La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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21. Les affaires émanant des députés

Historique

De 1867 à 1984

Temps réservé aux affaires émanant des députés

Au début de la Confédération, une grande proportion du temps de la Chambre était consacrée aux projets de loi d’intérêt privé ou aux mesures proposées par de simples députés. En 1867, le Règlement donnait la priorité aux affaires émanant des députés certains jours de la semaine [8] . Cependant, les gouvernements considéraient que cette répartition du temps ne leur permettait pas de mener à bien leurs propres programmes législatifs, et ils faisaient régulièrement étudier leurs affaires en priorité par le biais d’ordres spéciaux ou d’ordres sessionnels.

Au fil des ans, des changements ont été apportés au Règlement afin de donner au gouvernement plus de temps pour l’étude de ses propres affaires. En 1906, cette manière de procéder s’était à ce point implantée que l’ordre hebdomadaire des travaux était officiellement modifié, de sorte qu’après les quatre premières semaines de chaque session, l’un des trois jours réservés aux affaires émanant des députés — le jeudi — était cédé aux affaires émanant du gouvernement [9] .

Entre 1906 et 1955, en raison du recours aux ordres spéciaux et sessionnels, les affaires émanant du gouvernement ont progressivement accaparé la presque totalité du temps restant pour les affaires émanant des députés. En 1955, des modifications apportées au Règlement officialisaient de nouveau la pratique d’accorder la priorité aux affaires émanant du gouvernement : le nombre de jours réservés aux députés, à savoir tous les lundis, tous les mercredis et quatre jeudis par session, était réduit à six lundis et à deux jeudis par session [10] . Selon la longueur de chaque session, cette modification garantissait à tout le moins que les huit jours prévus ne seraient pas davantage invalidés par une suspension au moyen d’un ordre spécial ou sessionnel.

En 1962, la Chambre abandonne l’affectation d’un nombre déterminé de jours par session aux affaires émanant des députés pour réserver plutôt une heure par jour à cette fin. Cependant, une fois cette heure utilisée à 40 reprises au cours d’une session, elle cesse d’être réservée aux affaires émanant des députés le lundi, le mardi et le mercredi et elle continue à l’être le jeudi et le vendredi [11] . En 1968, les affaires émanant des députés étaient supprimées de l’ordre des travaux du mercredi et la règle établissant un maximum de 40 prises en considération par session ne valait plus que pour le lundi et le mardi; par la suite, les affaires émanant des députés n’étaient étudiées que le jeudi et le vendredi [12] .

En 1982, l’examen des affaires émanant des députés pendant une heure certains jours de la semaine était remplacé par l’attribution d’un seul jour, soit le mercredi, à ce type d’affaires. Ainsi, le temps accordé pour les délibérations était réduit d’une heure par semaine, passant de quatre à trois heures [13] . Cependant, à la fin de 1983, la Chambre revenait à l’étude des affaires émanant des députés une heure par jour le lundi, le mardi, le jeudi et le vendredi, sans fixer comme auparavant un maximum pour le nombre de prises en considération le lundi et le mardi [14] . Par suite de l’omission de cette partie de l’ancienne règle, la quantité de temps réservée aux députés se trouvait en réalité accrue. (À la suite d’autres changements au Règlement adoptés en avril 1991, le nombre de jours par semaine où des affaires émanant des députés étaient mises en délibération passait de quatre à cinq, la séance du mercredi étant prolongée d’une heure [15] .)

Priorité des affaires

De la Confédération jusqu’à la fin des années 1950, les deux critères qui déterminaient l’ordre dans lequel on étudiait les affaires émanant des députés étaient la date de l’avis et, dans le cas des projets de loi, l’étape atteinte dans le processus législatif. Au cours de cette période également, des critères secondaires, essentiellement destinés à distinguer les divers types d’affaires l’un de l’autre, ont pris de l’importance.

En 1910, par exemple, une modification apportée au Règlement [16]  accordait un degré de priorité plus élevé aux avis de motions portant production de documents qui ne faisaient l’objet d’aucune opposition. En revanche, les motions du même genre auxquelles on s’opposait ont continué d’être prises en considération avec les autres avis de motions jusqu’en 1961, année où l’on a créé à leur intention une rubrique distincte (Avis de motions (documents)) dans l’ordre des travaux et à partir de laquelle elles ont été mises en délibération lors de jours précisés [17] .

