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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 décembre 1997

• 1535

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément à notre ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 25 novembre 1997, nous entreprenons l'examen du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada.

Notre premier témoin a déjà pris place. Nous entendrons quatre témoins aujourd'hui, par période d'une demi-heure chacun. Monsieur Hudson Janisch, vous voulez bien commencer?

M. Hudson Janisch (professeur, témoignage à titre personnel): Madame la présidente, je m'appelle Hudson Janisch. Je suis ici pour vous parler de la mesure législative dont vous êtes saisis. J'ai distribué 30 exemplaires de mon mémoire, et j'espère que chaque membre du comité en a reçu un.

Pour commencer, je devrais vous donner quelques références à mon sujet. J'ai joint à mon mémoire une copie de mon curriculum vitae. J'y mentionne le travail très étendu que j'ai fait depuis plus de 30 ans dans plusieurs aspects de la loi, des politiques et des règlements en matière de télécommunications. C'est pourquoi j'apprécie grandement votre invitation à comparaître devant vous aujourd'hui et de participer à vos délibérations au sujet de cette mesure législative importante.

Si je m'intéresse particulièrement à cette modification de la Loi sur les télécommunications, c'est qu'en 1992 j'ai travaillé de près, à titre de conseiller du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, à une étude préliminaire détaillée du projet de loi C-62, qui est devenu par la suite la nouvelle Loi sur les télécommunications.

Le rapport du comité permanent, dont le sénateur Donald Oliver était président, a eu des effets très importants sur le projet de loi C-62, qui a par la suite été modifié en profondeur à la Chambre des communes.

En annexe B de mon mémoire, j'ai joint un article sur la politique des télécommunications dans lequel je souligne les principes qui étayent cette loi. Comme vous le savez sans doute, madame la présidente, il s'agit d'une loi très complexe. Dans cet article, j'essaie d'identifier les éléments les plus importants de la loi et les principes les plus importants sur lesquels elle s'appuie.

Aujourd'hui, j'estime que certaines modifications proposées au projet de loi C-17 mineraient de façon profonde et non justifiée certains des principes fondamentaux de la Loi sur les télécommunications. Pour reprendre une métaphore courante, j'estime que nous risquons fort que la charrue de nos obligations internationales et de leur mise en oeuvre dans les accords de l'OMC et de l'AGCS se retrouve devant les boeufs de notre politique nationale des télécommunications. Autrement dit, nous prenons la chose à l'envers. En réagissant de la façon proposée à l'accord signé avec l'OMC, nous risquons de nous immiscer trop profondément dans les principes établis qui régissent notre législation en matière de télécommunications.

Lorsqu'on a rédigé la Loi actuelle sur les télécommunications, on a grandement réfléchi à la question des régimes de licences— comme vous l'auront sans doute dit d'autres témoins—et l'on a choisi délibérément, et je souligne le mot «délibérément», de ne pas créer de régime de licences. À mon avis, c'était une sage décision, qui nous a permis d'avoir, au Canada, un marché des télécommunications beaucoup plus dynamique et compétitif.

Deuxièmement, lorsqu'on a décidé des règlements qui découleraient de la Loi sur les télécommunications, on a encore choisi délibérément de ne pas appliquer de réglementation générale à tous les fournisseurs de services de télécommunications. On a décidé, au lieu, de limiter la réglementation aux entreprises de télécommunications qui offrent leurs services grâce à des installations importantes de transmission.

On peut donc se demander—comme le devrait le comité—si le secteur canadien des télécommunications vit maintenant une crise suffisamment grave pour nécessiter une modification aussi considérable des fondements de sa réglementation, qui a si bien fonctionné jusqu'à maintenant.

Dans la mise en oeuvre de l'Accord général sur le commerce des services, il ne faut pas oublier que l'un des principes cardinaux du quatrième protocole de cette entente est celui de la proportionnalité. Cela signifie que les mesures de réglementation ne doivent pas être de portée illimitée, mais doivent plutôt être directement proportionnelles au tort contre lequel on veut se prémunir. C'est l'un des engagements que nous avons pris dans nos négociations de l'AGCS et du quatrième protocole.

• 1540

Compte tenu de cela, je recommande que le comité s'enquière auprès des promoteurs et des partisans de cette mesure législative de la nature du tort qui nécessite de telles mesures. Le comité devrait également leur demander pourquoi ce risque ne pourrait être évité au moyen des méthodes de réglementation actuelles—c'est-à-dire la gamme des décisions du CRTC, des ordonnances et des tarifs déjà contenue dans la Loi sur les télécommunications.

Il faut également se rappeler que la principale préoccupation de tout régime de licences éventuel, c'est-à-dire les restrictions d'acheminement, n'existerait que pendant une période très brève. Cette période, pendant laquelle le Canada pourrait jouer un rôle considérable à l'égard des règles d'acheminement, serait de tout au plus deux ans. Je me demande s'il serait judicieux de créer un régime de licences pour une aussi brève période.

Je m'inquiète également des conséquences que pourrait avoir l'application d'un régime de licences à ce qui est de loin notre principale source de trafic international. Soixante-seize pour cent des télécommunications internationales du Canada transitent entre le Canada et les États-Unis; ces télécommunications n'ont jamais jusqu'à présent été assujetties à un régime de licences. Et pourtant ces télécommunications ont connu une croissance remarquable. Nous pouvons nous vanter partout dans le monde d'avoir, entre le Canada et les États-Unis, le marché de télécommunications transfrontalier le plus prospère qui soit.

Sous le régime de l'AGCS, nous devons observer le principe de la nation la plus favorisée. Par conséquent, si nous imposons un régime de licences, nous devrons immédiatement nous demander si ce régime doit également s'appliquer au trafic entre le Canada et les États-Unis, au risque de provoquer la colère de nos voisins américains, ou si nous devons assouplir ce régime de licences en fonction des leçons que nous avons tirées de la réussite extraordinaire du marché entre nos deux pays. Je soumets que le comité doit tenir compte de cet élément et ne pas perdre de vue son importance.

Dans les discussions qui ont mené à la rédaction de ce projet de loi, plusieurs ont mentionné, surtout les fonctionnaires d'Industrie Canada, le caractère bénin du régime de licences proposé. À mon avis, il est tout à fait possible de créer un régime de licences vraiment bénin qui prévoit des mesures d'enregistrement et d'identification, qui exige des attestations quant au respect des règles canadiennes sur l'acheminement et les paiements de contribution et qui nécessite des rapports annuels, en fonction de l'acheminement.

Si on estime nécessaire d'adopter le régime de licences de plus grande portée qui est proposé, je soumets qu'il serait possible d'y apporter un certain nombre de modifications que le comité jugera peut-être intéressantes.

Premièrement, je trouve assez logique la proposition présentée par Bell Canada, Stentor et d'autres voulant que le régime de licences soit limité aux services internationaux, afin d'éviter de mettre en place un régime de licences à niveaux multiples au Canada, alors qu' on y a fait le choix délibéré de ne pas mettre en place de régime de licences.

Deuxièmement, nous devrions examiner sérieusement la proposition relative à une clause d'extinction. On pourrait peut-être justifier l'existence d'un régime de licences à l'égard des télécommunications internationales, mais comme Telus l'a bien fait remarquer, ce régime ne devrait pas être permanent.

• 1545

Enfin, dans l'examen approfondi de la mesure proposée, il conviendrait peut-être d'éliminer le pouvoir illimité d'établir ou de modifier les conditions dont est assortie chaque licence. J'ai mentionné plus précisément où se trouve la référence à cette mesure dans le projet de loi C-17. Il s'agit du pouvoir d'établir les conditions des licences et de les modifier, selon le cas.

À mon avis, ce pouvoir mènera inévitablement à un régime de réglementation beaucoup plus tyrannique que ce qui était envisagé. Si le pouvoir en matière de licences se limitait à l'établissement de catégories sans pour autant permettre au CRTC d'assortir chaque licence de conditions, on montrerait mieux le caractère limité du régime de licences mis en place par ce projet de loi et on respecterait de plus près la promesse d'un régime de licences bénin.

Pour conclure, permettez-moi de mentionner quelque chose qui me semble tout à fait extraordinaire. C'est la Loi sur la radiodiffusion qui est la principale source de licences en matière de communications. Et pourtant, cette loi limite de façon précise les conditions dont le CRTC peut assortir les licences. En effet, sous le régime de la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC ne peut modifier les conditions des licences que cinq ans après leur délivrance ou leur renouvellement.

Je trouve incongru, à tout le moins, que dans un domaine où un régime de licences me semble moins justifié que dans le cas de la radiodiffusion, on crée un pouvoir illimité—ou du moins on propose de donner ce pouvoir à l'organisme de réglementation—à l'égard de l'établissement ou de la modification des conditions dont est assortie chaque licence alors que ce même pouvoir est expressément limité dans la Loi sur la radiodiffusion. Il me semble que vous devriez au moins demander des explications quant aux raisons qui motivent une telle mesure.

Voilà mes principaux commentaires sur le projet de loi. Je suis très heureux, je le répète, de venir vous rencontrer aujourd'hui et de participer à vos délibérations. Si vous avez des questions à me poser maintenant ou à une date ultérieure, je serai très content d'y répondre.

Merci beaucoup, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Janisch.

Monsieur Lowther, avez-vous des questions à poser?

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Oui, merci, madame la présidente.

Monsieur Janisch, je suis très impressionné par votre curriculum vitae. Vous semblez avoir surtout travaillé dans le domaine du droit, n'est-ce pas?

M. Hudson Janisch: Oui, mais j'ai eu la chance de faire mon droit à l'Université de Chicago, ce qui m'a permis d'avoir des horizons un peu plus vastes.

M. Eric Lowther: D'accord. Vous avez également des années d'expérience dans le domaine des télécommunications, semble—t-il, surtout à titre d'expert-conseil. C'est bien cela?

M. Hudson Janisch: Non, pas surtout comme expert-conseil. J'enseigne à plein temps à l'université. La majeure partie de mon travail a été réalisée en milieu universitaire, mais j'ai aussi beaucoup travaillé comme expert-conseil. Enfin, mon expérience remonte au dossier du tarif de Bell Canada en 1968.

Lorsque je me trouve dans une salle pleine d'experts comme celle-ci, je demande toujours si quelqu'un d'autre a travaillé au dossier du tarif de Bell Canada en 1968. Cela me déprime de constater que le nombre de ceux qui étaient là est toujours plus petit.

Des voix: Oh, oh.

M. Eric Lowther: J'ai trouvé votre exposé très intéressant. Vous semblez partir d'un point assez élevé, et vous dites que si nous ne pouvons atteindre ce point nous devrions adopter une position moins élevée, qui est un peu celle de Stentor et d'autres groupes que nous avons entendus, c'est-à-dire un régime de licence pour les télécommunications internationales.

Permettez-moi de revenir à votre premier postulat, c'est-à-dire que si nous devons avoir un régime de licences, il faudra se demander contre quel risque nous devons nous prémunir. Vous avez également demandé quels seraient les avantages d'un régime de licences qui ne pourrait s'appliquer que pendant deux ans, le temps que la concurrence s'ouvre ici.

• 1550

Avez-vous une idée de ce contre quoi nous essayons de nous protéger, dans les communications internationales, grâce à ce régime de licences découlant de l'accord conclu avec l'OMC? Quel est-il, ce grand risque? Pourquoi avons-nous besoin d'un régime de licences à l'égard des communications internationales?

M. Hudson Janisch: Pour commencer, je ne suis pas persuadé que nous ayons besoin d'un régime de licences. La Loi sur les télécommunications contient déjà des dispositions conçues, de toute évidence, pour donner au CRTC des pouvoirs qui ne s'appliquent pas seulement aux entreprises canadiennes de télécommunications.

Par exemple, sous le régime du paragraphe 37(2) de la loi actuelle, le CRTC peut demander des renseignements de toute personne—c'est-à-dire de toute entreprise, pas seulement des entreprises canadiennes.

Sous le régime de l'article 51 de la loi actuelle, le CRTC peut rendre des ordonnances. Le libellé est extrêmement englobant:

    Le Conseil peut ordonner à quiconque d'accomplir un acte ou de s'en abstenir, conformément aux modalités de temps et autres qu'il précise, selon que cet acte est imposé ou interdit sous le régime de la présente loi [...]

Ces ordonnances du Conseil peuvent être exécutées par le truchement de la Cour fédérale, qui peut sanctionner les délits d'outrage, etc.

Donc, d'après mon analyse du problème, ce n'est pas que le CRTC manque de pouvoir, mais plutôt qu'il manque de la volonté politique d'utiliser ce dont il dispose déjà.

M. Eric Lowther: Croyez-vous que nous devrions mettre en oeuvre l'accord de l'OMC, le processus de participation de l'OMC aux télécommunications, sans un régime de licences?

