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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 mai 1998

• 0905

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib)): Je déclare la séance ouverte conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, une étude sur un document intitulé «Assumer le leadership au prochain millénaire».

Nous recevons aujourd'hui plusieurs personnes qui font partie du Comité consultatif national de la biotechnologie. M. Strachan en est le président-directeur général.

Je vous cède maintenant la parole, monsieur Strachan, pour vous permettre de présenter les gens qui vous accompagnent. Ensuite, vous ou la personne qui est censée faire l'exposé pourra commencer.

M. Graham Strachan (président-directeur général, Allelix Biopharmaceuticals Inc.; Comité consultatif national de la biotechnologie): Merci beaucoup, madame Whelan. Je tiens à remercier le comité de nous donner ce matin une occasion de revoir avec lui le sixième rapport du Comité consultatif national de la biotechnologie, lequel a été présenté au ministre Manley il y a quelques semaines et vient tout juste d'être publié.

Le comité est composé de 19 membres qui représentent d'une façon générale l'ensemble du secteur de la biotechnologie. Permettez-moi de présenter certains membres du comité qui m'accompagnent ce matin: Mme Suzanne Hendricks, présidente de l'Institut national de la nutrition; Mme Edna Einsedel, professeur à l'Université de Calgary, qui s'intéresse plus particulièrement aux questions sociales et éthiques qui concernent la biotechnologie; le professeur Jim Friesen, du Banting and Best Institute de l'Université de Toronto; Richard Glickman, président d'une société de biotechnologie de Victoria, en Colombie-Britannique; M. Brian Gray, avocat et associé de la firme Blake, Cassels, et M. Michel Chrétien, directeur scientifique de l'Institut Loeb, situé ici à Ottawa. Pour ma part, le gros de mon travail consiste à diriger une société pharmaceutique de Mississauga, Allelix Biopharmaceuticals.

Avec l'accord du comité, je propose de faire un bref survol de l'ensemble du rapport en le situant dans le contexte de la biotechnologie et de sa raison d'être, après quoi je demanderai aux principaux auteurs des divers chapitres de résumer à votre intention leurs constatations.

Le rapport résulte d'une demande du ministre Manley. En mars 1997, il nous a demandé de faire le point sur la biotechnologie au Canada tout en nous situant par rapport aux autres pays du monde.

Il voulait également obtenir des conseils au sujet du rôle futur du comité en matière de participation du public, de communication avec le public et de sensibilisation du public aux biotechnologies.

Le rapport contient une quarantaine de recommandations concernant les changements dont le gouvernement doit prendre l'initiative pour accélérer la diffusion et la commercialisation de la biotechnologie au Canada. Six de ces 40 recommandations ont, selon moi, une importance capitale.

Tant au plan politique, gouvernemental, universitaire qu'industriel, il importe de collaborer avec le ministre de l'Industrie pour créer au Canada un lieu de convergence des divers efforts et initiatives en matière de biotechnologie.

À l'heure actuelle, le manque de personnel de grande compétence limite la croissance du secteur au Canada. Il faut donc assurer la formation voulue dans nos collèges et universités et prendre également des mesures pour faciliter l'immigration en conséquence.

Passons maintenant aux mesures de soutien budgétaires. Je tiens à souligner que, de par sa nature même, la biotechnologie impose des délais considérables entre le travail en laboratoire et la mise en marché. Ainsi, compte tenu du cycle de production de 10 à 12 ans, il importe de prévoir des politiques budgétaires qui favoriseront la croissance des sociétés du secteur.

Il s'agit d'un secteur axé sur la science. Son développement repose sur la science et la technologie de pointe, de sorte qu'il convient tout à fait de prendre des mesures pour renforcer notre base scientifique. Les membres de notre comité ont donc été encouragés par les initiatives budgétaires récentes visant à accroître les subventions destinées aux divers organismes subventionnaires fédéraux que sont le Conseil de la recherche médicale, le CRSNG, etc.

• 0910

Il nous faut par ailleurs un système de brevet qui soit concurrentiel à l'échelle mondiale, de même qu'un cadre de réglementation. Il importe également de faire participer le public à un dialogue au sujet des biotechnologies, de leurs avantages et de certains des risques qu'elles comportent. Un tel dialogue pourrait être animé par un conseil consultatif renouvelé et élargi qui aborderait les questions socio-éthiques qui sont pertinentes et qui faciliteraient la sensibilisation du public et la participation à la formulation de la politique d'intérêt public.

Pour vous donner une idée du secteur de la biotechnologie, je vous dirai qu'il s'agit d'un secteur qui est en plein essor à l'heure actuelle au Canada, qui connaît une expansion rapide. Les industries et sociétés qui constituent la base du secteur de la biotechnologie comptent environ 11 000 ou 12 000 personnes et il faudrait plutôt compter 20 000 à 22 000 employés si on ajoute les participants indirects au secteur.

On dénombre aujourd'hui plus de 200 sociétés. La plupart d'entre elles sont de propriété canadienne et le Canada a donc une occasion de développer au pays même un secteur qui pourra être concurrentiel sur les marchés mondiaux.

Les emplois du secteur sont généralement de grande qualité. La proportion de diplômés et de titulaires de doctorats est importante et les revenus, les taux de croissance sont très élevés.

C'est ce qui ressort du graphique que vous voyez maintenant. Comme vous pouvez le constater, la croissance est très forte, de l'ordre de 20 p. 100 par année environ pour la vente et l'exportation de produits de vaccins, de produits agricoles et de produits biopharmaceutiques en général.

Vous vous demanderez peut-être pourquoi nous devrions favoriser un tel secteur au Canada. La biotechnologie est un secteur stratégique, qui prend d'ailleurs une place grandissante dans bon nombre de secteurs traditionnels. Lorsqu'on pense à la biotechnologie, on pense tout d'abord aux soins de santé. Il ne faut toutefois pas oublier que la biotechnologie prend beaucoup d'importance dans les secteurs de l'agriculture, de la foresterie, de l'alimentation, aussi bien que dans celui de l'environnement. Les biotechnologies occupent une place de choix en biorestauration et dans d'autres sous-secteurs du secteur de l'environnement.

Pour ce qui est de la qualité des emplois qui sont rendus possibles, permettez-moi de vous citer l'exemple d'une société montréalaise: BioChem Pharma. Il y a cinq ou six ans, cette société comptait environ 50 à 55 employés. Aujourd'hui, grâce à la réussite de son produit de pointe, elle compte environ 1 500 emplois de très grande qualité.

Le secteur est en voie de transition, passant de l'étape de la recherche à celui de la commercialisation. Cela veut dire que des emplois de grande qualité seront créés en fabrication, en distribution et en commercialisation. C'est à ce stade que le secteur doit vraiment bénéficier au maximum du soutien gouvernemental. Cet aspect est fort critique.

Comme je l'ai dit plus tôt, le secteur offre l'occasion de bâtir de nouvelles sociétés canadiennes qui auront accès aux marchés mondiaux. Et n'oublions pas que les répercussions des sciences biologiques sur les secteurs traditionnels comme les soins de santé, l'agriculture et l'environnement n'en sont qu'à leurs toutes premières étapes. Ce secteur en est là où le secteur des semi-conducteurs en était il y a une trentaine d'années. Vous seriez tous d'accord pour dire que les semi-conducteurs ont eu des répercussions nombreuses et considérables sur la société, l'activité commerciale et, bien entendu, la croissance économique.

Je le répète donc, le secteur des biotechnologies n'en est aujourd'hui qu'à ses balbutiements. Sa croissance exponentielle ne fait que débuter. En facilitant sa croissance au Canada, nous rentabiliserons les dépenses en R-D que nous avons effectuées au cours de nombreuses années dans le domaine des sciences de la vie.

Le secteur des biotechnologies est déjà... Il est déjà considérable et il prend de l'ampleur. Permettez-moi de vous citer quelques exemples de réussites canadiennes en la matière. Tout d'abord, dans le secteur de la santé, il y a BioChem Pharma et son médicament de lutte contre le sida, le 3TC; il y a aussi Weir-Delilics, qui est à mettre au point de nouvelles formes d'intervention de lutte contre l'ostéoporose, une maladie invalidante qui touche de nombreuses femmes canadiennes. D'autres sociétés comme StressGen Biotechnologies, que dirige M. Glickman, proposent des thérapies de lutte contre le cancer. La société Biomira d'Edmonton participe à des efforts d'avant-garde de mise au point de vaccins contre le cancer. Une société de Vancouver, Inex, met au point des produits de coagulation du sang.

• 0915

Dans le secteur de l'agriculture, maintenant, on constate que le Canada est au nombre des chefs de file en biotechnologie. Nos compétences sont concentrées tout particulièrement en Saskatchewan, grâce aux initiatives conjointes du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial qui visent à favoriser le transfert de technologies des conseils nationaux de recherche, de l'institut de biotechnologie des végétaux et de l'université de cette province pour favoriser la croissance de sociétés privées dynamiques. Ces efforts ont débouché sur la mise au point d'un groupe de base de produits du canola et d'engrais microbiens.

Le gouvernement a reconnu l'importance de la biotechnologie et le rôle qu'elle peut jouer pour favoriser la croissance économique du Canada. Je ne fais que citer à cet égard un extrait d'un discours du Trône prononcé il y a quelques années.

Le Comité permanent des finances a reconnu l'importance du rôle des conseils subventionnaires et des organismes de recherche qui assurent la base et l'infrastructure scientifiques du Canada dont nous avons absolument besoin pour garantir notre croissance économique et la commercialisation de nos produits.

Encore ici, permettez-moi de résumer quelles sont les six grandes priorités que recommande le CCNB au gouvernement.

Il faut tout d'abord des champions de la biotechnologie à tous les paliers de notre société. Des programmes doivent permettre de motiver comme il se doit les ressources humaines d'une grande compétence qui nous sont nécessaires. Il faut consentir des efforts particuliers aux étapes de la gestion, de la fabrication et de la mise en marché des produits de la biotechnologie. Il convient d'appliquer des politiques budgétaires, aussi bien fiscales que financières, visant à favoriser le phénomène de la concentration et du foisonnement des initiatives biotechnologiques, comme nous l'avons vu en agriculture. M. Chrétien abordera ces aspects de façon plus détaillée dans un moment. À l'échelle internationale, il est nécessaire d'assurer une réglementation concurrentielle et une protection des brevets. Il faut par ailleurs favoriser l'acceptation par le public de cette technologie.

Je vous remercie beaucoup. J'aimerais maintenant céder la parole à M. Glickman, qui va résumer certains des aspects commerciaux.

M. Richard Glickman (président-directeur général, StressGen Biotechnologies Corp.; Comité consultatif national de la biotechnologie): Merci, Graham.

Je vais m'attarder à l'aspect de la transition entre l'activité de recherche et la commercialisation. C'est ce qui caractérise la situation au Canada à l'heure actuelle.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Allons-nous avoir des copies par la suite?

La présidente: Vous êtes censé les avoir déjà reçues hier à votre bureau. Permettez-moi de m'excuser à cet égard, monsieur Schmidt.

Excusez-moi, monsieur Glickman. Veuillez poursuivre.

M. Richard Glickman: Très bien. Je reprends. Cette intervention m'a fait perdre mon inspiration.

Tout d'abord, je vais mettre l'accent sur la commercialisation. Tenons tout d'abord pour acquis que le secteur existe, que les chercheurs canadiens sont extrêmement compétents, ce qui est le cas. Il faut par ailleurs se demander comment tout cela peut être rentable pour les Canadiens, par rapport à l'investissement consenti.

J'aimerais donc mettre l'accent sur la différence entre le fait d'encourager une activité à court terme dans le secteur public ou privé et le fait de bâtir un secteur et de lui insuffler le dynamisme qui lui est nécessaire.

Je pense ici aux efforts qui ont été consentis au Canada en matière de science et de technologie. Il s'est souvent agi de stratégie et d'effort à court terme, par opposition à des mesures à long terme susceptibles d'établir les assises d'un secteur. Je vais donc m'attacher plutôt à ce qui est nécessaire pour bâtir un secteur.

J'estime tout d'abord que le secteur de la biotechnologie est à la croisée des chemins au Canada à l'heure actuelle. En 1996, le secteur a bénéficié d'un financement de plus de 1 milliard de dollars, obtenu sur des marchés publics. La somme est d'une importance considérable, mais son ampleur est toute relative lorsque l'on songe au coût de développement d'un produit.

À l'heure actuelle, quelque 35 produits sont à l'étape du développement clinique au Canada, et il nous faut environ 1,6 milliard de dollars par année, tout simplement pour faire en sorte que ces activités de développement se poursuivent. Et cela ne tient pas du tout compte du financement d'activités liées aux nouveaux produits à intégrer au cycle de développement. Ainsi, comme vous le voyez, il s'agit d'un secteur à forte intensité de capital.

Le secteur est également fort concurrentiel et, comme tout autre secteur fondé sur le savoir, sa plus grande richesse est celle de ses ressources humaines. Ce sont en effet des personnes qui déterminent l'avenir du secteur. Sans elles, nous n'aurons pas l'occasion de profiter des perspectives considérables que nous fournit la biotechnologie.

