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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 10 février 1998

• 0910

[Traduction]

La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): La séance est ouverte.

Il s'agit de la quinzième réunion du Comité permanent de la santé. Le comité examine actuellement la question des produits de santé naturels.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je vais vous présenter nos groupes de témoins et je demanderais ensuite aux témoins de se présenter eux-mêmes.

Nous accueillons d'abord le Committee for Preserving the Integrity of Chinese Herbology and Traditional Chinese Medicine. Docteur Wu, c'est vous qui dirigez votre petite délégation?

Dr Joseph Wen-Teng Wu (président, Committee for Preserving the Integrity of Chinese Herbology and Traditional Chinese Medicine): Oui.

La présidente: Dans ce cas, je vous demanderai de nous présenter vos deux collègues lorsque j'aurai terminé de présenter les groupes de témoins.

Nous accueillons aussi de la société Personal Health and Nutrition, M. Paul Hogarth et, de l'Association des pharmaciens du Canada, M. Poston et Mme Willems.

Je donnerai aux témoins la parole dans l'ordre où ils figurent à notre ordre du jour. Docteur Wu, voulez-vous commencer.

Je vous prie d'abord de nous présenter vos deux collègues.

Dr Joseph Wen-Teng Wu: Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant le Comité permanent de la santé. J'espère que ce que j'aurai à dire sera utile aux Canadiens qui s'intéressent à la question à l'étude.

Permettez-moi de vous présenter un collègue, le Dr Henry Lu, avec qui je travaille depuis de nombreuses années dans le domaine de la médecine chinoise traditionnelle. Il est le directeur du International College of Traditional Chinese Medicine, le plus ancien collège de ce genre en Colombie-Britannique. Il est également directeur de notre association.

Le Dr Bill Chan exerce deux professions: il pratique la médecine occidentale ainsi que la médecine chinoise. Il peut donc aborder la question sous un angle tout à fait particulier. Il est membre de PTCM et président de Treasure Box Products Inc.

Je vous remercie beaucoup.

De plus en plus de Canadiens ont régulièrement recours à la médecine chinoise traditionnelle qu'ils considèrent comme une médecine d'appoint. Comme je le signale dans mon mémoire, Santé Canada réglemente de façon inadéquate la pratique de la médecine chinoise traditionnelle de telle sorte qu'elle la compromet, ne tenant pas compte des principes, de la théorie, de l'application et de la culture qui s'y rattache.

Les Canadiens qui ont recours à la médecine chinoise traditionnelle ont du mal à en évaluer les produits. La directrice en matière d'herboristerie se fonde sur des normes pharmaceutiques qui ne font aucune place aux pratiques et aux paradigmes inhérents à la médecine chinoise traditionnelle. Il est donc presque impossible aux produits issus de cette médecine de se conformer aux normes. Cette directive compromet donc la liberté de choix des Canadiens puisqu'on les prive de l'accès à certains remèdes à base d'herbes utilisées dans la médecine chinoise traditionnelle.

J'aimerais vous signaler que la médecine chinoise traditionnelle se pratique au Canada depuis un siècle. En outre, ce secteur génère des emplois ainsi que des retombées économiques qu'on ne peut sous-estimer. Selon un sondage mené par le groupe Angus Reid/CTV qui a été rendu public le 8 septembre 1997, 70 p. 100 des Canadiens souhaitaient que le coût des médicaments et des services de santé d'appoint soient couverts par les régimes provinciaux de soins de santé. En outre, 66 p. 100 des Canadiens sont d'avis que le gouvernement devrait favoriser le recours aux médecines d'appoint dans le but d'éventuellement réduire l'énorme coût du financement du système de soins de santé.

J'attire aussi votre attention sur le fait que la Chine, Taiwan, Hong Kong, le Japon et certains États américains reconnaissent déjà la validité et l'efficacité de la médecine et des remèdes chinois traditionnels.

• 0915

En conclusion, je presse sincèrement le Comité permanent de la santé de prendre les mesures suivantes pour faire en sorte que la médecine chinoise traditionnelle ainsi que les médicaments chinois traditionnels soient accessibles aux consommateurs canadiens et puissent être remboursés par les régimes provinciaux de soins de santé.

La première mesure que nous voudrions voir le comité prendre est de reconnaître et d'accepter les propriétés thérapeutiques de la pharmacopée chinoise, notamment les propriétés énumérées à l'annexe 1. L'annexe 1 donne la pharmacopée ancienne. Elle nous donne aussi la pharmacopée officielle reconnue par le ministère de la Santé de la République populaire de Chine.

La deuxième mesure que nous préconisons est de reconnaître et d'accepter les propriétés thérapeutiques, les ingrédients et les modifications des formules de médicaments utilisés dans la pratique de la médecine chinoise traditionnelle qui figurent dans les textes et les documents traditionnels, notamment ceux qui figurent à l'annexe 2. J'ai cité à l'annexe 2 environ 49 textes et documents anciens dont les auteurs sont d'illustres médecins dans l'histoire médicale chinoise. Je pourrais évidemment vous fournir une bibliographie beaucoup plus complète.

Mes collègues et moi-même répondrons maintenant volontiers à vos questions.

Je vous remercie beaucoup.

La présidente: Je vous remercie beaucoup. Vous avez eu l'obligeance d'être bref.

Paul.

M. Paul Hogarth (propriétaire et fondateur de Personal Health and Nutrition): Comme j'ai mis le texte de mon allocution dans la mauvaise valise, vous m'excuserez de devoir vous présenter les choses de façon un peu moins structurée que je ne l'aurais souhaité.

Je m'appelle Paul Hogarth. Je suis un détaillant indépendant de produits de santé naturels. Au Canada et aux États-Unis, je suis un auteur à succès et je fais des conférences dans le monde entier sur la nutrition et ses avantages pour l'être humain.

On constate aujourd'hui que de plus en plus d'Occidentaux en particulier optent pour les produits naturels lorsqu'ils sont malades. Je suis fermement convaincu qu'on devrait permettre un libre accès aux produits naturels. Je ne pense pas qu'on devrait avoir l'illusion de pouvoir améliorer le système.

Lorsque je m'entretiens avec les gens, je constate que ce ne sont pas eux qui s'inquiètent vraiment des avantages ou des inconvénients des produits naturels, mais que ce sont les grandes industries dont l'objectif est toujours d'accroître leurs profits.

Je suis consterné de voir que les décisionnaires pensent qu'il faudrait réglementer davantage les produits et les suppléments alimentaires naturels étant donné que les articles 4 et 5 de la Loi sur les aliments et drogues énoncent déjà clairement les procédures et les protocoles touchant les suppléments alimentaires non naturels.

Permettez-moi de vous donner un exemple qui me rend perplexe. Si une personne fume et qu'on lui dit d'arrêter de fumer, elle vous répondra: «Si je veux me tuer, qu'on me laisse le faire. Je peux fumer. C'est à moi de décider d'arrêter si je veux. Si je veux m'acheter des cigarettes, personne ne peut m'en empêcher.» Or, si quelqu'un veut se soigner avec des suppléments vitaminiques et des suppléments à base d'herbes, on lui répondra: «Vous ne pouvez pas simplement acheter les produits que vous voudriez acheter. Vous devez obtenir une ordonnance de votre médecin, de votre naturopathe ou de votre homéopathe. Vous n'avez pas le droit de chercher à vous guérir de cette façon, mais vous pouvez vous tuer si vous le souhaitez.»

J'aimerais simplement signaler le fait que la réglementation actuelle suffit pour protéger la santé des Canadiens et que tout resserrement de la réglementation ne fera que nuire à la santé en les privant d'un accès libre aux produits de santé naturels. Les politiques qu'on songe à adopter ne vont pas permettre un libre accès à ces produits. Pour que l'accès à ces produits soit libre, il faudrait qu'on puisse se les procurer à un magasin d'aliments naturels.

On compte actuellement 2 000 magasins d'aliments naturels au Canada qui seront grandement touchés par la nouvelle réglementation. Près de 100 000 propriétaires de sociétés appartenant à un réseau de commercialisation seront aussi touchés par cette réglementation. J'espère qu'on pourra cependant empêcher que ce soit le cas.

Je vous remercie de votre attention et je répondrai volontiers à vos questions.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Hogarth.

Qui va prendre la parole au nom de l'Association des pharmaciens?

Dr Jeff W. Poston (directeur, Recherche et développement de la pratique, Association des pharmaciens du Canada): Je vous remercie, madame la présidente.

Je m'appelle Jeff Poston. Je suis directeur de recherche et du développement des pratiques à l'Association des pharmaciens du Canada. Ma collègue, Mme Noëlle-Dominique Willems, directrice des affaires gouvernementales et publiques, et moi-même sommes heureux de l'occasion qui nous est donnée de comparaître aujourd'hui devant le comité.

• 0920

L'Association des pharmaciens du Canada représente plus de 9 000 pharmaciens dans tous les domaines où notre profession est représentée au Canada. Nous aimerions signaler certains faits au comité puisqu'il entreprend d'étudier la question importante des médicaments à base d'herbes et des médicaments homéopathiques.

La réglementation des produits à base d'herbes et des produits homéopathiques a toujours préoccupé les pharmaciens communautaires. Ils s'intéressent encore plus à la question depuis qu'un nombre croissant de leurs patients leur demandent des explications sur la valeur de ces produits.

Certains intervenants qui comparaîtront devant le comité soutiendront que les pharmaciens tentent d'accroître leur part de marché en ajoutant les produits à base d'herbes à la vaste gamme de leurs produits. Or, un sondage mené auprès de 2 000 consommateurs canadiens par le Canada Health Monitor Survey révèle que 65 p. 100 des consommateurs se procurent déjà des médicaments non conventionnels dans les pharmacies. Les pharmaciens n'ont donc pas beaucoup à gagner à plaider en faveur d'un renforcement de la réglementation.

Toutefois, comme intervenants de première ligne des soins de santé, ils désirent offrir des médicaments offrant le plus de sécurité et d'efficacité au meilleur prix possible. Étant donné l'emploi croissant des remèdes à base d'herbes médicinales avec les médicaments conventionnels, on doit donc les considérer comme faisant partie de la panoplie des soins pharmaceutiques. Les pharmaciens doivent être informés des propriétés pharmacologiques et de la bonne utilisation des produits les plus fréquents et de leur interaction, notamment avec les médicaments conventionnels, ou des réactions allergiques possibles et être certains de la qualité des produits qu'ils offrent.

Nous recommandons donc de considérer les produits à base d'herbes médicinales comme des produits d'automédication et comme partie intégrante des produits visés par la section de la Loi sur les aliments et drogues qui traite des médicaments.

Nous recommandons par ailleurs, de soumettre les remèdes à base d'herbes médicinales aux principes de l'harmonisation du tableau des médicaments, établis dans le rapport final (août 1997) du Comité consultatif national sur les annexes de médicaments, qui fixe les critères de la vente des médicaments visés aux divers tableaux.

En ce qui touche le coût de la réglementation, nous recommandons d'assujettir l'ensemble des fabricants canadiens de produits à base d'herbes et de produits homéopathiques au cadre de recouvrement des coûts établi par la Direction générale des produits thérapeutiques.

Nous félicitons le gouvernement fédéral d'avoir créé le Comité consultatif sur les produits de santé naturels présidé par le Dr Frank Chandler et nous appuyons les principes que le comité se propose de respecter dans le cadre de ses travaux.

Nous estimons cependant qu'il est inutile d'ajouter une troisième catégorie aux produits qui sont assujettis à la Loi sur les aliments et drogues. Les produits d'herboristerie devraient s'intégrer à un cadre qui tient compte de la posologie des produits ainsi que de leurs propriétés thérapeutiques. On peut se reporter à la grille d'évaluation des risques à trois niveaux pour classer ces produits.

Nous convenons avec le comité qu'il conviendrait de prévoir un processus d'homologation simple pour les produits à base d'herbes et les produits homéopathiques qui présentent peu de risques, en particulier lorsqu'il s'agit de produits pour lesquels il existe déjà des normes et des références traditionnelles.

Nous souhaitons insister aujourd'hui sur les trois préoccupations qui ont toujours animé les pharmaciens au sujet des produits thérapeutiques: l'innocuité, l'efficacité et la qualité. Parlons d'abord de l'innocuité des produits.

Les produits à base d'herbes médicinales comme toutes les formes d'automédication, peuvent être dangereux pour la santé. Le fait pour un patient de s'autoadministrer des médicaments peut l'amener à reporter le moment où il consultera un professionnel de la santé. Le traitement de cette personne peut finir par coûter plus cher au système de soins de santé canadien. Il importe donc que ceux qui choisissent de s'autoadministrer ces médicaments sachent exactement à quoi s'en tenir à leur sujet.

Le gouvernement devra évaluer de nombreux aspects de l'innocuité des produits à base d'herbes médicinales quand il les réglementera. Il devra notamment établir la toxicité aiguë et chronique des diverses formes posologiques et l'impact sur les conséquences de l'utilisation à long terme de ces produits. Nous recommandons donc que lorsque c'est possible, les produits à base d'herbes médicinales soient assujettis aux mêmes normes en matière d'innocuité que les autres produits thérapeutiques.

Bien que nombre de produits à base d'herbes soient réservés à des usages traditionnels bien établis, il importe de protéger la santé des consommateurs par un étiquetage adéquat. Nous recommandons donc que les produits s'accompagnent de mises en garde claires au sujet de l'ingestion excessive, des réactions allergiques, de la possibilité de réactions phototoxiques, d'effets secondaires et d'interactions éventuelles avec d'autres aliments et médicaments.

• 0925

La documentation traitant de l'interaction des produits à base d'herbes médicinales avec les médicaments conventionnels est limitée. On devra déterminer les ingrédients d'origine végétale qui peuvent interagir avec certains médicaments conventionnels compte tenu des propriétés phytochimiques et pharmacologiques connues de certaines herbes et de leurs effets secondaires.

C'est pourquoi nous recommandons que Santé Canada favorise la recherche concernant les interactions des produits à base d'herbes médicinales avec les médicaments conventionnels et informe les professionnels de la santé et les consommateurs en ce domaine.

Nous nous préoccupons aussi de la façon dont seront signalés les effets indésirables de certains produits. Il n'existe pas au Canada de mécanismes de rapport des effets secondaires des produits d'automédication ou des produits à base d'herbes médicinales, sauf si leur gravité justifie les soins d'un spécialiste ou nécessite l'hospitalisation.

Nous recommandons que le gouvernement étudie la possibilité de créer un mécanisme de rapport des réactions adverses aux médicaments qui permettrait aux consommateurs de noter les faits importuns laissant supposer des réactions ou des effets secondaires causés par des produits d'automédication.

La publicité vantant l'efficacité des produits à base d'herbes médicinales, qui est à l'origine de leur consommation accrue, justifie qu'on procède à un examen à leur sujet. Comme pour les autres remèdes dont l'évaluation est en cours au Canada, on se dirige vers un mécanisme de prise de décisions basé sur les faits; de plus, les produits à base d'herbes devraient être assujettis aux mêmes règles que les autres produits thérapeutiques, surtout si l'on doit les inclure dans les régimes d'assurance-médicaments comme le demandent bon nombre de ceux qui les utilisent.

Il n'existe pas de documentation clinique pour la plupart des produits à base d'herbes. Toutefois, on ne voit pas pourquoi ces produits ne devraient pas être offerts pour traiter les affections mineures, pourvu qu'ils soient conformes aux usages traditionnels qui, compte tenu des données pharmacologiques et toxicologiques, semblent rationnels, que leurs ingrédients d'origine végétale soient de qualité et sûrs, et que les mises en garde et les contre-indications figurent sur l'étiquette. On ne pourrait, toutefois, en vanter les qualités thérapeutiques à moins qu'elles ne soient prouvées.

Nous recommandons donc que les affirmations quant à la valeur thérapeutique des produits à base d'herbes médicinales reposent sur les données cliniques. Nous recommandons également que Santé Canada réglemente et soumette à un contrôle les affirmations et la publicité des fabricants de ces produits. Nous recommandons que l'organisme qui approuve la publicité sur les médicaments en vente libre soit aussi chargé d'approuver la publicité se rapportant aux produits à base d'herbes médicinales et aux produits homéopathiques et que Santé Canada réglemente de façon adéquate la publicité associative.

Pour ce qui est de la qualité, nous estimons que les remèdes à base d'herbes médicinales présentent des problèmes uniques en raison de la nature de leurs ingrédients d'habitude un mélange complexe d'éléments d'origine végétale qui varie beaucoup selon les facteurs environnementaux et génétiques, leur provenance ou la partie de la plante dont ils sont tirés. Il importe d'exercer un contrôle sur la matière brute de manière à assurer la fabrication de produits à base d'herbes de qualité uniforme.

Enfin, nous aimerions dire quelques mots au sujet du rôle du gouvernement fédéral. De plus en plus de gens essaient les médecines douces, mais les fabricants comme les détaillants de produits de santé naturels s'opposent à ce que le gouvernement fédéral joue un rôle important dans ce domaine. Or, le gouvernement fédéral assure déjà la protection des Canadiens dans de nombreux domaines: les aliments, les médicaments, les biens de consommation et les transports. Il n'y a pas de raison valable pour que le gouvernement fédéral renonce à son rôle en ce qui touche la protection du public dans le cas des produits à base d'herbes médicinales et des produits homéopathiques.

L'efficacité avec laquelle la Loi sur les aliments et drogues assure l'innocuité et l'efficacité des produits pharmaceutiques ne devrait pas nous inciter à moins de vigilance. Si les médicaments et les biens de consommation ne posent pas de risque pour le consommateur et répondent à leurs attentes, c'est parce que le gouvernement du Canada les réglemente adéquatement.

Nous reconnaissons que dans la mesure du possible, les consommateurs doivent continuer à pouvoir choisir librement les produits qui leur conviennent, mais il incombe au gouvernement de veiller à l'innocuité des produits qui leur sont offerts.

• 0930

Nous recommandons donc que les produits à base d'herbes médicinales soient assujettis aux mêmes normes de fabrication que tous les autres produits de consommation courante au Canada. Je vous remercie beaucoup.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Hill.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Je vous remercie.

Je vous remercie de vos exposés. J'aimerais poser une première question sur la médecine chinoise traditionnelle.