M. Hudson Janisch: Je crois que ce serait tout à fait possible. Dans l'un des mémoires que vous avez reçus, peut-être celui de Stentor ou de Bell, on dit qu'un tel régime n'est pas obligatoire du point de vue légal. Donc, légalement, nous ne sommes pas obligés de mettre en place un régime de licences. Nous devons nous demander si un tel régime est nécessaire. Cela devrait être le point de départ de cette discussion.

M. Eric Lowther: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lowther.

Madame Jennings, avez-vous des questions?

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Oui.

Certains de nos témoins d'hier, Telus et Stentor, je crois, nous ont parlé de la situation des revendeurs. Stentor nous a dit qu'à l'heure actuelle les revendeurs ne sont pas assujettis à la réglementation, mais que si le gouvernement souhaitait qu'ils soient assujettis aux pouvoirs du CRTC, il suffirait de modifier l'article 24 de la loi. Toutefois, ce n'était pas une recommandation dans leur mémoire. Par la suite, une entreprise de revente, dont j'oublie le nom, est venue témoigner et a déclaré souhaiter être assujettie à la réglementation.

M. Hudson Janisch: Ne s'agissait-il pas d'ACC?

Mme Marlene Jennings: Oui, merci.

Les représentants d'ACC nous ont dit qu'ils souhaitaient être assujettis à la réglementation et qu'ils étaient d'accord pour que le CRTC reçoive les pouvoirs conférés par le projet de loi C-17.

J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, parce que les représentants de Stentor nous ont dit par la suite qu'ils avaient eu l'intention d'ajouter cette recommandation à leur témoignage, mais qu'ils ne l'avaient pas fait, parce qu'ils se sentaient mal à l'aise de proposer que les revendeurs soient assujettis à la réglementation. Ils croyaient que les revendeurs ne voudraient pas que ce soit le cas. Ils ont dit également que si les revendeurs veulent être assujettis à la réglementation, il vaut mieux modifier l'article 24 plutôt que d'étendre au marché national les pouvoirs d'octroi de licences qui sont maintenant proposés à l'égard du marché international. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, en ce qui a trait aux revendeurs.

M. Hudson Janisch: J'ai jeté un coup d'oeil sur cette proposition, et elle me semble assez logique. C'est-à-dire que si l'on veut éviter de mettre en place un régime de licences général à plusieurs niveaux, il y a plusieurs moyens qui permettraient de les assujettir à la réglementation, dont l'application de l'article 24.

• 1555

Au risque de paraître un peu têtu dans ma défense du travail réalisé il y a quelques années par le comité du Sénat et dans le cadre du processus législatif, je ne suis toujours pas convaincu que nous ayons dépassé ce seuil initial.

De nos jours, le ministre, le ministère, le CRTC et tous les autres disent qu'il faut moins de réglementation, qu'il faut plutôt être des arbitres et ne plus participer activement au secteur. Je trouve étonnant, pour ma part, qu'au nom de la mise en oeuvre de l'accord de l'OMC on propose tout à coup ce nouveau régime de réglementation que nous aurions rejeté il y a quatre ans à peine.

Mme Marlene Jennings: Puis-je poser une question, madame la présidente?

Compte tenu de votre réticence quant aux pouvoirs d'octroi de licences conférés au CRTC, préféreriez-vous que le pouvoir d'action du CRTC soit facultatif plutôt qu'obligatoire dans le projet de loi? De cette façon, le CRTC pourrait étudier les diverses possibilités que vous avez mentionnées sous les régimes du paragraphe 37(2) et de l'article 51 afin de voir si ce qui existe déjà suffit. Si ce n'est pas le cas, la loi permettrait alors au Conseil de prendre des règlements si les autres propositions ne peuvent résoudre le problème efficacement. Seriez-vous davantage d'accord avec une telle mesure?

M. Hudson Janisch: Ce serait sans doute la meilleure façon de procéder, mais je continuerais d'être inquiet, parce que, si vous regardez le libellé de la mesure législative proposée, on y met en place un vaste régime de réglementation en application du pouvoir d'octroi de licences.

Comme je l'ai dit, le Parlement donnerait ainsi au CRTC le pouvoir non seulement de créer des catégories de licences, mais aussi, au sein de ces catégories, d'assortir chaque licence de conditions précises. C'est un pouvoir que le Conseil n'a pas dans le domaine de la radiodiffusion, alors que dans ce domaine ce pouvoir serait bien plus justifié. J'aimerais que le libellé soit revu de façon à limiter ce pouvoir, mais ce que vous proposez serait peut-être une bonne solution.

Mme Marlene Jennings: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings. Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Bonjour, monsieur. J'imagine qu'étant passé par l'école de Chicago, vous n'êtes pas tellement en faveur de l'intervention de l'État dans les télécommunications. Vous êtes un praticien de grande expérience et c'est intéressant que vous puissiez être ici.

J'enchaînerai sur la question posée par Mme Jennings. Hier soir, ACC nous a dévoilé une petite partie de l'activité, mais j'imagine que les compagnies de ce type peuvent se développer du moment que les capacités sont très grandes et ne sont pas toujours utilisées par les très grandes compagnies qui font la concurrence en se complétant au Canada.

Cependant, votre acharnement à vouloir éviter aux compagnies de télécommunication l'obligation de passer par la licence et de se soumettre à la Loi sur les télécommunications me fait m'interroger. En repassant cette loi, que vous connaissez certainement beaucoup mieux que moi, je vois par exemple à l'article 9:

    9. (1) Le Conseil peut, par ordonnance, soustraire, aux conditions qu'il juge indiquées, toute catégorie d'entreprises canadiennes à l'application de la présente loi s'il estime l'exemption [...] compatible avec la mise en oeuvre canadienne de la politique canadienne de télécommunication.

Ce pouvoir que le gouvernement se donne—parce que le ministre se donne des pouvoirs supplémentaires et en accorde aussi au CRTC—m'apparaît être dans le cadre d'une industrie qui évolue très rapidement et dont on ne peut prévoir aujourd'hui ce qu'elle sera dans deux, trois ou quatre ans en termes de conditions, de technologie et de services offerts.

• 1600

Il me semble que le CRTC a été loin d'abuser de ses pouvoirs; au contraire, les consommateurs estiment qu'il ne les a pas utilisés suffisamment et que le ministre a été trop complaisant avec les grandes entreprises. On comprend que les consommateurs et les entreprises aient parfois des intérêts convergents, mais parfois aussi des intérêts divergents.

Alors, pourquoi estimez-vous si dommageable que les fournisseurs de services de télécommunication puissent être soumis à des licences?

[Traduction]

M. Hudson Janisch: Ma réponse me reporte probablement aux années que j'ai passées à Chicago. Comme vous le reconnaissez si bien, cette industrie évolue si rapidement que l'imposition de licences, de règlements et d'autres mesures de ce genre peut inhiber sa capacité de transformation. Car c'est bien une industrie en transformation, et c'est pourquoi elle m'a toujours fasciné. J'ai commencé à m'y intéresser activement à l'époque où il s'agissait d'un monopole absolu, d'un des grands monopoles dans le monde. J'ai participé à tout le processus, à son évolution vers une compétitivité toujours plus grande.

Le temps est maintenant venu de voir les télécommunications comme une industrie compétitive. La dernière chose que l'on puisse vouloir, c'est de lui imposer de nouveaux règlements, car cela l'assujettirait à la Loi sur la concurrence. C'est une industrie qu'il faudrait maintenant examiner. Si l'on craint une domination abusive du marché pour l'établissement de prix abusifs, c'est dans le droit de la concurrence qu'il faudrait trouver des solutions. Plus on continuera de s'orienter vers l'octroi de licences et de la réglementation, plus on empêchera les pouvoirs en matière de concurrence de jouer un rôle efficace.

Je ne dis pas qu'il faut cesser de discipliner les marchés. Mais compte tenu de l'évolution si dynamique que vous avez vous-même reconnue, ce serait un tort, à mon avis, d'imposer maintenant à cette industrie des licences et des règlements traditionnels.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'aurais une sous-question, madame la présidente. Le marché à lui seul ne peut pas régler tous les problèmes. La concurrence fera en sorte que les entreprises vont développer davantage la technologie. Quand on regarde juste ça, sans regarder les consommateurs et ce qui se passe sur le terrain des vaches, c'est beau à regarder.

Nous, les députés, et le gouvernement qui gère au nom de la société avons à nous préoccuper de ce qui arrive aux individus. Dans cette mesure, la concurrence est efficace quand il y a du volume et quand les entreprises ont intérêt à s'occuper des consommateurs. Par contre, quand ce n'est pas le cas, il y a des risques que, quelles que soient les combinaisons du marché, ce soient les consommateurs qui paient le prix. À mon avis et selon ce que j'en connais, ce qui s'est passé dans le domaine du transport aux États-Unis est un exemple à ne pas suivre.

Dans cette mesure, je me sens rassurée—j'aimerais ça qu'il soit québécois, mais ça c'est autre chose—qu'il ait des pouvoirs de réglementation parce que ça va vite. S'il faut se réveiller et faire une loi, ça prend deux ans. Je préfère qu'il ait des pouvoirs, quitte à ce qu'il ne les utilise pas et qu'on gueule contre le gouvernement parce qu'il ne les utilise pas.

[Traduction]

M. Hudson Janisch: Je comprends très bien votre sentiment, mais j'ai l'impression que nous sommes en train d'installer une contradiction dans nos politiques. D'une part, nous reconnaissons—comme vous l'avez fait il y a un instant—l'extraordinaire évolution des télécommunications. Nous voyons les avantages remarquables que ces changements offrent aux consommateurs, entreprises et particuliers, mais il serait difficile de dire que dans l'industrie des télécommunications il n'y a pas eu d'avantages significatifs. Plus personne ne voudrait revenir à un régime de monopole. Nombreux sont ceux qui comprennent maintenant les avantages de la concurrence, mais le danger est...

Mme Francine Lalonde: Mais qu'en est-il des moins bien nantis?

• 1605

M. Hudson Janisch: Même les moins bien nantis font de nombreux appels interurbains.

Mme Francine Lalonde: Non, non, non.

M. Hudson Janisch: Lorsque j'ai étudié cette question, on m'a fait remarquer que les factures les plus élevées d'interurbains, par habitant, il y a 10 ans, se trouvaient dans la province de Terre-Neuve, où on trouvait également les revenus les plus faibles par habitant. Il serait donc faux de dire que les personnes pauvres ne font pas d'appels interurbains. La pauvreté provoque l'éparpillement des familles, qui doivent utiliser les télécommunications interurbaines pour demeurer en contact.

Mme Francine Lalonde: Ce n'est pas ce que disent les associations de consommateurs.

M. Hudson Janisch: Permettez-moi d'achever mon propos. Si l'on prend la tendance des télécommunications au cours des 10 dernières années—on pourrait même remonter à 30 ans, mais je ne vous ennuierai pas en le faisant—vous constaterez une progression constante vers une dépendance plus grande par rapport à la concurrence. Ce serait un tort... On pourrait justifier l'existence d'un régime de licences très restreint, pour une période de transition assujettie à une clause d'extinction, pour nous permettre de traverser les quelques prochaines années. Cela pourrait se justifier, mais on ne saurait justifier un régime de licences général. Cela va à l'encontre de tout ce qu'a fait ce gouvernement, de tout ce qu'ont fait les gouvernements antérieurs. En fait, je dirais que cela irait même à l'encontre de la loi actuelle sur les télécommunications. Pourquoi ajouterait-on maintenant à la loi une telle contradiction?

La présidente: Merci, madame Lalonde. J'ai l'impression que nous pourrions poursuivre cette discussion pendant très longtemps, mais nous avons d'autres témoins à entendre.

Monsieur Janisch, au nom de tous les membres du comité, je vous remercie de votre témoignage et de votre présence parmi nous. Nous savons maintenant à qui nous adresser si nous avons besoin d'un expert. Merci beaucoup.

M. Hudson Janisch: C'est moi qui vous remercie, madame la présidente. Cela m'a fait plaisir de venir vous rencontrer.

La présidente: Nous entendrons maintenant les représentants de Call-Net, M. Robert Boron, vice-président principal, M. Jean Brazeau, vice-président, Réglementation, et M. Jonathan Daniels, conseiller en matière de réglementation. Monsieur Boron.

M. Robert Boron (vice-président principal, Call-Net): Merci, madame la présidente.

J'ai remis au comité un certain nombre d'exemplaires d'un mémoire qui servira de base à mon exposé d'aujourd'hui. J'ai joint à ce document un certain nombre d'annexes dans lesquelles nous proposons des amendements. Je vous parlerai de ces amendements dans mon exposé.

Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas notre entreprise, je dirai que Call-Net est entièrement propriétaire de Sprint Canada, l'autre grande entreprise de services interurbains au Canada. Nous offrons des services de télécommunications dans toutes les provinces du pays. Notre entreprise compte environ 2 000 employés dans tout le Canada. Call-Net est une entreprise cotée en bourse appartenant à des Canadiens et contrôlée par des Canadiens. Notre entreprise est titulaire d'une licence de la Sprint Corp., qui nous permet d'utiliser l'appellation «Sprint» au Canada.

Puisque nous fournissons des services de télécommunication internationale aux consommateurs et aux entreprises de tout le pays, les questions abordées dans le projet de loi C-17 sont extrêmement importantes pour notre entreprise. C'est pour cette raison que je vous remercie de nous permettre de témoigner devant votre comité cet après-midi.

• 1610

D'emblée, je signale que Call-Net appuie le projet de loi C-17. Ce projet de loi a surtout été conçu pour mettre en oeuvre les obligations du Canada dans le cadre de l'accord de base sur les télécommunications signé avec l'Organisation mondiale du commerce, accord dont Call-Net est très heureux.

Par sa participation à cet accord, le Canada veillera à ce que les pays étrangers ouvrent leurs marchés à la concurrence internationale, et il ouvrira lui-même son propre marché à la concurrence, entre autres en éliminant le monopole dont jouit Téléglobe. Dans un sens ou dans l'autre, ce sera profitable pour le Canada.

On pourra dire que l'élément le plus important des modifications proposées à la Loi sur les télécommunications, c'est la mise en place d'un régime de licences applicable aux fournisseurs de services de télécommunication. Dans l'ensemble, Call-Net est d'accord avec l'adoption d'un régime de licences, mais seulement à l'égard des fournisseurs de services internationaux.

Cela dit, le libellé actuel du projet de loi provoque chez nous certaines inquiétudes. Call-Net remarque que, dans la version actuelle, le régime de licences ne s'appliquerait pas seulement aux fournisseurs de services internationaux. À l'heure actuelle, le Canada n'applique pas de régime de licences aux fournisseurs de services nationaux, et nous estimons que la concurrence dans ce secteur est suffisamment surveillée.

Toutefois, l'adoption d'un régime de licences applicable aux fournisseurs de services de télécommunication internationale pourrait être justifiée par diverses raisons relatives au bon fonctionnement du marché et de la concurrence. À ce titre, Call-Net appuie la proposition de Stentor visant à ce que l'article 3 du projet de loi soit modifié par l'ajout du terme «internationale» chaque fois qu'est utilisée l'expression «fournisseurs de services de télécommunication» dans cet article.

En outre, Call-Net estime que le CRTC pourrait atteindre les objectifs du projet de loi en n'adoptant qu'un régime de licences par catégorie. Le CRTC n'a pas besoin de pouvoirs d'octroi de licences qui lui permettent d'établir ou de modifier les conditions dont sont assorties les licences des entreprises ou des fournisseurs de services.

Le CRTC serait doté de pouvoirs suffisants en s'assurant que les conditions des licences s'appliquant également à tous les membres d'une catégorie. Toutefois, le Conseil pourrait exercer les pouvoirs de correction contenus dans ces conditions, au besoin.

En éliminant du projet de loi les pouvoirs applicables à l'égard des licences individuelles, on s'assurera que le régime de licences du CRTC ne constitue pas un obstacle considérable à l'arrivée de nouveaux concurrents. C'est pourquoi Call-Net recommande que l'article 3 soit modifié par l'élimination de l'alinéa 16.3(2)b) proposé.

Call-Net s'inquiète également de l'étendue des pouvoirs que le projet de loi donne au CRTC en matière de contrôle sur les titulaires de licences. Il importe de noter que le projet de loi ne donne aucun détail sur ces pouvoirs; il énonce simplement que le CRTC peut établir les conditions visant les licences.

Call-Net estime que l'imprécision du projet de loi présente deux problèmes. D'abord, le CRTC pourrait tenter d'utiliser cette disposition pour s'attribuer des pouvoirs sur les fournisseurs de services, notamment les exploitants canadiens, pouvoirs qui dépassent ceux qui sont énoncés et spécifiquement décrits dans la loi. Deuxièmement, faute d'un libellé précis, un revendeur dont les intérêts seraient possédés ou contrôlés par des étrangers pourrait contester le pouvoir qu'a le CRTC de l'assujettir à l'un ou l'autre de ces pouvoirs qui sont essentiellement similaires à ceux qui sont énoncés dans la loi, mais qui ne visent, en vertu de celle-ci, que les exploitants canadiens.

Dans le premier cas, l'ambiguïté du libellé pourrait avoir pour conséquence que le CRTC détienne trop de pouvoirs; dans le deuxième, il n'en aurait pas suffisamment. Pour ces deux raisons, Call-Net recommande que le projet de loi soit amendé pour préciser que le CRTC a le pouvoir d'imposer des conditions de licence aux fournisseurs de services internationaux, pouvoir analogue à ceux qu'il détient en ce qui a trait à la réglementation des exploitants canadiens.

À cet égard, l'article 3 pourrait être amendé de manière que le paragraphe 16.3(2) de la loi dispose que:

    Il peut prévoit des conditions de la licence pour une catégorie de fournisseurs de services de télécommunication internationale ou une catégorie de services de télécommunication internationale, qui sont analogues mutatis mutandis aux pouvoirs que le Conseil peut exercer sur des exploitants canadiens en vertu de la loi.

Comme, de l'avis de Call-Net, seules des licences de catégorie sont nécessaires, nous demandons aussi la suppression des paragraphes 16.3(4), (5) et (6) du projet de loi, qui portent sur la période de validité, le renouvellement et l'incessibilité des licences individuelles. Ces dispositions deviendraient inutiles.

Le paragraphe 16.4(1) du projet de loi autorise le CRTC à révoquer ou à suspendre une licence «s'il a des motifs raisonnables de croire» que le titulaire a contrevenu aux conditions de la licence. Call-Net fait valoir que la justification de cette mesure ne doit pas être la conviction que peut avoir le CRTC, mais plutôt une constatation faite par ce dernier. Par conséquent, le paragraphe 16.4(1) devrait dire «si le Conseil constate que le titulaire a contrevenu» aux conditions de la licence.

• 1615

Pour ce qui est des pouvoirs de délégation du projet de loi, Call-Net estime que les pouvoirs de délégation, tels qu'ils sont définis à l'article 6, sont trop vastes. Ces pouvoirs de délégation, qui ne devraient être confiés qu'à des tierces parties sans lien avec aucun fournisseur de services, devraient être limités à une liste spécifique de pouvoirs du CRTC. Call-Net estime que l'article 46.1 du projet de loi devrait être amendé de manière que le libellé ne permette que la délégation de pouvoirs spécifiques du CRTC concernant l'administration de ressources en matière de numérotage, de transférabilité des numéros locaux et de services d'annuaires, de banques de données et de fonctionnement, de même qu'en ce qui a trait à l'administration d'autres questions techniques et à l'administration, au contrôle ou à l'utilisation de ressources partagées.

Call-Net estime que le Parlement ne devrait pas, d'entrée de jeu, permettre la très vaste délégation de pouvoirs du CRTC qui est actuellement prévue dans le projet de loi.

En outre, Call-Net redoute le régime établi pour régir les délégataires. Une fois qu'une tâche est déléguée par le CRTC, le délégataire a le pouvoir, en vertu du paragraphe 46.2(2) du projet de loi, d'examiner et de modifier sa propre décision, tout comme le CRTC. Le délégataire a aussi le pouvoir de faire inscrire sa décision auprès du tribunal pour en faire une ordonnance de la cour, tout comme le CRTC. Toutefois, contrairement au conseil, un individu n'a pas le droit d'en appeler d'une décision d'un délégataire en s'adressant au tribunal. Call-Net est d'avis que si les décisions du délégataire doivent être traitées comme celles du CRTC, les tribunaux doivent avoir le même pouvoir de les examiner.

C'est pourquoi Call-Net recommande que le paragraphe 46.2(2) soit amendé pour inclure ce droit d'appel. Ainsi, le paragraphe 46.2(2) du projet de loi disposerait que: «Pour l'application des articles 62, 63 et 64, toute décision du délégataire est réputée être une décision du Conseil.»

Enfin, en ce qui concerne la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada, Call-Net fait remarquer que l'article 19 du projet de loi abroge l'article de cette loi qui exempte Téléglobe de l'obligation d'obtenir l'approbation du CRTC pour ses ententes d'interconnexion avec des transporteurs étrangers. Naturellement, nous approuvons cet article. Cependant, l'article 33 de cette loi—c'est-à-dire l'article 22 du projet de loi—confère un caractère de droits acquis aux contrats existants de Téléglobe à la date d'entrée en vigueur de l'amendement, en supposant l'approbation du CRTC pour ces contrats. Call-Net craint que cette disposition de la loi ne puisse être utilisée par Téléglobe pour empêcher le CRTC de revoir ou d'amender des contrats antérieurs.

Il est important que Téléglobe ne soit pas autorisée, par exemple, à bénéficier d'une disposition de droit acquis en ce qui concerne des contrats exclusifs à long terme antérieurs, car cela pourrait avoir pour effet d'interdire l'accès à des débouchés internationaux pour d'autres exploitants canadiens. Confirmer la validité de contrats monopolistiques à une époque où s'intensifie la concurrence internationale n'est pas bon pour le Canada ni pour notre compétitivité. Pour cette raison, le CRTC doit avoir le pouvoir de revoir tout contrat qui ne sert pas l'intérêt public.

Call-Net recommande donc que les attributions du CRTC soient explicitement décrites dans la loi. C'est pourquoi nous ajouterions ce qui suit à l'article 33 de la loi:

    Rien dans le présent article n'empêche le Conseil d'exercer ses pouvoirs en vertu des articles 32 et 64 de la Loi sur les télécommunications concernant toute entente ou tout arrangement qui est réputé être approuvé.

Madame la présidente, moyennant ces changements, nous estimons que le Canada sera en mesure d'aller de l'avant et de réaliser les objectifs de ce projet de loi.

Merci pour votre patience. Nous sommes disposés à répondre aux questions que les membres du comité et vous-même voudrez nous poser.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: On a soulevé ici des points intéressants, messieurs, qui correspondent assez bien à ce que nous avons déjà entendu, mais qui apportent quelques éléments de nouveauté. Il semble qu'à l'instar d'autres témoins vous êtes d'accord pour ne pas demander de licences à l'échelle nationale, mais que vous êtes d'accord pour qu'on le fasse au niveau international.

Spécifiquement, vous parlez assez abandonnement de la catégorie de licences, vous demandez une catégorie de licences. Si l'on regarde l'article 16 du projet de loi, il y est question de catégories:

    [...] aux catégories précisées par le Conseil, ne peuvent exercer leur activité sans une licence de services de télécommunication.

Or, le paragraphe 16.1(2) du projet de loi parle de «services... d'une catégorie précisée par le Conseil».

Il semble donc que la loi adopte déjà une approche par catégories, et si je vous comprends bien, vous dites que nous devrions adopter une approche par catégories au niveau international, mais non pas au niveau national; est-ce bien cela?

• 1620

M. Robert Boron: Nous disons que le régime de licences devrait intervenir seulement en ce qui concerne les fournisseurs de services de télécommunication internationale, et que le pouvoir du CRTC devrait viser l'établissement d'un régime de licences par catégories plutôt qu'un régime de licences par catégories et un régime de licences spécifiques aux exploitants.

M. Eric Lowther: Vous dites aussi qu'il y a de bonnes raisons commerciales et des raisons de concurrence qui justifient l'adoption d'un régime de licences dans le cas des fournisseurs de services de télécommunication internationale. Nous avons beaucoup discuté de la question de savoir pourquoi nous devons établir des licences au niveau international. Vous dites qu'il y a à cela de bonnes raisons commerciales. J'ai déjà posé la question et n'ai toujours pas obtenu de réponse. Pouvez-vous nous présenter brièvement des exemples qui montreraient pourquoi nous en avons besoin, sans nous dire que tout le monde le fait et que nous nous sentirons mieux ainsi? Qu'arrivera-t-il si nous ne le faisons pas?

M. Robert Boron: Je vais tenter de répondre, et si je m'égare peut-être que mes collègues pourront me reprendre.

Tout d'abord, il faut mentionner que Call-Net ne préconise pas l'établissement d'un régime de licences pour les fournisseurs de services de télécommunication internationale qui constituerait une entrave à l'accès au marché. Nous estimons qu'il est important de le dire au départ.

Toutefois, comme vous l'avez dit, à notre connaissance tout pays qui soumet des services de télécommunication internationale à la concurrence établit un régime de licences qui empêche certaines pratiques nuisibles sur le plan de la concurrence. Ce que redoutent ces autres pays, et ce que nous devrions craindre aussi au Canada, c'est l'apparition de cas où des services seraient fournis à partir du Canada, où il y aura un régime ouvert de services de télécommunication internationale, vers des pays qui ont un régime beaucoup plus fermé, qu'il s'agisse d'un régime monopolistique ou d'un régime dominé par un important exploitant.