Ainsi, deux enjeux critiques confrontent le secteur. Tout d'abord, un accès continu aux capitaux et ensuite un meilleur accès à des personnes très compétentes et très bien formées.

Penchons-nous maintenant un peu sur la nature de la croissance dans ce secteur. Le domaine médical peut nous servir d'exemple pour comprendre, mais j'estime que les notions que nous allons aborder peuvent s'appliquer à d'autres domaines, qu'il s'agisse de l'agriculture ou d'un autre.

• 0920

Une société qui effectue de la recherche fondamentale pour mettre au point un produit, comme le fait une université, obtiendra normalement un taux de rendement de 2 p. 100 à 5 p. 100. Si on suppose que le travail se fait à l'interne, pour un produit qui rapporte 500 millions de dollars, ce qui correspond à peu près au seuil de réussite d'un secteur, il revient environ 10 millions de dollars au système, au Canada. C'est le montant qui pourrait faire l'objet d'une imposition. Il s'agit du montant avant les dépenses.

En poussant plus loin le cycle de développement, en allant par exemple aux essais de phase 1, on peut peut-être obtenir des redevances de 5 p. 100 à 10 p. 100. En passant à la phase 2 ou à la phase 3, on peut encore augmenter le pourcentage qui revient au Canada.

Si nous songeons à des redevances et à des pourcentages c'est que c'est grâce au partenariat que notre secteur a pu croître. Très peu de sociétés de biotechnologie sont en mesure de suivre un produit de l'étape du banc d'essai à celle de la commercialisation.

Pour nous, bâtir un secteur veut dire bâtir en nombre aussi considérable que possible des sociétés qui seront en mesure de pousser le plus loin possible le cycle de développement. C'est ainsi que nous pourrons procurer le rendement voulu au Canada, à nos investisseurs, à la population canadienne, à ceux qui ont appuyé les efforts de recherche fondamentale au Canada et de ceux qui ont consenti des crédits d'impôt de R-D, qui nous permettent de développer des produits au Canada.

Comment donc en arriver là? En partant du principe que le partenariat constitue l'une des clés du développement du secteur, quel contexte devons-nous créer au Canada pour faire en sorte que les activités des partenariats qui créent des revenus se fassent en terre canadienne?

On peut citer de nombreux exemples d'activités de R-D effectuées au Canada jusqu'à l'étape de la commercialisation, dont les résultats sont commercialisés par la suite à partir des États-Unis. À chaque fois que cela se produit, nous sommes perdants. Nous allons demeurer perdants tant que nous ne réglerons pas le problème. Nous ne pourrons pas bâtir le secteur.

Comme vous l'avez bien compris, le secteur mise largement sur le partenariat. Ainsi, pour assurer une croissance à long terme, il faut constituer un aussi grand nombre que possible de sociétés qui sont en mesure de faire avancer les produits aussi loin que possible dans le cycle du développement.

Nous espérons donc pouvoir à l'avenir compter sur les sociétés qui auront réussi—qui n'auront plus besoin d'un partenaire pour leur deuxième ou leur troisième produit. Le deuxième et le troisième produits, elles pourront les développer à partir de leurs propres installations et capacités, à partir de leurs compétences en commercialisation internationale, de la capacité concurrentielle d'envergure mondiale. Dans ce cadre, elles n'auront pas besoin de partager les possibilités. Ces possibilités leur appartiendront. Dans mon organisation, nous parlons de partage dans le cas de notre premier produit. Dans le cas des autres, nous parlons de propriété exclusive.

Nous devons donc envisager la propriété intellectuelle comme étant une ressource, tout comme nous l'avons fait pour les forêts et pour les ressources minières. Par contre, au lieu d'expédier du bois d'oeuvre, il faudra expédier des meubles. Dans le cas qui nous concerne, nous devons livrer autant que possible un produit fini, si nous voulons assurer un véritable rendement pour le Canada.

Que nous faut-il donc pour réussir? Tout d'abord, nous devons avoir accès à des compétences de premier plan. Les chercheurs canadiens sont excellents. Nous avons perdu beaucoup de bons chercheurs, mais il nous en reste de très bons. Nous n'avons cependant pas d'experts en matière de développement de médicament. Au Canada, nous effectuons certains essais cliniques, mais nous ne mettons pas de médicaments au point en tant que tels.

Dans notre organisme, qui me semble représentatif, nous essayons d'attirer certaines personnes vers notre pays. Où allons-nous les chercher? Où se trouvent les experts? Ils sont en Europe et aux États-Unis.

Évidemment, nous avons un problème. Notre dollar est très bas par rapport à celui des États-Unis et l'écart entre les deux régimes fiscaux est si considérable actuellement qu'il m'est pratiquement impossible de faire du recrutement dans notre pays.

Je recrute des personnes. Je les paye une fois et demie la norme salariale canadienne et ils sont quand même réticents, car le taux d'imposition est si élevé qu'il les empêche de fonctionner dans l'environnement actuel.

Nous devons trouver des solutions permettant d'attirer ces experts dans notre pays et de les garder ici suffisamment longtemps pour qu'ils puissent transmettre à des Canadiens leurs compétences techniques, qu'elles soient d'ordre commercial ou scientifique. Pour cela, il faut qu'ils fassent un séjour assez long, de plusieurs années.

Ce que nous proposons dans le rapport du CCNB, c'est que l'on étudie de très près les taux marginaux d'imposition et je sais que c'est beaucoup demander. Deuxièmement, il faudrait concevoir un mécanisme permettant aux travailleurs étrangers de travailler dans notre pays, de faire ce dont nous avons besoin et de repartir, puisque de toute évidence, ils ne veulent pas rester à long terme. Je pense que l'écart est trop grand. Je suis très fier d'être Canadien et je suis prêt à payer un peu plus cher pour vivre ici, mais l'écart entre le Canada et les autres pays est si important actuellement que dans les industries du savoir, nous n'arrivons plus à attirer suffisamment d'experts étrangers.

Notre secteur est exposé aux mêmes périls que l'industrie de l'informatique et du logiciel. Le problème est le même, et pourtant, on ne l'a jamais résolu, parce qu'il est très délicat de déterminer comment on doit récompenser le succès des entreprises au plan fiscal.

En ce qui concerne la concurrence au niveau de l'impôt des sociétés, par exemple, le rapport Mintz propose des solutions pour améliorer la compétitivité du Canada.

J'ai étudié certaines parties de ce rapport dans le contexte de la biotechnologie et j'ai constaté que c'est un véritable exercice d'école. On y parle de déplacements de capitaux et de modification de l'assiette fiscale, mais il n'y est pas véritablement question de modifier les effets des taux marginaux d'imposition. On se contente de déplacer le problème et de le dissimuler.

Le rapport envisage une réduction importante du crédit d'impôt pour la R-D. On voudrait donc restreindre le seul avantage dont bénéficie actuellement le Canada, c'est-à-dire ce crédit d'impôt de 35 p. 100 pour la R-D, qu'il faudrait au contraire améliorer. Pourquoi veut-on le réduire? Parce qu'il place le Canada nettement au-dessus du reste du monde. On veut donc aligner le Canada sur le reste du monde et réduire ce crédit d'impôt.

Je tiens à dire que si l'on réduit le crédit d'impôt pour la R-D, il faudrait pour le moins ajuster tout le reste du régime fiscal sur les régimes étrangers, de façon à assurer notre compétitivité. Si on veut assurer notre compétitivité à la baisse, il faut aussi l'assurer à la hausse.

• 0925

En fait, ce rapport m'a beaucoup déçu. Je l'ai trouvé très mal conçu en ce qui concerne le milieu des affaires. J'ai remarqué que le comité technique qui l'a produit ne comptait aucun représentant de l'industrie, et c'est ce qui a fait un véritable exercice d'école. J'ai été très déçu.

Je voudrais maintenant aborder le dernier sujet, à savoir l'accès facilité aux capitaux. Si l'on regarde les mesures prises actuellement aux États-Unis pour promouvoir cette industrie et les autres industries qui nécessitent des investissements, on constate une diminution de 20 p. 100 des plus-values. Lorsque l'investissement reste plus longtemps dans la même société, la diminution des plus-values n'est que de 15 p. 100.

Alors, que faisons-nous au Canada? Nous avons des taux d'imposition extrêmement élevés. Comment pourrait-on y voir un incitatif à l'investissement dans un secteur de haut risque? Ce qu'il nous faut, c'est un accès constant aux capitaux publics. Il va falloir régler la question du traitement fiscal des plus-values si nous voulons assurer notre compétitivité. À défaut de cela, je préfère investir ailleurs à moindre risque.

Actuellement, le système américain comporte un incitatif à la prise de risques. Les Américains en ont reconnu la nécessité. Quant à nous, nous restons à la remorque du mouvement et nous ne voulons pas régler le problème.

Je vous rappelle qu'il faudrait 1,6 milliard de dollars de fonds publics pour préserver la croissance de cette industrie et pour en assurer le succès.

Le dernier élément concerne la question du partenariat. Je signale que cette industrie s'est construite en grande partie sur des partenariats et les partenariats entre sociétés constituent la pierre angulaire de l'édification du secteur.

Au Canada, on ne sait pas encore comment traiter la propriété intellectuelle et comment régler les problèmes transfrontaliers. Par exemple—je vais reprendre le même exemple—lors de notre dernière transaction, nous avons créé une entreprise de coparticipation de 20 millions de dollars avec Genzyme pour concevoir une thérapie génique chez l'humain. Cette entreprise a été implantée aux États-Unis. L'opération a été très pénible. J'ai défendu mon point de vue avec vigueur, mais je n'avais pas le choix, il a fallu en mettre une partie aux États-Unis. Il y en a une autre au Canada, mais nous avons dû tenir compte des taux d'imposition de base. À long terme, c'était beaucoup plus intéressant pour nous de procéder ainsi.

Par ailleurs, on constate également un mouvement de la technologie qui se développe aux États-Unis. La technologie doit être mise au point très tôt. Ensuite, par des licences, on peut en faire profiter d'autres compagnies affiliées sur le marché américain, on constitue sa propre entreprise et on engrange les bénéfices.

Il faut agir au Canada de façon à garder notre technologie chez nous grâce à des partenariats.

Nous avons commandé une étude sur les partenariats, de façon que le Canada attire davantage d'activités à forte valeur ajoutée, fondées sur des partenariats.

Je voudrais faire un dernier commentaire sur un point que j'ai laissé de côté et qui concerne le crédit d'impôt pour la R-D. Je voudrais indiquer que l'actuel régime des crédits d'impôt pour la R-D, qui est excellent par ailleurs, n'est pas particulièrement favorable à la biotechnologie, qui fonctionne selon un cycle de sept à dix ans. Au début, chaque société connaît une certaine croissance au cours des premières années. Elle développe des produits et dans le domaine médical, par exemple, elle va faire tous les essais cliniques.

Que se passe-t-il ensuite? Il faut aller chercher des fonds supplémentaires. Comment se les procure-t-on? En faisant un appel public à l'épargne. On avait donc au départ une société du secteur privé avec un crédit de 35 p. 100, qui se transforme en une société faisant un appel public à l'épargne, qui a droit à un crédit d'impôt non remboursable de 20 p. 100. Cela ne peut pas fonctionner pour nous, étant donné que nous devons attendre sept à dix ans avant de produire des revenus véritables. Le système actuel ne favorise donc pas la mise au point de produits biotechnologiques.

Néanmoins, le régime du crédit d'impôt pour la R-D est l'un des principaux atouts de notre pays. C'est un élément qui attire des sociétés étrangères, un atout sur lequel on peut miser. Il faut simplement le modifier pour qu'il donne des résultats dans notre secteur d'activités.

Voilà les éléments clés. J'ai soulevé des questions très délicates, mais si le Canada veut être compétitif, il doit prendre ces questions au sérieux et apporter un certain nombre de changements dans des domaines fondamentaux. À défaut de cela, on aura une industrie, mais qui ne sera pas compétitive et qui perdra sa place de leader à l'échelle mondiale.

Si l'on si prend bien, ces changements pourraient avoir des effets révolutionnaires et se traduire par un afflux massif de capitaux dans notre pays, car nous disposons des ressources fondamentales indispensables. Ce qu'il nous faut, c'est conquérir une position concurrentielle.

M. Graham Strachan: M. Friesen pourrait peut-être nous parler de la forte infrastructure scientifique et technique.

M. Jim Friesen (professeur et président, Banting and Best Institute, Université de Toronto): Merci, Graham. Une bonne partie de ce que j'aurai à vous dire a déjà été dit par Graham et Richard. J'ai pour mission de vous parler de l'importance de la base de recherche pour l'industrie de la biotechnologie dans ce pays et de vous demander, en tant que parlementaires, d'accorder résolument votre appui aux organismes gouvernementaux qui subventionnent la recherche.

