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SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 003 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 février 2022

[Enregistrement électronique]

  (1830)  

[Traduction]

     Bonsoir. La séance est ouverte.
    Le Comité permanent de la science et de la recherche tient sa 3e séance.
    Nous accueillons quelques témoins ce soir. J'ai hâte d'entendre leurs exposés et les questions qui leur seront posées par la suite.
    Nous allons commencer par l'exposé de six minutes de Mme Runte.
    Vous avez la parole.

[Français]

    Établie il y a 25 ans pour mettre fin à la perte de talent canadien au profit d'autres pays, la Fondation canadienne pour l'innovation, ou FCI, investit dans l'infrastructure de pointe.

[Traduction]

    Nous permettons ainsi aux chercheurs des universités, collèges et hôpitaux canadiens de voir grand, d'innover et montrer la voie à suivre. La FCI est un organisme indépendant à but non lucratif qui n'a aucun lien de dépendance avec le gouvernement. Nous investissons, au nom du gouvernement du Canada, 40 % du coût total des projets d'infrastructure, les secteurs privé et sans but lucratif de la province couvrant les 60 % restants. Il s'agit d'une contribution importante à l'édification de la nation qui crée en même temps un écosystème de recherche de classe mondiale.
    Depuis sa création, la FCI a investi plus de 9 milliards de dollars dans plus de 12 000 projets menés dans 170 établissements de recherche répartis dans 80 municipalités au pays. Si l'on ajoute les contributions des partenaires, le montant s'élève à plus de 20 milliards de dollars. Les investissements de la FCI ont soutenu l'émergence de domaines de recherche aussi divers que l'énergie propre, l'informatique quantique et la médecine de précision.

[Français]

    Par exemple, le Centre d'optique, photonique et laser de l'Université Laval se trouve au cœur d'un nouveau secteur industriel concentré entièrement sur l'usage de lasers sophistiqués et qui regroupe 70 compagnies et centres de recherche. Il emploie plus de 3 000 personnes hautement qualifiées dans la ville de Québec.

[Traduction]

     Nous travaillons en collaboration avec les conseils de subventions à la recherche, qui financent les particuliers, tandis que la FCI finance les établissements. La croissance de nos plus grands établissements de recherche signifie que le Canada peut rivaliser avec les meilleurs au monde. L'Université de Toronto, l'Université de la Colombie-Britannique et l'Université McGill se classent parmi les 50 premières au monde, ce qui témoigne du talent, de la créativité et de la réputation mondiale de nos chercheurs.
     Les retombées cumulatives de nos investissements ont le pouvoir de catalyser et de transformer l'économie des régions. Par exemple, les viticulteurs de la Colombie-Britannique et de la région du Niagara dépendent de la recherche pour développer des vignes résistantes aux moisissures et au froid. La FCI a été l'un des premiers investisseurs dans l'Institut Perimeter de Waterloo, alors une région essentiellement agricole. Aujourd'hui, cette installation hors du commun accueille des chercheurs du monde entier et a vu naître autour d'elle un secteur de haute technologie prospère où les chercheurs en informatique quantique, en collaboration avec des chercheurs de Montréal, Sherbrooke et Vancouver, sont sur le point de faire de nouvelles percées.
     Les provinces ont joué un rôle central dans le succès de la FCI. Lorsque nous les avons consultées au sujet de la possibilité d'un fonds de recherche biomédicale, elles voulaient toutes s'assurer que leurs chercheurs étaient équipés pour faire face aux futures épidémies de maladies infectieuses et jeter les bases d'un secteur dynamique des sciences de la vie au Canada.
    Nous savons maintenant que nous ne devons pas nous en tenir à la collaboration internationale. Lorsque les frontières se ferment, nous devons aussi être autonomes et mettre en place une chaîne d'approvisionnement qui va des idées et de la découverte à la fabrication et à la commercialisation de l'innovation.
    À l'heure actuelle, nous voyons des pays partout dans le monde investir massivement dans la recherche et fonder leurs espoirs sur ces investissements pour connaître une relance économique rapide. Notre voisin du Sud encourage les jeunes chercheurs à prendre des risques et, le cas échéant, à tirer des leçons de leurs échecs. Au Canada, nous n'avons pas une population ou des ressources suffisantes pour permettre des investissements à une telle échelle, et nous n'avons pas non plus le luxe de l'échec. Nous devons investir judicieusement et continuer à encourager la recherche en combinant concurrence et collaboration, et en créant des réseaux et des partenariats à l'échelle nationale et internationale. C'est en créant des occasions de convergence entre les disciplines, de rassemblement au sein de notre population diversifiée et de rencontre entre les grands esprits sur notre vaste territoire que nous avons le plus de chances de réussir.
     Le Canada est une fois de plus aux prises avec une pénurie d'employés qualifiés et hautement qualifiés. Il y a une course mondiale aux talents et tous les efforts doivent être faits pour garder nos meilleurs cerveaux au Canada. Nous pensons que la solution se trouve en partie à l'intérieur de nos frontières. Nous avons récemment mené une enquête nationale auprès des jeunes pour savoir comment ils perçoivent la science et ce qui influence et façonne leurs attitudes et leurs perceptions. La bonne nouvelle est que 70 % d'entre eux ont déclaré que l'on peut se fier à la science parce qu'elle est fondée sur des faits et non sur des opinions. Mieux encore, 77 % d'entre eux pensent que la science est un bon domaine pour faire carrière. Nous devons nous assurer qu'ils peuvent réaliser ce rêve.

  (1835)  

     Pour la FCI, cela signifie qu'il faut fournir des espaces pour l'apprentissage pratique des principes et des techniques de recherche, des espaces où ils seront inspirés et motivés pour marcher sur les pas de scientifiques comme Donna Strickland, ou Mona Nemer, ou votre présidente, Kirsty Duncan.
     Il y a aussi un message pour nous tous ici ce soir. Cinquante-sept pour cent des jeunes adultes croient qu'il est essentiel que les politiciens et les gouvernements canadiens s'appuient sur la science lorsqu'ils prennent des décisions politiques. J'aimerais donc saluer votre rôle moteur dans le soutien de la recherche. La recherche nous offre non seulement des solutions réelles aux problèmes mondiaux, mais aussi de l'espoir, et c'est sans doute ce dont le monde a le plus besoin pour passer de sa situation postpandémique à l'atteinte de nouveaux sommets.
    Je vous remercie de votre aimable attention. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
    Je vous remercie beaucoup de votre exposé.
    Nous allons entendre notre prochain témoin avant de passer aux questions.
    Madame Nemer, allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

    Bonsoir, monsieur le président et membres du Comité. Je vous remercie de me donner la possibilité et le privilège d'échanger avec vous ce soir.
    J'aimerais d'abord vous féliciter tous d'avoir été nommés à cet important comité, dont la création est essentielle, non seulement pour le milieu de la recherche, mais aussi pour l'avenir de notre pays.
    Au cours des deux dernières années, alors qu'un nouveau virus balayait le monde et représentait une menace existentielle jamais observée depuis un siècle, nous avons vu la science en action comme jamais auparavant. La science nous a guidés tout au long de la pandémie et nous a donné les outils, des diagnostics aux vaccins en passant par les thérapies, qui ont sauvé des vies et qui nous permettent de revenir à un état plus normal. Les chercheurs se sont empressés d'en apprendre davantage sur le virus et sur la maladie qu'il engendre. Leurs découvertes ont soutenu les politiques publiques en temps réel et ont suscité un intérêt sans précédent du public pour la science, les conseils scientifiques et les décisions fondées sur des données probantes.

[Traduction]

    Pendant cette période, en ma qualité de conseillère scientifique en chef, j’ai communiqué avec des chercheurs canadiens qui ont généreusement participé à de nombreux groupes de travail et groupes d’experts pour aider à fournir des conseils scientifiques à notre gouvernement à l’appui de la gestion de la pandémie. Mentionnons entre autres des conseils sur les besoins en matière de recherche, le rôle des aérosols dans la transmission du virus, les répercussions de la maladie sur les enfants et des options pour la surveillance continue du virus et la détection précoce. La science et la recherche seront encore plus nécessaires après la pandémie pour nous aider à bâtir des sociétés saines, sécuritaires et durables, tout en nous soutenant dans la lutte pour l’atténuation des changements climatiques et dans notre adaptation à ces changements. C’est pourquoi le travail de ce comité est si important.
     Depuis sa création à l’automne 2017, mon bureau s’emploie à remplir son mandat, qui consiste à fournir des conseils au gouvernement sur, premièrement, l’amélioration du soutien à une recherche scientifique de qualité, y compris des lignes directrices pour un écosystème de science ouverte, et deuxièmement, l’amélioration de la fonction consultative scientifique au sein du gouvernement, y compris les processus de prise de décisions fondées sur la science.
     À cette fin, nous avons élaboré un modèle stratégique d’intégrité scientifique, qui a maintenant été mis en œuvre dans 22 ministères et organismes fédéraux, ainsi qu’une feuille de route pour la science ouverte, qui a également été adoptée par la communauté de la recherche au sein et à l'extérieur des ministères. De plus, pour encore mieux répondre aux besoins du gouvernement en matière de conseils scientifiques, nous avons recommandé la création d’un réseau croissant de conseillers scientifiques ministériels et avons contribué à sa création.
     Si vous me le permettez, je tiens à souligner le soutien inestimable de la présidente de votre comité, Mme Kirsty Duncan, à titre de ministre des Sciences, dans la mise sur pied de ce réseau des plus utiles.
    De plus, mon bureau a participé à la création du Groupe interministériel sur les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques autochtones, ou STIM-A, qui vise à accroître et à élargir le soutien aux priorités autochtones en matière de gérance environnementale et de recherche. Nous avons également participé activement à la collaboration scientifique internationale, ce qui a grandement profité à notre pays pendant la pandémie.

  (1840)  

[Français]

    Mon bureau continuera de fournir des conseils scientifiques sur des questions essentielles au bien-être des Canadiens, notamment la préparation aux situations d'urgence, l'adaptation aux changements climatiques, les technologies de pointe et la recherche et le perfectionnement des talents dans des secteurs clés.

[Traduction]

     L’acquisition de nouvelles connaissances scientifiques, leur mobilisation dans l’innovation technologique et leur utilisation prudente, appropriée et transparente dans le processus décisionnel du gouvernement contribuent au bien-être et à la prospérité de tous les Canadiens. Au fil des ans, nous avons connu des succès remarquables dans divers domaines, allant de la physique, de l’informatique et du génie aux sciences de la vie et aux sciences de la santé, qui se sont traduits par des technologies numériques et des produits de santé, entre autres innovations. Cependant, alors que de nombreux pays du monde ont accru leurs investissements dans la recherche pour stimuler leur économie, le Canada a réduit ses dépenses relatives en recherche et développement au cours des deux dernières décennies.
    Un rapport de 2018 du Conseil des académies canadiennes souligne à quel point le Canada est à la traîne des autres pays en matière de recherche concernant la plupart des technologies habilitantes et stratégiques, et représente une part relativement faible des résultats de la recherche mondiale dans des domaines prometteurs du développement technologique, notamment la biotechnologie, la nanotechnologie et la science des matériaux. Cela a évidemment une incidence directe sur notre capacité à créer des produits novateurs et des entreprises qui créeront des emplois et apporteront la prospérité.
    Le Canada peut encore rattraper ses pays pairs qui vont de l’avant et ont établi de grandes visions audacieuses en matière de sciences et de technologie. Nous avons les ingrédients essentiels, soit des gens talentueux et des installations de calibre mondial, pour le faire, mais pour y arriver, nous devons prioriser la science dans nos stratégies économiques.

[Français]

     La pandémie nous a déjà enseigné de nombreuses leçons, notamment l'importance de la recherche et de l'innovation, de la fabrication et de la production au pays des outils et des produits dont nous avons besoin, ainsi que le pouvoir que génère la collaboration entre le gouvernement, les entreprises, les universités et la société civile pour faire progresser les solutions scientifiques.
    La plupart des pays comparables au Canada accordent la priorité à la recherche et à l'innovation dans le cadre de leurs économies d'après pandémie, créant ainsi un environnement hautement concurrentiel pour attirer et retenir les talents et les investissements.

