Monsieur le Président, il y a presque trois semaines maintenant, j'ai regardé la ministre des Finances du Canada prononcer son discours du budget dans cette enceinte et j'ai vu quelqu'un qui personnifie le ton employé par le gouvernement et le double discours que celui-ci continue de tenir.
Toutefois, j'aimerais tout de même faire un compliment. Un de mes collègues libéraux à la Chambre m'a demandé, juste avant le discours, ce que devrait contenir le budget pour être acceptable. J'ai répondu que si le budget prévoyait un déficit inférieur à 50 milliards de dollars, je serais surpris. J'avoue que je m'attendais à un déficit beaucoup plus important, étant donné la prédisposition du gouvernement et de la ministre des Finances à dépenser l'argent des autres sans se soucier des conséquences négatives et sans prévoir les besoins futurs du pays. Le budget de la ministre n'a pas tout à fait franchi ce seuil. Il s'en est approché, mais il faut reconnaître que mes attentes étaient très faibles, compte tenu de ce que j'ai vu de ce gouvernement prodigue.
L'avenir est toujours incertain. S'il y a une chose que les dernières années nous ont montrée, c'est que les difficultés du monde entier et celles du Canada vont continuer à augmenter. En effet, de plus en plus d'événements posent un défi aux gouvernements, car les huit milliards d'habitants de la planète sont de plus en plus divisés sur les plans économique, politique et social. Les catastrophes naturelles, les pandémies, les guerres, la sécurité et une nouvelle crise alimentaire mondiale sont des situations auxquelles le gouvernement canadien n'a pas été confronté depuis longtemps.
Comme nous l'avons fait pour la crise financière de 2008, dont le Canada s'est tiré relativement indemne grâce à une saine gouvernance avant et pendant la crise, et à sa détermination à rétablir l'équilibre budgétaire, nous devons nous concentrer sur l'état dans lequel nous laisserons le pays aux Canadiens qui viendront après. Lorsque nous sommes en plein milieu d'un événement, il est trop tard pour s'y préparer. Il faut se préparer en amont pour réduire le risque que des événements incontrôlables se produisent. Voilà ce qu'on appelle la gestion du risque, une pratique qui se perd à tous les niveaux du gouvernement. À mon sens, la pourriture s'est répandue à plusieurs échelons, mais elle vient du sommet.
Ce serait un euphémisme d'affirmer que le gouvernement est un grand parleur, mais un petit faiseur. Je pourrais énumérer toute une liste de choses qui vont mal, mais je vais me concentrer sur le budget et les finances défaillantes du Canada sous le gouvernement actuel.
Je suis conscient que tous les députés qui sont élus à la Chambre avaient une autre vie avant. Je suis aussi conscient que la ministre des Finances apprend beaucoup de choses dans le cadre de ses fonctions. Toutefois, j'ai écouté son exposé budgétaire et je me dois de souligner le double discours qui ressortait de sa brève intervention à la Chambre. Un double discours, c'est la présence de deux scénarios qui ne peuvent coexister, un peu comme avoir à la fois le beurre et l'argent du beurre.
Au Québec, on dirait « le beurre et l'argent du beurre ».
Elle a déclaré que le Canada s'en tire très bien sur le plan économique et du même souffle, expliqué pourquoi les Canadiens devaient ajouter 52 milliards de dollars à la dette nationale. À une autre époque, les hauts fonctionnaires faisaient preuve de retenue et de responsabilité lorsqu'ils vantaient la vigueur de l'économie du pays. Ces moments où l'économie se portait bien représentaient des occasions de rembourser les dettes encourues pendant les moments difficiles et de préparer le pays à d'autres événements financiers ou sociaux, qui arrivent toujours sans crier gare.
Le gouvernement canadien semble avoir décidé que nous devons financer l'armée compte tenu de la menace que pose un autocrate russe hostile qui envahit une nation démocratique en paix. De telles menaces planent toutefois depuis des années. Le financement de nos fiers militaires canadiens semble être une révélation pour le gouvernement. Les fonds promis ne représentent toutefois qu'une infime partie de ce qui est nécessaire, et il semble qu'ils seront versés à un moment qui reste à déterminer.
Il y a deux ans, une pandémie comme il ne s'en produit qu'une par génération a frappé le monde et le Canada a été pris de court à bien des égards. Cela faisait longtemps que le gouvernement fédéral avait perdu la prévoyance d'avoir des politiques permettant aux sociétés pharmaceutiques de prospérer ici, au pays. Le gouvernement est devenu accro aux énormes déficits, ce qui laissera de lourdes séquelles. Celles-ci commencent déjà à être évidentes: une inflation galopante, des bulles spéculatives et l'incapacité de financer adéquatement les services sociaux de base dans lesquels les Canadiens croyaient avoir investi, tels que les soins de santé et, jusqu'à récemment, les garderies. Maintenant, le gouvernement essaie d'acheter des appuis en finançant les soins dentaires. C'est bien beau, les programmes, jusqu'à ce qu'on ait à les payer. Les députés ministériels semblent croire que ce problème ne concerne pas les électeurs d'aujourd'hui et que ce ne sera qu'aux contribuables de demain de se débrouiller avec cela.
