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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 160 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 6 mai 2019

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

     Mesdames et messieurs, je constate que nous avons le quorum, et si mes yeux ne me jouent pas de tour, il semble qu'il soit tout près de 15 h 30.
    Nous accueillons aujourd'hui Mme Elana Finestone de l'Association des femmes autochtones du Canada, et M. Cudjoe de l'Association des avocats noirs du Canada.
    Je vais demander à M. Cudjoe de prendre la parole en premier pendant 10 minutes, tout simplement parce que la technologie nous fait faux bond parfois.
    Chers collègues, nous avons réalisé le premier élément du processus aujourd'hui, qui consistait à regrouper les deux témoins pour gagner du temps. Je pense qu'il y aura beaucoup de questions et il se pourrait que nous empiétions sur la deuxième heure.
    Deuxièmement, j'espère qu'au cours des deux heures aujourd'hui, nous conviendrons d'une façon de procéder pour la présentation des amendements et que nous choisirons une date pour l'étude article par article.
    J'ai suggéré à M. Paul-Hus et à M. Dubé que nous terminions les amendements d'ici la fin de la semaine. Je suis conscient qu'il y a des problèmes du côté de la traduction, puisque les rédacteurs ne s'en occupent que lorsque le projet de loi est renvoyé au comité. En passant, c'est un problème pour tous les partis.
    Si, pendant les deux heures que nous passons ensemble, vous pouviez m'indiquer si nous pouvons aller de l'avant avec une motion, le Sous-comité n'aurait pas à se réunir. Dans le cas contraire, si nous ne pouvons pas nous entendre, le sous-comité devra se réunir pour convenir d'une façon de procéder.
    Sur ce, je vais demander à M. Cudjoe de procéder à sa déclaration liminaire. Vous avez 10 minutes.
    Merci, monsieur, d'être avec nous aujourd'hui.
    Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de comparaître. Au nom de l'Association des avocats noirs du Canada, j'aimerais vous dire que nous sommes très heureux de savoir que quelqu'un pense que notre voix mérite d'être entendue.
    Je m'excuse de ne pas pouvoir être avec vous en personne. On m'a confié la mission de venir témoigner un peu tard, et c'est pourquoi je n'ai pas de mémoire.
    J'ai pris connaissance des documents présentés par les autres témoins, et comme presque tous les sujets ont été abordés, mon exposé sera relativement court.
    Je ne sais pas si vous avez entendu la recommandation de l'Association des avocats noirs du Canada. J'ai entendu qu'on a demandé de supprimer le casier judiciaire et d'apporter des modifications à la suspension du casier judiciaire. Dans le cas des jeunes Noirs et des jeunes Autochtones qui ont été accusés de possession de marijuana, la principale préoccupation est liée aux répercussions que cela peut avoir pour leurs emplois futurs et pour eux.
    Si le comité considère que les condamnations n'auraient sans doute pas dû se produire en premier lieu, la suspension du casier judiciaire ressemblera presque à un geste symbolique. Après en avoir discuté avec notre conseil d'administration, nous recommandons que les accusations pour possession simple de marijuana et les accusations connexes soient considérées comme des infractions réglementaires.
    L'ardoise ne sera pas effacée complètement — on peut toujours y faire référence —, mais le grand avantage, et je parle au nom des jeunes qui se cherchent un premier emploi, est que les employeurs peuvent contourner la mesure de suspension du casier en posant la question suivante: « Avez-vous plaidé coupable à une infraction criminelle? »
    Peu importe que la personne ait obtenu un pardon ou non, on ne peut pas se soustraire à la question. Sur le formulaire, si vous indiquez que vous avez plaidé coupable à une infraction criminelle, vous ne vous rendrez même pas à l'entrevue, et c'est pourquoi la suspension du casier pour de nombreux jeunes hommes qui tentent d'entrer sur le marché du travail équivaut à un geste symbolique. Les employeurs ne vous demandent pas si vous avez un casier judiciaire, mais si vous avez plaidé coupable à une infraction, ou si un tribunal vous a reconnu coupable d'une infraction.
    Pour un jeune, c'est encore pire. Son casier peut être scellé après trois à cinq ans, selon qu'il a été condamné pour une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité ou par mise en accusation. Dans le cas d'une accusation pour possession simple de marijuana, le casier peut être rouvert s'il y a récidive. Dans le cas d'une suspension, je ne sais pas comment cela fonctionnerait dans le cas du scellement d'un casier pour de bon. Le problème vient du fait que les provinces font rapport du casier des jeunes en disant qu'il y a quelque chose au dossier, mais qu'elles ne peuvent pas nous dire de quoi il s'agit. Dans le cas d'une accusation pour possession de marijuana, le jeune est mis dans le même bain que quelqu'un qui a commis un homicide, un vol, une introduction par effraction, une agression sexuelle, et vous savez quoi? On ne peut pas nous dire de quoi il s'agit. C'est donc pire pour un jeune.
    Notre recommandation serait donc d'en faire une infraction réglementaire. Par exemple, j'ai pensé à une expression: « l'acte de possession simple de marijuana ». De cette façon, on peut éviter d'empêcher des jeunes d'obtenir leur premier emploi, contourner le problème du scellement d'un casier pour de bon.
    Je sais que Mme Finestone vous parlera des infractions administratives, mais il y a une accusation en particulier que j'ai pu observer sur le terrain et qui découle du fait qu'un jeune a été accusé de possession de marijuana.
    La deuxième fois qu'un jeune de 14 ou 15 ans se fait interroger par un agent de police, il prend peur. Il a déjà un pied dans le système judiciaire. Il se peut qu'il ne soit pas arrêté pour une infraction à ce moment-là, mais comme il a déjà été accusé de possession de marijuana, bien souvent, il ment au sujet de son nom. Il est alors accusé d'obstruction à un agent de police. Tout cela découle de sa première accusation de possession de marijuana, et devinez quoi? Sa carrière de criminel vient de commencer.

  (1535)  

    Pour nombre de jeunes qui vivent en banlieue, qui vont dans de bonnes écoles et à qui la vie sourit, il se pourrait que ce ne soit pas un gros obstacle. Toutefois, pour les jeunes qui viennent de milieux extrêmement pauvres et de familles qui n'ont pas les moyens de leur donner un coup de pouce, c'est un obstacle énorme. C'est pourquoi la suspension du casier, qui peut avoir l'apparence d'une carte blanche pour tous, ne tient pas compte de tous ceux qui ont été accusés de possession de marijuana, en particulier lorsqu'ils étaient jeunes.
    Je vais demander au Comité de regarder les chiffres sur le nombre de jeunes hommes noirs et des Premières Nations qui ont été accusés de possession de marijuana et de garder ces chiffres à l'esprit au moment des recommandations, peu importe ce que le Comité décide de faire. La réalité sur le terrain pour les jeunes Noirs et Autochtones est très différente des autres. On entend souvent les agents de police parler de quelqu'un qui est « connu de la police ». Il l'est parfois pour avoir été accusé de possession simple de marijuana, mais cette personne retient ensuite l'attention de l'agent de police qui se promène dans les rues. Beaucoup de ces jeunes hommes ne peuvent pas rester à la maison toute la journée pour jouer à des jeux vidéo — ils n'en ont sans doute pas. Ils se promènent donc dans les rues et croisent régulièrement des policiers.
    Un cas en particulier s'est même rendu à la Cour suprême: R. c. Mann. M. Mann se promenait dans la rue. Les agents de police venaient d'avoir un appel pour une introduction par effraction. Ils ont aperçu M. Mann, et comme M. Mann était un jeune homme autochtone, il correspondait au profil. Il portait des vêtements totalement différents, mais il correspondait au profil. Il a été arrêté par les agents qui l'ont, pour des raisons de sécurité, fouillé et ont trouvé de la marijuana dans sa poche. La Cour suprême a rejeté les accusations, mais l'affaire s'est tout de même rendue jusqu'en Cour suprême.
    Qu'est-ce que cela signifie pour M. Mann et nombre de jeunes hommes qui sont poursuivis en justice pour possession de marijuana? Passons en revue les étapes du processus. Il y a d'abord la comparution devant le tribunal, ce qui correspond essentiellement à l'humiliation publique du jeune homme pour possession de marijuana. Il y a ensuite le risque d'autres accusations, parce qu'il est libéré sous conditions. Il y a le risque de détention s'il est arrêté pour quoi que ce soit d'autre. Il y a la stigmatisation associée au fait de se présenter au tribunal avec des gens qui doivent répondre d'accusations beaucoup plus graves que les siennes. De plus, si ce jeune ne reçoit pas ensuite des conseils avisés, il peut se dire ce que d'autres jeunes se disent: « Je veux en finir. » Il est maintenant étiqueté pour la vie en raison d'une accusation de possession de marijuana. Ses possibilités d'emploi viennent de lui filer entre les doigts. Et on parle ici de jeunes hommes pour qui il est déjà difficile d'entrer sur le marché du travail.
    Ensuite, viennent le défaut de se présenter, le non-respect des conditions de probation, ce qui veut dire que le jeune a omis de se présenter à son agent de probation. Lorsque le casier est suspendu, qu'est-ce qui apparaît? Je le mentionne parce qu'il arrive parfois que pour une accusation de possession de marijuana, l'effet puisse être insidieux si les provinces disent qu'il y a quelque chose au dossier, mais qu'elles ne peuvent pas dire de quoi il s'agit.
    Je vais répondre à un commentaire en particulier qui a été fait au sujet des procureurs concluant des accords pour revoir à la baisse les accusations de possession de marijuana. Je pense qu'on remet ici en question l'intégrité des procureurs. Je doute qu'ils concluent des accords qui ne soient pas fondés. Qui plus est, nous savons tous…

