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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 23 octobre 1997

• 0906

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan, Essex, Lib.): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Nous accueillons aujourd'hui les représentants de l'Association des universités et collèges du Canada. Je vous souhaite la bienvenue à tous. Chacun d'entre vous représente une association ou un consortium différent, et je crois savoir que vous ferez tous une brève déclaration.

Votre rapport Pour un Canada innovateur: cadre d'action a été soumis au comité conjointement par l'Association des universités et collèges du Canada, l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, le Consortium canadien pour la recherche, la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales, le Conseil canadien des études supérieures et le Conseil national des étudiants diplômés. Je crois qu'il y a ici un représentant de chacune de ces associations. Cependant, le représentant du Conseil national des étudiants diplômés n'est pas encore arrivé et il se peut qu'il ne vienne pas en raison d'une indisposition.

Sans plus tarder, j'invite M. Paul Hough à commencer.

M. Paul Hough (président, Consortium canadien pour la recherche): Merci, madame la présidente.

Membres du comité, mesdames et messieurs, c'est un honneur de rencontrer aujourd'hui les membres du comité et nous vous remercions de nous donner cette occasion de nous faire entendre. J'aimerais prendre quelques instants pour présenter toutes les personnes à la table et vous donner une idée des associations représentées devant vous.

Je m'appelle Paul Hough et je suis ici à titre de président du Consortium canadien pour la recherche. Ce consortium réunit 25 organisations, sociétés et associations qui, collectivement, représentent environ 50 000 chercheurs qui oeuvrent pour la plupart dans les universités, mais aussi dans de nombreux laboratoires du gouvernement et dans le secteur privé. Ces derniers travaillent dans toute la gamme des disciplines, notamment les sciences biomédicales, les sciences naturelles, les sciences sociales, ainsi que les sciences humaines et les lettres. Le consortium englobe également la Confédération canadienne des étudiants qui compte environ 400 000 membres et dont sera issue la prochaine génération de chercheurs et de leaders.

Je suis accompagné aujourd'hui par des représentants de plusieurs associations qui sont des intervenants clés dans le domaine de la recherche. Robert Giroux est président de l'Association des universités et collèges du Canada. Cette association représente les universités canadiennes dans toutes les provinces et sert de catalyseur à un débat constructif sur les questions importantes pour la communauté universitaire.

Mme Shirley Mills est membre de l'exécutif de l'Association des professeures et professeurs d'université. Elle est chercheuse au Département de mathématiques et statistique de l'Université Carleton. Cette association est composée de nombreuses associations d'enseignants de tout le pays de sorte que nous avons ici des représentants du secteur de l'administration universitaire, par le biais de l'AUCC, et des enseignants également.

M. Chad Gaffield est président de la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales et professeur d'histoire à l'Université d'Ottawa. Il importe de savoir que les sciences humaines et sociales regroupent environ 60 p. 100 de l'ensemble des professeurs d'université au Canada, de sorte qu'il est crucial que ce groupe soit ici avec nous.

Il y a aussi Derreck Deans, du Conseil canadien des études supérieures, et nous avions espéré que Rubina Ramji, du Conseil national des étudiants diplômés, soit ici pour représenter la population étudiante. Les membres de ces conseils d'étudiants diplômés représentent les dirigeants de demain, et il est essentiel de pouvoir tirer parti de leur dynamisme et de leur enthousiasme dans l'élaboration de politiques destinées à façonner l'avenir de la recherche.

Outre qu'ils représentent la vaste gamme de la communauté des chercheurs au Canada, ces groupes ont reconnu depuis longtemps la nécessité de s'attaquer collectivement aux problèmes, d'évaluer les domaines prioritaires et de formuler des propositions concrètes.

• 0910

Il y a un an à cette époque, en 1996, la même coalition avait rédigé un document intitulé Pour préserver la capacité innovatrice du Canada: Mettre le savoir à contribution. Dans ce document, et dans nos exposés collectifs devant les comités permanents, nous avons cerné trois domaines prioritaires. À notre avis, il était urgent de renouveler l'infrastructure de la recherche universitaire, de soutenir les réseaux de centres d'excellence et, troisièmement, de mettre sur pied des programmes pour encourager les carrières en recherche dans tous les secteurs. Notre coalition avait convenu qu'il s'agissait là de priorités, et le gouvernement a été à l'écoute et a répondu en adoptant un train de mesures importantes dans le budget fédéral de 1997. D'ailleurs, M. Giroux en parlera plus longuement dans quelques instants.

L'entreprise de recherche au Canada est complexe et sa structure est sans doute différente de celle d'autres pays. Les initiatives annoncées dans le budget fédéral de 1997, qui sont maintenant en train d'être mises en oeuvre, visaient à renforcer certains aspects de cette entreprise, d'autres ayant été laissés de côté. Au cours des dernières semaines, le monde de la recherche, par l'entremise des organisations représentées à cette table, a poursuivi ses efforts de collaboration pour cerner les mesures cruciales que doit prendre le Canada pour asseoir et renforcer la capacité de recherche essentielle à notre croissance et à notre bien-être futurs. Ces mesures sont expliquées en détail dans notre document commun intitulé Pour un Canada innovateur: cadre d'action, que nous allons vous présenter aujourd'hui et qui a dû être distribué aux membres du comité auparavant.

Madame la présidente, les divers volets du secteur de la recherche ont collaboré comme cela ne s'était jamais vu auparavant dans notre pays afin de délimiter les champs prioritaires ainsi que les mesures à prendre à la suite de cette évaluation. Au fil des ans, les gouvernements ont exhorté les gens du milieu à unir leurs efforts, ce qu'ils ont fait. Cette initiative survient à un moment où tout le monde—les gouvernements, les économistes, le secteur privé et bien d'autres intervenants—affirme que la science, la recherche et le développement forment la base de notre avenir. Il est encourageant pour nous de constater que votre comité considère aussi que la recherche et le développement sont cruciaux pour le développement de notre pays. Par conséquent, nous espérons présenter non seulement les principaux éléments de notre document commun, mais également amorcer une discussion sur les moyens à prendre pour atteindre cet objectif d'avoir un secteur de la recherche vigoureux au Canada.

Cela dit, je vais maintenant céder la parole à M. Robert Giroux, de l'AUCC, qui soulignera les éléments importants de notre document.

Merci.

[Français]

M. Robert J. Giroux (président-directeur général, Association des universités et collèges du Canada): Madame la présidente, avant de débuter, je tiens encore une fois à remercier votre comité d'avoir pris le temps de rencontrer la communauté universitaire et d'écouter ce qu'elle avait à dire.

Nous croyons que c'est par un dialogue soutenu et constructif tel que celui-ci que nous parviendrons, en tant que communauté, à travailler avec vous dans le but de trouver des solutions concrètes et réalistes aux nombreux défis qui se posent à la société canadienne et à l'économie du pays.

L'entreprise de recherche universitaire se trouve au centre de la prospérité socioéconomique future du Canada. Dans une très large mesure, l'innovation est tributaire de la recherche universitaire. Maintenant que la position budgétaire canadienne s'améliore et que notre économie croît, le Canada est bien placé pour faire une entrée remarquée et remarquable dans le XXIe siècle.

Toutefois, si le gouvernement fédéral n'augmente pas son appui à la recherche et à la découverte, le processus d'innovation canadien s'essoufflera, ce qui aura inévitablement un effet sur le rythme de croissance de notre pays.

[Traduction]

La valeur de la recherche financée par l'État est indéniable. Une étude menée aux États-Unis au nom de la National Science Foundation révèle que 73 p. 100 des études citées dans les brevets américains étaient attribuables à des initiatives de recherche fondamentale largement financées par des organismes publics. On y conclut que la recherche scientifique parrainée par l'État est le moteur de l'innovation et de l'industrie de la haute technologie. En outre, on précise que la dépendance de l'industrie envers les recherches financées par les deniers publics s'accroît rapidement à mesure que l'innovation est de plus en plus tributaire des progrès réalisés dans la compréhension de phénomènes scientifiques.

Le Canada compte davantage que les États-Unis sur la recherche universitaire pour répondre à ses besoins en matière de savoir. Par conséquent, l'investissement de l'État dans la recherche scientifique est encore plus susceptible de porter fruit pour le Canada.

On attribue à la recherche universitaire la production de biens et services d'une valeur approximative de 76 milliards de dollars, soit 10 p. 100 du PIB canadien, ainsi que plus d'un million d'emplois. Le rendement sur l'investissement dans la recherche est très intéressant. En fait, il est beaucoup plus rentable qu'un investissement dans des biens de production traditionnels ou dans l'infrastructure conventionnelle. Malheureusement, notre feuille de route n'est pas bonne. Comme les chiffres le montrent, il existe une différence marquée entre les approches américaine et canadienne en matière de financement public de la science. Tout en faisant des efforts pour équilibrer son budget, le gouvernement américain a reconnu l'urgent besoin d'alimenter le processus d'innovation.

• 0915

Depuis 1992, il a doublé son soutien aux instituts nationaux de la santé et augmenté du tiers son appui à la National Science Foundation. Parallèlement, le gouvernement canadien fournit aujourd'hui au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et au Conseil de recherches en sciences humaines un financement amputé du tiers depuis 1992. Tout gouvernement qui fait du savoir et de l'innovation une priorité doit redresser la barre.

En tant que groupe, nous appuyons vivement les importantes initiatives adoptées par le gouvernement actuel dans son budget de février 1997. Les réseaux de centres d'excellence sont devenus permanents et on a prolongé le financement pour des programmes faisant la promotion du transfert de savoir, comme le programme d'aide à la recherche industrielle—le PARI.

La Fédération canadienne pour l'innovation, l'une des plus importantes initiatives de ce genre, montre que le gouvernement est convaincu qu'une infrastructure de recherche universitaire dynamique est un pilier essentiel d'une économie du savoir vigoureuse.

Il faut maintenant poursuivre sur la lancée des récentes initiatives du gouvernement en vue de soutenir et de renouveler la recherche universitaire au Canada. Les groupes représentés autour de cette table ont élaboré de concert un cadre d'action intitulé Pour un Canada innovateur. Son but est de faire en sorte que la recherche universitaire possède les outils dont elle a besoin pour favoriser l'innovation et produire les personnes très qualifiées dont nous avons besoin dans la nouvelle économie.

Dans Pour un Canada innovateur, nous recommandons au gouvernement de faire des investissements stratégiques par l'entremise des trois conseils subventionnaires fédéraux, dans trois domaines critiques: investir dans les gens, renforcer nos efforts actuels de transfert de connaissances et de technologies et donner une orientation plus internationale à notre recherche.

[Français]

Il faut investir dans les gens. Pour améliorer notre capacité de produire des connaissances, il faut miser sur l'élément humain, c'est-à-dire les chercheurs et le soutien dont ils ont besoin pour entreprendre de la recherche de pointe. Le financement accru de l'excellence en recherche est au centre de toute stratégie visant à soutenir une entreprise de recherche universitaire productive et branchée sur nos véritables besoins.

Les chercheurs universitaires canadiens ont besoin d'un soutien accru afin de pouvoir former le personnel de recherche, mais aussi de produire, transférer et diffuser les nouvelles connaissances.

Les étudiants des cycles supérieurs, particulièrement, font face à des problèmes de plus en plus aigus. Ces coupures aggravent l'endettement étudiant. Résultat: trop souvent des jeunes tournent le dos aux carrières scientifiques ou encore quittent le Canada pour ne pas quitter la science.

Un soutien accru aux étudiants des cycles supérieurs et l'amélioration des possibilités d'assistanat en recherche par l'entremise des programmes de recherche sont d'excellents moyens d'encourager plus d'étudiants à poursuivre des carrières de recherche.

Par ailleurs, la recherche fournit une occasion de doter la nouvelle génération de diplômés des habiletés requises pour réussir dans une société axée sur le savoir.

[Traduction]

Renforcer le transfert de connaissances et de technologies: Le transfert et la diffusion des connaissances découlant de la recherche universitaire prennent de nombreuses formes, la plus importante étant les diplômés universitaires qui apportent avec eux leur bagage de connaissances et de compétences et dans un nouvel environnement. Les universités ont mis en place des mécanismes institutionnels officiels en vue de favoriser le transfert et la commercialisation de la technologie. Nous devons renforcer ces activités de transfert des connaissances et nous lancer dans de nouveaux domaines pour y inclure les connaissances nouvellement acquises dans les sciences sociales et humaines, car c'est dans ce secteur que le fossé est le plus grand entre le besoin de savoir et les connaissances acquises.

Les pressions exercées par une économie de plus en plus mondiale et axée sur le savoir ont pesé lourdement sur les institutions socio—économiques du Canada. Il en résulte que la cohésion et l'intégration sociales deviennent des sujets de préoccupation pour les décideurs politiques.

Également préoccupants sont les rajustements que les particuliers, les entreprises et les institutions sont obligés de faire pour s'adapter à cette société basée sur le savoir. La communauté des chercheurs en sciences sociales et humaines est extrêmement bien placée pour aider les décideurs politiques canadiens à répondre à ces préoccupations et à mettre au point des solutions pour régler ces importants problèmes.

Il faudra pour cela un effort soutenu et suffisant de recherche en sciences sociales et humaines, car ces disciplines non seulement produisent des connaissances qui sont le fondement de toute bonne politique, mais apprennent aux gens à utiliser ces connaissances à bon escient. Nous croyons qu'il y a là une occasion en or pour le gouvernement de faire ressortir l'importance des sciences sociales et humaines, de leur donner l'appui qu'elles méritent afin d'aider la société canadienne à prospérer.

• 0920

La recherche dans une économie mondiale: Nous savons également que pour prospérer, le Canada doit être compétitif sur la scène internationale. De plus en plus, le commerce et les relations internationales reposent sur des stratégies mûrement réfléchies. Le Canada a besoin de plus en plus de gens très au courant des économies, des structures économiques, de l'histoire, de la politique, de la culture et des langues des pays du reste du monde. Si nous voulons comprendre nos concurrents et jouer un rôle efficace sur la scène internationale, il faut redoubler d'efforts dans notre soutien aux études internationales et à la recherche dans ce domaine.

La collaboration entre chercheurs accroît non seulement notre base de connaissances, mais elle est aussi un moyen relativement économique de mettre à la portée des chercheurs canadiens des installations de pointe qui seraient, en d'autres circonstances, onéreuses. En dépit de la profondeur et de la qualité de notre recherche, le Canada ne produit qu'une petite fraction des connaissances mondiales. Pour avoir accès aux nouvelles technologies, aux procédés et aux connaissances élaborés à l'étranger, nous devons conclure des partenariats avec des chercheurs étrangers. Pour être inclus dans les initiatives internationales de recherche, les chercheurs canadiens doivent être en mesure d'apporter une contribution digne d'attention, aux plans financier et intellectuel.

[Français]

En conclusion, notre plan est réaliste et réalisable. Il porte sur seulement quelques éléments importants de l'entreprise de recherche universitaire et du pays lui-même. Notre plan établit des priorités qui sont claires et suggère des moyens d'action concrets. Il est conçu précisément pour soutenir notre capacité d'innover alors que nous entrons de plein pied dans le prochain millénaire.