Ce tableau résume bien la situation. Les barres jaunes représentent le financement par habitant aux États-Unis provenant des National Institutes of Health, qui sont l'équivalent américain de notre Conseil de la recherche médicale. Comme vous le voyez, ce financement est très fortement à la hausse.

Si vous regardez très attentivement, vous voyez que les barres grises qui sont très petites au départ et encore plus à la fin, représentent ce que nous dépensons par habitant.

Graham a parlé de la concurrence internationale, et Richard en a fait autant. Nous ne pouvons être compétitifs dans le domaine de la biotechnologie si nous ne sommes pas compétitifs dans le domaine de la recherche fondamentale dont dépend la biotechnologie. Je parle ici de la recherche qui ne va donner les percées technologiques dont dépend la compagnie de Richard que dans 10, 15, 20 ou 25 ans.

• 0930

Nous avons reçu tout récemment des nouvelles très encourageantes. Le Conseil de la recherche médicale a bénéficié d'une légère augmentation de son financement. Disons plutôt qu'on a mis un terme aux diminutions. Mais vous voyez que malgré cela, nous sommes huit fois plus bas que notre principal concurrent international. Nous avons d'autres programmes, comme la Fondation canadienne de l'innovation, qui constitue un bon point de départ, mais pour moi, ce n'est qu'un point de départ. Si nous visons une industrie biotechnologique concurrentielle à long terme, il nous faut une base scientifique concurrentielle.

Harold Varmus, qui préside les National Institutes of Health aux États-Unis, c'est-à-dire le plus gros organisme de financement de la recherche médicale au monde, a dit que le succès de l'industrie biotechnologique américaine était dû à cet organisme, ce qui veut dire que le soutien généreux à long terme accordé à la recherche fondamentale aux États-Unis a été remboursé par les succès de l'industrie biotechnologique américaine.

Je voudrais dire qu'à mon sens, il incombe au gouvernement d'uniformiser les règles du jeu pour que notre industrie puisse vaincre tous ses concurrents mondiaux. Aucun autre élément de la société n'est en mesure de fournir patiemment une infrastructure à long terme sur laquelle on pourra construire une industrie. Le secteur privé ne peut pas et ne veut pas jouer ce rôle, car sa mission consiste à prendre la recherche déjà effectuée pour lui faire franchir l'étape de la commercialisation. Je parle de la recherche qui doit être effectuée avant l'étape de la commercialisation. Le seul élément de notre société qui soit en mesure de jouer ce rôle adéquatement, c'est le gouvernement. Par conséquent, je vous demande instamment d'appuyer toutes les initiatives susceptibles de renforcer l'action des organismes fédéraux subventionnaires.

Je voudrais aussi dire que la recherche biomédicale progresse vigoureusement en ce qui concerne le génome humain; c'est la recherche qui considère l'ensemble des gènes d'un organisme comme un ensemble d'information permettant de synthétiser de nouvelles applications. Cette recherche progresse très fortement en Europe et aux États-Unis. Notre pays a pris beaucoup de retard; c'est un domaine auquel il faudra se consacrer au cours de la prochaine décennie.

Je voudrais dire aussi que la recherche de soutien déborde sur de nombreuses autres questions, dont trois apparaissent au bas de cet acétate: ce sont les emplois bien rémunérés en haute technologie, la formation des jeunes et la préservation d'un système avancé de soins de santé, car elle permet à la fois d'attirer et de conserver les meilleurs chercheurs et les meilleurs cliniciens dans le domaine biomédical.

Pendant la présentation de Richard, je parcourais un article consacré à l'exode des cerveaux dans un numéro du Time Magazine que j'ai acheté à l'aéroport hier soir. L'exode des cerveaux n'est pas nouveau, mais il connaît un regain de vigueur actuellement. C'est indéniable. J'ai relevé les noms de quatre ou cinq chercheurs de premier plan de la région de Toronto qui sont partis pour les États-Unis au cours des deux ou trois dernières années, emportant avec eux des découvertes très importantes pour poursuivre leurs recherches là-bas. Je parcourais cet article, parce que certaines des propositions de Richard m'ont rappelé quelque chose. J'avais effectivement lu quelques modestes propositions, dont certaines ressemblaient beaucoup à celles de Richard. Je crois qu'elles méritent d'être prises en considération.

Je terminerai en disant que nous avons une base de recherche de très haute qualité, comme l'a dit Richard. Mais elle risque de s'éroder. Nous risquons véritablement de perdre nos chercheurs vedettes, car ce sont les premiers à partir.

Dans mon département, à l'Université de Toronto, je viens d'engager deux jeunes chercheurs de très grand talent. L'un vient du Massachusetts Institute of Technology, c'est-à-dire d'un des meilleurs laboratoires de l'une des meilleures universités du monde. S'il a pu venir au Canada, c'est uniquement parce qu'il a obtenu un financement important garanti pour quatre ans, grâce à ses antécédents au MIT. L'autre est un chercheur formé au Canada, qui a fait une bonne partie de ses études à Stanford, en Californie. Il est invité à des conférences aux États-Unis et dans le monde entier pour présenter ses travaux, et lorsqu'il revient il me dit: «Jim, comment faire pour surmonter la concurrence? Je vois des gens qui ont fait leurs études en même temps que moi, qui ont des emplois semblables au mien et qui obtiennent quatre fois plus de soutien pour leur recherche. Comment pourrais-je réussir à les concurrencer?» La réponse, c'est qu'il ne restera pas bien longtemps au Canada. S'il veut mener sérieusement sa carrière, il devra aller ailleurs. Il faut absolument mettre un terme à ce phénomène; sinon, nous allons perdre notre industrie biotechnologique d'ici 10 ans.

• 0935

M. Graham Strachan: Je donne maintenant la parole à Brian Gray, qui va nous parler d'accès au marché, de réglementation et de propriété intellectuelle.

M. Brian Gray (associé, Blake, Cassels & Graydon, Comité consultatif national de la biotechnologie): Bonjour. Je suis avocat, et c'est pourquoi on m'a confié les sujets soporifiques de la réglementation et de la propriété intellectuelle.

Nous avons au Canada un bon régime de réglementation, mais à notre avis, il serait possible de l'améliorer. Nous avons fait une comparaison entre notre régime de réglementation et celui de nos principaux partenaires commerciaux, car nous considérons la réglementation et le régime de propriété intellectuelle comme d'éventuels avantages concurrentiels pour le Canada.

Prenons le cas de l'automobile. Si nous étions capables de mettre au point au Canada un processus de fabrication d'automobiles qui soit plus efficace, de meilleure qualité, plus rapide et plus rentable, l'automobile ainsi produite serait pour les Canadiens une source de richesse et de création d'emplois. Nous avons considéré notre système de réglementation au même titre que l'industrie automobile.

Si nous pouvons produire un système de réglementation qui soit plus efficace, qui donne plus rapidement et à moindre coût un produit de meilleure qualité, le Canada en retirera un avantage concurrentiel. Nous nous sommes donc demandés comment nous pouvions obtenir un tel résultat et ce qu'il fallait faire pour améliorer ce système, qui est déjà bon au départ.

Tout d'abord, il a fallu définir des normes permettant de nous comparer à nos principaux concurrents, c'est-à-dire nos principaux partenaires commerciaux, et j'entends par là essentiellement les Américains et les Européens. Curieusement, l'approbation de la réglementation n'est pas normalisée actuellement. Si nous nous comparons avec les États-Unis, nous voyons que malgré les progrès importants des dernières années, notamment dans le domaine agricole, nous avons toujours un retard important par rapport aux États-Unis en ce qui concerne les délais d'approbation. On estime que dans certains cas, toute journée de retard avant l'approbation se traduit par un manque à gagner d'un million de dollars au niveau des ventes.

Nous avons dit qu'il faudrait voir comment des systèmes pourraient être rationalisés afin de les rendre plus rentables et donc plus compétitifs. Les organismes de réglementation mettent déjà en oeuvre dans une grande mesure deux des idées que nous recommandons.

Puisque les médicaments doivent être approuvés dans divers pays, on pourrait croire que les mécanismes d'examen sont organisés et coordonnés de façon uniforme. Cela semble évident, mais cette coordination commence à peine à exister.

Il y a aussi la reconnaissance mutuelle des approbations—le fait que les mêmes produits doivent être examinés dans plusieurs pays. Nous ne voyons pas pourquoi nous ne pourrions pas faire davantage d'efforts auprès des autorités de réglementation des autres pays pour mettre en place un système de reconnaissance mutuelle.

Que ce soit pour la qualité des automobiles ou pour la réglementation, la transparence est un élément important. Elle permet de comprendre les règlements et elle augmente la perception de qualité du régime réglementaire, ce qui est important comme nous le verrons plus tard, lorsque nous parlerons des questions socio-éthiques.

Quelques mots sur la propriété intellectuelle. Notre comité s'est penché sur la qualité de notre régime de brevet, comparativement aux régimes de nos concurrents. Comment la qualité de notre régime de brevet peut-il conférer un avantage concurrentiel au Canada? Et à l'inverse également, peut-être, comment pouvons-nous nous assurer de ne pas avoir un régime de brevet trop général ou qui limite inutilement le marché canadien, comparativement au marché de nos concurrents?

Nous avons étudié les mécanismes actuels, dont le mécanisme d'opposition qui permet de contester un brevet devant le bureau des brevets. La plupart des brevets sont sans importance, mais il serait souvent profitable, dans le cas des brevets importants, qu'il y ait au bureau des brevets un mécanisme de contestation. Nous avons donné un exemple d'un brevet qui a été accordé, mais qui a eu un effet négatif sur la concurrence.

Nous voulions permettre au Bureau des brevets d'investir davantage de ses ressources dans les cas où les titulaires des brevets essaient d'obtenir une plus grande protection au Canada qu'aux États-Unis ou en Europe. Nous ne voulons pas donner aux Américains des brevets mieux protégés que ceux qu'ils obtiendraient dans leur propre pays. Nous voulons que notre système de brevet se concentre surtout sur les brevets de portée suffisante. Lorsque les gens essaient d'obtenir une protection plus grande, le Bureau des brevets devrait avoir suffisamment de ressources pour examiner leur demande.

• 0940

Enfin, nous avons étudié brièvement la question de l'accès au marché sous le régime de l'OCDE. Nous demandons à ce que ces questions soient examinées de façon constante afin que les produits modifiés génétiquement puissent être commercialisés à grande échelle auprès de nos principaux partenaires commerciaux.

Merci.

M. Graham Strachan: Merci beaucoup, Brian.

La plupart des applications de la biotechnologie améliorent la qualité des produits. C'est le cas par exemple de certains médicaments modernes, dont l'érythropoiétine et le GM-CSF.

Quelques applications donnent toutefois lieu à des préoccupations importantes d'ordre social et déontologique. C'est le cas par exemple du clonage. Sous la direction du Dr Einsedel, le comité a consacré beaucoup de temps à examiner comment les autres pays règlent ces problèmes et a tenu des consultations publiques sur cette question.

Edna, je vous laisse la parole.

Dr Edna Einsedel (Université de Calgary; Comité consultatif national de la biotechnologie): Merci, Graham.

Si Brian s'est occupé du sujet ennuyant, je suis pour ma part chargée de traiter du sujet délicat ou controversé. Enfin, c'est une question de point de vue.

Je suis bien contente d'avoir l'occasion de m'adresser à vous. Je vais parler brièvement des aspects sociaux de la biotechnologie, aspects qui sont actuellement essentiels à la réussite de sa commercialisation. Si le public n'accepte pas la biotechnologie, les marchés la bouderont également.

Dans ce tableau, nous comparons le Canada aux États-Unis et à quatre autres pays d'Europe. Vous y constatez que le Canada jouit d'un avantage important pour ce qui est de l'acceptation de la biotechnologie par la population. Vous constaterez également, toutefois, que les Canadiens sont sélectifs quant aux types d'applications qu'ils appuient. Ils semblent appuyer davantage les applications médicales que les applications alimentaires, par exemple.

Même si la biotechnologie semble acceptée, cette acceptation semble obscurcie par des préoccupations et des inquiétudes. Par exemple, certains Canadiens s'inquiètent des risques que peuvent poser certaines applications. Ils demandent comment la réglementation garantit leur sécurité, comment leur vie privée est protégée, dans le cas de l'information génétique, comment sont traitées les questions éthiques dans des activités de recherche comme le clonage, quels sont les effets à long terme de ces technologies sur l'environnement. Ce ne sont que quelques-unes des questions que se posent des Canadiens.

Il suffit de voir ce qui s'est passé récemment dans le cas d'autres technologies pour constater les problèmes de méfiance, de préoccupations et d'inquiétude à régler. Tant que nous n'aurons pas de mécanismes pour répondre à ces questions de la population, tant que nous ne prendrions pas des mesures pour sensibiliser le public à la biotechnologie et l'encourager à participer à ces discussions, le côté commercial de l'entreprise continuera de battre de l'aile.

Nous avons recommandé que soit mis sur pied un organisme consultatif doté d'une assise beaucoup plus vaste que notre comité actuel. Cet organisme sera chargé d'animer ces discussions publiques et de répondre aux principales questions qui entourent les défis socio-éthiques. À notre avis, cet organisme jouera un rôle très important à cet égard.

