La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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Étapes du processus législatif

Un projet de loi franchit toutes les étapes du processus législatif par « une longue série de motions normalisées » sur lesquelles la Chambre doit se prononcer favorablement avant que le projet de loi puisse devenir loi [123] . C’est sur ces motions, et non pas sur le projet de loi, que portent les décisions et les débats de la Chambre. Ces étapes « constituent un processus simple et logique où chaque étape transcende la précédente, de sorte que même si les principales motions — que le projet de loi soit lu une première (une deuxième ou une troisième) fois — sont semblables en apparence, et semblent répétitives, leurs sens diffèrent grandement [124]  ». D’autre part, la Chambre ne se prononce définitivement en faveur du projet de loi qu’à la dernière étape, lorsqu’elle décide de laisser le projet de loi sortir de son enceinte [125] .

Le Règlement de la Chambre exige que tout projet de loi fasse l’objet de trois lectures, en des jours différents, avant d’être adopté [126] . La coutume qui consiste à soumettre tout projet de loi à trois lectures distinctes découle d’une ancienne pratique parlementaire qui trouve ses origines au Royaume-Uni [127] . À l’époque où la technologie ne permettait pas encore de reproduire les documents en grand nombre et à peu de frais, les projets de loi étaient présentés sous forme manuscrite, et donc en un seul exemplaire. Afin que les députés puissent prendre connaissance de leur contenu, le Greffier leur faisait lecture du texte. La « lecture » d’un projet de loi était donc prise au sens littéral [128] .

De nos jours, le texte d’un projet de loi n’est plus lu, mais la forme d’une lecture est encore conservée. Lorsque le Président déclare que la motion portant première lecture a été adoptée, un greffier au Bureau se lève et prononce les mots « Première lecture du projet de loi », indiquant ainsi que l’ordre de la Chambre a été respecté. Le même scénario est répété lorsque la Chambre ordonne la deuxième puis la troisième lecture du projet de loi.

Une attestation de lecture doit être apposée à tout projet de loi à chacune des trois lectures, au moment de son adoption. Le Greffier de la Chambre assume la responsabilité d’attester chacune des lectures et d’indiquer la date d’adoption des projets de loi [129] . Tout au long des étapes de son étude, le projet de loi demeure sous la garde du Greffier. Aucune modification de fond n’y est permise sans l’autorisation expresse de la Chambre ou d’un comité, toute modification prenant alors la forme d’un amendement. Les originaux des projets de loi portant les attestations prescrites font partie des archives de la Chambre [130] .

Tous les projets de loi doivent franchir les mêmes étapes du processus législatif, mais pas nécessairement en suivant tous le même cheminement. Depuis que la Chambre a adopté de nouvelles règles visant à assouplir son processus législatif [131] , il existe maintenant trois voies que le législateur peut emprunter pour faire adopter un projet de loi (voir la figure 16.1) :

  • Un ministre ou un simple député, après en avoir donné avis, dépose un projet de loi qui reçoit immédiatement la première lecture. Le projet de loi fait ensuite l’objet d’un débat de portée générale à l’étape de la deuxième lecture. Par la suite, il est renvoyé à un comité pour une étude article par article.
  • Un ministre ou un simple député peut proposer qu’un comité soit chargé de l’élaboration du projet de loi. Celui-ci sera alors déposé par le comité et franchira l’étape de la deuxième lecture sans débat ni amendement.
  • Un ministre peut proposer qu’un projet de loi soit renvoyé à un comité aux fins d’examen avant la deuxième lecture.

Quelle que soit la voie que le législateur décidera d’emprunter, le projet de loi devra ensuite passer par l’étape du rapport, être lu une troisième fois et transmis au Sénat aux fins d’adoption avant de recevoir la sanction royale. Au début d’une nouvelle session, un projet de loi d’intérêt public, s’il s’agit du même projet de loi que celui déposé au cours de la session précédente, peut être rétabli à l’étape où il était rendu au moment de la prorogation. Cette procédure est possible soit par l’adoption d’une motion à cet effet [132] , soit, dans le cas d’un projet de loi d’initiative parlementaire, par une nouvelle disposition du Règlement adoptée en 1998 [133] .

En cas d’urgence et de circonstances extraordinaires, et si la Chambre en décide ainsi, un projet de loi peut, le même jour, faire l’objet de deux ou trois lectures ou encore franchir deux étapes ou plus [134] . Cette disposition du Règlement ne fait référence qu’aux étapes de lecture [135] . C’est à la Chambre elle-même, et non à la présidence, de déterminer s’il y a urgence en la matière [136] .

Voici donc les étapes qu’un projet de loi est appelé à franchir lorsqu’il est déposé à la Chambre des communes :

  • Avis de présentation et inscription au Feuilleton;
  • Élaboration d’un projet de loi par un comité (le cas échéant);
  • Dépôt et première lecture;
  • Renvoi à un comité avant la deuxième lecture (le cas échéant);
  • Deuxième lecture et renvoi à un comité;
  • Examen en comité;
  • Étape du rapport;
  • Troisième lecture (et adoption);
  • Étude et adoption par le Sénat;
  • Adoption par les Communes des amendements du Sénat (le cas échéant);
  • Sanction royale;
  • Entrée en vigueur.

Un projet de loi présenté au Sénat doit franchir essentiellement les mêmes étapes, sauf que la mesure est d’abord étudiée au Sénat puis à la Chambre des communes [137] . La plupart des projets de loi peuvent être présentés dans l’une ou l’autre chambre, à l’exception de ceux qui entraînent des dépenses ou qui touchent les impôts. Ceux-ci doivent alors être impérativement présentés à la Chambre des communes.

Figure 16.1 – Les trois options du processus législatif
(Projets de loi ministériels déposés à la Chambre des communes)
Trois colonnes de cases reliées par des lignes et illustrant les étapes à suivre pour les trois options du processus législatif : 1. processus selon lequel un projet de loi est renvoyé à un comité avant la deuxième lecture; 2. processus selon lequel un projet de loi est renvoyé à un comité après la deuxième lecture; 3. processus selon lequel un comité élabore et dépose un projet de loi.

Avis de présentation et inscription au Feuilleton

La présentation de tout projet de loi d’intérêt public doit être annoncée au moyen d’un avis de 48 heures [138] . L’avis de présentation est une condition préalable du processus législatif. Une fois présenté, le projet de loi ne requiert aucun autre avis aux autres étapes de son étude (à l’exception des motions d’amendement lors de l’étape du rapport). Les projets de loi d’intérêt privé sont assujettis, en matière d’avis, à des exigences qui leur sont propres [139].

Un simple député ou un ministre qui a l’intention de présenter un projet de loi à la Chambre des communes doit d’abord en donner avis au Greffier de la Chambre avant 18 heures (14 heures le vendredi) [140] . Le titre du projet de loi qui doit être présenté est alors inscrit au Feuilleton des Avis. Le surlendemain, le titre apparaîtra au Feuilleton selon l’ordre de réception des avis, pour présentation éventuelle à la Chambre. Ainsi, l’avis de 48 heures exigé par le Règlement aura été donné. Le titre du projet de loi restera inscrit ainsi au Feuilleton jusqu’au jour où le simple député ou le ministre décidera de déposer son projet de loi.

Les projets de loi qui entraînent des dépenses publiques et les projets de loi de voies et moyens ont des dispositions spéciales relatives à leur présentation. Celles-ci sont décrites au chapitre 18, « Les procédures financières ».

Élaboration d’un projet de loi par un Comité

Le Règlement prévoit qu’une motion tendant à l’élaboration d’un projet de loi par un comité [141]  peut être proposée par un ministre [142]  ou par un simple député [143] . Cependant, les procédures à suivre pour chaque initiative ne sont pas tout à fait les mêmes.

Un ministre qui souhaite charger un comité de produire et de déposer un projet de loi doit donner un préavis de 48 heures de la motion qu’il entend proposer à cette fin [144] . Une fois ce délai écoulé, la motion sera inscrite au Feuilleton sous les Ordres émanant du gouvernement. Lorsqu’elle sera appelée par le gouvernement, elle pourra faire l’objet d’un débat d’au plus 90 minutes, après quoi le Président interrompra les délibérations et mettra aux voix toute question nécessaire pour en disposer [145] .

Si un simple député souhaite charger un comité de produire et de déposer un projet de loi, il doit donner un préavis d’au moins deux semaines de la motion qu’il entend proposer [146] . Une fois ce délai écoulé, la motion sera inscrite au Feuilleton sous les « Affaires émanant des députés ». Par la suite, elle sera visée par toutes les règles gouvernant les affaires émanant des députés (c’est-à-dire qu’elle sera soumise à la procédure du tirage au sort, devra être choisie comme affaire pouvant faire l’objet d’un vote et sera étudiée pendant l’heure réservée aux Affaires émanant des députés [147] ).

L’adoption par la Chambre d’un rapport d’un comité chargé d’élaborer et de déposer un projet de loi constitue un ordre de déposer le projet de loi [148] . Si, au moment de présenter la motion portant première lecture du projet de loi, le ministre ou le député déclare que le projet de loi est fondé sur le rapport du comité, le projet de loi franchira plus tard l’étape de la deuxième lecture sans débat ni amendement. L’étude en deuxième lecture d’un projet de loi d’initiative ministérielle ne pourra commencer avant le troisième jour de séance suivant la première lecture [149] . Une période d’au moins deux semaines devra s’écouler entre la première et la deuxième lecture d’un projet de loi d’initiative parlementaire [150] . Après sa deuxième lecture, le projet de loi franchira ensuite les autres étapes communes aux mesures législatives d’intérêt public.

Dépôt et première lecture

La première véritable étape du processus législatif est le dépôt du projet de loi à la Chambre et sa première lecture. Lorsque la période d’avis est écoulée et que le député ou le ministre est prêt à déposer son projet de loi, il manifeste à la présidence son intention de procéder durant les Affaires courantes à l’appel de la rubrique « Dépôt de projets de loi émanant du gouvernement » ou de la rubrique « Dépôt de projets de loi émanant des députés », selon le cas. L’autorisation de déposer un projet de loi est accordée automatiquement, et la motion est réputée adoptée sans débat ni amendement ni mise aux voix [151] . Le ministre ne fournit habituellement aucune explication lorsqu’il demande l’autorisation de déposer un projet de loi, mais il lui est loisible de le faire [152] . Par contre, le simple député fournit habituellement une brève explication du projet de loi qu’il présente à la Chambre [153] .

Le but de la première lecture est de permettre la présentation du projet de loi, puis son impression et sa distribution à tous les députés. C’est à ce moment-là qu’un numéro spécifique lui est attribué. L’adoption de la motion de première lecture signifie simplement que la Chambre accepte que le projet de loi soit présenté sans s’engager davantage, si ce n’est qu’elle permet que le texte soit porté à la connaissance du Parlement et du public [154] . Aucune discussion ne peut avoir lieu à cette étape. Dès que l’autorisation de dépôt du projet de loi a été accordée, le Président propose à la Chambre la motion portant : « Que ce projet de loi soit maintenant lu une première fois et imprimé ». Cette motion est réputée adoptée sans débat ni amendement ni mise aux voix [155] . Le Président demande ensuite : « Quand ce projet de loi sera-t-il lu pour la deuxième fois? », et répond : « À la prochaine séance de la Chambre ». Cette demande n’est en fait qu’une simple formalité qui permet d’inscrire le projet de loi au Feuilleton sous la rubrique des « Ordres émanant du gouvernement » ou sous celle des « Affaires émanant des députés » [156] .

Les projets de loi qui émanent du Sénat sont déjà imprimés lorsqu’ils sont transmis à la Chambre des communes. Conséquemment, cela permet de passer outre à la demande d’autorisation de dépôt du projet de loi. La motion de première lecture est réputée adoptée sans débat ni amendement ni mise aux voix [157] . Les projets de loi du Sénat franchissent ensuite les mêmes étapes que ceux de la Chambre des communes.

Renvoi à un Comité avant la deuxième lecture

Traditionnellement, lorsque la Chambre procède à la deuxième lecture d’un projet de loi, elle est alors appelée à se prononcer sur le principe du projet de loi. L’adoption du principe à cette étape du processus législatif a cependant pour effet de limiter la portée des amendements qui pourront être apportés lors de l’examen en comité et de l’étape du rapport. Voulant offrir une plus grande flexibilité aux législateurs, la Chambre a donc instauré, lorsqu’elle a modifié son Règlement en 1994 [158] , une nouvelle procédure qui permet à un ministre de proposer le renvoi d’un projet de loi d’initiative ministérielle à un comité avant la deuxième lecture [159] . Les législateurs peuvent ainsi examiner le principe d’un projet de loi avant l’étape de la deuxième lecture et proposer des amendements visant à en modifier la portée [160] . Cette procédure s’applique également aux projets de loi fondés sur des motions de voies et moyens [161] .

À l’appel de l’ordre du jour portant deuxième lecture d’un projet de loi émanant du gouvernement, un ministre peut [162] , après en avoir avisé les représentants des partis de l’opposition, présenter une motion tendant au renvoi immédiat du projet de loi à un comité avant la deuxième lecture. Le Règlement ne précise pas de quelle façon les représentants des partis de l’opposition doivent en être avisés. Cependant, la pratique qui a été suivie depuis 1994 veut qu’un ministre en informe la Chambre au moment du dépôt et de la première lecture du projet de loi. La motion de renvoi immédiat à un comité ne peut faire l’objet d’aucun amendement et le débat est limité à trois heures. Au bout des trois heures, ou lorsque plus aucun député ne se lève pour prendre la parole, le Président met la question aux voix [163] . Si la motion est adoptée, le projet de loi est renvoyé à un comité permanent, spécial ou législatif aux fins d’examen.