[Traduction]

    Alors que nous nous tournons vers un avenir qui aura encore plus besoin de la science et de la recherche, nous devons fixer des objectifs ambitieux pour notre pays et nous assurer de disposer d’un milieu et des conditions appropriés pour les atteindre. La découverte et le perfectionnement des talents reposent sur un écosystème de recherche prospère. Cet écosystème permet également le développement de la R-D axée sur la mission dans des secteurs prioritaires pour notre pays, qu’il s’agisse de la santé, de l’agriculture, de l’énergie ou des communications sécurisées.
     Pour résumer, la réaffirmation du caractère essentiel de la recherche se traduira par des avantages socioéconomiques pour tous les Canadiens. Le leadership scientifique nous fournira les outils nécessaires pour renforcer notre position internationale dans un monde de plus en plus complexe. Nous devons intégrer la science et l’innovation technologique à toutes nos politiques économiques, tout comme nous devons intégrer les conseils scientifiques dans nos processus décisionnels.
    Je suis impatiente d’aider le Comité dans le travail important qui l'attend.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie toutes les deux de vos exposés.
    Nous passons à la série de questions de six minutes.
    Monsieur Williams, vous êtes le premier intervenant.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, et je remercie aussi Mme Nemer et Mme Runte d'être les premières à venir témoigner devant le Comité permanent de la science et de la recherche. C'est très emballant.
    Si nous abandonnons un jour les secteurs pétrolier, gazier et minier au Canada, qui représente une part tellement importante de notre PIB, notre priorité pour l'avenir, pour assurer notre prospérité, sera l'innovation. Ce sont les grandes idées audacieuses et un sentiment d'urgence qui nous y mèneront.
    À l'heure actuelle, nous ne sommes pas parmi les premiers de classe, mais parmi les derniers. Les gouvernements Martin et Trudeau voulaient que nous soyons parmi les cinq premiers.
    Ma première question s'adresse à Mme Runte.
    Que devons-nous faire pour atteindre le cinquième rang?

  (1845)  

    Je crois qu'il faut faire un effort concerté et investir. Nous devons investir, d'abord et avant tout, dans les jeunes chercheurs afin d'avoir la prochaine génération de chercheurs et la main-d'œuvre nécessaires pour attirer les entreprises et favoriser le développement économique. Nous devons investir dans la recherche de pointe pour l'avenir. Nous devons améliorer constamment les installations en place et veiller à ce que nos investissements passés continuent de porter fruit. Nous devons soutenir nos grands établissements qui ont la possibilité de faire avancer les grands enjeux mondiaux.
    Nous devons aussi fournir aux établissements partout au pays, aux petits établissements de recherche en région, les ressources nécessaires pour que les jeunes, peu importe où ils habitent, puissent avoir la possibilité de faire comme Art McDonald, qui est originaire du Cap-Breton, a fait: obtenir un prix Nobel.
    Nous devons offrir des possibilités partout au pays, tout en soutenant la recherche de pointe dans certains établissements, et nous devons conserver et accroître les acquis.
    Je vous remercie beaucoup, madame.
    Le pays que je préfère en matière d'innovation est la Corée du Sud, un pays bien plus petit que l'île de Terre-Neuve, mais qui a le même PIB que nous, et la moitié de ce PIB provient d'entreprises novatrices: Samsung, LG, Hyundai.
    Les États-Unis nous devancent actuellement. Ce que je retiens de vos propos est qu'il faut innover dans l'innovation.
     Madame Nemer, nous avons, par exemple, les États-Unis qui ont leur nouvelle Energy Earthshots Initiative. Ils ont des cibles claires pour certains problèmes très technologiques. Ils sont actuellement engagés dans l'économie de l'hydrogène, le stockage à long terme des batteries et l'élimination des gaz à effet de serre. Hier, ils ont annoncé un projet géothermique.
    Le Canada devrait‑il se contenter d'établir un organisme canadien de recherche d’avant-garde, ou plutôt opter pour une initiative comme celles des États-Unis afin de prendre une longueur d'avance et améliorer ses capacités d'innovation au pays?
    Je crois que vous avez fait des observations très importantes. Nous devons nous pencher sur les sommes que ces pays investissent dans la recherche fondamentale, sur ce qu'ils font pour faciliter la conversion de la recherche en produits novateurs et aussi sur la nature de leur économie. Ils ont beaucoup plus d'entreprises du secteur privé qui font de la recherche dans ces pays.
    La dernière fois que j'ai regardé les données pour la Corée du Sud, les investissements dans la recherche y étaient incroyables et ils continuaient d'augmenter. Il y a aussi dans ce pays toute une culture de soutien, où les LG et les Samsung peuvent collaborer et aider les chercheurs en science fondamentale dans les établissements, etc.
    Je pense que nous devons créer un environnement de ce genre. Nous devons avoir, oui, de grandes ambitions. Nous devons décider d'avoir nos propres projets visionnaires basés sur nos besoins, nos capacités, notre avantage concurrentiel, et nous devons nous y mettre de façon déterminée et systématique.
    Je vous remercie. Je vais passer à ma dernière question.
    Madame Runte, devrions-nous imiter ce que font les États-Unis ou nos concurrents en matière d'innovation, ou le Canada devrait‑il plutôt se concentrer sur ce qui le distingue, disons, la transformation alimentaire ou d'autres technologies où nous pouvons être plus concurrentiels?
    C'est une excellente question. À mon avis, il ne faut pas se contenter des technologies qui vont servir à combler un vide. Il faut aussi regarder là où nous avons du talent, où nous avons déjà développé des compétences, et regarder ce qui cadre avec notre culture et nos capacités. Les bananes tropicales ne présentent aucun intérêt pour nous. Il faut regarder ce que nous avons ici au Canada. Qu'avons-nous? Dans quoi excellons-nous? Quelles sont nos forces?
    La Fondation canadienne pour l'innovation s'emploie notamment à tester cela. Nous organisons des concours et examinons nos points forts. En 1990, avant même que le terme « intelligence artificielle » soit utilisé, nous financions la recherche des chercheurs qui ont créé ce qui en est issu aujourd'hui. Quand nous avons investi dans l'Institut Perimeter à Waterloo, il n'y avait que des terres agricoles à cet endroit, mais des gens avaient une ambition, un objectif, et la motivation pour les voir se concrétiser.
    Je n'aurais pas choisi Waterloo — le maire n'aimera sans doute pas m'entendre dire cela —, mais c'était un choix brillant et tout s'est développé aux alentours. Il faut examiner qui sont nos gens, quels sont nos besoins et quels sont les besoins à l'échelle mondiale, et nous trouverons ensuite nos capacités et notre créneau, et nous serons très concurrentiels. Nous avons prouvé que nous pouvons y arriver. Dans le secteur de la médecine de précision, nous sommes très bien cotés dans le monde. Il y a aussi l'intelligence artificielle, et nous nous débrouillons très bien en recherche quantique, mais nous devons aller encore beaucoup plus loin.
    Nous examinons actuellement ce qui se fait au pays dans le secteur des technologies propres. C'est un secteur qui peut croître, mais il faut mousser la base. Je crois sincèrement que notre force et notre ressource la plus importante résident dans nos gens, et ils seront notre sésame.

  (1850)  

    Je vous remercie, madame Runte.
    Nous passons maintenant à M. Collins pendant six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je veux tout d'abord remercier nos deux témoins de leurs exposés ce soir. C'est un coup d'envoi très inspirant pour notre première étude. Je remercie encore une fois le député Cannings qui a proposé l'étude qui nous a menés ici ce soir. C'est un excellent départ.
    Je veux commencer par l'exposé de Mme Nemer. Un élément a retenu mon attention quand elle a dit « La science et la recherche seront encore plus nécessaires après la pandémie pour nous aider à bâtir des sociétés saines, sécuritaires et durables, tout en nous soutenant dans la lutte pour l’atténuation des changements climatiques et dans notre adaptation à ces changements. »
    Madame Nemer, par votre entremise monsieur le président, cela a retenu mon attention, car je pense que 90 % des Canadiens sont d'accord avec vous.
    Que devons-nous faire pour nous assurer que la politique gouvernementale continue de reposer sur la science et d'être guidée par la science, que ce soit pour la santé, qui a dominé nos discussions depuis deux ans en raison de la pandémie, ou tout programme au sein des autres ministères?
    Que devons-nous faire pour nous assurer que nous, en tant que gouvernement, continuons de nous reposer sur la science et que la science demeure au centre du processus décisionnel, plutôt que sur ce que croit une très petite minorité de gens très vocaux qui s'appuient sur les médias sociaux?
    En surfant sur Facebook, YouTube, Twitter, ou toute autre plateforme de ce genre, on constate que ceux qui ne se fient pas à la science remettent en question les changements climatiques. Ils remettent en question les vaccins. Des gens pensent encore que la terre est plate.
    Comment peut‑on s'occuper de cet enjeu collectivement, à tous les échelons de gouvernement, du point de vue de l'éducation, et du point de vue des investissements et du financement pour nous assurer que cette petite minorité en demeure bien une?
    Monsieur le président, il s'agit d'une question tellement importante et, bien sûr, très complexe.
    Prenez le temps qu'il vous faut, madame Nemer.
    Merci beaucoup.
    Je pense que vous avez raison de dire qu'il s'agit d'un problème de société qui doit être pris en charge par nos gouvernements, nos scientifiques et nos médias, en fait. C'est une tâche dont nous devons nous acquitter pour le bien collectif.
    Je dis souvent que la science et la culture scientifique sont extrêmement essentielles à la démocratie. La science est partout. Les gens prennent chaque jour des décisions fondées sur la science, sans même s'en rendre compte. Lorsqu'ils ne comprennent pas la science ou lorsqu'ils sont influencés par des personnes qui ont toutes sortes de motifs ultérieurs ou qui ne sont pas spécialisées dans un domaine particulier, je pense que nous en souffrons tous.
    D'un point de vue optimiste, nous avons constaté au cours de cette pandémie que bon nombre de nos scientifiques, de nos chercheurs et de nos médecins se sont mobilisés, se sont portés à la rencontre des médias et ont entamé un dialogue directement avec le public. Je suis heureuse de constater que l'appétit du public pour la science et les données probantes augmente. Le public demande à comprendre les données probantes sur lesquelles certaines décisions reposent. Je pense qu'il s'agit d'une évolution très positive, que nous devons continuer à favoriser. Il existe de nombreuses façons d'y contribuer, mais je pense que nous sommes sur la bonne voie.
    Bien sûr, nous demandons aux scientifiques et aux chercheurs de faire beaucoup de choses de nos jours. Nous leur demandons de parler au public, de faire leurs recherches, de former la prochaine génération et de créer des entreprises. Je pense que tout cela est très important, mais nous devons reconnaître leurs efforts lorsqu'ils entament un dialogue avec le public.
    Mme Runte a parlé de l'intelligence artificielle et des sciences quantiques. Ce seront des outils transformateurs qui nous permettront de nous attaquer aux problèmes de santé et à l'adaptation à l'environnement, mais nous aurons besoin que le public nous accompagne dans ce cheminement. Il est donc très important de nouer le dialogue avec lui.
    Je suis fière de dire que j'ai fait du rapprochement entre scientifiques et parlementaires une priorité de mon bureau. Nous organiserons une autre édition de La science rencontre le Parlement, et j'espère que tous les membres du Comité participeront à cet exercice très important.

  (1855)  

     Merci, madame.
    Normalement, je ne commente pas les politiques nationales des autres pays, mais les nôtres semblent être un sujet qui suscite l'intérêt de nos voisins. Je suis préoccupé par ce que nous observons aux États-Unis en ce qui concerne des décisions gouvernementales parfois non guidées par la science ou guidées par d'autres informations.
    Comment ferons-nous face à la période postpandémique? Comment l'affronterons-nous du point de vue de l'éducation? Je pense que Mme Runte a déclaré que seulement 57 % des jeunes soutiennent que nous devrions continuer d'être guidés par la science, ce qui est un chiffre un peu inquiétant. Je pensais qu'il aurait été beaucoup plus élevé — à moins que j'aie mal entendu.
    Comment le gouvernement peut‑il effectuer des investissements pour s'assurer que la grande majorité des Canadiens continuent de croire que les politiques adoptées à tous les ordres de gouvernement devraient être guidées par la science? Comment pouvons-nous mettre cela en œuvre du point de vue du financement et de l'éducation?
    Je suis désolé, monsieur Collins, mais vos six minutes sont écoulées. Même si la dernière intervention a duré un peu plus longtemps, nous allons essayer de respecter l'horaire.
    Cela ne pose pas de problèmes. Merci, monsieur le président.
    Je vous en suis très reconnaissant.
    Nous allons passer au prochain député, c'est-à-dire M. Blanchette-Joncas.

[Français]

    C'est avec grand plaisir, chers témoins, que nous vous accueillons ce soir pour aborder la question de la science, de la recherche, de la réussite, des défis et des possibilités. Tout d'abord, permettez-moi d'adresser mes premières questions à Mme Nemer.
    Madame Nemer, d'entrée de jeu, j'aimerais mettre en perspective le rôle de votre poste de conseillère scientifique en chef du Canada. Ce poste a existé de 2004 à 2008, mais il a ensuite été aboli par le gouvernement, puis il a été réinstauré en 2017. Alors, pendant près de 10 ans, il n'existait aucun poste de conseiller scientifique en chef.
    Selon vous, quel a été l'effet de l'absence de ce poste sur les politiques gouvernementales et sur l'ensemble de la société?
    Il m'est difficile de dire ce qui s'est passé quand je n'étais pas à la table, mais je ne peux qu'imaginer ce qu'on a raté. Cela dit, je peux vous dire ce qui se passe depuis que je suis en fonction.
    Par exemple, durant cette pandémie, il était clair que le poste que j'occupe était un poste très important. J'ai pu travailler avec divers ministères, puisque les objectifs multidisciplinaires de la science touchent plusieurs ministères. De plus, ce poste nous permet d'avoir des liens importants, au pays comme à l'étranger, qui nous ont énormément servis.
    Il faut croire qu'il est important d'avoir un poste de conseiller scientifique en chef si la plupart des grands pays en ont un, pour pouvoir être à la table et bénéficier de ce que les autres font de bien, pour adopter les meilleures pratiques.
    Évidemment, il y a beaucoup de travail à faire et mon souhait le plus profond est que nous puissions avoir un système d'avis scientifiques pérenne au pays, un peu comme l'Angleterre, et même les États‑Unis, qui ont des systèmes bien établis depuis plus de 50 ans.