Certaines pratiques peuvent être adoptées en matière de tarification, soit par des sociétés affilées ou des exploitants qui collaborent avec l'exploitant dominant, soit par l'exploitant monopolistique du régime étranger, et cela ne servirait pas les intérêts de l'industrie au Canada, pour le compte des exploitants qui font affaire au Canada ou des consommateurs ou des entreprises qui utilisent ces services au Canada.

M. Eric Lowther: Mais aux termes des dispositions de la Loi sur la concurrence, ne pourrions-nous pas déjà limiter cela? Si l'on pouvait montrer que le prix de ce genre de chose était préjudiciable, ne pourrait-on pas en limiter l'accès?

M. Robert Boron: Je dirai quelques mots et laisserai M. Daniels terminer.

Il me semble qu'il serait plus efficace de fixer des conditions pour une catégorie d'exploitants qui soit seraient affiliés, soit appartiendraient à une entreprise dominante ou à un monopole à l'étranger plutôt que de s'inquiéter de savoir si la Loi sur la concurrence au Canada pourrait s'appliquer à un fournisseur de services d'un autre pays.

M. Eric Lowther: Nous disons ainsi que ces entreprises pourraient offrir au Canada un service à meilleur marché que des entreprises canadiennes parce que leurs prix de revient sont plus faibles grâce au monopole qu'elles détiennent ailleurs.

M. Jonathan Daniels (conseiller en réglementation, Call-Net-Enterprises Inc.): Il faut préciser qu'il peut s'agir d'un pays de l'OMC parce que certains de ces pays, dans le contexte de l'entente, se sont engagés à ouvrir leurs marchés à la concurrence internationale. L'Inde, par exemple, a dit qu'elle envisagerait la question en 2004, et Hong Kong en 2006.

Je sais qu'hier on a beaucoup discuté de l'OMC et des pays qui n'en font pas partie, mais nous parlons aussi des pays de l'OMC, de ceux qui ont signé l'entente. Toutefois, le genre de jeu qui peut se jouer ne correspond pas nécessairement aux activités traditionnelles néfastes à la concurrence auxquelles on peut penser au Canada et que peut réglementer la Loi sur la concurrence dans le contexte d'un marché national. À l'heure actuelle, par exemple, parce que nous avons en général un monopole—et il y a des exceptions—Téléglobe peut aller voir ce quadruple exploitant en Inde et déclarer: «Nous vous envoyons 200 minutes. Vous nous en renvoyez 100, et voilà ce que nous vous ferons payer par minute.» Ils s'offrent le même tarif, mais en fait on ne paie que la différence.

Ainsi, Téléglobe fait payer à l'Inde 1 $ la minute transmise au Canada, et l'Inde fait payer à Téléglobe 1 $ la minute envoyée en Inde, alors qu'en réalité, puisque nous envoyons en Inde 200 minutes et que l'Inde ne nous en renvoie que 100, on ne paie que 100 minutes, soit la différence, à 1 $ la minute.

• 1625

Parce que nous ouvrons notre marché à la concurrence, et c'est là la différence, si l'Inde ouvre son marché à la concurrence, par exemple—et je vous donne simplement un exemple—le Canada ouvre son marché et l'Inde ne le fait pas, l'Inde prend alors les 100 minutes qu'elle envoie au Canada, et paie quelqu'un au Canada 5c., parce qu'il n'est plus nécessaire de payer 1 $. Mais elle peut encore dire que tout le monde doit la payer 1 $ la minute envoyée là-bas. Cela reviendrait à 1 $ pour 200 minutes. Cela pourrait ainsi provoquer une augmentation des prix au Canada pour les consommateurs canadiens.

Ce qui est néfaste à la concurrence, là-dedans, c'est que l'Inde abuse de sa situation de monopole en Inde. Elle n'a même pas nécessairement besoin d'une filiale canadienne, et c'est la raison pour laquelle le CRTC doit disposer d'un pouvoir pour contrôler ou pour empêcher ce genre d'activités nuisibles à la concurrence.

Mais du point de vue de la Loi sur la concurrence, il ne s'agit pas de prix abusifs. Cela ne donne pas le genre de gains traditionnels. C'est parce qu'ils ont le monopole à l'étranger qu'ils peuvent s'amuser à cela au Canada. C'est pourquoi le Canada, les États-Unis et pratiquement tous les autres pays qui ouvrent leur marché à la concurrence ont adopté un régime de licences. C'est exactement pour ce genre de choses. Je crois que c'est ce qui a présidé à la rédaction de ce projet de loi, et c'est la raison pour laquelle nous l'appuyons.

Contrairement à ce qu'a dit le témoin précédent, les licences ne sont pas une question d'acheminement. Je ne crois pas aux restrictions concernant l'acheminement. Les licences existent pour protéger la concurrence, et la seule façon de le faire est de se doter des pouvoirs nécessaires pour obtenir les résultats que donne la Loi sur la concurrence au Canada. Il faut que l'on puisse traiter les exploitants étrangers qui ne sont pas assujettis à la réglementation prévue dans la Loi sur la concurrence de la même façon que le réseau canadien. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de ces licences, et c'est pourquoi, la semaine dernière, devant le CRTC, pratiquement tous les intervenants... En fait je crois qu'il y a eu dix interventions sur la question, et les dix favorisaient les licences pour la transmission internationale, et seulement la question de transmission internationale.

La présidente: Merci. Monsieur Peric.

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Merci, madame la présidente.

Pourriez-vous me préciser quelque chose? Vous avez dit que Call-Net contrôle Sprint Canada à 100 p. 100.

M. Robert Boron: Oui.

M. Janko Peric: Qui est propriétaire de Sprint Canada?

M. Robert Boron: Call-Net.

M. Janko Peric: Qui est propriétaire de Call-Net?

M. Robert Boron: Les actions de Call-Net sont émises dans le public. Elles sont cotées à la Bourse de Toronto et à la Bourse de Montréal ainsi qu'à NASDAQ, aux États-Unis.

La société Sprint aux États-Unis est notre plus gros actionnaire. Elle détient 25 p. 100 des actions sans droit de vote de Call-Net.

M. Janko Peric: Sprint?

M. Robert Boron: C'est la société Sprint, qui est le troisième fournisseur d'interurbains aux États-Unis.

M. Janko Peric: Mais c'est canadien?

M. Robert Boron: Call-Net, oui.

M. Janko Peric: Mais pas Sprint?

M. Robert Boron: La société Sprint est une société américaine dont les actions sont émises dans le public. Sprint Canada appartient à Call-Net Enterprises, qui est une société canadienne dont les actions sont également émises dans le public.

M. Janko Peric: C'est à mon avis la raison pour laquelle le CRTC doit contrôler et octroyer ces licences. Je ne sais pas combien exactement il y a de multinationales qui pénètrent sur nos marchés et font concurrence à nos propres fournisseurs.

Pourriez-vous me dire si Call-Net ou Sprint pénètre sur le marché chinois?

M. Robert Boron: Est-ce que Call-Net pénètre sur le marché chinois? Non, pas actuellement. Sprint? Je ne suis pas sûr. Il se trouve que Sprint est un de nos actionnaires, mais je ne sais pas ce que fait cette société à propos du marché chinois.

M. Janko Peric: Et Unisource?

M. Robert Boron: Je ne puis rien dire. Je suis désolé.

[Note du rédacteur: Difficultés techniques]

M. Jean Brazeau (vice-président, Réglementation, Call-Net Enterprises Inc.): Ce que vous demandez, en fait, c'est ce que font des sociétés comme Call-Net, Sprint Canada et d'autres pour le Canada. Je pense que si vous avez regardé votre note de téléphone récemment, vous avez vu le résultat. Les consommateurs ont sensiblement bénéficié de la présence de ces nouveaux venus sur le marché et continueront à en bénéficier au fur et à mesure que le marché se libéralisera. Je ne connais pas de compagnies de téléphone au Canada qui exportent ailleurs dans le monde, pas même Bell Canada. Bell Canada n'exporte pas ses services ailleurs dans le monde. Northern Telecom le fait, mais certainement pas les exploitants eux-mêmes. Je ne crois donc pas du tout que nous soyons différents des autres.

• 1630

La présidente: Monsieur Shepherd, vous aviez une question à poser?

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Vous avez parlé des droits acquis que représentent les contrats conclus avec Téléglobe. Dans ce que vous demandez, vous semblez dire qu'il est très possible qu'il y ait des contrats que détient Téléglobe du fait de son monopole et que ceux-ci ne servent pas l'intérêt public et qu'ainsi nous devrions pouvoir les réexaminer. Ces contrats doivent, par définition, rester en vigueur aujourd'hui. Connaissez-vous des contrats qui ne sont pas dans l'intérêt public et que détient Téléglobe?

M. Robert Boron: Non, et je crois que c'est justement là la question, en ce sens que ces contrats que détient Téléglobe n'ont pas dû être soumis au CRTC ni rendus publics. Nous ne savons donc pas ce qu'ils contiennent. Nous ne voyons pas d'inconvénient à ce que le contenu de ces contrats représente des droits acquis. Tout ce que nous disons, c'est que le CRTC devrait avoir le pouvoir explicite de réexaminer ou de demander à Téléglobe de modifier certaines dispositions de ces contrats si le CRTC, après avoir examiné lesdits contrats, estime qu'ils ne servent pas l'intérêt public. C'est tout ce que nous demandons.

La présidente: Merci, monsieur Shepherd.

[Français]

Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: D'abord, je voudrais vous demander s'il y a des traducteurs chez Call-Net, s'il y a des gens qui parlent français et si vous avez des clients francophones.

M. Jean Brazeau: Il y a des clients francophones, des traducteurs et aussi des gens qui parlent français.

Mme Francine Lalonde: J'ai pourtant reçu un document qui n'est qu'en anglais. On ne vient que de le recevoir et, franchement, j'en suis choquée. Si c'était un particulier ou un témoin qui ne parlait qu'anglais, il n'y aurait pas de problème. Par contre, on parle ici d'un compagnie dont 25 p. 100 des actions sont détenues par Sprint Corporation, et je me me dis que vous avez les moyens de nous soumettre un texte en français. Je vais essayer de ne pas être impressionnée et de ne pas me laisser emporter par le rouge qui me monte aux joues.

Les États-Unis émettent des licences à leurs transporteurs internes. Or, c'est un pays, me semble-t-il, qui est ouvert à la concurrence. Si le Canada se donnait une pratique semblable, pourquoi serait-ce considéré comme une fermeture à la concurrence?

M. Jean Brazeau: Nous sommes en faveur d'un régime semblable. Je crois qu'on peut avoir un régime de licences qui permet la concurrence au Canada comme aux États-Unis, mais qui peut aussi nous protéger contre les pratiques mentionnées plus tôt et contre les transporteurs internationaux qui ont un régime fermé ou monopolistique.

Mme Francine Lalonde: À la lumière de votre étude sur les transporteurs internationaux, compte tenu des régimes de fusion, du jeu des parts, de la création d'entreprises détenues par d'autres ou de tout ce que vous connaissez mieux que moi, qu'est-ce qui arriverait si une entreprise était un transporteur international mais tout en étant d'abord détentrice nationale de moyens de télécommunication? Est-ce qu'elle serait dite internationale ou nationale? Est-ce qu'elle serait soumise au régime de licences selon votre définition?

M. Jean Brazeau: Seulement pour les services internationaux.

Mme Francine Lalonde: Vous conviendrez que c'est compliqué.

Une troisième question. Dans deux, trois ou quatre ans justement, compte tenu de cette évolution, non seulement dans la technologie, mais aussi des fusions entre grandes entreprises, etc., s'il arrivait qu'on se retrouve dans une situation de monopole de fait en raison des effets du marché... On sait que c'est là que mène le marché à terme. C'est ce qu'on enseigne au HEC. Lors du premier cours sur les entreprises, on enseigne comment contrôler son concurrent. C'est ce que font ceux qui réussissent. Pourquoi ne serait-il pas nécessaire d'avoir des pouvoirs de licence?

• 1635

M. Jean Brazeau: Encore là, nous sommes en faveur d'un régime de licences. Notre mémoire recommande bel et bien que le CRTC ait le pouvoir d'établir un régime de licences pour les services internationaux.

Mme Francine Lalonde: Vous dites que ce serait seulement pour le niveau international, tandis que j'affirme que ce devrait aussi être le cas au niveau national.

M. Jean Brazeau: Intérieur aussi.

Mme Francine Lalonde: Cela ne fait pas longtemps qu'il n'y a plus de monopole. Déjà, les choses ont beaucoup bougé.

