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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 067 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 12 juin 2017

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, chers collègues, bienvenue à cette 67e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne.
    Nous avons le privilège et la chance de pouvoir discuter aujourd'hui avec M. Biram Dah Abeid, un des chefs de file du mouvement antiesclavagiste. En 2017, il a fait partie de la liste des 100 personnes les plus influentes de la planète établie par le magazine Time. En 2013, il a reçu le Prix des Nations unies pour la cause des droits de l'homme. Il a pris la parole devant le Parlement de l'Union européenne et a été honoré par John Kerry qui était alors secrétaire d'État.
    Aussi inouï et odieux que cela puisse nous paraître au Canada, ses grands-parents et bon nombre de ses proches ont été réduits à l'esclavage. M. Abeid fait partie des Haratins, un groupe ethnique dont la moitié des membres sont systématiquement réduits à l'esclavage en Mauritanie. En 2008, M. Abeid a lancé l'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste qui a pour mission de conscientiser les gens à l'esclavage moderne, en ciblant tout particulièrement ceux qui sont actuellement des esclaves, car ils ne connaissent pas leurs droits. Nous nous réunissons aujourd'hui pour profiter de la présence au Canada de M. Abeid, ainsi que de Mme Ba, bien évidemment, pour entendre ce qu'ils ont à nous dire.
    Monsieur Abeid, je vous laisse la parole pour vos observations préliminaires. Vous pouvez prendre tout le temps que vous voulez. Les membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne vous poseront ensuite leurs questions. Merci beaucoup.
    Nous vous écoutons.

[Français]

    Je remercie tous les membres du Comité.
    Je suis un descendant d'esclaves. Depuis mon enfance, autour de moi, il y a des personnes qui naissent en étant la propriété d'autres gens. Ces personnes n'ont pas le droit à des papiers d'état civil ni à l'éducation. Elles font des travaux forcés sans repos, sans salaire et sans soins. Elles sont susceptibles d'être gagées, vendues et cédées, et elles subissent des châtiments corporels.
    Les femmes et les filles esclaves sont la propriété de leur maître, en ce sens que ce dernier a le droit de les agresser sexuellement, abstraction faite de leur âge, de leur nombre ou de leur consentement. C'est pourquoi les filles esclaves, dès l'âge de 8, 9 ou 10 ans, ont déjà été violées plusieurs fois par leur maître ainsi que par les fils, les hommes parents, les employés, les étrangers et même les amis de leur maître. Certaines des filles que nous avons libérées de l'esclavage avec beaucoup de difficulté et qui sont encore dans ma maison, à l'âge de 17 ou 18 ans, ont déjà trois ou quatre enfants et ne peuvent pas déterminer qui est le père de ces enfants parce qu'elles ont été agressées par plusieurs hommes différents. Elles ne peuvent pas refuser, parce qu'elles sont éduquées dans la soumission.
    En Mauritanie, il y a un code noir, un code d'esclavage qui est toujours en vigueur. Ce code est considéré comme la seule interprétation officielle de la charia islamique, donc du Coran et des gestes du prophète, et il est considéré comme valable. En Mauritanie, ce code noir est appelé rite malikite et charia islamique, et il est placé dans la Constitution mauritanienne comme la principale source de loi. Ce code noir, ce code négrier, est extrêmement sévère, extrêmement violent et extrêmement atroce. Par exemple, il autorise la castration des esclaves. Ce code stipule que, quand les garçons esclaves qui sont beaux grandissent, il faut les castrer pour éviter qu'une aventure sexuelle entre eux et les femmes ou les filles du maître n'occasionne un mélange du sang pur de ce dernier et du sang impur des esclaves.
    En Mauritanie, 20 % de la population est toujours astreinte à cet esclavage ancestral. Ces personnes n'ont aucun droit et subissent toutes les violences. L'État mauritanien de la France coloniale a hérité des groupes dominants esclavagistes et de la minorité arabo-berbère. De fait, lorsque la France colonisait la Mauritanie, des arabo-berbères avaient déjà colonisé des autochtones, des Africains, et en avaient fait des esclaves.
    Dans la communauté des Haratines, à laquelle j'appartiens et qui représente actuellement 50 % de la population mauritanienne, il y a des esclaves et des descendants d'esclaves. En Mauritanie, 20 % des gens, et ceux-ci comptent parmi les Haratines qui constituent 50 % de la population, sont toujours des esclaves astreints au régime de travaux forcés, de vente, de sécession, de viol, de mutilation, de castration.
    En Mauritanie, la communauté arabo-berbère est minoritaire. Elle a fondé un apartheid en Afrique de l'Ouest, précisément en Mauritanie. Cette minorité, qui ne compte même pas 20 % de la population, détient malgré tout tous les leviers du pouvoir en Mauritanie: l'économie, les richesses, les banques, l'appareil judiciaire, l'appareil sécuritaire, le gouvernement.

