Je veux assurer le suivi à cet égard, puisque vous avez tous les deux indiqué que le Canada n'est pas perçu comme une menace directe. Comme une délégation du Canada s'est rendue en Corée du Nord en août, le Canada a-t-il une occasion de jouer un rôle afin de favoriser une reprise des pourparlers sans condition? Il semble que la Corée du Nord, en parole du moins, ait indiqué qu'elle envisagerait de discuter si on n'imposait pas de conditions préalables.
    Nous appuyons sans réserve la diplomatie, mais je pense que nous devons garder à l'esprit les leçons du passé et les positions de nos amis et alliés. À l'heure actuelle, les États-Unis ne sont pas encore prêts à discuter sans condition. Pour leur part, les Nord-Coréens ont insisté pour dire qu'ils ne viendront discuter que si on n'impose pas de conditions.
    Il importe que nous appuyions nos alliés et nos partenaires pour favoriser la réussite des pourparlers quand ils auront lieu. Cela signifie donc que le régime nord-coréen doit prendre certaines mesures qui nous permettraient de croire qu'il est prêt à apporter des modifications et à commencer à adhérer aux règles et aux normes internationales relatives à la non-prolifération, au Conseil de sécurité et à un certain nombre de droits de la personne. Je ne dis pas que tout cela devrait constituer des conditions préalables, mais actuellement, nos amis et nos partenaires jugent que les conditions ne sont pas encore propices à une reprise de pourparlers ayant la moindre chance de réussite.
    Si nous revenons au parallèle tracé avec l'Iran, les pourparlers avec ce pays n'ont-ils pas été entamés sans condition préalable? N'ont-ils pas fini par déboucher sur une issue favorable?
    Vous m'obligez à revenir loin en arrière et à faire appel à ma mémoire, et je ne peux pas dire avec certitude si vous avez raison ou non. Je sais toutefois qu'on a tenu ce que nous appelons des prénégociations pendant une longue période, plusieurs années en fait, avant que les délégués s'assoient pour discuter sérieusement. On a déployé énormément d'efforts diplomatiques pour préparer le terrain avant que les pourparlers n'aient lieu.
    Diriez-vous que le Canada a un rôle à jouer dans les prénégociations et la préparation des pourparlers afin de tenter de travailler avec les États-Unis pour voir quels progrès nous pourrions réaliser à cet égard? À moins qu'il n'y ait un dialogue, je ne vois pas comment nous pourrions éviter la catastrophe.
    Je pense que le Canada joue un rôle. La ministre Freeland est intervenue de manière très active et très énergique auprès de ses homologues des principaux pays afin de préconiser des solutions diplomatiques et d'indiquer clairement que le Canada est prêt à offrir toute l'aide nécessaire pour relancer les discussions et les engager sur la voie de la réussite.
    D'accord.
    Monsieur Fisher, vous avez la parole pour sept minutes.
    Je remercie les témoins de comparaître. Je vous en suis reconnaissant.
    Monsieur Gwozdecky, vous avez énuméré les outils permettant de désamorcer les tensions: les sanctions, la diplomatie et le dialogue. J'aimerais connaître votre avis sur les sanctions et la manière dont elles pourraient provoquer davantage la Corée du Nord, l'incitant à poursuivre la prolifération des missiles nucléaires et balistiques. Considère-t-on que la provocation que l'on perçoit des États-Unis va déstabiliser encore davantage la région?
    Il est très difficile de déterminer les répercussions que les sanctions pourraient avoir sur ce que pense le régime de Pyongyang. Les sanctions visent à faire monter les enchères, à accroître les coûts pour un régime qui, comme celui de Pyongyang, bafoue les normes et les règles internationales, et à lui faire comprendre qu'il est trop coûteux de continuer dans la voie actuelle. C'est accepté, du moins par ceux qui appuient les sanctions. Le rôle de la diplomatie consiste pour sa part à faire comprendre à ce genre de pays qu'il peut atteindre ses objectifs par des moyens diplomatiques et non par l'armement.
    La réponse rapide à votre question, c'est qu'il est très difficile de déterminer l'effet que les sanctions ont sur la manière dont le régime de Pyongyang pense, mais nous savons certainement qu'elles ont fait monter les enchères. Elles ont nui à la Corée du Nord et à sa capacité d'acquérir certaines matières. La suite des choses dépend des diplomates, qui doivent tenter de convaincre le régime de modifier sa perception de la menace.

  (1035)  

    D'accord. Vous semblez dire que les sanctions sont efficaces, mais je crois que 90 % des échanges économiques de ce pays se font avec la Chine. S'il s'agit de durcir les sanctions, en quoi réussirons-nous à faire bouger la Corée du Nord si nous ne touchons qu'aux 10 % qui restent? Je sais que les sanctions ne se bornent pas aux échanges, mais je trouve intéressant que 90 % de ceux de la Corée du Nord se fassent avec la Chine.
    Il a été envisagé de convaincre la Chine de mettre fin à tous les échanges commerciaux et à toute l'aide qu'elle accorde à la Corée du Nord. Quels en seraient les effets sur la capacité de ce pays de construire, d'entretenir et de tester des armes? À quel point ça pourrait-il déstabiliser la région ou, encore une fois, constituer la dernière goutte qui ferait déborder le vase, la provocation ultime qui ferait réagir les Nord-Coréens?
    Permettez-moi une observation, après quoi ma collègue complétera ma réponse.
    Nous ne sommes pas naïfs en ce qui concerne le rôle éventuel des sanctions. Mais elles ne sont qu'un moyen parmi tous ceux que nous devons utiliser. Elles sont peut-être moins efficaces sur un pays comme la Corée du Nord, dont les échanges extérieurs sont si limités. En fait, je pense que seulement 10 % de son économie très autarcique en dépend. Sa production est très diversifiée. Notre objectif est de l'empêcher d'importer les matériaux et les techniques utiles à ses programmes d'armement. Nous avons beaucoup de pain sur la planche. En effet, certains pays n'appliquent pas intégralement les sanctions, et nous collaborons avec eux pour combler ces insuffisances.
    Sarah?
    Très brièvement, en ce qui concerne la Chine, autant que nous le sachions, 90 %, approximativement, des échanges commerciaux de la Corée du Nord se font par l'entremise de la Chine. Nous avons été très heureux de l'appui du gouvernement chinois à la dernière résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, qui alourdit sensiblement les sanctions imposées, y compris dans des domaines très stratégiques comme le pétrole.
    Comme Mark l'a dit, cette économie très autarcique dépend des échanges extérieurs à hauteur de 10 ou 15 %. Une autre source importante de revenus pour ce pays provient de sa nombreuse main-d'oeuvre à l'étranger, en divers endroits, qui renvoie ses salaires dans son pays. Nous l'examinons de très près, avec d'autres partenaires de l'ONU. Nous nous sommes unis à d'autres pays, y compris aux États-Unis, pour inciter les pays hôtes de cette main-d'oeuvre à mieux appliquer les sanctions et les y appuyer, en les aidant à se doter des moyens pour réagir à ce genre de problèmes.
    La résolution la plus récente du Conseil de sécurité a, entre autres choses, fermé le robinet des rentrées futures d'argent provenant des travailleurs nord-coréens à l'étranger.
    Vous avez dit que les sanctions n'étaient qu'un moyen parmi d'autres, mais, deux fois au cours de l'été, on a durci les sanctions contre la Corée du Nord. Il est réjouissant d'entendre qu'on surveille les pays. Y a-t-il des sanctions contre eux? Quelles sont-elles contre un pays qui n'applique pas convenablement les sanctions avalisées?
    Dans l'imposition des sanctions, tous les pays sont obligés de se conformer entièrement aux résolutions du Conseil de sécurité. De nombreux pays sont simplement impuissants à accomplir une mesure très complexe et très difficile. Des pays comme le Canada et d'autres leur offrent leur appui pour qu'ils remplissent leurs obligations. Certains pays peuvent faire preuve de mauvaise volonté, même s'ils ont les moyens d'appliquer entièrement les sanctions. Nous les soumettons à des pressions diplomatiques.
    Vous savez, comme le nombre de pays est d'environ 200, on peut continuer d'accomplir beaucoup de travail pour raffermir le respect des obligations.

  (1040)  

    Intéressant!
    Mon temps est écoulé?
    Il vous reste une quarantaine de secondes pour une autre réponse. Disons que c'est terminé.
    D'accord.
    Nous passons maintenant aux interventions d'une durée de cinq minutes. Si je fais le point, il reste une vingtaine de minutes avec ce groupe de témoins.
    Monsieur Robillard, à vous la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame, messieurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité permanent de la défense nationale. Je vous remercie de vos témoignages.
    Tout d'abord, pouvez-vous nous en dire plus sur les effets anticipés des récentes sanctions imposées par le Conseil de sécurité des Nations unies plus tôt cette semaine?
    Par ailleurs, que pouvez-vous nous dire sur la stratégie derrière ces sanctions? Pouvez-vous nous dire jusqu'où elles pourraient aller si d'autres sanctions devaient être mises en avant?
    J'aimerais que la réponse soit en français, s'il vous plaît.
    Nous espérons bien sûr, comme M. Gwozdecky l'indiquait plus tôt, que l'effet sur le plan stratégique poussera le gouvernement nord-coréen à repenser son approche.
    Nous savons qu'il s'agit d'une tâche difficile, mais il s'agit quand même d'un des moyens de lui expliquer clairement la désapprobation du monde envers son approche. Cela a aussi un effet économique, plus précisément dans le cas des sanctions qui viennent d'être imposées, parce qu'il s'agit surtout de sanctions qui touchent son commerce avec la Chine, surtout le commerce de produits pétroliers. C'est donc un point d'appui assez fort.
    Nous espérons que le régime nord-coréen commencera à comprendre que même cette relation privilégiée et primordiale pour lui, du point de vue du commerce extérieur, est maintenant sous pression. La Chine n'a pas accepté de fermer complètement le tuyau, mais il s'agit quand même d'un signal très fort, je crois, parce qu'actuellement la Corée du Nord dépend pratiquement totalement de la Chine pour les produits pétroliers. Il en va de même en ce qui a trait aux travailleurs à l'étranger.
    Nous estimons que, grosso modo, les sanctions récentes auront pour effet de couper à peu près un tiers des revenus commerciaux de la Corée du Nord. Jusqu'où aller? C'est une question difficile et délicate dont la réponse dépend beaucoup de la Chine. La Chine nous a déjà fait part de ses inquiétudes quant à la possibilité, si on pousse trop fort, qu'il y ait une crise économique et un effondrement du régime. Il y aurait alors beaucoup de répercussions sur le plan humanitaire non seulement en Corée du Nord, mais aussi en Chine, bien sûr.
    Il s'agit d'une des préoccupations de la Chine, C'est certainement une question dont plusieurs de nos alliés, notamment les Américains, traitent souvent avec la Chine. Nous le faisons aussi. Nous avons discuté de cette question à de très hauts niveaux avec la Chine. Nous continuerons la discussion à cet égard.
    Merci.

[Traduction]

    Je cède le reste de mon temps à ma collègue.
    Madame Alleslev, il vous reste environ une minute et demie.
    Beaucoup de Canadiens, et le reste du monde avec eux, bien sûr, retiennent leur souffle en observant la situation, sans toutefois disposer de tous vos renseignements détaillés. De l'extérieur, ils pourraient constater le durcissement des sanctions alors qu'augmentent les tests et que s'amplifie la rhétorique. Pourriez-vous nous aider, nous, les Canadiens, en dirigeant nos regards vers les signes d'une embellie par les voies diplomatiques plutôt que, peut-être, l'augmentation des tensions? Que devrait observer le public pour savoir que les événements et la diplomatie sont efficaces?
    Difficile à dire, mais il y aurait notamment un temps d'arrêt dans les tests de missiles et d'armes nucléaires que nous avons observés. Ça pourrait signifier que le régime s'estime prêt à négocier, ayant fait le nécessaire pour tester ses systèmes.
    Nous pouvons nous en réjouir. Nous pouvons nous en attrister aussi parce que ce pays pourrait n'être prêt à discuter qu'une fois qu'il aura estimé avoir perfectionné ses systèmes de missiles balistiques intercontinentaux. Mais une pause dans ces tests serait un bon signe.

  (1045)  

    Madame Gallant, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie aussi nos témoins. Nous avions invité le ministre de la Défense nationale et le chef d'état-major de la Défense à la réunion et nous nous attendions à les y voir. Leur absence nous fait apprécier d'autant mieux vos réponses.
    Après la dernière série de sanctions, la Corée du Nord, comme vous l'avez dit, a fait exploser une bombe souterraine qui a produit un séisme d'intensité 6,3. Auparavant, devant le Sénat, la Commission sur les impulsions électromagnétiques, ou IEM, du Congrès américain a annoncé que la Corée du Nord avait la capacité opérationnelle et les plans de contingence pour lancer une attaque nucléaire IEM contre l'Amérique du Nord. Elle a même fait des exercices..., et des terroristes pourraient exécuter une telle attaque.
    Votre attaque IEM emblématique fait exploser une ogive à 300 à 400 kilomètres de hauteur au-dessus du centre des États-Unis, dans l'hypothèse qu'ils sont la cible, ce qui crée un champ d'impulsion électromagnétique au-dessus des 48 États américains contigus et de la plus grande partie du Canada. Comme je l'ai dit, la Corée du Nord s'y est exercée. Elle possède aussi des satellites en orbite sur les trajectoires passant par le pôle Sud, qui échappent aux radars d'alerte lointaine et au système de défense antimissiles des États-Unis. Si ces satellites étaient des têtes nucléaires, ils placeraient un champ d'IEM au-dessus de la plus grande partie de l'Amérique du Nord.
    Comme votre témoignage d'aujourd'hui diffère, à cause des capacités accrues de la Corée du Nord, de votre dernier passage devant nous, je tiens à savoir si vous estimez que le Canada est prêt à se protéger d'une attaque IEM.
    Encore une fois, mon rôle est de décrire le comportement possible d'autres pays et de m'assurer que les décideurs canadiens disposent des meilleurs renseignements possible, à portée de main, pour avoir l'avantage de l'information dans la prise de leurs décisions.
    Sur le scénario que vous avez esquissé, je reviens à ce que j'ai dit avant, c'est-à-dire que tout est possible, mais les Coréens du Nord savent très bien que les conséquences d'un événement significatif comme celui-là seraient très dures pour eux. Il faut s'attendre à d'autres tests de leur part, pour prouver leurs capacités, qui comporteraient un certain nombre d'actions différentes qui prouveraient soit la capacité des ogives de survivre aux conditions de rentrée, ce qu'ils n'ont pas encore démontré. Ils pourraient comporter d'autres démonstrations de leurs capacités d'apparier une ogive à un missile. Mais les intentions belliqueuses que vous leur prêtez, celle d'une attaque, auraient des conséquences très graves.
    Apparemment, ce pays a aussi testé une attaque nucléaire IEM au moyen d'un missile de courte portée lancé depuis un cargo. Elle pourrait être anonyme, pour échapper à une riposte des États-Unis. De plus, dans un but de dissuasion des États-Unis, dans l'espoir aussi d'éviter la pleine réaction américaine que vous avez décrite, un État pourrait entreprendre une attaque de démonstration sur le Canada.
    Le Canada est-il prêt à défendre ses citoyens et à réagir aux conséquences, si ça devait se produire par mégarde, sinon par exprès?
    Le prochain groupe de témoins est peut-être mieux en mesure de discuter des préparatifs du Canada. Pour ma part, je ne suis absolument pas en mesure d'en discuter.
    Encore une fois, je ne sais rien du test précis dont vous parlez et qui combinerait un chaland et une IEM. Je devrai m'informer.
    À quelle riposte vous attendriez-vous après la série la plus récente de sanctions imposées à la Corée du Nord?

  (1050)  

    Une riposte de qui?
    À la dernière série de sanctions contre la Corée du Nord, ce pays a réagi par l'explosion d'une bombe souterraine qui a déclenché un séisme d'intensité 6,3. Kim Jong-un a déclaré que c'était une réaction aux sanctions. Après la série de cette semaine...
    Je pense que ce serait une erreur de qualifier de réaction les tests et les travaux de développement de ce pays. Il profite de la valeur symbolique, mais nous voyons bien que, à vrai dire, son travail obéit à des considérations techniques.
    Merci, madame Gallant.
    Madame Vandenbeld, vous avez la parole.
    Je pense que les Canadiens ont raison de s'inquiéter beaucoup à cause de ce problème. Je pense que votre témoignage a été très utile.
    Monsieur Gwozdecky, vous avez dit que la Corée du Nord perçoit le Canada comme un pays pacifique. Je crois que vous avez même dit « ami ». Comme M. Burt a dit que notre ministre passe pour avoir l'oreille des États-Unis et que nous ne passons pas pour doctrinaires, ne pourrions-nous pas en profiter pour, au moyen de discussions, de pourparlers multilatéraux, préparer le terrain, d'abord pendant les négociations préalables, comme vous l'avez dit, mais, aussi, pour relancer les pourparlers à six et même aller plus loin et entraîner une plus grande participation des pays de l'Asie-Pacifique?
    Tout d'abord, permettez-moi de préciser que les propos gentils et courtois que s'échangent les diplomates ne sont pas toujours sincères. Nous ne sommes pas naïfs au point de croire que, malgré ce qu'ils en disent, les Nord-Coréens nous considèrent absolument comme pacifiques et amicaux, mais ce sont des signaux préliminaires. Nous devons nous préparer aussi à autre chose.
    Je pense que nous croyons pouvoir jouer un rôle. Je pense que la ministre estime que nous sommes un joueur de poids, que tous les grands joueurs nous prêtent leur oreille et que nous avons préconisé l'instauration de conditions favorables au début de ces discussions. Le rôle précis du Canada dépendrait des parties principales. Par le passé, les discussions à six ont été le moyen de réunir les six grands. Nous ne croyons pas que le Canada en fasse partie, mais comme je l'ai dit, la ministre a très clairement dit que nous étions prêts à accorder notre appui de toutes les façons possibles. Si les parties estiment que l'opinion du Canada à la table ou son entremise pour un message à un autre joueur... nous sommes plus que disposés à le faire.
    Ailleurs dans le monde, particulièrement les Balkans et le Caucase, le Canada, par le truchement de l'OSCE et d'organisations multilatérales, a réussi à participer et, de nombreuses façons, à localiser des conflits très graves. Pourrions-nous envisager aussi dans la région de l'Asie-Pacifique ce genre de dialogue, de discussions, en nous inspirant peut-être du modèle de l'OSCE.
    Bien sûr, l'OSCE, qui est l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, est l'un des membres du réseau d'institutions multilatérales contribuant de façon importante à la promotion de la sécurité et de la stabilité en Europe. Il n'en existe pas en Asie. Depuis quelque temps, cette lacune en préoccupe beaucoup, notamment le Canada. Nous l'avons dit, mais, actuellement, et je pense que ma collègue sera d'accord, le fruit, dans l'esprit des pays asiatiques eux-mêmes, n'est pas encore mûr.
    N'est-ce pas?
    J'ajouterai seulement qu'une organisation permet de réunir la Corée du Nord et beaucoup d'autres joueurs régionaux, le Forum régional de l'ANASE. C'est dans ce cadre que la ministre Freeland a pu, récemment, converser avec le ministre des Affaires étrangères de la Corée du Nord. Mais cette instance n'est pas exclusivement ni principalement centrée sur la région de l'Asie du Nord-Est.
    Récemment, le président de la Corée du Sud a proposé des éléments d'une collaboration trilatérale améliorée entre le Japon, la Chine et la Corée du Sud. Ça existe déjà, mais, pour l'élargir et l'axer davantage sur la sécurité régionale, il a aussi en plus proposé une sorte d'entité régionale élargie, et je pense que c'est là que le Canada pourrait jouer un rôle. Il est sûr que nous collaborons très étroitement avec la Corée du Sud, un allié proche très directement préoccupée par la question.

  (1055)  

    Alors, pour le Canada, qui est un pays du Pacifique, ce pourrait être une région où nous pourrions éprouver certaines options diplomatiques pour la promotion de ce genre d'idée.
    Oui.
    Assurément, nous sommes engagés dans le genre de mesures que l'OSCE assure en Europe pour instaurer la confiance. Nous pensons qu'elle serait très nécessaire dans le contexte asiatique aussi.
    Merci.
    Monsieur Bezan, à vous la dernière intervention pour ce groupe de témoins.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins d'être ici.
    Monsieur Gwozdecky, vous avez dit que la Corée du Nord considère maintenant le Canada comme pacifique et amical, malgré la bataille de Kapyong et notre participation à la guerre de Corée. La ministre Freeland a dit, pas plus tard que cet été, que quand les alliés du Canada, y compris les États-Unis, sont menacés, nous le sommes aussi.
    Si vous pouvez simplement résoudre pour moi cette quadrature du cercle, comment la Corée du Nord peut-elle nous percevoir comme pacifiques et amicaux alors que nous nous tenons aux côtés de nos alliés?
    Eh bien je ne peux pas parler pour Pyongyang. Je peux seulement vous dire que, dans les discussions qui ont eu lieu — il n'y en a pas eu beaucoup, mais il y en a eu quand même avec le régime nord-coréen —, elle nous dit qu'elle ne nous considère pas comme une menace. Voilà la base de nos commentaires. Mais, en même temps, ça ne cadre pas avec ce qu'a dit la ministre, que nous avons des alliés et que nous sommes prêts à faire cause commune avec eux.
    Si vous permettez, très rapidement. Alors que nous sommes manifestement heureux du regard bienveillant des Nord-Coréens, je pense que ça découle en partie de la grande obnubilation de ce pays par les États-Unis et de ses relations avec lui. En fait, l'un des messages que nous avons essayé de transmettre est que ce n'est pas seulement les Américains qui n'aiment pas ce que les Nord-Coréens font et qui exercent des pressions pour l'application de sanctions; c'est l'ensemble de la communauté internationale. Nous pensons effectivement qu'un message très important à transmettre aux Nord-Coréens est que nous et d'autres pays sommes absolument en désaccord avec ce qu'ils font, mais il est sûr que je témoignerais qu'ils nous ont dit qu'ils nous perçoivent comme un pays ami, y compris pendant des discussions directes que j'ai eues avec des homologues nord-coréens.
    Si vous essayez de dynamiser les relations diplomatiques, j'espère que vous n'envisagez pas de rouvrir une ambassade à Pyongyang.
    Absolument pas.
    Merci.
    Je remercie nos invités, Stephen Burt, Mark Gwozdecky et Sarah Taylor d'avoir comparu.
    Je suspends la séance un moment, le temps de laisser s'approcher les prochains témoins.

  (1055)  


  (1100)  

    Que chacun retrouve sa place, s'il vous plaît, pour que nous puissions commencer à auditionner le deuxième groupe de témoins.
    Avant de commencer, beaucoup d'entre vous peuvent avoir été alertés, par leur téléphone, du décès, aujourd'hui, de notre confrère Arnold Chan. Je voudrais le souligner et, bien sûr, je transmets les condoléances de notre comité à sa famille.
    Souhaitons la bienvenue à nos invités: le lieutenant-général Pierre St-Amand, le major-général Al Meinzinger et le major-général William Seymour.
    Merci d'être ici. Je vous suis reconnaissant du temps que vous nous accordez. On m'a dit que deux d'entre vous feraient un exposé et que vous aviez à peu près besoin de cinq minutes pour le faire. Si vous pouviez remplir cette promesse, je vous en serais reconnaissant. Si vous me voyez soulever une feuille de papier pendant les questions, ça signifie qu'il vous reste 30 secondes pour résumer votre propos. Il me faut être très rigoureux dans l'attribution du temps de parole pour que nous puissions accueillir après vous le troisième groupe de témoins.
    Lieutenant-général St-Amand, vous avez la parole.