Vous êtes le premier groupe de témoins à réclamer que la médecine que vous pratiquez soit couverte par le régime d'assurance-maladie. Préconisez-vous l'inclusion au régime des produits de la médecine chinoise traditionnelle ou des services qu'offrent les praticiens?

Dr Joseph Wen-Teng Wu: Nous pensons que tant les produits que les services que nous offrons devraient être remboursés.

M. Grant Hill: Avez-vous une idée de ce que cela coûterait?

Dr Joseph Wen-Teng Wu: Je n'ai pas de chiffres exacts à vous fournir, mais je peux obtenir cette information de Taiwan. Le régime de soins de santé national de Taiwan couvre actuellement la pratique de la médecine chinoise. L'achat d'un certain nombre de médicaments est également remboursé. Je peux me rendre à Taiwan et obtenir cette information pour vous.

M. Grant Hill: Il serait utile que le comité sache quels produits sont remboursés. Pourriez-vous fournir cette information au greffier et nous donner une idée du coût de cette proposition pour le Canada.

Dr Joseph Wen-Teng Wu: Oui. Je ferai cette recherche pour le comité.

J'essaierai d'organiser un colloque entre le PPT et le ministère de la Santé de Taiwan dont relève la médecine chinoise. La réaction du Canada est positive dans ce domaine, mais n'est pas encore bien définie.

J'essaierai d'organiser ce colloque et j'obtiendrai l'information voulue.

M. Grant Hill: Très bien.

Dr Henry Lu (Committee for Preserving the Integrity of Chinese Herbology and Traditional Chinese Medicine): Vous demandez combien cela coûtera, mais il faudrait plutôt se demander combien cela nous permettra d'économiser. Si je suis malade et que je suis hospitalisé, cela coûtera peut-être 10 000 $ au gouvernement. Si je consulte un médecin chinois, cela ne coûtera peut-être que 500 $.

M. Grant Hill: Vous ne serez jamais malade. Très bien. Je comprends.

Nous aimerions aussi que vous nous fournissiez une analyse coûts-avantages si cela vous est possible. La chose n'est pas aisée, mais il faut bien faire cette analyse.

Ma question s'adresse maintenant à l'Association des pharmaciens du Canada. On entend souvent dire que les grandes sociétés pharmaceutiques accapareraient ce marché si les normes qu'on établissait étaient suffisamment élevées pour exclure tous les petits fabricants.

On nous dit aussi—et je crois que c'est juste—que beaucoup de préparations pharmaceutiques sont beaucoup plus toxiques que certains des produits de santé naturels. On nous a dit que l'aspirine tuait 1 400 personnes par année au Canada. J'ai vérifié que ce chiffre était bien juste.

Pourquoi faudrait-il donc que les normes soient aussi élevées pour des produits qui présentent moins de risques? Pourquoi faudrait-il que les normes qui s'appliquent à ces produits soient les mêmes que celles auxquelles sont assujetties les préparations pharmaceutiques?

Dr Jeff Poston: Je crois qu'on a prouvé que les produits à base d'herbes médicinales peuvent être tout aussi toxiques que certaines préparations ou produits pharmaceutiques traditionnels.

M. Grant Hill: Pourriez-vous nous fournir les données sur le taux de morbidité et surtout sur le taux de mortalité?

Dr Jeff Poston: On trouve une série de rapports dans les publications spécialisées. Ainsi, 70 personnes ont récemment dû être hospitalisées en Belgique en raison d'une insuffisance rénale. Ces personnes ont dû subir une dialyse rénale et ensuite une greffe du rein en raison d'une erreur d'étiquetage sur différents produits à base d'herbes. On a constaté des cas de toxicité hépatique—de lésions au foie—chez des gens qui faisaient usage de thé à base d'herbes.

On a fait état d'un nombre considérable de cas de toxicité dus à l'utilisation de produits à base d'herbes traditionnels. Il est vrai que ces produits sont utilisés depuis des années, mais lorsqu'ils ont été mis au point, la science ne permettait pas d'en évaluer la toxicité comme dans le cas des préparations pharmaceutiques plus courantes.

M. Grant Hill: Je vous demande aussi de nous fournir une bibliographie pour que nous puissions aussi consulter ces documents...

Dr Jeff Poston: Volontiers.

M. Grant Hill: ... et en particulier de l'information qui porterait sur les graves effets secondaires de certains médicaments et sur le taux de mortalité. On nous dit souvent qu'on ne peut pas attribuer une seule mort à l'utilisation de produits de santé naturels. Prouvez-nous le contraire si vous le pouvez. Cela nous serait utile.

Dr Jeff Poston: Oui.

• 0935

La présidente: Je vous prie de vous assurer d'envoyer cette information au greffier du comité.

Dr Joseph Wen-Teng Wu: Puis-je intervenir là-dessus? Je discute de cette question depuis quatre ans avec les responsables du PPT. Ainsi, en 1995, on a émis une liste d'herbes interdites. Six d'entre elles sont couramment utilisées dans la médecine chinoise. J'ai donc demandé des explications aux responsables du PPT et on m'a dit qu'il s'agissait de toxines. On m'a notamment dit que les branches et les feuilles de la pivoine de Chine contenaient une toxine. Nous n'utilisons cependant pas les feuilles ni les branches de cette plante dans nos préparations. Nous utilisons sa racine et sa racine ne contient aucune toxine.

Il nous faut aussi nous conformer à certains procédés établis. Je...

[Note de la rédaction: Inaudible]... ces gens lorsqu'ils utilisent des herbes chinoises. Peut-être qu'ils prennent une branche de la plante et qu'ils la transforment. Peut-être qu'ils la broient et en font toute une poudre sans respecter les procédés de l'herboristerie chinoise. Quand utilise-t-on des herbes chinoises? Dans le cadre de l'exercice de la médecine chinoise et de l'herboristerie chinoise. Il n'est pas juste qu'on nous impute le blâme si ces produits sont mal utilisés par des gens qui ne s'y connaissent pas en médecine chinoise.

Je vous remercie.

M. Grant Hill: Je vous remercie.

La présidente: Je vous remercie. Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Docteur William Chan, j'ai cru comprendre, lorsqu'on a décliné vos titres, que vous étiez médecin diplômé du Collège des médecins du Canada et que vous étiez aussi diplômé en médecine chinoise, que vous pratiquez également. Est-ce exact?

[Traduction]

Dr William Chan (Committee for Preserving the Integrity of Chinese Herbology and Traditional Chinese Medicine): Oui. J'ai une formation en médecine occidentale et en médecine chinoise. Depuis deux ans, je m'occupe surtout de mon entreprise. J'ai cependant fait mes études de médecine au Canada.

[Français]

Mme Pauline Picard: J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous arrivez à concilier la médecine chinoise et la médecine conventionnelle. Par exemple, est-ce que vous utilisez des produits chimiques dont l'efficacité a été prouvée?

[Traduction]

Dr William Chan: On peut dire que j'ai grandi au Canada et, si vous m'aviez demandé ce que je pensais il y a huit ou dix ans de la médecine chinoise, comme beaucoup d'autres, je vous aurais répondu que c'était du charlatanisme. Il a donc fallu que je modifie du tout au tout ma façon de penser pour m'intéresser à la médecine chinoise et pour l'accepter. J'ai été exclusivement formé dans la médecine occidentale et on m'a appris à utiliser les médicaments allopathiques et à me servir d'ICU.

Lorsque j'ai commencé à exercer la médecine familiale, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de choses que je ne savais pas et qu'il y avait tout un autre aspect à la santé et à la guérison. J'ai parlé avec des gens... Certains de mes patients se sont tournés vers un médecin chinois et j'ai commencé à m'intéresser aux systèmes de santé non conventionnels. Je n'ai pas besoin de vous dire à quel point cela intéresse les gens.

La raison pour laquelle j'ai choisi la médecine chinoise traditionnelle, c'est que c'est l'un des systèmes de santé les plus solides et je ne songe pas ici seulement aux méthodes de traitement. Tout le monde a entendu parler de l'acupuncture, mais il y a aussi l'herboristerie, les cures à base d'aliments, l'exercice, les massages chinois, etc.

Cela ne s'arrête pas là. Ce qui fait la force de la médecine chinoise, c'est qu'on étudie la liste des symptômes d'un patient—et la médecine occidentale ne permet pas de faire un lien entre tous ces symptômes—pour essayer de comprendre pourquoi une personne se porte mal. Or, si on ne comprend pas cela, on ne peut pas vraiment aider le patient.

Comme la médecine chinoise traditionnelle existe depuis des milliers d'années, on ne peut pas facilement la rejeter. Il y a toute une mystique qui entoure la médecine chinoise. En fait, plus j'apprends la médecine chinoise, plus je me rends compte qu'il y a des similitudes entre la médecine orientale et la médecine occidentale. Ce sont les deux versants d'une même montagne. Je pense qu'un jour, les échanges entre les praticiens des deux types de médecine seront beaucoup plus fréquents.

Je ne pourrais pas ne pas en voir l'avantage. Même si c'est un tout autre langage, je trouve qu'il y a beaucoup de similitudes. Pour ce qui est d'utiliser le modèle médical pour améliorer la santé de quelqu'un, je pense que je l'ai accepté en ce sens, même si ce n'était pas les mêmes études en double aveugle dans tous les cas. J'en ai vu les effets.

• 0940

Si on veut aller plus loin et se demander ce qu'il en est de tous ces médicaments occidentaux par rapport aux produits naturels, je ne pense pas que quiconque ici nierait qu'il faut en assurer l'innocuité et en vérifier l'efficacité. Naturellement, l'innocuité est primordiale. L'efficacité et la qualité—je ne pense pas que quiconque nierait que nous devons prendre en compte ces considérations. Par ailleurs, je ne pense pas qu'il soit juste d'en interdire l'accès parce que nous ne les comprenons pas ou que nous n'avons pas le même genre d'information. Quoi qu'il en soit, je n'hésite pas à m'en servir, parce que je peux en quelque sorte en voir les deux cotés, les avantages et les inconvénients.

Un dernier exemple, si vous me le permettez. Prenons le cas d'une herbe chinoise, appelée dong quai, dont certains disent qu'elle devrait donner lieu à des mises en garde parce qu'elle présente beaucoup de risques pour la santé. Tout ce que j'ai à dire, c'est que parfois la vision occidentale présente beaucoup d'avantages, quand entrent en jeu des activités poussées de recherche, de transformation et d'extraction, et que dès que nous pouvons identifier une fraction de la plante et en trouver l'ingrédient actif, nous pouvons commencer à l'utiliser.

Mais c'est parfois en fait l'inverse. En appliquant le modèle allopathique à certains de ces remèdes naturels, on finit par en perdre bon nombre de qualités. On ne risque absolument rien si on tire la racine de dong quai du sol et qu'on l'absorbe; on en aura tous les bénéfices. Mais à partir du moment où on commence à en tirer des extraits et à y appliquer certaines des exigences occidentales en matière d'information et de vérification de l'efficacité, d'établissement de la preuve, on en isole en quelque sorte la toxicité. Il y a donc beaucoup de choses à prendre en compte, mais je ne suis pas sûr que nous en ayons le temps.

La présidente: Voulez-vous répondre brièvement?

[Français]

Mme Noëlle-Dominique Willems (directrice, Affaires gouvernementales et publiques, Association des pharmaciens du Canada): Madame Picard, c'est une question très intéressante. En fait, le modèle australien, qui est en train d'être développé, fait qu'on peut choisir à l'université de faire les deux médecines ensemble, soit la médecine chinoise traditionnelle et la médecine qu'on appelle conventionnelle à l'Ouest. Il y a de plus en plus de médecins qui pratiquent les deux en même temps en disant qu'elles sont complémentaires.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, madame la présidente.

Ma question s'adresse à M. Hogarth. En ce qui concerne les consommateurs, avez-vous une idée du type de consommateurs qui utilisent des produits de santé naturels, dans quelle proportion et quels types sont de produits?

M. Paul Hogarth: En somme, je dirais que de façon générale il s'agit de gens âgés. Ce sont eux qui commencent à se tourner vers ces produits parce qu'ils commencent à souffrir de certaines maladies. Mais, dans l'ensemble, il n'y a pas de consommateurs types. La clientèle est formée de toutes sortes de gens, des personnes qui sont jeunes, qui sont âgées, qui ont un excès ou une insuffisance de poids. C'est tout simplement attribuable au fait que de plus en plus de gens découvrent les avantages des soins de santé naturels et ont tendance à y recourir davantage.

M. Lynn Myers: Est-ce qu'on a étudié par exemple les combinaisons des diverses catégories de produits de santé?

M. Paul Hogarth: Je suis certain qu'on a déjà largement étudié la question. Je peux trouver l'information, si vous le voulez.

Essentiellement, ce que je voudrais faire comprendre à propos des gens et de l'utilisation de ces produits, c'est que le public souhaite avoir la possibilité d'exercer un choix parmi les produits qu'il veut utiliser.

Nous revenons à la question de l'innocuité, où il a été fait mention d'un cas en Belgique où 70 personnes sont tombées malades en raison d'un problème d'étiquetage. La Loi sur les aliments et drogues—qui contient déjà sur l'étiquetage des dispositions qui établissent spécifiquement qu'on ne peut pas inscrire impunément des mentions mensongères sur les étiquettes. Les directives sont déjà en place en ce qui concerne l'innocuité, et les gens le savent, et ils commencent à recourir de plus en plus à ces produits.

À nouveau, on peut bien dire qu'ils ne s'attendent pas à bénéficier davantage d'une intensification de la réglementation d'une catégorie donnée de médicaments puisqu'ils vendent déjà 65 p. 100 de tous les produits. Or, quand le tryptophane a été retiré du marché, il coûtait 14 $ la bouteille dans les magasins de produits de santé; après la réglementation, on devait se le procurer sur ordonnance et cela coûtait 114 $. Il s'agit tout simplement d'un acide aminé qu'on trouve dans les aliments.

Quant aux profits, on se rend compte que plus on réglemente les produits, plus cela coûte cher... Les gens qui veulent utiliser ces produits ne veulent pas subir de hausse de coût. L'innocuité est déjà assurée. Les directives sont déjà en place et pendant que les gens utilisent ces produits et apprennent à mieux les connaître par des lectures et en obtenant plus d'information et en consultant des médecins de médecine traditionnelle plutôt que des médecins occidentalisés, ils constatent les résultats que ces produits ont sur leur santé et en voient les avantages. Si on réglemente ces produits plus qu'ils ne le sont maintenant, et cela pour des préoccupations relatives à l'innocuité, les consommateurs n'y auront plus du tout accès et en seront mécontents. J'en suis certain.

M. Lynn Myers: Je pense que quelqu'un d'autre voulait répondre, madame la présidente.

• 0945

Dr Jeff Poston: Pour ce qui est de savoir qui recourt aux médecins non conventionnels, je pense que comme on l'a déjà dit, elle commence à attirer davantage les jeunes, les mieux nantis et les plus instruits. Les gens qui peuvent, si l'on peut dire, se permettre de chercher des solutions de rechange semblent y recourir nettement plus, et prennent par exemple plus de vitamines et de suppléments nutritionnels.

Une des questions que nous devons nous poser dans ce domaine, c'est la distinction entre les aliments, les aliments fonctionnels et les médicaments, et nous devons nous interroger sur les types de directives qui existent, et comment nous pouvons établir des distinctions entre ces catégories. Je pense qu'on a vu que le comité consultatif avait commencé à se pencher sur cette question et je pense qu'il a déjà enregistré d'importants progrès.

La présidente: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers: Une question additionnelle. J'aimerais connaître l'avis de M. Hogarth.

M. Paul Hogarth: Si vous me permettez de répondre à cette question, quand on parle de réglementer ces produits, qui comprennent des aliments, des suppléments alimentaires et des médicaments, je m'inquiète en tant que consommateur de voir où l'on va tracer la ligne de démarcation pour distinguer un aliment d'un supplément alimentaire.

Si l'on s'en tient strictement à la médecine chinoise traditionnelle, aux herbes par exemple, ce sont des aliments. On peut se procurer du basilic et du thym très facilement. Ce sont des herbes aromatiques que nous utilisons en tant qu'aliments. Et nous pouvons acheter du poivre de cayenne et d'autres choses de ce genre.

Où tracer la ligne de démarcation en ce qui concerne les suppléments alimentaires? Est-ce que cela comprend les vitamines et les minéraux et les acides aminés? J'ai vu en partie une liste où l'on incluait les eaux minérales et les eaux de source qui contenaient d'autres minéraux, et cela pour des raisons d'innocuité. À partir du moment où on réglemente un minéral, s'il est présent dans l'eau, où va-t-on s'arrêter?

Est-ce qu'on réglemente les jus, les jus de pommes qu'on fabrique soi-même? Quand on absorbe du jus de pommes, on hausse le niveau de sucre dans son organisme. Est-ce qu'on réglemente le sucre parce qu'il stimule l'organisme? La Loi sur les aliments et drogues établit qu'à partir du moment où un aliment a un effet stimulant sur l'organisme il devrait être classifié en tant que médicament.

Est-ce qu'on réglemente le lait parce qu'on allègue qu'il est bon pour l'organisme? Les médecins nous disent qu'il faut boire du lait parce que ça renforce notre ossature. Cela, c'est une allégation de nature médicale. Jusqu'où ira-t-on?

La Loi sur les aliments et drogues dispose que si on allègue qu'un produit est bon pour la santé ou que s'il stimule l'organisme, il doit être considéré comme un médicament.

Ce qui m'ennuie, c'est quand on devient obsédé par l'innocuité. Où tire-t-on la ligne en ce qui concerne la question de l'innocuité?

On parle sans cesse de la sécurité du public. Eh bien, je ne vois personne se plaindre de ces produits. Je ne vois personne se plaindre des risques pour leur sécurité. Ils demandent un libre accès à ces produits.

Je vois des entreprises et de grosses sociétés pharmaceutiques venir demander qu'on réglemente un marché dont ils disent qu'ils ne tireront pas profit. Eh bien, s'ils ne doivent pas en profiter, ils ne s'y intéresseront pas.

