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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 059 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 19 avril 2023

[Enregistrement électronique]

  (1630)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 59e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre adopté à la Chambre le 27 mars 2023, le Comité poursuit son étude du projet de loi C‑41, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les députés sont soit présents en personne dans la salle, soit à distance à l'aide de l'application Zoom.
    En fait, nous n'allons pas utiliser Zoom, car je pense que seuls nos analystes sont en ligne pour le moment, et je pense donc que nous devrions...
    Je vois qu'un témoin est également présent en ligne, alors finalement nous allons bel et bien utiliser Zoom.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, vous devez cliquer sur l'icône du microphone pour ouvrir votre micro et ne pas oublier de le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. Pour l'interprétation sur Zoom, vous avez le choix au bas de votre écran entre le parquet, le français et l'anglais. Les membres présents dans la salle peuvent se servir de l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Si vous voulez prendre la parole, veuillez lever la main. Si vous êtes sur Zoom, servez-vous de la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi-même allons gérer de notre mieux l'ordre des interventions, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
    Pour la première heure de la réunion, nous accueillons, à titre personnel, Jessica Davis, présidente chez Insight Threat Intelligence, ainsi que Leah West, professeure adjointe en affaires internationales à la Norman Paterson School of International Affairs de l'Université Carleton.
     De Médecins Sans Frontières, nous accueillons Joseph Belliveau, directeur général, ainsi que Claude Maon, directrice juridique, qui participe par vidéoconférence.
    Bienvenue à tous. Vous disposerez de cinq minutes pour les témoins participant à titre personnel, tandis que le groupe Médecins Sans Frontières disposera de cinq minutes. Les membres du Comité commenceront par la suite à poser des questions.
    Madame Davis, à vous la parole pour six minutes.
     Je vous remercie de m'avoir permis de témoigner devant vous aujourd'hui.
    Je tiens tout d'abord à expliquer pourquoi je pense que les modifications en question sont importantes. Je vais ensuite proposer quelques amendements. Je conclurai par une observation sur un enjeu que ces modifications soulèvent, et qui concerne précisément la liste des entités terroristes.
    Comme nous le savons tous, les amendements en question ont été ajoutés en raison de la situation en Afghanistan, mais ils ont des implications beaucoup plus vastes à l'échelle mondiale. J'estime qu'environ 8 % des pays abritent des groupes terroristes qui contrôlent certains territoires — et non l'ensemble du pays, bien sûr —, sur lesquels des groupes d'aide humanitaire mènent leurs activités. Ce projet de loi permettra aux organismes canadiens de continuer à mener leurs opérations au sein de ces régions, ce qui pourrait accroître leur stabilité et fournir aux populations locales des solutions de rechange à l'enrôlement dans des groupes violents.
    Il est important que cet amendement soit ajusté en fonction de la menace actuelle que représente le financement du terrorisme. En effet, mes recherches indiquent que 42 % des groupes terroristes dans le monde ont recours à des stratagèmes fiscaux pour se financer, notamment la taxation des organismes d'aide humanitaire. Il s'agit d'une tactique courante pour plusieurs groupes terroristes.
    C'est en partie pour cette raison que les grandes dérogations pour l'aide humanitaire proposée par certains députés ne sont pas idéales, selon moi. Ce genre d'exemptions risquent de fournir de nombreuses occasions aux groupes terroristes de tirer profit des organismes humanitaires canadiens.
    Les amendements actuels permettent au Canada d'ajuster sa politique étrangère et ses activités d'aide humanitaire en fonction des types de groupes terroristes qui exercent leurs activités dans des territoires particuliers, des activités menées par ces groupes terroristes et des menaces qu'ils font peser sur la sécurité internationale. Ces amendements vont permettre au Canada de calibrer sa politique étrangère, et d'augmenter ou de réduire l'aide internationale qu'il fournit en fonction de la situation en termes de sécurité pour chaque pays concerné.
    Bien que j'appuie fortement cet amendement, il y a quelques aspects qui, à mon avis, exigent une attention plus soutenue.
    Tout d'abord, je pense qu'il serait très pertinent qu'Affaires mondiales Canada dresse une liste des pays et des régions géographiques où des groupes terroristes contrôlent certains territoires, et qu'il la rende publique. Ainsi, cela permettrait aux organismes d'aide humanitaire de déterminer immédiatement si les activités qu'ils mènent s'inscrivent dans le champ d'application de cette loi et nécessitent une exemption.
    Je ne pense pas que cette façon de faire va augmenter la charge de travail d'Affaires mondiales Canada, qui doit de toute manière procéder à l'évaluation des demandes qu'il recevra. Le ministère devra dresser une liste des territoires contrôlés par des groupes terroristes. Je suis consciente bien entendu des ramifications politiques autour de cette question, mais je demeure convaincue qu'Affaires mondiales Canada peut clarifier la nature des exemptions possibles d'une manière à minimiser tout problème éventuel.
    Mon deuxième point concerne l'examen de la sécurité tel que décrit à l'alinéa 83.032(10)a), où il est question de « liens entre le demandeur, ou toute personne qui est appelée à participer à l'activité proposée dans l'autorisation, et tout groupe terroriste ». Le terme « liens » n'est ni défini en droit, ni pertinent d'un point de vue analytique. Si les auteurs du libellé ont quelque chose de précis en tête, ils devraient l'inclure clairement à cet endroit; sinon, ce segment devrait être supprimé parce qu'il n'est pas clair si le terme « liens » peut faire référence à un individu ayant rencontré à une ou deux occasions un terroriste notoire, ou s'il peut s'agir d'une association beaucoup plus vague. Il est donc essentiel que ce passage du libellé soit le plus précis possible.
    Le troisième problème que je constate est que le CANAFE, l'unité de renseignement financier du Canada, ne figure pas sur la liste des agences habilitées à fournir de l'assistance au ministre de la Sécurité publique. Il s'agit d'une situation assez curieuse, étant donné le rôle joué par le CANAFE dans la lutte contre le financement du terrorisme. Je suggère donc que le CANAFE soit inclus au sein du projet de loi lui-même ou du moins dans les règlements qui en découlent.
    Par ailleurs, il serait judicieux de préciser que l'assistance du CANAFE porte précisément sur ses capacités d'analyse stratégique. Cela est indiqué dans l'article 58 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, qui autorise précisément le CANAFE à fournir des renseignements sur la nature et l'ampleur des activités de financement du terrorisme à l'intérieur et à l'extérieur du Canada. Le contenu de cet article se distingue de l'article 55, qui porte sur la communication de renseignements de nature plus technique.
    Enfin, je souhaite aborder un dernier point. Les amendements proposés font état de « groupes » terroristes, et non d'« entités » terroristes répertoriées. Cette formulation n'a pas échappé aux membres du Comité. Je pense qu'il est important d'être précis à ce sujet, et de reformuler le libellé, car de nombreux groupes terroristes qui mènent leurs activités dans le monde ne figurent pas sur la liste des entités au Canada. Il est nécessaire de parler de « groupes » terroristes, car notre processus d'identification des entités terroristes est défaillant et manque de transparence. Le ministère de la Sécurité publique n'a recours à aucune méthodologie précise pour désigner les groupes à inscrire sur cette liste, et les renseignements publics fournis à l'appui de leur ajout sont les moins détaillés de tous les pays formant le Groupe des cinq.
    Le Canada doit renforcer le processus d'inscription des entités terroristes sur sa liste. Le processus devrait être suffisamment robuste pour intégrer les amendements en question au Code criminel, et opter pour l'emploi du terme « entités » au lieu du terme « groupes », lequel est beaucoup trop vague pour être adéquat. Le Canada devrait être en mesure de s'appuyer sur sa liste d'entités terroristes, mais ce n'est pas le cas présentement, car cette liste n'est pas suffisamment inclusive ni adaptée aux réalités géopolitiques actuelles.

  (1635)  

     Je vous remercie à nouveau de m'avoir donné l'occasion de venir témoigner aujourd'hui. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
    Je vous remercie, madame Davis.
    La parole est maintenant à Mme West pour cinq minutes.
    D'emblée, j'aimerais dire que je suis tout à fait favorable aux amendements du Code criminel qui visent à faciliter le financement et l'acheminement de l'aide humanitaire dans les régions susceptibles d'être contrôlées par des entités considérées comme terroristes par la communauté internationale et le gouvernement canadien. L'inscription d'entités terroristes à la liste des Nations unies et du Canada demeure un processus politique qui ne devrait jamais condamner les personnes qui vivent sous ce type de régimes à souffrir de la famine ou du manque d'accès à des soins médicaux et des services d'éducation.
    À mon avis, le projet de loi C‑41 représente une tentative honnête de parvenir à un équilibre entre la nécessité de s'assurer que les entités terroristes ne puissent pas tirer profit des fonds versés aux ONG et aux agences gouvernementales dans les territoires qu'elles occupent, et la nécessité d'aider les agences à apporter de l'aide humanitaire et de l'aide au développement dans ces mêmes territoires. Néanmoins, je pense que l'ajout de certains amendements est nécessaire pour atteindre un tel équilibre.
    D'abord, je pense que le projet de loi devrait ajouter une dérogation humanitaire à l'alinéa 83.03b) du Code criminel, comme l'a recommandé le Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Plus précisément, une telle dérogation pourrait refléter le libellé de la définition d'activité terroriste inscrite à l'article 83.01 du Code criminel en stipulant que le paragraphe 83.03(2) ne s'applique pas à la prestation d'aide humanitaire lors d'un conflit armé, et que cette aide humanitaire est conforme en temps et lieu au droit international coutumier ou au droit international conventionnel régissant les conflits.
    Pour les activités qui ne relèvent pas de cette dérogation — je pense, par exemple, à l'éducation et à d'autres types d'aide au développement qui ne correspondent pas à la définition d'« aide humanitaire » en vertu du droit international humanitaire —, les organismes auraient la possibilité de présenter une demande d'autorisation comme le prévoit l'avant-projet de loi. Cet amendement permettrait de veiller à ce que les populations soumises à un conflit armé puissent recevoir de l'aide humanitaire urgente de la part des organismes humanitaires sans que ceux‑ci aient à demander une autorisation au gouvernement du Canada.
    Ensuite, je remarque que dans le cadre du régime d'autorisation, les facteurs que les ministres de la Sécurité publique peuvent prendre en compte dans leurs examens de sécurité sont vagues et soulèvent des inquiétudes au regard de l'article 2 de la Charte, à savoir l'alinéa 2d), qui garantit la liberté d'association.
    Plus précisément, comme l'a mentionné Mme Davis, l'alinéa 83.032(10)a) proposé stipule actuellement que le facteur que le ministre est en droit de prendre en considération est « l'existence ou non de liens entre le demandeur, ou toute personne qui est appelée à participer à l'activité proposée dans l'autorisation, et tout groupe terroriste ». Il convient de noter que le terme « liens » n'est pas employé ailleurs dans le droit canadien pour désigner des relations personnelles, mais plutôt pour décrire un lien de nature physique ou un moyen de communication, tel que le recours à la télécommunication.
    L'emploi inédit de ce terme vague dans ce contexte pose un certain nombre de problèmes. Premièrement, il est envisageable que le terme « liens » englobe toute forme de connexion personnelle, même très indirecte, entre tout individu membre d'un groupe terroriste et les personnes qui lui fournissent une quelconque forme d'aide. Par exemple, j'ai moi-même déjà rencontré des membres du groupe armé État islamique placés en détention, et j'ai travaillé avec leurs familles pour plaider en faveur de leur libération. Suis‑je pourtant liée à l'État islamique?
    Les organismes humanitaires ont souvent besoin d'entretenir des liens avec toutes les parties à un conflit pour effectuer leur travail; cela fait littéralement partie du mandat du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
    Deuxièmement, ayant déjà servi en Afghanistan, je sais que pendant un certain temps, toute personne présente dans ce pays entretenait un lien quelconque avec un membre d'Al‑Qaïda ou des talibans. Outre l'Afghanistan, c'est le cas dans des pays comme la Somalie, le Yémen, et possiblement la Syrie et le Nigeria. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n'est pas conçu pour autoriser des activités dans des pays comme le Canada, où il est rare que les citoyens entretiennent des liens avec des individus susceptibles d'être affiliés à des groupes terroristes.
    Troisièmement, la Charte protège la liberté d'association, et c'est pour cette raison que la simple appartenance à un groupe terroriste n'est pas criminalisée au Canada. Refuser une autorisation sur la base d'une simple association avec une entité terroriste revient à criminaliser les activités que mènent des organismes humanitaires dans des pays comme l'Afghanistan, où leur travail est absolument nécessaire.
     C'est pourquoi je pense que ce paragraphe devrait être supprimé du projet de loi.
    Ces deux amendements visent à garantir un meilleur équilibre entre la sécurité et les besoins humanitaires des populations touchées. En fin de compte, le succès de ce régime d'autorisation dépendra entièrement de la transparence du processus et de l'accès à des ressources suffisantes pour traiter les demandes rapidement et équitablement.
    Je vous remercie de m'avoir écoutée et je suis prête à répondre à vos questions.