[Français]

    Monsieur le président, chers membres du Comité, permettez-moi d'abord de vous remercier de me donner la chance d'être parmi vous afin de discuter du NORAD dans le contexte du développement nord-coréen en matière de missile balistique intercontinental, ou ICBM, et de l'état de préparation des Forces armées canadiennes.
    J'aimerais aussi vous transmettre les salutations de la commandante du NORAD, la générale Lori Robinson.
    La défense du Canada et de l'Amérique du Nord est la mission la plus importante des Forces armées canadiennes. C'est pourquoi les hommes et les femmes en uniforme travaillent côte à côte quotidiennement au NORAD, mais aussi partout dans le monde, pour protéger notre continent.
    L'importance de cette relation de défense pour le Canada a été réitérée dans la nouvelle politique de défense publiée il y a quelques mois. Les récentes démonstrations des capacités grandissantes en matière de missiles balistiques et d'armes nucléaires de la Corée du Nord représentent une préoccupation de plus en plus importante pour la défense nord-américaine et une préoccupation qui a crû beaucoup plus rapidement et de façon plus importante que ce que les experts avaient prévu.
    Les années 2016 et 2017 ont été parmi les plus actives de la Corée du Nord en matière de développement du programme d'armes nucléaires et de missiles. Ce pays cherche à obtenir une capacité de missiles balistiques nucléaires en mesure d'atteindre l'Amérique du Nord. Au cours de ses cinq années en tant que guide suprême, Kim Jong-un a mené près de trois fois plus d'essais de missiles balistiques que son père et son grand-père ne l'ont fait lors de leurs règnes combinés de 63 ans au pouvoir.
    En général, lorsque le NORAD évalue la menace ICBM en évolution de la Corée du Nord, il considère principalement deux facteurs: la capacité et l'intention.
    En ce qui concerne la capacité, la Corée du Nord a démontré, grâce à des essais ICBM consécutifs, sa capacité à atteindre l'Amérique du Nord et sa détermination à résoudre le défi opérationnel qui subsiste.
    Du côté de l'intention, la Corée du Nord a été explicite quant à sa volonté d'utiliser ses armes contre les États-Unis. Toutefois, cette volonté exprimée doit être comprise, du moins en partie, dans le contexte de ses objectifs stratégiques dans leur ensemble, c'est-à-dire d'élaborer sa propre force...

  (1105)  

[Traduction]

    Lieutenant-général St-Amand, pouvez-vous ralentir un peu le débit? Nos interprètes peinent à suivre et ils n'ont pas de version écrite.
    Merci.
    Bien sûr. Permettez-moi de répéter la dernière phrase.

[Français]

    Toutefois, cette volonté exprimée doit être comprise, du moins en partie, dans le contexte de ses objectifs stratégiques dans leur ensemble, c'est-à-dire d'élaborer sa propre force de dissuasion stratégique contre les États-Unis.
    Par conséquent, lorsque nous regardons les capacités et l'intention de la Corée du Nord, nous pouvons dire que les missiles balistiques intercontinentaux nord-coréens représentent une menace pour l'Amérique du Nord et, par conséquent, constituent une préoccupation importante pour le NORAD.

[Traduction]

    Comme tous les membres de votre comité le savent certainement, le Canada ne participe pas au système de défense antimissiles balistiques des États-Unis. Cependant, dans le contexte de son propre mandat, le NORAD, le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, contribue en sa qualité de partenaire à la succession des opérations de défense antimissiles.
    Cette suite de mesures à prendre ne comprend pas seulement la destruction d'un missile en approche. Une fois la menace reconnue, il faut la localiser, fixer son attention dessus, la suivre, la cibler, puis la neutraliser. Le NORAD a trois missions à remplir: l'alerte aérospatiale, le contrôle aérospatial et l'alerte maritime.
    Dans sa mission d'alerte aérospatiale, il participe systématiquement à certains éléments favorisant la défense antimissiles balistiques, sans aller jusqu'au ciblage et à la destruction, qui relèvent unilatéralement du Northern Command des États-Unis, dans le cadre de sa mission de défense antimissiles balistiques.
    De plus, le NORAD est chargé de fournir aux États-Unis et au Canada des évaluations sur toute activité de missiles balistiques dans le monde qui menacent l'Amérique du Nord et qui peuvent constituer une attaque contre notre continent. Il fait ces évaluations par un processus dit d'évaluation intégrée des avertissements de menace et d'attaque, qui est un sous-ensemble de la mission d'alerte aérospatiale.
    Des membres des Forces armées canadiennes sont affectés au NORAD pour jouer des rôles opérationnels de premier plan dans la défense contre les attaques potentielles de missiles contre l'Amérique du Nord. Plus d'une douzaine de Canadiens participent directement à la surveillance et à la détection ininterrompue, de concert avec le personnel américain, des lancements de missiles balistiques. Ils le font à partir d'emplacements radar qui vont de l'Alaska à Thule, au Groenland, et d'autres, situés aux États-Unis. Des Canadiens travaillent aussi avec des militaires des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Australie dans la station de contrôle des missions du système infrarouge basé dans l'espace, qui se trouve à Buckley, au Colorado.
    À Colorado Springs, des membres des Forces armées canadiennes sont assignés aux stations du domaine aérien, missile et spatial et occupent des postes de directeurs de centres de commandement dans notre centre du NORAD et celui de l'U.S. Northern Command. D'autres occupent aussi des postes au sein de l'état-major intégré du NORAD et de l'U.S. Northern Command, exécutent des tâches d'état-major, entre autres, auprès du renseignement et des opérations du NORAD ainsi que de la direction des plans, des politiques et de la stratégie. Toutes ces fonctions, directement ou indirectement, appuient notre mission d'alerte aérospatiale.
    Au NORAD, des officiers généraux canadiens occupent des postes de directeur adjoint, de directeur et de commandant adjoint, où ils appuient le commandant du NORAD dans l'exercice de ses fonctions, ce qui comprend l'aide apportée pour axer le commandement vers les problèmes actuels et à venir.
    Les Canadiens ont un rôle de premier plan et un rôle actif dans la découverte, la détermination, le suivi et l'évaluation des activités de missiles balistiques. Quant au ciblage et à la destruction, nous n'y jouons aucun rôle actif. Cela ne veut pas dire que notre travail est terminé. Nous devenons des observateurs pour une suite particulière d'opérations d'engagement, mais notre mission d'alerte aérospatiale se poursuit, et nous n'abandonnons jamais la surveillance.
    Sur ce, je vous remercie de votre attention et j'ai hâte de répondre à vos questions.
    Merci.
    Avant de céder la parole à M. Seymour, nous avons entendu beaucoup de bruit causé par les téléphones. Veuillez simplement vérifier vos appareils, les nombreux que nous possédons tous, et veillons à les rendre silencieux. Je vous en serais reconnaissant.
    Major-général Seymour, vous avez la parole.

[Français]

    Monsieur le président, honorables membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité permanent de la défense nationale pour répondre aux préoccupations du Comité concernant la Corée du Nord et l'état de préparation des Forces armées canadiennes.
    Comme le lieutenant-général St-Amand l'a mentionné, le nombre croissant d'essais de missiles balistiques nord-coréens constitue une préoccupation importante pour le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, ou le NORAD. De même, ces essais récents ainsi que le développement du programme de missiles et d'armes nucléaires de la Corée du Nord en général constituent une préoccupation importante pour les Forces armées canadiennes.

[Traduction]

    Comme on le répète souvent dans la nouvelle politique de défense du Canada — protection, sécurité, engagement —, l'intérêt national, la défense du Canada et la contribution du Canada à la défense de l'Amérique du Nord, voilà la mission première des Forces armées canadiennes. Nous comprenons de plus que la géographie de notre pays ne le protège plus des menaces comme autrefois, et nos militaires sont prêts à les déceler, à s'y préparer et à intervenir le cas échéant.
    Pour la détection, les Forces armées canadiennes maintiennent une connaissance nationale de tous les domaines par l'entremise de l'opération Limpid. De même, la Cellule des opérations spatiales est occupée en tout temps pour assurer une surveillance continue des données d'alerte aux missiles par l'entremise de ses systèmes modifiés de systèmes d'affichage principal, qui se fondent sur les capteurs infrarouges continus basés dans l'espace américain pour déceler tout lancement de missile. Elle est aussi fréquemment en communication avec la communauté du renseignement américain pour recevoir des indications et des alertes supplémentaires de lancements possibles de missiles balistiques. En collaboration avec les États-Unis grâce à notre partenariat binational au NORAD, nous faisons le suivi des menaces aériennes et aérospatiales contre le Canada et le continent.
    Enfin, grâce à notre partenariat avec les nations alliées, surtout les États-Unis, nous avons accès à des capacités de renseignement et à des capacités basées dans l'espace pour déceler les menaces contre le territoire canadien. Dans l'éventualité d'une attaque de missiles balistiques de la Corée du Nord contre le Canada ou une autre nation où des Canadiens sont présents, les Forces armées canadiennes peuvent compter sur un plan de communication bien établi pour avertir les plus hauts niveaux de direction de l'État canadien.
    Les nombreux partenariats d'échange de renseignements auxquels le Canada participe, comme le Groupe des cinq constitué du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande et les réseaux composés de pays membres de l'OTAN, facilitent notre accès à l'information pour être mieux en mesure d'évaluer les menaces potentielles.
    En ce qui concerne la préparation et l'adaptation, bien que la détection soit essentielle, les Forces armées canadiennes demeurent vigilantes en se préparant à toute éventualité pour neutraliser les menaces et réagir rapidement à l'évolution de la situation.
    Nos militaires gardent en réserve de nombreux plans d'intervention d'urgence pour répondre à toutes les éventualités touchant la défense du territoire canadien dans toute la gamme des opérations. L'un de ces plans, CONPLAN ANGLE, qui est celui, global, des Forces armées canadiennes pour les opérations d'évacuation de non-combattants est exécuté par le quartier général de la 1re division du Canada, notre quartier général à disponibilité opérationnelle élevée.
    Pour assurer un état de préparation adéquat, ce plan est actualisé grâce à de nombreux exercices interarmées et combinés comme l'exercice Uichie Freedom Guardian, exercice annuel mené par la Corée du Sud et les États-Unis, qui comporte des aspects des opérations d'évacuation de non-combattants et qui a eu lieu, de fait, il y a quelques jours. Nous continuerons de collaborer avec nos alliés pour améliorer nos plans et appuyer l'évacuation de citoyens canadiens de la péninsule coréenne et de la région, le cas échéant.
    En ce qui concerne la réaction ou l'action, le rôle principal des Forces armées canadiennes qui consiste à intervenir rapidement et efficacement contre les menaces croissantes est complémentaire à la détection et à la préparation. De nombreux incidents en devenir nécessitent une intervention rapide, et nous conservons un certain nombre d'unités avec préavis court d'intervention.
    La Marine royale canadienne possède des navires prêts au service sur les côtes est et ouest du Canada, avec préavis de huit heures, alors que l'armée canadienne possède quatre unités de 350 personnes pour intervention immédiate avec des éléments capables d'intervenir à 8, 12 et 24 heures de préavis.
    L'Aviation royale canadienne conserve un chasseur CF-18 en état de disponibilité opérationnelle élevée dans le cadre de notre engagement envers le NORAD ainsi qu'un C-17 en mesure de décoller à 24 heures de préavis pour fournir une capacité de transport stratégique.
    De plus, les Forces armées canadiennes effectuent la rotation des unités des trois armées par l'entremise d'un programme de préparation opérationnelle échelonnée afin de s'assurer qu'un certain nombre d'unités ont une disponibilité opérationnelle élevée pour un déploiement rapide.
    Les Forces armées canadiennes ont déployé six militaires au commandement des Nations unies, cinq en Corée du Sud et un au Japon, au quartier général situé en Corée du Sud et ont autorisé la conduite d'opérations militaires en appui de ce pays. Le mandat du commandant est de contrôler l'armistice de 1953, pour être prêt à aider à la défense de la Corée du Sud et d'intégrer dans cette défense toute force envoyée par d'autres pays.
    Pour terminer, les Forces armées canadiennes maintiennent continuellement un état de disponibilité opérationnelle élevée pour réagir rapidement à tous les types de situations de sécurité en évolution, y compris intervenir contre une menace de missiles balistiques provenant de la Corée du Nord. Nous conservons des plans à cette fin et nous travaillons régulièrement avec nos alliés et nos partenaires pour les mettre à jour tout en les mettant en pratique pour conserver cette disponibilité opérationnelle.
    De plus nous dépendons de notre accès aux réseaux de renseignements et aux capacités basées dans l'espace pour déceler les menaces contre le Canada et l'Amérique du Nord, et nous collaborons étroitement avec les États-Unis et d'autres alliés de premier plan pour assurer une détection et une intervention complètes contre ces menaces.

  (1110)  

[Français]

    Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé aujourd'hui. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

[Traduction]

    Je vous remercie de vos commentaires.
    Madame Alleslev, vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Merci pour cet aperçu exhaustif qui fait le point sur notre défense relativement à cette question.
    L'objet de notre étude d'aujourd'hui est de mesurer la capacité du Canada de se défendre et de défendre ses alliés en cas d'attaque par la Corée du Nord; une chose est sûre: les Canadiens sont préoccupés par l'actualité. Même si, directement, la Corée du Nord ne nous menace pas, nous sommes bien sûr préoccupés par le fait que notre proximité ne nous soustrait pas au danger.
    Même si, effectivement, nous ne sommes pas engagés dans la défense antimissiles balistiques, pourriez-vous nous donner une idée, en décomposant peut-être les événements, de ce qui arriverait si un missile était lancé. Comment le Canada réagirait-il? Comment, peut-être, notre partenaire du NORAD réagirait-il lui aussi? Et comment nous assurerions-nous que le Canada est en mesure de se défendre dans cette éventualité?

  (1115)  

    Voyons d'abord le point de vue du NORAD, parce que je pense que nous chercherions d'abord à détecter le lancement du missile. Ça fait partie de notre mission d'alerte aérospatiale qui, à propos, précède de longue date notre défense antimissiles balistiques.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, des Canadiens sont aux commandes des consoles à côté de partenaires américains, à notre centre des opérations. Ce sont des participants à part entière, voyant tout et pleinement conscients de la situation et de ce qui se dirige vers nous. L'alerte est reçue. Pendant que le personnel du quartier général du NORAD y donne suite, elle est communiquée à nos partenaires, ici, au Canada, par l'entremise d'une organisation, le Centre de surveillance sous-marine intégrée des Forces canadiennes. Le Commandement des opérations interarmées participe aussi à ces conférences et fera aussi le suivi, comme nous, de la même activité. Le gouvernement canadien, par le chef d'état-major de la Défense, sera informé très rapidement de l'approche d'un missile en direction de l'Amérique du Nord, vers nous.
    Ensuite, il y aura une évaluation, encore une fois, dans le cadre de notre mission d'alerte aérospatiale, où nous déterminerons si le missile constitue une attaque ou autre chose. Ce pourrait être un tir à des fins de recherche et de développement. Autre chose, en fait, qu'une attaque. C'est une évaluation assez importante, en raison de la suite des événements, qui sera déterminée par cette évaluation.
    À partir de ce moment, les Canadiens du NORAD retournent en mode surveillance pour d'autres tirs, l'approche d'autres mobiles. Nous n'abandonnons jamais. Nous sommes toujours au poste, à la station. Dès ce moment, l'engagement relève entièrement de la décision des États-Unis de détruire ou pas ce missile. Nous ne participons pas à cette discussion. Nous sommes cependant présents, au coude-à-coude. Par exemple, en ma qualité de commandant adjoint du NORAD, je suis l'égal du commandant adjoint de l'US Northern Command. Nous sommes assis côte à côte pour comprendre exactement la situation. C'est une sorte de mission complémentaire, si vous voulez.
    D'après ce point de vue, nous recevrons l'alerte, nous connaîtrons la destination, puis les États-Unis décideront s'ils se défendront ou pas contre ce missile.
    Merci beaucoup.
    Nous savons que c'est maintenant une menace qui se précise. Nous venons d'examiner la politique de défense. Nous sommes très fortement engagés à l'égard du volet sécurité en Amérique du Nord de notre politique de défense dont le slogan est protection, sécurité et engagement. Une partie, évidemment, réside dans nos rapports avec le NORAD.
    Alors que l'USNORTHCOM est chargé du volet de la défense antimissiles balistiques et que le rôle du NORAD à cet égard n'est pas aussi important, est-il possible dans le cadre de la modernisation du NORAD d'envisager l'évolution de cette menace nouvelle, de peut-être examiner nos nouveaux systèmes d'alerte et l'éventuel transfert du modèle d'engagement dans le cadre de cette modernisation? Pourriez-vous nous en parler un peu?
    Oui. Dans le cadre de notre mission d'alerte aérospatiale, nous discutons toujours des menaces nouvelles, parce que nous devons distribuer des avertissements à leur sujet. Nous participons à la caractérisation de nouvelles capacités. Nous cherchons à comprendre la situation, notamment la situation géopolitique dans laquelle s'insèrent les événements. Nous le faisons quotidiennement, parce que nous détectons à l'échelle mondiale les lancements de missiles balistiques.
    De ce point de vue, nous participons aux discussions, parce que nous participons à ce segment qu'est l'alerte aérospatiale. C'est une mission ancienne, qui nous a été confiée il y a longtemps, bien avant, encore une fois, la défense antimissiles balistiques. Ayant participé entièrement à la caractérisation de cette nouvelle menace, cette analyse marquera alors un temps d'arrêt jusqu'à ce que nous détections autre chose. Notre surveillance se poursuit toujours. Nous nous inquiétons des menaces nouvelles. Nous faisons tout notre possible pour conserver la connaissance la plus grande possible de la situation.
    Tout ça se fait, à propos, de concert avec nos partenaires du renseignement. Quand je dis que le NORAD le fait, c'est de concert avec le renseignement, avec la planification et la stratégie et avec d'autres éléments, au quartier général.
    Quels sont certains des éléments de la modernisation du NORAD? Quels sont certains des éléments sur lesquels nous devons nous concentrer ensuite pour vraiment nous assurer de posséder cette capacité?

  (1120)  

    Qu'est-ce que la modernisation du NORAD? C'est dans la catégorie de la planification prudente, essentiellement. Ce n'est pas le fait de conseiller le gouvernement, parce que ce n'est pas notre tâche. C'est une analyse réalisée par les commandants chargés, ensemble, de la défense du continent — c'est-à-dire les trois commandements du NORAD, du Northern Command et du Commandement des opérations interarmées du Canada — dans le cadre de travail des trois commandements. Il s'agit de discussions sur la façon de mieux nous organiser, correctement et efficacement, pour nous défendre contre tous les périls et toutes les menaces posés au continent.
    C'est une initiative de très grande envergure, qui ratisse assez large. Nous en discutons maintenant depuis deux ans. C'est du ressort interne des commandements. Nous n'en sommes pas encore aux solutions, plongés que nous sommes dans la définition du problème. Nous procédons par domaine (aérien, maritime, cybernétique, aérospatial et spatial, peut-être, dans le futur), mais très posément.
    Merci.
    Monsieur Bezan.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les généraux de comparaître devant nous aujourd'hui pour faire le point à notre intention.
    J'aimerais m'adresser d'abord au général St-Amand au sujet du NORAD.
    Vous avez parlé du rôle que jouerait le NORAD si un missile balistique intercontinental se dirigeait vers nous, et de votre rôle d'observateur. Comme vous l'avez dit lors de votre dernière comparution, en 2016, vous êtes devenu un observateur silencieux. Quelle incidence cela a-t-il sur la relation entre le Canada et les États-Unis au sein du NORAD? Diriez-vous que nous sommes un allié responsable en étant uniquement un partenaire silencieux? Est-ce responsable d'agir ainsi en ce qui concerne la protection du Canada?
    Étant donné que nous agissons ainsi depuis de nombreuses années, tout se déroule très bien. La décision d'intervenir ou non appartient aux États-Unis, mais nous sommes présents. Je pense que, dans le cadre des instructions permanentes d'opération et en raison de la façon dont nous répartissons les tâches parmi les officiers généraux, qui ont certaines tâches et pouvoirs aux États-Unis lorsqu'il s'agit d'évaluer la situation ou de décider de larguer des armes, nous avons appris à travailler ensemble. Quant à l'incidence sur la relation entre les États-Unis et le Canada à Colorado Springs, il y a une complémentarité et tout fonctionne bien. Je n'ai aucune préoccupation. Aucune inquiétude n'a été exprimée de la part des Américains ni de mes collègues lorsque nous participons à ce type d'activité.
    Quant à savoir si nous sommes un allié responsable ou si c'est simplement ce que nous devrions faire, malheureusement, je ne suis pas en mesure de répondre à cela. En tant qu'utilisateurs d'une force, nous mettons en oeuvre les politiques et nous exécutons les ordres. C'est tout ce que je dirai là-dessus pour le moment.
    S'il y avait une attaque et qu'un missile se dirigeait vers nous, je pense que bien des Canadiens assumeraient que les États-Unis s'occuperaient de le détruire. Penser cela les réconforte, mais peut-être qu'ils se réconfortent à tort. Je crois que les Canadiens ont davantage confiance maintenant dans la capacité du MDN, mais ils présument que les États-Unis protégeraient le Canada. Si un missile se dirige vers nous et que les États-Unis ne savent pas s'il va toucher Vancouver ou Seattle, ils le détruiront. Pensez-vous que si nous ne participons pas à ce programme, et étant donné notre relation avec le NORAD, le Commandement de l'Amérique du Nord prendrait la décision de protéger le Canada?
    À Colorado Springs, on nous a dit que les États-Unis ont pour politique actuellement de ne pas défendre le Canada. C'est ce qu'on nous a dit, et c'est ce que je peux vous dire.
    Merci.
    J'aimerais aborder la question de la menace croissante que représentent la Corée du Nord et ses capacités. La couverture des médias porte essentiellement sur les missiles balistiques intercontinentaux. Nous avons entendu parler plus tôt de l'IEM, l'impulsion électromagnétique, et de l'incidence que cela aurait sur l'ensemble de l'Amérique du Nord, non seulement les États-Unis, mais aussi le Canada. Observons-nous, en raison de l'expansion du programme de sous-marins nord-coréens, une activité dans l'océan Atlantique qui pourrait menacer...? Si la Corée du Nord décidait d'aller de l'avant avec une attaque multilatérale, ses sous-marins ont-ils la capacité de lancer des missiles à courte portée en Amérique du Nord?

  (1125)  

    Monsieur, je répondrai d'abord que je suis d'avis que certains renseignements sont classifiés.
    Il est très clair, comme vous l'avez probablement lu dans les médias, que les Nord-Coréens sont en train de développer une capacité — ils possèdent des sous-marins depuis longtemps, et nous avons vu qu'ils ont attaqué les Sud-Coréens il y a quelques années et qu'ils ont réussi à faire couler un de leurs navires de guerre — et ils sont en train de mettre au point un sous-marin capable de lancer un missile balistique. C'est une capacité naissante pour l'instant. Nous n'avons pas de preuve et c'est certainement limité à leurs eaux territoriales. Nous observons tout cela avec beaucoup d'inquiétude, car, comme nous l'avons vu dans le cas d'autres missiles, c'est une capacité qui prend de l'ampleur et le pays est en mesure de l'accroître davantage. Cependant, à ce stade-ci, je dirais que les Canadiens ne devraient pas être préoccupés. C'est probablement le sous-marin qu'on surveille le plus dans le monde, mais je dois dire honnêtement que je serais étonné, s'il y avait un conflit, qu'il s'éloigne beaucoup des eaux territoriales coréennes.
    Merci.
    En ce qui concerne le COIC, le Commandement des opérations interarmées du Canada, où en sommes-nous dans les discussions sur l'état de préparation, non seulement du côté des Forces armées canadiennes, mais sur le plan de notre travail avec nos alliés, particulièrement les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud?
    Monsieur, c'est un domaine où les choses se passent très bien. Le COIC et l'ensemble des Forces canadiennes collaborent très bien avec les États-Unis et nos alliés dans la région de l'Asie-Pacifique. Comme vous le savez, j'ai travaillé pendant trois ans au sein du Commandement du Pacifique des États-Unis, ce qui m'a permis d'en apprendre beaucoup au sujet des opérations des États-Unis et de nos alliés. Bien sûr, le Canada est depuis très longtemps une nation du Pacifique. Nous accomplissons un excellent travail dans la région.
    En effet, la semaine dernière, le chef d'état-major de la Défense a accueilli, pour la première fois, tous les chefs d'état-major de l'Asie-Pacifique dans le cadre d'une rencontre à Victoria, au cours de laquelle ils ont discuté de divers aspects liés à la sécurité dans la région de l'Asie-Pacifique.
    Nous avons également effectué, en collaboration avec nos alliés en Corée du Sud, l'exercice Ulchi-Freedom Guardian — je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire — qui nous a permis de travailler ensemble pour la défense de la Corée du Sud, notamment.
    Nous entretenons aussi des liens étroits avec le Japon. Le Japon et d'autres pays de la région de l'Asie-Pacifique participent aussi à l'exercice RIMPAC, qui est mené tous les deux ans. Le dernier a eu lieu en 2016. Nous nous préparons à participer à l'exercice RIMPAC de 2018, qui est le plus important exercice maritime au monde. Nous participons à l'exercice RIMPAC depuis le tout début et nous continuerons de le faire. C'est un excellent exercice qui porte sur diverses capacités, y compris la lutte anti-sous-marine, qui est liée à la question que vous avez posée tout à l'heure.
    Il est certain que notre contribution dans la région de l'Asie-Pacifique est beaucoup plus large. Des représentants de la Défense sont présents partout dans la région. Nous avons encore un officier général qui travaille au sein du Commandement du Pacifique des États-Unis. Nous travaillons en très étroite collaboration avec nos alliés en Australie. Je pourrais vous en dire davantage si vous le souhaitez.
    J'ai une dernière question à poser avant que mon temps soit écoulé, monsieur le président. Vous avez parlé de l'état de préparation, de la menace et des ressources dont vous disposez dans certains endroits, qui sont prêtes à être mises à contribution, qu'il s'agisse de ressources humaines ou de matériel. Dans le pire des scénarios — et je sais que vous êtes toujours prêts à faire face au pire — s'il y a une attaque et qu'il y a des contrecoups, comment les Forces armées canadiennes vont-elles collaborer avec nos organismes intergouvernementaux pour faire face à ces contrecoups?
    Malheureusement, nous allons devoir revenir à cette question parce que le temps est écoulé
    Je vais donner la parole à M. Garrison.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je vais donner l'occasion aux témoins de répondre à cette question s'ils le souhaitent.
    Parlez-vous précisément d'une attaque nucléaire en Amérique du Nord?
    Oui. Si un missile balistique intercontinental ou une IEM avait des conséquences sur le Canada, comment les Forces armées canadiennes collaboreraient-elles avec d'autres organismes gouvernementaux pour faire en sorte de prendre les mesures nécessaires?
    C'est une excellente question, monsieur, qui est liée à ce dont a parlé le général St-Amand, à savoir l'alerte. Dès le tout début, le Canada est averti qu'une situation pourrait se produire, dans ce cas-ci, qu'un missile pourrait frapper l'Amérique du Nord. Dès le départ, les paliers supérieurs du gouvernement sont mis au courant, et les Forces armées canadiennes et tous les ordres de gouvernement au Canada sont avisés. Les mesures à prendre sont déterminées par les Forces canadiennes en collaboration avec le gouvernement du Canada ainsi que les provinces et les municipalités. Nos plans d'urgence portent sur un certain nombre d'éventualités, y compris la possibilité d'une attaque nucléaire, qu'elle soit menée par des terroristes ou des États qui nous veulent du mal.
    Ces plans d'urgence ont été mis à l'essai aussi récemment que le printemps dernier, dans les Maritimes, où nous avons revu le scénario d'une attaque nucléaire en collaboration avec nos alliés, les États-Unis. Ce scénario consistait en une bombe qui avait été larguée sur la côte Est des États-Unis et du Canada. Nous avons travaillé en collaboration pour faire face à cette attaque.
    Toutes les entités du gouvernement ont participé à cet exercice, auquel nous procédons régulièrement pour mettre à l'essai les plans d'urgence et les améliorer. Bien sûr, ces plans portent sur d'autres domaines, à propos desquels je serais ravi de parler si vous avez des questions à cet égard.