Nous estimons que les conseils subventionnaires sont en ce moment les organismes les mieux placés pour satisfaire à ces besoins urgents. Nous savons bien que tout ne peut pas être fait d'un seul coup. Aussi, notre plan d'action ne commande-t-il au départ que de modestes dépenses pour 1998-1999 et poursuit sur cette base.

Particulièrement, nous recommandons que le gouvernement fédéral augmente d'environ 50 p. 100 son investissement total dans les conseils au cours des quatre prochaines années. Nous recommandons également que le budget du Conseil de recherches en sciences humaines soit, quant à lui, augmenté de 60 p. 100 au cours de la même période. Ce scénario aiderait à combler l'écart entre le besoin de connaissances et leur disponibilité, nulle part aussi prononcé que dans les sciences sociales et humaines.

Madame la présidente, distingués membres du comité, nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de vous faire part de nos priorités et de nos vues quant au rôle important que peut jouer la recherche universitaire dans le développement social, économique et culturel du Canada.

[Traduction]

Nous comptons avoir un échange de vues fructueux avec vous. Merci.

La présidente: Merci, monsieur Giroux.

Monsieur Gaffield.

M. Chad Gaffield (président, Fédération canadienne des sciences humaines et sociales): Merci beaucoup.

Comme vous le savez, je représente ici les chercheurs des disciplines des sciences sociales et humaines de l'ensemble du Canada—54 associations d'économistes, historiens, politicologues, sociologues, professeurs d'anglais, etc. Je voudrais vous inviter à réfléchir avec moi au fait qu'en cette fin du XXe siècle, les universités sont en train de subir une transformation fondamentale.

L'image la plus véhiculée des universités est celle d'institutions conservatrices, traditionnelles et peut-être même élitistes. Je vais quelque peu remettre en question cette notion en rappelant à tous que les universités existent depuis le Moyen Âge—je parle de celles qui existent maintenant. Si elles ont survécu après tant de siècles, c'est parce qu'elles ont beaucoup changé. Or il est époustouflant de voir les changements qui se produisent de nos jours sur les campus. Les universités que j'ai fréquentées à la fin des années 60 et au début des années 70 étaient très différentes des institutions qui existent maintenant.

Songeons aux changements qui se sont produits dans les universités avec l'arrivée de la société postindustrielle, l'ère de l'information, quel que soit le nom qu'on veuille bien donner à cette réalité. Je voudrais l'illustrer de trois façons.

D'abord la nouvelle importance de l'interdisciplinarité. Il me semble que l'une des caractéristiques des universités du XXe siècle, caractéristique qui s'est implantée au XIXe siècle, c'est la mise en place de disciplines—disciplines qui n'existaient pas vraiment avant le XIXe siècle. L'université était, à mon avis, compartimentée en un certain sens et peut-être même fragmentée. Voici maintenant qu'à la fin du XXe siècle, nous comprenons mieux l'importance de rassembler les diverses branches du savoir éparpillées sur le campus.

• 0925

De nos jours, il n'y a plus un seul problème qui soit défini simplement comme un problème de sciences ou de sciences naturelles ou encore de sciences sociales ou de sciences humaines. De plus en plus, nous voyons des chercheurs de toutes les disciplines qui apportent chacun leur bagage, mais qui travaillent ensemble. Nous en avons un bon exemple dans le cas de l'environnement. L'environnement est un domaine culturel, c'est aussi un domaine biologique et de plus en plus, je crois que les chercheurs travaillent main dans la main. Le simple fait que nous soyons devant vous aujourd'hui dans le cadre d'une coalition témoigne à mon sens de ce sentiment d'union intime.

Mon deuxième exemple est l'importance nouvelle de l'informatique et des ordinateurs. On s'imagine souvent que cette influence s'exerce surtout dans le génie et les sciences et les disciplines biomédicales. Mais en fait, partout sur les campus, on constate de plus en plus qu'il y a émergence de nouveaux modes de découvertes fondés sur l'analyse à l'aide d'ordinateurs, ce qui incite les chercheurs à se rassembler dans des réseaux, les centres d'excellence en étant un bon exemple. La collaboration dont je parlais tout à l'heure ressort à l'évidence dans la façon dont les nouvelles techniques transforment notre manière d'écrire, de faire de la recherche, etc. Chose certaine, la façon dont je procède aujourd'hui pour faire de la recherche est très éloignée des méthodes qui étaient appliquées à la fin des années 60 ou dans les années 70, et de ce qui se faisait au XIXe et au début du XXe siècles.

Mon dernier exemple porte sur la distinction de plus en plus floue entre ce que l'on appelait auparavant la recherche fondamentale et la recherche appliquée, ou encore la recherche pure et la recherche appliquée. De plus en plus, nous voyons l'interdépendance des différentes formes de recherche. Nous commençons aujourd'hui à comprendre que la recherche appliquée et la recherche pure ou fondamentale sont en fait étroitement liées et qu'il est impossible de faire l'une sans l'autre. C'est également vrai dans toutes les disciplines et cela se reflète dans notre document.

[Français]

En guise de conclusion à tout cela, quand je dis que les universités sont en pleine évolution et qu'elles sont en train de se transformer et de se réinventer, j'insiste également sur le fait qu'au Canada, il faut admettre que nos universités sont très fragiles.

Par exemple, l'octroi de doctorats, au Canada, est très, très récent. Jusque dans les années 1960, la vaste majorité de nos chercheurs avaient obtenu leur formation ailleurs, aux États-Unis, en Angleterre ou en France. Ce n'est que très récemment que nous avons enfin mis en place une infrastructure de recherche au Canada qui est solide et qui a commencé à contribuer à la société. Mais cela remonte seulement à 30 ou 40 ans, depuis la Deuxième Guerre mondiale, et il est vrai que cette infrastructure est très fragile. Je pense donc que, sans un investissement important maintenant, on risque de commencer le XXIe siècle avec une fondation qui n'est pas très solide. C'est dans ce sens-là que nous sommes ici pour faire le tour d'un dossier qui est très, très important pour toute la société canadienne.

Merci beaucoup.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Professeure Mills.

Mme Shirley Mills (trésorière, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Merci, madame la présidente.

Je comparais devant vous aujourd'hui en tant que représentante de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université. Je suis moi-même professeure de mathématique et de statistique à l'une des universités de cette ville. Je voudrais vous parler aujourd'hui de certains problèmes graves avec lesquels nous sommes aux prises dans le monde universitaire et je vais donner des exemples tirés de mon propre milieu pour illustrer mes propos.

Nous sommes particulièrement préoccupés par la difficulté de maintenir des efforts de collaboration internationale en matière de recherche. C'est un des domaines qui ont été les plus touchés par les compressions gouvernementales. Je pourrais citer deux problèmes que j'ai éprouvés personnellement quant à mon propre budget de recherche, problèmes qui touchent plusieurs chercheurs au Canada et à l'étranger.

On a notamment réduit le budget du programme MEJS, qui s'intéresse aux aspects médicaux, éthiques, juridiques et sociaux dans le cadre du projet du génome humain. Nous estimons que ces collaborations internationales sont extrêmement importantes et il importe au plus haut point d'adopter une approche interdisciplinaire.

Je fais partie de ce projet de recherche à titre de spécialiste des mathématiques appliquées et de la statistique, domaine qui repose sur de la recherche très technique et tout à fait fondamentale en mathématique, recherche qui n'est d'ailleurs pas très bien financée. Je siège à la même table que le doyen de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa et des médecins de partout au Canada qui s'intéressent aux thérapies géniques, au dépistage génétique, etc. Le budget de ce programme a été réduit et des chercheurs non seulement canadiens mais de partout dans le monde sont directement touchés parce que nous avons réussi à faire venir des chercheurs des États-Unis et d'Europe pour travailler avec nous en génétique moléculaire, en thérapie génique et en dépistage génétique. C'est donc un programme de recherche dont le financement a été réduit, ce qui a eu de graves conséquences. Je pense qu'il faut se pencher là-dessus au Canada.

• 0930

On a par ailleurs réduit le financement inter-conseils, qui met en cause trois conseils du CRSNG: la recherche médicale, les sciences sociales et les sciences humaines. L'un des projets auxquels j'étais particulièrement associée, là encore de concert avec plus d'une cinquantaine de chercheurs universitaires et leurs étudiants diplômés, consistait à examiner globalement la santé de l'écosystème du fleuve Saint—Laurent. Cela concerne les aspects médicaux, sociaux et juridiques, etc., et les vastes conséquences pour l'industrie dans son ensemble.

Il faut maintenir le financement pour les collaborations internationales en matière de recherche. Je signale en particulier les collaborations de chercheurs dans le domaine de la physique, avec le CERN. Il est absolument nécessaire que nos chercheurs canadiens aient accès à des installations de ce genre. J'ai mentionné le projet du génome humain, mais on a supprimé le projet MEJS, qui y était associé. Mentionnons aussi la collaboration internationale avec l'Organisation mondiale de la santé dans des dossiers comme l'étude du sida.

Outre ces efforts de recherche déployés en collaboration où l'on ne fait pas seulement de la recherche appliquée, mais aussi de la recherche fondamentale dans nos propres disciplines, il y a les étudiants susceptibles d'être formés dans ces disciplines et qui n'auront pas d'argent. Cela nous pose de graves problèmes.

Qui plus est, comme chercheurs universitaires, on a déjà dit que nous assistons à un changement radical dans notre université, à une transformation et même à un bouleversement et à l'émergence de nouvelles disciplines. En fait, la statistique, la discipline que je représente, remonte seulement au milieu du siècle. C'est seulement depuis la Seconde Guerre mondiale que cette science existe. C'est donc un domaine complètement nouveau.

En plus de ces disciplines, nous constatons qu'il est nécessaire de collaborer avec nos collègues de partout dans le monde et nous assistons à l'établissement de relations commerciales et industrielles. Il faudra pour cela des chercheurs, pas seulement dans des disciplines scientifiques, mais aussi dans les sciences sociales et humaines.

Pour pouvoir travailler en collaboration avec l'industrie et les chercheurs à l'étranger, nous devons connaître la politique, l'économie, les cultures, les langues de ces pays. Si nous voulons avoir le moindre espoir de faire sentir notre présence sur la scène internationale, nous devons mettre sur pied une expertise en études étrangères, en particulier pour ce qui est des pays du Pacifique, ou des pays membres de l'ALÉNA ou de l'Amérique latine ou même d'Europe de l'Est. Nous devons comprendre leur culture et parler leur langue pour pouvoir communiquer avec ces gens-là, pas seulement dans des projets de recherche, mais aussi pour les affaires étrangères et le commerce.

Ce sont deux domaines particuliers qui nous préoccupent. Chose certaine, nous estimons que les études étrangères devraient constituer un domaine de recherche stratégique et nous avons besoin d'argent pour les collaborations internationales en matière de recherche.

J'ai mentionné brièvement qu'il y avait un problème du côté de nos étudiants diplômés. De nos jours, les étudiants sortent de l'université assez lourdement endettés, mais nous ne pouvons pas fournir suffisamment de fonds de recherche pour les inciter à poursuivre leurs études jusqu'à la maîtrise et au doctorat. Nous assistons à un grave exode des cerveaux dans notre pays et nous nous demandons vraiment d'où viendra la prochaine génération de chercheurs.

Merci.

La présidente: Merci, professeure Mills.

Monsieur Deans.

M. Derreck Deans (coordonnateur, Conseil canadien des étudiants diplômés): Bonjour. Au nom des étudiants, je vous remercie de l'intérêt que vous manifestez envers la communauté des chercheurs universitaires.

Je représente ici le Conseil canadien des étudiants diplômés qui regroupe 45 000 étudiants diplômés disséminés dans 23 campus canadiens. Les étudiants exhortent le gouvernement à donner suite aux recommandations formulées dans le document Pour un Canada innovateur. Nous voulons vous entretenir particulièrement des conseils subventionnaires dans le domaine de la recherche, qui sont un pilier essentiel du milieu de la recherche au Canada, tout en servant d'indispensable source de soutien pour beaucoup d'étudiants diplômés.

Pour mettre les choses en contexte, je signale que les étudiants qui recevront leur diplôme l'année prochaine après avoir emprunté pour faire leurs études auront en moyenne une dette de 25 000 $. Sans le financement fourni par les conseils subventionnaires pour les frais de scolarité, les bourses et la recherche, il serait impossible pour beaucoup de ces étudiants de poursuivre leurs études aux cycles supérieurs.

D'après les recherches effectuées par la Fédération canadienne des étudiants, il est clair que les étudiants qui veulent continuer au deuxième et au troisième cycles n'ont accès qu'à des sources de soutien financier limitées et en grande partie cachées. Les conseils qui subventionnent la recherche sont l'exception. Ils continuent à se mettre en évidence pour compenser les coûts de la formation à la recherche des étudiants de deuxième et de troisième cycles. Ils le font de façon directe et indirecte. Leurs bourses d'études et de recherche assurent un soutien financier direct aux étudiants.

• 0935

Une bonne partie des fonds de recherche attribués aux professeurs sont redistribués indirectement aux étudiants sous forme de postes d'assistants. Ces subventions de recherche donnent aux étudiants des fonds dont ils ont bien besoin, mais en outre, elles les font intervenir directement dans une vaste gamme de travaux continus de recherche. Cette formation est une préparation importante aux carrières de recherche dans l'économie canadienne.

Bien que les conseils qui subventionnent la recherche aient subi des coupures budgétaires, ils ont essayé de protéger le financement des bourses d'étude et de recherche, mais l'augmentation des frais de scolarité et du coût de la vie pour les étudiants ont eu des conséquences négatives importantes.

Ainsi, le nombre de demandes de bourses auprès du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada a continué d'augmenter tandis que le nombre de bourses accordées diminuait, de telle sorte que le taux de succès n'a été que de 16,4 p. 100 en 1996-1997. En outre, nos recherches indiquent qu'avec l'augmentation des frais de scolarité et la diminution des octrois de bourses d'études et de recherche, on remarque une détérioration au niveau des inscriptions, de la durée des études et des abandons.

Pourtant, l'accès aux études n'est certainement pas le seul thème abordé dans le cadre d'action pour un Canada innovateur. On y reconnaît que la distribution des connaissances est tout aussi importante que la production. La proposition de création des Carrefours de recherche et d'information communautaire, ou CRIC, sur les campus canadiens pourrait constituer un important outil de transfert des connaissances.

Actuellement, une grande partie de l'information produite par les étudiants sur les campus au Canada reste sur place, en particulier dans le domaine des sciences sociales, et les innombrables groupes de la collectivité environnante ignorent le travail pertinent que font les étudiants et les universités dans leur tour d'ivoire. Un réseau de carrefours de ce genre établirait un lien indispensable entre la collectivité et ceux qui travaillent sur les campus.

Je vais m'arrêter là, car je sais que vous voulez nous poser des questions très précises. Je vous remercie de nous avoir permis d'exposer nos convictions communes quant à la nécessité d'un soutien fédéral à la recherche et au développement pour la santé de l'économie canadienne.

La présidente: Merci, monsieur Deans.

Je crois que la représentante du Conseil canadien des études supérieures est arrivée.

