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AFGH Rapport du Comité

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Honorer l’héritage du Canada en Afghanistan : Répondre à la crise humanitaire et amener les gens en lieu sûr

Introduction

Le 15 août 2021 s’est produite la chute du gouvernement et des forces de sécurité de la République islamique d’Afghanistan; un vent de panique s’est mis à souffler dans les rues du dernier territoire encore sous leur contrôle : Kaboul, la capitale. C’est grâce à leurs combattants armés que les talibans se sont à nouveau emparés du pouvoir. Ce sont ces mêmes talibans dont le régime répressif a horrifié le monde à la fin des années 1990 et qui ont donné refuge aux terroristes membres d’Al-Qaïda et auteurs de l’attentat du 11 septembre 2001. L’effondrement de la république a provoqué une onde de choc qui s’est fait sentir en Afghanistan et ailleurs dans le monde. Il a marqué aussi la fin soudaine d’efforts de près de 20 ans, qui ont nécessité la participation de centaines de milliers de soldats de la coalition internationale – dont plusieurs milliers y ont laissé leur vie ou ont été blessés –, ainsi que l’investissement de milliards de dollars dans la formation des forces de sécurité, la reconstruction et le développement[1]. Compte tenu de la dégradation de la situation sur le terrain, un pont aérien a été mis en place. De nombreuses personnes ont pu ainsi être secourues, malgré un contexte instable et des conditions dangereuses. Cependant, lorsque le dernier vol d’évacuation a décollé de Kaboul à la fin août 2021, il a laissé derrière lui des personnes qui avaient tenté – sous les encouragements de la coalition – de faire des avancées en matière de sécurité, de liberté, de développement des possibilités et de respect de la dignité dans leur pays. Le tableau qu’offre maintenant l’Afghanistan est celui d’un pays en situation de vulnérabilité; des millions de personnes essaient d’y échapper à la faim, à l’indigence et aux représailles.

L’Afghanistan n’est pas que le théâtre de l’une des nombreuses crises qui secouent des régions éloignées du monde; le Canada y a laissé sa marque. C’est pourquoi la prise de contrôle du pays par les talibans a suscité une profonde émotion au sein de la population canadienne et elle a aussi des répercussions sur la politique publique du Canada. Au plus fort de la mission canadienne, « quelque 2 950 militaires et plus de 120 civils canadiens avaient été déployés en Afghanistan[2] ». Au total, plus de 40 000 membres des Forces armées canadiennes (FAC) ont servi en Afghanistan entre décembre 2001 et mars 2014, dans le cadre d’opérations – à différents moments et avec différentes missions – à Kaboul et à Kandahar. Prises ensemble, les missions de lutte contre le terrorisme, de stabilisation, de combat, de soutien et d’instruction entreprises par le Canada ont représenté son plus important déploiement militaire depuis la Seconde Guerre mondiale, et 158 membres des FAC et un diplomate canadien ont perdu la vie en service[3]. Qui plus est, le Canada a versé quelque 3,8 milliards de dollars en aide internationale à l’Afghanistan depuis 2001[4].

Au cours des 20 années ou presque de partenariat international avec l’Afghanistan, de nombreux Afghans ont bénéficié d’un meilleur accès aux soins de santé et à l’éducation. Ils ont également pu participer aux efforts – aussi imparfaits et incomplets soient-ils – pour construire une démocratie en phase avec le reste du monde. Ce sont ces acquis qui sont aujourd’hui menacés.

Afin de tirer des enseignements des événements et de déterminer comment le Canada peut venir en aide aux Afghans qui ont travaillé aux côtés de milliers de membres des Forces armées canadiennes, de diplomates et de spécialistes du développement ayant servi le pays, la Chambre des communes a mis sur pied le Comité spécial sur l’Afghanistan (le Comité spécial) et l’a chargé

de tenir des audiences sur les événements relatifs à la chute de l’Afghanistan aux mains des talibans, y compris, sans s’y limiter, la planification d’urgence du gouvernement en prévision de ces événements et les efforts déployés par la suite pour procéder à l’évacuation ou autoriser par d’autres moyens l’entrée au Canada des citoyens canadiens ainsi que des interprètes, des entrepreneurs et des autres Afghans qui ont appuyé les Forces armées canadiennes ou d’autres organisations canadiennes, et que le Comité spécial mène ses travaux dans l’objectif premier d’évaluer les mesures d’aide humanitaire à mettre en place par le Canada pour porter secours au peuple afghan[5].

Le Comité spécial a reçu comme instruction de présenter un rapport final dans les six mois suivant sa création, le 8 décembre 2021.

Pour s’acquitter de ce mandat, le Comité spécial a pris acte des témoignages et des mémoires d’une multitude de personnes et d’organismes, notamment ceux qui tentent de répondre aux besoins humanitaires en Afghanistan. Il a entendu les histoires et les appels de gens aux familles et aux collègues qui se trouvent incapables de quitter le pays ou sont en situation précaire dans les pays limitrophes, ainsi que ceux des personnes qui tentent de leur porter secours. Le Comité spécial a également pris connaissance de la réponse du gouvernement préparée par Affaires mondiales Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, le ministère de la Défense nationale et les FAC.

Le présent rapport se divise en deux parties. La première partie, de nature rétrospective, traite de l’évacuation de Kaboul en août 2021 et les événements qui l’ont précédée, notamment les évaluations et les décisions. La deuxième partie, de nature prospective, explique la situation humanitaire en Afghanistan, les actions pour amener en lieu sûr les Afghans en danger ainsi que les obstacles rencontrés. La priorité accordée à ce pays durant une période de grande instabilité dans le monde s’inscrit dans les obligations qui découlent des années de présence du Canada sur le plan militaire et diplomatique et sur le plan du développement en Afghanistan et de l’immensité des besoins et des vulnérabilités du pays afghan.

Partie I : Rétrospective

Chute de l’Afghanistan aux mains des talibans

Le 14 avril 2021, le président Joe Biden a annoncé que les États-Unis entameraient dès le 1er mai 2021 le retrait définitif de leurs forces stationnées en Afghanistan, conformément à l’accord conclu avec les talibans à Doha (Qatar) le 29 février 2020 sous l’administration du président Donald Trump[6]. L’intervention d’octobre 2001 dans ce pays avait pour objectif « de veiller à ce que l’Afghanistan ne serve pas de base à partir de laquelle on attaquera à nouveau le territoire américain », un objectif que le président Biden a déclaré atteint. Les États-Unis ne pouvaient pas, a-t-il fait remarquer, « poursuivre le cycle de prolonger ou d’accroître leur présence militaire en Afghanistan, dans l’espoir de créer des conditions idéales pour le retrait, et de s’attendre à un résultat différent ». À la suite de consultations avec son administration ainsi qu’avec ses alliés et partenaires, le président Biden a conclu qu’il était « temps de mettre un terme à la plus longue guerre à laquelle l’Amérique a participé[7] ».

Après avoir déclaré qu’il n’existait « pas de solution militaire aux défis auxquels l’Afghanistan est confronté », les alliés de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ont annoncé le même jour qu’ils commenceraient eux aussi le retrait des forces de la mission Resolute Support le 1er mai 2021. Le retrait de l’OTAN devait s’achever « en quelques mois[8] ».

Même si la présence de troupes étrangères tirait à sa fin, on espérait quand même que le processus de paix entre Afghans aboutirait à un règlement. Les talibans s’étaient engagés, dans le cadre de l’accord de Doha, à entreprendre des pourparlers devant permettre de discuter d’un cessez-le-feu ainsi que d’une feuille de route politique pour le pays. Mais les négociations entre les représentants de la république afghane et les talibans, entamées en septembre 2020, n’ont pas donné de résultats concrets[9].

En mai 2021, les talibans ont intensifié leur offensive militaire contre le gouvernement afghan et ont agrandi peu à peu le territoire qu’ils contrôlaient. À la mi-juillet 2021, les talibans semblaient contrôler « environ la moitié des districts de l’Afghanistan, au moins six postes frontaliers internationaux avec leurs postes de douane générateurs de revenus, et de longs tronçons de route dans tout le pays[10] ».

La première capitale provinciale à tomber aux mains des talibans, le 6 août 2021, a été Zaranj, dans la province de Nimroz, à la frontière occidentale de l’Afghanistan avec l’Iran[11]. Le lendemain, les talibans ont pris le contrôle de leur première capitale dans le nord du pays, celle de la province de Jowzjan. Les 12 et 13 août 2021, les deuxième et troisième villes en importance au pays – Kandahar et Herat – sont tombées aux mains des talibans, de même que Lashkar Gah dans la province de Helmand. Avec la prise de Mazâr-e Charîf, les talibans ont entièrement repris le nord du pays[12]. Le 15 août 2021, le président afghan, Ashraf Ghani, s’est enfui par hélicoptère en Ouzbékistan avant de se réinstaller aux Émirats arabes unis[13]. Les forces talibanes sont alors entrées à Kaboul, occupant les immeubles gouvernementaux et le palais présidentiel. Au total, les talibans ont pris le contrôle de 33 des 34 capitales provinciales en 10 jours[14].

Le président Biden a maintenu l’échéance du 31 août 2021 pour mettre fin à la mission militaire des États-Unis en Afghanistan, qu’il avait annoncée le 8 juillet de la même année, en disant qu’il n’était pas prêt à poursuivre « une sortie éternelle ». La décision de mettre fin à l’opération de transport aérien militaire à cette date, a indiqué le président, faisait suite à une « recommandation unanime » de ses conseillers civils et militaires[15]. Le 26 août 2021, un membre de l’État islamique-Khorasan, un groupe terroriste qui rivalise avec les talibans pour le pouvoir et l’influence en Afghanistan, a fait exploser une veste-suicide à l’une des entrées de l’aéroport international Hamid-Karzaï (l’aéroport de Kaboul), tuant 13 soldats américains et environ 150 civils afghans[16]. Par ailleurs, il était entendu que la coopération tacite des talibans avec les forces de la coalition autour du périmètre de sécurité de l’aéroport cesserait le 1er septembre 2021. Au total, durant les 18 jours d’existence du pont aérien multinational qu’ils ont mis en place et défendu, les États-Unis ont effectué 387 sorties militaires et ont permis 391 sorties autres que par les forces américaines afin d’évacuer 124 334 personnes[17].

Opération canadienne d’évacuation des non-combattants

Lorsque l’évacuation est devenue incontournable, le Canada était dans une position différente de celle de certains de ses alliés, car il n’avait plus de mission militaire en Afghanistan depuis 2014. Le Canada n’avait donc pas de moyens militaires sur le terrain[18]. Les FAC ont reçu l’autorisation de soutenir les activités d’évacuation le 30 juillet 2021[19]. Essentiellement, cette mission complexe consistait, pour reprendre les mots du général Wayne D. Eyre, chef d’état‑major de la Défense, à projeter la puissance de combat « du Canada dans un environnement contesté à l’autre bout du monde, où nous n’avions pas de présence militaire depuis sept ans[20] ». Le Canada a pu le faire grâce à ses capacités de transport aérien stratégique et de communications, ainsi qu’à son réseau de partenaires et d’alliés et à son personnel intégré dans le monde entier[21]. Parmi les personnes que les FAC ont eu pour mission d’évacuer, y il avait des Canadiens et des personnes admissibles au Canada, ainsi que des interprètes qui ont collaboré avec les FAC et des Afghans qui avaient travaillé à l’ambassade du Canada au fil des ans[22]. Les vols nolisés militaires et civils ont commencé le 4 août 2021, mais ont été interrompus par la chute de Kaboul aux mains des talibans[23].

Le 15 août 2021, le gouvernement du Canada a annoncé la décision de « suspendre temporairement » ses activités diplomatiques à Kaboul. L’évolution rapide de la situation posait « d’importants défis » à la capacité du Canada d’assurer la sécurité de sa mission diplomatique. Les Canadiens encore présents en Afghanistan ont reçu la consigne de « partir immédiatement, tant que des vols commerciaux [étaient] offerts[24] ».

Les vols des FAC, qui avaient repris à l’aéroport de Kaboul le 19 août 2021, ont emprunté le « pont aérien » sous l’égide américaine, et le dernier vol a décollé le 26 août 2021. Le Canada et d’autres alliés devaient d’abord rapatrier leur personnel et leurs avions afin que les États-Unis puissent achever leur propre retrait et, enfin, cesser de défendre l’aéroport. L’honorable Anita Anand, ministre de la Défense nationale, a dit au Comité spécial que les membres du personnel canadien « sont restés aussi longtemps que possible, en dépit des risques non négligeables pour leur sécurité[25] ». Les conditions sur le terrain à Kaboul étaient, selon les FAC, « précaires, chaotiques et désespérées[26] ». Au total, le Canada a transporté environ 3 700 personnes évacuées ou facilité leur transport[27]. Ces personnes évacuées comprenaient « des citoyens canadiens et des résidents permanents, des membres de leur famille, des citoyens de pays alliés, des personnes ayant un lien durable avec le Canada et des ressortissants afghans à risque acceptés pour la réinstallation au Canada ou par [les alliés du Canada][28] ».

L’avis du gouvernement du Canada aux voyageurs sur l’Afghanistan indique maintenant qu’il est extrêmement dangereux de se déplacer en Afghanistan, même à Kaboul. Il y a, selon l’avis, des points de contrôle sur toutes les routes et dans toutes les villes. Qui plus est, certaines frontières sont fermées ou peuvent être fermées sans préavis. Le passage de la frontière est risqué[29].

Planification d’urgence et signes d’effondrement

Le Comité spécial a reçu des renseignements contradictoires sur la nature de la chute de Kaboul – et donc de l’Afghanistan – aux mains des talibans. De deux choses l’une : soit la situation de la politique et de la sécurité s’est effondrée, soit il s’agissait d’une surprise.

Reid Sirrs, ancien ambassadeur du Canada en Afghanistan, a déclaré au Comité spécial que l’« effondrement complet des forces afghanes et la prise de contrôle rapide de l’Afghanistan par les talibans ont été une surprise pour tout le monde[30] ». Jennifer Loten, directrice générale, Crime international et terrorisme, Affaires mondiales Canada (AMC), abondait dans le même sens. Selon elle, la rapidité avec laquelle le départ des Américains d’Afghanistan s’est transformé en une situation où les talibans étaient aux commandes a surpris le monde entier. Mme Loten a ajouté qu’à son avis, « aucun d’entre nous n’aurait prédit la chute de Kaboul en août [2021][31]. »

Étant donné que le Canada avait une présence limitée sur le terrain en Afghanistan, il a dû compter sur ses alliés pour « une grande partie » de ses activités de renseignement, selon le chef d’état-major de la Défense, le général Eyre[32]. Toujours selon lui, la situation s’est détériorée dès l’annonce du retrait des Américains. Comme il l’a dit, le 1er avril 2021, « nos services du renseignement ont déterminé que le gouvernement afghan allait sans doute subir une défaite, et au fil du temps, cette défaite est devenue de plus en plus imminente[33] ». Plus loin dans son intervention, le général Eyre a expliqué la nature de la défaite attendue, à savoir que « si les forces occidentales se retiraient, les talibans allaient probablement vaincre de façon décisive [les forces de sécurité et de défense nationale afghanes], capturer la plupart des grands centres urbains et reprendre le contrôle sur la plus grande partie de l’Afghanistan[34] ». Le 8 juillet 2021, les FAC ont évalué qu’il restait un « maximum » de six mois avant que ne se réalise cette éventualité. En même temps, le général Eyre a tenu à souligner que les évaluations des services de renseignements font état de probabilités et non de certitudes absolues[35].

Le Comité spécial a été mis au courant des grandes lignes de la planification d’urgence du gouvernement et de son évolution. L’honorable Harjit Sajjan, ayant pris la parole à titre d’ancien ministre de la Défense nationale (2015–2021), a indiqué qu’Affaires mondiales Canada avait transmis une demande d’aide de la part des FAC pour la sécurité du personnel de l’ambassade en Afghanistan. Cette demande – nécessaire pour permettre le déploiement de troupes – avait été approuvée « dès le début avril [2021][36] ». L’équipe consultative stratégique des FAC a été mise en place le 24 avril 2021 avec pour instruction d’émettre des avertissements et de donner des conseils au chef de mission du Canada – en l’occurrence l’ambassadeur – au sujet la sécurité de l’ambassade[37]. Le ministre Sajjan a déclaré que comme la situation dans le pays « s’est détériorée encore radicalement », l’équipe des FAC, dont les rangs avaient grossi, « a changé son système de soutien en vue de l’évacuation du plus grand nombre de personnes possible à ce moment‑là[38] ». Interrogé sur le choix du moment, le ministre Sajjan a répondu que le Canada avait « commencé l’évacuation dès que nous avions l’impression que la situation se détériorait[39] ».

L’ambassadeur Sirrs a donné d’autres détails sur la planification d’urgence du gouvernement et sur les principales évaluations qui ont renseigné la prise de décisions. Il fait la déclaration suivante :

Jusqu’à quelques jours avant la décision de suspendre temporairement les activités à l’ambassade, le Canada et la communauté internationale s’attendaient à des temps difficiles en août et en septembre, mais pas à une prise de contrôle complète de la capitale. En fait, nous nous attendions à ce que l’armée afghane défende la ville jusqu’à l’arrivée de l’hiver, ce qui laisserait le temps de poursuivre les négociations.
Dans cette optique, nous avons examiné les options permettant de maintenir une présence réduite tout au long de l’automne afin de poursuivre les programmes essentiels et de soutenir les éventuels efforts d’évacuation. Avec le soutien [de l]’équipe consultative spéciale des Forces armées canadiennes, nous avons été en mesure de mettre à jour continuellement nos concepts d’opération pour maintenir une présence dans le pays jusqu’à une suspension temporaire des opérations et la mise en œuvre d’une opération d’évacuation des non-combattants. Cette équipe a aussi joué un rôle déterminant au moment d’obtenir un espace dans le pont aérien qui est devenu un pont essentiel pour faire sortir un grand nombre de personnes de la capitale[40].

En ce qui concerne l’ampleur et le rythme des efforts d’évacuation déployés par le Canada avant l’effondrement de la république afghane, l’ambassadeur Sirrs a fait remarquer que la planification d’une politique spéciale sur les mesures d’immigration « remonte en fait au mois de mars [2021][41] ». Il a ajouté que les autorités de la république avaient « commencé à interdire l’accès à bord des avions aux personnes qui ne détenaient pas de passeport ou leur tazkira afghane, leur carte d’identité nationale[42] ». Selon lui, ces conditions témoignaient d’un contexte politique élargi alors que le président de la république afghane « ne voulait pas que les Afghans partent puisqu’il pensait qu’il y aurait un exode des cerveaux, et nous lui avons répondu qu’il fallait qu’une partie des cerveaux partent avec nous afin qu’ils puissent revenir et construire le pays plus tard[43] ». La ministre Anand a abondé dans le même sens, faisant remarquer que « l’ancien gouvernement afghan craignait qu’un exode de la population soit le signe d’un manque de confiance de la part de ses citoyens[44] ».

Avec le recul, les déclarations et informations livrées par d’autres témoins ont laissé entendre qu’on avait raté des signaux et gaspillé du temps précieux pour évacuer des gens alors qu’on disposait de davantage d’options.

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a été interrogé au sujet du plan d’urgence qu’il avait élaboré pour l’Afghanistan et la région, plan qu’il avait terminé en décembre 2020 et communiqué aux États membres – y compris au gouvernement du Canada – début 2021[45]. Le document disait que la situation en Afghanistan, « notamment la complexité du processus de paix et le retrait des forces internationales, ainsi que l’instabilité du contexte de sécurité ont donné lieu à une trajectoire imprévisible ». Le HCR se préparait à deux scénarios possibles. Le premier portait sur une augmentation des déplacements internes en raison de l’escalade du conflit, de l’instabilité politique et du blocage du processus de paix. Le deuxième scénario envisageait sur une intensification du conflit et l’effondrement du processus de paix, qui auraient pour effet de saturer la capacité d’absorption des collectivités, « entraînant des déplacements internes exponentiels et des départs d’Afghans cherchant une protection internationale dans les pays voisins[46] ».

Lorsqu’on lui a demandé si des mesures auraient dû être prises plus tôt, Stephen Peddle, ancien major et agent principal de renseignements des FAC, a répondu ce qui suit :

Dès que le président Donald Trump a annoncé au monde entier que les États-Unis allaient sortir d’Afghanistan, je pense que tout le monde en Afghanistan savait ce qui allait se produire. La question, c’était : quand? Puis, le président Biden a donné une date.
Le Canada a eu beaucoup d’occasions, bien avant juillet et août 2021, de faire venir au Canada tous les Afghans qui nous ont aidés. Nous savons qui ils sont. Le Canada n’a aucune excuse pour avoir attendu jusqu’à août 2021, alors que nous savions que l’Afghanistan allait tomber. Absolument rien ne justifie d’avoir attendu si longtemps[47].

Wazhma Frogh, fondatrice de l’Organisation des femmes et des études pour la paix de l’Afghanistan, a déclaré au Comité spécial que l’effondrement de la république afghane et la chute de Kaboul aux mains des talibans ne se sont pas produits du jour au lendemain. À son avis, « le début de la capitulation politique de l’Afghanistan » a commencé avant le 15 août 2020 lorsque l’accord a été conclu en 2020 entre les États-Unis et les talibans. L’accord de Doha a donné une légitimité aux talibans, dans la mesure où les représentants de la république afghane n’en sont même pas signataires. Toujours selon elle, c’est « à ce moment‑là que les choses ont commencé à se détériorer considérablement dans les communautés locales[48] ».

Le major-général (à la retraite) David Fraser a évoqué une lettre que des collègues et lui ont adressée au début du mois de juillet 2021 « aux ministres concernés pour leur demander de créer un pont pour évacuer les Afghans vulnérables[49] ». Selon lui, « [s]i trois généraux à la retraite, sans accès aux services du renseignement ont vu en juillet ce qui allait se produire, on ne peut douter qu’il aurait pu y avoir beaucoup plus de gens évacués de l’Afghanistan avant la chute de Kandahar, puis de Kaboul[50] ».

Il ne s’agit pas de la seule lettre envoyée ou du seul appel lancé. Wendy Long, directrice d’Afghan-Canadian Interpreters, s’est mise à envoyer des lettres dès novembre 2018 à l’honorable Ahmed Hussen, ministre de l’Immigration du Canada à l’époque. Elle a affirmé ceci au Comité spécial :

Alors que progressaient les pourparlers de paix à Doha, les demandes pour un processus d’immigration ont augmenté et d’anciens combattants ont commencé à exprimer des préoccupations pour les personnes laissées derrière. Certains d’entre eux ont dépensé des milliers de dollars pour tenter de faire venir des interprètes ici, en vain. Cela a fait augmenter leur anxiété[51].

