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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 034 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 23 novembre 2016

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Traduction]

    Bon après-midi à tous. Je vous souhaite la bienvenue à la 34e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    En 2013, le Sous-comité avait entrepris une étude sur l'importante question des auto-immolations qui se produisent au Tibet. Il s'agit d'une série de circonstances tragiques qui ont provoqué le décès d'au moins 145 personnes depuis 2009. Compte tenu des préoccupations que suscitait cette situation, le Sous-comité avait entendu M. Lobsang Sangay, sikyong et chef politique de l'Administration centrale tibétaine.
    M. Sangay a été élu à son poste pour la première fois en 2011, puis a été réélu pour un autre mandat de cinq ans en mars de cette année. En 2004, il a été le premier Tibétain à obtenir un doctorat en science juridique de la Faculté de droit de l'Université Harvard. C'est un expert en droits internationaux de la personne. Avant d'être élu sikyong, il a été agrégé supérieur au programme d'études juridiques sur l'Asie de l'Est à la Faculté de droit de Harvard.
    M. Sangay est revenu nous voir pour parler de la situation actuelle des droits de la personne au Tibet.
    Monsieur, je vous remercie de votre présence au Sous-comité aujourd'hui. Je vous prie de présenter votre exposé préliminaire. Ensuite, nous passerons directement aux questions des autres membres du Comité.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président Michael Levitt et membres du sous-comité des droits de la personne.
    C'est un grand honneur pour moi de me présenter encore une fois devant le Sous-comité aujourd'hui. Je vais parler de la situation actuelle des droits de la personne au Tibet.
    Le Tibet avait toujours été un pays indépendant. Aujourd'hui, il est occupé et doit subir la répression politique, la marginalisation économique, la discrimination sociale, l'assimilation culturelle et la destruction environnementale.
    La taille du Tibet est importante parce que certains croient que c'est un petit territoire de l'Himalaya. En réalité, il est aussi grand que l'Europe occidentale et, dans le contexte nord-américain, il est plus grand que la Californie et le Texas réunis. Le Tibet couvre 2,5 millions de kilomètres carrés. On l'appelle le troisième pôle parce qu'après l'Antarctique et l'Arctique, c'est la plus grande réserve de glaces de la planète. Les 10 grands fleuves et rivières de l'Asie coulent dans le plateau tibétain, et notamment l'Indus, la Sutlej, le Brahmapoutre, le Mékong, la Salouen, le Yangtze et le fleuve Jaune. Du point de vue de la civilisation, le Tibet est un pays très ancien doté d'une très riche culture.
    Comme le président vient de le mentionner, lorsque je suis venu au Sous-comité la dernière fois, beaucoup d'auto-immolations avaient lieu. Leur nombre a maintenant atteint 145. Parmi les gens qui se sont immolés, il y avait des jeunes, des vieux, des enseignants, des étudiants, des moines, des nonnes, des nomades, des agriculteurs, des gens de tous les milieux et de toutes les régions du Tibet. Ces suicides, qui témoignent clairement du désespoir et de la détermination du peuple tibétain, se poursuivent encore. Ils reflètent aussi le fait que la politique répressive du gouvernement chinois est tellement sévère que les gens recourent à l'immolation pour y échapper. Sur les 145 victimes, plus de 120 sont mortes.
    Je tiens à dire très clairement que pas un seul des 145 Tibétains qui se sont immolés n'a essayé de s'en prendre à un Chinois ou à ses biens. L'auto-immolation est une façon violente de mourir, mais elle n'implique aucune violence envers autrui puisqu'elle n'a pas touché des citoyens ou des biens chinois.
    Il y a actuellement au Tibet à peu près le même niveau de répression qu'il y en avait du temps de la révolution culturelle. Comme vous le savez, après l'occupation du Tibet en 1959, le Parti communiste et le gouvernement de la Chine avaient réussi jusqu'en 1962 à détruire 98 % des monastères et des couvents; 99,99 % des moines et des nonnes ont été défroqués, jetés en prison, torturés ou condamnés aux travaux forcés. Beaucoup sont morts.
    Nous assistons maintenant à un nouvel épisode de ces agressions. En effet, en ce moment même, les monastères de Larung Gar et de Yachen Gar sont en train d'être démolis. On estime qu'il y a environ 20 000 moines et nonnes dans cette région. Volontairement, Tibétains et Chinois sont venus construire leurs propres abris pour être près de leurs maîtres religieux.
    En 2001, le gouvernement chinois a détruit une grande partie du monastère de Larung Gar et, en ce moment même, une seconde phase de destruction est en cours d'exécution parce que le gouvernement chinois veut faire passer le nombre de moines et de nonnes de 30 000 à 6 000.
    Nous craignons que ce ne soit là que le commencement de la destruction, parce que les autorités continueront à démolir de la même façon d'autres monastères et couvents partout au Tibet.
    Je crois que le gouvernement chinois a un projet de politique religieuse extrêmement restrictive et répressive. Si le monastère de Larung Gar est détruit, de même que d'autres monastères, je crois que cette politique religieuse très répressive sera mise en oeuvre. C'est notre plus grande crainte.
    J'espère que le présent gouvernement du Canada, qui préconise la défense des droits de la personne, la liberté religieuse et la protection de l'environnement, prendra la situation en considération et parlera au nom du peuple tibétain qui souffre au Tibet.
    Sur le plan économique des droits de la personne, on peut constater, si on va dans la capitale Lhassa, que 75 à 80 % des magasins, des restaurants et des entreprises appartiennent à des Chinois ou sont dirigés par des Chinois. Il y a 10 ou 15 ans, il y avait des pancartes à l'extérieur invitant les gens à postuler des emplois à l'intérieur. Pour les Chinois, le salaire était de 50 $ par jour, mais il n'était que de 30 $ par jour pour les Tibétains. Imaginez qu'à Ottawa, des magasins mettent une pancarte offrant 50 $ par jour aux Chinois, mais seulement 30 $ par jour aux Canadiens. Qu'en penseriez-vous?
    Les Chinois dominent ou contrôlent l'économie non seulement en milieu urbain, mais de plus en plus maintenant dans les régions rurales. Il y a aussi une discrimination flagrante qui rend très réelle la marginalisation dans les régions tibétaines.
    Le gouvernement chinois a imaginé un système de quadrillage qui est très intrusif. Ainsi, chaque nomade et chaque agriculteur se voient délivrer une carte d'identité contenant une puce biométrique de deuxième génération. Le port de telles cartes peut sembler logique, mais elles servent en réalité à surveiller les déplacements des nomades et des agriculteurs. Quand on voyage au Tibet, on doit franchir une multitude de postes de contrôle chinois où la carte est passée dans un lecteur. Ainsi, les autorités chinoises peuvent pister les gens et leur poser toutes sortes de questions: D'où venez-vous? Où êtes-vous allé? Et cela peut occasionner de grandes difficultés.
    La surveillance s'exerce partout au Tibet. J'ai vu des photos de petits villages isolés où des caméras ont été installées au sommet d'un portail. La surveillance, le système de quadrillage et les puces biométriques sont très intrusifs et répressifs pour le peuple tibétain.
    Sur le plan économique, les autorités chinoises ont fait des changements administratifs dans la Région autonome du Tibet, traditionnellement connue sous le nom de Tibet central. Ils ont fait passer les villes et les préfectures tibétaines au statut de cité. Cela peut sembler constituer un progrès, mais il y a dans les villes actuelles une réglementation qui protège la population locale et assure certaines subventions aux habitants. Lorsque ces villes reçoivent le statut de cité, elles sont automatiquement ouvertes aux migrants chinois qui peuvent venir dominer l'économie et contrôler le système.
    Dans une perspective de développement, on peut avoir l'impression que le passage au statut de cité est un avantage. En réalité, il favorise l'arrivée de migrants chinois, qui viennent contrôler les entreprises et l'économie. Ainsi, les Tibétains sont soumis à de la discrimination sur le plan économique.
    Je voudrais souligner que le Tibet joue un rôle essentiel sur le plan environnemental, mais il y a aussi un aspect de la situation qui touche aux droits de la personne. En ce moment, il y a des Chinois dans le comté de Deqin de la province du Yunnan, mais dans la région de Kham, les nomades et surtout les agriculteurs protestent contre les sociétés chinoises venues faire de l'exploitation minière dans une montagne sacrée. Une entreprise chinoise veut extraire des minéraux dans cette montagne. Les agriculteurs sont sortis pour protester. On les a battus et certains ont été arrêtés. Quelques-uns ont été incarcérés et qualifiés de sécessionnistes. C'est un acte politique.
    En fait, les Tibétains ne font que protéger une montagne sacrée où ils vont prier et pour laquelle ils éprouvent très grand respect. Ce genre d'exploitation se poursuit. Malheureusement, ce n'est pas seulement dans le comté de Deqin. L'exploitation minière des régions tibétaines est faite sans égard pour la durabilité et la protection de l'environnement local, sans égard pour la culture tibétaine et, ce qui est encore pire, sans que la population locale puisse en bénéficier. Les sociétés chinoises font venir leurs propres travailleurs, exploitent les mines et réexpédient les minerais vers la Chine, sans avantages sensibles pour le peuple tibétain.

