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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 29 octobre 1998

• 0906

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): Collègues, nous pouvons commencer. Nous sommes un petit peu pressés.

Comme vous le savez, nous entamons ce matin nos délibérations sur le projet de loi C-42, qui propose des amendements à la Loi sur le tabac. Ces amendements sont au nombre de deux, mais nous avons convenu d'entendre toutes les parties intéressées qui auraient des observations ou des suggestions à nous faire.

Nous les avons divisées en trois panels. Notre premier panel aurait dû commencer il y a cinq minutes, avec les représentants de la Société canadienne du cancer et de Médecins pour un Canada sans fumée.

Nous allons vous les présenter tous dans un instant, mais auparavant, je vais donner la parole à Mme Caplan, qui veut faire une déclaration liminaire. Je sais qu'elle est impatiente de communiquer aux participants la position du gouvernement sur certaines de ces questions. Vous avez tout au plus cinq minutes.

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Merci beaucoup.

Le président: Nous allons commencer tout de suite et je vous couperai la parole dans cinq minutes exactement, madame.

Mme Elinor Caplan: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui au nom de la ministre de la Santé alors que nous entamons l'examen du projet de loi C-42, qui vise à modifier la Loi sur le tabac. Comme bon nombre d'entre vous le savez, nous venons de participer au débat en deuxième lecture, de sorte que je serai brève.

Je tiens à réitérer que de l'avis du gouvernement, le projet de loi C-42 renforcera la Loi sur le tabac adoptée par le Parlement. Cette mesure représente un autre pas en avant dans nos efforts pour contrôler une substance qui cause environ 40 000 décès précoces tous les ans au Canada. Cette initiative correspond à notre place parmi les leaders internationaux qui souhaitent contrôler la promotion du tabac.

Comme la plupart d'entre vous le savez, le principal objectif du projet de loi est d'établir un échéancier de cinq ans en vue de mettre fin à la commercialisation des produits du tabac par le biais de la commandite de diverses manifestations. Nous nous proposons d'atteindre cet objectif grâce à un processus de transition. Les activités qui se sont tenues avec le soutien de la commandite du tabac avant le 25 avril 1997 bénéficierait d'une période de deux ans, mais de deux ans seulement, sans être assujetties aux nouvelles restrictions relatives à la commandite.

Au cours des trois années suivantes, nous entendons resserrer sensiblement ces restrictions. Les sociétés de tabac sont autorisées à continuer de faire de la promotion sur les lieux de la manifestation ou de l'activité, mais tout autre type de publicité devra respecter la règle 90/10 imposée par l'actuelle Loi sur le tabac. Des conditions rigoureuses régiront la promotion non limitée au lieu de la manifestation ou de l'activité afin de limiter l'exposition des jeunes à ce marketing.

Dans cinq ans, la promotion du tabac par le biais de la commandite sera interdite. Les lieux et les noms des manifestations ne serviront plus de moyen peu subtil d'évoquer le tabac.

Ce projet de loi a été élaboré après de longues discussions avec toutes les parties intéressées. Nous avons entendu des représentants du monde des arts, des sports et d'autres groupes qui seraient touchés par ces changements. Ils nous ont fait savoir qu'ils avaient besoin d'échéanciers réalistes pour trouver d'autres commanditaires, et notre projet de loi reconnaît cette réalité.

Nous avons aussi entendu des représentants du monde de la santé. Les organisations en question sont en première ligne dans la bataille pour bâtir un Canada sans fumée. Je tiens en particulier à mentionner le travail de la Société canadienne du cancer, de Médecins pour un Canada sans fumée et de l'Association des droits des non-fumeurs. Tous ces organismes jouent depuis longtemps un rôle de chef de file pour convaincre les Canadiens d'éviter la consommation du tabac. Ils ont été un moteur puissant dans la campagne pour inciter les Canadiens à progresser dans la lutte contre le tabagisme.

Les organismes de promotion de la santé ont examiné la teneur du projet de loi. Ils comprennent nos objectifs et la façon dont nous comptons les atteindre. Je pense qu'ils appuient la direction que nous avons prise dans le C-42, c'est-à-dire l'interdiction de la commandite comme moyen de promouvoir la consommation du tabac. Cependant, nous savons qu'ils avaient des réserves.

Ils savent pertinemment que l'industrie du tabac a toujours été à la recherche de nouvelles façons de vendre ses produits à mesure que nous leur fermions certaines options par voie législative, comme nous le faisons en ce moment. Ainsi, les compagnies de tabac ont commencé à se servir de l'Internet pour faire le marketing de manifestations et d'activités au Canada, chose que nous n'aurions pas pu prévoir il y a trois ou quatre ans seulement.

• 0910

Dans ce contexte, la Société canadienne du cancer a identifié les amendements qu'elle souhaitait que l'on apporte à ce projet de loi. Et au cours du débat en deuxième lecture, je sais que certains députés de l'opposition ont exprimé leur appui à ces amendements.

Aujourd'hui, j'annonce, au nom du gouvernement, que nous sommes disposés à modifier le projet de loi pour répondre à trois de ces propositions.

Premièrement, nous proposons de préciser que le 1er octobre 1998 est la date du début de la transition prévue dans le projet de loi. Dans les faits, cela signifie que le compte à rebours de cinq ans est déjà commencé en vue de l'élimination de la publicité de commandite, si l'amendement et le projet de loi sont adoptés.

Deuxièmement, nous proposons que les seules manifestations ou activités qui bénéficient de droits acquis soient celles qui ont déjà fait l'objet de publicité au Canada. Bien que nous n'ayons jamais souhaité qu'il en soit autrement, ce changement précisera que des manifestations ne sauraient être déménagées des États-Unis ou de l'Australie au Canada et être considérées comme si elles avaient toujours eu lieu ici.

Troisièmement, nous proposons de maintenir uniquement les manifestations et activités ayant eu lieu au Canada au cours des 15 mois précédant le 25 avril 1997. Encore une fois, nous n'avons jamais eu l'intention d'autoriser que ces manifestations soient restructurées uniquement en raison de leur valeur à titre de véhicule de promotion du tabac. Cet amendement concrétise officiellement cette intention.

Dans les trois cas, il s'agit à notre avis de précisions. Ces précisions sont tout à fait conformes à l'intention du projet de loi et nous sommes heureux de les inclure maintenant.

La Société canadienne du cancer a proposé deux autres amendements: l'élimination de la publicité de commandite au point de vente et l'imposition d'un plafond de dépenses de commandite. Après examen, nous sommes arrivés à la conclusion que ces deux amendements posent des problèmes de faisabilité et d'applicabilité. Voilà pourquoi nous sommes impatients d'entendre ce que les témoins auront à dire au sujet de ces derniers. Nous espérons que le comité se penchera sérieusement sur l'incidence réelle de ces propositions.

En effet, l'expérience nous a appris qu'il y a des limites à ce que l'on peut obtenir par la voie législative et l'intervention gouvernementale directe.

Le gouvernement entend également recommander certains amendements au projet de loi C-42.

Vous vous rappellerez qu'en avril 1997, le gouvernement s'était engagé à répondre aux principales préoccupations des organisateurs de courses automobiles au Canada. Au cours de l'élaboration du projet de loi, nous avons adhéré à notre principe de traiter sur un pied d'égalité le monde des arts et des sports. Cet ajustement vise à actualiser le projet de loi C-41 pour qu'il s'adapte à l'évolution constante du sport automobile. Le libellé du projet de loi serait modifié afin d'élargir les critères permettant d'accorder que les droits acquis des participants s'appliquent non seulement à leur commandite personnelle mais également à celle des manifestations auxquelles ils prennent part. L'amendement fera en sorte de traiter équitablement tous les participants à une manifestation en particulier.

Depuis 25 ans qu'il existe des programmes et des politiques d'envergure dont le but est de contrôler la consommation du tabac, l'expérience nous a appris qu'il n'existe pas de solutions simples.

Monsieur le président, si vous pouviez m'accorder une autre minute pour terminer ma déclaration, je vous en serai très reconnaissante.

Le président: Vous n'avez qu'une minute.

Mme Elinor Caplan: Les facteurs qui amènent les jeunes à fumer sont complexes. Et les facteurs qui font que l'on s'abstient de fumer le sont tout autant. Nous savons donc qu'il n'est pas indiqué de mettre tous nos oeufs dans le panier législatif. Nous consacrons 100 millions à notre initiative de contrôle du tabagisme.

Le président: Madame Caplan, permettez-moi de vous interrompre une seconde. Je veux faire en sorte que nous comprenions tous vos propos, et vous allez un peu trop vite pour l'interprète.

Mme Elinor Caplan: Je ne faisais que suivre vos directives.

Le président: Je vous en sais gré. Il ne vous reste que 45 secondes. Inspirez profondément, je vous prie.

Mme Elinor Caplan: Nous avons lancé cette initiative de contrôle en novembre 1996 et nous avons commencé par y réserver 50 millions étalés sur cinq ans. Cet argent a été réservé pour des domaines comme la recherche, l'élaboration de politiques et de programmes et l'application de la loi.

L'éducation de la population était un autre volet important de l'initiative, un volet que nous considérons crucial. Nous avons réservé 50 millions supplémentaires pour le volet éducation de l'initiative au cours de la dernière campagne électorale. Nous avons réitéré cet engagement dans le Discours du Trône.

D'entrée de jeu, nous savions que pour utiliser de façon optimale ces ressources, nous aurions besoin de la collaboration des instances provinciales, territoriales, communautaires et des organisations non gouvernementales.

Monsieur le président et membres du comité, nous avons tenu des consultations très vastes auprès des autres ordres de gouvernement et de groupes qui partagent notre volonté de créer un Canada sain et sans fumée. Nous allons d'ailleurs élaborer et mettre en oeuvre les éléments de notre campagne de sensibilisation de la population en collaboration avec ces intervenants.

Après avoir appliqué des programmes antitabac pendant de nombreuses années, nous disposons d'un volume imposant de renseignements quant aux outils qui semblent donner des résultats. Ces années nous ont appris que la lutte contre le tabagisme est un processus graduel qui exige une intervention dans de nombreux domaines. C'est une bataille valable, une bataille qui peut nous aider à réduire la consommation de tabac aujourd'hui et le nombre de maladies et de décès précoces pour les années à venir.

• 0915

Nous estimons que le projet de loi C-42 est l'une des nombreuses contributions valables à cet effort, et j'ai hâte de prendre connaissance des conclusions de l'étude de votre comité.

Merci, monsieur le président.

Le président: Madame Caplan...

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le président, avons-nous des exemplaires de cela? Il s'agit d'une série de questions plutôt complexe. Avons-nous un résumé des mesures du gouvernement?

Le président: Monsieur Hill, laissez-moi tout d'abord remercier Mme Caplan de nous avoir présenté son exposé aujourd'hui. Je suis sûr qu'elle fera en sorte que tout le monde en ait des exemplaires. Si ce n'est pas possible d'ici la fin de la séance, des exemplaires nous seront certainement distribués par l'entremise du greffier avant la fin de la journée.

Pourriez-vous faire tous les efforts en ce sens, madame?

Mme Elinor Caplan: Je pourrais vous laisser cet exemplaire maintenant, mais il est tout annoté. Je vais essayer de vous en obtenir un autre.

Le président: Vous pourriez peut-être demander à votre personnel de nous en préparer d'ici la fin de la journée. Merci.

Je voudrais maintenant présenter les gens qui sont à la table. Nous avons fait un petit ajustement à la demande de l'un des participants du prochain panel qui a certaines contraintes de voyage.

Je vais utiliser ma prérogative pour prolonger quelque peu la prochaine heure, non seulement pour reprendre 15 minutes que nous avons perdues, mais aussi pour tenir compte du fait que M. Gilles Lépine, de

[Français]

la Fédération québécoise du sport étudiant

[Traduction]

fera partie de ce panel-ci, et non du prochain.

[Français]

Madame, avez-vous quelque chose à dire avant que je fasse les présentations?

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Je me demandais s'ils avaient présenté un mémoire et si on l'avait distribué.

Le président: Il y a un petit problème qui se présente. Je pense que les témoins d'aujourd'hui ont présenté un mémoire, mais pas nécessairement dans les deux langues officielles. Si quelqu'un présente un mémoire dans une seule langue, on peut l'avoir à notre disposition sur la table, mais on fera tout en notre pouvoir pour en distribuer une traduction plus tard.

Mme Pauline Picard: D'accord.

[Traduction]

Le président: S'il y en a un exemplaire dans les deux langues officielles, nous le distribuerons nous-mêmes. Si le document n'est que dans une seule langue, il sera à l'arrière de la salle.

Nous accueillons M. Rob Cunningham, de la Société canadienne du cancer, Mme Cynthia Callard, directrice exécutive de médecins pour un Canada sans fumée et M. Gilles Lépine, de la Fédération québécoise du sport étudiant.

Je vous remercie tous d'être venus comparaître malgré le court préavis. Je sais que certains d'entre vous avez envoyé des mémoires aux membres du comité. Voici comment nous procédons: nous vous demandons de faire une brève déclaration résumant votre point de vue—vous avez environ cinq minutes—et ensuite, nous passons immédiatement aux questions et réponses.