Après avoir regroupé les fichiers d’Afghans ayant participé à la mission canadienne, l’organisation de Wendy Long ainsi que 15 autres groupes internationaux de défense ont envoyé le 1er juin 2021 une lettre ouverte au premier ministre Justin Trudeau, aux ministres d’alors – le ministre de l’Immigration Marco Mendicino, le ministre des Affaires étrangères Marc Garneau et le ministre de la Défense nationale Harjit Sajjan – ainsi qu’à des dirigeants de l’OTAN[52]. Dans leur lettre, ils les ont avertis qu’il ne restait plus beaucoup de temps pour protéger les alliés afghans de l’OTAN dans la région[53]. Les signataires ont également mentionné ce qui suit :

En l’absence de mesures coordonnées visant à garantir la protection des employés afghans sur place qui ont aidé ses États partenaires, l’OTAN risque de trahir sa propre promesse que « ce retrait se fera de manière méthodique, coordonnée et réfléchie[54] ».

Outre les personnes qui ont activement appuyé les missions militaires et diplomatiques, il y a une inquiétude grandissante pour les personnes associées au grand projet d’instaurer la démocratie et de faire avancer les droits des femmes. Cette inquiétude a été exprimée dans une lettre adressée au ministre Mendicino au nom de l’Afghan Women’s Organization Refugee and Immigrant Services. Asma Faizi, présidente de l’organisation, a expliqué que « des femmes parlementaires et militantes de l’intérieur de l’Afghanistan » lui ont dit être préoccupées par « la situation désastreuse dans laquelle elles se trouvaient[55] ». Dans cette lettre du 26 juillet 2021, elle presse le gouvernement du Canada de « prendre sans tarder des mesures qui protègent les femmes et les filles afghanes, car la situation s’est nettement aggravée depuis le retrait des forces militaires des États-Unis et de l’OTAN ». En outre, elle fait savoir que les talibans occupaient à nouveau plus de la moitié du pays et que les avancées réalisées ces 20 dernières années, en particulier celles propices aux femmes, se trouvaient maintenant en grand péril[56].

Évacuation des alliés afghans du Canada et processus connexe

Lors d’une réunion avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) tenue en juin 2021, l’organisation de Wendy Long a insisté

qu’il faut disposer de moyens rapides et efficaces de réaliser une évaluation initiale des gens, puis appliquer un processus plus exhaustif au Canada ou ailleurs, faisant remarquer que les gens n’avaient pas de temps ou d’argent pour obtenir un passeport s’ils n’en avaient pas déjà un. Nous avons donc recommandé un processus s’apparentant à celui utilisé pour les réfugiés. La plupart des demandeurs n’ayant pas accès à un ordinateur portable ou à une imprimante, le processus devrait s’effectuer au moyen d’un téléphone cellulaire, puisque toute autre méthode exposerait le demandeur au vol d’identité, à la fraude ou à la mort[57].

Les témoins ont néanmoins laissé entendre que le processus mis en place était complexe du point de vue administratif et logistique. Le programme spécial pour la réinstallation de ressortissants afghans aux liens durables avec le gouvernement du Canada a été annoncé le 23 juillet 2021[58]. Corey Shelson, qui a servi dans les FAC de 2002 à 2015 notamment à titre de commandant de troupes en génie de combat, a qualifié le processus d’admission de « bureaucratique ». D’après lui :

des formulaires pouvant être ouverts uniquement avec Adobe Acrobat Pro DC soient signés, numérisés et retournés, témoigne d’un manque de sensibilité envers la situation sur le terrain et fait courir des risques indus aux personnes touchées[59].

Par ailleurs, le gouvernement du Canada a envoyé ses premières communications à ce sujet sans les faire traduire en pachtou ou en dari, montrant ainsi le même « manque de sensibilité » que le recours au courriel, de l’avis de M. Shelson[60].

Stephen Peddle a abondé dans le même sens et a fait aussi l’observation suivante sur les risques encourus par les personnes tentant de fuir une zone de guerre :

Ces gens‑là, qui n’avaient pas accès à Internet à la maison, se trouvaient dans les provinces à l’extérieur de Kaboul. Pour accéder à Internet, ils devaient se rendre dans des cybercafés lesquels accueillaient assurément à ce moment‑là des talibans ou leurs sympathisants — pour remplir des formulaires où ils indiquaient comment ils avaient aidé le Canada à participer à la guerre contre les talibans, tout ça pour que leur demande d’immigration soit approuvée et qu’ils puissent éventuellement monter dans ces avions[61].

Même s’ils remplissaient tous les formulaires, les demandeurs ne connaissent pas les prochaines étapes. Décrivant l’expérience des proches de son ancien interprète, Stephen Peddle a déclaré :

Lorsqu’ils ont pu enfin se soumettre au processus de filtrage et se débrouiller pour se rendre jusqu’à Kaboul pour l’évacuation, on ne leur a fourni pour ainsi dire aucun détail sur ce qui allait se passer par la suite, le moment où des avions allaient partir et comment ils devaient s’y prendre pour être du voyage[62].

La famille tentait de se faufiler « entre les points de contrôle des talibans pour se rendre à Kaboul ». D’après M. Peddle, elle n’avait aucune indication, à son arrivée, sur « la marche à suivre pour se retrouver dans l’un de ces avions[63] ».

Corey Shelson a aussi expliqué les obstacles dus au « chaos » qui régnait aux environs de l’aéroport du Kaboul[64]. Selon son témoignage, le manque de communication directe entre les gens en fuite et les employés du gouvernement du Canada et des FAC déployés là-bas aux portes de l’aéroport semble avoir aggravé la situation. M. Shelson a invité les membres du Comité spécial à s’imaginer dans la situation suivante :

Imaginez que vous avez une femme et un enfant de deux ans, un autre de trois ans et un troisième de quatre ans. Vous recevez un appel à quatre heures du matin. La personne au bout du fil vous dit de faire vos bagages et de vous rendre à l’aéroport avec votre famille parce que votre avion à destination du Canada s’en vient. Vous prenez vos enfants, vous sautez dans un taxi et vous vous rendez jusqu’à l’aéroport, et là, vous attendez, longtemps, très longtemps[65].

Wendy Long a déclaré que le programme spécial du Canada pour les interprètes afghans et les personnes qui ont soutenu la mission canadienne en Afghanistan est « le plus généreux et le plus complet adopté parmi les pays membres de l’OTAN[66] ». Par contre, « pour bien des gens, le Canada avait accordé trop peu de temps pour faire le travail correctement ». La chute de l’Afghanistan aux mains des talibans le 15 août 2021 a mis « fin à tout espoir d’une évacuation rapide, mais ordonnée, et des milliers de gens sont encore une fois restés derrière[67] ».

Oliver Thorne, directeur général, Réseau de transition des vétérans, a fait preuve d’encore plus de franchise. D’après lui, le gouvernement du Canada « n’était pas prêt à réagir à l’effondrement du gouvernement afghan et à la crise humanitaire qui en a résulté. Il n’a donc pas pu faire mieux qu’annoncer hâtivement un programme d’immigration pour lequel IRCC n’était pas suffisamment préparé et pour lequel il n’avait pas le personnel nécessaire[68]. »

Rôles et responsabilités durant l’évacuation

AMC a confirmé au Comité spécial qu’il est le ministère responsable « des situations consulaires internationales et des urgences » comme celles qu’on a vues en Afghanistan. Ce ministère responsable est « établi en vertu de la loi canadienne[69] ». IRCC a le « mandat et les responsabilités en matière d’immigration » au Canada[70]. Le ministère de la Défense nationale et les FAC ont appuyé l’opération d’évacuation de Kaboul après qu’AMC et IRCC leur eurent demandé leur assistance le 27 juillet 2021[71].

Faisant référence à la période d’évacuation comme telle, Cindy Termorshuizen, sous‑ministre déléguée aux Affaires étrangères d’AMC, a qualifié la collaboration entre la Défense nationale, IRCC, et AMC d’« excellente[72] ». Il y avait au sein même du Centre de surveillance et d’intervention d’urgence d’AMC des représentants de la Défense nationale, des FAC et d’IRCC. Elle a ajouté que le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Marc Garneau, était informé « quotidiennement[73] ». Le général Eyre a mentionné également qu’il y avait des réunions quotidiennes des groupes de travail interministériels qui se tenaient au niveau des sous-ministres adjoints à ce moment-là, ainsi que des réunions des sous-ministres et du chef d’état‑major de la Défense qui avaient lieu environ tous les deux jours[74].

Malgré cela, ce qui s’est passé en Afghanistan n’était pas une urgence consulaire habituelle. La situation présentait des difficultés particulières qui ont nécessité l’évacuation de milliers de non-Canadiens vulnérables dans un pays enclavé qui était aux prises avec un conflit actif et sur le point d’être repris par des acteurs hostiles – les talibans. Parlant de manière générale des défis posés en Afghanistan, l’honorable Sean Fraser, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, a reconnu que « les programmes de réinstallation ordinaires et permanents des réfugiés ne sont pas particulièrement bien conçus pour répondre aux crises en temps réel[75] ».

Selon les déclarations d’autres témoins, le nombre d’entités gouvernementales du Canada appelées à intervenir face à la détérioration de la situation en Afghanistan et les discordances entre leurs responsabilités respectives ont aggravé les difficultés dans ce qui était déjà dans une situation extrêmement pénible. Wendy Long a dit : « Il n’y a pas eu de partenariat efficace. » Selon elle, les FAC, IRCC et AMC « n’ont pas vu cela comme une mission à laquelle elles devaient toutes participer dans le but de faire revenir nos ressortissants au Canada[76] ».

Corey Shelson a expliqué en détail sa compréhension des diverses sphères de responsabilités ministérielles quant à l’évacuation :

C’est IRCC qui traitait les demandes et qui communiquait avec les gens par courriel pour leur dire de se rendre à l’aéroport. À ma connaissance, ce sont les Forces canadiennes qui étaient postées aux portes, et c’est Affaires mondiales Canada qui décidait qui était autorisé à entrer. Il y avait donc trois ministères qui ne se parlaient pas entre eux. Des gens ont reçu le message de se rendre à l’aéroport, mais quand ils sont arrivés, Affaires mondiales les a empêchés d’entrer parce que le nom de certains membres du groupe ne figurait pas sur un visa. IRCC ne communiquait pas avec Affaires mondiales, et les Forces armées canadiennes [...] J’ai parlé à plusieurs députés, y compris M. Mendicino. Ils m’ont dit que la décision revenait aux membres des Forces armées canadiennes postés à la porte. Ce n’est pas arrivé une fois. Si un nom ne figurait pas sur une liste d’Affaires mondiales Canada, la personne n’entrait pas[77].

Lorsqu’on lui a demandé si le Canada avait évacué des Afghans qui avaient réussi à se faufiler par l’une des portes de l’aéroport, mais qui ne figuraient pas sur une liste d’AMC ou d’IRCC, le général Eyre a répondu que oui. Il a ajouté que les membres du personnel des FAC sur le terrain « ont parfois décidé d’embarquer des Afghans qui ne figuraient pas sur la liste parce qu’ils faisaient partie d’une communauté vulnérable ou parce qu’il y avait tout lieu de croire qu’ils avaient effectivement un lien avec le Canada[78] ». Pourtant, on a signalé beaucoup de cas de familles séparées. Certains Afghans n’ont pas pris un vol d’évacuation parce que leur conjoint ou un de leurs enfants ne figurait pas sur les listes.

L’ambassadeur Sirrs a évoqué les renseignements reçus le 12 août 2021 qui l’ont poussé à fermer l’ambassade trois jours plus tard. Ces renseignements lui ont donné « à penser que la sécurité de l’ambassade et de toutes les personnes qui travaillaient dans son enceinte était menacée par une attaque des talibans[79] ». Une « équipe consulaire spéciale » a été déployée à l’aéroport de Kaboul quelques jours après la fermeture de l’ambassade afin d’aider l’évacuation générale[80]. L’ambassadeur Sirrs a néanmoins admis que la pression à l’aéroport – alors l’unique porte de sortie du pays – était si élevée que le Canada n’aurait pas pu « augmenter le volume[81] ». Décrivant les opérations entourant le pont aérien sous l’égide des États-Unis, il a déclaré que le « Canada avait un nombre limité de plages horaires pour faire venir des avions, les remplir et évacuer les gens[82] ». Le Comité spécial a appris que le Canada avait obtenu un créneau d’évacuation par jour[83].

David Lavery, sous-officier des FAC à la retraite qui a travaillé sous les ordres du Département de la sûreté et de la sécurité de l’ONU et qui est ensuite allé dans le secteur privé, s’est montré plus critique à propos des responsabilités de l’ambassade. Il a accepté en début de juillet 2021 de travailler à Kaboul pour le compte de plusieurs organisations de bénévoles et d’anciens combattants qui ont témoigné devant le Comité spécial. Son équipe offrait du soutien et des mises à jour à AMC, à IRCC et aux FAC, qui suscitaient « une réponse et un intérêt tièdes ou nuls ». M. Lavery a par ailleurs laissé entendre que l’« absence de l’ambassadeur et de son équipe a eu une incidence grave sur la capacité d’évacuer les demandeurs canado-afghans et leurs familles[84] ».

Ce point de vue est partagé par le major-général (à la retraite) Dean Milner, le dernier commandant du Canada à Kandahar et le commandant de la grande mission militaire du Canada en Afghanistan qui a pris fin en 2014. À son avis, « [l]a fermeture de l’ambassade a été beaucoup trop hâtive, au point où c’en était embarrassant[85] ». De façon plus générale, le major‑général (à la retraite) Milner estime que l’absence à la fois d’un « leadership clair » au sein du gouvernement et d’un « plan bien établi » guidant les efforts nous a conduits « à évacuer qu’à peu près 15 à 17 % de ces interprètes indispensables qui ont travaillé à nos côtés[86] ».

Le major-général (à la retraite) David Fraser a aussi souligné l’importance de donner des directives claires sur la prise de décisions et la coordination. Durant et après l’évacuation, ses collègues et lui-même ont exhorté le gouvernement « à créer un groupe de travail interministériel sous l’autorité d’un seul chef ». Selon lui, il est nécessaire d’avoir « un ministre » investi du « pouvoir et de la responsabilité prééminents » nécessaires pour la gestion des besoins des divers ministères qui s’emploient à ramener les gens en sécurité[87].

Observations et recommandations du Comité spécial

Comme il était impossible de prédire avec certitude le moment exact où l’ascension des talibans allait devenir inévitable, le Comité spécial est d’avis qu’il fallait adopter la plus grande prudence, et donc une approche davantage préventive, en réponse à la situation clairement périclitante en Afghanistan. Les témoins ont insisté sur les risques auxquels les gens associés à la coalition internationale étaient exposés. Vu l’histoire des talibans et leur longue campagne contre les forces de la coalition et de la république afghane, ces risques étaient connus. Le Comité spécial est conscient des difficultés et du danger encouru pour assurer le pont aérien depuis Kaboul, et il tient à féliciter ceux grâce à qui cela a été possible. En même temps, il croit que, bien avant le 15 août 2021, les risques auraient dû susciter un plus grand sentiment d’urgence et donner lieu à une stratégie et une planification plus systématiques au sein du gouvernement du Canada, afin d’aider les gens à se mettre en sécurité avant qu’il ne soit beaucoup plus difficile de le faire.

En ce qui concerne l’appareil gouvernemental canadien, la présente étude a révélé que le Canada a la capacité d’agir et les systèmes nécessaires pour coordonner les efforts lorsqu’une situation dégénère en véritable crise. Cependant, ce qui est ressorti moins clairement, c’est de savoir si le gouvernement a l’équipement, les structures et le mandat pour agir de manière aussi cohérente et opportune dans des situations qui nécessitent de faire preuve de prévoyance et de mener des actions sur de plus longues périodes, avant que le pire scénario ne se réalise. Une telle approche, comme celle préconisée pour l’Afghanistan, exige non seulement l’échange d’informations entre les ministères et l’exploitation de la mémoire institutionnelle, mais aussi un leadership et un processus décisionnel clairs pour tous les aspects de la réponse du Canada. Pour reprendre les mots de Warda Meighen, partenaire, Landings LLP, « [n]ous devons être prêts avant que la situation ne l’exige[88] ».

Certains ministères auraient mené un exercice interne sur les leçons à retenir ou un examen après coup[89]. Toutefois, les résultats de ces exercices n’ont pas été communiqués au Comité spécial, et rien ne disait qu’un examen officiel, complet et pangouvernemental avait été effectué[90]. Comme on l’a dit, l’Afghanistan a été le théâtre du plus grand déploiement militaire du Canada depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est aussi dans ce pays que le Canada a apporté sa contribution directe la plus importante à un effort d’édification et de développement d’un État fragile. Étant donné cet engagement et l’angoisse que le retour au pouvoir des talibans a suscitée chez tant de personnes, le Comité spécial estime que ce qui s’est passé en Afghanistan doit faire l’objet d’un examen complet et que l’on doit adopter des pratiques exemplaires pour l’avenir l’avenir; les conclusions de cet examen doivent être rendues publiques. Ceci devrait être traité avec le plus grand soin par le gouvernement du Canada et avec la plus grande franchise possible.

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada revoie son examen pangouvernemental des leçons apprises en Afghanistan, afin de s’assurer que cet examen porte sur tous les aspects du bilan du gouvernement en Afghanistan de février 2020 à aujourd’hui, notamment pour ce qui est de son plan d’intervention ainsi que des informations et évaluations qui ont guidé ses plans et décisions, et intègre toutes les analyses ministérielles « après action » qui ont été réalisées, ainsi que les conclusions et les recommandations de cette étude. De plus, que le gouvernement du Canada, tout en s’assurant du respect des exigences en matière de cote de sécurité, transmette les résultats complets de son examen à tous les ministères et organismes concernés, et qu’il résume les principales constatations de son examen dans sa réponse au rapport du Comité spécial.

Recommandation 2

Que, lorsque des signes montrent l’émergence d’une crise dans un pays où les intérêts du Canada sont compromis, le gouvernement du Canada établisse rapidement une structure interministérielle pour la coordination, la communication et la planification ainsi que pour un leadership et une prise de décisions simplifiés, avec une personne responsable, afin de fournir une réponse cohérente et opportune. Que, pour faciliter de tels efforts de gestion de crise dans le futur, le gouvernement du Canada confirme les attributions de chaque ministère et ministre, ainsi que la forme que devrait prendre la participation des gouvernements alliés et partenaires ainsi que des acteurs non gouvernementaux. À moins que le premier ministre n’en décide autrement, ce sont le ministre des Affaires étrangères et Affaires mondiales Canada qui sont responsables des opérations d’évacuation.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada crée un mécanisme d’urgence prêt à être déployé en cas de crises humanitaires futures qui permette au ministre d’activer rapidement, et selon les besoins, différentes mesures telles que la levée des exigences des données biométriques, la mise en place de visas spéciaux, la mise sur pied de programmes de parrainage de réfugiés et l’instauration de passerelles aériennes.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada prenne les dispositions nécessaires pour affecter davantage de ressources aux ambassades et ministères concernés et réaffecter les employés de ces ministères en fonction des besoins, lorsqu’il y a détérioration de la situation dans un pays où les intérêts du Canada sont compromis.

Partie II : Aujourd’hui et à l’avenir

Besoins humanitaires en Afghanistan

Même si les besoins dans leur pays se sont considérablement multipliés depuis août 2021, les Afghans connaissaient déjà des épreuves et vulnérabilités avant l’effondrement de leur gouvernement qui bénéficiait de l’appui de la communauté internationale. Ce contexte a été expliqué par Asma Faizi :

Les Afghans se trouvent au carrefour de quatre décennies de guerre, d’instabilité politique et économique, de corruption, de violations généralisées des droits de la personne, d’une pandémie, de quatre années consécutives de sécheresse et d’un hiver rigoureux[91].

Dans ce contexte, les femmes et les enfants se trouvent généralement « en première ligne et sont touchés de façon disproportionnée[92] ».

L’effondrement du gouvernement a provoqué la suspension de l’aide internationale dispensée par les donateurs bilatéraux et multilatéraux ainsi que par les banques de développement[93]. L’État et l’économie de l’Afghanistan dépendent énormément de ces entrées d’argent. La Banque mondiale a déterminé que l’économie afghane se caractérisait par « sa fragilité et sa dépendance à l’aide[94] ». Les subventions finançaient quelque 75 % des dépenses publiques et représentaient environ 45 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Afghanistan en 2020[95]. Le retour abrupt des talibans au pouvoir s’est soldé par le gel des réserves monétaires de l’Afghanistan à l’étranger[96] et un important repli économique concomitant, car le pays a essentiellement été coupé du réseau bancaire et des systèmes de paiement internationaux. En effet, les talibans font depuis longtemps l’objet de sanctions à cause du terrorisme.

Le pays connaît donc « un quasi-effondrement économique et institutionnel, notamment une incapacité à fournir la plupart des services de base et à payer les salaires de ses fonctionnaires[97] ». Pour les Afghans, la situation se traduit par une hausse des prix, la disparition d’emplois et l’épuisement des ressources des ménages[98]. La crise, selon la formule d’Asma Faizi, est « alimentée à la fois par l’absence de réaction de la communauté internationale et par l’incapacité des talibans d’être un gouvernement inclusif et représentatif pour tout leur peuple[99] ».

Lorsque le Comité spécial a commencé son étude, le Programme alimentaire mondial avait indiqué que près de la moitié des Afghans – quelque 23 millions de personnes – faisaient face à une insécurité alimentaire aiguë[100] « dans les 34 provinces ». Qui plus est, « les habitants des villes souffr[ai]ent d’insécurité alimentaire à des taux semblables à ceux des collectivités rurales » pour la première fois[101]. Pour la période allant de mars à mai 2022, on estime que 19,7 millions de personnes, en Afghanistan, étaient toujours aux prises avec des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë. Cette diminution par rapport aux mois précédents est principalement attribuable à l’augmentation significative de l’aide alimentaire envoyée dans le pays[102].

Pour résumer l’ampleur de la situation, John Aylieff, directeur régional de l’Asie et du Pacifique, Programme alimentaire mondial, a fait la déclaration suivante : « Aujourd’hui, des millions de personnes en Afghanistan — de jeunes enfants, des familles et des communautés — sont au bord du précipice d’une faim et d’une indigence inhumaines[103]. » Parmi les 23 millions de personnes qui avaient besoin d’aide alimentaire, près de 9 millions étaient « à deux doigts de la famine », tandis que près de 1 million d’enfants « risqu[ai]ent de périr cette année des suites de malnutrition aiguë[104] ».