  (1130)  

    Je vous remercie beaucoup pour cette réponse et je vous remercie pour votre présence ce matin.
    Après avoir entendu votre témoignage, je confirme mon opinion selon laquelle le meilleur moyen de défense pour le Canada est de faire progresser la diplomatie. Le NPD, bien entendu, s'oppose à la participation au programme de défense antimissiles balistiques, car puisqu'il est de plus en plus facile et de moins en moins coûteux de fabriquer des armes offensives, si nous y participons, nous allons contribuer à une course aux armements. On se pose des questions au sujet de l'efficacité du programme de défense antimissiles balistiques des États-Unis, particulièrement en ce qui concerne les leurres. À mon avis, participer à un programme qui n'a pas fait ses preuves, qui est très coûteux et qui provoquera probablement une course aux armements n'est pas une solution.
    Je crois que ce que vous avez dit plus tôt, général St-Amand, est extrêmement important, c'est-à-dire que la politique actuelle des États-Unis est de ne pas défendre le Canada dans le cas d'une attaque par un missile balistique. Si, comme nous le disons, la Corée du Nord vise mal et lance un missile vers l'Amérique du Nord et que ce missile se dirige vers le Canada, dites-vous que, conformément à leur politique, les États-Unis ne feraient rien dans une telle situation?
    La décision appartient entièrement aux États-Unis.
    Vous avez toutefois dit tout à l'heure que la politique américaine consistait à ne pas défendre le Canada.
    C'est exact, alors je ne peux pas dire si, dans le feu de l'action, il y aurait une discussion au plus haut niveau pour déterminer si on respectera ou non la politique, mais je peux dire que c'est une discussion et une décision qui concernent exclusivement les États-Unis.
    Quelle est notre capacité de défense dans une telle situation?
    Vous voulez dire contre les missiles balistiques? Nous n'avons aucune capacité de défense. La mission que nous avons, comme on l'a décrit, dans le cadre de la défense antimissiles balistiques concerne l'alerte, l'identification et l'évaluation.
    Cela m'amène à nouveau à conclure que notre moyen de défense est la diplomatie. Nous devons veiller à ce qu'un tel missile ne soit pas lancé vers nous étant donné que nous n'avons aucune capacité de nous défendre contre un missile lancé dans la mauvaise direction par la Corée du Nord.
    Pardonnez-moi, monsieur, quelle était la question?
    Il est évident que la diplomatie est notre seul moyen de défense puisque nous n'en avons aucun contre ce type de missile. Nous devons veiller à ce que le lancement d'un tel missile n'ait pas lieu.
    Je ne suis pas en mesure de commenter sur cette question de politique.
    En parlant aux témoins ici présents, nous constatons que, si la Corée du Nord se comporte de façon irrationnelle et dispose d'une piètre technologie, nous sommes extrêmement vulnérables. Je ne crois pas qu'il s'agit d'une question de politique; c'est une question de défense, et il nous faut avoir recours à la diplomatie pour nous assurer qu'un tel événement ne se produise pas. Autrement, nous demeurons extrêmement vulnérables.
    Je n'ai pas d'autres questions.
    Monsieur Fisher.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie messieurs, d'être ici.
    Si la Corée du Nord venait à attaquer les États-Unis, il est très clair que nous serions une cible accidentelle ou un dommage collatéral. Hawaï dispose d'un plan d'intervention en cas d'urgence, conçu précisément pour une attaque par la Corée du Nord. Quand, à votre avis, le Canada devrait-il se doter d'un plan public d'intervention en cas d'urgence pour une situation de la sorte?
    Je sais qu'un tel plan a été élaboré à Hawaï, car j'ai déjà vécu là-bas, où j'étais responsable de la gestion des catastrophes. Étant donné le simple fait que les États-Unis subissent une menace, je pense qu'ils passeraient en revue un tel scénario. Cela correspond tout à fait à leur façon de penser.
    Au Canada, je crois que les plans d'urgence dont j'ai parlé couvrent les aspects d'une possible attaque nucléaire au pays. Contrairement à l'époque de la Guerre froide, nous parlons aujourd'hui de la possibilité qu'un seul missile puisse ou non frapper l'Amérique du Nord, et nous devons examiner nos plans à la lumière de cette menace et envisager d'améliorer notre capacité et nos interventions. Cela est entièrement conforme à notre approche et à notre politique visant à accroître notre capacité à réagir aux menaces en constante évolution.
    D'accord, mais il ne s'agit pas d'un plan qui indiquerait au public ce qu'il doit faire dans une telle situation. Est-ce que vous laissez entendre que nous ne sommes pas en mesure d'envisager précisément ce qui se passerait afin de préparer le public?
    Je crois que nous pensons surtout aux attentats terroristes et que nos plans visent l'utilisation par des terroristes de certains types d'armes, qu'il s'agisse d'armes nucléaires, chimiques ou biologiques. Aviser le public et intervenir aux niveaux provincial, fédéral et municipal sont des éléments qui font partie des plans. Si nous envisageons une attaque nucléaire au Canada, nous pouvons logiquement inclure une telle situation dans les plans dont nous disposons. Il n'est pas nécessaire d'élaborer un nouveau plan.

  (1135)  

    J'ajouterais un autre exemple. Je pense à des tragédies qui se sont produites dans des universités et des collèges, surtout chez nos voisins du sud. Des tireurs actifs sont entrés dans des établissements d'enseignement. Ici, certains de nos enfants nous racontent qu'ils ont participé à un exercice visant à leur enseigner ce qu'ils doivent faire si un tireur actif entre dans leur école. C'est pour cette raison, je crois, que nous faisons preuve de prudence en procédant à une telle planification.
    Je conviens avec mon collègue que les plans d'urgence sont généralement élaborés en premier lieu au niveau des municipalités, qui constatent qu'il y a une menace éventuelle ou qui ont une préoccupation et qui élaborent des procédures. Je crois que c'est l'approche que je recommanderais.
    Je pourrais renchérir là-dessus. J'ai travaillé au sein du Commandement du Pacifique des États-Unis et j'ai remarqué que la façon de réagir à la violence armée au Canada n'est pas la même qu'aux États-Unis. Au quartier général, nous élaborions souvent des scénarios de tirs en vue subjective, dans lesquels nous devions réagir à ce genre de situation.
    Au Canada, nous accordons moins d'attention à ce genre de situation et nous ne procédons pas à ce type d'exercice aussi souvent qu'aux États-Unis. Je crois que, si la menace venait à s'amplifier, nous y accorderions plus d'attention et nous modifierions nos pratiques et nos mesures d'intervention.
    Nous savons qu'un nombre croissant de cyberattaques sont menées à partir de la Corée du Nord. Les médias ont même rapporté que des pirates nord-coréens financent leurs attaques au moyen de bitcoins afin de contourner les lourdes sanctions des Nations Unies. Il semble donc que le cyberespace sera le prochain champ de bataille.
    Quelles mesures le Canada a-t-il prises pour protéger notre pays des cyberattaques?
    Je peux répondre en premier.
    Je crois que la plus récente politique en matière de défense mentionne l'importance de la cyberprotection. Bien entendu, la tâche principale des militaires est de protéger adéquatement nos systèmes, nos commandements et nos contrôles essentiels. À l'étranger, la nature habilitante de nos systèmes doit être protégée, ce qui signifie que c'est l'un des principaux aspects de notre approche.
    Dans le cadre de notre politique en matière de défense, l'une des nombreuses initiatives qui concernent précisément les Forces armées canadiennes est la création d'un nouveau domaine d'emploi, lié au cyberespace. Parce que le Canada compte de nombreux jeunes talentueux, nous allons développer les compétences dont nous avons besoin au sein des Forces armées canadiennes pour nous appuyer dans ce domaine. Nous nous concentrons énormément là-dessus. Ce nouveau domaine d'emploi offre de nouvelles possibilités et nous souhaitons ardemment recruter de jeunes Canadiens qui deviendront des cyberopérateurs. Nous allons concentrer nos efforts sur ce recrutement dans l'avenir.
    J'ajouterai simplement qu'en tant qu'utilisateurs d'une force, nous accordons beaucoup d'importance à cela. Nous travaillons en collaboration avec le Centre de la sécurité des télécommunications relativement à ce que nous sommes déjà en mesure de faire dans le cyberespace pour protéger nos forces. Lorsque nous avons envoyé des troupes en Lettonie — M. Bezan le sait très bien et je crois savoir qu'il se rendra en Lettonie — nous avons notamment veillé à ce qu'elles soient à l'abri des cyberattaques, peu importe leur provenance.
    Combien me reste-t-il de temps, monsieur le président?
    Il vous reste une minute vingt, pour une question et une réponse.
    M. Gerretsen a abordé la question du rôle du Canada sur le plan de la diplomatie avec le dernier groupe de témoins. J'aimerais savoir quel rôle joue le Canada actuellement dans la stabilisation de cette région, de la péninsule. Que faisons-nous sur le terrain? Quel est notre rôle en ce moment...? Je présume que nous sommes présents en Corée du Sud. Quel est notre rôle à l'heure actuelle? Je sais que nous participons à un exercice chaque année en septembre. Je crois qu'il s'agit de l'exercice Ulchi-Freedom. Quel rôle le Canada joue-t-il maintenant en vue de stabiliser cette région?
    Je pense, comme mon collègue l'a mentionné, que cinq membres des Forces armées canadiennes font partie du Commandement des Nations unies en Corée. L'un d'eux se trouve au Japon, et sa mission est bien entendu de surveiller l'application de la convention d'armistice qui a été signée au début des années 1950. Il travaille à cet égard en collaboration avec la Corée du Sud et nos alliés. Comme vous l'avez souligné, nous participons régulièrement à un exercice, principalement par l'intermédiaire de la 1re Division du Canada à Kingston. Cette division est la tête d'avant-garde qui participe habituellement aux exercices.
    Bien entendu, comme on l'a mentionné, nous sommes présents là-bas. Nous avons un réseau d'attachés. Nous avons souvent des frégates dans la région afin de rencontrer nos alliés. Nous nous efforçons constamment d'améliorer notre connaissance et notre compréhension des enjeux. Des discussions ont eu lieu la semaine dernière ici au Canada dans le cadre de la conférence des chefs de la défense du commandement du Pacifique. Tout cela contribue à améliorer notre connaissance de la situation et à mieux comprendre où en sont nos alliés. C'est très utile pour nous mettre en contexte et nous faire voir le point de vue de ceux qui sont près de la Corée du Sud et de la Corée du Nord. Je parle des Sud-Coréens et bien entendu des Japonais précisément.
    Il s'agit d'un effort constant, et nous veillons à continuer d'améliorer notre connaissance de la situation.

  (1140)  

    C'est tout le temps que nous avions pour cette question.
    Il nous reste un peu moins de 20 minutes avec ce groupe de témoins. Nous allons passer à des questions de cinq minutes.
    Monsieur Robillard, la parole est à vous.

[Français]

    Monsieur St-Amand, dans le cadre de la défense antimissile balistique, vous avez affirmé, lors de vos remarques, que le Canada n'avait plus de rôle dès qu'il était question de ciblage et d'engagement. Vous avez dit que nous devenions des observateurs.
    Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur cela?
    Oui, certainement.
    Commençons par décrire la séquence des événements.
    Comme je l'ai déjà décrit, quand nous percevons une activité liée à un missile balistique, nous devons juger si cette activité constitue une attaque contre l'Amérique du Nord ou non. À ce moment-là, notre mission d'aerospace warning — je ne connais pas le terme en français — continue. Elle n'est pas terminée. En effet, il pourrait y avoir quelque chose d'autre. Si nous estimons qu'un véhicule ou un missile constitue une attaque, il est possible qu'il y en ait d'autres. Nous restons alors en face de nos écrans pour poursuivre notre mission.
    Quand je dis que nous sommes des observateurs, c'est parce que nous sommes présents physiquement dans la salle. Les gens du U.S. Northern Command et du NORAD sont ensemble dans la salle. Cependant, nous ne prenons pas part aux discussions relatives au ciblage et à l'engagement. C'est tout, c'est aussi simple que cela.
    Si un autre missile se dirige vers l'Amérique du Nord, encore une fois, il faut évaluer la situation et prendre une décision. De nouveau, il s'effectue un transfert de responsabilités du NORAD au U.S. Northern Command, et la mission continue. C'est le processus. Physiquement, nous sommes ensemble.
    Merci.

[Traduction]

    Il vous reste un peu de temps.
    Je ne crois pas qu'il veut l'utiliser.
    Alors passons à... Est-ce que quelqu'un de ce côté-ci veut prendre la parole? Il reste trois bonnes minutes.
    Monsieur Gerretsen.
    Je vous remercie beaucoup.
    J'aimerais parler un peu du quartier général du NORAD. Le Comité a eu l'occasion de se rendre à Colorado Springs. Je vais dire notamment que j'ai été impressionné dès le début par la façon dont les Canadiens et les Américains travaillent côte à côte. Ils vont même jusqu'à se saluer, et on peut voir que chacun apprécie vraiment la contribution de l'autre pays. Je ne peux penser à aucune autre alliance qui soit plus solide que celle que nous avons observée.
    Général St-Amand, par rapport à la question de M. Robillard, vous avez parlé du climat qui règne. La plupart des gens ne peuvent pas voir ce qui s'y passe. Il y a une grande salle où se trouvent des écrans qui servent à surveiller les menaces. Tant les Américains que les Canadiens participent aux décisions comme s'ils faisaient partie d'un même pays.
    Lorsqu'une menace est détectée, que se passe-t-il dans la salle? Y a-t-il une table où tout le monde s'assoit, sauf les Canadiens? Y a-t-il un endroit fermé réservé aux Américains? Qu'en est-il?
    Je vais demander aux membres d'essayer de visualiser mes explications.
    Il y a une grande salle, un centre des opérations, qui est divisé en différents domaines. Il y a le domaine terrestre, qui relève principalement du Commandement de l'Amérique du Nord. Il y a le domaine de l'aérospatial, celui des missiles et celui du renseignement. Des Canadiens et des Américains sont affectés aux consoles en tout temps, 24 heures sur 24, 7 jours par semaine. Les consoles ne sont jamais laissées sans surveillance, même pas pour une minute. Si quelque chose se produit, il y a immédiatement une alerte, et les gens se mettent au travail. C'est ce qui se trouve à l'avant de la salle.
    Au milieu, il y a le commandement, ce que nous appelons le centre de commandement, où se trouve le directeur et son personnel. Son travail consiste à coordonner et à orchestrer les activités des différents domaines dont s'occupent les personnes qui sont affectées aux consoles qui nous donnent de l'information. Des Canadiens font partie de cet effectif.
    Il y a ensuite les évaluateurs et les autorités, qui se trouvent habituellement à l'arrière de la pièce lorsqu'ils sont présents. Il s'agit des autorités qui s'occupent de l'évaluation et de l'engagement, non seulement en ce qui concerne les missiles balistiques, mais aussi dans le contexte de l'opération Noble Eagle et des attentats du 11 septembre. Il y a aussi une autorité d'engagement dans le domaine aérien.
    C'est par l'entremise du directeur du centre de commandement et des autorités que les communications ont lieu. Les décisions doivent être prises très rapidement dans tous les cas. Tout se déroule sans heurts. Comme vous l'avez dit, nous travaillons main dans la main.

  (1145)  

    Alors lorsqu'une menace...
    Le temps est écoulé.
    Je vais céder la parole à M. O'Toole.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je suis certain que vous êtes aussi enthousiaste que moi d'accueillir ce matin tous ces témoins en uniforme bleu pâle. Je vous remercie beaucoup.
    Général, combien de Canadiens travaillent au NORAD à Colorado Springs et ailleurs aux États-Unis?
    Dans l'ensemble des États-Unis, nous avons plus ou moins 300 militaires. À Colorado Springs, nous en avons entre 145 et 147, qui sont là avec leur famille.
    Vous remercierez les hommes et les femmes qui travaillent là-bas, car nous sommes très reconnaissants de leurs efforts.
    J'ai deux questions précises à poser.
    Le NORAD a été créé à la fin des années 1950 lorsque la Russie a eu la capacité de lancer un missile balistique intercontinental. L'objectif premier du traité du NORAD est d'exécuter une fonction d'alerte aérospatiale. L'alerte aérospatiale vise à détecter les menaces qui proviennent des airs et à se défendre contre ces menaces. Ces menaces proviennent maintenant d'autres acteurs étatiques. Le NORAD examine tous les acteurs étatiques, peu importe leur histoire. Est-ce exact?
    Oui, c'est exact.
    Dans l'avenir, il pourrait y avoir d'autres pays qui menaceront le Canada et qui disposeront de capacités similaires à celles que détient un pays comme la Corée du Nord.
    C'est vrai.
    Depuis la création du NORAD, les menaces ont été mises à jour à de nombreuses reprises, y compris en 2006, pour ajouter les menaces maritimes.
    Est-ce que les Américains considèrent que les missiles balistiques constituent une nouvelle menace à ajouter à la liste du NORAD?
    Je ne sais pas, car nous n'en n'avons pas discuté. Comme vous le savez, la politique a été établie et nous ne participons pas au programme de DMB, alors je ne peux pas vous répondre.
    Il faut contrer la menace qui vient des airs, qui provient depuis longtemps de la Russie, qui vient pénétrer notre espace aérien, et faire face au progrès extraordinaire de la technologie des missiles balistiques intercontinentaux qui a eu lieu depuis la fin des années 50. Le programme de DMB est purement défensif. M. Garrison est d'avis qu'il provoquera une course aux armements, mais ce programme vise uniquement à se défendre. Est-ce exact?
    C'est exact.
    À votre avis, est-ce que ce programme de défense suscitera une course aux armements de la même façon que l'ont fait la doctrine de la destruction mutuelle assurée et la capacité stratégique des États-Unis?
    Monsieur, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Elle va bien au-delà de mes...
    D'accord.
    Dans le temps qu'il me reste, je dirai que j'ai été étonné que vous décriviez le Canada comme un fier partenaire du NORAD. Le NORAD participe au programme de DMB en tant que partenaire, mais nous sommes des observateurs quand vient le temps de prendre des décisions qui concernent ce programme. Nous sommes un partenaire dans un partenariat, et ce partenariat est un partenaire dans le programme de DMB, mais nous sommes un observateur en ce qui a trait à ce programme. Pour revenir à la question qu'a posée mon collègue James Bezan, cela signifie-t-il que nous ne sommes pas un véritable partenaire dans le NORAD?
    Je ne crois pas, monsieur. Le NORAD a une longue histoire. La mission d'alerte aérospatiale a été établie bien avant le programme de DMB. Nous avons toujours exercé cette fonction. L'architecture, les capteurs, le commandement et le contrôle relatifs à la fonction d'alerte aérospatiale diffèrent des capteurs et de l'architecture de commandement et de contrôle liés au programme de DMB. Ils ont été ajoutés plus tard.
    Quant aux facteurs qui amènent les États-Unis à déterminer s'ils vont se défendre ou non, nous contribuons à les établir, car ils utilisent certains des renseignements que nous utilisons qui proviennent de capteurs propres au NORAD. Il serait...

  (1150)  

    Permettez-moi de vous interrompre, général. Vous avez dit tout à l'heure que, s'il y avait une menace aérienne, dans le feu de l'action — une expression très bien choisie —, les Américains devraient décider, si le Canada était visé, d'aller de l'avant ou non avec une mesure défensive. Si nous n'étions pas un observateur, mais plutôt un partenaire, est-ce que le Canada participerait à cette décision prise dans le feu de l'action?
    C'est très difficile à dire. Nous sommes un utilisateur d'une force et lorsque vient le temps de discuter du programme de DMB, la politique est claire à ce sujet: nous n'y participons pas. Quant à savoir si ce serait le cas ou non, je ne pense pas pouvoir répondre avec exactitude ou fournir des informations à cet égard.
    Est-ce qu'il suffirait simplement de passer d'observateur à participant? Est-ce que serait cela? La façon dont nous y participerions serait déterminée par...
    Je le répète, tout dépendrait de la politique et ce qui aurait été convenu, mais je ne pourrais faire que des spéculations.
    Vous avez dit plus tôt que le Canada n'avait aucun moyen de se défendre contre la menace provenant de la Corée du Nord ou d'ailleurs. Par conséquent, nous devons nous en remettre complètement aux États-Unis et à la décision qu'ils prendraient dans le feu de l'action, comme vous avez dit. Est-ce exact?
    Oui, monsieur.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Gerretsen.
    Je vous remercie d'avoir décrit le siège social du NORAD. Dans cette salle, il y aurait un endroit fermé réservé uniquement aux Américains. Il s'agirait de la partie de la salle réservée au Commandement de l'Amérique du Nord. Est-ce exact?
    Ce n'est pas tout à fait cela. Il y a une partie de la salle où se trouvent des consoles surveillées uniquement par des Américains. Ce n'est pas une section qui est fermée. Elle fait partie du centre des opérations, mais il n'y a pas de Canadiens qui sont affectés à ces consoles.
    D'accord. Je vous remercie.
    Je voudrais aborder maintenant la modernisation du NORAD, dont quelques personnes ont déjà parlé. Ce n'est évidemment pas la première fois qu'on discute de la modernisation du NORAD. En effet, jusqu'au 11 septembre 2001, je crois comprendre que le travail du NORAD consistait uniquement à surveiller les menaces provenant de l'extérieur du continent, et non de l'intérieur. Les choses ont changé considérablement depuis, car le NORAD surveille maintenant ce qui se passe en Amérique du Nord.
    Lorsqu'on parle de la modernisation du NORAD et des menaces actuelles, voyez-vous d'autres menaces potentielles, outre celles qui concernent les missiles, et qu'elles sont les autres fonctions du NORAD qui devraient être modernisées, essentiellement?
    Je vais faire référence à ce que j'ai dit plus tôt. La modernisation du NORAD s'effectue en vertu du cadre de travail des trois commandements, ce qui signifie, compte tenu de ce que dit la politique, à savoir se défendre contre l'ensemble des dangers ou des menaces, que nous visons une approche qui concerne plusieurs domaines. La principale préoccupation dans les années 1950 était le domaine aérien uniquement; et c'est pourquoi le NORAD a été créé. D'autres domaines se sont ajoutés au fil du temps, de sorte que nous effectuons une planification et une analyse prudentes, au siège social, dans d'autres domaines.
    Le domaine maritime devient une source d'inquiétude en raison des progrès sur le plan des missiles de croisière lancés en mer et des capacités sous-marines. Dans le cyberespace, il n'y a pas de frontières ni d'océans.
    Lorsqu'on parle de moderniser le NORAD, est-ce qu'on parle de moderniser la participation du Canada au sein du NORAD ou de moderniser le NORAD en général, et dans ce cas-là, cette modernisation s'effectuerait en bonne partie par l'entremise de discussions et d'ententes avec notre partenaire, n'est-ce pas?
    On parle de moderniser le NORAD en général. La modernisation se fera à l'aide de solutions matérielles et non matérielles — vous avez déjà entendu ces termes. Les deux pays aux commandes qui sont responsables conjointement de la défense du continent, à savoir les États-Unis et le Canada, devront ensemble répondre à la question qui touche à l'essence même du NORAD: est-ce que nous défendons mieux le continent ensemble ou séparément. Même si nous nous entendons là-dessus, pouvons-nous le faire dans d'autres domaines et pouvons-nous adopter d'autres solutions?
    Lorsqu'on parle de moderniser le NORAD, c'est une discussion qui ne concerne pas uniquement le Canada; c'est une discussion qui doit avoir lieu avec nos partenaires américains.
    Oui, monsieur, et elle a lieu pour l'instant au niveau du commandement.
    D'accord.
    Général Seymour, vous avez dit, en ce qui concerne le rôle du Canada au sein du NORAD, si je vous ai bien compris, que le Canada est responsable de la détection et qu'il planifie aussi l'intervention.
     Est-ce exact?