  (1310)  

    C'est pourquoi notre organisation, que nous avons fondée en 2008, est interdite en Mauritanie. Notre organisation est un mouvement de droits civiques qui rassemble des centaines de milliers de Mauritaniens qui militent quotidiennement lors de manifestations. Cette organisation est interdite et réprimée violemment. En tant que président de l'organisation, j'ai moi-même subi trois fois l'emprisonnement. Je suis sorti de prison la dernière fois le 17 mai 2016, après un an et demi d'incarcération.
    En 2012, j'ai été emprisonné pour avoir incinéré en public et de façon volontaire le code noir, qui nous réduit à l'esclavage. J'ai aussi été condamné pour apostasie. En effet, la justice et le gouvernement considéraient que j'avais cessé d'adhérer à la religion musulmane. Une personne qui fait cela en Mauritanie est passible de la peine de mort. J'ai donc passé quatre mois dans le couloir de la mort en attendant mon exécution, mais la communauté internationale, par l'entremise de pays de l'Union européenne, des Nations unies et de grandes organisations internationales des droits de la personne comme Amnistie internationale, notamment, ont fait pression sur la Mauritanie pour que je sois libéré.
    Cependant, deux de mes amis sont encore en prison et purgent une peine de cinq ans. Plusieurs parmi nous sont blessés, dont mon épouse et mes enfants, car ma maison a été attaquée plusieurs fois par la police. Celle-ci utilise des grenades lacrymogènes, des bombes assourdissantes et même des bombes qui brûlent. Au cours de l'une des attaques de la police, mon épouse a reçu une bombe lacrymogène en pleine figure. Elle a été hospitalisée et a perdu l'usage de son oeil gauche.
    On nous interdit de nous réunir en Mauritanie. Quand je m'y rends, c'est la police mauritanienne qui m'y escorte, sous haute surveillance, à partir de l'aéroport ou de la frontière du Sénégal, par où je rentre de temps en temps. On interdit à toutes les populations de me rendre visite à la maison. En effet, le gouvernement ne veut pas que les populations m'écoutent. Quand elles entrent chez moi, la police intervient parfois. Elle recourt alors à la violence en lançant des grenades lacrymogènes et des bombes assourdissantes sur la maison. Elle attaque et frappe les gens qui sont à l'intérieur ou autour de la maison.
    Le 15 janvier dernier, lorsque je suis entré en Mauritanie, ma maison a subi une attaque très violente au cours de laquelle plusieurs personnes ont été blessées. Certains de mes sympathisants, de mes militants qui étaient venus à la maison ont dû être hospitalisés.
    En Mauritanie, on a renforcé ce système de sécurité pour empêcher les autochtones, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas arabes mais noirs, de s'exprimer, soit les Peuls, les Soninkés, les Wolofs, les Bambaras et les Haratines.
    Une loi a été votée il y a deux jours pour imposer une peine d'emprisonnement de cinq ans à toute personne qui critique le code de l'esclavage, que ces gens appellent la charia islamique.
    C'est ce qui se passe présentement en Mauritanie. Les autochtones n'ont pas de documents prouvant leur état civil. Ils sont apatrides dans leur propre pays. Les élections sont faussées parce que les membres d'une seule communauté détiennent des documents prouvant leur état civil et peuvent voter. Une seule communauté contrôle l'appareil judiciaire et dispose de juges, de forces de sécurité et de hauts gradés de l'armée.
    De notre côté, nous sommes obligés de nous taire et de suivre. Toutes nos terres ont été expropriées. Nous n'avons donc plus de terres. Ce sont maintenant ces gens qui les possèdent.
    Malgré tout, le gouvernement mauritanien a des relations économiques, de sécurité et militaires avec l'Union européenne ainsi que des relations économiques avec les États-Unis d'Amérique et certaines sociétés, dont des sociétés canadiennes, qui utilisent en Mauritanie des gisements de pétrole ainsi que des mines d'or et de fer.

  (1315)  

    Dans ce système de mines de fer, il y a une autre forme d'esclavage, un esclavage moderne, qui frappe aussi notre communauté. Les travailleurs n'y sont pas bien traités et sont sous-payés. Ils n'ont pas le droit à la grève. S'ils essaient de faire la grève dans les mines ou dans les ports, ils sont réprimés. C'est la seule communauté qui fait des travaux manuels. Les gens de la communauté dominante des Arabes, qui se disent des Blancs, ne font pas de travaux manuels. Ils considèrent que ces travaux sont dégradants et frappent de déchéance. Selon leur code d'honneur, ils ne doivent pas faire des travaux ménagers, par exemple faire la cuisine, la vaisselle et la lessive. C'est la raison pour laquelle ils sont obligés de garder dans leur maison beaucoup de gens de notre population, surtout des femmes et des enfants, en tant qu'esclaves.
    Je préfère m'arrêter ici pour vous permettre de poser des questions.
    Je vous remercie, honorables députés.