  (1540)  

    Monsieur Cudjoe, je ne suis pas certain que vous puissiez me voir, mais j'essayais d'attirer votre attention.
    Oh.
    Il vous restait deux minutes, et maintenant il ne vous en reste qu'une.
    Si vous pouviez conclure, ce serait bien, s'il vous plaît
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'en étais à mon dernier point...
    Excellent.
    ... et je ne pensais pas en avoir pour 10 minutes.
    Merci beaucoup.
    Au sujet des accords dont on a parlé, j'aimerais que le Comité prenne en considération le fait que de nombreux accords sont conclus parce qu'il y avait des suraccusations. Je pense qu'il s'agit d'un faux problème.
    Je vais maintenant attendre vos questions.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Cudjoe. Je vous en suis reconnaissant.
    Madame Finestone, vous avez 10 minutes.
     Avant que mes 10 minutes commencent, j'aimerais préciser, à titre d'information, que j'ai quelques recommandations et propositions d'amendements que je viens de déposer. Je ne les aborderai pas en détail, car nous pourrons en discuter durant la période des questions, si vous le souhaitez.
    Bonjour à tous. Je tiens à remercier le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui pour parler du projet de loi C-93.
    Je témoigne au nom de l'Association des femmes autochtones du Canada — l'AFAC. Pour ceux qui ne le savent pas, l'AFAC est une organisation autochtone nationale qui représente la voix politique des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre autochtones au Canada, ce qui comprend les Premières Nations à l'intérieur et à l'extérieur des réserves, les Indiens inscrits et non inscrits, les Métis et les Inuits.
    L'AFAC examine les facteurs systémiques qui touchent les interactions des femmes autochtones avec lesystème de justice pénale et cherche à instaurer des réformes qui atténueront les préjudices subis par les femmes autochtones ayant des démêlés avec la justice.
    Je suis ici aujourd'hui pour parler de justice: corriger les injustices historiques, tenir compte des infractions contre l'administration de la justice et accroître l'accès des femmes autochtones à la justice.
    Tout d'abord, j'aimerais présenter le contexte de mes recommandations. Les femmes autochtones sont mal protégées par le système de justice pénale dans les cas de violence, de disparition ou d'assassinat; pourtant, elles en subissent les conséquences de manière disproportionnée.
    Trop de femmes autochtones vivent dans la pauvreté, font face à la précarité en matière de logement, manquent de soutien familial et souffrent de maladies mentales. Elles ont généralement une connaissance insuffisante du système de justice pénale, d'autant plus qu'elles ne sont souvent pas représentées par des avocats. Elles sont confrontées à des barrières culturelles et linguistiques dans l'ensemble du système.
    À la lumière des recommandations formulées par la Commission royale sur les peuples autochtones et la Commission de vérité et réconciliation, ainsi que d'après les témoignages de femmes autochtones elles-mêmes, nous savons que leur expérience du système de justice pénale est attribuable au colonialisme et au racisme. La criminalisation des femmes autochtones est un aspect d'un problème plus vaste.
    L'AFAC recommande que le projet de loi C-93 tienne compte de ces réalités et y remédie de façon valable. Je suis ici aujourd'hui, au nom de l'AFAC, pour faire des recommandations concrètes destinées à rectifier le tir en ce qui concerne les répercussions du projet de loi, dans sa forme actuelle, sur les femmes autochtones.
    Le projet de loi C-93 constitue une étape importante vers la reconnaissance des torts causés par les politiques sévères en matière de lutte antidrogue et leurs effets négatifs sur les femmes autochtones, surtout celles qui sont pauvres et qui sont condamnées pour des infractions mineures. Malheureusement, les effets du projet de loi ne changeront rien dans le cas de nombreuses femmes autochtones ayant un casier judiciaire pour la possession simple de cannabis. Autrement dit, le projet de loi demeure inaccessible pour les femmes autochtones démunies qui sont aux prises avec des problèmes liés à l'administration de la justice parce qu'elles ont été reconnues coupables de possession simple de cannabis.
    Au bout compte, l'AFAC recommande que le projet de loi C-93 serve à radier les casiers judiciaires pour la possession simple de cannabis et les infractions connexes contre l'administration de la justice. Comme solution de rechange, l'AFAC met de l'avant trois recommandations.
    La première vise à corriger les injustices historiques. La Chambre a reconnu que la prohibition du cannabis était une mauvaise politique. Le Parti libéral a admis que les peuples autochtones ont été « traité[s] différemment par la police [...], jugé[s] différemment et géré[s] différemment par les tribunaux » et que ces casiers judiciaires ont nui de manière disproportionnée aux jeunes démunis, ethnicisés et autochtones.
    À l'AFAC, nous savons que les femmes autochtones sont moins susceptibles d'échapper au système de justice pénale. Nous savons également que le cannabis était jadis légal au Canada jusqu'à ce qu'il soit associé aux gens de couleur et jugé tellement dangereux qu'une application plus rigoureuse de la loi s'imposait, le tout accompagné de pouvoirs policiers accrus, pour en limiter la consommation.
    Corrigeons donc ces injustices historiques et interprétons le projet de loi de manière à redresser ces torts du passé.
    À cette fin, j'ai repris le libellé du préambule du projet de loi C-415, mais j'y ai fait quelques ajouts. Je recommande de maintenir tel quel le préambule qui figure à la page 3, mais j'ajouterais simplement ce qui suit au deuxième paragraphe:
Attendu que, dans les arrêts R. c. Gladue et R. c. Ipeelee, la Cour suprême du Canada reconnaît que les peuples et les communautés autochtones font face à du racisme et à de la discrimination systémique dans le système de justice pénale.

  (1545)  

    Au dernier paragraphe, j'ajouterais que de telles condamnations ont eu une incidence négative non seulement sur les perspectives d'emploi de ces personnes, mais aussi sur la garde de leurs enfants et les droits de visite.
    La deuxième recommandation concerne la nécessité de tenir compte des infractions contre l'administration de la justice, une réalité que vivent les femmes autochtones criminalisées. En tant que groupe, les femmes ont tendance à commettre des crimes de moindre gravité. Plus de la moitié des crimes commis par les femmes sont des infractions contre les biens ou des infractions contre l'administration de la justice. On entend par là des infractions criminelles, comme l'omission de comparaître et l'omission de se conformer à des conditions, pour ne nommer que celles-là. Vous trouverez une liste complète des infractions aux pages 4 et 5 des recommandations de l'AFAC.
    Les infractions contre l'administration de la justice sont également connues comme le « syndrome de la récidive criminelle », parce que les personnes accusées de telles infractions ont plus de mal à quitter le système de justice pénale. C'est tout particulièrement vrai pour les femmes autochtones criminalisées. D'ailleurs, le nombre de femmes accusées d'infractions contre l'administration de la justice augmente plus rapidement que le nombre d'hommes accusés de telles infractions.
    Les infractions contre l'administration de la justice peuvent être liées à la marginalisation des femmes autochtones. Compte tenu de leur réalité, les femmes autochtones criminalisées n'ont pas les appuis ou les moyens nécessaires pour se conformer aux conditions du système de justice pénale. Cela n'excuse pas leur comportement, mais c'est une réalité. À titre d'exemple, les femmes autochtones dans les communautés éloignées pourraient ne pas être en mesure de se présenter devant un tribunal situé dans une ville éloignée et, par conséquent, elles pourraient être accusées de plusieurs infractions liées au défaut de comparaître. Une autre personne risque d'enfreindre involontairement les conditions de sa libération sous caution si elle n'a pas de logement, parce qu'elle ne pourrait pas recevoir les avis du tribunal. Lorsqu'une femme autochtone reçoit l'ordre de ne pas se rendre à sa résidence comme condition de sa mise en liberté provisoire et qu'elle n'a accès à aucun autre logement ou soutien communautaire, elle est contrainte d'enfreindre cette ordonnance pour trouver un abri. Par conséquent, les Autochtones et les Canadiens marginalisés sont plus susceptibles de faire l'objet d'accusations et, en cas de libération sous caution, de se voir imposer des conditions plus strictes, voire impossibles à remplir.
    Toutes ces infractions contre l'administration de la justice s'ajoutent au casier judiciaire des femmes autochtones et les condamnent à l'échec. Dans l'état actuel des choses, les femmes autochtones qui sont initialement reconnues coupables de possession simple de cannabis et qui accumulent de telles infractions contre l'administration de la justice ne peuvent pas demander ou obtenir une suspension de leur casier aux termes du projet de loi C-93.
    C'est pourquoi l'AFAC recommande que le projet de loi C-93 autorise les personnes ayant été condamnées pour possession simple de cannabis et reconnues coupables d'infractions connexes contre l'administration de la justice à demander et à obtenir une suspension de leur casier judiciaire à cet égard.
    Ma dernière recommandation est d'accroître l'accès à la justice. Compte tenu de la pauvreté et des infractions contre l'administration de la justice qui affligent les groupes ethnicisés et marginalisés touchés par la Loi sur le cannabis, l'AFAC recommande que les personnes n'ayant pas fini de purger leur peine pour une infraction prévue au paragraphe 4(3.1) soient en mesure de présenter une demande de suspension de leur casier judiciaire. Il n'est pas logique que des gens continuent de purger une peine pour un comportement qui est maintenant légal. Cet amendement ferait en sorte que les personnes en situation de pauvreté qui n'ont pas les moyens de payer leurs amendes puissent profiter du projet de loi C-93.
    Pour que la loi ait une incidence positive sur les femmes autochtones criminalisées, le projet de loi C-93 doit prévoir une analyse sexospécifique de l'histoire du racisme et de la discrimination systémique au Canada envers les peuples autochtones. La criminalisation des femmes autochtones est l'une des séquelles de la colonisation. Les femmes autochtones qui sont généralement criminalisées à la suite d'infractions de possession simple de cannabis ont tendance à vivre dans la pauvreté, à faire l'objet d'une surveillance policière excessive et à rester prises dans le système de justice pénale en raison des infractions contre l'administration de la justice.
    Les femmes autochtones criminalisées sont condamnées à l'échec dans un tel système de justice pénale. En permettant aux gens de se libérer du fardeau d'un casier judiciaire lié à un acte qui est désormais légal, peu importe s'ils ont fini de purger leur peine ou non, le Canada a maintenant l'occasion de faire un pas dans la bonne direction pour corriger les torts du passé.
    Je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de m'écouter. J'ai hâte de discuter avec vous de cette question très importante.