Toujours pour ce qui est de la sécurité, il faut constamment produire des renseignements qui montrent... C'est comme l'a dit le Dr Hill, qu'en est-il des taux de mortalité, de morbidité à propos de ces produits? Nous répétons que nous n'avons constaté aucun décès attribuable à l'utilisation de ces produits naturels, alors qu'il y en a 1 400 simplement pour l'aspirine, et la liste est longue.

Nous savons que nous consommons trop de produits laitiers; ils contiennent des graisses saturées qui causent des maladies cardiaques, première cause de mortalité au Canada. Chaque année, au Canada, 50 000 personnes meurent du tabagisme, et des milliers d'autres meurent d'avoir inhalé de la fumée secondaire.

Et on continue de parler de sécurité, de sécurité. Je pense qu'il faut s'occuper d'abord des gros problèmes pour voir ensuite les petits.

Ce n'est pas une question de sécurité; c'est simplement une question d'argent.

M. Lynn Myers: Merci beaucoup.

La présidente: Mme Caplan est la prochaine sur ma liste.

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Je pense que vous nous avez très bien montré à quoi se résume cette question et quelles sont les préoccupations. J'aimerais poser une question sur ce que les gens veulent, comme on l'a dit. Mais, pour ma part, j'aimerais plutôt commencer par parler de ce que les gens attendent, qu'ils aillent à la pharmacie ou dans un magasin de produits naturels ou dans un magasin d'aliments naturels. En tant que consommatrice, je m'attends à ce que, peu importe que j'aille à l'épicerie ou à la pharmacie ou au magasin d'aliments naturels, les produits offerts soient sûrs et de bonne qualité.

Quelqu'un veut-il répondre? Est-ce une attente raisonnable? Pensez-vous que c'est ce que les gens recherchent?

M. Paul Hogarth: Je crois sincèrement que les mesures déjà en place fonctionnent bien. Si c'est à votre magasin d'aliments naturels que vous allez pour vous procurer ces produits, pour lui permettre de continuer, nous devrions y faire entrer davantage de ces articles. Si 65 p. 100 des consommateurs vont dans des pharmacies pour acheter ces produits, ils devraient être autorisés à le faire aussi. S'ils achètent par l'intermédiaire de réseaux de mise en marché, ils devraient pouvoir faire de même. Encore là, c'est une question de libre accès.

Si le gouvernement se contentait de faire respecter les articles 4 et 5 de la Loi sur les aliments et drogues, la question de l'innocuité serait réglée. On ne peut faire d'allégations mensongères sur les étiquettes. Les aliments et les produits seront manufacturés, transformés et traités adéquatement, conformément aux directives en place. Il suffit qu'on respecte ces mesures pour que les gens, quand ils vont chercher ce produit, s'attendent à... Si un ami leur a dit que tel produit contribuerait à abaisser leur taux de sucre dans le sang, ils le prendront, et si d'autres leur ont dit que cela allait réduire leur taux de cholestérol, ils en prendront.

• 0950

Vous savez qu'on ne peut plus dire qu'une pomme par jour tient le médecin à distance. On ne peut plus le prétendre. Nous parlons de fausses allégations et de toutes ces différentes choses que nous sommes censés réglementer.

Mais où donc tirer la ligne? Les gens s'attendent à ce que les produits donnent des résultats. Ils les utilisent et, en l'absence de résultats, ils y renoncent.

Mme Elinor Caplan: Vous pensez donc que les gens s'attendent à ce que les produits donnent des résultats. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que je pensais qu'ils s'attendaient à pouvoir compter sur la sécurité et la qualité des produits et qu'ils avaient l'ouverture d'esprit voulue pour voir si oui ou non cela fonctionnait dans leur cas, n'est-ce pas?

M. Paul Hogarth: Oui.

Dr Jeff Poston: Pour nos membres... En fait, cela se voit dans les pharmacies de tout le pays. On se préoccupe beaucoup de sécurité et de qualité.

Une des stratégies que vous voyez en l'absence de réglementation et d'information nécessaire, une des stratégies que suivent nos membres est de stocker en fait quelques gammes limitées de produits de fabricants réputés qui ont fait leurs preuves dans ce secteur. C'est un des résultats pratiques au niveau des magasins: on stocke des produits de fabricants réputés.

Je pense pouvoir dire que l'on se préoccupe du manque d'information mise à la disposition du consommateur lorsqu'il choisit lui-même à l'étalage. C'est une des raisons pour lesquelles nous pensons qu'il est nécessaire d'améliorer l'étiquetage en indiquant la composition des produits.

Mme Elinor Caplan: Je crois que tout le monde semble d'accord; que peu importe où cela est vendu, la question est de s'assurer que les attentes du consommateur en matière de sécurité et de qualité sont satisfaites et ainsi il s'agit d'indiquer sur l'étiquette ce que contient exactement le produit, les risques qu'il présente, sa toxicité afin de voir s'il suffit de mettre des avertissements ou s'il faut réglementer davantage les produits à risque.

Qu'en pensez-vous?

M. Paul Hogarth: Vous avez raison. C'est essentiellement là la question, le facteur sécurité. Mais si quelqu'un s'aperçoit qu'il est allergique à l'huile d'arachides ou aux arachides, il arrête simplement d'en prendre. Faut-il réglementer la vente d'arachides parce qu'il y a par exemple 10 000 personnes qui sont allergiques?

Mme Elinor Caplan: Ou faut-il simplement indiquer que les produits en contiennent?

M. Paul Hogarth: Ou indiquer «ceci peut provoquer une réaction allergique». Faut-il étiqueter chaque produit alimentaire et dire: «ceci peut provoquer une réaction chez ceux qui sont allergiques aux oranges...», etc.? La liste n'en finit plus. Jusqu'où aller?

Il devrait simplement être entendu que les êtres humains ont toujours consommé des aliments, ont quelquefois ramassé des herbes et fait certaines choses, autrefois, et se débrouillaient. Jusqu'où devons-nous réglementer les choix laissés à l'être humain? Nous sommes responsables de prendre soin de nous-mêmes et de nos familles. J'estime que nous avons les connaissances et l'instruction voulues pour le faire.

Mme Elinor Caplan: Paul, si nous faisons la distinction en fonction des risques, est-ce lorsque c'est très dangereux, très nocif, qu'il faut intervenir ou faut-il le faire lorsque le risque est faible? Dites-moi ce que vous en pensez. Convenons-nous tous que si ce n'est pas nocif et pas dangereux, il n'y a pas de problème?

M. Paul Hogarth: Dans une certaine mesure, oui. Si les gens prennent de l'aspirine parce que cela dissipe leurs maux de tête mais que cela tue 1 400 personnes par an au Canada seulement, comment évalue-t-on ce risque? Certes, il y a peut-être beaucoup de gens qui en prennent, mais 95 p. 100 des Canadiens prennent des vitamines et des suppléments alimentaires sous une forme ou une autre à un moment de leur vie. Le facteur risque est encore évoqué par ceux qui trouvent avantageux de déclarer qu'il faut toujours insister davantage sur la sécurité, mais où est la sécurité lorsque 1 400 personnes meurent chaque année?

Quand il y a un problème de sécurité, si l'on dit, d'accord, cela tue 1 400 personnes par an, que fait-on du produit en question? Permettons-nous qu'on continue à le vendre ou mettons-nous simplement une étiquette indiquant: «ceci peut vous tuer»? C'est en fait ça la question. Les gens devraient savoir qu'en effet cela peut les tuer ou que cela ne peut leur faire de tort...

La présidente: Quelqu'un d'autre veut-il faire un commentaire?

Dr Jeff Poston: À propos des risques, tout d'abord, le Comité national des annexes de médicaments doit mettre au point ce genre d'échelles des risques à laquelle travaille Santé Canada afin d'établir des contrôles et des règlements en fonction du niveau de risque. Je pense que c'est le concept qu'il faudrait appliquer aux produits à base d'herbes médicinales et qu'il faudrait définir des critères pour les risques faibles.

Pour ma part, là où je fais la distinction, c'est lorsque l'on commence à parler de qualité thérapeutique. Quand quelqu'un qui est malade veut se procurer ce produit comme remède, c'est là qu'il faut aller un peu au-delà des questions de sécurité et considérer la qualité et l'efficacité. Le gros problème, ici, c'est que l'on peut avoir quelqu'un qui a besoin d'un bon avis professionnel et de traitements et qui risque de ne pas les recevoir et ainsi de retarder inutilement son traitement. C'est, à mon avis, là que réside le problème.

• 0955

La présidente: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Tout d'abord, je vous prie de m'excuser d'être en retard et j'espère que l'on n'a pas déjà posé ma question. J'aimerais que chacun des témoins ou chacune des organisations représentées ici m'indique quelle est sa position au sujet du projet de cadre de réglementation concernant les aliments naturels qu'a déposé auprès du comité le comité consultatif le 3 février 1998?

La présidente: Docteur Wu.

Dr Joseph Wen-Teng Wu: De façon générale, le comité consultatif s'est penché sur certaines des préoccupations des intervenants, ce qui est bien, car tout le monde est d'accord pour dire que les règlements devraient changer.

Il faut changer mais il faut savoir comment et c'est au comité consultatif, qui représente les intervenants, et au comité permanent, qui représente le grand public puisqu'il a été élu par le grand public, d'en décider. Nous devons donc ainsi collaborer.

Là encore, le principe qui représente un véritable obstacle pour la médecine chinoise est la Directive sur les herbes médicinales traditionnelles ne reconnaît que les ingrédients d'origine botanique. D'autre part...

[Note de la rédaction: Inaudible]... seuls les concepts allopathiques et pharmaceutiques sont retenus, ce qui est assez injuste pour la médecine fondée sur la culture.

J'ai envoyé mon rapport au comité consultatif en août 1997 et je crois que je l'ai également envoyé au comité permanent l'année dernière avant Noël. J'ai fait une analyse point par point et j'espère que vous y jetterez un coup d'oeil.

Mais pour ce qui est de la politique générale...

[Note de la rédaction: Inaudible]... la Directive sur les herbes médicinales traditionnelles doit être révisée parce que certains des ingrédients ne sont pas forcément d'origine botanique. Toutefois, cela ne suffit pas. Cela ne règle pas la question des crèmes. Et les crèmes, en médecine qui repose sur la culture, ont leurs propres pouvoirs et fonctions. C'est de la science ancienne. Il faudrait des décennies de recherche pour expliquer pourquoi ce concept marche tout à fait.

Nous devons collaborer ensemble en tant que Canadiens, pour la génération actuelle et pour les générations futures. Ce n'est pas parce que l'on n'a pas fait ce travail qu'il faut le nier. Cela existe dans l'histoire chinoise depuis 5 000 ans et depuis des siècles au Canada et en Amérique du Nord. Cela ne pose pas de gros problèmes. Vous pouvez aller vérifier au centre anti-poison s'il y a des rapports concernant l'utilisation d'herbes médicinales chinoises et vous en trouverez très peu.

Là encore, j'apprécie le rapport qu'a présenté le comité consultatif, mais ce n'est pas encore suffisant. Il faut faire davantage. Et nous continuerons à y travailler avec le comité permanent.

La présidente: Docteur Poston.

Dr Jeff Poston: Nous avons certainement appuyé le principe de cette échelle des risques. Elle nous semble toutefois poser quelques problèmes. Une chose qui nous semble particulièrement utile est l'idée d'examiner la forme posologique et la grille, de savoir s'il s'agit d'une forme posologique ou non, s'il y a une qualité thérapeutique ou non, s'il existe une échelle utile qui permette de réfléchir à la question.

Je pense que la notion de notification est particulièrement utile dans le cas d'une attestation renvoyant à une norme pour des produits à faible risque. Selon moi, il faudra considérablement plus de travail pour établir les critères servant à classer ces produits suivant le risque.

• 1000

Nous ne sommes pas convaincus qu'il serait opportun, voire nécessaires de prévoir une troisième catégorie en vertu des dispositions de la Loi sur les aliments et drogues. La question mérite d'être plus amplement débattue. Voici ce que nous en pensons: le travail du comité consultatif a débouché sur des progrès tangibles si bien que nous disposons d'un cadre de base que nous pouvons utiliser, mais il y a certainement encore du travail à faire notamment du côté de la définition des risques et sur le plan de la notification renvoyant à des normes applicables.

La présidente: Merci beaucoup. Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Ma question s'adresse au Dr Poston, mais j'aimerais que le Dr Chan réponde également.

Docteur Poston, vous ne semblez pas préconiser une transformation à l'extrême—c'est-à-dire l'extraction jusqu'au dernier degré, si l'on veut. Ma question a trait à certains oligo-éléments qui pourraient être indispensables à l'efficacité du produit.

Permettez-moi de rappeler le bon vieil exemple de l'évolution des habitudes de cuisson, etc. Ma mère autrefois faisait bouillir les carottes avec beaucoup d'eau jusqu'à ce qu'elles deviennent plutôt molles si bien que tous les éléments nutritifs étaient passés dans l'eau, qu'il ne restait rien dans les carottes. Ma femme procède tout à fait différemment. Nous avons donc changé nos habitudes.

Diriez-vous que des posologies très précises sont nécessaires dans le cas de ces oligo-éléments? Je crains qu'une transformation à outrance se fasse au détriment de l'efficacité, même s'il existe un souci sur le plan de la posologie en même temps que sur le plan de la garantie de qualité.

Pouvez-vous me répondre et j'aimerais que le Dr Chan me réponde aussi.

Dr Jeff Poston: Oui, il y a divers facteurs à prendre en compte mais sur le plan de l'efficacité, le consommateur veut certainement savoir quels sont les ingrédients actifs et les autres composantes d'un produit et s'assurer qu'ils sont présents en quantité voulue pour maintenir l'efficacité d'un produit. La pharmacologie des produits à base d'herbes médicinales s'enrichit tous les jours et l'on sait de mieux en mieux comment elles agissent et quel effet elles ont sur l'organisme.

Pour ce qui est des oligo-éléments, mon souci est à l'inverse. Il y a certains oligo-éléments de métaux lourds qui sont présents dans les produits à base d'herbes médicinales. Ces plantes croissent dans des terrains où se trouvent des métaux lourds qui sont toxiques. On verra donc dans tous les documents qui portent sur la question, des mises en garde incitant à vérifier que les produits à base d'herbes médicinales ne contiennent qu'une quantité limitée de ces contaminants. Cela se révèle particulièrement important pour ceux qui consomment ces produits à long terme.

On en vient alors à être forcés de définir quels sont les composants actifs et à établir des critères quelconques pour la qualité, qui garantissent que l'on utilise la bonne partie de la plante et je pense que l'exemple de nos collègues de médecine chinoise est fort à propos pour illustrer certains problèmes que nous avons connus à cet égard—et pour garantir que la composante active et les ingrédients...

M. Maurice Vellacott: Ainsi, si on a une quantité infime d'un élément, un oligo-élément, vous auriez tendance à ne pas vous en soucier à moins que vous puissiez le déceler «par radar» comme étant un ingrédient actif?

Dr Jeff Poston: On se heurte à la difficulté de pouvoir déterminer véritablement le rôle des oligo-éléments dans certains produits à base d'herbes médicinales. Ces produits contiennent un mélange de composants.

Lorsqu'il existe des oligo-éléments identifiables et des métaux lourds en trace, il faut absolument procéder à des essais limites pour vérifier la toxicité du produit, parce que s'il y a un effet positif dû à leur présence, il est entendu qu'il faut les conserver. Éviter que le produit soit toxique, c'est la priorité.

M. Maurice Vellacott: Ainsi, à défaut de pouvoir isoler cet élément, il demeure coupable tant qu'on n'en a pas prouvé l'innocence, n'est-ce pas?

Dr Jeff Poston: C'est cela. Je pense qu'on commence à comprendre ce qui est toxique mais de ce côté-là, il faudra de toute évidence encore beaucoup de recherches. Nous disposons du résultat de certaines recherches. La phytochimie et la phytopharmacologie n'existent pas seulement depuis hier. Il y a des facultés dans certaines universités bien établies qui s'intéressent activement à la question.

M. Maurice Vellacott: Super. Merci.

Docteur Chan.

Dr William Chan: Nous ignorons encore beaucoup de choses. Manger une carotte ou du brocoli cuit comme vous l'avez décrit et l'absorber sous forme de pilules n'est pas la même chose. Notre souci est de constamment chercher quels avantages un produit offre et quel ingrédient actif dans un aliment quelconque est bon pour la santé. C'est ensuite que commencent la transformation, la vérification de l'innocuité, et l'identification du produit. Quand nous sommes un peu mieux renseignés sur un produit, nous pouvons le manipuler, nous savons comment le traiter, et nous pouvons évaluer les risques sur le plan de la santé.

• 1005

Tout le monde ici reconnaîtra que l'innocuité doit être notre premier souci, quelle que soit l'herbe, et quel que soit le pays—les herbes provenant de Chine ne sont pas différentes des herbes provenant d'autres pays. Dans un manuel expliquant la médecine chinoise et la médecine occidentale, on trouvera par exemple la description d'une herbe recommandée comme efficace contre la grippe. Le manuel pourra vous donner une explication dans le contexte occidental, faisant valoir par exemple que cette herbe est efficace contre la toux et les maux de gorge. Dans le contexte de la médecine chinoise, on vous dira que cette herbe permet d'expulser le vent et de relâcher l'extérieur. Vous n'y comprendrez rien, mais l'herbe demeure la même. Ses vertus ne changent pas.

Nous nous penchons sur ces aspects-là; il y a beaucoup de choses que nous ignorons encore et il y a diverses façons d'expliquer les avantages qu'offre un produit. Il se peut que nous reconnaissions certains avantages à un produit et que nous l'utilisions, mais cela suffit-il pour en évaluer l'innocuité et l'efficacité. Les fabricants peuvent-ils dès lors se fonder là-dessus pour commercialiser leur produit en prétendant qu'il est supérieur aux autres car il est peu concentré, leur méthode d'extraction étant plus perfectionnée?

Je conviens avec vous qu'il est difficile d'adopter ce point de vue-là comme la seule voie possible et tout comme vous, je reconnais que les pertes sont énormes.

La présidente: Docteur Lu, voulez-vous ajouter quelque chose?