Certains des progrès génétiques les plus éblouissants que nous avons réalisés au cours des dernières décennies s'accompagnent de répercussions sociales et éthiques profondes.

Lorsque nous envisageons en commun comment nous pourrions soutenir ces progrès de façon responsable du point de vue social, il faudrait que le public ait sa place dans les discussions.

Merci.

M. Graham Strachan: Pour faire suite aux observations du Dr Einsedel, M. Manley a demandé au comité d'étudier quel serait le rôle futur d'un comité consultatif. Il nous a également demandé de faire des recommandations à ce sujet. Il est certain que la commercialisation de la biotechnologie et le transfert de la technologie du laboratoire jusqu'au marché soulèvent des questions que le CCNB, tel qu'il a été constitué à l'origine et selon le mandat qui lui a été confié, n'est pas en mesure de traiter adéquatement. Ce sont les questions socio-éthiques sur la participation du public aux décisions.

• 0945

Après avoir examiné divers modèles, dont certains ont été adoptés dans d'autres pays avec un succès mitigé, le comité recommande que nous conservions un seul comité consultatif dont la composition serait élargie afin d'y inclure des personnes possédant des compétences particulières, en plus des compétences dont dispose déjà le comité, dans les domaines de la socio-éthique, de l'environnement et des communications avec le public, plus particulièrement la sensibilisation du public et les questions qui touchent les consommateurs.

L'objectif du comité serait de stimuler un débat national sur ces questions très importantes qui portent sur un très petit nombre de produits commerciaux de biotechnologie et non, loin de là, sur tous ces produits.

Le comité estime que le nouveau comité consultatif devrait continuer de faire rapport de ses activités au ministre de l'Industrie, puisque c'est lui qui nous a confié la tâche de nous occuper de ce domaine. Toutefois, les autres ministres du Cabinet dont les portefeuilles contiennent des éléments relatifs à la biotechnologie devraient également avoir un rôle à jouer dans les discussions et les délibérations du comité.

Notre comité estime que le nouveau comité consultatif pourrait s'aligner, dans sa structure et son fonctionnement, sur le Comité consultatif sur l'autoroute de l'information.

En résumé, le comité recommande un seul comité unifié doté d'une assise de participation plus vaste et plus particulièrement renforcé dans les domaines de la socio-éthique et de la participation du public.

Enfin, il y a un autre aspect important si l'on veut encourager la croissance économique de la biotechnologie au Canada. Il y a un phénomène très intéressant, celui des grappes, qui consiste à réunir ensemble un réseau de gens, d'intérêts, dans certains domaines de la biotechnologie. Il y a dans ce domaine deux grandes réussites. L'une se trouve dans la région de Montréal, où l'on a pu ainsi encourager les entreprises du domaine des soins de santé à y stimuler la croissance de la biotechnologie. L'autre est en Saskatchewan, le groupe d'entreprises d'agrobiotechnologie que j'ai déjà mentionné et qui est sans doute un leader mondial.

M. Chrétien vous en dira davantage sur ce phénomène de grappes et son importance.

[Français]

Dr Michel Chrétien (directeur scientifique et directeur général, Institut Loeb, Hôpital Civic d'Ottawa; directeur de laboratoire, Institut de recherches cliniques de Montréal): Madame la présidente, membres du comité, j'aimerais apporter une précision; je suis maintenant directeur de laboratoire à l'Institut de recherches cliniques de Montréal et aussi directeur de laboratoire à l'Institut Loeb d'Ottawa. Je partage mon temps entre ces deux fonctions.

Il est toujours bon d'examiner des modèles de fonctionnement pour voir dans quel sens les décisions pourraient se prendre dans l'avenir. Nous nous sommes donc attardés à examiner les tables de concertation, appelées aussi les grappes d'industriels, sur lesquelles nous avons travaillé pendant de nombreuses années à la suite d'initiatives des ministres successifs de l'Industrie et du Commerce du Québec, qui favorisaient cette approche globale par des grappes d'industriels ou tables de concertation, comme je le disais.

Durant les 10 dernières années au moins, il y a eu sept à huit tables de concertation qui ont été mises sur pied et, tout à fait par hasard, dans la plupart d'entre elles, on a traité de biotechnologie, des industries pharmaceutiques, de l'industrie du diagnostic, de la bioélectronique, de l'industrie des minéraux et d'environnement. Dans toutes ces grappes d'industriels, il y avait quand même une touche de biotechnologie qui en faisait, pour nous, un beau modèle de concertation.

Ces tables de concertation se réunissaient régulièrement. Y participaient à la fois les compagnies pharmaceutiques novatrices, les compagnies pharmaceutiques génériques, le ministère de l'Industrie et du Commerce, qui était le chef de file de ces initiatives, et, dans le domaine des sciences biomédicales, le Fonds de la recherche en santé du Québec.

À chacune des rencontres de ces tables de concertation, différents partenaires se présentaient pour discuter de divers sujets. Il y avait des représentants des universités, de partout au Québec, et aussi des représentants des équipes de recherche les plus importantes dans chacune des universités.

• 0950

Il y avait aussi, à presque toutes les rencontres, l'Institut de recherche en biotechnologie du Conseil national de recherches, qui touche vraiment à tous ces aspects et qui comportait l'avantage d'offrir à l'industrie des incubateurs pour l'inauguration de nouvelles techniques, cela parfois à de petites sociétés.

Il y avait constamment des représentants du ministère de l'Industrie et du Commerce, qui étaient aussi ceux qui organisaient les réunions et qui nous faisaient rapport des développements. Naturellement, cela portait sur tout ce qui a trait aux soins médicaux, mais aussi à l'environnement, l'agriculture et même l'aquaculture, de sorte que tous les aspects étaient couverts.

La table à laquelle j'ai participé était celle du domaine biomédical ou pharmaceutique. À la fin—et je pense que les autres tables ont fait le même exercice—, il fallait créer, trouver une façon de concentrer l'information, donc une seule adresse où les gens pourraient s'adresser, de quelque groupe qu'ils soient, universitaires ou industriels, Canadiens ou étrangers, pour obtenir toute l'information et provoquer ainsi des regroupements et créer de nouvelles entités et des alliances.

À notre table en particulier, on a créé PharmaVision Québec inc., un centre de référence de technologie en santé, qui a maintenant des bureaux très bien connus et qui s'est vu attribuer de nouveaux budgets, montrant cette concertation des différents partenaires. Pour le budget total de PharmaVision Québec, les compagnies pharmaceutiques innovatrices ont fourni un montant assez substantiel. Les compagnies pharmaceutiques génériques y ont aussi contribué. Le ministère a fait une subvention généreuse d'appariement, de même que le FRSQ.

Vous pouvez constater que PharmaVision Québec inc. est un guichet auquel tout le monde peut s'adresser, de quelque secteur qu'il soit, pour obtenir toute l'information au jour le jour et connaître les nouveaux développements qui peuvent survenir dans le domaine fort important des biotechnologies, en général, et biomédical, en particulier.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci, monsieur Chrétien.

[Traduction]

M. Graham Strachan: Pour situer le sixième rapport du CCNB dans son contexte, je dirai qu'il existe une autre initiative, dirigée celle-là par le gouvernement, pour examiner la stratégie nationale en matière de biotechnologie de 1983. Cet examen est actuellement en cours et des consultations publiques ont été tenues partout au pays. Il existe également un comité interministériel chargé d'établir un consensus sur une stratégie renouvelée.

Le rapport du Comité consultatif, son sixième, constitue l'une des nombreuses voix qui se sont fait entendre dans ces consultations. Pour le reste de l'année, le gouvernement étudiera trois éléments à intégrer dans une nouvelle stratégie: le cadre, la structure que devrait avoir un organisme consultatif et comment encourager et faciliter la participation du public.

Le comité consultatif espère que le Comité permanent conviendra avec lui de l'importance, du point de vue de la croissance économique du Canada, d'adopter une stratégie renouvelée et revitalisée à l'égard de la biotechnologie et un programme adéquat qui nous permettront d'aborder le nouveau millénaire. Nous espérons qu'après examen et consultation, vous appuierez les principales recommandations du rapport, qui vous sont présentées aujourd'hui, et que le moment venu, vous informerez le ministre de votre appui à ces recommandations, si bon vous semble.

Il est important à notre avis que les principales recommandations, les six que nous avons mentionnées précédemment, soient mises en oeuvre rapidement. C'est important tant du point de vue des emplois que de la croissance continue. J'espère que nous vous avons convaincus ce matin que la biotechnologie est une affaire bien réelle, qui existe déjà et qui doit recevoir les encouragements nécessaires pour faire la transition.

Le comité consultatif sera un mécanisme important à l'avenir pour faciliter la participation publique et les discussions et voir à l'adoption de politiques économiques adéquates. Il faut obtenir une bonne participation du public.

• 0955

Merci beaucoup. Notre exposé est terminé et nous serons maintenant heureux de répondre à vos questions.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Strachan. Merci à vous et aux membres de votre comité de cet exposé très complet.

Commençons les questions par M. Schmidt.

M. Werner Schmidt: Merci beaucoup, madame la présidente.

Merci beaucoup à vous, monsieur Strachan, et aux experts et aux gens d'affaires qui vous accompagnent. Nous sommes très heureux de vous accueillir.

Ensemble, vous avez fait montre de connaissances époustouflantes. J'aimerais bien que nous ayons le temps d'étudier de façon approfondie ces six chapitres, car chacun contient des éléments qui valent qu'on s'y attarde.

Ma première question porte sur l'idée des grappes. Pourriez-vous m'expliquer de façon plus détaillée de quoi il s'agit exactement? S'agit-il surtout d'un mécanisme de consultation et d'incubation pour les petites entreprises ou est-ce davantage que cela? Innovation Place, à Saskatoon, réalise bon nombre d'activités d'incubation.

J'ai également été très impressionné par vos propos sur PharmaVision Inc. J'aimerais que vous m'en disiez davantage, pour m'aider à mieux comprendre.

[Français]

Dr Michel Chrétien: L'idée des grappes d'industriels ou des tables de concertation est de réunir les principaux joueurs autour d'une même table pour discuter des principaux objectifs, pour évaluer les problèmes qui peuvent se présenter et pour tenter de trouver des solutions, lesquelles doivent en général, dans ce genre d'exercice, rapprocher les partenaires.

[Traduction]

La biotechnologie est une industrie dont le point de départ est la recherche fondamentale. L'étape suivante est le transfert de technologies entre différents intervenants jusqu'à l'obtention d'un produit.

[Français]

Si on veut accomplir des choses importantes dans ce domaine, il faut vraiment que les partenaires non seulement se parlent mais se comprennent. En ce sens, à la fin de l'exercice, établir une adresse unique pour un secteur permet justement, une fois que les partenaires se sont donné des objectifs, de les mettre à exécution.

Au premier stade d'une concertation de ce type,

[Traduction]

il est important d'avoir des budgets et ce sont les budgets venant de différents partenaires qui ont décrit PharmaVision Québec Inc.

[Français]

Le numéro de téléphone est connu. On sait qui est le directeur général et on peut l'appeler n'importe quand. Celui-ci crée de nouvelles associations.

Cela rejoint un peu l'une des principales recommandations que nous avions faite, celle d'avoir un champion de la biotechnologie au Canada pouvant jouer le rôle de rassembleur avec les responsabilités qui lui seraient confiées. Il pourrait aussi, ce qui est très important, faire connaître au public les bienfaits de la biotechnologie et, de plus, contredire parfois certaines informations inexactes qui circulent à la défaveur de la biotechnologie.

Je compare souvent la biotechnologie, en ce nouveau millénaire, à ce qu'a été la chimie au début du siècle qui s'achève. Les grands problèmes de l'industrie canadienne, au début du siècle, concernaient surtout la chimie. Dans mon patelin, il y a eu beaucoup d'industries lourdes au début du siècle. À Shawinigan, il y en avait plusieurs ayant à leur base l'électricité. Naturellement, les industries fondées sur la chimie étaient polluantes. On en subit aujourd'hui certains effets.

• 1000

La biotechnologie, par définition, utilise des matériaux biologiques qui, probablement—mais on ne sait jamais—, ne sont pas polluants, d'autant plus qu'on utilise la biotechnologie pour dépolluer. Donc, à mon avis, la biotechnologie, dans les 20 à 30 prochaines années, sera certainement un secteur crucial pour l'économie canadienne, pour la valeur ajoutée. Elle sera, je pense, le moteur de l'industrie pendant les prochaines décennies.

[Traduction]

M. Werner Schmidt: Merci beaucoup.

Ma question suivante porte sur la façon de mesurer la réussite de ces projets de collaboration, de ces grappes. Si nous voulons aller de l'avant et faire de la biotechnologie un champion—je suis tout à fait d'accord avec le principe énoncé dans votre exposé. La biotechnologie est un domaine qui connaîtra une croissance énorme à l'avenir, mais comment pouvez-vous mesurer sa réussite?