  (1550)  

    Merci, madame Finestone.
    Monsieur Cudjoe, merci.
    Monsieur Graham, vous avez sept minutes.
    Merci. Je vais commencer par M. Cudjoe.
    Vous avez dit au tout début que la question suivante revient souvent: « Avez-vous plaidé coupable à une infraction criminelle? » Je n'en avais pas entendu parler. Cela ne va-t-il pas à l'encontre des lois sur les droits de la personne?
     Oui. Le cas échéant, si ce n'est pas contesté — et on parle ici de jeunes qui remplissent des formulaires de demande d'emploi pour Walmart et d'autres entreprises de ce genre, qui n'auront pas les ressources juridiques pour contester cela... Il faudrait un groupe, par exemple, le Black Legal Action Centre, ou quelque chose de ce genre, pour contester cela. Cette question peut être posée différemment, sur un autre formulaire, pour contourner le problème.
    Par conséquent, cela pourrait aller à l'encontre des droits de la personne. Je pense que oui. À mon avis, c'est le cas de toute question qui concerne les absolutions conditionnelles et inconditionnelles. Cependant, j'en ai vu trois ou quatre variantes et, en fait, je crois que dans l'un des cas, c'était un organisme gouvernemental, à savoir le Conseil ontarien du commerce des véhicules automobiles. Son formulaire pour les vendeurs de véhicules automobiles contient une question très semblable qui ne vous permet pas de signaler une libération conditionnelle, ce qui aurait été possible il y a 10 ans.
    On se fait également poser une question semblable à la frontière américaine: « Avez-vous déjà été arrêté? »
    Merci.
    Très bien. Merci.
    J'ai quelques questions à vous poser, madame Finestone. Vous avez parlé de l'ajout d'un préambule. Cela a-t-il le moindre poids dans le cadre d'une loi?
    Un préambule aide les gens à interpréter l'esprit de la loi. Par conséquent, lorsque nous interprétons cette mesure législative, nous le ferions d'une manière qui reconnaît les injustices historiques, ce qui permettrait de corriger ces torts.
    Vous avez dit dans votre exposé que vous ne vouliez pas entrer dans les détails, mais aux fins du compte rendu, pourriez-vous passer en revue brièvement les quatre ou cinq infractions et nous dire, pour les besoins de la cause, si vous voulez que chaque infraction soit pardonnée automatiquement ou subjectivement? Y a-t-il un moyen de juger si un pardon pour les infractions supplémentaires devrait être automatique ou subjectif en fonction de la demande?
    Nous aimerions que ce soit automatique. Voulez-vous que je passe en revue les infractions énumérées aux pages 4 et 5?
    Très brièvement, parce qu'il y en a cinq ou six ici, alors ce serait bien...
    Oui, bien sûr.

  (1555)  

    ... d'avoir un contexte pour chacune des infractions afin de comprendre pourquoi certaines figurent sur la liste et d'autres, pas.
    Volontiers.
    J'ai examiné les infractions au Code criminel qui...
    Celles qui sont les plus courantes.
    ... seraient les plus courantes pour des choses comme le cannabis — et non pour les infractions sexuelles, parce que, là encore, j'aimerais ramener la discussion sur le cannabis.
    Par exemple, il y a le paragraphe 145(2) du Code criminel, omission de comparaître; le paragraphe 145(3), omission de se conformer à une condition d'une promesse ou d'un engagement; le paragraphe 145(4), omission de comparaître ou de se conformer à une sommation; le paragraphe 145(5), omission de comparaître ou de se conformer à une citation à comparaître ou à une promesse de comparaître; enfin, le paragraphe 733.1(1), défaut de se conformer à une ordonnance de probation.
    J'ai défini les infractions contre l'administration de la justice uniquement dans le contexte du paragraphe 4(3.1) du projet de loi, pour que nous sachions que nous parlons strictement de la possession simple de cannabis en ce qui concerne les casiers judiciaires. J'ai donc inclus ces dispositions dans la définition.
    Ensuite, j'ai proposé des amendements, que vous verrez à la page 6, car, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne permet pas aux gens de demander une suspension du casier judiciaire s'ils ont commis d'autres infractions. Ainsi, ces amendements feraient en sorte que les gens puissent présenter une demande s'ils ont commis une infraction contre l'administration de la justice mettant en cause la possession simple de cannabis.
    Ensuite, à la page suivante où nous parlons de l'obtention d'une suspension du casier, j'ai proposé des amendements pour que les gens puissent obtenir une suspension du casier non seulement pour la possession simple de cannabis, mais aussi pour les infractions connexes contre l'administration de la justice. Par exemple, si une personne est accusée ou reconnue coupable de possession simple de cannabis, mais qu'elle ne se présente pas devant le tribunal concernant cette accusation précise, et rien de plus — encore une fois, nous parlons de cannabis —, alors cela devrait être effacé de son casier.
    Il est tout à fait inutile de supprimer une partie du casier, mais de laisser une foule d'infractions contre l'administration de la justice, ce qui serait le cas pour les personnes marginalisées et racialisées.
    Dans la version actuelle du projet de loi, si les gens ont commis une infraction contre l'administration de la justice, pourraient-ils présenter une demande, étant donné que la restriction s'applique uniquement...
     Non, ils ne pourraient pas.
    Il y a une chose que je voudrais éclaircir. Vous avez très bien expliqué pourquoi les gens dans certaines communautés ne sont pas en mesure de se rendre à un tribunal, et tout le reste. Cependant, dans le cas d'une personne qui refuse délibérément de se présenter devant le tribunal et qui se contente de dénoncer le système, devrions-nous, là encore, supprimer automatiquement les autres infractions connexes?
    Je crois que nous devons revenir au fait que le cannabis est maintenant légal; en effet, si ce produit était légal il y a quelques années, les gens ne seraient pas piégés dans le système de justice pénale. Nous savons que les personnes qui sont prises dans ce système sont souvent marginalisées. Bref, je suppose que la réponse est oui, parce que nous devons rayer ces infractions des casiers judiciaires.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Il vous reste 45 secondes.
    Je vais les céder à M. Picard.

[Français]

    Comment pouvez-vous lier ces dossiers?

[Traduction]

    Pardon, comment pouvez-vous lier ces dossiers d'obstruction?
    Mme Elana Finestone: Comment puis-je... Je suis désolée...
    Un député: Votre temps est écoulé.
    M. Michel Picard: Je sais.
    Votre temps est écoulé.
    C'est à vous de trancher, monsieur le président.
    Comment pouvez-vous lier les dossiers d'obstruction et d'administration précisément au dossier de possession de cannabis? Est-ce qu'on précise, dans le casier, qu'une obstruction a été appliquée en raison du dossier de cannabis, ou n'y a-t-il rien dans le dossier d'administration pour établir un tel lien? Ainsi, comment puis-je prendre le risque d'effacer ces infractions?
    D'après ce que j'ai compris, c'est qu'il y aurait l'accusation de possession simple de cannabis, puis la personne serait citée à comparaître pour cette accusation. M. Cudjoe pourrait peut-être nous en dire plus à ce sujet. Essentiellement, il y aurait un échéancier. Toutes ces infractions relatives à l'administration de la justice viendraient après l'accusation initiale de possession simple de cannabis.
     À un autre moment, M. Cudjoe va devoir nous donner des précisions à ce sujet.
    Oui, ce serait apprécié.