  (1900)  

    Madame Nemer, le Québec a enchâssé dans la Loi sur le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie le poste de conseiller ou conseillère scientifique en chef. De ce que je comprends, le poste de conseiller scientifique en chef du Canada ne bénéficie pas d'une protection équivalente.
    Vous avez bien évoqué l'importance d'avoir un conseiller ou une conseillère scientifique en chef pour accompagner le gouvernement dans différents aspects de la science et de la recherche.
    Selon vous, le fait que votre fonction soit enchâssée dans une loi ne représenterait-il pas non seulement un droit de parole pour les scientifiques, mais aussi l'inclusion des données scientifiques dans les décisions gouvernementales?
     En effet, cette observation est très intéressante.
    Souvent, le Québec trace la voie. En ce moment, pour tout vous dire, j'envie mon collègue, avec qui j'ai été en contact tout au long de la pandémie. Je crois que c'est certainement dans l'intérêt du pays de veiller à ce qu'un poste de cette nature existe de façon pérenne. Évidemment, s'il faut l'enchâsser dans une loi, c'est aux parlementaires d'en prendre la décision, et non à moi. En revanche, je peux vous dire que ce serait bien accueilli par plusieurs des scientifiques et par plusieurs de nos homologues internationaux.
    Je vous remercie beaucoup, madame Nemer.
    Je veux évidemment vous poser une question en lien avec la pandémie. Vous en avez parlé à ma première question.
    J'essaie de comprendre pourquoi le Canada, un pays du G7, est le seul qui n'a pas pu produire de vaccins, donc qui n'a pas été autonome en ce qui concerne la production du vaccin contre la COVID‑19.
    Produire un vaccin ne se fait évidemment pas du jour au lendemain. Les vaccins ont été produits par des consortiums regroupant des universités et des compagnies, dont les travaux étaient commencés depuis un certain temps. Il y a d'abord le développement d'un vaccin potentiel et, ensuite, il y a sa production.
    Dans le cas du Canada, il était clair que nous n'avions pas les capacités nécessaires pour fabriquer des vaccins en grande quantité, le nombre de nos installations étant très restreint pour ce type de production. Par ailleurs, celles-ci étaient déjà utilisées pour la production d'autres vaccins, notamment celui contre la grippe. Je crois que nous avons appris notre leçon. Je crois que le gouvernement en a pris acte, compte tenu des investissements qu'il a faits au regard des vaccins et des thérapies.
    Je crois que, au cours des années à venir, il ne faut pas oublier le traumatisme que nous avons vécu. Autrement dit, nous ne pouvons pas adopter une approche en dents de scie. Il faudra prendre un engagement sérieux sur le plan de la sécurité sanitaire et continuer dans cette voie.

  (1905)  

    Je vous remercie, madame Nemer...

[Traduction]

     Merci beaucoup. Vos six minutes sont écoulées.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    Nous allons maintenant donner la parole à M. Cannings.
    Je vous remercie toutes les deux d'être ici ce soir. Le fait d'avoir un comité de la science et de la recherche au Canada est une occasion historique. C'est merveilleux d'assister à la première réunion du Comité et d'avoir devant nous deux personnes telles que vous. J'aimerais avoir des heures et des heures pour discuter avec vous.
    Comme j'ai rencontré Mme Runte il y a quelques semaines, je vais commencer par interroger Mme Nemer. J'ai tellement de questions à poser en ce moment.
    Vous avez toutes deux parlé de la concurrence que le Canada livre à d'autres pays en matière de sciences et de jeunes scientifiques, et des sommes que le Royaume-Uni et les États-Unis investissent dans les sciences. Les États-Unis proposent d'investir 250 milliards de dollars dans les sciences et la recherche.
    Lorsque je parle à de jeunes scientifiques, en particulier dans des domaines qui nécessitent une grande quantité d'équipements coûteux — et je fais allusion au domaine de Mme Runte —, ils sont inexorablement attirés par les États-Unis, parce que ces équipements sont peu nombreux au Canada.
     Madame Nemer, vous avez mentionné que le Canada devait accorder la priorité à la science dans ses stratégies économiques. J'ai compris que cela signifie que nous devons dépenser beaucoup plus d'argent. Je me demande si vous avez un chiffre approximatif à suggérer à cet égard. Est-ce qu'un dixième de ce que les États-Unis prévoient de dépenser, soit 25 milliards de dollars, correspondrait à ce que nous devons investir, peut-être sur un certain nombre d'années? Quelles mesures contribueraient le plus à ce que le Canada soit sur la bonne voie et que le gouvernement fédéral investisse des sommes considérables dans la science et la recherche qui feront progresser notre économie au cours des années à venir?
    Monsieur le président, le Canada est membre du G7. C'est un pays développé et l'un des plus grands pays du monde. Je pense qu'il serait attendu et normal que l'investissement du Canada dans la découverte et l'innovation soit supérieur à la moyenne d'autres pays semblables, qu'ils soient membres du G7 ou de l'OCDE. Par conséquent, nous avons un objectif approximatif, et nous avons besoin d'une voie pour atteindre cet objectif.
    Cela dit, pour garder les jeunes chercheurs et scientifiques au Canada, nous devons reconnaître que nous devons leur offrir diverses perspectives d'emploi. Ils ne vont pas tous faire carrière dans les universités. En fait, même la majorité des titulaires de doctorat ne deviennent pas professeurs d'université. Ce dont nous avons besoin dans notre pays, ce sont des industries et une économie basées sur la science. Ce n'est pas parce que nous sommes riches en ressources naturelles que nous ne pouvons pas effectuer ce virage. En fait, bon nombre des dernières technologies, qu'il s'agisse de l'IA, de la robotique ou de la science quantique, peuvent avoir un effet étonnant sur nos secteurs, qu'il s'agisse de l'agriculture, des ressources naturelles ou même de l'exploitation minière.
    Nous avons besoin d'une combinaison des deux. Une fois que ces industries novatrices existeront, elles investiront elles aussi dans la recherche et nous aideront à remonter la pente.
    Vous venez de mentionner un objectif approximatif lié au G7 ou à l'OCDE. Je suppose qu'il est en rapport avec le PIB.
    Avez-vous une idée de ce que pourrait être cet objectif approximatif, une idée de l'endroit où nous sommes ou de l'endroit où nous devrions être?
    Bien que j'aie examiné la question récemment, j'ai le regret de dire que je ne me souviens pas exactement du niveau où nous en sommes, mais il a été mentionné que nous ne sommes pas dans la position où nous voulons être.
    Je serais très heureuse de fournir par la suite les chiffres exacts au Comité. Je suis désolée, mais je ne veux pas être mal citée.
    Si vous pouviez nous fournir ces chiffres, ce serait formidable.
    Madame Nemer, comme j'ai le luxe de vous avoir devant moi, j'ai une question à vous poser, qui est peut-être injuste, mais je me demande si vous pourriez formuler des observations à propos de l'idée suivante.
    Comme vous êtes la conseillère scientifique parmi nous, je vous soumets l'idée suivante. Il a également été proposé de créer un poste de directeur parlementaire des sciences qui prodiguerait des conseils aux parlementaires comme nous, et pas seulement au Cabinet et au gouvernement. Que pensez-vous de cette idée? Croyez-vous qu'elle est valable? Cette tâche serait-elle trop lourde?
    J'aimerais vraiment entendre votre opinion à ce sujet.

  (1910)  

    Eh bien, vous savez, plus on reçoit de conseils scientifiques, mieux c'est. Il existe un certain nombre de modèles à cet égard. Par exemple, au Royaume-Uni, il y a un bureau parlementaire qui fournit des conseils scientifiques ainsi qu'un conseiller scientifique au service du gouvernement, et les choses fonctionnent assez harmonieusement.
    Nous pouvons examiner les modèles qui existent et adapter les éléments qui nous semblent les plus valables pour notre situation. La science va devenir importante partout, et il est très probable que tous les processus décisionnels et les parlementaires bénéficieraient d'une ressource de ce genre.
    Mon temps de parole semble être écoulé. Par conséquent, je vous remercie beaucoup de vos réponses.
    Je vous remercie, monsieur Cannings, de vous être arrêté un peu avant l'échéance de six minutes. Bon travail.
    Nous allons maintenant passer à la série d'interventions de cinq minutes et donner la parole à M. Soroka.
    Merci, monsieur le président.
    J'adresse ma première question à Mme Nemer.
    Nous avons parlé de l'exode des cerveaux, et je dois admettre que ma famille se comporte de la même façon dans cette situation, car j'ai deux neveux qui étudient actuellement dans des universités des États-Unis. Ils ont tous deux commencé leurs études à l'université de l'Alberta, mais l'un d'eux est en train d'obtenir son doctorat et l'autre, sa maîtrise en administration.
    Le financement est‑il vraiment le seul problème, ou les installations dont nous disposons sont-elles également insuffisantes? Ou le problème est‑il une combinaison de ces deux facteurs?
     Je commencerai par dire que ce n'est pas une mauvaise chose pour les jeunes d'aller étudier ou suivre une formation à l'étranger, ou même d'y travailler pendant de courtes périodes. Toutefois, nous voulons absolument qu'ils reviennent au Canada et qu'ils apportent une contribution à notre pays.
    Comme je l'ai indiqué, des possibilités d'emploi existent déjà au Canada, mais nous devons en créer davantage, et cet objectif ne peut être atteint qu'en encourageant différents secteurs à travailler ensemble. Ces secteurs comprennent le gouvernement, le secteur privé et le milieu universitaire. Dans des endroits comme la Silicon Valley ou la ville de Boston, où l'économie fondée sur la science est florissante, c'est exactement ce qui s'est produit; ces différents secteurs se sont réunis et chacun d'eux a pris les mesures qui s'imposaient pour mettre en place le meilleur écosystème possible.
    J'aime vos commentaires mais, malheureusement, mes neveux ont tous deux des petites amies américaines. Je crois donc qu'on ne les verra pas revenir de sitôt. Mais c'est une autre histoire.
    Madame Runte, je me demande s'il y a des domaines de recherche qui nous échappent, ou des domaines qui ne sont pas financés parce qu'ils ne remplissent pas certaines conditions. S'agit‑il d'un secteur ouvert, où il n'y a pas de limites, mais simplement un manque d'argent pour financer certains domaines?
    Je dirais, tout d'abord, que vous pouvez demander à vos neveux d'être des recruteurs canadiens et d'amener leurs petites amies au Canada.
    Il y a toujours des domaines que nous découvrons, tout comme nous découvrons de nouvelles connaissances, et ces domaines se situent très souvent entre différentes disciplines. Lorsque nous réunissons des membres de disciplines différentes, nous obtenons un échange d'idées et de perspectives différentes. Les questions sont examinées et développées plus en profondeur, et le produit de la recherche est meilleur.
    Lorsque vous essayez de construire un modèle, par exemple, par ordinateur, afin de simuler un problème, vous pouvez construire un modèle très simple qui fournira des réponses simples, mais les réponses dont vous avez besoin sont en fait très complexes. Vous ne devez pas vous contenter de considérer, par exemple, qu'une route devrait être construite de manière ergonomique. Il faut aussi que la route soit construite de manière environnementale et économique, et de manière à ce qu'elle réponde aux besoins culturels de la population. C'est ainsi que l'on obtient une route qui est vraiment satisfaisante. C'est ce qui se produit lorsque nous réunissons des chercheurs.
    L'une des mesures que nous prenons de plus en plus souvent au Canada, c'est la création de milieux qui donnent lieu non seulement à la collision des atomes, mais aussi à la collision des esprits et à l'échange d'idées pour engendrer de nouvelles découvertes. C'est vraiment passionnant, et cela se produit partout au pays.
    Récemment, j'ai entendu parler de la combinaison de l'intelligence artificielle avec l'agriculture, la médecine et les neurosciences, et de la combinaison de l'océanographie avec les nanosciences. Toutes sortes de nouvelles possibilités découleront de ces collaborations et de ce rapprochement d'idées nouvelles et de personnes.