Dr Henry Lu: Je trouve étonnant... Nous parlons ici de produits à base d'herbes médicinales et de nombreux honorables citoyens consultent leur pharmacien sur ces produits-là. Pourquoi? C'est nous qui sommes les experts en la matière et personne ne m'a consulté quant à moi. Voilà ce qui m'intrigue. Qui mieux que moi connaît les herbes, surtout les herbes chinoises? Ce n'est pas que je manque de modestie, mais je suis venu jusqu'ici pour faire valoir un point important, à savoir que les herbes chinoises ne comportent aucun risque, vraiment aucun risque.

Je peux vous expliquer ce qui me fait dire cela. Comment puis-je affirmer cela? J'ai 30 ans d'expérience. Je dirige une école de médecine chinoise, la plus importante au Canada, et ce depuis deux ans. J'ai compulsé des centaines et des centaines de pages de documents, des documents chinois, qui portent sur la toxicité des herbes chinoises et j'en ai conclu qu'elles ne sont absolument pas toxiques. Bien des gens s'inquiètent de la toxicité par pure ignorance. Ils se posent des questions et se demandent pourquoi. Qu'y a-t-il? Dans ma pratique, dans mon école, dans ma clinique, je n'ai jamais vu aucun cas de toxicité.

On parle de toxicité parce que l'herbe contient certains éléments chimiques qui en soi sont toxiques. On en tire la conclusion que l'herbe est toxique tout simplement parce qu'elle contient tel ou tel élément toxique. Il se trouve que nous avons importé de Chine une médecine, un système comportant une théorie, une quantité d'expériences et voilà qu'une fois ici, nous constatons que nous ignorons tout de cette médecine. L'attention se fixe alors sur les herbes. Comme nous ignorons ce type de médecine, nous en concluons que ces herbes sont toxiques. Je trouve cela totalement illogique.

C'est tout ce que j'avais à dire.

La présidente: Très bien. Merci.

Monsieur Volpe.

Mme Noëlle-Dominique Willems: Permettez-moi...

La présidente: Allez-y. Vous pouvez utiliser le temps de parole de M. Volpe s'il est d'accord.

Mme Noëlle-Dominique Willems: Excusez-moi, monsieur Volpe.

Docteur Lu, vous vous demandez pourquoi les gens s'adressent aux pharmaciens. Les produits pharmaceutiques sont à 75 p. 100 au bas mot fabriqués à base de molécules que l'on trouve dans des herbes et s'il en est ainsi, c'est pour des considérations d'innocuité lors de la fabrication de ces produits.

La présidente: Pour vous avoir donné la parole, je me retrouve avec quelqu'un qui s'était manifesté il y a fort longtemps. Monsieur Hogarth.

M. Paul Hogarth: Je ne vais même pas prendre une minute.

S'agissant de toxicité, nous devrions nous attarder davantage sur la salubrité des aliments plutôt que sur la toxicité des herbes. Savez-vous qu'on a interdit le DDT comme pesticide pour les produits alimentaires et que pourtant, au Mexique, on s'en sert encore de sorte que vos bananes et certains produits que vous importez en contiennent? Ainsi, nous récupérons le DDT au Canada.

Il y a d'autres questions concernant la salubrité, la véritable innocuité. Pour ce qui est des produits—vous avez parlé des carottes que l'on fait bouillir et qui perdent tous leurs éléments nutritifs—et l'on peut se dire que finalement ce qui compte c'est les limites que l'on va fixer. Tout le monde parle d'herbes et nous nous imaginons tous les herbes médicinales chinoises traditionnelles comme des potions que l'on aurait concoctées. On parle donc de vitamine A, de vitamine C, de vitamine E, de suppléments vitaminiques et minéraux. C'est là que je commence à être effrayé. Je suis désolé de devoir l'admettre, mais c'est un fait.

• 1010

On parle sans cesse d'herbes et certains réclament une catégorie de médicaments alors que d'autres veulent une troisième catégorie. Il s'agit d'aliments. On devrait parler de vitamine A et de vitamine C car nous les connaissons mieux puisqu'on les trouve dans les aliments. Nous les connaissons mieux mais voilà qu'on souhaite les réglementer également. C'est à leur propos que l'on devrait s'inquiéter de la toxicité. En effet, on a découvert que ceux qui absorbent trop de vitamine A sous une forme non naturelle peuvent s'intoxiquer. Au contraire, si vous absorbez un excès de vitamine A parce que vous préparez votre propre jus de carottes, sous une forme naturelle donc, ce n'est pas toxique. Ainsi, vous risquez de voir votre peau se teinter d'une couleur légèrement orangée à cause du carotène mais ce n'est pas toxique. C'est naturel. Votre organisme éliminera l'excédent. Quand des aliments sont toxiques, c'est à cause de la méthode de culture utilisée.

La présidente: Monsieur Volpe, c'est à vous.

M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Le Dr Wu pourra peut-être me répondre dans les quelques minutes qu'il me reste.

Je me demande si le risque quant à la toxicité est le même quand il s'agit de conseils et de renseignements écrits, car je suppose que les uns et les autres reviennent au même. J'essaie d'imaginer les choses d'un point de vue pratique.

Il y a quelques médecins qui siègent au comité. Quant à moi, d'ordinaire, quand je vais chez un médecin pour lui expliquer que j'ai un problème, je lui demande s'il en connaît la cause. Ensuite, je lui demande comment je peux m'en débarrasser, en agissant tout d'abord au niveau des symptômes et ensuite sur la cause. C'est alors que le médecin écrit une ordonnance que seul lui et le pharmacien peuvent déchiffrer. Je me présente à la pharmacie et je donne cette ordonnance au bon guichet et quand je sors de la pharmacie, j'ai entre les mains une bouteille de médicament.

Il y a quelques années, il a été décidé que l'on donnerait des renseignements supplémentaires et l'on remet désormais aux consommateurs un descriptif du médicament. En fin de compte, rien n'a vraiment changé.

Notre consommateur—et c'est moi—a une confiance illimitée dans son médecin. Le médecin a indiqué que le médicament allait résoudre mon problème. Quant à moi, j'ignore la toxicité du médicament et je ne sais absolument pas quelle est la posologie indiquée, sauf ce que m'en a dit mon médecin, à savoir de prendre le médicament avec ou sans nourriture.

Maintenant, le risque que comporte le traitement pharmacologique qui m'est prescrit dépend entièrement des conseils du médecin. Sauf le respect que je dois au pharmacien, il ne dépend pas de lui parce que je ne pense pas avoir jamais vu un pharmacien dans les pharmacies que je fréquente. Cependant, le pharmacien commence à intervenir car l'on constate que les pharmaciens et pharmaciennes sont de plus en plus présents et ils vous disent maintenant si tel ou tel produit est une saloperie. En fait, mon pharmacien, quand il m'a parlé, a utilisé un mot encore plus grossier pour parler de certains produits qu'il avait sur ses rayons.

Les produits en vente libre dressent la liste des ingrédients et l'étiquette ajoute qu'il ne faut pas dépasser une certaine posologie. On songe notamment à Seldane ou à Sudafed. On peut prendre sans danger du Sudafed sauf si l'on joue au hockey en compétition olympique, car alors ça ne va plus. Toutefois, ce produit est sans danger pour ma fille. C'est à n'y rien comprendre.

Je me demande toutefois quelle définition je devrais donner au facteur risque. Est-ce celui qui donne les renseignements, fort de sa formation, qui peut me convaincre d'absorber un produit? Est-ce le fait que l'étiquette des produits en vente libre comporte certaines indications?

Dr Jeff Poston: Tout d'abord, vous pouvez compter quelque 40 années de réglementation des produits, c'est-à-dire le contrôle du risque auquel le gouvernement du Canada s'est livré pour vous, le consommateur, en adoptant des règlements. À la fin du siècle dernier, par exemple, en l'absence de connaissances scientifiques, de contrôles et de réglementation, toutes choses qui existent aujourd'hui, le patient était à la merci de son médecin qui pouvait lui prescrire un médicament ou encore à la merci du pharmacien, car les produits existaient, mais on ne pouvait pas compter sur les renseignements scientifiques que nous possédons aujourd'hui et qui sont à l'origine de la réglementation.

M. Joseph Volpe: Permettez-moi de vous interrompre un instant. Je ne consomme pas de médicaments chinois, pas encore. Il est vrai que nous pouvons compter sur 40 ou 50 ans de règlements pris par le gouvernement... Quant à moi, je fais partie de ces gens qui croyaient aveuglement dans les pratiques et les techniques médicales qui sont les nôtres. Voilà qu'on me dit que la médecine chinoise peut compter sur 3 000 à 4 000 années du même genre de... Je ne dirais pas que ce sont des données scientifiques mais du moins des observations. Il faut reconnaître que l'observation fait partie de l'étude scientifique. L'observation, l'analyse, la critique, les relevés, la double analyse et la double expérimentation, voilà autant de choses qui font partie de la méthode scientifique. Cela doit valoir quelque chose, quand même.

• 1015

Dr Jeff Poston: Je termine ma réponse concernant le rôle des conseils et des renseignements quand il s'agit de juguler les risques. On peut comparer deux types de médecine—et je pense que M. Chan en a parlé—deux régimes. La médecine occidentale comporte un régime qui repose sur les conseils et les renseignements. Il y a des règlements qui restreignent la vente de certains produits autrement que sous ordonnance. Dans les professions respectives, il existe des normes. Vous devriez pouvoir compter sur des conseils et des renseignements de la part de votre pharmacien. S'il ne vous en donne pas, changez de pharmacie.

M. Joseph Volpe: Cependant, les règlements pris par le gouvernement sont une fonction que le public a acceptée. Ce n'est pas l'inverse. Est-ce que je me trompe?

Dr Jeff Poston: Il y a deux éléments. Il y a la réglementation des produits, à laquelle le gouvernement se livre, mais il y a également la réglementation des professions, par l'intermédiaire des collèges des médecins et des pharmaciens. Ce sont ces derniers qui établissent les normes de pratique concernant la prestation de conseils et de renseignements.

Une grande part donc...

M. Joseph Volpe: Nous faisons confiance à ces collèges respectifs qui doivent protéger le public, mais ils échappent à l'autorité de l'organisme de réglementation, n'est-ce pas?

Dr Jeff Poston: L'autoréglementation des professions existe depuis le milieu du XIXe siècle environ.

La présidente: Permettez-moi d'intervenir pour poser une question.

Je pense que j'en ai le droit. M. Hogarth prétend que les produits de santé naturels devraient être réglementés comme des aliments ou des suppléments alimentaires et qu'on devrait fournir sur l'étiquette les renseignements nécessaires. Le Dr Wu adhère à la réglementation du comité consultatif, à savoir la création d'une troisième catégorie et une réglementation visant les produits de santé naturels. L'Association canadienne des pharmaciens prétend que les produits de santé naturels devraient être considérés comme des médicaments avec une réglementation à l'avenant.

Comment tirer une conclusion quelconque? Où tirer la ligne entre médicament et aliment? Avez-vous quelque chose à répondre à cela?

Docteur Wu.

Dr Joseph Wen-Teng Wu: Je vais tout d'abord répondre à votre première question et je parlerai ensuite de la notion d'ingrédients actifs en homéopathie. Il faut dire qu'il y a l'intervention d'une philosophie de la science dont je vais vous parler dans un instant.

On ne peut pas répondre par oui ou par non, que l'Est vaut mieux que l'Ouest. Il n'y a pas d'absolu dans cet univers. Il faut donc se contenter d'un compromis.

Les produits de santé naturels, y compris les herbes chinoises, existent bel et bien. Ainsi, la catégorie «aliment» ne convient pas à 100 p. 100, la catégorie des «médicaments» non plus. On a affaire à un continuum entre les deux.

Au sein du comité consultatif, nous avons eu de longues discussions, un débat sur cette question. Nous avons eu à intervalles réguliers, des conversations téléphoniques, et nous avons échangé nos points de vue par télécopieur ou via Internet. Les débats ont été houleux, mais nous avons abouti à un consensus. Il y a un continuum entre les deux. Il faut accepter un compromis.

Le travail n'est pas fini. Notre comité consultatif va poursuivre sa tâche une fois vos audiences terminées. Vous pourrez compter ainsi sur des solutions plus raisonnables, plus acceptables.

Pour moi, cela est très important car c'est la philosophie qui sous-tend la politique et les lignes directrices.

Quand on parle de pharmacologie, de processus scientifiques, on entend souvent dire que les ingrédients et les composants chimiques étant extraits d'herbes naturelles, il n'y a guère de différence. Il y a une différence. Pourquoi? Les herbes naturelles, outre les composants actifs majeurs, contiennent des composants actifs mineurs. Si l'on se contente d'isoler les composants actifs majeurs pour faire des essais, surtout sur des animaux—et il ne faut pas oublier qu'il ne s'agit pas d'humains et qu'ils sont différents—on ne peut pas dire qu'on a utilisé une herbe cultivée naturellement, créée naturellement. On l'appelle Dieu mais c'est à vrai dire la mère de l'univers. Les diverses natures et propriétés... Il faut être prudent quand on fait intervenir cette notion.

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Dieu a mis dans les herbes naturelles des ingrédients actifs et concrets, des mineurs comme des majeurs, ensemble. En science, il y a création. Quand les scientifiques isolent les composants actifs majeurs, ils ratent les mineurs. Par la même occasion, ils ratent la conscience créatrice.

Voici ce que je veux vous dire. Vous pouvez parfaitement isoler l'ingrédient actif que contiennent les herbes naturelles mais en pharmacologie, on fabrique un autre médicament. Les herbes naturelles ont des propriétés et des natures différentes. L'ingrédient actif isolé présente donc des propriétés différentes et est d'une autre nature. C'est cela qui est au coeur du problème auquel la médecine chinoise se heurte face aux organismes de réglementation.

Sur cette notion, je m'entends très bien avec le PTT. Je pense que c'est vrai.

Deuxièmement, quand nous prescrivons des herbes chinoises, nous le faisons suivant les méthodes d'herboristerie chinoises. Dans ces cas-là, il y a équilibre. Il faut comprendre que la médecine chinoise est une médecine ancrée dans une culture et qui tend à l'équilibre, à l'harmonie. S'il existe une certaine toxicité, la combinaison d'un autre produit permet de l'éliminer. Il y a annulation. Le produit composé supprime la toxicité.

Voilà donc un pouvoir différent, une politique différente. Il ne faut pas appliquer à la médecine chinoise, aux produits naturels à base d'herbes médicinales, un modèle pharmacologique. Ce sont deux choses tout à fait différentes.

Nous avons abordé la question de la contamination dans les laboratoires de fabrication. À Taiwan, il y a 16 ans que l'on s'adonne à une telle fabrication et pour garantir que tout est aseptisé, on exige que toutes les installations soient en acier inoxydable, ce qui coûte très cher, avec des systèmes de haute pression et de haute température. Le métal ne fond pas dans le produit. Dans un pays sous-développé, où le même marché n'existe pas, et en l'absence de technologie et d'installations coûteuses, il pourrait y avoir contamination.

Cela ne signifie pas que la médecine chinoise ne vaut rien. Cela ne signifie pas que les produits à base d'herbes chinoises sont toxiques. Il ne faut pas commettre cette erreur. Il faut bien faire la différence.

La présidente: Docteur Chan, vouliez-vous ajouter quelque chose?

Dr William Chan: Non, je vais laisser...

La présidente: Je voudrais que nos deux autres témoins répondent rapidement.

Dr William Chan: Je vais laisser les autres répondre d'abord.

Dr Henry Wu: Si vous voulez apprendre le chinois, vous allez chez les Chinois. N'est-ce pas? Si vous voulez connaître les herbes chinoises, il faut vous adresser aux médecins chinois, et non à des pharmaciens occidentaux ou à des médecins occidentaux. C'est ce que j'avais à dire.

La présidente: Je vois. C'est ce que nous avions compris.

Monsieur Hogarth, voulez-vous répondre à ma question?

M. Paul Hogarth: Vous demandez essentiellement comment on doit classer ces produits, aliments ou médicaments ou une troisième catégorie. Comment décider?

Que vous apparteniez au comité consultatif ou au Comité permanent de la santé, il faut vous demander essentiellement quel est votre mandat. Si votre mandat est de protéger les consommateurs, il faudrait que vous consultiez davantage les consommateurs que les professionnels. Je n'ai pas de particule «Dr» devant mon nom. Le régime actuel, et les règlements actuels assurent déjà la sécurité des consommateurs.

Pour ce qui est de la catégorie des médicaments, on doit se demander qui a lancé le débat. Ce sont les fabricants qui ont réclamé des changements au régime actuel afin d'augmenter leurs bénéfices. Cela est indéniable.

Le régime actuel et les règlements sur l'innocuité de même que la Loi sur les aliments et drogues constituent une protection adéquate. Si vous voulez faire quelque chose, vous n'avez qu'à intensifier l'exécution de ces règles. Surtout, n'y touchez pas. Il ne faudrait pas tomber dans le piège de faire la distinction entre ce qui est un aliment et ce qui ne l'est pas. Tout ce qui pousse dans le sol est un aliment. Je suis pour ma part végétarien. Il y a des choses qui rampent ou nagent ou qui volent qui sont également des aliments pour certaines personnes. Où tracer la ligne? Je ne pense pas qu'il nous appartienne à nous, professionnels ou consultants, d'en décider. Je pense qu'on devrait laisser aux gens le loisir de consommer des aliments comme ils l'entendent.

• 1025

Vous pouvez être accusé d'avoir consommé une drogue illicite si vous cueillez dans la nature des cenelles, le fruit de l'aubépine. Si vous le donnez à votre femme, vous pouvez être accusé de trafic de stupéfiants. C'est absolument insensé quand il s'agit tout simplement d'un aliment. D'après les règlements, c'est ce qui pourrait nous arriver à tous. Les choses sont allées trop loin, laissons donc tout cela en paix.

Merci.

La présidente: Docteur Poston.

Dr Jeff Poston: Je voudrais répondre à votre question quant à savoir où tracer la ligne entre les deux. Je pense que le comité consultatif a progressé à cet égard. Je pense qu'on peut dire en résumé qu'il faut déterminer s'il existe une posologie et si on attribue des vertus thérapeutiques. Je pense que c'est là le cadre essentiel qui peut permettre d'aborder ce dossier.