  (1600)  

    Nous allons donner la parole à M. Motz, pour sept minutes.
    Je remercie nos deux témoins de leur présence.
    Est-ce que l'un ou l'autre de vos organismes a été consulté avant l'adoption de ce projet de loi? Pouvez-vous voir que vos objections... Évidemment, je connais la réponse à ma prochaine question, mais vos objections ne sont évidemment pas prises en compte dans les lois actuelles.
    Non, elles ne le sont pas. J'ai été invitée à une réunion avec M. Matthew Dubé et M. Murray Rankin pour discuter du projet de loi C-415 et, comme cela a un lien avec le projet de loi C-93, nous avons également été invités à nous prononcer à ce sujet. Cependant, tout cela s'est fait en périphérie, alors non, je dirais que nos objections n'ont pas vraiment été prises en compte.
    Monsieur Cudjoe, nous vous écoutons.
    En fait, je préside le comité de défense des droits de l'Association des avocats noirs du Canada. La première fois que nous en avons eu connaissance, c'est lorsque l'avis d'audience a été émis.
    D'accord. Je vous remercie.
    Vous avez soulevé la question, madame Finestone, et je voudrais juste en parler. J'ai de la difficulté à associer les accusations relatives à l'administration de la justice et la suspension du casier qui s'y rattache parce qu'elles portent sur un autre sujet. Nous sommes conscients que la possession de marijuana est maintenant légale. Toutefois, une infraction relative à l'administration de la justice signifie essentiellement que la personne a envoyé paître le système judiciaire.
    L'expérience m'a appris que certaines des communautés « marginalisées », comme vous les avez appelées — ou celles qui ont des problèmes de santé mentale —, ne mesurent pas la gravité de leurs actes passés. Je comprends cela. Il se pourrait aussi qu'elles aient été dans une situation où elles ne se conformaient pas. Il y a ici des infractions passablement graves qui ont une incidence sur la tournure que les choses peuvent prendre pour ces personnes, et à l'heure actuelle — c'est plus une déclaration qu'une réponse —, j'ai vraiment de la difficulté à voir comment le lien pourrait fonctionner.
    L'une des choses que les fonctionnaires nous ont dites la semaine dernière, c'est que, selon les estimations, il y a environ 250 000 Canadiens qui ont un casier judiciaire pour possession d'une petite quantité de marijuana et qui pourraient être admissibles à ces suspensions, mais que seulement 10 000 d'entre eux pourraient envisager ce processus. D'après l'expérience que vous avez, est-ce que l'un de vous deux a une idée de l'exactitude de ces chiffres?
    Monsieur Cudjoe, voulez-vous commencer?
    Pour être honnête, les chiffres ne sont pas une question d'expérience, mais je pense que Mme Finestone a évoqué cela elle aussi. Si c'est automatique, cela change radicalement le résultat. Si la suspension du casier est automatique et que vous n'avez pas besoin de commencer le processus, cela change radicalement la donne...
    Je suis désolé de vous interrompre, mais ce que les fonctionnaires nous ont dit, c'est qu'avec les lois actuelles, cette possibilité pourrait s'appliquer à environ 10 000 personnes. C'est le chiffre le plus plausible qu'ils ont pu avancer.
    J'aimerais vous parler de quelque chose d'un peu plus sérieux. Pour ce qui est de la façon dont le processus se déroule — et je pense que c'est ce à quoi vous étiez sur le point d'arriver si je vous avais laissé continuer —, disons que tous les groupes qui ont comparu devant nous avaient un problème avec le processus. Je signale que le vérificateur général a demandé à maintes reprises aux ministères de mettre en œuvre des systèmes fondés sur leurs processus plutôt que sur un processus visant à servir les Canadiens de la meilleure façon possible.
    À votre avis, le processus présenté dans ce projet de loi entrave-t-il ou aide-t-il les Canadiens avec qui vous interagissez? Le processus prévu pour présenter une demande tient-il compte des capacités de ceux qui pourraient en avoir le plus besoin?
    Je dirais que c'est un obstacle. Je crois que le Comité a fait un rapport sur l'inaccessibilité des suspensions de casier judiciaire. Tout d'abord, beaucoup de gens ne savent pas qu'ils peuvent se prévaloir de cela. Il arrive aussi qu'on leur fasse croire qu'ils devront payer des sommes astronomiques pour ce faire, alors que, dans les faits, ce n'est pas si cher que cela.
    Je pense que le point que j'essayais de faire tout à l'heure, c'est que beaucoup de gens ne connaissent même pas la loi. Ce n'est pas le seul problème que j'ai évoqué et dont j'ai parlé avec des membres de la collectivité. C'est une loi qui touche particulièrement les collectivités autochtones, et elles n'en ont jamais entendu parler.
     Je crois que le fait que les gens risquent d'avoir à reprendre tout le processus depuis le début explique les chiffres plutôt modestes que vous évoquez quant au nombre de gens qui vont vraiment faire la démarche. En ce moment, c'est un fait: il n'y a pas d'accès à la justice pour les groupes dont je parle.

  (1605)  

    Ce ne sont pas mes chiffres. Ce sont les chiffres que les fonctionnaires nous ont fournis.
    D'accord.
    Monsieur Cudjoe, avez-vous des idées à ce sujet?
    Seulement quelques réflexions. Dans ma pratique personnelle, bon nombre des personnes que je représentais étaient des sans-abri, des malades mentaux ou des gens qui étaient sur le point de le devenir. C'étaient des gens qui étaient très peu scolarisés. Le fait de ne pas rendre cela automatique ne fera rien pour aider tous ces gens qui ont été reconnus coupables de possession de marijuana. Au contraire, ce projet de loi viendra en aide à ceux qui sont capables de lire et de se tenir au courant de ce qui se passe dans le système judiciaire.
    Pour aller un peu plus loin, disons très rapidement qu'en Ontario, parce que l'aide juridique est financée à un niveau si bas et qu'il faut aller en prison avant d'y avoir droit, de nombreuses personnes qui sont entrées dans le système de justice pénale pour des accusations de possession de marijuana n'avaient pas d'avocats. Elles ont fait ce qui était le plus facile pour elles et ont accepté le premier marché que la Couronne leur proposait. Elles n'ont pas contesté la fouille qui a mené à l'accusation de possession et elles n'ont pas tenté d'obtenir quelque chose comme une libération conditionnelle parce que, ce jour-là, cette possibilité ne leur a pas été offerte. Je demande au Comité d'examiner l'ensemble de la question à la lumière de cela.
    Nous allons devoir nous arrêter là, monsieur Motz.
    Monsieur Cullen, bienvenue au Comité. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos deux témoins. Ces échanges sont éclairants.
    J'ai ce qui pourrait être une expérience toute particulière dans ce domaine. J'ai grandi à Rexdale, et je vis maintenant dans une collectivité nordique de la Colombie-Britannique, collectivité que je représente. Quand j'étais plus jeune, des amis à moi avaient un terme pour décrire cela: le crime était de « marcher dans la peau d'un Noir ». Dans mon patelin, les risques d'être arrêté ou d'être ramassé par la police étaient considérablement plus grands si vous étiez jeune et noir. Toutes nos statistiques le confirment. À Vancouver, les Autochtones sont sept fois plus susceptibles d'être arrêtés que les Blancs, et à Regina, ils le sont neuf fois plus.
    Monsieur Cudjoe, j'aimerais revenir sur ce qu'a dit mon collègue conservateur. Si un enfant blanc de la classe moyenne est arrêté pour possession de drogue et qu'il a accès à un avocat, les risques qu'il ait un casier judiciaire ou un casier judiciaire secondaire pour une accusation relative à l'administration de la justice sont beaucoup plus faibles que pour une personne qui vit dans la pauvreté, ou qui est issue d'une communauté ethnique ou marginalisée. Est-ce que c'est exact?
    C'est exact, et c'est un groupe sur lequel je me suis focalisé, parce que je sais que dans la plupart des cas, les parents qui trouvaient de la marijuana dans les vêtements de leurs enfants n'allaient pas voir la police. Qu'en est-il des enfants qui sont sous la tutelle de la société d'aide à l'enfance? Toutes ces accusations ont été confiées directement à la police, et neuf fois sur dix, l'accusé n'avait pas d'avocat.
    L'enfant qui a grandi sans parents se retrouve maintenant avec un casier qui le désavantage. Dès le début, il n'avait aucune chance.
    La Cour suprême ayant reconnu que les personnes marginalisées et racialisées font face à du racisme et à de la discrimination systémique dans le système de justice pénale, si l'intention du gouvernement était de tenter d'empêcher les Canadiens marginalisés et racialisés d'être aux prises avec du racisme et de la discrimination systémique, n'aurait-il pas été essentiel qu'il consulte vos deux organismes?
    Je suis navré que nous en soyons rendus là, à cinq semaines de la fin de la présente législature, alors qu'il y a des modifications essentielles à apporter à des mesures législatives. Les personnes qui ont historiquement été blessées par le système de justice pénale — les Autochtones, les personnes marginalisées et les Canadiens noirs — auront maintenant un système de pardon qui ne les aidera pas en raison des circonstances dans lesquelles elles vivent.
    Est-ce bien le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis?
    Je vais commencer par vous, monsieur Cudjoe, puis je vais poser une question plus précise à Mme Finestone.
    Je pense que vous avez mis le doigt dessus.
    Je suis souvent invité à donner mon avis, mais ce coup-ci, on ne me l'a pas demandé. Je soupçonne que c'est parce que d'autres groupes ont été inclus. Quelqu'un a peut-être pensé que je ne devais pas être entendu. Je ne sais pas.