  (1155)  

    Oui.
    Comment planifier l'intervention si, en ce qui concerne les missiles balistiques, nous ne participons pas au programme de DMB, qui prend les décisions sur la façon d'intervenir?
    Je crois qu'on a fait fi d'un point fondamental. Peu importe où un missile frappe, que ce soit au Canada ou ailleurs en Amérique du Nord, autant le Canada que les États-Unis en subissent les conséquences, alors...
    Vous parlez du plan d'intervention une fois que le missile a frappé notre continent.
    C'est exact. Notre rôle principal, et nous avons largement collaboré à ce sujet avec les effectifs du quartier général du Commandement de l'Amérique du Nord, concerne la gestion des conséquences. J'ai déjà expliqué ce que nous faisons aux échelons fédéral et provincial dans le cadre de ce rôle.
    Oui, vous l'avez expliqué.
    D'accord. Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je crois que mon temps est écoulé.
    Madame Gallant posera la dernière question à notre groupe de témoins.
    Monsieur, le Canada participe au programme de DMB par l'entremise de l'OTAN. Quelle serait la différence entre le travail qu'effectuent les membres des Forces armées canadiennes au sein de l'OTAN dans le cadre du programme de DMB et celui qu'ils effectueraient dans le cadre de ce programme au sein du NORAD?
    Pour répondre à votre question, madame Gallant, je dirais qu'aucun membre des Forces armées canadiennes ne participe au programme de DMB au sein de l'OTAN. Le Canada appuie la politique gouvernementale actuelle, adoptée au sommet de Lisbonne. Nous sommes un important allié de l'OTAN. Comme vous le savez, environ 850 militaires canadiens sont actuellement déployés pour appuyer l'alliance en Lettonie, ainsi qu'en mer, dans le cadre de mesures prises pour rassurer la population, et nous patrouillons l'espace aérien en Roumanie.
    Lors des attentats du 11 septembre, c'est un Canadien qui était aux commandes. S'il y avait une attaque par missile balistique et qu'un Canadien était aux commandes, que se passerait-il? Vous avez dit que nous n'avons aucun pouvoir décisionnel.
    Certains Américains ont le pouvoir de décider de larguer des armes, mais aucun Canadien ne dispose de ce pouvoir décisionnel. Il y a toujours un Américain qui est en mesure de prendre cette décision.
    La dernière fois que vous avez comparu, général, vous avez dit, en ce qui concerne les IEM, que notre matériel de détection et de surveillance pourrait être utilisé jusqu'en 2025. Étant donné les progrès réalisés par la Corée du Nord sur le plan des IEM, est-ce que le niveau de protection dont nous disposerons jusqu'en 2025 sera suffisant?
    Ce que j'ai dit, c'est que nous pourrons utiliser le système actuel d'alerte du Nord jusqu'en 2025. Je ne me souviens pas d'avoir parlé précisément des IEM. Ce que je peux vous dire en ce qui concerne le NORAD, sur le plan de la continuité des activités, c'est que nous bénéficions d'une protection contre les IEM là où c'est important.
    Le NORAD est également responsable de la détection et de la surveillance en mer. En novembre 2015, deux navires sud-coréens se sont rendus dans le fleuve Saint-Laurent sans être détectés. Il faut préciser que c'est un pays allié et qu'on attendait ces navires. Néanmoins, ils n'ont pas déclaré leur présence, et les navires de guerre ne sont pas dotés de transpondeurs. Selon le protocole, ce sont nos pilotes qui auraient conduit les navires jusqu'à destination. Étant donné cet incident ainsi que le fait que les États-Unis cherchent à acquérir des systèmes de détection des menaces nucléaires en mer et qu'ils en sont à l'étape de la mise à l'essai et de l'évaluation, et le fait que le Canada, qui compte 10 fois plus de littoral, ne dispose de rien, croyez-vous que nos mesures de protection sont satisfaisantes et que nous réussissons à protéger la population comme il se doit?
    Je me rappelle vaguement de cet incident. Notre mission concerne l'alerte maritime, alors il s'agit d'une mission largement axée sur le renseignement. Il faut procéder à une analyse assez poussée pour être en mesure de déclarer, par l'entremise de nos voies de communication maritimes, qu'une situation doit faire l'objet d'un avis ou d'une alerte. Je ne me souviens pas si la présence de ces navires aurait déclenché un avis ou une alerte.
    Lorsqu'au sein du NORAD il est question du domaine maritime, il s'agit du genre de discussions qui seraient menées en temps et lieu, et c'est ce que font les commandants. Nous surveillons constamment ce qui se passe ailleurs et nous y portons continuellement attention. Lorsqu'on détecte un problème, nous le réglons.
    C'est la seule réponse que je peux donner.
    J'ajouterais qu'en ce qui concerne la mission d'alerte maritime du NORAD, il ne faut pas oublier le rôle du gouvernement. Nous avons les centres d'opération de la sécurité maritime. Il en existe trois au Canada, un sur chaque littoral. Ils travaillent en collaboration avec Transports Canada, la Garde côtière, les Forces canadiennes, particulièrement la Marine, et d'autres partenaires au sein du gouvernement pour rassembler de l'information qui provient non seulement de sources canadiennes, mais de toute autre source, en vue de détecter des problèmes de la sorte. Nous avons des renseignements sur les manifestes, les équipages, les cargaisons, etc. Tous ces renseignements servent à nous donner une idée de ce qui rentre au Canada.

  (1200)  

    Étant donné que le Canada ne dispose pas des systèmes nécessaires pour détecter les menaces nucléaires ou radiologiques, est-ce que les États-Unis surveillent nos littoraux en ce qui a trait à ces menaces?
    Je ne connais pas les détails de ce dont vous parlez, et je crois que la Garde côtière et Transports Canada seraient mieux à même de vous répondre.
    C'est tout le temps que nous avons pour ce groupe de témoins. Messieurs, je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de comparaître devant nous et je vous remercie pour vos témoignages aujourd'hui. Nous allons faire une pause d'environ une heure, et nous reprendrons à 13 heures. Je vous remercie.

  (1200)  


  (1300)  

    Je souhaite à nouveau la bienvenue aux membres du Comité à notre réunion qui vise à discuter de la Corée du Nord du point de vue du Canada. Les deux prochains groupes de témoins seront composés d'universitaires qui nous donneront leur point de vue sur ce sujet.
    Nous recevons pour cette première heure le professeur Michael Byers, de l'Université de la Colombie-Britannique; Danny Lam, d'Edmonton; Colin Robertson, de l'Institut canadien des affaires mondiales; et Robert Huebert de l'Université de Calgary. Je crois que les témoins vont présenter leur exposé dans cet ordre. Je sais que les universitaires aiment parler, ce qui est une bonne chose, cependant, vous disposez seulement de cinq minutes chacun, alors veuillez respecter cette durée. Étant donné que vous êtes quatre, si vous dépassez les cinq minutes, les membres du Comité auront moins de temps pour poser des questions.
    Je vous remercie beaucoup de votre présence.
    Monsieur Byers, la parole est à vous.
    Je vais entrer tout de suite dans le vif du sujet. On vous a dit ce matin que la Corée du Nord ne considère pas le Canada comme une menace. Cela ne m'étonne pas. Le Canada ne possède pas d'armes nucléaires, de missiles balistiques intercontinentaux, de bombardiers ni de porte-avions, alors il est certain que nous ne sommes pas une menace pour la Corée du Nord.
    Je tiens à dire également dès le début que ce qu'a accompli la Corée du Nord jusqu'à maintenant n'est pas particulièrement difficile. Cela fait sept décennies que la bombe atomique existe, six décennies que nous possédons la bombe à hydrogène et six décennies qu'il existe des missiles balistiques intercontinentaux. Bien sûr, la Corée du Nord a bénéficié d'une certaine aide en cours de route, particulièrement du Pakistan, et plus récemment, d'une entreprise ukrainienne, à en croire The New York Times. Ce qu'a accompli la Corée du Nord n'est pas particulièrement difficile.
    Quant à d'autres faits historiques, on se rappelle que le NORAD a été créé, d'abord et avant tout, en raison de la menace que représentaient les bombardiers russes. Il était doté d'une capacité de surveillance et il était en mesure d'envoyer des chasseurs d'interception à la rencontre des bombardiers. Quand le NORAD a commencé à axer ses activités sur l'aérospatial, sa mission a changé en partie. Il a continué à faire de la surveillance et de la détection, mais pour réagir aux missiles balistiques intercontinentaux, la solution ne serait pas d'envoyer des chasseurs à réaction; ce serait plutôt de répliquer avec une arme nucléaire, et le Canada ne prendrait jamais part à une telle décision. Durant la deuxième moitié de la guerre froide, le NORAD a fourni la capacité de détection et les États-Unis ont fourni la capacité de réagir et de prendre les décisions.
    Lorsque les États-Unis ont renoncé au Traité sur les missiles antimissiles balistiques durant la présidence de George W. Bush et qu'ils ont commencé à mettre au point un système de défense antimissiles balistiques, d'abord et avant tout en Alaska, c'était selon eux la continuation de cette situation et, en 2004, ils ont déterminé que les décisions relatives à la défense antimissile relèveraient du Commandement de l'Amérique du Nord. C'est seulement l'année suivante que le premier ministre Paul Martin a décidé que le Canada ne participerait pas au programme. C'est donc dire que les États-Unis ont décidé avant le Canada que notre pays ne participerait pas au processus décisionnel concernant l'envoi d'intercepteurs.
    Ce n'est pas particulièrement étonnant. Je le répète, la Corée du Nord ne considère pas le Canada comme une menace. Si elle tentait de lancer un missile en direction de l'Amérique du Nord, il est pratiquement certain qu'elle viserait son ennemi, les États-Unis.
    En 2004, le Canada a autorisé le Commandement de l'Amérique du Nord à utiliser des renseignements recueillis par des capteurs du NORAD grâce à des effectifs canadiens, et cela était suffisant.
    Il est très important de souligner que les intercepteurs de missiles ne passeront pas au-dessus du territoire canadien. Les intercepteurs de missiles qui se trouvent en Alaska doivent être lancés en direction de l'ogive nord-coréenne qui se dirige vers l'Amérique du Nord. On ne peut pas rattraper un missile balistique intercontinental; il faut lancer un intercepteur lorsque le missile se dirige vers nous, alors l'interception aurait lieu vraisemblablement au-dessus de la mer de Béring, et non pas au-dessus du Canada. Les missiles ne pénètrent pas dans l'espace aérien canadien; ils se trouvent dans l'espace. L'espace aérien canadien va jusqu'à 120 à 130 kilomètres, et ensuite, c'est l'espace. Ils n'entreraient donc pas dans l'espace aérien canadien, sauf peut-être au moment du retour.
    Il importe aussi de mentionner dans ce contexte — et c'est très important — qu'advenant une frappe sur l'Amérique du Nord, peu importe où une bombe à hydrogène exploserait, l'ensemble de l'Amérique du Nord en subirait les conséquences. Il s'agit là d'armes nucléaires, qui créent des radiations et des nuages radioactifs. Une frappe sur Seattle est aussi une frappe sur Vancouver et vice-versa. Une frappe sur Calgary est aussi une frappe sur la région du Midwest américain. Il faut examiner les vents dominants. L'idée que les États-Unis décideraient de ne pas intercepter un missile parce qu'il se dirigerait vers Vancouver est tout à fait invraisemblable. Une attaque qui vise l'Amérique du Nord a des conséquences sur l'ensemble du continent.
    En outre, étant donné que la technologie progresse très rapidement, je crois vraiment que les États-Unis sont en mesure de mettre au point un système assez performant qui permet d'intercepter les missiles dont dispose actuellement la Corée du Nord. SpaceX est en mesure de lancer une fusée dans l'espace qui transporte un satellite et ensuite faire atterrir le premier étage de cette fusée sur un lac. Elle peut le faire, mais peut-elle faire des progrès au même rythme incroyable que la Corée du Nord? Les États-Unis et la Corée du Nord sont dans une course aux armements. Ce n'est pas certain.

  (1305)  

    Je vais terminer ma déclaration liminaire en disant que je ne sais pas — vous le savez peut-être mieux que moi — si les États-Unis ont demandé officiellement au Canada de participer au programme. On nous l'a demandé en 2004, et nous avons répondu non en 2005. Est-ce qu'on nous a demandé officiellement de participer au programme et voulez-vous aller jusqu'à supplier les États-Unis de participer alors que ce pays est dirigé en ce moment par un négociateur intransigeant, ou préférez-vous attendre une demande ou bien trouver d'autres façons de contribuer à la mission américaine?
    Je serais ravi de discuter de ces autres moyens de contribuer à la mission des Américains durant la période de questions.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie pour votre témoignage.
    Monsieur Lam, la parole est à vous pour cinq minutes.
    Allez-y, s'il vous plaît.
    Je vous remercie. C'est un plaisir pour moi d'être à Ottawa, la ville où j'ai fait mon doctorat, à l'Université Carleton, il y a 25 ans, particulièrement parce que je suis ici en raison de mon domaine d'étude.
    Le premier titulaire d'un doctorat de l'Université Carleton dans ce domaine était mon mentor, le professeur Ashok Kapur, un spécialiste de renommée mondiale du programme nucléaire de l'Inde. Je suis donc encore ses traces.
    Je viens aujourd'hui vous faire part de questions très graves. Les missiles balistiques intercontinentaux thermonucléaires de la Corée du Nord constituent une menace existentielle imminente pour le Canada. L'Australie et le Royaume-Uni, qui sont des pays très similaires au nôtre, ont été menacés par la Corée du Nord le 20 août parce qu'ils ont participé à des exercices militaires en Corée du Sud, alors je ne crois pas que nous sommes épargnés.
    L'arsenal nucléaire de Kim Jong-un est différent de celui d'autres puissances nucléaires. Il existe d'autres puissances nucléaires dans le monde, mais elles sont différentes. Kim Jong-un a l'intention de se servir de ses armes nucléaires de manière offensive pour gagner des guerres. J'en suis arrivé à cette conclusion après avoir étudié les intentions et les motifs de la Corée du Nord, et non pas uniquement ses capacités. La Corée du Nord est animée par un nationalisme fondé sur la race, par un esprit de fureur et par la recherche de la richesse. Kim Jong-un, le dirigeant, est jeune, agressif, futé et rompu aux usages du monde; son ambition ne connaît pas de limite, il a le goût du risque et il joue pour gagner.
    Quels sont les objectifs de la Corée du Nord? Premièrement, expulser les États-Unis de la Corée du Sud; deuxièmement, mettre fin à la politique d'hostilité contre la Corée du Nord; et troisièmement, unifier les deux Corées selon ses conditions. En dernier lieu, elle veut conclure un accord de paix avec les États-Unis assorti d'indemnités de guerre considérables et d'un dédommagement de l'ordre de plusieurs billions de dollars. Tout cela a été rendu public.
    Ces objectifs sont abondamment exposés dans nombre de documents qui ont été publiés, documents dont la teneur dramatique n'a rien à envier à Mein Kampf. La Corée du Nord n'a pas changé depuis 70 ans. Il doit bien y avoir une raison. Elle ne renoncera pas à utiliser ses armes nucléaires seulement parce que les États-Unis en ont plus qu'elle. Kim Jong-un croit que son pays peut sortir victorieux d'une guerre nucléaire avec les États-Unis. J'y ai réfléchi et je suis d'accord avec lui. Je crois qu'il pourrait gagner.
    Si la République populaire démocratique de Corée réussit à unir les deux Corées, voyons voir ce qui pourrait se produire. Elle parviendra à créer une force militaire et une puissance économique colossales en Asie, un Japon non pacifique et ambitieux doté de l'arme nucléaire. Quelle sera la suite?
    La Corée du Nord ne tardera pas à être en mesure d'appuyer ses demandes par un arsenal thermonucléaire à portée planétaire. Les Canadiens pensent que notre pays est pacifique et inoffensif. Ce n'est pas le cas. Le Canada est légalement encore en guerre contre la République populaire démocratique de Corée. Nous avons un cessez-le-feu avec un État qui possède l'arme nucléaire et qui veut se battre pour accroître sa richesse et bâtir son empire. Genghis Khan, les Mandchous et le Japon impérial avaient les mêmes ambitions avant qu'on ne les arrête.
    Nous sommes faibles et sans défense. Nous nous percevons comme un pays neutre. Nous ne nous attendons pas à une attaque non provoquée. Nous sommes une cible idéale pour un tyran qui cherche un pays qui pourrait servir d'exemple. À moins que nos alliés qui ont l'arme nucléaire décident de mettre leurs villes en péril pour nous venger d'une attaque non provoquée — je parle des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France —, nous n'avons aucun moyen dissuasif à l'heure actuelle.
    Nous ne pouvons pas rester indifférents et nous croiser les bras. Nous ne disposons que d'un ou deux ans pour stopper la Corée du Nord. Si nous n'y parvenons pas, la menace s'étendra à d'autres considérations au fur et à mesure que la Corée du Nord parviendra à exporter ses méthodes et ses moyens, notamment en Iran ou au Pakistan. Qui sait à quels pays il vendra ses armes? Imaginez une guerre nucléaire pour des questions religieuses, nationalistes, raciales, ethniques, idéologiques, impérialistes ou des différends territoriaux de toutes sortes. Les guerres mondiales passées nous sembleront civilisées et pleines de retenue.
    Nous ne pouvons pas accepter cela. L'État a la responsabilité de protéger les Canadiens qui sont en sol canadien. Nous sommes une démocratie, et pour faire face à ce problème, il faut que la menace que pose la Corée du Nord soit reconnue par tous les partis. Une fois ce consensus établi, les Canadiens devront établir comment ils édifieront une défense respectable avec leurs alliés; faute de quoi, ils devront se préparer à la guerre, mais ils devraient avoir recours à tous les moyens diplomatiques possibles pour éviter une telle situation. Ne misons pas tout sur la conciliation. Faisons en sorte que la postérité ne se souvienne pas de nous avec honte comme ceux qui n'auront pas su s'organiser pour prévenir une attaque nucléaire sur notre territoire.
    Je vous remercie.

  (1310)  

     Vous avez très bien respecté le temps. Je vous en remercie.
    Monsieur Robertson, la parole est à vous.
    Je vous remercie. L'exposé que j'ai préparé s'appuie sur mes 33 ans d'expérience au sein du service extérieur canadien et sur mon travail à l'Institut canadien des affaires mondiales.
    J'ai passé une semaine cette année à Séoul à titre d'invité de la Korea Foundation. J'ai eu l'occasion de rencontrer des universitaires coréens et des hauts fonctionnaires coréens de la Défense et d'autres ministères.
    Je vais d'abord aborder trois points: premièrement, la participation du Canada au programme de DMB; deuxièmement, notre politique à l'endroit de la Corée du Nord; et troisièmement, la façon dont le Canada peut contribuer à la non-prolifération des armes nucléaires.
    En ce qui concerne la défense antimissiles balistiques, je crois que le temps est venu pour le Canada de participer au programme de DMB afin de protéger les Canadiens advenant que des missiles se dirigent vers nous. Nos alliés européens et nos partenaires du Pacifique participent à un tel programme, et nous devrions faire de même.
    Le gouvernement a éludé la question du programme de DMB lors de son dernier examen de la politique en matière de défense. Lorsque j'ai soulevé la question de la participation du Canada lors de la séance d'information technique au moment de la publication du rapport ministériel sur le rendement en mai dernier, on m'a répondu que le gouvernement maintenait la politique adoptée par les gouvernements Martin et Harper, à savoir que le Canada ne participera pas au programme de DMB, mais qu'il discute en ce moment avec le gouvernement américain de la défense de l'Amérique du Nord contre toutes les menaces, ce qui doit nécessairement inclure les missiles balistiques.
    D'après les discussions qui ont mené à la décision prise en 2005, je crois comprendre que le gouvernement à l'époque ne parvenait pas à obtenir des réponses satisfaisantes à trois questions: est-ce que le système de DMB fonctionne et de quelle façon protégerait-il le Canada?; dans quelle mesure le Canada participerait-il à un programme qui est essentiellement géré par les États-Unis?; et, quel serait le coût?
    Ces questions sont encore valables, et le gouvernement actuel devrait y obtenir des réponses et en faire part aux Canadiens.
    Cela étant dit, à la lumière des témoignages qu'il a entendus, le Comité sénatorial de la défense a recommandé à l'unanimité en juin 2014 que le Canada participe au programme de DMB. Je crois que c'est ce que le Canada devrait faire.
    Depuis, nous avons eu de nombreuses preuves que la Corée du Nord a amélioré sa capacité de miniaturiser une ogive nucléaire et de la lancer par missile balistique sur d'autres continents. Le président George W. Bush aurait semble-t-il posé la question suivante en 2006 au premier ministre Stephen Harper: que se passerait-il si un missile nord-coréen lancé en direction de Los Angeles ou de Seattle finirait par se diriger plutôt vers Calgary ou Vancouver? Ne voudriez-vous pas être protégés?
    Même s'il est possible que les États-Unis protègent une ville canadienne située à proximité d'une ville américaine, nous n'avons pas de garantie étant donné que le système américain est restreint et qu'on ne connaît pas le nombre ni la capacité des missiles balistiques intercontinentaux de la Corée du Nord. À moins de participer et de contribuer au programme, nous n'avons aucune garantie que nous serons protégés, même si un commandant américain voudrait protéger une ville canadienne qui est éloignée d'une ville américaine. Je pense en particulier à Edmonton ou Calgary.
    La participation du Canada au programme de DMB devrait inclure toutes les initiatives possibles outre le simple fait de placer des missiles antimissiles au Canada. Je veux parler notamment d'une déclaration de la part du gouvernement pour faire savoir que nous reconnaissons la menace qui pèse sur l'Amérique du Nord, de l'affectation d'un plus grand nombre de militaires canadiens au NORAD, de doter la marine de matériel permettant de détecter les missiles, de mettre en place des réseaux de radars au Canada et d'appuyer financièrement la recherche.
    Dans chacun des cas, il faudrait porter davantage attention à la sécurité dans le Nord canadien. Si nous participions au programme de DMB, la fonction de défense antimissiles balistiques relèverait du NORAD et du Commandement de l'Amérique du Nord. Le Canada participe depuis de nombreuses années à la fonction d'alerte du NORAD, et l'ajout de la fonction de défense antimissiles balistiques contribuerait à renforcer cet organisme binational qui est au coeur des relations canado-américaines et en particulier de la relation de défense.
    En ce qui concerne la Corée du Nord, je crois que le gouvernement, qui s'est engagé à faire rayonner le Canada à l'échelle internationale, doit réexaminer sa politique actuelle à l'égard de ce pays. Les relations diplomatiques ne sont pas un sceau de bonne qualité, mais plutôt un moyen de promouvoir les intérêts du Canada et de protéger les Canadiens. Elles nous permettent également d'amener à la table des négociations diplomatiques nos idées, nos points de vue et les renseignements dont nous disposons.
    La politique actuelle d'engagement limité a été adoptée par le gouvernement Harper en 2010, après qu'un sous-marin nord-coréen eut torpillé un navire de guerre sud-coréen, ne tenant absolument pas compte de ses obligations internationales.
    La politique actuelle limite la participation à la discussion concernant les préoccupations concernant la sécurité dans la région, la situation des droits de la personne en Corée du Nord, les relations entre les deux Corées et les questions consulaires. C'est grâce aux services consulaires que le conseiller en sécurité Daniel Jean a négocié le départ de la Corée du Nord du pasteur Lim. Si on exclut cette situation, nous n'avons essentiellement aucun contact avec le régime de Kim Jong-un.
    Aucun ambassadeur ne s'est rendu en Corée du Nord depuis 2010. En effet, il n'y a eu aucun ambassadeur du Canada en Corée du Nord depuis 2011, alors que des pays aux vues similaires qui ont des ambassades à Séoul ont envoyé régulièrement leurs ambassadeurs en Corée du Nord au cours des sept dernières années. Sept pays de l'Union européenne ont également des ambassades en Corée du Nord.
    Notre politique actuelle n'est bénéfique pour personne, elle est une entrave à la communication, surtout à une période où elle est d'autant plus nécessaire, et elle nous désavantage sur le plan des renseignements, ce qui nous donne une moins grande valeur aux yeux de nos principaux alliés.