Le comité consultatif est composé de toute une gamme d'experts. Je pense qu'on peut certainement leur demander une orientation. On peut espérer qu'au fur et à mesure de leurs travaux, ils fourniront la direction recherchée.

La présidente: D'accord. Trois personnes veulent poser des questions et il nous reste environ quatre minutes.

M. Maurice Vellacott: Nous songeons à jeter un pont entre ces deux camps.

Dr William Chan: Je vais m'en tenir à une réponse de trente secondes. Je ne pense pas que de façon générale on puisse établir une distinction entre ce qui est un aliment et ce qui est un médicament. Quelle que soit la culture. En cuisine chinoise, si l'on fait cuire le crabe avec des oignons de printemps, c'est pour des raisons d'équilibre. Les aliments ont certaines propriétés, les herbes également, tous les médicaments dérivés des herbes aussi, etc. Ainsi, on ne peut pas tracer de frontière.

Dans toute cette question, chacun reconnaît les difficultés qui existent mais en général, on peut affirmer que la majorité des produits naturels sont sans danger, et il n'y a donc pas de raison d'en interdire l'accès. Cela dit, il faut quand même une méthode pour les évaluer, car si on leur attribue certaines vertus sur le plan de la santé, on entre dans le domaine de la thérapeutique. C'est alors qu'on est forcé d'établir des catégories d'évaluation, et je pense que nous nous orientons dans cette voie.

Il nous faut une catégorie pour en tenir compte, non pas, comme l'a dit Paul, parce qu'on ne peut pas délimiter la frontière, mais parce que d'une manière ou d'une autre il nous faut les évaluer. Au sein de cette catégorie, nous voulons que la médecine chinoise constitue une catégorie en soi parce qu'on n'en a pas encore compris tous les principes et parce que nous ne pouvons pas l'évaluer. Mais au même moment, nous tenons à être sur le même pied que les autres. Ne nous empêchez pas d'en faire usage parce qu'on ne sait rien à ce sujet, parce qu'on ne connaît pas ce système médical et sa terminologie.

Commençons quelque part et occupons-nous d'abord de la sécurité, sans quoi on examinera mal l'aspect efficacité. Bien sûr, on peut s'occuper de la qualité. Mais même si nous avons peur du recouvrement des coûts, de l'homologation, de l'établissement des permis, etc., nous ne sommes pas en désaccord avec ça. Il s'agit de se pencher sur les questions de sécurité, et l'on trouvera peut-être des experts qui nous aideront à identifier ce qu'on appelle les herbes toxiques qu'il faut écarter, que ce soit en raffinant l'étiquetage ou en établissant une liste où l'on indiquera que ces médicaments doivent être administrés par des praticiens, ou peu importe. Mais je pense que nous allons dans la bonne direction.

La présidente: Merci. Docteur Hill, avez-vous une petite question? Vous pouvez poser une petite question aux trois témoins.

M. Grant Hill: J'ai eu ma chance, donc si d'autres n'ont pas eu leur tour, je suis prêt à leur céder le mien.

La présidente: D'accord. Madame Carroll, une courte question, s'il vous plaît.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Ce sera une longue question, mais je me jette à l'eau quand même.

Docteur Lu, je comprends ce que vous avez dit, et je vous crois quand vous dites que vos propos s'appuient sur une longue expérience. Et même si cette expérience n'a pas été confirmée selon les normes traditionnelles de la science occidentale, je persiste à croire que cette médecine a beaucoup de valeur.

Mais dans le processus dans lequel nous sommes engagés, j'ai la difficulté suivante. Je constate, et je vais vite ici, une ouverture de la part de la médecine occidentale envers les remèdes traditionnels chinois, envers les remèdes à base d'herbes médicinales, et je constate que cette ouverture est croissante, qu'on y voit un moyen complémentaire et aucune exclusion mutuelle. C'est à mon avis un signe de croissance, et nous en faisons l'expérience maintenant.

J'ai écouté attentivement vos conseils. À votre avis, que doit faire notre comité s'il est saisi de situations où il est question de l'utilisation d'une herbe traditionnelle, où le consommateur utilise également un produit pharmaceutique et souffre gravement du mélange des deux? Des personnes m'ont soumis des cas de ce genre, probablement parce qu'elles savent que je siège à ce comité.

Je vais vous résumer l'un de ces cas en quelques mots, où une personne consommait un produit pharmaceutique qui m'était inconnu, et cette personne, de sa propre initiative, a commencé à consommer de l'herbe de Saint-Jean pour son plus grand malheur. Devons-nous mettre en place des mesures qui nous permettront d'éviter les mélanges néfastes?

Dr Henry Lu: La difficulté s'est probablement posée parce que cette personne consommait des médicaments occidentaux. J'exerce la médecine depuis plusieurs années, j'ai consulté les textes anciens, et je n'ai pas vu un seul cas de ce genre. Si des gens sont morts après avoir consommé des herbes chinoises, c'était par ignorance. Ils en ont consommé de fortes quantités. C'est là où notre approche à la médecine chinoise se fonde sur l'incompréhension, sur l'ignorance.

• 1030

Par exemple, on parle maintenant d'herbes naturelles, on parle d'herbes chinoises, et l'on s'adresse à un pharmacien. J'ai le plus grand respect pour lui, mais cette approche est erronée. Il faut s'adresser à des experts pour savoir comment utiliser la médecine chinoise, des experts qui disposent d'une certaine expérience, qui ont des contacts avec des étudiants et d'autres. Autrement dit, il nous faut quelqu'un ou un groupe de personnes qui disposent d'un savoir certain dans ce domaine.

D'ailleurs, mon école offre un programme de quatre ans. Je pourrais passer des heures à vous expliquer ce qui s'y est fait et ce que je pense, mais je n'en ai pas le temps et vous non plus. Vous n'avez pas cette patience-là. Je me contenterai donc de mentionner une seule chose.

Mme Aileen Carroll: Merci.

Docteur Poston, disons que vous êtes mon pharmacien, que vous avez tous les produits que je consomme, et que vous me dites que j'ai aujourd'hui des ennuis parce que je ne peux pas prendre A et B ensemble. Ce que je veux savoir, c'est comment l'on peut faire la jonction entre ces deux sciences.

Monsieur Hogarth, vous vouliez intervenir ici.

M. Paul Hogarth: J'ai une petite question. Si le groupe ici présent décidait de répondre dès maintenant à la question... si vous vouliez aujourd'hui éviter les maladies cardiaques, le cancer que l'on attrape à consommer des graisses saturées et ce genre de chose, consommeriez-vous davantage de viande et de produits laitiers, ou consommeriez-vous davantage de fruits et de légumes? Qu'en pensez-vous?

Encore là, on attribue une vertu secondaire, en disant que la consommation de fruits et de légumes permettra d'éviter ces maladies. On entre alors dans un cadre qui devient vraiment dangereux, lorsqu'on dit que les êtres humains peuvent choisir. Encore là, on dit que dès que l'on affirme quelque chose, c'est thérapeutique, c'est pharmaceutique, c'est un médicament. À quel moment cesse-t-on de dire que seuls les médecins qui sont allés à l'école plus longtemps que moi peuvent affirmer que tel ou tel produit vous redonnera la santé? C'est là une fausseté que l'on retrouve déjà dans la Loi sur les aliments et drogues.

J'ai un texte qui fait longuement état de ces choses et que j'enverrai au comité cette semaine.

La présidente: Bien. Merci.

Docteur Poston.

Dr Jeff Poston: Tout d'abord, vous pourriez régler une partie de ces problèmes en raffinant l'étiquetage, mais alors se pose la question de savoir comment l'on évalue le risque et comment l'on contrôle l'accès. En fait, la profession a fait beaucoup pour réunir des informations sur les interactions médicamenteuses. Mais comme je l'ai dit, il y a lieu de procéder à une étude plus systématique.

Moi, ce que je tiens à dire, c'est qu'il faut commencer à situer tout cela dans le cadre d'une médecine empirique, d'un processus d'évaluation des risques, et dans un cadre axé sur la santé de la population. Vous avez cette institution comme le Forum national sur la santé, qui propose une réforme profonde du système de soins de santé qui s'inspirerait du modèle de la santé de la population. Je pense qu'il faut avoir une perspective axée sur la population, une perspective pharmaco-épidémiologique, qui évaluerait les risques associés à la consommation de médicaments.

Vous allez voir un médecin formé à l'occidentale qui n'a jamais vu d'éruption causée par un antibiotique, et vous aurez alors tout le mal au monde à le convaincre que les antibiotiques causent des éruptions. Ensuite vous allez consulter un médecin formé à l'occidentale qui a prescrit un antibiotique qui a causé une éruption fatale chez un enfant, et vous aurez alors tout le mal au monde à obtenir de ce médecin qu'il prescrive de nouveau cet antibiotique à qui que ce soit. Les médecins sont conditionnés, et leurs réponses et leurs perspectives sont également conditionnées par l'expérience. Je pense que l'expérience pratique bénéficierait du contrepoids de la perspective axée sur la santé de la population, qui ferait intervenir l'évaluation épidémiologique du risque, parce que tel est le cadre qui forme vraiment maintenant la base des systèmes de soins de santé modernes.

La présidente: Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: J'ai une très petite question à laquelle j'aimerais que les membres du groupe répondent par un oui ou un non. À leur avis, ceux qui vendent des aliments que l'on dit bons pour la santé, ou des produits naturels qui auraient des vertus thérapeutiques, devraient-ils prouver ce qu'ils avancent?

Dr Joseph Wen-Teng Wu: La preuve...

La présidente: Elle dit qu'elle veut un oui ou un non.

• 1035

Dr Joseph Wen-Teng Wu: Oui, mais à une condition. Il faut que la preuve dépasse le cadre de la médecine allopathique occidentale, le cadre pharmaceutique ou le cadre de la médecine chinoise traditionnelle. Il faut les deux.

Mme Elinor Caplan: D'accord, je veux bien. J'ai seulement parlé de preuve; je n'ai pas parlé de modèle. Seulement oui ou non.

La présidente: Monsieur Hogarth.

M. Paul Hogarth: Je m'en veux de dire non, mais je dirai non à une condition. Encore là, si vous consommez ces aliments ou produits et qu'ils ne donnent pas les effets voulus, vous cesserez de les consommer.

Dr Jeff Poston: Oui, particulièrement si l'on prescrit un certain dosage.

La présidente: Merci.

Merci beaucoup à nos témoins. Si vous avez d'autres observations, veuillez les transmettre par la poste au greffier dès que vous le pourrez parce que le comité ne siégera pas éternellement. De même, je demande au greffier ou au Dr Wu de s'assurer que tous les membres du comité ont bien reçu les textes qui ont été envoyés avant Noël.

Nous allons faire une pause de cinq minutes.

• 1036




• 1050

La présidente: Nous reprenons.

Nous recevons Lynda Shannon, de l'Association ontarienne de l'homéopathie, et Claudine Larocque, de la Fédération des professionnelles et professionnels salarié(e)s et des cadres du Québec.

Nous allons suivre l'ordre prévu à l'ordre du jour. Je vais vous demander également d'être brèves. Vous pourrez dire ce que vous avez à dire de toute façon lorsque les députés vous interrogeront, et chacun veut avoir le temps de poser ses questions.

Madame Shannon, vous pouvez commencer.

Mme Lynda Shannon (présidente, Association ontarienne de l'homéopathie): En fait, c'est Doug Smith qui va faire notre exposé ce matin.

La présidente: D'accord. Monsieur Smith, auriez-vous l'obligeance de vous présenter et de nous parler un peu de vos antécédents.

M. Doug Smith (membre, conseil d'administration, Association ontarienne de l'homéopathie): Oui. Je suis membre du conseil d'administration de l'Association ontarienne de l'homéopathie. Dans un passé lointain, j'étais anthropologue universitaire, et je suis passé de là à l'homéopathie.

Je remercie le comité d'avoir accepté de m'entendre. Merci, madame la présidente, de prendre la peine de nous écouter.

Étant donné que nous avons peu de temps pour traiter des questions complexes qui sont à l'ordre du jour, je ne dirai pas grand-chose au sujet de l'association elle-même. Vous en apprendrez peut-être à ce sujet lorsque vous poserez vos questions.

Je crois plus important de définir le caractère fondamentalement distinct du traitement homéopathique de telle sorte que lorsqu'on arrêtera le futur règlement, l'on pourra tenir compte de nos préoccupations.

J'aimerais vous lire un passage de mon texte qui explique ce que l'on entend par homéopathie. J'espère qu'il sera assez clair pour vous, mais je m'attends aussi à ce que ce passage suscite beaucoup de questions.

À notre avis, l'homéopathie est un régime médical qui fait intervenir une vaste gamme de remèdes, de la dose brute à la dose diluée, et ce, afin de corriger des troubles sur les plans mental, émotif et physique.

On appelle «processus de dilution» la technique qui permet d'atténuer la puissance d'un remède. La puissance s'exprime numériquement. Plus le chiffre est élevé, plus la préparation est diluée. Ainsi, un remède d'une puissance de 3C comportera une part de la substance originale mêlée à un million de parties d'une substance neutre sur le plan médicinal, par exemple le lactose ou l'hydroéthanol.

Les homéopathes—en Ontario du moins; il se peut que ce soit différent au Québec—considèrent un remède 3C comme étant très peu dilué, qui se situe presque au seuil du biochimique. Aujourd'hui, la plupart des homéopathes canadiens préfèrent utiliser des remèdes ayant un taux de dilution de 30C ou davantage, parce qu'on les considère plus efficaces dans l'élimination de pathologies profondément ancrées.

Maintenant, 30C veut dire que le remède a été dilué au bout de 30 étapes distinctes. À chaque étape, une part de la dose atténuée est mélangée à 99 parties d'un support inerte. Au bout de ce long processus, un taux de dilution de 30C consistera en une part de la substance ou de l'agent médicinal dans un ratio par rapport au support exprimé par le chiffre 1 suivi de 60 zéros. C'est donc en fait un chiffre astronomique.

En fait, les ratios de cette ampleur sont difficiles à imaginer. Pour comprendre un ratio comme celui-là, que l'on imagine un simple grain de sable situé quelque part le long d'une longue plage.

Pour les taux de dilution plus élevés, de l'ordre de 1M, c'est-à-dire un millier, ou de 10M, que l'on imagine une goutte d'eau se mêlant à l'océan. C'est le genre de ratio dont nous parlons.

Du point de vue pratique, avec des taux de cet ordre, il est très probable qu'une dose homéopathique contienne ne serait-ce qu'un atome de l'agent initial. C'est ce qu'il faut entendre, lorsque les homéopathes parlent de leur fameuse «dose infinitésimale».

Bien des gens qui ignorent comment sont fabriqués ces médicaments homéopathiques se demandent, naturellement, comment une substance aussi atténuée peut avoir un effet quelconque sur l'organisme humain. Mais l'essentiel est de se rappeler que la substance médicinale n'est pas seulement mélangée de façon passive dans son support. En fait, à chaque étape du processus d'atténuation, la préparation est soit brassée vigoureusement, s'il s'agit d'un support liquide, soit broyée très finement, si le support est peu virulent. C'est ce brassage ou ce broyage répété qui confère aux préparations homéopathiques leurs propriétés particulières. C'est un élément essentiel.

• 1055

Les homéopathes croient que les médicaments préparés de cette façon peuvent stimuler de façon très efficace l'autoguérison. Mais sous forme très diluée, ces médicaments ne traitent pas la matière corporelle elle-même. Il semble plutôt qu'ils influent sur la force vitale qui anime l'organisme, qui lui apporte vie et pulsation. La plupart des homéopathes conviennent de ce que la force vitale correspond assez bien au «chi», nom que l'on donne à l'énergie dans la médecine traditionnelle chinoise. L'effet homéopathique vient en fait de la configuration énergétique libérée par des atténuations vigoureuses.

Dans sa forme homéopathique, le médicament n'a plus les mêmes effets que la substance d'origine. En fait, il y a même un renversement, et le remède homéopathique peut en fait soigner des maladies que la substance initiale pourrait causer. Par exemple, un empoisonnement de l'estomac peut être traité avec succès grâce à une dilution puissante d'arsenic, ou un mal de tête soulagé grâce à la nux vomica, qui, dans sa forme brute, est reconnue pour produire ce même malaise. Ces renversements étranges, observés par les praticiens depuis des générations, forment l'assise du traitement homéopathique. La loi fondamentale qui gouverne ce phénomène est énoncée dans l'adage latin similia similibus curantur, ce qui signifie «les semblables se guérissent par les semblables».

Les premiers essais cliniques de dilutions ont été réalisés vers 1800. Depuis, les homéopathes ont étudié les effets thérapeutiques de plus de 2 500 substances extraites des règnes minéral, végétal et animal. Certaines de ces substances sont inertes dans leur forme brute, alors que d'autres peuvent être très toxiques ou posséder des propriétés médicinales qui sont imperceptibles lorsqu'elles sont absorbées après avoir subi une série de dilutions vigoureuses.

Pour celui qui étudie l'homéopathie, se familiariser avec la vaste materia medica, que les homéopathes ont accumulé au fil des ans, représente un défi de taille. Même s'il existe des programmes informatiques, il n'est pas facile d'apprendre tout cela. En outre, les homéopathes appliquent un procédé particulier et assez complexe pour déterminer quel remède il convient d'administrer dans chaque cas. Ce procédé est de nature holistique en ce sens que pour établir une ordonnance homéopathique, il faut établir la correspondance entre le profil thérapeutique du remède et les symptômes détaillés, afin que «les semblables puissent effectivement guérir les semblables».

Autre point très important, les homéopathes ne font pas une classification comme telle de la maladie. Autrement dit, ils reconnaissent qu'il est peut-être nécessaire de prescrire des médicaments très différents à deux personnes qui souffrent de la même «maladie» parce que leurs symptômes peuvent présenter de légères différences qui sont quand même fort significatives.

Il faut encore ajouter à tout cela que les homéopathes doivent savoir qu'un remède, même s'il est correctement prescrit, peut être inefficace si sa dilution est trop faible ou trop élevée. Pour être en mesure de prescrire la dilution qui convient, sans parler du remède lui-même, l'homéopathe doit posséder une formation spéciale et une grande expérience clinique.