Monsieur Cunningham, vous avez les cinq premières minutes.

[Français]

M. Rob Cunningham (analyste principal des politiques, Société canadienne du cancer): Merci, monsieur le président et à vous, membres du comité, au nom des bénévoles de la Société canadienne du cancer d'un bout du pays à l'autre, pour l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de faire entendre notre voix quant au projet de loi C-42.

Notre position sur ce projet de loi comporte deux volets. Premièrement, nous appuyons fortement l'interdiction totale de la publicité associée aux commandites sur une période de cinq ans. C'est une amélioration importante de la Loi sur le tabac, comparativement aux dispositions qu'elle contient à l'heure actuelle.

Deuxièmement, nous nous opposons fortement à ce qu'on accorde de nouveaux délais pour les restrictions sur les commandites. Il serait injustifié, selon nous, de changer la date du 1er octobre 1998 pour une date ultérieure.

[Traduction]

La publicité de commandite est la forme la plus pure de publicité sociétale. En 1995, la Cour suprême du Canada a statué à l'unanimité qu'il était justifié, aux termes de la Charte, d'imposer un moratoire intégral sur la publicité sociétale des produits du tabac en raison de leur consommation accrue. Dans le contexte de la publicité de commandite, nous ne voyons que des visages associés à des défilés de mode, à une course automobile, à un concert de musique rock ou à d'autres manifestations. Il n'y a aucune information commerciale, aucune information sur le produit qui est fourni au consommateur.

L'Organisation mondiale de la santé recommande une interdiction totale. D'autres pays l'ont déjà fait, notamment la France, la Belgique, la Finlande et la Nouvelle-Zélande, et il faut ajouter à la liste l'Union européenne.

• 0920

Les dirigeants de compagnies de tabac affirment qu'il n'y a aucune preuve que la publicité et la commandite accroissent la consommation. Voilà pourquoi nous avons préparé à votre intention et à celle de vos collègues parlementaires notre document intitulé «Compilation de données choisies concernant l'incidence de la promotion et de la publicité du tabac: Mémoire destiné aux parlementaires aux fins de leur examen du projet de loi C-42, loi modifiant la Loi sur le tabac».

La somme d'informations est considérable: une commission royale, des comités, des groupes de travail, les rapports du Surgeon General des États-Unis, des rapports d'experts, des données empiriques, des études publiées et des conclusions de conférence. Je vous recommande la lecture de ce document.

En ce qui a trait aux amendements, nous avons fourni au greffier un document—et je crois qu'on est en train de vous le distribuer—qui renferme les amendements que nous recommandons d'apporter au projet de loi C-42, dans les deux langues officielles. Nous avons rédigé ce texte, ainsi que les amendements dans les deux langues officielles, et pour ce qui est de la documentation que nous avons fournie, elle est en anglais et en français, selon la langue originale de publication.

Je remercie le gouvernement d'avoir annoncé aujourd'hui par l'entremise de la secrétaire parlementaire du ministre de la Santé qu'il appuyait certains des amendements que nous avons proposés et que nous vous avions soumis. Il s'agit d'amendements qu'un certain nombre d'autres membres du comité ont appuyés à l'étape du débat en deuxième lecture du projet de loi.

En conséquence, je vais maintenant me consacrer aux autres amendements. À la recommandation 3 du document, nous recommandons l'imposition d'un plafond sur les dépenses de commandite au cours de la période de transition. Il serait inopportun pour une compagnie de tabac d'augmenter ces dépenses pour accroître encore davantage la dépendance de divers groupes de la population et élargir encore davantage le champ de la publicité de commandite.

En juin 1998, à l'unanimité, l'Assemblée nationale du Québec a intégré à sa propre loi sur le tabac un plafond à l'égard des dépenses de commandite, et nous pensons qu'il serait bon d'appliquer une disposition analogue dans l'ensemble du Canada.

Passons maintenant à la recommandation 4, l'élimination de la publicité de commandite aux points de vente au cours de la période transitionnelle. En 1996, les compagnies de tabac faisaient de la publicité directe. Elles ont simplement retiré la publicité de commandite aux points de vente pour la transférer dans le volet publicité directe, et la commandite de manifestations et d'activités s'est poursuivie comme avant. Il n'est pas nécessaire qu'elles fassent de la publicité au magasin du coin ou chez le dépanneur pour faire la promotion d'une activité commanditée. Nous recommandons d'adopter cet amendement pour atténuer l'incidence de la période de transition.

De même, à la recommandation 5, nous recommandons qu'au cours de la période de transition, on interdise la publicité de commandite sous forme de vente de produits autres que le tabac, comme les t-shirts. Il n'est pas nécessaire de vendre des t-shirts pour convaincre les gens d'assister à une manifestation ou activité quelconque.

On n'a pas besoin d'embaucher des personnalités pour faire de la publicité de commandite. On n'a pas besoin non plus de faire de la publicité trompeuse. On peut interdire cela tout aussi bien au cours des deux premières années de la période transitionnelle.

Par le biais de la recommandation 6, nous souhaitons restreindre la portée de l'article 4 du projet de loi qui, à l'heure actuelle, s'applique à l'ensemble des manifestations commanditées. Pour en revenir à la lettre du 17 avril 1997 du ministre de la Santé de l'époque, M. David Dingwall, qui portait sur la course automobile, nous sommes contre un amendement qui prolongerait la période au cours de laquelle la commandite de la course automobile—ou pire encore, de toutes les manifestations—serait autorisée. L'amendement en question limite la prolongation à la course automobile.

En résumé, vous avez en main notre mémoire et nos propositions d'amendement. Nous recommandons aux membres du comité, au moment de l'étude article par article, de voter en faveur des articles 1, 2 et 3 du projet de loi et de voter contre l'article 4. Étant donné les amendements qui seront acceptés, d'après ce qu'on nous a dit, l'article 5 sera redondant.

Je vous remercie de votre temps.

Le président: Je vous félicite d'avoir très scrupuleusement respecté votre temps de parole. Merci.

Madame Callard.

Mme Cynthia Callard (directrice, Médecins pour un Canada sans fumée): Je remercie le comité de nous avoir invités. Je me trouve dans une situation plutôt inhabituelle. En effet, je travaille pour un organisme de médecins et je suis la seule personne associée au groupe qui n'est pas médecin, ce qui n'est pas idéal. Je suis ici pour avancer trois arguments.

• 0925

Premièrement, je voudrais expliquer notre position. Il est plutôt curieux que des gens qui partagent l'objectif d'améliorer la santé publique, la santé individuelle, ne s'entendent pas sur les moyens à prendre pour le réaliser. Nous ne sommes pas d'accord avec le ministre de la Santé. À notre avis, le projet de loi C-42 ne renforce pas la Loi sur le tabac. Au contraire, il l'affaiblit. Le projet de loi représente deux pas en arrière, une pause de cinq ans et ensuite, un pas en avant. Mais même ce pas en avant, qui est nécessaire, ne suffira pas à mettre un terme à la promotion du tabac. Par conséquent, nous n'avons guère confiance qu'il nous permettra de réaliser notre objectif de réduire la promotion du tabac. D'ailleurs, j'y reviendrai à la fin de mon intervention.

Quels sont les reculs? Si le projet de loi C-42 était rejeté par le comité, partout au pays, dans les 40 000 à 60 000 dépanneurs qui existent, les publicités faisant la promotion du tabac, la promotion de commandites, l'utilisation de coureurs automobiles, de navigateurs en eau rapide, etc., tout cela serait illégal. On les retirerait de la circulation. Tous ces panneaux d'annonces seraient illégaux. On les supprimerait. Si le projet de loi C-42 était rejeté par le comité aujourd'hui ou par la Chambre ultérieurement, sur les sites de manifestations commanditées par les compagnies de tabac, la promotion du tabac serait limitée au 10 p. 100 inférieur des panneaux publicitaires. Or, cela ne se verra pas sur les lieux des manifestations avant cinq ans.

Pourquoi est-ce important? Parce que le site d'une manifestation, c'est bien souvent la ville entière. Le site du festival de jazz Du Maurier, c'est tout le centre-ville de Montréal. Pour ce qui est de l'emplacement des festivals de feux d'artifice, c'est toute la côte du lac Ontario, les rives du Saint-Laurent à Montréal et le bord du littoral à Vancouver. C'est un vaste territoire que l'on pourrait interdire à la commandite du tabac. Il s'agit là des régions les plus densément peuplées du pays. Or, la promotion du tabac par voie de commandite ne sera assujettie à aucune restriction sur ce territoire pendant cinq ans.

Mais je tiens surtout à ce que votre comité ou une autre instance se penche sérieusement sur le problème du tabagisme. La dernière étude fouillée menée par des parlementaires ou par des représentants du gouvernement fédéral remonte à 10 ans. Soit dit en passant, la cigarette est non seulement la principale cause de décès au Canada, mais également la troisième grande cause de décès évitable.

L'autre raison pour laquelle ce graphique est pertinent, c'est qu'il justifie que l'on porte atteinte aux droits commerciaux de certaines organisations et aux droits juridiques d'autres entités. Au Canada, nous adhérons au principe qu'il est justifié dans certains cas de prendre des mesures extrêmes. Ainsi, pour prévenir les accidents de la route, on fait retomber le fardeau de la preuve sur la partie adverse en cas de conduite avec facultés affaiblies. Pour empêcher les meurtres, nous donnons aux autorités pénales de vastes pouvoirs. J'estime que pour prévenir les décès liés au tabagisme, nous devrions être prêts à envisager certaines mesures extrêmes, notamment à interdire la publicité, à entraver le droit à la liberté d'expression prévu dans la charte et à affirmer qu'en l'occurrence, ce ne sont pas des droits que notre société veut respecter.

Je voudrais également vous faire une brève leçon d'histoire. Il y a 10 ans, j'ai comparu dans cette salle de comité, dans la salle 309 de l'Édifice de l'Ouest et dans des tas d'autres salles, à l'époque où le Parlement examinait le projet de loi C-51, Loi réglementant les produits du tabac.

Le graphique que je vous ai montré mesure les dépenses de publicité pour le tabac dans une étroite gamme de médias: panneaux-réclames, télévision, journaux et magazines. Cela n'englobe pas la promotion au détail, l'Internet, le publipostage, les bars ou les cadeaux. Cela n'englobe pas des tas de choses. Mais c'est un étalon qui, tout en étant incomplet, est constant sur une longue période.

En 1988, le Parlement a adopté la Loi réglementant les produits du tabac et a introduit une interdiction graduelle des panneaux réclame étalés sur trois ans. Comme vous le voyez, en 1990, la publicité du tabac avait énormément diminué. En 1995, au moment où la Cour suprême s'apprêtait à rendre sa décision, la publicité avait légèrement augmenté. Dans l'année suivant la décision de la Cour suprême, elle a doublé.

Il a fallu un an, en fait 18 mois, après cette décision pour faire adopter la Loi sur le tabac. Que s'est-il passé après la Loi sur le tabac? Il semble que la publicité du tabac ait augmenté. Les chiffres que je donne pour 1998 représentent le double des résultats des six premiers mois de l'année. Nous avons seulement les données pour les six premiers mois. Il y a des raisons de croire que c'est une bonne mesure, parce qu'en 1995, dans une étude semblable, nous avons mesuré la première moitié de l'année et, à la fin de l'année, les chiffres avaient effectivement doublé. Il y a donc de bonnes raisons de croire que c'est une prévision valable.

Il y a certains types de publicité qui ont connu une augmentation, par exemple les commandites. L'objet du projet de loi C-42 et les exemptions prévues au projet de loi C-71 pour les commandites est-il de protéger les événements commandités? Protégeons-nous le statu quo? Je réponds non, vous ne protégez pas le statu quo; vous faites pencher la balance. Les commandites continuent de croître. Il n'y a aucune raison de croire qu'au cours des deux prochaines années ou des cinq prochaines années, cela va diminuer, que nous nous trouvons simplement à plafonner cette activité à un certain niveau.

Même le fait d'accorder des droits acquis à certains événements ne constitue pas un plafonnement, parce que les compagnies vont simplement injecter plus d'argent dans ces événements qu'elles ne le faisaient il y a cinq ou 10 ans. Et même cette disposition sur les droits acquis n'est pas très rigoureuse. Il y a la disposition Jacques Villeneuve, pour reprendre l'expression de la secrétaire parlementaire, qui stipule que, même si Jacques Villeneuve ne courait pas pour Rothmans avant l'introduction des droits acquis, nous allons lui permettre de continuer de le faire et de promouvoir les cigarettes Winfield, lesquelles, comme quiconque habite Montréal le sait, ont été lancées sur le marché à grand renfort de publicité au printemps quand la Formule I était en ville.

• 0930

Mais voici l'un des graphiques les plus troublants. En 1972, à la suite des pressions exercées par John Munro, qui était alors ministre de la Santé et qui a déclaré qu'il présenterait un projet de loi qui éliminerait toute publicité, l'industrie du tabac a dit, «Vous n'avez pas besoin de faire cela. Nous avons un code volontaire et nous sommes même prêts à retirer toute notre publicité de la radio et de la télévision». Et elle l'a fait. Pendant une génération, il n'y a eu aucune publicité à la radio ou à la télévision.

