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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 007 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 4 avril 2022

[Enregistrement électronique]

  (1835)  

[Traduction]

    Bonsoir à tous. Bienvenue à la septième séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne.
     Le Sous-comité entreprend aujourd'hui son étude de la situation actuelle des droits de la personne en Ukraine et en Russie. Nous tiendrons également une séance d'information avec le Programme Alimentaire Mondial.
    Je rappelle rapidement à toutes les personnes présentes de suivre les recommandations des autorités de la santé publique ainsi que les directives du Bureau de régie interne, pour demeurer en santé et en sécurité.
    Quant à ceux qui se joignent à nous virtuellement, sachez que la fonction d'interprétation se trouve au bas de votre écran, il suffit de cliquer sur l'icône du globe. Je vous précise aussi qu'environ 30 secondes avant la fin de votre temps de parole, je vous ferai signe pour que vous sachiez qu'il vous reste 30 secondes.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre premier témoin, qui se joint à nous de Washington D.C. et qui a gentiment accepté de nous octroyer un peu de temps dans son horaire chargé. Accueillons M. David Beasley, directeur exécutif du Programme alimentaire mondial.
     Monsieur Beasley, merci encore de prendre le temps de vous joindre à nous aujourd'hui pour cette étude du Comité. Je vous cède la parole, monsieur. Vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Ensuite, les députés vous poseront leurs questions.
    La parole est à vous, monsieur Beasley.
    Merci. Je suis ravi d'être à nouveau parmi vous. Je préférerais toujours être présent en personne, bien sûr, mais avec le monde virtuel, compte tenu du nombre de crises en cours, je pense que nous sommes partout, éparpillés, bien honnêtement. Permettez-moi d'en venir au fait.
    Avant que l'Ukraine ne soit attaquée, nous étions déjà confrontés à un mélange explosif de conflits, aux changements climatiques et aux répercussions économiques de la COVID. Nous avons vu le nombre de personnes à risque de famine passer de 80 millions à 135 millions juste avant la COVID, puis il est passé de 135 millions à 276 millions de personnes en raison de toutes les répercussions économiques découlant de la COVID. Dans ce contexte, il y a maintenant littéralement 45 millions de personnes dans 38 pays qui sont aux portes de la famine au moment même où nous nous parlons.
    C'était avant l'Ukraine, et nous pensons que la situation était déjà assez grave. Nous étions déjà confrontés à des flambées des prix du carburant et des denrées alimentaires. Comme vous pouvez l'imaginer, les frais d'expédition ont également grimpé en flèche. En plus de tout cela, juste comme nous commencions à réduire les rations données aux gens dans le monde entier en raison du manque de fonds attribuable à ces hausses des prix, la situation en Ukraine est venue assombrir davantage le portrait.
    Le problème de l'Ukraine ne se limite pas aux conséquences du conflit dans le pays. La situation a un impact mondial, dont je vais vous parler à l'instant. En fait, nous verrons ce nombre de 276 millions de personnes passer à plus de 300 millions dans les deux prochains mois si ce conflit, cette guerre, ne prend pas fin, et il y en aura 50 millions de plus s'il ne prend pas fin dans les prochains mois. Ce sera une catastrophe par-dessus une catastrophe.
    Si vous regardez les informations, comme tout le monde, vous savez que quatre ou cinq millions de personnes ont déjà quitté l'Ukraine. On pourrait dire que ce sont les plus chanceux. Ils sont à l'abri du danger. Ils sont accueillis aux frontières par les bras aimants d'étrangers. Des gens les accueillent, leur donnent de la nourriture et un abri. Cependant, il y a 40 millions de personnes à l'intérieur de l'Ukraine qui sont littéralement en danger de multiples façons, et pas seulement à cause du conflit lui-même, mais aussi en raison de l'insécurité alimentaire.
    Nous sommes face à une crise européenne sans précédent, surtout depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous aidons environ un million d'Ukrainiens en Ukraine. Nous prévoyons que leur nombre passe ce mois‑ci à environ 2,3 à 2,5 millions de personnes, et le mois prochain, à environ quatre millions de personnes. Notre intervention devrait coûter environ 600 millions de dollars pour les premiers mois. Nous avons environ 160 millions de dollars en main, et nous sommes assez confiants de réussir à amasser les quelques centaines de millions qui manquent. Cependant, si le nombre de personnes touchées atteint les six millions d'ici le mois de juin, nous serons complètement à court d'argent d'ici la fin juin.
    Chaque personne en danger et en fuite que nous n'arrivons pas à aider à l'intérieur d'un pays en viendra à sortir du pays, et nous savons ce qui se passe lorsque nous ne pouvons pas aider les gens à l'intérieur d'un pays. Le prix de l'aide humanitaire est plusieurs fois plus élevé à l'extérieur.
    Maintenant, sans vouloir trop m'étendre sur les céréales produites par l'Ukraine, comprenez-moi bien — et je pense que le monde commence à capter le message —, 30 % de toutes les céréales, dont le blé, sont cultivées en Russie et en Ukraine; 20 % de tout le maïs est cultivé en Russie et en Ukraine; 40 % de tous les produits de base nécessaires pour fabriquer des engrais proviennent du Bélarus et de la Russie; et 30 millions de tonnes métriques de produits sont maintenant bloqués dans la mer Noire à cause du conflit, à cause de la guerre.
    L'Ukraine cultive suffisamment d'aliments pour nourrir 400 millions de personnes. Dans 50 % de nos opérations, nous achetons du blé à l'Ukraine. L'Égypte achète 85 % de ses produits à l'Ukraine. Le Liban, il y a seulement deux ans, achetait 80 % de ses produits à l'Ukraine. Nous constatons déjà un effet d'entraînement économique. Au début, nous pensions que ce serait principalement un problème de prix, mais maintenant, comme les agriculteurs sont au front pour se battre, ils ne sont pas en train d'ensemencer les champs. Ils devraient semer le maïs en ce moment même. Ils devraient récolter le blé en juillet et en août. S'ils sont sur les lignes de front, évidemment, ils ne récolteront rien. Ils ne planteront rien, et nous n'avons personne dans les champs pour épandre les engrais et s'en occuper.
    Nous pourrions avoir un problème d'approvisionnement, un problème d'accès, plus tard cette année. C'est pourquoi j'ai rencontré les dirigeants agricoles du G7 pour discuter de ce que nous pouvons faire pour compenser le déclin potentiel des récoltes dans le monde.

  (1840)  

    Ajoutons à cela les sécheresses qu'on observe dans différentes régions du monde, en particulier en Chine, un pays qui connaît des sécheresses et toutes sortes d'autres problèmes. Les agriculteurs achètent autant de céréales que possible. Nous sommes confrontés à une catastrophe après l'autre, à un cocktail explosif après l'autre.
    Nous réduisons déjà les rations dans tous les pays du monde. Par exemple, au Yémen, où nous nourrissons environ 13 millions de personnes, nous avons réduit les rations de 8 millions d'entre elles de 50 %, et il est fort possible que nous devions les réduire encore dans les deux prochaines semaines. Ce n'est qu'un exemple des nombreux pays où nous réduisons notre aide.
    Comme je l'ai dit aux dirigeants européens, vous devez faire preuve de prudence. Pendant que vous vous concentrez sur ce qui arrive de l'est, vous ne pouvez pas négliger complètement ce qui pourrait venir du sud, car le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord sont très fragiles en ce moment. Si nous négligeons ces deux régions, il pourrait vraiment y avoir une catastrophe après l'autre dans les mois à venir.
    Je pourrais parler de bien d'autres choses encore, disons, mais permettez-moi de m'arrêter là et de remercier le Canada. Vous êtes un partenaire extraordinaire. De nombreux pays se mobilisent en ce moment, et le Canada est vraiment un formidable modèle à suivre pour le reste du monde, alors merci beaucoup.
    Je vais passer aux questions.
    Merci beaucoup de votre déclaration préliminaire, monsieur Beasley.
    Nous passerons maintenant aux questions des députés. Pour le premier tour, chaque député disposera de sept minutes.
    Le premier intervenant sera M. Zuberi.
    Merci d'être ici, monsieur Beasley. Je me souviens de la dernière fois où vous avez comparu devant notre comité, il y a environ deux ans, comme Mme McPherson s'en souvient probablement aussi. C'était une réunion très mouvementée, et vous nous avez laissé de bons souvenirs.
    Cela dit, vous avez parlé un peu du Yémen. J'ai fait quelques recherches à ce propos. Pouvez-vous nous décrire la situation actuelle au Yémen, en ce qui concerne la famine, l'alimentation et ce que le Programme alimentaire mondial fait pour atténuer la situation?
    Je suis content que vous mentionniez Mme McPherson. Je ne voulais pas trop la mettre sur la sellette, mais elle est une porte-voix extraordinaire pour les affamés du monde entier.
    La situation au Yémen est très difficile. Nous venons tout juste de réaliser une nouvelle enquête sur le terrain pour évaluer le nombre de personnes en détresse là‑bas. L'insécurité alimentaire, dont souffraient de 15 à 16 millions de personnes, en touchera environ 19 millions d'ici juin, sur une population d'environ 30 millions de personnes au total, ce qui signifie que les deux tiers de la population du pays, littéralement, sont en situation d'insécurité alimentaire et luttent pour obtenir un repas chaque jour.
    Il faut savoir que le Yémen est un pays dont au moins 85 % de la nourriture provient de l'extérieur. C'est terrible. Il y a de 4,5 à 5 millions de personnes qui, selon nous, se trouvent au niveau 4 du Cadre intégré de classification de la phase humanitaire et de la sécurité alimentaire — IPC —, c'est‑à‑dire qu'elles sont au bord de la famine.
    En raison d'un manque de financement, nous laissons de côté presque tout le monde qui se situe au niveau 3 de l'IPC et essayons d'atteindre le plus grand nombre de personnes possible de niveau 4, ce qui signifie que toutes les personnes au niveau 3 de l'IPC se dirigent vers le niveau 4.
    C'est vraiment déplorable et, très franchement, les États du Golfe doivent s'investir davantage, car nous n'avons pas assez d'argent pour tout faire. C'est notre problème numéro un. C'est toujours une question d'argent, et les États du Golfe ne font pas ce qu'ils devraient faire pour soulager les donateurs occidentaux en particulier. En raison de la crise à laquelle nous sommes confrontés dans de nombreux endroits du monde en ce moment, si nous pouvions simplement obtenir des États du Golfe, surtout compte tenu des prix du pétrole si élevés, qu'ils contribuent de manière substantielle à faire face à la crise humanitaire dans la région du Golfe, cela réduirait considérablement la pression pour que nous puissions combler les lacunes en Éthiopie, au Soudan, au Sud-Soudan, au Niger, au Mali, au Burkina Faso, et ainsi de suite: au Liban, en Jordanie, en Syrie...

  (1845)  

    Merci. C'était très instructif. J'ai appris des choses, aussi.
    Depuis la dernière fois où je vous ai entendu à ce comité, il y a deux ans, beaucoup de choses se sont passées, et la COVID nous a frappés. Pouvez-vous nous parler un peu de l'impact de la COVID sur le travail que vous faites?
    La COVID a saboté notre travail partout dans le monde.
    Permettez-moi de vous expliquer très clairement pourquoi. Avant la COVID, il y avait 135 millions de personnes aux niveaux 3, 4 et 5 de l'IPC. En termes simples, il ne s'agit pas de faim chronique. C'est une tout autre chose. La faim chronique ne frappe plus 650 millions de personnes, mais 810 millions de personnes. La faim aiguë — autrement dit la phase avant la famine — ne touche plus 135 mais 276 millions de personnes.
    Voici la très mauvaise nouvelle. Les gouvernements — les principaux donateurs comme le Canada, les États-Unis, l'Allemagne, l'Union européenne et d'autres — se sont mobilisés et ont réagi de manière inédite. Nous avons évité la famine massive en 2020 et 2021. Nous avons évité les migrations massives et la déstabilisation de divers pays grâce à cette mobilisation de votre part. Nous pensions que les effets économiques attribuables à la COVID seraient derrière nous en 2022, que les économies commenceraient à se redresser et que les pays les plus pauvres commenceraient également à se rétablir. Malheureusement, la COVID n'a cessé de se recycler, perpétuant la détérioration économique et la dévastation de nombreux pays du monde.
     Ajoutons à cela les crises en Éthiopie, en Afghanistan et maintenant en Ukraine, et l'on constate que les conditions sont pires aujourd'hui qu'elles ne l'étaient juste avant le printemps arabe en 2008 et 2011‑2012. Les conditions sont bien pires.
    On peut distinguer les pays dont on craint le plus la déstabilisation. Ce sont les points chauds sur lesquels il faut vraiment garder un œil. Si nous n'y prêtons pas attention, les conséquences pourraient être graves. Sans entrer dans les détails...
    En outre, peu de gens le savent, mais vous le savez probablement, que nous sommes le bras logistique des Nations unies et des principales ONG. Nous ne distribuons pas que de la nourriture. Nous distribuons des médicaments. Pour l'UNICEF, l'OMS et le HCR, nous sommes la chaîne d'approvisionnement des navires, des camions et des avions. Lorsque la COVID a frappé et que l'industrie aérienne s'est arrêtée, nous avons pris les choses en main et avons commencé à distribuer les fournitures nécessaires pour lutter contre la COVID, des systèmes de ventilation, de l'EPI, du matériel de dépistage et toutes sortes de choses, en plus d'offrir des services aux passagers pour les ambassadeurs, les premiers intervenants, les travailleurs humanitaires...
    Dans les 30 secondes qui restent, j'espère que vous pourrez parler un peu du changement climatique et de son impact sur la famine et l'alimentation. Vous pourrez peut-être nous en parler davantage dans d'autres interventions.
    Oui, ce serait bien.
    Permettez-moi d'aborder brièvement ce sujet. Rien que l'année dernière, le changement climatique a provoqué le déplacement de plus de personnes que tout autre facteur. C'était la première fois dans l'histoire. L'année dernière seulement, 30 millions de personnes de plus ont été déplacées à cause du changement climatique.
    Nous assistons à plus de sécheresses, plus d'inondations soudaines et plus de chocs que jamais auparavant.
    Je pourrai peut-être vous en dire plus tout à l'heure.