M. Jean Brazeau: Oui. Je suis un peu du même avis que le professeur Janisch; je fais beaucoup confiance au marché comme tel.

Mme Francine Lalonde: Pas moi.

M. Jean Brazeau: C'est une opinion différente.

Mme Francine Lalonde: Je vais vous citer le Business Week de la semaine dernière. Le marché ne se réglemente pas par lui-même.

M. Jean Brazeau: Dans certaines conditions, c'est vrai, mais si la base du marché est concurrentielle, je crois que le marché peut se réglementer lui-même. Cela peut aussi produire des effets très bénéfiques pour les consommateurs.

Mme Francine Lalonde: C'est peut-être vrai quand il y a de la concurrence, mais quand il n'y en a plus, ce n'est pas vrai.

M. Jean Brazeau: S'il n'y a plus de concurrence, je suis d'accord.

Mme Francine Lalonde: Cela peut arriver rapidement lorsque les conditions ne sont plus profitables. Je pourrais citer quelques grands PDG que j'ai rencontrés et à qui je disais: Oui, mais qu'est-ce qui arrive là où il n'y a pas de volume important? Ils me confirmaient que oui, à ce moment-là, il fallait de la réglementation. S'il faut de la réglementation, il faut aussi des pouvoirs.

M. Jean Brazeau: Selon les dispositions du projet de loi sur les télécommunications, le CRTC a le pouvoir de nous réglementer, de réglementer Bell Canada, de réglementer tous les transporteurs canadiens. Donc, le pouvoir existe aujourd'hui.

Mme Francine Lalonde: Ils y sont assujettis.

M. Jean Brazeau: Oui, oui. Le CRTC peut nous ordonner d'agir de la façon qu'il croit être bénéfique pour l'intérêt public. Le pouvoir de réglementation domestique existe aujourd'hui.

Mme Francine Lalonde: Mais pourquoi ont-ils opté pour la licence?

M. Jean Brazeau: Au niveau international, la licence vise plutôt à nous protéger contre des abus anticoncurrentiels des pays qui n'ont pas ouvert leur marché à la concurrence plutôt qu'à réglementer les transporteurs qui offrent des services internationaux.

[Traduction]

La présidente: Merci.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je continuerai plus tard. Merci.

[Traduction]

La présidente: Madame Lalonde, j'ai l'impression que cela pourrait durer.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Il y a un texte en français, avec des excuses?

M. Jean Brazeau: La raison pour laquelle nous n'avons remis que la version anglaise du texte, c'est que des changements ont été apportés à 11 heures ce matin. Nous nous en excusons et nous verrons à ce que vous en receviez la version française.

Mme Francine Lalonde: Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci de votre exposé et d'avoir répondu à notre invitation avec si peu de préavis.

• 1640

Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins de AT&T Canada Enterprises. Nous accueillons M. Peter Barnes, vice-président aux affaires publiques, Mme Kirsten Embree, associée du cabinet d'avocats Osler, Hoskin & Harcourt, ainsi que Janet Yale, vice-présidente principale aux affaires extérieures chez AT&T Canada.

Monsieur Barnes, c'est vous, je crois, qui présentez l'exposé. Je rappelle à nos témoins que vous n'avez pas à lire votre texte mot pour mot. Notre temps est limité, et nous souhaitons pouvoir vous poser le plus grand nombre de questions possible.

M. Peter Barnes (vice-président, Affaires publiques, AT&T Canada Enterprises Inc.): Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs.

Madame la présidente, j'ai rédigé un court texte qui résume les points saillants de notre exposé. Je voudrais le parcourir pour vous pendant sept minutes à peu près, puis mes collègues et moi serons très heureux de répondre à vos questions.

Comme vous le savez, AT&T est maintenant au Canada depuis plus de dix ans, et elle détient actuellement des intérêts dans Services interurbains AT&T Canada et a une alliance stratégique ainsi qu'une entente technologique avec Rogers Cantel, connu sur le marché comme Cantel AT&T. Nous exploitons également un centre de télémarketing à Winnipeg qui emploie plus de 1 300 personnes, et nous avons fait part de notre intention d'ouvrir un autre centre similaire à Halifax. Nous prévoyons que ce dernier centre emploiera 1 000 autres personnes. Si nous tenons compte de nos différentes activités commerciales, ce sont en fait plus de 7 000 Canadiens et Canadiennes qui offrent des services AT&T à travers le pays.

Je suis ici aujourd'hui à la fois pour représenter les entreprises AT&T Canada et Services interurbains AT&T Canada, parce qu'il y a un certain nombre de points relatifs au projet de loi C-17 que nous aimerions soulever.

[Français]

Je voudrais d'abord profiter de cette occasion pour féliciter le gouvernement d'avoir présenté ce projet de loi et de s'être engagé à le faire adopter. Cela ne surprendra personne si je vous dis qu'AT&T Canada croit qu'une concurrence réelle et durable dans tous les aspects de l'industrie des télécommunications est d'une importance capitale pour assurer la prestation de services de télécommunication de grande qualité à tous les citoyens et citoyennes, et ce aux plus bas coûts possibles. C'est dans cette direction que s'est orienté le gouvernement depuis qu'il est en place, et nous appuyons cette vision.

Le contenu dudit projet de loi permettra d'accomplir un certain nombre de choses vitales pour l'industrie des télécommunications. Par exemple, le pouvoir de délégation qui est proposé donnera notamment l'occasion d'accélérer plusieurs processus qui doivent être suivis à l'heure actuelle, ce qui est pour les entreprises une dimension importante, alors qu'elles doivent devenir encore plus concurrentielles et plus soucieuses de leur emploi du temps. Le projet de loi permettra également une plus grande implication de l'industrie dans les grandes questions de l'heure et aidera à libérer les rares ressources du Conseil, qui doit souvent débattre de problèmes de réglementation urgents. Enfin, et non le moindre, il permettra au Canada d'entrer de plain-pied dans les importants changements de l'industrie à l'échelle planétaire.

[Traduction]

Nous applaudissons ces efforts pour promouvoir la concurrence internationale et ouvrir de nouveaux débouchés pour le secteur canadien des télécommunications. Toutefois, il y a un certain nombre d'aspects du projet de loi C-17 qui nous préoccupent et sur lesquels je voudrais m'attarder.

Parlons tout d'abord de la portée du processus d'attribution des licences. Selon le projet de loi C-17, on donnerait au CRTC d'importants nouveaux pouvoirs en matière d'attribution des licences et un cadre de travail en vue d'un nouveau régime d'attribution des licences. Le projet de loi élargit également la définition des personnes et entités assujetties à la loi. À notre avis, l'effet combiné de cette définition et de celles de la Loi sur les télécommunications sera d'assujettir les revendeurs aux règlements, alors que jusqu'à maintenant ils n'y étaient pas assujettis.

Toutefois, ce qui a plus de conséquence, c'est la portée plus large de la définition proposée de «fournisseur de services de télécommunication». Dans sa formulation actuelle, elle permettrait au Conseil d'étendre son nouveau régime d'attribution des licences à tout service de télécommunication offert par tout fournisseur de services fonctionnant aujourd'hui au Canada, même ceux qui ne sont absolument pas apparentés à des services internationaux.

Les entreprises canadiennes actuelles de télécommunications locales et interurbaines au Canada sont déjà soumises à une réglementation de plus en plus concurrentielle imposée par le CRTC. Nous voyons mal pourquoi elles devraient être en outre assujetties désormais à un contrôle réglementaire supplémentaire et au fardeau de l'attribution des licences.

Il convient à ce sujet de répondre à plusieurs questions importantes. Tout d'abord, pourquoi faut-il que le régime d'attribution des licences du CRTC s'étende au-delà des fournisseurs internationaux de services pour englober potentiellement toutes les sociétés de télécommunications qui offrent des services locaux et interurbains au pays? Deuxièmement, ce nouveau régime d'attribution des licences et cet élargissement des pouvoirs de réglementation du Conseil peuvent-ils se défendre à ce moment-ci de l'évolution de l'industrie des télécommunications vers un régime soumis intégralement à la concurrence, aussi bien au Canada qu'à l'étranger?

[Français]

AT&T Canada croit que l'on devrait faire preuve d'une flexibilité maximale envers tous les concurrents de tous les segments du marché des télécommunications, à l'exception des entreprises dominantes, afin qu'ils puissent être en mesure de concurrencer au mieux de leurs capacités.

• 1645

Les nouveaux pouvoirs que l'on veut conférer au CRTC en matière d'attribution de licences nous semblent entraver cette capacité. Aussi, des changements devraient-ils être apportés à ce projet de loi, changements qui limiteraient la portée de ces pouvoirs en matière d'attribution des licences de façon à ce qu'ils aient trait seulement aux fournisseurs dominants de services internationaux et non à tout fournisseur de services de télécommunication.

[Traduction]

Nous mettons donc l'accent sur les plus gros fournisseurs de services internationaux.

Le deuxième sujet que j'aimerais aborder concerne l'application des règlements relatifs à la propriété et au contrôle étrangers.

À l'heure actuelle, les installations de télécommunications des sociétés susceptibles d'être exploitées aujourd'hui sur le marché intérieur canadien des télécommunications doivent se soumettre à des restrictions en matière de propriété et de contrôle étrangers qui figurent dans la Loi sur les télécommunications et dans les règlements d'application. Si le projet de loi C-17 est adopté, les limites en matière de contrôle et de propriété étrangers applicables à la propriété et à l'exploitation des câbles sous-marins internationaux et des stations de réception des transmissions par satellite qui assurent des services de télécommunication seront supprimées. Par conséquent, une société dont la propriété et le contrôle ne sont pas canadiens pourrait être intégralement propriétaire et exploitante d'un câble sous-marin international et obtenir une licence d'Industrie Canada pour la propriété et l'exploitation de ce câble. De la même façon, on peut concevoir qu'un propriétaire ou exploitant non canadien de câble reçoive également une licence du CRTC en tant que fournisseur de services de télécommunication. Par conséquent, il est tout à fait concevable que des sociétés non canadiennes détenant ou contrôlant des installations se voient empêchées par les règles sur la propriété étrangère d'offrir des services avantageux sur le marché canadien parce qu'elles n'auront pas pu obtenir une licence de service du CRTC pour leurs activités sur le marché canadien malgré la licence que leur aura octroyée Industrie Canada.

[Français]

AT&T Canada croit que ces incohérences sur la propriété étrangère méritent d'être clarifiées avant l'adoption du projet de loi.

[Traduction]

Nous considérons que toute entité remplissant les conditions requises pour obtenir une licence d'Industrie Canada pour un câble sous-marin international devrait avoir le droit de détenir une licence de fournisseur international de services du CRTC. Par ailleurs, le régime d'attribution des licences du CRTC devrait également être tel qu'il reflète le fait que les détenteurs de licences de câble sous-marin international puissent utiliser leurs installations de câble sous-marin, tout comme leurs installations au pays, pour offrir des services de télécommunication aux Canadiens et Canadiennes.

[Français]

Parlons maintenant de la gestion du CRTC et de la délégation de pouvoirs. Le projet de loi C-17 confère tant au Cabinet qu'au CRTC de nouvelles juridictions et de nouveaux pouvoirs sur les aspects liés à la réglementation des télécommunications, comme celui de la gestion des ressources afférentes aux numéros de téléphone et celui des arrangements relatifs aux subventions du service local. À son tour, le Conseil peut déléguer n'importe quel de ses nouveaux pouvoirs de gérance à toute personne, incluant toute entité créée à cette fin par le Conseil lui-même.

AT&T Canada appuie totalement les objectifs du gouvernement visant à accélérer le processus réglementaire, à promouvoir la collaboration entre l'organisme de réglementation et la société de télécommunication réglementée, ainsi qu'à donner plus de souplesse au Conseil pour qu'il puisse soit exercer lui-même ses nouveaux pouvoirs, soit en déléguer certains.

[Traduction]

Toutefois, il serait imprudent pour le présent comité de ne pas tenir compte du fait que dans sa version actuelle cette partie du projet de modification de la loi confère de très vastes pouvoirs au Cabinet et au CRTC. Dans le projet de loi C-17, on ne prévoit aucune limite quant au genre d'activités que le Cabinet peut demander au CRTC de gérer, pour autant qu'elles aient un rapport quelconque avec les services de télécommunication offerts par les sociétés canadiennes de télécommunications. Les nouveaux domaines possibles qui seraient soumis à la réglementation ou à la surveillance administrative du CRTC sont donc potentiellement illimités. À notre avis, il faudrait pour le moins que le projet de loi soit plus précis quant aux domaines que le Cabinet peut confier au CRTC.

Une fois habilité par le Cabinet, le CRTC a toute liberté pour déléguer par écrit ses nouveaux pouvoirs à l'entité de son choix, et peut même créer un nouvel organisme auquel ces pouvoirs seront délégués. De surcroît, les décisions du délégataire seront assimilées à des décisions du CRTC.