La position adoptée par l'AHO à l'égard de la réglementation de l'homéopathie s'applique tant aux règlements fédéraux que provinciaux. Nous limiterons nos remarques aux règlements fédéraux, puisqu'ils constituent l'objet de l'étude de votre comité.

Au Canada, un certain nombre de remèdes homéopathiques, dont la nux vomica, l'arsenic et l'ignitia, ont été interdits en raison de la toxicité reconnue de leur substrat brut. L'Association ontarienne de l'homéopathie insiste encore une fois sur le fait que les remèdes homéopathiques sous forme très diluée ne posent aucun danger d'ordre toxicologique. Ils n'ont pas d'effets biochimiques directs sur l'organisme. Il faudrait donc, à notre avis, abolir aussi rapidement que possible l'interdiction de ces remèdes.

Il existe néanmoins un risque à prescrire des dilutions puissantes de remèdes à mauvais escient ou sans méthode. Même si ces remèdes ne sont pas toxiques du point de vue biochimique, ils peuvent, s'ils sont mal prescrits, provoquer des problèmes graves. Ces problèmes semblent dus à une trop grande stimulation de la force vitale, que le patient ressent sous forme d'inconfort extrême ou de dysfonctionnement.

Outre ce risque bien attesté, les praticiens de l'homéopathie s'inquiètent également de ce qu'une dilution puissante prescrite à tort peut modifier l'ensemble des symptômes du patient, ou sa symptomatologie, et rend très difficile, sinon impossible dans certains cas, de prescrire plus tard à ce patient d'autres remèdes homéopathiques. Le praticien peut donc perdre un patient ou ne plus rien pouvoir faire pour lui si une dilution puissante ne donne pas les résultats voulus ou provoque un trouble prolongé.

• 1100

Pour toutes ces raisons, l'Association ontarienne de l'homéopathie est alarmée de ce que des dilutions puissantes sont actuellement offertes sans ordonnance, au comptoir de nombreuses pharmacies dans tout le Canada. Notre association soumet que ces remèdes à dilution puissante ne devraient être distribués que sur ordonnance. Autrement dit, seuls les homéopathes qualifiés devraient pouvoir prescrire et administrer ces dilutions puissantes.

En outre, on trouve en vente libre divers remèdes complexes composés de deux agents médicinaux ou plus en dilution de faible puissance, de l'ordre de 3C ou de 6C. Ces remèdes sont conçus pour traiter des crises aiguës de maladie autolimitative. À notre avis, cette catégorie de remèdes ne présente pas de danger important pour le public, mais nous n'estimons pas non plus qu'ils sont des remèdes homéopathiques au sens strict. Nous pourrions peut-être en discuter davantage pendant la période de questions.

Même s'ils sont actuellement prescrits fréquemment, sinon à la volée, ces remèdes ne sont peut-être pas particulièrement efficaces, mais au moins, ils ne sont pas toxicologiquement dangereux. Nous estimons néanmoins que leur prescription sans discernement ne favorise en rien la sensibilisation du public canadien aux vertus de l'homéopathie. C'est pourquoi l'Association ontarienne de l'homéopathie souhaite exprimer son inquiétude à l'égard de toute campagne de publicité qui proposerait l'utilisation de remèdes en dilution de faible puissance pour remplacer des soins professionnels.

Au siècle dernier, la plupart des homéopathes préparaient les dilutions dans le laboratoire de leur propre bureau. De nos jours, cela ne se fait à peu près plus. Les homéopathes contemporains s'approvisionnent maintenant auprès de pharmacies homéopathiques nationales et internationales. Ces remèdes produits en masse, étiquetés et scellés à l'usine ne sont pas par la suite modifiés par le praticien. L'AOH est persuadée que les fabricants actuels de remèdes homéopathiques offrent des garanties de qualité correspondant aux normes les plus élevées; cela signifie qu'ils appliquent de bonnes méthodes de fabrication.

Toutefois, vu la demande croissante de remèdes homéopathiques, il est probable que d'autres fabricants arriveront prochainement sur le marché. Comme leur réputation n'est pas encore établie, il semblerait raisonnable qu'un comité de pharmaciens homéopathes examinent les normes de production de ces entreprises, du moins pendant leur période d'établissement.

Nous avons maintenant huit recommandations à présenter au comité. Certaines sont provisoires et dépendent de la mise en oeuvre de recommandations formulées antérieurement; même si certaines de nos remarques peuvent sembler vagues, j'estime que c'est actuellement un mal nécessaire. Il reste encore beaucoup d'exploration à faire.

Premièrement, nous soumettons—et ce, de façon catégorique—que les remèdes homéopathiques ne sont ni des aliments, ni des drogues. Ils constituent en eux-mêmes une catégorie distincte qui devrait être reconnue par la loi.

Deuxièmement, et cala aussi de façon catégorique, il faudrait lever immédiatement l'interdiction de certains remèdes homéopathiques. Il faudrait plutôt régir la médecine homéopathique de façon à garantir que les homéopathes qualifiés aient pleinement accès à toute la gamme des remèdes listés à la materio medica.

Troisièmement, nous souhaiterions que soit créé un comité permanent d'homéopathes qualifiés chargé de déterminer, entre autres, le degré de danger de remèdes homéopathiques en dilution puissante. Cette recommandation doit toutefois être provisoire, puisqu'il n'existe pas encore de consensus dans notre domaine quant au degré de risque. Il faudrait réunir des experts d'organismes homéopathiques et professionnels de tout le Canada—et même de l'étranger—afin que soit établi un certain consensus dans ce domaine. Il serait prématuré, à l'heure actuelle, d'autoriser un particulier ou un organisme à prendre une telle décision.

Nous estimons également que la première tâche d'un tel comité consisterait à mettre en place un nouveau cadre de réglementation pour administrer toutes les substances homéopathiques au Canada. Grâce à ce cadre, le comité permanent pourrait également surveiller la production, l'emballage, la promotion et la distribution des remèdes homéopathiques. De cette façon, on pourrait garantir l'innocuité de ces remèdes et éviter les déclarations trompeuses.

• 1105

À notre avis, il est impératif que seul ce nouvel organisme de réglementation soit chargé de prouver les dangers possibles. En homéopathie, il existe une tradition de ce qui constitue un danger ainsi que des moyens de le détecter. Nous estimons que seuls les homéopathes sont qualifiés pour évaluer au premier chef les risques qu'un remède peut poser.

Septièmement, nous recommandons que le nouvel organisme de réglementation fasse en sorte que les remèdes homéopathiques soient offerts au grand public à des prix abordables. Si nous recommandons cela, c'est qu'une réglementation excessive et les normes d'étiquetage et d'identification numérique des drogues pourraient entraîner une augmentation du prix des remèdes supérieure à ce que les gens sont prêts à payer; les remèdes homéopathiques ont toujours été vendus à des prix abordables pour toute la population. Nous ne souhaitons pas que cela change.

Notre huitième recommandation vise l'élargissement de toute la gamme des produits de soins de santé, puisque les homéopathes utilisent dans l'exercice de leur art des suppléments vitaminiques et des préparations à base de plantes. Par conséquent, la position de l'AOH sur l'utilisation et la réglementation de ces produits correspond entièrement aux recommandations que la Canadian Coalition for Health Freedom a présentées à votre comité le 3 février dernier.

Nous espérons que ces brèves remarques permettront d'entamer la discussion. Merci beaucoup.

La présidente: Merci, monsieur Smith.

Nous entendrons maintenant Mme Larocque.

[Français]

Mme Claudine Larocque (secrétaire générale, Fédération des professionnelles et professionnels salarié(e)s et des cadres du Québec—CSN): Bonjour. Tout d'abord, j'aimerais vous dire que c'est la première fois que la Fédération des professionnels participe à des travaux au palier canadien. Donc, je vais profiter de l'occasion pour vous démontrer un peu le genre d'activités que nous réalisons et qui nous sommes. En somme, je voudrais vous démontrer notre représentativité par rapport à tout ce qui se passe en termes de médecine alternative au Québec, puisque nous représentons les acupuncteurs, les homéopathes, les naturopathes et les ostéopathes.

Je sais que quelques personnes parlent français. J'ai pris des notes. Ultérieurement, on vous fera sûrement parvenir un mémoire.

Personnellement, je suis homéopathe. Je suis présidente du Syndicat professionnel des homéopathes du Québec depuis 1993. Je suis aussi secrétaire générale de la Fédération des professionnelles et professionnels salarié(e)s et des cadres du Québec depuis 1995. Je suis présidente du Bureau fédéral des médecines alternatives depuis octobre 1996. Je suis vice-présidente fondatrice du Conseil des approches alternatives et complémentaires de santé depuis 1995, et membre du comité exécutif du Réseau québécois d'action pour la santé des femmes depuis 1997.

Je vous présente brièvement la CSN et ses fédérations en général. Au Québec, la Confédération des syndicats nationaux compte plus de 225 000 travailleurs et travailleuses regroupés en neuf fédérations. Plus de 125 000 de nos membres oeuvrent dans le secteur de la santé et des services sociaux. Ils sont regroupés à la Fédération de la santé et des services sociaux.

Deuxième en importance au Québec, la CSN se distingue par sa vision sociale, son implication dans tous les grands débats et sa représentativité dans tous les secteurs d'activité, soit la métallurgie, les pâtes et papiers, les communications, les affaires sociales, le commerce et l'enseignement de la garderie à l'université.

Plus précisément, parlons de la Fédération des professionnels. Depuis plus de 30 ans, la Fédération des professionnels compte plus de 6 000 professionnels, dont plus de la moitié dans le secteur de la santé et des services sociaux. Nous représentons des ergothérapeutes, physiothérapeutes, psychologues, travailleurs sociaux, avocats de l'aide juridique, etc.

Les premiers professionnels alternatifs de la santé à joindre les rangs de la Fédération ont été les acupuncteurs, en 1988. En 1989, les homéopathes ont joint les rangs. Les naturopathes, quant à eux, ont participé à leurs premières instances en 1995, et, en 1996, les ostéopathes ont emboîté le pas. Nous représentons environ 800 professionnels et professionnelles des médecines alternatives.

• 1110

Tous nos membres détiennent une formation équivalente à un bac, sont encadrés par des statuts et règlements, s'engagent à respecter un code de déontologie, satisfont à des normes de formation rigoureuse. La formation est échelonnée sur une période de quatre ans. Les consommateurs sont protégés par l'intervention d'un comité de conciliation qui gère les insatisfactions du public, et ces efforts sont soutenus par le service juridique de la CSN.

Les dossiers menés par la Fédération en matière de santé: La FPPSCQ participe activement à tous les grands dossiers sociaux du Québec: commissions parlementaires, dépôt de mémoires, consultations. Nous avons été la seule fédération québécoise à être consultée dans le cadre de la réforme de l'Office des professions organisée par M. Robert Diamant.

Au niveau fédéral, nous avons déjà été consultés par le Bureau des médecines complémentaires relativement à deux dossiers: les bonnes pratiques de fabrication et les réclames au niveau des remèdes homéopathiques.

En juillet 1996, la CSN a participé à la création de l'Ordre des acupuncteurs et acupunctrices du Québec.

Nous travaillons en étroite collaboration avec des organismes internationaux afin de contribuer à la reconnaissance des médecines alternatives, entre autres au rapport Lannoye qui vise à réglementer toutes les médecines alternatives au Parlement européen et aussi, dernièrement, au mois de novembre, au plan quinquennal que le prince Charles a présenté pour arriver à créer ce qu'il appelle une médecine intégrée. On sait que la famille royale ne se traite qu'en homéopathie ou à peu près. Donc, le prince Charles est très en faveur d'une complémentarité des différentes approches, et nous croyons que c'est une voie à suivre.

Donc, nous pourrions vous faire bénéficier de ces informations, de ces documents et de ceux émis par nos collaborateurs européens.

À la Fédération, nous nous considérons comme étant un interlocuteur de choix au Québec, en mesure de faire bénéficier le comité de notre expertise. Alors, que ce soit dans le secteur de la santé et des services sociaux, dans le secteur de l'éducation, dans celui de l'aide juridique, dans celui des professionnels autonomes ou dans celui des médecines alternatives, la Fédération est consultée par les différents organismes ou ministères du gouvernement québécois.

La Fédération est en accord avec les principaux objectifs de Santé Canada. Il est évident que nous avons des objectifs plutôt spécifiques et assez similaires aux vôtres, comme par exemple ceux de rehausser les normes de formation en ce qui a trait à l'enseignement, d'assurer la protection du public tant en ce qui concerne les professionnels que les remèdes, de fournir à la population les meilleurs remèdes naturels possible, d'encourager une pratique de pointe par nos professionnels des médecines alternatives et de favoriser le rayonnement des thérapeutes alternatifs au niveau international.

À ce titre, au plan homéopathique, nous avons déjà sept homéopathes qui ont participé à des congrès internationaux en Australie, en Angleterre, au Costa-Rica, en Roumanie, aux États-Unis, en France, en Belgique, en Angleterre, etc.

Nous vous demandons officiellement d'instaurer une réglementation générale qui assure les professionnels des médecines alternatives, dans un premier temps, qu'ils pourront offrir les médicaments naturels de la meilleure qualité possible grâce, entre autres, à de bonnes pratiques de fabrication; deuxièmement, que les professionnels des médecines alternatives puissent avoir accès à tous les remèdes naturels des différentes pharmacopées reconnues internationalement. Par exemple, dans le domaine de la naturopathie, on sait que les acides aminés individuels, que ce soit la lysine ou la cystéine, ne sont pas disponibles. Le seul moyen de s'approvisionner pour un naturopathe au Québec est de faire des pirouettes pour aller se procurer les remèdes aux États-Unis.

Maintenant, en ce qui a trait à la pharmacopée chinoise, il y a différents remèdes qui, entre autres, sont efficaces pour l'asthme, mais qui sont interdits au Canada à cause des aspects de toxicité. Je pense que les experts qui étaient ici vous en ont largement parlé.

Maintenant, en ce qui a trait à l'homéopathie, de nombreux remèdes interdits par les différentes annexes de la réglementation actuelle canadienne sont disponibles et permis dans la majorité des autres pays, ce qui nous incite à vous demander de lever les interdictions sur les remèdes homéopathiques comme les composés de l'arsenic, les mercures, les strychnines, etc.

Nous aimerions aussi amorcer une réflexion conjointe sur la définition des «prescripteurs», alors qu'une seule province canadienne a modifié sa loi sur la pratique des médecines alternatives, à savoir l'Ontario.

Il serait regrettable sur tous les plans, tant pour le public que pour les praticiens et les autorités gouvernementales, qu'une réglementation trop excluante crée un phénomène de marché noir des remèdes naturels.

• 1115

Vous pourrez me poser des questions sur ce point, et je vous dirai que ce serait une chose que nous regretterions, mais qui pourrait se produire parce que nous avons besoin de tous les remèdes des pharmacopées disponibles pour traiter efficacement nos patients.

En terminant, j'aimerais vous demander une audience par regroupement ou par association afin d'éclairer le comité sur les besoins spécifiques de chacune des disciplines, à savoir l'acupuncture et la médecine traditionnelle chinoise, l'homéopathie et la naturopathie.

Je vous demande donc, au nom des comités exécutifs des syndicats suivants, le Syndicat professionnel des acupuncteurs et acupunctrices du Québec, le Syndicat professionnel des homéopathes du Québec et l'Association des diplômés en naturopathie du Québec, que des représentants de chacun des syndicats puissent faire bénéficier ce comité parlementaire de leur expertise respective et ainsi assurer Santé Canada de mettre sur pied une réglementation des remèdes naturels qui puisse protéger le public et permettre aux professionnels de la santé des médecines alternatives de bien pratiquer leur profession avec tous les remèdes spécifiés dans les différentes pharmacopées.

Ces audiences-là permettront à chacun des syndicats de vous remettre des mémoires ainsi que des recommandations.

Je vous remercie de l'attention que vous porterez à mes demandes. J'espère que cette rencontre est le premier jalon d'une longue collaboration qui s'avérera, j'en suis certaine, mutuellement enrichissante.

La présidente: Merci, madame Larocque.

[Traduction]

Pourriez-vous dire à ces groupes qu'ils peuvent demander à comparaître, s'ils ne l'ont déjà fait? Il leur suffit d'écrire à notre greffier. Il faudrait qu'ils le fassent assez rapidement.

Mme Claudine Larocque: Je le leur dirai.

La présidente: Nous entendrons tous ces différents groupes, si nous ne l'avons déjà fait.

Monsieur Elley.

M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Réf.): Merci d'être venue partager avec nous votre temps et votre expérience dans ce domaine.

Vous me comprendrez, j'en suis sûr, si je dis qu'après avoir entendu tant de gens parler de ce qui pour nous est la même chose, les membres du comité ne s'y retrouvent pas toujours et se demandent s'il s'agit bien de la même chose. J'ai deux questions à poser quant aux commentaires de M. Smith.

On nous a dit qu'il faudrait mettre au point une troisième catégorie. Les homéopathes réclament-ils une quatrième catégorie?

Deuxièmement, vous avez dit que certains remèdes homéopathiques sont actuellement interdits. Vous croyez qu'il faudrait lever immédiatement cette interdiction. Bon nombre de témoins nous ont dit qu'ils n'arrivent pas à se procurer la liste des remèdes naturels interdits auprès de la Direction générale de la protection de la santé. C'est bien des remèdes inscrits à cette liste dont vous parlez?

M. Doug Smith: Je puis répondre très facilement à votre deuxième question. Il existe une liste des remèdes homéopathiques interdits. Je l'ai consultée tout récemment, et je crois qu'elle est à jour. La dernière mise à jour que j'ai vue remontait à janvier 1998. Cette liste est disponible.

M. Reed Elley: Vraiment? Nous aimerions bien la consulter.

M. Doug Smith: Nous en avons peut-être un exemplaire.

Mme Claudine Larocque: Oui, je l'ai.

M. Doug Smith: Très bien.

M. Reed Elley: S'agit-il d'une liste différente de celle dont nous avons essayé d'obtenir de Santé Canada?

M. Doug Smith: C'est la même, mais il y a diverses annexes, selon la nature des substances en cause. Il existe une annexe spéciale pour les remèdes homéopathiques. On y trouve une liste alphabétique de ces remèdes, de l'arsenic à la strychnine.