En général, dans son étude article par article du projet de loi, le comité se conforme aux mêmes règles et procédures qui régissent l’étude des projets de loi en comité après la deuxième lecture [164]. Il peut entendre des témoins et recevoir des mémoires. La portée des amendements dont la mesure peut faire l’objet est toutefois beaucoup plus vaste étant donné que l’étude en comité n’est pas restreinte au principe du projet de loi, celui-ci n’ayant pas encore été approuvé par la Chambre. À la fin de son étude, le comité fait rapport du projet de loi à la Chambre, avec ou sans amendement. L’étude de la mesure à l’étape du rapport ne peut commencer avant le troisième jour de séance suivant la présentation du rapport [165] .

Lorsque le comité fait rapport du projet de loi à la Chambre, l’étape suivante est essentiellement la conjugaison de l’étape du rapport et de la deuxième lecture. À cette étape, les députés peuvent proposer des amendements après en avoir donné avis par écrit deux jours de séance avant que le projet de loi ne soit appelé [166] . Lorsque l’étude à l’étape du rapport est terminée, une motion portant « Que le projet de loi, avec ses modifications, soit agréé à l’étape du rapport et lu une deuxième fois » ou « Que le projet de loi soit agréé à l’étape du rapport et lu une deuxième fois » est mise aux voix immédiatement et la Chambre en dispose sans débat ni amendement [167] . Une fois adopté à l’étape du rapport et lu une deuxième fois, le projet de loi est inscrit en vue de la troisième lecture et de son adoption à la séance suivante de la Chambre.

Deuxième lecture et renvoi à un Comité

L’étape de la deuxième lecture fournit aux législateurs l’occasion de tenir une discussion générale sur le principe [168]  du projet de loi. Le Règlement de la Chambre ne prévoit aucune disposition spécifique à ce sujet, mais la tradition et la pratique veulent que le débat sur la portée générale d’un projet de loi ait lieu à cette étape du processus législatif [169] . Conséquemment, le débat doit porter sur le principe du projet de loi et non sur les dispositions particulières de celui-ci [170] .

L’importance que l’on doit accorder à cette étape du processus législatif a évolué au cours des ans. Traditionnellement, on considérait que la deuxième lecture constituait l’étape la plus importante du processus législatif [171] . En 1968, le Comité spécial de la procédure de la Chambre, après avoir examiné les étapes du processus, déclarait dans son rapport que l’importance de l’étape de la deuxième lecture avait été exagérée dans le passé et que, dans le procédé d’adoption d’un projet de loi, l’étape décisive devait s’inscrire après l’étape de l’examen en comité [172] . Selon le Comité, l’adoption de la motion de deuxième lecture signifie simplement que la Chambre a amorcé l’étude du projet de loi et que, sans s’engager à l’adopter en définitive, elle en autorise le renvoi à un comité qui l’étudiera en détail [173] .

La deuxième lecture d’un projet de loi et le renvoi à un comité sont proposés dans la même motion. La motion précise à quel comité (permanent, spécial, législatif) le projet de loi est renvoyé [174] . Le Règlement exige aussi, dans des cas précis, qu’un projet de loi soit renvoyé à un comité plénier [175] .

Le débat en deuxième lecture commence lorsque, à l’appel de l’ordre du jour portant deuxième lecture du projet de loi, le ministre ou député, selon le cas, se lève et propose « Que le projet de loi   soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé au Comité   »

Le Règlement prévoit des dispositions concernant la durée des interventions pendant le débat [176] . Il n’y a pas de limite de temps pour le Premier ministre et le chef de l’Opposition officielle. Cependant, aucun autre député ne doit parler pendant plus de 40 minutes s’il est le premier, le deuxième ou le troisième député à prendre la parole. De plus, durant les cinq heures de débat qui suivent les trois premiers députés, aucun député ne peut parler pendant plus de 20 minutes et une période n’excédant pas 10 minutes est ensuite réservée pour les questions et observations. S’il n’y a pas de questions ou d’observations ou si la période de temps n’a pas été entièrement utilisée, un autre député peut alors prendre la parole. Les questions et observations doivent avoir trait au discours du député [177] . Après les cinq heures de débat, tout autre député peut prendre la parole pendant au plus 10 minutes, mais aucune période n’est réservée pour les questions et observations. Le whip d’un parti peut, à n’importe quel moment du débat, indiquer à la présidence qu’une ou plusieurs des périodes d’intervention d’une durée de 20 ou 10 minutes, allouées aux membres de son parti, seront partagées en deux [178] . La coutume veut que le droit de réplique accordé à tout député qui propose une motion de fond soit également accordé au député qui propose une motion portant deuxième lecture d’un projet de loi. Dans le cas des projets de loi émanant du gouvernement, un secrétaire parlementaire ne peut exercer ce droit au nom du ministre qu’avec le consentement unanime de la Chambre [179] .

Le Règlement de la Chambre offre au gouvernement un mécanisme qui permet de limiter la durée du débat à l’étape de la deuxième lecture, ainsi qu’aux autres étapes du processus législatif, par des motions d’attribution de temps [180] . Elles permettent au gouvernement d’établir un échéancier pour l’étude d’un projet de loi d’intérêt public [181]. De plus, le gouvernement dispose d’un autre mécanisme, que l’on appelle « la clôture », pour forcer la Chambre à rendre une décision [182] . Cependant, cette dernière procédure est rarement utilisée dans le cas des projets de loi [183] .

À la fin du débat, le Président met aux voix la motion « Que le projet de loi soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé au Comité ». Il demande à la Chambre si elle est prête à se prononcer et s’il lui plaît d’adopter la motion. La tenue d’un vote par appel nominal peut être exigée [184] . Le rejet d’une motion de deuxième lecture entraîne l’abandon du projet de loi; on estime en effet que la Chambre n’en est plus saisie, et aucune date n’est fixée pour la reprise de son étude [185] . Une fois la motion adoptée, le projet de loi est renvoyé au comité concerné.

Amendements à la motion de lecture

Un projet de loi d’intérêt public, qui n’a pas été renvoyé à un comité avant sa deuxième lecture, ne peut faire l’objet d’un amendement avant d’avoir franchi l’étape de la deuxième lecture et avoir été renvoyé à un comité [186] . La motion portant deuxième lecture d’un projet de loi peut cependant faire l’objet d’un amendement [187] . Seuls trois types d’amendement peuvent toutefois être présentés, et ceux-ci le sont sans préavis : le renvoi à trois mois ou à six mois; l’amendement motivé; et le renvoi de l’objet du projet de loi à un comité.

L’amendement de renvoi

Le renvoi est une motion d’amendement qui peut être proposée à la motion de lecture d’un projet de loi. Il a pour effet d’empêcher qu’un projet de loi soit lu maintenant une deuxième fois, et d’en différer la lecture à trois mois ou à six mois [188] . S’il est adopté, il entraîne l’abandon du projet de loi pour la durée de la session en cours. S’il ne l’est pas, cette procédure a néanmoins comme résultat de prolonger le débat et de permettre aux députés d’intervenir une seconde fois.

L’amendement de renvoi trouve ses origines dans l’usage britannique. Cette procédure est apparue au cours du dix-huitième siècle lorsqu’elle permit à la Chambre des communes de remettre à plus tard la reprise de l’étude d’un projet de loi. Il fut par la suite admis que l’adoption d’un tel amendement par la Chambre équivalait au rejet du projet de loi, puisque l’échéance du renvoi était délibérément fixée à une date postérieure à la fin de la session. Normalement, si la session se poursuivait au-delà de la date du renvoi, le projet de loi n’était pas réinscrit au Feuilleton [189] .

Ce sont donc les circonstances historiques qui ont fixé à trois mois ou à six mois la période du renvoi. Il y a une centaine d’années, les sessions duraient rarement plus de six mois. On proposait donc un renvoi à six mois lorsqu’on se trouvait en début de session, et un renvoi à trois mois lorsque la session en était à ses dernières semaines. De nos jours, les sessions de la Chambre des communes du Canada sont plus longues, mais leur durée n’est ni régulière ni fixée d’avance.

Une analyse des amendements de renvoi qui ont été présentés à la Chambre des communes depuis la Confédération révèle que les cas d’utilisation de cette procédure se regroupent en deux périodes distinctes. La première s’étend de 1867 aux environs de 1920 et la seconde, de 1920 à nos jours.

Le premier amendement de renvoi aurait été proposé le 28 novembre 1867 [190] . Au cours de cette première période, ce fut le gouvernement, et non l’opposition, qui utilisa le plus souvent le renvoi [191]. Comme la Chambre n’avait que peu de temps à consacrer aux affaires du gouvernement pendant les courtes sessions de cette époque, le gouvernement se sentait parfois obligé de disposer d’un grand nombre de projets de loi de députés par la procédure du renvoi afin d’avoir plus de temps à consacrer à ses propres mesures législatives.

Depuis 1920, la période réservée aux affaires émanant du gouvernement occupe la plus grande partie du temps des travaux de la Chambre et, progressivement, l’amendement de renvoi a été presque exclusivement utilisé par l’opposition. L’examen de plusieurs précédents indique très clairement que des motions de deuxième et de troisième lecture ont fait l’objet d’un amendement de renvoi à des époques où il y avait de fortes tensions entre les partis. Ces amendements ont rarement été adoptés : sur la centaine de cas qui ont été consignés dans les Journaux, il n’y en a que quatre qui ont abouti. Et il s’agissait alors, pour chacun d’entre eux, d’un renvoi qui avait été proposé par le gouvernement et qui visait à faire échouer un projet de loi émanant d’un député.

L’amendement de renvoi doit répondre à certains critères pour être jugé recevable. Le renvoi à plusieurs mois doit viser à neutraliser le mot « maintenant » dans la motion de lecture. Il doit ainsi modifier la motion de lecture en supprimant tous les mots après le mot « Que » et en les remplaçant par la proposition suivante : « le projet de loi (numéro et titre) ne soit pas lu pour la deuxième fois maintenant, mais qu’il soit lu une deuxième fois dans trois mois (ou six mois) à compter d’aujourd’hui ». L’amendement de renvoi n’exige pas d’avis, est soumis à débat et ne peut être modifié [192] .

Lorsqu’un amendement de renvoi est rejeté, le débat se poursuit sur la motion principale; il est cependant interdit de proposer plus d’un amendement de renvoi à la même motion de lecture [193] . L’adoption d’un amendement de renvoi (que ce soit à trois mois ou à six mois) équivaut à un renvoi de l’étude du projet de loi pour une durée indéfinie [194] . Par conséquent, celui-ci est rayé du Feuilleton et ne peut plus être présenté de nouveau, même à l’issue de la période de renvoi [195] . Le projet de loi est ainsi rejeté de façon indirecte. Il n’est plus possible d’invoquer l’ordre de nouveau, car une telle mesure serait jugée contraire à la décision de la Chambre. Il est arrivé que des députés aient essayé de faire appliquer le renvoi à une résolution [196] ou de l’inclure dans le texte d’un amendement motivé [197] , mais ces tentatives ont été jugées irrecevables.

L’amendement motivé

L’amendement motivé, autre type d’amendement pouvant être proposé à l’étape de la deuxième lecture d’un projet de loi, permet à un député d’exprimer les raisons pour lesquelles il s’oppose à la deuxième lecture d’un projet de loi, en présentant à la Chambre une autre proposition pertinente pour remplacer la question initiale [198] . Présenté sous forme de motion, l’amendement motivé porte suppression de tous les mots dans la motion principale suivant le mot « Que » et leur remplacement par d’autres mots.

Il est difficile de déterminer avec exactitude quand un amendement motivé a été pour la première fois proposé à la Chambre; on croit cependant que le premier aurait été présenté en 1882 [199] . Une analyse des amendements motivés qui ont été proposés depuis la Confédération montre qu’une première période, qui va à peu près de 1882 à 1930, est remarquable pour la latitude qui était alors accordée dans la formulation des amendements motivés. À cette époque, les députés ne se préoccupaient pas trop de débattre de la recevabilité des amendements motivés et la présidence n’intervenait que rarement. Au début des années 1930, on commença à demander régulièrement aux Présidents de statuer sur la recevabilité des amendements motivés et durant cette seconde période, qui dura jusqu’au milieu des années 1960, un certain nombre de précédents furent établis. À partir des années 1970, il devint de plus en plus difficile pour les députés de proposer des amendements motivés acceptables sur le plan de la procédure [200] . La présidence est donc maintenant en mesure de se reporter à un plus grand nombre de précédents canadiens pour déterminer si un amendement motivé est recevable ou non.

Le Règlement de la Chambre des communes ne prévoit aucune disposition sur les amendements motivés [201] . Cependant, des règles de procédure, que des précédents ont établies au fil des ans, en régissent autant la forme que la teneur. De nos jours, l’amendement motivé prend généralement la forme d’une demande à la Chambre de refuser de procéder à la deuxième lecture d’un projet de loi pour un motif précis [202] . Seulement deux grandes catégories de raisons sont maintenant invoquées :

  • L’amendement motivé peut constituer une déclaration de principe qui va à l’encontre ou s’écarte des principes, des objectifs ou des dispositions du projet de loi; ou
  • L’amendement motivé peut exprimer une opinion quant aux circonstances se rattachant à la présentation ou à l’étude du projet de loi ou à toute autre initiative s’opposant au progrès de l’étude du projet de loi.