Outre la grave insécurité alimentaire, le réseau de la santé afghan est mis à rude épreuve. George Varughese, conseiller principal, Aide humanitaire et développement, Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, a dit qu’il y a « de graves pénuries de fournitures médicales, de combustible pour chauffer les hôpitaux et de nourriture, et [que] l’argent manque pour payer le personnel ». Ces pénuries apparaissent au moment même où le réseau de la santé afghan « affronte cinq épidémies : la diarrhée aqueuse aiguë, la rougeole, la polio, le paludisme et la COVID‑19[105] ».

Jason Nickerson, représentant humanitaire au Canada de Médecins Sans Frontières, a parlé de ces pénuries et de ces épreuves de façon concrète. Il a cité en exemple le cas d’un médecin, sans salaire depuis cinq mois, qui a dû procéder à une césarienne dans un hôpital public en Afghanistan sous la lumière d’un téléphone cellulaire, parce que « l’hôpital ne peut plus payer le carburant de la génératrice[106] ». De l’avis de M. Nickerson, « [l]es récentes annonces de financement laissent toujours le système de santé avec beaucoup moins d’argent qu’auparavant et les fonds ne vont pas suffire pour améliorer un système de santé qui était déjà en déroute[107] ».

L’inégalité entre les hommes et les femmes perdure en Afghanistan. En 2020, avant la prise de pouvoir par les talibans, le pays se classait au 169e rang de l’Indice d’inégalités de genre du Programme des Nations Unies pour le Développement, qui recense 189 pays. L’un des signes de cette inégalité tient au fait que « [l]es femmes afghanes étaient plus susceptibles que les hommes afghans d’être en situation d’insécurité alimentaire grave, surtout les femmes monoparentales (71,5 % contre 61,2 %)[108] ».

« Aujourd’hui, des millions de personnes en Afghanistan — de jeunes enfants, des familles et des communautés — sont au bord du précipice d’une faim et d’une indigence inhumaines. »

John Aylieff, directeur régional de l’Asie et du Pacifique, Programme alimentaire mondial

Les vulnérabilités des femmes et des filles s’aggravent. En effet, M. Varughese s’inquiétait que « l’inégalité entre les sexes continue de façonner la crise humanitaire[109] ». D’autres témoins partageaient cette inquiétude. Parmi les 3,4 millions de personnes déplacées en Afghanistan, environ 80 % sont des femmes et des enfants[110]. Un autre indicateur que les vulnérabilités s’aggravent tient au fait que « près de 100 % des ménages dirigés par une femme ont déclaré ne pas pouvoir se nourrir suffisamment » en février 2022[111]. On estime par ailleurs que 60 % des 4 millions d’enfants afghans qui ne vont pas à l’école sont des filles. Pire encore, ces enfants font face à d’autres risques comme le mariage et le travail, voire la traite de personnes[112].

Nombre de personnes en Afghanistan vivent aussi avec un certain niveau de handicap, et les obstacles affrontés sont « amplifiés pour les femmes et les filles[113] ». Mines Action Canada a fait observer que, pour les personnes handicapées « qui craignent pour leur vie, les routes difficiles pour quitter le pays sont impraticables sans assistance ». De surcroît, ces personnes déjà plus susceptibles de vivre dans la pauvreté ont perdu leurs prestations mensuelles du gouvernement[114].

Dans une économie « asphyxiée[115] », d’aucuns sont forcés de faire des choix impossibles et de prendre des décisions terribles. On rapporte des cas de « familles qui vendent leurs filles en vue d’un futur mariage[116] ». Dr Sima Samar, ancienne présidente de la Commission afghane indépendante des droits de l’homme, a invité le Comité spécial à imaginer tout le désespoir qui pousse quelqu’un à vendre ses enfants ou ses organes pour nourrir le reste de sa famille[117].

Activités pour privilégier et rejoindre les personnes les plus vulnérables

Avec l’appui de ses partenaires, le système onusien a lancé un appel pour rejoindre 22,1 millions des 24,4 millions de personnes en Afghanistan qui devraient avoir besoin d’aide cette année. D’après le plan d’intervention humanitaire des Nations Unies, il faudra recueillir 4,44 milliards de dollars américains auprès de donateurs. Il s’agit du plus grand appel jamais lancé pour un seul pays par le système onusien[118]. Quelque 2,4 milliards de dollars américains ont été promis à la manifestation de haut niveau pour les annonces de contributions[119], et en date du 23 mai 2022, environ 30 % (ou 1,34 milliard de dollars américains) avaient réellement été récoltés[120].

Le gouvernement du Canada a accordé 47,1 millions de dollars en aide humanitaire pour l’Afghanistan et les pays voisins en 2021, ainsi que 94,2 millions de dollars additionnels en mars 2022[121]. L’honorable Harjit Sajjan, ministre du Développement international, a déclaré au Comité spécial que la « réponse humanitaire depuis le mois d’août [2021] est la plus généreuse jamais offerte à ce jour par le Canada à l’Afghanistan[122] ». Même si la moitié de son aide humanitaire a été versée au Programme alimentaire mondial, le Canada finance également des programmes administrés par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, par l’Organisation internationale pour les migrations et par le Comité international de la Croix‑Rouge.

Les organisations internationales qui ont comparu devant le Comité spécial ont souligné que l’aide humanitaire est bien acheminée au peuple afghan. John Aylieff a affirmé que le Programme alimentaire mondial a « insisté depuis le tout début sur l’indépendance complète de [ses] actions ». Cette aide, « fondée sur une évaluation indépendante des besoins », est réservée à ses partenaires de mise en œuvre. Des superviseurs, a fait remarquer M. Aylieff, sont présents « à chaque distribution ». Cette façon de faire permet au Programme alimentaire mondial de conserver son « indépendance opérationnelle » et de respecter ses principes humanitaires[123].

La reddition de comptes a également été abordée par Patrick Hamilton, chef de la délégation régionale, États-Unis et Canada, Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Son organisation soutient 28 hôpitaux provinciaux en Afghanistan, notamment « le paiement des salaires, des coûts de fonctionnement et des fournitures médicales[124] ». D’après M. Hamilton, le CICR a signé avec les nouvelles autorités sanitaires afghanes un protocole d’entente qui apporte une précision : le financement, qui ne passera pas le ministère de la Santé, servira à payer directement le salaire du personnel hospitalier. Même s’il dispose de ses propres mécanismes de contrôle, le CICR a aussi « retenu les services d’une entreprise germano-néerlandaise » chargée de vérifier que les fonds du programme « vont directement aux destinataires visés[125] ». Même si les membres du CICR sont « très conscients de l’importance d’éviter d’enfreindre les différentes mesures législatives antiterroristes » en vigueur, M.  Hamilton a fait remarquer que, dans les circonstances, ils sont forcés de traiter avec les autorités de facto (les talibans) pour obtenir l’accès aux personnes que le CIRC cherche à aider et à protéger[126].

De l’avis de Lauryn Oates, directrice générale de Femmes canadiennes pour les femmes en Afghanistan, une intervention dans une crise humanitaire aux importantes implications pour les droits de la personne nécessite de « respecter l’équilibre délicat entre une aide significative sur le terrain et la non-reconnaissance d’un régime illégitime et fondé sur une idéologie violente et nihiliste ». Mme Oates estime que « [l]e Canada doit, en tout temps, exiger que les droits des femmes soient respectés[127] ».

Dans le même ordre d’idées, Khalidha Nasiri, directrice générale de l’Afghan Youth Engagement and Development Initiative, a recommandé que le Canada investisse davantage « dans les organismes d’aide humanitaire qui ont vocation d’aider les femmes et les filles ». Comme un appauvrissement massif est envisageable, il faut accorder la priorité aux personnes « les plus menacées[128] ». Barbara Grantham, présidente-directrice générale de CARE Canada, a insisté sur le fait que « le leadership des Afghanes est essentiel à la prestation de l’aide humanitaire, en particulier dans les communautés marginalisées, et il doit être prioritaire dans les efforts d’intervention[129] ».

Selon les témoins entendus au début de 2022, les organismes humanitaires internationaux sont présents partout en Afghanistan. Le Programme alimentaire mondial a fait part de son « accès sans entraves » dans les 34 provinces afghanes[130]. Martine Flokstra, gestionnaire des opérations, Médecins Sans Frontières, a indiqué que la situation était « très fluide », mais que les conditions de sécurité permettaient tout de même à son organisation de poursuivre ses activités « plus facilement qu’avant le transfert de pouvoir[131] ». Manuel Fontaine, directeur, Programmes des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a lui aussi fait état que, malgré quelques divergences à l’échelon régional, le personnel de l’UNICEF a trouvé qu’il était plus facile de se « déplacer, d’évaluer les besoins et de voir la réalité des besoins sur le terrain[132] ». Il a néanmoins averti que la situation « pourrait se détériorer rapidement[133] ».

Le personnel féminin du Programme alimentaire mondial est certes « de retour au travail sans condition », mais quelques employées ont exigé d’être « escortées par un homme dans certaines régions », comme avant la reprise du pouvoir par les talibans[134]. Environ 95 % des employées du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sont aussi « de retour et font partie intégrante de l’équipe sur le terrain qui fait des évaluations et approche les collectivités pour se pencher sur leurs besoins[135] ». Barbara Grantham a cependant fait la déclaration suivante sur les conditions avec lesquelles doivent composer les organisations non gouvernementales (ONG) dirigées par des femmes en Afghanistan : « Bien qu’elle soit possible dans certaines provinces, la participation du personnel humanitaire féminin demeure limitée, ce qui risque de marginaliser encore davantage les femmes et les filles[136]. »

L’aide humanitaire est censée être acheminée à la population en fonction des besoins. Dr Sima Samar a cependant signalé dans un rapport que certains districts d’Hazara « en reçoivent très peu, parce que les ONG dirigées par des Hazaras n’ont pas été incluses dans le processus de distribution[137] ».

Observations et recommandations du Comité spécial

Après avoir étudié les vulnérabilités expliquées ci-dessus, le Comité spécial prend acte de la demande de 10 organisations humanitaires canadiennes. Celles-ci prient le Canada de veiller à ce que « l’augmentation des engagements en 2022 reflète la montée en flèche spectaculaire des besoins » en Afghanistan[138]. Le Comité spécial est d’autant plus conscient que, abstraction faite des efforts de déplacement et de réinstallation, la priorité reste que « des dizaines de millions d’Afghans resteront dans le pays indéfiniment[139] » pour reprendre les mots de Khalil Shariff, directeur général de la Fondation Aga Khan Canada.

Le Comité spécial sait également que l’aide humanitaire sert à donner une protection fondamentale et à soulager la souffrance et qu’elle ne peut donc pas faire office d’économie fonctionnelle. En conséquence, le Comité spécial tient compte du portrait que Patrick Hamilton a dressé de la situation : « [L]a paralysie économique et l’absence totale de liquidités sur le marché afghan » se trouvent au cœur de la « catastrophe[140] » planant sur la population afghane. Aussi décevante cette conclusion soit-elle, les causes complexes de cette paralysie économique ne pourront certainement pas se régler rapidement ni facilement. Il était encore inédit qu’une entité terroriste désignée contrôle tout un appareil étatique auparavant largement soutenu par l’aide internationale. Tous ces aspects complexes relèvent de la communauté internationale, mais il faut tout de même satisfaire les besoins fondamentaux et faire respecter les principes humanitaires.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada avise Affaires mondiales Canada de s’assurer de verser au moins la juste part du financement canadien dans le cadre des appels humanitaires des Nations Unies pour l’Afghanistan et de le bonifier dans l’éventualité d’une hausse sensible des besoins.

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre de son intervention dans la crise humanitaire en Afghanistan, s’assure qu’Affaires mondiales Canada appuie des organisations fiables qui font surtout œuvre utile auprès des populations vulnérables et veille au bon acheminement de son aide humanitaire directement aux personnes les plus vulnérables d’Afghanistan – peu importe leur âge, leur situation de handicap, leur genre, leur ethnie et leur religion – en fonction des besoins.

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Affaires mondiales Canada poursuive sa surveillance de l’environnement humanitaire en Afghanistan et prenne des mesures de concert avec ses partenaires pour répondre aux signalements crédibles d’entraves à l’aide humanitaire et de décisions prises par les autorités de facto de restreindre l’importance des femmes dans l’action humanitaire ou dans les services et soutiens qu’elles donnent.

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada travaille de concert avec ses alliés et les institutions financières internationales afin de contribuer à la stabilité économique de l’Afghanistan dans le cadre d’une stratégie d’aide au peuple afghan.

Conséquences des sanctions pour l’acheminement de l’aide

Les organisations humanitaires canadiennes qui ont comparu devant le Comité spécial ont réclamé de toute urgence que le gouvernement du Canada donne des précisions et des assurances à l’égard de ses sanctions et de ses lois et règlements contre le financement du terrorisme. Faute de quoi, elles ne pourront pas exercer leurs activités en Afghanistan.

Depuis des années, le Conseil de sécurité des Nations Unies impose des sanctions (gel d’avoirs et interdictions de voyager) contre des personnes et des entités associées aux talibans[141]. Depuis le 15 août 2021, une grande incertitude entoure les opérations, les interactions et les activités liées à l’Afghanistan qui deviendraient autorisées[142].

Le 22 décembre 2021, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unis (ONU) a décidé, par le biais de la résolution 2615 – dont la rédaction a été menée par les États‑Unis – que « l’aide humanitaire et les autres activités qui visent à répondre aux besoins essentiels des personnes en Afghanistan » ne violent pas le régime de sanctions du Conseil[143]. Ce dernier a également précisé que « le traitement et le versement de fonds, la remise d’autres avoirs financiers ou ressources économiques, et la fourniture de biens et de services nécessaires à l’acheminement de cette aide en temps voulu ou au soutien de ces activités sont autorisés[144] ». Nonobstant cette exception humanitaire, le Conseil a également vivement encouragé les acteurs concernés « à faire tout ce qu’ils peuvent raisonnablement pour que les avantages […] soient réduits », que ce soit à la suite d’une fourniture directe de l’aide ou d’un détournement, pour des personnes ou entités inscrites sur la Liste relative aux sanctions[145].

John Aylieff, du Programme alimentaire mondial, a fait la déclaration suivante au Comité spécial :

Grâce en très grande partie à l’exemption au régime de sanctions accordée par le Conseil de sécurité de l’ONU, nous avons maintenant la possibilité d’accomplir notre travail, et c’est vraiment tout ce qu’il nous fallait : la possibilité de travailler dans un contexte où même le paiement des factures de services publics pour nos bureaux, par exemple, pouvait être considéré comme une violation du régime de sanctions[146].

En somme, l’exemption au régime de sanctions est « capitale[147] ».

Pourtant, Michael Messenger, président et chef de la direction de Vision mondiale Canada, a soutenu que le Canada « n’est pas au diapason[148] ». En effet, le Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur le Taliban, EIIL (Daech) et Al-Qaïda du Canada a été modifié pour la dernière fois en 2020 et ne s’harmonise donc pas avec la résolution 2615 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies[149].

Le Règlement interdit à quiconque de fournir ou d’acquérir des biens ou des services financiers à toute personne ou entité liée aux talibans, ou encore d’en tirer profit[150]. La Croix-Rouge canadienne a fait observer qu’il a été « rédigé à un moment où les talibans étaient un groupe armé non étatique, et non le gouvernement qui régit l’Afghanistan, comme c’est le cas actuellement[151] ». Le Règlement comporte par ailleurs une disposition sur la délivrance d’une attestation de dérogation[152], qui est essentielle si le Conseil de sécurité n’a pas l’intention d’interdire une activité en question[153]. La Croix-Rouge canadienne a cependant soutenu que la disposition sur la dérogation « ne concerne pas précisément l’action humanitaire » et que « le processus de demande peut être long et même, ne pas aboutir[154] ». Par ailleurs, la disposition « ne permet pas […] d’atténuer le risque en vertu d’autres exigences juridiques, telles que la législation canadienne sur les organismes de bienfaisance et le Code criminel du Canada[155] ».

Les talibans et le réseau affilié Haqqani ont été inscrits en 2013 sur la liste des entités terroristes en application du Code criminel du Canada[156]. Les témoins qui ont comparu devant le Comité spécial ont attiré l’attention sur les restrictions découlant de l’alinéa 83.03b) du Code criminel, en vertu duquel est coupable d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, directement ou non, réunit des biens ou fournit ou invite une autre personne à le faire ou rend disponibles des biens ou des services financiers ou connexes « en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou en partie, par un groupe terroriste ou qu’ils bénéficieront, en tout ou en partie, à celui‑ci[157] ».

Dans un mémoire conjoint, 10 organisations humanitaires canadiennes ont indiqué au Comité spécial ce qui suit :

Selon l’interprétation initiale qu’a faite Affaires mondiales Canada de cette disposition, il serait fondé d’interdire aux organismes canadiens d’utiliser des fonds canadiens (qu’il s’agisse d’une aide gouvernementale ou non) pour couvrir, directement ou indirectement, les dépenses ordinaires ou accessoires liées au travail humanitaire, notamment les taxes sur l’habitation, les salaires ou encore les frais des fournisseurs ou des importations en Afghanistan, puisque les talibans sont perçus comme formant le gouvernement de facto[158].

Cet avis semble avoir été confirmé par l’honorable Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères. Selon elle, le libellé et l’interprétation des dispositions du Code criminel pertinentes qui ont été rédigées dans la foulée des attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont créé des conditions impossibles qui empêchent les organismes d’acheminer toute forme d’aide indirecte aux talibans[159].

Les 10 organisations humanitaires canadiennes ont en outre souligné, en ce qui concerne les activités en Afghanistan, que le non-paiement des impôts « augmenterait le risque organisationnel, entraverait la capacité à fonctionner et à mettre en œuvre des programmes, ainsi qu’à obtenir les permis de travail, visas et autres documents nécessaires[160] ». À leur connaissance, « le gouvernement du Canada n’a mis en place aucune exemption qui éliminerait entièrement le risque pour les organismes canadiens d’autoriser des activités interdites[161] ».

Durant son témoignage, Barbara Grantham, de CARE Canada, a expliqué la situation en détail au Comité spécial :

Le cadre actuel du Code criminel, tel qu’il est interprété par le gouvernement, prévoit que le risque de poursuites en vertu du Code serait entièrement assumé par des organisations humanitaires comme CARE si nous allions de l’avant sans obtenir une exemption ou […] une autre solution, ou encore une modification du Code criminel. Ce sont là autant de possibilités. Nous avons travaillé activement avec nos collègues du gouvernement du Canada pour essayer d’y recourir, mais le fait est qu’il faudrait trop de temps, compte tenu du caractère immédiat et aigu de la crise.
[…] le Canada est le seul donateur ou bailleur de fonds important, souverain, de l'Afghanistan qui n'a pas prévu une forme d'exemption ou de modification de son Code criminel pour permettre aux organisations humanitaires de mener leurs activités[162].

Exprimant le point de vue de l’UNICEF, élément du système des Nations Unies qui jouit de privilèges et d’immunités distincts, Manuel Fontaine a fait observer que les restrictions législatives du Canada touchent encore les organismes onusiens, car les fonds canadiens « ne peuvent être utilisés que pour des dépenses effectuées à l’extérieur de l’Afghanistan ». Par conséquent, toujours selon M. Fontaine, si un organisme des Nations Unies tente « de travailler avec des ONG ou avec la société civile à l’échelle locale, on ne peut pas le faire en utilisant des financements canadiens, ce qui pose un problème[163] ».

Dans leur mémoire conjoint, les 10 organisations humanitaires canadiennes ont fait valoir que d’autres donateurs « ont récemment établi des exemptions ou émis des directives afin de permettre l’entrée de l’aide en Afghanistan, ou ont adopté une approche plus pragmatique et plus souple[164] ». Barbara Grantham et Michael Messenger ont entre autres soutenu que seules les sections canadiennes de leur réseau respectif, soit CARE et Vision mondiale, n’ont pas repris leurs activités en Afghanistan[165]. Vision mondiale Canada dispose, par exemple, de deux conteneurs « remplis de paquets d’aliments thérapeutiques prêts à l'emploi qui servent à traiter les enfants aux prises avec les formes les plus graves de malnutrition [et qui peuvent] littéralement sauver des enfants qui sont sur le point de mourir de faim » , mais impossibles à envoyer en Afghanistan malgré les appels de leur équipe sur le terrain. Chaque conteneur pouvait aider plus de 900 enfants[166]. Les programmes dont les seuls bailleurs de fonds externes sont des organismes canadiens devront probablement être abandonnés[167].

Barbara Grantham a été interrogée sur le fonctionnement des partenaires non canadiens de mise en œuvre de CARE et leurs moyens d’acheminer les fonds aux femmes et aux filles dans le besoin, sans que les talibans fassent main basse sur ces fonds. Elle a répondu que la présence de son organisation en Afghanistan remontait à 1961 et qu’elle reposait sur de profondes « relations de confiance avec des partenaires et des dirigeants » de longue date et ses « systèmes de suivi complets ». Elle a aussi souligné la création d’un groupe consultatif d’Afghanes, qui conseille l’équipe humanitaire de CARE sur place dans ses relations avec les talibans. Ce groupe consultatif agit à titre d’« interlocuteur » entre « les organisations de la société civile et les talibans pour que la « mission et les systèmes de suivi en place fonctionnent comme nous le souhaitons et dans le respect des engagements que nous avons pris envers le peuple afghan[168] ».

Le Comité spécial a été mis au courant que le gouvernement du Canada achemine des fonds en Afghanistan par l’entremise d’« un petit nombre de partenaires de confiance » qui ont « mis en place des mesures visant à minimiser les risques de détournement de l’aide humanitaire et à s’assurer que l’aide d’urgence parvient aux personnes auxquelles elle est destinée[169] ». Comme il a déjà été évoqué, ces partenaires sont notamment des organismes humanitaires des Nations Unies et du CICR. Affaires mondiales Canada a bien conscience que la loi canadienne « empêche les ONG canadiennes d’intervenir[170] » pour l’instant.

Interrogé sur les moyens adoptés par d’autres pays pour faciliter l’élargissement de l’action humanitaire en Afghanistan[171], Christopher MacLennan, sous-ministre du Développement international au ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, a déclaré que « [c]ertains pays ont prévu des mesures spéciales dans leur cadre afin de permettre certains dispositifs, comme un régime de licences ou de permis visant des activités qui violeraient normalement le code[172] ». Le régime législatif du Canada ne prévoit pas un tel mécanisme[173]. Bien qu’il ne sache pas exactement quand le problème sera réglé, le ministre Sajjan a assuré au Comité spécial qu’Affaires mondiales Canada collaborait « avec les ministères de la Justice et de la Sécurité publique pour trouver la meilleure façon d’avancer[174] ».