Mais voyez ce qui s'est passé, même depuis l'adoption de la Loi sur le tabac. La quantité de publicité a bel et bien diminué, mais il y en a encore. Cela prend la forme d'invitation du genre «Venez vous amuser au festival de feux d'artifice Benson and Hedges!» Ou bien on présente une image de la voiture Rothmans qui roule à fond sur un circuit, avec la légende «La Formule I, la course à son meilleur!» Mais il y a aussi le mot Rothmans, il y a l'image et l'association qui se fait dans l'esprit des enfants, c'est qu'il y a là quelque chose qu'ils voudraient bien vivre et connaître.

Nous sommes très préoccupés par la publicité extérieure. Au début de la décennie, la publicité extérieure avait diminué. Depuis, il y a augmentation. Ce graphique mérite réflexion. C'est dans la documentation que je vous ai fait distribuer.

Santé Canada ne fournit pas de données annuelles sur le taux de tabagisme parmi les jeunes. Les colonnes rouges représentent les taux de tabagisme chez les jeunes, d'après la compagnie de tabac RJR Macdonald. Je suppose qu'ils savent de quoi ils parlent. Vous avez ici le taux de promotion. Vous pouvez voir qu'à chaque année où la publicité du tabac a diminué, le tabagisme a également diminué chez les jeunes de 19 à 24 ans, le groupe d'âge le plus jeune que l'on ait mesuré. À chaque année sauf une, lorsque la publicité du tabac augmente, le taux de tabagisme augmente également.

Je ne dis pas qu'il y a là un rapport de cause à effet, mais je dis que c'est une statistique troublante. Et j'espère que vous examinerez les éléments de preuve que mon collègue de la société du cancer a apportés. J'invite le comité ou quelqu'un à examiner ce problème de façon plus approfondie que nous ne pouvons le faire dans les 10 minutes que l'on nous accorde pour énoncer notre position.

Que je sache, personne n'est mort d'avoir mangé des aliments naturels. Ce dossier a été étudié pendant un an. Quarante milles personnes meurent, et nous obtenons quelques jours d'audience. C'est préoccupant.

En bref, voici la publicité à l'époque où il n'y avait aucune loi. Voici la publicité sous le régime de la Loi réglementant les produits du tabac. Ici, la publicité après qu'on eut remplacé la Loi réglementant les produits du tabac par un code d'application volontaire—pas de personnes humaines, avertissement santé. Ici, la publicité après l'entrée en vigueur de la Loi sur le tabac: personnes humaines, publicité sociétale, pas d'avertissement santé. C'est ce panneau réclame que le C-42 va protéger. Si le C-42 était rejeté, ce panneau réclame et tous les autres du même genre seraient enlevés partout au Canada. C'est pourquoi nous sommes contre le projet de loi.

Mais voici pourquoi je n'ai pas confiance en ce pas en avant qu'on est censé faire dans cinq ans. Le gouvernement affirme que dans cinq ans, cette publicité-ci sera interdite. On ne pourra plus faire une telle réclame.

Mais il y a une autre disposition du projet de loi C-71, la Loi sur le tabac, que l'on peut utiliser dès maintenant. Il n'y a aucune restriction sur la publicité relative aux biens et services—-on peut leur donner des noms de produits du tabac—pourvu que ces publicités ne s'adressent pas aux jeunes et ne soient pas associées à un mode de vie.

Donc, si l'on veut vendre de l'assurance-automobile, qui ne s'adresse pas aux jeunes, ou bien si l'on veut vendre de la mayonnaise, et c'est l'exemple que Santé Canada utilise actuellement—et ils n'ont pas trouvé de solution à cela—et si l'on veut vendre par exemple des investissements dans les valeurs mobilières ou bien des services de messagerie, on peut annoncer tout cela en affichant de belles photos de gens qui font toutes sortes de choses passionnantes; il n'y a aucune interdiction.

Je crains donc—et, après avoir suivi l'industrie du tabac pendant cinq ans, je crois que c'est une crainte réaliste—qu'ils vont en profiter pendant les cinq prochaines années pour se lancer dans d'autres secteurs. Ils ont déjà utilisé à fond les commandites—vous avez vu le graphique—pour contourner la loi précédente, et ils vont maintenant utiliser d'autres domaines d'activité pour contourner cette loi-ci.

C'est pourquoi notre position est que nous n'appuyons pas le projet de loi et que nous espérons que le C-42 sera modifié pour n'en retenir que la restriction après cinq ans. Et ensuite, que le comité examine les véritables questions que soulève la publicité du tabac, le tabagisme chez les jeunes et les taux de mortalité et de morbidité qui y sont associés, et que le comité fasse des modifications sérieuses à la législation sur le tabac, au lieu de faire de simples retouches ici et là pour satisfaire les demandes des organisations sportives et artistiques et de l'industrie du tabac.

Merci.

Le président: Merci, madame Callard. Vous avez dépassé un peu votre limite de temps, mais je ne voulais pas vous interrompre en plein milieu de votre exposé. Je voudrais toutefois apporter brièvement une précision. En toute justice pour le comité, il faut rappeler que ses membres ont consacré beaucoup de temps à l'étude de toutes les questions entourant le C-71.

[Français]

Monsieur Lépine.

M. Gilles Lépine (directeur, Fédération québécoise du sport étudiant): Merci, monsieur le président, et merci à vous, membres du comité, d'avoir bien voulu nous recevoir. Vous comprendrez que moi aussi, comme les autres témoins, j'ai dû réagir rapidement pour me présenter ici ce matin.

J'ai déposé à l'arrière un document de présentation, malheureusement uniquement en français, mais il est abondamment illustré, ce qui rend très facile à traduire le message qu'il contient et que j'ai à passer.

• 0935

Je suis ici à titre de porte-parole du réseau Le Sport étudiant, qui regroupe l'ensemble des écoles primaires, secondaires, collégiales et universitaires du Québec. Vous imaginez le nombre que cela représente. Finalement, cela inclut toute la jeunesse québécoise. Le Sport étudiant a la mission d'éduquer les jeunes par le sport, donc le sport, la santé, etc.

Nous luttons férocement depuis quatre ans afin de prévenir le tabagisme chez les jeunes. Vous avez peut-être été comme moi alertés par ces statistiques alarmantes, épidémiques, qui indiquent qu'on retrouve maintenant plus de 38 p. 100 de jeunes qui fument, ce qui est le double d'il y a quatre ans.

Nous avons vraiment l'impression de lutter avec un tire-pois contre des bazookas. Les gens de l'industrie ont des ressources quasi illimitées, des gens qui font des pressions sur vous et sur d'autres dirigeants pour continuer à faire la promotion de leurs produits mortels. On sait que 90 p. 100 des jeunes qui fument ont commencé à fumer avant l'âge de 19 ans. L'impact est très fort, particulièrement chez les jeunes de 12 et 13 ans. On entend même maintenant dire qu'à l'âge de 13 ans, ils sont perdus. Il nous faut donc maintenant travailler avec les jeunes de 10 ou 11 ans.

Dans le document que je vous ai soumis ce matin, vous verrez des images aussi alarmantes que celle-ci: une jeune fille de 10 ou 12 ans qui est en train de fumer. C'est malheureusement banalisé, malheureusement accepté. Elle ne pourrait pas consommer d'alcool, cependant, car elle serait pratiquement arrêtée immédiatement. C'est la façon, pour un jeune, de se sentir grand.

Je ne veux surtout pas revenir sur ce qui a été dit, car je suis tout à fait en accord. M. Cunningham est certainement beaucoup plus habilité que moi pour exprimer des critiques appropriées sur la loi comme telle. Il ne faut pas affaiblir la loi. Il ne faut pas donner encore plus d'armes aux fabricants de tabac pour atteindre nos jeunes. Ils le font de façon admirable, et je les félicite pour leur action de marketing, bien que je les critique et que j'aie envie de les pendre pour leur action nocive pour notre société.

Donc, comme je le disais tout à l'heure et comme j'en fais état dans le document, chez les jeunes, le nombre de fumeurs a doublé. C'est une situation critique et alarmante, selon nous. Nous avons fait une étude au printemps dernier auprès de 3 931 jeunes du primaire, de 5e et 6e années, dans notre région particulièrement, dans 42 écoles, et nous avons constaté entre autres un phénomène bien intéressant. Pour les jeunes, les vedettes les plus importantes sont d'abord celles de notre sport national, le hockey. Elles viennent en tête de liste. Bravo! Mais qui se classe devant Michael Jordan? Jacques Villeneuve. Jacques Villeneuve est plus populaire que Michael Jordan.

Je suis dans le sport étudiant depuis 20 ans. Je vois des paniers de basket-ball à tous les coins de rue et, dans tous les gymnases, des jeunes qui jouent et qui se font aller dans ce sport-là. À ce jour et à ce que je sache, nous n'avons jamais organisé de compétitions scolaires de formule 1, mais c'est un sport très répandu, très populaire auprès des jeunes, qui a un impact incroyable. Alors, lorsqu'on vous dit que la formule 1 ne touche pas les jeunes, n'en croyez rien. Moi, j'en vois l'effet l'effet direct. Le sport numéro 1 dans les écoles, le basket-ball pratiqué partout, vient en troisième, derrière la formule 1, avec tout l'impact médiatique de cette dernière, où l'on voit Jacques Villeneuve, notre héros national au Québec, arborer le slogan «Fumer, c'est bon pour vous».

S'il fallait que tous les joueurs du Canadien de Montréal et des Maple Leafs de Toronto portent un chandail aux couleurs de Marlboro, ce serait peut-être un objet de scandale. Mais cela se fait actuellement et c'est ce qui se passe.

On nous berne. On nous fait croire que cela ne touche pas les jeunes alors que cela les touche très certainement. Cela les fait commencer de plus en plus tôt. Et ce qui est plus pernicieux, c'est que cela rend normal à leurs yeux le fait de pouvoir se procurer du tabac, des cigarettes, quelque chose qui, normalement, est illégal pour eux.

Je ne veux pas m'étendre inutilement là-dessus. Nous avons adopté une position ferme là-dessus. Nous tentons de l'étayer à l'aide de chiffres précis. Nous tentons de vous faire comprendre à vous, dirigeants qui nous représentez comme citoyens, qu'il ne faut pas affaiblir la loi, qu'il ne faut pas ouvrir les vannes, qu'il ne faut pas laisser le champ libre aux compagnies de tabac et leur permettre d'augmenter et de poursuivre leur action directement dirigée vers les jeunes. Ils ont besoin, chaque année, de 45 000 nouveaux poumons et ils les recrutent chez les jeunes. C'est un langage que vous entendrez beaucoup et je n'ai pas fini, comme bien d'autres, de le répéter.

Je souscris tout à fait à ce qui a été dit, à savoir qu'il doit y avoir des dates limites. On se doit de respecter ce qu'a apporté de nouveau la Loi C-71. Continuez dans ce sens-là et ne diminuez pas les pouvoirs de la loi. S'il vous plaît, au nom de tous les jeunes—vous en avez et j'en ai—, n'affaiblissez pas la Loi C-71. Au contraire, faites que l'impact médiatique des compagnies de tabac soit un peu moins fort. Faites qu'on soit un peu mieux équipés pour faire face à la musique, pour éduquer nos jeunes, ce qui est difficile à réussir, entourés que nous sommes par la télévision et la publicité qui nous entourent.

Je terminerai en vous racontant une anecdote. Je vois dans ma ville, à Québec, la publicité du vélo de montagne, affichée six mois avant l'événement qu'on a mentionné plus tôt et qui reste là deux mois après. On se demande pourquoi et sur quoi porte cette publicité quand on voit ce gros A majuscule. Vous pouvez être certains que les jeunes ne sont pas plus bêtes que vous et moi; ils l'associent à la cigarette.

• 0940

Il ne faut pas croire que les jeunes sont plus imbéciles qu'ils ne le sont. Ils sont très bien sondés par les gens de cigarette. On les exploite comme il le faut. En plus de banaliser le fait de fumer, on incite maintenant les jeunes à fumer en se servant du sport. Franchement, je dois vous dire que mon âme de sportif en est piquée au vif. Associer le sport, symbole d'activité physique et d'une meilleure condition physique, au tabac qui tue, cela me révolte. Vous savez que le tabac tue, en un an, plus de gens qu'il n'y a eu de soldats de tués au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

C'est ce que je voulais vous dire. J'espère que mes propos vous auront sensibilisés au problème. J'espère vous avoir éclairés et incités à prendre les meilleures décisions pour nous et pour nos enfants. Merci.

Le président: Merci, monsieur Lépine.

[Traduction]

Je vais immédiatement passer aux questions de la part de vos collègues autour de la table. Par simple courtoisie envers M. Lépine, qui a un avion à prendre à 10 h 30, je crois, je demanderais aux gens qui ont des questions aux divers membres du panel de poser en premier les questions qui s'adressent à M. Lépine. Ensuite, il pourra s'en aller. Autrement, la conversation pourra couler librement.

Monsieur Lépine, n'hésitez pas à partir quand vous jugerez devoir le faire.

Monsieur Hill.