Pour être recevable, un amendement motivé doit respecter les règles suivantes :

  • Il doit être pertinent et se rapporter strictement au projet de loi à l’étude [203] . Un amendement motivé n’est pas pertinent si, par exemple, il se rattache à un autre projet de loi [204] , vise à scinder le projet de loi [205] , propose le retrait du projet de loi et son remplacement par un autre [206] , se rattache à la loi existante plutôt qu’au projet de loi [207] , dépasse la portée du projet de loi [208] , comporte une dépense d’argent ou propose des changements dépassant la portée de la recommandation royale [209] ;
  • Il ne doit pas être un rejet pur et simple du principe du projet de loi. La procédure à suivre lorsqu’un député n’est pas d’accord avec le principe d’un projet de loi et veut le rejeter est tout simplement de voter contre la motion principale portant deuxième lecture du projet de loi [210] ;
  • Il ne doit pas porter sur des dispositions précises du projet de loi [211] , si ce qui est recherché peut être accompli au moyen d’amendements qui pourraient être présentés lors de l’étude en comité [212] ;
  • Il ne doit pas poser une condition à l’adoption de la motion portant deuxième lecture du projet de loi [213] .

Un amendement motivé qui n’est qu’une déclaration d’opposition à certaines parties du projet de loi est irrecevable [214] . Par ailleurs, un amendement motivé ne doit pas obligatoirement contester le principe d’un projet de loi pour être jugé recevable. La contestation du principe du projet de loi n’est qu’une des conditions possibles à la recevabilité d’un amendement motivé [215] .

Lorsqu’un amendement motivé est jugé recevable, la Chambre doit se prononcer à son sujet. À ce jour, il n’est jamais arrivé que la Chambre se soit déclarée en faveur d’un amendement motivé. Si tel était le cas, cela signifierait à coup sûr la fin des délibérations sur le projet de loi et la Chambre devrait renoncer à en reprendre ultérieurement l’étude en deuxième lecture [216] . L’ordre relatif au projet de loi disparaîtrait du Feuilleton.

Renvoi de l’objet d’un projet de loi à un comité

Au cours du débat sur la motion de deuxième lecture, un député peut proposer un amendement visant à renvoyer l’objet d’un projet de loi à un comité pour qu’il en discute et en fasse rapport à la Chambre. Ce type d’amendement remplace tous les mots après le mot « Que » par des mots qui proposent que le projet de loi ne soit pas lu maintenant une deuxième fois, que l’ordre de deuxième lecture soit révoqué, le projet de loi retiré du Feuilleton et que seul l’objet du projet de loi soit renvoyé à un comité [217] .

Certaines conditions doivent cependant être remplies pour permettre la présentation de ce type d’amendement. Premièrement, l’objet du projet de loi ne peut pas être renvoyé à divers comités [218]  ou à un organisme inexistant [219] . Deuxièmement, un amendement qui vise à poser une condition à l’adoption de la motion de lecture d’un projet de loi est irrecevable [220] . Troisièmement, les dispositions mêmes du projet de loi ne peuvent pas être renvoyées à un comité, ce qui équivaudrait à transmettre à un comité une instruction portant étude de certaines dispositions d’un projet de loi avant même que le projet de loi ait franchi les étapes de la deuxième lecture et du renvoi à un comité [221] .

Motions d’instruction

Une fois qu’un projet de loi a été renvoyé à un comité, la Chambre peut donner une instruction à ce comité au moyen d’une motion l’habilitant à faire ce qu’il ne pourrait pas faire autrement, comme, par exemple, examiner une partie d’un projet de loi et en faire rapport séparément [222] , examiner certaines questions en particulier [223] , diviser une mesure en plusieurs projets de loi [224] , regrouper plusieurs projets de loi en un seul [225] , élargir ou rétrécir la portée ou l’application d’un projet de loi [226] . Par ailleurs, un comité peut, s’il le souhaite, solliciter une instruction de la Chambre [227] .

La Chambre peut donner des instructions à un comité plénier ou à n’importe lequel de ses comités. Il est permis de proposer, pour le même projet de loi, plus d’une instruction à un comité, mais chaque motion doit cependant être proposée séparément [228] . Les motions d’instruction relatives aux projets de loi ne sont pas impératives mais facultatives [229] . Il appartient en effet au comité de décider s’il exercera ou non les pouvoirs que lui confère la Chambre [230] .

Les motions d’instruction émanent d’une pratique britannique qui s’est développée au cours de la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Elles ont été incorporées aux usages de la Chambre des communes canadienne, bien qu’on n’y ait eu recours qu’en de rares occasions. Presque tous les précédents sur les instructions relatives aux projets de loi se situent à une époque où les projets de loi étaient renvoyés à un comité plénier après la deuxième lecture. Au moment du débat sur la motion « Que le Président quitte le fauteuil maintenant », il était alors possible pour un député de proposer un amendement dont le but était de donner une instruction au comité. De nos jours, lorsqu’un projet de loi est renvoyé à un comité plénier [231] , la Chambre précise ses instructions, le cas échéant, au moyen d’un ordre spécial [232] .

Les motions d’instruction ne sont pas recevables comme amendement à la motion de deuxième lecture d’un projet de loi et ne peuvent être proposées tant que la Chambre est toujours saisie du projet de loi à l’étude [233] . Elles peuvent être proposées immédiatement après la motion de deuxième lecture lorsqu’elle porte renvoi à un comité plénier [234] . Aucun avis n’est alors exigé. Présentée à cette étape du processus législatif, la motion d’instruction ne peut cependant faire l’objet d’un débat ou d’amendements [235] .

Une motion d’instruction peut également être proposée sous forme de motion indépendante [236] . Un avis de 48 heures est alors exigé [237]  et la motion, lorsque soumise à la Chambre, peut faire l’objet d’un débat et d’amendements [238] . Le débat sur une motion d’instruction doit porter sur l’objet de l’instruction et non sur le contenu du projet de loi. [239] . Une motion d’instruction indépendante peut être proposée même une fois qu’un comité a commencé son étude du projet de loi [240] .

Une telle motion, qu’elle ait été soumise en avis par un ministre ou un député, peut être inscrite au Feuilleton sous la rubrique « Motions (Affaires courantes) » [241] . Autrement, elle est placée sous les Affaires émanant du gouvernement, si elle est soumise par un ministre, ou sous les Affaires émanant des députés, si elle est soumise par un simple député. Lorsqu’elle est appelée durant la période quotidienne consacrée aux « Affaires courantes », la motion d’instruction est alors traitée comme une motion de fond indépendante, même si elle ne prend son sens que par rapport au projet de loi dont le comité est saisi. Si le débat sur la motion est ajourné ou interrompu avant la fin de la séance, la motion est reportée à la rubrique des Ordres émanant du gouvernement et le moment de la reprise ultérieure du débat est laissé au gré du gouvernement [242] .

Plusieurs raisons peuvent amener la présidence à juger irrecevable une motion d’instruction. On ne peut se servir d’une motion d’instruction pour traiter dans un projet de loi d’une affaire qui pourrait constituer une mesure distincte ou pour chercher à s’immiscer dans les travaux d’un comité dont le rapport n’a pas encore été présenté [243] . Est aussi irrecevable une motion d’instruction qui n’est pas présentée dans la forme voulue ou qui n’est pas libellée de façon à ce que le comité comprenne clairement ce que la Chambre désire [244] . Une motion d’instruction est irrecevable si elle ne se rapporte pas au contenu du projet de loi, si elle déborde la portée du projet de loi, en y insérant, par exemple, un principe qui lui est étranger ou en proposant de modifier des lois qui n’ont rien à voir avec celui-ci, si elle n’est pas suffisamment précise, ou si elle tente de supprimer une partie du projet de loi [245] . Enfin, elle est irrecevable si elle tente d’accorder à un comité des pouvoirs qu’il a déjà [246] , si elle autorise un comité à scinder un projet de loi qui ne s’y prête pas [247]  ou si elle étend les prérogatives financières de la Couronne sans la recommandation royale requise [248] .

Consentement royal

Repris des pratiques britanniques, le consentement royal (à ne pas confondre avec la sanction royale ou la recommandation royale) fait partie des règles et des usages tacites de la Chambre des communes du Canada. Toute mesure législative qui touche les prérogatives, les revenus héréditaires, les biens ou les intérêts de la Couronne exige le consentement royal, c’est-à-dire le consentement du gouverneur général en sa qualité de représentant du Souverain [249] . Ce consentement est donc nécessaire pour reporter, aliéner ou céderdes droits de propriété de la Couronne, ou pour renoncer à l’une de ses prérogatives [250] . C’est ainsi qu’il a été exigé pour des projets de loi relatifs à des chemins de fer sur lesquels la Couronne avait un droit de servitude [251] , à des droits de propriété de la Couronne (sur les parcs nationaux et les réserves indiennes [252] ), à la saisie-arrêt et à la distraction de pensions [253]  et à des modifications à la Loi sur l’administration financière [254] .

Le consentement royal n’est cependant pas requis lorsque le projet de loi vise des biens que la Couronne détient pour ses sujets [255] . Le fait que la Couronne accepte de donner son consentement ne signifie toutefois pas qu’elle approuve la teneur du projet de loi, mais simplement qu’elle accepte d’enlever un obstacle à sa progression afin que les deux chambres puissent l’examiner et demander, en fin de compte, la sanction royale [256] .

Bien que le consentement royal soit souvent donné à l’étape de la deuxième lecture d’un projet de loi [257] , il peut être signifié à n’importe quelle étape précédant son adoption définitive [258] . Il peut prendre la forme d’un message spécial [259] , mais est habituellement transmis par un ministre [260]  qui se lève à la Chambre et déclare que : « Son Excellence le(la) gouverneur(e) général(e) a été informé(e) de la teneur de ce projet de loi et consent, dans la mesure où les prérogatives de Sa Majesté sont touchées, à ce que le Parlement étudie le projet de loi et fasse à cet égard ce qu’il juge approprié ». À défaut de consentement préalable, le Président refusera de mettre la motion d’adoption de troisième lecture aux voix [261] . Si, par mégarde, un projet de loi exigeant le consentement royal devait franchir toutes les étapes à la Chambre sans l’avoir obtenu, les délibérations pertinentes seraient déclarées nulles et non avenues [262] .

Examen en Comité

À l’étape de l’examen en comité, les députés étudient en détail les articles du projet de loi. C’est lors de cette étude qu’ils peuvent pour la première fois proposer des modifications au texte du projet de loi. C’est aussi à cette étape que des témoins peuvent être invités à présenter leur point de vue et à comparaître devant le comité pour répondre aux questions des députés. Un projet de loi est renvoyé pour étude à un comité permanent, spécial ou législatif [263] , normalement après avoir franchi l’étape de la deuxième lecture à la Chambre, mais aussi parfois avant de l’avoir franchie [264] . À l’occasion, des projets de loi sont déférés à un comité plénier. Tout projet de loi fondé sur une motion des subsides est obligatoirement renvoyé à un comité plénier [265] . De même, du consentement unanime de la Chambre, un projet de loi de nature urgente ou un projet de loi qui ne suscite pas de controverse peut être déféré à un comité plénier [266], le plus souvent après avoir franchi plus d’une étape du processus législatif au cours d’une même séance [267] . Enfin, la Chambre peut décider, par l’adoption d’un ordre spécial, de renvoyer un projet de loi à un comité plénier [268] .

Mandat du comité

Le projet de loi qui est déféré à un comité constitue l’ordre de renvoi du comité. Le mandat du comité consiste uniquement à examiner le projet de loi et à en faire rapport à la Chambre, avec ou sans amendement [269] . Si le projet de loi a déjà été lu une deuxième fois, le comité est lié par la décision de la Chambre et ne peut apporter au projet de loi des modifications qui en contredisent le principe [270] . Évidemment, il n’en est pas ainsi lorsque le comité est saisi d’un projet de loi qui n’a pas encore reçu la deuxième lecture [271] .

Durant l’étude d’un projet de loi, un comité peut recevoir certaines précisions de la Chambre quant à son ordre de renvoi. Les « instructions » de la Chambre peuvent avoir pour effet d’élargir le mandat du comité en lui donnant des pouvoirs additionnels [272].

Un comité peut être saisi d’un nouveau renvoi de la Chambre pour étudier un projet de loi dont il a déjà fait rapport. Le renvoi est normalement proposé sous forme d’amendement à la motion portant troisième lecture du projet de loi. La Chambre peut renvoyer de nouveau un projet de loi à un comité afin de le modifier ou de revoir certains articles; elle peut renvoyer le projet de loi plusieurs fois et elle peut le faire avec ou sans limitation. Dans ce dernier cas, le projet de loi tout entier peut être réexaminé. Dans le cas d’un renvoi avec limitation, le comité ne peut examiner que les articles ou les amendements qui lui sont renvoyés [273] .

Rôle du comité dans l’étude d’un projet de loi

Le rôle du comité à cette étape du processus législatif consiste à examiner le projet de loi article par article et, si nécessaire, mot par mot, et d’en approuver le libellé ou de le modifier pour donner suite aux intentions du comité [274] .

Le comité a le pouvoir de modifier les dispositions du projet de loi à un point tel que lorsqu’il en est fait rapport à la Chambre, il peut être à toutes fins pratiques complètement différent de ce qu’il était avant que le comité en ait été saisi [275] . Par exemple, le comité peut, s’il en décide ainsi, rejeter un ou plusieurs articles du projet de loi (si bien qu’il ne reste plus rien du texte de ce projet de loi) et en faire rapport à la Chambre avec amendements; il peut également rejeter tous les articles du projet de loi et les remplacer par d’autres dans la mesure où ils respectent les règles relatives à la recevabilité [276] .

Durée des interventions

Tout membre d’un comité peut prendre la parole aussi souvent qu’il le désire et parler aussi longtemps qu’il le souhaite, sous réserve de la pratique que le comité adopte à ce sujet [277] . Il arrive souvent qu’un comité adopte des motions pour gouverner ses travaux, comme des motions visant à réglementer la durée des interventions, à établir l’ordre des interventions des membres du comité (habituellement selon l’affiliation politique) et à imposer des délais régissant la présentation de certains types de motions ou d’amendements [278]. De même, la durée des interventions peut être assujettie aux contraintes imposées par un ordre de la Chambre [279]  ou par le Règlement dans le cas d’un projet de loi d’intérêt public émanant d’un député [280] .