De même, des changements adoptés en 1927 interdisaient à tout député de faire inscrire plus d’un avis de motion au Feuilleton à la fois. Cet avis serait aussi rayé si l’on en faisait appel à deux reprises sans y donner suite [18] . En outre, d’autres règles permettaient la mise en suspens des projets de loi ou avis de motions émanant des députés et leur report au lendemain [19] . Ce genre de dérogations à l’ordre chronologique habituel, fondé sur les diverses étapes de l’étude, qui se doublaient de changements fréquents dans l’ordre quotidien des travaux, ont par la suite conduit à l’adoption d’un ordre fixe pour tous les types d’affaires émanant des députés [20] .

Tout au long de cette période, le volume des affaires émanant des députés s’est accru, ce qui a engendré d’autres innovations dans la procédure. En 1958, le Président Michener instituait un système de tirage au sort pour les avis de motion [21] . Chaque député pouvait soumettre un avis au début de la session. Ces avis étaient placés dans un récipient. Puis, en présence du Président, du Greffier et des représentants des partis, on les tirait au sort pour établir l’ordre dans lequel ils seraient étudiés. Les avis donnés après le tirage au sort étaient inscrits au Feuilleton après ceux qui avaient été tirés au sort.

Au début d’une session subséquente, cette manière de procéder a été appliquée aux projets de loi d’intérêt public émanant des députés. On procédait ainsi à deux tirages au sort : l’un pour les avis de motions et l’autre pour les projets de loi. Cependant, dans ce dernier cas, un député pouvait donner avis de plusieurs projets de loi, car contrairement aux avis de motions, aucune limite n’était imposée. Dans les deux cas, lorsqu’une affaire avait été prise en considération, mais qu’on en n’avait pas terminé l’étude, elle tombait au bas de la liste. Les avis de motions appelés à deux reprises et non étudiés étaient rayés du Feuilleton comme auparavant.

Les députés ont bientôt compris qu’en donnant avis de plusieurs projets de loi, ils amélioraient leurs chances lors du tirage au sort. Forcément, cette manière de procéder a eu pour conséquence que certains députés ont obtenu davantage de temps que d’autres à la Chambre. Pour permettre une répartition plus équitable, les whips des partis ont limité chaque député à un projet de loi parmi les cinquante premiers à être tirés. Par ailleurs, à partir des années 1970, l’organisation concrète de la période réservée aux affaires émanant des députés était confiée au bureau du leader du gouvernement à la Chambre, une pratique critiquée par certains députés qui croyaient qu’elle constituait une ingérence indue du gouvernement. Par la suite, le Greffier de la Chambre est devenu responsable de l’organisation de ce volet des travaux de la Chambre [22] .

Le dernier grand changement apporté avant l’adoption du système utilisé actuellement pour établir l’ordre de priorité est survenu en 1982, lorsque toutes les catégories d’affaires émanant des députés (à l’exception des projets de loi d’intérêt privé) ont été combinées en un seul groupe pour lequel on procédait à un seul tirage au sort des noms des députés au début de chaque session. Une limite analogue à celle qui s’appliquait antérieurement aux projets de loi était maintenue pour les cinquante premières affaires à être tirées; parallèlement à cela, on supprimait la limite d’un avis de motion par député [23] .

Depuis 1984

Les règles actuelles sur le déroulement des affaires émanant des députés découlent en grande partie des recommandations du Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (le « Comité McGrath ») établi en décembre 1984. Dans son rapport final présenté à la Chambre en 1985, le Comité formulait les observations suivantes :

La procédure actuelle est telle que la Chambre n’attache pas une grande importance à ces mesures […] Aussi les députés sont-ils peu enclins à se prévaloir du droit qui leur échoit par suite du tirage au sort qui détermine l’ordre des affaires émanant des députés. Ce manque d’intérêt tient surtout au fait que ces projets de loi et ces motions se rendent rarement à l’étape de la mise aux voix [24] .

Les recommandations subséquentes du Comité entraînèrent des modifications au Règlement. Adoptées à titre provisoire en février 1986, après un long débat à la Chambre [25] , ces modifications constituèrent le fondement des règles actuelles sur les affaires émanant des députés — l’établissement de l’ordre de priorité, le processus de détermination des affaires votables, et la façon dont ces affaires seraient débattues. Depuis février 1986, d’autres modifications ont été apportées au Règlement.

En réaction aux problèmes causés par l’absence des députés dont les affaires devaient faire l’objet d’un débat, un ordre spécial a été adopté en décembre 1986 afin d’autoriser le Président à procéder à un échange d’affaires non votables lorsqu’un député l’avise qu’il ne pourra être présent à la Chambre au moment où l’étude de son affaire est prévue [26] .