Mme Rubina Ramji (présidente, Conseil canadien des études supérieures): Merci beaucoup. Comme j'ai la grippe, je serai très brève.

Je représente le Conseil canadien des études supérieures, qui regroupe environ 20 000 étudiants de deuxième et troisième cycles au Canada. Je suis moi-même diplômée, et je suis donc bien placée pour savoir ce qu'il en coûte de ne pouvoir trouver du financement pour poursuivre ses études.

Le Conseil canadien des études supérieures souhaite la préservation du progrès socio-économique et, comme l'a dit mon collègue, ce n'est possible au deuxième et au troisième cycles que si l'on augmente le financement des trois conseils. Le financement du CRSH a tellement diminué qu'il ne peut plus venir en aide aux étudiants en maîtrise. Les fonds sont réservés aux étudiants au niveau du doctorat.

Si nous parvenons à financer les étudiants des deuxième et troisième cycles, nous allons former des chercheurs pour l'avenir, et ces nouveaux chercheurs vont favoriser le Canada sur les marchés et vont créer un investissement dont tout le Canada va profiter.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci.

Y a-t-il d'autres commentaires, monsieur Hough?

M. Paul Hough: Je ne pense pas. Nous sommes très heureux de passer aux questions et à la discussion.

La présidente: Je suis certaine que nous avons bien des questions à vous poser. Nous allons commencer par M. Pankiw.

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Merci.

Voici ma première question. Il me semble que vous vous présentez en tant que groupe homogène qui fait front commun. Mais comment en êtes-vous arrivés à cette recommandation d'augmentation du financement? Y a-t-il eu désaccord entre vous?

Des voix: Oh, oh!

M. Robert Giroux: Oui, et je pense que ce désaccord était dû au fait que nous montrions trop de retenue et, peut-être, de modestie dans nos demandes. Vous avez vu ce matin le cas du Conseil de recherches en sciences humaines. La situation du Conseil de recherches médicales est à peu près la même; il a montré que la demande est d'environ du double de ce qu'il accorde actuellement, et c'est la même chose au CRSNG.

Nous constatons cependant que le gouvernement se libère progressivement de son déficit. Évidemment, les nouvelles annoncées la semaine dernière par le ministre Martin sont très bonnes, mais le gouvernement va être soumis à un grand nombre de demandes concurrentes.

• 0940

Nous pensons qu'il devrait commencer modestement en 1998-1999, puis s'orienter, comme je l'ai indiqué dans mon exposé, vers une augmentation de 50 p. 100 sur quatre ans. Voilà notre consensus.

M. Jim Pankiw: Dans votre exposé, vous avez dit que l'écart entre les connaissances, le besoin et les disponibilités était plus marqué dans le domaine des sciences sociales. Sur quoi vous fondez-vous pour dire cela?

M. Robert Giroux: Je voudrais demander à mon collègue Chad de répondre, mais c'est également ce qu'ont indiqué les représentants des étudiants de deuxième et troisième cycles. Cet écart est essentiellement dû à la très petite proportion de projets qui obtiennent un financement par rapport à ceux qui en ont demandé.

Chad, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Chad Gaffield: Certainement. On constate de plus en plus que les défis auxquels le Canada doit actuellement faire face sont essentiellement de nature sociale et culturelle.

Je suis historien et je voudrais vous donner deux exemples concernant l'histoire. Il est navrant de se faire dire continuellement que nos enfants, ainsi qu'une bonne partie des adultes, n'ont aucune idée de l'histoire du Canada. Nous voici à la fin du XXe siècle, en train d'essayer de sauver ce pays, et nous ne savons pas très bien ce qu'il est ni ce qu'il a été. On peut bien rêver au XXIe siècle, à ce qu'on va faire, etc., mais je pense qu'il est très important de bien comprendre au départ comment nous sommes arrivés à la situation présente. Dans une perspective historique, il est très important de se connaître soi-même.

Mon autre exemple concerne les familles. C'est un lieu commun, aujourd'hui, que de dire que la famille s'est radicalement modifiée. Les changements fondamentaux touchent la structure familiale, la composition des ménages, les tendances vis-à-vis du mariage, etc. Je pense que la seule façon de bien appréhender le phénomène pour mieux le comprendre est de l'étudier.

Dans tous les domaines, il est manifeste que nous n'avons pas les résultats de recherche qui nous permettraient de bien comprendre la situation. C'est ce qu'on voit de façon générale, et même dans notre document; tout cela me désole.

On en vient à citer des statistiques américaines. On en vient à présumer que des tendances constatées ailleurs s'appliquent également chez nous. Or, nous savons que ce n'est pas le cas. Des mesures qui ont donné de bons résultats ailleurs ne seront pas nécessairement efficaces ici. Nous savons que les pouvoirs publics doivent agir en fonction du contexte. Il est indispensable de comprendre la société canadienne au départ avant de s'interroger sur les mesures qui pourraient nous être profitables. Il est manifeste que dans l'ensemble de la société, les connaissances dont nous avons besoin pour progresser au XXIe siècle nous font défaut.

La présidente: Merci, monsieur Gaffield. Merci, monsieur Pankiw.

Monsieur Ianno.

M. Tony Ianno (Trinity—Spadina, Lib.): Merci beaucoup.

Tout d'abord, ce comité a été très favorable aux sciences et à la recherche au cours des quatre dernières années. Le gouvernement a suivi nos recommandations et s'est montré aussi généreux que possible compte tenu des limites qui lui étaient imposées.

J'ai un point de vue particulier, puisque l'Université de Toronto se trouve dans ma région et que dans ma propre circonscription, j'ai l'avenue de l'Université, avec les immeubles des établissements de recherches médicales, et toutes les activités qui en découlent.

En un sens, vous recevez déjà beaucoup d'argent—même si ce n'est pas assez—et vous faites un travail utile, mais en ce qui concerne les établissements qui reçoivent des fonds publics, on constate souvent que d'un point de vue d'affaires, une bonne partie de la recherche fondamentale débouche sur des applications commerciales. Or, ce n'est que depuis 18 mois que je commence à voir apparaître la volonté d'obtenir des redevances sur ces applications. Mais ce n'est pas encore suffisant.

Chaque fois que je reçois un appel d'un de mes électeurs qui travaillent dans le domaine scientifique, je l'interroge sur les débouchés de la recherche. Généralement, les découvertes sont données à des entités commerciales alors qu'elles pourraient se traduire par des revenus dont les chercheurs ont bien besoin. Que faites-vous pour que les fruits de la recherche reviennent dans le système et profitent, en définitive, au contribuable canadien?

• 0945

M. Robert Giroux: Je peux répondre à cela.

Vous soulevez un argument très important. Vous reconnaissez que les universités ont réussi... Mais je vois ce que vous voulez dire: au cours des dernières années, les universités ont réussi à commercialiser leurs découvertes et à s'organiser de façon à ce que leur investissement soit profitable.

La question de la propriété intellectuelle est actuellement essentielle pour les universités. En fait, les membres de notre association nous ont demandé de trouver des solutions pour que les universités puissent tirer parti des projets qu'elles ont réalisés et des découvertes qu'elles ont faites.

Il y a donc du travail qui se fait dans cette direction. Je ne peux pas vous en donner tous les détails aujourd'hui, mais nous pourrions vous en donner de bons exemples.

M. Tony Ianno: Merci, je n'ai pas besoin de ces exemples. Ce que je veux, ce sont des résultats.

Lorsqu'on sent les pressions qui s'exercent en ce sens... Je ne veux pas dire que si nous accordons des crédits à la recherche fondamentale... Je comprends cela. Mais parfois, la recherche fondamentale permet de faire une découverte économiquement rentable. Vous devez être sensibles à cette pression et tirer parti des découvertes de façon à produire des revenus pour le contribuable canadien et pour votre institution; à mon sens, c'est ainsi qu'on assurera la viabilité du système.

Mais j'ai l'impression que vous pensez uniquement à vous adresser aux gouvernements, et que vous vous attendez à ce qu'ils vous fournissent tous les fonds nécessaires. Malheureusement c'est ce que je constate depuis quatre ans de la part d'organismes comme le CRSNG, le CRM et tous les autres, qui donnent à chaque fois l'impression de revenir la sébile à la main, plutôt que d'essayer d'assurer leur autonomie financière.

J'aimerais que vous compreniez bien le message: nous vous appuyons, mais nous vous demandons d'en faire davantage de votre côté et de ne pas compter uniquement sur le gouvernement.

D'un autre point de vue, je me suis intéressé au fonds d'innovation. Ce que j'ai proposé à l'époque semble avoir donné lieu à la plus grande retombée économique dont les universités aient profité depuis des décennies. Cet argent n'était pas prévu.

Au lieu de débattre de ce sujet en long et en large, je pense qu'il faut insister auprès des gouvernements, à tous les niveaux, pour leur faire comprendre que vous accueillez toujours volontiers les fonds supplémentaires, et qu'ils pourront toujours accorder des crédits supplémentaires à la recherche et à la communauté scientifique.

On se contente parfois de mettre en opposition les besoins et la réalité. Je ne pense pas qu'un tel argument puisse vous servir à long terme.

La question que je me pose...

La présidente: Brièvement, monsieur Ianno.

M. Ianno: Oui, merci.

Mme Mills et vous-même avez parlé de projets internationaux, de la nécessité d'étudier d'autres cultures, d'autres langues et d'autres régimes politiques ou économiques. Il se trouve que le Canada est un pays qui, grâce à ses nombreuses ressources, se trouve à l'avant-garde au niveau international.

Que font vos institutions pour utiliser les Canadiens d'origine étrangère, qui ont de précieuses compétences et auxquels vous faites souvent des difficultés? Compte tenu des besoins importants, pourquoi ne tire-t-on pas parti de ces ressources? Merci.

La présidente: Madame Mills, ou quelqu'un d'autre. Monsieur Hough?

Mme Shirley Mills: Je ne suis pas certaine de pouvoir répondre à cette question, car je n'interviens pas personnellement dans le recrutement des professeurs d'université.

En ce qui concerne les étudiants de deuxième et de troisième cycles, nous sommes heureux d'accueillir les étudiants qui viennent d'ailleurs. Nous mettons leurs connaissances en valeur dans la mesure du possible, mais trop souvent, nous n'avons pas les fonds nécessaires pour les encourager à poursuivre une carrière en recherche.

M. Tony Ianno: Que voulez-vous dire par «ailleurs», «qui viennent d'ailleurs»?

Mme Shirley Mills: Nous avons des étudiants étrangers qui souhaitent étudier au Canada pour y poursuivre leurs études.

M. Tony Ianno: Non, je voulais parler de la situation au Canada, et des Canadiens d'origine étrangère. Ils ont les aptitudes et les connaissances voulues pour participer à vos projets de recherche.

Mme Shirley Mills: Je peux vous donner mon point de vue personnel sur cette question. Je m'intéresse aux mathématiques, en particulier aux mathématiques appliquées. Nous avons effectivement des étudiants étrangers. Dans notre université comme dans d'autres, il existe des programmes où ces étudiants sont formés au commerce international; nous essayons donc de tirer parti de leurs atouts.

Ils arrivent ici avec des compétences utiles. Nous aimerions pouvoir les garder et poursuivre leur formation. Ils représentent une ressource extraordinaire.

M. Tony Ianno: Mais vous parlez des étudiants étrangers par opposition aux étudiants canadiens.

• 0950

Mme Shirley Mills: Non, je parle d'étudiants canadiens qui sont d'origine...

M. Tony Ianno: Qui sont étrangers.

Mme Shirley Mills: Parfois, ils viennent d'immigrer. Ils connaissent d'autres langues ou ont d'autres intérêts. Nous essayons de leur donner une formation multidisciplinaire. Nous les incitons à s'orienter vers le commerce international, mais nous avons du mal à trouver du financement pour eux, comme pour les autres.

La présidente: Merci, madame Mills.

Madame Alarie.

[Français]

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): J'ai lu votre plan d'action avec beaucoup d'intérêt. Évidemment, il suscite plus de questions qu'on aura le temps de vous en poser ce matin. Vous recommandez une augmentation des fonds octroyés aux conseils subventionnaires. On voit qu'ils sont gelés au seuil de 1985. Cela va donc de soi.

Ma question porte sur le 60 p. 100 que vous préconisez pour le Conseil de recherches en sciences humaines. Vous dites que c'est parce qu'il faut s'attaquer aux problèmes de la réforme des soins de santé, de la violence, etc. Je suis bien d'accord avec vous, mais je me demande comment vous allez vendre ça au gouvernement.

Vous avez parlé de l'évolution et des mutations au sein des universités. On se rend compte qu'effectivement, il faut travailler en pluridisciplinarité, mais le gouvernement est plutôt porté à subventionner des projets qui donneront des résultats à court ou à moyen terme, ou les conseils où la recherche est immédiatement liée aux attentes des gens. Dans le rapport, on devrait étayer un peu plus cette partie qui, à mon avis, est extrêmement importante, mais difficile à vendre.

M. Chad Gaffield: Permettez-moi de revenir à l'exemple que j'ai utilisé tantôt, soit la question des familles, et d'insister sur l'importance des liens entre la recherche et la politique.

À l'heure actuelle, on ne sait pas exactement que faire de cette entité qu'est la famille. Toutes nos institutions et toute notre organisation sociale, au Canada, sont basées sur le modèle d'une famille qui, en général, n'existe plus. On a conçu le système d'impôt, les écoles, etc. en se basant sur un modèle d'une famille qui, en cette fin du XXe siècle, n'existe plus.

La question est de savoir comment réorienter notre organisation sociale et nos institutions afin qu'elles soient bien liées à la famille actuelle. D'après moi, c'est un excellent exemple. Il faut de nouvelles politiques, que ce soit dans le système d'impôt ou ailleurs.

Je peux vous donner un autre exemple, celui des problèmes lors de recensements. On demande par exemple qui est le chef de famille, etc. Tout ça pose des problèmes maintenant. Il faut donc voir comment on peut réinventer tout notre système pour faire face à une diversité sociale qui dépasse de loin ce qu'on connaît.

Je pense que le lien entre la recherche et la politique dans les domaines social et culturel est très étroit. Jusqu'à maintenant, ce pont n'a pas encore été construit comme il devrait l'être.

M. Robert Giroux: Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose, madame?

La présidente: Oui.

M. Robert Giroux: Je veux simplement dire que vous avez certainement identifié un gros problème. Il est beaucoup plus difficile de trouver des arguments en faveur de la recherche sociale et en sciences humaines que ce l'est dans le cas de la recherche médicale, par exemple.

Dans le domaine de la recherche médicale, il y a des compagnies qui sont en place, on voit le produit, on dit c'est très important, qu'il faut guérir telle et telle maladie, etc. C'est aussi le cas pour la recherche en sciences naturelles et en génie. On veut avoir de meilleures routes, de meilleurs asphaltes, etc. On voit le produit immédiatement. Par ailleurs, le secteur privé est beaucoup plus prêt à s'associer en partenariat dans ces projets de recherche.