AT&T Canada demande instamment à votre comité d'étudier ces problèmes et de demander des précisions quant au recours à une tierce partie. Les problèmes à résoudre sont les suivants: quels domaines pourraient faire l'objet d'une délégation, quels types d'organismes pourraient jouer le rôle de tierce partie, quelles limites pourrait-on imposer aux pouvoirs d'une tierce partie, et quelles garanties pourrait-on mettre en place? Nous pensons que ces précisions sont essentielles pour assurer la crédibilité du recours à une tierce partie.

• 1650

Nous avons un quatrième et dernier argument. Nous savons cependant que la présidence de votre comité a décidé que le débat sur une éventuelle modification du projet de loi à propos de la réglementation de SaskTel par le CRTC sort de la portée des présentes audiences. Nous respectons cette décision, mais nous invitons néanmoins le comité à étudier la question dans un proche avenir, à une autre occasion, et à proposer au gouvernement la date à laquelle la réglementation du CRTC s'appliquera uniformément dans l'ensemble du pays.

Encore une fois, je vous remercie de votre attention.

[Français]

Je vous remercie encore pour le temps que vous m'avez accordé.

[Traduction]

Vos questions sont les bienvenues. Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Barnes.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, madame la présidente.

Monsieur Barnes, est-ce que vous ou les personnes qui vous accompagnent pouvez vous imaginer qu'un jour il n'y aura plus besoin de licences pour proposer un service de télécommunication internationale?

M. Peter Barnes: Il est toujours difficile de prévoir ce qui va se passer. Le marché a connu une évolution rapide, et je pense que le mouvement va se poursuivre. C'est pourquoi nous avons proposé ce que j'appelle une approche «normative» fondée sur la domination du marché. Lorsqu'une compagnie réussit, soit par sa part du marché intérieur, soit ou par sa position dominante ou monopolistique en tant qu'exploitant étranger, à dominer un marché ou un axe de communication, la licence est une bonne solution pour atténuer le risque d'abus de cette situation dominante.

Plutôt que de fixer une date précise, nous proposons une approche normative.

M. Eric Lowther: Ne pouvez-vous parler de solutions autres que la licence?

Deuxièmement, que pensez-vous d'une clause d'extinction qu'on ajouterait à la loi pour signaler le moment où les sociétés n'auront plus besoin d'obtenir une licence, ou du moins pour indiquer qu'on va réviser la nécessité des licences, de façon à bien indiquer aux compagnies de télécommunications qu'elles ne bénéficieront pas toujours d'un environnement protégé et qu'elles ont intérêt à se préparer aux changements, ce qui, en fait, stimulerait la concurrence?

M. Peter Barnes: Je vous dirai deux choses à ce sujet. Tout d'abord, dans la mesure où le Conseil peut exercer ses pouvoirs de réglementation du marché intérieur auprès de certains exploitants internationaux, la licence peut être un bon outil de transition pour les exploitants qui conservent une situation dominante. C'est donc une solution intéressante pour cette catégorie d'exploitants.

En ce qui concerne la clause d'extinction, il me semblerait tout à fait judicieux d'ajouter dans la loi un article prévoyant la révision de la nécessité des licences d'ici trois ou cinq ans. C'est une solution tout à fait appropriée dans les nombreux cas où l'on impose de nouveaux règlements.

En réalité, je préfère cette solution à la fixation d'une date précise, qui équivaudrait à essayer de prévoir que d'ici cinq ans, par exemple, le marché aura atteint un certain niveau de maturité en matière de concurrence. En revanche, je considérerais comme une solution raisonnable l'exigence d'une révision d'ici cinq ans, par exemple.

M. Eric Lowther: J'approuve tout à fait vos idées quant aux exigences réglementaires ou administratives de l'article 46; avant de signer un chèque en blanc, il faut au moins savoir à quoi tout cela va servir.

Merci. Vos commentaires me semblent excellents.

La présidente: Madame Jennings, vous n'avez pas de question pour l'instant?

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Merci, monsieur Barnes. Je vous remercie aussi de votre texte en français.

Dans votre mémoire, vous avez soulevé quelques idées nouvelles que nous n'avions pas entendues auparavant, dont le fait qu'on devrait faire preuve d'une flexibilité maximale envers tous les concurrents de tous les segments du marché des télécommunications, à l'exception des entreprises dominantes. C'est la première fois qu'on entend ça. Est-ce que vous diriez la même chose si vous étiez une entreprise dominante?

• 1655

M. Peter Barnes: C'est une bonne question. Je dois dire que jusqu'à il y a environ trois ans, la société mère de AT&T était considérée comme dominante. Il est certain que la transition d'un régime monopolistique ou d'une situation où on détient une très grande part du marché à une situation concurrentielle est difficile à vivre. Mais je pense que d'un point de vue de politique publique, les incitatifs que reconnaît la loi, qui encouragent la déréglementation lorsque nécessaire et lorsque possible, doivent être équilibrés avec les objectifs de politique publique, c'est-à-dire d'un certain contrôle sur les sociétés qui ont le pouvoir, de par leur part de marché et leurs ressources financières, d'influencer le jeu de la concurrence.

Je ne suis pas aussi à l'aise devant une approche qui est complètement fondée sur le marché. Je pense que la réglementation continue d'avoir un rôle à jouer, et c'est un rôle qui est en transition. Lorsque les marchés se développent et deviennent de plus en plus concurrentiels, on peut laisser tomber certaines balises réglementaires. Mais en attendant, il est bon d'avoir un contrôle réglementaire.

Mme Francine Lalonde: Je pose à nouveau cette question que j'ai posée à plusieurs reprises. Le marché peut devenir de plus en plus concurrentiel là où il est intéressé, mais il arrive souvent qu'il y ait d'autres lieux ou d'autres marchés qui ne l'intéressent pas. À ce moment-là, le besoin de réglementation existe en effet.

Vous posez une question qui est à la fois intéressante et un peu troublante. Vous dites qu'il y a une certaine incohérence au niveau de l'exemption des règlements relatifs à la propriété et au contrôle étrangers dans le cas des câbles sous-marins internationaux. Vous avez déjà lu le texte de votre mémoire et il est bien rédigé, mais j'aimerais vous entendre résumer votre point de vue.

M. Peter Barnes: La façon dont je résumerais l'incohérence, c'est que le Canada s'est engagé à libéraliser l'octroi des licences pour les câbles sous-marins à partir d'octobre 1998. C'est dans l'application pratique de cette libéralisation que se pose la difficulté. Si quelqu'un a un câble qui est branché sur la côte de l'Atlantique ou la côte du Pacifique, il peut se servir de ce câble pour faire transiter du trafic. La difficulté, évidemment, est de savoir comment acheminer vers ce câble le trafic qui vient de Montréal, de Toronto ou de Vancouver. Comme l'opération à l'intérieur des limites du Canada est assujettie à la Loi sur la propriété étrangère, mais qu'elle n'est pas assujettie à cette loi à partir du point où le câble est dans l'océan Atlantique ou Pacifique, on se retrouve avec deux régimes qui sont en conflit l'un avec l'autre.

Ce qu'on propose, c'est qu'avec la libéralisation des licences pour le câble, il y ait concordance pour que toutes les ouvertures du marché qui existent déjà dans le marché, c'est-à-dire pour les revendeurs qui possèdent leur équipement de commutation, puissent être jumelées à la libéralisation en ce qui a trait au câble pour qu'on progresse plutôt que de reculer en ce qui a trait à la prestation de services.

Mme Francine Lalonde: Donc, ils seraient soumis à des licences.

M. Peter Barnes: Premièrement, il n'y a pas de question à ce sujet: le câble nécessite la licence.

Mme Francine Lalonde: Non, le câble, c'est un câble.

M. Peter Barnes: Le fournisseur de services devrait détenir une licence s'il est dominant. C'est toujours l'approche normative pour les opérateurs: s'ils sont dominants, il y a nécessité d'avoir une licence et, au niveau technique, s'il y a un câble, il faut nécessairement une licence.

Mme Francine Lalonde: Nous procéderons à l'étude article par article du projet de loi demain. C'est un élément à retenir; je le trouve nouveau et intéressant. Cela va pour maintenant, même si j'ai d'autres questions. Le temps file.

[Traduction]

La présidente: Merci, madame Lalonde. Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd: Je voudrais poser la même question, car j'émets aussi quelques doutes. Vous semblez craindre que le CRTC ne refuse arbitrairement une licence à un requérant à cause des règles sur la propriété étrangère. Est-ce bien ce que vous avez dit?

• 1700

M. Peter Barnes: J'espère que le CRTC n'agit pas de façon arbitraire. Je ne pense pas qu'il le fasse. Le danger, c'est qu'à défaut d'une plus grande précision dans la loi l'interprétation qu'en donnera le CRTC fasse naître un conflit entre l'exploitation des installations du détenteur d'une licence concernant un câble sous-marin international et l'acheminement du trafic d'une ville canadienne à ce câble. Actuellement, les fournisseurs de services appelés revendeurs peuvent à juste titre acheminer ce trafic, même lorsqu'ils possèdent des commutateurs.

En fait, il y a un risque de conflit entre deux régimes différents. Nous considérons qu'il faudrait apporter des précisions dans la loi de façon que toute personne qui en prend connaissance constate qu'à l'évidence le législateur n'a nullement l'intention de se servir des règles actuelles de contrôle de la propriété étrangère sur le marché intérieur pour limiter les effets de la libéralisation de l'industrie des câbles sous-marins et pour empêcher leurs exploitants de proposer leurs services à la clientèle canadienne.

M. Alex Shepherd: Ainsi, par exemple, comme le CRTC a pour mandat de protéger la culture canadienne au Canada et qu'il peut à cette fin constituer un régime de protection, vous pensez que ce régime du CRTC pourrait s'étendre à l'octroi de licences aux fournisseurs de services de télécommunication?

M. Peter Barnes: En fait, les impératifs culturels du CRTC concernent les responsabilités que lui assigne la Loi sur la radiodiffusion. Dans la Loi sur les télécommunications, le Conseil doit se préoccuper du problème de la propriété dans une perspective canadienne—ce qu'il fait effectivement.

C'est plus une question économique qu'une question de culture. Comme on a libéralisé certains secteurs du marché intérieur et qu'il existe, par exemple, des revendeurs dotés de commutateurs que le Conseil a décidé de ne pas assujettir aux règles sur la propriété étrangère, nous demandons qu'on donne plus de précisions dans la loi, de façon que ce régime libéral continue de s'appliquer sans entrer en conflit avec le nouveau régime libéralisé qui entrera en vigueur à partir d'octobre 1998.

M. Alex Shepherd: Un refus de licence fondé sur la propriété étrangère serait contraire au traité de l'OMC dont nous sommes signataires, n'est-ce pas?

M. Peter Barnes: C'est bien possible.

La présidente: Merci.

Je voudrais remercier les témoins d'avoir comparu devant nous cet après-midi. Le sujet de nos travaux devient très complexe. Nous avons beaucoup apprécié votre mémoire et les réponses que vous avez apportées à nos questions.

M. Peter Barnes: Merci beaucoup.

La présidente: Je voudrais demander aux témoins d'AT&T de céder leur place à nos témoins suivants, de l'Association du Barreau canadien.

Tout le monde a dû recevoir une lettre de l'Association du Barreau canadien. Nous recevons cet après-midi Mairi MacDonald, présidente de la Section nationale du droit de l'information et des télécommunications, et Tamra Thomson, directrice de la législation et de la réforme du droit.

Je crois que c'est Mme MacDonald qui commence. Ou serait-ce plutôt Mme Thomson?

Mme Tamra L. Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): C'est moi qui vais commencer.

La présidente: D'accord, quand vous voulez.

[Français]

Mme Tamra Thomson: Merci, madame la présidente. L'Association du Barreau canadien est une association nationale regroupant plus de 34 000 juristes, soit des avocats et avocates, des notaires, des professeurs et des étudiants en droit partout au Canada.

Les objectifs principaux de l'Association incluent l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous présentons notre commentaire au sujet du projet de loi C-17.

• 1705

[Traduction]

Vous avez reçu la lettre que nous avons remise aujourd'hui à la greffière. Je voudrais simplement signaler que nous intervenons aujourd'hui au nom de la Section nationale du droit de l'information et des télécommunications de l'Association du Barreau canadien, laquelle section représente plus de 1 000 avocats spécialisés dans tous les aspects du droit des télécommunications.

Je vais demander à Mme MacDonald de présenter l'essentiel de notre exposé, puis nous répondrons aux questions des membres du comité.

Mme Mairi S. MacDonald (présidente, Section nationale du droit de l'information et des télécommunications, Association du Barreau canadien): Au nom de la Section nationale du droit de l'information et des télécommunications de l'Association du Barreau canadien, c'est avec plaisir que je vous transmets quelques observations préliminaires au sujet du projet de loi C-17.