  (1310)  

    Cette situation est grave parce que le Tibet est le château d'eau de l'Asie. Comme je l'ai dit, le Tibet est le « troisième pôle » de la planète. Il y a même quelques écologistes chinois qui le reconnaissent parce qu'après l'Antarctique et l'Arctique, c'est le Tibet qui a les plus grandes réserves de glaces du monde. Je crois que 14,5 % des glaciers de la planète se trouvent dans le plateau tibétain. Dans l'Antarctique et l'Arctique, la fonte des glaces alimente l'océan. Par contre, la fonte des glaciers tibétains produit de l'eau douce qui alimente les fleuves et les rivières de l'Asie. C'est ainsi que la plupart des grands cours d'eau asiatiques naissent au Tibet.
    Cette eau douce approvisionne 1,4 milliard de personnes en Asie. D'après les écologistes chinois, 50 % des glaciers tibétains ont déjà fondu. D'ici 2100, 80 % des glaciers auront disparu. Si cela se produit et que le Tibet s'assèche, qu'arrivera-t-il aux 1,4 milliard de personnes d'aval qui ne survivent que grâce à l'eau tibétaine parce qu'ils tirent leur subsistance de l'agriculture, de la pêche ou d'autres activités dépendant de l'eau douce tibétaine? Le Tibet joue donc un rôle vital du point de vue environnemental.
    Je voudrais, en conclusion, penser aux solutions possibles. Comment pouvons-nous progresser? Je propose d'emprunter la voie du milieu, qui consiste à obtenir une véritable autonomie pour le peuple tibétain. La voie du milieu se situe entre deux extrêmes, deux points de vue divergents.
    Une vague de répression est en cours. Nous croyons que le gouvernement chinois devrait mettre fin à la répression du peuple tibétain et lui accorder une vraie autonomie conforme aux lois chinoises à l'intérieur de la Chine. Si cela se produit, nous ne chercherons pas à nous séparer de la Chine ou à proclamer l'indépendance du Tibet. C'est une proposition qui permet aux deux parties d'être gagnantes. Je pense que le Canada peut jouer un rôle déterminant à cause de sa propre expérience des minorités, ici au Canada.
    L'attitude du gouvernement canadien envers les Premières Nations et le Québec montre qu'il est disposé à examiner et à régler les problèmes et à accorder autant d'autonomie que possible dans le cadre de la Constitution canadienne. Il en est de même de notre voie du milieu qui vise une véritable autonomie dans le cadre de la constitution chinoise. À notre avis, si le gouvernement chinois mettait en oeuvre ses propres lois, nous accepterions cela comme véritable autonomie et ne chercherions pas à nous séparer de la Chine.
    C'est une proposition aussi avantageuse pour le gouvernement chinois que pour le peuple tibétain. C'est la demande que je présente au gouvernement du Canada. Il peut jouer un rôle très important compte tenu de l'expérience qu'il a acquise et qu'il pourrait partager avec le gouvernement chinois.
    Pour atteindre ce but, il faut qu'un dialogue s'établisse entre les émissaires du dalaï-lama et les représentants chinois. Entre 2002 et 2010, nous avons eu neuf séries d'entretiens. Les envoyés du dalaï-lama ont parlé aux représentants chinois à neuf reprises, mais les dernières discussions ont eu lieu en janvier 2010. Nous devons poursuivre le dialogue. J'espère que le gouvernement du Canada pourra jouer un rôle déterminant dans le rétablissement de ce dialogue.
    Monsieur le président, cela met fin à mon exposé.
    Je vous remercie.