  (1640)  

    Je vous remercie, madame West.
    Tout à l'heure, je n'ai pas précisé que je me sers habituellement de cartons de rappel pour vous indiquer qu'il ne vous reste que 30 secondes, mais vous avez conclu vos interventions quatre secondes avant la fin du temps dont vous disposiez. Je vous en remercie. De plus, pour ceux qui ne le savent pas, j'utilise aussi un carton pour vous indiquer que votre temps de parole arrive à sa fin, et que vous devez conclure afin de respecter le temps imparti.
    Nous passons maintenant aux représentants de Médecins Sans Frontières. Je vais vous laisser décider lequel d'entre vous prendra la parole. Je suis sûr que vous avez déjà tout prévu.
    La parole est à vous.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Depuis 52 ans — et aujourd'hui dans plus de 70 pays —, Médecins Sans Frontières soulage la souffrance en fournissant des soins de santé conformes aux principes fondamentaux de l'aide humanitaire: l'humanité, l'impartialité, la neutralité et l'indépendance, et ce, dans le respect de l'éthique médicale. Cette fonction sociale est la raison d'être de Médecins Sans Frontières.
    Au Canada, plus de 180 000 Canadiens soutiennent Médecins Sans Frontières en raison de la confiance qu'ils accordent à notre travail. En 2022, cette aide nous a permis de déployer 267 Canadiens à l'étranger et d'investir plus de 84 millions de dollars dans nos programmes partout dans le monde.
    Le travail humanitaire fondé sur des principes est reconnu et protégé par le droit international humanitaire. Les organisations humanitaires comme Médecins Sans Frontières, qui fournissent des services essentiels de manière impartiale, sans objectif commercial, politique ou autre, doivent bénéficier d'une protection en vertu du droit international humanitaire. Selon le droit international humanitaire, l'aide humanitaire ne peut être considérée comme une forme de soutien à une partie à un conflit, même si elle est considérée comme étant une partie « terroriste ». En d'autres termes, fournir de l'aide humanitaire ne peut être considéré comme un crime.
    Le droit international humanitaire fait partie intégrante du droit canadien. En tant que partie aux Conventions de Genève, le Canada a l'obligation de faire respecter le droit international humanitaire et doit, conformément aux récentes résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, veiller à ce que les lois antiterroristes soient compatibles avec le droit international humanitaire.
    La Cour suprême du Canada a également affirmé que le Code criminel doit être interprété de manière à ce que les « activités inoffensives, socialement utiles ou spontanées » sans intention criminelle ne soient pas criminalisées.
    Médecins Sans Frontières reconnaît que le projet de loi C‑41 vise à faciliter l'action humanitaire plutôt qu'à la restreindre. Malheureusement, le projet de loi C‑41 et les parties du Code criminel relatives à la lutte contre le terrorisme auxquelles il se rapporte sont, dans leur formulation actuelle, incompatibles avec le droit international humanitaire et le droit canadien et ce projet de loi portera atteinte à l'humanitarisme canadien.
    Le projet de loi C‑41 obligerait les travailleurs humanitaires de demander une autorisation au cas par cas pour mener des activités qu'ils ont déjà légalement le droit de mener en vertu du droit international humanitaire. Il ne s'agit toutefois pas d'une simple redondance: le processus selon lequel au moins deux ministères et jusqu'à neuf agences gouvernementales seraient tenus de fournir une autorisation, éroderait gravement les pratiques plus souples et les principes consacrés par le droit international humanitaire, qui permettent de fournir de l'aide humanitaire de façon efficace. Le processus d'autorisation potentiellement onéreux que crée le projet de loi C‑41 accaparerait les ressources humanitaires et retarderait notre capacité d'intervention lors de catastrophes, comme le récent tremblement de terre en Syrie et en Turquie, où des vies sont en jeu et où chaque heure compte.
    Le processus donnerait également une abondance de renseignements aux agences de sécurité canadiennes, y compris l'accès aux données personnelles des employés, que ces agences n'auraient autrement aucune raison de recueillir, des données qui pourraient être utilisées à des fins qui dépassent la portée du projet de loi C‑41. Cela pourrait dissuader les Canadiens de travailler pour des organisations humanitaires.
    En outre, en soumettant les travailleurs humanitaires à une surveillance et à un contrôle gouvernemental sans précédent, le projet de loi C‑41 nuirait à leur indépendance ainsi qu'à la neutralité dont ils dépendent pour négocier l'accès et obtenir des garanties de sécurité de la part des groupes armés. De plus, ne pas donner l'autorisation ou le fait de déterminer quelles activités sont autorisées, et où, porterait profondément atteinte aux principes fondamentaux d'humanité et d'impartialité qui guident nos interventions qui ne visent qu'à répondre aux besoins humains.
    Dans sa version actuelle, le projet de loi C‑41 intégrerait une présomption de criminalité dans le Code criminel, y compris pour l'action humanitaire, en transférant le fardeau de la preuve de la non-criminalité au travailleur humanitaire. Médecins Sans Frontières estime que cela doit et peut être modifié avec une exemption d'ordre humanitaire permanente qui serait précisée à l'aide d'amendements relativement simples au projet de loi C‑41. Cette exemption retirerait effectivement l'action humanitaire de la portée de la criminalité dans le Code criminel. Une exemption permanente serait conforme au droit international humanitaire, aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, aux lois antiterroristes d'autres États, à la common law canadienne et à la réputation du Canada en matière d'humanitarisme.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, les membres de Médecins Sans Frontières travaillaient en Afghanistan avant que les talibans ne prennent le pouvoir, et ils ont poursuivi leur travail après leur arrivée au pouvoir, tout en respectant le droit international humanitaire, comme ils le font dans le cadre de missions qui ont lieu ailleurs dans le monde, dans des endroits où des groupes armés étatiques et non étatiques opèrent. Médecins Sans Frontières n'accomplit qu'une mission humanitaire. Pour cette raison, nous ne devrions pas être criminalisés ni être obligés de constamment devoir demander une autorisation pour pouvoir exercer le travail pour lequel nous existons.
    Je vous remercie.

  (1645)  

    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions. Puisqu'il y aura des votes, nous serons plus concis et chaque parti disposera de cinq minutes plutôt que de six minutes. Vous aurez ensuite quatre minutes au deuxième tour.
    Nous allons commencer avec M. Genuis pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins.
    J'essaie vraiment de comprendre pourquoi nous ne devrions pas avoir une exemption de nature humanitaire claire et simple, et je n'ai pas encore entendu un seul argument valable qui soutienne cette proposition. Tout ce que j'ai entendu, c'est que le gouvernement n'allait pas créer cette exemption.
    Madame Davis, vous avez dit que l'exemption ne serait pas une bonne idée. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous pensez cela?

  (1650)  

    Mes recherches et mon travail démontrent que les groupes terroristes du monde entier recueillent des fonds par l'entremise d'une variété d'activités, comme en imposant les organismes d'aide humanitaire qui travaillent dans leur région. Ces groupes peuvent acquérir des ressources auprès de ces organismes en exigeant, par exemple, une part de l'argent qu'ils apportent au pays.
    J'ai soulevé une préoccupation à propos de cette large exemption d'ordre humanitaire, car je crains que nous ne soyons totalement incapables de la coordonner. Par exemple, nous n'avons pas la capacité d'aider les organismes d'aide humanitaire à empêcher que de telles situations se produisent. Nous n'avons aucun moyen de savoir combien d'argent ou de ressources se retrouvent entre les mains des organisations terroristes lorsqu'elles opèrent...
    Je vais vous interrompre, car nous avons peu de temps, et j'aimerais en savoir plus sur cette question.
    Ne pourrions-nous pas prescrire certaines choses dans le cadre de cette exemption, en disant que dans des circonstances précises, vous pouvez aller de l'avant, mais que si l'on vous impose une taxe supérieure à tel pourcentage, vous ne pouvez pas aller de l'avant? Quels que soient les règlements, ne pourrions-nous pas les inscrire dans la loi, plutôt que de les fonder sur un régime d'autorisation qui pourrait potentiellement changer et ne pas toujours être uniforme?
    Techniquement, ce serait possible, mais le problème avec les organisations terroristes, c'est qu'elles changent leurs façons de faire assez souvent. Il est vraiment difficile de savoir quand ce sera un taux de 20 % dans une situation et 60 % ou 5 % dans une autre. Les règles changent souvent, et chaque situation est différente. Un taux de 20 % peut être considéré comme très important en Somalie alors qu'en Afghanistan, ce pourrait plutôt être 5 %.
    Il semble que nous pourrions quand même, avec beaucoup de souplesse, définir certaines de ces situations à l'aide de règlements, tout en employant le principe d'une inclusion plus large plutôt que d'une autorisation individuelle.
    Je pense qu'il serait logique que de telles précisions se retrouvent dans des règlements plutôt que dans la loi, car il est plus facile de changer un règlement qu'une loi.
    Vous et Mme West avez toutes deux fait référence à d'autres pays qui seraient visés par le régime. Pourriez-vous nous donner votre liste des 8 % qui, selon vous, seraient visés?
    Il s'agit de 8 % des pays du monde, et je n'ai pas la liste sous les yeux. Des groupes terroristes contrôlent des territoires au Nigeria, au Yémen, en Somalie, en Afghanistan et dans certaines régions de l'Afrique de l'Ouest. La liste est assez longue à ce stade‑ci.
    Madame West, êtes-vous d'accord avec cette liste? Ajouteriez-vous quelque chose?
    Non. Je m'en remettrais à Mme Davis, en particulier sur ce point.
    L'un ou l'autre des deux autres témoins aimerait‑il répondre à certains des points soulevés en ce qui concerne la possibilité de créer une exemption de nature humanitaire dont le fonctionnement serait défini par règlement, et qui favoriserait l'autorisation des activités humanitaires, à condition que des efforts soient déployés pour limiter au maximum les dollars versés à des organisations terroristes?
    Je pense qu'il convient d'abord de dire que le droit international humanitaire offre déjà une protection et prévoit déjà que lorsque vous travaillez dans une zone où se trouvent des groupes armés, qu'ils soient considérés comme terroristes ou autres, et même dans des situations où vous pourriez avoir à payer ces types de frais administratifs, de droits d'établissement ou autres, les activités humanitaires sont permises pour des raisons d'ordre humanitaire. Nous devons être en mesure de fournir de l'aide.
    Je suis tout à fait d'accord avec cette remarque. Je ne crois pas qu'il soit très logique de prévoir une exemption de nature humanitaire conformément au droit international et d'y ajouter des règlements à l'échelle nationale.
    Si l'activité est légale parce qu'elle est légale en vertu du droit international, nous devrions nous en tenir à cela.
    Selon ma compréhension de la définition de « groupe terroriste » qui est employée dans le Code criminel, les acteurs étatiques ne sont pas exclus de façon évidente. Certains pourraient soutenir, par exemple, que l'Iran est un territoire contrôlé par des terroristes.
    Le projet de loi dans sa forme actuelle permet‑il de savoir si la loi s'appliquerait lorsque le gouvernement d'un État ne figure pas sur la liste des entités terroristes, mais s'apparente à un groupe terroriste?
    Je dirais que la loi s'appliquerait dans ces contextes, mais vous demanderiez alors aux organisations humanitaires de trancher, ce qui, comme les représentants de Médecins Sans Frontières l'ont mentionné, je crois, va à l'encontre de leurs principes d'impartialité et de neutralité.

  (1655)  