Votre greffière a pris la peine d'organiser les comparutions en tenant compte de mes possibilités limitées de déplacement. Je tiens à l'en remercier et, évidemment, à m'excuser auprès des témoins qui ont pu en subir un préjudice.

Je voudrais tout d'abord indiquer le contexte dans lequel la Section nationale du droit de l'information et des télécommunications s'est prononcée sur le projet de loi C-17.

Les membres de notre section qui pratiquent le droit des télécommunications représentent une vaste gamme de clients. Certains de ces membres sont au service de compagnies de téléphone, comme les compagnies du groupe Stentor, ou de compagnies concurrentes. D'autres représentent les intérêts de différents clients, parmi lesquels figurent des fournisseurs et des consommateurs de services de télécommunication; certains sont des avocats autonomes, d'autres font partie d'un cabinet.

Comme il s'agit là d'un domaine encore assez modeste de la profession juridique, lorsque nous intervenons au nom du Barreau canadien, notre section essaie de dégager un consensus sur les questions juridiques proprement dites en évitant de défendre les intérêts des clients, quels qu'ils soient.

En résumé, voici l'avis de notre section sur ce projet de loi.

Nous reconnaissons qu'un certain nombre de dispositions sont nécessaires pour concrétiser les engagements pris par le Canada dans le cadre de l'Accord général sur le commerce des services de l'Organisation mondiale du commerce, mais nous craignons que certaines dispositions n'aillent au-delà du strict nécessaire. Il s'agit de dispositions non limitatives, qui risquent d'imposer des conditions et des obstacles réglementaires.

En conséquence, nous vous invitons à recommander que ce projet de loi soit scindé, les dispositions non controversées et celles qui sont manifestement liées à la mise en oeuvre des engagements canadiens envers l'OMC étant traitées avec diligence, en fonction de l'échéance du 1er octobre 1998.

En revanche, il conviendrait d'étudier plus en profondeur les dispositions de portée plus vaste, et d'en débattre avant de les adopter.

Les dispositions du projet de loi qui pourraient faire, à notre avis, l'objet d'une procédure accélérée sont énumérées dans l'annexe 1 de la lettre que la greffière vous a distribuée cet après-midi. Ce sont notamment les dispositions concernant les stations de réception des signaux transmis par satellite, les câbles sous-marins internationaux et la constitution et la réglementation de Téléglobe Canada.

Quant à l'annexe 2 de ma lettre, elle énumère les dispositions du projet de loi C-17 qu'il conviendrait, à notre avis, d'étudier plus en détail.

Je voudrais prendre quelques minutes pour vous commenter cette annexe 2.

Le premier groupe de dispositions qui nous préoccupent—et je suppose qu'un bon nombre d'autres témoins vous ont dit la même chose cette semaine—sont celles qui permettent au CRTC d'octroyer des licences pour des services de télécommunication. Notre section estime que ce régime d'octroi de licences ne correspond pas aux exigences du nouvel accord de l'OMC.

Il semble que le ministre se soit engagé à accorder au Conseil des pouvoirs supplémentaires pour octroyer des licences aux fournisseurs de services internationaux et pour imposer des conditions à leurs offres de services. À titre préliminaire, nous reconnaissons que le principe du traitement national exige que si le Conseil impose des conditions à la fourniture de services internationaux, il a besoin d'un texte législatif pour imposer les mêmes conditions aux fournisseurs canadiens et étrangers de services internationaux en activité au Canada. Autrement dit, le principe du traitement national justifie que le gouvernement aille jusque-là.

Si, à l'issue des travaux actuellement entrepris par le CRTC en vertu de son avis public 97-34, le Conseil en vient à la conclusion qu'il doit appliquer certaines conditions aux fournisseurs de services internationaux qui seront en concurrence avec Téléglobe au 1er octobre 1998, lorsque Téléglobe perdra sa position de monopole, nous reconnaissons qu'il faut appliquer des conditions analogues à tous les fournisseurs qui répondent aux exigences du traitement national. Cependant, il n'est pas certain, à notre avis, qu'un régime d'octroi de licences soit indispensable pour concrétiser ce principe, même dans le cas des exploitants internationaux. Nous considérons que ce sujet devrait être soumis à un débat en profondeur.

• 1710

Le véritable problème que pose l'article 3 dans sa version actuelle, c'est qu'il confère au Conseil de nouveaux pouvoirs de portée très large pour octroyer également des licences aux fournisseurs canadiens de services de télécommunication et pour assujettir leurs offres de services à des conditions précises.

Comme vous le savez, le régime d'octroi de licences initialement prévu dans la Loi sur les télécommunications a été supprimé à la demande du comité sénatorial qui a étudié le projet de loi C-62 au printemps 1992. À cette époque, la Section nationale du droit de l'information et des télécommunications avait demandé la suppression du régime d'octroi de licences, qu'elle ne jugeait pas indispensable. Elle craignait que ce régime n'impose un fardeau supplémentaire à tous ceux qui souhaitaient proposer des services de télécommunication au Canada. À notre grande satisfaction, le Sénat a adopté notre recommandation et a demandé au ministre de supprimer le régime d'octroi de licences; en définitive, la loi adoptée ne comportait plus de dispositions à ce sujet.

Malheureusement, les dispositions du projet de loi C-17 concernant l'octroi de licences nous inspirent les mêmes réserves. Ce régime peut être lourd de conséquences, et sa mise en place quatre ans après l'adoption de la loi va faire naître une incertitude pour l'industrie. Nous croyons sur parole le ministre, qui affirme que les modifications proposées dans le projet de loi C-17 visent essentiellement à favoriser la concurrence dans le domaine des télécommunications au Canada, mais nous craignons néanmoins que l'incertitude quant au régime de réglementation applicable n'ait plutôt pour effet de nuire à la concurrence.

On peut s'interroger sur la finalité des dispositions concernant l'octroi de licences dans la perspective du CRTC et du gouvernement, même si cette question a sans doute déjà fait l'objet de nombreuses discussions. Quant à moi, je suis prête à répondre aux questions que vous souhaiteriez me poser à ce sujet.

Nous pensons qu'il conviendrait de débattre, dans un souci de transparence, des véritables objectifs de l'application de ce régime d'octroi de licences au plan intérieur. Si, comme on l'a dit, cet objectif est de permettre au CRTC d'appliquer les mêmes conditions à tous ceux qui offrent un type particulier de services au Canada—par exemple, le service local—nous pensons qu'il est sans doute possible de recourir à des moyens plus directs pour atteindre cet objectif, de façon à susciter moins d'incertitude et de craintes dans l'industrie et à proposer une base de départ plus ferme pour tous ceux qui veulent intervenir dans l'industrie des télécommunications au Canada.

Notre deuxième critique globale énoncée à l'annexe 2 concerne les dispositions sur la délégation de pouvoirs qui sont proposées dans le nouvel article 46.6 de la Loi sur les télécommunications, soit l'article 6 du projet de loi. À notre avis, elles n'ont pas de rapport direct ni avec les engagements du Canada vis-à-vis de l'OMC, ni avec le document de référence envers lequel nous nous sommes également engagés.

De façon générale, nous nous accommodons de la délégation de pouvoirs au CRTC, qui peut à son tour les sous-déléguer dans certains domaines particuliers comme l'administration d'un système de numérotage et, éventuellement, l'administration d'un fonds de soutien pour l'accès au service. Ce qui nous préoccupe, c'est le caractère non limitatif du pouvoir de prescription conféré au gouverneur en conseil, qui peut—comme l'indiquait le dernier témoin, ainsi que l'avant-dernier, je suppose—conférer une très vaste gamme de pouvoirs au CRTC.

Cette vaste gamme de pouvoirs semble englober, à notre avis, tout ce que le CRTC a actuellement à faire à propos de l'offre de services de télécommunication par les exploitants canadiens, ainsi que tous les pouvoirs dont dispose le gouverneur en conseil ou le ministre en ce qui concerne l'offre de services de télécommunication par les exploitants canadiens.

Encore une fois, un tel degré d'incertitude et d'imprécision risque de limiter la participation aux activités de l'industrie plutôt que de contribuer aux objectifs que se fixe le gouvernement en proposant cette mesure législative.

• 1715

Notre troisième grande préoccupation concerne le processus de certification des appareils de télécommunication proposé à l'article 8 du projet de loi. Ces dispositions doivent s'ajouter à l'article 69 de la Loi sur les télécommunications.

Encore une fois, nous ne pensons pas que ce processus soit justifié ni par nos engagements envers l'OMC, ni compte tenu des documents de référence. Nous ne sommes pas certains des raisons pour lesquelles on a fait figurer ces dispositions dans le projet de loi et nous considérons qu'il conviendrait d'en débattre en profondeur. De façon générale, nous craignons qu'elles n'imposent un fardeau excessif aux importateurs et à tous ceux qui vendent une sorte quelconque d'appareil de télécommunication, et qu'elles ne limitent l'activité dans ce domaine.

Mesdames et messieurs, voilà les commentaires que voulait faire la Section nationale du droit de l'information et des télécommunications sur ce projet de loi.

La présidente: Merci beaucoup, madame MacDonald.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Dans mon intérêt, et peut-être dans l'intérêt du comité, je voudrais essayer de reprendre vos propos. Il me semble que vous critiquez les mêmes dispositions que les intervenants précédents; vous recommandez qu'on les sépare du projet de loi, quitte à adopter tout le reste, et qu'on en poursuive l'étude jusqu'en octobre 1998, lorsque Téléglobe Canada sera réorganisée. D'ici là, il faudrait résoudre tous ces problèmes par un autre processus législatif. Est-ce bien votre point de vue?

Mme Mairi MacDonald: Grosso modo, c'est à peu près notre point de vue. Nous vous invitons à recommander la dissociation des dispositions litigieuses.

Pour autant que je sache, les échéances fixées aux fournisseurs de services internationaux ne permettent pas de poursuivre la discussion jusqu'en octobre 1998, mais ce qui nous inquiète, c'est que ce projet de loi ne concerne pas uniquement nos engagements vis-à-vis de l'OMC. Il a une portée plus large. D'après ce que nous savons des motifs du gouvernement, les autres dispositions ne comportent pas la même urgence que celles qui visent à concrétiser nos engagements dans le cadre de l'accord de l'OMC.

M. Eric Lowther: Je remarque avec intérêt qu'à la troisième rubrique de l'annexe 2, vous signalez que le régime d'octroi de licences ne découle pas des exigences de l'accord de l'OMC. Vous nous dites qu'on a mis en place ce régime d'octroi de licences... Pour quelle raison? C'est la norme mondiale, mais ce n'est pas une exigence?

Mme Mairi MacDonald: Je ne suis pas du tout certaine que l'on puisse dire que c'est la norme. Il me semble que l'accord de l'OMC exige dans la réglementation une certaine ouverture et une certaine objectivité, et de nombreux autres organismes de réglementation, dont certains récemment créés, procèdent par voie de licence, mais ce n'est pas la seule façon d'atteindre ces objectifs.

M. Eric Lowther: J'en viens alors à ma question suivante. Pouvez-vous nous donner un exemple, puisque vous dites qu'il est préférable de procéder directement sans mettre en place un régime de licences?

Mme Mairi MacDonald: Je crois savoir que Stentor vous a proposé un amendement à l'article 24 de la loi existante qui donnerait au CRTC le pouvoir d'établir des conditions pour la fourniture des services par les «fournisseurs de services de télécommunication», à savoir la nouvelle désignation définie dans le projet de loi. Je dirais d'emblée, car je n'ai pas eu beaucoup de temps pour y réfléchir, que cette approche semble avoir du mérite. Il faudrait que j'approfondisse ma réflexion pour pouvoir vous dire si elle est compatible avec l'actuelle Loi sur les télécommunications et avec la compétence du gouvernement à l'égard des fournisseurs de services de télécommunication, mais, dans un premier temps, c'est une idée que l'on pourrait explorer plus avant.

• 1720

La présidente: Avant que nous n'allions plus loin, madame MacDonald, je vous signale que le comité ne pourrait accepter un amendement à l'article 24 de la loi parce qu'il serait irrecevable. J'ai permis la discussion sur l'article 24 parce qu'il s'agit d'un pouvoir plus étendu, mais tout amendement proposé à l'article 24 devant ce comité serait irrecevable.

Mme Mairi MacDonald: Merci.

M. Eric Lowther: Vous dites qu'il serait préférable de procéder plus directement, et j'aimerais en savoir plus. Je ne voudrais pas laisser croire que nous irions de l'avant avec l'amendement, mais ce serait peut-être une façon de régler le problème, pas nécessairement dans ce comité, mais par une autre mesure législative.