  (1850)  

    Est‑ce qu'il nous reste du temps?
    Il vous reste environ 30 secondes.
    Si vous voulez nous en parler davantage pendant ces 30 secondes, nous avons une petite extension.
    Une chose que nous croyons essentielle, en particulier dans les régions très touchées par le changement climatique comme le Sahel, où le Sahara recule d'environ un kilomètre par an compte tenu de toutes les sécheresses et du manque de pluie qui s'observent, c'est de réhabiliter les sols quand les donateurs nous en donnent les moyens — au lieu de simplement distribuer de la nourriture, en travaillant de façon tangible avec les bénéficiaires. Je le dis parce que les bénéficiaires ne veulent pas seulement recevoir de la nourriture. Ils veulent en fait réhabiliter les sols et renforcer leurs communautés.
    Lorsque nous pouvons nous déployer sur place pour réhabiliter les sols, installer des systèmes d'eau et conjuguer le tout à des repas scolaires produits sur place, des merveilles se produisent. La migration ralentit de façon spectaculaire. Les grossesses et les mariages diminuent chez les adolescentes, chez les filles de 12 ou 13 ans. Le recrutement parmi les rangs de Daech, d'Al‑Qaïda, de Boko Haram et d'Al Shabaab est en chute libre. C'est absolument remarquable.
    Allez sur ma page Twitter à @WPFChief, et vous pourrez voir des vidéos fantastiques sur les femmes. Les femmes sont formidables. Elles ont tellement l'esprit d'entreprise. Je pourrais vous montrer une étude de cas et une autre. Lorsque nous leur donnons accès à des systèmes d'eau et qu'elles récoltent ce dont elles ont besoin grâce à l'eau, elles finissent par ne plus avoir besoin de notre aide après quelques années.
    Il y a cette femme qui montre ce qu'elle vend sur le marché. Elle a pu acheter des vêtements et des médicaments pour ses enfants et payer le mariage de son fils. J'étais assis là et je me disais: « Wow! C'est exactement ce que nous voulons. » C'est au Tchad. Il y a beaucoup d'exemples comme celui‑là.
    Je pourrais vous en parler longuement. Par exemple, nous avons réhabilité plus de 3,5 millions d'acres de terres. Quand je dis « nous », je parle des bénéficiaires. Ces terres n'étaient pas cultivables, mais grâce à la réhabilitation des sols et à la collaboration avec nos donateurs et nos bénéficiaires, elles sont désormais utilisables. Les gens peuvent survivre, sans être vulnérables à tous les facteurs de choc.
    Merci, monsieur Zuberi.
    Nous passerons maintenant à M. Cooper pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être ici, monsieur Beasley.
     J'aimerais me concentrer sur l'Ukraine et plus particulièrement sur les efforts du Programme alimentaire mondial dans ce pays. Je vois que le Programme alimentaire mondial a récemment indiqué que 45 % des Ukrainiens, soit près de la moitié de la population, craignent de ne pas avoir assez à manger. Quelques semaines seulement se sont écoulées depuis le début de l'invasion brutale de l'Ukraine par Poutine. Pouvez-vous nous parler de la situation et nous brosser un portrait plus clair?
    Ensuite, pouvez-vous nous parler de ce que fait le Programme alimentaire mondial? Vous avez souligné qu'il était venu en aide à environ un million de personnes, un nombre qui augmentera considérablement au cours des prochains mois. Je crois savoir qu'il a pu fournir une assistance dans des endroits comme Kharkiv et Lviv et que des denrées alimentaires ont également été distribuées en zones de conflit.
    Je vous laisserai un peu de temps pour nous parler de ces mesures.
    Merci beaucoup.
     Je me suis déjà rendu là‑bas à trois reprises, et j'y retourne la semaine prochaine. Comme je l'indiquais précédemment, les Ukrainiens qui sont parvenus jusqu'à la frontière doivent s'estimer, aussi triste que leur situation puisse être, très chanceux à bien des égards. En observant les files d'attente, j'ai pu constater que l'on y voit principalement des femmes avec leurs jeunes enfants. Ce sont surtout les hommes qui sont au combat, bien que certaines femmes se battent à leurs côtés sur la ligne de front. Dans un froid glacial, ces femmes doivent attendre de longues heures debout avec leurs enfants, le jour comme la nuit, dans des files qui peuvent atteindre un mille de long. Reste quand même qu'elles sont ainsi à l'abri, loin des zones de combat.
    Pour ce qui est des moyens à prendre pour apporter notre aide, il faut dire que l'armée russe, comme vous pouvez vous l'imaginer, n'est pas ce qu'on pourrait appeler une petite armée. Elle déploie de très importants moyens pour mener cette campagne militaire. Ses mouvements sont planifiés au quotidien, et même à l'heure près. Nous essayons d'acheminer les fournitures nécessaires à l'endroit voulu, en choisissant le bon moment et la façon de nous y prendre, mais le transport ferroviaire ne fonctionne pas normalement. La situation n'est pas meilleure pour le camionnage. Devinez où sont tous les chauffeurs de camion? Ils sont bien sûrs sur la ligne de front.
    Nous devons donc surmonter toutes sortes de difficultés. Nous sommes venus en aide jusqu'à maintenant à un million de personnes. Nous voulons, je le répète, porter ce nombre à 2,5 millions, puis à 4 millions et, enfin, à 6 millions. Pour chaque million de personnes de plus, il faut injecter chaque mois de 50 millions de dollars à 60 millions de dollars. Il suffit de faire le calcul. Si nous avons assez d'argent pour nous rendre jusqu'au mois de mai, mais rien pour la suite, nous devrons renoncer à aider six millions de personnes par mois pour revenir à seulement deux millions. Qu'adviendra‑t‑il des quatre millions d'Ukrainiens qui seront ainsi laissés à eux-mêmes en pleine crise alimentaire?
    C'est un équilibre très difficile à maintenir. Nous essayons d'évaluer l'ampleur des ressources financières que nous pouvons mettre à contribution là‑bas. Pour toutes sortes de raisons, il est bien certain que l'on ne veut pas voir 40 millions de personnes quitter le pays. Nous essayons de travailler en partenariat avec le gouvernement et d'autres intervenants à l'intérieur du pays pour déterminer qui peut faire quoi et à quel endroit afin de déployer notre approvisionnement en conséquence.
    Je peux vous donner un aperçu de certains enjeux qui échappent à la plupart des gens. Vous savez que les ports sont complètement fermés. Le camionnage ne permet pas de transporter suffisamment de céréales à l'extérieur de l'Ukraine pour que le jeu en vaille la chandelle. Comme toutes les infrastructures sont portuaires, nous devons nous adapter. Le problème vient du fait que tous les grands silos alimentant la chaîne d'approvisionnement sont pleins à craquer. Si les récoltes arrivent en juillet et en août et que nous n'avons pas encore réussi à transporter à l'extérieur du pays ces millions de tonnes métriques de céréales, c'est toute la planète qui va se retrouver à l'automne avec un immense problème touchant la chaîne d'approvisionnement mondiale à moins que d'importantes mesures compensatoires ne soient prises par ailleurs.
    C'est le genre de problèmes avec lesquels nous devrons composer au cours des prochains mois, en plus de tous ceux associés à l'ensemencement, à la gestion des cultures et aux récoltes. Le blé a pu être ensemencé juste avant le début de la guerre. C'est une bonne chose de faite, mais encore faut‑il pouvoir s'occuper de ces cultures en réglant tous les problèmes qui se présentent dans le contexte actuel, y compris la question des engrais. Nous achetons tout ce que nous pouvons à l'intérieur même de l'Ukraine pour nous assurer que cela sert aux gens de ce pays. Il faut également souligner que le gouvernement accomplit un travail remarquable pour venir en aide à ses citoyens. Il y a certains endroits où nous ne pouvons pas nous rendre parce que le conflit y fait rage. Nous demandons à toutes les parties, surtout dans les secteurs où l'armée russe livre bataille, de cesser les hostilités pour que nous puissions acheminer des vivres…

  (1855)  

    Monsieur Beasley, je suis désolé de devoir vous interrompre, mais il ne me reste que deux minutes. Je veux que vous continuiez à nous fournir ces précieuses informations, mais j'aurais une précision à vous demander. Vous avez parlé des silos à grain et des entrepôts alimentaires. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères a déclaré que les Russes ciblent les installations du genre. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est?
    Par ailleurs, pourriez-vous nous indiquer si les Russes entravent les efforts déployés par le Programme alimentaire mondial pour offrir son assistance dans les zones de conflit? Avez-vous des détails à ce sujet?
    Je ne peux pas vous donner le nombre exact de silos et d'autres entrepôts alimentaires qui ont été détruits. Nous essayons d'obtenir et d'évaluer ces données en ce moment même, car elles sont extrêmement importantes, mais de tels incidents ont bel et bien eu lieu. C'est le premier point.
    Deuxièmement, bien entendu, lorsqu'il y a des combats actifs, notre capacité d'acheminer des fournitures est sévèrement limitée. J'ai envoyé une lettre de demande très précise au gouvernement russe la semaine dernière pour dire qu'il faut cesser les hostilités dans tel ou tel endroit. Martin Griffiths, le chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, se trouve aujourd'hui en Russie pour poursuivre cette discussion, et j'attends avec impatience son retour, probablement demain, pour voir où nous en sommes.
    Le gouvernement russe a‑t‑il répondu à cette lettre de demande?
    Non. J'ai parlé avec des représentants russes au téléphone, et j'espère qu'ils répondront assez rapidement. Nous disposons de nombreuses options et nous faisons pression... Par exemple, nous allons envoyer un navire à Marioupol pour pouvoir y distribuer des rations prêtes à consommer. Nous allons miser sur toutes les possibilités qui s'offrent à nous. Je demande des services de transport aérien, des opérations de parachutage, des livraisons par bateau, ainsi que par camion et par train. Je vais donc donner à tout le monde l'occasion de dire non, et ce, de plusieurs façons. En d'autres termes, je vais leur donner une foule d'occasions de dire oui de plusieurs façons.
    Permettez-moi de faire une brève observation. Quatre-vingts pour cent de nos opérations dans le monde se déroulent dans des zones de guerre et de conflit. Nous savons donc comment exercer des pressions et faire ce qui s'impose. Il s'agit d'une situation très complexe et unique. Nous n'avons pas d'espace aérien pour le moment. Nous espérons en obtenir un peu, mais en même temps, il s'agit d'une opération militaire massive, et nous prenons des décisions au jour le jour. Évidemment, lorsque l'armée russe se retirera, nous espérons nous rendre là‑bas, avec d'autres, pour au moins approvisionner, que ce soit de façon temporaire, à court terme... Mais, je le répète, mon plus grand problème sera l'argent, probablement en plus de l'accès.

  (1900)  

    Nous passons maintenant à M. Trudel.

[Français]

    Monsieur Beasley, je suis très content de vous rencontrer. C'est la première fois que je vous entends. Tout ce dont vous avez parlé est passionnant.
    Je vais continuer sur la lancée de mon collègue. Ici, au Canada et au Québec, nous sommes loin du conflit, mais cela fait quelques fois qu'on entend parler de l'ouverture d'un couloir humanitaire à Marioupol pour que les gens puissent en sortir. Cela a l'air compliqué. La Russie a dit qu'elle allait en ouvrir un, mais, après sept ou huit tentatives, cela n'a jamais fonctionné.
    Savez-vous quelque chose à ce sujet? Qu'est-ce qui est si compliqué, sur le plan logistique, dans l'ouverture d'un couloir humanitaire dans un pays en guerre?

[Traduction]

    À mon avis, la situation que vous venez de décrire est attribuable, en gros, au fait que nous nous démenons tous encore pour établir ce corridor humanitaire, que ce soit pour l'entrée ou la sortie du personnel, de la nourriture, des médicaments et d'autres fournitures. La situation à Marioupol est toujours catastrophique. Je pense que nous faisons tous ce que nous pouvons.
     Comme vous le savez, le Conseil de sécurité se retrouve dans un bourbier puisque la Russie mène cette guerre alors qu'elle siège au Conseil de sécurité. C'est une situation complexe.
    Nous ne manquons aucune occasion d'acheminer des vivres. Nous cherchons toujours à sortir des sentiers battus, et nous ferons la même chose là‑bas. Si nous ne pouvons pas venir en aide à ceux qui en ont besoin, nous ferons savoir, au bon moment, qui est à l'origine du problème. J'aurais aimé vous donner une réponse simple et efficace, mais vous conviendrez que la situation est difficile pour tout le monde.

[Français]

    Je comprends. Je vous remercie, monsieur Beasley.
    Plus tôt, vous avez parlé des conséquences que subiraient des pays comme le Yémen et l'Égypte si le conflit perdurait.
    Y a-t-il d'autres pays qui sont déjà dans une situation critique et qui pourraient vivre des périodes difficiles si le conflit se poursuivait?