  (1315)  

    Merci beaucoup, monsieur Sangay.
    Nous allons directement passer au premier tour de questions, en commençant par mon collègue, le député Sweet.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Sangay, tashi delek. Je suis heureux de vous rencontrer. Félicitations pour votre réélection. Je sais qu'elle vous impose un lourd fardeau puisque vous dirigez un gouvernement en exil qui doit maintenant représenter votre peuple éparpillé aux quatre coins du monde.
    Cela dit, ma première question concerne le projet d'établissement de réfugiés tibétains au Canada, qui a commencé il y a quelques années. Se poursuit-il encore? Le nombre de personnes en cause a-t-il atteint le millier prévu?
    Oui. À la demande de Sa Sainteté le dalaï-lama, le gouvernement précédent a généreusement accordé 1 000 visas d'immigration à des Tibétains venant surtout de l'État d'Arunachal Pradesh. Jusqu'ici, près de 900 Tibétains sont arrivés au Canada et se sont établis avec beaucoup de succès.
    Hier, je me suis entretenu avec un groupe de Tibétains établis à Ottawa. Dans le temps, il n'y en avait qu'une douzaine. Leur nombre est maintenant passé à 100. Je crois que cela s'est très bien passé car, dès le tout début, nous avions demandé que des visas soient accordés à des Tibétains, mais nous assumons nous-mêmes les frais avec nos amis.
    La plupart des 900 Tibétains qui sont venus au Canada ont un emploi et ont réussi, dans l'année qui a suivi leur arrivée, à devenir des contribuables. Ils espèrent obtenir bientôt la citoyenneté canadienne. Tout s'est bien passé, et nous en sommes très reconnaissants. Il reste encore une centaine. Il y a aussi certaines difficultés au sujet d'une vingtaine d'autres Tibétains, mais je crois qu'elles seront réglées à un moment donné.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Sangay, vous avez parlé de la destruction de monastères. Je crois qu'il serait utile tant pour notre comité que pour les gens qui nous écoutent peut-être de savoir pourquoi les autorités de la République populaire de Chine continuent à faire cela. Quelles sont les vraies raisons de ce genre de destruction, de ce comportement?
    Je pense que cela est lié aux motifs de l'enlèvement du panchen-lama. Vous voudrez peut-être donner quelques explications au sujet de l'importance du panchen-lama pour les Tibétains.

  (1320)  

    Je pense que le but ultime du gouvernement chinois est de transformer le Tibet en quartier chinois et d'assimiler les Tibétains. Beijing considère le bouddhisme et la culture tibétaine comme les fondements de l'identité tibétaine. C'est pour cette raison que les Chinois ont détruit 90 % des monastères et des couvents dans les années 1960 et qu'ils ont jeté 99 % des moines et des nonnes en prison.
    Ils ont cru pouvoir changer matériellement les fondements de la civilisation tibétaine, notre culture et notre identité. C'est leur principal objectif, mais ils ont échoué parce que la spiritualité est moins liée aux choses matérielles qu'à ce qu'on a dans le coeur et l'esprit. La destruction physique en soi ne mettra pas fin à l'identité tibétaine. C'est leur principal objectif. Cela explique l'enlèvement ou la disparition du panchen-lama depuis près de 20 ans. C'est une affaire extrêmement inquiétante. Ils veulent détruire le fondement de la civilisation et de la spiritualité tibétaines.
    Si j'ai bien entendu, vous avez dit que le dernier dialogue a eu lieu en 2010. C'était donc avant que Sa Sainteté le dalaï-lama ne dise que les affaires politiques devraient être traitées par un bureau différent. Bien sûr, vous avez été élu et réélu. Est-ce que la République populaire de Chine a essayé de prendre contact avec vos négociateurs depuis? Vous a-t-on fait des ouvertures quelconques? Si oui, quel en a été le résultat?
    Notre position est claire: nous sommes prêts à envoyer des émissaires du dalaï-lama discuter avec des homologues chinois à n'importe quel moment et n'importe où. Notre politique se résume à l'approche de la voie du milieu. Le règlement pacifique de la question du Tibet passe par le dialogue. Nous sommes prêts, mais le gouvernement chinois ne nous a malheureusement pas encore indiqué qu'il était disposé à recevoir nos émissaires.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, député Sweet.
    La prochaine question sera posée par le député Tabbara.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie du témoignage que vous avez présenté aujourd'hui. Je veux juste dire que je pense avec sympathie au tremblement de terre qui a secoué le Tibet il y a quelques mois.
    Vous avez parlé de dialogue. Quelle sorte de dialogue avez-vous avec quelques-uns des pays voisins, comme l'Inde, le Bangladesh et le Népal? Ont-ils eu des réactions constructives?
    Nous n'avons de relations officielles avec aucun des pays voisins tels que le Bangladesh et d'autres. Nous avons nos bureaux au Népal parce que beaucoup de Tibétains — près de 10 000 — vivent dans ce pays.
    Malheureusement, le gouvernement chinois exerce des pressions considérables sur le Népal. Par conséquent, la situation des Tibétains vivant au Népal est très sérieuse. Par exemple, les Tibétains nés après les années 1990 ne peuvent pas obtenir un certificat de résidence. Ils sont nés au Népal, mais ne peuvent pas obtenir des documents, de sorte qu'il leur est très difficile d'aller à l'école ou de trouver un emploi.
    Des pays comme le Bangladesh et les membres de l'ANASE connaissent tous l'importance du plateau tibétain comme source d'approvisionnement en eau, mais, compte tenu de l'énorme influence exercée par le gouvernement chinois, il n'y a pas beaucoup de pays qui puissent vraiment parler de la question du Tibet.
    Y a-t-il eu des changements dans le dialogue politique au cours des dernières années? La situation a-t-elle changé récemment au Tibet?
    Il n'y a aucun dialogue officiel. Comme je l'ai dit, les émissaires du dalaï-lama sont prêts à engager le dialogue avec les homologues chinois, mais il n'y a pas eu de réponse. La situation politique n'a pas changé. En fait, elle a empiré au Tibet comme vous l'avez vu et comme je l'ai expliqué, avec la démolition des monastères, la violation des droits de la personne et la destruction de l'environnement.
    Pour ce qui est de votre première question concernant les pays voisins, c'est l'Inde qui a fait le plus pour le peuple tibétain. C'est en Inde que se trouvent la plupart des Tibétains en exil. L'Administration centrale tibétaine est établie en Inde, de même que Sa Sainteté le dalaï-lama. Nous en sommes très reconnaissants.