Vous me donnez l'exemple de PharmaVision. Il y a également Innovation Place, à Saskatoon. Il y a aussi tous les progrès réalisés avec le canola. Mais comment peut-on mesurer ces réussites pour l'avenir?

Parlons plus particulièrement du groupe de travail sur la stratégie en matière de biotechnologie, dont les travaux sont actuellement en cours. Je sais que certaines personnes voulaient prendre part aux concertations, qu'elles y étaient très intéressées, et qu'elles n'ont pu le faire. Il devait y avoir une participation du public. Des gens avaient entendu parler du groupe de travail et souhaitaient prendre part à l'examen, mais ils ne l'ont pas pu. On le leur a refusé en leur disant que cela ne les regardait pas. Comment pouvez-vous mesurer le succès de ces choses-là?

M. Graham Strachan: Je vais essayer de répondre à cette question. Un certain nombre de membres du comité consultatif n'ont pas été autorisés à participer à la stratégie ni aux discussions. Il s'agissait d'une initiative tout à fait distincte.

M. Werner Schmidt: C'est exact.

M. Graham Strachan: Mais laissez-moi répondre.

M. Werner Schmidt: Cela ne contribue pas à établir de bonnes relations.

M. Graham Strachan: Non.

Pour répondre à votre question, je dirai qu'il est possible de mesurer la réussite au bout de cinq ou 10 ans par le nombre d'entreprises qui ont vu le jour, les revenus qui ont été obtenus et le nombre d'emplois qui ont été créés. Le nombre des emplois créés à Saskatoon est considérable. Comment peut-on faire connaître ces choses-là aux agriculteurs? Comment l'agriculteur est-il capable de les aider? Peut-il réduire son utilisation d'engrais chimiques, par exemple? Obtient-il de meilleures récoltes? Ces récoltes sont-elles plus variées et, dans le cas du canola, la production d'huile est-elle améliorée? Ce sont toutes sortes de critères qui peuvent être appliqués au bout de 3, 5 ou 10 ans pour savoir si les mesures prises aujourd'hui donnent de bons résultats.

Revenons à Saskatoon et au phénomène des grappes, un sujet très intéressant. Il existe une base agricole semblable à celle de Saskatoon à Guelph, en Ontario; il y en a sans doute ailleurs au pays, mais je me rappelle de celle de Guelph. C'est celle que je connais le mieux. Il n'existe pas à Guelph de grappe semblable ou de croissance de la biotechnologie agricole comme présence commerciale. C'est peut-être parce qu'il n'y a pas vraiment eu d'effort de collaboration, de réseautage des diverses compétences à Guelph. À Saskatoon, on a appliqué délibérément une stratégie très fructueuse.

M. Werner Schmidt: Oui, je comprends. Si vous me le permettez, je passerai maintenant à un autre sujet.

La présidente: Dernière question, monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.

Pourriez-vous me dire pourquoi nous accusons un tel retard dans le domaine de la recherche génétique? Est-ce simplement une question d'argent ou est-ce dû également à des facteurs culturels?

Dr Jim Friesen: Vous avez mis le doigt sur les deux problèmes. Le retard est attribuable à ces deux causes. Le problème le plus fondamental est peut-être celui de la culture, car si nous avons l'appui de la population au niveau social et culturel, les sources adéquates verseront les sommes nécessaires.

Je me suis posé cette question à maintes reprises. Je n'en connais pas la réponse.

Nous avons tendance à toujours nous comparer à nos voisins du Sud. Cette comparaison est toujours à notre avantage ou alors nous pouvons en tirer des leçons qui nous profiteront.

Les États-Unis ont également eu une économie et une société axées sur les ressources, mais il existe là-bas également un vedettariat dans tous les aspects de la société. Cela existe également dans le domaine des sciences. Les Américains aiment les vedettes, la productivité et les réalisations. Ils ont un système qui récompense ces choses-là et, dans ce cas-ci, il s'agit des National Institutes of Health.

• 1005

Nous n'avons pas de système de ce genre. J'ignore si c'est parce que notre économie est axée sur les ressources naturelles depuis si longtemps et que nous nous sommes dits: «Cela a bien fonctionné dans le passé, pourquoi cela ne marcherait-il pas à l'avenir?». Toutefois, l'économie est maintenant axée sur le savoir et nous sommes en situation de concurrence internationale. Ce sont deux phénomènes relativement nouveaux, et notre pays est encore un peu sous le choc et ne s'est pas encore bien adapté. Il faudra changer notre perspective, se traduira en changements dans les niveaux de soutien et dans les attitudes.

Mais pour répondre brièvement à votre question, je ne sais pas.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Schmidt.

Monsieur Shepherd, vous avez la parole.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci beaucoup. J'ai beaucoup aimé vos remarques.

Monsieur Glickman, dans le financement de la R-D, vous avez d'abord parlé du cycle par lequel il faut passer avant de retirer des profits. Vous avez toutefois aussi recommandé une augmentation de la déduction pour amortissement, ce qui, bien sûr, sera directement lié au revenu imposable. Cela me semble un peu contradictoire.

M. Richard Glickman: Il faut se demander si cela existe déjà dans l'impôt sur le capital, comment c'est appliqué par chaque province, comment, en général, nous acquérons, utilisons ou changeons nos technologies pour ne pas être à la traîne. Dans certains cas, l'amortissement sur une plus longue période peut ralentir la capacité d'une entreprise à adopter de nouvelles technologies aussi rapidement qu'elle le ferait si elle pouvait déduire l'amortissement un peu plus rapidement, surtout en ce qui concerne certains aspects de l'impôt sur le capital.

C'est probablement la seule question que je ne voulais pas entendre aujourd'hui.

Des voix: Bravo, bravo!

M. Alex Shepherd: Je vous en pose une autre.

Abordons maintenant les crédits d'impôt pour R-D et, encore une fois, le problème cyclique. Vous parlez de la façon de créer des liquidités. Est-ce qu'il ne s'agit pas plutôt de la capacité de vendre ou d'escompter? D'une certaine façon, votre recommandation selon laquelle on devrait les utiliser veut plutôt dire pour moi que le gouvernement devrait les rembourser, sans tenir compte du revenu imposable, simplement les accorder.

M. Richard Glickman: Vous avez soulevé plusieurs points importants.

Premièrement, il existe actuellement un crédit d'impôt remboursable pour les sociétés fermées. Cela existe déjà. C'est très bien si votre entreprise est une société fermée. Il n'en va pas de même pour les sociétés ouvertes. On estime alors que vous avez une autre source de capital et que vous ne pouvez être inclus dans la même catégorie. Dans le passé, la plupart des entreprises qui sont devenues des sociétés publiques avaient de bons revenus et faisaient des profits; par conséquent, il était logique d'adopter une mesure fiscale autre qu'un crédit remboursable.

Nous, nous avons toujours besoin de capital. Il est difficile de définir la différence entre une entreprise qui consacre 20 millions de dollars chaque année à la R-D mais qui n'est pas rentable et une entreprise qui consacre 20 millions de dollars, privément, à la R-D. Quelle est la différence entre ces deux entités, entre leur orientation et leurs besoins? Il n'y en a pas.

Nous vous avons recommandé de leur réserver le même traitement afin d'éliminer le problème des crédits d'impôt accumulés. Il faut traiter de la même façon toutes les entités qui seront profitables, aux premières étapes de leur vie commerciale, qu'elles soient ouvertes ou fermées, car elles ont les mêmes problèmes. En fait, il faut encourager les entreprises qui sont devenues des sociétés ouvertes et qui sont au coeur du processus de l'avancement.

Deuxièmement, qu'en est-il des entreprises qui ont accumulé des crédits d'impôt pour R-D, des crédits qui dans certains cas valent jusqu'à 90 millions de dollars. Ces crédits figurent dans les livres, mais les entreprises ne peuvent les utiliser parce qu'elles ne font pas de profits. C'est donc un système inutile pour elles. Que fait-on dans leur cas?

Plusieurs choix s'offrent à vous. Vous pourriez tout simplement attendre que ces entreprises deviennent rentables. Vous pourriez aussi vous dire que certaines d'entre elles sont très vulnérables, que le prix des actions est très instable et que lorsqu'il baissera... Disons que l'entreprise a 200 millions de dollars en capital, ce qui n'est pas irréaliste pour certaines d'entre elles, mais qu'elle a quand même 90 millions de dollars en crédits d'impôt pour R-D reportés. Quand devrait-on reprendre ces crédits d'impôt en R-D? Quand ces entreprises deviennent-elles le plus vulnérables? Si vous tentez de créer une industrie, pourquoi accepteriez-vous des entreprises si vulnérables?

Il faut qu'on puisse utiliser ce crédit de façon plus avantageuse. Il y a deux façons de faire un meilleur usage de ce capital qui, à mon avis, existe mais ne sert à rien. Ces entreprises ont peut-être déjà fait suffisamment de recherches pour pouvoir dire si ça marchera ou non, mais il leur faut peut-être des capacités de fabrication ou une incitation à commercialiser le produit sur le marché canadien d'une façon axée sur le développement, par l'entremise de partenariats.

• 1010

Ne pourrait-on pas utiliser une part de ce capital pour financer la commercialisation par opposition à la R-D dans son sens strict? Autrement dit, on a accumulé des crédits. Ces crédits ne servent à rien à l'entreprise qui a, par ailleurs, d'autres besoins; ne pourrait-on pas alors utiliser ce capital qui ne sert à rien pour répondre aux besoins actuels et ainsi aider l'entreprise à aller plus loin et à devenir rentable?

Par exemple, si vous pouvez amener une entreprise à la phase 2 ou à la phase 3 avant qu'elle ne trouve un partenaire ou qu'elle ne se lance dans la fabrication, vous aurez un rendement de 30 p. 100 qui sera réinvesti; tout le monde serait gagnant. Si c'est un bon produit, vous en ressortirez gagnant si vous aidez l'entreprise à financer la commercialisation aux étapes ultérieures. C'est une réponse brève à votre question.

M. Alex Shepherd: Mais si on envisage la question du point de vue des recettes et des dépenses du gouvernement... Le système a été conçu ainsi parce que le gouvernement peut alors dire qu'il en retire des recettes fiscales.

Vous dites que ça va si l'entreprise est rentable et existe déjà depuis 10 ans, mais qu'en est-il si elle vient d'être créée? Voici ma question: ne pourrait-on pas transformer ces crédits d'impôt en liquidités? Autrement dit, à une certaine époque, on envisageait de permettre à ces entreprises de les vendre à d'autres pour qu'elles puissent obtenir les capitaux dont elles ont besoin.

M. Richard Glickman: Ce serait certainement faisable. Je pense que le gouvernement y a déjà pensé. Mais il a préféré ne pas adopter cette approche parce qu'il prévoyait qu'il serait difficile de contrôler l'utilisation de ces crédits. Manifestement, ce serait la façon de faire un usage optimal de ces crédits.

Peut-être que Graham pourrait ajouter quelque chose.

M. Graham Strachan: Oui, je crois que ce serait la solution idéale. Cette méthode a été tentée il y a 10 ans, et il y a eu d'énormes scandales.

Je crois qu'on pourrait régler le problème en disant que les entreprises ne peuvent obtenir des liquidités et utiliser ces crédits d'impôt que dans les cas où il y a véritablement eu de la R-D, qu'il y a eu vérification et que les crédits figurent véritablement aux livres. Dans le système précédent, si je comprends bien, on pouvait vendre les crédits avant même de les avoir obtenus.

M. Alex Shepherd: En fait, nous croyions que le problème, c'était de bien définir la R-D. Manifestement, c'est un problème qui est inhérent au système. Si ce système fonctionne, il faudrait pouvoir autoriser ce genre de choses et permettre la vente de ces crédits.

Une dernière question. Pour ce qui est de l'écart entre 20 p. 100 et 35 p. 100, est-ce juste ou insuffisant?

M. Richard Glickman: J'ai lu le rapport Mintz. On y suggérait des déductions dans les deux cas.

Pour ma part, je préférerais que ce soit 35 p. 100 pour tous. Si on compare notre situation à celle qui prévaut à l'échelle internationale et chez nos concurrents, notre système de crédits d'impôt pour R-D est efficace. On le reconnaît. Je sais que lorsque je travaille aux États-Unis, il y a des groupes qui examinent sérieusement le modèle canadien dans leur recherche. C'est ce qui se passe à la dernière étape, au moment du transfert de technologie, qui pose des difficultés, et cela déplaît à bien des gens.

Si vous améliorez le système de crédits d'impôt pour R-D et que vous l'appuyez et que vous déterminez ensuite comment la technologie se transfère et comment on peut exporter la propriété intellectuelle dans le cadre des activités transfrontalières, vous pourrez contribuer à la création d'une valeur au Canada.

Rien ne se fait isolément. Il ne suffit pas d'accorder des crédits d'impôt pour R-D. Il faut que ça se fasse dans le cadre d'une stratégie d'ensemble qui tient compte de l'importation d'une activité au pays, du financement d'une activité au pays et du soutien d'activités créatrices de valeur en sol canadien une fois que le premier investissement en R-D a été fait. S'occuper seulement de R-D, sans égard à ces autres questions, ne vous permettra pas de réaliser votre objectif.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Shepherd.