Le gouvernement a un rôle à jouer dans le secteur des sciences sociales et humaines. Il faut que le gouvernement ait une vision à long terme et reconnaisse qu'on a des problèmes sociaux, que l'économie c'est très bien, mais que cela engendre toutes sortes de problèmes sociaux. Le secteur privé n'est peut-être pas aussi prêt à identifier cela parce qu'il veut voir un produit. Donc, il est important que le gouvernement prenne ses responsabilités à cet égard.

• 0955

Le fait demeure aussi qu'une très forte proportion de nos chercheurs dans les universités sont en sciences sociales et humaines et que le budget du CRSH est le plus petit des trois. Il équivaut à environ 12 p. 100 de tous les budgets des conseils subventionnaires.

Alors, nous faisons un effort spécial pour tenter de sensibiliser les gens à cette question.

Mme Hélène Alarie: Merci.

La présidente: Merci, madame Alarie.

Monsieur Bellemare.

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Je félicite les érudits que nous entendons aujourd'hui pour leur excellente présentation. Je les remercie aussi de nous avoir signalé que le gouvernement est sur la bonne voie. Dans son budget de 1997, il a créé

[Traduction]

le programme des réseaux des centres d'excellence, et nous sommes sur la bonne voie. Nous y consacrons près d'un milliard de dollars, en fait, plus de 800 millions de dollars, mais les universités en demandent toujours plus. Rappelons-nous qu'une voiture a besoin de deux pédales, une pour ralentir—j'ai failli dire pour freiner—mais il faut continuer à un rythme raisonnable.

Il faut créer de l'emploi. C'est une réalité importante dans ce pays,

[Français]

une meilleure qualité de vie au Canada. C'est l'endroit idéal où immigrer, et on est fiers de notre pays. On veut un monde meilleur, mais dans un monde meilleur, il faut vivre et donc créer des emplois.

[Traduction]

J'aimerais poser des questions sur deux sujets. Je vais poser deux questions. La première concerne la participation de l'entreprise privée.

J'ai l'impression que la plupart des sièges sociaux sont situés en Suisse ou en France,

[Français]

en Angleterre ou aux États-Unis,

[Traduction]

que nous n'avons ici que des filiales et que l'essentiel des crédits de recherche est distribué dans la région où se trouve le siège social. Si une entreprise est installée à Reston, aux États-Unis, ou à Berne, en Suisse, son cercle dirigeant est formé d'hommes d'affaires et d'universitaires de la région, et tout l'argent restera dans cette région. Que peut faire le gouvernement pour inviter ou pour contraindre les sociétés à créer des établissements de recherche au Canada à chaque fois qu'ils attribuent des fonds de recherche? Avez-vous des propositions précises sur ce point?

Est-ce que je peux poser également ma deuxième question? Quelqu'un pourra se charger d'y répondre, et j'en aurai terminé avec mes questions.

Ce n'est pas le terme que je préfère, mais d'aucuns parlent d'espionnage industriel. Une grande partie de nos recherches peuvent être commercialisées et j'ai l'impression que pas mal de pays étrangers s'intéressent à vos recherches et en tirent des avantages commerciaux pour eux-mêmes. La recherche universitaire est-elle la victime d'emprunts—pour ne pas parler d'«espionnage industriel» ou d'«espionnage intellectuel»—par des pays étrangers à des fins commerciales? Avez-vous fait des recherches sur la question? Est-ce que c'est facile de pénétrer dans une université, d'y envoyer un étudiant pour qu'il y prenne des notes et revienne chez lui en disant: Regardez ce que j'ai trouvé au Canada—seulement au Canada, eh!

Merci.

Le président: Monsieur Hough.

M. Paul Hough: Merci beaucoup, madame la présidente.

Il y a une ou deux petites choses à rappeler. Premièrement, j'aimerais préciser que les 800 millions de dollars accordés à la Fondation canadienne pour l'innovation représentent une somme considérable, qu'elle est la bienvenue, et que l'ensemble de la communauté la considère comme extrêmement importante. Elle touche également le renouvellement des infrastructures de recherche dans les secteurs universitaires, hospitaliers et institutionnels. Elle ne touche pas directement les réseaux de centres d'excellence.

• 1000

Les réseaux de centres d'excellence sont renouvelés sur une base permanente et je crois que le niveau annuel de financement est de l'ordre de 47 millions de dollars.

Ces deux initiatives sont comparables dans la mesure où elles occupent différentes parties de l'éventail.

Il y a une autre chose que j'aimerais ajouter et qui se rapporte à vos questions. Les universités, les instituts et les hôpitaux se livrent à toutes sortes d'activités dans le domaine de la recherche, allant de la recherche fondamentale à la recherche appliquée dans le domaine commercial. De notre côté, nous n'hésitons pas à dire qu'il y a d'importantes contributions à faire dans tous ces domaines. Mais le secteur privé, par exemple, a aussi subi une évolution considérable au cours de la dernière décennie au niveau de ses activités de recherche, quand il fait de la recherche, en la concentrant sur son propre champ d'activité commerciale, quel qu'il soit. Dans une mesure de plus en plus grande, le secteur privé s'adresse à l'extérieur lorsqu'il a besoin de certaines recherches précises et occasionnelles et ne fait plus lui-même le travail.

Une quantité énorme de liens, d'alliances, de contrats ont donc été établis et sont courants entre les universités canadiennes, les chercheurs canadiens et le secteur privé. Ce qui veut dire qu'au cours des cinq, six ou sept dernières années, les activités de recherche du secteur privé menées au Canada ont en fait énormément augmenté.

En chiffres bruts, pour faire la comparaison avec les autres pays, on calcule le pourcentage des dépenses brutes de recherche et de développement par rapport au PIB d'un pays. Le Canada se situe aux alentours de 1,6 p. 100 pour le moment, 1,57 p. 100 dont 1 p. 100 assumé par le secteur privé. C'est une augmentation par rapport à la dernière décennie. Je ne sais pas exactement de combien mais c'est assez considérable. Simultanément, les activités de recherche du secteur public diminuent.

Pour répondre directement à vos questions, monsieur, je dirais qu'on peut faire plus. Je crois que nous voulons tous voir le secteur privé participer et faire lui-même une plus grand part de ses propres recherches, mais il faut comprendre qu'il a lui-même modifié ses modes d'opération et qu'il donne la priorité à ses propres secteurs d'activité.

Y a-t-il des emprunts? C'est une question intéressante parce que dans le secteur universitaire nous essayons d'enrôler les meilleurs étudiants, les plus doués, sans nous poser beaucoup de questions sur leur origine.

Dans beaucoup de cas, c'est un atout car cela permet à beaucoup d'étrangers d'être au contact de l'expérience canadienne, de nos capacités particulières dans le monde de la recherche et cela crée des liens qui durent pendant des années. Il y a d'innombrables exemples de liens avec des étudiants qui ont obtenu leur diplôme ou qui ont été formés ici au Canada qui maintenant se servent dans leur pays de ce qu'ils ont appris chez nous. Ils reviennent au Canada pour se fournir en matériel, pour établir d'autres liens, d'autres collaborations.

Le passage de ces gens ne m'inquiète pas beaucoup—et je ne connais pas d'exemple de quelqu'un ayant trouvé une application vraiment intéressante et l'ayant commercialisée ailleurs. Il est indubitable que l'élément commercialisation est très important. Il est indubitable, comme une question précédente l'a montré, qu'il nous faut lui donner un peu plus d'importance.

Il reste que le message principal que j'aimerais vous laisser est que le secteur privé compte sur le savoir-faire du secteur universitaire. Quand les universités produisent quelque chose qui peut être commercialisé, ce n'est qu'une petite partie du travail de recherche fondamentale qui finit par se retrouver dans cette commercialisation. Il peut faciliter la connaissance, la compréhension, etc., mais il ne représente qu'une petite fraction de ce qui est finalement commercialisé.

Je crois qu'aujourd'hui on en prend de plus en plus conscience. Depuis environ cinq ans, il y a beaucoup plus de capitaux pour ce genre d'activité. Il y a donc un changement d'esprit dans la communauté de la recherche.

• 1005

La présidente: Merci, Monsieur Hough. Merci, monsieur Bellemare.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je tiens à remercier mes collègues de ce côté de la table de m'avoir permis de changer un petit peu l'ordre à cause de certaines contraintes. Je tiens à le dire pour ne pas l'oublier. Si je dois jamais leur rendre la pareille ils pourront me le rappeler.

J'apprécie énormément votre présence. Je sais qu'il doit être difficile de répondre à certaines de ces questions compte tenu tout particulièrement de vos antécédents. Vous pourriez écrire des livres pour répondre à certaines de ces questions, mais nous vous demandons d'y répondre dans des délais très courts. Le temps travaille contre nous.

Je vais vous poser une question à laquelle vous pourriez probablement consacrer plusieurs livres, mais je vais vous demander d'être aussi succincts que possible. Certains de mes collègues connaissent beaucoup mieux que moi la situation de la recherche et du développement au Canada, c'est donc pour moi plus un exercice d'éducation qu'autre chose.

En vous écoutant, deux questions me sont venues à l'esprit. Premièrement, y a-t-il des limites à la recherche? Y a-t-il des paramètres qui vous incitent à vous lancer dans une recherche plutôt qu'une autre? Ou suffit-il simplement qu'un chercheur, qu'un étudiant de deuxième cycle ou de troisième cycle, que quelqu'un dise que tel ou tel projet semble intéressant et mérite d'être financé? Y a-t-il des paramètres permettant de prendre ce genre de décision?

Deuxièmement, il y a—comme beaucoup de mes collègues l'ont déjà rappelé—le corollaire de la nouvelle réalité financière au Canada. Pour vous, cette réalité se traduit par une bourse de plus en plus difficile à ouvrir pour vous financer. Avez-vous commencé à réfléchir à de nouvelles manières radicales de financer la recherche et le développement ou êtes-vous restés dans le même état d'esprit? Y a-t-il de nouvelles idées qui vous permettraient de poursuivre votre travail?

C'est tout pour le moment. Merci.

La présidente: Professeur Giroux.

M. Robert Giroux: Il est très difficile de répondre à votre première question. Il arrive très souvent que nous permettions à un chercheur de faire quelque chose ou qu'un chercheur défende un projet pour lequel il faudra attendre au moins 10 ou 15 ans avant d'en voir les résultats.

Nous produisons aujourd'hui certaines souches de blé au Canada. L'industrie du canola connaît une croissance extraordinaire. C'est le résultat de recherches qui ont été faites il y a 15 ou 20 ans par un chercheur qui avait eu une idée. Beaucoup de gens posaient alors les mêmes questions que celles que vous posez aujourd'hui. À quoi cela correspond-il? Y a-t-il une priorité? Il faut laisser aux meilleurs et aux plus brillants la bride sur le cou.

Il arrive que les résultats soient très minimes, mais il arrive aussi qu'ils soient extraordinaires. Le gouvernement a eu tendance à identifier certains secteurs auxquels il souhaitait accorder une plus grande priorité. Tout le secteur de la technologie informatique, celui de la bioénergie, de la biodynamique, de la biotechnologie, tous ces secteurs sont en place. Cependant, il est également important de laisser à nos plus brillants la possibilité de poursuivre une idée et de leur donner l'environnement nécessaire.

Votre deuxième question concernait les autres moyens ou des moyens différents de financement. Je crois que nous en voyons beaucoup d'exemples. La Fondation canadienne pour l'innovation est un excellent véhicule pour les partenariats. Nous croyons que le partenariat est la solution de demain. Les partenariats n'excluent pas les conseils subventionnaires. En fait, ceux-ci, tout particulièrement le CRSNG, sont très présents au niveau des partenariats et permettent l'accès au financement extérieur.

Quelle est la situation aux États-Unis et au Japon? Je crois comprendre que le gouvernement japonais a décidé d'injecter des milliards et des milliards de dollars dans la recherche fondamentale. Il reconnaît la responsabilité des gouvernements dans ce domaine. Les gouvernements ont la responsabilité de financer la recherche fondamentale, non pas entièrement par eux-mêmes mais en imprimant l'élan nécessaire. C'est aussi notre position.

• 1010

Je crois que vous aimeriez ajouter quelque chose.

M. Derreck Deans: Dans notre document, nous parlons des conseils qui subventionnent la recherche, et dans ces conseils, chaque demande de financement est évaluée par des pairs—par des professeurs, etc. Nous pouvons tous citer des exemples de projets de recherche tellement ésotériques qu'ils ne devraient pas être financés. C'est peut-être banal, mais un cul-de-sac n'est pas un cul-de-sac quand on n'a pas été jusqu'au bout.

Avant la découverte—et j'utilise ce terme au sens le plus large—de l'Amérique, on croyait que le monde était plat. C'était la croyance commune. Il a fallu que quelqu'un ait l'idée bizarre de s'embarquer dans un bateau et d'aller vers l'Ouest pour prouver qu'il n'était pas plat. Il y a donc des projets de recherche qui peuvent sembler ridicules, mais il est impossible de prévoir à l'avance leur aboutissement. C'est impossible à prédire. Nous disons simplement que le gouvernement a en partie la responsabilité de financer ces projets afin de pouvoir faire avancer notre société.

La présidente: Merci. Merci, monsieur Lowther.

Professeure Mills, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Shirley Mills: J'aimerais faire une ou deux observations.

Pour ce qui est de savoir qui doit décider des recherches à faire ou non, il ne faut pas oublier que nous nous trouvons un peu dans un cercle. Il est certain que le professeur de l'étudiant joue un rôle majeur dans la détermination du projet de recherche particulier qu'il lui confie, mais le professeur de cet étudiant a aussi besoin de fonds de recherche pour embaucher l'étudiant et financer son programme de troisième cycle pendant plusieurs années. Cela nous ramène aux conseils subventionnaires qui fournissent les fonds de recherche ou les contrats industriels qui sont déjà en place dans de nombreuses universités et qui se multiplient. Cela nous ramène au financement de ces recherches, et s'il n'y a pas de fonds, il n'y aura pas non plus d'étudiants dans ce domaine particulier. Nous n'avons pas de boule de cristal. Nous adorerions pouvoir choisir à coup sûr les projets et affirmer que celui-ci donnera des résultats fantastiques, mais c'est impossible.

Pour ce qui est de nouvelles manières radicales de financer la recherche et le développement, j'ai mentionné la multiplication des collaborations avec l'industrie et je pense qu'il va en être ainsi au cours des prochaines années. C'est inévitable, mais il reste la recherche fondamentale dans les universités et nous savons que l'industrie ne peut pas s'en charger. Ce qui l'intéresse ce sont les applications pratiques dans son domaine d'activité. La recherche fondamentale, pour la majeure partie, doit être financée par les conseils subventionnaires.

Je vais vous citer un ou deux exemples que vous devez connaître. Ce sont les résultats de travaux de recherche fondamentale qui remontent à des années, et à l'époque, personne ne pensait que cela aboutirait à quelque chose. Je parle du développement du laser. Les recherches qui ont conduit plus tard à la technologie du télécopieur, un appareil que vous avez probablement tous dans votre bureau, au début, personne ne les aurait financées. Nous n'avions aucune idée de ce qui sortirait de cette recherche qui a conduit au laser et au télécopieur.