Le Canada se retrouve avec un autre budget de relance économique alors que le gouvernement affirme que notre économie n'a pas besoin d'être stimulée. C'est une étrange contradiction, pourtant quelqu'un m'a dit que ce n'est pas nécessairement faux si on y croit vraiment. J'entends sans cesse les députés ministériels affirmer qu'ils n'accepteront aucune leçon de quiconque. C'est une évidence, mais cela doit changer. Voici une leçon de base, et je ne veux pas tomber dans les clichés: les mesures qui stimulent l'économie causent l'inflation. Injecter trop d'argent pour acheter une quantité fixe de bien fera en sorte que le prix de ces biens augmentera.
L'exemple le plus frappant au Canada est le logement. Mes collègues savent que je ne minimiserais pas la situation en alléguant que la crise du logement au Canada est causée par un seul facteur: l'inflation. Comment pourrait-il en être ainsi? L'inflation sévit dans tous les secteurs de notre économie. Les plus récents chiffres sur l'indice des prix à la consommation montrent une augmentation annuelle de 6,7 %, une hausse jamais vue depuis les 40 dernières années, et le prix des maisons augmente selon un taux trois fois plus élevé.
J'aimerais aborder d'autres propos ambigus dans le discours de la ministre des Finances: « L'inflation, un phénomène mondial, fait grimper les prix au Canada aussi. » C'est une excuse. Ce sont les politiques de la ministre qui ont créé cette situation au Canada. Elle peut essayer de blâmer le gouverneur de la Banque du Canada, mais il essaie déjà de sauver sa réputation à cet égard. Il a déclaré que la première action du gouvernement pour atténuer l'inflation est de réduire les dépenses, mais la ministre veut les augmenter encore plus.
Nous sommes censés avoir un gouvernement responsable, et si la ministre croit vraiment que la faute revient à la Banque du Canada, je lui rappelle que le gouverneur de la banque relève directement d’elle. C’est une question de responsabilité. Le gouverneur le sait, et la ministre devrait le savoir aussi. Je vais la citer encore: « Nous allons [...] examiner et réduire les dépenses gouvernementales, parce que c’est la chose responsable à faire. » D’accord. Qu’elle le prouve. Ses paroles ne correspondent pas à ses gestes.
Je vais maintenant parler de la cible budgétaire dont la ministre aime se vanter. Le ratio dette-PIB est une mesure comparative, mais il ne représente pas la responsabilité financière des gouvernements. Il semble que la ministre prétend qu’il n’y a qu’une seule dette gouvernementale au Canada, faisant fi des dix provinces et des trois territoires, ou peut-être pense-t-elle que le PIB peut être compté deux fois. Quand j’entends la ministre parler de notre ratio dette-PIB comme si les dettes provinciales ne comptaient pas, je sais qu’elle est soit mal informée, soit en train d’induire les Canadiens en erreur.
C’est une ruse. Après sept années de gouvernement libéral, les Canadiens sont beaucoup plus pauvres. Notre capital national combiné a affiché une diminution l’an dernier. La dépréciation des actifs de notre pays a dépassé les montants investis en nouvelles immobilisations. Voilà des mesures qui comptent. Le gouvernement a fait fuir les investisseurs.
Je vais citer une autre déclaration: « Le Canada a une fière tradition de responsabilité budgétaire. C'est mon devoir de la perpétuer, et je le ferai. » La ministre croit-elle vraiment ce qu'elle dit? Avec le premier ministre actuel, il faut reconnaître que le pays a dû endurer des gouvernements qui sont tout sauf responsables sur le plan budgétaire, et la saga se poursuit, puisqu'on prévoit cette année un déficit de 52,4 milliards de dollars, malgré une économie qui est censée s'approcher du plein emploi.
J'aimerais parler de quelques-unes des dépenses insensées et contreproductives qui sont prévues dans ce budget. Il y a un nouveau fonds de croissance du Canada, qui s'ajoute au fiasco que représente la Banque de l'infrastructure du Canada. Ce fonds aidera à attirer des milliards de dollars en capital privé dont nous avons besoin pour transformer notre économie à grande vitesse et à grande échelle. Il servira à réaliser des investissements au moyen d'un vaste ensemble de mécanismes financiers, ce qui comprend toute forme de dette, de capitaux propres, de garanties et de contrats spécialisés. Or, ce ne sont pas les dettes et les capitaux propres qui manquent pour investir dans des projets au Canada. Si le gouvernement compte offrir des garanties ou des contrats spécialisés, cela montre qu'il comprend mal à quel point les marchés financiers ont besoin de clarté et de transparence. Cela indique aussi à quel point le gouvernement libéral est prêt à accroître le niveau de risque que les contribuables devront assumer pour ses projets insensés.
Je vais conclure avec un élément positif que j'ai relevé dans le discours de la ministre des Finances. Elle veut « s’attaquer au talon d’Achille de l’économie canadienne: la productivité et l’innovation » et elle a dit que « [n]ous accusons [...] du retard sur le plan de la productivité économique ». Il est bien que la ministre ait un œil sur le gâchis que le gouvernement a fait de l'économie du Canada. Nous accusons du retard et nous devons corriger la situation.
Le budget est bien loin de répondre aux attentes sur cette question importante. En fait, il ne parle même pas de la raison pour laquelle nous en sommes arrivés là. C'est pourtant évident dans l'approche que le gouvernement a adoptée depuis sept ans. La première chose que la ministre des Finances pourrait faire, ce serait de reconnaître qu'elle a contribué à créer ce problème et de commencer à réparer les importants dommages économiques que le gouvernement a imposés aux Canadiens depuis sept ans. Pour résoudre un problème, il faut d'abord admettre qu'on en a un et, bien sûr, que ses propres actions en sont la cause.