  (1315)  

    Le régime autoritaire de Kim Jong-un continue de ne pas respecter les normes internationales en matière de non-prolifération des armes nucléaires, malgré les nombreuses résolutions du Conseil de sécurité. À mon avis, même si n'importe quel rôle que le Canada jouerait serait vraisemblablement limité, il serait dans notre intérêt de dialoguer avec la Corée du Nord, ce qui nous permettrait d'apporter des renseignements à la table des négociations diplomatiques.
    Mon ancien collègue du service extérieur James Trottier, qui a fait quatre visites officielles en Corée du Nord en 2015 et 2016, a publié récemment un article instructif et utile dans l'Ottawa Citizen. Selon lui, il faut à la fois des négociations, des incitatifs, des sanctions et une défense antimissile plus solide.
    Je vais faire quelques observations. Premièrement, la Corée du Sud est un pays ami, une puissance moyenne comme le Canada et la seule nation en Asie avec laquelle nous avons conclu un accord de libre-échange. Nous devrions cultiver nos relations avec ce pays, tout en gardant en tête qu'il respecte et comprend le fait que les négociations commerciales doivent être menées de façon serrée.
    La Corée du Sud subit la menace d'un bombardement par la Corée du Nord depuis l'armistice signé en 1953. Séoul, une ville de 10 millions d'habitants, se trouve à 60 kilomètres de la frontière et peut facilement être attaquée par la Corée du Nord. J'ai rencontré au mois de mars un haut fonctionnaire. Il m'a accompagné après notre rencontre à l'ascenseur, où se trouvaient ce qui me semblait être des lunettes de protection. Il m'a expliqué que c'était en cas d'attaque chimique ou biologique. Il m'a expliqué qu'il ne craignait pas une bombe nucléaire, car ce qu'a bâti la Corée du Sud est trop précieux pour Kim Jong-un, qui souhaite plutôt éliminer les Sud-Coréens pour pouvoir occuper le pays.
    Deuxièmement, Kim Jong-un est impitoyable...
    Monsieur Robertson, puis-je vous demander de terminer en 25 secondes ou moins? Vous avez déjà dépassé de quelques minutes le temps qui vous était imparti.
    Certainement.
    Deuxièmement, ses agissements rappellent un personnage du Trône de fer, mais son comportement est rationnel et fondé sur l'instinct de conservation. Pour lui et les quelque 200 000 fonctionnaires qui bénéficient de son régime autocratique, la bombe nucléaire est une police d'assurance.
    Troisièmement, nous allons devoir composer avec une Corée du Nord nucléaire. Si nous souhaitons atteindre les objectifs établis dans le cadre d'une approche de patience stratégique qui n'a pas fonctionné, nous allons devoir instaurer un nouvel équilibre et nous accommoder du résultat le moins nocif possible.
    À moins d'une action sans précédent de la Chine, la seule puissance capable d'une telle initiative dans cette conjoncture, le temps d'une possible intervention militaire est révolu, si tant est que ce scénario fût un jour envisageable. Pour l'instant, la Chine n'est toutefois pas intéressée à faire tomber le régime en place et à créer ainsi un nouveau flux de migrants.
    Nous allons devoir nous y faire. Je dirais en guise de conclusion que nous devrions considérer de nouveau la possibilité de participer à la défense antimissiles et trouver le moyen de nouer des liens avec la Corée du Nord en modifiant notre politique actuelle.
    Merci de votre témoignage.
    Nous nous rendons maintenant à Calgary via vidéoconférence.
    Monsieur Huebert, vous avez la parole.
    Je suis ravi de comparaître encore une fois devant votre comité en même temps que tous ces collègues que j'estime beaucoup.
    J'aimerais profiter des cinq minutes à ma disposition pour traiter de deux aspects de la situation. Je vais d'abord essayer de définir la nature du problème avant de vous parler des mesures que le Canada devrait prendre.
    Le problème est tout ce qu'il y a de plus simple. Nous sommes en présence d'un régime autoritaire dont les politiques en matière d'affaires étrangères et de défense visent uniquement le maintien d'une monarchie absolue pouvant compter sur des armes nucléaires. Dans ce contexte bien particulier, la sécurité du Canada est menacée à la fois directement et indirectement.
    On me dit souvent de ne pas m'en faire avec les Nord-Coréens, car tout missile qu'ils pourraient lancer vers l'Amérique du Nord serait abattu par les Américains. Le problème, c'est que les Nord-Coréens n'en lanceront pas nécessairement un seul à la fois.
    On peut affirmer sans crainte que c'est un problème qui ne date pas d'hier. Il faut bien avouer que les Nord-Coréens agissent depuis un certain temps de cette manière et continueront de le faire. Notre non-participation au système de défense antimissiles peut devenir problématique si les Américains n'ont qu'un nombre limité d'intercepteurs pour contrer des missiles nord-coréens qui pourraient être plus nombreux que prévu. C'est une possibilité tout à fait envisageable à ce moment-ci. Comme nous n'avons pas adhéré au système de défense, les Américains ou leurs commandants pourraient fort bien décider de garder pour eux-mêmes les missiles d'interception à leur disposition.
    Par ailleurs, on néglige souvent le fait que les Nord-Coréens ont l'habitude de ne pas s'attaquer directement aux Américains, mais de s'en prendre plutôt à leurs alliés, comme en témoignent leurs agissements envers la Corée du Sud et le Japon. On peut facilement s'imaginer que si les Nord-Coréens se dotent de missiles balistiques de plus longue portée leur permettant d'atteindre l'Amérique du Nord, nous pourrions être soumis aux mêmes tactiques d'intimidation que les Sud-Coréens et les Japonais. C'est donc la menace la plus directe pour le Canada.
    Nous ne parlons jamais de la seconde menace, indirecte celle-là, qui pèse sur notre pays. Nous devrions pourtant le faire. Même si le conflit devait prendre la forme d'une guerre traditionnelle ou chimique sur la péninsule coréenne, la sécurité canadienne serait indirectement mise en péril, et ce, sans même que l'on en vienne à utiliser des missiles intercontinentaux.
    Comment devrions-nous réagir? D'abord et avant tout, j'abonde dans le sens de mes collègues qui préconisent une participation du Canada à la défense antimissiles. Nous devons veiller à faire partie du système, même si c'est dans un rôle secondaire comme pour NORAD. Nous nous assurerions ainsi tout au moins que, dans l'éventualité du lancement de plusieurs missiles intercontinentaux par les Nord-Coréens, les Américains ne penseraient pas uniquement à protéger leurs propres villes. C'est une situation hypothétique, mais nous devons garder cette possibilité à l'esprit.
    Deuxièmement, le moment est venu pour nous d'envisager beaucoup plus sérieusement les moyens à prendre pour travailler de concert avec nos principaux complices sur la scène démocratique dans cette région du globe. Je souhaiterais notamment que nous améliorions nos relations en matière de sécurité avec le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Il va de soi que nous ne pouvons pas recréer l'OTAN dans cette région. Cependant, vu que nous devons composer avec un individu qui semble comprendre uniquement lorsqu'on utilise la force militaire, le mieux nous parviendrons à rassurer nos amis — car nous ne pouvons pas parler officiellement d'alliés — le mieux nous serons à même de composer avec le problème à long terme que représente le régime autoritaire de la Corée du Nord.
    Il y a un troisième aspect qu'il serait peut-être bon de prendre en considération. Comme le laissait entendre M. Byers, le fait qu'il a été relativement facile pour les Nord-Coréens de se doter de missiles balistiques intercontinentaux et d'armes nucléaires devrait nous amener à envisager le risque que des menaces semblables viennent également d'autres pays et à ainsi songer à la possibilité de nous pourvoir d'une capacité bien à nous.
    Des pays beaucoup plus petits que le nôtre comme la Norvège songent à la possibilité de profiter de la remise à niveau de leurs frégates Aegis pour les doter d'une capacité antimissile. Nous ne savons toutefois pas si les Norvégiens vont le faire. Vous n'ignorez pas que nous allons bientôt renouveler complètement notre flotte de navires de combat de surface. Vous pourriez donc vous demander si ce ne serait pas l'occasion de nous doter d'une capacité antimissile maritime. Seuls les Américains et les Japonais disposent d'une capacité semblable pour l'instant, mais c'est une option que nous devrions peut-être explorer compte tenu de l'évolution des choses.

  (1320)  

    Je dirais pour conclure que je suis tout à fait d'accord avec ceux qui considèrent que la Corée du Nord représente une menace croissante, en précisant que ce n'est pas le cas seulement depuis deux mois. On peut le constater depuis l'arrivée au pouvoir du régime actuel qui s'est sans cesse employé à améliorer son arsenal nucléaire.
    Merci beaucoup.
    Merci de votre témoignage.
    Passons à un premier tour de questions où chacun aura droit à sept minutes. Nous commençons avec M. Gerretsen.
    Vous avez la parole
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins.
    C'est une perspective très différente de celle que l'on nous a présentée ce matin.
    Monsieur Lam, qui êtes-vous exactement? Bon nombre des témoins qui comparaissent régulièrement devant le Comité nous deviennent familiers avec le temps. Pourriez-vous nous parler un peu de vos antécédents et nous indiquer comment vous en êtes venu à formuler des opinions de la sorte?

  (1325)  

    J'ai exercé diverses fonctions liées à l'Asie de l'Est au fil d'une période de 25 ans. J'ai obtenu un doctorat de l'Université Carleton, sous la supervision du professeur Kenneth D. McRae. J'ai travaillé dans le milieu universitaire, le monde des affaires et le secteur de la haute technologie. Je me suis alors réveillé un bon matin en me disant que je voulais faire quelque chose de différent. Je suis donc retourné aux études pour obtenir un diplôme en génie énergétique.
    Comme je l'indiquais, j'ai travaillé dans le secteur de la défense par intermittence pendant quelques décennies. C'est un peu comme l'Hotel California; on peut facilement y entrer, mais il est impossible d'en sortir.
    Merci pour ces détails
    Monsieur Byers, êtes-vous d'accord avec M. Lam lorsqu'il laisse entendre que les États-Unis pourraient être rayés de la carte si la Corée du Nord donnait suite à ses menaces nucléaires, si je résume bien ce qu'il nous a dit?
    Le déséquilibre actuel des forces entre les États-Unis et la Corée du Nord est incontestable. C'est comme un tyrannosaure qui affronterait une souris très en colère qui crie sans cesse. Il ne faut jamais oublier que si les États-Unis choisissaient de le faire, ils pourraient détruire la Corée du Nord au moyen d'armes conventionnelles. Ils n'ont pas besoin du nucléaire.
    Les États-Unis et les autres pays se préoccupent surtout de la sécurité et du bien-être de tous les habitants de la Corée du Sud, un pays extrêmement vulnérable, même à une attaque terrestre. On pourrait s'imaginer un scénario catastrophique dans lequel les troupes nord-coréennes se rendraient jusqu'au centre de Séoul, au risque de perdre 100 000 hommes dans l'exercice, pour annoncer qu'elles ont une ogive nucléaire avec elles et qu'elles prennent donc pour ainsi dire possession de la péninsule.
    D'après ce que vous venez de nous dire, nous comprenons que la Corée du Nord représente une menace. Dans quelle mesure le Canada devrait-il selon vous cibler ses dépenses dans des secteurs comme la défense antimissiles par rapport à ses autres besoins en la matière?
    En théorie, nous sommes exposés à la menace nucléaire nord-coréenne depuis maintenant plus de 10 ans, car rien ne les empêchait de placer une ogive sur un cargo ou un yacht privé qui se serait rendu jusque dans le port de Vancouver. Nous effectuons des vérifications de la radioactivité des conteneurs déjà débarqués, mais rien n'est fait pour ceux qui sont encore dans le port. C'est la même chose à Seattle, à San Francisco et à Los Angeles.
    Ce n'est pas comme si la Corée du Nord venait tout juste de se doter de cette capacité d'attaque. Elle la possède depuis plus de 10 ans, mais ce n'est pas toujours facile d'en retracer l'origine jusqu'à ce pays. Les missiles intercontinentaux peuvent être retracés jusqu'à leur site de lancement.
    Quelle devrait être notre priorité?
    Où devriez-vous dépenser votre argent? Les Américains ont leur système d'armement qu'ils essaient de maintenir à niveau en dépensant quelque 10 milliards de dollars par année. Souhaitez-vous adhérer à ce système ou bien y adjoindre une capacité provenant de systèmes canadiens?
    À titre d'exemple, nous devons...
    C'est exactement ce que je vous demande. Quelle devrait être selon vous notre priorité?
     Notre Système d'alerte du Nord doit être entièrement renouvelé. C'est une dépense considérable. Le Canada devrait en prendre l'initiative. Ce système vise à contrer les menaces aérobies, y compris les missiles de croisière lancés par des pays vraiment dangereux comme la Russie.
    Rob Huebert avait tout à fait raison de mentionner les navires de combat de surface du Canada. Si l'on veut parler de défense antimissiles, il faut se demander s'il convient de doter ces navires de systèmes de radars et de missiles de type Aegis. Le moment est bien choisi pour le faire. La facture serait de 10 milliards de dollars pour notre pays.
    Avec des budgets illimités, on pourrait mettre en place un système de défense infaillible. Comme ce n'est pas le cas, il faut établir ses priorités.
    Désolé de vous interrompre, mais je dispose de très peu de temps. Vous pensez donc que nous ne devrions pas nous limiter à la défense antimissiles en établissant nos priorités pour les différents programmes?
    Tout à fait.
    Et c'est sans compter le fait que l'on ne nous a pas invités officiellement à adhérer au système et que nous ne savons pas combien cela nous coûterait. Est-ce que les États-Unis vont permettre au Canada de participer à NORTHCOM et quel sera le prix à payer? Tant que nous n'aurons pas les réponses à ces questions, il est impossible de recommander quoi que ce soit en matière de défense antimissiles.
    Monsieur Robertson, vous avez parlé de la situation en 2004-2005 alors que le premier ministre Martin avait choisi de ne pas adhérer au système de défense antimissiles. Vous rappelez-vous quel était le point de vue du chef de l'opposition Stephen Harper à l'époque?
    Je crois me souvenir qu'il était favorable...
    Effectivement.
    Avez-vous une idée des raisons pour lesquelles il n'a pas profité de ses 10 années au pouvoir pour faire quelque chose à ce sujet?
    Je peux seulement vous dire que l'on explorait les possibilités en matière de défense antimissiles avant l'élection. Je sais que l'on travaillait beaucoup sur ce dossier au ministère de la Défense nationale.
    Vous parlez de l'élection de 2015?

  (1330)  

    C'est bien cela.
    D'accord.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ajouterais seulement que la configuration de la menace a changé entre 2004 et 2010. Contrairement à ce que semble vouloir dire M. Byers, j'estime que la menace pesant sur notre système de défense antimissiles a certes pris de l'ampleur au cours des six derniers mois.
    Les Américains considéraient déjà qu'il s'agissait d'une menace en 2004. Ils ont décidé d'agir à ce moment-là.
    C'est ce qu'ont également fait la plupart de nos alliés en Europe.
    Tout à fait.
    Nous avons aussi avalisé le tout pour nos alliés européens et nos partenaires du Pacifique, et ce, tant à l'époque du gouvernement Martin qu'à celle du gouvernement Harper.
    Monsieur Byers, vous ne semblez pas être d'accord.
    Je ne suis pas d'accord, car le système basé en Europe présente des différences fondamentales par rapport à celui de l'Amérique du Nord. C'est un système de type Aegis qui lance des missiles standards SM-3. Les États-Unis ont choisi d'adopter ce système parce que la Russie voyait les intercepteurs de plus grande portée comme une menace. Ce n'est donc pas le même système que celui installé en Alaska qui permet d'intercepter des missiles dans l'espace. Il offre aussi des possibilités d'attaque et constitue également le système idéal pour la défense contre les satellites offensifs.
    Il faudrait en tenir compte si le Canada souhaite aller de l'avant en la matière.
    Merci.
    Madame Gallant, à vous la parole.
    Bon nombre de Canadiens présument que les États-Unis ne permettraient jamais qu'un missile atteigne notre pays sans intervenir. Un témoin nous a toutefois indiqué ce matin que les États-Unis n'avaient pas pour politique de protéger le Canada, notamment dans le cadre de la défense antimissiles.
    Je m'adresse à ceux parmi vous qui comprennent qu'il y a bel et bien menace pour le Canada. Quelles sont les options qui s'offrent maintenant à nous, mis à part l'installation de systèmes de détection et d'interception de type Aegis sur nos navires?
    Je vais essayer d'être bref.
    D'abord et avant tout, vous avez tout à fait raison, madame Gallant, de mettre en lumière la menace des armes de destruction massive par voie maritime. Je vous en remercie.
    Nous devons améliorer nos mesures de protection à ce niveau. Nous sommes très actifs dans ce dossier en collaboration avec les États-Unis dans le cadre notamment de l'Initiative de sécurité contre la prolifération. La Marine royale canadienne pourrait toutefois en faire bien davantage.
    Pour ce qui est de la diplomatie, nous avons entendu ce matin des témoignages vraiment intéressants faisant ressortir la position à peu près unique dans laquelle se retrouve le Canada qui entretient des liens étroits avec Washington sans toutefois être perçu comme une menace directe par la Corée du Nord. La fructueuse visite effectuée récemment à Pyongyang par le conseiller à la sécurité nationale témoigne bien des possibilités qui s'offrent pour notre pays.
    Comme je l'indiquais, il y a d'autres actions que les Américains préféreraient nous voir entreprendre. Ils ne nous ont pas demandé de participer à la défense antimissile; ils souhaitent que nous augmentions nos investissements pour la défense dans des secteurs comme les forces aériennes et la marine, et ils préconisent le renouvellement du Système d'alerte du Nord.
    Attaquons-nous donc à ces enjeux en priorité tout en n'oubliant pas que, malgré toute l'attention qui va vers la Corée du Nord, un pays effectivement dangereux, il existe bien d'autres menaces à l'échelle planétaire. Nous ne devrions pas nous préoccuper uniquement de ce pays-là.
    Mais quelles sont nos options en matière de défense antimissile? Les États-Unis ne vont pas nous inviter à adhérer au système; ils l'ont déjà fait une fois. Si nous choisissons d'emprunter cette avenue, allons-nous devoir les supplier? Que peut-on envisager d'une façon réaliste quant à notre participation à la défense antimissile?
    Puis-je intervenir?
    Il faut qu'une chose soit bien claire. Nous ne savons pas combien cela nous coûterait ni ce que les Américains pourraient exiger de nous. On peut bien avancer qu'il nous faudra prévoir des ressources considérables pour défrayer notre participation au programme, mais ce ne sera pas nécessairement le cas.
    Comme on l'a indiqué, nous allons de l'avant avec le renouvellement de NORAD, et il pourrait être possible de négocier quelque chose dans ce contexte si nous voulons proposer aux Américains notre éventuelle participation au système de défense antimissile. Après tout, c'est le Canada qui devra prendre des mesures très dispendieuses pour moderniser le Système d'alerte du Nord et les systèmes de satellites, conformément aux engagements pris par les libéraux dans leur politique de défense.
    C'est dans ce contexte que j'aimerais mettre un frein aux hypothèses voulant que notre participation à la défense antimissile auprès des Américains nous coûterait les yeux de la tête. Il est possible qu'il y ait un prix à payer; avec Donald Trump à la présidence, on ne sait jamais. Par ailleurs, comme l'évolution de la menace semble se dessiner assez clairement, il serait bon que nous nous assurions une forme quelconque de participation à la défense antimissile — dans un rôle secondaire, car il serait illusoire de s'imaginer le contraire. Comme je l'indiquais précédemment, dans l'éventualité où les Nord-Coréens en venaient à multiplier les tirs de missiles, nous voulons être bien certains que les Américains vont penser à nous en situation de crise. Je pense que c'est vraiment ce qui peut motiver notre volonté d'adhérer au système à l'heure actuelle.

  (1335)  

    La menace d'une attaque par impulsion électromagnétique semble beaucoup plus concrète que ce que les analystes avaient anticipé jusqu'à tout récemment. On craint qu'une telle attaque paralyse notre réseau électrique et neutralise notre système de défense antimissile, ce qui permettrait une attaque contre l'Amérique du Nord sans risque d'interception.
    Quelles mesures prenons-nous dans ce contexte? En pareil cas, même le système antimissile n'assurerait pas notre protection. Avez-vous des solutions à proposer pour contrer cette menace?
    Je pense que l'on vous a indiqué ce matin que les systèmes militaires seraient sans doute à l'abri d'une attaque par impulsion électromagnétique. Malgré ses conséquences pour le fonctionnement de notre société, je préférerais encore une telle attaque à l'éventualité d'un bombe à hydrogène ciblant une de nos grandes villes. Cela fait partie des risques secondaires auxquels nous sommes exposés. Ne perdons pas de vue les possibilités qui s'offrent au Canada. Si nous adhérons à la défense antimissile, nous devrons sans doute renoncer à nos liens diplomatiques avec Pyongyang. C'est le premier élément.
    Par ailleurs, on ne peut pas savoir avec certitude si les Américains souhaitent que nous participions à la défense antimissile. Tant que nous ne connaîtrons pas la réponse à cette question et les sommes qu'il faudrait engager, nous devrions éviter toute recommandation en ce sens.
    Des menaces importantes pèsent sur nous. Je ne suis pas dupe. La Corée du Nord est un pays extrêmement dangereux. Si l'on participe à la défense antimissile simplement parce que l'on sent qu'il faut faire quelque chose, cela devient purement symbolique. Il faut plutôt réfléchir sérieusement à la chose et prendre des mesures concrètes et significatives.
    Si vous permettez, je vous dirais que le président Trump a donné, le 7 septembre dernier, l 'ordre d'abattre tous les missiles se dirigeant vers les États-Unis. Je n'ai pas encore tous les détails, mais il semblerait que l'ordre vise à détruire tous les missiles dès leur phase de propulsion — c'est-à-dire au moment où ils quittent la Corée du Nord — ce qui nécessite l'utilisation de missiles stationnés au Japon, sur des navires ou sur terre. Il ne faut même pas leur laisser la chance de se rendre jusqu'en Alaska, de parcourir l'horizon, car il n'y a aucun risque à courir. Lorsqu'on y pense bien, une telle destruction dès la phase de propulsion, c'est de la provocation pure et simple. Les Américains ont déterminé qu'ils ne pouvaient pas courir le risque d'une attaque surprise. Ils ont conclu que c'est sans doute ce que préparait la Corée du Nord.
    Nous avons beaucoup parlé des menaces provenant du ciel. Nous savons qu'il y a également des menaces d'origine maritime, surtout pour le nucléaire. Le Canada a dix fois plus de littoral que les États-Unis et nous pouvons compter, dans le meilleur des scénarios, sur trois sous-marins. Les États-Unis sont en train de doter leurs navires de surface de systèmes de détection radiologique, mais le Canada n'a rien du tout à ce chapitre. Si l'on peut se livrer au trafic de personnes et de drogues par voie maritime, on peut sans doute en faire autant pour les composantes d'une bombe nucléaire. Comment pouvons-nous protéger les Canadiens contre une menace semblable?
    Je vais devoir vous demander de garder pour plus tard votre réponse à cette question, car je dois donner la parole à M. Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier ma collègue, Mme Gallant, de soulever tous ces enjeux liés à la sécurité maritime, car il s'agit-là de menaces bien tangibles à l'égard desquelles nous pourrions prendre des mesures concrètes.
    M. Byers a devancé ma première question, car j'allais lui demander, en même temps qu'à M. Robertson, quelles seraient les répercussions sur le plan diplomatique de notre éventuelle adhésion à la défense antimissile. M. Byers semble avoir indiqué très clairement que le Canada devrait sans doute renoncer à son rôle diplomatique dans cette région du globe s'il choisissait de participer à cette forme de défense. J'aimerais bien savoir si M. Robertson est du même avis.
    Non, je ne suis pas d'accord.
    Pour ce qui est plus particulièrement de la Corée du Nord, nous devons changer notre politique actuelle afin de nouer des liens avec ce pays et mandater notre ambassadeur à Séoul pour qu'il se rende à Pyongyang en vue d'observer la situation, comme l'a fait récemment notre conseiller à la sécurité nationale. Nous saurions ainsi encore un peu mieux à quoi nous en tenir. Je ne suis pas convaincu que notre adhésion à la défense antimissile pour des motifs qui nous sont propres aurait un effet quelconque sur nos relations avec la Corée du Nord. Je ne crois pas que ce serait le cas. Les différents pays prennent ainsi des décisions pour des raisons qui sont particulières à leur situation. D'après moi, nous le ferions en l'espèce en raison de la menace croissante qui pèse sur les Canadiens. En fin de compte, et pour répondre partiellement à l'observation de Mme Gallant, chaque pays est exposé à différentes menaces et doit constamment évaluer les risques que chacune représente pour prendre des décisions en conséquence.
    NORAD nous assure une protection sur bien des plans grâce au partenariat établi avec les États-Unis. En tant que partenaire mineur, nous bénéficions des investissements faits par les Américains. C'est un élément de la solution. M. Byers demandait tout à l'heure si les Américains nous avaient lancé une invitation. Je ne crois pas qu'ils vont le faire, car nous avons déjà refusé une invitation semblable. Même si M. Trump est quelqu'un d'imprévisible, ils vont éviter d'emprunter cette avenue, car je suis convaincu que son entourage n'est pas favorable à une collaboration avec le Canada en la matière. Il faudra que, pour des motifs bien à lui, notre pays exprime son intérêt à participer au système en demandant quels seront les coûts à engager, quel rôle le Canada pourra jouer et dans quelle mesure il pourra gérer le système. Je pense que nous devons obtenir des réponses à ces importantes questions, non pas parce que nous voulons être des partenaires des Américains en tant qu'alliés, mais parce que nous désirons défendre les Canadiens.