Le World Wide Web a été développé par des physiciens du CERN. Voulons-nous vraiment mettre des droits de propriété intellectuelle sur le World Wide Web et envisager de telles choses? Dans mon propre domaine, les mathématiques, les gens demandent: qu'est-ce qu'on peut faire avec les mathématiques pures? Mais tout le domaine des instruments dérivés est basé sur les mathématiques pures.

M. Walt Lastewka (St. Catharine, Lib.): C'est vous le problème.

Mme Shirley Mills: C'est un vrai problème, mais les mathématiciens n'avaient aucune idée que cela serait utilisé par les économistes dans ce domaine. Nous ne pouvons pas lire dans une boule de cristal.

La présidente: Merci.

Madame Ramji, vous avez quelque chose à ajouter?

Mme Rubina Ramji: Oui, effectivement. Je veux répondre à un niveau plus bas. Le plus souvent, un étudiant du deuxième cycle refusera de proposer quelque chose d'innovateur parce que cela n'ira pas aussi loin que le professeur ou le département. Les seuls programmes qui acceptent du monde sont déjà très solides et bien structurés, et les gens ne demandent pas de financement parce qu'ils savent que probablement ils n'en auront pas. Très souvent, on étouffe l'innovation dans l'oeuf avant même de demander du financement.

La présidente: Merci. Merci, monsieur Lowther.

Monsieur Lastewka.

• 1015

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.

Je tiens à vous remercier pour votre exposé et pour votre collaboration à cette proposition. J'apprécie ces trois recommandations que vous avez formulées. La deuxième, qui concerne le transfert technologique et l'orientation internationale, est extrêmement claire. C'est en investissant dans les gens qu'on peut s'imposer sur la scène internationale.

J'ai une question en deux parties. La première s'adresse à Mme Mills. Professeure Mills, au sujet de votre projet international, qui vous a financée?

Mme Shirley Mills: Des deux projets dont j'ai parlé, un a été financé par le triple conseil, CRSNG-CRSH-Conseil de recherches médicales. Il s'agissait du projet sur la santé de l'écosystème du fleuve Saint-Laurent. Le second a été financé par le MEJS, c'est-à-dire l'organisme qui s'occupe des aspects médicaux, éthiques, juridiques et sociaux. C'est une démarche multidisciplinaire qui se penche sur la thérapie génique et sur les problèmes génétiques présents chez divers individus.

M. Walt Lastewka: Est-ce que ce sont ces gens-là qui ont coupé votre projet international?

Mme Shirley Mills: Non, c'est le financement qui a été coupé, si bien qu'il n'est pas possible de continuer. Un des projets a épuisé ses fonds cette année. Il n'a pas été possible d'en trouver ailleurs.

M. Walt Lastewka: Ils n'ont plus de fonds et ils ont décidé...

Mme Shirley Mills: Non, il n'y a pas de financement de remplacement dans l'un ou l'autre cas.

M. Walt Lastewka: Oh, ce n'est pas ce que j'avais compris en écoutant votre exposé.

Nous nous sommes tous enfermés dans un dilemme; pendant la dernière législature, nous avons eu de longues discussions sur la recherche et le développement et les priorités à fixer à cause des contraintes financières du gouvernement. C'est une situation à laquelle nous continuons de nous heurter. Comme vous l'avez dit plus tôt, nous devons agir progressivement jusqu'à ce que nous soyons libérés, non seulement du déficit, mais également de la dette. Au fur et à mesure que nous sortirons de la dette, nous aurons plus de fonds disponibles.

Aujourd'hui, nous avons d'une part 1,4 million de chômeurs et, d'autre part, des employeurs qui ne savent pas où trouver des diplômés, que ce soit dans le domaine de l'informatique—on a parlé de 42 000 ou 44 000 postes—ou dans le domaine du génie dans le secteur des plastiques, que je connais particulièrement. Je dirigeais jadis la plus grande usine de plastiques au Canada. À l'heure actuelle, on ne réussit pas à trouver des ingénieurs.

Ma question s'adresse à l'ensemble du groupe: Avez-vous cherché à établir des priorités pour nous aider à rétablir ce déséquilibre, ce qui nous permettra d'offrir plus de financement à l'avenir?

M. Robert Giroux: En ce qui concerne les universités, elles tiennent beaucoup à préparer des diplômés ou des travailleurs dont auront besoin les industries en devenir. Les représentants de plusieurs universités pourraient vous dire que c'est un aspect très important du soutien qu'elles reçoivent de leurs gouvernements provinciaux, cette nécessité de préparer des diplômés en plus grand nombre. En effet, les universités sont financées selon une formule qui ne tient pas forcément compte de ce genre de chose. C'est une priorité importante.

Par ailleurs, ce que nous venons vous dire aujourd'hui, c'est que nous voudrions également préparer l'avenir. Évidemment, nous sommes d'accord avec le ministre Martin lorsqu'il dit que nous devons faire des choix difficiles, mais de notre côté, nous devons privilégier l'innovation. Nous reconnaissons l'existence des problèmes actuels, mais nous n'oublions pas non plus qu'en encourageant et en privilégiant l'innovation on produira des industries et des produits qui créeront des emplois et qui, par voie de conséquence, redresseront le déséquilibre dont vous parlez.

Nous disons qu'il faut investir dans l'innovation. Il faut continuer à investir et se rendre compte que le secteur universitaire, qui représente environ 25 p. 100 de la recherche et qui est de loin la plus grande source de recherche fondamentale, effectue aussi davantage de recherche appliquée, comme l'ont indiqué le secteur privé et l'industrie. C'est là qu'il faut investir. D'un autre côté, cela ne doit pas empêcher les universités de travailler très fort pour préparer les diplômés dont on a besoin.

Dans cette ville, il y a évidemment l'Université d'Ottawa et l'Université Carleton qui coopèrent activement avec le secteur de la haute technologie et qui élaborent des programmes qui permettront de fournir à ce secteur les diplômés dont il a besoin.

• 1020

M. Chad Gaffield: Dans l'ensemble, nos diplômés trouvent du travail et lancent leurs propres entreprises, etc. Je faisais le calcul l'autre jour, et j'ai eu le plaisir de diriger 63 étudiants du deuxième cycle à partir des années 70. À l'heure actuelle, ils sont tous employés ou ils ont leurs propres compagnies et réussissent bien.

À mon avis, une des dimensions de la situation actuelle, c'est que plus vous avez d'expérience dans un environnement de recherche, mieux vous êtes adapté aux occasions offertes à l'ère de l'information. Les gens qui peuvent rédiger, critiquer, analyser des données, les gens qui peuvent utiliser des ordinateurs semblent trouver beaucoup plus facilement une place dans notre société. L'expérience de projets de recherche, du moins d'après ce que je vois, semble être utile pour avoir une vie active et fructueuse qui, à mon avis, profite à la société canadienne.

La présidente: Merci, professeur Gaffield.

Professeure Mills.

Mme Shirley Mills: J'ai deux choses à dire à ce sujet, et en particulier au sujet de la nouvelle orientation des universités. Je peux vous parler d'après mon expérience à Carleton où l'on se tourne de plus en plus vers la haute technologie.

J'ai une classe de calcul différentiel en première année, et j'ai 440 étudiants. C'est loin d'être drôle, et c'est une situation qu'on retrouve dans beaucoup d'établissements. Nous essayons d'accueillir un plus grand nombre d'étudiants, mais une fois qu'ils sont là, il faut enseigner. Comment pouvons-nous faire? Les classes ne sont pas assez grades. Nous n'avons qu'une seule classe qui puisse accueillir un tel nombre d'étudiants. Nous avons très peu de salles de classe qui ont la technologie nécessaire. Les 800 millions pour l'innovation sont certainement les bienvenus; je ne saurais vous dire à quel point car nous en avons vraiment tous besoin.

À l'heure actuelle, si nous voulons accueillir plus d'étudiants, nous avons besoin de nouveaux enseignants. Et pour que ces étudiants se perfectionnent dans leur domaine, il va falloir qu'ils fassent ensuite de la recherche et du travail de deuxième cycle.

Je m'occupe tout particulièrement de haute technologie et je fais de la recherche en collaboration avec les étudiants du deuxième cycle. Je vous assure que mes étudiants diplômés sont en demande. Ils n'ont pas de mal à trouver du travail. En fait, dans le domaine de la statistique appliquée, je ne suffis pas à la demande. Toutefois, je ne peux pas les encourager à continuer sans le financement dont ils ont besoin pour faire de la recherche au niveau de la maîtrise.

En cette ère de l'information, nous avons particulièrement besoin de diplômés de maîtrise pour le genre d'analyse statistique que nous faisons. Le financement des étudiants diplômés devient extrêmement important, de même que pour les chercheurs, et également pour la relève du corps enseignant.

La présidente: Merci, monsieur Lastewka.

Monsieur Hough, vous avez quelque chose à ajouter?

M. Paul Hough: Une observation; c'est un problème, mais par le passé, le secteur universitaire, le secteur postsecondaire, n'a pas toujours suivi d'assez près les développements dans les différents secteurs de la société. Cela dit, dans les écoles de génie, dans le domaine des sciences informatiques, par exemple, je ne pense pas qu'il y ait une seule place de libre, et les établissements préparent le plus de gens possible et leur donnent la meilleure formation possible.

Il y a certains écarts, si vous voulez, la demande est plus forte dans certains domaines, mais je me demande parfois ce que nous dirons dans dix ans. Où seront les écarts à l'avenir? Aujourd'hui, par exemple, nous avons trop d'enseignants. Dans dix ans, est-ce que ce sera encore le cas? Je ne sais pas. Est-ce que la médecine gériatrique ou l'oncologie deviendront une nécessité absolue? On peut faire des suppositions, et même des suppositions éclairées, mais je pense que les écarts vont continuer à exister pendant longtemps.

La présidente: Merci.

Monsieur Axworthy.

M. Chris Axworthy (Saskatoon—Rosetown—Biggar, NPD): Merci pour votre exposé et pour vos réponses qui sont très utiles. J'ai rencontré M. Hough à de nombreuses reprises, et tout comme mes collègues, j'ai souvent eu l'occasion de discuter de ces questions.

Monsieur Hough, vous vous demandez ce que nous dirons dans dix ans. À la fin des années 70 et au début des années 80, je faisais partie du conseil de l'ACPU, et nous disions précisément ce que vous dites aujourd'hui. J'ai été professeur pendant 16 ans et j'ai dirigé un centre de recherche interdisciplinaire avant de faire le saut en politique. Les questions que vous vous posez, je me les suis posées également. Ce centre était financé conjointement par l'entreprise privée, le gouvernement et l'université. À l'époque, pendant les années 80, ce n'était pas courant, mais aujourd'hui, cela n'est plus si rare.

• 1025

J'ai une ou deux observations après quoi j'aurai une question.

À l'heure actuelle, je représente un secteur de Saskatoon, et nous avons un excellent exemple d'un établissement de recherche de calibre international qui contribue d'une façon majeure au développement économique du pays. Le centre de biotechnologie agricole, un des cinq principaux centres du pays, se trouve à Saskatoon, et il a vu le jour de la façon que vous avez décrite: les gens se sont mis à faire de petites expériences, et ils ont découvert des produits qui ont pris beaucoup d'importance pour notre développement agricole. Ce groupe de compagnies s'est créé en partenariat avec le gouvernement, les universités et le secteur privé, et c'est une entreprise qui connaît beaucoup de succès. Il y a donc beaucoup d'exemples d'entreprises qui réussissent en dépit de tous les obstacles.

Dans la même université, nous avons également le problème du synchrotron, je ne sais pas si quelqu'un connaît cela. C'est un projet dont nous ne pouvons pas nous passer et, pourtant, il a fallu attendre des années et des années, perdant ainsi un potentiel considérable, sur le plan commercial et autres, pour obtenir du fédéral des fonds de seulement 60 ou 70 millions de dollars. C'est incroyable que cela ne soit pas déjà chose faite. Si quelqu'un sait pourquoi ce genre de choses est si difficile, j'aimerais bien qu'on me l'explique.

Si je parle de la fin des années 70, ce n'est pas seulement pour révéler mon âge, mais c'est aussi pour dire qu'à l'époque on n'avait pas une vision nationale très claire de ce genre de choses, on manquait de coordination, et c'est une situation qui continue aujourd'hui. Nous n'avons pas un système d'éducation universitaire pour l'ensemble du pays, nous n'avons pas un système de recherche. Nous avons tous ces établissements un peu partout, et personne ne sait vraiment si ce que nous faisons va dans le sens des intérêts du pays ou pas.

Si vous prétendez qu'il faut faire plus pour encourager l'innovation au Canada, il faut faire remarquer également que par rapport à ce qui se fait dans d'autres pays le Canada n'est pas particulièrement innovateur. Dans quelle mesure le Canada fait-il preuve d'innovation comparativement à d'autres pays, en particulier les pays de l'Asie du Sud-Est? Quelqu'un a mentionné le Japon, mais il y a d'autres pays qui investissent d'énormes sommes dans ces domaines où vous nous dites que nous devrions investir nous-mêmes.

En dépit de ce que vous avez dit aujourd'hui, en dépit de ce que nous répétons depuis 10, 15 ou 20 ans, que faut-il faire pour faire comprendre au gouvernement la différence entre investir et simplement dépenser de l'argent? Nous semblons être incapables d'investir dans les domaines où vous nous dites qu'il faudrait investir, et pourtant cela fait 20 ans que nous essayons sans succès, ou du moins 20 ans que je m'intéresse à la question.

M. Robert Giroux: Peut-être pourrais-je répondre.

Chaque année l'OCDE fait un rapport qui compare les économies des pays de l'OCDE, et le Canada obtient d'excellentes notes sur le plan de la qualité de vie et pour un certain nombre d'autres indicateurs de ce type, mais par contre il y a toujours un manque au Canada sur le plan de l'innovation par rapport à d'autres pays.

Nous vous avons distribué... je crois que vous avez une copie sur papier de cette diapositive... Nous l'avons distribuée? Oh, excusez-moi. Nous vous en donnerons un exemplaire. En fait, ce n'est pas une chose que nous avons inventée, cela vient d'un exposé que le sous-ministre d'Industrie Canada vient de faire devant le Forum entreprises-universités.

Tout en haut, vous avez la proportion de valeur ajoutée dont sont responsables les industries de haute technologie par rapport à la valeur ajoutée totale pour l'ensemble du secteur manufacturier. On y voit que, par exemple, aux États-Unis cette proportion se trouve tout en haut, mais au Canada, par comparaison, tout en bas.

D'un autre côté, il y a bien sûr nos dépenses, et c'est sur cela que l'OCDE se fonde pour tirer des conclusions. Les dépenses au Canada par rapport au produit intérieur brut...

J'ai parlé du Japon; voilà où se situe le Japon à l'heure actuelle. Les États-Unis sont ici, et voilà le niveau du Canada. Nous sommes un peu en avance sur l'Italie, mais derrière beaucoup de pays de l'OCDE, et quand vous prenez des pays comme la Norvège, le Danemark et la Suède, qui sont des économies émergentes en Europe, vous voyez qu'ils se situent tous aux alentours de 2 p. 100. La Corée est actuellement à 2,8 p. 100 et investit énormément d'argent.