  (1320)  

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Abeid, pour ce témoignage.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du sous-comité.
    Nous débutons par M. Sweet.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Abeid, un grand merci pour votre courage et votre engagement de longue date pour que votre peuple puisse vivre en liberté.
    L'an dernier, tout juste après votre sortie de prison, une vingtaine de personnes ont été arrêtées et condamnées à 15 ans d'incarcération. Est-ce que ces personnes sont toujours détenues? Croyez-vous qu'elles vont purger au complet leur peine de 15 ans?
    Par ailleurs, il ressort de votre témoignage que les autorités mauritaniennes semblent vouloir rester sur leurs positions et même laisser la situation s'aggraver, et ce, malgré les pressions qui s'exercent à l'échelle internationale, notamment en provenance de votre organisation.
    Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est relativement à ces deux aspects de la problématique?

[Français]

    Oui.
    Sur les 21 personnes qui ont été condamnées à des peines allant jusqu'à 15 ans de prison, cinq sont encore en prison et y purgent une peine de cinq ans. Les autres ont été libérées grâce à la pression internationale.
    Depuis, le gouvernement mauritanien a renforcé son système de répression. Avant, j'étais quand même capable de tenir des réunions chez moi et dans des maisons privées, mais depuis notre sortie de prison en mai 2016, je ne peux plus me déplacer, tellement on a renforcé la répression. Quand je viens en Mauritanie, je suis obligé de rester en résidence surveillée dans ma maison. Je ne peux pas aller ailleurs et je ne peux pas sortir de ma maison. La police entoure ma maison. Quand je sors, les policiers me disent que je ne peux pas sortir. Si je sors du pays, ils m'accompagneront jusqu'à l'aéroport ou jusqu'à la frontière du Sénégal. Il m'est interdit d'entrer dans les villes, les villages et les quartiers et d'y rencontrer des gens. La même interdiction frappe encore tous mes amis les leaders de l'organisation.
    Il y a aussi le fait que la communauté internationale a dénoncé la Mauritanie, mais qu'elle n'a pas coupé l'aide économique et militaire à ce pays. Le régime mauritanien reçoit beaucoup d'argent de la part de l'Union européenne dans le cadre de la coopération sur la pêche et sur les mines. Il en reçoit beaucoup également au titre de la coopération avec les sociétés américaines, canadiennes et françaises qui exploitent les mines d'or, les gisements de pétrole et les mines de fer. Il reçoit aussi une aide militaire importante des États-Unis d'Amérique et de l'Union européenne dans le cadre de la coopération antiterroriste, où de la formation est donnée aux militaires et policiers mauritaniens. Cependant, cette formation est utilisée contre nous. Les officiers qui reçoivent cette formation aux États-Unis, en France et en Allemagne viennent exercer de la répression et de la torture sur les militants antiesclavagistes, sur les défenseurs des droits de la personne et sur les membres du mouvement des droits civiques qui veulent apporter la démocratie en Mauritanie.
    Nous espérons que, au-delà des pressions diplomatiques, des sanctions économiques seront imposées.

[Traduction]

    Est-ce qu'il y a des pays qui ont imposé des sanctions aux autorités mauritaniennes? Y a-t-il eu des mesures ciblées? Est-ce que certains gouvernements agissent sur ce plan ou bien est-ce que tous les pays occidentaux entretiennent des relations normales avec la Mauritanie?

[Français]

    Tous les pays occidentaux entretiennent de bons liens avec la Mauritanie. Les seules sanctions qui gênent le gouvernement mauritanien, ce sont les dénonciations que font les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur l'extrême pauvreté, sur les droits de la personne, sur le racisme, sur la xénophobie, sur l'esclavage, sur la torture. Ces rapporteurs produisent des documents ou des déclarations très fortes qui dérangent le gouvernement mauritanien, mais malheureusement, les autres pays n'ont pas encore imposé de sanctions allant au-delà des déclarations de principes.

  (1325)  

[Traduction]

    D'après ce que vous nous avez dit, monsieur Abeid, près de 20 % de la population mauritanienne serait actuellement réduite à l'esclavage. Est-ce bien cela?