M. Grant Hill: Merci.

La position du gouvernement est que ce projet de loi renforce la Loi sur le tabac, et c'est justement ce que Mme Caplan nous a dit ce matin. Je voudrais vous demander, à chacun d'entre vous, ce que vous en pensez: si les modifications proposées par le gouvernement sont adoptées, ce projet de loi renforcera-t-il la Loi sur le tabac d'une manière quelconque? Je suis tellement catégoriquement en désaccord avec cette position que je voudrais vous demander si, à votre avis, ceci renforce la Loi sur le tabac. Je pose donc la question à chacun d'entre vous et vous demande de répondre en deux mots: cette mesure rend-elle la loi plus sévère?

M. Rob Cunningham: À court terme, non. À long terme, oui, après cinq ans.

Mme Cynthia Callard: À court terme, cela l'affaiblit énormément. Cinq ans, c'est plus que le court terme. Dans cinq ans, cela renforcera la loi, mais en fait, je pense qu'il faut adopter d'autres lois et que nous avons le temps de les adopter avant cette amélioration prévue dans cinq ans.

[Français]

Le président: Monsieur Lépine.

M. Gilles Lépine: Je partage exactement le même point de vue. Même plus tard, dans cinq ans, on devra continuer et prévoir d'autres mesures. Ils ont des experts en marketing beaucoup plus forts que vous et moi et ils vont sûrement trouver une autre façon de contourner la loi. Il nous faudra vraiment rallier toutes les forces vives du gouvernement et du monde de la santé pour trouver de nouveaux palliatifs dans cinq ans. Pour le court comme pour le long terme, ma position est la même que celle de mes collègues.

[Traduction]

M. Grant Hill: Le deuxième énoncé que j'ai entendu est que ce projet de loi va au moins nous amener à hauteur des autres pays. En fait, j'ai entendu dire que cela nous mettra à l'avant-garde mondiale. Que pensez-vous de notre position dans le monde, si l'on examine ce que font les autres pays en matière d'interdiction du tabac?

M. Rob Cunningham: Strictement pour la commercialisation du tabac, nous ne serions pas à l'avant-garde mondiale. D'autres pays ont interdit totalement la publicité, la promotion et les commandites. Aux termes de la Loi sur le tabac, la publicité serait encore autorisée.

Mme Cynthia Callard: Le Canada fait mieux que beaucoup d'autres pays, mais il a beaucoup de retard par rapport aux autres pays anglo-saxons, à l'exception de la Grande-Bretagne. Il se situe derrière l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Norvège et la France, qui n'est pas en fait un pays anglo-saxon, mais qui a beaucoup d'avance.

[Français]

Le président: Monsieur Lépine, quelle est votre position?

M. Gilles Lépine: Quand on se compare à d'autres pays, je pense à la façon dont cela se passe en Australie, où il existe un fonds consacré à la promotion de la santé pris à même les sous des fabricants de tabac. Nous avons fait la même tentative lors d'un championnat provincial scolaire. Nous avons tenté de faire la promotion de la santé par des événements sportifs, donc de retourner la situation. J'aimerais beaucoup mieux voir Jacques Villeneuve arborer le slogan «Le lait, c'est franchement meilleur», ou bien consommer des trucs bons pour la santé.

Si vous me demandez mon opinion, je trouve que nous sommes en retard par rapport aux autres pays, par rapport à des gens qui ont compris depuis longtemps qu'on se doit de renverser la vapeur.

M. Grant Hill: Monsieur Lépine, si on fait la comparaison entre les lois québécoise et canadienne, si le projet de loi est accepté, quelle loi sera la plus vigoureuse?

M. Gilles Lépine: La loi québécoise est actuellement beaucoup plus forte que ne peut l'être la loi fédérale, sous bien des aspects. Mais il ne faudrait pas permettre que la loi québécoise ou la loi fédérale existante soient affaiblies par certains amendements qui seraient apportés. C'est là qu'il faut faire attention.

Je ne suis pas avocat de formation, mais il faut bien se garder d'affaiblir ce que le Québec a fait d'intéressant, de très probant dans le milieu, pour la santé et ce qu'a de très bon la Loi C-71. C'est à cet égard que j'ai des craintes. C'est par rapport à la publicité qui s'adresse aux jeunes. Je n'aimerais certainement pas prêter le flanc à de nouvelles attaques de la part de ces gens.

M. Grant Hill: Merci.

• 0945

Le président: Thank you, Mr. Hill. Madame Picard.

Mme Pauline Picard: Je voudrais intervenir pour dire qu'au Québec, après deux ans, il y a interdiction totale et qu'on a créé un fonds de compensation. Ce qui se passe, à l'heure actuelle, c'est que les organisateurs d'événements sportifs et culturels ont le choix entre se soumettre, après deux ans, à la loi québécoise et se soumettre à la loi fédérale, qui les oblige à respecter la règle du 10 p. 100 de publicité.

On m'a dit que les organisateurs d'événements sportifs et culturels, chez nous au Québec, étaient beaucoup plus intéressés à se soumettre à la loi provinciale. Ils ont déjà commencé à se trouver des commanditaires. Je pense que c'est le Festival Juste pour rire et l'Omnium du Maurier, au tennis, qui vont peut-être être commandités par Hydro-Québec. C'est donc en train de s'organiser, à ce qu'on m'a dit.

Je voulais aussi dire à M. Cunningham et à Mme Callard que j'ai vu dernièrement quelque chose qui m'a vraiment fait sursauter. Je sais que les gens de la génération des baby-boomers, surtout les femmes et les jeunes, ont commencé à fumer en prenant leurs modèles à la télévision, par exemple une jeune femme tenant un fume-cigarettes. Cela faisait bien, cela faisait in, cela se faisait dans les grands salons.

Je suis tout à fait d'accord avec vous en ce qui a trait à la publicité. C'est sûr qu'elle devrait disparaître de la planète. Ce serait vraiment l'idéal. Mais, même dans ce cas... Vous nous avez beaucoup parlé de l'effet de la publicité. Vous avez tenté de nous en démontrer la nocivité.

Cependant, il y a un autre modèle qui sera bientôt proposé. Je ne sais pas si vous pourriez vous orienter vers cela. La semaine dernière, j'ai regardé à la télévision une entrevue d'un top-modèle originaire du Québec. C'est Eve Salvail, qui est maintenant à New York et dont toutes les jeunes filles rêvent. Les jeunes filles s'identifient facilement à un mannequin professionnel. Elles voudraient toutes être des Eve Salvail.

Or, au cours de l'entrevue, cette personne s'allume une cigarette, ce qui est pire que tout ce que l'on voit dans la publicité. C'est pire aussi que le petit 10 p. 100 qui va demeurer pendant cinq ans. J'ai vécu cela, étant de la génération des baby-boomers. À 15 ou 16 ans, on ne fumait pas encore, mais à 18 et 19 ans, quand les fume-cigarettes sont apparus, alors qu'on voulait aller à l'université et devenir quelqu'un, on a commencé à fumer.

C'est ce qui se passe actuellement. Je crois qu'il va falloir aller plus loin et interdire ce genre d'images. Pendant un bon bout de temps, on ne voyait plus fumer à la télévision. Maintenant, on le voit dans les téléromans. Je pense que l'action à mener, dans l'avenir, devra être orientée vers la sensibilisation des producteurs et des réalisateurs à ce problème afin qu'ils ne contribuent pas à renouveler un genre de modèle qui a déjà fonctionné.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le président: Merci, madame. Il vous reste encore quelques minutes. Qui d'entre vous veut commencer?

M. Rob Cunningham: Je suis d'accord sur beaucoup des choses que vous avez dites. Les modèles, les personnes qui fument peuvent avoir un effet important sur les jeunes et les moins jeunes. On a vu que les fabricants de tabac avaient payé pour que leurs cigarettes soient montrées dans les films d'Hollywood, dans Superman II, dans les films de James Bond, parce qu'ils connaissent l'influence des modèles. Donc, je suis d'accord sur beaucoup des choses que vous avez dites.

[Traduction]

Le président: Madame Callard.

Mme Cynthia Callard: Mais je pense qu'il est important de soupçonner qu'en fait, les mannequins et autres modèles sont payés pour fumer. Beaucoup le font de toute façon, mais il y a eu des procès devant les tribunaux qui nous ont appris que certaines personnes étaient payées, se faisaient verser des prêts de promotion, etc. Il y a des promotions officielles et d'autres officieuses, et puis il y a par exemple cet affichage de Jacques Villeneuve—ce n'est pas une publicité pour la course commanditée par Rothman—que l'on vend pour décorer les murs des chambres d'enfants. C'est une forme de promotion que l'on peut rendre illégale. On aurait pu la rendre illégale par le C-71. Le C-42 garantit que ce ne sera pas illégal pendant encore cinq ans.

[Français]

M. Gilles Lépine: J'ai parlé tout à l'heure des modèles. C'est très fort chez les jeunes. C'est avec ça qu'on travaille. Effectivement, on se doit de travailler sur la globalité de l'image qui est projetée aux jeunes, tant par les affiches que par les modèles qui leur sont proposés.

• 0950

C'est tellement fort que ce que vous et moi avons vécu à l'âge de 18 ou 19 ans, ils le vivent maintenant à 11 ans. Il y a vraiment une action à mener. On se prostitue présentement, et c'est un peu normal. Mettez-vous à la place d'un Jacques Villeneuve ou d'un acteur comme Sylvester Stallone qui avait reçu un demi-million de dollars pour certains films. Il est maintenant facile, car la loi le permet, de toucher une commandite pour fumer dans un film, ou de faire comme Jacques Villeneuve qui gagne sa vie à faire la promotion du tabac. Je suis obligé de dire que cette prostitution doit s'arrêter quelque part si on veut limiter les dégâts.

[Traduction]

Le président: Je me demande si je pourrais poser une question. Je vais me faire en quelque sorte l'avocat du diable.

Vous avez tous parlé de modèles de comportement. Je suppose que, quand nous discutons de publicité, nous cherchons en fait, de façon très paternaliste, à faire résoudre le problème par quelqu'un. Et je pense que personne autour de la table ne nie l'existence du problème. Mais dans un effort pour trouver une solution de type paternaliste, quelqu'un s'est-il penché sur les autres éléments de l'environnement qui influent peut-être sur les pressions qui poussent les gens à fumer? Par exemple, je suis peut-être naïf, mais je me dis que les parents ont peut-être une certaine influence sur la décision des enfants de se mettre à fumer ou de ne pas le faire.

Mme Cynthia Callard: On a amplement démontré que les parents qui fument, les amis qui fument, etc, ont effectivement une influence. La publicité fait une énorme différence, mais quand votre meilleur ami sort de sa poche un paquet de du Maurier et en sort une cigarette, c'est certain que l'impact est important, car voilà votre ami tout auréolé et à la page.

C'est pourquoi nous avons réclamé la banalisation des emballages. Il est prouvé qu'il faudra en venir à un emballage neutre et à l'élimination de toutes les associations entre ces marques, ces couleurs vives et ces belles images et un comportement qui rend les gens toxicomanes avant qu'ils soient assez vieux pour voter et qui les tue avant qu'ils soient assez vieux pour toucher leur pension de retraite.

Mais nous avons beaucoup de misère à progresser de ce côté-là également. Vous avez raison. Ce n'est qu'une partie du problème. Il faut aussi s'attaquer à l'autre élément de l'équation, parfois par des solutions non législatives, des solutions faisant appel à la réglementation, à des modèles de comportement et aussi à une politique sociale, mais je ne pense pas que la société peut se dérober à ses responsabilités légales du simple fait qu'elle se consacre par ailleurs aux conditions sociales.

Le président: Cela m'a frappé quand M. Lépine parlait des étudiants et des modèles de comportement. Par simple curiosité, l'une ou l'autre de vos organisations a-t-elle pressenti Jacques Villeneuve pour lui demander de trouver une autre source de revenu et de ne plus faire la promotion d'un produit dont tout le monde ici présent est d'accord pour dire qu'il n'est pas bon?

M. Rob Cunningham: J'ai parlé en personne avec l'un des membres de l'équipe de course Players lorsqu'elle a participé à une réception dans le hall d'honneur en 1997 avant l'adoption du projet de loi C-71. Je lui ai posé la question et il a décliné l'invitation, si je peux m'exprimer ainsi.

Je conviens toutefois qu'il faut élaborer une stratégie globale à l'égard du tabagisme parmi les adultes et les enfants. Différents facteurs entrent en ligne de compte. Dans le cadre de cette stratégie globale, nous recommandons que la Chambre des communes adopte le projet de loi S-13, la Loi sur la responsabilité de l'industrie du tabac, laquelle vise à prévoir des fonds pour mettre en oeuvre des programmes et initiatives visant à réduire le tabagisme parmi les jeunes. Ce projet de loi sera renvoyé à votre comité aux fins d'étude dans les mois à venir.

Le président: Vous aurez la possibilité de nous en parler lorsque le comité sera saisi du projet de loi, le cas échéant.

Monsieur Lépine, voulez-vous ajouter quelque chose? C'est vous qui m'avez fait penser à cela: il s'agit d'un héros national—et plus encore au Québec. Tous ces organismes sont certainement sincères et loin de moi l'idée de déprécier leur rôle, mais il me semble que ce serait une façon de prendre des mesures efficaces.