Un comité peut aussi limiter lui-même le temps qu’il entend consacrer à l’étude d’un projet de loi en adoptant une motion à cet effet. Une telle motion peut faire l’objet d’un débat et d’amendements. Il arrive qu’un comité adopte l’équivalent d’une motion d’attribution de temps, c’est-à-dire que le temps accordé pour l’examen de chaque article est déterminé par motion [281] , ou encore que l’étude d’un projet de loi prend fin à une heure ou à une date fixées par les termes d’une motion [282] .

Audition de témoins

Un comité saisi d’un projet de loi choisit normalement de tenir des audiences publiques [283] . Le comité directeur du comité, appelé le sous-comité du programme et de la procédure, peut discuter d’un calendrier de séances et d’une liste des témoins que les membres souhaitent inviter à comparaître et peut présenter ses recommandations au comité entier sous forme de rapport. Le comité devra ensuite adopter le rapport, après l’avoir modifié, s’il le juge nécessaire. Le comité peut décider de se prévaloir des services des attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement [284], ou d’embaucher tout autre spécialiste qu’il considère nécessaire pour l’appuyer dans son travail [285] .

Avant de procéder à l’examen du projet de loi article par article, le président du comité met en délibération l’article 1 (ou l’article 2, si l’article 1 vise le titre abrégé [286] ) afin de permettre aux membres du comité de tenir une discussion d’ordre général et d’interroger des témoins, s’il y a lieu. La pratique veut que le premier témoin à comparaître devant le comité soit, selon le cas, le parrain du projet de loi ou le ministre qui en est responsable (ou son secrétaire parlementaire). D’autres témoins peuvent ensuite être invités à se prononcer sur le projet de loi. Ils peuvent être des particuliers, des experts ou des représentants d’organisations qui seraient touchées par la mesure législative. À ce stade, la discussion est très libre et porte à la fois sur le principe général et les détails du projet de loi. Plus tard, lorsque le comité entreprendra l’étude du projet de loi article par article, le ministre responsable, ou son secrétaire parlementaire, pourra revenir devant le comité [287] . Les fonctionnaires du ministère se rendent aussi disponibles durant cette phase afin de fournir des explications sur certains aspects complexes ou techniques de la mesure législative [288].

Il est arrivé, dans le passé, que des comités aient étudié plus d’un projet de loi au cours d’une même séance afin de profiter de la présence d’un ministre et de témoins pour les interroger à cette occasion [289] . Il s’agissait alors de projets de loi qui avaient des points communs de sorte qu’il était pratique d’entreprendre leur étude simultanément. Les projets de loi ont cependant été examinés séparément à l’étape de l’étude article par article [290] . Il est également arrivé qu’un comité ait étudié en même temps un projet de loi qui lui avait été déféré ainsi que la teneur d’un autre projet de loi [291] .

Étude article par article

L’audition des témoins terminée, le comité procède à l’étude article par article du projet de loi. C’est au cours de cette phase que les membres du comité peuvent proposer des modifications au projet de loi.

Ordre d’examen des éléments constitutifs du projet de loi

À moins que le comité en décide autrement, l’étude article par article du projet de loi se fait dans l’ordre suivant :

  • Articles;
  • Articles réservés (le cas échéant);
  • Annexes;
  • Article 1 (titre abrégé);
  • Préambule (le cas échéant);
  • Titre.

Les éléments constitutifs d’un projet de loi doivent être étudiés selon un ordre prescrit : l’étude du préambule, si le projet de loi en comporte un, est reportée à la fin de l’examen article par article [292] ; celle de l’article 1, si celui-ci ne vise que le titre abrégé, est également reportée; les autres articles et les annexes sont étudiés dans l’ordre dans lequel ils figurent sur la version imprimée du projet de loi [293] . Les nouveaux articles et les nouvelles annexes sont mis en discussion suivant l’ordre dans lequel ils apparaîtraient dans le projet de loi. Bien que certains ouvrages en matière de procédure parlementaire préconisent un ordre différent pour leur examen [294] , de fait les comités ont adopté depuis plusieurs années la pratique d’aborder l’examen des nouveaux articles et des nouvelles annexes de la même manière que les propositions d’amendements aux articles, c’est-à-dire dans l’ordre où ils paraîtraient dans le projet de loi. Les comités jugent que cette pratique facilite l’étude article par article. Ils l’ont suivie à tel point qu’elle est maintenant solidement établie dans les usages de la Chambre des communes [295] . Une fois qu’il a disposé de tous les articles et annexes, le comité revient à l’étude de l’article 1 (si celui-ci a été reporté), du préambule et, enfin, du titre [296] .

Articles mis en délibération

Chaque article du projet de loi constitue une question distincte et doit être étudié séparément. Le président du comité appelle successivement chaque article par son numéro et, après débat et si aucun amendement n’est proposé, met l’article aux voix. Si un amendement est proposé, le président donne la parole au député qui fait lecture de son amendement. Une nouvelle question est ainsi mise en délibération et un nouveau débat s’engage. Une fois la discussion terminée, le président met aux voix l’amendement visant à modifier l’article, puis l’article lui-même, tel que modifié (le cas échéant). Une fois l’article adopté, celui-ci ne peut être remis en discussion, sauf du consentement unanime [297] .

Le comité peut, sur adoption d’une motion à cet effet, procéder à la division d’un article dans le but de débattre des parties de l’article ou de les mettre aux voix séparément [298] .

Articles réservés

Le comité peut décider, par voie de motion, de reporter l’examen d’un article à condition que l’article en question n’ait pas déjà fait l’objet d’une proposition d’amendement qui aurait été adoptée ou rejetée par le comité [299] . Si, par contre, la proposition d’amendement a été retirée, l’étude de l’article peut être reportée. Dans la pratique cependant, les comités décident souvent, du consentement unanime, de reporter l’examen d’un article même si un amendement y a déjà été proposé. Le comité peut aussi différer l’examen d’une partie du projet de loi ou, en bloc, d’une série d’articles qui se suivent. Toutefois, une motion qui propose de reporter une partie d’un article ou de reporter, jusqu’après l’examen des articles secondaires, l’examen d’un article d’un projet de loi qui ne comporte qu’un seul article principal est irrecevable [300] .

Le débat sur une motion qui propose de reporter l’examen d’un article doit se limiter à la seule question du report et non s’étendre aux dispositions du projet de loi ou de l’article visé. À moins que la motion de report en dispose autrement, un article dont l’examen aura été différé sera étudié après que tous les autres articles du projet de loi auront été examinés [301] .

Amendements

Proposé lors du débat sur un article, l’amendement vise soit à modifier le texte de l’article en discussion de telle manière qu’il paraisse plus acceptable, soit à proposer au comité un nouveau texte. L’amendement doit absolument se rattacher à l’article qu’il cherche à modifier [302]  et donc viser un seul des articles du projet de loi et non deux ou plusieurs à la fois [303] . Toutefois, le président peut, pour des raisons d’ordre pratique, autoriser que la discussion porte à la fois sur plusieurs autres amendements qui sont reliés entre eux et qui concernent différents aspects de l’amendement dont le comité est saisi [304] . Le sous-amendement a pour objet de modifier un amendement dans le but de le rendre plus précis. Le sous-amendement doit se rapporter à l’amendement; il ne doit pas en élargir la portée en soulevant une question qui lui est étrangère [305] . Le comité ne peut être saisi que de deux amendements à la fois, c’est-à-dire un amendement à l’article et un sous-amendement à l’amendement. Une fois proposé, un amendement ne peut être retiré qu’à la demande du député qui le propose et du consentement unanime des membres du comité [306] .

Seul un membre du comité ou son substitut dûment désigné [307]  a le droit de proposer une modification au projet de loi ou de voter sur une telle proposition [308] . Le président du comité, comme le Président de la Chambre, ne propose pas de motion et ne vote qu’en cas d’égalité des voix [309] . Il est généralement admis qu’en cas d’égalité des voix, un président de comité devrait se prononcer de façon à permettre la poursuite de la discussion. Le président de comité n’est pas obligé de donner les motifs de son vote prépondérant ni de l’expliquer [310] . Lorsqu’un comité est saisi d’un projet de loi d’intérêt privé cependant, le président vote sur toute question et dispose même d’un vote prépondérant en cas d’égalité des voix [311] .

Des services de rédaction législative sont disponibles pour les membres du comité qui souhaitent proposer des modifications au projet de loi. Chaque proposition d’amendement doit être présentée par écrit au président du comité et peut être proposée dans l’une ou l’autre des deux langues officielles. Contrairement aux règles qui s’appliquent aux motions présentées à la Chambre, il n’est pas nécessaire qu’une motion proposée en comité soit appuyée [312] .

Bien que le député qui entend faire des propositions d’amendement au projet de loi n’ait pas à en donner avis, l’usage veut qu’il les communique au président et au greffier du comité afin d’en assurer la traduction, la compilation et la diffusion aux autres membres du comité [313] . Prévenu à l’avance, le président du comité pourra par conséquent veiller à ce qu’une proposition d’amendement soit abordée au bon endroit durant l’étude du projet de loi. Dans le but de voir au déroulement ordonné de l’étude article par article, un comité peut adopter une motion dictant une heure de tombée pour la réception des propositions d’amendement [314] .

Ordre de prise en considération des amendements

Trois types d’amendements peuvent être proposés lors de l’étude de chaque article du projet de loi [315]  :

  • L’amendement visant à retrancher certains mots en les remplaçant par d’autres mots;
  • L’amendement visant à retrancher un ou plusieurs mots; ou
  • L’amendement visant à insérer ou à ajouter d’autres mots, ou à ajouter un nouvel article ou une nouvelle annexe au projet de loi.

Le président du comité met en délibération les propositions d’amendement selon l’ordre dans lequel ils apparaîtraient dans le projet de loi. Cependant, dans le cas où plus d’une proposition d’amendement viserait le même article, l’amendement qui a pour effet de substituer certains mots à d’autres aura préséance sur l’amendement qui vise à la suppression de certains mots. Le président peut décider qu’un amendement n’est pas présenté au bon endroit ou qu’il y aurait lieu de le présenter sous forme d’un nouvel article [316] .

Les amendements doivent être proposés dans un ordre qui suit le texte à modifier. Si une partie d’un article a déjà été modifiée par le comité, un député ne peut proposer un amendement visant à modifier une partie antérieure à la partie modifiée [317] .

Recevabilité des amendements

Les amendements et les sous-amendements qui sont proposés en comité doivent se conformer à certaines règles de recevabilité. Il incombe au président du comité de décider de leur recevabilité. Un amendement doit d’abord être proposé par le député avant que le président rende une décision sur sa recevabilité; celui-ci n’a pas à se prononcer sur une proposition hypothétique. Lorsque le président doit rendre une décision sur la recevabilité d’un amendement, il s’appuie sur des règles de procédure que des précédents ont établies au fil des ans et sur les autorités en matière de procédure et de pratique parlementaires.

Contrairement à la Chambre où les décisions du Président sont sans appel [318] , la décision d’un président de comité peut faire l’objet d’un appel au comité par voie de motion [319] . Par contre, ni la décision du président du comité ni la motion d’appel ne peuvent faire l’objet d’un débat. La décision du président ne peut être renversée qu’à la majorité des voix. Par conséquent, s’il y a égalité des voix lors d’un vote sur une motion demandant que la décision du président soit maintenue, sa décision est maintenue [320] .

Si, au cours du débat, le président constate qu’une proposition d’amendement dont on a accepté la présentation (mais qui n’a pas encore fait l’objet d’une décision) est irrégulière, il en informe le comité et arrête l’étude de la proposition par le comité [321] .

•  Règles

Les règles concernant la recevabilité des amendements sont essentiellement les mêmes, que ce soit pour un projet de loi renvoyé à un comité avant ou après la deuxième lecture, ou étudié à l’étape du rapport [322]. Toutefois, les règles qui traitent du principe ou de la portée d’un projet de loi ne s’appliquent pas lorsqu’un projet de loi n’a pas encore franchi l’étape de la deuxième lecture, étant donné que le principe du projet de loi n’a pas été au préalable entériné par la Chambre.

Les règles qui gouvernent la recevabilité des amendements proposés aux articles d’un projet de loi peuvent être regroupées en fonction des caractéristiques et des éléments suivants :

Principe et portée : Un amendement à un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture est irrecevable s’il en dépasse la portée et le principe [323] . (Cette règle ne s’applique pas à un projet de loi renvoyé à un comité avant la deuxième lecture, étant donné que le principe du projet de loi n’a pas encore été entériné par la Chambre.) De même, un amendement qui équivaut à une simple négation du projet de loi ou en contredit le principe tel qu’adopté en deuxième lecture [324]  est irrecevable.

Pertinence : Tout amendement à un projet de loi doit nécessairement être pertinent, c’est-à-dire toujours avoir rapport à l’objet du projet de loi ou de l’article à l’étude. En ce qui concerne un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture, un amendement est irrecevable s’il vise à modifier un texte législatif dont le comité n’est pas saisi [325]  ou s’il vise à modifier un article de la loi existante qui n’est pas précisément visé par un article du projet de loi [326] . Un tel amendement serait par ailleurs recevable dans le cas d’un projet de loi renvoyé à un comité avant la deuxième lecture, en autant qu’il soit toujours pertinent. En effet, dans ce cas, le principe et la portée du projet de loi ne sont pas encore définis, ce qui en permet une étude plus vaste.

Cohérence : Les décisions du comité à l’égard d’un projet de loi doivent être cohérentes; elles doivent être compatibles avec les décisions prises antérieurement par le comité. Un amendement est donc irrecevable s’il va à l’encontre ou s’écarte des dispositions du projet de loi adoptées jusque-là par le comité, s’il contredit une décision que le comité a rendue au sujet d’un amendement antérieur [327] , s’il s’inspire d’amendements déjà rejetés [328]  ou s’il en dépend [329] .