[Français]

    Oui, c'est le cas. À IRA Mauritanie, nous avons établi nos propres statistiques avec nos propres moyens, et nous en sommes arrivés au chiffre de 20 %. Une ONG australienne, la Walk Free Foundation, a établi des statistiques et déduit que ce chiffre était de 4 %.
    Nous avons demandé aux Nations unies de convaincre le gouvernement mauritanien d'accepter qu'une enquête indépendante soit menée pour établir des statistiques sur l'esclavage, ce qu'il a accepté au début.
    Le Programme des Nations unies pour le développement et l'Union européenne ont fourni le financement pour cette enquête visant à déterminer le nombre d'esclaves et leur situation en Mauritanie. Malheureusement, le gouvernement mauritanien a reculé et a refusé que cette enquête ait lieu, même si un expert international avait déjà été recruté par le PNUD.
    Nous en avons déduit que le gouvernement avait peur que le monde entier ne découvre l'ampleur de l'esclavage en Mauritanie. Le déni de l'esclavage est la ligne diplomatique et officielle du gouvernement mauritanien. S'il accepte qu'une enquête ait lieu, celle-ci démontrera qu'il a tort de dire qu'il n'y a pas d'esclavage alors qu'il est d'une grande ampleur. C'est pourquoi le gouvernement a refusé l'enquête que les Nations unies et l'Union européenne ont déjà financée.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Khalid.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Abeid, pour votre témoignage très convaincant.
    L'esclavage est loin d'être chose du passé. Notre sous-comité a d'ailleurs entrepris une étude sur la traite de personnes, plus particulièrement à des fins sexuelles, en Asie du Sud. Plus nous avançons dans cette étude, plus nous comprenons que le trafic de personnes sévit toujours un peu partout dans le monde. Lorsque nous parlons d'esclavage, surtout ici en Amérique du Nord, nous pensons aux expériences vécues par les Africains aux États-Unis et au Canada.
    S'il y a un enseignement que j'ai tiré de tout cela, c'est qu'il faut miser davantage sur la conscientisation et l'apport des ressources locales pour dénoncer l'esclavage afin qu'il ne soit pas considéré comme une norme acceptable au sein de la société.
    Pouvez-vous nous parler du travail qui se fait sur le terrain pour sensibiliser non seulement ceux qui sont réduits à l'esclavage, mais aussi ceux qui perpétuent cette pratique?

[Français]

    Chez nous, le trafic de personnes, qui est une forme moderne d'esclavage, sévit encore. Cet esclavage moderne cohabite avec un esclavage traditionnel, c'est-à-dire cet esclavage où des personnes naissent en tant que propriété d'autres personnes. Le statut et la condition d'esclave se transmettent d'une génération à l'autre. Dans le code d'esclavage de Mauritanie, toutes les femmes esclaves transmettent automatiquement le statut d'esclave à leurs enfants.
    À titre d'exemple, la mère de mon père est esclave, mais mon père a été affranchi lorsqu'il était dans son ventre; il est donc né libre. Pourquoi a-t-il été affranchi? Le maître de sa mère est tombé malade et a consulté un érudit ou un imam pour lui demander ce qui pouvait l'aider à guérir. L'imam lui a dit que pour guérir il devait faire un geste de charité à Dieu. Il lui fallait libérer un esclave, puisque c'est le meilleur geste de charité qui soit. Plutôt que de libérer ma grand-mère, le maître a libéré l'enfant qui se trouvait dans son ventre, le foetus. Dans le code noir de Mauritanie, les foetus sont des objets de transaction, puisque la propriété privée s'exerce sur l'esclave, tout comme on peut vendre, céder ou donner ses verres et ses tables. Les esclaves sont une marchandise humaine. Après sa naissance, mon père a grandi libre, alors que ses frères sont restés des esclaves parce que leur mère était esclave. Ils étaient donc la propriété du même homme.
    Mon père a marié une fille esclave avec qui il a eu deux enfants. Un jour, le maître de cette fille a vendu à la fois l'épouse et les deux enfants de mon père. De fait, ceux-ci n'appartenaient pas à mon père, mais à leur maître.
    C'est pourquoi, lorsque mon père m'a envoyé à l'école, il m'a dit qu'il me destinait à faire des études pour pouvoir combattre l'esclavage intellectuellement.
    L'esclavage qui nous frappe est un peu particulier, parce que c'est une chaîne qui se poursuit. Tant et aussi longtemps qu'il y aura des femmes esclaves, il y aura de nouvelles générations d'esclaves. Le défi d'IRA consiste à trouver des façons de stopper la reproduction de l'esclavage.
    Sur le terrain, nous avons essayé de lutter pour que la Mauritanie adopte des lois contre l'esclavage. Le gouvernement a édicté des lois contre l'esclavage grâce à notre combat, mais maintenant, notre défi est de savoir comment faire appliquer ces lois.
    Nous faisions du travail sur le terrain, nous mobilisions des centaines ou des milliers de gens devant un commissariat de police ou un tribunal pour attirer la presse nationale et internationale, ainsi que des observateurs. Nous voulions montrer que des milliers de Mauritaniens se rassemblaient pour demander que la loi sur l'esclavage soit appliquée aux criminels esclavagistes.
    Les autorités ont commencé à appliquer la loi un peu, ce qui a cassé les chaînes et permis à des milliers d'esclaves de se libérer. Grâce aux pressions que nous avons exercées, le gouvernement a envoyé des criminels en prison, mais après, il y a eu un retour en arrière. Les groupes dominants ont protesté auprès du pouvoir, qui a alors décidé de décapiter et d'éradiquer notre organisation.
    Voici les meilleures manières de nous aider. Il faut donner de la formation aux membres d'IRA et financer des projets d'éducation sans qu'ils soient médiatisés et sans confronter les autorités. Il faut aussi financer des projets de réinsertion en milieu de travail pour les gens libérés de l'esclavage. Nous avons beaucoup d'exemples de projets que nous pourrons vous envoyer et que vous pourrez étudier. Nous allons échanger avec vous pour vous aider en ce sens.