[Français]

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci à vous tous. C'était fort intéressant. Je vais commencer par souligner mon intérêt pour l'exposé de M. Chrétien parce que ça correspond à quelque chose qui est extrêmement vivant au Québec et qui s'est développé par le besoin. Il y a notamment le succès de BioChem Pharma, qui est né des difficultés de croissance de l'Institut Armand-Frappier. Heureusement qu'il y a eu à l'époque le Fonds de solidarité et le gouvernement. Finalement, c'est devenu un succès.

• 1015

Par rapport à cette expérience-là, monsieur Chrétien, qu'est-ce qu'il y a de plus urgent à changer? C'est ma première question.

Ma deuxième s'adresse peut-être à vous tous ou à M. le président. Parmi l'ensemble des recommandations que vous faites, quelles sont les priorités? Pour ma part, j'ai un faible pour le financement de la recherche fondamentale. J'ai trop d'échos de ce qui se passe dans les universités et dans les centres de recherche pour ne pas être extrêmement inquiète. En recherche, c'est un peu comme en démographie. Si on n'agit pas aujourd'hui, c'est dans 20 ans qu'on va s'en apercevoir, et dans 20 ans, il faudra attendre 20 autres années avant qu'on agisse. Il me semble donc qu'il y a là une priorité.

Pour ce qui est de la commercialisation et des problèmes de croissance des entreprises, peut-on dire qu'il y a une différence, comme vous semblez le souligner dans votre rapport, entre les entreprises de biotechnologie et les autres? Il me semble que non, et j'ai l'impression que les problèmes que vous posez devraient être être aussi posés pour l'ensemble des autres entreprises du même type.

Dr Michel Chrétien: Merci, madame Lalonde. Je vais essayer de répondre à certaines de vos questions. Je parle un peu lentement à dessein, parce que

[Traduction]

Je parle vite dans les deux langues, il arrive que la transcription ne soit pas juste. En plus, je n'aspire pas les h. La dernière fois que j'ai témoigné devant un comité comme celui-ci, il y a 10 ans, j'ai dit quelque chose en anglais au sujet du «whole MRC» et, au hansard, on a plutôt mis «old». La traduction en français disait «le bon vieux CMR». Je dois faire attention.

[Français]

Pour ce qui est des priorités ou des recommandations les plus importantes, il faut dire que ceci est un plan.

[Traduction]

C'est un plan auquel nous avons consacré beaucoup de temps et pour lequel nous avons mené de vastes consultations.

[Français]

Comme il s'agit d'un plan, il faudrait un champion pour répondre à l'une de vos questions, à savoir ce qui est important et quelles seront les priorités. Il faut trouver un champion qui va disséquer cela et ensuite mettre sur papier un plan d'action. Pour moi, c'est la principale recommandation. C'est nécessaire pour effectuer ces nouveaux changements-là.

On demandait aussi quelle industrie était la plus importante. L'un peut dire que c'est l'industrie du papier et l'autre, que c'est celle de l'aluminium. Nous disons que c'est la biotechnologie. Il y a une raison fondamentale à cela.

Je reviens à l'exemple de tout à l'heure. Au début du siècle où, à partir d'une énergie qui était propre, l'énergie électrique qui a servi au développement du début du siècle, il ressortait à la fin des résidus polluants.

[Traduction]

Tout comme l'électricité a constitué le moteur du développement industriel au début de ce siècle, aujourd'hui, c'est le pouvoir de la connaissance qui est ce moteur.

[Français]

Les biotechnologies sont d'abord basées sur les connaissances. Je suis tout à fait d'accord avec Mme Lalonde pour appuyer la recherche de base parce que les nouvelles technologies sont basées sur les aspects cérébraux, on the brain power. Utiliser son cerveau n'est pas polluant. Heureusement, les produits en seront probablement biodégradables. Donc, à mon avis, il s'agit de trouver un champion qui va pouvoir transposer ce plan-là en actions.

Mme Francine Lalonde: Merci. Je me permets une petite réaction. Au Québec, les gens vont vouloir avoir un champion québécois et un champion canadien, mais c'est un autre débat.

Dr Michel Chrétien: La biotechnologie n'a pas de frontières.

Mme Francine Lalonde: Absolument vrai. On n'ira pas encore du côté des États-Unis.

• 1020

Je demandais quelles étaient les priorités dans les autres domaines. Vous avez identifié cinq champs. Il y a la question de la recherche en génétique et de toute la sensibilité que cela suppose. J'aimerais que vous nous parliez de la priorité qu'il y a dans ce domaine. Est-ce d'élargir ce comité et de faire le débat? Pensez-vous que ça passe par là ou si ça passe aussi par la culture des scientifiques? S'il y a moins de scientifiques qui sont allés de côté-là, pourquoi est-ce le cas? Est-ce qu'il y a moins de possibilités? Cela commence par un noyau, par un bassin, par des têtus. M. Frappier a été têtu pendant longtemps avant que les produits se développent et que cela devienne ensuite une grande entreprise. Est-ce qu'on peut dire qu'il n'y a pas encore de culture forte autour de ce type de recherche?

[Traduction]

Dr Edna Einsedel: Je répondrai à votre question sur les consultations publiques, et peut-être que mes collègues pourront vous parler de culture scientifique.

Nous avons recommandé, par exemple, la création d'un organe consultatif à larges assises qui faciliterait le processus de participation du public; ce n'est toutefois qu'une façon d'accroître la compréhension et la participation du public.

Ce doit être un effort à grande échelle. Le gouvernement ne peut agir seul. L'industrie doit aussi participer au processus de sensibilisation du public, et le groupe BIOTECanada, autrefois l'Institut canadien de la biotechnologie, a toujours eu des programmes de communication. La participation de l'industrie est nécessaire.

Les scientifiques eux-mêmes doivent sortir des laboratoires et parler avec les gens. En Colombie-Britannique, il existe un excellent programme de scientifiques dans les écoles. On encourage les scientifiques à aller s'entretenir avec les élèves dans les écoles, par exemple.

Ce doit être un effort d'ensemble. Les intervenants de l'industrie doivent aussi participer, mais il faut en outre une structure de base, et nous estimons qu'un organe consultatif constituerait un bon point de départ.

Dr Jim Friesen: Si j'ai bien compris votre question, vous voulez savoir pourquoi il est difficile de traduire la recherche génétique en activité commerciale.

Pour que des recherches scientifiques de haute technologie se transforment en activité commerciale, il faut quatre choses. Il faut d'abord avoir une bonne base scientifique. Les scientifiques doivent avoir la faculté et, d'une certaine façon, le dynamisme nécessaires pour trouver des gens d'affaires intéressés. Il faut aussi de l'argent, du capital. Enfin, il faut des compétences en développement et en gestion des affaires.

Il y a donc quatre éléments, bien que nous soyons en danger pour certains d'entre eux, par exemple, les fondements scientifiques; nous avons cependant commencé à mettre les trois autres en place. La troisième pièce du puzzle, le capital-actions, a véritablement connu un boom au cours des trois dernières années au pays.

Cela nous ramène à la question du personnel, des ressources humaines. Nous manquons de gens comme Richard. Lui, il peut développer une idée scientifique, la gérer et la présenter à une entreprise. Soyons honnêtes: la plupart des chercheurs scientifiques ne connaissent rien aux affaires et ils n'y sont pas très bons parce que ce n'est pas leur travail, alors que Richard, lui, s'y connaît. Si nous avions plus de gens comme lui, nous pourrions transformer la science en activité commerciale très rapidement.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Comment faire pour avoir des gens comme vous? J'allais poser ma dernière question. Ce sera une courte question.

[Traduction]

M. Richard Glickman: Vous remarquerez que ce n'est pas l'un d'entre nous qui a dit cela. Ceux avec qui je travaille n'auraient jamais osé dire cela.

Pour répondre à votre question, elle se rapporte à l'un des sujets qui m'apparaissaient comme l'une des recommandations les plus importantes, à savoir la taxation.

En dernière analyse, bon nombre des difficultés auxquelles nous faisons face... Vous avez demandé: «Pourquoi est-ce différent?» «Pourquoi la biotechnologie diffère-t-elle de toute autre entreprise commerciale?» Honnêtement, dans une grande mesure, nos problèmes sont les mêmes que ceux de toute autre entreprise.

• 1025

Mais il faut se demander ce qui est différent en biotechnologie et pourquoi il faut lui apporter de l'aide. Un des problèmes, c'est qu'il faut de sept à 10 ans pour concevoir un produit. Ce n'est pas comme un logiciel, surtout pour ce qui est des coûts. Savez-vous qu'il en coûte en moyenne entre 250 millions de dollars US et 500 millions pour concevoir un seul produit? C'est le noeud du problème. Nous n'avons pas ici suffisamment de gens qui savent comment élaborer ces médicaments. Nous n'avons pas ces personnes, parce que nous n'avons jamais pensé à en former. Ça va; nous pouvons les faire venir de l'étranger, les former et leur permettre de se perfectionner dans le secteur.

Par ailleurs, la façon dont notre secteur croît et la nature des partenariats que nous établissons pour survivre sont très différents. Nous devons donc nous doter d'un nouveau paradigme sur la création et la croissance des entreprises.

Compte tenu de tous ces facteurs, les entreprises de biotechnologie, avec leurs problèmes bien particuliers de croissance, sont très différentes des entreprises de logiciels, par exemple. Par conséquent, si on veut vraiment aider l'industrie, il faut être bien conscient de ces différences. Si tout le reste se fait de la même façon, si on se rend jusqu'à l'étape de la commercialisation au Canada, les problèmes de concurrence seront les mêmes que pour toute autre société. Mais pour se rendre jusque-là, en biotechnologie, on doit procéder autrement.

La présidente: Monsieur Peric.

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Les transplantations d'embryons et les xénotransplantations ont-elles progressé? L'industrie pharmaceutique appuie-t-elle les xénotransplantations?

Dr Jim Friesen: Graham pourra mieux répondre à votre question du point de vue de l'industrie. Ce n'est pas ma spécialité scientifique, mais d'après ce que j'ai lu et d'après ce que j'ai entendu dans des colloques, etc., je crois savoir que, oui, à l'échelle mondiale il se fait beaucoup de recherche sur un procédé de modification de la structure protéique de l'enveloppe de certains tissus, tels que le coeur et les reins, de source animale. Ainsi, ces tissus ne seront pas considérés comme étant un corps étranger par le corps et ne seront pas rejetés. Je ne crois pas qu'on soit à la veille d'effectuer des essais cliniques, mais du point de vue de la génétique, il est tout à fait logique qu'on se dirige dans cette voie.

M. Janko Peric: Vous parlez de xénogreffes, mais qu'en est-il des transplantations d'embryons?

Dr Jim Friesen: Sur les humains?

M. Janko Peric: Ou sur les animaux.

Dr Jim Friesen: Oui, il y a longtemps que l'on pratique la transplantation d'embryons sur les bovins, par exemple. Il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années, le Canada était même un chef de file dans ce domaine. Cela se pratique très couramment avec les animaux de laboratoire.

M. Janko Peric: Et dans l'industrie des porcs?

Dr Jim Friesen: À ma connaissance, on ne pratique pas particulièrement la transplantation d'embryons sur le porc. Je sais qu'il existe d'autres applications biotechnologiques importantes pour le secteur des porcins, entre autres la suppression de viande de qualité médiocre.

Vous en trouverez un exemple dans ce livre: il s'agit d'une caractéristique génétique des porcs qui, quand ils sont effrayés, peuvent s'écrouler et mourir. Grâce à la biotechnologie, on a pu faire disparaître cette caractéristique.

Dr Michel Chrétien: L'utilisation de tissus animaux pour les maladies des êtres humains... c'est le porc qui semble être génétiquement le plus proche de l'homme. C'est la raison pour laquelle, depuis des années maintenant, les valvules du coeur sont remplacées, chez l'homme, par des valvules du porc. C'est ce que nous appelons une transplantation biologique, et voilà une vingtaine ou une trentaine d'années que celle-ci donne d'excellents résultats.

Parfois on remplace la valvule médiane: c'était la première à être utilisée, il y a 30 ans, dans les premières années de la chirurgie cardiaque. La recherche médicale s'intéresse certainement vivement à cette méthode, dans la mesure du possible, car la valvule est un tissu neutre que le corps humain ne rejette pas. Cette méthode a été abondamment utilisée dans tous les endroits où on pratique la chirurgie cardiaque.

• 1030

M. Janko Peric: L'Université Dalhousie participe, paraît-il, à la recherche sur ce sujet.

Dr Michel Chrétien: Si vous parvenez à changer génétiquement certaines des protéines de la membrane cellulaire pour neutraliser cette structure étrangère, cela peut devenir réalisable. Nous travaillons beaucoup là-dessus, mais ce n'est pas encore généralement pratiqué. Mais il y a certains travaux qui ont déjà prouvé leur utilité dans des applications pratiques.