Prérogative de la Couronne en matière financière : Un amendement ne doit pas empiéter sur la prérogative de la Couronne en matière financière. Un amendement est donc irrecevable s’il entraîne une imputation sur le Trésor [330] , s’il étend l’objet ou le but de la recommandation royale ou s’il en assouplit les conditions et les réserves [331] . Est également irrecevable un amendement qui dépasse la portée de la motion des voies et moyens sur laquelle est fondé un projet de loi, de même qu’un amendement qui impose à la population une nouvelle charge fiscale [332] qui n’a pas été sanctionnée au préalable par l’adoption d’une motion des voies et moyens ou qui n’est pas englobée dans les termes d’une motion des voies et moyens déjà adoptée [333] .

Forme : Un amendement est irrecevable s’il ne vise qu’à supprimer un article, puisqu’il suffit dans ce cas de voter contre l’adoption de l’article en question [334] . Un amendement est aussi irrecevable s’il est présenté au mauvais endroit du projet de loi, s’il est présenté au comité dans un esprit de dérision, ou s’il est vague ou futile [335] . De même, un amendement est irrecevable s’il se rapporte à des amendements ou à des annexes qui devront être présentés par la suite, s’il est incompréhensible sans eux, ou s’il est incomplet pour d’autres motifs [336] . Enfin, un amendement qui rend inintelligible ou grammaticalement incorrect l’article qu’il vise à modifier est également irrecevable [337] .

Disposition interprétative : La disposition interprétative d’un projet de loi n’est pas l’endroit pour proposer une modification de fond au projet de loi [338] . De plus, un amendement à la disposition interprétative d’un projet de loi qui a été renvoyé à un comité après la deuxième lecture doit toujours se rapporter au projet de loi, sans en dépasser la portée et sans en contredire le principe. Cette dernière règle ne s’applique pas à un projet de loi qui a été renvoyé à un comité avant la deuxième lecture [339] .

Notes marginales et en-têtes : Parce qu’elles ne font pas partie du texte de loi, les notes marginales rattachées à chacune des dispositions d’un projet de loi ne peuvent faire l’objet d’amendements, ni les en-têtes des diverses parties d’un projet de loi [340] .

Disposition d’entrée en vigueur : Un amendement qui vise à modifier l’article concernant l’entrée en vigueur d’un projet de loi en la faisant dépendre d’une condition est irrecevable [341] . Ce type d’amendement dépasse en effet la portée du projet de loi en tentant d’y apporter un élément nouveau.

Annexes : Un amendement peut généralement être proposé à une annexe et il est également possible de proposer de nouvelles annexes [342] . Cependant, on fait exception dans le cas d’un projet de loi dont l’objet est de ratifier un accord (soit un traité ou une convention) qui relève des prérogatives de la Couronne. Si l’annexe d’un tel projet de loi renferme le libellé de l’accord, elle ne peut alors faire l’objet d’amendements. Il est toutefois permis de proposer des amendements aux articles du projet de loi, en autant qu’ils ne touchent pas au libellé de l’accord en annexe et même s’ils ont comme effet de neutraliser la portée législative de l’accord ou de ses parties [343] .

Préambule : Dans le cas d’un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture, un amendement de fond au préambule n’est recevable que s’il est rendu nécessaire par l’adoption de modifications au projet de loi [344] . De plus, un amendement au préambule est recevable lorsqu’il s’agit de rendre le texte plus précis ou d’en uniformiser les versions française et anglaise [345] . Si le projet de loi ne contient pas de préambule, il n’est pas possible au comité d’en ajouter un [346] . Dans le cas d’un projet de loi renvoyé à un comité avant la deuxième lecture, un préambule, s’il n’en existe pas déjà un, peut être présenté dans la mesure où la proposition est pertinente au projet de loi; par surcroît, sont recevables des amendements de fond à un préambule existant [347] .

La formule d’édiction : La formule d’édiction n’est pas soumise à l’approbation du comité ou de la Chambre et ne peut donc faire l’objet de débat ou d’amendements [348] .

Le titre : L’étude du titre intégral est reportée à la fin de l’examen du projet de loi [349] . Le titre ne peut être modifié que si les amendements apportés au projet de loi le justifient [350] . Tout changement apporté à un titre par un comité sera effectué au moment où la Chambre adoptera le projet de loi à l’étape du rapport [351] .

Mise aux voix des amendements

Lorsque le comité est saisi d’une proposition d’amendement et d’un sous-amendement, le président du comité met d’abord aux voix le sous-amendement. S’il est rejeté, l’amendement est ensuite mis aux voix; si le sous-amendement est adopté, l’amendement, tel que modifié, est alors mis aux voix. Le comité peut parfois, du consentement unanime, faire en sorte qu’un groupe d’amendements soit mis aux voix comme si chacun d’eux avait été proposé et avait fait l’objet d’un vote séparé [352] .

Adoption du projet de loi

Une fois que le comité a terminé son étude article par article, le projet de loi dans son ensemble, avec ou sans modification, est soumis à l’approbation du comité.

Autorisation de faire rapport à la Chambre

Après l’adoption du projet de loi, le président demande au comité l’autorisation d’en faire rapport à la Chambre. La formule d’usage est la suivante : « Dois-je faire rapport du projet de loi (tel que modifié) à la Chambre? ». Si le comité acquiesce, le président doit faire rapport du projet de loi à la Chambre dans les plus brefs délais. En revanche, un comité qui n’accepte pas de faire rapport immédiatement devra le faire plus tard.

Réimpression du projet de loi

Si le nombre de modifications apportées par le comité le justifie, le comité ordonne généralement la réimpression du projet de loi à l’intention des députés qui auront à le consulter à l’étape du rapport [353] .

Rapport à la Chambre

Le comité doit s’en tenir à l’ordre de renvoi que constitue le projet de loi et faire rapport du projet de loi à la Chambre, avec ou sans modification [354] . Il ne peut faire rapport que du projet de loi et, par conséquent, ne peut inclure dans son rapport des recommandations de fond [355] . À plusieurs occasions à la Chambre, le Président a déclaré irrecevable un rapport qui contenait des recommandations [356]  ou une motion portant adoption d’un tel rapport [357] . En 1973, le Président Lamoureux déclarait « […] qu’il n’y a pas d’autorité qu’on puisse invoquer pour soutenir qu’étudiant un [projet de loi] un comité de la Chambre peut lui faire rapport d’autre chose que le [projet de loi] lui-même [358]  ».

Par ailleurs, en vertu du mandat permanent que lui confère le Règlement, rien n’empêche un comité permanent, après avoir fait rapport d’un projet de loi, de présenter un autre rapport dans lequel il expose ses recommandations de fond à l’égard du même projet de loi [359] .

Obligation de faire rapport

Tout comité doit faire rapport à la Chambre du projet de loi et des amendements qui y sont apportés [360]  et la Chambre doit recevoir tout projet de loi dont un comité aura fait rapport, qu’il ait été modifié ou non [361] . Un comité n’est cependant pas habilité à soumettre à la Chambre deux rapports sur un seul projet de loi, ce qui aurait pour effet de diviser le projet de loi [362] . Un comité peut rejeter tous les articles, le titre et le projet de loi même. Le comité fait alors rapport du projet de loi avec amendements bien qu’il n’en reste que le numéro [363] .

Par ailleurs, à moins qu’un ordre de la Chambre [364]  ou une disposition du Règlement [365]  n’impose au comité une date limite pour faire rapport du projet de loi à la Chambre, il appartient au comité de déterminer à quel moment en faire rapport [366] . La Chambre conserve tout de même le droit de modifier les termes de l’ordre de renvoi d’un projet de loi à un comité. Si un ministre ou un député estime qu’un comité chargé de l’examen d’un projet de loi fait fi de l’autorité de la Chambre en refusant de faire l’examen du projet de loi ou d’en faire rapport à la Chambre, il peut choisir de porter le fait à l’attention de la Chambre et proposer d’imposer une limite de temps au comité. Ceci peut se faire en donnant avis d’une motion tendant à exiger du comité qu’il fasse rapport au plus tard à une date donnée. Cet avis peut être inscrit, le cas échéant, sous les « Ordres émanant du gouvernement » ou les « Affaires émanant des députés ». La présidence pourrait aussi accepter qu’un tel avis de motion soit inscrit sous la rubrique « Motions » et que la motion soit débattue au cours des Affaires courantes, à condition qu’elle porte strictement sur les termes de l’ordre de renvoi du projet de loi au comité et ne constitue pas une tentative d’ingérence dans les délibérations du comité. Ainsi, la Chambre aurait l’occasion de décider si le projet de loi doit demeurer au comité ou faire l’objet d’un rapport [367] .

•  Projet de loi d’intérêt public émanant d’un député

Tout comité saisi d’un projet de loi d’intérêt public émanant d’un député est tenu, dans un délai de 60 jours de séance à partir de la date du renvoi en comité, soit de faire rapport à la Chambre du projet de loi avec ou sans amendement, soit de présenter à la Chambre un rapport dans lequel il recommande de ne pas poursuivre l’étude du projet de loi [368]  ou dans lequel il demande une seule prolongation de 30 jours de séance pour l’examiner, tout en y déclarant ses raisons. Si aucun projet de loi ni rapport n’est présenté au plus tard à la fin des 60 jours de séance ou de la prolongation de 30 jours de séance si elle a été approuvée par la Chambre, le projet de loi est réputé avoir fait l’objet d’un rapport sans amendement [369] .

•  Abandon de l’étude du projet de loi

Il est arrivé à quelques reprises qu’un comité présente un rapport à la Chambre soit pour recommander que l’étude d’un projet de loi soit abandonnée [370]  ou soit tout simplement pour informer la Chambre du fait que le comité avait convenu d’en abandonner l’étude [371] . De même, à l’occasion, un comité décide de ne plus poursuivre l’étude d’un projet de loi sans en faire rapport à la Chambre [372] .

En de pareilles circonstances, la décision finale quant au sort à accorder à un projet de loi appartient à la Chambre dans son ensemble et non seulement au comité dont la fonction est d’exécuter le mandat qu’il a reçu de la Chambre et d’en faire rapport. Seule la Chambre a le pouvoir d’empêcher l’adoption d’un projet de loi ou d’en ordonner le retrait [373] . Tout en rappelant à la Chambre qu’il n’incombe pas à la présidence de se mêler de questions internes touchant un comité, le Président Fraser a bien précisé que rien n’empêchait tout député ou ministre, par l’entremise d’une motion, de faire intervenir la Chambre pour qu’elle exerce son autorité en ordonnant au comité de reprendre effectivement ses travaux et de faire rapport à la Chambre [374] .

Rapport contenant des amendements irrecevables

Étant donné qu’un comité peut en appeler de la décision de son président [375]  et la renverser, il se peut qu’un comité fasse rapport d’un projet de loi auquel ont été apportés des amendements déclarés initialement irrecevables par le président. L’admissibilité de ces amendements, ainsi que de tous autres amendements apportés par un comité, peut donc faire l’objet d’une contestation sur le plan de la procédure au moment où la Chambre reprend l’étude du projet de loi à l’étape du rapport [376] . La recevabilité des amendements est alors examinée par le Président de la Chambre, qu’il soit invité à le faire à la suite d’un rappel au Règlement [377]  ou qu’il le fasse de sa propre initiative [378] .

Dans une décision rendue en 1992, le Président Fraser a déclaré : « Lorsqu’un projet de loi est renvoyé à un comité permanent ou législatif de la Chambre, ce comité est autorisé uniquement à adopter, à modifier ou à rejeter les dispositions qui se trouvent dans le projet de loi et à faire rapport du projet de loi à la Chambre avec ou sans proposition d’amendement. Dans ses travaux, le comité doit respecter un certain nombre de contraintes. Il ne peut empiéter sur la prérogative financière de la Couronne, il ne peut aller au-delà de la portée du projet de loi adopté à l’étape de la deuxième lecture, et il ne peut toucher à la loi originale en y apportant des amendements qui ne sont pas envisagés dans le projet, aussi tentant que cela puisse être [379] .  »

Présentation du rapport

Le rapport du comité qui a complété l’examen d’un projet de loi est présenté à la Chambre par le président du comité [380] , pendant les Affaires courantes, à l’appel de la rubrique « Présentation de rapports de comités » [381] . Aucun débat ne peut avoir lieu à ce moment-là.

Étape du rapport

Après qu’un projet de loi a été examiné en comité, il fait l’objet d’une étude par la Chambre. C’est à cette étape, appelée l’étape du rapport, que les députés, particulièrement ceux qui n’étaient pas membres du comité, qui veulent apporter des modifications au texte du projet de loi tel que présenté par le cmité peuvent proposer des motions d’amendement après en avoir donné avis par écrit. Ces motions font alors l’objet d’un débat.

Historique

Déjà, à la Confédération, le Règlement de la Chambre exposait la marche à suivre pour l’étude des projets de loi en comité et la présentation des rapports à la Chambre. Même si les projets de loi pouvaient être déférés à un comité permanent ou spécial, ils devaient ensuite faire l’objet d’un examen par un comité plénier [382] . Les amendements apportés en comité devaient être communiqués à la Chambre qui les recevait immédiatement. De plus, les règles prévoyaient que les projets de loi, s’ils faisaient l’objet de rapports avec amendements par un comité plénier, pouvaient faire l’objet d’un débat et d’amendements avant que la Chambre en ordonne la troisième lecture. Si les projets de loi n’avaient pas fait l’objet de modifications lors de l’étude en comité plénier, la troisième lecture était aussitôt fixée à un moment déterminé par la Chambre.