  (1330)  

[Traduction]

    Merci.
    Pour revenir à l'exemple de l'Amérique du Nord, les Afro-Canadiens et les Afro-Américains doivent encore composer avec les répercussions de l'esclavage des générations qui les ont précédés. L'impact se fait toujours ressentir pour ce qui est de l'accès à l'éducation et à différentes possibilités d'épanouissement. Cela découle d'une forme de stigmatisation sociale qui était à la base de l'idée de l'esclavage, à savoir que tous les gens ne sont pas nécessairement égaux.
    Je conviens avec vous qu'il faut conscientiser davantage non seulement les esclaves eux-mêmes, mais aussi ceux qui les réduisent à l'esclavage, tout en offrant un soutien accru aux gouvernements afin qu'ils puissent mieux mettre en application les lois qui ont été adoptées. Pour ce qui est de la sensibilisation des gens de part et d'autre de l'équation, quelles organisations internationales apportent actuellement leur aide sur le terrain et lesquelles seraient le mieux à même d'offrir les ressources et les options nécessaires?

[Français]

     Il y a l'organisation Freedom House, qui est basée aux États-Unis, qui fait des efforts avec nous. Il y a l'organisation Front Line Defenders, qui est basée à Dublin, en Irlande, qui fait aussi des efforts. Il y a également l'ACAT, soit l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, de même que l'organisme Anti-Slavery International, qui est basé à Londres, ainsi que l'UNPO, soit l'Organisation des peuples et des nations non représentés, qui est basée à Bruxelles. Toutes ces organisations agissent avec nous sur le terrain.

  (1335)  

[Traduction]

    Merci.
    Selon vous, qu'est-ce que le gouvernement du Canada pourrait faire de plus pour améliorer la situation?

[Français]

    Le gouvernement canadien peut nous aider en utilisant de sa diplomatie pour convaincre ses partenaires occidentaux, que ce soient les Européens ou les Américains, à durcir leur position vis-à-vis de la Mauritanie en déclarant que l'aide et la coopération qu'ils apportent à la Mauritanie sur les plans militaire et économique est conditionnelle au respect des droits de la personne, à la fin de l'esclavage, à la levée des persécutions, des restrictions, du harcèlement et de l'emprisonnement des défenseurs des droits de la personne et des militants antiesclavagistes.
    Également, le gouvernement canadien peut lui-même nous aider à exfiltrer des activistes ou des personnes très en danger en Mauritanie et leur donner l'asile humanitaire ici. Ici, ces personnes seraient en sécurité, elles pourraient étudier et apporter leur contribution à la lutte par l'entremise de forums internationaux ou d'organisations internationales. Il y a une pléthore de cadres qui ne subissent là-bas que la prison et la répression. Ceux-ci peuvent être très utiles pour nous quand ils sortent de la Mauritanie pour venir suivre des formations ici, dans un climat de paix.
    Il y a aussi des familles, donc des enfants et des femmes aussi, qui sont très en danger et qui subissent les desseins de la police. Les familles d'activistes sont ciblées. Des membres de certaines familles ont été plusieurs fois blessés grièvement, attaqués et torturés par la police. Ce sont les familles qui subissent les conséquences. Chaque fois que le gouvernement a un problème avec notre organisation, il commence par réprimer les familles.
    Le Canada est une terre vaste, une terre d'accueil pour les populations en danger du monde entier. Il serait extrêmement important que ces personnes en danger, surtout les femmes et les enfants ainsi que certains activistes, puissent venir ici grâce à votre aide. Surtout, il est important que certains membres actifs de notre organisation puissent suivre ici des formations universitaires, des formations en tout genre sur les droits de la personne, et accroître leur capacité d'action. C'est important pour développer notre mouvement et accroître son action et sa portée en Mauritanie.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Laverdière.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Dieureudieuf trop. Merci beaucoup de tout ce que vous faites. Merci de votre courage, par-dessus tout.
    J'aimerais revenir sur une question d'un de mes collègues. Vous évaluez le pourcentage de personnes qui subissent de l'esclavage d'une manière ou d'une autre à environ 20 %, alors que d'autres organismes parlent de 4 % ou même d'un peu plus de 1 %.
    Comment expliquez-vous la différence entre ces chiffres?
    J'explique la différence entre ces chiffres par le fait que les organismes étrangers n'ont pas la capacité, les ressources humaines, l'expertise ni la connaissance du pays et de la société nécessaires pour avoir une vue d'ensemble appropriée de la situation.
    Ce pourcentage, nous le détenons parce que nous sommes des membres de la société et que nous vivons au sein de la société. On peut cacher aux étrangers des choses qu'on ne peut pas cacher à nous. Nous utilisons les mêmes outils intellectuels que les Mauritaniens, contrairement aux Australiens, qui n'ont pas les mêmes systèmes culturels que les Mauritaniens. Voilà qui explique la différence.
    Le pourcentage que nous avançons est vrai. J'ai une preuve qu'il est vrai: le gouvernement refuse que l'enquête ait lieu. Si le gouvernement savait qu'il n'y avait pas d'esclavage, il ferait l'enquête, parce qu'il saurait qu'on ne découvrirait pas tous ces cas d'esclavage. Puisqu'il refuse la tenue de l'enquête, c'est qu'il a peur du chiffre qui sera divulgué à la face du monde.