  (1610)  

    Lorsqu'il était candidat et qu'il parlait en faveur de ce projet de loi, le premier ministre insistait sur le fait qu'au Canada, les groupes marginalisés et racialisés étaient touchés de façon disproportionnée par les lois sur la marijuana.
    Madame Finestone, je veux mettre au défi l'ami de mon collègue conservateur de dire que les gens font un « doigt d'honneur » au système judiciaire. J'ai vu des cas où des sanctions administratives ont été imposées à de jeunes femmes autochtones qui vivaient à huit heures de route de la salle d'audience. Il n'y avait pas de transport en commun, pas de Greyhound, et elles n'avaient pas d'argent pour faire le trajet. Alors, elles ne se sont pas présentées. Ces circonstances étant ce qu'elles sont, une jeune femme autochtone qui est arrêtée dans le Nord de la Colombie-Britannique pour simple possession et qui n'est pas en mesure de se présenter à son audience ne peut, aux termes de cette loi, bénéficier d'un pardon. Est-ce exact?
    C'est tout à fait exact.
    D'accord.
    C'est une question très vaste. Il y a quelques semaines, j'ai assisté à une conférence sur la justice pénale autochtone après l'arrêt Gladue. Des intervenants parlaient de la façon dont ils avaient créé un tribunal autochtone dans une réserve. En effet, ils avaient remarqué le grand nombre de gens qui faisaient l'objet d'un mandat d'arrestation et le fait que les gens ne se présentaient pas en cour pour la bonne et simple raison qu'il n'y avait pas de transport en commun et qu'ils ne pouvaient donc pas s'y rendre. C'est la réalité.
    Je n'ai pas vu cela dans vos notes. Votre organisme appuie-t-il le projet de loi C-415?
    Oui, nous l'appuyons.
    Vous appuyez la radiation.
    Monsieur Cudjoe, êtes-vous du même avis? Croyez-vous que la radiation serait un moyen plus efficace de tourner définitivement la page sur ces accusations passées?
    Je le crois vraiment. Je dois admettre que je ne suis pas tout à fait au courant des inconvénients de la radiation, mais je crois vraiment que ces casiers devraient être supprimés.
    Maintenant, en ce qui concerne l'effet circulaire que le système de justice pénale peut avoir pour une simple accusation de possession, rappelons-nous cette question qui figure sur les formulaires d'emploi des employeurs: « Avez-vous plaidé coupable à une infraction criminelle? » C'est une question type de ces formulaires. Quelqu'un qui serait dûment qualifié — un jeune Noir de Toronto, de Montréal ou d'ailleurs — et qui aurait obtenu un pardon aux termes de ces mesures législatives aurait à répondre oui à cette question, n'est-ce pas?
    C'est exact, c'est pourquoi je me suis creusé les méninges pour essayer de trouver ce qui pouvait être fait à cet égard. J'ai reçu la recommandation de notre comité selon laquelle le fait de les considérer comme des infractions réglementaires — ce qui englobe les lois sur les armes à feu et bien d'autres lois — pourrait fonctionner.
    C'est une solution de contournement que vous tentez d'apporter à cette loi au sujet de laquelle vous n'avez pas été consulté.
    C'est tout à fait cela.
    Vous imaginez un scénario dans lequel la Couronne, dans une deuxième affaire ou un procès quelconque, pourrait dire au tribunal: « Il y a quelque chose dans le dossier de l'accusé, mais nous ne pouvons pas vous le dire. »
    Non, je parlais de ce qui se passe quand la vérification du casier judiciaire est transmise à l'employeur.
    Je vois. Donc, si un employeur cherche à embaucher quelqu'un...
    C'est exact.
    ... dans ce cas, un jeune noir avec qui vous avez eu affaire et qui aurait obtenu le pardon en vertu de ce projet de loi du gouvernement. L'employeur serait informé qu'il y a quelque chose dans son dossier, mais sans pouvoir savoir de quoi il s'agit. Ce serait laissé à l'imagination, essentiellement.
    C'est exact. La façon de rapporter cela est « nous ne pouvons pas vous dire de quoi il s'agit ».
    Encore une fois, c'est laissé à l'imagination de l'employeur.
    C'est exact.
    D'accord. Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Dabrusin pour sept minutes.
    J'allais m'adresser à Mme Finestone, parce que je l'ai vue hocher la tête pendant ce segment.
    Pourriez-vous aider le Comité en lui fournissant de plus amples renseignements en réponse à cette dernière question?
    La dernière question...
    Quand quelqu'un a reçu un pardon, on dit à un employeur qu'il y a une accusation, mais qu'on ne peut pas lui dire de quoi il s'agit.
    Ce que je sais surtout, c'est que le pardon n'efface pas la faute, de sorte que dès que l'intéressé commet une autre infraction, comme une infraction relative à l'administration de la justice, elle est immédiatement rétablie.
    Je pense que je peux parler de cela. Bien que les intentions soient très bonnes, c'est quelque chose qui finit toujours par ressortir.
    Je pense qu'il faudrait obtenir plus d'informations sur la façon dont cela apparaît, parce que tout ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, c'est qu'il y a une différence entre un pardon et une radiation, mais qu'un pardon n'apparaît pas lorsque les gens font l'objet de vérifications. Il me faudrait des éclaircissements à ce sujet.
     Une bonne partie de ce débat a porté sur le processus — pardon ou radiation, peu importe. À l'heure actuelle, l'un des grands problèmes qui reviennent sans cesse, c'est que les gens doivent présenter une demande. Je crois qu'en 1996, il y a eu un changement dans la façon dont les accusations étaient présentées et portées au dossier. Est-ce que cela aiderait si c'était automatique jusqu'en 1996, et que tout ce qui venait après 1996 faisait l'objet d'un pardon ou une radiation automatique?

  (1615)  