Vous direz que ce n'est pas seulement une question d'argent, mais l'argent est un bon indicateur. La somme, la proportion, est un indicateur de l'innovation dans une économie, et c'est la raison pour laquelle nous avons ce retard sur le plan de l'innovation. Nous sommes un pays du G-7; nous sommes un pays de l'OCDE; nous accordons beaucoup d'importance au niveau de vie, mais il y a actuellement dans le monde une course pour l'avenir, et si nous ne sommes pas prêts pour cette course, si nous n'avançons pas aussi vite que les autres... Ce n'est pas seulement une question d'avancer. Nous avançons, mais si nous n'avançons pas aussi vite que les autres, nous allons perdre cette course, et, en même temps, c'est notre niveau de vie qui va diminuer progressivement.

• 1030

La présidente: Merci.

Monsieur Hough, vous voulez répondre également?

M. Paul Hough: Oui, une courte observation, mais j'y reviendrai dans un instant.

La présidente: Monsieur Peric.

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Merci, madame la présidente. Comme je pose des questions courtes, j'aimerais avoir l'occasion d'en poser plusieurs.

Je suis tout à fait favorable à la recherche, et j'estime que nous devons soutenir financièrement les activités de recherche des universités, mais savez-vous combien d'étrangers font actuellement des études au Canada?

M. Robert Giroux: Oui, dans le réseau postsecondaire, il y en a environ 30 000.

M. Janko Peric: Dans quels domaines, la haute technologie, les études sociales, la géographie, l'histoire?

M. Robert Giroux: Une bonne partie d'entre eux sont inscrits dans nos écoles d'études supérieures, dont ils constituent même une clientèle extrêmement importante. Ils étudient en génie, en haute technologie, en sciences humaines et en sciences sociales. Ils sont assez bien répartis. On en trouve aussi un certain nombre dans nos collèges communautaires.

M. Janko Peric: Oui. Je viens de la région où l'on trouve le triangle technologique du Canada, c'est-à-dire entre Cambridge, Kitchener—Waterloo et Guelph. C'est une région où l'industrie de haute technologie est florissante, comme vous le savez—ou devriez le savoir—et cette industrie travaille en étroite collaboration avec deux universités et un collège.

Il y a une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée en haute technologie. Ainsi, Gandalf ouvre une nouvelle usine juste en face de celle de Newbridge, à cause de cette pénurie de main-d'oeuvre qualifiée en haute technologie.

Pendant ce temps-là, on voit des diplômés en histoire, en géographie, en études sociales ou même en sciences infirmières. Ne pensez-vous pas qu'il y a un manque de communication entre les services de recherche des universités, le secteur privé et le gouvernement?

M. Robert Giroux: Vous faites sans doute référence au fait qu'il arrive parfois aux universités de ne pouvoir satisfaire la demande de diplômés dans une discipline donnée. C'est sans doute de cela que vous voulez parler.

M. Janko Peric: Oui.

M. Robert Giroux: Il n'est pas douteux que le phénomène existe. Évidemment, il est très présent.

M. Janko Peric: Pourquoi existe-t-il?

M. Robert Giroux: En fait, qui aurait pu prédire il y a quatre ans que ce secteur serait en forte croissance? Actuellement, les universités s'efforcent...

Je voudrais revenir un peu en arrière, quitte à ce que mes collègues, qui connaissent ce sujet mieux que moi, interviennent dans la discussion. Ce n'est pas nécessairement lorsqu'un étudiant arrive à l'université qu'il est temps de l'orienter vers les facultés susceptibles de répondre à un besoin. J'ai l'impression que tout doit commencer dès la fin de l'école primaire, en tout cas certainement à l'école secondaire.

Il se passe au moins sept ou huit ans après qu'on a commencé à dire à de jeunes enfants qu'ils devraient s'orienter vers la haute technologie, la médecine, les sciences sociales, etc. Ce que l'on constate actuellement est le résultat de décisions prises il y a sept ou huit ans.

Mais les universités s'efforcent de plus en plus de mettre au point les programmes qui satisferont les besoins des organismes dont vous parlez.

M. Janko Peric: À votre avis, y a-t-il un manque de communication? Voilà ma question. J'ai l'impression que nous sommes toujours en retard. Tous les dix ans, on a besoin d'infirmières, et tout le monde se précipite vers ce secteur, si bien que dix ans plus tard on se retrouve avec un excédent, que nous avons malheureusement formé au profit des Américains. Y a-t-il un manque de communication avec le gouvernement, le secteur privé et les universités? Ne pourrait-on pas travailler ensemble pour prévoir ce qui va se passer? Sinon, on fait de la mauvaise planification.

M. Robert Giroux: Je crois que mon collègue souhaite intervenir, et je vais lui laisser le soin de répondre.

M. Chad Gaffield: Je vais essayer.

La difficulté avec l'avenir, c'est qu'il est toujours devant nous et que nous ne pouvons le prédire. D'après votre question, vous semblez considérer que les diplômés actuels, disons en sciences sociales et en sciences humaines, ne sont pas utilisés correctement ou ne sont pas aussi utiles que s'ils avaient été formés en haute technologie. Ce que je constate, c'est que nos diplômés fournissent du contenu.

• 1035

C'est bien beau de construire l'autoroute de l'information, mais que va-t-on mettre dessus? Le besoin essentiel dont me parlent tous ceux qui travaillent en haute technologie, c'est la question du contenu. La plupart de mes diplômés travaillent dans le secteur de la haute technologie, non pas à produire directement du matériel ou du logiciel, mais plutôt à veiller au contenu.

Je pense que les statistiques de l'emploi le confirment. Ce n'est pas comme s'il y avait des milliers de diplômés au chômage. En fait, je pense qu'il y a beaucoup d'interaction entre les différents éléments. Il existe un besoin, cela n'est pas douteux. Il existe même un «écart». Mais je pense que cet écart est considérable du côté du contenu. Dans le monde entier, les enseignants s'interrogent sur l'inforoute et sur son contenu. Et de plus en plus, ce contenu est fourni par nos diplômés.

La présidente: Merci. Monsieur Hough.

M. Paul Hough: La question me semble intéressante. C'est un bon exemple de secteur où il faudrait faire davantage de recherche, car je ne suis pas certain qu'on sache vraiment déterminer ce qui va se passer, quels sont les secteurs en émergence et comment il faut y réagir, que ce soit sur le plan technique ou d'un point de vue social.

Il faut considérer les universités d'un point de vue plus fondamental... Je suis un peu... non pas angoissé, mais je ne considère certainement pas le secteur universitaire comme une «école de formation» qui produirait des gens capables de tourner les bons boutons et de produire instantanément la bonne technologie. Nous considérons généralement les universités comme des établissements qui préparent l'individu à réfléchir et qui lui donnent de l'expérience dans certains domaines, mais qui le préparent également à s'adapter à un environnement changeant. D'un point de vue strictement technique, quelqu'un qui vient d'obtenir un doctorat en chimie organique, en physique ou en sciences sociales sera dépassé au bout de quatre ou cinq ans, sinon avant. Mais les diplômés ont les aptitudes et les compétences nécessaires pour suivre l'évolution de leur spécialité.

L'université est différente du collège communautaire, par exemple, et ne doit pas être considérée de la même manière. Elle a ses fonctions propres. Cela dit, je pense que l'élément des communications dans votre question pose un problème intéressant, auquel l'ensemble des sciences sociales devrait pouvoir apporter une réponse.

La présidente: Merci. Monsieur Power.

M. Charlie Power (St. John's-Ouest, PC): Je tiens à vous féliciter pour votre excellent exposé. C'est un vrai plaisir que d'être ici et de voir tout ce que vous faites pour le pays; je vous souhaite la meilleure des chances.

Dans le contexte actuel, je pense que vous allez avoir du mal à convaincre le gouvernement d'accorder plus d'argent à la recherche. Il faudrait lier tout cela à... S'il y a bien quelque chose de honteux dans ce merveilleux pays, c'est certainement le fait qu'on laisse plus ou moins délibérément un million et demi de personnes au chômage au nom de nos politiques financières et autres.

Je n'ai jamais réussi à calculer—et j'aimerais bien que quelqu'un fasse les recherches nécessaires—ce qu'il en coûte de garder une personne au chômage pendant un an, ou même pendant un jour. Peut-être qu'un spécialiste en sciences humaines entreprendra ce travail un jour pour que l'on sache ce qu'il en coûte réellement au gouvernement.

Je constate aussi que l'action des pouvoirs publics peut avoir un effet très négatif. On cède souvent à une tendance passagère. Si elle ne donne pas de résultats immédiats, on l'abandonne, quitte à constater cinq ans plus tard qu'il aurait fallu persister dans la même direction, comme tous les autres pays l'ont fait.

Je peux vous donner un exemple de mesures à effet négatif à Terre-Neuve. Le Canada connaît une crise dramatique des pêches. La stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, dont on entend beaucoup parler et que tout le monde déteste—il s'agit d'un programme de 1,9 milliard de dollars—a fait en sorte que dès qu'on s'est rendu compte qu'il fallait accorder un soutien du revenu à un plus grand nombre, devinez où on a fait des compressions budgétaires? Dans les sciences. Est-il raisonnable, de la part du gouvernement du Canada, d'accorder d'un côté un soutien du revenu et, de l'autre, d'imposer des restrictions aux programmes de recherche scientifique du ministère des Pêches et des Océans? De toute évidence, on s'expose à ce le problème dure longtemps et reste sans solution, ce qui entraînera une augmentation des coûts et une aggravation du déficit.

Est-ce que vous pourriez prouver au gouvernement du Canada que si nous décidons de consacrer davantage d'argent à la recherche, notre action aura un effet direct sur l'emploi, que les crédits ainsi employés vont réduire le nombre des chômeurs et vont atténuer les problèmes de déficit? Je suppose qu'il y a un rapport entre les deux éléments. Vous semblez dire qu'en consacrant davantage de crédits à la recherche, on va créer davantage d'emplois réels—je veux dire de véritables emplois dans le secteur privé, qui résulteront de la recherche, et non pas en milieu universitaire—si vous pouvez prouver cela, vous aurez un argument de première valeur pour convaincre le gouvernement du Canada ou n'importe qui d'autre.

• 1040

Est-ce que l'un d'entre vous aurait des statistiques prouvant qu'une augmentation de la recherche se traduit par des emplois supplémentaires alors qu'une diminution de la recherche aggrave le déficit à cause du chômage?

M. Robert Giroux: Nous n'avons pas de statistiques sur cette comparaison précise, mais nous avons indiqué dans notre mémoire que la recherche effectuée dans les universités canadiennes est à l'origine de la production de biens et de services d'une valeur de 76 milliards de dollars, soit plus de 10 p. 100 du PIB. Par ailleurs, il y a quelques années, l'Institut canadien des recherches avancées a réalisé une étude qui visait à prévoir les effets dans le temps d'une augmentation de 1 p. 100 du PIB. Évidemment, ces effets portent sur une plus longue période, mais c'est tout ce que nous avons.

Nous le signalons également dans notre mémoire. Si le PIB augmente de 1 p. 100—et n'oublions pas que notre recherche représente actuellement de 1,5 à 1,7 p. 100 du PIB... Si le PIB augmente de 1 p. 100 sur une certaine période—je ne prétends pas qu'on puisse obtenir ce résultat en un an, mais éventuellement sur une période de cinq à dix ans—on obtient un financement de la recherche d'environ 2,5 p. 100 du PIB, ce qui est à peu près ce que l'on trouve dans les autres pays. Cette augmentation de la recherche se traduirait ultérieurement par une augmentation du PIB pouvant atteindre 18 p. 100, soit un ratio de 18 pour un. Évidemment, ce sont là des projections faites à partir de modèles.

Ce genre de résultat me semble très stimulant, puisqu'il est fondé sur des données et des méthodes conformes à ce qui se passe dans d'autres pays; dans cette étude, on comparait le Canada à d'autres pays. Voilà le genre de résultats... Par exemple, j'entendais dire hier que le Congrès des États-Unis étudiait très sérieusement un projet de loi bipartite présenté par un sénateur démocrate et un sénateur républicain qui aurait pour effet de doubler l'investissement public en recherche aux États-Unis sur une période de dix ans. C'est exactement cela qu'il est important de considérer.

Quant à la relation directe entre les deux éléments, nous avons entrepris de faire des tests. Nous avons élaboré un modèle qui a fait l'objet de recherches à l'AUCC; ce modèle a été mis au point par un professeur de l'Université de Montréal, qui a prouvé que si l'on tient compte des retombées pour l'ensemble de l'économie des résultats d'une entreprise qui fait de la recherche... Il est très difficile de transposer ce modèle à l'échelle nationale, mais je pourrais vous communiquer un document à ce sujet si vous le souhaitez; nous nous ferons un plaisir de vous le transmettre. Il indique bien ce que nous appelons l'effet d'accélération ou de réaction en chaîne de l'investissement dans la recherche.

La présidente: Monsieur Hough, vous voulez faire un commentaire.

M. Paul Hough: Ces temps-ci, on met beaucoup l'accent sur les secteurs de la haute technologie, de la biotechnologie et sur les domaines de ce genre... il n'y a pas nécessairement de relation directe dont on puisse faire la preuve—du moins pas à ma connaissance, mais je pourrais me tromper—entre l'investissement et le chômage, mais il est manifeste que l'investissement en recherche débouche sur un certain nombre d'innovations, de créations d'entreprises nouvelles et d'activités nouvelles qui vont avoir besoin de travailleurs. Ce qui me préoccupe dans tout cela, c'est que l'importance donnée à ces secteurs va susciter un grand intérêt pour les nouvelles entreprises en question, de par la nature même des programmes et des activités. Certaines activités devront faire appel à des travailleurs moins qualifiés ou moins compétents, par exemple, mais elles subiront quand même un effet d'entraînement.

Je crois qu'il s'agit d'un problème structurel qui mérite qu'on s'y attarde vraiment. Même si nous pouvions investir des milliards de dollars dans la recherche, nous ne savons pas nécessairement dans quelle mesure le taux de chômage diminuerait, même si une diminution est probable.

La présidente: Monsieur Deans.

M. Derreck Deans: Je sais que vous vous intéressez surtout à l'état de l'économie dans son ensemble, mais ce qui permet en partie au Canada de demeurer une société innovatrice, ce sont les fonds accordés aux conseils subventionnaires. Il y a un lien direct entre le financement assuré par les conseils subventionnaires et la création d'emplois. Les professeurs qui reçoivent des subventions de recherche consacrent une bonne part de leurs bourses à recruter des étudiants qui les aident dans leurs travaux. Il ne s'agit pas d'emplois à temps plein ni d'emplois permanents, mais ces étudiants sont rémunérés pour le travail qu'ils font.

• 1045

En outre, les étudiants peuvent ensuite tirer parti sur le marché du travail de la formation qu'ils reçoivent. Si je n'avais pas eu la formation qui m'a été dispensée dans le cadre du programme auquel j'ai participé, je n'aurais pas obtenu un poste pour une durée déterminée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Si j'ai eu ce poste, c'est grâce aux aptitudes que j'ai acquises en poursuivant mes études de deuxième cycle.