  (1340)  

    C'est sans compter qu'il peut être difficile de voyager dans certaines régions du pays, notamment à Chinguetti.
    L'esclavage est-il concentré davantage en région, davantage à Nouakchott, ou est-il réparti à peu près également dans l'ensemble du pays?
    Il y a beaucoup plus d'esclavage à Nouakchott, parce que c'est là que se trouve la classe dirigeante arabo-berbère, qui a besoin d'esclaves. Il n'y a pas de région en particulier, mais là où se trouvent des populations arabo-berbères, il y a de l'esclavage. En fait, leur mode de vie et leur culture sont basés sur l'esclavage. Chez eux, au quotidien, ils ne peuvent pas vivre sans esclaves. Cela fait partie de leur code d'honneur et de leur mode de vie.
    Cela m'amène à une autre question.
    Des élections ont été tenues il y a trois ans en Mauritanie. Sauf erreur, l'opposition a boycotté ces élections. Le fait d'avoir un gouvernement qui représente l'ensemble de la population serait peut-être une façon de résoudre ce problème fondamental.
    Avez-vous des commentaires à faire sur la tenue des dernières élections et sur la façon dont le régime démocratique pourrait être renforcé en Mauritanie?
    Je peux faire des commentaires à ce sujet parce que j'étais candidat aux dernières élections présidentielles, en 2014, et je suis encore, jusqu'à maintenant, le seul candidat déclaré aux prochaines élections, en 2019.
    En Mauritanie, il y a deux oppositions. Il y a l'opposition arabo-berbère, qui est issue du système et qui est l'opposition des privilégiés. Elle s'oppose au groupe au pouvoir, mais les deux proviennent du même groupe ethnique. C'est ce que nous appelons l'opposition en Mauritanie. Il y a aussi l'opposition sociale populaire, l'opposition des déshérités, des laissés-pour-compte. C'est l'opposition représentative des populations victimes d'esclavage et des séquelles de l'esclavage, soit à peu près 50 % de la population. Il y a également l'opposition qui représente les populations noires, c'est-à-dire les Peuls, les Soninkés, les Wolofs et les Bambaras, qui constituent à peu près 30 % de la population. Ces populations sont victimes d'un racisme d'État et d'un racisme domestique. Elles ont même subi une tentative de génocide qui a causé la déportation massive de 200 000 Noirs mauritaniens. Ces autochtones ont été déportés, jetés et chassés au Sénégal ou au Mali par les autorités racistes mauritaniennes. Mes deux compatriotes, Kadiata Ba et Djeneba Diallo, comptent parmi les gens déportés. Le mari de l'une d'elles a été tué, ainsi que des parents, dans le cadre de l'épuration ethnique que la minorité arabo-berbère a orchestrée contre les Noirs de la Mauritanie.
    Donc, 200 000 personnes ont été déportées vers le Sénégal et le Mali. Des milliers de gens ont été tués dans des pogroms dans les rues de Nouakchott et dans d'autres villes de la Mauritanie. Il y a eu des expropriations foncières et des expropriations de biens. Il y a eu la radiation des fonctionnaires noirs au sein de l'État mauritanien et du secteur privé. Durant ces années, les Noirs ont été radiés de manière massive. Il y a encore des exécutions extrajudiciaires. Des centaines de cadres civils et militaires noirs, surtout de la communauté peule, ont été arrêtés parce qu'ils étaient Peuls et Noirs. Les autorités ont tué 616 cadres lors de l'épuration ethnique. D'autres ont été libérés, mais radiés de tout travail et chassés du pays pour la plupart.
    Cette opposition mauritanienne ne représente donc pas les populations victimes d'esclavage ni les Noirs victimes de racisme et d'épuration ethnique. C'est nous, l'opposition sociale et populaire. C'est nous, IRA Mauritanie, organisme qui est interdit, et tout le mouvement civique IRA, qui représentons ces populations et qui portons leurs doléances.
    L'opposition qui a boycotté les élections, c'est cette opposition des privilégiés. Elle a des contentieux avec le pouvoir, mais leurs différends ne portent pas sur le racisme et l'esclavage. Cette opposition, quand elle dénonce le pouvoir, ne parle pas de racisme ni d'esclavage, car cette opposition est aussi esclavagiste. Certains de ses membres ont également participé à l'épuration ethnique contre les Noirs. Ces gens participent à l'esclavage. Ils ont des esclaves dans leurs maisons. Cette opposition nous dénonce et nous attaque, tout comme le fait le gouvernement.
    Nous nous sommes présentés aux élections à l'improviste. Je suis pas certain qu'on va accepter ma candidature, parce que l'organisation que je dirige est interdite, tout comme le parti politique qui émane de notre organisation, un parti très fort, très populaire et qui veut implanter et exiger en Mauritanie le principe « un homme, une voix », a été interdit. Cependant, j'ai posé ma candidature comme indépendant et elle a été acceptée. Cela nous a permis de parler un peu dans les médias, qui nous sont interdits par les autorités. Pendant les 15 jours des élections présidentielles, en tant que candidat accepté par le Conseil constitutionnel, j'ai pu parler dans les médias mauritaniens sans retenue.
    Cependant, il y a eu de la fraude massive et des restrictions. De fait, il y a un recensement biométrique en Mauritanie qui élimine d'office les Noirs. Tous les Noirs mauritaniens sont obligés de prouver qu'ils sont Mauritaniens, alors que les Arabo-Berbères sont enregistrés. Cela a pour but de reproduire une minorité artificielle pour garder le pouvoir dans une démocratie qui est en fait une démocratie ethnique qui comprend une seule ethnie. Nous sommes exclus à plusieurs niveaux de cette démocratie parce qu'on nous empêche d'avoir les papiers requis.