En juin 1987, les dispositions provisoires du Règlement deviennent permanentes et d’autres changements sont adoptés en ce qui touche à l’ordre dans lequel les affaires émanant des députés sont étudiées [27] . Le Président a le pouvoir de procéder à un échange entre une affaire non votable d’un député qui ne peut être présent et une affaire similaire d’un député qui peut être présent à la Chambre. De plus, le Feuilleton est changé pour présenter tous les types d’affaires dans une même liste, y compris les projets de loi d’intérêt privé et les projets de loi d’intérêt public des députés qui sont présentés en premier au Sénat.

En 1989, la Chambre adopte une motion ordonnant au Comité permanent des élections, des privilèges, de la procédure et des affaires émanant des députés de procéder à une étude et de faire rapport sur diverses méthodes et procédures relatives à la conduite des affaires émanant des députés [28] . Le 6 décembre 1989, le Comité présente son septième rapport qui comprend plusieurs recommandations concernant entre autres le choix des affaires à inclure dans l’ordre de priorité, la sélection des affaires votables, et la durée du débat sur celles-ci [29] . Le rapport n’est pas adopté, mais il suscite quand même des modifications au Règlement qui seront entérinées le 10 mai 1990 [30] .

Plusieurs changements significatifs sont ainsi apportés au Règlement, comme le recommandait le Comité permanent : on tirera au sort les noms des députés plutôt que les diverses affaires, ce qui signifie que les députés n’ayant soumis qu’une motion ou un projet de loi auront les mêmes chances que ceux qui en ont soumis plusieurs; des listes distinctes de projets de loi et de motions sont établies et le nombre d’affaires votables est fixé à trois projets de loi et à trois motions. La durée du débat sur les affaires votables passe de cinq à trois heures, et l’heure réservée aux affaires émanant des députés est suspendue lors des jours réservés aux travaux des subsides. Ces modifications sont adoptées de manière provisoire, jusqu’à la dernière journée de séance de décembre 1990.

En décembre 1990, le Comité permanent des privilèges et des élections, après avoir constaté que les dispositions provisoires du Règlement approuvées en mai 1990 avaient donné de bons résultats, recommande dans son vingt et unième rapport qu’on les rendent permanentes [31] . Il propose ensuite un certain nombre d’autres changements, notamment concernant l’échange d’affaires votables, l’heure réservée aux affaires émanant des députés le lundi, et le report des votes par appel nominal sur des affaires émanant des députés à la demande des whips. D’autres changements aux dispositions du Règlement régissant les affaires émanant des députés, adoptés le 11 avril 1991 et en grande partie fondés sur le vingt et unième rapport du Comité, permettent de clarifier la procédure à suivre lors du tirage au sort pour le choix des affaires à débattre, réduisent le nombre d’heures de débat sur une affaire, augmentent le nombre de jours par semaine où les affaires émanant des députés sont étudiées, et améliorent enfin le processus à suivre pour procéder à un échange d’affaires qui seront débattues pendant l’heure réservée aux affaires émanant des députés [32] .

Le 29 avril 1992, deux rapports du Comité permanent de la gestion de la Chambre sont adoptés, ce qui permet de modifier le Règlement afin d’accroître le nombre d’affaires votables et le nombre total d’affaires incluses dans l’ordre de priorité, et de clarifier la marche à suivre pour le report des votes par appel nominal sur des affaires émanant des députés [33] . À la suite de l’adoption du vingt-quatrième rapport [34]  concernant les votes par appel nominal sur des projets de loi ou motions émanant des députés, l’habitude est prise d’enregistrer tout d’abord le vote du parrain et ensuite le reste des votes du même côté de la Chambre avant de passer de l’autre côté. Après l’adoption du vingt-septième rapport, l’ordre de priorité passe de 20 à 30 affaires, les tirages sont tenus lorsque la liste contient moins de 15 affaires plutôt que moins de 10, et le nombre maximal d’affaires votables passe de trois projets de loi et trois motions à cinq projets de loi et cinq motions [35] .

En 1998, le Règlement est modifié afin que ce maximum ne soit plus de cinq projets de loi et de cinq motions, mais plutôt de simplement dix affaires votables, et afin d’établir une nouvelle procédure pour permettre l’ajout d’une affaire à l’ordre de priorité lorsqu’elle bénéficie de l’appui de 100 députés [36] .


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