[Traduction]

     Oui, il y a au moins 38 pays, mais permettez-moi de vous donner quelques autres exemples. La situation en Syrie continue de se détériorer au moment où l'on se parle. Dans le cas du Liban, qui aurait pu croire que nous viendrions en aide à 1,5 million de Libanais? Et je ne parle pas des réfugiés syriens au Liban; nous les soutenons déjà. Le Liban est en crise. Je pense que 81 % de tout le blé que le Liban a donné ou vendu à ses habitants il y a deux ans provenait d'Ukraine, et peut-être que la Russie y a également contribué. Vous pouvez donc comprendre la gravité de la situation.
    On trouve maintenant des mines un peu partout dans la mer Noire, ce qui complique grandement le transport de marchandises. Si l'on considère que 30 % de toutes les céréales proviennent de cette région, il faut savoir que 7,8 millions de personnes comptent sur ces 30 % de céréales. Ensuite, n'oublions pas que 50 % de notre blé provient d'Ukraine et que nous nourrissons 125 millions de personnes. Je vais vous donner un chiffre qui sera vraiment choquant: rien que pour le Programme alimentaire mondial, l'augmentation mensuelle des dépenses s'élève déjà à 71 millions de dollars. Cela représente des coûts supplémentaires de 850 millions de dollars en fonction des prix des aliments et du carburant, ainsi que des frais d'expédition. Cela signifie que nous nourrirons, à tout le moins, quatre à cinq millions de personnes de moins cette année. Comme je le disais tout à l'heure, au Niger, nous en sommes déjà à 50 % des rations. Au Tchad, nous aidons 50 % des gens qui en ont besoin, et ces derniers ne reçoivent que 50 % des rations. En Éthiopie, l'insécurité alimentaire ne cesse d'augmenter en raison des sécheresses intenses qui y sévissent. Ajoutons à cela le Somaliland, en Somalie, et je pourrais continuer à nommer bien d'autres pays.
    Par ailleurs, dans votre hémisphère, l'hémisphère occidental — comme au Guatemala, au Honduras et au Salvador —, il y a des crues subites d'une ampleur sans précédent. D'après nos enquêtes, quatre à sept fois plus de personnes envisagent de migrer vers la frontière américaine.
    C'est ce que j'appelle un cercle de feu. De l'Amérique centrale à l'Afrique, de l'Atlantique à la mer Rouge, du Sahel au Moyen-Orient, en passant par l'Afghanistan, c'est comme si nous avions un cercle de feu tout autour du globe. Si nous ne réagissons pas de manière stratégique et efficace, la planète entière sera engloutie. Ce sera l'enfer sur terre à l'automne si nous ne prenons pas rapidement les devants.

  (1905)  

[Français]

     C'est très clair, monsieur Beasley.
    Si on parle de la prévalence de l'insécurité alimentaire dans le monde, observe-t-on une différence entre les hommes et les femmes? Les hommes et les femmes sont-ils touchés de façon différente? Si oui, comment le sont-ils, et dans quel endroit dans le monde est-ce le cas?

[Traduction]

    En cas de conflit et d'insécurité alimentaire, ce sont toujours les femmes et les enfants qui souffrent le plus. Toutes les études le montrent. Par‑dessus tout, il y a les preuves anecdotiques de ce que nous observons sur le terrain et qui sont très révélatrices. C'est à ce moment‑là que nous intervenons, que nous mettons en place nos systèmes, en collaboration avec, par exemple, votre gouvernement, pour nous assurer que nous pouvons aider de façon égale toutes les personnes touchées. Peu importe leur sexe, leurs convictions politiques, etc., nous tenons à venir en aide à toutes les personnes qui en ont besoin. En fait, nous nous employons à promouvoir un grand nombre de programmes pour les femmes, et nous le faisons de différentes manières, mais je n'aurai pas le temps d'entrer dans les détails aujourd'hui. Par exemple, nos programmes de repas gratuits dans les écoles ne s'adressent pas uniquement aux garçons. Nous mettons en place ces programmes pour les petites filles et les petits garçons. Ainsi, en Afghanistan, nous nourrissons actuellement des millions de petits garçons et de petites filles dans les écoles, même si les talibans empêchent les filles de fréquenter l'école au‑delà de la sixième année. Nous faisons pression et nous négocions. Nous insistons pour aider les garçons et les filles, et pas seulement une moitié. Nous tâchons d'utiliser la nourriture comme un moyen de faire respecter les droits de la personne et d'offrir des possibilités à un grand nombre de personnes. L'Afghanistan se trouve dans une situation très délicate à l'heure actuelle, comme vous pouvez l'imaginer. Nous voulons nous assurer d'outiller les femmes et de leur donner des occasions. C'est ce que nous faisons non seulement là‑bas, mais aussi au Yémen et dans bien d'autres endroits, comme vous pouvez vous en douter.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur Beasley.

[Traduction]

     Madame McPherson, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier M. Beasley d'être des nôtres aujourd'hui. Je me sens toujours pleine d'espoir après ces conversations, et je trouve fascinantes les histoires dont vous nous faites part, aussi difficiles soient-elles, mais j'estime que tout n'est pas perdu et que nous pouvons prendre des mesures et travailler ensemble pour régler certaines des crises dont nous entendons parler.
     Je remercie mes collègues d'avoir posé beaucoup de questions sur ce qui se passe en Ukraine. Bien entendu, il s'agit d'un enjeu urgent pour nous en ce moment, mais vous avez dit pendant votre témoignage que même si nous nous concentrons sur l'Est, nous ne pouvons pas perdre de vue ce qui se passe dans le Sud et ailleurs.
    Je suis frappée par l'idée que l'Afghanistan... Il y a tout juste six mois, nous parlions, à la Chambre des communes, de la crise humanitaire qui sévit en Afghanistan, sachant que 23 millions de personnes risquent de mourir de faim dans ce pays.
    Je me demande si vous pouvez nous en dire un peu plus sur la situation actuelle en Afghanistan, sur la façon dont le Canada peut apporter son aide et peut-être sur certaines des répercussions liées aux obstacles qui sont créés par le Code criminel et qui doivent être éliminés si nous voulons être aussi efficaces que possible.
    Merci, madame McPherson.
    Il est difficile de croire ce qui se passe actuellement, que ce soit en Ukraine ou ailleurs. Par exemple, l'Ukraine était considérée comme le grenier du monde; aujourd'hui, les Ukrainiens doivent faire la file pour se procurer du pain. Nous ne voulons pas prendre la nourriture des enfants du Tchad pour la donner aux enfants d'Ukraine. C'est la dernière chose que nous voulons faire. C'est pourquoi nous demandons à tout le monde...
    En ce qui concerne le financement international, il faudra être très stratégique cette année. On ne peut pas tout financer; il faut établir des priorités. Comme je le dis, lorsqu'on est à bord du Titanic, il faut d'abord s'assurer d'éviter les icebergs. On ne devrait pas se préoccuper des verres de vin cassés dans le bar à l'intérieur du Titanic. Quelles sont les questions vitales? La sécurité alimentaire en fait évidemment partie.
    En Afghanistan, sous le régime des talibans, la situation s'est avérée plutôt intéressante. Ils ont collaboré avec nous d'une manière étonnamment positive. Je tiens à le préciser d'entrée de jeu. Lorsque je les ai rencontrés — comme je le ferais avec n'importe qui, qu'il s'agisse des houthis, des talibans ou peu importe —, j'ai toujours été très clair. Je leur dis que nous n'avons pas assez d'argent dans l'immédiat pour venir en aide à toutes les personnes qui en ont besoin. En l'occurrence, je leur ai dit: « Si vous jouez avec nous, je peux vous assurer que nos donateurs maximiseront chaque dollar pour que nous puissions aider le plus grand nombre possible d'enfants. » Je leur ai demandé de ne pas se livrer à de petits jeux.
    Ils avaient vraiment collaboré avec nous en faisant preuve d'impartialité et de neutralité à notre égard et en nous donnant les coudées franches pour que nous puissions atteindre nos buts et nos objectifs de bien des façons. Ils laissaient les femmes revenir travailler avec nous, et ils nous permettaient d'aider les filles dans les écoles; toutefois, ces dernières semaines, nous avons observé un revirement. Dans certains endroits, ils essaient de nous dire qui nous pouvons embaucher et qui nous pouvons appuyer et nourrir. Nous avons dû cesser nos activités à quelques endroits. En général, cela déclenche une réaction, et on finit par résoudre le problème.
    Nous nous sommes heurtés à des difficultés au cours des premiers mois. C'était vraiment remarquable de voir à quel point ils avaient réagi positivement. Or, d'après ce que nous pouvons constater maintenant en Afghanistan, les choses semblent prendre une tournure qui nous préoccupe beaucoup. Nous aidons environ 15 à 16 millions de personnes dans un pays de 41 millions d'habitants. Vingt-deux millions de personnes se situent aux niveaux 3, 4 et 5 de l'IPC. De ce chiffre, 8,7 millions se trouvent au niveau 4 de l'IPC, ce qui signifie que ces gens sont au bord de la famine.
    Nous essayons de fournir des rations complètes, à tout le moins, aux personnes qui se trouvent au niveau 4 de l'IPC, mais nous aidons 16 millions de personnes en leur distribuant des rations partielles et complètes. Toutefois, si les talibans continuent de se diriger dans la mauvaise direction, les donateurs perdront toute confiance, ce qui causera des ravages en Afghanistan, comme vous pouvez l'imaginer.

  (1910)  

    Bien sûr. C'est ce qui se passe. Je vous entends parler de l'emplacement de ces points chauds, qui sont dispersés aux quatre coins du monde, et c'est un phénomène que l'on observe partout. Nous devons vraiment contribuer davantage à la résolution du problème à court et à long terme.
    L'une de mes grandes préoccupations, et j'en ai parlé à plusieurs reprises, c'est que le Canada utilise peut-être les doses de vaccins comme une forme de contribution à l'aide publique au développement. Autrement dit, les vaccins seraient considérés comme faisant partie de notre aide publique au développement, ce qui a pour effet de réduire les sommes qui y sont consacrées.
    Que doit faire le Canada dans l'immédiat pour s'assurer que nous prenons les mesures qui s'imposent? Comment puis‑je, en tant que députée de l'opposition, convaincre le gouvernement de la nécessité vitale d'accroître, dès maintenant, les investissements dans la sécurité alimentaire?
     Eh bien, comme vous pouvez l'imaginer, j'entends cette question de la part des gouvernements du monde entier. Voici un exemple: pourquoi devrais‑je envoyer de l'argent au Tchad, au Niger ou au Guatemala alors que j'ai des problèmes dans mon propre district en ce qui concerne les routes, les ponts, les écoles ou les soins de santé?
    Ma réponse est très simple. J'ai déjà été gouverneur aux États-Unis et j'ai fait de la politique. Ce sont des questions valables de la part des contribuables, comprenez-moi bien, mais j'affirme d'abord ceci: si vous ne voulez pas contribuer par pure bonté, faites‑le au moins dans l'intérêt de votre sécurité nationale, parce que vous en paierez le prix d'une manière ou d'une autre.
    Je vais vous donner une preuve anecdotique. Par exemple, en Syrie, nous pouvons nourrir un Syrien pour 50 ¢ par jour. Ce même Syrien, soit dit en passant, ne veut pas partir ailleurs... Nous menons une enquête. Supposons que vous consultiez tout le monde à Ottawa chaque jour pendant deux ans... Ainsi, je sais ce qui se passe à Ottawa. Je sais ce que les gens pensent, et je sais quand et pourquoi ils comptent partir, car je suis au courant de ce qui se passe. Les gens ne veulent pas s'en aller ailleurs.
    Il serait très difficile, monsieur Beasley, de savoir ce qui se passe à Ottawa. Je pense qu'aucun d'entre nous ne le sait.
    Je suis désolée de vous avoir interrompu. Veuillez continuer.
    Ce n'est peut-être pas un bon exemple.
    Si ce même Syrien se retrouve, disons, à Berlin ou à Bruxelles, le forfait d'aide humanitaire est de 70 $ par jour.
     Laissez-moi vous donner un autre exemple. Celui‑ci a trait à la frontière des États-Unis. Le Washington Post a publié un article selon lequel les États-Unis dépensent 3 750 $ par enfant et par semaine pour l'hébergement des enfants à la frontière américaine. Or, nous pouvons assurer la stabilité et la viabilité de ce même enfant et de cette même famille pour 1 à 2 $ par semaine grâce à des programmes de résilience dans leur pays d'origine. Nous avons des solutions qui fonctionnent. Nous devons les financer et les appliquer à grande échelle, et je ne veux pas dire de nous contenter de jeter de l'argent en direction de l'aide internationale et de jeter de l'argent sur le problème, parce que ce n'est pas la solution.
    Vous me connaissez. Je défends avec pas mal de véhémence le fait que nous avons des solutions, que nous avons des programmes efficaces et que nous devons les financer. En ce qui concerne les États comme le Canada, les États-Unis, l'Allemagne et d'autres, il vous en coûtera mille fois plus si vous déstabilisez les nations qui se retrouvent en guerre et en conflit. Si vous vous retrouvez avec une migration massive par nécessité, la facture sera beaucoup plus salée.
     C'est comme si des conduites d'eau fuyaient dans votre plafond et que l'eau s'écoulait goutte à goutte. Vous allez perdre la moquette, la table en acajou et les rideaux, et vous allez perdre le plancher. Vous allez vous chicaner pour savoir où mettre les seaux. C'est beaucoup moins cher d'aller là‑haut et de réparer la tuyauterie endommagée. C'est ce que nous disons. Il faut s'attaquer à la cause première. Évidemment, lorsqu'il s'agit d'urgences à court terme, je peux comprendre les réactions, mais une bonne partie des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui découlent de conflits prolongés. Plus les donateurs — les États — nous donnent la possibilité de faire plus avec notre argent, plus notre action est stratégique et efficace, et plus nous pouvons planifier à long terme.