M. Janko Peric: Les laboratoires pharmaceutiques sont-ils en faveur de cela?

M. Graham Strachan: Il y a des laboratoires qui travaillent, par exemple, sur le foie... Il y a pénurie chronique de foies pour pratiquer des greffes. Est-il possible d'adapter, d'agrandir ou de modifier le foie du porc, afin de pouvoir, quand on le greffe, éviter le rejet que mentionnaient les Drs Chrétien et Friesen?

La présidente: Je vous remercie, monsieur Peric.

Monsieur Schmidt, avez-vous une question à poser?

M. Werner Schmidt: Je vous remercie, madame la présidente.

Je voudrais passer à l'autre sujet, à savoir le fonctionnement et les liens entre divers secteurs médicaux, et la biotechnologie et la chimie qui interviennent. Il y a certainement un lien entre la durée nécessaire à un produit pour passer de la recherche fondamentale au point où il devient commercialisable.

C'est une question qui préoccupe également le secteur pharmaceutique, à savoir le temps d'élaboration, qui est aussi long que dans votre secteur, d'après ce qu'on nous a dit.

Quels sont les liens entre le secteur de la biotechnologie, qui est un nouveau venu par rapport au secteur pharmaceutique? Y a-t-il collaboration, pour le plan d'ensemble, en particulier en ce qui concerne la planification dont nous parlions, entre ceux qui brillent dans la biotechnologie et ceux qui brillent dans les produits pharmaceutiques? Nous avons besoin de lumière dans les deux domaines, encore que le secteur pharmaceutique soit si développé et dispose de tant de fonds qu'il est en mesure d'acheter à présent son propre champion.

Quel est le lien entre ces deux secteurs? Ils ont beaucoup en commun, en particulier des problèmes que vous souleviez ici à propos de la propriété intellectuelle, de la réglementation, de la mondialisation, de la concentration du conditionnement, et d'autres questions de ce genre? Pouvez-vous me répondre sur ce point?

M. Graham Strachan: Je vais essayer de vous répondre.

Les deux secteurs relèvent des soins de santé, et de l'agriculture, avec les aliments fonctionnels et autres, dans une certaine mesure...

M. Werner Schmidt: Mais à présent on va au-delà de cela.

M. Graham Strachan: Ces deux domaines se rapprochent, parce que l'industrie pharmaceutique dépend de nouveaux produits thérapeutiques, de l'identification des objectifs pathologiques. Quels sont les facteurs qui sont à l'origine, par exemple, des crises cardiaques, de l'hypercholestérolémie ou de la schizophrénie?

La valeur des travaux génomiques dont parlait le Dr Friesen, c'est de permettre de découvrir, au niveau des gènes, ce qui cause, par exemple, la schizophrénie. Cette science en est encore à ses débuts, mais nous faisons des progrès. Qu'est-ce qui est à l'origine de la maladie d'Alzheimer? À l'Université de Toronto on se livre à d'excellentes recherches sur les facteurs à l'origine de cette maladie, et sur leurs éléments génétiques.

Quand on a compris la base génétique d'une maladie, on peut cerner des objectifs d'intervention thérapeutiques, objectifs que le secteur pharmaceutique peut utiliser pour concevoir des médicaments qui permettent de soulager le malade. En ce sens, la biotechnologie et l'industrie pharmaceutique sont vraiment en voie d'unir leurs forces.

M. Werner Schmidt: Pour en revenir à cette idée de grappes, est-ce qu'ils se concertent également?

M. Graham Strachan: Oui, les grappes jouent un rôle. Comme le mentionnait le M. Glickman, un élément critique de l'expansion de toutes les sociétés de biotechnologie d'avenir, ce sont les liens, les partenariats stratégiques, les alliances ou collaborations entre la société biotechnologique, en tant qu'innovateur, et la société pharmaceutique en tant qu'exécutant et transformateur, chargé de tirer, de l'innovation, un médicament approprié.

M. Werner Schmidt: Une relation financière pourrait-elle également être établie, sans que cela s'impose, mais comme possibilité? Les sociétés pharmaceutiques sont vivement intéressées par ce qui se fait, dans certains domaines de la biotechnologie. Pourrait-on envisager ici une relation financière?

M. Graham Strachan: Certainement, et l'un des facteurs du projet de loi C-91 et des autres lois concernant les brevets—je sais que vous avez participé aux discussions... Les sociétés pharmaceutiques établies financent de gros travaux de R-D dans le secteur biopharmaceutique, au Canada, et des liens financiers existent, par conséquent.

• 1035

M. Werner Schmidt: Nous avons donc ici un troisième terme: biopharmacie, pharmacie et biotechnologie. Pouvez-vous m'expliquer les différences entre ces trois termes?

M. Graham Strachan: La biopharmacie s'applique aux sociétés ou aux secteurs qui appliquent la biotechnologie aux produits pharmaceutiques; c'est donc un segment de la biotechnologie et du secteur pharmaceutique, et les deux ont fusionné.

M. Werner Schmidt: Voilà qui est très encourageant. Les National Institutes of Health, aux États-Unis, conjuguent également beaucoup d'éléments. Sur le graphique que vous nous avez montré du CRM et des NIH les chiffres ne correspondent pas directement, les États-Unis consacrant davantage d'argent à la recherche sur les soins de santé, je vous le concède, mais la différence n'est pas aussi considérable que l'indique le graphique. Nous avons, ailleurs, étudié cette question, mais le fait est que si c'est ce qui se produit dans ce secteur, parmi les scientifiques qui travaillent sur ces deux terrains, je pense qu'il y a de grands espoirs pour la recherche fondamentale qui doit être faite. Tout le monde reconnaît à présent le rôle crucial joué par la recherche fondamentale, ce qui m'amène au troisième domaine.

Monsieur Glickman, pourriez-vous nous aider à comprendre la relation entre les fonds consacrés à la recherche fondamentale et la commercialisation. Il y a une grande séparation entre les deux, qui est généralement lacunaire. Les investisseurs en capital risque s'engagent dans ce domaine, mais même eux ne s'engagent pas lorsqu'une idée émerge seulement du stade de la recherche fondamentale; ils recherchent des idées sur le point d'aboutir, dont ils ont une grande chance d'escompter des bénéfices. Pour ce groupe intermédiaire, où trouver l'argent nécessaire?

M. Richard Glickman: Nous avons pu constater de grands changements, au Canada, dans le financement de démarrage, à ce stade précoce. Tout d'abord, il est reconnu maintenant que la recherche fondamentale a sa fonction et son rôle, qu'il ne faut jamais l'entraver, car elle est porteuse d'avenir, et qu'il ne s'en fait pas suffisamment au Canada.

Comment passer du premier stade de la recherche, non pas au point où vous misez sur le produit qui fait les manchettes, qui a trouvé preneur, mais les travaux qui font passer l'idée au prototype? Nous le faisons de la même façon que nous encourageons le développement de fonds de capital de risque de travailleurs, et il existe des capitaux de ce genre.

Le problème des mises de fonds initiales a été la grande lacune de l'innovation, dans notre pays. Nous avons vu des groupes comme Ventures West, la Banque de Montréal et la Banque Royale commencer à réunir des capitaux de démarrage pour ce genre de besoins. Il serait bon d'encourager la création de fonds de capital risque, alimentés par les travailleurs, qui aideraient à combler la pénurie de capitaux qui existe entre les premiers stades de l'innovation—pour aider à régler les questions de propriété intellectuelle, puis à faire le prochain pas décisif, l'expérience critique, pour laquelle les capitaux manquent, mais qui doit être faite pour voir si cette idée portera vraiment des fruits. C'est à cela que devraient servir les capitaux de lancement, et ce sont eux qui font défaut dans notre pays, mais on pourrait y remédier.

M. Werner Schmidt: Où sont ces fonds?

M. Richard Glickman: Il y en a plusieurs, à l'heure actuelle, mais ils sont encore très limités: ce n'est pas un domaine prioritaire, parce que le risque est très élevé. Les groupes traditionnels de capitaux à risque ne se sont pas engagés là-dedans, encore qu'ils commencent à le faire. Ce sont des groupes comme CMDF, le Fonds de découvertes médicales canadiennes... Plusieurs d'entre eux commencent à s'aventurer sur ce terrain, mais nous avons besoin de plus d'encouragement pour créer davantage de fonds pour cette première étape.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Schmidt.

Monsieur Murray, vous avez la parole.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci.

C'est un plaisir de vous écouter, je suis suspendu à vos paroles.

Mais je vois toutefois certaines choses sous un autre angle, en particulier cette idée de champion national. Désolé, si je vous parais cynique, mais je ne pense pas que ce soit simplement une question de biotechnologie: nous avons besoin de champions nationaux pour tous les secteurs basés sur le savoir.

Pour champion national, il nous faut une personne—ou un groupe—qui soit réellement en mesure d'ébranler les fondements du statu quo. Nous parlons là de changements radicaux et notre problème tient partiellement à une certaine mentalité anti-élite au Canada. On en revient au système de vedette, dont parlait M. Friesen.

Je me suis souvent creusé la cervelle pour savoir comment on pourrait conserver, dans notre pays, les travailleurs intellectuels. Ce sont là des décisions personnelles, il y a ceux qui essaient d'améliorer leur niveau de vie, d'accroître leurs richesses, ou autres considérations. Je ne veux pas me lancer dans un grand discours, c'est plutôt vous que je voudrais écouter, mais je crois que nous devons nous résoudre à diminuer considérablement les taux d'impôt marginaux. Mais nous nous heurtons à un mur d'incompréhension, en ce sens que ceux qui travaillent dans ces secteurs sont souvent parmi le 1 p. 100 allant jusqu'à 5 p. 100 des travailleurs les mieux payés. Si on leur accorde un traitement spécial, on suscite la jalousie des autres. Par ailleurs, nombreux sont ceux d'entre nous qui diraient que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour encourager ces gens à rester au Canada.

• 1040

Je voudrais simplement vous demander si vous avez une idée sur la façon... Ce genre de changement progressif, dont nous discutons au sein du comité de l'industrie, aide, mais c'est un problème de société auquel il faudrait s'attaquer si on veut que les choses changent.

M. Jim Friesen: Madame la présidente, permettez-moi de donner ce qui n'est que ma propre opinion. Je pense que tous, au Canada, sont fiers du fait que nous sommes parvenus à un équilibre assez harmonieux, et que nous avons pris en considération les problèmes de société. À cet égard, nous avons accompli bien davantage, de l'avis d'un grand nombre d'entre nous, et certains autres pays, en particulier celui qui nous est géographiquement le plus proche.

En revanche, notre action laisse à désirer sur un autre plan: nous ne rendons pas assez hommage à ceux qui sont nos vrais élites, nous ne tenons pas compte du fait que certains méritent un investissement spécial, qui doit être reconnu comme tel, et qu'il faut leur accorder un traitement spécial. Je crois que cette idée s'applique particulièrement au problème qui nous occupe.

Encouragés par la disparition des déficits budgétaires, nous abordons maintenant—heureusement—une époque où nous pourrons peut-être envisager d'investir certaines de ces épargnes fiscales qui commencent à s'accumuler dans les coffres de l'État. J'espère qu'à la suite de cela certaines décisions seront prises à bon escient.

M. Ian Murray: Monsieur Glickman, aviez-vous quelque chose à ajouter?

M. Richard Glickman: C'est une question épineuse et j'hésitais beaucoup. En toute franchise, je me demandais, en venant ici, s'il valait la peine même d'en parler.

Ce dont nous parlons—tout au moins ce qui me paraît nécessaire dans ce pays—, ce sont des changements radicaux dans la façon dont nous fonctionnons. Je suis un fervent partisan de notre régime national de soins de santé et de la façon dont nous opérons en tant que société. Néanmoins, il faut bien accepter la réalité du monde dans lequel nous évoluons. Je sais qu'il est basé, dans une large mesure, sur le savoir, et nous devons pouvoir nous mesurer aux autres. Pour cela nous devons pouvoir attirer des gens dans notre pays, et garder ceux auxquels nous tenons, si nous voulons avoir une chance de nous mesurer aux autres.

Nous devons nous demander quelle sera la réalité, pour le Canada de l'avenir, si nous ne parvenons pas à être compétitifs? Quelle est cette réalité? Quel est le risque que nous courons ainsi, en comparaison du risque de retombées politiques si nous prenons des mesures dont les bénéfices n'iront qu'à un petit nombre de gens, pendant un certain temps du moins? Comment créer la vraie richesse?

Je suis persuadé que nous devons regarder la réalité en face, nous devons trouver le moyen d'intégrer ces gens dans notre système canadien et accepter de renoncer à certaines choses afin de nous mettre sur les rangs de la compétition mondiale. Mais nous devons décider quelles sont nos valeurs, et qu'est-ce qui nous importe vraiment.

