La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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23. Les projets de loi d’intérêt privé

Processus législatif pour les projets de loi privés

Les projets de loi privés sont assujettis aux mêmes règles que les projets de loi publics : ils doivent franchir trois lectures distinctes et faire l’objet d’une étude détaillée en comité [83] . Les projets de loi présentés d’abord au Sénat conservent le même numéro durant leur étude à la Chambre [84]. Les projets de loi qui émanent de la Chambre sont numérotés consécutivement à compter de C-1001. Ces projets de loi sont étudiés durant la période réservée aux affaires émanant des députés. Mais comme on l’a déjà mentionné, bien qu’un projet de loi privé doive être parrainé par un député à la Chambre, il n’est pas considéré comme un projet de loi émanant d’un député, parce qu’il est présenté à la demande d’un particulier qui ne siège pas au Parlement.

Dépôt de la pétition

Dès qu’une pétition introductive d’un projet de loi privé est reçue, le greffier des pétitions demande au député qui sera le parrain de signer au dos de la pétition [85] . Elle est ensuite déposée auprès du Greffier de la Chambre et enregistrée dans les Journaux de ce jour-là [86] . La pétition doit porter les signatures originales des personnes qui demandent l’adoption du projet de loi et qui en bénéficieront [87] . Dans le cas d’une société, la pétition doit porter le sceau de cette dernière de même que les signatures de ses représentants autorisés. Les signatures doivent figurer à la fin de la requête [88], et lorsqu’il y a trois pétitionnaires ou plus, au moins trois des signatures doivent suivre la requête sur la même page [89] .

Le Règlement ne précise pas si une pétition est requise pour qu’un projet de loi présenté au Sénat puisse être étudié à la Chambre, mais l’usage veut que le promoteur d’un projet de loi présente une pétition à chacune des deux chambres [90]. Dans le cas d’un projet de loi privé qui émane du Sénat, le député parrain dépose habituellement la pétition auprès du Greffier de la Chambre après que le projet de loi a franchi la deuxième lecture au Sénat.

Rapport du Greffier des pétitions

Le lendemain de l’inscription de la pétition dans les Journaux, le greffier des pétitions transmet un rapport au Greffier de la Chambre pour lui indiquer si la pétition est conforme au Règlement et aux usages de la Chambre quant à sa forme et à sa teneur. Si oui, la pétition est réputée lue et reçue [91]  et sera réputée renvoyée d’office au comité qui sera chargé d’étudier le projet de loi privé après la deuxième lecture [92] . Si la pétition est jugée inadmissible, elle ne peut être reçue par la Chambre et le projet de loi privé ne peut lui être soumis [93] . Aucun débat n’est permis sur le rapport du greffier des pétitions [94] .

Rapport de l’examinateur des pétitions introductives de projets de loi d’intérêt privé

Aussitôt reçue la pétition introductive d’un projet de loi privé, un fonctionnaire de la Chambre agissant comme examinateur des pétitions examine la pétition et les avis publiés afin de s’assurer que tout est conforme aux conditions de parution dans la Gazette du Canada [95] . L’examinateur transmet ensuite un rapport au Greffier de la Chambre lui indiquant si le requérant satisfait aux conditions relatives aux avis [96] . Si ce rapport indique que les avis ont été insuffisants ou défectueux ou qu’il subsiste des doutes à ce sujet, le rapport et la pétition sont réputés renvoyés au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre [97] . Si un projet de loi privé présenté au Sénat est transmis aux Communes sans qu’une pétition ait été reçue par la Chambre, l’examinateur des pétitions compare le texte du préambule avec les avis prescrits et fait comme si une pétition avait été reçue [98] .