Au fil des ans, on constata que les amendements n’étaient proposés qu’en comité et que, lorsque présentés à la Chambre, une motion portant adoption de ceux-ci était présentée et mise aux voix immédiatement [383] . Ce constat amena la Chambre, en 1955, à modifier son règlement pour refléter la pratique établie. On convint que les amendements devaient être présentés à la Chambre et que la motion tendant à les approuver devait être décidée immédiatement avant qu’une troisième lecture soit ordonnée pour la prochaine séance de la Chambre [384] . Ces modifications au Règlement eurent pour effet d’éliminer ce qui pouvait alors constituer l’étape du rapport. En 1968, la Chambre effectua une révision en profondeur de son processus législatif. Dorénavant, tous les projets de loi, sauf ceux fondés sur des motions de subsides ou de voies et moyens, seraient renvoyés à des comités permanents ou spéciaux et ne feraient plus l’objet d’un réexamen par un comité plénier. De plus, la Chambre rétablit l’étape du rapport et accorda au Président le pouvoir de choisir et de regrouper les amendements. Elle adopta aussi des dispositions relatives à la présentation des avis d’amendements et à la durée des discours à cette étape du processus législatif [385] .

En recommandant le rétablissement de l’étape du rapport, le Comité spécial sur la procédure de 1968 jugea cette étape essentielle si l’on voulait permettre à tous les députés, et non seulement aux membres du comité, de se prononcer sur les projets de loi à l’étude et, s’il y a lieu, d’y proposer des amendements. Dans l’esprit du Comité, cette étape ne devait toutefois pas constituer une reprise de l’étape de l’examen en comité. Contrairement à l’étape de l’examen en comité où le projet de loi est étudié article par article, à l’étape du rapport, il ne doit y avoir débat que lorsque préavis a été donné que des amendements seront présentés, et le débat doit porter uniquement sur les amendements proposés.

Depuis 1968, les dispositions relatives à l’étape du rapport ont été légèrement modifiées. La Chambre a apporté des changements à la durée des interventions [386]  et précisé le but de l’étape du rapport et les critères devant guider le Président dans le choix et le regroupement des motions d’amendement [387] . D’autres changements ont également été apportés, en 1994, pour tenir compte de la nouvelle procédure qui permet à un ministre de proposer le renvoi d’un projet de loi d’initiative ministérielle à un comité avant la deuxième lecture [388] .

Avis de modification

Pour qu’une motion portant modification d’un projet de loi [389]  puisse être examinée à l’étape du rapport, il faut en donner avis, par écrit [390] , au moins un jour de séance avant le début de l’étude à l’étape du rapport s’il s’agit d’un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture [391] , et deux jours de séance s’il s’agit d’un projet de loi renvoyé à un comité avant la deuxième lecture [392] . Les avis doivent être reçus par le Greffier avant 18 heures du lundi au jeudi et avant 14 heures le vendredi afin de paraître dans le Feuilleton des Avis du jour de séance suivant [393] . Lorsque la Chambre est en période d’ajournement, l’heure de tombée pour les avis est 18 heures le jeudi précédant la reprise des travaux de la Chambre [394] . Aucun avis ne peut être déposé le jour du début de l’étude du projet de loi à cette étape, ni les jours suivants [395] .

Modification relative à la forme

Le Règlement prévoit une exception aux exigences en matière de préavis. Un ministre peut proposer un amendement sans avis si cet amendement ne vise que la forme d’un projet de loi du gouvernement [396] . Dans un tel cas, le débat doit porter uniquement sur l’amendement. Le but de cette règle est de faire en sorte qu’il soit plus facile d’apporter à un projet de loi les modifications rendues nécessaires par l’adoption d’autres modifications. Il appartient alors à la présidence de déterminer si l’amendement n’est que la simple conséquence de l’adoption d’un autre amendement ou s’il tend à changer le sens du projet de loi.

Avis de recommandation royale

Dans le cas d’une modification à caractère financier qui requiert une recommandation royale [397], le Règlement stipule qu’il faut donner avis de la recommandation royale au plus tard le jour de séance précédant celui où doit commencer l’étude à l’étape du rapport. Cet avis doit paraître au Feuilleton des Avis, accompagné de la modification visée [398] .

Recevabilité des motions d’amendement

Il revient au Président de décider quels amendements seront étudiés à l’étape du rapport. Le Président n’a pas à décider si l’objet ou le fond de l’amendement mérite une discussion. Il lui incombe seulement de décider si, dans le cadre des règles de procédure s’appliquant à la recevabilité des amendements présentés à l’étape du rapport, l’amendement proposé est recevable [399] .

À l’étape du rapport, le projet de loi est examiné dans son ensemble et non pas article par article comme c’est le cas lors de l’examen en comité. Sauf indication contraire, les règles relatives à la recevabilité des amendements présentés à l’étape de l’examen en comité s’appliquent également aux motions d’amendement proposées à l’étape du rapport. [400] Par ailleurs, certaines règles sont propres à l’étape du rapport. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur en 1968 des règles relatives à l’étape du rapport, une motion d’amendement visant à biffer un article d’un projet de loi a toujours été jugée recevable par la présidence, même si cette motion tendait à modifier ou à aller à l’encontre du principe du projet de loi tel qu’adopté en deuxième lecture [401] ; une motion d’amendement qui vise plusieurs articles du projet de loi n’est pas recevable [402] .

À l’étape du rapport, le Président a donc déclaré irrecevable une motion d’amendement qui empiétait sur la prérogative de la Couronne en matière financière [403] ; qui visait à modifier un accord relevant des prérogatives de la Couronne [404] ; et qui visait à modifier le titre intégral sans que des changements importants justifiant une telle modification aient été apportés au contenu du projet de loi [405] .

Ont également été jugées irrecevables des motions d’amendement à un projet de loi qui avait été renvoyé à un comité après la deuxième lecture, alors que ces mêmes motions d’amendement auraient été recevables si le projet de loi avait été renvoyé à un comité avant la deuxième lecture. Par exemple, le Président a déclaré irrecevable une motion d’amendement qui dépassait la portée du projet de loi ou de l’article visé [406] ; qui était contraire au principe du projet de loi adopté en deuxième lecture [407] ; qui proposait, au moyen d’un changement à la disposition interprétative, une modification de fond qui dépassait la portée du projet de loi [408] ; qui tendait à modifier une loi non visée par le projet de loi [409] ; qui visait à modifier non pas un article du projet de loi qui modifiait une loi existante mais plutôt un article de la loi même [410] ; et qui équivalait à une simple négation du projet de loi [411] .

La présidence a également déclaré que, l’étape du rapport n’étant pas une étape de lecture, il n’est donc pas permis de présenter des motions d’amendement sous la forme d’amendements motivés, ce qui est strictement réservé aux étapes des deuxième et troisième lectures d’un projet de loi [412] .

Puisque les motions d’amendement à l’étape du rapport peuvent faire l’objet d’un débat, elles font partie de la catégorie des motions de fond susceptibles de faire l’objet d’un amendement et d’un sous-amendement [413] . Un amendement à une motion d’amendement à l’étape du rapport doit strictement se rapporter à cette motion [414]  et le débat qui s’ensuit doit se limiter à l’amendement même. Un amendement qui visait le même objectif qu’une autre motion à l’étape du rapport a été jugé irrecevable, parce qu’il était, en réalité, une nouvelle motion de fond dont avis préalable aurait dû être donné avant le début de l’étape du rapport [415] .

Pouvoir du Président de choisir les modifications

En 1968, le Comité spécial de la procédure, craignant que des députés profitent de l’étape du rapport pour proposer des amendements similaires, sans grande importance ou de nature dilatoire [416] , recommanda dans son rapport l’adoption d’une règle habilitant le Président « à déterminer et à fusionner les amendements dont il aurait été donné avis » [417] . Une telle règle fut alors adoptée [418] .

En 1985, le Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (Comité McGrath) déplora le fait que les « Présidents qui se sont succédés à la Chambre depuis 1968 ne se sont jamais prévalus de leur pouvoir de choisir les amendements, même s’ils ont exercé le pouvoir de les regrouper en vertu du Règlement [419]  ». Le Comité recommanda spécifiquement que le Président exerce le pouvoir de choisir les motions d’amendement à l’étape du rapport. En 1986, la Chambre décida d’ajouter une note en ce sens à l’article du Règlement en question [420] .

En vertu du Règlement, le Président a donc le pouvoir de combiner ou de choisir les motions d’amendement proposées à l’étape du rapport [421] . Depuis les années 1970, le processus de sélection et de regroupement des motions d’amendement a évolué. Dans les premières années d’application de cette nouvelle règle, le Président Lamoureux consultait régulièrement la Chambre avant de rendre une décision finale sur la recevabilité et le regroupement des amendements [422] . Au fil des ans, les Présidents en vinrent toutefois à consulter la Chambre seulement lorsqu’ils éprouvaient des difficultés à se prononcer sur la recevabilité d’un amendement. Comme le Président Fraser l’a expliqué dans une décision, la présidence applique un processus d’examen dans le cadre duquel les motions d’amendement font l’objet de discussions, parfois très approfondies, entre le député qui en est l’auteur et le personnel du Greffier [423] . Jusqu’en 1994, toutes les motions d’amendement proposées par les députés figuraient au Feuilleton des Avis, même celles qui étaient jugées irrecevables. En juin 1994, le Règlement fut modifié pour faire en sorte que seules les motions ayant été jugées recevables par la présidence soient publiées au Feuilleton des Avis [424] . Lorsqu’une motion est jugée irrecevable, on informe le député par lettre des raisons ayant motivé cette décision.

Normalement, le Président ne choisit pas une motion d’amendement déjà déclarée irrecevable en comité, sauf si elle y a été rejetée parce qu’elle exigeait la recommandation royale [425] . De plus, le Président ne devrait choisir que les motions d’amendement qui n’ont pas été ou n’ont pu être présentées en comité [426] . Il ne choisit une motion déjà rejetée en comité que s’il juge qu’elle a une importance telle qu’elle mérite d’être examinée de nouveau à l’étape du rapport [427] . Enfin, il regroupe aux fins du débat les motions qui ont le même objet et qui sont interreliées. En agissant ainsi, il tient compte de la possibilité pour les députés intéressés de pouvoir se faire entendre durant le débat sur une autre motion.

Par ailleurs, le Président peut, s’il le juge à propos, demander à un député qui a donné un avis de modification de fournir suffisamment d’explications pour lui permettre de porter un jugement sur l’objet de l’amendement. Lorsqu’un amendement choisi a été présenté par plus d’un député, le Président désigne, après consultation, quel député le proposera (normalement, celui qui aura donné avis de la motion en premier) [428] .

La décision que rend le Président sur le regroupement des motions d’amendement à l’étape du rapport est composée de deux volets : le regroupement aux fins du débat et le regroupement pour les mises aux voix.

Aux fins du débat, les motions d’amendement sont regroupées en fonction de deux critères : le contenu et l’endroit d’insertion dans le projet de loi. Les motions sont regroupées selon le contenu si elles peuvent faire l’objet d’un même débat, si elles produisent une fois adoptées le même effet à des endroits différents du projet de loi ou si elles visent la même disposition ou des dispositions semblables du projet de loi. Les motions d’amendement sont regroupées selon l’endroit d’insertion dans le projet de loi lorsqu’elles visent la même ligne (ou les mêmes lignes). Ces motions d’amendement feront alors partie d’un même schéma de mise aux voix.

Lorsqu’il choisit et combine les motions d’amendement, le Président décide également de leur regroupement pour leur mise aux voix, c’est-à-dire qu’il détermine l’ordre dans lequel ces motions seront mises aux voix et les conséquences d’un vote sur les autres. Le schéma de mise aux voix a pour objet d’éviter que la Chambre ne doive se prononcer deux fois sur la même question.

Le Président rend sa décision sur le regroupement des motions d’amendement après qu’il est donné lecture de l’ordre relatif à l’étude à l’étape du rapport du projet de loi. Il informe la Chambre des motions d’amendement qu’il a choisies et regroupées pour débat ainsi que des modalités de leur mise aux voix [429]  et, le cas échéant, des motions d’amendements qui n’ont pas été choisies en indiquant les raisons [430] .

Débat

À l’appel de l’Ordre du jour portant étude à l’étape du rapport d’un projet de loi, la Chambre aborde alors l’étude de toute modification dont on a donné avis, chacune pouvant faire l’objet d’un débat et de modifications [431] . Il n’y a cependant pas de débat si aucun avis de modification n’a été donné à l’étape du rapport [432] .

L’étape du rapport d’un projet de loi qui a déjà franchi l’étape de la deuxième lecture ne peut commencer avant le deuxième jour de séance suivant la présentation du rapport du comité [433] . Celle d’un projet de loi qui n’a pas encore franchi l’étape de la deuxième lecture ne doit pas commencer avant le troisième jour de séance suivant la présentation du rapport [434] . Le nombre minimum de jours de séance devant s’écouler entre la présentation du rapport du comité et le débat à l’étape du rapport doit être strictement observé [435] .

Après avoir rendu sa décision sur le regroupement des motions aux fins du débat, la présidence donne lecture des motions du premier groupe (ou de la motion de ce groupe s’il n’y en a qu’une). Les modifications proposées et appuyées sont ainsi mises en discussion. Une fois proposée, une motion ne peut être retirée que du consentement unanime [436] .

En l’absence du député qui a soumis l’avis, une motion d’amendement ne peut être mise en délibération que si elle est proposée par un autre député avec le consentement unanime de la Chambre [437] . Lorsqu’une motion d’amendement est mise en avis par le gouvernement, elle peut, en l’absence du ministre responsable, être proposée par tout autre ministre.