  (1915)  

    Merci, madame Runte.
    Je n'ai plus beaucoup de temps, mais j'ai une brève question à vous poser. Y a‑t‑il un domaine très avant-gardiste dans lequel nous manquons complètement le bateau ici, au Canada, un domaine auquel d'autres pays s'intéressent et dans lequel nous pourrions mener un plus grand nombre de recherches?
    Vous disposez de 30 courtes secondes.
    Absolument, il y a des domaines qui nous échappent, mais il y a aussi... Si nous parlions maintenant de ces domaines à tout le monde, les autres pays saisiraient ces occasions tout de suite. Je pourrais vous fournir une longue liste de domaines que nous devons développer, mais je crois aussi que nous les développerons si nous donnons aux chercheurs l'occasion de le faire et, si nous fournissons les outils de base aux laboratoires et les équipements aux chercheurs, aux universités et aux hôpitaux, les gens se réuniront et découvriront ces domaines.
    Dans le cadre de chacun de nos concours pour les subventions, nous posons aux gens les questions suivantes: comment votre travail aidera‑t‑il le Canada et les Canadiens? Quel avantage le pays en retirera‑t‑il? Nous estimons que cette dimension est importante.
    Merci, madame Runte.
    Nous allons maintenant passer à Mme Diab, qui dispose de cinq minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Il est vraiment merveilleux d'entendre ces deux titulaires de doctorat pendant la première séance de notre comité historique.
    Madame Nemer, j'aimerais vous parler d'un propos qui a touché une corde sensible chez moi. Cela est survenu lorsque vous avez mentionné la puissance qui est engendrée lorsque le gouvernement, les entreprises, les universités et, je suppose, la libre entreprise — je pense que vous avez parlé de la « société civile » — travaillent en collaboration pour faire avancer des solutions fondées sur la science.
    Puis, quand j'ai entendu Mme Runte mentionner Art McDonald, et les mots « prix Nobel » et « Cap-Breton » — bien entendu, je viens de la Nouvelle-Écosse, une petite province du Canada atlantique —, cela a prouvé que peu importe l'endroit où nous vivons au Canada, des recherches y sont menées, mais cela a également montré le pouvoir de la collaboration.
    Ayant passé huit ans à faire de la politique provinciale avant de passer à l'échelle fédérale, je vois le réel avantage de collaborer non seulement entre les ordres de gouvernement, mais aussi, très franchement, avec le milieu universitaire, nos universités, nos collèges et nos étudiants, qu'ils soient étrangers ou de chez nous — j'ai deux enfants qui sont des scientifiques —, de même qu'avec l'entreprise privée.
    Madame Nemer, que pouvons-nous faire de plus pour enrichir cette culture de collaboration qui, à mon avis, est désespérément nécessaire pour que nous puissions prendre un nouvel élan au Canada, en ce qui concerne la recherche et la science?
     Je suis une ardente partisane de la collaboration. Il faudrait que ce soit notre mot d'ordre à tous. Il va de soi que les incitatifs et les arrangements peuvent grandement varier en fonction des collaborateurs recherchés. Les gouvernements disposent d'outils très puissants pour faciliter la collaboration avec certains secteurs, et notamment entre le milieu universitaire et les entreprises, et pour appuyer la société civile et les différentes collectivités dans leurs efforts de recherche et de collaboration pour répondre aux besoins locaux en tablant sur les capacités en place, des capacités que l'on s'emploie également à développer.
    Je ne sais pas si je pourrais vous parler d'un outil en particulier, mais je peux vous dire que les gouvernements ont plusieurs atouts dans leur jeu. S'ils souhaitent qu'un plus grand nombre d'entreprises conçoivent certains produits, ils peuvent faire intervenir leur grande capacité d'achat. Il y a des mesures qui peuvent être prises du point de vue de l'approvisionnement, mais aussi bien sûr en matière de fiscalité et de réglementation. Je pense que les citoyens de ce pays s'attendent à ce que tous les ordres de gouvernement conjuguent leurs efforts pour travailler en collaboration avec les collectivités et les chercheurs eux-mêmes.
    La pandémie nous a permis de constater à quel point les chercheurs sont disposés à passer à l'action pour dispenser leurs précieux conseils en donnant généreusement de leur temps. Ils ont ainsi été nombreux à réorienter leurs travaux vers des domaines pouvant aider notre pays à sortir de cette pandémie. J'estime que tous les espoirs sont permis à cet égard.

  (1920)  

    Merci.
    Ma prochaine question est pour celle de vous deux qui voudra bien y répondre.
    Il se tient des conférences des premiers ministres sur de nombreux sujets d'intérêt pour le gouvernement. Savez-vous si une conférence semblable a réuni des ministres fédéraux et provinciaux pour discuter du secteur de la recherche? Vous est‑il possible de contribuer à un processus de la sorte en aidant par exemple le gouvernement fédéral à organiser un tel sommet? Votre rôle consiste-t‑il notamment à apporter de l'aide au milieu universitaire au nom du gouvernement?
    Je vais peut-être commencer.
    Je considère que je sers d'intermédiaire pour faciliter les relations entre le milieu universitaire et le gouvernement. La tenue d'une conférence des premiers ministres sur la science et la recherche était l'une des recommandations issues de l'examen du soutien fédéral aux sciences. Je ne sais pas si cela a été fait, mais je dois avouer qu'avant d'occuper mon rôle actuel, je ne suivais pas de près ce qui se passait sur la scène politique.
    Outre la tenue d'une conférence des premiers ministres sur [difficultés techniques]…
    Nous avons peut-être un petit problème technique.
    Madame Nemer, nous n'avons plus de temps pour cette série de questions.
    [Difficultés techniques] doit être au cœur de ces échanges.
    Merci, madame Nemer.
    Personne n'est à l'abri des problèmes techniques.
    Passons maintenant aux périodes de questions de deux minutes et demie.
    Ce sera d'abord M. Blanchette.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mme Nemer.
    Madame Nemer, j'ai bien évalué vos responsabilités. Dans la description de votre mandat, il est mentionné que vous devez évaluer et recommander les moyens d'améliorer la fonction de consultation scientifique au sein du gouvernement fédéral.
    Nous savons également que le rapport Naylor recommandait la création d'un conseil consultatif national indépendant sur la recherche et de l'innovation. Cela a été mis en œuvre en 2019 et du recrutement a été fait, mais nous n'avons pas eu d'autres nouvelles du gouvernement par la suite.
    Savez-vous où en est la mise en place de ce conseil?
    Je suis désolée, mais je ne suis pas au courant.
    D'accord.
    Lors de votre dernier rapport, publié en février 2020 et intitulé « Feuille de route pour la science ouverte », vous recommandiez au Canada d'adopter « une approche de science ouverte à l'égard des résultats scientifiques et de recherche financés par le gouvernement fédéral ».
    Pouvez-vous nous parler des avancées depuis la publication de votre rapport?
    Je suis heureuse de répondre à cette question, d'autant plus que nous venons tout juste de publier en ligne, hier, le résultat des consultations que nous avons effectuées auprès des scientifiques et des chercheurs, mais aussi de ceux qui subventionnent la recherche au Canada et à l'étranger.
    Nous avançons bien en lien avec la « Feuille de route pour la science ouverte ». À l'intérieur du gouvernement fédéral, nous avons demandé que les divers ministères aient chacun un plan d'action. Ils ont maintenant tous des plans d'action depuis six mois, et plusieurs les ont même affichés.
    Il faut maintenant penser à développer une approche pour tout le pays, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du gouvernement. Nous travaillons présentement à trouver la meilleure façon de le faire tout en étant harmonisé à l'international, puisque la plupart des subventions pour la recherche coordonnée proviennent de plusieurs endroits.
    Il y a assurément beaucoup d'appuis à la science ouverte de la part des chercheurs au pays.

  (1925)  

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Nemer.
    Nous passons à M. Cannings.
    Merci. Je vais m'adresser moi aussi à Mme Nemer.
    Vous avez indiqué dans vos observations préliminaires que vous aviez notamment comme priorité de favoriser la création ou le développement d'un écosystème de science ouverte. Auriez-vous l'obligeance d'expliquer au Comité ce que vous entendez exactement par là?
    La science ouverte comporte bien sûr plusieurs aspects. On peut penser à la publication ouverte des résultats et à l'accès libre aux données. Il y a aussi la possibilité de communiquer librement avec les gens. Toutes sortes de dimensions sont envisageables.
    Pour atteindre ces objectifs, mon bureau a recommandé l'adoption d'une politique sur l'intégrité scientifique qui a été élaborée par tous les principaux ministères et organismes à vocation scientifique, et qui concrétise l'engagement envers la science ouverte et les données ouvertes.
    La première étape a été la publication ouverte, parce que c'était la chose la plus facile à faire, après quoi on a rendu accessible la majorité des données détenues par le gouvernement fédéral, soit les données d'observation et de recherche, avec bien sûr certaines exceptions au titre desquelles nous avons fourni des lignes directrices.
    Monsieur Cannings, une brève question, s'il vous plaît.
    J'ai une brève question pour Mme Runte.
    Pouvez-vous nous expliquer très rapidement en quoi le rôle de la Fondation canadienne de l'innovation diffère de celui des trois autres conseils subventionnaires du gouvernement fédéral?
    Les trois conseils subventionnaires sont des composantes gouvernementales, alors que nous sommes une entité indépendante du gouvernement. Nous finançons les infrastructures de recherche; les conseils financent les chercheurs eux-mêmes.
    Nous fournissons aux institutions les infrastructures dont elles ont besoin, car un chercheur ne peut pas prendre individuellement en charge l'acquisition ou la construction de tels éléments d'infrastructure. Par ailleurs, notre contribution se limite à 40 % des coûts, alors que celle des conseils est plus substantielle.
    Comme nous offrons 40 % du financement, il faut convaincre la province d'investir les 60 % qui restent, ou encore d'ajouter 40 % et de trouver le 20 % manquant auprès d'entreprises privées ou d'institutions, par exemple.
    On ne peut pas demander à des centaines de chercheurs de le faire chacun de leur côté. Il faut que des institutions s'en chargent.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Baldinelli.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins qui sont des nôtres aujourd'hui. C'est avec plaisir que nous vous accueillons à titre de premiers témoins de l'histoire de notre comité.
    Je veux d'abord m'adresser à Mme Nemer pour approfondir la discussion entreprise avec mon collègue du Bloc concernant la création d'un conseil consultatif national sur la recherche et l'innovation. C'est l'une des recommandations formulées dans le rapport Naylor à laquelle le gouvernement n'a pas encore donné suite.
    Vous avez dit qu'il était essentiel de pouvoir s'appuyer sur un écosystème propice à la science, à la recherche et à l'innovation. Nous ne pouvons pas actuellement compter sur un tel conseil consultatif sur la recherche et l'innovation. Estimez-vous que c'est essentiel au déploiement de l'écosystème voulu?
    Différents pays se sont dotés d'un tel conseil en sciences et technologie sous une forme ou une autre. Ces instances contribuent à orienter de façon stratégique les efforts de leurs gouvernements respectifs dans les domaines exigeant une attention plus soutenue ou à l'égard d'activités bien précises. Habituellement formés de représentants du secteur privé, du milieu universitaire et du gouvernement, ces conseils sont généralement jugés très utiles.
    Durant la pandémie, j'ai mis sur pied un comité d'experts qui nous conseille quant aux mesures importantes à prendre dans le contexte actuel, notamment du point de vue scientifique. On peut le faire pour chaque secteur ou centraliser le tout pour considérer l'ensemble de l'écosystème canadien.

  (1930)  

    Merci.
    Un peu dans le même sens, la lettre de mandat du ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie lui demandait en décembre dernier de:
travailler avec le ministre de la Santé afin d'élaborer un plan de modernisation de l'écosystème fédéral de financement de la recherche pour maximiser les retombées des investissements en matière d'excellence en recherche et d'innovation en aval en accordant une attention particulière aux relations entre les organismes subventionnaires fédéraux et la Fondation canadienne pour l'innovation.
    Cette exigence m'apparaît très semblable à l'une des recommandations, la recommandation 4.10, si je ne m'abuse, du rapport Naylor.
    Faut‑il en conclure que le système en place serait trop lourd du point de vue bureaucratique? Est‑il trop compliqué pour les intéressés de faire le nécessaire auprès du gouvernement pour réaliser ces travaux de recherche et ces projets scientifiques dont nous avons tous besoin?
    Nous avons un système qui nous a bien servi au fil des ans, mais il n'est pas parfait et se doit de pouvoir suivre l'évolution de la science et des besoins de notre pays en faisant en sorte que les découvertes aient une utilité concrète ou ciblent certains secteurs clés.
    Je crois que chaque entreprise doit de temps à autre analyser son mode de fonctionnement. On constate parfois que tout va très bien, alors qu'en d'autres occasions, il convient de procéder à certains ajustements. Il peut s'agir notamment d'éliminer des activités ou d'en ajouter d'autres. À mon sens, c'est une bonne chose de procéder à une auto-évaluation de la sorte.
    Merci, madame Nemer.
    Je pense que c'est tout le temps que j'avais.
    Nous vous remercions sincèrement pour vos exposés et vos réponses aux questions des membres du Comité.
    Nous allons interrompre la séance pendant deux minutes, le temps d'effectuer les tests de son avec nos prochains témoins.