Mme Claudine Larocque: Oui. «Substances interdites»... en date du 21 mars 1997: mercure, strychnine, chloroforme, cocaïne, morphine, opium, aurum, cortisone, digitale, kali bromatum, lithium. C'est l'essentiel de notre pharmacopée.

M. Doug Smith: Nous comprenons que pour un agent des douanes à la frontière, importer de l'opium, du cannabis et de l'arsenic équivaudrait à agiter un chiffon rouge devant un taureau. Ce serait de la provocation, et nous ne nous attendons pas à ce que les douaniers sachent que ces substances sont diluées à des concentrations d'une partie sur 1060. Comme nous l'avons dit, dans ces préparations, il n'y a pas de trace de la substance initiale. Ces remèdes sont composés d'entités énergétiques. Pour certains, cela peut sembler provocant, mais ce sont les termes que nous devons utiliser. La nature de l'effet homéopathique est inexplicable autrement puisque la substance n'est plus présente sous forme atomique.

• 1120

La première mesure qui pourrait être facilement prise consisterait à lever l'interdiction applicable à ces substances, puisqu'elles ne sont pas présentes matériellement.

La présidente: Excusez-moi un instant.

[Français]

Madame Larocque, voulez-vous donner votre copie au greffier?

Mme Claudine Larocque: Certainement.

[Traduction]

M. Doug Smith: C'est la question à laquelle il est le plus facile de répondre. Nous reconnaissons que la tâche de tout organisme de réglementation serait grandement accrue s'il y avait prolifération des catégories de drogues, mais nous estimons que les remèdes homéopathiques constituent un cas particulier. Aucun autre remède n'est préparé de cette façon. Puisqu'ils sont particuliers, il conviendrait de leur appliquer un cadre de réglementation distinct.

Nous sommes prêts, bien sûr, à discuter des détails d'un tel cadre, mais à notre avis, il est nécessaire de faire la distinction entre les remèdes homéopathiques, les substances utilisées dans les soins de santé, les substances médicinales et les produits naturels de santé.

Même si certains estiment que tous ces produits appartiennent à la même catégorie générale, il est également vrai que nous utilisons des substances toxiques en substrat, comme point de départ, pour préparer nos remèdes. Il ne fait aucun doute que le venin de serpent, l'arsenic ou le nitrate d'uranium sont des substances naturelles. Nous n'allons pas en débattre. Nous soumettons toutefois que nos préparations n'ont pas été modifiées chimiquement ou biochimiquement. Elles sont modifiées au moyen d'un processus physique, par dilution ou par trituration. Elles ne sont naturelles que de cette façon.

M. Reed Elley: Pour aller droit au but, vous préconisez la création d'une quatrième catégorie, n'est-ce pas?

M. Doug Smith: Eh bien, disons qu'il s'agit de la troisième catégorie et laissons les autres se partager la quatrième.

Des voix: Oh, oh.

M. Reed Elley: Vous préconisez la création d'une autre catégorie?

M. Doug Smith: Absolument.

M. Reed Elley: D'accord. Merci.

La présidente: Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard: Bienvenue à vous trois. Je voudrais vous dire tout de suite que je crois aux médecines alternatives et que je suis une consommatrice de produits naturels. Je voudrais avoir votre opinion sur ce que l'Association des pharmaciens du Canada pense de vous:

    L'homéopathie fait appel, certes, à des plantes médicinales, mais à des doses non thérapeutiques si faibles qu'il ne reste souvent pas une seule molécule du médicament. Selon les homéopathes, ces médicaments, une fois dilués, sont extrêmement efficaces et le restent même après que l'ingrédient actif ait disparu. Cela va à l'encontre des principes pharmacologiques conventionnels selon lesquels il existe, dans une certaine mesure, une dose réponse. Autrement dit, plus la quantité de médicament est grande, plus la réponse est importante. Pour la majorité des professionnels de la santé, l'homéopathie est une «science pathologique» qui mise uniquement sur l'effet placebo.

Qu'est-ce que vous avez à répondre à cela?

Mme Claudine Larocque: Dois-je m'essayer?

Mme Pauline Picard: Oui, ou encore vous deux ou vous trois.

Mme Claudine Larocque: Dès le départ, il est important de préciser que c'est une question de vision, une question de culture. Je peux cependant difficilement m'expliquer que... Bon, l'homéopathie existe depuis 201 ans. Elle a été conçue par Samuel Hahnemann, le fondateur de l'homéopathie.

L'homéopathie est donc pratiquée depuis 201 ans. Au moment où l'on se parle, l'homéopathie est pratiquée dans 45 pays, et par des médecins et par des homéopathes. Les remèdes de nos pharmacopées font partie de la pharmacopée officielle de ces 45 pays-là. On n'a qu'à penser à la France, la Belgique, l'Allemagne, la Suède, l'Angleterre, l'Australie, le Costa-Rica, les Bahamas, la Roumanie, la Moldavie, les États-Unis, etc.

• 1125

On dirait que certains scientifiques nient non seulement l'effet homéopathique, mais également sa réalité. Je pense que, pour le moins, quelqu'un qui a un esprit scientifique ne devrait pas nécessairement nier un phénomène qu'il ne comprend pas.

Je crois d'ailleurs que quatre chercheurs français ont fait des recherches pendant 20 ans sur la théorie des hautes dilutions. Ils ont publié l'année passée le résultat de leurs recherches et, quand ils sont allés donner leur première conférence, un pharmacien et un médecin ont perdu conscience tellement les explications des chercheurs allaient à l'encontre de leur conception de l'effet médicamenteux ou de l'effet thérapeutique. Je ne crois pas qu'on puisse affirmer que l'homéopathie a un effet placebo quand l'action thérapeutique nous est confirmée dans nos cabinets chaque jour et que ces résultats sont mesurés et mesurables.

Si vous le désirez, je pourrais vous fournir des preuves qui ont été données par les médecins du London Homeopathic Hospital, parce qu'en Angleterre il y a des hôpitaux qui traitent essentiellement par l'homéopathie. Je vois difficilement les autorités gouvernementales anglaises contribuer à une espèce de conspiration pour traiter leurs patients uniquement avec l'effet placebo. Ces recherches existent, et l'efficacité de l'homéopathie est démontrée. Mais on se retrouve quand même avec le paradoxe homéopathique, à savoir que l'on ne peut pas vraiment expliquer comment cet effet-là se produit.

Je dirais cependant que ce n'est pas parce que la science ne détient pas, au moment où on se parle, les outils de mesure nécessaires pour démontrer le processus d'efficacité que cette efficacité n'existe pas. En effet, je verrais difficilement le ministre de la Santé de France traiter la moitié de la population avec le seul effet placebo depuis des dizaines et des dizaines d'années. Ce serait difficilement compréhensible en tout cas.

[Traduction]

M. Doug Smith: J'aimerais ajouter quelque chose aux remarques de ma collègue.

La présidente: D'accord, allez-y.

M. Doug Smith: Il y a toute une branche de l'homéopathie qui s'applique aux soins vétérinaires. Les vétérinaires ont remporté un succès considérable grâce à des remèdes homéopathiques. On saura difficilement expliquer comment l'effet placebo pourrait se produire chez une vache, un chien ou un chat.

En outre, des enfants prennent des remèdes homéopathiques, et dans leur cas, il pourrait y avoir un certain effet placebo. Mais ces remèdes sont efficaces même dans des cas d'enfants souffrant d'idiotie ou de dommages cérébraux, ou dans des cas où l'enfant ne porte pas attention à son milieu ou aux circonstances immédiates—par exemple dans le THADA—, non plus qu'aux nuances du rapport émotif ou psychique entretenu avec le médecin et qui constitue un élément de l'effet placebo.

Comme ma collègue l'a mentionné, on fait actuellement en France des essais in vitro, de façon très professionnelle, quant aux effets de dégranulation que peuvent avoir des remèdes homéopathiques, effets qui prouvent de façon indubitable que ces remèdes provoquent une accélération de processus biochimique.

Il existe toute une pile de documents, ce qui en soi est assez révélateur, montrant que même in vitro, ces remèdes ont un effet démontrable. Nous sommes sur le point de faire certaines percées qui permettront à la science de documenter enfin ce phénomène au moyen d'instruments.

Entre autres, les interféromètres et les grilles d'interférence nous signalent l'existence d'un monde mystérieux dans lequel l'effet homéopathique pourrait être détecté comme étant l'effet de quelque chose d'autre. Grâce aux modèles d'interférence, nous constatons qu'il se passe quelque chose, qu'il y a des niveaux différents de potentiel électrique.

Il importe de souligner que ces phénomènes sont un sous-produit de l'effet homéopathique et ne représentent pas l'effet lui-même. Il est beaucoup trop facile aux gens qui travaillent en marge de la science traditionnelle de se saisir du premier résultat positif pour déclarer qu'il s'agit de l'effet homéopathique.

• 1130

Nous devons être prudents et éviter le réductionnisme dans ce domaine, afin de ne pas conclure trop hâtivement que l'effet homéopathique se limite à une question d'électricité ou à un simple modèle d'interférence. Ce dont il s'agit, en fait, c'est de la force vitale. En demeurant dans cette perspective, nous invitons les scientifiques à élargir leurs horizons et à ne pas se contenter de voir l'organisme physique comme une soupe biochimique—il faut également tenir compte du principe animant. C'est ce principe que traite précisément nos remèdes.

La présidente: D'accord, merci.

Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: Si je pose ma question, c'est que nous entendons les noms de différents types de praticiens—homéopathes, naturopathe, herboriste, praticien de médecine chinoise, etc. Je ne saurais parler que pour ma province, mais en Ontario, où l'on applique l'autoréglementation, on a décidé d'appliquer le régime de la loi à la naturopathie, qui ne fait pas l'objet d'une loi distincte. On n'a pas pris de décision pour que les autres domaines soient inclus dans un régime d'autoréglementation. Cette décision a été prise—et je le sais très bien—parce qu'on estimait que la naturopathie ne pouvait causer aucun tort.

Cela dit, compte tenu de tous les risques qui existent, j'aimerais savoir ce qu'il en est de votre liste de produits, si vous pensez qu'il faudrait prouver les effets que l'on attribue à ces produits. Dans un régime d'autoréglementation, croyez-vous que de telles preuves pourraient protéger le public du danger?

M. Doug Smith: Nous n'avons pas de réponse définitive à cette question, mais nous espérons qu'on fera une distinction initiale et que les remèdes homéopathiques seront divisés en deux catégories, soit les dilutions puissantes et les dilutions faibles. Il existe bien sûr une gradation, mais du point de vue pratique, les remèdes sont préparés en fonction de certaines puissances préétablies. Il serait donc possible d'établir un seuil. Ce seuil comporterait néanmoins un certain arbitraire.

Mme Elinor Caplan: Ce seuil se fonderait-il sur le danger, sur la toxicité ou sur d'autres critères?

M. Doug Smith: Il se fonderait sur le degré de puissance, puisque l'on peut...

Mme Elinor Caplan: Le degré de puissance—pourriez-vous nous expliquer ce que cela signifie?

M. Doug Smith: Eh bien, l'homéopathie est fondée sur le principe voulant que moins la concentration est grande, plus le remède est efficace. Par conséquent, plus le remède est dilué—et c'est là l'aspect de notre approche que les pharmaciens désapprouvent—à travers chaque étape de la dilution... Il ne s'agit pas seulement d'un mélange passif. Le processus est assez violent. Je l'ai fait moi-même et je peux témoigner de la quantité d'énergie qui est infusée dans le remède pendant les étapes de sa dilution. Le remède peut être dilué 30 fois, 200 fois, 1 000 fois ou davantage; plus il est dilué, plus il est puissant.

Mme Elinor Caplan: Il est plus puissant?

M. Doug Smith: Oui.

Mme Elinor Caplan: Mais quelle que soit la puissance de certains remèdes, ils ne sont pas nocifs, n'est-ce pas?

M. Doug Smith: Nous doutons qu'ils le soient.

Mme Elinor Caplan: D'accord.

M. Doug Smith: Nous pouvons utiliser comme point de départ des choses aussi simples qu'un coquillage ou de l'hydrogène. Il pourrait aussi s'agir d'une substance toxique comme le venin de serpent, l'arsenic ou le café. Mais tous les changements qui sont apportés à ces substances ou au remède pendant les dilutions font qu'ils deviennent assez dangereux à utiliser sous forme très puissante. D'après nous, ils influent sur la force vitale. Plus le remède est puissant, plus il a un effet profond sur la force vitale.

Mme Elinor Caplan: Ai-je suffisamment de temps pour poser une autre question?

On nous a dit qu'il y avait d'une part les aliments, d'autre part les drogues, puis quelque chose d'autre. Êtes-vous d'accord?

M. Doug Smith: Oui.

Mme Elinor Caplan: Parmi ces autres choses, il pourrait y avoir les produits à base de plantes, les produits homéopathiques ou les produits de santé naturels. Il existe toute une gamme de produits que les gens veulent essayer parce qu'on prétend qu'utilisés d'une certaine façon, ils peuvent être bénéfiques. La tâche de notre comité consiste à voir s'il existe d'autres moyens de garantir l'innocuité et la qualité des produits, surtout s'il s'agit de produits à faible risque, afin que la population puisse y avoir accès et qu'il ne soit pas nécessaire de leur imposer toutes les mesures rigoureuses applicables aux produits pharmaceutiques.

• 1135

Peut-être avons-nous besoin d'un processus différent. Qu'en pensez-vous?

[Français]

Mme Claudine Larocque: J'aimerais peut-être ajouter, pour répondre à votre question, qu'on parle toujours de doses et de mesures pondérables, que ce soit en ce qui concerne la drogue ou les aliments.

Au niveau homéopathique, à cause du principe de l'infinitésimalité, la majorité du temps, on ne retrouve même pas un seul atome de la substance mère. Alors, je vois difficilement comment on pourrait réglementer ces petits remèdes ou ces produits quand on n'arrive pas à mesurer pondérablement leur effet. Les remèdes homéopathiques ne sont aucunement toxiques sauf, selon la Loi d'Avogadro, à partir de la neuvième CH, etc.

Je vous dirai, peut-être pour faire une analogie un peu simple, que Santé Canada permet une plus grande concentration de mercure dans ses poissons que vous consommez tous les jours que 10 ou même 20 et 30 tubes de mercurius pourraient contenir. Je pense que les remèdes homéopathiques devraient constituer une catégorie à part.

[Traduction]

Mme Elinor Caplan: Voici ma dernière question: Croyez-vous qu'il faudrait prouver les propriétés que l'on prête à certains produits?

Mme Claudine Larocque: Oui.

M. Doug Smith: Permettez-moi de répondre à la question précédente, ainsi qu'à celle que vous venez de poser.

Il y a le problème de la puissance faible ou élevée des remèdes. Il y a aussi le problème que pose l'absorption de remèdes de façon régulière, sur une longue période de temps. Il y a un risque dans les deux cas. Le traitement devrait être supervisé par un homéopathe qualifié.

Dans le second cas, j'ai vu des cas où des amateurs ou des personnes mal informées avaient recommandé à quelqu'un de prendre un remède utilisé couramment pour traiter la dépression. Ils ont conseillé de prendre ce remède jusqu'à ce que les sentiments de tristesse du patient cessent.

Un homéopathe qualifié sait que si quelqu'un prend le même remède homéopathique trop longtemps, le problème même que l'on essaie de résoudre deviendra enchâssé dans la force vitale du patient. Je connais plusieurs personnes qui sont maintenant déprimées de façon presque irrécupérable parce qu'on leur a mal prescrit des remèdes homéopathiques.

Si les patients prennent ces remèdes une fois, deux fois ou trois fois, pas de problème. L'erreur, c'était de leur conseiller de les prendre pendant trois ou quatre mois, ou jusqu'à ce que le problème soit réglé. Le problème est devenu plus profond et plus grave, il s'est enchâssé, comme nous disons, et les patients ont alors doublé la dose.

Ce genre de cas nous inquiète grandement. Nous croyons qu'il faut soit informer le public, soit contrôler les remèdes d'une façon quelconque pour éviter de tels cas.

Mme Elinor Caplan: Que fait votre association pour informer le public et le protéger de ces praticiens incompétents?

M. Doug Smith: Nous sommes très actifs dans ce domaine. Il existe d'autres associations au Canada qui ne s'en préoccupent pas. Nous estimons pour notre part qu'en Ontario du moins, nous devons appliquer les mêmes normes que celles autorisées dans le projet de loi initial, dans les années 1860. Il faut que les praticiens reçoivent une formation considérable dans ce domaine afin qu'après avoir fait de longues études, ils se sentent suffisamment à l'aise pour s'attribuer le titre de médecin. Voilà.

Mme Elinor Caplan: Mais légalement, en Ontario, vous ne pouvez pas porter ce titre de médecin.

M. Doug Smith: Pas à l'heure actuelle. Mais nous y travaillons, en Ontario. C'est un processus très lent.

Bien sûr, nous ne voulons pas violer la loi, mais il existe un sentiment personnel de compétence dans ce type de médecine. Cela ne s'acquiert pas du jour au lendemain.

Mme Elinor Caplan: Rendez-vous publics les noms des praticiens qui vous inquiètent?

M. Doug Smith: Non.

La présidente: Nous ne voulons de réponse qu'à certaines questions.

• 1140

M. Doug Smith: Il est difficile de répondre à votre deuxième question, sur les mises en garde, puisque nous n'utilisons pas les classifications normales de la maladie. Pour alerter le public au danger que peut poser un remède, il faudrait donner une longue explication, comme celle que je viens de vous donner sur le danger que présente l'utilisation répétée d'un même remède.

À notre avis, le mieux que nous puissions faire, c'est de limiter la disponibilité des concentrations élevées aux praticiens compétents et, dans un futur proche, permettre que les plus faibles concentrations soient disponibles sur le marché, étant donné que l'homéopathie a toujours eu un aspect populaire ou folklorique. Ces faibles concentrations sont connues et utilisées par des gens qui connaissent un peu le domaine et qui ont constaté une certaine efficacité lorsqu'il s'agissait de crises spontanément résolutives. Ils savent quoi faire pour traiter leurs maux de tête, leur fièvre ou leur diarrhée; ils savent exactement ce qu'ils veulent faire et sont prêts à le faire.