Selon Amy Avis, avocate générale de la Croix-Rouge canadienne, la mesure la plus utile « serait une sorte de permission expresse d’offrir des mesures humanitaires[175] ». Pour ce faire, la Croix-Rouge canadienne a proposé que le gouvernement publie sans tarder « une déclaration ministérielle et/ou un bulletin d’interprétation » qui explique l’application de la résolution 2615 du Conseil de sécurité par le Canada[176]. Il est par ailleurs nécessaire de revoir la réglementation sur les sanctions afin d’y inclure une disposition de non-applicabilité pour la fourniture d’aide humanitaire. Pour ce qui est du Code criminel, l’organisme a également conseillé de préciser « les actions autorisées[177] » dans le milieu humanitaire. À plus long terme, il serait possible, s’il est jugé indispensable d’adapter les dispositions pertinentes du Code criminel « aux types d’activités et au contexte qui constituent un soutien aux entités terroristes », d’ajouter une exception expresse pour l’action humanitaire légitime[178].

M. Messenger, de Vision mondiale Canada, a affirmé :

Selon un avis juridique externe, nous croyons que le ministre de la Sécurité publique pourrait accorder une exemption aux dispositions restrictives en vertu de l'article 83.09 du Code criminel. En fait, nous croyons que lui et son ministère ont l'obligation de le faire de toute urgence[179].

Médecins Sans Frontières prône une solution qui ne se limite pas à la situation en Afghanistan. L’organisation recommande que le gouvernement du Canada fournisse

de[s] renvois clairs et de[s] directives écrites à l’intention de toutes les parties concernées (notamment les institutions financières et les organismes d’application de la loi) qui confirment que ces mesures et ces sanctions n’ont pas pour but de générer des effets indésirables pour la population civile et qu’elles respectent les protections accordées aux organisations humanitaires impartiales et à leur personnel, ainsi qu’aux civils, en vertu du droit international humanitaire[180].

Elle prône aussi « des exemptions humanitaires permanentes et bien encadrées » à ajouter dans les dispositions pertinentes du Code criminel, de la Loi sur les Nations Unies et de la Loi sur les mesures économiques spéciales, et qui soient conformes au droit humanitaire international[181].

Observations et recommandations du Comité spécial

Le Comité spécial admet qu’il faut imposer de strictes interdictions aux organisations terroristes. Les talibans ne devraient pas obtenir le soutien d’acteurs canadiens, qu’ils fassent partie du gouvernement ou non. En parallèle, l’objectif du Canada consiste certes à offrir des secours vitaux aux Afghans les plus vulnérables, mais l’acheminement de ces secours, qui respecte les principes établis de l’aide humanitaire internationale, ne devrait pas être entravé ni détourné de manière directe ou indirecte. Dans sa résolution 2615, le Conseil de sécurité des Nations Unies a fixé des paramètres clairs pour l’aide humanitaire acheminée en Afghanistan (une décision appliquée par les alliés du Canada). Devant l’ouverture exprimée par la ministre Joly pour examiner les solutions proposées dans le cadre de la présente étude[182], le Comité spécial tient à dire qu’il ne croit pas que l’adoption de lois, de règlements et de politiques par le Canada pour faciliter une action humanitaire légitime revient à accorder une légitimité aux talibans. Comme il a été évoqué, le Comité spécial mesure pleinement la complexité de la situation. Il s’inquiète en revanche que, malgré les nombreux mois écoulés depuis le retour des talibans au pouvoir en Afghanistan, les besoins de la population soient toujours aussi criants. Comme l’a dit Mme Barbara Grantham : « Il est regrettable que l'urgence du problème cadre mal avec les délais à l'intérieur desquels le gouvernement semble croire possible d'agir. Les conditions météorologiques, la famine et la malnutrition menacent[183]. »

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada agisse sans délai afin de mettre en œuvre la résolution 2615 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada donne sans tarder aux organisations canadiennes enregistrées les précisions et les assurances indispensables, telles que des exceptions ou des dérogations, à l’acheminement de l’aide humanitaire et à la satisfaction des besoins fondamentaux de la population afghane, afin que ces organisations ne craignent plus d’enfreindre les lois antiterroristes canadiennes.

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada revoie les dispositions du Code criminel interdisant le financement du terrorisme et prenne de toute urgence les mesures législatives requises afin de les modifier de manière à ne pas restreindre indûment l’action humanitaire légitime menée dans le respect des principes et du droit humanitaires internationaux.

Formes de dialogue plus générales

Dans la foulée des événements survenus en août 2021, les gouvernements occidentaux ont signalé que les talibans doivent être jugés pour leurs actes et non pour leurs promesses de concessions et d’amnisties. Il s’agit ultimement de s’assurer que l’Afghanistan fasse toujours partie de la communauté internationale. Selon les témoins, tout porte malheureusement à croire que le règne des talibans et les décisions prises en matière de gouvernance et de droits de la personne poussent l’Afghanistan à s’isoler des autres pays.

D’après la journaliste Sally Armstrong, qui couvre la situation afghane depuis les années 1990, il est désormais manifeste que les talibans « ne sont pas modérés ». En avançant cet argument, elle indique que, lorsqu’ils prenaient d’assaut les villages, les talibans « exigeaient une liste des filles de plus de 14 ans et des veuves de moins de 44 ans pour les distribuer à leurs soldats, car ils prétendent que Dieu accorde quatre femmes à chacun d’entre eux[184] ».

Alison MacLean, une documentariste qui a travaillé à quatre reprises « comme journaliste intégrée à des pelotons de combat de six pays de l’OTAN » en Afghanistan, a décrit le danger planant désormais sur les femmes qui ont servi dans les forces de sécurité de la république afghane[185]. Citons en exemple « une ancienne policière enceinte de huit mois […] tirée de force de sa maison et exécutée devant ses enfants et ses voisins[186] ». Friba Rezayee, fondatrice et directrice exécutive de Women Leaders of Tomorrow, a déclaré que les « talibans ont menacé les [membres féminines des équipes sportives d’Afghanistan] de les punir de 110 coups de fouet en public ou de les condamner à mort[187] ».

Heather Barr, directrice associée des droits de la femme, Human Rights Watch, a indiqué que la situation des droits de la personne en Afghanistan est passée d’« extrêmement mauvaise à encore pire, et nous en voyons de nouveaux signes tous les jours, notamment des exécutions extrajudiciaires et des enlèvements, de la censure et de l’intimidation visant les médias ainsi que des violations des droits des femmes[188] ». En résumant l’ensemble des restrictions imposées aux femmes et aux filles dans les classes, les lieux de travail et l’espace public, Mme Barr a révélé que les talibans « violent systématiquement les droits des femmes de travailler, d’étudier, de manifester, de s’exprimer, de voyager, d’avoir accès à des soins de santé, de vivre dans un milieu sans violence et d’avoir une voix politique ». Elle est d’avis qu’« [i]l n’y a aucune raison de croire qu’ils n’appliqueront pas d’autres mesures de répression[189] ».

Selon l’évaluation du gouvernement du Canada, la situation des droits de la personne est tout aussi désastreuse. La ministre Joly s’est dite particulièrement préoccupée par le « recul » observé des droits des femmes et des filles afghanes[190]. Les signalements révèlent en général que le climat est de plus en plus marqué par la violence et les atteintes aux droits de la personne et que des civils, des journalistes, des défenseurs des droits de la personne, d’anciens fonctionnaires de la république afghane et d’anciens membres des forces de sécurité sont ciblés[191]. Malgré la promesse des talibans d’offrir l’amnistie aux personnes ayant servi la république, la situation s’est en réalité détériorée depuis août 2021[192].

Le 23 mars 2022, les talibans ont renié leur promesse d’autoriser toutes les filles à poursuivre leurs études secondaires (soit à continuer après la sixième année). La ministre Joly, ses homologues de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, de la Norvège, du Royaume‑Uni et des États-Unis ainsi que le haut représentant de l’Union européenne ont noté que la décision a été prise malgré « des mois de travail de la communauté internationale pour soutenir les allocations des enseignants dans l’espoir que les écoles soient ouvertes à tous, et ce, dans l’intérêt supérieur des élèves et des enseignants afghans ». Ils ont déclaré que la décision « aura des répercussions inévitables sur les chances des talibans d’obtenir un soutien politique et une légitimité, que ce soit dans le pays ou à l’étranger[193] ».

Le ministre Sajjan a parlé d’une « régression effroyable » des avancées réalisées en Afghanistan depuis que les talibans ont repris le pouvoir[194]. Il a affirmé au Comité spécial que le Canada défend fermement, avec ses partenaires aux mêmes idées, « la nécessité de scolariser les filles ». Il a insisté sur ce fait en faisant la déclaration suivante : « L’accès à la scolarité doit être le droit inconditionnel; il n’est pas question d’arrêter avant la fin des études secondaires[195]. » Le ministre a indiqué que, si les autorités autorisaient l’accès inconditionnel à l’éducation, « cela positionnera avantageusement la communauté internationale en ce qui concerne le soutien qu’elle pourra offrir à l’Afghanistan[196] ».

Selon la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, le 7 mai 2022, les autorités talibanes de facto ont annoncé que « toutes les femmes doivent se couvrir le visage en public, qu’elles ne doivent sortir de chez elles qu’en cas de nécessité, et que si elles contreviennent à cette directive, leurs proches parents de sexe masculin seront punis[197] ». Les ministres des Affaires étrangères du G7 ont exprimé leur « plus vive opposition » à cette directive. Les ministres du G7 ont souligné qu’avec « l’imposition de mesures de plus en plus restrictives qui limitent considérablement la capacité de la moitié de la population à participer pleinement, de manière égale et significative, à la société […] les talibans s’isolent davantage de la communauté internationale[198] ».

Parlant de manière générale de la situation en Afghanistan après les événements survenus en août 2021, certains témoins ont insisté sur la nécessité de résister à la normalisation des relations avec les talibans. William Maley, professeur émérite à l’Université nationale d’Australie et représentant des Canadian Hazara Humanitarian Services, a notamment déclaré au Comité spécial que les talibans « répondent à tous les critères qu’il faut cocher pour être déclarés groupe terroriste ». Il estime « très important que la diplomatie évite de normaliser leur participation à la communauté internationale[199] ». Lauryn Oates avait fait part de cette inquiétude, mettant en garde contre le signal que pourrait envoyer cette normalisation à d’autres groupes terroristes qui observent la façon dont le monde réagit face aux talibans[200].

Pour éviter cette normalisation même si les talibans gouvernent dans les faits des millions de personnes, d’autres témoins proposent un dialogue mené avec soin. Après avoir décrit son travail auprès des femmes encore en Afghanistan, Wazhma Frogh a soutenu au Comité spécial qu’il faut encore et toujours entretenir « la communication avec les talibans, ce qui ne signifie pas les reconnaître pour autant ». Elle a insisté sur le fait que ces « tentatives de communication doivent être assorties de critères stricts ». D’après Mme Frogh, ce dialogue « doit être synonyme de diplomatie publique et de pression […] et devrait également se traduire par un soutien aux organismes nationaux et internationaux[201] ».

Selon Asma Faizi, la pression politique devrait servir surtout à mettre sur pied « un gouvernement inclusif et représentatif qui respectera les droits de la personne et laissera la population définir quel avenir elle veut de l’Afghanistan[202] ».

Durant son témoignage, Dr Sima Samar a conseillé d’adopter une position ferme sur les droits de la personne. Elle a insisté sur le fait que si les « talibans veulent être reconnus par la communauté internationale, ils ont des obligations et doivent accepter les droits de la personne ». Elle a également déclaré ceci : « Il ne devrait pas y avoir de négociation sur les droits de la personne avec les talibans. Il faut que ce soit clair[203]. »

Heather Barr a soutenu que le Canada, la France, l’Allemagne et la Suède partagent tous une « responsabilité particulière à l’égard des femmes et des filles afghanes », car ils ont fourni des troupes à la coalition internationale présente en Afghanistan après 2001 et ils se sont tous dotés d’une politique étrangère féministe[204]. Voici le point de vue de Mme Barr à ce sujet :

La crise qui fait rage en Afghanistan à l’heure actuelle est la plus grave crise des droits des femmes dans le monde. C’est la pire crise des droits des femmes que le monde ait connu depuis 1996, lorsque les talibans ont pris le pouvoir la dernière fois. Si une politique étrangère féministe ne signifie pas qu’il faut soutenir les femmes afghanes en ce moment, durant cette crise, il faut alors se demander ce que signifie une politique étrangère féministe et risquer d’obtenir comme réponse pas « grand-chose »[205].

Mme Oates a soulevé des questions et inquiétudes comparables au sujet de la forte présence que le Canada a déjà eue en Afghanistan et de l’application de la politique étrangère canadienne en vigueur. Au moment où elle a livré son témoignage, « on ne se rend[ait] pas compte que l’Afghanistan est […] un enjeu de politique étrangère prioritaire pour le Canada ». Mme Oates a dit : « Il y manque une prise de position morale canadienne[206]. » Khalidha Nasiri estimait également que le Canada est tenu d’« assumer un rôle beaucoup plus important et énergique en réponse à la crise[207] ».

Heather Barr a énuméré quatre étapes devant mener à une approche coordonnée et globale à l’égard de l’Afghanistan, une approche dans laquelle le Canada pourrait jouer un rôle de leader. Premièrement : « mettre un terme à la légitimité des talibans » (p. ex. mettre fin à l’exemption du Conseil de sécurité des Nations Unies concernant l’interdiction de voyage de leurs dirigeants, éviter de les rencontrer à l’extérieur de l’Afghanistan, envoyer seulement des délégations comportant autant de femmes que d’hommes). Deuxièmement : faire tout ce qui est possible – et s’exprimer haut et fort, et sur-le-champ – en cas de mauvais traitements, d’enlèvement ou de détention de défenseurs des droits de la personne en Afghanistan. Troisièmement : veiller à ce que les décisions en matière de financement ne contribuent pas à perpétuer les politiques discriminatoires, notamment dans le secteur de l’éducation. Quatrièmement : éviter de punir le peuple afghan pour les décisions des talibans. Selon la directrice associée, il est possible de répondre aux besoins humanitaires du peuple afghan tout en maintenant la pression sur les talibans relativement aux droits de la personne[208].

Afin d’organiser, de diriger et d’amplifier les efforts du gouvernement du Canada, certains témoins ont réclamé la nomination d’un envoyé spécial[209] ou d’un ambassadeur itinérant pour l’Afghanistan[210]. Wazhma Frogh a demandé que l’envoyée soit une femme. À son avis, cela permettrait d’avoir un dialogue avec les autorités, dans le contexte décrit plus haut, en plus de démontrer du soutien pour les organismes de femmes encore actifs dans le pays[211].

La ministre Joly a par la suite annoncé au Comité spécial que David Sproule, qui avait été nommé le plus haut fonctionnaire du Ministère pour l’Afghanistan[212], était désormais l’envoyé spécial du Canada[213]. À l’instar des envoyés des alliés du Canada, M. Sproule travaillera à Doha, au Qatar, où les représentants traitent avec le ministre des Affaires étrangères « de fait » des talibans. Selon la ministre Joly, en agissant ainsi, le Canada pourrait s’engager « sans reconnaître la légitimité du gouvernement taliban ». La reconnaissance de ce gouvernement, a-t-elle insisté, est une « ligne rouge » que le Canada ne veut pas franchir[214].

En plus de s’assurer que le Canada puisse traiter avec les talibans sans les reconnaître officiellement, la politique étrangère du Canada, selon des témoins, doit tenir compte de l’environnement de sécurité instable en Afghanistan et des aspects régionaux en jeu[215]. Julian Spencer-Churchill, professeur de science politique à l’Université Concordia, a déclaré au Comité spécial que, pour divers aspects allant de l’aide aux réfugiés à la lutte contre le terrorisme, « [t]out cela passe par le Pakistan[216] ».

Observations et recommandations du Comité spécial

Jusqu’à maintenant, tout semble indiquer que les talibans n’ont pas fait de transition véritable d’un mouvement à l’idéologie rigide et violente à une entité politique ayant l’intention de gouverner d’une manière qui réponde aux attentes internationales fondamentales. Le Comité spécial est d’accord que le gouvernement du Canada ne devrait pas reconnaître ni légitimer le gouvernement taliban. Néanmoins, et puisque la situation est fortement empreinte de complexité et d’émotions, le Comité spécial ne croit pas que l’approche du Canada à l’égard de l’Afghanistan puisse se limiter exclusivement aux préoccupations humanitaires. Le Comité spécial estime que le gouvernement du Canada, inspiré par sa politique étrangère féministe et guidé par les limites qu’il s’est données, peut consulter activement ses partenaires et ses alliés en matière de politiques sur l’Afghanistan, notamment à l’échelle régionale, tout en trouvant des façons d’appuyer les défendeurs de la tolérance, de la justice et de la modération qui sont encore présents en Afghanistan.

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada préconise la fin de l’exemption à l’interdiction de voyager que le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies a imposée aux dirigeants talibans.

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada continue d’insister pour que les filles et les femmes partout en Afghanistan conservent leur droit à l’éducation, de la maternelle à l’université.

Recommandation 14

Que, comme condition au dialogue du Canada avec les autorités de fait de l’Afghanistan, l’envoyé spécial du gouvernement du Canada insiste pour pouvoir communiquer avec les organisations de la société civile et les leaders féminines en Afghanistan sans que celles-ci s’exposent à des représailles. De plus, que le gouvernement du Canada, dans sa réponse au présent rapport, explique en détail comment il surveille, appuie et défend les droits des femmes et des filles en Afghanistan.

Effort du Canada pour la réinstallation de réfugiés

Le gouvernement du Canada s’est engagé à accueillir 40 000 Afghans d’ici 2024[217]. Selon le ministre Fraser, par habitant, « [l’]effort de réinstallation des réfugiés afghans [de la part du Canada] est le plus important actuellement » dans le monde[218].

Or, au moment où le Comité spécial terminait son rapport, le Canada n’avait toujours pas atteint la moitié de son objectif. Au 1er juin 2022, 14 645 personnes étaient arrivées au Canada depuis août 2021, tous programmes confondus[219]. Ce nombre inclut les 6 735 personnes qui ont aidé le gouvernement du Canada (sur les 14 910 demandes qu’il a reçues), ainsi que les 7 910 ressortissants afghans qui sont arrivés dans le cadre d’un programme humanitaire distinct.

Comme exemple concret du travail qui reste à faire, le Comité spécial a été informé que la Défense nationale et les FAC ont reçu quelque 7 500 demandes d’Afghans voulant bénéficier des mesures spéciales du Canada en matière d’immigration, parmi lesquelles environ 3 800 concernaient des personnes ayant entretenu une relation durable avec les FAC. De ce nombre, 900 ont été acceptées par IRCC, plus celles des membres de la famille qui répondaient aux critères. En ce qui concerne AMC, le ministère a évalué les dossiers de plus de 5 500 personnes, ce qui a donné lieu à plus de 3 600 recommandations favorables[220]. Le ministère de la Défense nationale et les FAC ont déclaré que leur rôle prend fin une fois la validation terminée et le dossier transmis à IRCC[221].

Au moment de la rédaction du présent rapport, IRCC n’avait pas encore fourni au Comité spécial le statut du reste des 2 900 demandes. Entre-temps, les candidats ayant reçu un courriel du ministère de la Défense nationale confirmant que leurs dossiers avaient été transmis à IRCC n’ont toujours pas obtenu de réponse. Les dossiers recommandés par AMC sont dans la même situation. Par ailleurs, le Comité spécial n’a pas encore reçu de réponses des représentants d’AMC, du ministère de la Défense nationale et d’IRCC aux 10 engagements demandés par les membres du Comité. (L’annexe A contient une liste des engagements pour lesquels il n’y a pas eu de réponse). Non seulement l’absence de réponse témoigne d’un manque de respect pour le travail des membres du Comité spécial, mais elle nuit aussi à la capacité des membres de mener leurs travaux conformément aux directives de la Chambre des communes.

Programmes d’immigration lancés en 2021 pour les ressortissants afghans

Avant d’aborder les difficultés et les obstacles qui empêchent le Canada d’atteindre son objectif, on décrit d’abord dans la section qui suit les nouvelles mesures stratégiques prises par le gouvernement du Canada.

Trois programmes spéciaux ont été lancés en 2021. Le premier, connu sous le nom de « mesures spéciales en matière d’immigration » (MSI), s’adresse aux Afghans qui ont aidé le gouvernement du Canada[222]. Le deuxième est un programme humanitaire destiné à d’autres groupes désignés d’Afghans menacés par les talibans[223]. Le troisième est un programme de regroupement familial pour les membres de la famille élargie d’anciens interprètes afghans[224].

Le programme MSI a été annoncé le 23 juillet 2021. Il est destiné aux interprètes afghans qui ont travaillé pour les Forces armées canadiennes, et aux cuisiniers, chauffeurs, préposés à l’entretien, travailleurs de la construction, gardes de sécurité et membres du personnel local employés à l’ambassade du Canada en Afghanistan, ainsi qu’aux membres de leur famille[225]. Aux fins des MSI, les membres de la famille sont le conjoint, les enfants à charge (enfants de moins de 22 ans non mariés) et les petits-enfants. Cette définition s’applique également aux personnes à charge « de fait », c’est-à-dire les personnes qui ont besoin d’un soutien financier ou émotionnel ou qui vivent avec la famille comme un membre du ménage.

Affaires mondiales Canada et le ministère de la Défense nationale agissent à titre de services d’aiguillage pour les MSI. Les demandes sont ensuite traitées par IRCC, qui a indiqué dès le départ que les individus bénéficiant des MSI seraient traités comme des réfugiés parrainés par le gouvernement. Les premières personnes ayant profité de ce programme sont arrivées au Canada le 4 août 2021[226]. Le ministre Fraser a déclaré au Comité spécial qu’environ 18 000 personnes arriveraient au Canada dans le cadre de ce programme[227].

Lancé le 13 août 2021, le programme humanitaire est destiné aux leaders féminines afghanes, aux militants des droits de la personne, aux minorités religieuses ou ethniques persécutées, aux journalistes et aux personnes qui ont aidé les journalistes canadiens, et aux personnes LGBTI qui doivent être réinstallées[228]. Pour y être admissibles, les ressortissants afghans doivent se trouver hors des frontières de l’Afghanistan. Dans le cadre de ce programme, les réfugiés parrainés par le secteur privé sont recommandés à IRCC par le titulaire d’une entente de parrainage, un organisme ou un « groupe de cinq[229] ». Les réfugiés parrainés par le gouvernement sont recommandés à IRCC par des organismes d’aiguillage avec lesquels le gouvernement du Canada a conclu des ententes, par exemple le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR), Frontline Defenders et ProtectDefenders. Le ministre Fraser a expliqué au Comité spécial que ces organismes d’aiguillage ont de l’expérience dans l’évaluation de la vulnérabilité dans des situations de déplacements de masse[230]. Le ministre a également mentionné qu’IRCC utilise le Projet pilote sur la voie d’accès à la mobilité économique grâce auquel les partenaires d’aiguillage aident le Canada à sélectionner des réfugiés en tenant compte de leurs compétences et de leur expérience de travail[231].