  (1915)  

    Merci beaucoup.
    Je vous remercie.
    Pour cette deuxième série de questions, je vais demander aux membres de limiter leurs questions à moins de trois minutes.
    Le premier intervenant est M. Oliphant.
    C'est donc trois minutes au lieu de cinq, c'est bien cela? Je ne fais que vérifier.
    Je vous remercie, monsieur Beasley, d'être parmi nous. J'ai participé à un certain nombre de réunions avec vous au fil des ans, et je tiens à vous dire que je crois que vous êtes la bonne personne au bon moment et au bon endroit, alors je vous remercie personnellement de votre travail. Je dois admettre que je ne sais pas si j'aurais dit la même chose lorsque vous avez été nommé. Je dois aussi dire que ce fut vraiment merveilleux d'observer votre leadership au sein du Programme alimentaire mondial. Au nom de ceux d'entre nous qui vous regardent, je vous remercie beaucoup.
    J'ai deux questions à vous poser.
    Voici la première. D'habitude, vous ne demandez que de l'argent. Or, il semble que nous sommes présentement dans une situation où l'argent n'est peut-être pas la seule solution. Les sources de nourriture en provenance d'Ukraine et de Russie pourraient être bloquées, et il pourrait devenir très difficile pour vous d'obtenir de la nourriture pour l'Éthiopie, le Yémen, la Syrie, le Liban, etc. Avez-vous des suggestions sur la façon de composer avec un conflit qui provoque une telle pénurie?
    Vous venez de mettre le doigt sur le problème. Lorsque j'ai rejoint le Programme alimentaire mondial, j'avais beaucoup de questions. Il y avait 80 millions de personnes pour qui la famine était imminente. Ce chiffre est passé à 135 millions, et presque tout cela était attribuable à des conflits d'origine humaine. C'est ce que je n'ai cessé de répéter lors des entretiens privés que j'ai eus avec des présidents, des premiers ministres et des ministres des affaires étrangères du monde entier.
    Il faut ralentir, se concentrer sur quelques-uns de ces conflits majeurs et les résoudre, car ils s'accumulent. C'est comme ce jeu pour les enfants, le Whac‑a‑mole — ou « tape-taupe » —: lorsqu'il y en a une qui sort de son trou, vous lui tapez dessus, puis vous tapez sur la suivante, puis sur la suivante, etc. Je sais que c'est un peu idiot comme image, mais franchement, nous devons sérieusement envisager de résoudre certains de ces conflits, car je pense qu'ils peuvent effectivement être résolus.
    À mon avis, nous pouvons mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030. Je reste convaincu que nous pouvons y parvenir si nous mettons fin aux conflits d'origine humaine. Même avec les changements climatiques, à court terme, je pense que nous pouvons mettre un terme à la faim dans le monde. Nous pouvons réagir et faire ce que nous devons faire. Pour ce qui est du long terme ou des 50 à 100 prochaines années, c'est une tout autre question, mais à court terme, il faut mettre fin aux conflits d'origine humaine.
    Comme je le disais à propos de l'Ukraine, si cette guerre ne prend pas fin dans les 30 prochains jours, il y aura 30 millions de personnes de plus en situation d'insécurité alimentaire aiguë. Dans les 60 à 90 jours à venir, ce sont 50 millions de personnes de plus qui se retrouveront en situation d'insécurité alimentaire aiguë. Si l'on ajoute cela aux 275 autres millions... Je ne sais pas, mais cela va être comme une catastrophe qui s'ajoute à une situation déjà catastrophique, bref, l'enfer sur terre.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Viersen, pour trois minutes.
    Merci, monsieur Beasley. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous.
    Je vais poursuivre dans la lignée des questions de M. Oliphant. Il me semble que s'il n'y a pas de production, tout l'argent du monde ne pourra pas régler le problème. Que pensez-vous de la contribution du Canada en ce qui a trait à l'augmentation de la production de certaines de ces cultures, comme les céréales, le canola, le maïs, etc.?

  (1920)  

    Nous avons discuté de cette question avec de nombreux partis politiques de divers horizons, dont le Parti vert en Allemagne et d'autres en Europe. Nous nous rendons tous compte que nous avons devant nous une fenêtre d'opportunité qui ne reviendra pas et que nous devons réagir. La dernière chose que nous souhaitons, c'est de nous retrouver à la fin de l'année avec une quantité insuffisante de nourriture pour les habitants de la planète. Ce serait une catastrophe.
    Je vous laisse le soin de choisir les décisions qui doivent être prises, mais quand on regarde.. Il y a beaucoup de problèmes... Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes en discussion avec les ministres des Affaires étrangères et les ministres de l'Agriculture. Nous avons eu des échanges très sérieux avec les ministres de l'Agriculture du G7 au sujet des terres qui pourraient être mises de côté et des différentes questions qu'ils pourraient vouloir que nous [inaudible] à court terme pour augmenter la production.
    Je vous laisserai évaluer les aspects politiques de ce qui pourrait être permis, acceptable ou faisable. La dernière chose que nous voulons, c'est de nous retrouver à la fin de l'année avec une quantité insuffisante de nourriture pour les gens d'Ottawa, de Chicago, de New York ou de Londres. Je ne pense pas que nous voulons voir ce qui se passerait si cela se produisait. Nous devons réfléchir à cela très sérieusement.
    Avez-vous des recommandations concernant les choses que nous devrions surveiller et qui pourraient réduire ou limiter notre capacité d'augmenter notre production ici au Canada?
    Il faudrait probablement que je m'assoie et que je regarde la situation particulière du Canada, mais une chose que nous vous recommandons, c'est de ne pas vous engager sur la voie des interdictions concernant les importations et les exportations. Assurez-vous qu'il y ait de la transparence du côté des achats. De nombreuses questions doivent être examinées. Nous nous adressons à de nombreux pays et à de nombreuses entreprises, tous différents les uns des autres. Pour ce qui est du Canada en particulier, il faudrait que je me penche sur la question. Laissez-nous vous revenir là‑dessus.
    Ce serait formidable.
    Vous avez mentionné que 40 % des engrais proviennent de la zone Russie-Ukraine. Que pensez-vous que cela peut avoir comme conséquences, y compris en ce qui a trait à la capacité de production du reste du monde?
    Je discutais avec le président-directeur général de Yara, qui est l'un des plus grands producteurs d'engrais au monde. Je ne veux pas entrer dans tous ces détails, mais si vous ne mettez pas d'engrais sur une culture particulière, vous risquez de voir le rendement coupé de moitié. Nous pourrions examiner les types d'engrais... et toutes ces autres questions, mais ce sont des perspectives génériques.
    Ce que je comprends, et je ne sais pas si ce chiffre est exact, c'est que le Bélarus et la Russie sont responsables d'environ 40 % des engrais produits dans le monde entier. Nous constatons déjà que les agriculteurs du monde entier, en particulier les gros exploitants, réduisent leur production. Les coûts des engrais montent en flèche, parce que les engrais sont basés sur le carburant. Vous avez donc une dynamique associée au carburant de base à laquelle s'ajoute un problème de chaîne d'approvisionnement. Ces deux facteurs vont créer un problème de disponibilité hors du commun, ainsi qu'un problème de prix. Évidemment, nous voyons déjà les prix augmenter en fonction de cette équation. Ce problème ne deviendra exponentiel qu'au cours des trois, six ou neuf prochains mois.
    Merci, monsieur Beasley.

[Français]

     Monsieur Trudel, vous avez la parole.
    Merci, monsieur Beasley.
     Vous avez parlé tantôt, et c'était très bien, des répercussions actuelles du conflit en Ukraine sur les autres pays. Vous avez aussi dit que ces répercussions touchaient même l'Amérique du Sud. Or vous n'avez pas parlé d'un pays dont j'aimerais que vous nous parliez, à savoir Haïti. Ce pays en arrachait déjà avant le conflit ukrainien. Je ne sais pas si le conflit a une incidence directe sur la situation générale en Haïti, déjà dramatique, mais que pouvez-vous nous en dire? Avez-vous des nouvelles fraîches de ce qui se passe en Haïti en ce moment?

[Traduction]

    Oui, monsieur, avant l'Ukraine, Haïti était un problème très sérieux. On prévoit qu'environ 4,5 millions d'Haïtiens, soit à peu près 45 % de la population, souffriront gravement de la faim dans ce pays. J'y étais il y a quelques mois, et la corruption et différents problèmes, dont celui des gangs, sont maintenant aggravés par la situation en Ukraine, la hausse des prix et le manque d'argent. C'est un problème très grave. Je regarde quelques [difficultés techniques]. C'est à peu près tout. Je veux dire que je pourrais vous donner beaucoup plus d'informations sur Haïti, mais en ce moment, le problème en est un d'argent. À cela s'ajoutent tous les autres facteurs internes et le problème concernant les personnes que nous pouvons joindre. Haïti est une préoccupation de taille. Comme vous pouvez l'imaginer, nous avons beaucoup de programmes là‑bas et nous y sommes très actifs.

  (1925)  

[Français]

    Le second objectif de développement durable de l'ONU fixé pour 2030 visait à éliminer complètement la faim dans le monde. Avec la pandémie de COVID‑19 et le conflit en Ukraine, nous ne sommes pas prêts d'y arriver.
    Pour essayer de se rapprocher de l'objectif de 2030, quelles solutions pourrait-on mettre en place maintenant?

[Traduction]

    Étant donné les conflits existants, je ne pense pas qu'il sera possible d'éliminer la faim d'ici 2030. Comme je l'ai dit, je pense que si nous pouvons mettre fin à la plupart de ces conflits, nous serons en mesure de mettre un terme à la faim dans le monde, ce dont je ne doute pas. Il y a 200 ans, 95 % des habitants de la planète vivaient dans une extrême pauvreté. Nous avons réduit ce chiffre à moins de 10 %. Les progrès réalisés au cours des 50 dernières années sont absolument formidables, mais aujourd'hui, pour la première fois, nous allons dans la mauvaise direction. Comme je l'ai mentionné au début de mon intervention, le nombre de personnes victimes de la faim chronique passe pour la première fois de 650 millions à 810 millions. Le nombre de personnes en situation d'insécurité alimentaire grave passe de 80 millions à environ 300 millions. Nous allons dans la mauvaise direction, et cela est presque entièrement attribuable à des conflits d'origine humaine. Je pense que si nous pouvions mettre fin à ces conflits, même avec les changements climatiques, nous aurions la capacité et le savoir-faire nécessaires — surtout si l'on considère que la planète compte 430 000 milliards de dollars de richesses — pour s'attaquer au problème de la faim. Avec toutes les richesses dont nous disposons, il n'y a aucune raison pour qu'un seul enfant de cette planète aille se coucher ce soir le ventre vide. Nous devons mettre fin à ces guerres afin de disposer de l'argent et de l'accès dont nous avons besoin. Compte tenu de la présente conjoncture, il faudra qu'un plus grand nombre de gens se mobilisent. À défaut de cela, comme je l'ai dit plus tôt, nous allons devoir payer mille fois plus, mais pour d'autres raisons.
    Madame McPherson, la parole est à vous.
    Je vous remercie.
    Merci encore de ce témoignage, monsieur Beasley. Vous savez, j'ai lu la déclaration du G7 qui a été publiée, et elle fait en quelque sorte référence à certaines des choses dont mon collègue, M. Viersen je crois, s'est enquis. Ce lien, cet engagement du G7 à augmenter les contributions collectives au Programme alimentaire mondial, à travailler avec les banques multilatérales de développement et les institutions financières internationales pour prévenir l'insécurité alimentaire aiguë, et la session extraordinaire du conseil des organisations pour l'alimentation et l'agriculture, des outils utilisés pour veiller à ce que les prix restent sous contrôle et qu'il n'y a pas de thésaurisation — nous avons ces outils. Vous nous avez également donné de nombreux outils que nous pourrions utiliser. Nous avons les engagements de la part du G7. Nous savons que nous devons mieux plaider notre cause pour amener les États du Golfe et d'autres à se mobiliser. Dans quelle mesure êtes-vous convaincu que cela va se faire? Nous savons que c'est possible. Vous venez de dire qu'il n'y a aucune raison pour que chaque enfant dans ce monde n'ait pas assez à manger. Mais à quel point êtes-vous convaincu que cela va se produire?
    Madame McPherson, vous savez, si vous m'aviez demandé cela, probablement, il y a trois ans, je vous aurais répondu que ma confiance était à zéro. La raison pour laquelle je suis peut-être un peu plus confiant aujourd'hui, c'est que ces cinq, quatre ou trois dernières années, si vous allumiez la télévision, ce n'était que Trump, Trump, Trump, Brexit, Brexit, Brexit, COVID, COVID, COVID. On ne pouvait pas avoir de nouvelles sur d'autres sujets. Je crois toutefois que, pour la première fois, le sujet de la crise alimentaire est parvenu à se faire une place dans les médias.
    J'ai un peu d'espoir, parce que je vois les dirigeants mondiaux réagir maintenant, reconnaissant que la sécurité alimentaire est un problème très sérieux auquel le monde entier est confronté. Ce n'est pas comme si la semaine prochaine vous pouviez simplement dire: « Je manque de nourriture. Pourquoi ne pas en produire plus? » Il faut planifier cette production. Il faut l'arroser. Il faut la faire pousser. Il faut la récolter. Il ne s'agit pas d'une action à court terme, de quelque chose qui se fait en un mois.
    La réponse que j'ai vue jusqu'à présent a été remarquable — en particulier de la part du G7 — en ce qui concerne la production agricole et ce qu'il faudra faire pour compenser le rendement décroissant qui pourrait se produire en Ukraine. Cependant, je suis très préoccupé par les sommes d'argent qui seront nécessaires pour répondre à court terme aux besoins de ceux qui ne reçoivent pas la nourriture dont ils ont besoin. Je suis très inquiet à ce sujet, et c'est pourquoi j'ai appelé les mégamilliardaires du monde entier à se mobiliser à cet égard. Ils devraient le faire. Pendant la COVID, leurs avoirs se sont accrus en moyenne de 5,2 milliards de dollars par jour. Il n'y a aucune raison pour qu'ils ne puissent pas nous donner un ou deux jours d'augmentation de leur valeur nette. Je continue à sauter de joie à l'idée que cela puisse se faire.
    Les gouvernements sont à bout de souffle. Nous devons espérer que la communauté agricole soit en mesure de répondre, avec le leadership du G7 et d'autres, mais en même temps, nous devons faire pression sur les plus riches des riches du monde pour qu'ils nous donnent de l'argent à un moment comme celui‑ci, parce que le monde est vraiment en crise.