[Français]

M. Gilles Lépine: Je ne peux qu'être d'accord sur ce que vous dites, monsieur le président. Effectivement, si on pouvait contacter, comme on l'a tenté à quelques reprises... Il est difficile pour celui qui gagne sa vie comme homme-sandwich à faire la publicité de la cigarette de renoncer à son gagne-pain qui lui rapporte des millions de dollars par année et de se déclarer contre le tabac.

Mais il y a peut-être quelque chose à faire. Je vous répondrai que des idées, j'en ai plein la tête. Donnez-moi le même bazooka, donnez-moi 50 millions de dollars par année et je vais vous trouver d'excellentes idées.

Je pense à Céline Dion, que vous connaissez peut-être. Si on la faisait chanter avec une bannière recommandant le lait ou portant un costume complet en faveur du pain ou d'un quelconque aliment de santé, je vous jure que cela aurait un impact chez les jeunes.

Donnez-moi 50 millions de dollars et je vous jure que je vais proposer des idées dont l'impact sera aussi fort que celui provoqué par les gens du tabac. C'est un peu là le problème, finalement. Je me retrouve dans la situation de l'apôtre criant dans le désert qu'il faudrait faire quelque chose pour les jeunes. Je ne peux pas lutter à armes égales contre ces gens-là. Plus on leur permet de faire ce marketing qu'ils font si bien, plus on se retrouve en train de baisser les bras.

• 0955

Il faut donc imposer des limites à leur action. On peut leur crier bravo! Je le répète: bravo! ils ont réussi à doubler le nombre de jeunes fumeurs. La moitié d'entre eux vont en mourir. Je les félicite pour le succès de leur marketing, mais je les critique parce qu'ils tuent la moitié d'entre eux.

D'un autre côté, on leur a permis de le faire. La société le leur a permis. Alors, donnons-nous les moyens de les combattre et enlevons-leur un peu de leurs moyens. Je crois qu'on serait alors davantage à égalité.

Oui, j'ai de bonnes idées à vous soumettre et oui, on a pensé à aborder des gens de prestige pour faire la promotion de la santé auprès des jeunes.

[Traduction]

Le président: C'est bien beau de renvoyer la balle à la secrétaire parlementaire, qui meurt d'envie de vous permettre d'écouter ce qu'elle a à dire sur les programmes que le gouvernement a mis sur pied pour lutter contre le tabagisme.

Madame Judy Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, une petite remarque. J'aimerais savoir quand le moment sera opportun de proposer une motion pour que les mémoires écrits et les éléments de preuve auxquels les témoins d'aujourd'hui ont fait allusion soient remis comme pièces au comité.

Le président: C'est déjà fait.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Cela se fait automatiquement?

Le président: Oui, merci quand même.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.

Tout d'abord, monsieur le président, j'aimerais remercier nos trois témoins, non seulement parce qu'ils ont accepté de comparaître aujourd'hui sur un bref préavis—et croyez-moi, nous avons fait tout notre possible pour prolonger la période pendant laquelle le comité devait se pencher sur cette question importante du tabac, mais en vain—mais aussi du travail que vous avez réalisé depuis de nombreuses années pour lutter contre ce problème et faire votre possible pour que le gouvernement adopte une bonne politique publique dans ce domaine.

J'ai trois brèves questions. Je les poserai toutes ensemble car je sais que le président m'interrompra si je ne le fais pas, et vous aurez peut-être un peu plus d'influence sur la présidence pour ce qui est du temps de parole.

Premièrement, en ce qui a trait à la publicité de commandite...

Le président: Vous êtes en train d'utiliser votre temps de parole.

Mme Judy Wasylycia-Leis: ...monsieur le président a fait une remarque quelque peu étrange en disant que nous devrions essayer de convaincre les Jacques Villeneuve de ce monde de ne pas se livrer à ce genre d'activités. Ma question, qui s'adresse en réalité au gouvernement mais que je vous pose aux fins d'éclaircissement, est la suivante: pourquoi le gouvernement ne pense-t-il pas qu'il lui incombe d'exercer ses obligations et ses responsabilités dans ce domaine? Pourquoi essaie-t-il de mettre la responsabilité sur le dos des autres quand tant de preuves nous portent à croire que cette publicité de commandite est dangereuse et destructive? C'est ma première question.

Deuxièmement, l'amendement que vous proposez en vue de restreindre les limites ou de fixer un plafond aux dépenses liées à la promotion des commandites par les compagnies de tabac pendant la période de transition n'a pas été accepté comme nous l'ont signalé aujourd'hui les représentants du gouvernement. Sauf erreur, Elinor Caplan a dit qu'il ne serait pas possible d'apporter cette modification dans le cadre du projet de loi à l'étude, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Y a-t-il quelque chose qui nous empêche de donner suite à cette modification?

Ma dernière question porte encore une fois sur votre proposition concernant la publicité de commandite effectuée en dehors du lieu de l'événement. La secrétaire parlementaire a déclaré que la loi initiale sur le tabac prévoit des dispositions très sévères à l'égard de ce genre de publicité et que cela résoudra donc le problème. Je ne suis pas de cet avis et ce, pour deux raisons: premièrement, la Loi sur le tabac n'est pas entièrement en vigueur car elle ne s'accompagne pas des règlements voulus et, deuxièmement, le projet de loi dont le comité est saisi autorise la publicité de commandite du tabac sur des lieux autres que ceux où se déroule l'événement ou l'activité. Je voudrais donc savoir ce que vous en pensez.

M. Rob Cunnigham: Je répondrai en disant...

Le président: Permettez-moi de vous interrompre un instant, monsieur Cunnigham. Il ne reste qu'une minute et demie environ, et pour vous permettre de fournir une réponse complète à ces questions... J'ai une liste d'intervenants. Pourquoi ne répondez-vous pas à une seule des questions mais plus en détail? Je donnerai aux autres témoins la possibilité d'y répondre au prochain tour de questions. Je leur redonnerai la parole. Rien ne vous presse donc: vous avez une minute et demie et contentez-vous de répondre à une des questions.

M. Rob Cunnigham: Je vais répondre à une question, donc, celle qui porte sur le plafond des dépenses de commandites. Certains se demandent si une telle mesure est applicable ou réalisable. Ma réponse à ces questions? Oui, c'est possible.

Nous pouvons examiner la loi sur le tabac en vigueur au Québec, qui prévoit une telle disposition; l'Assemblée nationale qui l'a adoptée à l'unanimité a sans nul doute estimé qu'il était tout à fait possible de fixer un tel plafond.

• 1000

Une disposition semblable existe dans d'autres genres de mesures. Il y avait une disposition dans la Loi sur le contrôle des produits du tabac, adoptée il y a quelque temps par le gouvernement fédéral, qui prévoyait un plafond pour certaines dépenses de commandites. Malheureusement, le libellé de cette loi laissait à désirer et ces dépenses de commandites continuent d'augmenter par le biais de sociétés fictives. Toutefois, il est possible d'adopter une telle mesure.

Le président: Monsieur Thompson.

M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Merci, monsieur le président.

Pour qu'un projet de loi soit efficace, il faut faire trois choses, à mon avis. Il y a trois aspects qui sont vraiment important pour le tabagisme, et surtout pour les nouveaux fumeurs. Il y a tout d'abord les taxes; autrement dit, le prix de vente, le rapport entre le prix du produit et sa consommation. L'autre élément est de toute évidence la publicité, et le projet de loi prévoit des mesures à ce sujet. Le troisième aspect est l'éducation.

Si le gouvernement veut vraiment diminuer le nombre de fumeurs, et surtout de gens qui commencent à fumer, et faire quelque chose pour remédier aux 40 000 décès attribués au tabagisme chaque année, que devrait-il faire? Ce que je veux dire, c'est que ce projet de loi ne fait pas grand chose pour calmer mes inquiétudes quant au nombre de décès dus au tabagisme, ou au nombre de fumeurs, d'année en année.

M. Rob Cunnigham: Sur les trois points dont vous parlez, je conviens avec vous que deux des trois ne sont pas visés par ce projet de loi. Les taxes sur le tabac continuent d'être nettement inférieures en Ontario et au Québec: les taxes sur une cartouche de cigarettes ont diminué de 16 $ depuis la diminution de taxes adoptée en 1994. Cela est un facteur très déterminant. Nous recommandons au gouvernement et au Parlement de ramener les taxes à leur niveau antérieur plus rapidement que cela ne s'est fait ces deux dernières années. Nous avons peu progressé en deux ou trois ans.

Quant à l'aspect éducation, il y a le projet de loi S-13, que vous examinerez en une autre occasion, mais c'est une chose que peut faire le Parlement pour s'assurer que les enfants sont suffisamment informés à ce sujet.

M. Greg Thompson: Vous parlez du projet de loi du sénateur Kenny n'est-ce pas?

M. Rob Cunnigham: C'est exact.

M. Greg Thompson: Si je ne m'abuse, il doit être présenté à la Chambre peu après le Jour du souvenir, n'est-ce pas?

M. Rob Cunnigham: Je ne sais pas quand il doit être présenté. Le Dr Carolyn Bennett doit parrainer le projet de loi à la Chambre des communes. L'un des coparrains au Sénat était le sénateur conservateur Pierre Claude Nolin, et ce projet de loi a été adopté à l'unanimité par le Sénat.

M. Greg Thompson: Sauf erreur, certains pensent que le gouvernement va avoir recours à certaines tactiques de procédure pour éviter que le projet de loi ne soit étudié à la Chambre des communes. Est-ce ce que vous avez entendu dire?

M. Rob Cunnigham: Il va sans dire que certains articles ont été publiés à ce sujet, et notamment un éditorial dans The Montreal Gazette de Montréal. J'espère que tous les députés n'auront pas recours à ces tactiques pour étouffer dans l'oeuf un projet de loi qui nous paraît extrêmement utile pour réduire la consommation de tabac.

Le président: Voulez-vous répondre aux autres questions, madame Callard?

Mme Cynthia Callard: Je voulais simplement dire qu'il existe de nombreux mécanismes. S'il n'est pas possible de fixer un plafond en vertu du projet de loi, la Chambre peut décider à l'unanimité d'adopter un amendement qui dépasse la portée du projet de loi sur une recommandation unanime du comité à cette fin. Ou, comme cela s'est fait à maintes reprises par le passé, un comité adopte un amendement qui est techniquement irrecevable car il sort de la portée du projet de loi. Le président a toujours fermé les yeux sur ce problème en recevant le rapport du comité renfermant de tels amendements.

En général, ces problèmes de procédure ne devraient pas empêcher l'adoption de mesures qui sont bonnes pour la santé. En ce qui a trait au projet de loi S-13, même s'il y a certains problèmes de procédure, le principe est valable. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral reçoit 10 $ par cartouche de cigarettes et consacre 10c. à toutes ces mesures. Cela englobe notamment les mesures de surveillance des ventes aux mineurs, la recherche et les sondages, l'élaboration des politiques et des subventions à des organismes comme le nôtre. Tout est mis dans le même sac. Ce n'est pas énorme comparé à d'autres provinces. Si le gouvernement ne veut pas adopter le projet de loi S-13, s'il ne veut pas créer une autre fondation ou autre...

Le président: Permettez-moi de vous interrompre un instant, ce n'est pas pour justifier la position du gouvernement ou quoi, mais tenons-nous en au projet de loi à l'étude. Nous parlons d'un cas hypothétique, nous ne savons pas si la Chambre sera saisie du projet de loi ou non ni quand il sera renvoyé devant le comité, s'il l'est un jour. Si vous voulez passer le reste de vos cinq minutes à discuter d'une question dont le comité n'est pas saisi, libre à vous...

Mme Cynthia Callard: Je me suis mal exprimée. Je pensais répondre à la question au sujet des programmes d'éducation et ce que je voulais dire, au sujet de ces programmes et des ressources qui y sont allouées, c'est qu'il y a de nombreuses façons d'atteindre cet objectif, étant donné l'argent qui provient des recettes du tabac. En fait, le gouvernement fédéral reçoit 80 millions de dollars par an de la vente illégale de cigarettes aux enfants. Les ventes aux enfants qui n'ont pas l'âge légal représentent 3 p. 100 du marché, soit 80 millions de dollars. Si l'on consacrait cette somme à des programmes d'éducation pour que le gouvernement ne tire pas profit du produit de ce crime, on contribuerait fortement à protéger nos jeunes.

M. Greg Thompson: Une brève question: si le projet de loi C-42 est adopté, les panneaux d'affichage seront alors légaux, n'est-ce pas? C'est plutôt paradoxal. Autrement dit, il faut adopter le projet de loi pour que ces panneaux publicitaires deviennent légaux, ce qui est on ne peut plus étrange. Ai-je raison de dire que...

Mme Cynthia Callard: Oui, c'est ce que je crois comprendre.

M. Greg Thompson: ...c'est ce qui a été entendu?

• 1005

Et monsieur Lépine, en tant qu'ancien éducateur, je suis très préoccupé par vos observations. J'aimerais savoir ce que vous pensez des programmes d'éducation et de la publicité sociétale. Le projet de loi va-t-il changer quelque chose?