Enfin, en décembre 2021, IRCC a créé un nouveau programme de regroupement familial pour les membres de la famille élargie d’anciens interprètes et employés qui ont appuyé la mission de combat du Canada à Kandahar[232] et qui sont venus au Canada comme résidents permanents grâce aux politiques publiques de 2009 et de 2012 pour les interprètes afghans[233]. Les membres de la famille admissibles sont les parents et les grands-parents de même que les frères, les sœurs, les demi-frères et les demi-sœurs, ainsi que leurs conjoints et enfants[234]. Comme les deux autres programmes spéciaux, le programme de regroupement familial exige que les candidats aient été en Afghanistan le 22 juillet 2021.

Obstacles sur le chemin vers la sécurité

Des témoins ont décrit les difficultés et les craintes qui guettent les Afghans, tant ceux qui vivent terrés en Afghanistan en attendant le jour où ils pourront fuir leur pays, que ceux qui se sont réfugiés dans un pays tiers en attendant que leur demande soit traitée. Ils ont aussi décrit les problèmes fréquents de ces trois programmes spéciaux, notamment le manque de communication d’IRCC, l’exigence de fournir des données biométriques et le manque perçu de ressources à IRCC pour traiter le grand nombre de dossiers. En outre, les témoins ont décrit des problèmes particuliers à chacun des programmes.

Le plus grand obstacle à la réinstallation au Canada est le fait qu’il est maintenant difficile de sortir d’Afghanistan. Le ministre Fraser a affirmé au Comité spécial que quelque 10 000 personnes « qui sont encore en Afghanistan ont déjà vu leur admissibilité approuvée[235] ».

En attendant de trouver une façon de fuir leur pays, de nombreux Afghans vivent dans la peur, cachés[236]. Djawid Taheri, avocat, a déclaré au Comité spécial que « les personnes ciblées » sont « toujours au pays courant d’un refuge à l’autre pour sauver leur peau et fuir les talibans[237] ». Safiullah Mohammad Zadeh, ancien interprète auprès des Forces armées canadiennes, a révélé qu’un de ses collègues avait perdu 11 membres de sa famille depuis le retour des talibans au pouvoir et il a décrit sa propre situation familiale :

J’ai quatre frères; deux d’entre eux ont disparu lorsque les talibans ont pris le pouvoir […] Leurs enfants, les autres membres de leurs familles respectives et les membres de ma famille se déplacent d’une maison à l’autre, d’une ville à l’autre, d’une province à l’autre. Sept mois se sont écoulés; nous avons déménagé dans quatre ou cinq provinces. Cela fait six ou sept semaines que je ne leur ai pas parlé[238].

Pour ceux qui tentent le périple pour sortir d’Afghanistan, le voyage est dangereux. Katherine Moloney, représentante des familles afghanes, Tenth Church, a déclaré au Comité spécial :

Il y a des risques tant pour se rendre à la frontière que rendu à la frontière. Il s’agit d’un périple éprouvant pour les gens, car ils savent qu’ils sont sur une liste de cibles, qu’ils sont traqués et qu’ils pourraient être tués si l’on découvre leur identité. C’est un voyage extrêmement difficile, mais que beaucoup de familles choisissent néanmoins de faire, dans l’espoir d’être réinstallées[239].

La documentation est une autre source de difficultés. Les pays voisins ont chacun leurs propres exigences en matière d’entrée et de sortie, qui peuvent changer au fil du temps et requérir un passeport afghan valide et un visa. Cependant, certains Afghans n’ont d’autres choix que de détruire leurs documents d’identité afin d’éviter les représailles des talibans. Dans de nombreux cas, obtenir un passeport, habituellement un prérequis pour obtenir un visa, n’est tout simplement pas possible. C’est d’ailleurs l’argument présenté par Brian Macdonald, directeur général d’Aman Lara, qui a indiqué que les deux tiers des personnes que son organisme tente d’aider ne possèdent pas de passeport. Il a ajouté :

Pour en obtenir un, les Afghans doivent pour ainsi dire déclarer aux talibans qu’ils veulent leur échapper. Imaginez : vous tentez de fuir les talibans, mais vous devez vous rendre dans un bureau contrôlé par eux et leur fournir votre nom, les noms des membres de votre famille, votre adresse et les empreintes digitales et les photos de votre famille. Cette situation expose les gens à un grand danger. En outre, l’obtention d’un visa dans un pays tiers représente un autre obstacle, qui expose les familles à un autre niveau de risque. La démarche peut aussi exiger beaucoup de temps et d’argent[240].

Outre les difficultés que représente l’obtention d’un visa — une option de plus en plus complexe en raison du nombre limité d’ambassades ouvertes à Kaboul —, Wazhma Frogh a signalé que les talibans « interdisent également aux femmes de voyager ». Par conséquent, dit-elle, « [n]ous n’avons aucun espoir de nous rendre dans des pays tiers[241] ».

Les gens ne peuvent pas soumettre directement une demande au programme humanitaire du Canada. Pour être admissibles, ils doivent présenter leur demande de l’extérieur de l’Afghanistan puis s’inscrire auprès du HCR et se faire recommander par une agence partenaire ou par le HCR. Cependant, puisque les personnes qui sont, en théorie, admissibles au programme humanitaire « ne peuvent pas quitter l’Afghanistan », elles sont « prises dans une impasse inimaginable », aux dires d’Eleanor Taylor, directrice exécutive adjointe d’Aman Lara[242].

La ministre Joly et des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont insisté sur leur travail diplomatique concernant ces questions auprès des alliés du Canada et des gouvernements régionaux. Le Pakistan joue un rôle clé à cet égard, car il est le principal point d’accès terrestre pour les gens qui fuient l’Afghanistan. Le pays acceptait les réfugiés sans papiers jusqu’en novembre 2021, moment où il a changé ses conditions. Paul Thoppil, sous-ministre adjoint, Asie-Pacifique, Affaires mondiales Canada, a indiqué que la mission du Canada à Islamabad est en communication constante avec les autorités pakistanaises afin d’établir « un protocole durable » pour le poste frontalier Torkham entre l’Afghanistan et le Pakistan. L’objectif est de s’assurer que les documents de voyage d’aller simple délivrés par le gouvernement du Canada aux Afghans seront acceptés[243]. Toutefois, M. Thoppil a rappelé au Comité spécial que le Pakistan avait déjà accueilli des millions de réfugiés afghans avant le 15 août 2021 et que les autorités du pays craignent de devoir gérer l’arrivée d’encore plus de gens[244].

Quant aux moyens de transport pour quitter l’Afghanistan, M. Thoppil a expliqué que des vols nolisés d’évacuation en partance de Kaboul n’étaient pas une option viable à ce moment-ci, puisque les talibans veulent que les « activités commerciales normales reprennent à l’aéroport de Kaboul[245] ». Ghulam Faizi, ancien interprète des Forces armées canadiennes, veut non seulement que le Canada s’entende avec le Pakistan au sujet des documents de voyage d’aller simple, mais aussi qu’il discute « avec le gouvernement du Qatar pour obtenir des vols nolisés de l’aéroport de Kaboul vers Doha ou les Émirats arabes unis », car – a-t-il dit – « le Qatar contrôle actuellement les aéroports en Afghanistan[246] ».

Même si les gens parviennent à franchir la frontière, le fait d’avoir quitté l’Afghanistan ne leur garantit pas la sécurité ou la tranquillité d’esprit. Heather Barr a dit au Comité spécial que, au Pakistan, les gens qui ont des visas valides doivent les renouveler tous les 60 jours. Les Afghans sans visa ne peuvent pas louer un logis ni travailler, et leurs enfants ne peuvent pas fréquenter l’école. Les migrants sans papiers ne peuvent pas obtenir un visa de sortie du Pakistan. Heather Barr a ajouté que :

[B]eaucoup d’Afghans retournent en Afghanistan parce qu’ils manquent d’argent et ne peuvent pas se nourrir. Au moins, de retour en Afghanistan, on peut espérer que des membres de leur famille vont les accueillir[247].

Ali Mirzad, conseiller principal des relations et affaires gouvernementales, Canadian Hazara Humanitarian Services, a déclaré que le fait pour des gens d’être des demandeurs du statut de réfugié enregistrés ne leur donne pas un statut juridique au Pakistan, et « ils courent le risque de se faire arrêter à n’importe quel moment et de se faire déporter en Afghanistan[248] ». Selon Djawid Taheri, il est inévitable que, après un certain temps, le pays tiers ne renouvelle pas les visas et que les Afghans soient expulsés[249].

Certains groupes de population peuvent également être exposés à des risques accrus dans des pays tiers. Selon Rainbow Railroad :

Les réfugiés LGBTQI+ qui ont fui l’Afghanistan sont confrontés à des risques particuliers, imminents et graves pour leur vie et leur sécurité dans les pays voisins en raison des lois qui restreignent la diversité en matière d’orientation sexuelle, d’identité et d’expression de genre et de caractéristiques sexuelles, de la violence des groupes de justiciers et de la persécution cautionnée par l’État[250].

Rainbow Railroad souligne que « les réfugiés afghans LGBTQI+ ont besoin d’une aide à la réinstallation exceptionnellement urgente et accélérée étant donné que l’intégration locale et le rapatriement volontaire ne sont pas des solutions viables ou durables ». Tandis que « nombre d’entre eux sont relégués dans des refuges », d’autres « ne peuvent pas quitter l’Afghanistan sans avoir une voie d’accès claire à un pays tiers plus sûr[251] ». Rainbow Railroad a une liste de 300 Afghans qui attendent dans des pays voisins de pouvoir obtenir un droit de passage sûr pour le Canada[252].

La collecte des données biométriques est le dernier obstacle qui a été dénoncé par bon nombre de témoins. Les programmes spéciaux du gouvernement du Canada exigent que les candidats fournissent des photographies et leurs empreintes digitales pour confirmer leur identité et leurs antécédents. À l’heure actuelle, il n’existe aucun lieu de collecte des données biométriques en Afghanistan; au Pakistan, il y a un centre de demandes de visa à Islamabad. Cependant, M. Oliver Thorne a rappelé aux membres du Comité spécial ce qui suit :

Faute de pouvoir fournir des données biométriques en Afghanistan, ce qui leur est impossible sans une présence consulaire canadienne, ils doivent se rendre dans un autre pays avant de pouvoir venir au Canada. Cela signifie que nous devons nous occuper de toutes les formalités administratives pour les faire entrer dans cet autre pays. Il faut savoir que la plupart des personnes à qui nous parlons n'ont pas de passeport. Sans passeport, ils ne peuvent pas obtenir de visa et, sans visa, ils ne peuvent pas entrer dans ce pays[253].

Il a indiqué que la « solution idéale serait de pouvoir faire venir des gens au Canada sans vérification biométrique et de faire la vérification ici[254] ». Cette idée a été reprise par Sally Armstrong, qui estimait que les Afghans devraient pouvoir trouver refuge au Canada ou dans un pays de transition et s’occuper « [d]es questions biométriques plus tard[255] ».

Certains témoins ont suggéré que les données biométriques soient recueillies en Afghanistan par une entreprise privée, au moyen d’une technologie sûre[256], ou que l’on ait des discussions avec des pays tiers et que l’on délivre les documents nécessaires pour permettre aux personnes de se rendre dans des centres où ces procédures peuvent avoir lieu. Brian Macdonald a laissé entendre que trouver un moyen de confirmer l’identité des demandeurs à l’intérieur de l’Afghanistan permettrait de sauter l’étape du passeport et du visa et éviter l’intervention de pays tiers que le Canada ne peut pas contrôler. Selon lui : « Sans ces obstacles, Aman Lara pourrait faire venir le quart [des personnes inscrites sur sa liste] presque immédiatement[257]. »

Cindy Termorshuizen, sous-ministre déléguée affaires étrangères, a parlé au Comité spécial des problèmes de sécurité entourant la collecte de données biométriques en Afghanistan :

Je crois bien que nous avons probablement des conversations sur la biométrie toutes les semaines. Comme l'a dit la ministre, la question de la collecte des données biométriques, en particulier en Afghanistan, est un véritable défi. Nous pouvons recueillir des données biométriques dans d'autres pays, ce que nous faisons au Pakistan, mais pour la partie intérieure de l'Afghanistan, c'est vraiment difficile. Aucun de nos alliés n'a réussi à résoudre ce problème parce que, comme l'a dit la ministre, la capacité de recueillir des données biométriques en Afghanistan en toute sécurité est un défi, compte tenu des risques de la situation dont certains de vos collègues ont fait état[258].

Le ministre Fraser a déclaré au Comité spécial qu’il avait suivi les avis d’experts en sécurité du Canada lorsqu’il avait maintenu les exigences en matière de données biométriques. De plus, a-t-il ajouté, la plupart des personnes jugées inadmissibles à une réinstallation au Canada avaient été refusées à l’issue d’une vérification des données biométriques[259]. De l’avis du ministre, effectuer la vérification des données biométriques au Canada n’est pas souhaitable puisque le Canada a l’obligation, aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et du droit international, de ne pas renvoyer un individu dans un pays où il pourrait être torturé (non-refoulement)[260]. Cependant, Stephen Peddle a indiqué que « [n]ous pouvons les faire venir au Canada et les placer sous surveillance jusqu’à ce que toutes les vérifications nécessaires aient été faites. […] Si leur demande est refusée, des mécanismes sont en place pour les renvoyer[261]. » Il a ajouté que ce ne serait pas la première fois que ce serait fait, et il a donné en exemple les réfugiés du Kosovo.

Observations et recommandations du Comité spécial

Les témoins ont insisté sur la nécessité sans équivoque d’aider les gens à se rendre en lieu sûr et de ne pas les laisser languir dans l’incertitude et dans une situation précaire une fois qu’ils parviennent à quitter l’Afghanistan. Le Comité spécial croit que la réponse du Canada doit être agile, flexible et novatrice. Pour ce faire, les diplomates et les fonctionnaires de l’immigration et du statut de réfugié du Canada doivent travailler main dans la main. De l’avis du Comité spécial, avec un effectif complet et des processus simplifiés (un sujet qui sera abordé ci‑après), le Canada peut faire venir davantage d’Afghans en lieu sûr sans compromettre sa sécurité.

Recommandation 15

Que le gouvernement du Canada veille à ce qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada délivre des documents de voyage d’aller simple aux Afghans admissibles aux programmes spéciaux du Canada, et qu’il rassure les pays tiers que ces ressortissants afghans pourront gagner le Canada.

Recommandation 16

Que le gouvernement du Canada travaille avec les pays voisins de l’Afghanistan afin d’assurer le libre passage des Afghans admissibles aux programmes spéciaux du Canada.

Recommandation 17

Que, de concert avec les agences de sécurité nationale du Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada lève les exigences en matière de données biométriques et autres documents, au moins pour les demandes ayant fait l’objet d’une recommandation par le ministère de la Défense nationale et les membres de la famille élargie des anciens interprètes et collaborateurs, tout en améliorant, en même temps, l’accès aux lieux de collecte des données biométriques dans les pays tiers, y compris ceux qui sont voisins de l’Afghanistan.

Recommandation 18

Que le gouvernement du Canada avise Affaires Mondiales Canada de mettre sur pied une équipe pangouvernementale, notamment avec le ministère de la Défense nationale, afin d’amener les Afghans en lieu sûr.

Recommandation 19

Que le gouvernement du Canada travaille avec les pays alliés et des organisations non gouvernementales comme Aman Lara présents en Afghanistan pour aider à confirmer l’identité des Afghans en Afghanistan et les amener en lieu sûr.

Recommandation 20

Que le gouvernement du Canada, par l’entremise d’Affaires mondiales Canada, continue de financer des organismes comme Aman Lara, et qu’il accroisse l’utilisation de ces fonds afin de payer l’hébergement temporaire des Afghans.

Problèmes systémiques

Plusieurs témoins ont exprimé des préoccupations concernant les problèmes de communication avec IRCC et le manque apparent de ressources du Ministère pour gérer le volume considérable de dossiers qu’il reçoit. En particulier, des témoins ont exprimé leur frustration à l’égard de la nature et de la fréquence des communications d’IRCC avec ses clients. Wadood Dilsoz, directrice, Afghan Community Vancouver, a déclaré que les Afghans qui voulaient se rendre en lieu sûr avaient uniquement reçu « un message automatisé ». Autrement dit, ils n’avaient pas obtenu de vraie réponse[262]. Wazhma Frogh a expliqué que ses parents avaient patienté sept mois sans obtenir de nouvelles d’IRCC quant au statut de leur dossier[263].

Ghulam Faizi a dit pour sa part : « Nous n’avons reçu aucun [identificateur unique du client, IUC] ou numéro de dossier G après l’arrivée de la demande au bureau d’IRCC » depuis le 10 janvier 2022[264]. Ahmad Shoaib, également un ancien interprète des Forces armées canadiennes, a expliqué l’importance de ces numéros : « Si nous n’avons pas le numéro d’IUC et le numéro de dossier G, cela signifie que nous ne sommes pas dans le système, alors nous ne pouvons pas aller plus loin[265]. » Eleanor Taylor a déclaré que 52 % des 10 000 Afghans inscrits dans le système d’Aman Lara n’avaient pas encore obtenu un accusé de réception de leurs demandes[266]. Mohammed Zarif Mayar, ancien interprète des FAC arrivé récemment au Canada, a dit qu’en mai 2022, IRCC n’avait toujours pas communiqué avec les familles des interprètes[267].

Shajjan & Associates, le cabinet d’avocats afghan qui est au service de l’ambassade du Canada en Afghanistan depuis mars 2013, a fourni une confirmation d’emploi pour chacun de ses employés admissibles au programme de mesures spéciales d’immigration ainsi que deux lettres de recommandation de fonctionnaires canadiens et une copie de l’entente contractuelle entre le cabinet et le gouvernement du Canada. Saeeq Shajjan, fondateur et ancien associé directeur du cabinet, a réussi à venir au Canada, mais ses collègues n’ont reçu « aucune réponse des instances canadiennes, autres que des réponses générées automatiquement ». Un cabinet d’avocats canadien – Cassels, Brock and Blackwell SARL – s’est saisi de l’affaire à titre bénévole. Cependant, malgré des « centaines d’appels » à la ligne d’urgence nouvellement créée par IRCC, la « réponse de loin la plus fréquente obtenue au terme de ces appels était qu’aucune information ne pouvait être trouvée sur ces personnes ». Selon Shajjan & Associates, les « agents d’IRCC affectés à la ligne d’urgence ne pouvaient pas chercher les détails des demandes de recommandation initiales pour ces personnes[268] ».

Quelques témoins ont laissé entendre qu’IRCC n’avait pas suffisamment de ressources au Canada et à l’étranger pour gérer efficacement les programmes spéciaux du Canada pour l’Afghanistan. Alison MacLean a déclaré au Comité spécial : « Nous n’arrivons pas à établir la communication entre les familles, qui sont en cavale depuis sept mois dans des pays tiers, et les ambassades canadiennes, parce que les employés sont submergés[269]. » Kaylee Perez, présidente, Association des signataires d’entente de parrainage de réfugiés du Canada, pensait également qu’IRCC avait besoin de plus de moyens pour embaucher des employés afin de gérer la charge de travail actuelle au ministère, qui est sans précédent, selon elle[270].

De l’avis de Wendy Cukier, fondatrice, Lifeline Afghanistan, et professeure à la Ted Rogers School of Management de l’Université Ryerson, « la restructuration des processus opérationnels est essentielle ». Elle a ajouté : « Selon moi, ce n’est pas efficace de faire les choses comme nous l’avons toujours fait et d’y injecter de l’argent[271]. »

Corey Shelson estimait que le système, les logiciels et les bases de données utilisés pour traiter les demandes sont responsables du problème. Il a remarqué que les employés de première ligne d’IRCC composaient avec des situations extrêmement difficiles où des gens les appelaient et leur disaient ni plus ni moins : « Aidez-moi. Je vais mourir. » Bon nombre d’employés répondant aux appels et aux courriels concernant l’Afghanistan avaient été mutés de Service Canada et de l’Agence du revenu du Canada à IRCC « parce qu’ils voulaient aider ». Selon M. Shelson, ils ont déployé « des efforts énormes, en utilisant un système de traitement brisé pour traiter les demandes que nous avons soumises[272] ».

Observations et recommandations du Comité spécial

Il ressort de certains témoignages et mémoires qu’IRCC doit communiquer rapidement, plus régulièrement et de manière plus individualisée avec les demandeurs afin que ceux-ci ne soient pas complètement laissés dans l’incertitude. Le Comité spécial est également conscient de l’ampleur la tâche des employés d’IRCC, qui non seulement doivent réagir à ce qui se passe en Afghanistan, mais également à d’autres crises ailleurs dans le monde. Il prend donc bonne note des commentaires qui indiquent que ces employés sont dépassés par la situation.

Recommandation 21

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada accuse réception rapidement des demandes en expédiant un courriel qui renferme l’identificateur unique du client, pour les personnes acceptées dans le programme, et un courriel de refus, pour celles qui ne se qualifient pas, et qu’il veille aussi à répondre rapidement aux questions et aux demandes de suivi.

Recommandation 22

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada assigne davantage d’employés, actuels et nouveaux, au traitement des demandes découlant des programmes spéciaux du Canada destinés aux Afghans.

Problèmes propres au programme humanitaire

Dans l’ensemble, les témoins ont soulevé deux grands problèmes concernant le programme humanitaire pour les Afghans vulnérables. En premier lieu, certains témoins souhaitent que la définition de personne ou de groupe à risque soit élargie. En second lieu, de nombreux témoins ont exhorté le gouvernement du Canada à considérer d’emblée les Afghans comme des réfugiés, c’est-à-dire des gens qui sont automatiquement réputés être des réfugiés et qui n’ont pas besoin de faire l’objet d’une évaluation individuelle du HCR[273].