Enfin, j'aimerais mieux comprendre pourquoi l'Association du Barreau canadien a voulu comparaître devant notre comité. Défendez-vous les intérêts du groupe Stentor, ou comparaissez-vous à titre particulier? Devons-nous vous percevoir comme un groupe d'avocats que la question intéresse et qui veulent nous aider, ou quoi?

Mme Mairi MacDonald: Si nous sommes perçus comme des défenseurs des intérêts du groupe Stentor, alors j'ai de véritables problèmes avec ma clientèle. Comme Tamra l'a dit, l'Association du Barreau canadien a notamment pour mandat d'oeuvrer à l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. Au niveau national, l'association s'est divisée en sections, chacune chargée d'un secteur d'activité donné. La Section du droit de l'information et des télécommunications s'intéresse à toute une gamme de questions, dont la radiodiffusion, les arts et spectacles, la publicité, la liberté d'expression des médias, tout autant que les télécommunications.

Comme j'ai tenté de l'expliquer dès le départ, vu que les ressources du Barreau sont si limitées, nous veillons à limiter notre intervention aux questions d'ordre juridique, particulièrement dans le secteur des télécommunications, plutôt que de chercher à défendre les intérêts de l'un ou l'autre de nos clients. Cela est dû en partie au fait que beaucoup de nos clients travaillent pour des fournisseurs de services de télécommunication. Ainsi, nous nous donnons énormément de mal pour adopter une attitude neutre sur des questions de politique.

M. Eric Lowther: Merci.

La présidente: Madame Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Pour enchaîner sur la question que M. Lowther vous a posée, est-ce que certains de vos membres sont des conseillers juridiques qui travaillent au gouvernement ou au CRTC?

Pour mieux situer le contexte de ma question, je vous dirai que le Barreau du Québec, dont je suis membre, s'est doté de comités sur la législation, la justice et le droit criminel. Souvent, les membres siégeant à ces comités sont représentatifs de toute l'association; par exemple, au comité du droit criminel siègent des procureurs et des avocats de la défense. Le point de vue ou le consensus qui est établi est un réel consensus dans l'intérêt du public, ce qui est un des mandats et même une obligation du Barreau du Québec selon la loi. Il doit veiller à l'intérêt public. Je me demande si vous avez également ce genre de représentativité.

[Traduction]

Mme Tamra Thomson: Il serait peut-être bon que nous expliquions comment l'Association du Barreau canadien adopte ses politiques, particulièrement pour un secteur d'activité donné.

D'abord, les membres d'une section, comme celle qui s'intéresse au droit de l'information et des télécommunications, sont des experts dans leur domaine. La politique de l'ABC oblige les membres qui participent à l'élaboration d'une politique donnée à indiquer s'ils ont des clients dont les intérêts pourraient influencer leurs propres suggestions en matière de politique. Nous tentons alors de trouver un juste équilibre parmi les membres de la section.

En second lieu, toute prise de position par une section doit être approuvée par le comité national de réforme des lois et du droit, lequel analyse les politiques antérieures de l'Association du Barreau et l'intérêt public pour ensuite formuler une recommandation à l'intention du comité de direction national. La proposition de politique est ensuite soumise à l'exécutif national avant que l'association ne prenne position publiquement.

• 1725

C'est la procédure que nous avons suivie à l'égard de la lettre que vous avez reçue, et elle est conforme aux politiques et aux déclarations soumises à votre comité par la section dans le passé sur d'autres projets de loi.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Alors, dois-je conclure que la réponse est non ou oui? La question était très simple: est-ce qu'il y a parmi les membres de votre section des avocats qui travaillent à la fonction publique fédérale, par exemple dans le domaine des télécommunications, ou au CRTC? C'est simplement cela, la question; la réponse devrait être «oui», «non» ou «je ne le sais pas».

[Traduction]

Mme Tamra Thomson: Les membres de la section sont des avocats en pratique privée ou des membres du contentieux de diverses entreprises, ou encore travaillent à la fonction publique fédérale. La représentation au sein de la section est équilibrée.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Merci. Dans votre mémoire, vous reconnaissez que la loi actuelle donne au CRTC des pouvoirs pour régir l'activité des compagnies canadiennes oeuvrant dans le marché intérieur, «the domestic market» pour reprendre l'expression que l'on entend sans arrêt depuis quelques jours. Aux termes du projet de loi C-17, le pouvoir d'émettre des licences ou de créer un régime de licences serait étendu autant au marché international qu'au marché intérieur. Est-ce que vous croyez que le régime qu'on propose aux articles 1, 3 et 7 du projet de loi C-17 accordera au CRTC des pouvoirs supérieurs à ceux qu'il détient aux termes de la loi actuelle concernant le marché intérieur?

[Traduction]

Mme Mairi MacDonald: Oui.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Dans quelle mesure? Pouvez-vous donner des exemples très concrets et terre à terre, s'il vous plaît, si c'est possible?

[Traduction]

Mme Mairi MacDonald: L'exemple le plus évident, c'est qu'on semble vouloir permettre au CRTC de délivrer des licences pour certaines catégories de services, lesquelles licences s'appliqueraient aux revendeurs, qui ne sont pas des exploitants canadiens au sens des définitions qui figurent actuellement dans la loi. Ainsi, cela donne au CRTC des pouvoirs plus étendus que ceux prévus dans la loi actuelle, qui déterminent qui pourra agir comme revendeurs au Canada. Ensuite, cette disposition énonce des conditions pour la fourniture du service.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Savez-vous qu'une compagnie qui revend de services est venue témoigner, nous a demandé d'être réglementée et s'est dite très satisfaite d'être chapeautée par le CRTC et les pouvoirs qui lui sont conférés? Est-ce que ces renseignements pourraient vous amener à changer votre opinion concernant l'étendue ou l'accroissement des pouvoirs du CRTC au niveau des revendeurs sur le marché intérieur?

[Traduction]

Mme Mairi MacDonald: Je continue de croire que le projet de loi propose d'étendre les pouvoirs du CRTC. J'ai ouï dire qu'au moins un revendeur est venu exprimer son approbation de cette mesure. Ce qui m'inquiète, c'est que les pouvoirs d'attribution de licences semblent illimités. Manifestement, le revendeur qui vous a parlé a des visées bien précises sur le marché intérieur, qui sont peut-être parfaitement acceptables.

Il se peut aussi que le CRTC ait besoin de pouvoirs additionnels pour défendre l'intérêt public en ce qui a trait aux activités des revendeurs ou des exploitants canadiens sur les marchés locaux, les marchés interurbains ou tout autre marché. Mais nous cherchons tout simplement à faire valoir qu'un pouvoir d'attribution de licences sans restriction pourra être utilisé à bien d'autres fins qu'au seul règlement de problèmes particuliers.

• 1730

Nous recommandons donc de mentionner expressément dans la loi l'objectif précis au lieu de donner tout simplement au CRTC des pouvoirs illimités comme ceux-ci, qui, à notre avis, compliqueront la vie de ceux qui cherchent à décider s'ils veulent ou non s'implanter sur ce marché, ou encore de ceux qui, une fois implantés ici, cherchent à savoir si leurs activités sont toujours en règle ou s'ils doivent surmonter d'autres obstacles réglementaires dont ils ignoraient l'existence.

Mme Marlene Jennings: Merci.

La présidente: Merci, madame Jennings. Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'ai aussi été surprise de certains commentaires. Il y a des commentaires juridiques qui sont utiles, bien qu'il me semble que beaucoup de vos commentaires aient été d'ordre politique et économique. Bien sûr, les membres du Barreau peuvent en faire, mais ce n'est pas en tant qu'avocats qu'ils peuvent faire état de ces positions.

Cependant, si je m'en tiens à ce qui est de votre compétence précise, vous attirez notre attention sur le fait qu'on donnerait au CRTC le pouvoir de déléguer. Il semble y avoir une erreur dans la version française de votre mémoire, où vous faites appel à la vieille règle delegatus non potest delegare. Vous écrivez plutôt delegator non potest delegare. Il y a sûrement une faute; dans une autre vie, j'ai enseigné le latin et je suis assurée que ce n'est pas delegator. Cette expression veut dire que celui à qui on a délégué un pouvoir ne peut déléguer ce pouvoir. Est-ce exact? J'aimerais vous entendre nous préciser votre pensée.

[Traduction]

Mme Mairi MacDonald: Ce qui me préoccupe principalement, c'est qu'il n'y a pas de restrictions aux pouvoirs qui peuvent être délégués au CRTC, que les pouvoirs qui peuvent être délégués au CRTC par le gouverneur en conseil ne sont plus assujettis à aucune restriction. Nous n'en connaissons pas la nature, si ce n'est les ressources et l'administration qu'envisage le gouvernement en proposant cela.

Il est bien clair que le gouvernement peut céder au CRTC le pouvoir de déléguer tout pouvoir qui lui aurait été délégué. C'est parfait. Ce n'est pas contraire au vieil adage... Mais lorsqu'il s'agit de savoir s'il est opportun de déléguer de tels pouvoirs, nous recommandons que cela soit dit expressément dans la loi et que l'étendue des pouvoirs délégués soit mieux définie, afin que nous puissions tous comprendre parfaitement l'intention du gouvernement. De la façon dont il est libellé, le projet de loi accorde un pouvoir quasi illimité.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Oui, je comprends. En fait, si on continue votre raisonnement, puisque le CRTC est un organisme public, un citoyen qui serait brimé par une position prise par le CRTC pourrait revenir à l'encontre du CRTC. Mais si le CRTC délègue son pouvoir à un organisme privé, les citoyens perdent toute prise sur une décision ou des décisions qui pourraient être prises. Il me semble que c'est un commentaire qui peut être très judicieux.

Madame la présidente, comme vous le disiez, plus ça va, moins c'est simple.

La présidente: Oui, oui.

Mme Francine Lalonde: Cependant, je ne pense pas que la recommandation voulant qu'on n'adopte que quelques articles serait bien pratique. En fait, ce projet de loi, malgré ce que vous en dites, n'est pas dicté seulement par le fait qu'on transforme le mandat de Téléglobe. Je crois qu'on profite de cette circonstance, compte tenu des changements importants survenus dans le marché, y compris dans la technologie, pour repenser la Loi sur les télécommunications. C'est donc plus, bien qu'on y touche aussi, que l'ajustement à la nouvelle entente sur les services négociés dans le cadre du GATT. Merci.

[Traduction]

Mme Mairi MacDonald: En réponse à ce dernier commentaire, je crois que c'est absolument exact. Il est bien clair que ce projet de loi propose des changements d'une plus grande portée que ceux qui sont rendus nécessaires par nos nouveaux engagements. Or, le projet de loi a franchi rapidement les étapes du processus législatif, et nous croyons que certains de ces changements pourraient entraîner des changements de très grande portée dans l'industrie.

• 1735

Nous recommandons que votre comité recommande que les représentants du secteur, leurs avocats et les parlementaires aient l'occasion d'étudier plus profondément ces questions avant d'adopter ces dispositions, qui confèrent des pouvoirs considérables qu'on pourrait même qualifier d'excessifs.

La présidente: Merci, madame MacDonald et madame Thomson, de votre exposé.

La greffière et moi-même avons examiné votre proposition, mais il ne semble pas que nous puissions scinder le projet de loi. Nous pourrions recommander au Président de la Chambre qu'on le scinde, mais nous ne nous souvenons pas de la dernière fois qu'on l'a fait, même pour des projets de loi omnibus. Et il ne s'agit pas ici d'un projet de loi omnibus, mais simplement d'une mesure portant sur les communications. Nous pourrions supprimer certains articles, et c'est au comité d'en décider, mais nous n'avons pas le pouvoir de scinder le projet de loi, ou des articles de ce dernier. Je n'ai pas eu l'occasion de faire des recherches sur la question, mais je crois que même si l'on remonte aux années 30 on ne trouvera aucun cas où le Président ait accepté cela. Si ce que je dis n'est pas exact ou que vous avez un autre précédent, n'hésitez pas à me corriger, mais nous ne connaissons aucun précédent qui nous permette de faire ce que vous recommandez. Cependant, nous prenons bonne note de vos préoccupations et de vos commentaires.

Mme Mairi MacDonald: Je ne peux citer aucun précédent pour contredire ce que vous dites. Je voulais juste signaler que si nous avons fait cette proposition, c'est parce que nous ne pouvons pas recommander fortement qu'on supprime certains articles. Mais nous voulons porter à votre attention ces préoccupations de l'Association du Barreau canadien, plus particulièrement de ma section. Nous savons que nous pouvons compter entièrement sur vous pour prendre une décision avisée.

La présidente: Nous vous remercions de votre confiance, et je peux vous dire que vous avez attiré notre attention.

Mme Mairi MacDonald: Merci.

La présidente: Nous vous remercions infiniment de votre exposé.

Je demanderais aux membres du comité de rester quelques instants.

La séance est levée.