  (1345)  

    J'aimerais voyager avec mes enfants et mon épouse, mais depuis une année, les autorités refusent de me fournir les passeports pour mes enfants. Elles refusent de le faire. J'ai voulu sortir les enfants du pays, parce qu'ils sont traumatisés, mais jusqu'à maintenant, les autorités refusent de leur délivrer un passeport.
    Je ne suis pas le seul dans cette situation. La plus grande partie des populations noires de Mauritanie n'ont pas de papiers d'état civil. Les autorités refusent de les leur donner, parce qu'ils veulent toujours que la minorité arabo-berbère soit majoritaire lors du vote. Pour ce faire, on élimine les papiers des Noirs et on en donne aux Arabes. Comme cela, ils seront toujours majoritaires aux élections.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant du côté de M. Fragiskatos.
    Merci de votre présence aujourd'hui.
    Selon un article publié aux États-Unis par le Council on Foreign Relations, l'écart entre les différentes estimations de la proportion d'esclaves en Mauritanie pourrait être attribuable à la façon dont les chiffres sont pris en compte.
    On y indique plus précisément que l'estimation actuelle de 43 000 esclaves, soit un peu plus de 1 % de la population, est nettement moins élevée que celle de 2014 qui parlait de 140 000 esclaves. On souligne que cette variation pourrait être due en grande partie à l'utilisation de techniques statistiques plus rigoureuses et de méthodes d'enquête plus efficaces pour l'établissement de l'Indice mondial de l'esclavage. Je voulais seulement en faire mention, mais nous pourrons certes y revenir.
    Ma question porte sur le système des castes. Voulez-vous nous parler de ce système en Mauritanie et de ses répercussions sur la situation de l'esclavage dans votre pays?

[Français]

    Le système de castes n'est pas loin du système d'esclavage. L'esclavage est un compartiment, un escalier du système de castes. Seulement, les esclaves sont au bas de l'échelle et les castes un peu au-dessus.
    Je suis moi-même un descendant d'esclaves. Je suis émancipé, mais je fais partie d'une caste: la caste des esclaves affranchis. Il y a une différence fondamentale entre l'homme libre depuis toujours et l'ancien esclave qui est devenu affranchi. Ce sont deux castes différentes.
    Chez nous, en Mauritanie, on reste affranchi même après plusieurs générations. Par exemple, que quelqu'un ait été affranchi en 1950, en 1900 ou en 1800, tous ses enfants sont toujours des affranchis. Ils ne sont pas des hommes libres. Le fait d'être affranchi est un stigmate.
    Ainsi, l'affranchi ne peut pas se marier avec une Arabo-Berbère. C'est toujours à cause de la relation sociologique qui dit que les preneurs de femmes sont toujours supérieurs aux donneurs de femmes. Les Arabo-Berbères peuvent prendre nos femmes et les marier, mais nous ne pouvons pas marier leurs femmes. C'est interdit par le code religieux. Il faut donc qu'on reste dans la caste.