  (1930)  


  (1935)  

    Nous sommes de retour.
    Nous allons d'abord entendre M. Pomeroy.
    C'est avec grand plaisir que je prends la parole devant ce comité. Il faut se réjouir vivement de pouvoir compter sur un comité semblable au Canada. C'est formidable que l'on mette ainsi l'accent sur la science et la recherche.
    Je vais prendre un instant pour me présenter. J'ai fait mes études de premier et de deuxième cycles en sciences de l'eau à l'Université de la Saskatchewan à Saskatoon. J'ai ensuite travaillé comme chercheur pour l'OTAN et les gouvernements américain et canadien avant de me retrouver à l'University of Wales à Aberystwyth au Royaume-Uni. En 2003, j'ai décidé de revenir au Canada, attiré par une stratégie renouvelée en matière de sciences et de recherche qui a mené à la création du Programme des chaires de recherche du Canada et à une hausse substantielle du financement accordé aux universitaires par les trois conseils subventionnaires.
    C'est ainsi que le Canada est devenu un endroit des plus accueillant pour quiconque souhaite mener à grande échelle et en toute confiance des travaux de recherche d'envergure mondiale. Depuis mon retour, j'ai dirigé ou codirigé cinq réseaux nationaux de recherche en plus de quelques initiatives internationales. Je mène des recherches sur l'eau, et plus particulièrement sur les impacts des changements climatiques sur les ressources aquatiques des régions froides comme le Canada où la neige et la glace sont à la merci des températures plus chaudes.
    Chez nous, en Saskatchewan et dans les provinces des Prairies, la sécheresse se pointe toujours à l'horizon. Nous avons même eu droit cette semaine à des tempêtes de poussière. C'est un gros problème pour l'Ouest canadien. Comment effectuer des prédictions et assurer la gestion de cette eau, et comment bien la comprendre pour faire en sorte qu'elle demeure accessible pour nos écosystèmes, nos collectivités et nos communautés autochtones aux fins de la production alimentaire, industrielle et énergétique? Ce sont les grandes questions que nous devons nous poser.
    Au fil des ans, j'ai pu voir le Canada se doter d'un système vraiment enviable pour le soutien et la stimulation des activités universitaires en sciences et en recherche. Plus que jamais, le Canada compte sur ses chercheurs universitaires pour la production scientifique. J'ai fait mes débuts comme chercheur au sein du gouvernement, mais je ne voudrais plus occuper un tel poste aujourd'hui dans un contexte où les budgets ont dégringolé au cours des dernières décennies.
    La situation est plus propice dans les universités. Il y a toutefois un risque associé à cette dépendance à l'égard des universités compte tenu de la façon dont elle est actuellement structurée. Nous ne disposons pas des moyens à long terme de conserver la reconnaissance dont nous jouissons dans différents secteurs de recherche. D'autres pays ont mis en place des mécanismes à cette fin.
    C'est le cas par exemple au Royaume-Uni où les centres du NERC permettent de combiner recherche universitaire et gouvernementale pour l'étude de thèmes stratégiques dans le cadre d'initiatives s'étendant sur de longues périodes — des décennies en fait. Aux États-Unis, il y a des instituts misant sur la coopération entre le gouvernement fédéral et les universités au fil de plusieurs décennies pour la réalisation d'objectifs de recherche à long terme. Nous n'avons rien de tel au Canada.
    Mes collègues et moi-même nous intéressons aux enjeux liés aux ressources aquatiques, au climat et à la pollution de l'eau depuis le début des années 1990. Les changements climatiques ont fait en sorte qu'il est plus urgent que jamais de trouver des réponses à ces questions. Pas moins de six réseaux de recherche distincts ont été mis sur pied au Canada à cette fin avec cinq agences différentes pour le financement de ces recherches. Nous en sommes réduits à jongler avec les acronymes étant donné l'obligation de revoir une partie de nos façons de faire à peu près tous les cinq ans. Il faut alors nous familiariser avec une nouvelle agence de financement et puiser à même de nouvelles ressources.
    La situation est précaire. Il y a aussi des pertes d'efficience et de temps. C'est une grande source d'inquiétude. Nous savons que l'eau est synonyme de vie et que le Canada a besoin de ses ressources en eau. Nous pouvons remonter à ce titre jusqu'à l'expédition de John Palliser dans les années 1850 qui a mené à la production du premier rapport gouvernemental à ce sujet. Il faudrait dorénavant que tout ce processus soit simplifié.
    Je suis actuellement à la tête du réseau Global Water Futures qui est financé par le Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada, le FERAC, une formidable source de fonds pour la recherche scientifique. Notre réseau, qui est basé à l'université de la Saskatchewan, travaille en partenariat avec les universités de Waterloo, Laurier et McMaster. Nous offrons du financement à plus de 200 professeurs de 18 universités. Nous avons recruté 1 100 étudiants et chercheurs en vue de transformer le Canada en trouvant des façons de mieux prédire, préparer et gérer l'avenir de nos ressources aquatiques dans un contexte où les risques ne cessent de s'aggraver.
    En étant actif partout sur la planète, le réseau Global Water Futures positionne le Canada en tant que chef de file mondial des sciences de l'eau. Nous devrons néanmoins mettre fin à nos activités l'an prochain, après sept années d'efforts, comme c'est le cas de tous les réseaux du FERAC, et ce, sans possibilité de reconduction. Il n'existe aucun programme de financement scientifique du même ordre qui pourrait permettre au Canada de maintenir le dynamisme planétaire ainsi retrouvé dans le domaine des sciences de l'eau.

  (1940)  

    La situation est vraiment précaire. Voici la solution que je propose à l'instabilité qui règne dans le domaine de la recherche. Plutôt que d'offrir des chaires prestigieuses à des chercheurs étrangers en fin de carrière, il faudrait tabler sur une collaboration constante entre le gouvernement fédéral et les universités pour mettre sur pied nos propres instituts de coopération regroupant, entre autres partenaires, les consortiums d'universités de recherche, les ministères fédéraux, les provinces, l'industrie, les collectivités et les Premières Nations. Ces instituts permettraient de mettre l'accent sur les enjeux ayant une importance nationale à long terme et de mettre à contribution nos ressources et nos laboratoires pour la réalisation de grands travaux scientifiques à l'égard de ces enjeux. C'est ainsi que le Canada pourra profiter d'un statut enviable à l'échelle internationale dans ces domaines stratégiques.
    Dans le secteur de l'eau, la future Agence canadienne de l'eau pourrait agir comme roue d'engrenage pour orienter les efforts à l'échelon fédéral de concert avec les ministères du domaine des sciences naturelles, les conseils subventionnaires, la FCI et d'autres instances. On mettrait ainsi sur pied un véritable institut de coopération avec les universités pour la viabilité de nos ressources aquatiques. Je suis persuadé que de nombreux autres thèmes d'importance pourraient bénéficier d'un tel soutien stratégique à long terme grâce à la collaboration entre les ministères fédéraux à vocation scientifique et les universités de tout le pays.
    Nous pourrions cesser de nous interroger au sujet des nouveaux acronymes pour nous concentrer sur les enjeux vraiment cruciaux qui nous font craindre le pire actuellement, à savoir comment prédire et prévenir les inondations, les sécheresses, l'empoisonnement de nos Grands Lacs, le déclin de nos pêches et le manque d'accès à l'eau potable dans nos communautés autochtones, pour ne nommer que ces problèmes.
    Je vais conclure ici mon exposé en attendant de pouvoir répondre à vos questions. Merci de m'avoir invité.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre M. Patry.

[Français]

     Permettez-moi, d'abord, de vous dire à quel point je suis heureux d'avoir été invité à vous adresser la parole aujourd'hui au sujet de l'importance de la science et de la recherche.
    Je suis ici à titre de directeur général du U15, une organisation qui regroupe plusieurs des grandes universités de recherche au Canada.
    Les membres du U15, soit le Regroupement des universités de recherche du Canada, sont responsables de 78 % de la recherche, de 81 % des brevets et de 70 % des doctorats au Canada.

[Traduction]

    Partout dans le monde, les écosystèmes axés sur l'innovation peuvent s'appuyer sur des universités multipliant les recherches de calibre mondial pour former nos chefs de file et nos innovateurs de demain. Ce sont les êtres humains qui nourrissent l'innovation. Celle‑ci vise à rendre notre monde meilleur en misant sur la recherche fondamentale alimentée par la curiosité afin d'améliorer les choses au bénéfice de l'ensemble de la société.

[Français]

    Cette pandémie nous a montré la puissance de la recherche, la nécessité de persévérer et l'importance de l'innovation.
    Pendant plusieurs années, la technologie de l’ARN messager, qui est à la base des deux vaccins les plus populaires, n'allait nulle part.

  (1945)  

[Traduction]

    Il s'agissait de réussir à faire passer dans les cellules les fragiles brins d'ARN. Cette difficulté apparaissait insurmontable jusqu'à ce qu'une entreprise canadienne de l'Université de la Colombie-Britannique conçoive un revêtement lipide formant une enveloppe protectrice entourant l'ARN lorsqu'il pénètre dans une cellule. C'est donc une innovation issue de plusieurs années de recherche fondamentale dans une université canadienne que l'on utilise maintenant pour l'un des vaccins à ARN messager.
    Au moment où nous commençons à sortir de la pandémie, le Canada doit affronter une concurrence de plus en plus féroce en vue d'attirer les talents nécessaires pour appuyer la forte croissance des industries du savoir, s'attaquer aux grands enjeux planétaires et bâtir une société équitable et inclusive. Dans ce contexte, le Canada dispose de nombreux avantages concurrentiels, à savoir notamment une société accueillante, un système d'immigration ouvert, des villes dynamiques, la proximité avec les États-Unis et des universités de recherche de calibre mondial.
    Les chefs de file de l'industrie vous diront que la clé de leur succès réside dans l'accès à des travailleurs hautement qualifiés possédant des diplômes d'études supérieures, car ce sont eux qui pourront désormais générer de nouvelles connaissances et stimuler l'innovation dans les entreprises privées et les organisations sociales de tout le pays.

[Français]

    Toutefois, il faut dire que le Canada se classe au 28e rang de l'OCDE pour ce qui est du nombre de maîtrises et de doctorats.

[Traduction]