Au cours du débat à cette étape, aucun député ne peut prendre la parole plus d’une fois ou plus de 10 minutes au sujet d’une modification ou groupe de modifications [438] . Contrairement aux étapes de la deuxième lecture et de la troisième lecture, les discours des députés ne sont pas suivis d’une période de questions et observations [439] . Bien entendu, les délibérations à l’étape du rapport sont assujetties aux règles générales du débat, telle la règle de la pertinence [440] .

Report des votes par appel nominal

Lorsqu’un vote par appel nominal est demandé sur une motion d’amendement pendant l’étude à l’étape du rapport d’un projet de loi, le Président peut attendre qu’on ait débattu de quelques-uns ou de tous les amendements proposés au projet de loi avant de convoquer les députés pour tenir le vote. La pratique veut que le Président diffère tous les votes par appel nominal qui sont demandés jusqu’à la fin de l’étude à l’étape du rapport. On remet ainsi de séance en séance un ou plusieurs votes par appel nominal [441] . Lorsqu’il y a un nombre exceptionnel d’amendements à étudier à l’étape du rapport, le Président peut, après consultation des représentants des partis, ordonner que les votes par appel nominal différés aient lieu avant que tous les amendements aient été étudiés [442] .

Adoption à l’étape du rapport

L’étape du rapport d’un projet de loi qui n’a pas encore franchi l’étape de la deuxième lecture fait partie intégrante de l’étape de la deuxième lecture du projet de loi [443] . Ainsi, à la fin de l’étape du rapport, une motion portant « Que le projet de loi, avec ses modifications, soit agréé à l’étape du rapport et lu une deuxième fois » ou « Que le projet de loi soit agréé à l’étape du rapport et lu une deuxième fois » est proposée, puis mise aux voix immédiatement et la Chambre en dispose sans débat ni amendement [444] .

À la fin de l’étape du rapport d’un projet de loi qui a déjà franchi l’étape de la deuxième lecture, la motion d’adoption à l’étape du rapport est également mise aux voix immédiatement, sans débat ni amendement. Le libellé de la motion d’adoption varie selon que le projet de loi original a été modifié ou non, et selon l’étape à laquelle les amendements ont été apportés. Si, par exemple, un projet de loi n’est modifié ni en comité ni à l’étape du rapport, la motion est alors la suivante : « Que le projet de loi soit agréé à l’étape du rapport ». Si un projet de loi a toutefois été modifié en comité, mais non à l’étape du rapport, la motion se lira alors comme suit : « Que le projet de loi, tel que modifié, soit agréé à l’étape du rapport ». Lorsque le projet de loi est modifié à l’étape du rapport, mais non en comité, la motion est la suivante : « Que le projet de loi soit agréé à l’étape du rapport, avec amendements ». Enfin, si le projet de loi est modifié en comité et à l’étape du rapport, on présente la motion suivante : « Que le projet de loi, tel que modifié, soit agréé à l’étape du rapport, avec d’autres amendements ».

Si aucune motion d’amendement n’est proposée à l’étape du rapport d’un projet de loi qui a été lu une deuxième fois, il ne peut y avoir de débat et l’étude à l’étape du rapport ne devient qu’une simple formalité précédant la troisième lecture [445] . Un projet de loi qui a fait l’objet d’un rapport d’un comité plénier, avec ou sans amendement, ne peut faire l’objet d’un débat ni être modifié à l’étape du rapport [446] . La Chambre doit en disposer à l’étape du rapport dès sa réception du comité plénier [447] .

Troisième lecture (et adoption)

La troisième lecture est la dernière étape qu’un projet de loi doit franchir à la Chambre des communes. C’est à ce moment-là que les législateurs doivent décider si le projet de loi doit être adopté et devenir éventuellement une loi. Bien qu’elle soit souvent considérée comme une simple formalité, la troisième lecture n’en constitue pas moins une étape décisive du processus législatif. Dans le cas d’un projet de loi fort controversé, elle peut en effet fournir aux législateurs l’occasion de tenir un grand débat [448] .

La troisième lecture et l’adoption d’un projet de loi sont formulées dans la même motion. Elles peuvent avoir lieu à la même séance que l’étape du rapport si aucune modification n’a été proposée à cette étape ou si le projet de loi a fait l’objet d’un rapport, avec ou sans amendement, par un comité plénier [449] . Lorsqu’un projet de loi a fait l’objet d’un débat à l’étape du rapport, il ne peut être présenté en vue de la troisième lecture et de son adoption finale avant la prochaine séance de la Chambre [450] . De même, lorsqu’un projet de loi a été examiné par un comité avant la deuxième lecture et qu’il a ensuite franchi les étapes combinées du rapport et de la deuxième lecture, la troisième lecture ne peut se tenir qu’à la prochaine séance de la Chambre [451] .

Le débat en troisième lecture commence lorsque, à l’appel de l’ordre du jour portant troisième lecture et adoption du projet de loi, le ministre ou le député, selon le cas, propose « Que le projet de loi soit maintenant lu une troisième fois et adopté [452]  ». Les règles relatives à la durée des interventions pendant le débat sont les mêmes que celles qui régissent la durée des discours et des questions et observations à l’étape de la deuxième lecture [453] .

Le débat à cette étape du processus législatif est centré sur la forme finale du projet de loi. Les amendements recevables à cette étape sont tout à fait semblables à ceux qui étaient recevables à l’étape de la deuxième lecture [454] . Il est donc permis de proposer le renvoi du projet de loi à trois ou six mois [455] , de même que proposer des amendements motivés [456] . Ceux-ci doivent cependant, à l’étape de la troisième lecture, se rapporter strictement au projet de loi et ne pas aller à l’encontre de son principe tel qu’adopté en deuxième lecture [457] .

L’amendement visant, à l’étape de la deuxième lecture, à renvoyer l’objet d’un projet de loi à un comité devient, à l’étape de la troisième lecture, un amendement de renvoi du projet de loi à un comité en le chargeant de réexaminer certains articles pour une raison précise [458] . Le but d’un tel amendement est notamment de permettre au comité d’ajouter un nouvel article, de réexaminer un article précis du projet de loi ou de réexaminer des amendements antérieurs [459] . Un amendement visant à renvoyer un projet de loi à un comité ne doit pas cependant constituer une instruction impérative [460] . De plus, un amendement à la motion de troisième lecture visant à renvoyer le projet de loi à un comité autre que celui qui l’a déjà examiné a été jugé irrecevable par la présidence [461] . Si l’amendement portant renvoi au comité est adopté, le comité ne peut se pencher que sur la partie du projet de loi précisée dans l’ordre de renvoi.

Une fois que la motion de troisième lecture a été adoptée, le Greffier de la Chambre en atteste le fait au bas de la copie originale du projet de loi et y indique la date [462] . Le projet de loi est ensuite transmis au Sénat pour approbation. Le rejet d’une motion de troisième lecture entraîne l’abandon du projet de loi [463] .

Étude et adoption par le Sénat

Une fois que la Chambre des communes a adopté un projet de loi, un message est adressé au Sénat pour lui demander de bien vouloir adopter à son tour le même projet de loi [464] . Lorsqu’il étudie un projet de loi, le Sénat suit un processus législatif très semblable à celui de la Chambre des communes. Dès qu’il adopte un projet de loi, le Sénat en informe la Chambre des communes par voie de message.

Comme la plupart des projets de loi d’initiative ministérielle naissent à la Chambre des communes, il arrive parfois que l’on demande au Sénat d’accélérer son processus d’examen. Le Règlement du Sénat prévoit une procédure, l’étude préalable, qui consiste à renvoyer à un comité permanent l’objet d’un projet de loi qui a été présenté à la Chambre des communes mais qui n’a pas encore franchi l’étape de la première lecture au Sénat [465] . Le Sénat peut ainsi examiner le projet de loi et arrêter son opinion avant même qu’il soit transmis par la Chambre des communes. Sur réception du projet de loi, le Sénat est alors en mesure de l’adopter ou de le modifier en très peu de temps.

Adoption par les Communes des amendements du Sénat (le cas échéant)

Lorsque le Sénat adopte un projet de loi sans amendement, un message est adressé à la Chambre des communes pour l’en informer [466]  et la sanction royale est habituellement accordée peu de temps après ou dans les jours qui suivent. Le projet de loi lui-même n’est renvoyé à la Chambre que s’il s’agit d’un projet de loi de crédits [467] . Cependant, lorsqu’il apporte des amendements au projet de loi, le Sénat en fait part à la Chambre dans le message qu’il lui adresse [468] , et il lui renvoie le projet de loi. Le Sénat transmet parfois à la Chambre des messages qui contiennent des observations ou des recommandations du comité sénatorial qui a examiné le projet de loi [469] . Les messages du Sénat sont inscrits dans les Journaux dès leur réception par la Chambre.

Lorsque la Chambre reçoit du Sénat des amendements à un projet de loi, ceux-ci sont alors soumis à la Chambre pour étude. Il n’appartient pas au Président de la Chambre des communes de juger de la recevabilité, sur le plan de la procédure, des travaux menés au Sénat et des amendements qu’il apporte aux projets de loi [470] . C’est plutôt à la Chambre même qu’il revient de décider si elle accepte ou rejette les amendements proposés par le Sénat, tout en invoquant, si elle le désire, les raisons qui motivent un rejet ou une modification. Une motion pour l’étape de l’étude des amendements du Sénat requiert un préavis écrit de 24 heures [471] . Au moyen de cette motion, le parrain du projet de loi propose alors à la Chambre que les amendements apportés par le Sénat soient adoptés [472] , modifiés ou rejetés [473] . Dans la même motion, certains amendements du Sénat peuvent être rejetés, tandis que d’autres peuvent être adoptés et d’autres modifiés. La motion doit porter exclusivement sur les amendements du Sénat et non pas sur d’autres dispositions du projet de loi qui ne sont pas visées par les amendements. La Chambre peut vouloir rejeter les amendements du Sénat pour diverses raisons, notamment parce qu’elle juge qu’ils vont à l’encontre du principe du projet de loi [474]  ou qu’ils empiètent sur les prérogatives de la Couronne et de la Chambre des communes en matière financière [475] .

La motion figurera au Feuilleton des Avis sous la rubrique « Motions relatives aux amendements du Sénat à des projets de loi ». L’étude de la motion aura lieu pendant les Ordres émanant du gouvernement, s’il s’agit d’un projet de li d’initiative ministérielle, ou pendant la période des Affaires émanant des députés, s’il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire.

Le Sénat apporte assez souvent des amendements aux projets de loi et la Chambre se montre habituellement tout a fait disposée à les accepter puisque les modifications consistent généralement à corriger des erreurs de rédaction ou à apporter des améliorations administratives [476] . Lorsqu’un débat s’engage sur des amendements du Sénat, les intervenants doivent s’en tenir aux amendements à l’étude et ne peuvent traiter d’autres aspects du projet de loi, ni de l’ensemble du projet de loi [477] . La motion portant sur les amendements du Sénat peut elle-même, au cours du débat, faire l’objet d’amendements et de sous-amendements [478] . À l’exception du premier ministre et du chef de l’Opposition, aucun député ne peut parler pendant plus de 20 minutes [479] . Après chaque intervention de 20 minutes, une période n’excédant pas 10 minutes est réservée aux questions et observations. Des motions d’attribution de temps [480]  et de clôture [481]  peuvent être proposées par le gouvernement pour limiter le débat ou y mettre fin.

Lorsque la Chambre accepte les amendements du Sénat, un message est adressé au Sénat en conséquence et le projet de loi lui est renvoyé en attendant de recevoir la sanction royale. Si la Chambre modifie ou rejette les amendements du Sénat, elle en informe le Sénat également par voie de message. Le Sénat peut alors réexaminer ses amendements à la lumière du message de la Chambre. Il peut décider soit d’accepter la décision de la Chambre, soit de la refuser en insistant pour maintenir ses amendements, soit encore de modifier ce que la Chambre a proposé. Peu importe la décision du Sénat, il transmet un autre message à la Chambre pour l’en informer. Cette communication entre les deux chambres se continue jusqu’au moment où, finalement, elles arrivent à s’entendre sur un même texte. S’il s’avère impossible d’arriver à une entente par l’échange de messages, la chambre qui est saisie de la mesure peut alors demander la tenue d’une conférence.

Conférence entre les chambres

Lorsque survient un désaccord entre la Chambre des communes et le Sénat sur les amendements devant être apportés à un projet de loi, deux manières de procéder peuvent être suivies : on peut communiquer le désaccord au moyen d’un message (il s’agit normalement du premier recours), ou tenter de le résoudre en tenant une conférence. Bien que cette pratique soit tombée en désuétude [482] , une conférence peut être demandée par l’une des deux chambres dans les cas suivants : pour communiquer une résolution ou une adresse que l’une des chambres souhaite faire approuver par l’autre chambre; pour discuter des privilèges du Parlement; pour discuter de toute question justifiant le recours à cette procédure; pour obtenir ou communiquer des renseignements qui ont servi de base à l’adoption d’un projet de loi; pour exposer ses motifs de refuser des amendements ou pour nsister sur des amendements apportés à un projet de loi [483] .

L’une ou l’autre des deux chambres peut demander la tenue d’une conférence, en autant qu’elle est alors saisie du projet de loi à l’étude ou de toute autre affaire devant faire l’objet de la conférence [484] . Le Règlement de la Chambre stipule que la Chambre est tenue de préparer et d’adopter un exposé des motifs qu’elle entend faire valoir, avant que le message demandant la tenue d’une conférence soit envoyé au Sénat [485] . Les modalités visant le consentement à la tenue de conférences et leur préparation, de même que le déroulement des délibérations lors des conférences, ne sont toutefois pas régies par le Règlement mais par les coutumes et la tradition [486] .