  (1325)  

    Quels seraient les moyens les plus efficaces auxquels pourrait recourir le gouvernement canadien pour parler du Tibet au gouvernement chinois?
    Comme je l'ai dit dans mon exposé préliminaire, il serait possible pour le Canada de mettre la Chine au courant de l'expérience qu'il a acquise dans ses relations avec le Québec et les Premières Nations.
    Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problèmes du point de vue du Québec et des Premières Nations. Il y en a sûrement, mais le gouvernement canadien est disposé à offrir le plus grand degré possible d'autonomie dans le cadre de la Constitution canadienne. C'est exactement ce que nous proposons au gouvernement chinois. Nous disons que nous sommes prêts à accepter que les Tibétains obtiennent l'autonomie conformément aux lois chinoises. Bref, l'expérience canadienne est très utile. En la partageant, on peut espérer persuader le gouvernement chinois qu'un règlement pacifique découlant d'un dialogue constituerait le meilleur moyen de mettre fin au problème. L'agression n'est pas une solution.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer au député Garrison.
    Je remercie Cheryl Hardcastle qui m'a cédé le temps de parole auquel elle avait droit aujourd'hui.
    C'est un grand plaisir pour moi de voir M. Lobsang Sangay ainsi que M. Penpa Tsering, représentant du dalaï-lama en Amérique du Nord, qui est venu de Washington pour assister à cette réunion.
    J'ai l'honneur d'être le parrain de la pétition électronique e-431 adressée au gouvernement du Canada. C'est Tsewang Rinzin, Tibétain de Toronto qui est né au Népal et qui étudie actuellement au Canada, qui a pris l'initiative de cette pétition. Elle demande au gouvernement du Canada d'envoyer une délégation de parlementaires ou de diplomates canadiens rendre visite au panchen-lama pour savoir où il se trouve et se renseigner sur son état de santé. Elle exhorte également le gouvernement de la Chine à libérer immédiatement et inconditionnellement le 11e panchen-lama et sa famille. Nous attendons une réponse du gouvernement le 1er décembre.
    Je voudrais vous demander quelle importance a le panchen-lama dans le contexte de la liberté religieuse et de l'identité tibétaine.
    Le panchen-lama occupe le deuxième rang parmi les lamas les plus connus du monde bouddhiste tibétain. Il joue également un rôle important dans l'histoire du Tibet. Sa disparition témoigne d'un manque de liberté religieuse au Tibet. Le gouvernement chinois avait formé un comité chargé de choisir le panchen-lama. Le comité avait retenu deux jeunes garçons, puis a fixé son choix sur l'un d'eux, qui a reçu l'appui de Sa Sainteté le dalaï-lama. Même si le choix a été fait par un comité constitué par le gouvernement chinois, le panchen-lama a disparu parce que son choix a été approuvé par le dalaï-lama. Cela montre que les Chinois ont si peu confiance dans les lamas tibétains qu'ils ne se fient même pas au comité qu'ils ont eux-mêmes formé.
    Je crois que nous sommes tous inquiets. Nous voulons tous connaître le lieu où se trouve le panchen-lama, son état de santé, son mode de vie et l'éducation qu'il reçoit. Il est très important qu'à titre de lama, il ait des maîtres spirituels. L'absence de toute forme d'enseignement spirituel n'est pas une bonne chose pour lui, puisqu'il est l'un des lamas les mieux connus du monde bouddhiste tibétain. C'est un grand sujet de préoccupation pour nous. Nous serions très heureux si quelqu'un pouvait lui rendre visite, mais cela a été très difficile jusqu'ici. La politisation du processus de réincarnation des lamas est, à mon avis, une violation flagrante de ses droits humains les plus fondamentaux.
    Nous savons pour la plupart que cela fait 21 ans qu'on est sans nouvelles du panchen-lama.
    Oui.
    Nous avons entendu parler de la destruction de monastères. Je voudrais encore une fois établir un lien très direct entre cet événement et la liberté de religion et l'identité culturelle des Tibétains. Vous avez très clairement exposé les motifs qu'a le gouvernement chinois de s'opposer aux monastères. Pouvez-vous maintenant nous en dire davantage sur l'importance des monastères pour les Tibétains?

  (1330)  