    Merci.
    Monsieur Genuis, je vous remercie.
    Madame Damoff, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les témoins de leur présence.
    Monsieur Belliveau, j'aimerais vous remercier pour le travail que vous et Médecins Sans Frontières accomplissez pour sauver des vies, non seulement en Afghanistan, mais partout dans le monde. Nous vous en sommes tous reconnaissants.
    Nous nous heurtons à un réel défi. M. Brunelle-Duceppe et moi-même avons tous deux siégé au Comité spécial sur l'Afghanistan et nous avons dû faire face au fait que les talibans figurent dans notre Code criminel. On a fait remarquer qu'une exemption générale était accordée dans d'autres pays. Nous avons compris que nous ne pourrions pas faire de même parce que les talibans se trouvent sur notre liste des entités terroristes.
    Aujourd'hui même, un article indique que le chien de garde américain en Afghanistan a témoigné devant le Congrès et dit qu'il ne pouvait pas garantir que l'aide américaine n'allait pas servir à soutenir les talibans, alors essayer de trouver cet équilibre...
    Madame Davis, je vous ai vue secouer la tête lorsque j'ai parlé du Code criminel. Pourriez-vous peut-être nous dire pourquoi et parler un peu des obstacles que nous devons surmonter pour obtenir cette exemption afin que de l'aide humanitaire puisse être acheminée vers l'Afghanistan?
    Lorsque nous nous comparons à d'autres pays, il est important de ne pas oublier que ce ne sont pas tous les pays...
    Les processus d'inscription sont tous très différents les uns des autres. Les États-Unis n'ont pas inscrit les talibans sur leur liste de la même manière que nous l'avons fait, ce qui leur permet donc d'accorder des exemptions plus larges, et ce, de façon différente. Votre remarque est tout à fait juste. Il n'y a aucun moyen de garantir que l'argent ou les ressources qui sont acheminées vers l'Afghanistan ne finiront pas entre les mains des talibans. Je dirais même que c'est le contraire qui est vrai. Je peux presque vous garantir que de l'argent et de l'aide humanitaire sont versés aux talibans, car c'est ainsi qu'ils opèrent. Il s'agit en fait d'établir un équilibre entre ce qui nous semble approprié et ce qui ne l'est pas, et c'est en partie pour cela que je disais qu'il faut équilibrer notre politique étrangère. Parfois, nous pouvons trouver certaines situations acceptables, d'autres fois non, en fonction de la manière dont le groupe terroriste exerce ses activités à l'échelle internationale.
    Si les talibans commencent à avoir des capacités et des aspirations en matière d'attaques à l'étranger, nous voudrons peut-être réduire l'aide humanitaire que nous envoyons dans ce pays.
    Oui, mais cela dit, même s'il ne s'agit pas de capacités à l'étranger, ce qui se passe en Afghanistan est horrible. C'est l'une des pires situations dans le monde à l'heure actuelle, si vous pensez aux millions de personnes qui s'y trouvent.
    Mon autre préoccupation a trait à une question que Mme McPherson a soulevée lors de notre dernière réunion. Comment veiller à ce que ce projet de loi ne soit pas utilisé à des fins politiques? Je vais vous donner un exemple. Comment pouvons-nous nous assurer qu'un gouvernement ne pourra pas dire qu'il va inclure Gaza, qu'il nous demandera de déposer une demande, pour ensuite la ranger sur une tablette pendant deux ans, ce qui nous empêcherait de fournir de l'aide dans cette région? Cela pourrait aussi concerner le Nigeria.
    Par votre intermédiaire, monsieur le président, Mme McPherson a énuméré un certain nombre de pays. Pouvons-nous changer quelque chose dans ce projet de loi pour nous assurer qu'il ne sera pas utilisé à des fins politiques?
    Tous les témoins peuvent répondre.
    Tous les régimes d'inscription sont des processus politiques. Au Canada, le ministre de la Sécurité publique prend une décision puis fait une recommandation au gouverneur en conseil. Il ne s'agit pas d'une décision juridique, mais d'un processus politique. Il en va de même au sein des Nations unies. Vous demandez aux organismes humanitaires de reconnaître l'inscription politique sur la liste d'une organisation terroriste par le gouvernement du Canada, puis de quand même demander la permission de pouvoir mener leurs activités autrement légales dans ces régions.
    Il n'y a pas d'autre solution, sauf que de dire que ces organismes humanitaires peuvent poursuivre leurs activités légales conformément au droit international. Voilà pourquoi je pense qu'une exemption pour l'aide humanitaire qui est conforme au droit international humanitaire — qui est neutre et impartial — est permise en vertu du Code criminel.
    L'inscription sur une liste est un geste intrinsèquement politique, donc toute reconnaissance d'une inscription sur une liste va légitimer ce processus politique.
    Ce projet de loi va plus loin que les seules entités inscrites sur la liste, n'est‑ce pas?
    En effet, et cela constitue un autre problème, parce que vous demandez à un organisme humanitaire d'appliquer des faits controversés à notre définition du Code criminel et de décider s'il pense ou non que l'organisation qui contrôle la zone dans laquelle elle travaille est un groupe terroriste, ce qui est difficile à déterminer, même pour la GRC.
    Je pense que cette demande va trop loin, et j'aimerais que le projet de loi ne précise que les entités inscrites sur la liste, car, je le répète, je pense qu'imposer cette demande aux organismes humanitaires revient à leur demander de déterminer si un groupe qui se trouve dans une zone contrôlée est un groupe terroriste.

  (1700)  

    L'un des autres témoins souhaite‑t‑il...? Il ne me reste que quelques secondes.
    D'accord.
    Je pense qu'il y a un risque élevé de politisation des deux côtés.
    Le risque est élevé de ce côté‑ci. Lorsque vous entamez ce processus d'autorisation et devez présenter tous ces renseignements à tous ces organismes gouvernementaux, il y a un risque, que ce soit maintenant ou à l'avenir, qu'ils soient utilisés à des fins qui dépassent le cadre du projet de loi C‑41.
    De l'autre côté, c'est la façon dont nous sommes perçus. Nous devons être perçus comme étant neutres et constamment impartiaux. Si on nous perçoit comme ne respectant pas ces principes, nous ne serons pas en mesure de négocier notre accès à des lieux où des groupes armés, inscrits ou non sur la liste, exercent des activités.
    En résumé, il pourrait y avoir de la politisation des deux côtés.
    Je vous remercie. Merci, madame Damoff.
    Nous allons maintenant passer à M. Brunelle-Duceppe.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins qui sont là, virtuellement ou en personne.
    La première déception concernant le projet de loi C‑41 est que son dépôt a pris beaucoup trop de temps. Là-dessus, nous nous entendons tous et toutes. De nombreux députés du gouvernement et de l'opposition ont travaillé très fort dans ce dossier, mais cela a pris trop de temps.
    Maintenant que le projet de loi a été déposé, il ne fait pas l'affaire de tout le monde, surtout pas des organisations humanitaires. Nous nous retrouvons donc dans une espèce de cul-de-sac.
    Personnellement, je veux absolument que le problème soit réglé le plus rapidement possible. Je crois que l'objectif principal des députés ici présents est que l'aide humanitaire soit acheminée le plus rapidement possible en Afghanistan et dans d'autres parties du monde où des entités terroristes contrôlent des régions.
    De deux choses l'une: soit nous décidons de nous attaquer aux détails techniques du projet de loi et à la manière dont il est bâti sur le plan administratif, soit nous le changeons du tout au tout et nous demandons une exemption pour des raisons humanitaires.
    Selon vous, qu'est-ce qui est le plus important? Est-ce d'en arriver à une conclusion rapide pour que nous puissions voter sur ce projet de loi? Devrions-nous plutôt changer carrément le projet de loi et nous battre le plus longtemps possible pour obtenir une exemption pour des motifs d'ordre humanitaire?
    Monsieur Belliveau, peut-être voulez-vous répondre à cette question?

[Traduction]

    Je pense qu'il est assez clair, d'après ce que nous avons dit jusqu'à présent, que nous croyons qu'une exemption est possible. C'est la voie à suivre. Nous pensons que la procédure pourrait être accélérée de manière relativement simple.
    Si vous revenez un peu en arrière, vous verrez que ce problème existe depuis la mise en place de la Loi antiterroriste en 2001. Elle a créé cette ambiguïté.
    À l'époque, il y avait déjà une exemption prévue pour l'action humanitaire, si bien que pendant toutes ces années, les acteurs humanitaires ont dû se demander s'ils risquaient ou non d'enfreindre le Code criminel. De nos jours, les enjeux sont plus gros. Le gouvernement a déclaré qu'il pense qu'il a une solution. Il n'estime pas que le projet de loi C‑41 soit la bonne solution, mais il croit que nous pourrions inclure un libellé dans le projet de loi C‑41 qui clarifierait, en remontant à la Loi antiterroriste, que nous respectons le droit international humanitaire — ce que le Canada fait clairement — et que lorsque les acteurs humanitaires agissent dans un contexte de droit international humanitaire, ils n'enfreindront pas le Code criminel.

[Français]

    Je suis entièrement d'accord sur ce que vous dites, mais je dois être rabat-joie. Comme nous sommes des députés de différents partis, nous n'allons peut-être pas nous entendre là-dessus. Le problème auquel je pense, c'est que je ne voudrais surtout pas voir de l'obstruction systématique à ce comité dans le cas où, par exemple, l'opposition se serait entendue sur ce que vous venez de nous mentionner, mais que, du côté du gouvernement, le ministre de la Sécurité publique trouverait inacceptable la façon dont nous voulons amender le projet de loi et déciderait de bloquer la procédure. Tant que nous n'arriverons pas à trouver un terrain d'entente, les gens n'obtiendront pas l'aide nécessaire. L'acheminement de l'aide est le principal objectif de ce projet de loi, mais cela ne pourra pas se faire si nous n'arrivons pas à le faire aboutir.
    Les membres du Comité peuvent-ils mettre de l'eau dans leur vin et parvenir à équilibrer ce projet de loi pour en arriver à une entente le plus rapidement possible? Comme je le dis, c'est mon objectif principal. J'essaie, comme parlementaire, de voir ce qui est acceptable pour les organisations humanitaires, afin de faire adopter ce projet de loi le plus rapidement possible.
    Est-ce que cela pourrait prendre la forme, par exemple, d'exemptions pour des ONG qui sont déjà reconnues et crédibles, qui ont de l'envergure et qui sont déjà sur le terrain? Pourrait-on avoir une liste d'ONG qui seraient déjà exemptées? Serait-il possible de proposer cela au gouvernement et de l'insérer dans le projet de loi, ou cela vous semble-t-il impossible?

  (1705)  

    Puis-je me permettre de prendre la parole?
     Bien sûr, tout le monde peut répondre à la question.
    Je vous remercie de votre question.
    Je comprends votre préoccupation et votre désir d'aller de l'avant. Cela dit, j'aimerais rebondir sur ce que vous avez mentionné au sujet des différentes listes d'organisation et de ce qui existe.
    Ce qui est assez important ici aujourd'hui, c'est de faire la distinction entre les différents types d'organisations qui sont concernés.
    Par exemple, il y a les organisations dites humanitaires impartiales, telles que Médecins sans frontières et le Comité international de la Croix‑Rouge, qui agissent conformément au mandat qui leur est conféré par le droit international humanitaire. Ce dernier vise à limiter les effets de la guerre pour des raisons humanitaires en conciliant des nécessités militaires et des impératifs humanitaires. Ce sont les dispositions des Conventions de Genève, le droit international humanitaire conventionnel et le droit international humanitaire coutumier qui confèrent aux organisations humanitaires impartiales le droit de faire des offres de service aux parties au conflit afin de permettre le déploiement d'une aide humanitaire et médicale.
    Le respect des devoirs et des principes humanitaires d'impartialité et de neutralité par les organisations humanitaires impartiales leur donne également des droits, à savoir l'assurance de bénéficier d'un statut protégé pour permettre l'assistance humanitaire. Tant que ces organisations humanitaires restent neutres et impartiales, elles bénéficient de la protection qui leur est conférée par le droit humanitaire.
    Il s'agit d'un statut très particulier qu'ont Médecins sans frontières et le Comité international de la Croix‑Rouge. Nous nous engageons perpétuellement à le conserver en nous imposant le respect de ces principes fondamentaux, à la fois dans notre charte, dans la gestion de nos opérations, dans notre communication et dans nos moyens de financement. Il en va de notre identité, de notre légitimité et de notre légalité, mais aussi de notre protection sur le terrain, puisque nous risquons notre vie si ces principes ne sont pas respectés.
    Évidemment, il existe aussi d'autres types d'organisations, comme des organisations d'aide au développement ou de consolidation de la paix, qui ont d'autres activités visant à promouvoir d'autres principes. Ces organisations ne répondent pas forcément aux mêmes besoins et ne sont pas forcément tenues aux mêmes obligations du droit international humanitaire.

[Traduction]

    Je vous remercie, madame Maon.
    Nous allons maintenant céder la parole à Mme McPherson pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Cinq minutes, c'est très court.
    Premièrement, j'aimerais remercier nos témoins d'être des nôtres aujourd'hui. J'aimerais certainement vous remercier, madame West, du travail que vous faites et d'avoir soulevé en particulier le contexte humanitaire dans lequel ces situations se produisent. Je pense que cela se perd parfois lorsque nous commençons à parler des lois. Nous ne faisons pas cela dans n'importe quel contexte. Cela ne se produit pas dans des contextes où il est facile de travailler. Cela se passe dans des contextes très difficiles, alors je vous remercie.
    Je vais commencer par poser quelques questions à MSF, qui a été la toute première organisation pour laquelle j'ai fait du bénévolat, et qui occupe donc une place particulière dans mon coeur. J'avais 19 ans, alors c'était il y a très longtemps.
    J'ai lu le mémoire que vous avez remis au Comité. Dans votre mémoire, vous mentionnez que le régime d'autorisation actuel dans le projet de loi C‑41 peut également présenter des risques de sécurité aux travailleurs humanitaires canadiens qui oeuvrent auprès d'organisations comme MSF. Vous en avez un peu parlé dans votre témoignage. Pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet, je vous prie?
    Avec MSF, à l'instar de n'importe quelle autre organisation, nous avons une obligation de diligence envers le personnel. La façon que le régime d'autorisation est établi aux termes du projet de loi C‑41 présente des risques pour les gens. L'échange et la communication de données et de renseignements personnels d'une manière que nous ne savons pas comment ces renseignements seront utilisés, où ils seront entreposés ou combien d'agences y auront accès poseront au moins des risques inconnus pour notre personnel.
    Nous savons, d'après les réactions que nous avons reçues depuis la publication du projet de loi C‑41, que le personnel qui travaille pour MSF sera dissuadé de continuer à travailler pour l'organisation, parce qu'il ne sait pas où ses données personnelles seront entreposées ni à quelles fins elles seront utilisées.
    Je vous remercie.
    Dans le mémoire que vous avez remis au Comité, vous présentez de solides arguments en faveur d'une exemption humanitaire permanente. Le NPD présentera une recommandation ou un amendement en ce sens. Vous en avez fourni l'ébauche.
    J'ai cru comprendre que le Comité international de la Croix-Rouge, ou CICR, avait également lancé un appel en ce sens. Pouvez-vous nous parler d'autres organisations qui ont soutenu cet amendement?
    Je dois également mentionner, en passant, madame West, que votre amendement concernant la formulation sur les entités terroristes est quelque chose que nous présenterons également.
    Madame Maon, voulez-vous parler du CICR et peut-être d'autres entités?
    Je vous remercie.
    Je veux également mentionner à Mme McPherson un point concernant la sécurité, à savoir le fait de miner les principes que je viens de mentionner, soit l'impartialité et la neutralité. Ce sont les principes qui nous permettent d'avoir accès à une population, et ce sont également les principes qui nous garantissent la protection des conventions de Genève. Ce processus d'autorisation ferait augmenter davantage les risques de sécurité pour Médecins Sans Frontières, MSF, sur le terrain, car il s'agit de contextes instables. Dans ces contextes, nous, MSF, serions présentés à tort comme des agents de l'État canadien. Dans le cadre de ce processus d'autorisation, nous passerions pour des agents d'un pays, d'un État, qui a peut-être publiquement désigné certains groupes armés non étatiques comme terroristes ou demandé leur arrestation.
    Par ailleurs, le projet de loi C‑41 donnerait également son aval à des organisations humanitaires impartiales comme MSF pour mener, ou non, ses activités dans des territoires contrôlés par ces mêmes groupes armés. Ainsi, les attaques pourraient également cibler les travailleurs humanitaires qui oeuvrent pour des organisations qui semblaient jusqu'à présent neutres et impartiales, mais qui pourraient ne plus être considérées comme telles et qui, par l'entremise de la mise en oeuvre du processus d'autorisation, seraient plutôt perçues comme étant liées à la diplomatie ou à la politique d'un État. Cela représenterait également un risque considérable pour les travailleurs humanitaires, y compris les travailleurs humanitaires canadiens.