  (1930)  

    Faites-moi savoir comment je peux vous aider, monsieur Beasley. Je suis là.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame McPherson.
    Voilà qui met fin à nos questions.
    Monsieur Beasley, au nom de tous les membres du Comité, je vous dis merci. Nous savons que vous avez un emploi du temps extrêmement chargé. Votre témoignage a été des plus instructifs et il nous a donné à réfléchir. Restez en bonne santé. Nous avons besoin que vous soyez en bonne santé, monsieur Beasley. Merci beaucoup de vous être joint à nous.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes pour permettre au deuxième groupe de témoins de procéder aux tests de son.

  (1930)  


  (1930)  

    Nous reprenons. Bonsoir à tous.
    Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à nos trois témoins. Nous vous sommes très reconnaissants de vous joindre à nous. Je crois comprendre que vous vous trouvez en Ukraine et en Géorgie. Nous sommes très heureux que vous soyez des nôtres.
    Je veux mentionner tout d'abord que pour obtenir l'interprétation, vous devez appuyer sur l'icône du globe qui se trouve au bas de vos écrans. N'hésitez pas à l'utiliser.
    Nous sommes très heureux d'accueillir ce soir trois témoins, Mme Oksana Pokalchuk, d'Amnistie internationale; Mme Oleksandra Matviichuk, du Center for Civil Liberties; et Mme Svitlana Valko, de l'International Partnership for Human Rights.
    Vous disposez chacune de cinq minutes pour votre déclaration liminaire, après quoi, nous passerons aux questions des membres du Comité.
    Madame Pokalchuk, vous avez la parole pendant cinq minutes.
     Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, c'est un grand honneur pour moi de pouvoir prendre la parole devant vous au nom d'Amnistie internationale, et je vous en remercie.
    Nous travaillons sans relâche pour documenter les violations des droits de la personne pendant l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie. Nous avons effectué des recherches tant sur le terrain que dans des sources ouvertes, et nous avons parlé à des dizaines de survivants venant de différentes régions de l'Ukraine touchées par ce conflit armé.
    J'aimerais souligner avant toute chose que notre organisation considère l'invasion russe comme un acte d'agression qui viole la Charte des Nations unies, un crime en droit international. Il est important pour la communauté internationale d'établir un mécanisme pour que les responsables de ce crime répondent de leurs actes. Dans le cas contraire, nous craignons que d'autres ne s'enhardissent à suivre l'exemple malveillant des dirigeants actuels de la Russie.
    Le bilan de la Russie lors des conflits passés était odieux et nos découvertes en Ukraine sont venues confirmer nos pires craintes. Depuis les premiers jours de l'invasion, les forces armées russes utilisent des armes de guerre inacceptables dans des zones densément peuplées, comme des systèmes de lance-roquettes multiple, des bombes non guidées et des armes à sous-munitions.
    La Russie ayant échoué dans sa tentative d'avancée rapide sur Kiev, elle s'est engagée dans des tactiques d'assiègement sales, en encerclant des villes comme Marioupol, Tchernihiv, Izium et d'autres, et en utilisant son arsenal d'armes d'emploi aveugle qui tuent ainsi des civils. Plusieurs de ces attaques ont fait l'objet d'une vérification minutieuse et ont été bien documentées par Amnistie internationale, et nous pouvons confirmer que ces attaques peuvent constituer des crimes de guerre.
    De plus, nous avons constamment manifesté nos inquiétudes au sujet des tentatives infructueuses qui ont été faites pour établir des corridors humanitaires sécuritaires et évacuer les civils. La situation s'est un peu améliorée, et certains civils, mais pas tous, ont pu quitter les villes assiégées. J'aimerais insister sur le fait que l'évacuation des personnes âgées et des personnes handicapées, tout comme l'envoi de l'aide humanitaire qui leur est destinée, demeure une grave source d'inquiétudes. Ces groupes se retrouvent dans des situations très dangereuses et sont essentiellement incapables de se défendre.
    Les forces russes ont réussi à prendre le contrôle de plusieurs villes dans le Sud de l'Ukraine. Elles se sont heurtées à la bravoure et à la résistance pacifique de la population. De multiples rapports alarmants font état de manifestants pacifiques ayant été battus, torturés et menacés, ainsi que de responsables locaux, journalistes et militants ayant été enlevés. Nos chercheurs s'emploient actuellement à vérifier ces rapports et nous prévoyons publier nos conclusions sous peu.
    Comme l'ont rapporté les Nations unies, quatre millions de personnes ont fui l'Ukraine, et un nombre encore plus élevé sont déplacées à l'intérieur du pays. La communauté internationale doit les aider à faire face à cette crise sans précédent et leur offrir un asile sûr.
    Il ne sera pas facile de régler ce conflit armé, mais la communauté internationale doit, plus que jamais, demeurer unie dans sa volonté de protéger les droits de la personne et de condamner la tyrannie. Les personnes touchées par le conflit armé en Ukraine doivent recevoir la protection requise, et à plus long terme, tous les responsables de crimes de guerre et du crime d'agression devront, bien entendu, répondre de leurs actes.
    Je vous remercie.

  (1935)  

    Je vous remercie beaucoup, madame Pokalchuk.
    Nous passons maintenant à la représentante du Center for Civil Liberties.
     Madame Matviichuk, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Je m'appelle Oleksandra Matviichuk. Je défends les droits de la personne au Center for Civil Liberties.
    Nous avons repris le travail d'Euromaidan SOS et avons recruté plusieurs centaines de bénévoles pour documenter les crimes de guerre. En collaboration avec d'autres organisations de défense des droits de la personne, nous travaillons à la coalition « un tribunal pour Poutine ».
    Je me trouve à Kiev actuellement, bombardée par l'armée russe pendant plus d'un mois. Depuis les premiers jours de la nouvelle salve d'agressions de l'Ukraine par la Russie, la société civile de même que les procureurs et les enquêteurs ukrainiens n'ont de cesse de faire état de divers crimes de guerre commis par les troupes russes. La Russie a délibérément attaqué des biens civils comme des écoles, des hôpitaux, des édifices résidentiels et des infrastructures essentielles. Il y a eu utilisation de boucliers humains et de perfidie, et utilisation illégale de l'emblème de la Croix‑Rouge ainsi que d'uniformes et d'insignes ukrainiens par des soldats russes, et des attaques contre des biens spécialement protégés comme les dépotoirs et les centrales nucléaires.
    Dernièrement, il est devenu malheureusement très clair que ce n'est pas tout, et que des soldats russes qui se trouvent dans les territoires occupés commettent des atrocités sans nom contre la population. Les viols et autres violences sexistes, les meurtres délibérés, la torture, les mauvais traitements, les disparitions forcées et les atteintes à la dignité de la personne ne sont pas des faits rares, mais sont plutôt des comportements qui sont tolérés et encouragés et ensuite cachés par les commandants, les médias étatiques et les dirigeants politiques de l'agresseur. Aucun impératif militaire ne justifie de telles actions. La Russie utilise simplement les crimes de guerre comme des armes de guerre.
    En ce qui concerne les armes interdites utilisées par la Russie pendant son conflit, le centre a fait état de l'utilisation d'armes incendiaires, de bombes à chute libre, d'armes à sous-munitions, de mines terrestres, de pièges, etc. La Russie n'est pas signataire de plusieurs instruments fondamentaux interdisant, par exemple, l'utilisation des mines antipersonnel ou des armes à sous-munitions. Dans les zones densément peuplées, dans les villes et près des endroits où sont concentrés des civils, l'utilisation de ces armes est strictement interdite, même pour la Russie. Malgré cela, la Russie fait fi de ces éléments du droit humanitaire international, de même que de beaucoup d'autres lois et coutumes internationales.
    La Russie sape le sens même de la vie. Dans des villes détruites et délibérément isolées par les troupes russes, comme Marioupol, les gens sont terrés dans des abris antiaériens pendant des semaines en étant privés de nourriture, d'eau, d'électricité et de soins médicaux. Pendant tout ce temps, la Russie a convenu avec la Croix‑Rouge internationale d'ouvrir un seul corridor humanitaire à Soumy. Elle a décidé plutôt de déplacer illégalement des milliers d'Ukrainiens vers son territoire. La question qui se pose maintenant est de savoir comment des gens sans papiers pourront retraverser la frontière.
    L'histoire s'écrit sous nos yeux. Nous sommes en train de mourir, mais nous n'abandonnons pas. Depuis plus d'un mois, nous payons un lourd tribut simplement pour avoir le droit d'exercer un choix démocratique. Nous avons donc besoin que les démocraties occidentales prennent les mesures qui s'imposent pour arrêter Poutine et mettre fin à la guerre en Europe. Les Conventions de Genève et l'ensemble des règles touchant le droit, la paix et la sécurité internationales sont piétinés et des villes comme Kharkiv, Tchernihiv, Marioupol et d'autres villes ukrainiennes sont en ruine. Les atrocités massives contre des civils à Boutcha et dans d'autres villes situées dans la région de Kiev montrent clairement que la Russie tue des civils qui ne sont pas armés.
    Il vous semblera étrange d'entendre ces mots dans la bouche d'une avocate qui défend les droits de la personne, mais l'Ukraine a besoin d'armes. L'Ukraine a besoin de systèmes de défense aérienne de longue portée comme le NASAMS pour protéger ses villes et pour l'aider à fermer son espace aérien. La Russie a tiré plus de 1 300 missiles balistiques et de croisière sur notre pays. Aucun pays ne nous a encore fourni cette aide jusqu'à maintenant.
    Nous avons aussi besoin d'avions militaires pour contrôler notre espace aérien. Au sol, nous avons besoin d'armes lourdes pour défendre nos gens, de même que de systèmes d'artillerie terrestre, de chars d'assaut et de véhicules blindés. Nous avons besoin de beaucoup de drones de frappe, ainsi que de plus d'armes antichars et de missiles antinavires.

  (1940)  

    Nous avons besoin de votre soutien, car il ne s'agit pas uniquement d'une guerre entre la Russie et l'Ukraine. Il s'agit d'une confrontation entre l'autoritarisme et la démocratie. L'Ukraine est aux premières lignes dans ce combat. Nous sommes prêts à défendre notre peuple, notre liberté et notre dignité humaine. Nous sommes prêts à défendre les valeurs du monde libre.
    J'espère que le Canada, et tous les pays démocratiques, ne fermeront pas les yeux sur ce qui se passe.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie beaucoup, madame Matviichuk.
    Nous passons maintenant à la représentante de l'International Partnership for Human Rights.
    Madame Valko, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Bonsoir, mesdames et messieurs. C'est un honneur pour moi d'être ici.
    La semaine dernière, nous avons rencontré la délégation canadienne à l'OSCE. J'ai été très impressionnée par son niveau d'accès à l'information au sujet des faits réels sur ce qui se passe en Ukraine. J'ai grand espoir que nos efforts conjoints pourront forcer les auteurs des crimes commis en Ukraine à rendre des comptes.
    J'aimerais commencer par vous parler de l'International Partnership for Human Rights. Nous enquêtons sur les crimes et les violations des droits de la personne en Ukraine depuis 2014, en collaboration avec les enquêteurs locaux de Truth Hounds, une ONG. Nos méthodes sont très transparentes. Nous nous efforçons de vérifier chaque fait à partir d'au moins trois sources. Pour ce faire, nous avons recours à des sources ouvertes, à des cartes satellites, aux témoignages de victimes, à des témoins et à d'autres sources qui sont à notre disposition.
    Je veux souligner que pour les habitants de l'Ukraine aujourd'hui, logiquement, les environs des hôpitaux et des écoles font partie des lieux les plus dangereux pour eux où habiter dans la ville. C'est pourquoi j'aimerais d'abord attirer votre attention sur les attaques directes et délibérées contre des bâtiments voués à la religion, à l'éducation, aux arts, à la science, à la bienfaisance, et contre des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où sont regroupés les malades et les blessés, et qui ne sont pas des biens militaires.
    J'ai beaucoup d'exemples de ces violations que nous avons documentés, mais je veux vous parler d'une attaque qui s'est produite aujourd'hui sur la ville de Mykolaiv, où des biens civils ont été frappés. Un hôpital municipal, un hôpital régional, un centre pour la prévention des maladies, un orphelinat, 11 maternelles, 12 écoles, un centre de formation professionnelle et un campus d'établissements d'éducation extra-scolaire, tous ces bâtiments ont été bombardés dans une seule ville, Mykolaiv. Nous documentons les attaques aveugles de ce genre qui ont été menées au cours des deniers mois.
    Nous voulons confirmer que vous êtes d'accord avec l'idée qu'il s'agit bien d'attaques directes délibérées. La Fédération de Russie a utilisé des armes d'emploi aveugle dans des zones peuplées, soit des bombes à chute libre ou non guidées, des armes à sous-munitions et des munitions incendiaires. Je veux aussi mentionner que beaucoup d'hôpitaux et d'écoles ont été bombardés à plusieurs reprises, ce qui confirme qu'on voulait bien cibler ces lieux précis.
    Je veux attirer votre attention également sur le fait que la plupart des fonctionnaires et des représentants gouvernementaux en Russie, y compris les soi-disant journalistes de l'État, avant les attaques menées contre ces lieux, très souvent — et pas seulement à Marioupol mais aussi à Soumy et à Mykolaiv — s'efforcent de justifier les cibles en disant que la maternité à Marioupol abrite des soldats ou que des véhicules militaires suspects circulent sur le territoire de l'hôpital ou de l'école, ce qui n'a jamais été confirmé. Nous n'avons trouvé aucun témoignage à cet effet.
    Peu importe les tentatives désespérées de la Russie pour justifier les attaques inhumaines de ses forces armées sur les maternités, les écoles ou d'autres biens protégés, deux éléments restent clairs: leur manipulation des faits et leurs raisons mensongères invoquées pour justifier les bombardements.