    Les monastères sont très importants du point de vue de la civilisation. Un érudit bouddhiste bien connu avait dit, avant l'occupation du Tibet, qu'il y avait trois millions de livres ou de textes dans le pays pour une population de six millions d'habitants. Il y a donc un livre pour deux Tibétains. Il s'agit surtout de livres bouddhistes.
    C'est en ce sens que le Tibet est considéré comme l'un des pays les plus lettrés. La plupart des livres ont été brûlés ou détruits, et 75 % des statues et des objets précieux des monastères ont été pillés ou brûlés ou ont simplement disparu.
    Comme je l'ai dit, le but de toutes ces mesures est de détruire le fondement même de la civilisation tibétaine. Pour nous, le bouddhisme est la vie et l'âme du peuple tibétain. Je crois qu'il est menacé, ce qui est tout simplement inacceptable du point de vue des droits de la personne.
    J'ai eu le grand plaisir de passer quelques heures avec vous deux cette semaine. J'ai parlé de certaines des choses que vous m'avez dites à un autre Canadien, qui était d'avis que c'est une triste histoire.
    Je n'aime pas l'idée que, pour nous, l'histoire du Tibet soit considérée comme une triste histoire, car cela implique qu'elle est en quelque sorte inévitable ou que nous sommes incapables de la transformer. Les Canadiens devraient continuer à croire que c'est une histoire choquante et que des droits humains élémentaires sont encore violés tous les jours, mais ils ne devraient pas s'habituer à l'idée que, parce que la situation a tant duré, il est impossible d'y remédier.
    Trouvez-vous que l'histoire tibétaine suscite un plus grand intérêt en ce moment à l'extérieur de la Chine et du Tibet?
    D'un côté, oui, c'est une triste histoire, une histoire tragique. J'assiste à des réunions de ce genre et j'y parle de la violation des droits de la personne au Tibet. Toutefois, parmi les Tibétains, il y a un grand esprit de résilience et de persévérance parce que nous sommes un peuple fier issu d'une grande civilisation et d'une longue histoire. Nous pouvons nous comparer à n'importe quelle civilisation et n'importe quelle nation. Par conséquent, je dis toujours — sans essayer de politiser la situation — que les Tibétains ne craignent pas la Chine. En effet, on s'interroge de nos jours sur ce que fera la Chine. Tout le monde craint la Chine. De notre côté, nous disons que nous ne craignons pas les Chinois parce que nous les côtoyons depuis des millénaires.
    À un moment donné, lorsque le Tibet était un grand empire, nous avions envahi la Chine, nous avions occupé la capitale, Xi'an, pendant quelques mois et avions même imposé un empereur fantoche. Cette fois-ci, c'est la Chine qui fait la même chose chez nous. Nous avons toujours vécu tout près les uns des autres, de sorte que, d'une certaine façon, nous nous sommes génétiquement adaptés à affronter la situation. Quand je parle de violation des droits de la personne au Tibet, je vous prie de ne pas interpréter mes propos comme un témoignage de notre acceptation d'une triste histoire. Ils reflètent plutôt notre détermination et notre résilience.
    Comme je l'ai dit, dans les années 1960, la Chine a détruit 98 % des monastères et des couvents. Depuis le moment où nous avons été exilés sous la direction de Sa Sainteté le dalaï-lama, nous avons reconstruit tous les grands monastères en Inde, au Népal et au Bhoutan. Des Tibétains exilés ont ressuscité en Inde la tradition de Nalanda — je parle du fameux monastère indien de Nalanda qui avait été incendié il y a près de 300 ans — et nous avons formé des centaines et des milliers de moines et de nonnes en exil. Beaucoup d'entre eux sont rentrés clandestinement au Tibet. Il y a une longue histoire à raconter sur leur retour.
    Nous avons maintenant ranimé le bouddhisme au Tibet. La fameuse tradition de Nalanda, c'est-à-dire l'enseignement, reste vivante par suite des activités des Tibétains en exil. Par conséquent, lorsque je parle de résilience, je dis aussi que nous sommes des combattants. Nous l'avons prouvé, même si nous sommes en exil. Je suis le dirigeant politique de l'Administration centrale tibétaine. Nous menons notre administration comme n'importe quel autre gouvernement. Nous avons un ministère de l'Éducation qui s'occupe de quelque 70 écoles primaires, intermédiaires et secondaires. Pour la plupart, elles sont subventionnées et gratuites, et nous offrons des bourses. Notre ministère des Affaires étrangères a 13 bureaux à l'étranger, et notamment à Washington, à Genève, à Bruxelles et à Tokyo. Nous gérons nos propres établissements. Nous avons nos hôpitaux et nos cliniques. Bref, nous fonctionnons comme tout autre gouvernement, même en exil.
    Vous avez entendu parler des quelque 60 millions de réfugiés, de la diaspora tibétaine dans le monde, des réfugiés syriens, des 500 000 réfugiés au Kenya qui vivent encore dans des tentes après 20 ans, mais notre mode de pensée est très différent. Nous sommes réfugiés pour des motifs politiques, mais nous sommes aussi des êtres humains compétents chez qui la résilience et l'autonomie constituent la norme et la pratique. Nous nous occupons de nous-mêmes. Nous avons survécu après plus de 50 ans. Je me présente pour la deuxième fois devant votre sous-comité, et je continuerai à revenir jusqu'à ce que nos voix soient clairement entendues d'Ottawa à Beijing et jusqu'à ce que le peuple tibétain ait retrouvé sa liberté.

  (1335)  

    Je vous remercie, monsieur Sangay.
    Merci, monsieur Sangay.
    C'est maintenant au tour de M. Miller.
    Monsieur Sangay, je vous souhaite la bienvenue. J'ai une petite question à vous poser. J'aimerais vous demander de nous en dire davantage sur la voie du milieu et de nous expliquer de quelle façon cette approche vous permettra d'avancer, en insistant peut-être sur deux aspects. Premièrement, comment, à votre avis, le gouvernement chinois l'a-t-il accueillie? Deuxièmement, comment êtes-vous en mesure d'agir face à la dure réalité de votre situation, comme chef d'une administration en exil? Comment réalisez-vous un consensus et comment savez-vous que c'est la bonne façon de refléter ce que croient les gens tant au Tibet qu'en exil? Je suis curieux de savoir de quelle façon votre structure vous permet de concrétiser cette politique.
    Je pense que la première question porte sur le gouvernement chinois.
    Il faut deux parties pour avoir un dialogue et engager des négociations visant à régler la question du Tibet. De notre côté, nous sommes prêts à discuter. Les émissaires du dalaï-lama sont disposés à s'entretenir avec leurs homologues chinois. Si vous considérez les 50 dernières années, vous verrez que nous n'avons pas beaucoup de raisons d'être optimistes parce que la répression a été la norme et qu'elle s'aggrave maintenant. Il faut toujours conserver l'espoir que la sagesse prévaudra dans l'esprit des dirigeants chinois et qu'ils auront le courage d'engager un dialogue visant à régler le problème.
    Dans toutes les zones de conflit, de l'Irlande du Nord au régime d'apartheid de l'Afrique du Sud, de l'Aceh au Timor-Leste en passant par le mur de Berlin, il y a eu un moment où la situation semblait impossible comme c'est le cas au Tibet. Toutefois, chaque situation a pu être réglée d'une façon ou d'une autre. Nous espérons aussi que notre tour viendra. En fait, je crois fermement que notre tour viendra. Lorsque nous constatons que l'Aceh a accédé à l'autonomie, que l'Irlande du Nord a retrouvé la paix grâce à l'accord du Vendredi Saint, que le mur de Berlin est tombé et, plus récemment, qu'Aung San Suu Kyi a pu échapper à la résidence forcée, a accepté le prix Nobel de la paix et a pris la direction du gouvernement birman, nous pensons toujours que nous serons les suivants.
    Je suis venu m'adresser au sous-comité pour obtenir votre appui et trouver un bon karma à transmettre à Beijing. J'espère que nous serons les suivants compte tenu de tous les exemples de réussite qui ont couronné les grands événements internationaux dont nous avons été témoins jusqu'ici.
    Je vais essayer de recibler ma question. Comment croyez-vous que cette approche de la voie du milieu sera accueillie par le gouvernement chinois? Deuxièmement, comment réalisez-vous un consensus reflétant les voeux de votre peuple tant au Tibet qu'en exil?
    Les Tibétains qui vivent au Tibet accepteront l'approche de la voie du milieu comme politique. Ils l'appuieront parce que Sa Sainteté le dalaï-lama est le chef incontesté du peuple tibétain, à l'intérieur comme à l'extérieur. Le gouvernement chinois le nie parfois, mais s'il voulait se montrer plus ouvert, nous aurions un référendum au Tibet pour donner aux gens le choix d'accepter ou non la politique de la voie du milieu. Je dis souvent cela. Cette politique est acceptée par Sa Sainteté le dalaï-lama. Par conséquent, les Tibétains et le Tibet l'appuient sans réserve.
    En voici une preuve assez claire. Le secrétaire du Parti communiste des régions tibétaines occupe le poste le plus élevé. Toutefois, le secrétaire du Parti communiste de la Région autonome du Tibet, par exemple, n'a jamais été un Tibétain. C'est toujours un Chinois qui a occupé cette fonction. Récemment, le secrétaire du parti a reçu une promotion. Il était troisième en importance après deux Tibétains. Mais ce Chinois Han a été promu aux fonctions de secrétaire du parti. Au-dessous du secrétaire, il y a le secrétaire adjoint et le gouverneur, qui sont tous deux Tibétains. Lorsqu'ils ont quitté leurs fonctions officielles, ils ont, dès le lendemain, écrit aux présidents chinois Jiang Zemin, Deng Xiaoping et Hu Jintao pour leur dire que Sa Sainteté le dalaï-lama est la solution au problème tibétain.
    Je parle des titulaires tibétains de charges publiques les plus haut placés. Ils ont tous écrit au gouvernement et aux dirigeants chinois pour dire que Sa Sainteté le dalaï-lama est la solution et non le problème et que le gouvernement chinois devrait l'écouter et discuter avec lui. Cela a été fait par écrit. Il est donc clair, puisque les membres les plus haut placés du Parti communiste tibétain ont explicitement écrit au gouvernement chinois pour dire que Sa Sainteté est la solution. De toute évidence, le peuple, qui est très religieux et qui a donné toute sa loyauté à Sa Sainteté le dalaï-lama, acceptera l'approche de la voie du milieu.
    Cette approche est très explicitement prévue dans la constitution chinoise de 1982 et dans la Loi sur la nationalité des minorités de 1984. Nous disons donc qu'il suffirait que le gouvernement chinois applique ses propres lois pour que nous devenions autonomes. Tout cela est donc aussi raisonnable et aussi modéré que possible. Le gouvernement chinois ne devrait avoir aucune objection car, s'il en a, c'est à sa propre constitution et à ses propres lois qu'il s'en prendrait. Ainsi, la voie du milieu est acceptable pour les Tibétains de l'intérieur et de l'extérieur et devrait donc être également acceptable pour le gouvernement chinois.
    On trouve un autre élément de preuve dans l'appel universel lancé par les 145 personnes qui se sont immolées pour réclamer le retour au Tibet de Sa Sainteté le dalaï-lama et la liberté pour le peuple tibétain. C'est l'appel universel qui a été lancé. Par conséquent, lorsque des Tibétains se donnent la mort par le feu en clamant qu'ils veulent voir Sa Sainteté le dalaï-lama revenir au Tibet, c'est une preuve évidente que les Tibétains et le Tibet acceptent Sa Sainteté le dalaï-lama comme chef plutôt que le gouvernement chinois.
    Il n'y a vraiment pas de doute que si un référendum était tenu pour permettre aux gens de faire un choix entre le président chinois et Sa Sainteté le dalaï-lama, 99,9 % des Tibétains appuieraient Sa Sainteté le dalaï-lama. Comme j'ai été élu à mes fonctions, je dis parfois que si le leader ou un autre dirigeant chinois veut tenir une élection, je suis prêt à me porter candidat, et je suis vraiment sûr que je l'emporterai sans difficulté parce que le peuple tibétain préférera qu'un Tibétain plutôt qu'un Chinois administre la région. Voilà ce que je crois. Si le gouvernement chinois ne l'accepte pas, le Canada peut jouer le rôle d'observateur et d'organisateur des élections.