Le Comité spécial a entendu des témoignages dévastateurs sur la persécution des femmes et des personnes vulnérables en Afghanistan. Par exemple, Alison MacLean a raconté que des policières afghanes étaient traquées et exécutées[274]. Cependant, même si les critères d’admissibilité du programme humanitaire du Canada incluent également les leaders féminines, ils n’incluent pas toutes les femmes confrontées à la persécution fondée sur le sexe[275]. Pour s’attaquer à ce qu’ils perçoivent comme une exclusion injuste de certains individus et groupes, plusieurs témoins ont suggéré différentes façons d’élargir la définition de personne « à risque ». Par exemple, Friba Rezayee a fait valoir que les athlètes féminines devraient être incluses[276]. Pour sa part, Lauren Oates a rappelé au Comité spécial qu’une voie de sortie devrait également être accordée à ses collègues afghans qui ont travaillé à la réalisation des programmes fondés sur la politique d’aide internationale féministe du Canada[277]. Dans leur mémoire conjoint, l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université, le Congrès du travail du Canada et la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants ont recommandé que les professeurs d’université, les enseignants et les syndicalistes soient admissibles au programme humanitaire[278].

L’autre problème souvent soulevé par les témoins concerne l’obligation pour les ressortissants afghans de voir leur statut de réfugié déterminé individuellement par le HCR dans le cadre d’un parrainage privé, au titre du programme humanitaire. Pour les parrains du secteur privé et les groupes de cinq, un individu doit d’abord être reconnu comme réfugié auprès du HCR avant d’être parrainé, ce qui n’est pas le cas pour les titulaires d’ententes de parrainage privé[279].

Le Comité spécial a appris que le HCR a accru sa capacité de réinstallation dans les pays voisins de l’Afghanistan pendant le premier trimestre de 2022[280]. Malgré tout, des témoins ont dit au Comité spécial que les problèmes perdurent. Par exemple, Djawid Taheri a affirmé que, même si les gens qui font une demande au programme humanitaire doivent obtenir une référence du HCR, « le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ne le fait pas dans aucun des pays voisins de l’Afghanistan[281] ». Selon Asma Faizi, « l’ONU est présente dans certains de ces pays tiers, mais elle a un énorme arriéré, et elle ne traite pas les demandes. C’est donc un énorme obstacle pour beaucoup de gens[282]. »

Plusieurs témoins ont rappelé que, en 2015, le gouvernement du Canada avait désigné d’emblée les Syriens comme des réfugiés; cette décision avait grandement facilité les efforts de réinstallation[283]. De nombreux témoins ont réclamé que l’exigence concernant la reconnaissance par le HCR soit levée dans le cas des Afghans.

Dans leur mémoire, Journalists for Human Rights ont proposé une sorte de « réseau de recommandation » qui, selon eux, permettrait de mettre à contribution les ONG et les anciens combattants qui ont participé à la réponse en Afghanistan et sont bien informés au sujet des populations de demandeurs[284]. Aman Lara a fait valoir qu’un « mécanisme de recommandation » permettrait de « faire des recommandations plus rapides, mieux éclairées et plus précises sur les réfugiés, dans le cadre du programme humanitaire spécial, qui reflèteraient les priorités canadiennes[285] ». Cependant, un tel travail et celui consistant à identifier en toute sécurité les voies de sortie de l’Afghanistan – comme l’ont fait Journalists for Human Rights et Aman Lara – nécessite du financement[286]. Le directeur exécutif de Rainbow Railroad, Kimahli Powell, a dit pour sa part au Comité spécial que beaucoup de gens pensaient qu’ils étaient un organisme de recommandation pour les Afghans LGBTQI+ [287]. L’organisme croit que le fait d’être désigné partenaire de recommandation direct lui permettrait « de rechercher des réponses ciblées pour les personnes LGBTQI+ les plus vulnérables en Afghanistan, en Ukraine et ailleurs aux fins de réinstallation[288] ».

De façon générale, le Comité spécial a appris que les titulaires d’ententes de parrainage privé sont des partenaires à part entière des efforts de réinstallation d’IRCC. Kaylee Perez estimait qu’IRCC devrait « élabore[r] un cadre de travail assorti de critères objectifs pour ses interventions urgentes en matière d’immigration et de réfugiés ». Ainsi, on « permettrait à tous les intervenants concernés de bien se préparer et d’agir rapidement, et cela préserverait la transparence et l’équité pour assurer une réinstallation stratégique ». Mme Perez a aussi réclamé qu’IRCC investisse dans ses infrastructures pour s’assurer de répondre à la demande lorsqu’une crise survient[289]. Pour sa part, Wendy Cukier a estimé que le parrainage privé, comme les groupes de cinq, est mieux en mesure de s’adapter aux hausses ponctuelles et au fort volume de demandes de réinstallation des réfugiés[290].

S’il est vrai que la majorité des témoignages portaient sur l’accueil d’Afghans au Canada, certains ont souligné la crise des personnes déplacées qui prend de l’ampleur dans la région après des années de conflit et de misère. Ainsi, selon le HCR, l’Iran et le Pakistan « doivent continuer d’héberger plus de 2,2 millions de réfugiés afghans enregistrés et plus de 4 millions d’autres Afghans depuis plus de quatre décennies[291] ». S’il est vrai que le HCR tente de stabiliser la situation dans les pays d’accueil et insiste sur l’importance du plan de l’ONU en réponse aux réfugiés dans la région, Indrika Ratwatte a reconnu que « la réinstallation demeurera un outil essentiel de protection et une solution pour les personnes ayant des besoins criants de protection, préservé comme un mécanisme qui sauve des vies pour les plus vulnérables[292] ». Maria Toorpakai Wazir, présidente et fondatrice de la Maria Toorpakai Foundation, est d’avis qu’« on ne peut pas ramener tout le monde au Canada ou en Europe. » Selon elle : « Nous pouvons les aider là‑bas[293]. »

Problèmes propres au programme de regroupement familial pour les anciens interprètes

Le Canada souhaite accueillir 5 000 Afghans au moyen de son programme de regroupement familial pour les anciens interprètes. Katherine Moloney a fait remarquer que « les familles afghanes […] vivent habituellement dans des ménages multigénérationnels ». Elle a expliqué pourquoi il est si important, selon elle, que les membres de la famille élargie soient inclus dans les efforts de réinstallation du Canada :

La définition afghane de la « famille » est importante, car les talibans ciblent les membres de la famille. Les talibans tiennent une famille entière responsable des actions d’un seul de ses membres. Ils cherchent à se venger, ce qui veut dire prendre la vie d’un membre de la famille à la place de la personne qui s’est sauvée. Ainsi, des familles entières sont menacées par les actions d’un de leurs membres, même s’il vit au Canada[294].

Le Comité spécial a entendu plusieurs anciens interprètes qui rencontrent régulièrement IRCC pour discuter du programme précis créé pour les membres de leurs familles. Chacun d’entre eux a parlé d’un aspect différent des problèmes auxquels ils sont confrontés, allant de la peur qu’ils ressentent pour leurs familles qui se terrent et craignent que les talibans les trouvent, à la frustration qu’ils ressentent lorsqu’IRCC leur demande de remplir d’autres formulaires. Ils ont tous eu de nombreuses réunions avec des représentants d’IRCC, mais il y a eu peu de progrès perceptibles[295].

Ghulam Faizi a décrit la vie des membres de sa famille en ces termes :

Voilà ce que vivent nos familles en Afghanistan. Par exemple, les talibans ont fait une descente dans la maison de l’un de nos anciens interprètes. Son frère a brûlé tous les documents, et il n’a pu envoyer qu’un seul de ses frères au Pakistan. Il m’a dit qu’il ne peut pas se permettre d’envoyer tous les membres de sa famille au Pakistan en même temps et de les réinstaller là‑bas. Les membres de sa famille vivent donc toujours en Afghanistan et ils ne savent pas ce qu’il adviendra d’eux d’un jour à l’autre. Ils doivent constamment changer d’endroit[296].

Hameed Khan, un autre ancien interprète des Forces armées canadiennes, a raconté au Comité spécial ce qui suit :

Les talibans ont assassiné toute personne jugée coupable de trahison. La situation ne fait que s’aggraver, car les talibans fouillent les maisons des membres présumés des familles des personnes qui ont travaillé avec les forces de l’OTAN ou [International Security Assistance Force] forces. De nombreuses personnes ont brûlé les documents qui établissent un lien entre nos familles et le Canada[297].

Pourtant, selon Ahmad Shoaib, un ancien interprète, 65 % des membres de la famille élargie des anciens interprètes du Canada attendent encore leur IUC ou leur numéro de dossier G. Malgré tout, dit-il, « IRCC nous pousse à obtenir des passeports ». Or, comme l’a expliqué M. Shoaib, cela forcerait les membres de leur famille élargie à divulguer leur identité et leurs activités passées aux talibans[298]. Selon Safiullah Mohammad Zahed, un ancien interprète, cela « était censé être une évacuation d’urgence, mais on traite cela comme un programme de parrainage familial dans le cadre duquel il faut payer pour tout ». Rappelant que les anciens interprètent sont tenus de « présenter des centaines de formulaires », il a dit : « Je pense qu’ils cherchent simplement des excuses[299]. » Le ministre Fraser a expliqué que ces formulaires servent parfois à remplacer une entrevue lorsqu’il est impossible d’en tenir une en personne[300].

Ghulam Faizi voulait aussi savoir pourquoi le programme d’aide à la réinstallation (PAR) et les autres programmes de soutien du revenu étaient disponibles uniquement aux Afghans arrivés au Canada grâce aux MSI, non aux individus faisant appel au programme de regroupement familial. Sans soutien, les interprètes craignent de ne pas pouvoir payer le loyer de leur famille élargie[301].

Des militaires retraités des Forces armées canadiennes qui ont témoigné devant le Comité spécial ont réitéré le rôle essentiel que les interprètes et conseillers culturels ont joué pendant la mission canadienne en Afghanistan. Selon le major-général (à la retraite) David Fraser : « L’Afghanistan a été l’une des missions les plus complexes auxquelles le Canada ait jamais participé. Nulle part ailleurs n’avons-nous été plus dépendants des interprètes et des conseillers culturels[302]. » Après avoir souligné que « ces personnes ont travaillé aux côtés des membres des Forces canadiennes, dans les mêmes véhicules, portant les mêmes uniformes », Oliver Thorne a rappelé au Comité spécial que « dans bien des cas, leur information et leurs connaissances locales ont aidé à sauver la vie de Canadiens[303] ». Des interprètes ont interpellé directement des membres des FAC. De l’avis de M. Thorne, il est « extrêmement préjudiciable à la santé mentale des anciens combattants canadiens de se trouver impuissants à les aider, de savoir que leurs interprètes attendent toujours de pouvoir venir ici et de sans cesse recevoir d’eux des messages décrivant à quel point leur situation est dangereuse[304] ».

Corey Shelson a comparé la situation aux « responsabilités [du Canada] à la suite d’une campagne militaire ». Il a dit : « Lorsque le Canada déploie des troupes, notre mission ne prend pas fin lorsque les militaires rentrent au pays[305]. »

Observations et recommandations du Comité spécial

Il ne faut pas oublier la raison d’être des programmes spéciaux créés pour les Afghans : ils ont travaillé avec des Canadiens, dans des conditions dangereuses. Ils ont ultimement symbolisé les idéaux que le Canada et ses alliés cherchaient à inculquer en Afghanistan, mais ils sont aujourd’hui vulnérables face à un régime qui a livré une lutte impitoyable contre ces mêmes idéaux. À ce sujet, le Comité spécial attire l’attention sur la déclaration du ministre Fraser :

Si nous voulions faire venir les 40 000 réfugiés afghans qui se trouvent déjà dans des pays tiers, je n’ai aucun doute que nous pourrions respecter cet engagement plus rapidement. Cependant — et c’est un élément important pour moi —, nous avons pris un engagement envers certaines personnes et leurs familles en fonction de leur travail avec le Canada. Nous n’avons pas l’intention de déroger à cet engagement, même si cela signifie qu’il faut faire la chose la plus difficile, qui est de continuer à chercher toutes les avenues possibles pour les faire venir au Canada, même s’ils sont peut-être encore en Afghanistan[306].

Le Comité spécial croit également que le Canada ne peut pas abandonner son engagement, peu importe les obstacles qui se dressent sur sa route. Pour cette raison, il estime qu’il incombe au gouvernement du Canada de faire preuve d’un maximum d’adaptabilité et de respect, et d’agir sans délai pour atteindre cet objectif.

Recommandation 23

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada prenne les mesures nécessaires pour que les demandes soumises par des Afghans ayant eu un lien durable avec le Canada, au titre des mesures spéciales en matière d’immigration (MSI), soient traitées immédiatement.

Recommandation 24

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada élargisse les catégories de personnes qui sont réputées vulnérables, comme les femmes qui craignent la persécution fondée sur le sexe, afin que son programme humanitaire pour les Afghans soit le plus inclusif que possible.

Recommandation 25

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada élargisse le bassin de partenaires de recommandation qu’il utilise pour réinstaller les ressortissants afghans afin d’y inclure des organisations non gouvernementales de confiance qui sont actives en Afghanistan et dans les pays voisins et qui connaissent les populations de candidats.

Recommandation 26

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada abandonne l’exigence de la détermination du statut de réfugié par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés dans le cas des Afghans, comme il l’a déjà fait pour d’autres déplacements de masse, notamment en Syrie, afin que des membres de la société civile canadienne puisse parrainer, en groupes de cinq ou en groupes communautaires, des Afghans vulnérables.

Recommandation 27

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada élimine l’exigence pour les Afghans de se trouver dans un pays tiers pour être admissibles aux mesures spéciales en matière d’immigration.

Recommandation 28

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada traite immédiatement les demandes provenant des membres de la famille élargie des anciens interprètes afghans du Canada.

Recommandation 29

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada étende le programme de regroupement familial pour les membres de la famille élargie aux autres Afghans.

Recommandation 30

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada réduise les formalités administratives que les réfugiés afghans ayant eu des liens durables et importants avec le Canada, ainsi que leur famille, doivent remplir, et renonce aux exigences relatives aux documents que ces réfugiés sont dans l’impossibilité d’obtenir auprès des autorités afghanes, comme les certificats de mariage et de naissance, uniquement après avoir examiné le risque de traite d’enfants.

Recommandation 31

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada élimine les limites imposées aux signataires d’ententes de parrainage pour des réfugiés afghans.

Recommandation 32

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada offre le programme d’aide à la réinstallation et les autres programmes de soutien de revenu d’un an à l’intention des demandeurs au titre des mesures spéciales en matière d’immigration aux membres de la famille élargie des anciens interprètes, dans le cadre du programme de regroupement familial pour les membres la famille élargie.

Recommandation 33

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada offre des vols d’évacuation aux Afghans se trouvant dans des pays tiers, sauf pour l’Iran.

Recommandation 34

Que le gouvernement du Canada demande à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada de s’assurer que les membres de la famille d’anciens interprètes obtiennent de l’aide pour leur hébergement dans des pays tiers.

Recommandation 35

Que le gouvernement du Canada s’assure qu'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada effectue un examen interne de sa réponse aux crises de réfugiés, y compris les délais de traitement, les capacités de la main-d'œuvre et les communications avec les demandeurs, les répondants des réfugiés et d'autres organisations comme les organisations non gouvernementales et les partenaires de présentation des réfugiés. Tout en protégeant la sécurité nationale, l'examen devrait être partagé avec les ministères et organismes concernés, notamment Affaires mondiales Canada, la Défense nationale et les Forces armées canadiennes. Les principales conclusions devraient être communiquées par écrit au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.

Recommandation 36

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada utilise les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés pour créer une mesure spéciale en matière d’immigration afin de relocaliser de façon urgente 300 réfugiés afghans LGBTQI+ préalablement identifiés comme réfugiés pris en charge par le gouvernement, et que ceux-ci s’ajoutent aux 40 000 réfugiés afghans que le Canada s’est déjà engagé à accueillir.

Programmes d’immigration existants adaptés à la crise afghane

IRCC a transmis à ses agents des directives opérationnelles, en vigueur depuis le 23 août 2021, pour soutenir les personnes touchées par la crise en Afghanistan en leur offrant un « traitement prioritaire[307] ». Le traitement prioritaire s’applique dans les cas suivants :

  • Ressortissants afghans qui sont des membres de la famille immédiate[308] d’un citoyen canadien, d’un Indien inscrit ou d’un résident permanent qui a déposé une demande de regroupement familial ou une demande de résidence temporaire comme un visa de visiteur. Les demandes complètes doivent être traitées en premier.
  • Personnes protégées au Canada (comme les demandeurs du statut de réfugié acceptés) qui demandent la résidence permanente et dont le conjoint ou le partenaire et les enfants résident actuellement à l’extérieur du Canada.
  • Personnes à charge de réfugiés réinstallés qui résident actuellement à l’extérieur du Canada[309].

Le Comité spécial n’a pas reçu beaucoup d’observations concernant ces mesures. Toutefois, l’Association du Barreau canadien a dit dans son mémoire que « rien n’indique que les mesures de facilitation ont effectivement permis de prioriser le traitement [des demandes][310] ».

Warda Meighen a suggéré qu’IRCC délivre des visas de résident temporaire[311]. Friba Rezayee a dit vouloir qu’IRCC octroie des permis d’études, particulièrement aux étudiants ayant obtenu des bourses d’études complètes[312]. Women Leaders of Tomorrow « a aidé de nombreuses femmes afghanes à obtenir des bourses complètes dans des universités canadiennes, mais IRCC leur a refusé leur permis d’études et leur visa d’étudiant au motif qu’il est peu probable qu’elles retournent en Afghanistan[313] ». Wendy Cukier a parlé également d’une étudiante postdoctorale en Afghanistan qui s’est vu refuser un permis d’études, car IRCC doutait qu’elle retourne dans son pays à la fin de son séjour[314].

Pour certains, la discussion entourant les visas et permis a donné lieu à une comparaison avec les mesures offertes aux six millions d’Ukrainiens forcés de fuir devant l’invasion de leur pays par la Russie depuis le 24 février 2022[315]. IRCC a créé l’Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine (AVUCU)[316], qui offre aux Ukrainiens un statut de résident temporaire pour une durée maximale de trois ans, et les rend admissibles, sans frais, à un permis de travail ouvert ou à un permis d’études[317]. En plus des 34 endroits, dans la région, où l’on trouve des centres de demandes de visas et des trousses de biométrie[318], IRCC a ouvert de nouveaux centres temporaires à Varsovie, en Pologne, et à Berlin, en Allemagne, pour augmenter la capacité de collecte de données biométriques[319].

Wadood Dilsoz a déclaré au Comité spécial que des permis de travail et des permis d’études devraient être délivrés aux Afghans, comme ils l’ont été aux réfugiés en provenance d’Ukraine[320]. De façon plus générale, Wendy Cukier a dit vouloir que le gouvernement du Canada fasse « ce qu’il a fait en quelques semaines pour les réfugiés ukrainiens[321]». Djawid Taheri a déclaré au Comité spécial :

[L]orsqu’on voit comment le gouvernement prend des mesures simples et rapides pour faciliter l’établissement des Ukrainiens au Canada, on commence à se poser des questions. Pourquoi de telles mesures ne sont-elles pas possibles pour les réfugiés afghans[322]?

Katherine Moloney a formulé une explication éventuelle de ce traitement différentiel : « La raison pour laquelle le Canada ne délivre pas de visas temporaires aux Afghans, mais qu’il le fait pour les Ukrainiens, est […] [la crainte] que les Afghans qui fuient les talibans puissent être des talibans, bien que ça ne soit pas prouvé. C’est la crainte que je soupçonne[323]. »

Le ministre Fraser a modulé la réponse du ministère face aux deux situations en fonction des différentes circonstances et réalités. Il a dit, dans le cas de l’Ukraine, qu’on s’attendait à ce que beaucoup de gens retournent chez eux quand ce serait sécuritaire de le faire. Quant aux ressortissants afghans, « il leur faut un programme de réinstallation permanente[324] ».

Observations et recommandations du Comité spécial

Le Comité spécial est conscient des circonstances qui ont permis au Canada de réagir rapidement et avec générosité à la crise des déplacées causée par la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, notamment la présence des pays alliés frontaliers ou voisins de l’Ukraine. En même temps, il prend acte des préoccupations portées à son attention en ce qui concerne l’équité. Il estime donc qu’il faut explorer toutes les voies permettant d’aider de jeunes Afghans à contribuer à la société canadienne et – un jour – à la reconstruction de l’Afghanistan.

Recommandation 37

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada permette aux Afghans de se faire délivrer des permis d’études, notamment ceux qui ont obtenu des bourses complètes ou qui poursuivent leurs études, ainsi que ceux qui sont admis dans le projet pilote sur la voie d’accès à la mobilité économique et des volets d’immigration économique, sans évaluer leur intention de retourner dans leur pays d’origine.

Services de réinstallation

Le Comité spécial a appris qu’un nouveau cadre de collaboration entre les fournisseurs de PAR et les organismes de réinstallation avait été établi en quelques jours pour faciliter la réinstallation d’Afghans au Canada en vertu des programmes spéciaux. Umashanie Reddy, directrice nationale des Programmes de réinstallation des réfugiés parrainés par le gouvernement et de réinstallation des ressortissants afghans, Calgary Catholic Immigration Society, a affirmé au Comité spécial que son organisme avait eu huit jours pour planifier l’arrivée de ses premiers réfugiés afghans. Dans ce laps de temps, son organisme avait créé « une structure de gouvernance stratégique complète définissant notamment les rôles et les responsabilités de chacun. Nous voulions que cette structure soit coordonnée au niveau national et mise en œuvre au niveau local. Nous voulions aussi qu’elle soit équitable, juste sur le plan social, et conçue pour faire participer tous les fournisseurs de services du Programme d’aide à la réinstallation, ou PAR[325]. » Ses membres se réunissaient chaque semaine et la communication avec IRCC était bonne.

Umashanie Reddy a aussi parlé des 34 agences de réinstallation, situées partout au pays, qui soutiennent les réfugiés afghans parrainés par le gouvernement. Elle a expliqué que les réfugiés parrainés par le gouvernement ont droit au soutien du revenu du PAR et à d’autres services, dont une évaluation de leurs besoins (éducation, logement, éducation financière, santé, etc.) et de leurs compétences linguistiques[326]. Cependant, a-t-elle poursuivi, puisque bon nombre des gens qu’elle rencontre « sont très instruits », ils peuvent être surqualifiés pour certains des emplois qu’on leur offre[327].

Kelly Ernst, vice-président, Populations vulnérables, Centre for Newcomers, a souligné les défis – ou « obstacles » – découlant des différents services de soutien accessible aux Afghans en fonction de la façon dont ils sont arrivés au Canada (c’est-à-dire leur programme d’immigration). Selon qu’un individu est un réfugié parrainé par le gouvernement ou le secteur privé, un réfugié ou un demandeur du statut de réfugié, il obtient « différents types de services en fonction de [son] statut ». D’après M. Ernst, les distinctions entre les différentes catégories sont « très fau[sses] » et il faut les corriger[328].