  (1710)  

    Je veux juste clarifier que vous dites ceci: cela mettra non seulement les gens en danger parce qu'ils seront associés à un agent de l'État, mais cela peut aussi, je suppose, avoir une incidence sur la capacité des organisations humanitaires à se rendre sur les lieux.
    Absolument.
    Merci beaucoup.
    J'ai une autre question pour vous.
    Pouvez-vous expliquer la différence entre les organisations exclusivement humanitaires, dont les activités sont couvertes par le cadre juridique du droit humanitaire international, et celles qui ont des mandats pour d'autres activités, telles que le développement ou le maintien de la paix, qui ne sont pas couvertes par le droit international humanitaire?
    Je ne pense pas que ce comité comprenne très bien la situation.
    Je peux effectivement en parler. Je pense que cela ira un peu dans le même ordre d'idées que ma réponse à la question précédente.
    Nous comprenons qu'il existe des organisations très précises qui sont considérées comme neutres et impartiales, telles que MSF et le CICR, car elles agissent dans le cadre de mandats confirmés par le droit humanitaire international.
    Ce ne sont pas toutes les organisations qui travaillent à la consolidation de la paix ou au développement de l'aide humanitaire qui répondent aux exigences du droit humanitaire international. Pour être actives en vertu du droit humanitaire international et de la Convention de Genève ou du droit coutumier, les organisations humanitaires doivent respecter les principes d'impartialité. C'est la raison pour laquelle elles sont autorisées à faire des offres de service aux parties à un conflit, qui sont libres de les accepter ou non. La seule raison de refuser — sauf s'il n'y a pas lieu de le faire — serait de considérer que cette organisation n'est pas impartiale.
    Merci, madame Maon. Merci, madame McPherson.
    Nous allons maintenant passer à une série d'interventions de quatre minutes, en commençant avec M. Van Popta.
    Je vais partager mes quatre minutes avec mon collègue, M. Genuis. Il va commencer.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur le président.
    Il semble que l'une des préoccupations concernant l'exemption humanitaire générale soit cette possibilité: vous avez une organisation terroriste qui contrôle une région et qui dit, « Vous pouvez apporter de l'aide humanitaire, mais vous devez payer une taxe de 70 %. » Les personnes qui souffrent reçoivent un peu d'argent, mais la plus grande partie de l'argent va aux autorités. Dans ce cas, nous ne voudrions probablement pas que l'aide humanitaire soit acheminée, car le prix est tout simplement trop élevé pour ce qui est des bénéficiaires. Par ailleurs, il y a d'autres circonstances où nous pensons que ce serait raisonnable.
    J'aimerais connaître l'avis de ceux qui sont favorables à une exemption humanitaire générale. Que pensez-vous qu'il devrait se passer dans le cas hypothétique que j'ai décrit?
    Qu'adviendrait‑il dans un cas hypothétique d'une demande extrêmement forte de taxation? Est‑ce votre question?
    Oui.
    MSF et d'autres organisations humanitaires... Nous faisons ce travail depuis maintenant 52 ans, dans toutes sortes de contextes où des acteurs armés sont présents et opérationnels. Cela fait partie de notre travail et s'inscrit dans le cadre de l'aide apportée aux personnes qui en ont le plus besoin. Nous négocions constamment avec ces groupes armés de manière à minimiser...
    Nous n'accepterions jamais les chiffres dont vous parlez. Nous négocions constamment pour qu'un groupe armé bénéficie le moins possible d'un avantage quelconque. La plus grande partie de ce que nous fournissons va aux personnes que nous aidons.
    Pour enchaîner là‑dessus, vous êtes une organisation crédible et digne de confiance. Le fait de dire, « Nous savons ce que nous faisons ici », est raisonnable dans votre cas, mais une exemption humanitaire générale ne s'appliquerait pas seulement à des organisations comme la vôtre. Elle s'appliquerait à des organisations qui ont peut-être de bonnes intentions, mais qui n'ont pas la même feuille de route.
    Si nous voulons vous dire oui dans ce cas‑ci, mais que nous voulons être prudents à l'égard d'autres organisations qui n'ont peut-être pas la même expérience, comme pouvons-nous nous y prendre?

  (1715)  

    Encore une fois, cela revient à ce que Mme Maon a dit, et je suis sûr qu'elle peut fournir plus de détails à ce sujet. Elle dit clairement qu'une organisation qui respecte les principes humanitaires et fournit une aide impartiale bénéficie de la protection du droit humanitaire international et a donc déjà le droit d'intervenir et de fournir ce service.
    Vous parlez des négociations pratiques qui s'ensuivent, mais nous avons le droit.
    Oui.
    Je suis désolé. Je veux honorer la générosité de mon collègue qui a partagé son temps de parole avec moi et lui laisser un peu de temps pour s'exprimer.
    Le président: C'est peu, car il vous reste une minute.
    D'accord, merci.
    Monsieur Belliveau, je vais vous adresser ma question très brève à laquelle vous pourrez fournir une courte réponse.
    Des inquiétudes ont été exprimées quant à la lenteur du gouvernement à mettre en œuvre le projet de loi C‑41. Nous savions qu'il y avait une crise humanitaire en Afghanistan et dans d'autres régions également.
    Votre organisation a‑t‑elle subi des répercussions négatives quelconques en raison de ce retard? Cela vous a‑t‑il empêché d'accomplir un travail important que vous auriez normalement dû faire si le projet de loi C‑41 avait été en place il y a un an?
    Parce que nous sommes fermement attachés aux principes humanitaires et parce que nous sommes fermement protégés par le droit humanitaire international et que nous le savons et nous en avons l'expérience, nous n'avons pas modifié nos activités en Afghanistan et ne les avons pas modifiées ailleurs.
    Menez-vous des activités en Afghanistan même si le pays est gouverné par les talibans?
    Oui, encore une fois, nous avons exercé nos activités avant et après la prise de pouvoir des talibans sous la protection du droit humanitaire international.
    N'est‑ce pas faire indirectement ce que nous ne pouvons pas faire directement en vertu de l'actuel article 83 du Code criminel? Comment contourner cette situation à l'aide du droit humanitaire international?
    Je pense que Mme Maon peut intervenir, mais il y a de nombreuses autres organisations qui sont actives en Afghanistan, car d'autres États ont déjà adopté des exemptions semblables à celle dont nous discutons. Le Conseil de sécurité des Nations unies a non seulement demandé que les mesures antiterroristes soient conformes au droit international humanitaire, mais il a également adopté des résolutions qui prévoient ce type d'exemption, y compris en Afghanistan.
    C'est possible, et de nombreuses autres organisations et les États qui les soutiennent s'engagent dans cette voie.
    Mme Maon pourrait peut-être nous en dire plus à partir de ces déclarations.
    Je vous remercie. Le temps est écoulé, malheureusement.
    La dernière série de questions ira à Mme Diab, pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins. Merci à vous et à vos équipes qui accomplissent ce travail humanitaire nécessaire dans le monde entier. Je peux seulement imaginer ce que votre organisation et les personnes qui y sont employées ou qui y font du bénévolat doivent endurer pour en arriver là.
    C'est le deuxième jour de nos audiences sur ce projet de loi. On nous a dit que le projet de loi est crucial pour fournir une aide humanitaire à l'Afghanistan. Bien entendu, comme vous l'avez dit, il ne s'agit pas seulement de l'Afghanistan; ce pourrait être n'importe où, dans de nombreuses régions du monde.
    Des fonctionnaires et d'autres personnes nous ont également dit qu'il fallait trouver un équilibre dans ce domaine. En droit, et dans la réalité et dans la vie, il est toujours très difficile de trouver un équilibre. C'est toujours quelque chose que l'on essaie de faire, je suppose.
    Madame West, vous avez une vaste expérience de l'Afghanistan dans le cadre de vos activités personnelles. Pouvez-vous nous parler un peu plus des considérations de sécurité? Comment en tiendriez-vous compte pour fournir de l'aide étrangère?
    Le droit humanitaire international, qui régit l'aide humanitaire et le travail des organisations humanitaires, a déjà pris en compte une grande partie de cet équilibre. Une série d'exigences sont imposées à ces organisations afin qu'elles puissent légalement fournir une aide dans le cadre d'un conflit armé, ce dont il est question lorsque nous parlons d'exception humanitaire.
    Dans un conflit armé, le droit humanitaire international autorise déjà les gens à tuer d'autres personnes. C'est l'équilibre à prendre en compte pour l'aide humanitaire destinée à venir en aide aux personnes susceptibles d'être tuées. Lorsque nous parlons d'équilibre en matière de sécurité, nous parlons du financement des organisations terroristes par rapport à la capacité de mener à bien l'aide humanitaire. Vous ajoutez une couche supplémentaire contre l'aide humanitaire.
    Je reviens à la question précédente sur la manière dont l'organisation MSF peut faire ce qu'elle fait. C'est parce que l'interprétation du droit criminel canadien devrait être conforme à la loi internationale, ce qui inclut le droit humanitaire international. On pourrait déjà lire une exception humanitaire dans la loi, mais c'est difficile à faire, compte tenu de certaines autres dispositions dans la loi. MSF le fait pour accomplir son travail.
    Je pense que le fait de s'appuyer sur le droit humanitaire international et sur une exemption fondée sur le droit humanitaire international tient déjà compte de l'équilibre sur les plans de la sécurité et de l'aide humanitaire. Nous essayons de le faire en disant que cette organisation, ce groupe armé, est un groupe terroriste, et qu'il est donc encore plus important de ne pas le financer, mais nous devons déjà nous préoccuper de n'importe quel groupe armé qui tue des civils.
    Je pense que l'équilibre est un peu perdu en ne reconnaissant pas le travail qu'accomplit le droit humanitaire international pour protéger cet équilibre.

  (1720)  

    Il nous reste 30 secondes.
    Madame Davis, en 30 secondes, aimeriez-vous ajouter quoi que ce soit?
    La seule chose que je voudrais ajouter est que ce projet de loi, à mon avis, établit un équilibre important en reconnaissant la réalité sur le terrain, à savoir que lorsque des organisations d'aide internationale travaillent dans des zones de conflit où des groupes terroristes mènent leurs activités, elles vont leur fournir des fonds. C'est indéniable. Je pense qu'il est important que l'État ait la capacité de calibrer le montant qu'il juge acceptable et les circonstances dans lesquelles il le juge acceptable.
    Je vous remercie.
     Merci, madame Diab.
    Je remercie tous les témoins. Je vous remercie infiniment et vous présente nos excuses pour cette conclusion précipitée. Nous avons deux groupes de témoins et des votes de surcroît. Merci encore.
    Je suspends la séance pour 60 secondes. Nous passerons ensuite au prochain groupe de témoins.
    Merci.