Étude en Comité relative à la publication des avis

Lorsqu’un rapport de l’examinateur des pétitions est renvoyé au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, le Comité peut convoquer le député qui a présenté la pétition introductive d’un projet de loi privé de même que le requérant ou l’agent parlementaire. Après avoir entendu leurs explications, le Comité décide s’il faudrait donner suite à la pétition et de quelle façon. Il présente un rapport à la Chambre concernant toute irrégularité relative aux avis et recommande les mesures appropriées dans les circonstances [99] . Ainsi, le Comité peut recommander la suspension de certaines dispositions du Règlement en précisant les motifs de cette décision dans son rapport. S’il ne recommande pas la suspension du Règlement, la Chambre ne peut étudier le projet de loi fondé sur la pétition [100] . Après le dépôt du rapport du Comité, le président du Comité ou le député qui a présenté la pétition proposera habituellement l’adoption du rapport [101] .

Première lecture du projet de loi

Une fois que l’examinateur des pétitions introductives de projets de loi privés ou le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a transmis son rapport indiquant que les conditions d’avis ont été respectées (c’est-à-dire que les requérants ont fait publier un avis de leurs intentions dans la Gazette du Canada et fourni une preuve de cette publication), tout projet de loi privé présenté aux Communes peut être déposé sur le Bureau par le Greffier de la Chambre [102] . On juge alors qu’il a été lu une première fois et que son impression et sa deuxième lecture sont ordonnées; il est ensuite ajouté au bas de l’ordre de priorité pour les affaires émanant des députés [103] . Il est aussi désigné affaire votable aux fins des affaires émanant des députés [104] .

Un projet de loi privé présenté en premier au Sénat est réputé avoir été lu une première fois et sa deuxième lecture est fixée d’office à la séance suivante de la Chambre dès qu’un message est reçu du Sénat indiquant que le projet de loi a été adopté [105] . Il est également placé au bas de l’ordre de priorité pour les affaires émanant des députés et désigné affaire votable [106] .

Deuxième lecture et renvoi en Comité

Contrairement à un projet de loi public qui est fondé sur des objectifs d’intérêt public et dont la Chambre accepte le principe en convenant de lui faire franchir la deuxième lecture, la pertinence d’un projet de loi privé sera principalement établie par un comité qui déterminera si les assertions qui y sont faites sont fondées. Habituellement, la Chambre convient de la deuxième lecture d’un projet de loi privé, mais ce faisant, elle accepte le principe dont il s’inspire à la condition qu’un comité juge que les assertions faites dans le préambule sont vraies [107] . Les amendements qui peuvent être proposés en deuxième lecture sont les mêmes que ceux qui peuvent être proposés à la motion de deuxième lecture d’un projet de loi public (c.-à-d. un amendement de renvoi, un amendement motivé et une motion de révocation de l’ordre de deuxième lecture) [108] .

Étude en Comité

Le Règlement prévoit que tous les projets de loi privés seront renvoyés à un comité législatif après la deuxième lecture, mais la Chambre accepte souvent à l’unanimité de franchir cette étape en comité plénier puisque la plupart de ces projets de loi sont présentés d’abord au Sénat [109] . Cependant, lorsque la Chambre a reçu une pétition la priant de ne pas adopter le projet de loi ou que des députés estiment que le projet de loi devrait être étudié plus à fond, il est habituellement renvoyé à un comité [110] .

La première tâche du comité est de déterminer si le préambule du projet de loi est motivé, c’est-à-dire si l’on peut prouver les assertions contenues dans le préambule et sur lesquelles le projet de loi est fondé. Les promoteurs ou leur agent parlementaire présentent leurs arguments pour prouver l’exactitude de ces assertions et la pertinence de la solution proposée dans les dispositions du projet de loi. Tout opposant ou son agent parlementaire peut présenter les motifs de son opposition à tout ou partie du projet de loi. Si le comité juge qu’une partie du préambule n’est pas suffisamment étayée, il peut la supprimer ainsi que les dispositions liées aux assertions non prouvées. Le comité peut aussi préférer signaler que le préambule n’est pas motivé et qu’on ne devrait pas poursuivre l’étude du projet de loi. Dans ces cas-là, il lui faut exposer pourquoi il faut apporter des changements importants au préambule ou pourquoi le préambule a été jugé non motivé [111] . Enfin, le comité peut amender le préambule, en supprimant ou modifiant toute assertion qu’il juge non motivée ou en éliminant toute assertion que les promoteurs peuvent souhaiter retirer.