Nous n'avons donc pas de chiffres précis à vous fournir établissant un lien direct entre l'argent dépensé et le nombre d'emplois créés. Il est cependant bien évident qu'une bonne part des fonds accordés aux conseils subventionnaires sert à créer des emplois.

M. Walt Lastewka: Je siège à ce comité depuis maintenant près de trois ans et j'ai entendu beaucoup de groupes comme le vôtre venir à tour de rôle présenter leur point de vue. Je vous félicite de nous présenter une position commune. Le fait que vous ayez établi certaines priorités...

Je suis vraiment heureux de voir que vous accordez une priorité plus élevée que par le passé au transfert technologique. Lors de la dernière session, j'ai participé aux audiences du comité portant sur la recherche et le développement au cours desquelles nous avons essayé d'établir quels étaient les obstacles à l'innovation et nous avons constaté que certaines universités affectent une trentaine ou une quarantaine de personnes à la recherche portant sur les transferts technologiques alors que d'autres n'y affectent qu'une ou deux personnes. Entre-temps, de la technologie et du savoir dorment sur des tablettes et ne rapportent rien aux contribuables. Je suis vraiment très content que vous attachiez une priorité plus élevée à cette question. Je pense que cela répondra aux préoccupations de M. Power.

J'aimerais revenir au domaine qu'a mentionné M. Peric. Je crois que nos universités et nos collèges doivent réfléchir davantage à la façon dont se présentera l'avenir et à l'évolution future du marché du travail.

Comme l'a dit mon collègue de la Saskatchewan, nous faisons face au même problème tous les dix ou vingt ans. Je pense qu'il est temps que la situation change. Les collèges, les universités, le gouvernement et le secteur privé doivent y veiller. J'aimerais que chacun cesse de dire qu'il ne lui appartient pas de prédire l'avenir ou de dire dans quels secteurs il y aura création d'emplois. J'aimerais que tous les intervenants concertent leurs efforts, ce qui faciliterait beaucoup la tâche.

M. Chad Gaffield: J'aimerais faire une petite mise en garde en ma qualité d'historien. Ce qui vient d'être dit me rappelle un excellent ouvrage intitulé The History of the Future, qui examine les prédictions faites à compter du début du Moyen-Âge.

Prédire l'avenir, c'est très risqué.

Ce qu'il convient de faire, c'est d'établir différents scénarios et de faire preuve de capacité d'adaptation. Il serait imprudent de partir de l'hypothèse que l'avenir sera...

Je vais vous donner un petit exemple qui porte sur l'évolution démographique, dont il est tant question ces jours-ci. Nous connaissons la situation démographique, nous prévoyons son évolution, compte tenu de l'âge de la population, entre autres, et nous pouvons poser toutes sortes d'hypothèses à partir de là. Mais dans les années 60, par exemple, les configurations familiales étaient toutes différentes de ce qu'elles sont à présent, et personne n'aurait alors pu prévoir les structures familiales que nous avons à présent.

Il est très difficile de prévoir les pénuries d'enseignants ou les taux d'inscription dans les établissements d'enseignement. C'est ainsi que la plupart des universités, prévoyait-on, n'auraient pas maintenant beaucoup d'étudiants parce que la génération du baby-boom aurait terminé ses études, et nos effectifs d'étudiants étaient censés diminuer rapidement; mais que s'est-il passé? C'est maintenant l'apprentissage à vie.

C'est pourquoi je voudrais vous mettre en garde: certes, nous devons faire des pronostics, au mieux de nos connaissances, mais il serait désastreux, pour la société nouvelle qui est en voie de création, de dire que nous pouvons prévoir où se trouveront les emplois, et ce qui se passera.

Je dirais même que le mot «emploi» est remis en question. Qu'entendons-nous par un emploi? Comment se présenteront les emplois au cours des années à venir? Comment se présente, dès maintenant, l'emploi? Il n'est pas jusqu'à une notion aussi fondamentale que celle-ci qui ne soit réévaluée, et il faut beaucoup de circonspection pour poser comme hypothèse que l'avenir va découler du présent.

• 1050

M. Robert Giroux: Je voudrais simplement ajouter un commentaire, parce que vous avez mentionné une chose que votre collègue, M. Peric, si je ne me trompe, a dit à propos des communications. Sachez que les universités maintiennent, avec les employeurs de notre pays, un contact et un dialogue permanents. Il existe ce que nous appelons le Forum entreprises-universités, qui réunit des représentants des entreprises, des établissements postsecondaires et autres institutions. Toutes les universités, d'une façon générale, ont des comités consultatifs qui les guident pour leurs programmes d'études, et beaucoup de représentants du secteur des affaires siègent à ces comités.

Ces communications existent donc bel et bien, et les universités sont pleinement conscientes de la nécessité de rester en contact avec les futurs employeurs de leurs diplômés. C'est une situation beaucoup plus fréquente qu'autrefois, à mon avis.

La présidente: Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): : Merci de votre présentation stimulante. Moi qui étais critique au Développement des ressources humaines et qui suis maintenant critique à l'Industrie, je me dis que c'est encore plus important de vous entendre à l'Industrie que ce ne l'était au Développement des ressources humaines. Le développement des ressources humaines est en quelque sorte naturel, mais ici on doit faire un travail pour comprendre le lien extrêmement important entre le maintien et le développement de la recherche, et le développement de l'économie et le développement social harmonieux.

Malheureusement, le gouvernement a envoyé le mauvais message en effectuant des compressions aux subventions à l'enseignement postsecondaire. Il est maintenant obligé de revenir là-dessus. Je souhaite qu'il trouve la pirouette qu'il faille pour dire l'importance du soutien. Il me semble qu'il faudrait que l'industrie ne parle pas de subventions, mais d'investissement dans la recherche, parce que c'est un investissement—prenons un exemple extrêmement trivial—au même titre que l'exploration minière. On investit des sommes avant de trouver un filon. On ne dit pas qu'on ne mettra pas une cent si on n'est pas sûr de trouver un filon. C'est vrai dans le pétrole et c'est vrai n'importe où. C'est un investissement.

Vous disiez tout à l'heure que votre demande était modeste. Dans le fond, c'est ce qui me surprend. Je serais portée à vous demander, comme M. Brassard nous le suggère, si vous pensez que cette demande est de nature à faire en sorte que les plus brillants chercheurs ou les étudiants les plus prometteurs vont demeurer au Québec ou au Canada plutôt que d'être attirés par les bourses et les conditions de recherche qu'on trouve aux États-Unis.

Il faut situer le moment dans lequel nous vivons. J'ai apporté le dernier bouquin de l'OCDE sur la mondialisation de l'industrie; non pas de l'enseignement, mais de l'industrie. Il est clair que la recherche et le développement sont le tout premier moteur et que la position relative des pays va largement tenir à l'importance donnée à la recherche et au développement, notamment dans le cas des pays petits et moyens. Les grands pays attirent la recherche et sont capables d'en générer eux-mêmes plus facilement. Si les pays petits et moyens ne génèrent pas leur masse, ils pourront se trouver assez rapidement dans une situation difficile.

J'aimerais que mes collègues d'en face se demandent où le Canada aboutira s'il n'investit pas dans la recherche en vue de soutenir l'innovation. L'innovation, ce n'est pas comme la recherche; ce sont deux processus différents. Ce n'est pas l'université qui est responsable de l'innovation. Ça peut être les écoles affiliées aux universités, mais l'université doit produire la matière dure.

• 1055

D'une certaine manière, c'est toute la société qui est responsable de l'innovation, parce que l'innovation est la capacité de transformer du vieux pour en faire du nouveau. Essentiellement, c'est cela. En gestion, c'est comme cela qu'on applique cela. La responsabilité de l'innovation n'est pas seulement celle de l'université. Ici on a une recherche à faire là-dessus, parce que les PME en particulier ont besoin d'innovation. Il faut les mettre en contact avec la recherche.

Je vais revenir à mon point principal. Je me laisse emporter, mais il faut que je pose une question. Vous comprenez que ce sujet est important pour moi.

Des voix: Ah, Ah!

Mme Francine Lalonde: J'allais dire que le Canada et le Québec vont avoir le choix entre une société où on investit dans la recherche et une société où on a de bas salaires. J'aime mieux qu'on cherche à avoir une société où il y a de hauts salaires plutôt qu'une société à bas salaires. Il faut bien regarder.

Alors, est-ce que votre demande n'est pas trop modeste?

Des voix: Ah, ah!

M. Robert Giroux: Madame Lalonde, ça me fait beaucoup de peine que vous ayez posé la question. Je vous écoutais et j'étais totalement d'accord avec vous. C'était très bien.

Nous avons fait notre demande dans le contexte des réalités budgétaires. Nous sommes tous conscients que le gouvernement a réduit considérablement les budgets des conseils subventionnaires, et il ne faut pas oublier qu'il y a encore une réduction des budgets des conseils subventionnaires qui est prévue pour 1998-1999. Il y a une réduction là-dedans.

Quand nous avons fait notre demande, M. Martin n'avait pas fait ses déclarations. Sur papier, on parlait d'un déficit de 16 milliards de dollars. On s'est aperçu que l'année dernière...

Mme Francine Lalonde: L'opposition le savait.

M. Robert Giroux: Oui, je le sais bien, mais on a su la semaine dernière que pour 1996-1997, c'était 8,9 milliards de dollars alors que c'était censé être 22 ou 23 milliards de dollars. Oui, peut-être que dans le contexte de ce qui arrive... On croit que c'est le minimum et on l'a dit clairement dans nos présentations. Ce qui est très important pour la recherche, c'est qu'on ne peut pas, la première année, dépenser de montant... Il faut rebâtir la confiance et donner aux chercheurs une vision de l'avenir, de l'espoir. C'est pour cela qu'on a bâti notre demande sur une courbe de ce genre-là. Commençons modestement. Nous croyons par contre qu'il est absolument nécessaire de le faire. Oublions autant que possible les réductions et bâtissons sur une période de quatre ans.

Maintenant, si on nous dit qu'on aimerait nous en donner plus, vous pouvez être sûre que les universités vont l'accepter. Je parlais hier au président du Conseil de recherches médicales. Les besoins correspondent probablement au double de ce qu'on a demandé, mais on voulait être réalistes et responsables en termes de la capacité de financement gouvernementale.

Mme Francine Lalonde: Mais il faut que vous soigniez l'université.

M. Robert Giroux: Vous avez raison.

La présidente: Merci.

M. Robert Giroux: Merci.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie, madame Lalonde.

Nous nous rapprochons de l'heure prévue pour la fin de nos travaux, soit 11 heures, mais il nous reste quelques questions, si vous pouvez rester avec nous un peu plus longtemps. Je vais demander à mes collègues, maintenant que la fin de la séance est en vue, d'abréger leurs questions dans la mesure du possible.

Monsieur Ianno, vous avez la parole.

M. Tony Ianno: Je constate avec intérêt, madame Lalonde, que vous ne parliez pas seulement des universités. Je ne sais pas si vous connaissez la Fondation canadienne pour l'innovation, mais elle englobe également le secteur privé ainsi que d'autres niveaux de gouvernement. C'est donc toute la société qu'il faut mobiliser pour que l'innovation n'en reste pas au stade de l'adaptation, mais soit à la pointe du progrès.

Avec nos nombreux établissements d'enseignement supérieur nous espérons pouvoir donner beaucoup à la société; c'est pourquoi nous avons consenti, et continuerons à le faire, des investissements très lourds.

J'ajouterais que, comme vous le savez, je suis tout en faveur d'une éducation nationale, et je voudrais voir reprendre cette responsabilité aux gouvernements provinciaux, en raison de l'importance de l'éducation pour l'emploi et pour l'avenir.

C'est là ma question, monsieur Giroux: vous disiez que dans les universités et collèges il y a un groupe qui s'adapte aux besoins du secteur privé.

• 1100

Nous savons tous combien il est difficile de prévoir l'avenir, et donc de viser juste, mais il n'en existe pas moins un grand besoin de savants et d'ingénieurs, entre autres.

Que font vos universités pour s'adapter, étant donné qu'il y a probablement beaucoup de demandes d'admissions, mais pas suffisamment de places dans les départements de génie? En effet, c'est probablement le secteur où il est le plus nécessaire de préparer des spécialistes en prévision de la situation dans dix ans. Qu'est-ce que nous faisons pour nous adapter à cette situation—M. Lastewka a parlé des besoins considérables du secteur privé—pour permettre plus de recherche dans le secteur privé en collaboration avec les universités au lieu de concentrer la recherche uniquement dans les universités?

M. Chad Gaffield: Un exemple me vient tout de suite à l'esprit. À l'Université d'Ottawa, nous venons de mettre en place une école d'informatique et de technologie de l'information. C'est un programme tout à fait nouveau qui a été élaboré en collaboration avec l'industrie de la haute technologie de la vallée de l'Outaouais. Vous avez parfaitement raison: pour l'instant nous ne pouvons pas fournir à la demande, mais nous avons prévu de doubler le nombre des inscriptions chaque année pour les cinq prochaines années.

Est-ce que cela va suffire? Probablement pas. Est-ce que c'est un pas dans la bonne direction? Je le pense, mais vous avez parfaitement raison: il va falloir courir très vite pour maintenir le rythme.

M. Tony Ianno: Comment les gouvernements provinciaux vous aident-ils dans cette tâche, étant donné que vous avez les mêmes objectifs à de nombreux égards, que vous avez tout autant intérêt l'un que l'autre à préparer plus d'ingénieurs, etc., ce qui permettra d'attirer des investissements au Canada?

M. Chad Gaffield: Mon collègue, Bob, a utilisé tout à l'heure un mot qui me semble la clé de tout cela; je crois qu'au niveau provincial également nous faisons le minimum concevable, et on nous aide à créer une école d'informatique et de technologie de l'information, par exemple. Mais encore une fois, ce n'est pas suffisant, c'est une seule mesure. Cela dit, ce qui se fait actuellement est loin de suffire aux besoins.

M. Tony Ianno: Vous parlez de l'aspect financement, n'est-ce pas? Mais qu'en est-il au niveau interne, sur le plan de la répartition des ressources?

M. Chad Gaffield: Il y a des réaffectations au niveau interne, cela ne fait pas de doute. De plus en plus d'universités essaient de concentrer leurs efforts sur certains secteurs au lieu de tout faire. Par exemple, les universités développent de plus en plus de liens avec leur région. Cela se fait beaucoup. Est-ce que c'est suffisant? Peut-être pas, mais il y a beaucoup d'activité.

La présidente: Merci, monsieur Ianno. Monsieur Pankiw.

M. Jim Pankiw: C'est bien joli, comme M. Deans l'a dit, de pouvoir faire de la recherche dans des domaines où on ne sait pas forcément ce qu'on fait, mais est-ce qu'on ne devrait pas limiter certains types de recherche? Il ne faut pas oublier les réalités financières. J'aimerais lire une liste de quatre subventions accordées par le Conseil de recherches en sciences humaines au cours de ces dernières années et donner en même temps les montants: idolâtrie et pratiques religieuses au Pérou colonial, 97 000 $; les origines sociales de la chanson lyrique médiévale en latin, 42 000 $; les aspects politiques de la culture et de l'identité dans la préparation et l'exécution de festivals, 60 000 $; et enfin, les influences sociales des jeux vidéo sur la croissance, 100 760 $.