  (1720)  


  (1725)  

    Reprenons nos travaux.
    Nous poursuivons notre étude du projet de loi C‑41.
    Nous recevons à présent Shabnam Salehi, à titre personnel, ainsi qu'Usama Khan, le directeur général de Islamic Relief Canada. Bienvenue.
    Nous accueillons aussi Martin Fisher, le responsable des politiques de Vision mondiale Canada, et Amy Avis, directrice de la gestion des urgences et avocate générale à la Croix-Rouge canadienne. Je crois que ces témoins partageront leur temps.
    Il n'y a personne en ligne. Tout se passe en personne.
    Nous commençons par Shabnam Salehi, pour cinq minutes.
    Monsieur le président et chers membres du Comité, c'est un honneur pour moi d'avoir l'occasion d'exprimer mon opinion au sujet du projet de loi C‑41.
    Je m'appelle Shabnam Salehi. J'ai été commissaire des droits des femmes à la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan, ainsi que chargée de cours à l'Université de Kaboul. À l'heure actuelle, je suis chargée de cours invitée à l'Université d'Ottawa.
    À mon avis, le projet de loi donnera au gouvernement canadien la permission nécessaire pour résoudre efficacement la crise en cours en Afghanistan.
    Comme vous le savez tous, l'Afghanistan vit une crise humanitaire qui touche des millions de personnes. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, 28,3 millions de personnes connaissent une grave insécurité alimentaire et près de 19,9 millions de personnes souffrent gravement de la faim. Selon le Programme des Nations unies pour le développement, à la moitié de l'année 2022, presque 97 % des Afghans vivaient sous le seuil international de la pauvreté, établi par la Banque mondiale à 1,90 dollar par jour.
    De plus, il est probable que la pauvreté en Afghanistan continue de s'aggraver. Avant août 2021, l'économie afghane dépendait à 75 % de l'aide étrangère. La Banque mondiale s'attend à ce que la réduction rapide de l'aide financière internationale, la perte d'accès à des actifs dans le reste du monde et la perturbation des relations financières entraînent une contraction majeure de l'économie du pays, ce qui augmentera la pauvreté et l'instabilité macroéconomique.
    Les autorités de facto continuent de prendre des mesures discriminatoires à l'égard des femmes, comme l'illustre l'interdiction injustifiée des talibans relative à l'éducation des filles. Cette interdiction est le résultat de l'idéologie extrémiste des talibans, qui promeut la ségrégation des sexes et cherche à exclure les femmes de la vie sociale. Les talibans ont appliqué leurs interdictions de manière graduelle par l'entremise d'une série de décrets, d'abord en interdisant aux hommes d'enseigner aux filles, puis en imposant des classes ségréguées selon le sexe et, en fin de compte, en interdisant l'éducation secondaire aux filles. De plus, les talibans ont restreint la capacité des femmes de choisir certains domaines d'études et ont fini par empêcher les étudiantes universitaires d'accéder aux études supérieures. Le problème s'est aggravé, car on a interdit aux femmes de travailler, y compris au sein des organismes des Nations unies. Au début de cette semaine, les talibans ont élargi leur répression de l'éducation des filles en fermant les écoles primaires dans quatre provinces d'Afghanistan.
    Le Canada doit prendre une décision cruciale: permettre au régime oppressif en Afghanistan de poursuivre ses pratiques discriminatoires ou agir résolument pour contrer sa répression, plus précisément en habilitant la population afghane, particulièrement les femmes. Si le Canada choisit la deuxième option, je crois que le projet de loi proposé permet l'établissement d'un plan pour mettre en place, exécuter et soutenir une intervention face au régime actuel. Je crois que ce projet de loi présente une voie à suivre crédible en fournissant un plan pour soutenir le peuple afghan, particulièrement les femmes.
    Je demande au Comité de s'assurer que le projet de loi accorde la priorité à l'autonomisation des femmes, à la mobilisation sociale et aux mouvements civils comme moyens de contrer les politiques discriminatoires imposées par le régime. Pour y arriver, je propose que le projet de loi mette fortement l'accent sur la répartition de fonds d'aide pour l'autonomisation des femmes, la protection et la promotion des droits de la personne et la mobilisation sociale à large échelle.
    Pour accomplir cette mission, je crois que les mesures législatives, les politiques et les interventions en vertu de programmes subséquentes doivent harmoniser l'aide humanitaire et diplomatique canadienne avec celle d'autres alliés, pour presser davantage le régime à changer ses politiques discriminatoires. Cette approche offrira au Canada l'occasion de participer activement au processus d'habilitation et de soutien du peuple afghan afin d'entraîner un changement positif qui correspond à ses intérêts fondamentaux et à ses engagements internationaux.
    En œuvrant en coopération avec d'autres alliés, le Canada peut partager ressources et efforts afin d'atteindre l'objectif commun de créer une société plus juste et équitable en Afghanistan. Ce travail donnera également au Canada l'occasion de démontrer son leadership en matière de promotion des droits de la personne et d'égalité des sexes à l'échelle mondiale.
    Merci beaucoup.

  (1730)  

    Merci, madame Salehi.
    Nous passons ensuite à Usama Khan, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président et membres du Comité.
    Je m'appelle Usama Khan. Je suis le directeur général d'Islamic Relief Canada, qui est membre de la Coalition humanitaire.
    Depuis 1999, l'échelon mondial d'Islamic Relief a œuvré en Afghanistan, et l'a fait également au cours des deux dernières années. Récemment, le Programme des Nations unies pour le développement a choisi notre organisme comme partenaire pour mettre en œuvre un projet de 22 millions de dollars, reconnaissant ainsi que notre travail est mené de manière efficace, transparente et responsable en Afghanistan.
    Je veux d'abord affirmer à quel point je suis fier de la coalition d'aide pour l'Afghanistan, qui rassemble la Croix-Rouge, Vision mondiale et bien d'autres organismes et encourage des changements législatifs dans cet important domaine. Je dois également souligner que je pense que nous témoignons ici aujourd'hui en raison de la mobilisation publique et des dizaines de milliers de personnes partout au pays qui s'intéressent à la position du Canada sur cet enjeu. À mes yeux, voilà le vrai pouvoir de la démocratie.
    En raison du libellé actuel du projet de loi C‑41, nous craignons que certaines conséquences involontaires entraînent en réalité des reculs plutôt que des progrès. Pour poursuivre la discussion de la séance précédente, je souhaite offrir quelques réflexions qui se fondent sur notre expérience de travail en Afghanistan.
    Sur la question de la proportion de l'aide ou d'impôts prélevés par les pays, le chiffre hypothétique de 70 % a été avancé dans la période de questions et de réponses. Je peux fournir certains exemples concrets d'après cette crise.
    À l'été 2021, quand les talibans se sont emparés du pouvoir, notre organisme a voulu comprendre sa tolérance au risque, alors nous avons calculé le taux d'imposition. Il était d'environ 3 %. Voilà ce que nous avons fait, chez Islamic Relief. Le Royaume-Uni et les États-Unis, nos semblables, disposent d'exemptions humanitaires plus larges, et nous voulions continuer d'aider la population afghane à l'aide de dons offerts par des donateurs canadiens de partout au pays. Alors, nous avons retenu les 3 % pour l'impôt gouvernemental et notre organisme homologue au Royaume-Uni a subventionné cette partie. Ainsi, aucuns fonds canadiens n'ont servi à payer le gouvernement.
    Je souhaite par cet exemple illustrer que des organismes comme Islamic Relief ont des politiques très robustes contre le détournement et la corruption. Ces politiques leur donnent aussi une marge de manœuvre pour prendre des décisions raisonnables et responsables quant aux activités sur le terrain.
    En premier lieu, je crois qu'il serait pénible de faire porter le fardeau administratif supplémentaire lié au régime d'autorisation aux organismes de bienfaisance. Ce devrait être au gouvernement de décider quelles organisations sont sur la liste. Ce travail ne doit pas revenir aux organismes de bienfaisance.
    Ensuite, j'aimerais aborder brièvement le processus du régime d'autorisation, particulièrement les risques de financement d'activités terroristes. En ce qui concerne les liens entre les questions de sécurité et l'aide humanitaire, le Canada a publié sa plus récente évaluation des risques inhérents au recyclage des produits de la criminalité et au financement des activités terroristes il y a quelques semaines. Elle indique que « le gouvernement doit être vigilant afin d'éviter que des préjugés systémiques et inconscients n'influencent la manière dont [cet outil] est appliqué. »
    On a entendu des commentaires au sujet de l'imprécision du mot « liens » dans le libellé du projet de loi. Ce mot pourrait, aujourd'hui ou dans l'avenir, servir d'outil politique et être utilisé pour dissuader le secteur humanitaire. À mon avis, il est important de se pencher sur les mesures de contrôle, de transparence et de reddition de comptes qui seraient en place dans le cadre du régime d'autorisation.

  (1735)  

    Pour conclure, je dirai que le projet de loi et la présente discussion représentent une étape importante, mais nous voulons nous assurer que les conséquences involontaires ne surpassent pas les effets positifs que nous tentons d'obtenir.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Khan.
    Nous passons à M. Fischer et à Mme Avis. Vous pouvez partager votre temps à votre guise.
    Honorables députés, merci de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui dans le cadre de vos délibérations sur le projet de loi C-41.
    Je m'appelle Martin Fischer. Je suis le responsable des politiques à Vision mondiale Canada. Je suis accompagné de ma collègue Amy Avis, qui est la directrice de la gestion des urgences à la Croix-Rouge canadienne et une avocate bien plus compétente que je ne pourrai jamais être.
    Nous comparaissons à Ottawa, qui se trouve sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.
    Nos organismes sont tous deux membres, comme l'a mentionné M. Khan, de la coalition #AidForAfghanistan, un groupe diversifié d'organismes canadiens d'aide humanitaire, de droits de la personne et de droits des femmes qui œuvrent en Afghanistan depuis des décennies. Nous parlerons aujourd'hui du mémoire préparé conjointement par huit organismes.
    Je veux souligner le fait que, au cours des derniers mois et même depuis plus d'un an, nous participons activement à des discussions avec des parlementaires de tous les partis — y compris plusieurs parmi vous —, des hauts fonctionnaires et du personnel de différents ministères. Ce dialogue s'est avéré extrêmement constructif pendant tout ce temps. Nous vous en remercions.
    Avant que Mme Avis présente certaines des considérations juridiques de notre mémoire, je veux souligner trois points relativement au projet de loi C-41.
    D'abord, à mesure que vous progresserez dans vos délibérations, vous entendrez — comme cela a déjà été le cas — un éventail de points de vue sur le projet de loi C-41. À notre avis, une fois le projet de loi peaufiné, il s'agira d'une étape essentielle dans un processus à plus long terme visant à s'assurer que les organismes humanitaires canadiens, ainsi que ceux fournissant d'autres services dans des contextes difficiles, puissent fonctionner de manière neutre, impartiale et indépendante dans les circonstances les plus difficiles et exceptionnelles.
    Ensuite, le projet de loi C-41 s'applique à un ensemble très restreint et exceptionnel de contextes, dans lesquels la communication avec un groupe terroriste exerçant une emprise sur le territoire est totalement inévitable.
    Troisièmement, bien que le projet de loi C-41 ne concerne pas uniquement l'Afghanistan, il peut nous permettre de reprendre le travail dans ce contexte particulièrement éprouvant, et ce, à très court terme, espérons‑le. Nous ne pouvons pas perdre de vue la gravité de la crise humanitaire qui y sévit, et les obligations du Canada et des Canadiens en matière d'aide.
    J'aimerais maintenant passer la parole à Mme Avis. Elle fera des observations du point de vue juridique et parlera des recommandations que contient le mémoire.
    Merci de me donner l'occasion d'échanger avec vous ce soir.
    La Croix-Rouge canadienne et ses partenaires du secteur ont la conviction profonde que personne ne devrait être privé d'aide humanitaire en raison de l'endroit où il se trouve. Nous croyons que le projet de loi C‑41 est une étape essentielle dans un processus à plus long terme pour protéger l'octroi d'aide humanitaire neutre et impartiale. S'il est mis en œuvre, le projet de loi permettra essentiellement aux organismes d'aide canadiens de reprendre leurs activités en Afghanistan et de fonctionner dans des contextes complexes partout dans le monde.
    Aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur quatre recommandations. La première est l'efficacité. La deuxième est l'harmonisation des amendements avec l'objectif du projet de loi. La troisième est de s'assurer que le régime d'autorisation est adapté aux besoins, et la quatrième concerne l'engagement envers le processus à plus long terme dont mon collègue a parlé.
    En ce qui concerne l'efficacité et la mise en œuvre, nous sommes tous conscients de l'ampleur ahurissante des besoins en matière d'aide humanitaire en Afghanistan. Personne ne souhaite voir passer un deuxième anniversaire alors que les organismes d'aide canadiens veulent désespérément déployer leurs ressources, leur expertise et leur soutien auprès de ceux qui en ont désespérément besoin. Ces programmes sont essentiels pour améliorer l'accès à des soins de santé et d'autres types d'aide nécessaire à la survie, en particulier pour les femmes et les filles.
    Ma deuxième observation concerne l'harmonisation des amendements au projet de loi. Nous avons entendu les recommandations faites plus tôt aujourd'hui, et nous sommes favorables à plusieurs de celles dont il a été question.
    Nous ajoutons que le projet de loi vise un ensemble de circonstances exceptionnelles et de contextes rares, dans lesquels la communication avec une entité terroriste est totalement inévitable. Il ne concerne pas uniquement le contexte afghan, il s'applique aussi aux circonstances rares et exceptionnelles à l'échelle mondiale. Afin que l'objectif du projet de loi soit mieux appuyé, l'une de nos recommandations les plus importantes est d'employer le mot, contrôle « considérable », plutôt que contrôle « suffisant ».
    Enfin, bien qu'il soit nécessaire de préciser davantage le libellé du projet de loi, toute révision doit nous préserver des conséquences inattendues de l'élargissement du champ d'application du régime d'autorisation.
    J'en arrive à ma troisième recommandation: il faut s'assurer que le régime d'autorisation est adapté aux besoins.
    La coalition a choisi de mettre l'accent sur la mise en œuvre du régime d'autorisation, parce que nous avons l'impression que ce sera là le véritable test. Au‑delà des amendements au projet de loi en soi, il ne faut pas perdre de vue le régime d'autorisation. Nous croyons qu'il doit être clair, juste, cohérent, pratique, efficace, raisonnable et pourvu de ressources adéquates. Il doit également suivre le rythme des réalités opérationnelles.
    La dernière recommandation est la plus importante et comme mon temps est écoulé, je serai brève. Elle concerne l'engagement envers le processus à plus long terme. Le projet de loi est une étape, un élément fondamental, mais ce n'est pas tout. Pourvu que nous restions engagés envers le processus à plus long terme qui doit être mené pour systématiser l'octroi d'aide humanitaire neutre et impartiale, nous soutenons fermement les recommandations de ce projet de loi.