  (1350)  

[Traduction]

    Est-ce que le système des castes est structuré en fonction de l'origine ethnique avec la minorité arabo-berbère qui se retrouve au sommet et les Haratins au niveau inférieur? Est-ce à peu près la hiérarchie qui existe?

[Français]

    Oui. La communauté arabo-berbère est au-dessus et toutes les autres en-dessous.
    Au sein des communautés noires peules, il y a aussi un système de castes. Par exemple, quand on parle des Peuls et des Soninkés, il y a les Soninkés nobles, les Soninkés esclaves, les Soninkés forgerons, les Soninkés griots; il y a plusieurs catégories.
    Le problème est que, chez les Maures, les Arabo-Berbères, c'est accompagné d'une oppression effective. Par exemple, un Arabo-Berbère peut prendre un Noir, le réduire à l'esclavage, le priver de liberté et lui imposer des travaux forcés. Cependant, un noble parmi les Peuls ou les Soninkés, par exemple, ne peut pas faire cela. Il peut seulement exercer une discrimination matrimoniale contre l'esclave, mais il ne peut pas le priver de liberté ni l'exploiter physiquement et économiquement.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais je le laisse à M. Tabbara.
    Merci d'être venu nous livrer ce témoignage aujourd'hui.
    Notre collègue, Mme Khalid, a parlé de l'accès à l'éducation et à des possibilités d'épanouissement. J'aimerais simplement que vous, ou les gens qui vous accompagnent, nous en disiez plus long à ce sujet.
    C'est une situation que notre comité a pu observer à maintes reprises. Si certaines collectivités ou certains pays souffrent d'un manque d'éducation et s'il ne semble pas y avoir de débouchés possibles, cela crée généralement beaucoup d'instabilité et de fréquentes violations des droits de la personne. Pouvez-vous donc nous dire s'il y a en Mauritanie des individus ou des membres de groupes ethniques particuliers qui n'ont pas accès à ces possibilités d'éducation et d'épanouissement? Qu'est-ce qui les empêche d'évoluer? Il y a bien évidemment certaines règles. Que pouvons-nous faire pour surmonter ces difficultés?

[Français]

    Les populations d'esclaves et d'anciens esclaves sont privées de l'éducation, parce que les enfants esclaves ne doivent que travailler. Ils sont donc astreints à des travaux forcés dès leur enfance et sont obligés de travailler. On leur interdit d'aller à l'école. Ils n'ont même pas de papiers d'état civil pour s'inscrire à l'école.
    Par ailleurs, il y a des villages d'esclaves où ceux-ci ne sont plus avec leurs maîtres, mais sont placés dans le cadre de l'esclavage foncier, de l'esclavage agricole, ce qui est différent de l'esclavage domestique. Ils ne travaillent pas directement avec les maîtres, mais leurs maîtres arabo-berbères les ont placés sur des terres cultivables. Ils cultivent donc la terre et ce sont leurs maîtres qui viennent prendre la récolte. C'est ce qu'on appelle l'esclavage agricole ou l'esclavage foncier. En général, ces villages n'ont pas d'école, et s'ils en ont, ce sont des écoles délaissées où un instituteur vient une ou deux fois par semaine. C'est une façade. L'État en Mauritanie néglige totalement l'école publique. Celle-ci n'existe plus là où il y a les esclaves et les Noirs.
    Les groupes arabo-berbères mauritaniens ont créé des écoles: une grande école française, une école libanaise, une école turque et une école américaine, qui possèdent toutes plusieurs embranchements, mais seule l'élite arabo-berbère peut placer ses enfants dans ces écoles. C'est très cher et c'est inaccessible.
    Le gouvernement mauritanien a aussi créé des écoles d'excellence où les études des enfants sont financées par le gouvernement, des études de haut niveau, mais seuls les Arabo-Berbères peuvent accéder à ces écoles; pas nous.

  (1355)  

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Dah Abei.
    Je remercie tous les membres du Comité d'avoir bien voulu accepter de participer à cette séance additionnelle.
    Notre comité ne se réunit pas habituellement le lundi, mais nous avons jugé essentiel, monsieur Dah Abei, d'entendre votre point de vue sur cette question, et nous vous sommes très reconnaissants pour l'ensemble de votre témoignage. Je tiens donc à vous remercier de tout coeur d'être venu nous rencontrer avec votre groupe pour nous communiquer ces informations.
    Merci beaucoup à tous les membres du sous-comité.
    La séance est levée.
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