[Français]

M. Gilles Lépine: Oui, j'abonde tout à fait dans le même sens que vous. Vous parlez de taxes qui rendent le produit moins abordable et qui sont nécessaires. C'est l'accessibilité de ce produit qui a fait en sorte que l'usage du tabac a doublé au cours des dernières années. La publicité a elle aussi un impact puisqu'elle rend la cigarette plus attrayante. Le troisième volet porte sur l'éducation; il faut expliquer aux jeunes pourquoi ils ne doivent pas commencer à fumer. Mais il faut prendre beaucoup, beaucoup plus de mesures.

Si un enseignant en éducation physique comme moi dit aux jeunes d'éviter de faire certaines choses afin de veiller à leur santé et qu'à la sortie de l'école, il y a Jacques Villeneuve qui les attend à la télévision ou sur un panneau-réclame, je viens de perdre tout l'impact éducationnel que j'aurais pu avoir.

Je suis d'accord avec vous qu'il faut vraiment intervenir sur au moins trois plans, soit au niveau du prix et des taxes, au niveau de la publicité et au niveau de l'éducation en vue d'expliquer aux jeunes pourquoi ils ne devraient jamais commencer à fumer.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Lépine.

Monsieur Elley.

M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Réf.): Merci beaucoup.

Il m'est difficile de ne pas être d'accord avec tout ce que vous avez dit. Compte tenu des nombreuses preuves dont on dispose, je ne vois pas comment des personnes intelligentes pourraient ne pas être d'accord avec vous. C'est un problème terrible de notre société et il faut y remédier.

Vous avez dit que, à votre avis, le projet de loi ne fera rien à court terme pour améliorer la situation au Canada—ni même au bout de cinq ans. Je vais vous demander d'agir en prophète. Dites-moi, au bout de cinq ans, ce qu'il nous faudra faire dans notre pays pour atteindre les objectifs dont vous parlez? Que devra faire le gouvernement dans cinq ans d'ici? Où en serons-nous dans cinq ans?

Mme Cynthia Callard: Nous nous trouvons dans cette situation aujourd'hui parce que nous n'avons pas vraiment compris le problème et n'avons pas suffisamment inclus le tabac dans nos débats publics. J'espère que, d'ici cinq ans, nous aurons rassemblé suffisamment de preuves, réalisé un examen, peut-être une étude parlementaire ou une enquête par une commission royale, ou quelque chose du genre, pour bâtir un dossier en vue de convaincre la Cour suprême d'imposer des mesures strictes, d'interdir carrément toutes les formes de publicité et de promotion, que ce soit sur les pots de mayonnaise ou sur les voitures de course. À mon avis, cinq ans devraient nous suffire pour faire cela.

Reste à savoir s'il existe une volonté politique, au sein de la population générale, pour s'attaquer aux problèmes que représente le tabac. Ou va-t-on essayer de régler cela à la va-vite en prenant ce genre de mesures itératives de courte durée? J'espère que quelqu'un, dans les années à venir, va se décider à faire une étude détaillée et complète de la question.

[Français]

M. Gilles Lépine: Merci beaucoup. On a parlé d'éducation chez les jeunes, mais j'espère que dans cinq ans, notre conscience globale se sera accrue face à une entreprise parasitaire et charognarde. Elle vit de nos morts, réalise présentement des profits qui nous coûtent tous de l'argent au niveau de notre système de santé et hypothèque la qualité de vie de nos concitoyens. Ce sont des gens parasitaires et charognards.

Tant qu'on n'aura pas compris que depuis 50 ans, on a réussi à nous crétiniser—j'aime bien cette expression—et à nous entrer dans la tête que fumer améliore notre qualité de vie, tant qu'on continuera à accepter cela et qu'on n'ira pas challenger—excusez-moi d'avoir recours à ce mot en anglais—ces fabricants de tabac ou les combattre avec les mêmes armes, nous resterons neutres face à eux. J'espère que dans cinq ans, notre niveau de conscience aura augmenté et que nous serons beaucoup moins affables ou neutres face aux fabricants de tabac.

[Traduction]

M. Rob Cunningham: Au bout des cinq ans, la Loi sur le tabac autorisera toujours la publicité directe et vous comprendrez que, du point de vue de la santé, nous souhaitons que la Loi sur le tabac interdise entièrement toutes les formes de publicité et de promotion.

Sans même attendre la fin des cinq ans, votre comité attend le dépôt par le gouvernement des règlements découlant de la Loi sur le tabac en ce qui a trait à l'emballage, à l'étiquetage, aux avertissements et à la promotion. Ce sera là l'occasion d'améliorer les messages à l'intention des consommateurs, de leur fournir plus d'information pour les dissuader de fumer et d'imposer des emballages neutres, comme l'a recommandé le comité en 1994. Nous pouvons prendre bien d'autres mesures.

Le président: Tant que nous serons assujettis à la primauté du droit, vous pourrez peut-être nous aider à faire notre travail de législateur car le comité s'est débattu avec la question de la législation par le passé.

Bien des gens sont frustrés par la décision de la Cour suprême selon laquelle la Loi sur le tabac qui était en vigueur—et qui, comme l'a signalé Mme Callard, avait une certaine incidence—n'était plus constitutionnelle.

• 1010

Avez-vous une suggestion à faire aux législateurs—oubliez la couleur du parti au pouvoir—quant à la façon de contourner le problème?

M. Rob Cunningham: J'ai deux remarques à faire. En premier lieu, puisqu'il existe diverses sortes de promotion, l'interdiction de la publicité de commandite était justifiable étant donné l'arrêt de la Cour suprême du Canada selon lequel cela tombe dans la catégorie de la publicité sociétale.

Si l'on considère l'article 27 et les dispositions connexes de la Loi qui ne sont pas visées par ce projet de loi, il y est question de la publicité indirecte, soit l'utilisation à diverses fins de la marque, les tee-shirts, les chapeaux et les vacances liées à une marque de cigarettes—ou les vêtements Marlboro. Dans la loi sur le tabac du Québec, on a interdit totalement l'utilisation des logos sur des produits autres que ceux du tabac, mais on a néanmoins autorisé la publicité directe dans certaines catégories.

Il me paraît donc justifié d'interdire totalement ce genre de publicité dans cette partie de la Loi sur le tabac, comme l'a fait l'Assemblée nationale du Québec. Il ne faut pas oublier l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada. Néanmoins, les preuves dont nous disposons aujourd'hui sont énormes. Des douzaines, voire des centaines d'études et de rapports ont été faits jusqu'ici qui n'existaient pas à l'époque ou la cour a été saisie de l'affaire en 1989. Nous disposons de nouvelles preuves. Si l'on mettait à l'essai une interdiction totale de la publicité sur le tabac, je suis convaincu que cette mesure serait déclarée constitutionnelle aujourd'hui.

Le président: Vous êtes toutefois prêts à admettre que, compte tenu du moins des restrictions auxquelles nous sommes assujettis aujourd'hui, c'est une opinion, mais nous allons essayer de tenir compte de la réalité à laquelle nous sommes confrontés, à savoir la décision de la Cour suprême. Et même si je me refuse à être le premier, ou à être parmi ceux qui rejettent les arguments de principe auxquels vous souscrivez, en tant que législateurs, nous devons toutefois agir...

Mme Cynthia Callard: Puis-je...

Le président: ...en respectant ces limites. Certains textes de loi qui ont été présentés dans d'autres provinces n'ont pas encore été examinés par les tribunaux, de sorte que ce que nous faisons pour le moment, c'est d'exprimer une opinion.

En tant que législateur, pour ma part, je déduis de vos remarques que jusqu'ici, les mesures qui ont été prises à moyen ou long terme semblent très positives, même compte tenu de ces modifications. C'est ce que j'ai cru comprendre.

Madame Callard.

Mme Cynthia Callard: C'est une question d'opinion. C'est très difficile. L'arrêt de la Cour suprême ne faisait même pas mention directement des commandites. Il existe un million d'opinions à ce sujet, c'est-à-dire autant d'opinions que d'avocats ou d'économistes.

À mon avis, il faut se méfier des opinions. Lorsque le projet de loi C-71 était à l'étude, nous avons eu des réunions en privé et en public avec les rédacteurs et ceux qui travaillaient à la préparation de cette mesure. Ils nous ont dit à l'époque que le projet de loi ne pourrait pas aller plus loin, selon l'avis du ministère de la Justice. Ils nous ont dit qu'il n'était pas possible de fixer d'autres limites aux commandites.

Nous nous penchons aujourd'hui sur un projet de loi qui prévoit un délai de cinq ans au bout duquel il sera possible d'interdire totale les commandites; l'an dernier, on m'a dit qu'une telle mesure ne survivrait pas à une contestation aux termes de la Charte et on me dit aujourd'hui le contraire. Or, la Cour suprême n'a pas été saisie d'autres affaires et il n'y a donc pas eu d'autres décisions, de sorte que quelque chose a changé. Les opinions ont évolué et ceux qui ont l'attention des décideurs ont changé.

C'est pourquoi je suis toujours très sceptique lorsque des avocats me disent qu'une mesure est vouée à disparaître. Il y a selon moi des façons de demander au tribunal de rendre des décisions susceptibles d'être appliquées plus rapidement et les législateurs peuvent obtenir les conseils dont ils ont besoin.

Le président: Merci.

Y a-t-il d'autres questions?

Madame Wasylycia-Leis, je pense que vouliez poursuivre vos trois questions.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Parfaitement.

Le président: Je suppose que c'est ce que vous vouliez faire.

Vous souvenez-vous des questions?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je pense qu'en fait...

Le président: Non, attendez un instant.

Madame Callard, vous rappelez-vous les questions?

Mme Cynthia Callard: Je pense que nous y avons répondu.

Le président: Vous y avez répondu?

Je sais que vous avez répondu à une des questions, monsieur Cunningham. Voulez-vous essayer de répondre aux autres?

M. Rob Cunningham: Bien entendu.

Le président: Allez-y.

M. Rob Cunningham: En ce qui a trait à une initiative volontaire de la part du gouvernement pour convaincre Jacques Villeneuve ou les autres dans le même cas de cesser d'appuyer les produits du tabac grâce aux commandites, le gouvernement pourrait essayer de le faire et y parvenir, mais après de gros efforts. Toutefois, les compagnies de tabac mettront alors à l'oeuvre toutes leurs ressources financières et humaines pour trouver quelqu'un d'autre ou un autre événement à commanditer. C'est une forme d'initiative facultative et d'après notre expérience du dossier du tabac au fil des ans, ce genre de mesure ne suffit pas. Il faut une loi.

Quant à la publicité en dehors du lieu d'un événement, au cours des deux premières années, il continuera d'y avoir ce genre de promotion aux termes du projet de loi à cause de la modification. Nous souhaitons que ce genre de commandite soit interdit complètement dès que possible. Plus il y aura de restrictions en vigueur, plus les délais seront courts et mieux ce sera pour tous.

• 1015

S'agissant de notre recommandation, concernant la promotion au point de vente par rapport à la promotion à l'extérieur pour les commandites, nous estimons qu'elle est justifiée, car il existe un exemple précis où l'on peut battre en brèche l'industrie du tabac. En 1996, ce genre de promotion n'a eu aucune incidence sur les événements qui se poursuivent et il s'agit d'un amendement très simple que votre comité pourrait fort bien adopter, à notre avis—même si nous aimerions que cet amendement soit beaucoup plus strict, mais...

Le président: Monsieur Lépine.

[Français]

M. Gilles Lépine: Je n'ai rien à ajouter.

[Traduction]

Le président: Judy, il vous reste deux minutes sur votre période de cinq minutes.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je serais brève. Je voulais faire suite à ce qu'a dit Cynthia au sujet du fait que le tabac n'a pas fait partie intégrante des débats de politique publique ni des discussions avec le grand public. Je suis d'accord sur ce point, mais je constate également qu'il y a d'autres facteurs en jeu.

Vous avez affaire à un gouvernement qui est parfaitement au courant de tous les faits et chiffres que vous avez présentés et qui comprend certainement les répercussions d'ordre financier que cela a sur notre système de soins de santé. Et pourtant, nous avons eu trois ministres de la santé de suite qui ont promis de prendre des mesures sévères et qui ont fait machine arrière à chaque fois. On nous avait promis les emballages neutres et cela ne s'est pas fait. On nous avait promis une augmentation des taxes mais le gouvernement a changé d'avis. On nous promet aujourd'hui des mesures strictes visant la publicité de commandites et encore une fois le gouvernement fait machine arrière. Quels sont les facteurs qui entravent l'adoption de mesures visant à résoudre ce problème? Est-ce le pouvoir de l'industrie du tabac? Est-ce la politique? Que pensez-vous de ce problème?

Mme Cynthia Callard: Les compagnies de tabac ont recours à des tactiques brutales en coulisses. Il ne faut surtout pas les sous-estimer. Nous avons de nombreuses preuves de leur efficacité, quand elles s'y mettent.

Un de mes amis m'a dit dernièrement «Pourquoi t'occupes-tu des problèmes du tabac? N'est-ce pas un peu comme tirer des poissons dans un tonneau? Tout le monde sait que les compagnies de tabac sont là.» Le problème, c'est que nous ratons notre coup continuellement. Cela devrait être aussi simple que de tirer sur des poissons dans un tonneau, mais nous ratons toujours notre coup et l'un des autres facteurs qui entre en ligne de compte, c'est que nous vivons à une époque de déréglementation. Les gens souhaitent de moins en moins voir le gouvernement avoir la main lourde en imposant des règlements, etc.