  (1740)  

    Merci, madame Avis. Merci, monsieur Fischer.
    Chers collègues, les cloches viennent d'être déclenchées. Si j'ai votre consentement pour poursuivre jusqu'à 18 heures, vous disposerez d'environ 10 minutes si vous voulez y aller en personne. Certains membres veulent voter en personne. Nous reprendrons 10 minutes après l'annonce du résultat, si cela vous convient.
    Les membres du Comité sont-ils d'accord?
    Des députés: D'accord.
    Le président: La séance reprendra après le délai imparti — 10 minutes — et nous reprendrons immédiatement. Nous disposons de services jusqu'à 19 heures, pour votre gouverne.
    Nous passons à la première série de questions en commençant par M. Genuis, qui a cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Selon ce que nous avons entendu jusqu'à présent, le droit humanitaire international prévoirait déjà une exemption générale pour les activités politiquement neutres. M. Khan a parlé de voies de contournement impliquant des fonds provenant d'autres sources. Par contre, cette solution ne fonctionne peut-être pas pour tous les organismes.
    Ma question s'adresse aux représentants d'Islamic Relief et de Vision mondiale. Que pensez-vous de l'énoncé selon lequel vous pourriez déjà mener légalement vos activités en vertu du droit humanitaire international? Craignez-vous les maux de tête juridiques causés par les ambiguïtés concernant les risques de poursuite?
    Merci pour la question.
    De notre point de vue, il est important de comprendre que chaque organisme réalise ses propres analyses juridiques et ses propres évaluations des risques.
    Islamic Relief menait encore des opérations en Afghanistan. Bon nombre de nos collègues dans le secteur disposent de fonds pour l'Afghanistan, mais en raison des possibilités de poursuite et des évaluations des risques qu'ils ont effectuées, ils n'ont pas poursuivi leurs activités.
    D'accord. Si j'ai bien compris, même si la loi est en gros de votre côté, les risques de poursuite existent, et ces risques sont inacceptables pour... On peut comprendre que les personnes qui font du travail humanitaire ne veulent pas courir le risque d'être poursuivis.
    Je voudrais souligner deux choses.
    Premièrement, comme l'a dit M. Khan, les organismes ont chacun leur propre tolérance au risque. Les évaluations des risques n'arrivent pas toutes aux mêmes conclusions d'un organisme à l'autre. À Vision mondiale Canada, comme nous avons décidé de ne pas utiliser de voies de contournement, que ce soit par l'entremise de partenaires internationaux ou par d'autres moyens, nous avons mis fin à nos activités financées par des fonds privés et publics en Afghanistan. En revanche, le partenariat de Vision mondiale — financé par une sorte de mécanisme de mise en commun des fonds — a pu continuer son travail.
    Deuxièmement, il est vraiment important de distinguer, comme Médecins sans frontières et d'autres témoins l'ont souligné, les activités protégées par le droit humanitaire international.
    Les activités menées dans ces contextes ne constituent qu'une partie de toute la gamme des activités humanitaires. Le paragraphe 83.032(1) proposé énumère les activités visées dans le projet de loi. Cette disposition fournit probablement toute la gamme des activités qui pourraient être menées, et non pas seulement les activités qui correspondent à la définition d'activité humanitaire qui sauve des vies et qui est protégée par le droit humanitaire international.
    À Vision mondiale Canada, nous voulons poursuivre notre travail axé sur l'éducation des enfants et sur la défense des droits des enfants, qui n'est pas protégé par le droit humanitaire international. Sans le projet de loi, nous ne pourrions pas continuer à apporter cette aide.
    Évitons la logique binaire. Les propositions ne sont pas mutuellement exclusives. Elles peuvent toutes deux s'appliquer, d'où l'importance de tenir une conversation sur une exemption pour les activités purement humanitaires. Selon nous, la liste des activités est l'élément central. C'est un argument clé que nous avons utilisé auprès de toutes les personnes qui ont collaboré avec nous au cours de la dernière année.
     Nous ne pouvons pas nous concentrer uniquement sur... La liste des activités que nous pouvons mener doit être plus exhaustive.

  (1745)  

    Cette distinction est importante. Le droit humanitaire international offre peut-être une protection plus grande et plus claire aux groupes qui conduisent des activités d'aide humanitaire d'urgence. Ces groupes jugent probablement que les risques sont minimes, contrairement aux groupes qui sont impliqués dans des activités de développement à long terme...
    Madame Salehi, merci de votre témoignage. Je voudrais connaître votre point de vue.
     Certaines personnes craignent que la prestation d'aide humanitaire contribue à légitimer les talibans, dont les principales victimes sont les Afghans.
    Selon vous, que souhaite le peuple afghan? Comment atteindre cet équilibre entre la prestation d'aide humanitaire et le refus de légitimer les talibans, qui ne forment pas un gouvernement légitime et qui ne devraient pas détenir le pouvoir qu'ils se sont arrogé?
     Merci.
    Nous avons comme principe de base de préserver la neutralité et l'impartialité de l'aide humanitaire. Ce principe élimine la possibilité que nos activités servent à légitimer le régime. Il ne faut pas avoir une vision manichéenne, car le monde n'est pas tout noir ou tout blanc. Il est impossible de réduire le rôle du régime à néant.
     Même dans une situation idéale, le régime va tirer profit d'une partie de l'aide, peu importe le type de taxe. Les talibans ont différents outils à leur disposition.
     Dans cet exemple en particulier, je pense que d'autres mécanismes sont possibles. Par exemple, il y a le mécanisme onusien, qui est merveilleux, parce que l'ONU ne prélève pas de taxes. Divers autres moyens pourraient également limiter le rôle de ce régime, mais sans pour autant l'éliminer complètement.
    Merci.
    Nous passons à Mme Damoff pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de comparaître devant le Comité aujourd'hui, et merci du travail que vous faites. Je dois saluer particulièrement les réalisations d'Islamic Relief, dont le bureau principal est à Burlington, en Ontario.
    Avec le premier groupe de témoins, nous avons discuté abondamment — je pense que certains d'entre vous étaient là — de l'exemption générale pour l'aide humanitaire.
    Monsieur Fischer, je vous remercie d'avoir expliqué un peu la différence entre l'aide humanitaire qui sauve des vies et l'aide plus générale au développement.
     Selon vous, le projet de loi peut‑il, d'une part, prévoir une exemption pour l'aide humanitaire, et d'autre part, permettre à des groupes comme le vôtre — et comme Canadian Women for Women in Afghanistan, groupe qui fait de l'excellent travail en sol afghan depuis des décennies — de demander une autorisation pour faire le travail?
    Je vais laisser la question à Mme Avis.
    Cette précision est très importante. Il faut faire la distinction entre les activités protégées par le droit humanitaire international, l'aide humanitaire qui sauve des vies et les activités énumérées dans le projet de loi. La coalition tient compte du portrait d'ensemble.
    Nous voudrions également souligner que... Le secteur de l'aide humanitaire ne s'opposerait sûrement pas aux objectifs. Les désaccords concernent seulement le processus et l'échéancier. Nous voudrions que le libellé du projet de loi nous permette de reprendre nos activités qui sont cruciales et qui sauvent des vies. Nous souhaiterions voir également un engagement à long terme, qui transcenderait d'abord le droit humanitaire international, puis le développement, et finalement, le régime d'autorisation.

  (1750)  

    En fait, je renverrais en partie la balle au gouvernement, car au bout du compte... Nous étudions ce projet de loi pour les raisons énoncées lundi par le ministre Mendicino et par les fonctionnaires. S'il y a des moyens juridiques ou politiques d'inscrire l'exemption, utilisons-les. Je ne pense pas que quiconque autour de la table va s'y opposer.
    Nous disons par contre que ce ne devrait pas être l'épreuve décisive qui déterminerait... Une version bonifiée du projet de loi C‑41 devrait être présentée. Je répète que nous sommes d'avis que les deux propositions ne sont pas mutuellement exclusives. Elles peuvent s'appliquer successivement.
    Au fond, madame Damoff — nous nous connaissons bien tous les deux —, il faudrait savoir quelles sont les intentions du gouvernement. Nous appuyons sans réserve ce qu'ont dit Médecins sans frontières et les autres témoins pendant la première partie de la séance. Essentiellement, s'il y a des moyens de le faire en apportant des amendements qui respectent la portée du projet de loi, faisons‑le, mais nous demandons en revanche — je me tourne vers l'opposition — que ce ne soit pas l'épreuve décisive du projet de loi. D'autres améliorations pourraient être apportées qui permettraient au projet de loi de soutenir les opérations d'aide humanitaire.
     Comme l'a mentionné Mme Avis, si la proposition est adoptée, nous devrions poursuivre nos activités tout en demandant un engagement à long terme et en cherchant à mettre en place un meilleur cadre qui comprendrait une exemption. J'espère que mes explications sont claires.
    Vous avez été le premier à me faire part de cette idée après mon élection. Nous nous connaissons depuis plusieurs années.
    Avez-vous présenté au Comité toutes vos recommandations? Nous allons les examiner. Nous voulons procéder rondement pour que vous puissiez livrer de l'aide humanitaire au plus vite. Comme nous l'avons entendu plus tôt, Médecins sans frontières mène toujours des opérations, tout comme Islamic Relief, mais ce n'est pas le cas pour bon nombre d'organismes. De nombreuses personnes meurent parce que l'aide ne se rend pas jusqu'à elles.
    Il y a un facteur important à considérer. Ce n'est pas un projet de loi sur l'Afghanistan, mais à court terme, nous pouvons dire en fait que c'est le cas. Lors de votre étude, vous devriez tenir compte que, selon notre expérience, l'Afghanistan fait partie des rares dossiers qui mobilisent les Canadiens et qui bénéficient à ce point de leur soutien et de leur générosité.
    Il ne s'agit pas seulement de déterminer si notre organisme poursuit son travail ou non, mais aussi de voir si les Canadiens et le Canada respectent leurs engagements et leurs responsabilités envers l'Afghanistan. Ces deux aspects sont indissociables. Il est difficile de ne pas inscrire cette question dans le vaste contexte canadien tout en poursuivant les conversations plus abstraites sur le droit humanitaire international et la manière dont le Canada peut tendre de façon générale vers un régime plus exhaustif et robuste.
     D'accord. Je vais m'arrêter là, car je n'aurai pas le temps d'entendre d'autres réponses.
    Merci.
    Nous passons à M. Brunelle-Duceppe pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous et à toutes d'être parmi nous.
    Je pense que la Croix-Rouge canadienne a été consultée pour la rédaction de ce projet de loi. C'est ce que le ministre nous a dit.
    Est-ce que vous sentez que vous avez été assez écoutés pendant les consultations avec le ministre?

[Traduction]

    Nous avons l'impression d'avoir été entendus et d'avoir collaboré de façon continue depuis un an, notamment dans le cadre de la discussion générale sur les activités, qui correspondait en bonne partie aux recommandations formulées par le secteur et la coalition. Nous estimons que le dialogue sur le libellé du projet de loi a été très constructif.
    Je ne sais pas si mon collègue, M. Fisher, voulait ajouter quelque chose au nom de la coalition.
    J'ai la liste des réunions auxquelles a assisté Vision mondiale au cours des 18 derniers mois. Le nombre de rencontres dépasse tout ce que nous avons connu pour n'importe quel projet de loi, tous partis et tous ministères confondus.
    Évidemment, des limites sont établies une fois que les projets de loi sont déposés et que la rédaction est terminée. Aurions-nous aimé être invités aux réunions à un certain stade du processus législatif? Nous sommes au courant par contre des contraintes liées à la confidentialité du Cabinet, et dans le cas de ce projet de loi en particulier, des contraintes liées à la sécurité.
    À propos du point soulevé par Mme Avis, nous reconnaissons, dans le libellé du projet de loi, certains points contenus dans les mémoires que nous avons soumis au Comité. Nous avons donc l'impression d'avoir été entendus.

[Français]

    Est-ce que le ministre de la Sécurité publique ou son cabinet vous a contactés directement pour vous consulter sur le projet de loi C‑41?

  (1755)  

[Traduction]

    Oui. Son bureau a communiqué avec nous.

[Français]

    À quel moment vous a-t-il contactés? Êtes-vous en mesure de nous le dire?

[Traduction]

    Son bureau a communiqué avec nous tout au long du processus. Je pense que les détails...

[Français]

    Je parle de la première fois que vous avez été contactés par le cabinet du ministre pour consultation sur l'éventuel projet de loi. À quel moment était-ce?

[Traduction]

    C'était peut-être en février ou en mars 2022, à l'époque où le Comité spécial sur l'Afghanistan se penchait sur...