     Lorsqu'on investit dans la recherche, on investit dans les gens — on investit dans les jeunes —, et les investissements dans la recherche effectués par les divers gouvernements au cours des 20 dernières années ont assurément contribué à notre qualité de vie. Cependant, nous devons être beaucoup plus ambitieux encore. Partout dans le monde, les pays investissent massivement dans la recherche et le développement des talents, à une échelle jamais vue auparavant. Le Canada devra investir stratégiquement dans la recherche, l'innovation et le développement des compétences, afin de s'assurer que nous demeurons compétitifs, économiquement, que nous sommes en mesure d'outiller les Canadiens pour occuper les emplois de l'avenir et que nous demeurons une destination de choix pour les grands talents du monde entier.
    En plus des investissements actuellement envisagés, c'est‑à‑dire les investissements dans les CRC, la biofabrication, l'OCRPA, la commercialisation et le reste, il faut investir véritablement dans les conseils subventionnaires. Quand on examine les investissements dans la recherche par doctorat, ajustés en fonction de l'inflation, depuis 20 ans, il est très facile d'observer que le Canada affiche un sérieux déficit du financement de la recherche par rapport à la période de 2002 à 2008. Il est maintenant temps de combler ce déficit, de faire du Canada un chef de file solide en matière de recherche en sciences et technologie et en sciences sociales.
    Quand ils investissent ainsi dans la recherche et l'innovation, les gouvernements doivent tenir compte de deux choses. La première est la compétitivité à l'échelle mondiale. Si nous voulons retenir et attirer les meilleurs cerveaux au monde, nos programmes doivent rivaliser avec les meilleurs au monde. Certains d'entre nous ont vécu l'exode des cerveaux des années 1990, et bien que nous n'en soyons pas encore là, au sortir de la pandémie, les investissements réalisés par divers pays du monde menacent notre habileté à attirer et à retenir des chercheurs d'exception.
    La deuxième chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que la recherche, c'est des gens. Pour favoriser la recherche, il faut investir dans les leaders et les innovateurs de demain afin d'améliorer la vie des Canadiens. Il est également important de se rappeler que près de 80 % du financement de la recherche sert directement à soutenir les étudiants et les postdoctorants.
    Permettez-moi de conclure en citant un paragraphe du plan budgétaire 2014 du gouvernement du Canada.
    Pour réussir dans cette économie mondiale hautement concurrentielle, le Canada doit continuer à former, à retenir et à attirer les meilleurs cerveaux au monde, à leur fournir l'espace et les installations nécessaires à l'innovation et à la créativité, à leur offrir les ressources nécessaires pour faire du Canada un chef de file solide de la recherche en sciences, en technologie et en sciences sociales.
    Merci beaucoup. Je serai ravi de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Patry.
    C'est maintenant le tour de notre dernier intervenant de ce soir, M. Goel, pour cinq minutes.
    C'est merveilleux de voir ce comité de la Chambre des communes se mettre en place. Félicitations à vous tous pour vos nominations.
    Merci de me donner l'occasion de comparaître ce soir.
    Je suis médecin chercheur en santé publique, et avant d'être nommé à mon poste actuel, j'ai passé un an à travailler directement à la recherche sur la gestion de la pandémie. J'ai fait partie de ces personnes qui ont pivoté, non seulement dans mon champ de recherche, mais aussi dans ma carrière administrative.
    Il suffit de regarder cette réponse pour voir le retour sur investissement de la science et de la recherche. M. Patry vient de nous en donner un exemple très important. Les scientifiques, les chercheurs et les experts en santé publique ont joué un rôle essentiel par leurs conseils et leurs recommandations, que ce soit en siégeant à des comités consultatifs ou en réorientant leurs recherches vers la COVID.
    C'est le soutien à la recherche fondamentale pendant de nombreuses années qui a jeté les bases de cette expertise, pour qu'elle soit là quand nous en aurions besoin. On peut voit combien la science a contribué à orienter notre réponse, par la mise au point de vaccins et de traitements, mais il y a tellement d'autres éléments aussi. Par exemple, les chercheurs en sciences sociales ont joué un rôle dans la lutte contre l'hésitation à se faire vacciner, les économistes dans l'évaluation de l'impact des mesures de gestion de la pandémie, et les géographes et historiens médicaux dans la compréhension des pandémies passées, comme l'a fait le président de ce comité.
    Le soutien du Canada à la science et à la recherche nous a procuré des avantages concurrentiels très importants, notamment dans les domaines de l'informatique quantique et de l'intelligence artificielle, mais comme vous l'avez entendu, nous risquons de prendre du retard sur d'autres pays. Nous avons besoin d'un financement stable de la recherche, mais aussi de programmes stables. Comme l'a souligné M. Pomeroy, de nouveaux programmes s'ajoutent constamment à la soupe d'acronymes. Ces programmes sont souvent conçus dans le but réel de contribuer à l'avancement des grands enjeux d'actualité ou à l'économie, mais on sous-estime souvent l'importance de la recherche fondamentale dans la conception des programmes. On se concentre souvent sur des domaines de recherche pointus, et on privilégie certains types de partenariats plus que d'autres.

  (1950)  

    Le fait est que c'est un profond travail interdisciplinaire qui change véritablement la donne, grâce à des partenariats et à des collaborations et à la mobilisation des connaissances. Cette mobilisation des connaissances passe surtout par la formation de nouveaux talents, par les diplômés de la maîtrise et du doctorat qui font profiter la société de leurs expériences de recherche. Nos recherches influencent également les politiques et les pratiques, tout comme la commercialisation de nos découvertes.
    Trop souvent, on voit la commercialisation comme le seul moyen d'avoir un impact sur la société. Il faut toutefois aussi reconnaître que pour que la commercialisation porte fruit, il doit y avoir des récepteurs. Or, comme cela a été souligné, nos entreprises investissent très peu dans la recherche et le développement. Mais sans cet effort des entreprises, nous ne pourrons pas innover.
    Il y a de bons exemples de la façon dont cela peut se faire dans la région de Waterloo. Mon université est un leader dans des domaines tels que l'informatique quantique, la cybersécurité, la nanotechnologie et la robotique, et cela, grâce à plusieurs décennies d'investissements de la part des gouvernements. Cependant, nous nous efforçons également de trouver des applications pratiques à bon nombre de ces technologies et de ces forces numériques avec des entrepreneurs novateurs. Il s'est créé un écosystème dans la région, qui favorise le développement et l'application de ce genre de technologies. Nous pouvons utiliser ces technologies pour relever nos plus grands défis, tels que le changement climatique ou le vieillissement de la population, ou nous préparer aux futures pandémies.
     Waterloo est l'une des régions qui connaissent la croissance la plus rapide au pays, en grande partie grâce à cet écosystème d'innovation qui repose sur des recherches de calibre mondial. Nous sommes bien placés pour continuer à contribuer au renouveau et à la croissance de notre économie.
    Nos universités et nos chercheurs auront un rôle central à jouer dans l'après-pandémie, pour construire un pays de communautés innovantes, équitables et résilientes, dans une optique de durabilité environnementale, de santé et de bien-être et de sociétés technologiquement avancées. Nous sommes impatients de travailler avec le Comité à l'atteinte de ces objectifs.
    Merci.
    Merci, monsieur Goel.
    Nous tiendrons maintenant une série de questions de six minutes, et c'est M. Williams qui ouvrira le bal.
    Merci beaucoup à tous de vous joindre à nous ce soir.
    Monsieur Pomeroy, je vais commencer par vous.
    Je viens d'une région rurale du Canada. La Saskatchewan est très rurale, comme le Canada en général. Des 4 000 municipalités que compte le Canada, 3 790 sont des municipalités rurales. Des autres, seules 94 sont des municipalités urbaines.
    Pouvez-vous me parler de ce que vous observez et de ce que vous étudiez? En quoi est‑il important de valoriser l'innovation, la commercialisation et la recherche dans les régions rurales du Canada, y compris dans les territoires autochtones, comme vous l'avez mentionné, et pas seulement dans les centres urbains?

  (1955)  

    C'est absolument essentiel à la survie et à la prospérité des régions rurales. Je m'intéresse principalement à l'eau, donc à l'irrigation, à l'approvisionnement en eau potable, aux eaux souterraines, mais aussi aux pratiques agricoles permettant de mieux gérer l'eau et aux moyens de récolter de l'eau, selon des méthodes uniques.
    Les collectivités s'en tirent vraiment mieux quand elles disposent de meilleurs moyens de développer leur économie, quand leurs écosystèmes peuvent rester intacts. De nombreux habitants des régions rurales du Canada, autochtones ou non, ont un mode de vie dans lequel la chasse et la pêche sont présents, ainsi que l'appréciation de la nature. C'est d'une importance capitale pour ces régions, on l'oublie parfois.
    On le voit actuellement avec la pandémie, il y a un exode des villes vers nos régions rurales. Nous voulons nous assurer que ces endroits restent accueillants, que ce sont des collectivités durables qui pourront contribuer à l'essor du pays d'ici la fin de notre siècle. Tout ne se passera pas que dans les grandes villes.
    L'esprit d'innovation des résidents ruraux est bien connu en Saskatchewan. J'ai toujours pensé que le meilleur étudiant des cycles supérieurs au monde est un enfant qui a grandi à la ferme, en Saskatchewan, qui a appris à réparer des choses à la ferme et qui sait qu'il pourra faire de même dans l'Arctique, dans un laboratoire ou ailleurs.
     Il y a une richesse de compétences qui vient du Canada rural, qui sera cruciale pour notre avenir en sciences.
    Merci beaucoup, monsieur.
     Monsieur Patry, parlons de propriété intellectuelle, de PI. C'est formidable d'entendre que près de 80 % de la recherche et des brevets proviennent du groupe U15.
    Le Canada, en 2019, a produit une valeur de 39 milliards de dollars en PI, tandis que les États-Unis ont généré 6,6 billions de dollars, soit 169 fois plus que nous.
    Comment pouvons-nous rattraper les États-Unis et créer de la PI?
    C'est l'un des grands défis. Nous aimerions beaucoup analyser les tendances dans les entreprises à l'heure actuelle, mais il faut admettre que depuis 20 ans, les dépenses des entreprises en R‑D, qui génèrent la plus grande partie de la propriété intellectuelle, ont diminué à un rythme alarmant. Tandis que les investissements en R‑D augmentent dans le reste du monde, les investissements des entreprises en R‑D diminuent au Canada. Nous en sommes à 1,54 % du PIB, ce qui explique certaines des statistiques que vous venez de mentionner.
    De nombreuses études ont porté sur la question par le passé, et je pense qu'il faut agir un peu plus vigoureusement en ce qui concerne les crédits de RSDE. C'est mon point de vue personnel; ce n'est pas celui de l'U15. On accorde beaucoup de crédits de RSDE, c'est‑à‑dire qu'on aide les chercheurs en leur octroyant des crédits, alors que beaucoup d'autres pays, comme l'Allemagne, investissent directement dans l'industrie et aident les chercheurs à être plus concurrentiels dans le monde au moyen de programmes directs.
    Je sais que tous les gouvernements se sont penchés sur la question, mais le programme de crédits de RSDE a très peu changé ces dernières années. Je suis sûr que mes collègues pourraient avoir d'autres idées à ce sujet, monsieur Williams.
    Merci. Je sais que c'est très complexe. J'aimerais avoir 10 minutes avec chacun d'entre vous.
    Docteur Goel, nous avons depuis longtemps des problèmes d'exode des cerveaux au Canada. Un grand nombre de nos diplômés, y compris de l'Université de Waterloo, sont recrutés par les États-Unis. Comment freiner cet exode des cerveaux? Comment attirer plus de talents, et comment faire en sorte que nos talents restent au Canada?
    Il est évident, comme le disait M. Patry, qu'il nous faut plus d'investissements privés en sciences et en recherche pour les embaucher. Si ces personnes partent, c'est qu'elles peuvent obtenir dans d'autres pays des emplois dans les disciplines dans lesquelles elles ont été formées.
    On a observé un changement ces dernières années. Je peux vous dire qu'à Waterloo, depuis quelques années, il y a davantage de diplômés qui restent au Canada, mais c'est en partie parce que les multinationales ont compris qu'elles pouvaient s'installer ici et embaucher ces diplômés sans avoir à payer pour qu'ils déménagent. Il s'agit d'une étape importante, parce qu'elle contribue à la construction de l'écosystème. Ces emplois permettent aux nouveaux diplômés d'acquérir de l'expérience au sein d'une multinationale, puis d'aller travailler pour une entreprise canadienne ou de créer leur propre entreprise, sans pour autant déménager à Silicon Valley ou dans une autre partie du monde.
    En réalité, il faudrait avant tout créer plus de possibilités pour que ces diplômés canadiens restent au Canada.

  (2000)  

    Merci.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant entendre Mme Bradford, qui dispose de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur Pomeroy, monsieur Patry et docteur Goel, d'être si généreux de votre temps ce soir et de nous donner votre opinion d'experts de vos diverses perspectives.
    Je vous adresse la première question, docteur Goel, puisque vous y avez fait partiellement allusion dans votre intervention précédente.
    De nombreux pays, dont le Canada, ont récemment annoncé des stratégies et des investissements importants dans les technologies émergentes comme l'intelligence artificielle, l'informatique quantique et la génomique. Que pouvons-nous faire pour donner aux institutions de pointe les moyens d'être concurrentielles dans ces domaines émergents?
    Comme je le disais, vous y avez déjà fait allusion, mais vous pouvez peut-être approfondir votre pensée sur ce que nous pourrions faire d'autre. Il est évident que le financement est primordial, mais il y a probablement d'autres choses aussi.
    Oui. Il faut absolument souligner, concernant la stabilité du financement — et M. Pomeroy en a parlé — que les cycles inhérents aux programmes sont tels que les gens doivent constamment se réinventer. Nous sommes en train d'élaborer la stratégie pancanadienne sur l'intelligence artificielle, la nouvelle stratégie pour l'informatique quantique et en génomique, il y a Génome Canada. Il faut assurer un financement stable et soutenu aux choses dans lesquelles nous choisissons d'investir.
    Comme les témoins précédents l'ont laissé entendre, je crois, il faudrait également repenser la coordination entre les programmes. Bien que la panoplie de sources de financement différentes, comme les chaires de recherche, les subventions de fonctionnement, les programmes d'infrastructure de la FCI et le Fonds de soutien à la recherche, qui permet de financer l'infrastructure nécessaire pour la recherche, soient d'excellentes ressources, il peut aussi être très difficile pour les chercheurs de s'y retrouver dans les différents programmes de financement, pour lesquels ils sont souvent en concurrence avec leurs homologues à différents moments de l'année et selon différents critères d'admissibilité.
    Certains pays misent plutôt sur un modèle de financement qui permet aux chercheurs d'obtenir tout ce dont ils ont besoin au moyen d'un seul et même processus. Nous devons donc vraiment réfléchir à la façon dont nous pourrions mieux coordonner toutes ces sources de financement disparates, puis nous concentrer sur les quelques domaines dans lesquels le Canada a véritablement la chance de se démarquer. Comme vous l'avez mentionné, l'intelligence artificielle, l'informatique quantique et la nanotechnologie en sont quelques exemples.
    Merci.
    Pour aller un peu plus loin, j'aimerais entendre les autres témoins sur cette question: quels seraient, selon vous, les plus grands défis et les plus grandes possibilités pour ce qui est de la collaboration avec les conseils subventionnaires du gouvernement?
    Nous pouvons suivre le même ordre que jusqu'à maintenant.
    Monsieur Pomeroy, voulez-vous commencer?
    Merci.
    Bon nombre des problèmes auxquels nous sommes confrontés au Canada sont interdisciplinaires. Ils vont au‑delà des seules sciences naturelles et de l'ingénierie, de la médecine ou des sciences sociales et humaines, et ils exigent une approche interdisciplinaire ou peut-être transdisciplinaire, qui va au‑delà des universités pour englober le secteur privé, le secteur public et les collectivités. C'est très difficile de composer avec des organismes séparés ayant chacun leurs flux de financement distincts.
    Nous avons quelques ressources interdisciplinaires, comme le Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada, mais ce n'est probablement pas assez. Il serait très utile qu'il y en ait davantage.
    Il y a aussi le soutien à long terme qui est nécessaire pour établir des programmes de recherche et maintenir notre capacité au Canada. N'oubliez pas que quand des réseaux de recherche s'arrêtent pendant un an, nous perdons tous nos postdoctorants, nos étudiants diplômés et les autres. Où vont-ils? Ce n'est probablement pas au Canada. C'est là où ils partent à l'étranger. Il nous faut constamment maintenir l'élan de ces groupes afin de garder les gens ici, au Canada, pour que les étudiants du premier cycle sachent quelle est la trajectoire possible au pays grâce à cette perspective à long terme.
    Monsieur Patry, qu'en pensez-vous?
    Je ne répéterai pas ce que le Dr Goel et M. Pomeroy viennent de dire, mais je vous dirai que la recherche est un sport de contact. La recherche est le fruit de l'interaction entre les chercheurs, les étudiants et le secteur privé, de concert, encore une fois, avec les chercheurs du gouvernement. Nous souhaitons toujours que les chercheurs du gouvernement soient en mesure de travailler de manière harmonieuse avec les chercheurs de nos universités et de l'industrie. C'est ainsi qu'on peut accélérer les processus de découverte.
    Pour répéter ce qui a déjà été mentionné, il est très important d'assurer la stabilité des programmes. C'est probablement ce qu'on entend par coordination entre les organismes, parce qu'il faut avant tout qu'ils travaillent ensemble.
    J'ai présidé un certain temps la Fondation canadienne pour l'innovation, qui finance l'infrastructure de recherche dans les universités, les hôpitaux de recherche et les collèges. Je pense qu'il serait temps que les trois conseils subventionnaires, la FCI et Génome Canada travaillent de façon plus coordonnée.