[1]              Adela Suliman, « Nearly 20 years of war, 10 days to fall: Afghanistan, by the numbers », The Washington Post, 20 août 2021 [disponible en anglais seulement]; Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), L’OTAN et l’Afghanistan, 8 avril 2022; et Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan, What We Need to Learn: Lessons from Twenty Years of Afghanistan Reconstruction, août 2021 [disponible en anglais seulement].

[2]              Gouvernement du Canada, L’engagement du Canada en Afghanistan : Le quatorzième et dernier rapport au Parlement, 2012, p. 5.

[3]              Gouvernement du Canada, Afghanistan 2001-2014; et Gouvernement du Canada, L’héritage des Forces armées canadiennes en Afghanistan, archivé.

[4]              Affaires mondiales Canada (AMC), « Afghanistan », Comparution du ministre des Affaires étrangères devant le comité plénier – Liste de portefeuille – Matériel de breffage, les 7 et 8 décembre 2021.

[5]              Comité spécial sur l’Afghanistan de la Chambre des communes (AFGH), 44e législature, 1re session, « Mandat », À propos.

[6]              Essentiellement, l’accord de Doha signé le 29 février 2020 a déclenché le retrait progressif des forces étrangères présentes en Afghanistan; en échange, les talibans ont garanti que l’Afghanistan ne redeviendrait pas une source de menaces à la sécurité des États-Unis et de ses alliés. Voir États-Unis, Département d’État, Agreement for Bringing Peace to Afghanistan between the Islamic Emirate of Afghanistan which is not recognized by the United States as a state and is known as the Taliban and the United States of America, 29 février 2020 [disponible en anglais seulement].

[7]              La Maison-Blanche, Remarks by President Biden on the Way Forward in Afghanistan, salle des traités, 14 avril 2021 [traduction]. Au plus fort de la présence de la coalition internationale, en 2011, il y avait quelque 97 000 soldats américains et 41 000 soldats de l’OTAN postés en Afghanistan. Au moment de l’investiture de Joe Biden, le 20 janvier 2021, il y avait environ 3 500 soldats américains, 5 400 soldats de l’OTAN et 6 300 entrepreneurs en Afghanistan. Voir États-Unis, Sénat, Committee on Armed Services, Hearing to Receive Testimony on the Conclusion of Military Operations in Afghanistan and Plans for Future Counterterrorism Operations, transcription, Alderson Court Reporting, 28 septembre 2021, p. 23 [disponible en anglais seulement].

[8]              OTAN, Déclaration du Conseil de l’Atlantique Nord en session ministérielle sur l’Afghanistan, 14 avril 2021. En décembre 2014, la mission de la Force internationale d’assistance à la sécurité de l’OTAN a pris fin, point culminant d’un transfert progressif de la responsabilité de la sécurité de l’Afghanistan aux forces de défense et de sécurité nationales afghanes. À ce moment, l’OTAN est passée de sa mission de lutte contre l’insurrection à sa nouvelle mission, Resolute Support, qui était axée sur l’instruction, le conseil et l’assistance aux forces afghanes et aux institutions connexes.

[9]              Steve Coll et Adam Entous, « The Secret History of the U.S. Diplomatic Failure in Afghanistan », The New Yorker, 10 décembre 2021 [disponible en anglais seulement].

[10]            Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan, Quarterly Report to the United States Congress, 30 octobre 2021, p. 68 [traduction].

[11]            Ibid., p. 69.

[12]            Ibid., p. 71.

[13]            Ibid., p. 72.

[14]            La situation en Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales : Rapport du Secrétaire général, Assemblée générale des Nations Unies et Conseil de sécurité des Nations Unies, A/76/328-S/2021/759, 2 septembre 2021, paragr. 4.

[15]            La Maison-Blanche, Remarks by President Biden on the End of the War in Afghanistan, salle à manger d’État, 31 août 2021 [traduction].

[16]            États-Unis, Département de la Défense, Bureau de l’inspecteur général, Operation Freedom’s Sentinel: Lead Inspector General Report to the United States Congress, July 1, 2021–September 30, 2021, p. 40 [disponible en anglais seulement].

[17]            États-Unis, Département de la Défense, Secretary of Defense Austin and Chairman of the Joints Chiefs of Staff Gen. Milley Press Briefing on the End of the U.S. War in Afghanistan, transcription, 1er septembre 2021 [disponible en anglais seulement].

[18]            AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1840 (l’hon. Anita Anand, ministre de la Défense nationale).

[19]            Gouvernement du Canada, Opération AEGIS.

[20]            AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1925 (général Wayne D. Eyre, chef d’état-major de la Défense, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale).

[21]            Ibid.

[22]            Ibid.,1950.

[23]            Gouvernement du Canada, Opération AEGIS.

[24]            Affaires mondiales Canada, Le Canada suspend temporairement ses activités à l’ambassade du Canada en Afghanistan, déclaration, 15 août 2021.

[25]            AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1835 (l’hon. Anita Anand).

[26]            AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 2010 (vice-amiral J.R. Auchterlonie, commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada, ministère de la Défense nationale).

[27]            Ibid. Le Comité spécial a appris que près de 3 000 de ces quelque 3 700 personnes ont été évacuées entre le 19 et le 26 août 2021.

[28]            Gouvernement du Canada, Briefing technique : l’opération AEGIS – Le 26 août 2021.

[29]            Gouvernement du Canada, « Sécurité », Afghanistan, mise à jour du 6 avril 2022.

[30]            AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1950 (Reid Sirrs, ancien ambassadeur du Canada en Afghanistan, Affaires mondiales Canada).

[31]            AFGH, Témoignages, 4 avril 2022, 1940 (Jennifer Loten, directrice générale, Crime international et terrorisme, Affaires mondiales Canada).

[32]            AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1840 (gén Wayne D. Eyre). En ce qui concerne la question de la dépendance du Canada à l’égard des renseignements alliés, la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a déclaré qu’à la mi‑juillet 2021 « tous les actifs militaires et de renseignements alliés restant en Afghanistan étaient confinés à Kaboul ». Voir AFGH, Témoignages, 2 mai 2022, 1835 (l’hon. Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères).

[33]            AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1840 (gén Wayne D. Eyre).

[34]            Ibid., 1905.

[35]            Ibid.

[36]            AFGH, Témoignages, 4 avril 2022, 1845 (l’hon. Harjit S. Sajjan, ministre du Développement international).

[37]            AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1905 (gén Wayne D. Eyre).

[38]            AFGH, Témoignages, 4 avril 2022, 1845 (l’hon. Harjit S. Sajjan).

[39]            Ibid., 1925.

[40]            AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1950 (Reid Sirrs).

[41]            Ibid., 1955. Lorsqu’interrogé sur les efforts déployés pour mettre les interprètes en sécurité une fois la mission militaire du Canada terminée, Reid Sirrs a parlé des programmes spéciaux d’immigration de 2009 et 2012 qui avaient pris fin. Il a dit qu’à son arrivée en Afghanistan, en 2014, pour une précédente affectation, « il est devenu évident que certaines des personnes qui n’avaient pas participé au programme ont demandé qu’il soit reconduit ». Toujours selon Reid Sirrs, l’ambassadrice de l’époque, Deborah Lyons, et lui-même avaient « recommandé à Ottawa de présenter la question à [ce qui était alors Citoyenneté et Immigration Canada], afin de voir s’il était possible de relancer le programme. Le ministre, à cette époque, a décidé que non, que suffisamment de temps avait été accordé, et la question n’a donc pas été abordée davantage. » Voir Ibid., 2005. Le Comité spécial a également reçu des copies de lettres que l’honorable Erin O’Toole a envoyées au ministre de l’Immigration entre 2015 et 2017 concernant les anciens interprètes du Canada. Une réponse datant de mars 2017 du ministre de l’époque, l’hon. Ahmed Hussen, a confirmé que les mesures spéciales avaient pris fin, et que la personne dont il était question pouvait regarder les conditions d’admissibilité d’autres programmes d’immigration du Canada. Correspondance reçue par AFGH, le 6 mai 2022.

[42]            AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 2000 (Reid Sirrs). Le général Eyre a indiqué qu’à cause de l’obligation d’avoir un passeport valide, certains vols d’évacuation n’ont pu être remplis au maximum de leur capacité par le Canada, avant le 15 août 2021. Voir AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1855 (gén Wayne D. Eyre).

[43]            AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1950 (Reid Sirrs).

[44]            AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1835 (l’hon. Anita Anand).

[45]            AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 2010 (Indrika Ratwatte, directeur, Bureau régional pour l’Asie et le Pacifique, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés).

[46]            Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), La situation en Afghanistan : Préparation et plan d’intervention en cas d’urgence 2021. Document fourni à AFGH, 4 mars 2022.

[47]            AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 2015 (Stephen Peddle, à titre personnel).

[48]            AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 2045 (Wazhma Frogh, fondatrice, Organisation des femmes et des études pour la paix de l’Afghanistan). Lauryn Oates a même laissé entendre que la chute du gouvernement afghan « n’était pas inévitable ». De l’avis de son organisation : « La réaction de la communauté internationale, menée par les États-Unis et à laquelle ont participé le Canada et d’autres gouvernements qui ont emboîté le pas, a contribué à cette issue, alors que les gouvernements auraient plutôt dû s’unir pour la prévenir. » Voir AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 2000 (Lauryn Oates, directrice générale, Femmes canadiennes pour les femmes en Afghanistan).

[49]            AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 1945 (mgén [ret] David Fraser, Afghan Strategic Evacuation Team, à titre personnel).

[50]            Ibid., 2005.

[51]            AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1850 (Wendy Long, directrice, Afghan-Canadian Interpreters).

[52]            Ibid.

[53]            Afghan-Canadian Interpreters, et coll., Letter to the Right Honourable Justin Trudeau, 1er juin 2021 [disponible en anglais seulement].

[54]            Ibid. [traduction].

[55]            AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 1855 (Asma Faizi, présidente, Afghan Women’s Organization Refugee and Immigrant Services).

[56]            Afghan Women’s Organization, réponses complémentaires, 4 mars 2022 [traduction].

[57]            AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1850 (Wendy Long).

[58]            Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Le gouvernement du Canada offre l’asile aux Afghans qui ont aidé le Canada, communiqué de presse, 23 juillet 2021. Un autre programme « humanitaire », inauguré le 13 août 2021, est destiné aux leaders féminines, aux défenseurs de droits de la personne, aux membres de minorités religieuses ou ethniques persécutées, aux journalistes et aux membres LGBTI de l’Afghanistan qui ont besoin de se réinstaller. Voir IRCC, Le Canada étend son programme de réinstallation pour mettre plus d’Afghans en sécurité, communiqué de presse, 13 août 2021.

[59]            AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1940 (Corey Shelson, à titre personnel).

[60]            Ibid.

[61]            AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1950 (Stephen Peddle).

[62]            Ibid.

[63]            Ibid.

[64]            AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 2020 (Corey Shelson).

[65]            Ibid.

[66]            AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1850 (Wendy Long).

[67]            Ibid.

[68]            AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 1955 (Oliver Thorne, directeur général, Réseau de transition des vétérans). Corey Shelson a également évoqué le problème de personnel : « Lorsque le programme spécial d’immigration a été annoncé, IRCC n’avait que deux employés affectés au tri des courriels reçus. » Des renforts ne sont pas arrivés avant « septembre [2021], alors que l’évacuation avait déjà pris fin ». Voir AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1940 (Corey Shelson).

[69]            AFGH, Témoignages, 2 mai 2022, 2005 (Cindy Termorshuizen, sous-ministre déléguée affaires étrangères, ministère des Affaires étrangères, Affaires mondiales Canada).

[70]            AFGH, Témoignages, 4 avril 2022, 2015 (Paul Thoppil, sous-ministre adjoint, Asie-Pacifique, ministère des Affaires étrangères, Affaires mondiales Canada).

[71]            AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1925 (gén Wayne D. Eyre).

[72]            AFGH, Témoignages, 2 mai 2022, 1930 (Cindy Termorshuizen).

[73]            Ibid., 2000.

[74]            AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1945 (gén Wayne D. Eyre).

[75]            AFGH, Témoignages, 25 avril 2022, 1950 (l’hon. Sean Fraser, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté).

[76]            AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1910 (Wendy Long).

[77]            AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 2020 (Corey Shelson).

[78]            AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1900 (gén Wayne D. Eyre).

[79]            AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1950 (Reid Sirrs).

[80]            Ibid.

[81]            AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 2015 (Reid Sirrs).

[82]            Ibid.

[83]            AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1945 (vam J.R. Auchterlonie).

[84]            AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1900 (David Theodore Lavery, à titre personnel).

[85]            AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 2005 (mgén [ret] Dean Milner, Afghan Strategic Evacuation Team, à titre personnel).

[86]            Ibid., 2000.

[87]            AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 2010 (mgén [ret] David Fraser).

[88]            AFGH, Témoignages, 20 mai 2022, 1425 (Warda Meighen, partenaire, Landings LLP).

[89]            AFGH, Témoignages, 2 mai 2022, 2005 (Cindy Termorshuizen); et AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1840 (gén Wayne D. Eyre).

[90]            AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1940 (Bill Matthews, sous-ministre de la Défense nationale, ministère de la Défense nationale). Concernant la question de l’exercice interministériel sur les leçons à retenir, le général Eyre a déclaré : « Nous avons participé à une analyse après opération dirigée par le [Bureau du Conseil privé]. Je n’en ai pas vu les résultats. » Voir AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1940 (gén Wayne D. Eyre).

[91]            AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 1835 (Asma Faizi).

[92]            Ibid.

[93]            En 2020–2021, le Canada a versé 199 millions de dollars à l’Afghanistan, essentiellement dans le cadre d’aide au développement, ce qui fait de l’Afghanistan le deuxième bénéficiaire d’aide internationale en importance accordée par le Canada. Voir Gouvernement du Canada, Rapport statistique sur l’aide internationale – Exercice 2020-2021, 2022, p. 6, 17 et 26. Depuis la prise du pouvoir par les talibans en août 2021, le Canada a seulement accordé de l’aide humanitaire à l’Afghanistan. Voir Gouvernement du Canada, « Afghanistan », ministre du Développement international – Cahier d’information, octobre 2021.

[94]            Groupe de la Banque mondiale, Afghanistan Development Update, April 2021: Setting Course to Recovery, 2021, p. 4. [traduction].

[95]            La Banque mondiale indique aussi dans son rapport que, même si elle demeure exceptionnellement élevée, l’aide générale se compose surtout de subventions très sécurisées qui atteignent des niveaux par habitant civil comparables à ceux d’autres pays à faible revenu. Voir Banque mondiale, Afghanistan Development Update, April 2022: Towards Economic Stabilization and Recovery, 2022, p. 1 [disponible en anglais seulement].

[96]            Le 11 février 2022, le président Biden a pris un décret [disponible en anglais seulement] visant à bloquer, à regrouper et à diviser les 7 milliards de dollars américains d’avoirs qui appartiennent à la banque centrale d’Afghanistan et qui sont détenus aux États-Unis. Près de la moitié des avoirs a été placée dans un fonds en fiducie à l’intention du peuple afghan, dont les critères d’établissement sont toujours à définir. L’autre moitié se trouve au cœur d’un litige soumis par les familles des victimes des attentats terroristes du 11 septembre 2001, dans l’hypothèse [disponible en anglais seulement] que le tribunal de New York entendra la cause et donnera l’autorisation de procéder de cette manière.

[97]            Médecins Sans Frontières, mémoire, 29 mars 2022.

[98]            Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (BCAH), Humanitarian Response Plan: Afghanistan, Cycle du programme humanitaire 2022, janvier 2022; et BCAH, Humanitarian Needs Overview: Afghanistan, Cycle du programme humanitaire 2022, janvier 2022 [disponibles en anglais seulement].

[99]            AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 1835 (Asma Faizi).

[100]          On estime à 22,8 millions de personnes la population afghane exposée à une insécurité alimentaire aiguë (niveau de crise ou d’urgence) durant la période allant de novembre 2021 à mars 2022, ce qui représente une hausse frôlant les 35 % pour la même saison de l’année précédente. Voir Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, Afghanistan: IPC Acute Food Insecurity Analysis, September 2021–March 2022, octobre 2021 [disponible en anglais seulement].

[101]          Programme alimentaire mondial, mémoire, 11 mars 2022.

[102]          Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, Afghanistan: IPC Acute Food Insecurity Analysis, March–November 2022, mai 2022 disponible en anglais seulement].

[103]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1900 (John Aylieff, directeur régional, Asie et Pacifique, Programme alimentaire mondial).

[104]          Ibid.

[105]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1955 (George Varughese, conseiller principal, Aide humanitaire et développement, Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan).

[106]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1835 (Jason Nickerson, représentant humanitaire au Canada, Médecins Sans Frontières).

[107]          Ibid.

[108]          Programme alimentaire mondial, mémoire, 11 mars 2022.

[109]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1955 (George Varughese).

[110]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1950 (Indrika Ratwatte).

[111]          Programme alimentaire mondial, mémoire, 11 mars 2022.

[112]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1840 (Manuel Fontaine, directeur, Programmes des Nations Unies pour l’enfance, Fonds des Nations Unies pour l’enfance).

[113]          Mines Action Canada, mémoire, 2 mars 2022.

[114]          Ibid.

[115]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1900 (John Aylieff).

[116]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 2005 (Michael Messenger, président et chef de la direction, Vision mondiale Canada).

[117]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1945 (Dr Sima Samar, ancienne présidente, Commission afghane indépendante des droits de l’homme, à titre personnel).

[118]          Nations Unies, « Afghanistan : l’ONU demande cinq milliards de dollars pour empêcher l’effondrement du pays », ONU Info, 11 janvier 2022. L’appel-éclair lancé en septembre 2021 a permis d’amasser 1 milliard de dollars américains pour l’aide humanitaire destinée à l’Afghanistan, ce qui a probablement évité une catastrophe. D’après M. Varughese de la mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, les fonds amassés serviront à donner une « aide vitale » à 18 millions de personnes en Afghanistan. Voir AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1955 (George Varughese).

[119]          « Financial announcements », Afghanistan Conference 2022: High-Level Pledging Event on Supporting the Humanitarian Response in Afghanistan, 1er avril 2022 [disponible en anglais seulement].

[120]          BCAH, Service de surveillance financière, Afghanistan Humanitarian Response Plan 2022, consulté le 23 mai 2022 [disponible en anglais seulement].

[121]          Affaires mondiales Canada (AMC), réponses complémentaires aux questions, 14 avril 2022. Pour davantage de contexte, voir AMC, Le Canada annonce une aide humanitaire supplémentaire à l’Afghanistan et aux pays voisins, communiqué de presse, 26 août 2021; AMC, Le Canada annonce une aide humanitaire urgente de 56 millions de dollars pour le peuple afghan, communiqué de presse, 21 décembre 2021; et AMC, Le Canada annonce une aide humanitaire supplémentaire de 50 millions de dollars pour l’Afghanistan, communiqué de presse, 31 mars 2022.

[122]          AFGH, Témoignages, 4 avril 2022, 1835 (l’hon. Harjit Sajjan).

[123]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1920 (John Aylieff).

[124]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1905 (Patrick Hamilton, chef de la délégation régionale, États-Unis et Canada, Comité international de la Croix-Rouge).

[125]          Ibid., 1025.

[126]          Ibid., 1930.

[127]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 2000 (Lauryn Oates).

[128]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 2015 (Khalidha Nasiri, directrice générale, Afghan Youth Engagement and Development Initiative).

[129]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1905 (Barbara Grantham, présidente-directrice générale, CARE Canada).

[130]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1900 (John Aylieff).

[131]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1935 (Martine Flokstra, gestionnaire des opérations, Médecins Sans Frontières).

[132]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1855 (Manuel Fontaine).

[133]          Ibid., 1935.

[134]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1920 (John Aylieff).

[135]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 2015 (Indrika Ratwatte).

[136]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1905 (Barbara Grantham).

[137]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1945 (Dr Sima Samar). Les Hazaras forment une minorité ethnique en Afghanistan, qui est persécutée surtout depuis l’arrivée au pouvoir des talibans dans les années 1990. Voir AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1950 (Ali Mirzad, conseiller principal des relations et affaires gouvernementales, Canadian Hazara Humanitarian Services). Selon Affaires mondiales Canada, malgré la promesse des talibans de protéger la population hazara, « la province de Khorosan de l’État islamique a récemment multiplié les attaques meurtrières contre les communautés musulmanes hazara et chiite ». Le ministère a ajouté que ces attaques « s’ajoutent aux problèmes plus généraux de persécution, de discrimination, de conversions forcées et d’attaques ciblées auxquels les minorités ethniques et religieuses sont confrontées en Afghanistan aux mains des groupes armés », Affaires mondiales Canada, réponses écrites aux questions, 30 mai 2022.

[138]          Mémoire conjoint présenté par Action contre la Faim Canada, Canadian Foodgrains Bank, la Croix-Rouge canadienne, CARE Canada, Coopération Canada, Human Concern International, Islamic Relief Canada, Presbyterian World Service & Development, Save the Children Canada, et Vision mondiale Canada, 11 mars 2022.

[139]          AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 2010 (Khalil Shariff, directeur général, Fondation Aga Khan Canada).

[140]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1905 (Patrick Hamilton).

[141]          Conseil de sécurité des Nations Unies, « Comité du Conseil de sécurité mis en place conformément à la résolution 1988 (2011) », Sanctions. Certaines personnes disposent d’une dérogation à l’interdiction de voyager en vigueur jusqu’au 20 juin 2022 à condition qu’elles se déplacent pour participer aux discussions sur la paix et la stabilité de l’Afghanistan. Voir Conseil de sécurité des Nations Unies, « Dérogations en cours à l’interdiction de voyager », Comité de sanction de 1988, Sanctions. Lors d’une séance d’information au Conseil de sécurité tenue le 9 septembre 2021, la représentante spéciale a indiqué que, sur les 33 personnes de l’administration de facto annoncée par les talibans, « beaucoup figurent sur la liste des sanctions des Nations Unies, y compris le Premier ministre, les deux Vice-premiers ministres et le ministre des Affaires étrangères ». Voir Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, Briefing by Special Representative Deborah Lyons to the Security Council, New York, 9 septembre 2021 [disponible en anglais seulement].

[142]          Helen Durham et Christopher Harland, « Carve-out in Kabul: hard won resolution lifts humanitarian roadblock in Afghanistan », Humanitarian Law & Policy, Comité international de la Croix-Rouge, 3 février 2022 [disponible en anglais seulement].