  (1340)  

    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    À vous, monsieur Anderson.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    Lorsque nous étions au gouvernement, nous avions créé le Bureau de la liberté de religion. L'ambassadeur Bennett avait alors assumé un rôle de leadership partout dans le monde, et notamment auprès du groupe de travail international. Le présent gouvernement a décidé de fermer le bureau, mais il a établi un service ministériel doté d'un budget de 15 millions de dollars. On nous a dit que, sur ce montant, 5 millions ont déjà été versés aux Nations Unies et que le service envisageait des partenariats. Il dispose encore de 10 millions de dollars. Est-ce qu'un partenariat avec le gouvernement vous intéresserait? Si oui, quelle forme pourrait prendre ce partenariat? Que pouvons-nous recommander au gouvernement pour vous aider?

  (1345)  

    La réponse à cette question est tout à fait évidente: c'est un oui sans réserve.
    Quant aux conditions et aux exigences, je crois que l'Administration centrale tibétaine — ou une ONG basée au Canada — pourrait présenter une demande pour obtenir cette subvention, qui nous serait vraiment très utile. En effet, nous avons au Canada des ONG qui défendent les droits de la personne en faveur du peuple tibétain et de la liberté de religion et qui se conformeront à toutes les normes et conditions requises. Je suis sûr qu'elles seraient admissibles.
    Il appartiendra aux autorités de décider d'accorder ou non cette subvention.
    Le Comité pourrait peut-être s'en occuper. Je ne parlerai pas au nom de tout le Comité, mais je peux certainement parler au nom des députés de notre bord.
    En 2015, le gouvernement chinois a mis en vigueur des lois sur la sécurité nationale. Les gens ont dit qu'elles étaient essentiellement vagues, qu'elles allaient trop loin et qu'elles violaient les droits de la personne. Pouvez-vous nous renseigner au sujet de l'application de ces lois et de leurs répercussions sur les Tibétains?
    Je dis souvent que si on veut vraiment comprendre la Chine, il faut savoir ce qu'en disent les Tibétains. À moins de comprendre l'histoire du Tibet, il est difficile de saisir la Chine parce que la Loi sur la sécurité nationale que vous venez de mentionner avait déjà été mise en application au Tibet avant d'être adoptée. Par conséquent, tout ce qui se passe au Tibet en premier est mis en oeuvre par la suite. Je peux vous donner quelques autres exemples de cette réalité.
    Les ONG du Canada ou des États-Unis, en fait, toutes les ONG qui avaient des projets humanitaires d'éducation ou de santé ont été bannies des régions du Tibet pour des motifs liés à la sécurité nationale. Par exemple, une ONG canadienne — je ne veux nommer aucune — qui avait des projets au Tibet a reçu l'ordre de mettre fin à ses activités parce que l'ouverture d'écoles et la distribution de manuels scolaires aux enfants tibétains étaient considérées comme des menaces à la sécurité nationale et ont été interdites.
    Après son adoption, la Loi sur la sécurité nationale est maintenant appliquée à l'ensemble de la société civile chinoise en ce qui concerne les organisations religieuses et les ONG. Vous pouvez donc vous rendre clairement compte des restrictions et de la répression imposées au nom de cette loi. C'est parce que le mot « sécurité » est interprété très librement. Si trois Tibétains bavardent ensemble, le gouvernement chinois peut leur dire « Nous interdisons cette réunion » et les qualifier de sécessionnistes.
    J'ai récemment eu le privilège de m'entretenir avec le Président de la Chambre des communes du Royaume-Uni. Le même jour, l'ambassade de Chine a déposé une plainte auprès du Foreign Office et, le lendemain, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères s'est également plaint. L'agence de presse Xinhua a diffusé un long article parlant d'activités sécessionnistes. Je n'avais fait que m'entretenir avec un parlementaire haut placé d'un pays souverain. Comment peut-on qualifier cela d'activité sécessionniste?
    J'ai été catalogué, même si je me trouvais à l'étranger. Vous pouvez donc imaginer ce qui se passe en Chine et dans les régions tibétaines.
    En ce qui concerne les violations des droits de la personne, pouvez-vous nous dire à quels endroits la communauté internationale devrait accorder le plus d'attention? La situation générale est mauvaise, mais, en matière de droits de la personne, sur quels endroits précis devrions-nous concentrer notre attention?
    Comme je l'ai dit, les droits de la personne sont violés partout.
    Oui.
    Il y a une répression politique. Si trois Tibétains lancent ensemble un slogan, ils sont arrêtés. Il n'y a pas de liberté religieuse. Le simple fait d'avoir une photo de Sa Sainteté le dalaï-lama peut valoir à quelqu'un d'être jeté en prison.
    Il y a aussi de l'assimilation culturelle. Par exemple, le bilinguisme est permis et encouragé au Canada et au Québec, mais, au Tibet, les études intermédiaires, secondaires et universitaires se font en chinois. Le tibétain n'est pas admis comme langue d'éducation. Il faut étudier en chinois.
    De plus, comme je vous l'ai dit, les Chinois détruisent l'environnement. Le Tibet a 123 ou 124 genres de minéraux. Je crois que nous avons la mine de cuivre qui se classe deuxième en importance dans toute la Chine. Le Tibet a de l'or, du borax, du cuivre. Tous ces minéraux sont exploités par le gouvernement chinois.
    Les violations des droits de la personne sont tellement généralisées qu'il est difficile de désigner des cas particuliers, mais j'exhorte votre comité à concentrer son attention sur la destruction du monastère de Larung Gar, que nous jugeons très grave parce qu'elle ouvre la porte à la destruction et la démolition de nombreux autres monastères et couvents ainsi qu'à la mise en place d'une politique très répressive et très draconienne de suppression de la liberté de religion.