  (1340)  

    Monsieur Byers, pourriez-vous nous en dire plus long au sujet des répercussions diplomatiques?
    Si le Canada devait s'adresser aux États-Unis en vue d'une participation à la défense antimissile, je recommanderais qu'il agisse de façon très discrète. Il serait en effet préférable que Pyongyang ne sache pas que nous posons des questions aux Américains pour savoir comment nous pouvons les aider et combien cela nous coûterait.
    Il est tout à fait compréhensible que l'on pose de telles questions ou que l'on discute de cette possibilité, mais il ne faut pas recommander une adhésion sans connaître tous les détails. C'est un peu mon message à l'intention de votre comité. Il serait stupide et irréfléchi d'agir de la sorte. Il faut s'adresser aux Américains pour savoir vraiment à quoi s'en tenir.
    Il faut aussi admettre que bien des choses ont changé du point de vue technologique depuis 2004. À l'époque, les Américains souhaitaient installer une station de radar à Terre-Neuve-et-Labrador. Ils voulaient également obtenir de l'information par l'entremise du système NORAD. Les outils technologiques se sont améliorés depuis. À compter de la prochaine décennie, le système de défense antimissile sera alimenté principalement à partir de satellites et de capteurs installés sur orbite.
    Les États-Unis n'ont plus besoin du Canada autant qu'il y a 13 ans à peine. C'est un autre aspect dont il faudra tenir compte. Les Américains ont-ils besoin de nous? Que voudraient-ils que nous fassions pour améliorer la défense de l'Amérique du Nord, compte tenu des pressions exercées par la Maison-Blanche en faveur d'une hausse des dépenses pour la défense? Ils ne demandent pas que nous contribuions à la défense antimissile. Ils veulent que nous augmentions nos investissements pour la défense en pensant aux forces aériennes, navales et terrestres, et non à la défense antimissile.
    Je souhaite revenir à la situation unique dans laquelle se retrouve selon certains le Canada en tant que pays ayant l'oreille des Américains sans toutefois être directement identifié comme un ennemi de la Corée du Nord. Compte tenu des succès récents obtenus avec la politique d'engagement limité, serait-il possible pour le Canada d'intervenir à ce moment-ci, peut-être même en essayant de transformer l'armistice de 1953 en un véritable traité de paix, et de prendre des initiatives qui, sans s'attaquer directement à la menace, vont contribuer à réduire les tensions dans cette région du globe?
    J'aimerais savoir ce qu'en pense M. Byers et peut-être aussi M. Huebert.
    J'ai une réponse très simple à vous donner. Je l'ignore, mais nous devrions essayer. On ne peut pas savoir sans l'avoir essayé. La situation actuelle est extrêmement dangereuse. Il est possible que nous ayons une telle ouverture. Je pense qu'il est du devoir de notre pays d'essayer d'en tirer parti, car nous serions peut-être effectivement capables de réduire la tension.
    Si je puis me permettre, je suis d'avis contraire. Je ne considère pas, compte tenu de notre rôle limité sur la scène diplomatique... Quant aux répercussions sur nos liens diplomatiques avec les Nord-Coréens, je ne pense pas que ceux-ci vont prêter une attention particulière à nos démarches. Je ne suis même pas sûr qu'ils soient au courant de notre existence.
    Si nous avons un rôle diplomatique à jouer, il consistera à rassurer les pays confrontés directement... Autrement dit, nous devrions parler aux Japonais qui cherchent sans cesse d'attirer notre attention sur bon nombre de ces enjeux de sécurité et faire la même chose avec les Sud-Coréens, et je dirais également les Australiens et les Néo-Zélandais.
    Je pense qu'il serait beaucoup plus judicieux de consacrer nos efforts diplomatiques à nouer ainsi une alliance très claire pour contrer la menace nord-coréenne, plutôt que de se lancer dans une démarche que je qualifierais de malavisée qui attirerait sur nous l'attention des Nord-Coréens. Ce serait tout simplement voué à l'échec.
    Monsieur Robertson.
    J'ajouterais simplement qu'il faut d'abord et avant tout établir des relations diplomatiques, ce qui n'est pas le cas actuellement.
    À titre d'exemple, nous avons récemment pu apporter une contribution utile au président Obama lorsqu'il a voulu renouer des liens avec Cuba. Comme vous le savez, bon nombre de rencontres privées ont alors eu lieu au Canada. La chose a été rendue possible par le maintien de nos relations diplomatiques avec les Cubains. Nous avons ainsi pu proposer très discrètement la tenue de telles rencontres dans notre pays. Les gens ne l'ont appris qu'après coup, et seulement parce que le président nous a remerciés.
    Nous ne pourrions pas répéter l'exercice maintenant avec la Corée du Nord, parce que nous n'avons pas de relations diplomatiques avec ce pays. Il faudrait d'abord selon moi établir de tels liens pour voir ensuite ce que l'on peut en faire.

  (1345)  

    Monsieur Robillard.
    Ma question s'adresse à tous nos témoins. Comme cette séance porte sur la menace que représente la Corée du Nord pour le Canada, pouvez-vous vous rappeler des situations où le Canada aurait été ciblé expressément dans le discours des Nord-Coréens? De quoi était-il question et pour quelle raison a-t-on parlé de nous?
    Nous n'avons pas été pris à parti récemment, mais le Royaume-Uni et l'Australie l'ont été le 20 août dernier en raison de leur participation à des exercices militaires avec la Corée du Sud.
    Pas à ma connaissance. Il faut remonter à la Guerre de Corée pour voir un véritable engagement du Canada. Vous pourriez également poser la question aux gens d'Affaires mondiales Canada. Ils pourraient certes vous en dire davantage.
    Il y a eu un gazouillis du bureau d'information de la Corée du Nord où l'on se moquait de notre premier ministre, mais ce n'était pas...
    Nous allons devoir vous interrompre.
    Des députés: Ha, ha!
    J'aimerais ajouter quelque chose, si vous voulez bien m'accorder quelques secondes. Le Canada entretient également d'excellentes relations avec la République populaire de Chine, un des acteurs de premier plan dans le scénario actuel. Si nous souhaitons déployer des efforts de politique étrangère concernant la Corée du Nord, il faudrait tout au moins s'assurer de discuter d'abord avec les Chinois pour veiller à ne pas empiéter sur leurs plates-bandes, car c'est le seul pays vraiment capable de régler la situation. Si le Canada a un rôle à jouer, ce sera de concert avec la Chine.
    [Note de la rédaction: difficultés techniques] un gazouillis ou une autre communication dans laquelle on nous aurait montrés du doigt, mais j'ajouterais qu'il faut faire bien attention de ne pas accorder trop d'importance au fait que l'on nous prenne ainsi à parti. Étant donné que nous sommes confrontés à un État agresseur qui mise sur l'intimidation, si l'on accorde trop d'importance au fait que les Nord-Coréens nous pointent du doigt ou si l'on se dit qu'il est préférable de tout faire pour ne pas attirer leur attention, cela revient essentiellement à céder à des tactiques belliqueuses comme celles qu'ils sont utilisées au détriment des Japonais et des Sud-Coréens.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Je vais laisser le reste de mon temps à mon collègue, M. Gerretsen.
    Combien me reste-t-il de temps exactement, monsieur le président?
    Environ quatre minutes.
    Monsieur Byers, en réponse à une question de M. Garrison, vous avez indiqué que notre adhésion au système de défense antimissile ferait en sorte que nous perdions toute capacité d'avoir recours à la voie diplomatique.
    Je ne sais pas si vous pouvez nous expliquer un peu mieux votre point de vue. Nous parlons ici d'un programme qui vise la défense. Comment peut-on voir une volonté offensive dans des mesures qui visent la défense d'un pays? Les choses seraient différentes si nous adoptions une approche guerrière, mais il est seulement question ici de nous défendre. Il ne s'agit pas d'attaquer qui que ce soit.
    Pour moi comme pour vous, il est difficile d'imaginer la façon dont les dirigeants nord-coréens peuvent concevoir les choses. Je peux toutefois vous dire qu'ils suivent sans doute de très près l'évolution des choses, y compris les délibérations de votre comité, et qu'ils n'ignorent pas que la position du Canada est différente de la leur. Nous avons choisi de ne pas nous doter d'armements nucléaires. Nous avons décidé de ne pas avoir de missiles balistiques intercontinentaux. Nous avons renoncé à cette capacité d'attaquer des pays comme la Corée du Nord...
    Pourquoi ne pouvons-nous pas choisir de nous défendre?
    Nous pouvons certes choisir de nous défendre, mais nous le ferions en l'espèce en adhérant à un système armé qui est contrôlé principalement par l'ennemi juré de la Corée du Nord. Le système américain vise effectivement à abattre les ogives dirigées vers les États-Unis, mais cela demeure un système armé.
    Oui, je comprends.
    Je pense que vous étiez présent ce matin lorsque M. Garrison a interrogé d'autres témoins pour savoir si les États-Unis allaient se porter à notre défense. Je pense que plusieurs se posent la même question en espérant se faire rassurer, mais il est bien évident qu'il était difficile pour ces témoins de répondre à de telles questions hypothétiques.
    Si l'on se met à présumer ainsi que quelqu'un d'autre agira pour nous défendre, à partir de quel moment commence-t-on à perdre sa souveraineté et son autonomie? On fait valoir qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter car quelqu'un va faire le nécessaire, mais n'est-on pas en train par le fait même de renoncer à sa souveraineté?

  (1350)  

    Pendant la guerre froide, avons-nous renoncé à notre souveraineté en permettant aux Américains de prendre en notre nom les décisions relatives à la dissuasion nucléaire? Je ne crois pas. Nous avons contribué à la collecte de données de surveillance par l'entremise de NORAD.
    Dans la conjoncture actuelle, nous nous demandons si nous allons participer au système armé de défense antimissile, ce qui demeure une question hypothétique, car les États-Unis ne nous ont pas invités à le faire. La dernière fois que nous avons été confrontés à une question un peu semblable remonte à l'époque où nous avons accepté la présence d'ogives nucléaires américaines en sol canadien, en sachant qu'elles auraient été sans doute installées sur nos missiles dans l'éventualité d'un conflit...
    Je vois où vous voulez en venir, mais...
    Nous parlons ici d'un système d'armement américain. Nous allons un peu plus loin que ce qui a été fait auparavant.
    Je comprends, mais j'ai vraiment très peu de temps à ma disposition.
    Convenez-vous, tout au moins dans une perspective générale ou d'un point de vue philosophique, qu'en misant sur quelqu'un d'autre pour réagir en notre nom, nous renonçons essentiellement à notre souveraineté?
    Est-ce que ce n'est pas un peu toujours la même chose? Nous nous rendons en Afghanistan et nous bénéficions de la couverture aérienne des forces américaines. Nous dépendons sans cesse d'autres pays. C'est justement pour ça que des alliances...
    Ce n'est pas sur notre territoire.
    Nous collaborons avec...
    Vous parlez d'une opération conjointe qui se déroule à l'étranger...
    Même au pays, nous faisons partie du Groupe des cinq pour la mise en commun du renseignement. C'est pour la protection de l'Amérique du Nord. Nous comptons sans cesse sur l'aide d'autres pays.
    La différence c'est que nous n'avons pas conclu de traité avec les États-Unis pour assurer qu'ils allaient nous défendre. Nous présumons seulement qu'ils le feront. Ce n'est pas du tout la même chose. Dans tous les autres exemples que vous avez donnés, nous faisons partie d'une alliance, alors que nous parlons ici seulement de présomptions. Je ne veux pas trancher en faveur d'un côté ou de l'autre. Je veux seulement savoir s'il y a lieu selon vous de nous inquiéter de notre souveraineté?
    D'après ce que j'ai entendu ce matin, les États-Unis auraient indiqué que nous ne participerions pas à la prise de décisions. Ils n'ont toutefois pas explicitement dit qu'ils n'allaient pas abattre un missile se dirigeant vers le Canada, si cela devait effectivement se produire, une éventualité peu probable compte tenu du fait que les Nord-Coréens ne nous considèrent pas comme une menace.
    On peut effectivement explorer toutes les hypothèses possibles et envisager une protection idéale si nos budgets pour la défense n'étaient pas limités, mais il faut d'abord tirer les choses au clair avec les États-Unis. Sinon, vous formulez seulement des hypothèses, et c'est un peu la même chose pour moi. Nous ne savons pas quelle serait la position des Américains...
    Je vais devoir mettre un terme aux hypothèses pour l'instant afin de donner la parole à Mme Alleslev qui pourra poursuivre dans le même sens, si elle le désire.
    Merci beaucoup, et merci à nos témoins de leur présence qui nous permet de profiter d'une vue d'ensemble fort intéressante.
    J'aimerais revenir à la question de la diplomatie. Nous avons discuté du coût diplomatique possible de notre éventuelle participation au système de défense antimissile. Qu'est-ce qu'il nous en coûterait de ne pas y participer du point de vue de la diplomatie, de la sécurité à proprement parler, de l'économie et de nos autres relations à l'étranger?
    Monsieur Robertson.
    Je dirais que nous n'avons pas vraiment de relations diplomatiques avec la Corée du Nord à l'heure actuelle. Si nous devions changer notre politique, il faudrait sans doute prévoir des voyages plus fréquents de notre ambassadeur. Les coûts seraient minimes, car il n'est pas très éloigné de Pyongyang, mais cela nous permettrait tout au moins d'avoir un point de vue canadien sur la situation et de pouvoir faire valoir notre perspective et peut-être même — bien que les chances m'apparaissent minimes — d'apporter une contribution pouvant être utile.
    M. Byers a parlé de nos relations avec la Chine. Tout cela est bien vrai. Mais il faut tout de même pouvoir assurer une présence directe. Je dirais qu'il faut donc d'abord et avant tout changer la politique actuelle de telle sorte que nous soyons mieux à même de nouer des liens pour défendre les intérêts canadiens. Nous n'agissons pas pour le compte des États-Unis. Nous le faisons parce que des intérêts canadiens sont en jeu comme ce fut par exemple le cas quand notre conseiller à la sécurité nationale s'est rendu récemment là-bas pour s'assurer que la libération du pasteur Lim se déroulait bien. Il pourrait y avoir d'autres situations...
    C'est un aspect de la question. Je reviens toutefois à ce que je voulais savoir. Nous avons décidé pour l'instant de ne pas participer à la défense antimissile. Cette approche a-t-elle un coût pour le Canada et quel est-il?
    Pour ce qui est de nos relations avec les États-Unis ou avec d'autres pays? Non, je ne crois pas.
    D'un point de vue économique ou purement pratique?
    Il y en aurait peut-être si nous investissions... Ce sont des décisions que le gouvernement prendrait. Si nous décidions de participer, nous aurions peut-être accès à certaines technologies, mais cela ferait partie du processus de négociation.
    La question fondamentale est la suivante: les Canadiens sont-ils plus en danger aujourd'hui qu'ils l'étaient il y a 10 ans? D'après moi, la réponse est oui. Je pense donc que nous devrions réexaminer notre position et poser les questions difficiles. Quels sont les coûts? Quel rôle jouerons-nous? Le fait qu'il s'agisse d'un système américain ne me dérange pas. Nous utilisons tout le temps des systèmes américains, mais pour des raisons qui nous sont propres et pour protéger les Canadiens. C'est ce qui compte.

  (1355)  

    Puis-je vous demander de répondre, monsieur Lam?
    Je vais dire deux choses.
    Premièrement, la menace n'est pas la même. L'explosion du 3 septembre était de 250 kilotonnes. Ce n'est pas un jouet. Avant, la politique des États-Unis était: « Nous pouvons vivre avec et l'endurer encore quelque temps. » Aujourd'hui, leur politique est: « Il faut agir maintenant. »
    Dans votre discussion au sujet de la défense antimissile balistique, vous parlez de participation et de coûts... Je suis désolé, mais cela va prendre des mois, voire des années. Nous avons un problème aujourd'hui.
    Deuxièmement, la défense antimissile ne fonctionne pas par degrés. La première mesure de défense que vous mettez en oeuvre change tout parce que vous n'êtes plus la cible la plus facile. L'autre réussira peut-être à déjouer votre système de défense antimissile, mais il est incertain. Vous avez embrouillé ses calculs. À mon avis, lancer quelque chose rapidement, même si c'est un seul missile antimissile ponctuel, a du poids. Nous pourrions faire quelque chose dès aujourd'hui, en fait, s'il s'agit de défense avancée. Nous pouvons agir rapidement et à faible coût.
    Monsieur Huebert.
    Je tiens à intervenir. Nous avons parlé de diplomatie. La diplomatie vient aussi de la force. Vous parlez des facteurs économiques et tout cela. Ce n'est pas une question d'économie. C'est une question de sécurité canadienne.
    Aussi, nous semblons être obnubilés par un seul scénario, celui dans lequel la première chose qui arrive, c'est que les Nord-Coréens lancent un missile vers l'Amérique du Nord. À mon avis, nous devons faire très attention de ne pas faire une fixation sur ce scénario parce qu'en réalité, il est plus probable que la Corée du Nord envahisse rapidement la Corée du Sud, puis que la guerre éclate. Lorsque cela se produira, il faudra absolument que nous soyons en pleine participation avec les Américains, quand le feu de l'action réduira en poussière toute la planification que nous aurons faite.
    Ainsi, pour répondre à votre très bonne question — quels seront les coûts si nous ne participons pas —, dans le scénario où la Corée du Nord envahit la Corée du Sud, la guerre éclate, la situation s'intensifie et là, la Corée du Nord fait feu, il faut que nous soyons prêts, même si nous sommes juste là en tant que participants de second rang. Franchement, l'affirmation selon laquelle nous sommes en sécurité en ne participant pas est fondée sur de fausses prémisses.
    Les deux dernières minutes de cette partie de la séance iront à M. Bezan.
    James, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président. Je me demandais s'il y aurait un peu d'équilibre. Les libéraux ont eu droit à 19 minutes de questions, tandis que les conservateurs en ont eu seulement 7 jusqu'à maintenant.
    Je vous remercie, messieurs, d'être ici aujourd'hui. J'aimerais parler du facteur de dissuasion et des différentes possibilités que nous pourrions envisager. Je suis d'accord avec ce que M. Huebert vient de dire: la diplomatie passe par la force. Nous voyons que Kim Jong-un est provoqué par la faiblesse, tout comme Poutine.
    Comment pouvons-nous employer la dissuasion et l'appui de nos alliés, comme la Corée du Sud et le Japon, pour jouer un rôle plus important et pour renforcer notre position? Bien sûr, nous pouvons considérer la Corée du Nord comme notre plus grand ennemi, mais nous avons aussi notre plus grand allié, les États-Unis, alors comment pouvons-nous affermir cette relation? Vous avez tous abordé la question brièvement, mais j'aimerais que vous me parliez plus en détail, rapidement, des secteurs prioritaires qui nous permettraient de renforcer cette relation.
    Je vais demander à M. Huebert de répondre en premier, puis à Colin, et enfin à Danny s'il nous reste du temps.
    Rapidement, d'abord, du point de vue de la sécurité militaire, nous participons au système de défense antimissile balistique, nous cherchons des moyens d'améliorer les systèmes de surveillance par satellite dont nous avons parlé pour la modernisation du NORAD et nous examinons les possibilités par rapport aux prochains navires de combat de surface. Autrement dit, nous prenons des mesures concrètes, des mesures qui montrent que nous allons participer à la défense.
    Du point de vue de la diplomatie, n'oubliez pas que c'est le Canada qui a réussi à mettre en branle l'OTAN. Je ne suggère pas que nous établissions une relation semblable à celle de l'OTAN avec le Japon, la Corée du Sud, les États-Unis et l'Australie, mais nous pouvons en faire beaucoup plus pour affermir notre relation avec ces quatre États sur les plans de la sécurité et de la politique. Je pense vraiment que nous devons pousser d'une façon ou d'une autre. Si vous voulez investir dans les efforts diplomatiques, d'après moi, c'est là que vous devez aller. Je pense que les Japonais et les Sud-Coréens sauteraient sur l'occasion.

  (1400)  

    Monsieur Robertson.
    De façon générale, sur le plan de la diplomatie, je pense qu'il faut de la reconnaissance ou qu'il faut modifier la politique actuelle sur la Corée du Nord afin que nous participions au moins à la discussion.
    Sur le plan de la défense, j'appuie ce que M. Huebert vient de dire. Je pense aussi, de façon générale, que nous devons respecter les engagements que nous avons pris lors de l'examen du programme de défense, ce qui concorde avec les objectifs du gouvernement Harper de renforcer notre capacité en acquérant de nouveaux chasseurs à réaction et navires de guerre, ainsi qu'en améliorant nos forces terrestres. C'est important parce que cela aide l'alliance à atteindre les cibles sur lesquelles nous nous sommes entendus. Nos actions auraient plus de poids si elles avaient l'appui de tous les partis.
    Monsieur Lam.
    Premièrement, revoyons le NORAD et incluons la défense antimissile dans l'accord. Deuxièmement, faites tout ce qu'il faut pour que les États-Unis acceptent qu'un ou deux intercepteurs de missiles basés au sol en Alaska soient réservés au Canada. Signez un chèque et payez-les. Troisièmement, nous devons établir une relation avec nos alliés — le Japon et la Corée du Sud — pour la défense avancée.
    Pour ce qui touche la diplomatie, je suis tout à fait d'accord.
    Messieurs, merci beaucoup d'avoir pris le temps d'être des nôtres aujourd'hui. Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes afin de faire entrer notre dernier groupe d'universitaires.