[143]          Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/2615 (2021), 22 décembre 2021, paragr. 1.

[144]          Ibid.

[145]          Ibid.

[146]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1930 (John Aylieff).

[147]          Ibid.

[148]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 2005 (Michael Messenger).

[150]          Ibid., art. 2.

[151]          Croix-Rouge canadienne, mémoire, 28 mars 2022, p. 4.

[153]          Ibid., par. 9(2).

[154]          Croix-Rouge canadienne, mémoire, 28 mars 2022, p. 4. Le mémoire fait état que les articles de non-applicabilité ont été ajoutés dans d’autres cas (p. 5). La loi « autonome » sur les sanctions canadiennes, à savoir la Loi sur les mesures économiques spéciales, autorise la prise de règlement qui prévoit la soustraction de personnes, biens, marchandises, services et opérations en particulier (par. 4(3)). Le règlement qui impose des sanctions aux personnes et aux entités en Birmanie excluent les marchandises ou les services fournis par les organismes onusiens, par le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et par des ONG bénéficiant d’un accord de subvention ou de contribution conclu avec le gouvernement du Canada « afin de protéger la vie humaine, de porter secours aux sinistrés, d’assurer la démocratisation ou la stabilisation, d’offrir de la nourriture, des médicaments, du matériel ou de l’équipement médical, ou d’offrir de l’aide au développement ». Voir Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie (DORS/2007-285), art. 18.

[155]          Croix-Rouge canadienne, mémoire, 28 mars 2022, p. 4.

[156]          Gouvernement du Canada, Les sanctions canadiennes liées aux entités terroristes, dont le Taliban, l’EIIL (Daech) et Al‑Qaïda; et Sécurité publique Canada, « Les Talibans », Entités inscrites actuellement.

[157]          Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, al. 83.03b). Médecins Sans Frontières est également d’avis que les organisations humanitaires sont exposées à des « risques juridiques » en raison du paragraphe 83.08 du Code criminel (lequel interdit les tractations ou les opérations liées à un groupe terroriste, les services financiers pour le profit d’un groupe terroriste ou sur son ordre), et de l’article 83.19 (lequel interdit de faciliter une activité terroriste). Voir Médecins Sans Frontières, mémoire, 29 mars 2022, p. 5.

[158]          Mémoire conjoint d’Action contre la Faim Canada, Canadian Foodgrains Bank, la Croix-Rouge canadienne, CARE Canada, Coopération Canada, Human Concern International, Islamic Relief Canada, Presbyterian World Service & Development, Save the Children Canada et Vision mondiale Canada, 11 mars 2022.

[159]          AFGH, Témoignages, 2 mai 2022, 1855 (l’hon. Mélanie Joly). Dans le mémoire qu’ils ont rédigé et remis au Comité spécial ainsi qu’au ministre de la Justice du Canada, quatre avocats affirment – dans le raisonnement qu’ils exposent – que le simple fait de payer des taxes ou des droits réguliers aux autorités afghanes ne contreviendrait pas à l’alinéa 83.03b) du Code criminel. Voir Landings LLP, mémoire, 1 juin 2022.

[160]          Mémoire conjoint d’Action contre la Faim Canada, Canadian Foodgrains Bank, la Croix-Rouge canadienne, CARE Canada, Coopération Canada, Human Concern International, Islamic Relief Canada, Presbyterian World Service & Development, Save the Children Canada et Vision mondiale Canada, 11 mars 2022.

[161]          Ibid.

[162]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1905 (Barbara Grantham).

[163]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1910 (Manuel Fontaine). Le Code criminel s’applique aux représentants canadiens qui concluent des ententes avec des organisations d’aide internationales. Cette application influence la conception de ces ententes. Voir AFGH, Témoignages, 2 mai 2022, 1935 (Cindy Termorshuizen). Par exemple, Affaires mondiales Canada a expliqué que les fonds canadiens versés à l’UNICEF servent à acheter des aliments thérapeutiques prêts à l’emploi. Comme l’approvisionnement se fait à l’extérieur de l’Afghanistan, il n’est ni touché par le code fiscal de ce pays ni « par les mesures antiterroristes » du Canada. Voir AFGH, Témoignages, 4 avril 2022, 1945 (Stephen Salewicz, directeur général, Assistance humanitaire internationale, Affaires mondiales Canada).

[164]          Mémoire conjoint présenté par Action contre la Faim Canada, Canadian Foodgrains Bank, la Croix-Rouge canadienne, CARE Canada, Coopération Canada, Human Concern International, Islamic Relief Canada, Presbyterian World Service & Development, Save the Children Canada, et Vision mondiale Canada, 11 mars 2022.

[165]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1905 (Barbara Grantham); et AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 2005 (Michael Messenger).

[166]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 2005 (Michael Messenger).

[167]          Comité central mennonite du Canada, mémoire, 18 mai 2022.

[168]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1930 (Barbara Grantham).

[169]          AFGH, Témoignages, 4 avril 2022, 1950 (Stephen Salewicz).

[170]          Ibid., 2010.

[171]          Bien que les sanctions américaines à l’endroit des talibans et du réseau Haqqani tiennent toujours, le Trésor des États-Unis a délivré une série [disponible en anglais seulement] de « licences générales », qui précisent [disponible en anglais seulement] et élargissent l’ampleur des activités autorisées liées à l’Afghanistan. Il a aussi publié des réponses plus détaillées aux questions les plus fréquentes [disponible en anglais seulement]. De son côté, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce de l’Australie a annoncé [disponible en anglais seulement] que, dans l’attente d’une modification au règlement pertinent, l’Australie a tout de suite appliqué l’exemption humanitaire du Conseil de sécurité des Nations Unies en invoquant la disposition 2B de sa Charter of the United Nations Act 1945. Ainsi, l’aide ou les activités visées par l’exemption du Conseil de sécurité ne contreviennent pas aux lois australiennes sur les sanctions. Le Royaume-Uni a d’ailleurs modifié [disponible en anglais seulement] sa réglementation afin d’indiquer que les interdictions financières ne visent pas l’acheminement de l’aide humanitaire ni la prestation d’« autres activités qui aident à combler les besoins humains fondamentaux en Afghanistan ». L’Union européenne a elle aussi modifié sa réglementation en ce sens.

[172]          AFGH, Témoignages, 4 avril 2022, 1915 (Christopher MacLennan, sous-ministre, Développement international, Affaires mondiales Canada).

[173]          Ibid., 1900.

[174]          AFGH, Témoignages, 4 avril 2022, 1920 (l’hon. Harjit Sajjan).

[175]          AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 1915 (Amy Avis, avocate générale, Croix-Rouge canadienne).

[176]          Croix-Rouge canadienne, mémoire, 28 mars 2022, p. 1.

[177]          Ibid.

[178]          Ibid., p. 8.

[179]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 2005 (Michael Messenger).

[180]          Médecins Sans Frontières, mémoire, 29 mars 2022, p. 2.

[181]          Ibid.

[182]          AFGH, Témoignages, 2 mai 2022, 1900 (l’hon. Mélanie Joly).

[183]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1915 (Barbara Grantham).

[184]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1935 (Sally Armstrong, journaliste, à titre personnel).

[185]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1830 (Alison MacLean, documentariste, productrice de Burkas2Bullets, à titre personnel).

[186]          Ibid., 1850.

[187]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 2040 (Friba Rezayee, fondatrice et directrice exécutive, Women Leaders of Tomorrow).

[188]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1950 (Heather Barr, directrice associée des droits de la femme, Human Rights Watch).

[189]          Ibid.

[190]          AFGH, Témoignages, 2 mai 2022, 1840 (l’hon. Mélanie Joly).

[191]          Ibid.

[192]          Ibid., 1850.

[193]          Affaires mondiales Canada, Déclaration sur la récente décision des talibans de refuser aux filles afghanes le droit à l’éducation, déclaration, 24 mars 2022.

[194]          AFGH, Témoignages, 4 avril 2022, 1835 (l’hon. Harjit S. Sajjan).

[195]          Ibid., 1915.

[196]          Ibid., 1925. Le ministre Sajjan a ajouté que le Canada jugeait « inacceptable » l’obligation que les talibans imposent aux femmes de se faire accompagner par un homme chaperon pour les longs voyages. Voir Ibid., 1930.

[197]          Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, UNAMA Statement on the Hijab Directive by Taliban Authorities, 7 mai 2022 [traduction].

[199]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 2035 (William Maley, professeur émérite, Université nationale d’Australie, et représentant, Canadian Hazara Humanitarian Services).

[200]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 2040 (Lauryn Oates).

[201]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 2120 (Wazhma Frogh).

[202]          AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 1840 (Asma Faizi).

[203]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1955 (Dr Sima Samar).

[204]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1950 (Heather Barr).

[205]          Ibid.

[206]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 2000 (Lauryn Oates).

[207]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1945 (Khalidha Nasiri).

[208]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1950 (Heather Barr).

[209]          AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 1910 (Aziz Amiri, président, Canada Afghanistan Business Council).

[210]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1955 (Ali Mirzad). Plusieurs pays (Allemagne, États-Unis, France, Italie, Norvège, Royaume-Uni, Union européenne) ont des représentants spéciaux et des envoyés pour l’Afghanistan. Voir Département d’État des États-Unis, Bureau du porte-parole, Communiqué of the Special Representatives and Envoys for Afghanistan, 8 avril 2022 [disponible en anglais seulement].

[211]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 2120 (Wazhma Frogh). La ministre Joly a déclaré au Comité spécial que son ministère continue d’examiner des façons d’aider les Afghanes et les défenseurs des droits de la personne en Afghanistan. Voir AFGH, Témoignages, 2 mai 2022, 1840 (l’hon. Mélanie Joly). Le Fonds Égalité demande que le Canada « offre des soutiens et des ressources aux organisations dirigées par des femmes, aux organisations LGBTQI menant des activités en Afghanistan et aux femmes afghanes participant aux discussions sur l’avenir de l’Afghanistan à l’extérieur du pays ». Par ailleurs, le Fonds Égalité veut que le Canada « mette au point des mécanismes de consultations périodiques des dirigeantes afghanes (dans toute leur diversité) et des représentantes d’organisations de femmes et de personnes LGBTQI à l’intérieur et à l’extérieur de l’Afghanistan ». Voir Fonds Égalité, mémoire, 18 mai 2022.

[212]          Gouvernement du Canada, Plus de 3 000 évacués arrivent au Canada en provenance d’Afghanistan, déclaration, 3 septembre 2021.

[213]          AFGH, Témoignages, 2 mai 2022, 1845 (l’hon. Mélanie Joly).

[214]          Ibid., 1855.

[215]          Affaires mondiales Canada a déclaré au Comité spécial que « plusieurs des organisations terroristes qui sont actuellement sur le terrain en Afghanistan n’ont aucun intérêt à ce que les talibans puissent acquérir la capacité de gouverner et devenir une présence stable ». Par conséquent, outre le risque que l’Afghanistan devienne un refuge pour des organisations comme Al-Qaïda, il existe également la possibilité que « les tensions entre ces organisations » génèrent des situations violentes et de l’instabilité. Voir AFGH, Témoignages, 4 avril 2022, 1940 (Jennifer Loten).

[216]          AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 2120 (Julian Spencer-Churchill, professeur, Département de science politique, Université Concordia, à titre personnel).

[217]          Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, réponses écrites aux questions, 3 juin 2022.

[218]          AFGH, Témoignages, 25 avril 2022, 1920 (l’hon. Sean Fraser).

[219]          Gouvernement du Canada, #BienvenueAfghans : Statistiques clés.

[220]          Affaires mondiales Canada, réponses écrites aux questions, 30 mai 2022.

[221]          Ibid.; AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1920 (gén Wayne D. Eyre) ; et AFGH, Témoignages, 9 mai 2022, 1920 et 1955 (Bill Matthews).

[222]          Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Le gouvernement du Canada offre l’asile aux Afghans qui ont aidé le Canada, communiqué de presse, 23 juillet 2021; et Gouvernement du Canada, Programme d’immigration pour les Afghans qui ont aidé le gouvernement du Canada.

[225]          IRCC, Le gouvernement du Canada offre l’asile aux Afghans qui ont aidé le Canada, communiqué de presse, 23 juillet 2021.

[227]          AFGH, Témoignages, 25 avril 2022, 1915 (l’hon. Sean Fraser).

[229]          Gouvernement du Canada, Groupes de cinq : Au sujet du processus.

[230]          AFGH, Témoignages, 25 avril 2022, 1915 (l’hon. Sean Fraser).

[231]          Ibid. Voir aussi Gouvernement du Canada, Projet pilote sur la voie d’accès à la mobilité économique.

[233]          Gouvernement du Canada, Le gouvernement du Canada offre des mesures spéciales pour reconnaître la contribution d’Afghans à Kandahar, communiqué de presse, 15 septembre 2009. Pour être admissibles, les candidats devaient démontrer qu’ils étaient confrontés à des risques individuels extraordinaires ou qu’ils avaient subi un préjudice grave en raison de leur travail avec le gouvernement canadien. Environ 800 Afghans ont pu se réinstaller au Canada grâce à ces politiques : les chiffres officiels ont été publiés dans le rapport annuel au Parlement du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2011 (lorsque les premiers Afghans sont arrivés), en 2012 (198 personnes) et en 2013 (533 personnes).

[235]          AFGH, Témoignages, 25 avril 2022, 1945 (l’hon. Sean Fraser).

[236]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1955 (Ali Mirzad); AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1945 (KhalidhaNasiri); AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1535 (Ghulam Faizi, ancien interprète, Forces armées canadiennes, à titre personnel); AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1540 (Hameed Khan, ancien interprète, Forces armées canadiennes, à titre personnel); et AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1705 (Safiullah Mohammad Zahed, ancien interprète, Forces armées canadiennes, à titre personnel).

[237]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1840 (Djawid Taheri, avocat, à titre personnel).

[238]          AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1640 (Safiullah Mohammad Zahed).

[239]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1925 (Katherine Moloney, représentante des familles afghanes, Tenth Church).

[240]          AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1855 (Brian Macdonald, directeur exécutif, Aman Lara).

[241]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 2050 (Wazhma Frogh).

[242]          AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1900 (Eleanor Taylor, directrice exécutive adjointe, Aman Lara).

[243]          AFGH, Témoignages, 2 mai 2022, 1955 (Paul Thoppil). Le ministre Fraser a dit au Comité spécial que le gouvernement du Canada peut « délivrer des documents de voyage d’aller simple aux personnes qui sont passées par toutes les étapes du processus, qui sont admissibles et qui ont reçu l’autorisation de venir au Canada ». Même si cela peut être fait, le ministre a indiqué qu’il n’est pas prévu « de commencer à délivrer des titres de voyage avant qu’une personne ait franchi toutes les étapes du processus pour être autorisée à venir ». Voir AFGH, Témoignages, 25 avril 2022, 2010 (l’hon. Sean Fraser).

[244]          AFGH, Témoignages, 2 mai 2022, 1955 (Paul Thoppil).

[245]          AFGH, Témoignages, 4 avril 2022, 2000 (Paul Thoppil).

[246]          AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1540 (Ghulam Faizi).

[247]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1955 (Heather Barr).

[248]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 2020 (Ali Mirzad).

[249]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1925 (Djawid Taheri).

[250]          Rainbow Railroad, mémoire, 19 mai 2022.

[251]          Ibid.

[252]          AFGH, Témoignages, 20 mai 2022, 1430 et 1440 (Kimahli Powell, directeur exécutif, Rainbow Railroad).

[253]          AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 2015 (Oliver Thorne).

[254]          Ibid.

[255]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 2015 (Sally Armstrong).

[256]          AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 2015 (mgén [ret] David Fraser); et AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 2055 (Brandi Hansen, directrice des opérations, Vector Global Solutions).

[257]          AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1855 (Brian Macdonald).

[258]          AFGH, Témoignages, 2 mai 2022, 1955 (Cindy Termorshuizen).

[259]          AFGH, Témoignages, 25 avril 2022, 2050 (l’hon. Sean Fraser)

[260]          Ibid., 2105.

[261]          AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 2015 (Stephen Peddle).

[262]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 2110 (Wadood Dilsoz, directrice, Afghan Community Vancouver).

[263]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 2045 (Wazhma Frogh).

[264]          AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1555 (Ghulam Faizi).

[265]          AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1555 (Ahmad Shoaib, ancien interprète, Forces armées canadiennes, à titre personnel).

[266]          AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1910 (Eleanor Taylor).

[267]          AFGH, Témoignages, 20 mai 2022, 1440 et 1455 (Mohammed Zarif Mayar, ancien interprète, Forces armées canadiennes, à titre personnel).

[268]          Shajjan & Associates, mémoire, 3 mai 2022.

[269]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1830 (Alison MacLean).

[270]          AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1920 (Kaylee Perez, présidente, Association des signataires d’entente de parrainage de réfugiés du Canada).

[271]          AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1920 (Wendy Cukier, fondatrice, Lifeline Afghanistan, et professeure, Ted Rogers School of Management, Université Ryerson).

[272]          AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 2005 (Corey Shelson).

[273]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1945 (Khalida Nasiri); AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 2040 (Lauryn Oates); AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 2045 (William Maley); AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 1850, (Aziz Amiri); AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1850 (Wendy Long); AFGH, Témoignages, 20 mai 2022, 1425 (Warda Meighen); Association du Barreau canadien, mémoire, 2 mars 2022, p. 3; et Mariam Balouch, mémoire, 2 mars 2022, p. 2.

[274]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1850 (Alison MacLean).

[275]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1840 (Djawid Taheri).

[276]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 2040 (Friba Rezayee).

[277]          AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 2000 (Lauryn Oates).

[278]          Association canadienne des professeures et professeurs d’université, Congrès du travail du Canada et Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, mémoire, 7 avril 2022.

[279]          AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1905 (Kaylee Perez). Les répondants privés doivent également fournir une aide financière pendant un an au réfugié qu’ils parrainent. Voir IRCC, Parrainer un réfugié.

[280]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1950 (Indrika Ratwatte).

[281]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1840 (Djawid Taheri).

[282]          AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 1920 (Asma Faizi).

[283]          AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1855 (Wendy Cukier); AFGH, Témoignages, 7 février 2022, 1945 (Khalidha Nasiri); et AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1840 (Djawid Taheri).

[284]          Journalists for Human Rights, mémoire, 9 mai 2022.

[285]          Aman Lara, mémoire, 26 mai 2022.

[286]          Journalists for Human Rights, mémoire, 9 mai 2022.

[287]          AFGH, Témoignages, 20 mai 2022, 1430 (Kimahli Powell).

[288]          Ibid.

[289]          AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1835 (Kaylee Perez).

[290]          AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1855 (Wendy Cukier).

[291]          AFGH, Témoignages, 31 janvier 2022, 1950 (Indrika Ratwatte).

[292]          Ibid.

[293]          AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1915 (Maria Toorpakai Wazir, présidente et fondatrice, Maria Toorpakai Foundation).

[294]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1845 (Katherine Moloney).

[295]          Bien que 5 000 places aient été réservées pour les membres des familles des interprètes, aucune de ces personnes n’était encore arrivée au Canada au moment du témoignage des interprètes devant le Comité spécial. Voir AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1605 (Hameed Khan).

[296]          AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1535 (Ghulam Faizi).

[297]          AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1540 (Hameed Khan).

[298]          AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1545 (Ahmad Shoaib).

[299]          AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1640 (Safiullah Mohammad Zahed).

[300]          AFGH, Témoignages, 25 avril 2022, 1930 (l’hon. Sean Fraser).

[301]          AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1535 (Ghulam Faizi).

[302]          AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 1945 (mgén [ret] David Fraser).

[303]          AFGH, Témoignages, 14 février 2022, 1955 (Oliver Thorne).

[304]          Ibid., 2020.

[305]          AFGH, Témoignages, 28 février 2022, 1940 (Corey Shelson).

[306]          AFGH, Témoignages, 25 avril 2022, 1920 (l’hon. Sean Fraser).

[308]          L’article 12 de la LIPR définit les membres de la catégorie du regroupement familial par la relation qu’ils entretiennent avec un citoyen canadien, un Indien inscrit ou un résident permanent, comme l’époux, le conjoint de fait, l’enfant et le parent. Pour que l’enfant soit considéré comme une personne à charge, il doit être âgé de moins de 22 ans et non marié.

[309]          Gouvernement du Canada, Mesures de facilitation pour soutenir les personnes affectées par la crise en Afghanistan. Les personnes qui ont été réinstallées au Canada suivent un processus différent pour réunir les membres de leur famille, processus qui est disponible seulement dans leur première année au pays : le Délai prescrit d’un an. Le processus au Québec concerne le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). MIFI, Demande pour faire venir au Québec les membres de la famille restés à l’étranger – Délai prescrit d’un an pour personnes réfugiées ou protégées à l’étranger.

[310]          Association du Barreau canadien, mémoire, 2 mars 2022, p. 5.

[311]          AFGH, Témoignages, 20 mai 2022, 1425 (Warda Meighen).

[312]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 2040 (Friba Rezayee).

[313]          Ibid.

[314]          AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1840 (Wendy Cukier).

[315]          HCR, Portail opérationnel, Ukraine Refugee Situation, dernière mise à jour : 22 mai 2022 [disponible en anglais seulement].

[316]          IRCC, Mesures d’immigration pour les personnes touchées par l’invasion russe de l’Ukraine. Entre le 17 mars et le 11 mai 2022, IRCC a reçu plus de 223 000 demandes d’Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine et en a approuvé plus de 104 500.

[317]          IRCC, Le ministre Fraser conclut une visite fructueuse en Europe, communiqué de presse, 6 mai 2022.

[318]          AFGH, Témoignages, 25 avril 2022, 1930 (l’hon. Sean Fraser).

[319]          IRCC, Le Canada élargit les services à l’étranger à l’intention des Ukrainiens, communiqué de presse, 4 mai 2022.

[320]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 2035 (Wadood Dilsoz).

[321]          AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1910 (Wendy Cukier).

[322]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1840 (Djawid Taheri).

[323]          AFGH, Témoignages, 28 mars 2022, 1910 (Katherine Moloney).

[324]          AFGH, Témoignages, 25 avril 2022, 1930 (l’hon. Sean Fraser).

[325]          AFGH, Témoignages, 11 avril 2022, 1650 (Umashanie Reddy, directrice nationale, Programmes de réinstallation des réfugiés parrainés par le gouvernement et de réinstallation des ressortissants afghans, Calgary Catholic Immigration Society).

[326]          Ibid., 1705.

[327]          Ibid., 1725.

[328]          AFGH, Témoignages, 21 mars 2022, 1940 (Kelly Ernst, vice-président, Populations vulnérables, Centre for Newcomers).