La vérité, c'est que les contribuables sont assez outrés lorsqu'ils entendent parler de telles subventions accordées pour des sujets qui leur semblent ne pas avoir la moindre utilité. J'aimerais connaître votre opinion.

Vous proposez qu'on augmente de 60 p. 100 le budget de ce conseil. À mon avis, si nous voulons consacrer plus d'argent à la recherche et au développement, je pense qu'on ferait mieux de passer par le CRSNG. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Voici ma seconde question. Monsieur Gaffield, tout à l'heure vous avez mentionné certaines choses comme l'histoire du Canada. Je ne dis pas que la recherche en sciences sociales et humaines n'est jamais utile, mais avez-vous des projets pour examiner et éliminer le type de subventions que je viens de mentionner et auxquelles les contribuables n'accordent aucune valeur?

M. Chad Gaffield: Certainement, avec plaisir. Je vous remercie d'avoir posé cette question.

Pour commencer, sur le plan des restrictions, il faut se souvenir qu'un sixième des projets soumis sont approuvés; par conséquent, les cinq sixièmes des projets ne sont pas approuvés.

• 1105

Je reviens aux quatre projets que vous avez mentionnés. J'aimerais beaucoup pouvoir vous parler de tous les quatre, mais je me contenterai des jeux vidéo. Je pense qu'un des phénomènes les plus répandus, peut-être les plus mal compris, et parfois même menaçants, ce sont les adolescents que l'on voit dans les salles de jeux électroniques d'un bout à l'autre du pays. Qu'est-ce que cela signifie? Comment pouvons-nous comprendre cela? Quel est le besoin? Pourquoi sont-ils là? Quel mécanisme est à l'oeuvre?

Très souvent, les enfants et les adolescents qu'on voit dans ces salles... je les ai vus jouer dans ces salles, je me suis demandé pourquoi ils étaient là. À mon avis, ce genre de recherche est excessivement nécessaire. Devons-nous ignorer ce genre de phénomène et nous dire: après tout, ce sont des jeux vidéo, ces enfants-là sont attirés par ce genre de jeux? De quels jeux s'agit-il? Quel est leur contenu? Il se trouve que ce sont souvent des jeux pornographiques, par exemple. Quel est le rapport avec notre société?

Vous lisez le titre de ces projets et vous vous dites: c'est ridicule, nous n'avons vraiment pas besoin de savoir cela. Mais en réalité, quand vous vous penchez sur le projet, vous comprenez pourquoi il a été conçu, pourquoi il a été retenu alors que cinq autres ont été rejetés.

Je suis donc tout disposé à discuter de l'un de ces projets que vous avez nommés, et je suis convaincu qu'ils ont une importance centrale pour notre société. L'exemple des jeux vidéo me vient immédiatement à l'esprit, et je conçois très bien que cela soit très important, et ce sont des réponses que j'aimerais connaître.

La présidente: Merci. Merci, monsieur Pankiw.

Monsieur Deans, vous aviez une courte observation.

M. Derreck Deans: Si j'ai bien compris, notre témoin a dit que l'argent devrait être canalisé par le CRSNG, et non pas par le Conseil de recherches en sciences humaines. Je reviens au projet vidéo; il y a beaucoup de contribuables... c'est un mot qui me met mal à l'aise. Beaucoup de parents se demanderont plutôt pourquoi ils ne réussissent pas à convaincre leurs enfants de participer à des discussions familiales et à des activités familiales, parce que leurs enfants sont vissés devant le poste de télévision ou l'écran vidéo.

Je ne pense pas qu'ils s'inquiètent tellement de voir comment les chercheurs s'y prennent pour accélérer le rythme de ces jeux vidéo, comment ils peuvent ajouter des options, etc., ce qui relèverait plutôt du CRSNG. À mon avis, ils préféreraient savoir comment parler à leurs enfants, quelles sont les influences auxquelles ceux-ci sont exposés, qu'est-ce qui les pousse à préférer les jeux vidéo à des discussions familiales.

La présidente: Merci.

M. Jim Pankiw: J'aimerais préciser ma question. Vous dites qu'à votre avis on n'a pas vraiment besoin d'un examen plus approfondi que ce qui se fait déjà?

M. Chad Gaffield: À l'heure actuelle, cinq projets sur six sont éliminés, ce qui me semble inacceptable. Nous pourrions en arriver à un projet sur neuf; est-ce que cela serait utile? Ce que j'essaie de vous expliquer, c'est que la concurrence est tellement forte à l'heure actuelle qu'il serait impensable de considérer que les projets que vous avez mentionnés ne sont pas importants.

La présidente: Merci. Merci, monsieur Pankiw.

Monsieur Bellemare, vous avez une courte question?

M. Eugène Bellemare. Oui, j'allais dire que les réformistes se moquent volontiers des études sociales et que tout d'un coup le Bloc québécois voudrait nous voir plus actifs sur le plan de la recherche, de l'éducation, etc. Mais je reviendrai sur ce sujet un autre jour.

Sur le plan pratique, si vous voulez plus d'argent, il semble qu'il faut vous adresser au bureau central, au recteur de l'université, etc. Il faut penser aux étudiants. Vous avez dit que les étudiants ont de lourdes dettes, et pour cette raison ils se détournent de la recherche au niveau du deuxième cycle. Que pensez-vous de la solution suivante: que le gouvernement accorde une subvention aux étudiants pour rembourser cette dette, ou un crédit d'impôt, et cela serait versé directement à l'étudiant au lieu d'aller à l'institution, qui de son côté choisit certains projets et certains étudiants à financer?

M. Robert Giroux: Monsieur Bellemare, nous nous occupons très activement et très énergiquement de toute la question de l'endettement des étudiants, et vous avez raison. En fait, vous dites exactement ce que nous disons nous-mêmes au gouvernement, à savoir qu'il faut s'attaquer à ce problème.

Mais il faut examiner la situation sous deux angles. Nos investissements dans l'avenir—car nous les considérons comme des investissements, comme Mme Lalonde l'a indiqué—doivent être faits sur deux fronts. Nous devons innover. Nous devons produire des richesses grâce à la recherche-développement et, en même temps, nous devons le faire en incitant les gens, les travailleurs du savoir, à obtenir un diplôme universitaire. Un certain nombre de ces diplômés se lancent dans la recherche tandis que d'autres vont directement participer à l'économie pour lui apporter leur contribution.

• 1110

Nous devons donc travailler sur les deux fronts. C'est ce que les universités font à l'heure actuelle. Et si vous vouliez parler de l'endettement des étudiants, les mêmes organismes seraient représentés autour de la table, car nous avons une table ronde d'organismes qui se penchent sur ce problème. En fait, nous allons comparaître devant le Comité des finances pour parler précisément de cette question.

Il ne s'agit pas toutefois de faire un choix entre ces deux considérations. Les deux sont extrêmement importantes et représentent des secteurs dans lesquels le gouvernement doit investir davantage.

La présidente: Merci. Merci, monsieur Bellemare.

Monsieur Axworthy.

M. Chris Axworthy: Je voudrais seulement remercier M. Gaffield d'avoir souligné—et je sais combien il est décourageant d'avoir à le répéter constamment—que ces questions ne sont pas aussi simples que nous le souhaiterions tous. Si elles l'étaient, nous les aurions sans doute déjà réglées, et s'il était possible de prédire l'avenir, nous serions en train de parler de ce que sera cet avenir sans trop craindre de nous tromper.

C'est tout un processus. Il n'est pas possible de savoir avec précision où se diriger. Il faut peut-être 15 ans pour produire un ingénieur chimiste. Vous pouvez décider aujourd'hui qu'il en faut un. Dans 15 ans, lorsque cet ingénieur sera prêt, vous n'en aurez peut-être plus besoin. Mais nous devons être prêts à commettre ce genre d'erreur, et il faut inciter les gens à commettre des erreurs afin qu'ils puissent trouver les bonnes réponses.

Il ne faut pas oublier que les choses ne sont pas si simples et qu'il faut laisser aux experts le soin de décider ce qu'il y a lieu de faire. Même si nous n'allons pas droit au but, nous devons aller de l'avant en élargissant suffisamment notre rayon d'action pour atteindre notre cible plus souvent que nous ne la ratons.

Je tiens également à vous remercier d'avoir signalé, en réponse à la question de M. Pankiw, qu'étant donné la rapidité avec laquelle notre mode de vie évolue, nous devons changer la façon dont nous réagissons. Nous avons tous pu constater que nous ne comprenons pas les enfants dans un monde qui évolue si vite et peut-être que nous ne nous comprenons pas très bien non plus entre nous. Je trouve incroyable que l'on puisse compromettre la recherche—c'est peut-être parce que je suis un expert des sciences sociales, un avocat... j'ignore si cela fait de moi ou non un expert des sciences sociales—que l'on puisse compromettre l'étude de la façon dont nous fonctionnons, ce que font les sciences sociales dans une certaine mesure. Je voulais seulement vous remercier d'avoir souligné la futilité de ce genre d'attitude.

La présidente: Merci, monsieur Axworthy.

Monsieur Pankiw, vous aviez une brève question, la dernière.

M. Jim Pankiw: J'ai une brève question à poser.

Dans votre exposé, vous avez dit que la recherche universitaire produit pour 76 milliards de dollars de biens et services. Comment êtes-vous arrivés à ce chiffre?

M. Robert Giroux: Ce sont les estimations qui ont été faites. Pourrais-je vous donner cette réponse ultérieurement? Je ne m'en souviens pas exactement. Je sais que nous avons fait des recherches à ce sujet, mais je vous ferai parvenir des précisions quant à la façon dont nous sommes parvenus à ce chiffre.

M. Jim Pankiw: Par l'entremise de la recherche, c'est cela?

M. Robert Giroux: En effet. Cela comprend la recherche réalisée dans les universités et dans les industries qui sont le résultat de cette recherche. Nous en avons eu un bon exemple à l'Université de la Saskatchewan. C'est donc sur cette base que ce chiffre a été établi, mais nous pouvons vous fournir plus de précisions.

La présidente: Merci.

Mme Alarie a une dernière question.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Madame la présidente, j'aurais un petit commentaire et une petite question.

On s'inquiète beaucoup de l'avenir des universités. J'ai eu un choc l'an passé. Je suis allée remettre des bourses à des étudiants dans ma faculté où, il y a 30 ans, j'étais la seule fille sur une classe de 50. Là j'étais dans une classe de 250 personnes, et il y avait 54 p. 100 de filles. Mais ce n'est pas ça qui m'a le plus surprise. C'est que 60 p. 100 des bourses que j'ai remises étaient attribuées pour des sujets qui n'étaient pas découverts il y a 10 ans. Il aurait été difficile de prévoir puisqu'il s'agissait de choses innovatrices.

Ma question va dans le sens de celle de M. Bellemare. Dans votre plan de financement, vous parlez de 20 p. 100 de soutien aux étudiants. J'ai fait une petite recherche à l'Université Laval, où les étudiants, après le premier cycle, sont endettés d'environ 16 000 $. Donc, il y en a beaucoup qui ne vont pas à la maîtrise parce qu'ils sont trop endettés.

• 1115

Par ailleurs, pour ceux qui vont à la maîtrise ou au doctorat, prévoyez-vous, dans toutes les mesures que vous apporterez, de créer un lien pour que l'étudiant reste attaché, pas nécessairement à sa faculté mais au système universitaire en général? Sans cela on a un exode de cerveaux et on perd tout son investissement.

M. Robert Giroux: Nous avons fait dernièrement certaines études qui démontrent qu'en général, les universités perdent beaucoup de chercheurs qui sont en plein milieu de carrière, alors qu'ils sont essentiellement le plus productifs. On dit, et ce sont strictement des suggestions, qu'en accordant 20 p. 100 des augmentations aux carrières de recherche, vous allez encourager les gens de deuxième et troisième cycles à faire de la recherche, à rester, à s'associer avec un chercheur. Cela va leur donner le goût de rester au niveau universitaire, d'enseigner et de continuer à faire de la recherche.

S'ils n'ont pas cette aide, puisqu'ils ont déjà une dette qui commence à être énorme à la fin de leur premier cycle, ils se demandent s'il vaut réellement la peine de continuer et de s'endetter encore davantage. Si l'aide était là, ils continueraient, ils feraient de la recherche et ils resteraient au niveau universitaire.

Je pense qu'on commence à constater qu'il y a un exode qui devient sérieux de ce côté.

[Traduction]

La présidente: Merci. Merci, madame Alarie.

Je tiens à remercier nos témoins d'être venus se joindre à nous aujourd'hui. Nous n'avons pas souvent la chance de disposer d'autant de temps que nous en avons eu ce matin. Nous vous remercions de votre patience.

Je sais que tous les membres du comité auraient sans doute beaucoup d'autres questions à poser si le temps nous le permettait. Quand vous avez publié votre rapport en septembre, nous avons jugé très important de vous rencontrer le plus rapidement possible. Notre comité a réalisé son étude de l'innovation l'année dernière, et nous voulions y donner suite, savoir où nous en étions sur le plan de la recherche et ce que l'avenir nous réserve.

Vos observations d'aujourd'hui nous ont été très utiles. Dans le cadre de votre étude du niveau d'endettement des étudiants canadiens, je vous demanderais d'établir une comparaison entre les États-Unis et le Canada pour ce qui est du financement gouvernemental par rapport au niveau d'endettement des étudiants. Je sais que ce serait là des renseignements utiles. Les chiffres que vous nous avez communiqués aujourd'hui sont très importants pour nous situer sur le plan international et au sein du G-7.

Encore une fois, je tiens à vous remercier de vous être joints à nous.

Avez-vous un dernier mot à nous dire, monsieur Hough?

M. Paul Hough: Je voudrais simplement vous remercier de nous avoir invités. Nous avons beaucoup apprécié d'avoir pu vous rencontrer.

J'aurais deux messages à vous communiquer. Nous espérons vivement que votre comité donnera suite à notre rapport et au message qu'il contient. L'ensemble de notre secteur a beaucoup réfléchi et beaucoup travaillé pour définir les priorités que nous jugeons très importantes.

Je mentionnerai également que, comme l'a indiqué M. Axworthy, la coordination laisse à désirer depuis longtemps. Je me demande si votre comité ne pourrait pas remédier à cela dans une certaine mesure en permettant aux groupes de l'extérieur, aux groupes gouvernementaux et aux autres d'expliquer ce qui se passe. Cela vous fournirait l'occasion de dresser un inventaire de ce qui se fait dans les universités, dans le secteur gouvernemental, et même dans le secteur privé, pour que les ressources affectées à la recherche soient dirigées vers les secteurs qui en ont besoin, pour que les divers secteurs communiquent entre eux et pour que nous sachions où nous allons. Je pense que votre comité a véritablement un rôle à jouer à cet égard, et si nous pouvons faire quoi que ce soit pour vous y aider, ce sera avec grand plaisir.

Merci.

La présidente: Merci.

La séance est levée.