    Oui, bien sûr.
    Je vais demander la même chose à M. Cudjoe. Je sais qu'en 1996, la façon dont les accusations étaient affichées et enregistrées a changé. Si les accusations portées de 1996 à aujourd'hui étaient suspendues automatiquement, que ce soit au moyen d'un pardon ou d'une radiation, cela serait-il utile?
    Ce serait très utile.
    Fort bien.
    Je crois comprendre qu'avant 1996, il y avait d'autres problèmes liés à la tenue des dossiers qui peuvent changer la donne. La situation découle donc peut-être d'un autre facteur. Mais, si la suspension était automatique à partir de 1996, comment ferions-nous parvenir ce message aux gens, afin de les informer que cela s'est produit? Voilà mon autre préoccupation. Il serait merveilleux que nous ayons fait cela, mais il se pourrait que les personnes concernées ne le sachent pas. Elles répondraient peut-être aux questions en fonction de renseignements erronés. Quel est le meilleur moyen pour nous d'informer les gens de ce qui s'est produit?
    Je pense qu'une merveilleuse façon d'y arriver consisterait à maintenir un dialogue avec des organisations comme l'AFAC et l'AANC, afin qu'elles puissent dire aux gens qu'elles servent que cela est possible. Nos organisations renseignent de nombreux membres du public sur des questions juridiques, et notre travail consiste à obtenir que les gens se préoccupent des lois qui ont une incidence sur eux.
    Si vous tenez des organisations comme les nôtres au courant, cela aidera vraiment nos concitoyens et, par la suite, les vôtres.
    Monsieur Cudjoe, avez-vous des idées à ce sujet?
    Je pensais qu'il serait vraiment utile d'organiser un envoi postal automatique adressé à la personne concernée une fois que la suspension automatique a été effectuée.
    Un envoi postal automatique. D'accord. Merci.
    D'un point de vue procédural, il est utile d'avoir quelques idées de la façon dont cela fonctionnerait.
    J'ai été frappée, madame Finestone, par une section qui figure à la page 7 de votre mémoire, je crois. Elle a trait à la question de l'élimination de la nécessité de purger sa peine au complet. À l'heure actuelle, la possession simple de cannabis est légale et, pourtant, il y a peut-être des gens qui ont encore des amendes à payer ou qui sont encore assujettis à une libération conditionnelle liée à une telle infraction.
    Au cours d'une étude antérieure sur la suspension des casiers judiciaires, des témoins nous ont dit que les amendes non payées étaient en fait l'un des principaux obstacles, parce que votre temps commençait à s'accumuler. Dans le cas présent, il n'y a pas de problème d'accumulation du temps. Pouvez-vous parler un peu de cette question, de la raison pour laquelle il est important de se débarrasser de la nécessité de purger ces peines complètement?
    Absolument.
    Il y a une chose qui m'a passé par la tête. J'ai examiné le rapport dont vous parlez avant de faire cette recommandation. Il y a des gens qui n'auront jamais les moyens de payer leurs amendes, parce qu'ils n'ont simplement pas l'argent nécessaire et qu'ils doivent payer leur loyer et acheter de la nourriture. Ils n'auront jamais accès au projet de loi C-93. Comme vous l'avez indiqué, si la possession simple de cannabis est maintenant légale, pourquoi ne donnons-nous pas aux gens l'occasion de présenter une demande?
    Monsieur Cudjoe, que pensez-vous de la nécessité de supprimer dans la loi le fait que les gens sont tenus de purger au complet leur peine liée à une possession simple de cannabis, avant de remplir les conditions pour l'octroi d'un pardon?
    Mme Finestone l'a très bien dit. Nous savons qu'un grand nombre de gens ne seront jamais en mesure de payer ces amendes.
    Merci.
    Vous avez tous les deux soulevé la question des infractions administratives. Cette question est compliquée, parce que tous les gens ne sont pas dans la situation que Mme Finestone a décrite, mais c'est là un scénario convaincant.
    C'est un récit convaincant en ce qui concerne la raison pour laquelle quelqu'un pourrait ne pas être en mesure de se présenter devant les tribunaux ou ne pas avoir reçu les avis à cet égard, mais ce n'est certainement pas le cas de tous les gens qui ont été reconnus coupables de ces infractions.
    Savez-vous si une façon de procéder a été mise au point? Disons que nous passons à un processus automatique. La première étape est facile. Le casier judiciaire de toute personne ayant été reconnue coupable de possession simple de cannabis après 1996 est suspendu. Puis, il y a les gens qui ont commis des infractions administratives liées à cette possession simple. À ce moment-là, les choses ne peuvent pas fonctionner automatiquement de façon aussi simple parce que, maintenant, nous devons examiner d'autres éléments. Alors, j'imagine que nous avons pratiquement besoin d'un processus secondaire.
    Avez-vous réfléchi à cela? Comment pouvons-nous analyser ces infractions?

  (1620)  

    Je pense que M. Cudjoe avait l'intention de s'étendre sur ce sujet plus tôt, et ce serait peut-être une bonne occasion pour lui de le faire.
    D'accord.
    Pour attraper les infractions qui sont liées uniquement aux accusations de possession de marijuana, vous réexaminez la formulation des accusations. La plupart du temps, elles indiquent que vous avez été accusé de possession de marijuana tel ou tel jour, que le tribunal vous a demandé de comparaître tel ou tel jour et que vous avez omis de le faire. De plus, l'accusation de possession de marijuana indiquera votre absence de comparution. Alors, vous rapprochez ces deux renseignements, et vous pouvez prouver qu'ils sont directement liés.
    Ces renseignements sont très utiles. Merci pour.
    Monsieur Eglinski, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Je remercie les deux témoins de leur participation à la séance d'aujourd'hui.
    J'aimerais commencer par vous interroger, monsieur. Vous venez de mentionner que vous pouvez réexaminer le dossier et vérifier les accusations. L'autre jour, nous avons entendu des témoins, des fonctionnaires des ministères, alors que nous parlions de la façon de nous occuper de ces gens qui bénéficient d'un chef d'accusation réduit pour une infraction peut-être un peu plus compliquée qu'une simple possession. Ils nous ont dit qu'il leur était impossible de vérifier cela, que c'était trop compliqué et qu'ils s'occuperaient seulement des accusations dont les gens avaient été reconnus coupables.
    Ce que vous et votre homologue êtes en train de dire, c'est que vous voulez vous occuper des autres accusations, comme celles portées en vertu des paragraphes 145(4) et 145(5), de l'article 733 et du paragraphe 145(3). Certaines d'entre elles peuvent avoir fait l'objet de déclarations sommaires de culpabilité ou avoir donné lieu à des condamnations pour actes criminels. Quelqu'un va devoir examiner cela, et vous compliquez le processus en entier.
    Certains États des États-Unis ont élaboré un programme très simple que j'approuve. Vous appuyez simplement sur un bouton. Quelqu'un conçoit un programme qui passe en revue les dossiers du CIPC et qui élimine tous les chefs d'accusation pour possession simple de cannabis.
    Vous parlez maintenant de communiquer avec des gens. Combien de vos clients peuvent vous énumérer les adresses des endroits où ils ont habité depuis 1996 ou les numéros où nous pourrions les joindre depuis 1996? Où sont-ils allés?
    Le processus doit être beaucoup plus simple que ce que vous nous expliquez en ce moment, car vous avez mentionné que certains de vos clients n'étaient pas capables de remplir ces formulaires et qu'ils n'étaient peut-être pas en mesure de vous fournir les adresses nécessaires. Nous devons, d'une manière ou d'une autre, être en mesure de permettre au public d'avoir accès à ce processus.
    Le système le plus simple, au sujet duquel j'aimerais que vous formuliez des observations, est un simple programme qui peut être codé à l'aide de la science, de la technologie et de la programmation informatique d'aujourd'hui. Il est possible de développer un programme qui permet d'éliminer ces accusations simplement en appuyant sur un bouton et en laissant l'ordinateur faire le travail, au lieu d'intégrer un facteur humain dans ce processus.
    Je vous vois tous les deux faire intervenir beaucoup trop d'humains dans ce processus, qui sera trop compliqué.
    Vous pouvez commencer, monsieur, et Mme Finestone terminera.
    Il y a seulement deux questions auxquelles je vais répondre. Premièrement, lorsque je parle de communiquer avec des gens, c'est pour les informer que le processus automatique a eu lieu. Cela ne complique pas le processus consistant à appuyer sur un bouton. Il est toujours possible d'appuyer sur le bouton. La question est de savoir si les gens sont au courant que le processus a eu lieu.
    Deuxièmement, là où les choses se compliquent et que le facteur humain intervient, c'est lorsque vous tentez de relier des chefs d'accusation à la possession de marijuana. L'infraction liée à la marijuana peut toujours être supprimée à l'aide d'un bouton. Vous ne souhaitez pas priver tous les gens...
    [Difficultés techniques]
    Ensuite, il incombe au gouvernement de décider s'il ira plus loin en examinant les données filtrées relatives à la conformité, celles qui ont été filtrées par des pairs, etc. Toutefois, pour mêler les deux à ce stade, il faut...
    [Difficultés techniques]
    Nous faisons allusion aux préjudices dont des gens ont fait l'objet en raison de leur chef d'accusation initial et au fait d'aller plus loin. Il s'agit là d'une deuxième question qui, à ma connaissance, n'est pas abordée par la mesure législative, et nous demandons simplement au Comité de faire preuve d'ouverture à cet égard.
     Madame Finestone.
    L'autre problème dont nous parlons, c'est que le nombre d'accusations portées contre les gens a tendance à être excessif. En ce qui concerne les plaidoyers négociés, les autres mesures dont vous parlez et la façon dont les gens finissent par faire l'objet d'un seul chef d'accusation pour possession simple de cannabis, je précise que, parfois, les avocats de la Couronne portent toutes les accusations qu'ils croient être en mesure de prouver. Nous ne devrions pas laisser cela nous distraire de la nécessité de supprimer du casier judiciaire toute condamnation pour possession simple de cannabis.
    Je pense qu'il est important de procéder par étapes. Occupez-vous des casiers où figure seulement une accusation pour possession simple, s'il est facile de le faire. Toutefois, ce que nous essayons tous les deux de vous dire, je crois, c'est que, compte tenu de la réalité des concitoyens que nous servons, cela ne les aidera pas beaucoup. Par conséquent, vous devez continuer de dialoguer avec nos organisations.
    Je sais que l'AFAC peut instruire les gens sur le plan juridique, leur dire en quoi consiste cette suspension, comment présenter une demande et à qui s'adresser pour le faire. Des organisations peuvent accomplir ce travail, mais nous devons amorcer ce processus.