Jusqu’en 1906, le processus relatif à la tenue des conférences était assez lourd. Le rôle des représentants à la conférence se bornait à lire l’exposé des motifs aux représentants de l’autre chambre. Aucune discussion ne pouvait s’ensuivre. En octobre 1903, trois conférences, dont une seule constituait une conférence libre, furent tenues pour résoudre un différend sur des amendements que le Sénat voulait apporter à un projet de loi de la Chambre [487] . On trouva le processus si lourd que de nouvelles règles furent incorporées au Règlement en 1906 [488] , suite à l’adoption l’année précédente d’une résolution conjointe des deux chambres [489] . Cette modification au Règlement visait à rendre « libres » [490]  les conférences en vue de faciliter la conclusion d’une entente. Les représentants (appelés « délégués », « mandataires » ou « gérants ») pouvaient ainsi avoir la liberté de parler et de négocier comme ils le jugeaient bon [491] .

Même si les deux chambres se transmettent de nombreux messages, elles sont rarement entrées en conférence. Aucune conférence n’a eu lieu depuis 1947 et l’on en relève uniquement seize depuis 1903 [492] . De ce nombre, on en compte treize depuis l’entrée en vigueur, en 1906, des dispositions relatives à la tenue des conférences libres [493] . Ces conférences « libres » ont toutes été tenues à la demande de la Chambre des communes et toutes avaient pour objet de régler des différends sur des projets de loi.

Au fil des ans, l’échange de messages et la comparution de ministres devant les comités de la Chambre et du Sénat ont considérablement réduit la nécessité de recourir à cette procédure [494] . Toutefois, si les deux chambres devaient se trouver dans une impasse en raison d’un désaccord sur des amendements devant être apportés à un projet de loi, un député, habituellement celui qui est responsable du projet de loi, pourrait proposer qu’un message soit envoyé au Sénat pour lui demander de participer à une conférence libre sur l’amendement ou les amendements litigieux [495] . Une fois le message adopté et transmis au Sénat, celui-ci transmettrait à son tour un message à la Chambre pour lui faire part de sa réponse. Si le Sénat acceptait de participer à la conférence, un message serait aussi envoyé à la Chambre des communes pour l’informer du moment et de l’endroit choisis pour la conférence ainsi que des noms des sénateurs (appelés « représentants ») qui agiraient au nom du Sénat. Une motion semblable serait présentée à la Chambre des communes pour désigner les représentants de celle-ci (qui inclut habituellement le responsable du projet de loi) [496]  et ordonner qu’un message à ce sujet soit transmis au Sénat.

Au moment convenu, les représentants se rencontreraient pour tenter de sortir les deux chambres de l’impasse. Les comptes rendus montrent qu’advenant le cas où la Chambre siégerait au moment choisi pour la conférence, le Président se lèverait et annoncerait que le moment est venu de tenir la conférence, et le Greffier donnerait les noms des représentants qui se rendraient alors au Sénat [497]. Une fois les représentants de la Chambre arrivés au Sénat, le Président du Sénat annoncerait les noms des représentants du Sénat et ceux-ci quitteraient la salle du Sénat. Étant donné qu’aucun rapport ou procès-verbal officiel n’a été préparé sur ces conférences, on dispose de peu de renseignements sur la façon dont ont été tenues les conférences libres dans le passé et sur les autres personnes qui y ont assisté en plus des représentants des deux chambres.

La conférence libre consiste à discuter jusqu’à ce qu’une entente soit conclue, mais trois issues sont possibles : la conférence est un échec; on parvient à un compromis; la Chambre accepte les amendements du Sénat ou, selon le cas, le Sénat accepte les amendements de la Chambre. Si la conférence se révèle un échec, l’affaire est close et le projet de loi reste simplement au Feuilleton où il expirera à la fin de la session [498] . Pendant ce temps, il n’est pas possible de déposer à la Chambre un nouveau projet de loi se rapportant au même sujet et renfermant des dispositions analogues. Si l’on parvient à un compromis, l’un des représentants de la Chambre présente aux députés un rapport sur la conférence et propose l’adoption du rapport et l’envoi au Sénat d’un message l’en informant. Enfin, si la Chambre décide de ne pas insister pour faire approuver ses amendements, elle adopte les amendements du Sénat et envoie un message à celui-ci pour l’en aviser.

Sanction royale

La sanction royale fait intervenir les trois éléments constitutifs du Parlement (la Couronne, le Sénat et la Chambre des communes). Partie intégrante du processus législatif, elle constitue l’étape que doit franchir un projet de loi avant de devenir officiellement une loi du Parlement. Une version du projet de loi, identique à celle adoptée par les deux chambres, est alors approuvée par un représentant de la Couronne pour recevoir « l’achèvement et la perfection d’une loi » [499] . Cette procédure, essentiellement cérémonielle, se déroule en présence des députés et des sénateurs, les députés ayant été convoqués par l’huissier du bâton noir du Sénat à se rendre au Sénat pour assister à la cérémonie de la sanction royale.

L’origine de la sanction royale remonte à l’époque d’Henri VI (1422-1461; 1470-1471) [500] . L’habitude fut prise sous le règne de ce roi d’introduire dans les deux chambres des projets de loi sous forme de statuts complets, et non plus sous la forme de pétitions comme c’était le cas depuis les premiers temps de la constitution du Parlement britannique. La sanction royale fut octroyée par le souverain en personne jusqu’en 1541, année où, pour épargner au roi Henri VIII l’indignité de devoir octroyer la sanction royale au projet de loi portant exécution de son épouse, Katharine Howard, la tâche fut confiée pour le première fois à une commission royale [501] . La nomination de lords commissaires chargés d’octroyer la sanction royale au nom du souverain est par la suite devenue pratique courante. La dernière fois que le monarque a en personne octroyé la sanction royale en Grande-Bretagne remonte au 12 août 1854, sous la reine Victoria [502] . En 1967, le Parlement britannique a adopté le Royal Assent Act qui permet depuis qu’un projet puisse recevoir force de loi sur simple notification de la sanction royale par les Présidents respectifs des deux chambres [503] . Cette procédure élimine donc la nécessité de devoir tenir une cérémonie [504] .

À la Chambre des communes canadienne, la cérémonie de la sanction royale a parfois fait l’objet de critiques [505] , mais le Parlement est cependant demeuré fidèle aux conventions de la sanction royale dont les règles découlent directement de celles qui étaient en vigueur en Grande-Bretagne à l’époque de la Confédération [506] . Ni le Règlement de la Chambre ni la Loi constitutionnelle ne font cependant mention de la manière précise selon laquelle cette procédure doit se dérouler. Initialement, la pratique voulait que la sanction royale soit réservée à la fin d’une session parlementaire, au moment où le gouverneur général était présent pour la prorogation du Parlement. Cette pratique est graduellement disparue avec le temps, la sanction royale étant de nos jours octroyée à des projets de loi n’importe quand au cours d’une session [507] . De plus, pendant un ajournement de la Chambre, le Président peut, à la demande du gouvernement, faire connaître par avis que la Chambre se réunira plus tôt que prévu pour l’octroi de la sanction royale; étant convoquée à « cette seule fin », la Chambre ne peut alors aborder aucune autre affaire [508] .

Lorsque la Chambre siège et que des projets de loi doivent recevoir la sanction royale, la Chambre peut suspendre ses travaux jusqu’à une certaine heure [509] , jusqu’à nouvelle convocation du Président [510]  ou jusqu’à ce que la sonnerie d’appel se fasse entendre [511] . À défaut d’arrangements spéciaux pour continuer la séance, les travaux sont interrompus à l’heure normale de l’ajournement et la Chambre s’ajourne jusqu’au prochain jour de séance [512] . S’il arrive que le moment de la cérémonie soit prévu en même temps que d’autres points à l’ordre du jour, une décision doit être prise pour savoir quelle affaire aura alors préséance [513] .

Au Parlement canadien, c’est habituellement le gouverneur général qui proclame en personne la sanction royale dans le cas des lois de grande importance et lorsqu’il y a prorogation du Parlement. En d’autres temps, elle est proclamée par un suppléant : le juge en chef de la Cour suprême du Canada ou un des autres juges de la Cour suprême.

La cérémonie

Dès qu’un projet de loi a été adopté par les deux chambres du Parlement et qu’il est prêt à recevoir la sanction royale, on en imprime une copie spéciale sur papier parchemin. Le Greffier de la Chambre et le Greffier du Sénat y apposent leur signature au dos. La résidence du gouverneur général informe ensuite le Président de la Chambre que le gouverneur général ou son suppléant se rendra au Sénat pour donner la sanction royale à des projets de loi. Le Président de la Chambre transmet ensuite le message aux députés [514] .

À l’heure dite, l’huissier du bâton noir du Sénat informe la Chambre que le gouverneur général ou son suppléant lui demande de se rendre au Sénat. Avant de pénétrer dans l’enceinte des Communes, il frappe trois coups à la porte [515] . Les délibérations en cours, le cas échéant, sont interrompues par le Président [516] . Le quorum n’est pas requis pour recevoir le message de l’huissier du bâton noir [517] . Le sergent d’armes annonce au Président et à la Chambre que le messager du Sénat désire entrer. Le Président répond : « Faites entrer le messager », après quoi les portes sont ouvertes pour laisser entrer l’huissier du bâton noir. La Chambre ne pouvant pas toujours faire en sorte que le programme de ses travaux coïncide avec le moment de la sanction royale, elle doit parfois faire attendre le messager. Cette situation a engendré bien des discussions au sujet de l’emploi du temps de la Chambre, notamment concernant l’à-propos de passer à d’autres travaux pendant que la Chambre attendait le messager du Sénat [518] .

Une fois entré et après avoir salué trois fois, l’huissier du bâton noir se présente au Bureau et avise le Président que le gouverneur général ou son suppléant désire que la Chambre se rende immédiatement au Sénat [519] . Il conduit ensuite la Chambre au Sénat, suivi, dans l’ordre, du sergent d’armes qui porte la masse, du Président, du Greffier et de ses adjoints, de même que des députés.

Pendant que le Président et les députés s’assemblent à la barre du Sénat, l’huissier du bâton noir se dirige vers l’extrémité de la salle du Sénat. Il s’incline devant le gouverneur général ou son suppléant et dit : « À l’ordre! » Sur ce, le Président de la Chambre lève son chapeau et s’incline pour saluer le gouverneur général (ou son suppléant). Un greffier au Bureau du Sénat lit ensuite, en anglais et en français, le titre des projets de loi qui doivent recevoir la sanction royale, à l’exception des projets de loi de crédits. Le Greffier du Sénat exhibe les projets de loi et déclare : « Au nom de Sa Majesté, Son Excellence le(la) Gouverneur(e) général(e) (l’honorable Gouverneur général suppléant) sanctionne ces projets de loi ».

Si un projet de loi de crédits doit être sanctionné, le Président de la Chambre des communes l’aura apporté avec lui dans la salle du Sénat et lira, dans les deux langues officielles, un message demandant qu’il reçoive la sanction royale, en utilisant la formule suivante :

Qu’il plaise à Votre Excellence (Honneur [520]) : les Communes du Canada ont voté certains subsides nécessaires pour permettre au Gouvernement de faire face aux dépenses publiques. Au nom des Communes, je présente à Votre Excellence (Honneur) le projet de loi suivant : (titre), Que je prie humblement Votre Excellence (Honneur) de sanctionner.

Un greffier au Bureau du Sénat se rendra à la barre où le Président de la Chambre des communes lui remettra le projet de loi de crédits, puis il retournera au Bureau. Après avoir donné lecture dans les deux langues officielles du titre du projet de loi de crédits, le Greffier du Sénat prononcera la formule de la sanction royale dans les termes suivants :

Au nom de Sa Majesté, Son Excellence le(la) Gouverneur(e) général(e) (l’honorable Gouverneur général suppléant) remercie ses loyaux sujets, accepte leur bienveillance et sanctionne ce projet de loi.

Le représentant de la Couronne donne son consentement à l’adoption de tous les projets de loi en faisant un signe de la tête. C’est par ce geste que la sanction royale est officiellement octroyée et c’est à partir de ce moment que les projets de loi ont force de loi, à moins qu’il soit fait mention d’une autre date pour leur entrée en vigueur [521]. L’huissier du bâton noir se tourne ensuite pour faire face à la sortie du Sénat, marquant ainsi la fin de la cérémonie. Le Président de la Chambre lève son chapeau, s’incline pour saluer le représentant de la Couronne, et se retire avec les députés à la Chambre des communes.

Une fois de retour à la Chambre, le Président prend place au fauteuil et informe les députés que le gouverneur général a eu la bienveillance, au nom de Sa Majesté, d’octroyer la sanction royale à certains projets de loi. La Chambre reprend ses travaux qui avaient été interrompus, ou s’ajourne si l’heure de l’ajournement est déjà passée. La cérémonie ne dure normalement pas plus de 20 minutes [522] .

Un projet de loi ne peut pas recevoir la sanction royale s’il n’a pas franchi dans les deux chambres toutes les étapes du processus législatif. Un projet de loi peut cependant subir les trois lectures et recevoir la sanction royale au cours de la même séance [523] . La Loi constitutionnelle de 1867 traite, sans en préciser la procédure à suivre, des circonstances dans lesquelles la sanction royale peut être désavouée ou refusée [524] .

Entrée en vigueur

Il faut faire une distinction entre la date d’adoption d’une mesure législative par le Parlement et son entrée en vigueur. Les dispositions relatives à l’entrée en vigueur des lois sont régies par la Loi d’interprétation [525] . Un projet de loi devient loi après avoir été adopté par les deux chambres sous la même forme, mais la loi entre en vigueur soit au moment de recevoir la sanction royale si aucune disposition de la loi n’en précise la date d’entrée en vigueur [526] , soit à une autre date, telle que prévue dans la loi. L’entrée en vigueur peut se faire ainsi à une ou plusieurs dates précisées par la loi elle-même ou fixées par décret émis par le gouverneur en conseil.


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