Il nous est de ce fait très difficile de convaincre les gens que le gouvernement se doit de prendre des mesures sévères dans un domaine alors que les gens ont l'impression, par exemple, que même la réglementation visant la publicité des aliments et des produits de santé est considérablement assouplie et que la Direction générale de la protection de la santé est en train de se réorganiser pour assurer cette protection de façon différente. Je n'en sais rien. J'aimerais pouvoir mieux répondre à votre question. Cela ne donne pas d'excellents résultats pour la santé publique.

Le président: Monsieur Thompson.

M. Greg Thompson: Merci, monsieur le président. Vous êtes très généreux pour notre parti, ce matin.

Cela nous ramène aux déclarations de Mme Caplan...

Une voix: Ah, ah!

M. Greg Thompson: Vous êtes un homme très généreux et je me réjouis de ce que vous soyez notre président.

Je reviens aux déclarations faites plus tôt par Mme Caplan pour le compte du ministre. Je n'ai malheureusement pas la chance d'avoir le texte sous les yeux et j'ai essayé de suivre les modifications. Dans sa déclaration, a-t-elle parlé de l'article 5 du projet de loi, de l'article 52 de la loi? Cela permettrait au gouvernement de remettre les pendules à l'heure à moins que cela n'ait changé.

Cynthia, je sais que vous vous êtes penché sur la question. A-t-elle été abordée dans la déclaration du ministre...

Mme Cynthia Callard: Il s'agit d'une modification très importante que le gouvernement est prêt à apporter. Nous nous réjouissons de ce changement. Cela fera une énorme différence.

M. Greg Thompson: C'était l'une de nos principales préoccupations. Cela rendra plus strict cet aspect de la loi.

M. Rob Cunningham: Je conviens que les amendements que le gouvernement a convenu d'appuyer supprimeront certaines échappatoires importantes.

M. Greg Thompson: Très bien. Revenons-en à la question fiscale; en 1994, quand le gouvernement a considérablement réduit les taxes sur les cigarettes, dans quelle mesure la consommation de ce produit a-t-elle augmentée? À mon avis, il a capitulé devant les contrebandiers et les compagnies de tabac, mais si l'on s'en tient aux statistiques, a-t-on constaté une augmentation du nombre de fumeurs?

Mme Cynthia Callard: Cette question est très sujette à controverse car nous ne savons pas combien de cigarettes ont été vendues à l'époque où la contrebande allait bon train. Les estimations varient considérablement. C'est très difficile à évaluer. Je pourrais vous faire parvenir tous les renseignements dont nous disposons, mais les données sont nombreuses. Je vous remettrai ces documents. Il est évident que cela a eu une incidence sur le nombre de cigarettes fumées par les gens et sans doute aussi sur le nombre de fumeurs.

• 1020

M. Rob Cunningham: Si l'on examine les données fournies par les compagnies de tabac à Statistique Canada, nous constatons une diminution de la consommation par tête pendant une douzaine d'années avant la diminution de la taxe sur le tabac, si l'on tient compte des estimations de l'industrie du tabac quant à la contrebande, puis la consommation a repris l'année suivante et les progrès ont donc ralenti.

Nous pouvons également jeter un coup d'oeil à l'onglet 23 du recueil de preuves que nous vous avons remis, où les données de RJR-Macdonald révèlent une diminution considérable du nombre de fumeurs depuis 1988, avant l'adoption de la Loi sur le contrôle des produits du tabac, suivi d'une augmentation après 1994, suite à la diminution des taxes sur le tabac.

M. Greg Thompson: J'ai une autre question. Nous allons entendre le témoignage de Rob Parker, du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac, qui doit nous présenter les arguments de cet organisme ce matin. Quelles pressions ce genre d'organismes peuvent-ils exercer sur le gouvernement, à votre avis? Comment trouvent-ils une oreille attentive au sein du gouvernement? Est-ce tout simplement parce qu'il s'agit d'une grosse industrie et qu'il y a beaucoup d'argent en jeu? Vous est-il possible de nous dire ce que vous pensez, Rob, Cynthia et Gilles également?

M. Rob Cunningham: Les fabricants de tabac reconnaissent que d'autres ont plus de crédibilité qu'eux aux yeux des parlementaires et du public. C'est pourquoi ils ont créé le Ralliement pour la liberté de commandite. Si on examine l'inscription de ce groupe de pression, on constate qu'il est lié au Conseil canadien des fabricants de produits du tabac. C'est le secteur qui finance le Ralliement. C'est une agence de relations publiques du secteur du tabac, Edelman Worldwide, qui s'est occupé du soutien opérationnel du Ralliement. Ainsi, grâce à la désinformation, les fabricants de tabac ont pu faire de la question de la commandite un enjeu hautement politique et influer sur le contenu de la Loi sur le tabac et de ce projet de loi.

M. Greg Thompson: Ce groupe est peut-être un peu plus puissant que le vôtre, il dispose vraisemblablement d'un peu plus d'argent que vous...

[Français]

M. Gilles Lépine: J'abonde dans le même sens que M. Cunningham. Madame nous demandait tout à l'heure si c'était un problème législatif ou une question de lobbying. Quand est arrivé le temps d'imposer le port de la ceinture de sécurité, on a été capable d'adopter facilement une loi. Ce n'est pas un problème d'adopter une loi, mais lorsque vous faites face à un lobby qui est énormément, mais énormément plus fort, et appuyé par des intérêts financiers très forts, vous êtes limités et vous êtes confrontés. Vous, comme députés, qui voulez réagir contre les fabricants des produits du tabac, vous êtes en guerre contre ces gens-là lorsque vous les attaquez avec la loi. Lorsque vous avez voulu imposer le port de la ceinture de sécurité, vous n'étiez pas en guerre contre beaucoup de gens et vous avez adopté une loi à cet effet. Lorsque le bon sens l'emporte, on doit pouvoir adopter une loi, quelle qu'elle soit.

Dans son livre, M. Cunningham écrivait avec justesse que le Congrès américain avait déposé 196 projets de loi, mais qu'il n'en avait jamais adopté un seul. Ce n'est pas parce que ce n'était pas intelligent ou sensé d'adopter une loi sur le tabac, mais parce que le lobbying est très, très fort. Vous êtes en lutte contre des gens qui ont des moyens, des personnes et des façons de nous faire miroiter le fait qu'ils apportent de l'argent, qu'ils stimulent l'économie ici au Québec, qu'ils représentent un apport pour le Québec et le Canada, ce qui n'est pas le cas. Ces gens-là ont des moyens financiers énormes pour vous faire croire des choses tout à fait absurdes.

[Traduction]

Le président: Madame Picard, je crois que c'était la dernière question de M. Thompson.

[Français]

Mme Pauline Picard: J'aimerais simplement faire un commentaire. Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Lépine. Mais, puisqu'on a laissé les compagnies de tabac subventionner des événements sportifs et culturels, il faut être conscients de l'habitude et des retombées économiques que ce genre de commandite a pu susciter. On sait que la moitié des 60 millions de dollars que les compagnies de tabac versent au Canada est dirigée au Québec. On a soutenu des événements qui sont pour le Québec très importants au niveau économique parce qu'ils ont des retombées pour Montréal et certains autres endroits dans la province.

On prend conscience qu'il est insensé de laisser ces événements-là, surtout les événements sportifs et culturels, être financés par les compagnies de tabac, sachant que les produits du tabac sont très mauvais, mais on ne peut pas tout chambarder ou tout secouer et dire que c'est fini du jour au lendemain. Les organisateurs de ces événements en sont conscients et nous ont eux-mêmes demandé de leur donner d'autres moyens et se sont dits prêts à les accepter. On est conscients que cela n'a pas d'allure que la compagnie du Maurier soit associée au tennis et ainsi de suite. Mais quand on a eu la volonté de dire que c'était fini, il a fallu tout de même donner aux organisateurs des moyens de continuer de soutenir leurs événements sportifs et culturels. Il y a aussi la population qui est derrière cela.

• 1025

Je regarde ce qu'a fait le Québec et je regarde aussi les efforts qu'a quand même faits le gouvernement fédéral. Il a fait des efforts pour satisfaire une partie de ces gens-là, parce qu'il était conscient aussi qu'on ne pouvaient pas ébranler tout ce secteur de l'économie. La volonté, que ce soit celle des provinces ou celle du gouvernement fédéral, est vraiment d'enrayer le tabagisme à travers le Canada, mais quand arrivent des changements à toute situation, on ébranle des choses.

Le président: Monsieur Lépine.

M. Gilles Lépine: Madame, je partage tout à fait votre point de vue, mais je ne peux m'empêcher d'établir un parallèle entre le Cirque du Soleil et le Festival d'été de Québec. Le Cirque du Soleil a refusé des subventions des gens du tabac tandis que le Festival d'été de Québec a pris la voie facile d'accepter cet argent-là.

En tant que directeur du Sport étudiant, pour tous les jeunes qui ont besoin de faire du sport dans les écoles, je pourrais peut-être accepter les commandites du tabac. Que penseriez-vous de moi? On me fusillerait probablement, comme éducateur, pour l'avoir fait. Donc, il faut que je me trouve d'autres méthodes. À partir du moment où c'est admis, comme vous l'avez dit, à partir du moment où on laisse faire cette façon de fonctionner et où on permet aux gens du tabac de commanditer, on a un problème à régler.

On ne peut pas changer la situation du jour au lendemain, mais je pense qu'il faut faire preuve de beaucoup de détermination et se dire qu'on va le faire, qu'on va changer les choses. Il se passe des choses inadmissibles actuellement, et ce n'est pas parce que cela a été admis pendant quelques années que cela doit se poursuivre.

J'abonde dans votre sens. Il faut trouver des méthodes raisonnables, se donner des délais raisonnables, mais il faut qu'ils soient fermes. Vous êtes nos porte-parole, nos représentants. C'est à vous de nous aider à lutter en mettant des limites très claires, ce qu'on a dit d'ailleurs à propos des amendements.

Le président: Madame Picard, vous voulez terminer?

Mme Pauline Picard: Oui. Au Québec, le fonds de compensation a permis de dire que dans deux ans, ce serait l'interdiction totale. On leur a donné d'autres moyens de soutien. On a créé, à partir des taxes imposées sur le tabac, un fonds compensatoire. C'est pourquoi le temps alloué est plus court.

Les organisateurs de ces événements-là sont très satisfaits et se sentent soulagés, parce qu'ils ont une conscience professionnelle aussi. Ils sont donc soulagés de pouvoir se retourner et se trouver des commanditaires qui ne portent pas les jeunes au tabagisme.

[Traduction]

Mme Cynthia Callard: Monsieur le président, j'aimerais aussi répondre à cette question.

Le président: Vous avez à peu près une minute.

Mme Cynthia Callard: Nous ne sommes pas d'accord avec ce projet de loi, mais il importe de souligner que ce projet de loi répond assez bien aux préoccupations de bien des Canadiens.

Nous, collectivement, les législateurs, les éducateurs pour la santé et les autres, n'avons pas su faire comprendre au public qu'il ne s'agit pas d'assurer la survie de ces événements importants. La commandite par les fabricants de tabac est une question de promotion. J'ai des réserves à l'égard du projet de loi, mais je dois reconnaître que nous n'avons pas su communiquer efficacement et que le Parlement, qui doit répondre aux besoins de tous, est acculé au mur.

Nous avons besoin d'aide pour faire comprendre aux gens de quoi il s'agit, au cours des deux ou trois prochaines années, afin que nous ayons une meilleure loi dans trois ou quatre ans. J'espère qu'on pourra alors mener une étude approfondie, qui ne s'inscrirait pas dans le contexte d'un projet de loi, sur les problèmes de mise en marché du tabac et de tabagisme chez les jeunes afin de trouver des solutions à la fois conformes à la Charte et efficaces.

Le président: Merci beaucoup.

Merci à vous trois. Notre temps est écoulé. Je vous remercie de vos observations et de vos réponses très franches.

Monsieur Lépine, je sais que beaucoup de groupes disposent de beaucoup d'argent pour faire du lobbying, mais il y a des politiciens ici qui vous écoutent et qui sont d'accord avec vous; cela indique ou bien que le lobbying ne vise pas que les législateurs, ou bien qu'il vous est tout autant possible qu'aux autres d'exercer une influence sur les législateurs ici présents et à la Chambre.

Nous passons maintenant aux témoins suivants.

Nous ferons une pause de deux minutes pour leur permettre de prendre place.

• 1029




• 1034

Le président: Chers collègues, nous accueillons maintenant le représentant de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, M. Louis Gauvin, et le représentant d'Info-tabac, M. Denis Côté. Ils sont tous les deux coordonnateurs de leur organisation respective.

[Français]

Messieurs Gauvin et Côté, vous avez, comme les autres, cinq minutes pour présenter votre position. On préfère passer le plus tôt possible à la période de questions afin de créer un environnement ou une ambiance de dialogue entre les témoins et les législateurs.

M. Louis Gauvin (coordonnateur, Coalition québécoise pour le contrôle du tabac): Me permettez-vous une question, monsieur le président?