  (1350)  

    Nous avons été témoins de cette destruction de lieux du culte à d'autres endroits de la Chine au cours des deux dernières années.
    La Chine a de multiples structures de gouvernement, mais vous avez parlé d'autonomie. Y a-t-il une autre région de la Chine qui bénéficie déjà d'une autonomie semblable à celle que vous préconisez?
    Oui. On peut répartir la Chine entre les régions des Chinois Han, des Tibétains et des « autres minorités ». Dans la région chinoise, à Hong Kong, par exemple, on voit un pays avec deux systèmes. À Macao aussi, c'est un pays et deux systèmes. Shanghai est une zone économique spéciale. Shenzhen comprend aussi des zones économiques spéciales.
    Le prétexte du gouvernement chinois est le suivant: « Nous ne pouvons pas accorder l'autonomie aux Tibétains parce que cela encouragera d'autres à réclamer l'autonomie. » Toutefois, dans leurs propres régions, les Chinois ont beaucoup de zones économiquement autonomes. La province de Sichuan compte 100 millions d'habitants. Ils ont découpé la municipalité de Chongqing qui a 20 millions d'habitants et ont créé une autre région administrative spéciale. Ils ont même découpé des zones géographiques et ont accordé l'autonomie à de nombreux groupes de Chinois. Toutefois, quand il s'agit de Tibétains, ils disent: « Vous n'y avez pas droit. » Il y a donc un élément racial dans l'application des lois chinoises.
    Je vous remercie.
    Monsieur Sweet, vous pouvez poser une question en 30 secondes et recevoir une réponse de 30 secondes. Après, ce sera le tour de Mme  Khalid.
    Monsieur le président, j'ai juste une déclaration à faire.
    Je crois — et la plupart des gens l'ont probablement observé — que si on prive des gens de leur langue et de la religion dans laquelle ils ont été élevés, si on leur interdit même d'avoir des photos de leurs dirigeants… Je ne peux pas trouver un exemple plus flagrant d'effort destiné à anéantir une culture que ce que fait la République populaire de Chine au Tibet.
    À vous, madame Khalid.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être venu aujourd'hui nous faire part de vos préoccupations. Nous y sommes très sensibles, dans cette salle.
    J'aimerais poursuivre dans la même veine que M. Sweet. Pouvez-vous nous donner quelques renseignements sur ce que font les Tibétains de la base pour garder leur culture au Tibet? Quelles initiatives prennent-ils pour maintenir la vitalité de leur culture?
    Comme l'a dit un autre député, en un certain sens, c'est une triste histoire. Par exemple, dans les années 1960, les Chinois, tout en détruisant les monastères et les couvents, ont interdit ou découragé quatre autres choses: la religion, la culture, la langue… Ils ont aussi imposé aux Tibétains le costume Mao. Tous les Tibétains devaient porter le costume chinois.
    Maintenant, 50 ans plus tard, les Tibétains ont recommencé à porter leur costume traditionnel au Tibet. Ainsi, tous les mercredis — comme aujourd'hui —, c'est le « mercredi blanc ». Au Tibet, cela veut dire que tout le monde porte le costume traditionnel tibétain, pense tibétain, mange tibétain et agit tibétain.
    Lorsque des amis ou des membres de la famille se retrouvent, ils ont toujours une boîte dans laquelle il faut mettre une pièce chaque fois qu'un mot chinois ou étranger est utilisé. Une semaine ou deux plus tard, la boîte est remise à un monastère ou à une école.
     Tout comme nous avons les émissions American Idol et Canadian Idol en Amérique du Nord, les hommes d'affaires riches organisent des concours pour désigner les meilleurs écrivains et orateurs Tibétains. Les prix consistent en voitures ou en bicyclettes. Cela se fait au niveau du peuple.
    D'ordinaire, le mercredi, je porte le costume traditionnel quand je suis en Inde. Aujourd'hui, comme je devais m'adresser au sous-comité, j'ai choisi le costume occidental pour respecter votre étiquette, mais d'habitude, par solidarité, je porte le costume traditionnel le mercredi.
    Comme je l'ai dit, les Tibétains sont des gens résilients. Aussi répressives et systématiques que soient les violations, ils luttent pour y échapper. Nous parlons de Tibétains de troisième génération qui portent le costume traditionnel et parlent le tibétain. Comme je l'ai dit, il y avait beaucoup de très jeunes gens parmi les 145 qui se sont immolés. Ils savaient ce qu'ils faisaient et avaient décidé de mourir pour une cause. En ce sens, nous combattons avec courage.
    Martin Luther King avait parlé une fois d'aller jusqu'au sommet de la montagne. Lorsque j'avais entendu ce discours, je m'étais dit que nous, Tibétains, sommes génétiquement adaptés à l'ascension en montagne. Nous trouvons cela facile. Voilà comment nous pensons.
    Au niveau de la base, nous avons reconstruit les monastères, nous portons nos propres vêtements et parlons notre propre langue. Nous sommes donc en train de recréer la nation, la culture et la civilisation.
    Nous avons vécu sur le plateau tibétain pendant des millénaires, et nous serons encore là pendant des milliers d'années. Pour que les Chinois puissent s'y établir en permanence, il leur faudra des siècles d'adaptation génétique parce qu'ils viennent des basses terres. L'été, les régions urbaines ont une population majoritairement chinoise parce que beaucoup viennent faire des affaires et sont alors subventionnés par le gouvernement chinois. Maintenant, pendant l'hiver, le Tibet a une majorité de Tibétains.
    Je crois au réchauffement de la planète, mais je n'en suis pas un chaud partisan. Nous voulons que le réchauffement ralentisse. Tant que le Tibet restera froid et perché dans les hauteurs, les Chinois seront moins nombreux à venir s'y établir.