  (1625)  

    Mon temps de parole est-il écoulé?
    Il vous reste quelques secondes.
    Si le casier judiciaire de tous les gens qui ont été accusés de possession simple de cannabis était automatiquement suspendu, les gens n'en entendraient-ils pas parler dans la rue? J'ai beaucoup de mal à comprendre votre tentative de communiquer avec ces gens en leur envoyant un avis de suspension de leur casier judiciaire. Si cette suspension des casiers judiciaires comportant une simple accusation de possession au Canada était effectuée automatiquement, pourquoi aurions-nous besoin d'en aviser les gens? La nouvelle devrait s'ébruiter... au moyen d'articles de journaux.
    Je pense que cela devrait être automatique.
    Merci, monsieur Eglinski.
    Madame Sahota, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie de toutes les différentes suggestions que vous nous faites aujourd'hui. Évidemment, il y a de nombreuses modifications que nous envisageons d'apporter à ce projet de loi afin de l'améliorer. Je vous remercie de nous aider dans cette tâche.
    Au cours des dernières séances, nous avons parlé à de nombreuses reprises de la radiation. Le processus de radiation est très récent. Il n'existait pas vraiment jusqu'à l'année dernière. Je crois que personne n'a beaucoup d'expérience pour ce qui est d'entreprendre ce processus.
    Monsieur Cudjoe, avez-vous aidé des gens à obtenir des pardons dans le passé et, le cas échéant, à quoi cette expérience a-t-elle ressemblé pour vous et votre client?
    J'ai aidé des gens à obtenir des pardons dans le passé, mais je dois dire que ce n'était pas ma principale responsabilité. Je les aidais simplement à remplir les formulaires.
    La plupart de mes clients gagnaient très peu d'argent. Par conséquent, il fallait que je fasse ce travail bénévolement. La plus grande difficulté à laquelle bon nombre de ces personnes faisaient face consistait à réunir les fonds nécessaires.
    Voilà qui est intéressant. L'obstacle était-il lié au coût de la demande?
    Le financement de la demande était le plus important obstacle pour un grand nombre de jeunes, parce que soit ils vivaient d'un chèque de paie à l'autre soit leur situation était encore plus précaire. Il fallait qu'ils commencent par réunir les 400 $ nécessaires, et ils avaient vraiment du mal à le faire.
    La situation s'est même aggravée maintenant parce que le gouvernement précédent a fait passer le coût de cette demande à quelque 600 $. La présente mesure législative règle ce problème, car la demande n'exigera plus le versement de frais.
    Vous avez dit que le plus gros obstacle était lié à l'emploi et qu'un pardon ou une radiation aiderait la personne à décrocher un emploi. Après avoir aidé ces clients à obtenir un pardon, savez-vous si cela a facilité leur vie?
    D'après mon expérience, non.
     Pourquoi est-ce le cas selon vous?
    Parce que, comme je l'ai mentionné, ils commencent par postuler pour des emplois de base — dans des restaurants McDonald, dans des Walmart, dans des usines —, et c'est la question qu'on leur pose. Vous ne pouvez pas inscrire des mensonges sur le formulaire. Vous ne pouvez pas dire...
    Pardon. Je ne voulais pas vous interrompre.
    Désolée, c'est seulement que je dispose de très peu de temps .
    Si une personne obtenait une radiation plutôt qu'un pardon serait-elle en mesure de répondre différemment à la question de savoir si elle a déjà plaidé coupable à un crime?
    Non, vous ne pourriez pas répondre à cette question différemment, mais, oui, vous le pourriez si la question était la suivante: « Avez-vous déjà été reconnu coupable d'une infraction? » C'est là une autre question qu'on leur pose.
    La question qui est posée et la façon dont elle est formulée dépendent de l'employeur...
    C'est exact.
    ... et les questions pourraient changer après la mise en œuvre du projet de loi qui nous occupe, car les gens et les employeurs sauront que les meilleures questions à poser sont peut-être les suivantes: « Avez-vous déjà fumé de la marijuana? », « Avez-vous déjà plaidé coupable à une accusation? » et « Des accusations ont-elles déjà été portées contre vous? ».
    Vous soulevez effectivement de très bons arguments. Je n'avais jamais pensé à cet incident très alarmant lié à la SAE. C'est vrai. Les gens grandissent dans des milieux très différents et, par conséquent, ils font face à des difficultés différentes. Je vous remercie de l'avoir signalé.
    Toutefois, d'autres crimes ont été légalisés dans le passé, et le processus de pardon a toujours été entrepris et utilisé. J'espère que nous serons en mesure de l'améliorer dans une certaine mesure, mais ne convenez-vous pas que c'est un pas dans la bonne direction et que cela aidera certaines personnes?

  (1630)  

    J'admets que c'est un pas dans la bonne direction et que cela aidera certaines personnes. Mais, selon moi, le processus serait beaucoup plus utile à bon nombre de nos concitoyens s'il était automatique, étant donné leur niveau de scolarité, leur propension à lire et les activités qu'ils exercent.
    J'ai entendu des gens devant les tribunaux demander s'ils avaient un casier judiciaire. Ils avaient comparu devant un tribunal et versé une amende, par exemple, pour possession de marijuana, mais ils pensaient qu'ils n'avaient pas de casier parce qu'ils n'avaient pas purgé une peine d'emprisonnement.
    Oui.
     Ce serait utile si c'était automatique et qu'ils l'apprenaient plus tard.
    D'accord. Merci.
    Monsieur Motz.
    Je veux revenir à une série de questions que mes collègues, des deux côtés, ont posées. Nous avons vu vos recommandations, madame Finestone, mais nous n'avons pas eu l'occasion de voir les vôtres, monsieur Cudjoe.
    Si j'avais posé une question auparavant sur le processus d'élaboration — qui semble être en quelque sorte un obstacle pour ceux qui pourraient en avoir le plus besoin... Si vous deviez élaborer le processus en vous basant sur vos clients, monsieur, qu'est-ce qui devrait être fait, de sorte que ceux qui en ont besoin puissent l'utiliser de la façon prévue?
    D'après mon expérience, pour bon nombre de jeunes, une accusation de possession de marijuana marque le début de leur carrière de criminels et mène à bien des choses.
    Les accusations relatives à l'administration de la justice qui sont liées aux accusations liées à la marijuana sont cruciales pour notre communauté, en raison du lien entre les deux infractions et ce qui a suivi. Malheureusement, si une personne commet un vol après, c'est son problème, mais ce qui nous préoccupe, ce sont les jeunes qui ne font face qu'à des accusations relatives à l'administration de la justice.
    Très souvent — et je veux revenir très brièvement sur l'observation concernant le défaut de comparaître et l'idée que les gens envoient paître le tribunal —, nous parlons de jeunes de 14 ans qui ont reçu une contravention, l'ont mise dans leur poche et l'ont perdue. C'est arrivé très souvent. Le jeune de 14 ans se fait arrêter parce qu'il ne s'est pas présenté devant le tribunal, il va en prison et doit demander une mise en liberté sous caution. La Couronne lui offre de plaider coupable à l'accusation de possession de marijuana, et tout se règle, ou encore de plaider coupable à l'accusation de défaut de comparaître, et il pourra rentrer à la maison.
    S'il avait eu une chance de subir un procès, il aurait été en mesure de plaider non coupable, parce que son intention n'était pas d'envoyer paître le tribunal. Il a 14 ans, et il a perdu un bout de papier qu'il avait mis dans sa poche.
    Vous parlez des jeunes, et je sais que leur compréhension de ce à quoi ils font face fait parfois défaut, au mieux, mais je crains qu'il existe toujours des lacunes après l'adoption du projet de loi, dont l'incohérence, à mon avis.
     Si une personne a été accusée de possession simple avant cette infraction, la possession simple est supérieure à 30 grammes. Si elle a été accusée depuis octobre 2018, avoir en sa possession plus de 30 grammes constitue une infraction.
    D'autres témoins nous ont dit avoir certaines préoccupations au sujet de cette incohérence. Pensez-vous que cela posera problème — que les personnes qui ont en leur possession plus de 30 grammes obtiendront une suspension immédiatement, et que d'autres personnes devront maintenant attendre cinq ans avant d'y être admissibles?