C'est une vaste question et je ne pensais pas que nous l'aborderions... Mais je voudrais vous faire comprendre que j'accepte que le changement est inéluctable. Au travail, on dit de moi que je suis socialiste, d'après ma façon de gérer l'organisation, le fait que je crois au partage et à la participation de tous. C'est la façon dont nous faisons prospérer notre entreprise, et partageons la richesse et les débouchés.

Néanmoins, nous nous devons d'être réalistes sur les moyens que nous utilisons pour être compétitifs, en particulier dans le domaine fiscal: il va nous falloir serrer les dents et prendre le taureau par les cornes. Il faut que quelqu'un prenne la grande décision mais à ce jour, je ne vois pas de raison d'être trop optimiste.

M. Ian Murray: Est-ce que j'ai dépassé mon temps de parole? Je crois que je m'étends trop sur le sujet.

La présidente: Merci, monsieur Murray.

[Français]

Madame Lalonde, vous avez une autre question?

Mme Francine Lalonde: Monsieur Glickman, vous ne m'avez pas complètement convaincue parce que vous, vous êtes là. Comment en êtes-vous venu, vous, à être là? Qu'est-ce qui, dans votre parcours, a fait que vous êtes capable de comprendre comment un produit scientifique peut devenir un produit commercial? À partir de votre parcours, on pourrait aider d'autres personnes à faire comme vous.

Je ne suis pas une grande partisane des changements dont vous parlez parce qu'il y a une qualité de vie qui est liée au type de valeurs qu'on partage largement au Québec et au Canada. Qu'est-ce qui incite surtout les gens, que ce soit les scientifiques ou les gens d'affaires, à partir? Est-ce que ce n'est pas le fait de ne pas avoir les bons outils pour travailler? Je pense que votre jeune scientifique peut supporter d'avoir une différence de salaire du moment qu'il va avoir un soutien à la recherche qui va lui permettre de se promener et d'être au niveau. Je pense que c'est la même chose pour les médecins. Ils sont capables de supporter une différence de salaire, mais il faut qu'ils soient capables de travailler dans de bonnes conditions. Je pense que c'est la même chose pour les gens d'affaires. Je ne souhaite pas que le Québec devienne les États-Unis. Si la solution est de devenir les États-Unis, je dis au Canada de répondre, mais il me semble que ce n'est pas ça.

• 1045

[Traduction]

M. Richard Glickman: Ce n'est pas ce que je voulais dire là. Je disais que j'étais fier d'être Canadien, et que j'ai foi en notre système.

Nous parlions de nos remarquables programmes sociaux, mais la réalité, c'est que ces programmes auxquels nous croyons tant ne sont pas soutenables, et le seront encore moins à l'avenir. Avec l'évolution démographique, avec le vieillissement de la population, nous ne pourrons plus maintenir ces soins de santé que nous considérons idéaux. D'ores et déjà, ils sont en déclin. Je ne pense donc pas que nous puissions maintenir le statu quo et conserver ce que nous considérons comme nos valeurs. Ce sera une impossibilité.

C'est ce dont je suis absolument persuadé, mais j'ai foi dans les valeurs qui sont le fondement même de notre pays. Les valeurs d'accès universel me paraissent précieuses, et ce ne sont pas elles que je voudrais voir menacées. Mais nous devons édifier une économie assez saine pour pouvoir maintenir ces valeurs. C'est donc sous un angle différent que je vois cette question.

Pour ce qui est de la deuxième question, il n'y a pas de doute que les scientifiques et les gens d'affaires sont prêts à payer une prime pour vivre au Canada. Moi, je paierais volontiers une prime pour rester dans ce pays, donc... C'est ici où je veux vivre. Mais j'ai des actionnaires. Il y a des gens qui investissent dans mon organisation, auxquels je dois fournir une vision. Je dois leur livrer la réalité.

Pour ce faire, il fallait que je crée une société américaine. Alors, j'ai une société canadienne et une société américaine, et je fais un certain travail de développement aux États-Unis pour faciliter l'augmentation des possibilités pour nos gens. Je ne voulais pas faire cela. J'ai voulu tout garder au Canada. Mais j'ai fait ce qui s'imposait pour mes actionnaires. Et si on regarde ce qui se passe, on constate qu'il y a beaucoup d'autres sociétés qui font la même chose maintenant. Il faut le faire pour pouvoir créer quelque chose qui a de la valeur pour les Canadiens à long terme.

Prenez l'exemple des médecins. Pourquoi partent-ils? Ils vont ailleurs parce qu'ils cherchent les meilleurs équipements. Ils veulent exceller dans leur domaine. Ils veulent être des leaders. Et où peuvent-ils avoir accès à l'équipement, au matériel chirurgical, aux ressources? Ils vont vers le sud. Ils vont là où ils peuvent obtenir ces choses.

C'est cela que les gens recherchent. Ce n'est pas seulement les profits. Certains gens s'intéressent à l'argent, et beaucoup de gens, comme vous l'avez dit, cherchent les outils nécessaires pour faire le travail. Voilà le problème qu'il faut régler si on veut être compétitif et garder nos leaders pour qu'ils puissent non seulement exceller ici mais aussi assurer les services nécessaires.

[Français]

Mme Francine Lalonde: C'est un peu ce que je disais.

[Traduction]

La présidente: Merci.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Vous savez, je me retiens de parler anglais, cela par principe, mais je sais que ça pose parfois des problèmes. Je n'ai rien contre l'excellent travail des gens qui font l'interprétation, mais ça rend la discussion compliquée et j'en suis bien consciente. Je disais que les professionnels, quels qu'ils soient, veulent des bons moyens pour travailler. Les moyens de la fine pointe sont peut-être trop coûteux, mais je suis certaine qu'ils veulent de bons moyens de travailler. Ils ne veulent pas nécessairement le même salaire.

J'ai une dernière question.

[Traduction]

La présidente: D'accord, madame Lalonde. Brièvement.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Étant donné la sensibilité de toute la recherche génétique, est-ce qu'il ne faudrait pas qu'il y ait un débat, à un moment donné, pour qu'on fixe une limite, pour qu'on dise: on va jusque-là mais pas plus loin? Est-ce que l'insécurité ne vient-elle pas du fait qu'en ce moment, tout cela est flou? L'inquiétude s'ensuit.

[Traduction]

Mme Suzanne Hendricks (présidente, National Institue of Nutrition): D'accord. Je crois qu'il incombe à moi de répondre en français.

[Français]

C'est d'ailleurs ce qu'on propose. On a besoin d'un dialogue avec le public, mais il ne faut pas penser que le dialogue aura lieu une journée et que tout sera fini. Ce genre de dialogue et de transparence doit être continu, et c'est pourquoi on propose la création d'un comité consultatif qui ait une vision globale de la science, où on retrouverait des hommes de sciences, des hommes de loi et des spécialistes de l'éthique. Donc, vous voulez avoir des penseurs, des visionnaires, des gens qui ont du leadership et qui vont agir un peu dans ce contexte de champion. Il faut que la population soit capable de savoir qu'il y a chez nous des gens qui sont conscients du genre de société qu'on désire avoir et qui sont prêts à discuter de ces problèmes sociaux.

• 1050

Donc, c'est un facteur très important. Il faut qu'il y ait une transparence et il faut également que ce dialogue vise à informer le public. La qualité du dialogue dépendra beaucoup de la confiance que les gens auront dans les interlocuteurs et de la qualité de l'information qu'ils auront. Donc, c'est une chose qui doit être poursuivie constamment.

On parlait tout à l'heure de priorités. Je pense qu'il est essentiel d'avoir un tel groupe pour chapeauter toute l'action. Quand vous parliez tout à l'heure d'un champion, il m'est venu à l'esprit la question des grappes. En réalité, les gens qui ont donné naissance à ces grappes qui existent toujours, notamment en Saskatchewan, sont des gens qui se sont faits des champions de la biotechnologie. Aujourd'hui, on veut ajouter une autre dimension, qui est celle du rapport avec le public, pour débattre de ces questions.

On parle d'une conversation parce qu'il ne faut surtout pas polariser le débat. On parle d'une conversation publique pour faire évoluer la pensée et faire un choix de société ensemble.

La présidente: Thank you.

Monsieur Bellemare, s'il vous plaît.

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Ma question s'adresse à Suzanne Hendricks.

Votre comité recommande, à la page 83:

    ...que tous les organismes de réglementation compétents adoptent immédiatement...

Il semble y avoir un élément d'urgence.

    ...une attitude rationalisée, souple et coordonnée en ce qui concerne l'approbation réglementaire des nouveaux aliments et médicaments multifonctionnels qui satisfont aux normes de santé et de sécurité. Pourriez-vous m'expliquer cette recommandation? Pourquoi y a-t-il un élément d'urgence? J'aurai ensuite une sous-question.

Mme Suzanne Hendricks: La recommandation, en réalité, est qu'on ait un mécanisme qui permette que tout le processus réglementaire se poursuive d'une façon plus smooth, streamlined in a sense. Cela comprend aussi la possibilité que certains produits entrent dans une formule de fast track. On doit reconnaître qu'il y a différentes avenues qu'un produit peut emprunter à des fins réglementaires. Il doit y avoir une certaine uniformité entre les différents départements pour que les gens qui soumettent de nouveaux produits pour fins de revue réglementaire sachent exactement à quoi s'attendre. Notre expert juridique voudra peut-être apporter certaines précisions à ce sujet.

Brian.

[Traduction]

M. Brian Gray: La question ressemble beaucoup à celle de M. Schmidt concernant la convergence des produits pharmaceutiques et de la biotechnologie... La bioculture représente une certaine fusion des technologies agricoles et du domaine de la pharmaceutique. Nous avons la capacité de créer des produits pharmaceutiques dans des produits biologiques tels que des produits agricoles et les animaux, et de s'en servir pour créer des produits pharmaceutiques.

À cause de cette convergence de la technologie, il y a plusieurs ministères gouvernementaux qui peuvent réglementer ce type de bioculture, ce type d'aliments polyvalents, pour ainsi dire. Ils pourraient être réglementés en tant que drogues. Ils pourraient être réglementés en tant que produits agricoles. Il y a aussi une incidence sur le plan environnemental.

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Alors ce que nous demandons ici—et le gouvernement, qui examine la question à l'heure actuelle, le sait déjà—, c'est qu'il y ait une stratégie coordonnée visant ces produits non traditionnels, parce que nous estimons que si nous sommes les premiers à y arriver, cela nous donnera un avantage concurrentiel.

M. Eugène Bellemare: Étant donné que notre système d'étiquetage des aliments présente de grandes lacunes, d'après moi, quant aux aspects nutritifs—peut-être que vous pourriez répondre à cette question ou peut-être que ce serait mieux que ce soit la représentante de la National Institute of Nutrition—, si vous allez produire des aliments, le consommateur, au niveau du détail, ne devrait-il pas savoir que ce produit a été créé par l'entremise de la biotechnologie, et cela ne devrait-il pas figurer sur l'étiquette?

[Français]

Mme Suzanne Hendricks: Ce qui est très important à prise abord, et cela a été reconnu par le gouvernement canadien, c'est que lorsqu'il y a un risque à la santé, par exemple si, à la suite de la modification d'un aliment par la biotechnologie, cet aliment est susceptible d'être un allergène, ce produit doit nécessairement être étiqueté pour bien indiquer aux consommateurs qu'il peut y avoir un risque d'allergie.

De la même façon, si on modifie une huile, une plante quelconque ou un produit alimentaire et qu'en bout de ligne, le produit a une valeur nutritive différente de celle du produit d'origine, on reconnaît actuellement qu'il est essentiel d'indiquer sur l'étiquette la composition nutritionnelle du produit ou de donner des renseignements qui vont bien indiquer qu'on a affaire à un différent type de produit.

Maintenant, dans les autres cas, dans les cas où il n'y a pas de risque pour la santé, on préconise un étiquetage volontaire. On permet à un fabricant d'indiquer que ce produit contient des éléments qui proviennent du génie génétique ou, au contraire, de dire que ce produit n'en contient pas. C'est ce qu'on appelle la déclaration volontaire positive ou négative quand il n'y a pas de risque pour la santé. Dans un contexte de promotion de la confiance du public, il convient probablement d'inciter les fabricants à se prévaloir de ce mécanisme volontaire.

[Traduction]

La présidente: Je regrette, mais il faut lever la séance maintenant parce qu'il y a un autre groupe qui arrive. Je suis d'accord avec vous, on pourrait discuter longuement de ce sujet.

Je voudrais remercier le comité de sa participation aujourd'hui et d'avoir présenté le rapport d'une façon si complète. Nous allons tenir d'autres réunions à ce sujet, et les membres auront l'occasion de poser plus de questions à d'autres personnes. Encore une fois, je vous remercie, et on attend avec impatience le plaisir de travailler avec vous à l'avenir.

M. George Strachan: Merci, madame la présidente. Au nom des membres du comité, je vous remercie de votre attention et j'espère que vous jugerez bon d'appuyer nos recommandations pour conseiller le ministre à cet égard.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Strachan.

La séance est levée. Nous nous réunirons à nouveau cet après-midi à 15 h 30 pour parler d'un autre sujet.