  (2005)  

    Merci beaucoup. C'est la fin de cette série de questions.
    Écoutons maintenant Mme Blanchette-Joncas.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Permettez-moi de saluer les témoins qui se joignent à nous ce soir.
    Ma première question s'adresse à M. Patry.
    Monsieur Patry, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre travail au sein du Regroupement des universités de recherche du Canada. Je sais que vous quitterez vos fonctions au mois d'avril prochain. Je tiens à vous remercier et à vous féliciter pour l'ensemble de vos travaux. C'est un plaisir de vous accueillir ce soir.
    J'ai bien pris connaissance des recommandations que vous avez formulées dans le cadre de votre mémoire prébudgétaire, présenté en vue du budget fédéral de 2022. Disons que la recommandation no 2 portant sur les investissements de la part du Canada dans la recherche et le développement m'a particulièrement frappé.
    Comme on le sait, le Canada perd du terrain et prend du retard. Comparativement à nos pays voisins, aux États‑Unis et aux autres pays de l'OCDE et du G7, en ce qui concerne les investissements en fonction d'un pourcentage du PIB, le Canada est en queue de peloton. Cela diminue évidemment la compétitivité.
    J'essaie de voir quelles conséquences cela peut avoir sur le terrain et dans les universités. Comment se passe le fait que le Canada n'investit pas assez dans la recherche et le développement?
    Je dirais que ce sont d'abord les entreprises qui n'investissent pas assez à l'interne dans la recherche et le développement.
    Plusieurs études ont été faites à ce sujet. L'une d'elles, celle du Conseil des académies canadiennes, disait tout simplement que les entreprises ont été innovatrices au point où elles devaient l'être. En somme, quand on a accès à des programmes d'aide, il est souvent préférable de prendre les subventions qui arrivent plutôt que de devenir très compétitif et d'investir dans la recherche et le développement. C'était au début des années 2000 et 2010, peut-être.
    Ce qu'il faut faire maintenant, c'est donner un nouvel élan au secteur industriel. De plus, j'y faisais référence tantôt, il faut revoir le programme d'aide à la recherche, ce qu'on appelle les crédits d'impôt RS et DE, et le modifier légèrement. Certains ont suggéré qu'il soit modifié de façon à fournir de l'aide ponctuelle à certaines entreprises, dans certains secteurs.
    Je dis toujours qu'il y a trois éléments importants pour activer la recherche industrielle.
    D'abord, il faut investir dans des endroits où il y a de l'expertise au Canada. Il faut bâtir sur l'expertise qu'on a.
    Ensuite, il faut s'assurer que ce sont des marchés importants. On parle de milliards de dollars et de centaines de millions de dollars.
    Enfin, on veut s'assurer que ces investissements sont profitables au Canada. S'il s'agit d'un produit manufacturé, il faut s'assurer de le manufacturer au Canada pour qu'il puisse créer des emplois au Canada. Cela ne donne pas grand-chose de développer de nouvelles connaissances si c'est pour qu'elles soient exploitées ailleurs, dans d'autres pays.
    Pour moi, ce sont trois éléments qui ont bien servi d'autres pays, comme l'Allemagne et l'Angleterre. Nous avons de beaux modèles à suivre dans ces pays.
    Je pense aussi qu'il est important d'encourager les partenariats entre l'industrie et les universités et de favoriser ces partenariats. Mon domaine de recherche est également le domaine de l'eau, puisque je travaille dans le traitement des eaux usées. En tant que chercheur, il faut s'assurer que ce qu'on est en train de développer peut profiter à la société, et le fait d'avoir ces partenariats entre l'industrie et les universités est crucial.

  (2010)  

    Je vous remercie de vos précisions, monsieur Patry.
    Vous avez également très bien évoqué dans le mémoire que la course mondiale aux réalisations scientifiques s'accélère. Les gouvernements tiennent de plus en plus compte des liens réels entre la recherche et la croissance économique, mais aussi la compétitivité nationale.
    Le Canada est le seul pays du G7 à avoir perdu des chercheurs. Qu'est-ce qui explique ce fait? Est-ce parce que le financement n'est pas assez adéquat ou parce qu'il n'a pas été assez soutenu au cours des dernières années?
     Comme je le disais plus tôt dans mes remarques, j'ai fait cette analyse à plusieurs reprises et je serais prêt à la transmettre au Comité, il est très facile de voir ce qui s'est passé au cours des 20 dernières années.
    Vous savez, deux éléments sont importants. D'une part, il y a d'abord les coûts d'inflation, qui sont particulièrement importants. Cette année, avec une inflation à 3,5 % cette année, ou même à 4 % l'an prochain, cela va être dramatique. D'autre part, il y a la pression exercée sur le système. Cette dernière vient effectivement de l'inflation, mais elle vient aussi de la croissance. Heureusement, nous avons eu une croissance assez importante dans le domaine des doctorants, mais pas suffisamment pour être concurrentiels.
    Comme je vous ai dit plus tôt, le Canada est au 28e rang des pays de l'OCDE en ce qui concerne le nombre de détenteurs de maîtrise ou de doctorat. Par conséquent, cette croissance‑là, à environ 3,5 % par année, a fait en sorte que les bonnes années de la recherche, et j'ai eu la chance et le plaisir d'être président d'université à ce moment‑là, ont été de 2002 à 2008. Il y avait alors du financement à la suite du lancement des programmes de la Fondation canadienne pour l'innovation, ou FCI, des Chaires de recherche du Canada, ou CRC, de Génome Canada, etc. Il y avait énormément de potentiel. Nous avons régressé depuis ce temps, à un tel point que, aujourd'hui, nous sommes au même niveau, et même plus bas, qu'en 2000.
    Il y a donc des investissements importants à faire dans le domaine de la recherche fondamentale, dans les trois conseils subventionnaires, la FCI et Génome Canada.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Cannings.
    J'aimerais encore une fois remercier les témoins d'être ici aujourd'hui. C'est un honneur de vous accueillir. Je dois admettre que je ne pense pas avoir déjà vu autant d'épinglettes de l'Ordre du Canada au cours d'une seule réunion de comité. C'est réellement un honneur.
    J'aimerais d'abord m'adresser à M. Patry.
    Je vous remercie d'avoir mentionné mon ami, Pieter Cullis, et ses travaux sur l'enrobage lipidique de l'ARNm. Je vous en suis très reconnaissant, car cela montre ce que le Canada est capable de faire.
    Vous avez parlé de l'importance de la recherche fondamentale, mais vous avez aussi parlé du soutien aux étudiants à la maîtrise et au doctorat. Il y a de nombreuses années, c'est‑à‑dire presque 50 ans, j'ai reçu une bourse du CRSNG qui m'a permis d'aller à l'université et d'étudier la biologie, et je suis donc en mesure de reconnaître l'importance de ce soutien. Cependant, mes collègues qui travaillent actuellement dans le domaine de la biologie me disent que le financement du CRSNG, et peut-être celui des autres conseils, n'a pas augmenté depuis de nombreuses années. Ce financement a stagné et il n'est pas surprenant que les jeunes cherchent peut-être des occasions ailleurs.
    J'aimerais avoir votre avis sur la question. Vous l'avez abordée plus tôt, mais j'aimerais que vous nous en parliez à nouveau.
    Certainement. Je vous remercie beaucoup de votre question, car c'est un point que nous avons soulevé dans notre mémoire et auquel M. Blanchette-Joncas a fait référence.
    Il y a deux façons d'investir dans la recherche. En fait, il y a de nombreuses façons de le faire, mais l'une d'entre elles consiste à octroyer des fonds aux conseils subventionnaires, ce qui est évidemment une excellente façon de procéder. La deuxième façon consiste à investir directement dans les étudiants par l'entremise de bourses d'études et de bourses d'études supérieures, ou ce que nous appelons le programme de BESC, c'est‑à‑dire le Programme de bourses d'études supérieures du Canada.
    Vous avez tout à fait raison. Le nombre de bourses et leur valeur n'ont pas augmenté depuis au moins 15 ans. Nous avons fortement recommandé de tripler le nombre de bourses d'études supérieures. Cela permettrait de réaliser deux choses. Nous parlons de diversité. Nous parlons beaucoup d'équité, de diversité et d'inclusion, mais en investissant dans les étudiants des cycles supérieurs, nous pouvons cibler ces bourses d'études supérieures vers les étudiants des groupes désignés, tout d'abord, mais aussi vers certaines disciplines, si on souhaite aller aussi loin. Nous avons certainement recommandé une forte augmentation du nombre de ces bourses et de leur valeur.
    Je suis sûr que vos analystes peuvent vous fournir des données pertinentes, mais quand on pense aux investissements qui sont envisagés aux États-Unis en ce moment, c'est plutôt alarmant. J'en ai d'ailleurs parlé dans ma déclaration. Nous observons déjà un certain exode ces temps‑ci. Tous les doyens d'université peuvent nommer une ou deux personnes qui ont été attirées par les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou le Japon en raison des investissements importants qui sont faits dans la période post-pandémique — ou du moins ce que nous pensons ou espérons être la période post-pandémique.
    Nous sommes sur le point de nous retrouver dans une situation du type de celle de 1990. Comme je l'ai dit, nous n'en sommes pas encore là, mais nous devons être beaucoup plus énergiques. Nous devons soutenir les investissements directs dans les étudiants des cycles supérieurs et dans les conseils subventionnaires.