  (1400)  


  (1405)  

    Nous reprenons notre discussion sur la position du Canada par rapport à la Corée du Nord. Bienvenue à toutes et à tous.
    Nous accueillons notre dernier groupe d'universitaires. M. James Fergusson, de l'Université du Manitoba, est ici avec nous à Ottawa; Mme Andrea Charron se joint à nous par vidéoconférence du Manitoba; et Mme Andrea Berger se joint à nous par vidéoconférence de Londres, en Angleterre. Je crois que c'est aussi l'ordre dans lequel vous prendrez la parole.
    Pardonnez-moi, madame Mason. J'ai omis votre nom, qui se trouvait à la dernière page.
    Nous accueillons également Mme Peggy Mason à titre de témoin.
    Je vous demanderais de ne pas prendre plus de cinq minutes pour vos exposés. Si nous dépassons cette limite, les députés ont peu de temps pour vous poser des questions, et je sais qu'ils tiennent à vous demander votre avis sur divers aspects de la discussion.
    Sur ce, la parole est à vous, monsieur Fergusson.
    Je crois que tous les membres du Comité ont une copie papier de la carte qui illustre la menace. La carte montre la menace posée par la Corée du Nord et la trajectoire qu'un missile balistique suivrait pour toucher l'ensemble de l'Amérique du Nord.
    Permettez-moi d'aller droit au but et de parler des trois questions à l'étude, en commençant par l'évaluation de la menace.
    Premièrement, nous savons que la Corée du Nord possède des armes nucléaires et des missiles balistiques, y compris des missiles à portée intercontinentale. Toutefois, nous ignorons combien d'ogives et de missiles elle a, surtout d'ICBM.
    Deuxièmement, nous ne savons pas si la Corée du Nord a réussi à neutraliser et à allier ses armes nucléaires à son parc de missiles balistiques. Nous n'en avons vu aucune preuve, et la seule vraie preuve que nous pourrions avoir, ce serait si la Corée du Nord procédait à un essai de démonstration quelque part au-dessus du Pacifique Nord et faisait détoner un engin nucléaire, juste pour montrer à tous qu'elle en est capable. Actuellement, nous devons, au minimum, nous préparer à un avenir incertain et tenir pour acquis qu'elle finira par posséder la technologie.
    Troisièmement, bien que la Corée du Nord ait organisé de nombreux défilés militaires pour montrer qu'elle a des missiles balistiques à combustible solide sur des lanceurs mobiles, nous ignorons si elle a maîtrisé cette technologie très sophistiquée. Pour l'instant, si l'on écarte l'avenir, on peut dire qu'il s'agit pour la plupart de missiles à combustible liquide, ce qui donne amplement de temps de préparation avant une frappe. Un ICBM doit être alimenté en combustible environ 24 heures avant d'être lancé; il y a donc un avertissement. C'est important d'en tenir compte.
    Nous ignorons également à quel point la Corée du Nord maîtrise les systèmes de guidage — la capacité de lancer un missile, de faire feu et de le laisser aller, et d'atteindre la cible — et si elle y accorde de l'importance, nonobstant d'autres facteurs, surtout compte tenu des débris qui peuvent modifier la trajectoire d'un missile lancé dans l'espace orbital. Nous ne savons pas à quel point elle réussit bien sur ce plan. Elle a démontré qu'elle commence à maîtriser le lancement par sous-marin, mais d'après moi, compte tenu des preuves empiriques qui montrent combien de temps il a fallu à la Chine pour en arriver jusque-là, il lui faudra encore probablement au moins 10 ans avant d'atteindre cet objectif.
    Malgré ce qu'affirment les soi-disant spécialistes, la Corée du Nord ne possède pas — et ne possédera pas de sitôt — de leurres ou d'aides à la pénétration pour leurs systèmes. Il s'agit de technologie extrêmement sophistiquée. Songez aux coûts du programme Chevaline que les Britanniques ont mis sur pied dans les années 1970 pour que le Polaris puisse déjouer le système de défense antimissile balistique soviétique autour de Moscou. En outre, elle ne possède pas de missiles à ogives multiples. Ses missiles sont dotés d'une seule ogive.
    C'est extrêmement difficile de savoir dans quelles conditions la Corée du Nord attaquerait l'Amérique du Nord. Je pourrais inventer une série de scénarios qui expliqueraient comment on pourrait en arriver là, mais si l'on écarte les absurdités, le message qui ressort, c'est que, pour la Corée du Nord, il s'agit de mesures de dissuasion contre la menace impérialiste. Or, que la probabilité d'une frappe inattendue ou d'une attaque préventive soit faible ou non, elle ne peut pas être considérée comme étant nulle. C'est une possibilité qu'il faut envisager.
    Du point de vue de l'Occident, si nous interprétons la situation en nous fondant sur notre façon de voir la dissuasion et sur nos comportements antérieurs, nous pensons que les attaques nucléaires et au missile seront dirigées d'abord contre la Corée du Sud, puis qu'il y aura escalade. Plus précisément, les attaques cibleront d'abord les bases américaines en Corée du Sud; puis les quatre bases, à Guam et à Okinawa; ensuite, Hawaï; et finalement, le territoire continental des États-Unis. Ce raisonnement reflète l'évolution naturelle des essais de missiles faits par la Corée du Nord, qui a commencé avec des missiles à courte portée pour finir avec des ICBM à trois moteurs-fusées.
    Je vous ai entendus parler du fait que nous ne sommes pas une menace et que nous ne sommes pas considérés comme tels. Je n'aborderai pas le sujet maintenant, mais je serais heureux de vous parler, durant la période de questions, de l'absence de définition et de la conviction erronée, mais bien établie que le Canada est vu comme étant différent de son allié principal, les États-Unis, en ce qui touche les cibles fixées. Néanmoins, le Canada fait face à deux menaces directes.
    La première est que le Canada devienne une cible accidentelle. La Corée du Nord tenterait de frapper le territoire continental des États-Unis, mais pour diverses raisons de guidage — des problèmes de combustible ou d'autres facteurs —, l'ogive ne se rendrait pas jusqu'à sa cible. Si vous regardez la carte, vous verrez où le missile pourrait tomber s'il n'allait pas jusqu'où il devait aller.

  (1410)  

    La deuxième, comme on l'a déjà dit — à juste titre, selon moi —, c'est que le Canada devienne une cible de démonstration qui permettrait à la Corée du Nord de montrer sa détermination et sa capacité dans un contexte de crise ou de guerre, surtout si la Corée du Nord était en guerre et au bord de la défaite et de la destruction. On pourrait s'attendre à ce qu'une telle démonstration se fasse plutôt au-dessus du Pacifique Nord pour avertir l'Occident, mené par les États-Unis, d'arrêter ce qu'il fait, mais elle pourrait aussi décider d'attaquer le Canada, qui serait sans défense, en suivant une trajectoire qui montrerait sa capacité de frapper Washington.
    Je vais sauter à la fin du document, à la partie intitulée « Le Canada est-il protégé? ». Je pourrai revenir sur le reste, et vous pourrez le lire.
    La réponse directe et honnête est non, nous ne sommes pas protégés. L'idée selon laquelle les États-Unis nous défendront est moralement répréhensible et irresponsable. Elle est moralement répréhensible parce qu'elle enferme les États-Unis et les officiers qui ont fait le serment de défendre les États-Unis — pas le Canada — dans un dilemme moral difficile que je trouve inacceptable. De plus, elle est irresponsable parce que nous n'avons pas négocié d'entente avec les États-Unis pour régler le problème de la défense du Canada.
    S'il devait y avoir une attaque, les États-Unis auraient trois recours: premièrement, une frappe préventive visant à éliminer les systèmes nord-coréens; deuxièmement, des systèmes navals déployés à l'avant, qui pourraient protéger contre un ICBM; et troisièmement, bien sûr, des systèmes basés au sol.
    Sur le plan fonctionnel, la décision des États-Unis de défendre le Canada dépendrait de quatre facteurs: premièrement, la taille de l'arsenal nord-coréen par rapport au nombre d'intercepteurs et aux possibilités d'intercepter; deuxièmement, la capacité de déterminer la cible précise ici; troisièmement, l'emplacement de la cible canadienne par rapport aux cibles américaines; et quatrièmement, les missiles atteindront-ils vraiment leurs cibles? Je vais m'arrêter là pour l'instant.
    Merci pour votre exposé.
    Je demanderais aux autres témoins de ne pas prendre plus de cinq minutes, s'il vous plaît.
    Madame Mason, la parole est à vous.
    Merci beaucoup. Il est intéressant de noter que je suis avocate, ancienne ambassadrice et présidente d'un très petit groupe de réflexion indépendant, mais que je ne suis pas une théoricienne. Au contraire, je suis une praticienne.
    Voici les arguments que je présente dans mon mémoire. Je vais en dresser la liste puisque je n'ai évidemment pas le temps de les expliquer en détail, et que le texte a été distribué.
    Tout d'abord, la Corée du Nord cherche à se doter d’armes nucléaires pour se défendre.
    En deuxième lieu, aucun moyen militaire ne permet de dénucléariser efficacement ce pays.
    Troisièmement, on n’a pas encore essayé d’entamer avec elle un dialogue sans condition préalable.
    Quatrièmement, le Canada a un rôle dans la promotion d’une solution diplomatique à la crise.
    J'ai parlé abondamment du cinquième point la dernière fois que le Comité s'est penché sur la question en mai 2016. Le système états-unien de défense antimissiles balistiques stratégiques ne fonctionne pas, compromet la stabilité stratégique, met en péril les satellites civils et, d’ailleurs, les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, en plus d'être excessivement cher. Tout cela est sans égard à un essai supposément réussi qui a été réalisé en mai 2017 dans un contexte très artificiel.
    Je n'ai pas abordé le sixième point que je souhaite présenter lors de ma dernière comparution parce que le moment était mal choisi: je craignais que le responsable soit identifié. Vu le passé toxique des relations canado-états-uniennes concernant l’éventuelle participation du Canada au système états-unien de défense antimissiles balistiques stratégiques, l’idée de la soulever de nouveau n’est pas seulement futile, mais dangereuse aussi. Comme je l'ai dit dans mon mémoire, le mot « toxique » décrit le passé de la participation canadienne par un haut fonctionnaire américain.
    Puisque le temps file, je vais maintenant concentrer mon témoignage oral sur les chances d'une action diplomatique — ce qui ne vous surprendra pas, compte tenu de mon expérience —, qui est la seule façon efficace d'aller de l'avant.
    On n’a pas encore essayé d’entamer avec la Corée du Nord un dialogue sans condition préalable. Aux nouvelles, nous avons souvent entendu des déclarations peut-être pas du président des États-Unis, mais certainement du secrétaire d’État et du ministre de la Défense des États-Unis, qui se sont dits favorables à la diplomatie à plusieurs occasions. Mais ce que les médias ne nous disent pas, c'est que la Corée du Nord l'a affirmé aussi à maintes reprises.
    L’ancien haut fonctionnaire américain Robert Carlin, maintenant professeur invité, a récemment dit... Bien sûr, nous dépendons tous de la traduction. Si les médias ne nous la fournissent pas, la plupart d'entre nous ne pourront pas aller lire la déclaration originale de la Corée du Nord, mais c'est pourquoi il s'agit d'un service aussi formidable. Un véritable spécialiste américain qui est un ancien haut fonctionnaire, comme je l'ai dit, a paraphrasé comme suit les offres récentes de négociation de la Corée du Nord. Il y en a eu toute une série pendant cette période de crise, au moyen essentiellement des différents essais balistiques et nucléaires.
    Voici ce qui est habituellement dit, d'après la traduction de la déclaration nord-coréenne:
Jamais nous ne négocierons en nous appuyant sur la bombe atomique et les fusées balistiques. Jamais, non plus, nous ne dévierons d’un pouce du cap que nous nous sommes fixé pour renforcer notre puissance nucléaire...
Il s'agit du segment que nous entendons constamment. Ce que nous n'entendons pas, en revanche, c'est le reste de la déclaration, qui dit:
... à moins que ne cessent essentiellement la politique hostile et la menace nucléaire qu’exercent les États-Unis contre la République populaire démocratique de Corée.
    Fait particulièrement préoccupant, comme je l'ai dit, les médias occidentaux omettent trop souvent de reproduire la deuxième partie de la déclaration nord-coréenne.
    Il est aussi moins bien connu que les États-Unis doivent encore offrir de s’engager dans un dialogue qui ne pose pas comme première condition que la Corée du Nord renonce d’abord aux armes nucléaires avant le début des pourparlers, ce qui, visiblement, est hors de question pour la Corée du Nord. Voilà pourquoi la sénatrice démocrate californienne de longue date Dianne Feinstein, aussi vice-présidente du comité sénatorial du renseignement, a publié le 8 août une déclaration — qui n'a pas retenu l'attention avant un certain temps —, dans laquelle elle incite vivement le gouvernement des États-Unis à entamer rapidement un dialogue à haut niveau avec la Corée du Nord, sans poser de conditions préalables.
     Autrement dit, je suis incroyablement optimiste, car cela signifie qu'on n’a pas vraiment donné à la diplomatie, qui est loin d'être un échec, une vraie chance de donner des résultats.
    Veuillez m'excuser. Vous me laissez…

  (1415)  

    Je vous ai avertie qu'il restait 30 secondes il y a 20 secondes déjà.
    Trente secondes? Wow. Bon sang.
    Le temps passe vite.
    En effet.
    Dans mon mémoire, je décris deux propositions différentes. Je parle d'une solution globale, qui supposerait que la Corée du Nord renonce à l'arme nucléaire — je pense malheureusement qu'il est trop tard —, puis d'une proposition beaucoup plus récente des Chinois et des Russes, qu'ils appellent gel double: le gel des essais balistiques et nucléaires de la Corée du Nord, et celui des exercices conjoints à grande échelle des États-Unis et de la Corée du Nord.
    Tout compte fait, il y a d'excellentes propositions à la table, et Angela Merkel a dit que l'Allemagne jouerait le même rôle qu'à l'occasion des négociations très réussies avec l'Iran. Le secrétaire général des Nations unies a offert ses bons services. Il est grand temps que le Canada use de son influence dans le cadre d'une initiative diplomatique.
     Merci beaucoup.

  (1420)  

    Merci.
    Je vais maintenant laisser la parole à Mme Charron.
    Je pense que les témoignages commencent à se recouper. Puisque j'ai soumis mon mémoire, je tenterai simplement de résumer et de décortiquer les trois objections perpétuelles à la participation à la défense antimissiles balistiques, ou DAB.
    Je suppose que nous parlons ici de la mission de défense à mi-parcours basée au sol, ou GMD, dans laquelle le rôle du NORAD, le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, serait bien sûr de simplement nous avertir de l'attaque si jamais la Corée du Nord lançait un missile balistique intercontinental vers la partie continentale des États-Unis ou le Canada. NORAD n'a pas pour rôle d'intercepter les missiles balistiques, une mission qui relève plutôt du NORTHCOM, le Commandement de l'Amérique du Nord. À l'heure actuelle, la GMD se compose d'un réseau de systèmes qui regroupent plusieurs commandements des forces de combat des États-Unis. Le Canada n'a ni pouvoirs décisionnels ni autorité à ce chapitre, bien que nous participerons à recueillir l'information et le renseignement donnant lieu à l'avertissement.
    Dans l'ensemble, les trois objections perpétuelles du Canada à l'égard de la DAB sont les suivantes. Premièrement, est-ce que le système fonctionne? Deuxièmement, quel en est le coût? Troisièmement, quel pourrait être l'effet de l'adhésion du Canada sur la stabilité mondiale et la sécurité internationale?
    Tout d'abord, pour ce qui est de savoir si tout fonctionne ou non, le système américain actuel de GMD n'a jamais été essayé dans la réalité, heureusement. Il est vrai que les systèmes Patriot, THAAD et Aegis ont été mis à l'essai, mais ils sont plutôt destinés à des missiles balistiques de théâtre. C'est bien différent des intercepteurs basés au sol, ou GBI, à Fort Greely et Vandenberg.
    L'Agence de défense antimissile des États-Unis admet que les résultats des essais du GBI sont mitigés, bien sûr, mais elle dit aussi que les intercepteurs d'aujourd'hui sont assurément beaucoup mieux que ceux qui avaient été déployés en 2005. Bien sûr, les détails complets sur la fiabilité du système ne seront vraisemblablement pas dévoilés à moins que le Canada ne s'engage à y participer.
    Deuxièmement, pour ce qui est du coût, la GMD coûte cher. On estime que les États-Unis dépensent au moins 40 milliards de dollars américains à ce projet. En comparaison, on dit souvent que le Canada espère ne dépenser que 32 milliards de dollars canadiens d'ici la fin de la prochaine décennie. Bien sûr, les gens affirment ensuite que nous devons faire des choix difficiles entre des choses comme des navires de combat de surface canadiens ou le nouvel avion de chasse. Quoi qu'il en soit, nous devrons peut-être dépenser cet argent si nous pensons que la défense contre les missiles balistiques, en particulier de la Corée du Nord, sera une préoccupation constante, et que le système de DAB sera en mesure de s'adapter non seulement aux différentes menaces, mais aussi aux différents adversaires.
    Comme beaucoup l'ont fait valoir, est-il judicieux que le Canada continue de s'attendre à ce que les États-Unis paient la part du lion des dépenses visant à défendre l'Amérique du Nord? Peut-être le Canada peut-il y contribuer, notamment au moyen de la recherche et du développement, ce qui profiterait également aux entreprises et aux universités canadiennes. Cela ne suppose pas nécessairement une répartition en parts égales, ce que les États-Unis n'ont jamais espéré, je dois le dire. Il se pourrait aussi que, en tant qu'État d'envoi du commandement des Nations unies en Corée du Sud, nous devions jouer un rôle plus important là-bas.
    Troisièmement, en ce qui a trait à la stabilité mondiale, la décision du Canada d'adhérer ou non à la défense n'aura pas le moindre effet sur Kim Jong-un et son intérêt singulier pour la prolifération nucléaire, mais elle pourrait en avoir un sur son choix de cible. En fin de compte, quelle que soit la position que prendra le Canada, des hypothèses demeureront sans réponse.
    Si le Canada ne participe pas à la DAB, mais qu'il est la cible d'une attaque, les Canadiens vont demander pourquoi nous n'avons rien fait, et les alliés se demanderont pourquoi ils ne sont pas protégés. Si nous acceptons la défense contre les missiles balistiques — et bien sûr, nous ne savons pas nécessairement si les États-Unis accepteraient notre adhésion, ou quelles en seraient les conditions —, mais qu'il ne se passe rien, les Canadiens voudront savoir pourquoi nous nous y sommes joints. Si nous refusons et qu'il n'arrive rien, les Canadiens en concluront que c'était la bonne décision, mais si nous continuons à refuser et que les États-Unis sont attaqués, la population américaine voudra alors savoir où était le Canada.
    Je pense qu'il s'agit en fin de compte d'un problème perpétuel, d'une impasse, et je doute que les choses changent en présence d'un dossier aussi politisé qui comporte de nombreux éléments inconnus.
    Je vous remercie de votre témoignage.
    Notre dernière témoin d'aujourd'hui est Mme Berger.
    Merci. J'ai vraiment hâte de discuter avec vous aujourd'hui de la question de la Corée du Nord, à laquelle j'ai prêté une attention très particulière au fil des ans.
    Dans un premier temps, on constate évidemment à ce stade-ci que la Corée du Nord a évolué rapidement dans la démonstration de ses capacités en matière d’armes nucléaires et de missiles. J'emploie le mot « démontrer » ici parce que le pays renforce ses capacités depuis un certain temps déjà. Le changement que nous observons maintenant, surtout depuis février, mais plus particulièrement depuis que Kim Jong-un est parvenu au pouvoir, c'est que la Corée du Nord effectue des essais qui, les uns après les autres, sont conçus pour nous montrer qu'elle réalise des progrès techniques, qu'il s'agisse de missiles à combustible solide ou de nouveaux moteurs, en passant par la capacité de faire l'essai de la bombe à hydrogène, ou H.
    Cette progression rapide réfute selon moi certaines des hypothèses qui, depuis un certain temps, servaient de base à la politique multilatérale à l'égard de la Corée du Nord, mais surtout à la politique américaine. J'entends par là que l'idée selon laquelle nous pouvons empêcher la Corée du Nord de parvenir à la capacité nécessaire pour attaquer l'Amérique du Nord avec une arme nucléaire ne semble plus plausible. En effet, je crois qu'il est déjà trop tard. En outre, l'idée selon laquelle nous pouvons convaincre la Corée du Nord de se dénucléariser à moyen terme semble désormais très peu probable. Je trouve donc imprudent de s'en servir comme fondement pour l'élaboration de politiques.
    Je crois également que nous sommes en présence d'une crise sur le plan des garanties, en particulier entre les États-Unis et ses alliés, de même que parmi les alliés. Ce fait a été particulièrement marqué ces derniers mois, alors que la Corée du Nord a multiplié les provocations qui nous préoccupent, et j'estime que la question mérite l'attention de tous.
    En raison de toutes ces dynamiques, je crois que nous avons également un défi majeur en matière de communications. Ce défi concerne non seulement les garanties, mais aussi la communication de moyens de dissuasion, de même que la tentative d'établir le fondement de la gestion de crise lorsque celle-ci éclate. De plus, nous avons du mal à exposer la façon dont nous comptons commencer à atteindre des objectifs raisonnables en ce qui concerne la Corée du Nord. J'espère que nous pourrons discuter davantage de ces stratégies et politiques, ainsi que des objectifs que le Canada et d'autres devraient se fixer ensemble.
    Merci.

  (1425)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant procéder aux questions suivant l'ordre et la durée convenue. Le premier intervenant est M. Fisher.
    La parole est à vous.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie tous d'être ici. Je vous suis reconnaissant de vos commentaires.
    Madame Mason, vous avez dit que la solution diplomatique est la meilleure pour mettre fin à la menace nord-coréenne. J'aimerais discuter un peu des sanctions et savoir ce que vous en pensez, à savoir si elles fonctionnent habituellement ou dans le cas particulier de la Corée du Nord. Si les États-Unis assouplissaient leur attitude, croyez-vous que la Corée du Nord serait plus ouverte à la diplomatie, ou continuerait-elle de multiplier ses efforts de recherche et de développement?
    Par ailleurs, croyez-vous que les deux dernières décisions visant à durcir les sanctions correspondent directement à la prolifération des armes que favorise activement la Corée du Nord depuis environ un an?
    Je pense que c'est une évidence. Manifestement, les sanctions n'ont pas fonctionné. La longue expérience de sanctions n'a pas empêché la Corée du Nord de continuer à renforcer ses capacités en matière d'arme nucléaire. La phrase classique à propos des sanctions, c'est qu'elles doivent faire partie d'une stratégie globale, et que la meilleure chose qu'on peut espérer est qu'elles ralentissent les choses pour nous donner le temps de chercher une solution efficace. Dans ce cas-ci, j'opterais pour la négociation.
    C'était d'ailleurs intéressant dans le cas de l'Iran. Il s'agit là encore d'un exemple de sanctions dans le cadre d'une stratégie globale de négociations. Les sanctions peuvent fonctionner dans une certaine mesure lorsque le gouvernement doit rendre des comptes à la population d'une certaine façon, comme c'est le cas en présence d'un électorat. Ainsi, lorsque la population subit les répercussions économiques des sanctions, elle fait savoir au gouvernement que la situation ne lui convient pas. Bien sûr, voilà qui ne s'applique pas du tout à la Corée du Nord.
    Les sanctions sont toutefois importantes. Je ne recommanderais certainement pas de les lever. Elles sont importantes dans un contexte plus large afin d'envoyer à d'autres nations le message que l'exercice a un prix. La Corée du Nord tolère incroyablement bien les sanctions étant donné que le régime est omnipotent. Comme les Russes l'ont dit, le régime nord-coréen laisserait sa population manger du foin avant de renoncer.
    Il n'en demeure pas moins nécessaire que les sanctions restent en place. La communauté internationale affirme ainsi que ce comportement n'est pas acceptable. C'est également important dans le cadre du message global qui est envoyé, mais de toute évidence, les sanctions n'arriveront pas à arrêter la Corée du Nord. Voilà pourquoi nous devons essayer autre chose, et je vous demande instamment d'opter pour la diplomatie.