  (1635)  

    Je dois admettre que pour ce qui est du nombre de grammes, je ne suis pas un spécialiste. J'ignore d'où proviennent les 30 grammes. Je sais que devant les tribunaux, des experts policiers ont dit que normalement, si la quantité dépasse 30 grammes, cela veut dire que la personne en avait en sa possession dans le but d'en faire le trafic.
    Oui.
    Honnêtement, je ne peux pas vraiment faire d'observations à ce sujet. Il y a trop d'histoires pour pouvoir donner une réponse complète.
    J'ai une dernière observation à faire, ou une dernière question à poser avant que mon temps soit écoulé.
    En dépit du fait que le gouvernement nous dit qu'il n'en coûtera rien à ceux qui en font la demande, nous savons que... C'est sans compter les heures qu'il faudra pour faire le tour des administrations où les infractions ont été commises et peut-être prendre les empreintes digitales, confirmer l'identité, demander le dossier et toutes les choses qui seront exigées par la loi. Un coût sera associé à cela. Il y en aura toujours un. Est-ce que les gens qui bénéficieront le plus de cette suspension du casier seront toujours dans l'impossibilité de même en faire la demande en raison de ces coûts?
    Répondez très brièvement, s'il vous plaît.
    Je crois comprendre qu'il y a même d'autres coûts, comme ceux liés à la prise des empreintes digitales et à tous les documents à réunir, donc, oui...
    C'est ce que je veux dire. Cela peut coûter 200 $.
    Oui, alors il y a encore des coûts, et je crois que le projet de loi ne va pas aussi loin qu'il le devrait.
    Merci, monsieur Motz.
    Monsieur Spengemann, vous disposez de cinq minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Je vous remercie tous les deux de votre présence, ainsi que de votre expertise et de votre travail de défense.
    J'ai élaboré quelques catégories simplement en réfléchissant à la question. Elles incluent les répercussions du problème, le coût du problème et qui paie, et les aspects juridiques. Mes questions porteront sur les deux premières, soit les répercussions sur les gens dont vous vous occupez — vos clients, les gens que vous protégez et défendez — et la question des coûts.
    Je me demande si nous pouvons d'abord dissiper deux ou trois mythes, aux fins du compte rendu. Je crois que c'est arrivé dans d'autres discussions au Comité, et nous avons l'impression qu'ils ont été dissipés, mais j'aimerais que vous vous prononciez également là-dessus.
    Le premier, c'est que personne ne se soucie plus vraiment des condamnations pour possession simple parce que le cannabis est légal maintenant, et les employeurs ne s'en soucieront pas vraiment si cela apparaît dans les vérifications sur l'employé. Que répondez-vous à cela?
    Puisque nous ne pouvons pas contrôler ce que d'autres pensent, nous ne devrions pas laisser cela à leur discrétion. Si le gouvernement adopte une loi, alors tout le monde doit la respecter. Ce n'est pas à la discrétion de ceux qui ne comprennent pas les injustices dont nous parlons.
    En ce qui concerne les répercussions, il ne s'agit pas seulement des jeunes. Si des femmes autochtones sont incarcérées — et souvent, ce sont des mères monoparentales —, elles ne peuvent pas être avec leurs enfants. Cela veut dire que leurs enfants risquent davantage d'être pris en charge par la Société d'aide à l'enfance. Il y a donc également plus de risques, dans ce cas, qu'on plaide coupable et qu'on soit pris dans le système de justice pénale.
    Monsieur Cudjoe.
    Je suis d'accord avec elle. La question qui se pose, c'est de savoir si l'on se rendra à l'étape de l'entrevue s'il y a quoi que ce soit dans le casier. Si tout ce qui figure dans le casier judiciaire, c'est la possession de marijuana, il est déplorable qu'on ne se rende pas à l'étape de l'entrevue.
    D'accord.
    S'il me reste du temps, j'aimerais en parler un peu dans d'autres questions.
    L'autre point, c'est la question de savoir qui paie. Ce matin, un débat sur le projet de loi C-93 a eu lieu à la Chambre des communes. L'un des arguments qui a été avancé, c'est que puisque le contribuable moyen n'a vraiment rien fait de mal, pourquoi il devrait alors payer les coûts liés à une radiation ou à une suspension du casier judiciaire.
    Je me demande si vous pouvez nous dire non seulement pourquoi il est important pour vos clients que ces coûts soient pris en charge par les contribuables, mais également pourquoi cela constitue un avantage économique pour les contribuables, en raison de renforcement de la situation de vos clients et de leur capacité de devenir compétitifs sur le marché du travail et sur d'autres plans également.
    Je crois...
    Oh, veuillez m'excuser.
    Non, allez-y, madame Finestone. J'attendais que vous commenciez, en fait.
    D'accord.
    Je crois que lorsque nous donnons aux gens toutes les chances de succès possibles et qu'ils sont capables de contribuer au marché du travail et qu'ils vivent dans un logement plutôt que d'être coincés dans des refuges, alors nous vivons dans un monde meilleur. L'autre chose — et je crois que nous y avons tous fait allusion —, c'est que pour bon nombre de gens, le cannabis fait partie de leur vie, mais il y a certaines personnes qui sont arrêtées et remarquées par la police qui sont criminalisées pour cela. Je pense que nous devons tous reconnaître que tout le monde le fait, pas seulement les gens que nous servons, et que nous avons tous le devoir de payer pour cela.

  (1640)  

     Oui. C'est utile. Merci.
    Monsieur Cudjoe, voulez-vous ajouter quelque chose?
    La seule chose que j'ajouterais, c'est que quiconque suit la vie de jeunes qui ont des démêlés avec la justice verra qu'à un moment donné, ils peuvent aller à gauche et ils peuvent aller à droite. S'ils n'ont nulle part où aller, ils se retrouvent avec des gangs et une vie de criminels, et ainsi de suite. Si on leur donne une chance d'obtenir ce premier emploi, cela nous coûte tous beaucoup moins cher. Nous payons beaucoup moins cher pour les années qu'ils passent en prison et pour la vie qui n'est utile à personne.
    Oui. Je vous remercie.
    Puisqu'il me reste une minute, je vais me dépêcher de poser ma dernière question. J'imagine qu'on peut dire sans se tromper qu'une bonne partie du problème concerne les jeunes contrevenants et le fait qu'ils sont touchés de façon disproportionnée. J'ai pensé à la possibilité que des aînés soient touchés, surtout ceux qui sont dans une situation économique qui les oblige peut-être à aller chercher de l'argent supplémentaire en travaillant. D'après votre expérience, les aînés font-ils partie de l'équation? Ce sont des gens qui ont peut-être obtenu une condamnation dans les années 1970 ou 1980, qui vieillissent maintenant et qui subissent toujours les répercussions d'avoir un casier.
    Je peux parler des casiers judiciaires dans d'autres contextes. J'ai examiné comment l'affaire Bedford est appliquée. Il y avait une femme autochtone qui était coincée dans le système de justice pénale. Ils regardaient son casier, et ils ont dit... Je crois qu'il y avait plus de 20 condamnations pour sollicitation à des fins de prostitution et défaut de comparaître.
     Je pense que cela montre que ces choses restent longtemps, quoi qu'il arrive. Cela pourrait s'être passé dans les années 1970.
    D'accord. C'est utile.
    Normalement, ce serait à votre tour, monsieur Dubé. Voulez-vous utiliser votre intervention de trois minutes?
    Non, ça va. Merci.
    D'accord.
    Monsieur Picard, vous n'avez pas...
    Ça va.
    D'accord.
    Normalement, c'est ici que nous nous arrêterions. Quelqu'un d'autre veut en profiter pour poser une question?
    Je vais le faire alors. La proposition d'obtenir, de façon parallèle, une suspension du casier pour les infractions contre l'administration de la justice complexifierait énormément les choses pour ce qui constitue un projet de loi relativement simple. Êtes-vous d'accord avec moi?
    Oui.
    Oui.
    Monsieur Cudjoe, avez-vous une remarque à faire à ce sujet?
    Je suis du même avis. La seule chose que je dirais, c'est que le travail se poursuivrait et ce ne serait pas abandonné.
    Je suis du même avis.
    Oui.
    Cela dit, je vous remercie tous les deux....
    Vouliez-vous dire quelque chose, monsieur Motz?
    Je veux dire quelque chose rapidement à ce sujet.
    D'accord.
    S'il y a possibilité d'obtenir une suspension de casier pour la possession simple de marijuana, et qu'il y a les infractions contre l'administration ensuite, dans certaines situations, je comprends qu'il s'agirait d'un processus coûteux incluant un examen complet du lien. En fonction des mesures législatives, la personne serait admissible seulement si c'est la seule infraction qu'elle a commise. N'y a-t-il pas toujours moyen alors que, cinq ans plus tard, si l'infraction administrative était liée à la suspension concernant la marijuana, cela se fasse automatiquement également? Est-ce une possibilité? Nous ne l'incluons pas immédiatement au moment de la suspension du casier pour la possession de marijuana, mais c'est signalé, ou peu importe le moyen utilisé, pour dire que parce que c'est lié à cela, dans la période d'attente de cinq ans que nous avons présentement, automatiquement, il y a suspension du casier après coup. Cela pourrait-il fonctionner?
    Je crois que oui, tant que la première chose que l'on élimine, c'est la possession.
    La possession de marijuana. Oui.
    Ensuite, nous pourrions aller de l'avant dans les cinq ans. Nous ne voulons pas que cette possibilité disparaisse.
    Oui.
    Monsieur Cudjoe.
    Cela peut fonctionner. Je dirais que dans ce cas, il est facile de faire imposer le fardeau sur la personne qui demande la suppression d'obtenir une copie de l'information pour montrer que c'est directement lié à la condamnation pou possession de marijuana.
    D'accord.
    Merci.
    Cela dit, je veux remercier les témoins de leur patience et de l'efficacité de leurs témoignages.
    Nous allons maintenant suspendre la séance et nous poursuivrons à huis clos pour discuter des travaux futurs du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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