[Français]

    C'est ce que je voulais savoir. C'était juste une question rhétorique, parce qu'on en a beaucoup parlé avec le ministre.
    Selon ce que je comprends, votre objectif principal est que le projet de loi soit adopté le plus rapidement possible. Nous sommes d'accord là-dessus. C'est un peu ce que je disais en m'adressant au premier groupe de témoins; je pense que vous étiez là et que vous m'avez entendu.
    Selon vous, le projet de loi est-il acceptable comme il est présentement? Si les partis de l'opposition et le gouvernement ne s'entendaient pas, préféreriez-vous avoir le projet de loi tel qu'il est rédigé aujourd'hui, ou tenez-vous absolument à ce qu'il soit amendé avant que la Chambre puisse voter là-dessus?

[Traduction]

    Je pense que certains des amendements qui ont été abordés lors de la séance précédente et qui sont conformes au mémoire de la coalition renforceraient considérablement le projet de loi. Ces amendements concordent tous avec la portée et l'objet du projet de loi. Ils apporteraient des améliorations substantielles. Nous aurions ensuite à poursuivre la discussion dans le long terme.

[Français]

    Prenons une situation hypothétique, comme un gros tremblement de terre qui aurait lieu dans une région contrôlée par des entités terroristes. Selon vous, est-ce que le projet de loi, tel qu'il est rédigé présentement, ferait la job dans pareille situation?

[Traduction]

    Tout va dépendre de son application. Voilà pourquoi nos interventions ont surtout porté sur cet aspect. Si les ressources sont adéquates et que des mesures similaires à celles du régime de sanctions sont mises en place, nous pourrions alors reprendre notre prestation d'aide humanitaire qui sauve des vies dans ce contexte, ce qui serait impossible dans l'état actuel des choses.

[Français]

    Rapidement, je veux juste savoir ce qui est le plus important pour vous: est-ce d'amender le projet de loi ou de le faire adopter le plus rapidement possible? C'est vraiment ma question principale.

[Traduction]

    Les deux propositions ne s'excluent pas mutuellement. Certains amendements respectent la portée du projet de loi selon les conseillers juridiques, notamment les amendements proposés par notre organisme.
    Au moment de leur dépôt, les propositions législatives sont rarement parfaites. Je demanderais donc à toutes les personnes assises autour de la table d'examiner les amendements proposés par les organismes qui seront assujettis au projet de loi. Je les invite à les étudier de bonne foi et à tenir des conversations, avant lundi et le début de l'étude article par article, afin d'en arriver à une entente.
     Très bien. Merci, monsieur Brunelle-Duceppe.
    Nous allons suspendre la séance. Nous passerons à Mme McPherson lorsque nous reprendrons, 10 minutes après l'annonce du résultat du vote.
    Merci.

  (1755)  


  (1835)  

     Nous allons reprendre la séance.
    Comme nous avons les ressources de la Chambre seulement jusqu'à 19 heures, j'aimerais maximiser le temps que nous avons.
    Nous commençons avec la dernière personne de la première série de questions, Mme McPherson, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins pour leur présence aujourd'hui et pour le travail important qu'ils accomplissent. Merci pour ce que vous avez dit au sujet des femmes et des filles en Afghanistan. Je pense parler au nom de toutes les personnes présentes autour de cette table lorsque je dis que l'objectif ultime est qu'il y ait une aide. Cependant, il est important de reconnaître qu'il ne s'agit pas seulement de l'Afghanistan, et que les répercussions s'étaleront sur plusieurs décennies.
    J'aimerais également faire un commentaire, si vous le permettez, madame Avis, sur le fait que vous avez beaucoup parlé de l'engagement envers le processus, des prochaines étapes et autre.
    Malheureusement, en tant que parlementaires, nous ne votons pas sur les prochaines étapes. Nous ne votons pas sur le processus. Nous votons sur la législation qui nous est présentée, et cette législation contient beaucoup de « si », beaucoup de choses qui me font douter de sa pertinence.
    J'ai travaillé très longtemps dans ce secteur. Je sais combien de temps il faut pour qu'Affaires mondiales crée des politiques ou pour que les choses se fassent par l'entremise d'Affaires mondiales Canada. Je suis très inquiète quant à la capacité de ce ministère à prendre des décisions suffisamment rapidement dans le contexte humanitaire.
    Il y a quelques jours, nous avons entendu des témoins qui jugeaient que six mois, c'était long, mais ils n'ont pas écarté cette possibilité. Dans le contexte humanitaire, un délai de six mois rend l'action essentiellement inutile. Celle‑ci devient pratiquement inutile dans de nombreux contextes.
    Nous avons attendu 18 mois pour obtenir cette législation. Cela vous donne une idée du degré de compréhension de l'urgence. Ainsi, lorsque nous parlons d'un engagement par rapport au processus, lorsque nous nous demandons si ce gouvernement est apte à mettre en œuvre le projet de loi qu'il nous a présenté, je pense que le NPD a de très sérieuses inquiétudes.
    Je voudrais commencer par aborder quelques points. Le premier est que nous sommes préoccupés au sujet du calendrier. Nous nous inquiétons de la manière dont les choses seront mises en œuvre. Nous proposons quelques amendements. Nous proposons notamment une exclusion humanitaire qui exempterait du processus d'autorisation toute activité d'aide humanitaire menée sous les auspices d'organisations humanitaires impartiales, conformément au droit humanitaire international. Il est évident que cela ne couvrirait pas l'ensemble des activités des organisations représentées ici, et je pense qu'on nous a expliqué la différence entre les activités humanitaires et le développement. Cet amendement ne ferait qu'exclure ces activités.
    Je vais vous demander à tous les trois si vos organisations seraient favorables à ce type d'exemption.
    Oui, tout à fait.
    Oui. Comme nous l'avons dit dans notre témoignage, nous ne sommes pas opposés à ce type de dérogation et nous pensons que d'autres modifications renforceraient considérablement le projet de loi.
    Je pense que tant que nous nous engageons à faire les choses rapidement...
    Eh bien, « nous » ne pouvons pas le faire; c'est le rôle du gouvernement, donc nous pouvons nous engager autant que nous voulons, mais si la législation n'a pas explicitement... Cela me pose également problème.
    Désolée. Allez‑y, monsieur Fischer.
    Oui, je pense que vous pouvez faire les deux.
    D'accord. Merci.
    En ce qui concerne le travail que vos organisations réalisent sur le terrain, pouvez-vous nous dire très brièvement ce qu'il en serait? Je pense que nous nous sommes beaucoup concentrés sur l'Afghanistan parce que, bien sûr, c'est la raison d'être de ce projet de loi et que c'est ce que nous demandons depuis 18 mois. Cependant, nous savons tous que les organisations travaillent dans de multiples situations où l'aide humanitaire et le développement international sont nécessaires.
    Pouvez-vous nous parler des répercussions de ce projet de loi sur votre travail dans d'autres régions, par exemple à Gaza, au Nigeria, au Mali, en République centrafricaine et au Soudan?

  (1840)  

    Oui, je peux commencer.
    Je pense que si le projet de loi, sous sa forme actuelle, devenait une loi, nous effectuerions évidemment une analyse. Dans de nombreux contextes, l'approche prudente consisterait à suspendre les projets jusqu'à ce que nous obtenions une autorisation. Il pourrait notamment s'agir de projets mis en œuvre en Palestine, et peut-être au Yémen et en Syrie, et pour lesquels nous devrions effectuer cette analyse.
    Je pense qu'il faudrait immédiatement interrompre les activités et rassembler des renseignements pour présenter cette demande, et je pense donc qu'il y aurait un effet négatif.
    Avant de poser la question aux deux autres témoins, vous avez mentionné la Palestine et le Yémen.
    Actuellement, nous vendons des armes à d'autres parties dans ces deux conflits. Le risque de politisation n'est‑il donc pas très élevé?
    Oui, et je tiens à préciser que je pense que les noms qui viennent d'être cités... Il incombe actuellement aux organisations de déterminer si elles font partie de la liste et selon quelle définition. Je pense que c'est problématique, car cela ne vient pas du gouvernement. Je pense que l'on peut recommander des modifications.
    Dans l'état actuel des choses, chaque organisation devrait procéder à sa propre évaluation des risques d'une région géographique, afin de déterminer si une entité terroriste figurant sur la liste y exerce une influence ou un contrôle significatifs. En soi, cela pose problème.
    Après cela, je pense que le lancement du processus et les documents nécessaires pour commencer à négocier avec le gouvernement en vue de l'obtention de cette approbation augmenteraient nettement le fardeau bureaucratique, la paperasse et les démarches administratives. Cela viendrait s'ajouter à tous les autres règlements de l'ARC auxquels les organismes de bienfaisance doivent se conformer au Canada, un processus qui est plus lourd que chez nos autres partenaires de l'Union européenne ou aux États-Unis.
    Tout cela alors qu'une crise humanitaire met en péril la vie des gens.
    Il faudra que j'attende le prochain tour pour poser des questions aux autres témoins.
    Merci, madame McPherson.
    Nous passons maintenant à M. Brock pour quatre minutes.
    Je passe la parole à mon collègue, M. Genuis.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Khan, pour commencer, ai‑je bien compris? Avez-vous dit que si cette législation est adoptée, vous devrez interrompre les projets en cours afin d'obtenir l'autorisation?
    Oui. Si le projet de loi est adopté, du point de vue de l'analyse des risques, si nous estimons que des entités figurant dans la liste exercent une influence significative sur certains contextes, la prudence voudrait que nous interrompions le projet et que nous obtenions cette autorisation avant de...
    Et ce, même si, dans le cadre juridique actuel, vous pensez pouvoir mener à bien ces projets sur la base de votre analyse des risques.
    Oui.
    D'accord. C'est très important pour nous de le savoir, parce que cela contredit peut-être le message selon lequel nous devons nous dépêcher même si les choses ne sont pas parfaites. C'est un point auquel nous devons tous réfléchir.
    Des amendements ont été déposés pour limiter le champ d'application de ce projet de loi à certaines zones géographiques qui seraient établies par le gouvernement, ou pour le limiter à des entités terroristes plutôt qu'à des organisations terroristes en général. On offrirait ainsi plus de certitude au secteur. Toutefois, cela soulève un autre problème potentiel: si un territoire est contrôlé par une organisation terroriste — et non par une entité — ou si un territoire est contrôlé par une entité terroriste qui ne figure pas dans la liste établie dans le cadre du processus, alors — si je comprends bien la législation — vous ne pourrez pas demander de dérogation. Vous ne pourriez tout simplement pas y travailler. Cette liste pourrait restreindre les lieux pour lesquels vous pouvez demander une dérogation et donc vous empêcher de fournir toute forme d'aide ou de soutien dans d'autres régions.
    Voilà ce qui me préoccupe au sujet de ces amendements. Voulez-vous répondre à cette préoccupation?
    Allez‑y, madame Avis.
    Le régime actuel s'appliquerait de manière générale, de sorte que nous pourrions mener nos activités dans la plupart des contextes à l'échelle mondiale.
    Encore une fois, je tiens à souligner à nouveau que l'amendement qu'il est selon nous essentiel d'apporter est celui relatif au « contrôle considérable ». Nous n'aurions à présenter de demande et le régime d'autorisation ne s'appliquerait que dans les cas ou le contrôle est suffisant ou considérable. Nous n'aurions à le faire que dans les contextes où il y a un contrôle considérable. Nous n'aurions à présenter une demande qu'en cas de contrôle considérable.
    Il est vrai que nous cherchons à préciser davantage les choses en disant que le libellé « entités inscrites sur la liste » est plus clair que le terme « terroriste » en général, de sorte que certains des amendements de notre proposition visent à restreindre les circonstances limitées dont nous parlons réellement aujourd'hui.