  (1355)  

    Nous aurions beaucoup aimé vous voir en costume traditionnel aujourd'hui. Au Canada, nous célébrons la diversité. Si vous revenez nous voir à l'avenir, je vous encourage vraiment à nous montrer quelques aspects de la culture tibétaine. Nous en serions enchantés.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Il ne nous reste presque plus de temps. Je vais laissé M. Garrison poser une dernière question.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Comme nous n'aurons que peu de temps, je vais me limiter à parler du rôle du Canada.
    Au début de l'été dernier, j'ai posé au gouvernement une question, qui a été inscrite au Feuilleton, concernant la possibilité d'observer ce qui se passe au Tibet. J'ai obtenu une réponse à la question 337 dans laquelle le gouvernement disait que les responsables de la RAT cherchent couramment soit à retarder les visites canadiennes soit à rendre très difficile l'obtention d'un permis.
    Cela m'amène à me demander ce que nous pouvons faire. Quelqu'un a suggéré une politique de réciprocité: le Canada devrait peut-être refuser d'accorder des visas aux représentants du gouvernement chinois du Tibet; autrement, nous pourrions envoyer une délégation parlementaire qui mettrait la Chine au défi de lui accorder une visite sans restriction au Tibet. Y aurait-il d'autres moyens pouvant nous permettre, comme Canadiens, de favoriser le dialogue dont vous avez parlé? À votre avis, qu'est-ce que les parlementaires canadiens pourraient faire d'utile?
    Il appartient à votre comité de décider de la question de la réciprocité. Nous n'avons pas une position ferme sur la question de savoir s'il faudrait interdire à d'autres de venir au Canada, mais je pense qu'il devrait y avoir une certaine réciprocité: si les diplomates chinois peuvent aller n'importe où au Canada, alors les diplomates canadiens devraient pouvoir également aller dans les régions tibétaines. Il faudrait insister, persuader et persister.
    Si une délégation parlementaire canadienne pouvait visiter le Tibet, cela enverrait un puissant message au peuple tibétain lui indiquant que sa voix est entendue et qu'il peut compter sur des appuis partout dans le monde. Même la réunion d'aujourd'hui constitue un puissant message pour les Tibétains qui vivent au Tibet. Beaucoup souffrent, beaucoup meurent et beaucoup sont jetés en prison. Ils y en a aussi qui sont torturés.
    Dans les sombres allées où ils se trouvent, quand ils apprendront — car ils entendront parler de la réunion d'aujourd'hui — que nous avons parlé d'eux, ils sauront que leurs voix se font entendre au Canada. Le sous-comité des droits de la personne nous a entendus. Même s'ils souffrent, ils ne souffrent pas en silence. Leurs voix sont amplifiées et entendues. Par conséquent, c'est un moyen très puissant de les appuyer. Si une délégation canadienne peut aller là et arrive à les voir, ce sera pour eux un message de justice. La politique déclarée du gouvernement canadien se fonde sur la liberté de religion, les droits de la personne, l'inclusivité et la protection de l'environnement. Toutes ces prises de position basées sur des principes deviendront une réalité si une délégation pouvait se rendre dans les régions du Tibet.
    Cela dit, je veux remercier le président Michael Levitt et tous les membres du sous-comité. Vous avez fait preuve d'une grande générosité en nous invitant et cela a été pour nous un grand honneur de venir. Je crois fermement que la justice prévaudra tôt ou tard au Tibet. Aung San Suu Kyi a réussi avant nous, mais je suis sûr que Sa Sainteté le dalaï-lama survivra à beaucoup des dirigeants chinois. Il a déjà survécu à Mao Zedong, à Deng Xiaoping et à d'autres dirigeants. Je crois que nous serons les suivants et que nous verrons le jour où Sa Sainteté le dalaï-lama sera au Tibet et où les Tibétains danseront devant le palais du Potala. Vous serez tous alors les bienvenus à titre d'invités.
    Merci beaucoup.

  (1400)  

    Je vous remercie.
    Avant de lever la séance, nous entendrons un rappel au Règlement de M. Sweet.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Après avoir entendu cet exposé passionné et courageux des valeurs que défend le peuple tibétain et comme Mme Khalid a invité M. Sangay à venir en costume traditionnel la prochaine fois, je voudrais pour ma part l'encourager aussi à apporter des momos, qui constituent un autre exemple de la grande culture tibétaine.
    Merci, monsieur Sweet.
    Je crois que c'est la fin du temps dont nous disposons aujourd'hui.
    Monsieur Sangay, au nom de tous les membres du sous-comité, je voudrais vous remercier pour votre témoignage et les précieux renseignements que vous nous avez donnés sur la situation des droits de la personne au Tibet. Je crois exprimer les sentiments de tous ceux qui sont autour de cette table en disant que nous avons trouvé vos propos très instructifs et très utiles pour le sous-comité.
    Collègues, nous nous retrouverons demain à 13 heures.
    La séance est levée.
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