  (1430)  

    Bien. Vous avez parlé de tolérance à l'égard des sanctions. Je vais maintenant m'adresser un instant à Mme Berger, si je le peux.
    La Chine est directement responsable de 90 % du commerce nord-coréen. Si le pays mettait fin dès maintenant à ces échanges commerciaux, que se passerait-il, à votre avis? Est-ce qu'une telle mesure paralyserait la Corée du Nord? Est-ce que le Canada où les Nations unies devraient intervenir et prendre les commandes? Ou est-ce que cela entraînerait une réaction encore plus négative de la part des Nord-coréens?
    Pour répondre, je dois revenir à une question posée précédemment et y mettre mon grain de sel.
    En tant que stratégie, les sanctions ont leur place si elles visent un objectif raisonnable et atteignable. Je pense que la raison pour laquelle nous sommes tous ici à dire que les sanctions ne fonctionnent pas, c'est que leur objectif a toujours été la dénucléarisation de la Corée du Nord. Je doute que ce soit réaliste tant que le régime nord-coréen sera gouverné par le personnage actuellement au pouvoir.
    Par ailleurs, ce n'est pas en raison des sanctions que nous n'y arrivons pas, à mon avis. Je ne dis pas que les sanctions ne sont pas des outils précieux afin d'atteindre des objectifs autres que ce but assez ambitieux, selon moi. Par exemple, il se pourrait que les sanctions modifient le calcul des coûts et des avantages de la Corée du Nord, de sorte que les dirigeants se présenteraient à la table pour négocier quelque chose qui ressemblerait à une retenue nucléaire. Ce calcul n'est probablement pas le même que pour la dénucléarisation. De même, les sanctions visent aussi à empêcher la Corée du Nord de refiler une technologie dangereuse à d'autres. C'est un objectif faisable et pour lequel il vaut la peine de maintenir les sanctions en place.
    Pour revenir à votre question sur la Chine en particulier, il faut encore me convaincre que même si le pays met en place les sanctions déjà convenues au Conseil de sécurité des Nations unies, cela modifiera suffisamment le calcul des coûts et des avantages dans l'esprit de Kim Jong-un pour qu'il soit prêt à tout abandonner. Or, je doute que nous puissions avoir une incidence sur ce calcul, même si la Chine collabore.
    Quant aux autres objectifs, je pense que la participation de la Chine serait plus importante pour atteindre d'autres objectifs, comme éviter la prolifération dans d'autres pays, ou modifier les calculs nord-coréens sur les mérites d'une retenue nucléaire et d'un comportement responsable en matière de nucléaire. Voilà un sujet distinct auquel nous devons vraiment réfléchir sérieusement, selon moi, plutôt que de nous contenter de la rhétorique classique qui est devenue si courante, à savoir que les sanctions ne fonctionnent pas.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Oui, vous avez une minute et demie.
    Puis-je céder ce temps de parole à Mme Vandenbeld?
    Le président: Allez-y, madame.
    Merci.
    Monsieur Ferguson, vous avez piqué ma curiosité lorsque vous avez dit qu'une attaque contre l'Amérique du Nord ne serait probablement pas la première, et que la première cible serait plutôt les bases américaines en Corée du Sud, puis celles de Guam ou d'Hawaï. Si Hawaï était ciblée, cela déclencherait l'application de l'article 5 du traité de l'OTAN.
    Si un tel scénario devait se matérialiser, quelle en serait l'incidence sur les événements en cas d'attaque accidentelle ou, comme vous l'avez dit, d'une attaque démonstrative contre le Canada, en supposant que l'article 5 s'applique déjà?
    Pourquoi s'en prendre à Hawaï? Tout d'abord, l'archipel est défendu par son propre arsenal et ses systèmes navals déployés à l'avant, de sorte qu'elle a une stratégie de défense. Si la région est attaquée, il va sans dire que nous serons tenus, aux termes de l'article 5, d'apporter notre aide à tout membre de l'OTAN. Quant à ce que nous déciderons de faire exactement pour aider en situation de guerre — puisque nous serions alors en guerre contre la Corée du Nord —, c'est une tout autre histoire.
    Toutes choses étant égales par ailleurs, cela ne fait pas disparaître les problèmes possibles qui se posent au Canada. On ne fait qu'en élargir la portée, en quelque sorte, puisque nous ferions alors partie d'une coalition officielle en guerre, ce qui ferait de nous une cible légitime. Le nombre de possibilités augmenterait alors: nous pourrions être la cible d'une attaque soit accidentelle, soit intentionnelle, soit démonstrative.
    Le processus fonctionnerait-il dans l'autre sens aussi, de sorte que si le Canada était ciblé, cela déclencherait également l'application de l'article 5?
    Je vais devoir vous arrêter ici et laisser la parole à M. O'Toole.
    La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président. Je remercie infiniment tous nos témoins de participer. J'ai deux ou trois questions précises.
    Je vais commencer par vous, madame Berger. Merci beaucoup de comparaître. J'ai vu certaines de vos apparitions à la télévision ces dernières semaines et derniers mois, et j'ai trouvé vos propos fascinants. Vous vous attardez au fait que la démonstration fait très clairement partie de l'objectif même du régime nord-coréen. Vous avez également mentionné que nous ne pouvons plus employer l'ancien paradigme de « renforcement  » des capacités pour le désigner. Le régime fait maintenant la démonstration de sa force.
    Sans égard au changement à la présidence américaine, est-il juste de dire que l'heure de la patience stratégique est révolue?

  (1435)  

    La meilleure façon de décrire l'approche actuelle de l'administration Trump est probablement l'impatience non stratégique, si je peux m'exprimer ainsi.
    Pour ce qui est de la patience stratégique, il s'agit d'une approche à faible risque, et c'est probablement une des raisons pour laquelle elle a été adoptée par les États-Unis. De même, elle est le fruit de l'observation d'une situation extrêmement difficile et de la réalisation que bon nombre des possibilités comportent peut-être un risque élevé. On peut définir le risque de bien des façons, mais la réaction politique intérieure est une des choses que les politiciens peuvent contrôler. Puisque le risque est élevé et que les chances de réussite sont possiblement minces en général, il faut composer avec ce fait à divers degré lors du choix des options stratégiques.
    Si j'examine la situation, je n'ai pas l'impression qu'il y a énormément de soutien pour ce qu'on appelle la patience stratégique. À vrai dire, il s'agissait essentiellement d'espérer que les mesures prises à un moment donné auraient un effet plus tard et empêcheraient la Corée du Nord de menacer la partie continentale des États-Unis. Compte tenu de la situation actuelle, il n'y a plus de raison d'être patient.
    Oui, et c'est très clair d'après presque tous nos témoignages d'experts d'aujourd'hui.
    Je sais que les deux côtés de la Chambre des communes souhaitent toujours accorder la priorité à la diplomatie, comme ce devrait être le cas, mais il y a l'expérience récente de Daniel Jean, l'envoyé du premier ministre, qui s'est déplacé en compagnie d'une délégation de six personnes pour discuter de l'affaire de Pastor Lim. Les responsables ont également abordé des enjeux régionaux et la sécurité, et après quelques semaines, nous avons été témoins du tir de missile en direction du Japon.
    Que pensez-vous de la diplomatie en général? Certains disent qu'elle fonctionne lorsqu'on s'adresse à un « acteur rationnel ». Il semble plutôt que l'effort diplomatique du Canada a débouché sur une escalade ou n'a eu aucune incidence sur les décisions du pays concernant les essais de missiles. Pouvons-nous traiter les dirigeants comme des « acteurs rationnels »?
    Oui, je crois bel et bien que la Corée du Nord peut être considérée comme un acteur rationnel. Je dirais que les deux événements que vous mentionnez — la présence des Canadiens en Corée du Nord pour ce qui était au bout du compte une mission humanitaire, et le programme d'essais de missiles et d'armes nucléaires de la Corée du Nord — n'ont aucun rapport. J'opterais pour votre deuxième affirmation, à savoir que les discussions n'ont eu aucune incidence sur le programme de missiles et d'armes nucléaires de la Corée du Nord.
    Cependant, ces gens sont bel et bien rationnels. Nous pouvons observer le programme de missiles et d'armes nucléaires des Nord-coréens et en déduire qu'ils ont deux principaux moteurs. En premier lieu, l'objectif est bien sûr de protéger le régime, et nous devons nous demander ce que cela signifie. À mon avis, cela suppose d'assurer la pérennité du règne de Kim en Corée du Nord, et de dissuader les efforts déployés en empêchant les États-Unis de prendre une action militaire contre la péninsule coréenne. De façon similaire, la Corée du Nord est notamment motivée par sa politique nationale. Nous sommes en présence d'un chef qui essaie de démontrer sa légitimité dans un poste qu'il n'occupe pas depuis très longtemps, et qui s'y prend en réussissant ses essais d'armes nucléaires et de missiles.
    Ce sont là deux objectifs rationnels pour la Corée du Nord. Tout ce que j'ai observé là-bas au fil des ans en matière de renforcement des capacités laisse entendre que les dirigeants sont parfaitement rationnels. Ils songent par contre à des choses auxquelles nous ne penserions peut-être pas.
    Merci.
    Je vais utiliser le temps qu'il me reste pour poser une question à Mme Charron. J'ai trouvé intéressant que les trois grandes objections que vous avez énoncées à la participation du Canada à la défense antimissiles balistiques qui remonte à 2005 étaient presque identiques aux trois points soulevés par Coline Robertson, un témoin précédent: il faut déterminer si l'outil fonctionne, son coût et son effet sur la stabilité géopolitique.
    Dans quelle mesure chacun de ces éléments a-t-il évolué depuis 2005? Pour ce qui est de savoir si le système fonctionne, j'ai l'impression que la technologie s'est améliorée. L'information est confidentielle ou protégée, mais le système a évidemment un effet supérieur. Les coûts sont partagés, possiblement, comme on le voit dans l'exemple du Royaume-Uni. Il y a ensuite l'incidence sur la stabilité.
    Pourriez-vous nous dire comment les choses ont évolué entre 2005 et aujourd'hui?

  (1440)  

    J'ai résumé les trois objections, mais je tiens à le préciser: ce ne sont pas mes objections. Je ne fais que vous dire ce qui préoccupe de façon constante le Canada.
    Il y a eu des changements depuis 2005, parce que la technologie change, le budget change, et ainsi de suite, mais ces objections sont demeurées relativement constantes et n'ont fondamentalement pas changé. C'est la mentalité canadienne concernant le refus d'adhérer à la défense antimissiles balistiques.
    Cependant, en même temps, des adversaires comme la Corée du Nord nous ont fermement dépassés. Ils ont maintenant la technologie que nous présumions encore en développement et incapable de nous atteindre, et je crois que nous avons compris que ce n'est tout simplement pas le cas. Nos arguments sont demeurés très statiques, mais la technologie de nos adversaires progresse rapidement.
    La menace a énormément augmenté, mais nous n'avons pas réévalué cela compte tenu de cette menace.
    Oui, et voici un argument connexe. Par exemple, sur le site d'Affaires mondiales, nous n'avons pas mis à jour notre fiche documentaire de base sur la Corée du Nord. On y trouve encore le nom de Kim Jong-nam comme porte-parole du pays. Il est le frère de Kim Jong-un, que celui-ci aurait assassiné il y a quelques mois.
    On n'y trouve pas la population de la Corée du Nord. On n'y trouve aucune information de base. Cela illustre les façons dont nos arguments sont demeurés statiques. Nous ne nous tenons pas à jour à ce sujet, et ce sont des choses comme le simple fait de ne pas produire de nouvelle information sur la situation de la Corée du Nord afin de la communiquer au public.
    Merci.
    Monsieur Garrison.
    J'aimerais commencer par discuter d'une hypothèse émise par un des témoins et par certains d'entre vous, de l'autre côté de la table, selon laquelle ceux qui s'opposent à la défense antimissiles balistiques présument en quelque sorte que les États-Unis vont protéger le Canada. Je tiens à me dissocier de ce point de vue, car je ne pense pas que cette chose fonctionne, alors je présume qu'il n'y a là aucune protection.
    Je veux remercier Mme Berger de ses observations sur les sanctions. Il est très utile au débat de parler des raisons pour lesquelles les sanctions n'ont pas fonctionné, plutôt que de capituler en disant que les sanctions ne fonctionnent pas. C'était très utile.
    Je constate une tendance troublante, et cela s'est produit quelques fois à cette table aujourd'hui. On présume qu'un conflit de niveau plus élevé est inévitable, dans cette situation, plutôt que de parler de ce qui pourrait être fait pour atténuer le conflit. Je sais que Peggy Mason a trouvé un peu frustrant de ne pas pouvoir parler de ce qui pourrait constituer une solution diplomatique globale, alors je veux lui donner l'occasion d'en dire un peu plus sur une éventuelle solution diplomatique.
    Merci beaucoup. En effet, j'ai manifesté ma frustration sans diplomatie et je m'en excuse.
    Avant de me lancer dans une réponse, je veux ajouter autre chose. D'après moi, ce qui a en définitive poussé Paul Martin, le premier ministre d'alors, à choisir de retirer la demande du Canada de participer en 2005, c'est qu'il n'a pas pu obtenir des États-Unis la garantie que le Canada jouerait un rôle opérationnel important — qu'il aurait une voix, plutôt qu'un rôle passif à la table — non plus que la garantie que le Canada serait défendu. Il a conclu avec sagesse qu'il serait incapable de défendre la participation du Canada auprès du public canadien. Ces raisons essentielles n'ont aucunement changé.
    En ce qui concerne la dimension diplomatique, ce qui est véritablement encourageant, c'est qu'il y a de nombreux éléments restés inexplorés. La Corée du Nord a très clairement exprimé combien elle trouve choquants les exercices militaires, par exemple.
    Franchement, compte tenu de la portée des exercices militaires conjoints de la Corée du Sud et des États-Unis, ainsi que de ceux des États-Unis et du Japon — des exercices auxquels participent 70 000 soldats sud-coréens pour commencer —, ainsi que des quantités incroyables d'armes, dont des aéronefs à capacité nucléaire, et des simulations de décapitation, d'attaques et de changement de régime en Corée du Nord, ce sont des exercices de simulation extraordinairement effrayants. Manifestement, la Corée du Nord a indiqué encore et encore qu'elle veut que cela cesse. C'est une partie très importante de la proposition de la Russie et de la Chine.
    Les discussions sans conditions préalables visant à mettre fin à la guerre technique qui sévit encore entre les États-Unis, la Corée du Sud, le Japon et la Corée du Nord sont encore plus fondamentales. Il n'y a eu qu'un cessez-le-feu, sans négociations visant à conclure un traité de paix complet.
    Ce ne sont que deux exemples des nombreux aspects qui n'ont pas été entièrement explorés.
    Je reviens à la sénatrice Feinstein, qui a demandé que les États-Unis engagent un dialogue sans conditions préalables. Les parties pourront alors établir la portée complète des divers éléments qu'elles souhaitent explorer davantage.

  (1445)  

    Puisque le Canada entretient des liens spéciaux avec les États-Unis et des liens positifs avec la Chine, et qu'il n'est pas identifié comme un ennemi par la Corée du Nord, voyez-vous des points de pression que le Canada pourrait exploiter pour promouvoir des solutions diplomatiques?
    À cet égard, je crois que le principal rôle que le Canada peut jouer en ce moment est dans une grande mesure d'articuler le besoin, de soutenir le dialogue — dans les coulisses, bien sûr —, et de presser les États-Unis d'adopter une approche diplomatique sans conditions préalables.
    Malheureusement, nous avons cessé de discuter avec la Corée du Nord il y a longtemps. À une autre époque, le Canada entretenait des liens beaucoup plus activement et avait des diplomates possédant une grande compétence, mais c'est une compétence que l'administration précédente a laissée s'atrophier, comme bien d'autres aspects des affaires étrangères. Je crains que nous devions être modestes concernant ce que nous pouvons accomplir directement. Par conséquent, il est beaucoup plus important, par exemple, de soutenir l'offre de bons offices du secrétaire général des Nations unies et d'autres intervenants ayant joué un rôle clé. J'ai mentionné Angela Merkel. Je crois que c'est la voie à suivre.
    Je ne vais pas minimiser cela. C'est un rôle important pour le Canada, de franchement... La ministre Freeland a fait une déclaration visant à encourager le dialogue, mais le premier ministre ne l'a pas fait. Je crois que pour encourager un dialogue sans conditions préalables, nous pourrions parler de cela en privé avec le secrétaire d'État, par exemple.
    Est-ce que le Canada pourrait contribuer à recruter d'autres puissances moyennes, d'autres alliés, en faveur d'une solution diplomatique; autrement dit, le Canada pourrait-il s'adresser à d'autres États avec lesquels il entretient de bonnes relations pour former un groupe qui soutiendrait le secrétaire général?
    Absolument. C'est déjà le cas. La communauté internationale souhaite beaucoup qu'on donne une chance à la diplomatie. Ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est que pour toute autre approche, il n'y a pas de réaction militaire efficace. Toute réaction militaire est catastrophique. Compte tenu du discours actuel, il y a véritablement un risque de provoquer une escalade involontaire et de mal juger la situation. Le risque est énorme, et nous devons adoucir ce discours.
    Si l'on regarde la situation bien en face, il n'y a pas de réaction militaire efficace. Je suis tout à fait d'accord avec les commentaires d'Andrea Berger concernant le temps consacré aux efforts pour que la Corée du Nord renonce à l'arme nucléaire. Elle a parlé de « retenue ». Comme les Chinois et les Russes le demandent instamment, il y aurait peut-être une possibilité de retenue ou d'un gel de l'activité.
    La dernière chose dont je veux parler concernant l'aspect de la démonstration est que c'est un message type de dissuasion. La Corée du Nord cherche à démontrer clairement qu'elle a une capacité de représailles crédible. Il est ironique qu'elle applique la théorie de la dissuasion adoptée par les pays qui ont l'arme nucléaire.
    Merci.
    Monsieur Gerretsen.
    Madame Mason, vous avez dit avoir l'impression que la décision du premier ministre de l'époque, M. Martin, de ne pas participer à la défense antimissiles balistiques était fondée sur son impression de ce que serait la participation du Canada à cela. Est-ce quelque chose que cet ancien premier ministre vous a dit?

  (1450)  

    Non, c'est...
    Est-ce quelque chose qu'un membre de son cercle rapproché vous a dit?
    Non. Je...
    Comment en êtes-vous venue à cette conclusion?
    C'est en raison du caractère du débat public qu'il y a eu. C'est quand...
    Vous n'avez rien d'autre que la perception d'un débat, et vous en êtes venue à cette conclusion en fonction de cela.
    Si on veut, il est possible de revenir sur le débat public et sur les circonstances dans lesquelles l'ambassadeur américain au Canada a dû parler publiquement de la question. Des déclarations ont été faites. Dans le cadre du débat public, des particuliers comme moi ont soutenu que les États-Unis n'allaient pas offrir cette garantie, et il n'y a pas eu de déclaration à cet effet des États-Unis.
    Le fardeau...
    D'accord, mais vous ne savez pas si c'est un fait. C'est une hypothèse que vous faites en fonction de l'information que vous avez reçue.
    Madame Berger, si je vous ai bien comprise, vous avez dit que la solution diplomatique n'est plus une option.
    Non, pas du tout. En fait, je pense qu'il est extrêmement important que la diplomatie soit l'un des éléments de politique que nous conjuguons, notamment avec les sanctions. Si vous voulez amener la Corée du Nord à négocier la retenue, il faut une table de négociation pour que les Nord-Coréens y voient une porte de sortie.
    Je crois que c'est extrêmement important. Je crois aussi que c'est particulièrement important à des fins de gestion de crise. Pensons à l'époque de la guerre froide, quand les États-Unis avaient, avec d'autres adversaires possédant l'arme nucléaire, des relations fondées sur la dissuasion — en fait, c'est encore le cas aujourd'hui. Il y avait des voies de dialogue avec tous ces pays, et on comprenait bien, à un assez haut niveau, la façon dont les dirigeants prenaient les décisions; on savait qui avait l'oreille des divers dirigeants, quels étaient leurs calculs, quels étaient leurs intérêts vitaux, et...
    Vos observations portaient plutôt sur la possibilité — je crois comprendre mieux maintenant — que la Corée du Nord mette fin à ses efforts nucléaires, ou à la prolifération. C'est de cela que vous disiez que c'était fini. Vous ne croyez pas que cela pourrait arriver.
    Je ne crois pas que la dénucléarisation soit un objectif réalisable à moyen terme. À long terme, ça reste à voir. Il faut ajouter que cette évaluation ne tient pas compte de choses comme le possible effondrement de l'État nord-coréen. Dans ce cas, la dénucléarisation deviendrait possible.
    Merci.
    Je reviens à vous, madame Mason. Je suis curieux. Vous semblez souscrire à une philosophie ou à une idéologie selon laquelle la seule option est la diplomatie — la diplomatie à tout prix. Vous avez aussi illustré où la Corée du Nord a tracé la démarcation dans le sable: ils ont dit que le public va se nourrir d'herbe avant d'abandonner. Ils ont très clairement exposé leur position.
    Quelle devrait être notre position, sur le plan de notre intérêt de recourir à la diplomatie? À quel moment pouvons-nous dire que nous avons essayé la diplomatie sans qu'elle fonctionne, et qu'il nous faut une autre option? Quel est votre seuil?
    Le point de départ, pour moi, n'est pas la diplomatie à tout prix. Le point de départ, c'est de s'interroger sur les options que nous avons. Qu'essayons-nous d'accomplir, et quels sont les moyens d'y arriver?
    Excusez-moi de vous avoir mal citée. Je suis désolé, mais pouvez-vous répondre à la question?
    Il n'y a pas d'autres options. C'est là le problème. Un engagement militaire serait catastrophique pour...
    Ce que vous suggérez, donc, c'est la diplomatie, encore et encore, même si on nous attaque et qu'il y a...
    Non, bien sûr...
    Quel est votre seuil? C'est ce que je cherche à savoir.
    Ce que je dis, c'est qu'il y a beaucoup de... Premièrement, comme je l'ai dit, oui, il faut maintenir les sanctions, mais dans le contexte d'une plus vaste stratégie englobant aussi des négociations à divers niveaux. Il faut l'essayer, et il est inutile de...
    Croyez-vous qu'à un moment donné, nous devrions nous engager militairement?
    Je crois que nous devrions tout faire pour éviter ce scénario catastrophique.
    Convenez-vous qu'à un moment donné, nous pourrions devoir nous rendre là?
    Je ne crois pas utile d'emprunter cette voie...
    D'accord. Merci.
    ... parce que nous parlons alors peut-être d'une guerre nucléaire qui pourrait mener à l'anéantissement du monde. Je crois que ce genre de discussion n'aide pas.
    Merci.
    Madame Charron, on parle beaucoup des propos lancés et de l'escalade des tensions. Je suis curieux. Croyez-vous que ce que dit le président Trump dans les médias correspond à ce que font les forces armées américaines en réalité? Est-ce que les mouvements des opérations militaires correspondent à ses propos?

  (1455)  

    Bien sûr, il est le commandant en chef, alors les forces armées vont le suivre, mais je pense qu'une chose n'a pas été mentionnée encore, et c'est...
    Les forces armées ne font pas ce que Trump dit sur Twitter. Elles se soumettent à ses décrets.
    Exactement, oui.
    Est-ce que ce qu'il dit dans les médias et les médias sociaux correspond aux opérations dans la réalité?
    Aucun commandant militaire ne va considérer un commentaire sur Twitter comme un ordre.
    Oui. Diriez-vous, dans ce cas, que les propos et l'escalade sont peut-être des outils que Trump utilise pour faire oublier aux gens d'autres choses qui se produisent et dont il veut éviter de discuter?
    Oui, et je pense que vous devriez écouter ce que dit Nikki Haley, l'ambassadrice des États-Unis aux Nations unies, et les commentaires qu'elle a faits. Dans la nouvelle résolution visant des sanctions à imposer à la Corée du Nord, vous verrez que c'est très nuancé. L'un des rappels vise la reprise des discussions entre les six parties. Ce sont ces six intervenants qui peuvent réussir à mettre fin à l'escalade. Nous devrions nous concentrer là-dessus, peu importe les commentaires de Trump sur Twitter.
    On ne risque donc pas de se tromper en disant que les propos dépassent la façon dont les choses se produisent effectivement sur le terrain.
    Oui, et c'est exactement ce que la Corée du Nord fait avec sa population. Si vous regardez la télé, vous verrez qu'ils ont ramené la grand-mère nord-coréenne, parce que les Nord-Coréens l'adorent. Cela devient de plus en plus fou, mais ce que nous devons regarder, ce sont les moyens d'action réels...
    Merci.
    ... soit le Conseil de sécurité de l'ONU.
    Merci.
    Il ne nous reste que quelques minutes, alors je crois que c'est tout le temps que nous allons consacrer à vos questions.
    Avant de lever la séance, cependant, je crois que M. Gerretsen a une motion à présenter au sujet des dépenses, pour que les discussions aient lieu.
    Pour les discussions qui ont eu lieu...
    Oui, les discussions qui ont eu lieu.
    J'ai une motion, monsieur le président.
    Je sais gré à tous les témoins des quatre groupes d'avoir participé à la séance d'aujourd'hui. J'espère que nous pourrons veiller à ce que chacun soit convenablement rémunéré pour sa participation.
    Voici la motion:
Qu'un budget proposé de 14 700 $, pour l'étude sur la capacité du Canada à se défendre et à défendre ses alliés en cas d'attaque de la Corée du Nord sur le continent nord-américain, soit adopté.
    Quelqu'un a quelque chose à dire à ce sujet? Ceux qui sont pour?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Je tiens moi aussi à remercier nos invités, nos témoins, d'avoir comparu aujourd'hui. Nous vous en savons gré. Nous vous souhaitons une excellente journée.
    La séance est levée.
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