  (1945)  

    Il est nécessaire, bien sûr, de procéder à des enquêtes approfondies sur les circonstances entourant ces attaques. Toutefois, à ce stade‑ci, nous avons suffisamment de motifs pour affirmer que la Russie a commis un crime de guerre pour lequel tous les responsables devraient avoir à répondre de leurs actes.
    Il y a beaucoup de crimes de guerre...
    Madame Valko, je suis désolé de vous interrompre, mais vous avez dépassé votre temps. Puis‑je vous demander de conclure en 10 ou 20 secondes?

  (1950)  

    Oui.
    Nous voulons confirmer que le fait d'analyser les attaques nous donne des motifs raisonnables de croire que la dernière attaque s'inscrit dans une stratégie visant à semer la terreur, à saper le moral des habitants et à les inciter à quitter les villes.
    Je vous remercie.
    Je remercie chacune d'entre vous de votre déclaration liminaire.
    Nous allons maintenant passer aux questions. La première série sera de sept minutes. Je vous rappelle que je vous ferai signe lorsqu'il ne restera que 30 secondes. Je demanderais à chacun de s'en tenir au temps alloué.
    Monsieur Oliphant, vous êtes le premier.
    Je vous remercie.
    Je remercie sincèrement toutes nos témoins — je vous remercie du fond du cœur — non seulement de votre témoignage ce soir, mais aussi des efforts que vous déployez sans relâche pour raconter ce qui se passe au monde et, ce soir, aux Canadiens.
    Je profite aussi de l'occasion pour remercier publiquement Mme McPherson de la question qu'elle a posée aujourd'hui à la période des questions. Je suis ému parce que c'est la seule question qui a été posée à ce sujet, et je pense qu'il s'agit de la crise la plus grave à laquelle font face les Canadiens, parmi toutes les crises qui nous occupent actuellement dans le monde, y compris celles que nous traversons au pays.
    J'aimerais commencer par vous dire ceci: nous vous croyons. Ce sont des mots très simples: nous vous croyons. Les mots que nous utilisons ont changé au cours des derniers jours. Nous, le gouvernement, déclarons que nous croyons qu'il s'agit de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Nous avons supprimé le mot « allégué » délibérément. Nous sommes conscients que ces crimes devront être établis par des instances et une cour internationales indépendantes, mais à ce stade‑ci, le gouvernement du Canada a reçu suffisamment de preuves de votre part et d'autres groupes pour déclarer que nous croyons que les Ukrainiens sont victimes de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis délibérément.
    Nous vous avons entendus. Je tiens à vous le dire clairement ce soir, en espérant que cela vous encouragera à continuer votre travail, parce que nous avons besoin des preuves que vous recueillez. Nous avons besoin du témoignage des survivants. Nous avons besoin de photos. Nous avons besoin de toutes les preuves que nous pouvons obtenir, parce que nous ne sommes pas sur place. Nous sommes privilégiés, nous sommes en paix au Canada, et nous avons besoin de vous et de votre travail pour nous dire ce qui se passe.
    Nous allons poursuivre nos efforts auprès de la Cour pénale internationale. Nous allons collaborer avec les autres pays pour veiller à ce que ce témoignage y soit entendu. Nous envoyons déjà de l'aide à la cour pour nous assurer qu'elle dispose des outils nécessaires pour faire le travail. Nous avons aussi rapidement donné suite à la demande du gouvernement de l'Ukraine de l'appuyer à la Cour internationale de Justice. Nous ne pouvons pas comme pays déclarer simplement qu'il s'agit de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, mais nous croyons qu'ils en sont, et nous croyons que cela sera établi, alors nous serons présents.
    Les mots que nous utilisons ayant changé, j'aimerais donner la chance à chacune de nous fournir d'autres preuves. Vous pouvez prendre des cas précis si vous le souhaitez. Nous avons tous été bouleversés et horrifiés par ce qui s'est passé à Boutcha, à la maternité de Marioupol, et à d'autres endroits où des civils ont été pris pour cible. J'aimerais donner à chacune la chance de nous fournir d'autres preuves que vous aimeriez que le Comité entende pour nous donner du pouvoir et nous encourager à monter au créneau pour vous au Canada.
    Vous pouvez l'une ou l'autre commencer. Vous êtes toutes parfaites.
    Allez‑y, madame Matviichuk.
    Je dispose de combien de minutes?
    Prenez votre temps.
    Je vais commencer par ceci: nous avons recueilli des témoignages de résidants de Boutcha, de Hostomel, de Motyzhyn, de Makariv et d'autres villes et villages de la région de Kiev, avant même que ce secteur ne soit libéré, car des personnes ont eu la chance de fuir certains lieux isolés. Je veux seulement vous rappeler que, afin de mettre fin à la résistance locale, les Russes ont délibérément isolé ces villages de tout soutien permettant aux gens de partir.
    Nous étions au courant des disparitions, bien sûr, des meurtres, des viols et de la violence sexuelle, mais quand j'ai vu cette photo, ce tableau, et quand nos collègues se sont rendus dans ces villes libérées, je vais être franche, j'étais sous le choc. Même moi, qui documente des crimes de guerre depuis huit ans déjà... Je ne m'attendais pas à un tel tableau. J'en avais une idée systématique et générale. Il s'agissait assurément de crimes de guerre, voire, je dois l'admettre, de crimes contre l'humanité, car tous les villages étaient sous le contrôle des Russes.
    Je vais vous raconter une histoire que nous avons documentée avant la libération de cette ville. C'est l'histoire d'une femme dont le mari et le jeune fils circulaient à vélo au centre-ville pendant l'occupation de Boutcha afin de trouver de l'aide humanitaire et des médicaments. Ils ont été arrêtés par des soldats russes. Ils se sont immédiatement immobilisés et ont levé les mains dans les airs. Ils ont lancé: « Nous sommes des civils », et il était évident que c'était le cas. Mais les soldats russes ont commencé à tirer sur eux. Ils ont tué le père sous les yeux du fils, qu'ils ont gravement blessé et qui a été chanceux de s'en tirer. Nous avons parlé à cette femme qui a perdu son mari et probablement sauvé son fils.
    Même la guerre a ses règles et doit être menée selon le droit international humanitaire, qui obligeait cette force à faire une distinction claire entre des militaires et des civils, mais la Russie a entre autres recours aux crimes de guerre comme mode opératoire. La Russie a délibérément ciblé des civils. C'est pour cette raison que les pertes sont énormes. C'est pour cette raison que je réfléchis maintenant, à titre de défenseur des droits de la personne, non seulement à la façon de mener une enquête en bonne et due forme et de colliger toutes ces preuves pour que justice soit éventuellement rendue, car la justice vient toujours plus tard... Mais pour moi, la question principale demeure la suivante: que puis‑je faire comme personne pour mettre fin à ces crimes de guerre, pour éviter qu'il y ait d'autres victimes de crimes de guerre, ce qui est une tâche beaucoup plus difficile.
    Merci.

  (1955)  

    Passons maintenant à M. Viersen.
    Vous avez la parole pendant sept minutes.
    Je vais céder la parole à Mme Valko, si elle souhaite répondre à la même question, en fournissant des précisions.
    J'ai vu des photos de personnes qui semblent avoir les mains liées dans le dos, mortes dans la rue, des choses du genre. Y a‑t‑il d'autres cas précis que nous devrions savoir par rapport à ce qui sera présenté devant les tribunaux des droits de la personne?
    Madame Valko, je suis vraiment désolé de vous interrompre. Les techniciens du son demandent que vous placiez votre micro plus proche de votre bouche, s'il vous plaît.
    Merci.
    Il est très difficile de choisir une histoire à vous raconter, car nous avons beaucoup de preuves. Je crois que je vais en profiter pour vous dire, au nom du Sud de l'Ukraine sous occupation, puisque c'est ma terre natale, et que mes parents vivent aujourd'hui l'occupation... Mon père, dimanche, s'est rendu à une manifestation pacifique en soutien aux villes ukrainiennes, et on a commencé à tirer sur les manifestants pacifiques. La question sur ces personnes tuées... Et vous avez vu les photos de Boutcha. Cela s'est produit partout en Ukraine. Partout en Ukraine, il y a eu des kidnappings et des disparitions forcées, des actes de terreur, l'utilisation de la torture contre les dirigeants, les maires, les journalistes et les civils, qui n'occupent aucun poste, n'ont aucun intérêt, et se rendaient simplement chercher de l'eau pour leur famille, réfugiée au sous-sol.
    Dans l'oblast de Kherson, d'où je viens, nous avons confirmé la disparition forcée d'au moins 23 activistes, qui n'ont pas tous été retrouvés. Certains ont été retrouvés morts, comme la cheffe du village de Motyshyn. Elle a été retrouvée morte. Elle a été kidnappée, ainsi que son mari, puis a été retrouvée dans une des fosses communes de Boutcha, son corps présentant des traces de torture. Toutes les personnes qui sont actuellement dans les territoires occupés sont terrifiées à l'idée que cette terreur se poursuive dans leur ville et qu'elle prenne de l'ampleur.

  (2000)  

    Pouvez-vous répéter le nom de la journaliste?
    Je m'appelle Svitlana Valko.
    Non, la femme victime de torture dont vous venez de parler. Ils ont retrouvé son corps. Comment s'appelait-elle déjà?
    Elle s'appelait Olga...
    C'est Sukhenko.
    Oui, Olga Sukhenko et Igor Sukhenko, son mari.
    Madame Pokalchuk, avez-vous une déclaration à faire là‑dessus vous aussi?
    Oui, mais je crois que mes collègues ont déjà soulevé beaucoup de problèmes et je ne sais pas quoi ajouter. Rapidement, je pourrais dire que, bien franchement, vous devez maintenant comprendre qu'il y a de plus en plus d'histoires et qu'elles sont toutes horribles, absolument horribles. Il y a tant d'horreurs.
    Peut-être que la seule chose que je souhaite soulever maintenant a trait aux personnes âgées et handicapées à qui j'ai déjà fait référence dans mon intervention précédente. C'est un problème, et c'est une situation catastrophique pour les personnes âgées et handicapées dans les différentes villes assiégées ou occupées par les forces russes. Nous avons recueilli des preuves auprès de beaucoup de personnes dans nombre de villes et de villages, et elles montrent toutes que les personnes âgées meurent sans les médicaments adéquats, voire sans aucun médicament, sans nourriture ni eau.
    Il y a quelques jours, j'ai documenté l'histoire d'une personne de 87 ans. Elle a été évacuée d'Izioum, et je crois que vous savez où c'est. Elle est très âgée et seule. Elle a été évacuée et n'a pas d'argent. Quand mon collègue était chez elle, il n'y avait qu'un œuf dans son frigo. Elle n'avait pas d'argent, pas de médicament, pas de nourriture, seulement un œuf.
    Merci.
    Passons maintenant à M. Trudel.
    Vous disposez de sept minutes, monsieur.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie infiniment nos trois témoins de comparaître ce soir. Je ne sais pas exactement quelle heure il est en Ukraine, mais j’imagine que c’est quelque part au milieu de la nuit. Or ils sont avec nous pour témoigner de ce qui se passe là-bas.
    C'est surtout par le truchement des médias écrits et des médias sociaux que nous en apprenons sur la guerre. Or vous nous offrez un témoignage de première main en comparaissant ici aujourd’hui. Je vous remercie grandement de votre présence.
    Madame Matviichuk, plusieurs sanctions ont été imposées à la Russie dans le but de mettre fin à cette guerre. On a notamment exclu la Russie du système financier SWIFT. Plusieurs pays ont exercé des pressions, mais, malheureusement, la guerre continue et on ne sait pas du tout quand elle va se terminer.
    Pensez-vous que les sanctions imposées par l’Occident à la Russie ont eu un effet ou vont en avoir un? Faudrait-il encore plus de sanctions et, si oui, quelles sanctions devrait-on imposer à la Russie?

  (2005)  

[Traduction]

    Merci beaucoup pour cette question importante.
    L'imposition de sanctions est un début. Toutefois, il n'y a pas assez de sanctions efficaces pour, d'abord, juguler la capacité de la Russie à poursuivre cette guerre et, ensuite, forcer la Russie, et plus particulièrement ses hauts dirigeants, à payer un prix élevé pour cette agression soutenue. Il ne se passe rien.
    Si nous examinons en détail les sanctions imposées, nous constatons qu'elles manquent de conviction. Selon la banque centrale russe, l'économie russe, dans la foulée des sanctions, connaîtra un repli d'au plus 8 %, ce qui n'est rien par rapport aux atrocités et à la destruction commises par les Russes en Ukraine.
    Seulement quelques banques russes ont été exclues du système SWIFT. Quelques-unes seulement, pas toutes. Les limites imposées n'ont pas eu d'incidence sur Sberbank, la plus grande banque de Russie. Le pays est donc tout à fait apte à stabiliser le rouble, surtout vu la hausse des prix du gaz et du pétrole, et le refus des démocraties occidentales de mettre un embargo total sur le commerce énergétique avec la Russie.
    La Russie continue de recevoir d'importantes sommes d'argent grâce aux exportations d'énergie, ce qui est un autre aspect important. Les spécialistes économiques de Bloomberg s'attendent à ce que la Russie tire près de 321 milliards de dollars de ses exportations énergétiques cette année, soit une augmentation de près du tiers par rapport à l'an dernier. Cette somme serait suffisante pour permettre à la Russie de temporairement subir les répercussions des dernières sanctions avant que celles des sanctions à plus long terme ne soient perceptibles. Il y a un besoin criant d'un nouvel embargo sur le pétrole, le gaz naturel, les produits pétroliers et le gaz naturel liquéfié russes.
    Je crois que le problème n'est pas que les démocraties occidentales ne savent pas quoi faire pour juguler la capacité de l'économie russe à financer cette guerre. Le problème réside plutôt dans l'ambivalence des démocraties occidentales qui hésitent à sortir de leur zone de confort et à prendre les mesures qui s'imposent.