Après qu’il a été établi que le préambule est motivé, le comité entreprend l’étude du projet de loi article par article; des amendements peuvent alors être proposés. Les amendements apportés par le comité ne doivent pas être importants au point de créer un projet de loi différent de celui qui a franchi l’étape de la deuxième lecture [112] . Toutes les questions soumises au comité sont décidées à la majorité des voix. Le président peut voter deux fois : une première fois avec les autres membres du comité et une autre fois s’il y a partage des voix [113] . Le président appose ses initiales près des dispositions du projet de loi qui sont adoptées avec ou sans amendement et signe le projet de loi [114] .

Une fois les délibérations sur le projet de loi terminées, le comité est tenu d’en faire rapport à la Chambre, avec ou sans amendement [115] .

Lorsqu’un comité signale à la Chambre dans son rapport que le préambule n’est pas motivé, le projet de loi n’est pas inscrit au Feuilleton à moins d’un ordre spécial de la Chambre [116] . S’il signale que le projet de loi contient des dispositions qui n’étaient pas prévues dans l’avis ou la pétition, le projet de loi n’est pas inscrit au Feuilleton tant que l’examinateur des pétitions n’a pas indiqué que l’avis ou la pétition était suffisant pour embrasser ces dispositions [117] .

Comme le projet de loi relève du promoteur et non du député chargé de le parrainer, le promoteur peut à tout moment informer le comité qu’il souhaite interrompre le processus [118] . On en informe alors la Chambre et le projet de loi est retiré [119] .

Étape du rapport et troisiàme lecture

Ces deux étapes sont régies par les dispositions du Règlement relatives aux affaires émanant des députés (voir le chapitre 21, « Les affaires émanant des députés »). Lorsqu’un projet de loi privé est étudié à l’étape du rapport, un avis d’un jour est exigé pour tous les amendements proposés [120] . En troisième lecture, on peut proposer les mêmes amendements que dans le cas d’un projet de loi public (soit un amendement de renvoi, un amendement motivé ou un amendement visant à renvoyer de nouveau le projet de loi en comité).

Adoption et Sanction Royale

Lorsqu’un projet de loi privé présenté en premier à la Chambre est adopté tel quel par le Sénat, il reçoit la sanction royale et devient loi. S’il est amendé par le Sénat, un message est transmis à la Chambre l’informant des amendements. Entre 1945 et 1978 (la dernière fois qu’un projet de loi privé a été présenté en premier à la Chambre), aucun amendement n’a été apporté par le Sénat à des projets de loi privés présentés d’abord à la Chambre. Au début de la Confédération, le Sénat amendait souvent les projets de loi privés présentés à la Chambre. Habituellement, cette dernière procédait alors à la lecture des amendements une deuxième fois et les adoptait [121] . Parfois, si les amendements étaient substantiels et ne portaient pas uniquement « sur des mots ou sur quelque détail sans importance », la Chambre renvoyait les amendements au comité chargé de l’étude [122] . Si ces amendements étaient entérinés par le comité dans un rapport à la Chambre, celle-ci les examinait [123] . Si les amendements étaient lus une deuxième fois et adoptés par la Chambre, un message était transmis au Sénat pour l’en informer et le projet de loi recevait ensuite la sanction royale. Si le comité était en désaccord avec les amendements, il en faisait rapport à la Chambre. Si la Chambre approuvait le rapport du comité, elle transmettait alors un message au Sénat pour l’en informer [124] .

Lorsqu’un projet de loi privé présenté d’abord au Sénat est adopté par la Chambre tel quel, il reçoit la sanction royale et devient loi. Si la Chambre adopte le projet de loi avec des amendements, un message est transmis au Sénat lui demandant d’entériner les amendements. Par la suite, le Sénat transmet un message indiquant s’il approuve ou rejette les amendements. S’il les approuve, un message est envoyé à la Chambre pour l’en informer et le projet de loi reçoit ensuite la sanction royale [125] . Si le Sénat n’est pas d’accord avec les amendements, il en informe la Chambre.


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