  (2015)  

    Je vous remercie.
    J'aimerais rapidement m'adresser à M. Pomeroy.
    Monsieur Pomeroy, vous avez fait une déclaration intéressante. En effet, vous avez dit que vous ne voudriez pas être un scientifique du gouvernement en ce moment. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet et nous expliquer pourquoi ce ne serait pas une situation enviable?
    Oui. Les scientifiques du gouvernement avec lesquels j'ai eu le plaisir de travailler ont vu leur budget fondre au fil des décennies. Leur nombre a également diminué au cours de la même période. Les investissements dans les laboratoires fédéraux ne se sont pas maintenus. Ils sont devenus isolés.
    Il existait autrefois de nombreux programmes destinés aux initiatives et aux réseaux de recherche nationaux dirigés par des scientifiques du gouvernement. Nous avions des organismes de financement et des approches qui favorisaient considérablement toutes ces initiatives. Mais ce soutien semble avoir décliné dans une certaine mesure.
    La seule chose qui n'a pas trop souffert et qui fonctionne toujours bien, c'est la cohabitation des laboratoires gouvernementaux sur les campus universitaires. Par exemple, le Centre national de recherche en hydrologie d'Environnement Canada se trouve sur le campus de l'Université de la Saskatchewan. Cette collaboration permet d'approfondir la recherche hydrologique, qui revêt une importance cruciale.
    Bien entendu, les scientifiques du gouvernement ne peuvent généralement pas non plus demander un financement des trois conseils, ce qui est différent de ce qui se passe au Royaume-Uni, par exemple, ou ailleurs. Ils ne peuvent pas travailler à titre de chercheurs dans le cadre de grands programmes comme le Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada ou les réseaux du CRSNG, à moins qu'ils ne trouvent le moyen de fournir leurs propres fonds, mais souvent, ils n'ont tout simplement pas cet argent.
    C'est donc une situation très difficile pour eux. C'est également difficile pour les étudiants, car certains de nos étudiants des cycles supérieurs seraient d'excellents scientifiques du gouvernement et ils aimeraient beaucoup avoir une telle carrière, mais ces emplois sont très rares.
    Vous êtes un scientifique qui étudie l'eau. Pouvez-vous parler de l'historique du projet de la Région des lacs expérimentaux, peut-être à titre de mise en garde? Je pense qu'on en a parlé à la Chambre des communes aujourd'hui.
    Cette installation a été créée dans les années 1960 et 1970. C'est tout simplement la meilleure installation au monde pour étudier le problème des pluies acides, mais elle est aussi devenue, au fil du temps, une installation encore plus utile pour étudier les impacts du changement climatique, de l'aménagement du territoire et d'autres enjeux.
    C'était un laboratoire fédéral pendant de nombreuses années, mais il a été abandonné, comme beaucoup d'autres. Il y a des dizaines de bassins de recherche comme celui‑là partout au Canada, c'est‑à‑dire des endroits où le gouvernement fédéral menait des recherches sur l'eau, mais qui ont été, au bout du compte, abandonnés par le gouvernement fédéral.
    Les universités ou d'autres groupes tentent d'exploiter ces installations. À Winnipeg, l'Institut international du développement durable tente de maintenir les activités de la Région des lacs expérimentaux, mais d'autres établissements tentent également de maintenir des sites en activité, par exemple l'Université de la Saskatchewan, l'Université Waterloo et l'Université McMaster — et j'en passe. Nous essayons tous de maintenir en activité l'un des anciens sites de recherche fédéraux.
    Cela fait partie du problème, car ces laboratoires extérieurs, comme la Région des lacs expérimentaux, ont une valeur inestimable pour la recherche sur l'environnement et sur l'eau. Si nous ne les maintenons pas en activité, nous perdrons un héritage qui ne pourra pas être reproduit, surtout dans un contexte de changement climatique rapide. Nous devons savoir comment ces écosystèmes fonctionnaient avant le changement climatique et comment ils évoluent au cours de ce changement, car ils servent ainsi de systèmes d'alerte précoce. Il est très risqué de les abandonner maintenant.
    J'aime beaucoup la Fondation canadienne pour l'innovation. Nous avons collaboré à l'élaboration de nombreuses propositions. J'en ai justement terminé une il y a deux heures à peine. Elle vise à soutenir des endroits comme celui‑là.

  (2020)  

    Je vous remercie.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous entamons maintenant la dernière série de questions. Nous entendrons deux intervenants, qui auront chacun cinq minutes.
    Nous entendrons d'abord M. Soroka.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Goel, vous avez mentionné que la recherche était étroitement ciblée. J'aimerais que vous étoffiez ce commentaire.
    Si une personne a une idée fantastique pour mener des recherches, le problème du ciblage étroit est‑il lié à la bureaucratie nécessaire pour tenter d'obtenir du financement du gouvernement ou d'autres organismes? Ces voies de financement sont-elles si difficiles à utiliser que les scientifiques continuent simplement à réaliser les mêmes types de projets? La bureaucratie est-elle vraiment le problème du financement, ainsi que le manque d'argent et d'installations?
    Il s'agit vraiment d'une combinaison de tous ces éléments. Nous avons parlé des difficultés éprouvées par les conseils subventionnaires. En effet, ils sont organisés autour des sphères disciplinaires. Au sein de chaque conseil subventionnaire, il y a des comités d'examen qui sont habituellement liés à des domaines très précis.
    Je vais vous donner un exemple. Je parlais aujourd'hui avec quelqu'un de certains de nos chercheurs en sciences quantiques qui mettent au point une technologie qui pourrait être utilisée dans l'imagerie servant au diagnostic des cancers du cerveau, et ils travaillent donc avec des chercheurs cliniques. Doivent-ils faire une demande de financement au CRSNG, car ce sont des ingénieurs et des physiciens qui travaillent sur la technologie quantique — et c'est le domaine que finance le CRSNG — ou doivent-ils faire une demande aux IRSC, car ils font de la recherche clinique? Cela passe donc, en quelque sorte, entre les mailles du filet.
    Il y a de nouveaux programmes comme le FERAC et le Fonds Nouvelles frontières en recherche, mais ce sont des programmes à très grande échelle. Un chercheur individuel qui a une idée géniale ne peut pas facilement obtenir du financement.
    Pour poursuivre sur cette lancée, nous avons beaucoup parlé de financement, mais le défi auquel font face nos chercheurs — et je pense que vous y avez fait allusion —, c'est que nos mécanismes de financement sont très complexes. En effet, les chercheurs doivent remplir de nombreux formulaires différents — on pourrait appeler cela de la bureaucratie.
    Les chercheurs qui travaillent dans certains domaines et avec certains types de partenaires doivent également tenir compte de certains enjeux liés à la sécurité. Les universités appuient grandement les considérations liées à la sécurité, mais leur mise en œuvre entraîne de nouveaux défis pour nos chercheurs, qui doivent remplir une nouvelle série de formulaires et franchir de nouveaux obstacles, un problème qui ne se pose pas dans certains autres pays.
    L'exode potentiel des cerveaux dont nous parlons sera causé par une combinaison de facteurs liés au financement et aux obstacles bureaucratiques que les chercheurs doivent franchir.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Patry.
    Je suis assez préoccupé par ce que vous avez dit au sujet de l'exode des cerveaux. Comme je l'ai précisé aux témoins précédents, j'ai deux neveux. L'un est en train d'obtenir son doctorat et l'autre a une maîtrise. Ils sont tous deux partis aux États-Unis et je ne pense pas qu'ils reviendront.
    Vous avez dit que nous avions pris du retard. Est‑il possible de rattraper ce retard ou est‑ce essentiellement peine perdue, car il est maintenant impossible de rivaliser avec ces autres pays?
    Je pense qu'il est possible de rivaliser, et je vous remercie de votre question.
    Je devrais peut-être nuancer mes propos. Nous avons pris un retard considérable en ce qui concerne les dépenses des entreprises en matière de R‑D. Par contre, nous faisons toujours des dépenses liées à l'enseignement supérieur, mais au cours des 20 dernières années, si l'on tient compte des pressions exercées sur le système, c'est‑à‑dire l'inflation et la croissance, nous constatons que les fonds accessibles, ou ce que j'appelle le financement normalisé, diminuent.
    Nous demandons donc essentiellement un investissement substantiel qui dépasse l'inflation. Nous devons nous attaquer à l'inflation, mais nous devons également favoriser la croissance et la compétitivité. Si nous voulons être concurrentiels et favoriser la recherche et l'innovation au Canada — et nous le devrions —, il est évident que nous devons investir.
    Lorsque nous investissons un dollar dans un chercheur, par exemple lorsque nous donnons 100 000 $ à M. Pomeroy pour qu'il mène ses recherches, cela ne servira pas à payer son salaire comme c'est le cas aux États-Unis. Ces fonds serviront plutôt à payer ses étudiants des cycles supérieurs. Il transmet donc cet argent à des étudiants des cycles supérieurs et à des étudiants postdoctoraux, ce qui permet essentiellement de créer des emplois et, en même temps, de former la main-d'œuvre de demain.
    On a l'impression que cet argent disparaît dans le système, mais essentiellement, près de 80 % du financement que reçoit un chercheur sert à soutenir ses étudiants des cycles supérieurs et ses étudiants postdoctoraux.
    Je pense qu'il est possible d'être concurrentiels, car nous excellons dans certains domaines extraordinaires. Par exemple, M. Pomeroy a mentionné la recherche sur l'eau. C'est aussi mon domaine, et nous pouvons citer de nombreux développements dans la technologie de l'eau, le traitement de l'eau, le traitement des eaux usées, la salubrité de l'eau, l'intelligence artificielle, la science quantique, la fabrication de pointe, l'agriculture, etc.
    Il existe des domaines d'expertise formidables, mais n'oubliez pas les trois points que j'ai mentionnés plus tôt lorsque nous parlions du ciblage. Il est également important de tenir compte de ce domaine pour le développement futur.

  (2025)  

    Je vous remercie beaucoup.
    Nous passons maintenant aux dernières questions, qui seront posées par M. Lauzon.
    Vous avez quatre minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je suis très heureux de faire partie de ce nouveau comité. Participer à un comité sur la science et la recherche est une occasion historique, et je le fais avec grand plaisir.
    Ma première question s'adresse au Dr Pomeroy.

[Traduction]

    Ce matin, j'ai rencontré les représentants de l'Association nationale des engraisseurs de bovins, et ils m'ont expliqué les difficultés auxquelles ils font face en raison de la sécheresse qui sévit dans les Prairies. J'ai également rencontré les représentants de l'Union des producteurs agricoles, qui font face à des difficultés semblables en raison des inondations qui se sont produites au Québec.
    Comment votre domaine d'expertise, c'est‑à‑dire l'étude de l'eau — et plus généralement l'étude du changement climatique —, peut‑il permettre au Canada de demeurer concurrentiel dans le secteur de l'élevage des bovins et dans le secteur agricole en général, et plus précisément dans les régions rurales?
    Je vous remercie de votre question.
    L'un de mes sujets de recherche concerne l'empreinte hydrique du bétail, qu'il s'agisse de l'eau consommée par le bétail ou de l'eau qui sert à fabriquer sa nourriture, et les moyens adéquats d'éliminer les déchets.
    Compte tenu de la rapidité du changement climatique, ce qui m'inquiète le plus, c'est ce que Jim Bruce appelle l'élément « montant », c'est‑à‑dire l'eau dans les variations extrêmes entre les sécheresses et les inondations. En effet, nos agriculteurs alternent entre inondations et sécheresses, parfois pendant la même année dans la même province, mais l'année dernière a été marquée par une sécheresse inouïe, à l'échelle de l'Amérique du Nord. Au Canada, elle s'est étendue de l'île de Vancouver jusque dans le Sud du Québec et même un peu dans les Maritimes.
    Cette semaine, il y a eu une énorme tempête de poussière dans le Sud de l'Alberta, en plein mois de février. C'est sans précédent. Les récits sur la sécheresse des années 1930 ne parlent même pas de tempête de poussière hivernale, mais c'est ce que nous voyons maintenant.
    Nous avons un projet appelé Agricultural Water Futures qui vise à étudier l'empreinte hydrique des diverses cultures. Nous étudions les nouvelles cultures qui se répandent vers le nord en raison du réchauffement climatique, ainsi que leurs besoins en eau. Nous étudions également la manière de mieux gérer les sols et de capter la neige lorsqu'elle est présente à des fins d'approvisionnement en eau, et nous examinons les systèmes de travail du sol, ainsi que l'approvisionnement en eau dans les montagnes et d'autres sources d'eau pour l'irrigation.
    L'Alberta et la Saskatchewan ont toutes deux proposé des systèmes d'irrigation massifs. Nous devons nous assurer qu'il y a suffisamment d'eau pour ce projet et que cette eau est accessible pendant les plus longues sécheresses, et qu'il en reste pour les écosystèmes, les collectivités autochtones, les villes, les installations hydroélectriques et d'autres utilisations.
    C'est une période très difficile.
     Les eaux agricoles du Canada pourraient être encore plus importantes à l'avenir, à mesure que le reste du monde perd sa capacité à produire des aliments de façon fiable. Nous ferons face à des tensions et à des difficultés, mais notre situation sera relativement meilleure que celle de nombreuses autres régions, par exemple le Midwest américain.

  (2030)  

    Je vous remercie beaucoup. C'est une réponse complète.
    Malheureusement, monsieur Lauzon, c'est le temps de mettre fin à la réunion.
    C'est dommage, car j'avais encore beaucoup de questions à poser.
    Le temps a passé très rapidement. J'aimerais remercier tous les participants de leur patience ce soir.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Au nom des membres du Comité, j'aimerais remercier les témoins du premier groupe et ceux du second groupe. C'est une soirée historique, car c'est la première fois que des témoins comparaissent devant notre comité, et c'est un honneur de présider cette réunion.
    Comme c'est le temps d'ajourner la réunion, et puisque je ne vois aucune autre intervention, je vais mettre fin à la réunion. Nous nous reverrons jeudi prochain. La séance est levée.
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