  (1845)  

    Je n'ai peut-être pas bien compris. Je ne sais pas si cela répond vraiment...
    Je crains que si nous limitons cette législation aux seules entités figurant sur la liste et qu'un lieu est contrôlé par une organisation terroriste qui n'est pas une entité qui figure sur la liste, vous ne puissiez pas demander la dérogation parce que...
    Ce serait permis.
    Ce serait permis.
    Je pense qu'il devrait être clair que cela serait permis, parce qu'à l'heure actuelle, en vertu du Code criminel, cela ne serait pas permis.
    Ça le serait.
    En vertu du Code criminel actuel — et mon collègue souhaitera peut-être développer ce point —, la coalition estime que dans sa forme actuelle, le projet de loi lui permettra de mener ses activités dans la plupart des contextes.
    L'apport d'amendements visant à définir les entités qui figurent sur la liste nous permettrait de ne pas avoir à présenter de demande dans un plus grand nombre de circonstances. Nous n'aurions à le faire que dans la circonstance très limitée où il s'agirait, dans notre cas, d'un contrôle considérable exercé par des entités qui figurent sur la liste. L'autorisation s'appliquerait alors dans ces contextes.
    En supposant que ce soit permis dans les cas non couverts par le régime, quel est l'intérêt de créer le régime?
    Je pense que la législation visait à apporter une certaine clarté et une assurance dans des situations comme celle de l'Afghanistan, qui sont très extrêmes, et où il est impossible de ne pas interagir avec une entité terroriste qui figure sur la liste.
    Il pourrait y avoir des cas où cette même réalité existe, non pas à cause d'une entité terroriste, mais à cause d'une organisation terroriste qui n'est pas une entité. Vous supposeriez que cette activité est permise si cette zone n'est pas identifiée. Mais si vous supposez que l'activité est permise dans ce cas, pourquoi feriez-vous cette supposition si la loi ne l'indique pas de façon explicite?
    Le projet de loi, dans sa version actuelle, n'utilise pas les entités qui figurent dans la liste comme un concept établi. Il décrit une circonstance dans laquelle c'est complètement, entièrement et totalement inévitable. Dans la situation que vous décrivez, dans ce continuum, une multitude d'autres règlements et garanties nous permettent de travailler dans cette région conformément à nos engagements en matière d'aide humanitaire internationale. Ce projet de loi porte sur les circonstances très limitées qui sont actuellement interdites par le Code criminel, c'est‑à‑dire des contextes comme celui de l'Afghanistan, qui est très extrême. Tout le reste est permis.
    Merci.
    Merci, monsieur Genuis.
    À titre d'information, monsieur Genuis, je vous ai accordé plus de cinq minutes, et je vais donc accorder cinq minutes à la personne suivante.
    Monsieur Naqvi, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être venus aujourd'hui et d'avoir participé à cette conversation très intéressante.
    La dernière fois que j'ai parlé de cette question, c'est lorsque le ministre Mendicino a comparu devant le Comité. Je vais poser la même question que celle que je lui ai posée, car il y a un conflit dans mon esprit. Je commencerai par M. Khan, puis nous descendrons dans la liste.
    Comment peut‑on trouver un équilibre entre les préoccupations relatives à une entité ou à un régime comme celui des talibans, qui est extrêmement oppressif par nature...? Les choses qu'ils font et qu'ils ont faites, ainsi que leur vision des femmes, sont odieuses pour moi personnellement et, j'en suis sûr, pour les Canadiens. Sans parler de certaines des pratiques qu'ils déploient pour saper des décennies de travail accompli en Afghanistan pour donner plus de liberté aux femmes, garantir l'éducation et effectuer un important travail de développement, auquel vous avez tous participé. Juxtaposez cela à la crise humanitaire qui sévit en Afghanistan depuis l'arrivée au pouvoir des talibans et à la situation de la population dans ce pays.
    En tant que gouvernement, en tant que décideurs politiques, notre but est de nous assurer que les fonds n'atterrissent pas entre les mains des talibans, tout en essayant d'aider les gens. J'aimerais connaître votre avis sur la question: Quel est le meilleur moyen d'atteindre le juste équilibre que nous visons?
    Je vais commencer par M. Khan.

  (1850)  

    D'accord. Merci pour cette question.
    Je pense que les parties prenantes les plus importantes sont les femmes, les jeunes filles et les personnes qui sont en difficulté en Afghanistan et qui ont besoin d'aide. Il faut les placer au cœur de la discussion, trouver des façons dont nous, Canadiens, pouvons les atteindre, et nous assurer d'être ce pont digne de confiance pour les généreux donateurs canadiens.
    Je pense pouvoir parler au nom des 19 organisations représentées ici. Il s'agit d'opérations sophistiquées. Ce n'est pas le seul contexte dans lequel nous avons été confrontés à une situation de ce type. En ce qui concerne les politiques, les jugements et l'expertise qui ont été obtenus, je pense que la perception d'un détournement important de fonds au profit du gouvernement est parfois exagérée. Dans cet exemple, et j'ai fait cette vérification, seuls 3 % des fonds ont été versés au gouvernement sous forme d'impôts. Je pense que c'est raisonnable. Nous n'avons pas eu l'impression qu'il y ait une influence indue ou un détournement indu de fonds vers le gouvernement des talibans.
    S'il incombait aux organisations de prendre cette décision et que plus de 50 à 60 % des fonds allaient aux talibans, je pense qu'aucune des organisations ne chercherait à obtenir cet accès.
    Disposez-vous d'un mécanisme interne vous permettant de décider, par exemple, de ne plus mener d'activités dans une région particulière parce que vous n'êtes pas d'accord avec la façon dont les dons durement gagnés ou récoltés sont distribués?
    Pour ce qui est de l'argent que nous recevons des donateurs, nous prenons cette responsabilité très au sérieux. Si nous estimons que les fonds destinés aux femmes et aux jeunes filles, à la population, ne vont pas à leurs destinataires, nous nous retirons, nous cessons nos activités et nous trouvons une autre zone géographique dans le pays ou une autre région démographique.
    La Croix-Rouge peut-elle nous faire part de son point de vue sur l'équilibre que nous essayons d'atteindre grâce à cette législation?
    Je vais parler au nom de Vision mondiale.
    L'autre considération, c'est qu'au moins les trois organisations qui sont assises à la table, ainsi qu'un grand nombre d'autres organisations, exercent leurs activités au sein de grandes fédérations ou de partenariats internationaux dans lesquels il y a des lignes directrices très strictes relatives à la tolérance au risque et à ce dont parlait Usama. En fin de compte, oui, Vision mondiale Canada décide si le risque est acceptable pour nous, mais il y a aussi une composante internationale qui fournit des garanties supplémentaires, et notre partenariat fournit des conseils pour nous aider à déterminer si un environnement est trop délicat, trop risqué, pour que nous puissions y exercer nos activités.
    Là encore, les organisations arriveront à cette conclusion à des niveaux de tolérance du risque différents, et il n'y a pas de seuil idéal, que ce soit 3 %, 5 %, 7 % ou 14 %, à partir duquel on parvient à cette conclusion.
    J'ai deux observations à formuler en guise de conclusion. Premièrement, nous sommes guidés par l'impératif humanitaire, et l'impératif humanitaire nous oblige à prendre des risques afin de pouvoir fournir une aide humanitaire, mais lorsque nous avons l'impression que ces risques nuisent à notre capacité de fournir une aide, en raison des paramètres juridiques avec lesquels nous fonctionnons au Canada, nous prendrons alors ces risques en considération.
    Le deuxième aspect — et nous l'avons mentionné à divers stades —, c'est que ce n'est pas seulement le projet de loi C‑41 qui fournit le cadre réglementaire permettant aux organismes de bienfaisance et aux organisations humanitaires du Canada d'exercer leurs activités dans ce genre de contextes. Tout en haut de l'échelle, il y a la promesse des donateurs, comme l'a dit Usama. Nous devons donner aux Canadiens la certitude que les fonds qu'ils nous donnent sont effectivement utilisés aux fins annoncées, puis nous devons l'indiquer très clairement jusque dans les déclarations que nous produisons pour l'ARC et ailleurs. Notre seule préoccupation n'est donc pas le projet de loi C‑41. Il faut placer cette mesure législative dans un contexte plus large.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Naqvi.
    Pour nos dernières interventions, qui dureront deux minutes et demie chacune, nous donnerons la parole à M. Brunelle-Duceppe, puis à Mme McPherson.
    Veuillez prendre la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Nous nous entendons sur une chose: comme ma collègue l'a dit si bien et comme on l'a entendu aussi dans l'ensemble des allocutions et des questions, tout le monde ici veut que les ONG canadiennes puissent travailler sur le terrain en Afghanistan pour aider les gens, mais pas seulement en Afghanistan. Si d'autres crises surviennent dans des territoires contrôlés par des entités terroristes, nous voulons être capables de fournir de l'aide.
    Le Canada a quand même été un leader en matière d'aide humanitaire à travers les âges, et c'est un souverainiste québécois qui vous le dit. Présentement, nous nous retrouvons devant un projet de loi qui ne fait pas l'unanimité parmi les ONG, certains ministères, les partis de l'opposition et le gouvernement. Pourtant, nous avons un objectif qui, lui, fait l'unanimité.
    Comment pouvons-nous trouver cette unanimité? C'est ce que je veux savoir. Je veux que vous m'aidiez, dans mon rôle de parlementaire, à trouver cette unanimité pour que nous aidions les gens sur le terrain. J'ai besoin de votre aide, parce que c'est vous qui êtes les experts.

  (1855)  

[Traduction]

    Nous le faisons en trouvant un consensus là où il peut y en avoir un. Pour revenir encore une fois à l'Afghanistan, nous le faisons en reconnaissant que l'urgence en Afghanistan impose peut-être à chaque organisation la nécessité de faire plus de compromis qu'elle n'en ferait dans un contexte différent, et nous le faisons en écoutant les experts. Vous avez entendu les témoignages des représentants de diverses organisations, mais je pense qu'il y a en fait une entente à cet égard.
    Je pense que les intervenants, du moins les experts, s'accordent à dire qu'il est possible de faire les deux lorsqu'il est question de l'exemption générale qui est proposée pendant que le projet de loi C‑41 est peaufiné. C'est le scénario idéal qui se dessine aujourd'hui. Nous pouvons donc faire de notre mieux et c'est ce que nous ferons. Nous pensons que tout le monde, y compris MSF et d'autres organisations, continuera de dialoguer avec vous dans les jours à venir, et si nous pouvons vous être utiles au cours de ces délibérations, nous continuerons évidemment à le faire.

[Français]

    Ce que vous décrivez, c'est le meilleur scénario. Le pire scénario, ce serait que nous ne nous entendions pas et que nous perdions du temps. Sommes-nous d'accord là-dessus?

[Traduction]

    Nous sommes tout à fait d'accord. Ce n'est pas le moment de faire de l'obstruction.
    Je vous remercie.
    Enfin, nous allons céder la parole à Mme McPherson pendant deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Les représentants ici présents travaillent pour de grandes organisations qui œuvrent dans ce secteur. En fait, toutes celles qui ont participé à la rédaction de la note d'information sont des organisations relativement importantes.
    Vous inquiétez-vous des conséquences que le projet de loi pourrait avoir pour les petites organisations qui travaillent sur le terrain? L'organisation Canadian Women for Women in Afghanistan est l'exemple parfait d'une petite organisation. Ce processus est très lourd pour les petites organisations.
    Quelqu'un aimerait‑il formuler des observations à ce sujet?
    Nous en convenons, et c'est une chose qui nous préoccupe. Toutefois, dans notre secteur, cela cadre avec d'autres types de régimes fondés sur des demandes auxquels les organisations doivent faire face. Ces exigences ne sont pas uniques en leur genre; c'est quelque chose que nous connaissons bien, et nous estimons que nous nous soutiendrons les uns les autres au cours du processus.
    Pour répondre au commentaire qui a été fait tout à l'heure, je dirai que l'exception humanitaire explicite ne résoudra pas ce problème, parce que ces organisations ne sont pas petites. Ce dont nous parlons ne va pas résoudre le problème qu'elles rencontrent. Ce ne sera pas le cas.
    Je le sais. Cette mesure législative constituera en soi un obstacle pour ces organisations, dans la mesure où nous leur demandons de suivre des processus bureaucratiques supplémentaires pour pouvoir travailler dans certaines de ces régions.
    Madame Avis, j'ai une autre question à vous poser. Nous avons entendu le témoignage de la Croix-Rouge canadienne. Le Comité international de la Croix-Rouge ne soutient pas la mesure législative et affirme même qu'elle ne respecte pas le droit humanitaire international.
    Pourquoi y a-t-il une divergence d'opinions entre vous?
    Je crois que nous sommes en fait sur la même longueur d'onde. Je pense que nous sommes tous deux d'avis qu'une exception humanitaire explicite est une disposition que nous désirons tous. Je pense que nous nous entendons pour dire que nous devons systématiser une aide humanitaire neutre et impartiale.
    Je pense qu'étant donné que la Croix-Rouge canadienne est assujettie aux lois nationales canadiennes, elle ne peut pas exercer ses activités en Afghanistan. Ce projet de loi est donc un pas en avant raisonnable.
    Ce que j'en retiens, c'est que, comme le Comité international de la Croix-Rouge n'est pas soumis au cadre législatif canadien, il examine cette mesure législative et soutient qu'elle est problématique, mais parce que vous devez travailler dans le cadre des lois canadiennes, vous êtes prêts à l'accepter.
    Non. Comme je l'ai indiqué, nous croyons tous en une exception générale liée au droit humanitaire international. C'est ce qu'ils disent. Si cette exception était prise en considération ou mise de l'avant, ce que nous avons également fait valoir dans notre témoignage d'aujourd'hui et dans notre mémoire, nous serions complètement d'accord à cet égard. Cela résoudrait essentiellement leur problème.
    Si je peux me contenter de... Je ne parle évidemment pas au nom de la Croix-Rouge canadienne, mais je pense que la conversation a évolué ces derniers jours pour dire que le projet de loi C-41 est insuffisant. Selon mon interprétation de la position du CICR, si une exception humanitaire supplémentaire est hors de question et si le projet de loi C-41 est adopté sans amendement, le résultat ne sera pas l'idéal. Je crois que c'est là le consensus qui s'est dégagé de tous les témoins. Je crois qu'il est juste de le dire.

  (1900)  

    Je vous remercie. Merci, madame McPherson.
    Je tiens à vous remercier, chers témoins, de vos excellents témoignages et des services remarquables que vous et toutes vos organisations rendez aux efforts humanitaires déployés dans le monde entier. Votre travail est tout à fait louable.
    Je tiens à remercier tous mes collègues présents dans la salle et, en particulier, ceux qui nous visitent d'avoir été très ponctuels et d'avoir été capables de s'adapter à nos délibérations, même si elles ont été entrecoupées par des votes. Nous avons été en mesure d'avoir une bonne série de questions. Je vous remercie de votre attention.
    La séance est levée.
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