[Français]

     Je vous remercie.
    Depuis un mois, nous avons beaucoup parlé de l'accueil de réfugiés au Canada, et nous faisons pression sur le gouvernement pour qu'une passerelle aérienne soit mise en place afin de nous permettre d'aller chercher les réfugiés dans les pays limitrophes de l'Ukraine.
    Cependant, nous ne sommes pas certains que les gens qui se trouvent dans les pays limitrophes auront envie de venir au Canada, qui est tout de même de l'autre côté de l'océan. Nous pensons que les réfugiés iront peut-être dans des pays plus proches du leur, en Europe.
    En ce moment, quelles sont les priorités en lien avec le conflit en Ukraine? En tenant compte de ce que vous venez de dire, comment les pays occidentaux peuvent-ils faire pression sur la Russie pour mettre fin à ce conflit?

[Traduction]

    D'abord, il est important d'appeler les choses par leur nom. Ce n'est pas un « conflit », mais bien une « guerre » menée par la Russie contre l'Ukraine.
    Plusieurs choses doivent être faites. Premièrement, nous demandons que l'Ukraine reçoive des chasseurs à réaction, des systèmes de défense aérienne, des chars d'assaut, des systèmes antimissiles et d'autres armes.
    Deuxièmement, nous avons besoin de sanctions économiques qui juguleront la capacité de la Russie à poursuivre la guerre.
    Troisièmement, cette guerre en est aussi une d'information, puisque la désinformation est devenue, selon Sergueï Shoigu, ministre de la Défense russe, une nouvelle arme. Nous devons aider l'Ukraine à lutter contre la désinformation.
    Quatrièmement, le Canada peut monter une coalition pour la création d'un tribunal international hybride permettant la poursuite en justice et la condamnation des criminels de guerre russes.
    Cinquièmement, de l'aide binationale est nécessaire pour appuyer l'Ukraine.
    Sixièmement, les organisations internationales doivent assurer une présence et une surveillance en zone de guerre, dans les villes occupées et dans les évacuations de civils. Elles doivent être sur place pour concrétiser leur mandat et travailler avec nous plutôt que de rester à Genève, à Vienne et à La Haye ou d'autres lieux sûrs.
    Vous devez êtes solidaires avec nous en ces temps tragiques.
    Merci.

[Français]

    Madame Valko, vous avez la main levée. Est-ce parce que vous souhaitiez répondre à la même question?

[Traduction]

    Je veux ajouter que je suis entièrement d'accord avec Mme Matviichuk. Je souhaite vous communiquer un fait qui m'a profondément marquée. Les troupes qui ont quitté la région de Kiev se sont rendues au Bélarus, sont passées au bureau de poste, où elles ont expédié chez elles deux tonnes de biens ukrainiens, fruit du pillage des maisons de Boutcha, de Hostomel et de Moshchun. Deux tonnes. Beaucoup de pillards ont déjà été identifiés. Ces personnes ont vraiment besoin de ces biens, donc elles ont pris des choses courantes, comme des mélangeurs, des jouets pour les enfants, des vêtements et des meubles. Deux tonnes de biens pris dans nos maisons ont été envoyés aux familles russes de l'extrême Est du pays. J'estime que les sanctions économiques sont au cœur de ce pillage.
    Je veux ajouter que le Canada est aussi en mesure de nous aider à lutter contre l'impunité à plus long terme, et de nous aider à recourir aux possibilités de la compétence universelle qui permet à différents pays d'ouvrir une enquête sur ceux qui ont commis ces crimes de guerre et ces crimes contre l'humanité.
    Je suis entièrement d'accord avec la présence des organisations internationales. Nous étions à la réunion de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ou OSCE, à Vienne, la semaine dernière. La Mission spéciale de surveillance en Ukraine de l'OSCE était la plus importante de l'histoire de l'organisation. Elle a quitté le pays une semaine avant le déclenchement de la guerre, en se demandant le type de surveillance et de sécurité qu'elle pouvait fournir à l'Ukraine par sa présence.
    Nous avons besoin d'une prise de position plus ferme face à la Russie et d'un meilleur soutien à l'information afin que l'on sache vraiment ce qui se passe dans le pays.

  (2010)  

[Français]

     Je vous remercie.

[Traduction]

    Passons maintenant à Mme McPherson pendant sept minutes.
    Merci beaucoup. Je tiens aussi à remercier les témoins pour leur contribution. Merci pour tout ce que vous faites pour documenter les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre qui ont cours dans votre pays. Je suis tellement désolée que cela se produise.
    Aujourd'hui, tous les députés à la Chambre des communes ont voté en faveur d'une motion pour reconnaître ce qui se passe dans votre pays et l'appeler par son nom, soit des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre. Tous les députés ont voté en faveur de la prise de nouvelles mesures et d'une aide accrue au peuple ukrainien.
    Aujourd'hui, je veux axer mes questions sur deux choses. D'abord, de quelle façon pouvons-nous rendre la vie beaucoup plus difficile pour Vladimir Poutine et les Russes? Je veux parler un peu des conséquences. Je veux aussi que vous me disiez comment nous pouvons vous aider.
    Du point de vue des conséquences, évidemment, les crimes de guerre sont définis par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Il y a donc l'article 8, puis l'article 7, celui des crimes contre l'humanité. Il va sans dire que nous devons utiliser ces outils.
    J'aimerais obtenir quelques renseignements de vous toutes. Peut-être pourrais‑je commencer par vous, madame Pokalchuk. En ce qui a trait à la façon dont ces violations des droits de la personne, ces crimes de guerre et ces crimes contre l'humanité sont documentés, comment le Canada peut‑il aider à documenter et à répertorier ces crimes afin qu'ils puissent être recevables à la Cour pénale internationale?
    Merci beaucoup pour cette question.
    Je vais maintenant préciser ce que je voulais mentionner en réponse à la question précédente. Je vais répondre aux deux en même temps.
    J'aimerais être très précise dans ma réponse, mais l'Ukraine n'était absolument pas prête à examiner le nombre de corps qui doivent l'être aujourd'hui. Nous nous trouvons dans une situation où nous n'avons pas assez de réfrigérateurs, et nous n'avons pas assez d'experts en médecine qui peuvent rapidement procéder à un examen. Je parle des expertises judiciaires. C'est très précis et détaillé, je le sais, mais aussi très important en réponse à vos questions, car cette documentation est appropriée. Si des recommandations s'imposent, une fois tous les renseignements sur les corps recueillis, ces expertises vont constituer le fondement de nos appels et de tout notre travail, que ce soit devant la Cour pénale internationale, la Cour internationale de Justice, voire toute autre institution éventuellement créée par divers pays pour enquêter sur les événements en Ukraine.
    Il est très important de soutenir dès maintenant l'Ukraine en matière d'expertise judiciaire et de réfrigérateurs, car, bien franchement, nous avons des problèmes avec les corps d'Ukrainiens tués ou torturés, et ceux d'Ukrainiennes violées et tuées. En outre, nous avons les corps de soldats russes, et la grande question est de savoir ce que nous allons en faire, car nous devons prendre des prélèvements d'ADN. Il doit y avoir un examen approprié des corps, car la preuve l'exige. C'est très important pour l'avenir. Comme je l'ai dit d'emblée, l'Ukraine n'était absolument pas prête pour cela. Nos médecins et experts en médecine font tout leur possible et travaillent 24 heures sur 24, sept jours sur sept, mais ce sont des êtres humains. La tâche est impossible en raison de l'énorme quantité de corps.
    Je crois que c'est quelque chose que le gouvernement et la population du Canada pourraient appuyer et qui nous serait très utile.

  (2015)  

    Merci.
    Madame Matviichuk, vous avez la parole.
    Je voudrais me concentrer sur les possibilités d'aider l'Ukraine à traduire les coupables en justice. Je commencerai par parler de la situation relative à la Cour internationale. La Cour pénale internationale a ouvert une enquête après une pause d'un an, et elle l'a fait seulement à la demande de 39 pays. Son travail est important, mais la justice internationale est lente. En outre, conformément à ses politiques, la CPI se concentre exclusivement sur les hauts responsables et sur des cas particuliers sélectionnés. Cela signifie que des milliers d'auteurs de crimes commis de leurs propres mains ne relèveront pas de son mandat. Par conséquent, en plus de faire appel à la CPI, il est nécessaire de travailler en parallèle à l'application d'autres mécanismes juridiques.
    Que peut-on faire de plus? Le Canada pourrait utiliser les dispositions de sa loi nationale reposant sur le principe de la compétence universelle pour poursuivre les criminels de guerre qui ont commis des crimes internationaux en Ukraine. Le Canada pourrait prendre l'initiative de créer une coalition d'États qui établirait un tribunal international hybride. Ce tribunal international hybride pourrait juger tous les crimes internationaux commis pendant cette guerre. Il pourrait également avoir compétence pour s'occuper d'un crime comme l'agression, qui ne peut pas être considéré par la Cour pénale internationale lorsqu'il s'agit de la situation actuelle de l'Ukraine.
    Merci.
    Merci.
    Madame Valko, je vois que vous avez aussi levé la main.
    Oui, je suis tout à fait d'accord pour dire que la CPI travaille lentement, et la procureure précédente nous disait toujours qu'elle n'avait pas assez de ressources pour enquêter sur des crimes de l'ampleur de ceux qui sont commis en Ukraine. Trois mois avant la guerre, le nouveau procureur soutenait que nous avions suffisamment de ressources en Ukraine pour faire appel à nos propres procureurs pour mener des enquêtes, et qu'il n'allait pas ouvrir de dossier.
    Je ne sais pas combien de ressources ils ont à l'heure actuelle. Je conviens que la CPI devrait être soutenue et financée par le Canada, mais je suis également d'accord pour dire que le Canada pourrait aider les enquêteurs ukrainiens, premièrement en exerçant diverses pressions dans le secteur de la justice.
    L'Association du Barreau canadien a déjà communiqué avec nous, et ils ont proposé de nous aider à ouvrir les dossiers de compétence universelle non seulement au Canada, mais aussi dans les pays d'Amérique du Sud et d'autres pays qui ont cette possibilité, dont l'Argentine.
    Je crois que le Canada prend déjà beaucoup de mesures dans ce domaine et qu'il est prêt à apporter son aide, mais je pense aussi que nous devrions coopérer davantage pour établir des liens entre les preuves. Je suis d'accord pour dire que les Ukrainiens veulent que des comptes soient rendus pour tous les crimes et que nous avons vraiment besoin d'un tribunal spécial et de procédures spéciales.
    Nous pensons, par exemple, que les Russes utilisent désormais des bombes aériennes FAB‑500. Il s'agit de bombes aériennes polyvalentes de 500 kilogrammes qui sont hautement explosives. Dans le passé, les Russes ont utilisé ces bombes — ces mêmes armes — sans distinction en Afghanistan et en Syrie.
    Nous pourrions coopérer et enquêter ensemble sur les schémas d'attaques et les liens ou les preuves. Il est probable que les mêmes personnes aient commis bon nombre des crimes de guerre perpétrés avant les événements survenus en Ukraine. Il est très important de lutter contre l'impunité et de montrer aux personnes qui ont commis ces crimes en Ukraine et auparavant qu'elles seront punies. C'est très important non seulement pour l'avenir de l'Ukraine, mais aussi pour l'avenir d'autres pays qui sont menacés par la Russie.

  (2020)  

    Merci.
    Merci, madame Valko.
    Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions, et je demande à tous les députés d'intervenir en moins de trois minutes.
    Nous allons commencer par donner la parole à M. Zuberi.
    Je voudrais vous remercier toutes les trois de vous être jointes à nous et vous féliciter de votre courage et votre force. Comme vous pouvez le constater, toutes les personnes dans la salle sont unies et solidaires envers vous.
    Pendant cette intervention de trois minutes, j'aimerais accorder à Mme Matviichuk la moitié de ce temps, s'il y a lieu. En tant que défenseur des droits de la personne, je comprends ce que vous dites. J'ai moi-même une formation militaire, mais je travaille aussi dans le domaine des droits de la personne depuis environ 20 ans.
    J'aimerais savoir comment, en tant qu'avocate spécialisée dans les droits de la personne, vous conciliez votre travail avec le soutien militaire et les armes que vous demandez pour assurer la défense de votre pays. Pouvez-vous nous expliquer ce paradoxe?
    Je m'attendais à me trouver dans une telle situation parce qu'au cours de ces 20 années de travail dans le domaine de la protection des droits de la personne, le droit était mon principal outil, mais maintenant, le droit ne fonctionne pas. La loi n'a pas pu protéger les habitants des territoires occupés. Nous, les membres d'Euromaidan SOS, avons reçu quotidiennement des dizaines de demandes d'aide de la part d'habitants de Kherson, Melitopol, Berdyansk, Kahovka, Slavutych et Energodar.
     Ils nous ont demandé de l'aide, car ils ne pouvaient pas s'échapper de la ville. Ils nous ont parlé de disparitions forcées, de menaces, de sévices corporels, d'intimidation et d'arrestations illégales de leurs proches, de leurs voisins et de gens impliqués comme des journalistes, des défenseurs des droits de la personne, des militants de la société civile, etc. Malheureusement, j'ai vu de mes propres yeux comment le droit humanitaire des conflits armés, la Convention de Genève et l'ensemble du droit international, auxquels j'ai consacré toute ma vie, gisent maintenant parmi les ruines et ne m'aident pas à faire mon travail de protection des personnes, de leurs libertés, de leurs vies et de leurs droits. C'est la raison pour laquelle j'ai fait ce choix difficile — désolée, mais nous voulons survivre.
    Tôt ou tard, la guerre prendra fin, et nous serons en mesure de rétablir l'ordre international. Je suis totalement convaincue que les mécanismes juridiques fonctionneront à l'avenir et que les traîtres devront répondre de leurs actes et faire face à la Cour internationale ou à un tribunal hybride international si nous le créons. Mais pour le moment, nous sommes en train de mourir, et nous n'avons pas d'autre choix que de nous défendre contre les troupes russes et de sauver nos civils. Nous ne pourrions pas défendre notre peuple, notre patrie et nos valeurs sans armes. Voilà pourquoi je demande des armes.
    Même si je demande des armes, je suis sûre que Poutine ne craint pas l'OTAN; Poutine craint la notion de liberté. Il a commencé cette guerre en 2014, à l'époque où nous avons entrepris une révolution de la dignité, où nous avons anéanti un régime autoritaire et obtenu la chance d'opérer une grande transformation démocratique. Maintenant, dans le cadre de cette guerre, nous demandons des armes parce que nous voulons vivre et construire un pays où les droits de chacun sont protégés, où le pouvoir judiciaire est indépendant, où le gouvernement est responsable et où les policiers n'agressent pas les manifestants pacifiques.
    Merci.