Beaucoup d'Européens, de Sud-Américains et d'Antillais ont ce genre de connaissance pratique de l'homéopathie et nous ne voulons pas nous mêler de leurs habitudes. Habituellement, ils n'utilisent pas de grandes concentrations.

La présidente: Merci. J'ai simplement permis à Mme Caplan de poursuivre parce qu'il n'y avait personne d'autre sur ma liste.

Puis-je poser une question? Pourriez-vous nous dire quelle est votre formation? Combien d'années dure-t-elle? Qui vous la donne, etc.? Si vous êtes un organisme d'autoréglementation, pourriez-vous nous dire comment se fait la réglementation au sein de votre industrie? Vous pouvez tous répondre.

Madame Larocque.

[Français]

Mme Claudine Larocque: Au Québec, le Syndicat professionnel des homéopathes du Québec est conscient qu'au moment où on se parle, nous sommes en situation de vide juridique, à savoir que, selon la Charte des droits et libertés, les Québécois ont droit aux soins homéopathiques. Légalement, selon la loi québécoise, les homéopathes sont poursuivis pour pratique illégale de la médecine, et les médecins sont poursuivis pour pratique non scientifique. Donc, légalement, au Québec, même si les Québécois ont le droit de recevoir des soins homéopathiques, personne ne peut leur octroyer ces soins. Par conséquent, le Syndicat professionnel des homéopathes pense que la protection du public passe...

[Traduction]

La présidente: Excusez-moi, madame Larocque. Pourriez-vous répondre à ma question au sujet de la formation?

Mme Claudine Larocque: J'allais le faire.

La présidente: Bien.

[Français]

Mme Claudine Larocque: La protection du public, à notre avis, passe par la formation. Au niveau homéopathique, la formation est de 1 500 heures, étalée sur une période de quatre ans et correspondant à un bac.

Nos membres doivent obéir à des statuts et règlements, un code de déontologie, des normes de formation, et nous avons un comité de conciliation qui s'occupe de gérer les plaintes du public quand il y en a, cela avec la collaboration des avocats du service juridique de la CSN.

En matière d'information, nous faisons des campagnes régulièrement. Notre dernière campagne de publicité a eu lieu au mois d'août, avec la création de la Semaine québécoise de l'homéopathie. Tous nos membres sont allés donner des sessions d'information dans les CLSC, dans des cliniques, et ont fait des journées portes ouvertes pour inviter les consommateurs à des conférences gratuites sur l'homéopathie, etc.

Pour assurer la protection du public, nous avons fait une demande d'incorporation professionnelle auprès de l'Office des professions du Québec, et le dossier est toujours en cours.

Nous avons aussi dénoncé publiquement l'incompétence des professionnels de la santé en matière d'homéopathie, qui sont, croyons-nous, des menaces directes pour la population. Je m'explique. Les médecins membres du Collège des médecins, les pharmaciens membres de l'Ordre des pharmaciens, les infirmières membres de l'Ordre des infirmières du Québec, les dentistes et les vétérinaires, tous ces gens qui ont un contact direct avec des patients, vont suivre une formation donnée par un laboratoire homéopathique de 45 heures, de 75 heures si on est chanceux, et ils se prétendent homéopathes.

Je dis que ces médecins, même s'ils sont d'excellents médecins, sont des homéopathes incompétents. Ces gens-là prescrivent des remèdes homéopathiques, exactement comme dans l'exemple de M. Smith tout à l'heure, et décident que l'homéopathie ne marche pas.

• 1145

Je vous donnerai un exemple de la façon dont je comprends la situation. Je suis homéopathe et si j'allais demain matin suivre un cours d'ambulancier Saint-Jean, pourrais-je me prétendre médecin? C'est exactement le processus inverse qui se passe au Québec. Nous sommes vraiment très actifs au niveau gouvernemental afin de faire reconnaître la profession d'homéopathe et de créer toute la réglementation qui nous permettra d'avoir accès à une meilleure formation et d'exercer une meilleure pratique afin d'assurer la protection du public.

[Traduction]

La présidente: Vouliez-vous ajouter quelque chose, monsieur Smith?

M. Doug Smith: Je vais laisser Mme Shannon le faire.

La présidente: Madame Shannon.

Mme Linda Shannon: À la dernière page de notre document, nous vous fournissons la liste de nos normes, soit les normes acceptées par l'AOH. Prenez le deuxième critère, à la toute fin: nous insistons pour qu'il y ait 750 heures de formation en homéopathie, données par des homéopathes compétents, en plus de 1 100 heures en clinique externe. Bien entendu, il faut comprendre qu'il s'agit de rencontrer des patients, sous la supervision d'un homéopathe. Il y a en outre des cours en sciences médicales. Au premier critère, à la page précédente, vous voyez les chiffres nécessaires, soit les nombres de cours pris au niveau universitaire. En gros, voilà les normes qu'accepte l'AOH, qui nous permettent de protéger le public.

La présidente: Et pour l'autoréglementation, y a-t-il un suivi? Si vous savez qu'un homéopathe fait quelque chose de mal, par exemple, est-ce que pouvez l'exclure de votre association?

Mme Linda Shannon: Oui, des mesures sont prévues. J'oublie pour le moment le nom du comité, mais il y a un comité de notre association qui s'occupe particulièrement des plaintes contre nos membres professionnels. Nous nous assurons que toutes les plaintes reçoivent l'attention voulue.

La présidente: Pouvez-vous enlever l'accréditation de quelqu'un ou l'exclure de la pratique?

Mme Linda Shannon: Nous pouvons l'exclure de notre association, qui à nos yeux a les normes les plus élevées, du moins en Ontario. En ce moment, c'est le mieux que nous pouvons faire, parce que nous ne sommes pas encore un ordre professionnel, en Ontario.

La présidente: Quelqu'un pourrait donc continuer à pratiquer l'homéopathie même s'il le faisait de façon inacceptable.

Mme Linda Shannon: Malheureusement, oui, c'est possible.

La présidente: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.

J'ai diverses questions. Je vais vous les poser toutes à la fois et vous répondrez à celles avec lesquelles vous êtes à l'aise.

La première se rapporte aux questions d'Elinor Caplan. Dites-moi si j'ai mal compris. Je présume que les homéopathes voudraient que l'homéopathie soit considérée comme une école de médecine, et non simplement comme une ligne de produits. En fait, votre objectif à long terme serait d'obtenir la reconnaissance de l'homéopathie comme une médecine légitime, au même titre que la médecine traditionnelle au Canada. En fait, vous voudriez que l'homéopathie soit intégrée à l'ensemble du système de santé, par exemple aux régimes d'assurance, mais à court terme, vous souhaitez au moins qu'on accorde une certaine légitimité aux remèdes homéopathiques, dans le cadre de l'examen actuel. Voilà pour la première question, ou la première déclaration au sujet de laquelle j'aimerais obtenir vos commentaires.

Ma deuxième question porte, Doug, sur votre commentaire selon lequel s'il y avait une troisième ou une quatrième catégorie, quoi que ce soit, il n'y a pas actuellement d'organisme national permettant une représentation. Je présume donc qu'il n'y a pas actuellement d'association nationale des homéopathes mais diverses associations provinciales.

• 1150

À ce sujet, je connais très bien l'association manitobaine de l'homéopathie à laquelle j'ai été associée de près. J'ai eu de longs entretiens avec le Dr Leelamma Neilsen. Je sais tous les efforts déployés au Manitoba pour mettre sur pied un institut et une école de formation, soit un établissement d'enseignement. Cette association a aussi demandé à comparaître devant le comité.

Peut-on présumer que dans ce domaine, vous pensez la même chose, que vous avez le même message à transmettre? Devrions-nous recevoir d'autres associations, comme celle du Manitoba, soit pour appuyer vos propos ou pour obtenir d'autres points de vue?

Ma troisième question se rapporte à votre recommandation relative à l'abrogation de l'interdiction actuelle de certains remèdes homéopathiques. Comment se fait-il qu'on peut actuellement aller dans n'importe quelle pharmacie pour acheter un médicament homéopathique? C'est d'ailleurs ce que je fais, parce qu'on disait que ce remède était «bon contre la fatigue». Je pensais que ce serait une panacée. C'est naturel; c'est un produit de Homeocan.

J'ai été étonnée. Je pense que ce n'est que très récemment que cette gamme de produits est apparue dans les pharmacies. Comment cela se fait-il? Ces produits sont-ils disponibles à cause du moratoire ou y a-t-il des façons que nous ignorons de contourner le règlement?

Vous dites que vous croyez que les fabricants font un contrôle de la qualité mais vous dites aussi qu'on ne devrait pouvoir acheter des produits homéopathiques que chez un praticien ou dans une clinique.

M. Doug Smith: Je ne suis pas d'accord. Les médicaments à faible concentration, par exemple...

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je n'ai pas d'autres questions. Allez-y.

M. Doug Smith: Je vais commencer par la dernière, parce que c'est celle qui me dérange le plus—je ne parle pas de la question, mais de la situation dont vous avez parlé. C'est comme ci on donnait la préférence à un mauvais investissement.

Le système homéopathique est plutôt subtile et s'intéresse à une partie de l'être humain qui n'est reconnue ni par les universités, ni par les principaux paradigmes. Il est par conséquent facile de le corrompre et de le détourner en faveur de ce genre de séduction commerciale.

Aucun homéopathe praticien dirait que ses produits sont bons pour quelque chose comme l'insomnie. Ils travaillent avec des ensembles de symptômes très complexes, parmi lesquels peut se trouver l'insomnie. Mais l'homéopathe ne prescrirait pas quelque chose contre l'insomnie. Les autres sortes de médecine peuvent s'occuper de ce problème.

Nous travaillons avec des ensembles de symptômes très différenciés, et il est souvent très instructif pour nos patients de comprendre que nous ne nous occupons pas de classifications de maladies, mais d'une grille beaucoup plus fine de manifestations.

C'est de ce genre de choses que nous parlons dans notre mémoire. Cela sème la confusion. C'est presque une fausse représentation. Ce n'est certainement pas ainsi que les homéopathes prescrivent leurs produits et par conséquent, pour ce qui est de la rencontre thérapeutique elle-même, il ne s'agit pas de remèdes homéopathiques, puisqu'ils ne sont pas appliqués aux phénomènes avec lesquels travaille l'homéopathique.

Je sais que les homéopathes déclareraient qu'il s'agit d'une fausse représentation. On peut vendre ce genre de produits pour lutter contre l'insomnie—très bien, il s'agit alors d'un remède folklorique. Mais de dire qu'il s'agit d'un remède homéopathique, c'est de la fausse représentation, puisque ce n'est pas ainsi que travaillent les homéopathes. Ils ne donnent pas de prescription contre l'insomnie.

Quelque chose doit céder le pas. Il faut éliminer soit l'insomnie, soit l'homéopathie. Vous ne pouvez avoir les deux.

Si vous rencontrez un homéopathe qui est prêt à vous faire avaler une pilule simplement parce que vous souffrez d'insomnie, ce n'est pas un homéopathe. C'est quelqu'un qui prétend être un homéopathe. Cela nous ramène à une de vos premières questions, au sujet de ce que peut faire une profession sans autoréglementation en cas de problèmes de ce genre.

Nous pouvons certainement disséminer l'information. Nous pouvons nous livrer au commérage, comme tous les professionnels le font souvent, au sujet des incompétents, des imbéciles, des imposteurs et des soi-disant homéopathes. Je n'ai pas utilisé le mot «charlatan» mais si quelqu'un prend sur lui de traiter un problème aussi complexe avec ce genre de médecine, il va certainement trop loin. Nous pouvons prendre des moyens informels pour régler ce problème, mais en ce moment, nous n'avons pas le moyen juridique nous permettant de signaler à un organisme gouvernemental que quelqu'un pratique l'homéopathie sans permis.

• 1155

La présidente: Quelqu'un d'autre veut-il répondre à ces questions?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Qu'en est-il de mes autres questions? J'ai demandé si nous devrions recevoir d'autres témoins ou si toutes vos associations pensent de même.

La présidente: Répondez rapidement, s'il vous plaît.

M. Doug Smith: Je pense que nous avons tous une contribution à faire, puisque nous avons des points de vue différents, sur les plans provincial et culturel. J'ai été très satisfait du niveau de communication établi lors de conférences et de congrès en comparaison des liens existant actuellement entre les organisations provinciales.

Nous avons eu tant de mal à nous organiser et à créer un processus de réglementation qui se tient uniquement au niveau provincial que la question d'interrelation avec les autres organisations provinciales, malgré son importance, n'est pas prioritaire. Nous n'avons que peu de temps et la question de la réglementation au sein de nos provinces est pour le moment cruciale. Quand nous aurons fait cela, nous pourrons nous occuper immédiatement ou très rapidement de toute une catégorie d'abus dont nous avons parlé ici.

Pour répondre plus directement à votre question, je pense qu'il serait sage de consulter toutes les organisations provinciales. Vous constaterez peut-être une uniformité de pensée, ce dont nous serions ravis.

[Français]

Mme Claudine Larocque: Je crois qu'il pourrait être très intéressant que les homéopathes de différentes provinces puissent échanger plus régulièrement. Je suis en parfait accord sur ce que mentionnait mon collègue de l'Ontario au sujet de notre autorégulation et de nos luttes en vue d'obtenir une reconnaissance professionnelle au niveau provincial.

Je pourrais toutefois souligner que depuis deux ans, le SPHQ est membre de l'International Council for Classical Homeopathy, l'association internationale la plus exigeante et la plus rigoureuse en matière de formation au niveau homéopathique. Nous avons participé à différentes réunions, notamment en Allemagne, et nous avons des échanges de courrier réguliers afin que nous puissions établir des normes de formation au niveau de la planète, justement pour qu'il y ait homogénéité au niveau homéopathique. Nous avons donc déjà eu des contacts avec NASH, la North American Society of Homeopaths, et nos homologues de l'Ontario et du Québec. Nous avons déjà des amorces de discussion au niveau du fond.

Vous conviendrez que la tâche à laquelle on s'est attaqués dans un premier temps est immense: faire reconnaître l'homéopathie comme une approche médicale différente et, d'autre part, revendiquer nos pharmacopées spécifiques, que ce soit la pharmacopée française, allemande ou américaine. Nous sommes conscients que nous nous attaquons à un empire, tant au niveau culturel que juridique et professionnel. Bien que chacune de nos réglementations provinciales nous demande beaucoup d'énergie, je crois qu'il est souhaitable qu'au Canada nous ayons un discours homéopathique. Nous appuyons la majorité des revendications et partageons la vision de nos homologues ontariens au niveau homéopathique. Je crois donc que cela pourrait être très intéressant au niveau canadien.

[Traduction]

La présidente: Nous arrivons à la fin de la séance mais j'aimerais vous poser une question. Santé Canada a déclaré au comité qu'il pourrait invoquer les règlements C.01.036, C.0101.038 et C.01.040 pour permettre l'utilisation de substances prohibées dans la fabrication de préparations homéopathiques. Seriez-vous en faveur de ces modifications? La Loi sur les aliments et drogues devrait-elle être modifiée par ailleurs?

M. Doug Smith: Je ne connais pas ces articles de la loi et je ne peux donc pas vous répondre directement. Je ne peux que réitérer ce que nous avons dit au début: nous voulons l'élimination de la liste des interdictions.

La présidente: Merci. Je vais maintenant lever la séance et vous en reparler tantôt.

M. Doug Smith: Merci. C'était merveilleux.

• 1200

Mme Elinor Caplan: Madame la présidente, j'ai demandé la parole avant que vous ne leviez la séance, parce que j'aimerais pouvoir parler. Je sais que des témoins sont prévus à notre horaire, mais ce qu'on nous dit et ce qu'on nous répète, c'est que nous n'avons pas l'occasion d'entendre directement le public.

La présidente: Madame Caplan, voulez-vous que les témoins restent ou peuvent-ils partir?

Mme Elinor Caplan: C'est à eux de décider. Ils peuvent très bien rester. Ma question ne s'adresse pas directement à eux.

Ce qui m'inquiète, c'est que nous n'entendons pas directement les consommateurs. La seule façon de le faire, ce serait de prendre du temps, au mois de mars, pour visiter certaines localités un peu partout au pays, pour donner au public la possibilité de nous parler. On avait prévu du temps pour cela, au comité, au départ. Je voudrais qu'on mette ça à notre ordre du jour, sans toutefois gêner les visites de nos témoins. Loin de moi cette idée. Mais j'aimerais que nous ayons le temps de parler de cette question, puisque la majorité des membres du comité voulaient voyager dans les régions.

Plus j'entends les témoins, plus je crois qu'il est important pour nous de quitter Ottawa et d'aller écouter les gens qui utilisent ces services et ces produits, là où ils sont. Nous n'avons pas eu l'occasion d'en parler en comité, ni même d'écouter les idées et propositions que nous pourrions avoir. Je vous demande donc de mettre cette discussion à l'ordre du jour de nos travaux.

La présidente: Volontiers.

[Français]

Mme Claudine Larocque: J'aimerais peut-être porter à l'attention des membres de ce comité parlementaire qu'il existe au Québec des sondages qui ont été réalisés par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Ils démontrent que 85 p. 100 de la population québécoise appuie la reconnaissance des médecines alternatives, que 49 p. 100 de la population consulte des thérapeutes alternatifs, et que la majorité, à savoir 47 p. 100 je crois, les consulte puisqu'elle est totalement insatisfaite de la façon dont elle est traitée par la médecine traditionnelle, etc.

Si vous croyez que ces recherches pourraient vous éclairer et vous être utiles, je pourrais vous en faire parvenir des copies. Vous pourrez mieux connaître le pouls et les exigences du public en matière de médecine alternative.

[Traduction]

Mme Elinor Caplan: Nous avons été très frustrés de ne pouvoir parler directement au public. Si vous avez quelque chose à proposer, envoyez-le au greffier qui le distribuera aux membres du comité. Cela nous serait très utile.

La présidente: Merci beaucoup.

La séance est levée.