  (2025)  

    Merci.
    Nous allons maintenant céder la parole à M. Cooper.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'avoir apporté des témoignages importants qui expliquaient en détail certains des crimes flagrants qui ont été commis ou qui sont commis en ce moment par le régime de Poutine.
    À voir le ciblage délibéré des civils, le ciblage des écoles et des hôpitaux et d'autres infrastructures civiles, il est clair qu'il ne s'agit pas d'actes perpétrés par quelques soldats voyous, mais plutôt d'une campagne systématique organisée par le régime de Poutine, comme l'ont indiqué les témoins. À cet égard, je félicite M. Oliphant d'avoir exposé la position du gouvernement du Canada qui consiste à cesser d'utiliser le mot « présumé » et à désigner ces crimes par le nom qui leur convient, c'est-à-dire celui de « crimes de guerre ».
    Aujourd'hui, les États-Unis et le Royaume-Uni ont demandé que la Russie soit suspendue du Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Croyez-vous que, si le Canada se joignait aux États-Unis à cet égard, il ferait un pas, petit mais important, dans la bonne direction?
    Voulez-vous parler en premier?
    Je dirais que nous croyons fermement que le Canada devrait prendre cette mesure.
    J'appuie cette idée. J'ai personnellement fait campagne auprès de nos organisations internationales partenaires établies à Genève pour que la Russie soit suspendue du Conseil des droits de l'homme des Nations unies.
    Il est immensément honteux que le représentant de la Russie soit présent au Conseil et soit responsable des mandats relatifs aux droits de la personne d'un pays comme la Russie. Cela discrédite l'ensemble du système des Nations unies.
    Cette expulsion ne pourra pas arrêter la Russie pour l'instant, mais elle envoie un message important à tous les hauts responsables russes et aux dirigeants russes, afin de leur faire comprendre qu'un tel comportement n'est pas toléré et qu'ils ne font pas partie du monde civilisé.
    Si je peux me permettre, je ne formulerai pas d'observations à cet égard.
    Merci.
    Merci.
    Merci, monsieur Cooper.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Trudel.

[Français]

     Madame Matviichuk, j'aimerais avoir votre avis sur le fait que le Canada a envoyé 10 membres de la GRC pour aider la Cour pénale internationale dans son enquête sur les crimes de guerre en Ukraine.
    Pensez-vous que cela a été utile? Est-il important de faire cela maintenant?

[Traduction]

    Le travail de la Cour pénale internationale est essentiel, mais il ne suffit pas. C'est la raison pour laquelle je demande au Canada de réfléchir à d'autres possibilités, afin de renforcer la manière dont les auteurs de crimes sont traduits en justice; les tribunaux pénaux internationaux ne se concentrent que sur quelques cas, et nous ne savons pas quels cas ils choisiront pour leur enquête.
    En ce qui nous concerne, il est très important de mettre fin au cycle de l'impunité et de traduire en justice toutes les personnes qui ont commis ces crimes de guerre de leurs propres mains — tous les commandants, tous les dirigeants politiques — ou qui ont créé la situation qui a rendu possibles ces crimes de guerre. C'est très important.
    Cela fait déjà huit ans que je documente des crimes de guerre. Nous avons uni nos efforts à ceux des défenseurs russes des droits de la personne et des défenseurs des droits de la personne de la Moldavie et de la Géorgie. Nous avons identifié les mêmes personnes qui ont commis des crimes de guerre en Tchétchénie, en Transnistrie, en Abkhazie, en Ossétie, en Crimée et dans le Donbass. Je suis sûre que si nous unissions nos efforts à ceux des défenseurs des droits de la personne de la Syrie, nous découvririons que ces personnes étaient également en Syrie.
    On dit que la Russie utilise la guerre comme un outil pour atteindre ses objectifs géopolitiques. La Russie n'a pas été tenue responsable de ce qu'elle a fait en Tchétchénie. Elle n'a pas été tenue responsable de ce qu'elle a fait en Abkhazie, en Ossétie ou en Syrie, même lorsqu'elle a utilisé des armes chimiques contre des civils.
    Il est temps de mettre fin à ce cycle d'impunité. En plus de faire appel à la Cour pénale internationale, nous devons appuyer l'idée énoncée hier par le président ukrainien qui consiste à créer un tribunal international hybride. Ce serait une très bonne chose si le Canada décidait de diriger ce processus et de créer une telle coalition. Cela pourrait nous permettre de concrétiser cette idée et de rendre justice à toutes les victimes de crimes de guerre en Ukraine.
    Merci.

  (2030)  

[Français]

    Je vous remercie, madame Matviichuk.
    Il me reste à peu près une minute et j'aimerais en profiter pour poser une dernière question.
    Pourriez-vous nous parler de la situation actuelle en Crimée?

[Traduction]

    En Crimée, nous observons trois grandes tendances.
    Pendant toutes ces années, la Russie a rapidement transformé l'ancienne station balnéaire en une puissante base. Ils ont formé une union interarmées dans la partie centrale de la mer Noire et se sont concentrés sur les attaques par missile balistique. Ces actions représentent un danger non seulement pour l'Ukraine, mais aussi pour d'autres pays, car les missiles balistiques peuvent atteindre leurs cibles dans les pays baltes, en Pologne, en République tchèque, en Israël, en Syrie, etc.
    La deuxième tendance est que l'ensemble de la population permanente de la Crimée est considérée par la Russie comme potentiellement déloyale. Par conséquent, après l'occupation, la Russie a mis en oeuvre une politique d'expulsion de la partie la plus impliquée de la population de la Crimée et l'a remplacée par des citoyens de la Fédération de Russie provenant de différentes régions, par le biais d'une migration contrôlée. En conséquence — et je ne connais pas les chiffres actuels —, le taux de croissance de la population de Sébastopol s'élevait à 14 % il y a trois ans, ce qui est sans précédent. Nous avons donc affaire à un déplacement forcé et à une colonisation, ce qui constitue en soi un crime de guerre.
    La dernière tendance que nous avons observée au cours de toutes ces années est qu'après l'occupation russe, la péninsule est devenue un terrain d'essai pour mettre à l'épreuve de nouvelles tactiques de guerre de l'information, de suppression de la dissidence et de formation de manoeuvres militaires. Essentiellement, la Russie a mené une expérience inédite de nos jours en matière d'intégration de territoires annexés, et cette expérience comprend des composantes comme l'imposition de la citoyenneté de la Fédération de Russie et une attaque complète des droits et libertés de la population, afin de maintenir son oppression.
    Le dernier point que je souhaite souligner, c'est la discrimination et la persécution délibérées du peuple tatare de la Crimée, le peuple indigène de la Crimée. Selon notre liste de prisonniers politiques, la majorité d'entre eux sont des Tatars de Crimée. Mon ami et collègue, Server Mustafayev, qui dirige l'organisme Crimean Solidarity, a été emprisonné dans une colonie pendant une très longue période, après avoir fait face à des accusations criminelles fabriquées de toutes pièces, uniquement parce qu'il a eu le courage d'assurer un travail de défense des droits de la personne dans la péninsule, où les gens ont été laissés seuls avec les occupants russes.

[Français]

     Je vous remercie.

[Traduction]

    Mme McPherson sera la première intervenante de notre dernière série de questions.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux donner à Mme Valko l'occasion de répondre à la dernière question qui a été posée, mais je vais également poser une brève question. Elle pourra y répondre, ainsi qu'à la question précédente.
    L'un des aspects auxquels je réfléchis, c'est la manière d'aider l'Ukraine de manière urgente et immédiate. Je pense que vous nous avez présenté de très bonnes mesures à prendre comme le soutien médico-légal, l'envoi de réfrigérateurs, l'expulsion de la Russie du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, des embargos commerciaux et l'examen des systèmes bancaires. Il y a de nombreuses mesures que nous pouvons nous employer à prendre au Canada.
    Je vais certainement présenter quelque chose au Comité afin que le Comité ait un énoncé à cet égard, mais en ce qui concerne le soutien humanitaire immédiat et à long terme, j'aimerais obtenir des renseignements à ce sujet. Le Canada devrait contribuer à aider l'Ukraine à faire face à la crise humanitaire actuelle, mais aussi à reconstruire le pays une fois que cette crise sera terminée et que cette guerre illégale aura pris fin.
    Madame Valko, pourriez-vous, s'il vous plaît, commencer à répondre à la question?
    J'aimerais commencer par la question précédente et compléter les propos de Mme Matviichuk.
    La majeure partie de la population ukrainienne voit à la télévision la propagande affirmant que les Russes ont déjà pris Kiev et Kharkiv, et que la Russie est partout en Ukraine et occupe les villes.
    En parallèle, il existe une opposition au gouvernement russe. La plupart des Tatars ukrainiens ont maintenant très peur d'être appelés à rejoindre l'armée russe pour combattre l'Ukraine, et ils cherchent des solutions. Les autorités ukrainiennes les soutiennent dans la recherche de différentes solutions pour échapper à cette obligation.
    De plus, la Crimée est devenue, contre toute attente, la voie qu'empruntent certains habitants de la région de Kherson bloqués par l'occupation pour s'échapper. Ils quittent donc la Crimée pour se rendre en Géorgie, en Arménie et en Turquie.
    Comme nous l'avons déjà dit, de nombreux habitants de Marioupol et des régions de Donetsk et de Luhansk tentent également de s'échapper par la Russie. Certains d'entre eux y parviennent, et ils se présentent parfois dans ces pays sans aucun document. D'autres n'y parviennent pas, car la Russie leur retire tous leurs papiers et les force à rejoindre des camps de concentration.
    Le Canada pourrait probablement sensibiliser les organisations internationales, comme la Croix-Rouge et autres, à cette question et tenter de renvoyer ces personnes chez elles ou de les conduire dans un endroit plus sûr, afin de restaurer non seulement leur dignité, mais aussi leur citoyenneté.
    Pour répondre à l'autre question que vous avez posée, je pense que le Canada fournit beaucoup de soutien humanitaire à l'Ukraine, et nous en sommes très reconnaissants. Comme nous l'avons déjà dit, ce dont nous avons réellement besoin est que vous apportiez un peu de soutien à vos soutiens. Ce que je veux dire est que certains camions remplis d'aide humanitaire n'ont jamais atteint leur destination, car les Russes attaquent les camions et les convois humanitaires, et les pillent très souvent pour ensuite distribuer ces articles en prétendant qu'il s'agit de leur propre aide humanitaire aux citoyens de Marioupol.
    L'appui de cette aide humanitaire par des organisations internationales ou par des ministres des affaires étrangères, comme celle du Canada, nous serait très précieux, car l'Ukraine a non seulement besoin d'une aide humanitaire, mais aussi d'une aide pour l'acheminer vers les personnes qui en ont le plus besoin, y compris dans les territoires occupés, où les pharmacies n'ont pas de médicaments parce que rien n'arrive de Russie ou d'Ukraine. Dans la région de Kherson, il n'y a pas de médicaments, et il n'y a aucune possibilité — le gouvernement russe ne le fera pas — de les y acheminer. Une pression devrait être exercée sur eux, non seulement par l'Ukraine, mais aussi par d'autres pays.

  (2035)  

    Merci, madame Valko.
    Merci beaucoup, madame Valko, madame Matviichuk et madame Pokalchuk.
    Je peux vous dire que vos témoignages ont été extrêmement forts et convaincants. Je ne me souviens pas d'avoir vu tous les députés regarder et écouter aussi attentivement qu'ils l'ont fait aujourd'hui.
    Nous tenons à vous remercier et à vous féliciter pour le travail extraordinaire que vous accomplissez. Vous veillerez, vous et d'autres, à ce que la justice et la responsabilité prévalent.
    Vous nous avez parlé des nombreuses atrocités qui sont actuellement commises et du fait qu'elles ne peuvent être niées de manière plausible. Nous vous avons également entendu dire que la communauté internationale devrait utiliser tous les mécanismes juridiques dont elle dispose pour que la justice triomphe. Enfin, en tant que pays, nous devrions veiller à ce que le Canada fasse tout ce qui est en son pouvoir pour vous aider.
    Merci beaucoup pour tout ce dont vous nous avez fait part, et prenez bien soin de vous.
    Merci.
    Je demanderai aux députés de rester.

  (2040)  

    Monsieur le président, avant de passer à huis clos, il est 20 h 40. Nous avons largement dépassé l'heure fixée, qui était 20 h 30. Nous savions que nous avions du travail. Je me remets de la COVID, et beaucoup d'entre nous vont également la contracter, alors je propose une motion d'ajournement.
    Très bien: La séance est levée.
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