• 1035

[Traduction]

Hier, on m'a dit que j'aurais environ 10 à 15 minutes pour faire mes remarques liminaires.

Le président: Le malentendu est peut-être attribuable à la traduction. Vous savez ce que sont ces lignes téléphoniques, monsieur Gauvin. Elles ne sont plus fiables. Elles font constamment l'objet d'interférence.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Toutefois, monsieur Gauvin, si vous pensez que votre exposé sera plus long, nous aurons probablement moins de temps pour les questions, pour vous aussi monsieur Côté. Je vous accorderai environ une heure—en fait, un peu moins, car M. Lépine, qui devait témoigner avec vous, a fait ses remarques avec l'autre groupe de témoins. Ça vous va?

M. Louis Gauvin: Vous êtes bien aimable. Je vous remercie.

Le président: Vous aurez jusqu'à 11 h 15, environ. Si vous estimez qu'il vous faut 10 minutes...

[Français]

Monsieur Côté, est-ce que vous avez besoin de 10 minutes ou si 5 minutes vous suffisent?

M. Denis Côté (coordonnateur, Info-tabac): Ma présentation comporte deux parties. La première partie a un aspect visuel qui va servir aux deux présentations. Je vais me servir du projecteur. Cette partie peut prendre cinq minutes, tandis que la présentation d'Info-tabac prendra au minimum cinq minutes. Je vais essayer de ne pas trop dépasser les cinq minutes.

Le président: Je vous donne 10 minutes chacun. Ça va? Monsieur Côté, vous êtes le premier.

M. Denis Côté: Je vais seulement dire quelques mots pour présenter Info-tabac et je vais tout de suite aller à la projection. Comme cela, si on m'interrompt, la présentation visuelle aura au moins été faite.

Merci, mesdames et messieurs les députés, de nous recevoir. Info-tabac est un organisme sans but lucratif fondé en 1994. Notre but est d'encourager la diffusion, par les médias québécois, d'information sur le tabagisme. Avec les médias québécois, surtout les médias francophones, on se rend compte à quel point le dossier des commandites est très important. En effet, les médias québécois, surtout les francophones, ont un fort préjugé en faveur des commandites du tabac, et toute la lutte anti-tabac souffre de ce préjugé-là. Le plus tôt on aura passé à travers le problème des commandites, le plus tôt les médias québécois francophones vont nous donner une meilleure presse sur d'autres aspects importants de la lutte anti-tabac.

Notre organisme publie un bulletin mensuel depuis novembre 1996, qui est notamment envoyé à tous les députés. On a un site Internet. Nous sommes financés principalement par le ministère de la Santé du Québec.

Je vais tout de suite aller à la présentation visuelle et, tout dépendant du temps qu'il va me rester, je vais continuer la présentation d'Info-tabac sur le projet de loi C-42.

Vous voyez ici des photos qui ont été prises au Festival international de Jazz de Montréal. Vous avez, en bas à droite, une photo du paquet de cigarettes du Maurier. Vous voyez que l'ensemble du décor et de la publicité reprend les couleurs et le lettrage du paquet. L'ensemble de la publicité et du décor rappelle aux fumeurs leurs cigarettes.

Ici, pour cette autre commandite, c'est la même chose. Pourtant, il ne s'agit même pas d'un événement canadien. C'est l'écurie Winfield de formule I, l'écurie de Jacques Villeneuve. Puisqu'il y a un pilote d'origine québécoise sur la scène internationale, la compagnie en a profité pour lancer une marque de cigarettes qui n'était pas commercialisée au Canada, les Winfield. À l'année longue, on retrouve de la publicité un peu partout. Vous en avez ici, dans un dépanneur, sur un plancher, dans un restaurant, dans les autobus, un peu partout.

• 1040

Ici, vous pouvez voir l'Omnium du Maurier. On retrouve ici le rouge du Festival de Jazz. Tout est aux couleurs du paquet. Même les enfants chasseurs de balles doivent porter les habits aux couleurs des cigarettes.

Personnellement, j'ai été pendant cinq ans directeur de la revue Tennis Magazine. J'ai été impliqué un peu dans la commandite, de manière indirecte, et j'ai vu à quel point le tennis devenait asservi par Imperial Tobacco.

Toutes ces photos ont été prises en 1998, cet été pour la plupart. Vous voyez ici le Grand Prix Players de Trois-Rivières. Encore là, les bénévoles doivent porter un tee-shirt avec un Players dans le dos. En haut, ce sont les pilotes de l'écurie Players. Comme vous le voyez, ça intéresse beaucoup les enfants. Vous avez, en haut, à gauche, un étalage de cigarettes avec la commandite juste au-dessus. Vous voyez des oriflammes de la ville de Trois-Rivières; ce qu'on voit le plus est la marque de cigarettes.

On retourne maintenant chez Rothmans Benson & Hedges. Ça, c'est L'International Benson & Hedges. Ce sont des feux d'artifice. Ça part d'un parc d'amusement pour adolescents à Montréal, La Ronde. Comme vous le voyez, le lettrage et les couleurs reprennent toujours les couleurs du paquet de cigarettes. On se retrouve un peu comme dans l'environnement du paquet.

Je vais vous montrer maintenant de la publicité de cigarettes avant l'interdiction de la publicité. À cette époque-là, dans les années 1980, les compagnies de cigarettes pouvaient annoncer tout ce qu'elles voulaient, comme elles le voulaient. Vous voyez que le style de publicité ressemble beaucoup à ce qui est resté, c'est-à-dire de la publicité de type style de vie, des autos de course, de la motoneige, des gens heureux, des slogans d'enthousiasme.

Voici deux autres annonces. Dans les revues, elles n'étaient pas placées une à côté de l'autre. Je les ai montées comme cela pour en faire deux à la fois. Vous voyez ici du...

[Note de la rédaction: Inaudible]... C'était Belvedere. De l'autre côté, vous avez du ski de fond, encore du sport. Ici, c'est du golf Craven A et de l'aventure Export 'A'. Ça ressemble beaucoup aux annonces actuelles des commandites d'Export 'A'. La différence est que le paquet n'est plus dans l'annonce; mais la marque y est. Les fumeurs, lorsqu'ils achètent leurs cigarettes, ne demandent pas des cigarettes ou du tabac: ils demandent des Export 'A', des Players. C'est la marque qui est synonyme du paquet.

Enfin, on a du tennis Players. Ce n'est pas une commandite, mais une pure annonce de cigarettes, quand les compagnies pouvaient annoncer comme elles le voulaient. Elles associaient ici leurs cigarettes au tennis. De l'autre côté, vous avez une montgolfière. Vous voyez que, dans l'annonce de Craven A, il n'y a pas de paquet. Ce n'est pas nécessaire. Les gens savent que Craven A, ce sont des cigarettes. En associant Craven A à quelque chose d'agréable, ils font leur publicité, à la fois de leur marque et du fait de fumer.

Je vais retourner là-bas pour la suite.

• 1045

Dans le dossier qu'on vous a envoyé par la poste et que vous avez dû recevoir, vous avez deux textes du Conseil québécois sur le tabac et la santé, la version anglaise et la version française. L'un s'intitule: «À quoi servent les commandites de l'industrie du tabac?», et l'autre: «Pourquoi imposer dès maintenant des restrictions canadiennes aux commandites du tabac?» Ces deux textes sont très courts et très simples. On a mis cela en deux pages pour que ça soit plus rapide à lire, considérant que vous êtes des gens très occupés. On vous demande respectueusement de les lire. Ce sont des choses très importantes qui sont jugées ces jours-ci. Je ne reviendrai pas sur ces textes-là parce qu'il faudrait peut-être une demi-heure pour vous en faire faire le tour. Je les laisse donc à votre considération.

À Info-tabac, on est contre le projet de loi C-42. On trouve que cela n'a aucune justification. La situation d'aujourd'hui est la même que celle qu'il y a un an ou un an et demi, lorsque le projet de loi a été étudié. Les organisateurs avaient les mêmes contraintes. C'était la même chose également en 1985-1986. Il y a eu deux débats de société qui ont été faits là-dessus et les gens des deux côtés se sont exprimés. Les gens de l'industrie du tabac l'ont fait avec des moyens énormément plus importants que les nôtres. Chaque fois, le gouvernement a dit après un certain temps: «Non, on interdit les commandites.» Une fois, il l'a dit presque à l'unanimité, et l'année passée, il l'a dit à une très forte majorité, seul le Bloc québécois s'étant opposé parce qu'il n'y avait pas de mécanisme de compensation.

La dernière fois, vous avez laissé aux événements deux saisons pour s'ajuster, alors que les compagnies de cigarettes, elles, devaient enlever leurs affiches de publicité traditionnelle presque le jour même. Dès la sanction royale, elles ont été obligées d'enlever leurs annonces, alors que les événements ont eu deux saisons d'été pour s'ajuster, l'été 1997 et l'été 1998.

Reporter cela de deux ans montre aux gens que la lutte anti-tabac, ce n'est pas tellement sérieux, qu'une loi anti-tabac peut être reportée à plus tard lorsqu'on exerce un peu de pression. Pour le Québec, c'est bien particulier. Le Québec aurait besoin d'une étape comme celle qui aurait dû être mise en oeuvre le 1er octobre, qui aurait supprimé à peu près 70 p. 100 des publicités, ce qui fait que les événements auraient été encore plus intéressés par le plan de compensation du gouvernement du Québec, qui est amplement suffisant.

Le plan de compensation offre 12 millions de dollars par année, alors que les organismes reçoivent—les députés du Québec ont une liste à la fin—un montant d'environ 9 millions de dollars. Le gouvernement a plus d'argent qu'il en faudrait pour les indemniser tous s'il le voulait. L'argent est déjà disponible puisque la taxe est rétroactive à février de l'année passée. Donc, s'il y avait des pressions, il y aurait certainement une entente rapide entre le ministère de la Santé et les organismes. J'ai été très content d'entendre Mme Picard dire qu'ils étaient intéressés, parce que nous ne leur parlons pas souvent.

Le président: Monsieur Côté, le temps passe très vite. Nous avons votre témoignage et les amendements que vous proposez. On pourra revenir à ce discours plus tard. Je voudrais donner immédiatement la parole à M. Gauvin.

M. Louis Gauvin: Mesdames et messieurs, membres du comité, merci de nous avoir invités à présenter notre point de vue.

La promotion des commandites de tabac est présentement le principal moyen de promotion des cigarettes, et je pense qu'on vient de le voir de façon éloquente. Elle remplace parfaitement la publicité directe de type style de vie, avec l'avantage, pour l'industrie, de ne pas comporter d'avertissement sur les effets nocifs des produits de tabac.

Comme on vient de le voir, ce type de promotion comporte fréquemment des éléments de marketing attrayants pour les jeunes, comme les slogans de révolte rouge rebelle des cigarettes Winfield, associées à Jacques Villeneuve, de jeunes et beaux mannequins et des divertissements captivants, ce qu'on appelle les sports extrêmes de la série Export 'A', qu'on peut voir actuellement un peu partout.

Souvent, les événements commandités servent uniquement de prétextes pour faire de la publicité sur le tabac, ces événements s'étant déroulé depuis longtemps ou se trouvant dans des régions bien trop éloignées du public visé par la publicité en question. Je crois qu'on voit encore dans la région de Montréal la publicité sur le tournoi de ballon de plage de Wasaga Beach, en Ontario, qui est une très belle partie de la baie Georgienne. J'y suis allé à plusieurs reprises. Je ne crois pas que des Montréalais partiront un matin pour aller assister à un tournoi de ballon de plage à Wasaga Beach. Ce serait étonnant.

• 1050

L'étude effectuée par l'agence ACNielsen, qui a été rendue publique hier par l'association des Médecins pour un Canada sans fumée, considère le marketing des commandites de tabac à la télé, à la radio et sur les grands babillards comme de la publicité traditionnelle.

Au Québec, les dépenses publicitaires des compagnies de tabac sont plus élevées que dans toutes les autres provinces canadiennes. Faut-il s'en étonner? Pendant les quatre dernières années, l'industrie du tabac a dépensé en publicité traditionnelle 1,14 $ par Québécois, comparativement à 0,67 $ pour l'ensemble du Canada, soit une différence de 70 p. 100.

Nous sommes la cible préférée des compagnies de tabac et nous ne nous en réjouissons pas. On sait bien que 90 p. 100 des fumeurs commencent à fumer lorsqu'ils sont jeunes et que l'industrie du tabac a besoin de recruter ces jeunes pour remplacer les fumeurs qui décèdent ou ceux qui arrêtent de fumer pour maintenir son chiffre d'affaires. On sait aussi que la publicité de commandite contient des éléments attrayants pour les jeunes.

On peut donc déduire que les compagnies de tabac considèrent le Québec comme un bassin de fumeurs très prometteur. Dans tous les cas, leurs investissements semblent porter fruit, puisque le Québec a le taux de tabagisme le plus élevé chez les jeunes de toutes les provinces canadiennes, soit 38 p. 100. Quelqu'un posait tout à l'heure une question à savoir si la baisse des prix avait eu un effet sur la consommation; c'est précisément ce à quoi on peut l'associer. On a constaté qu'en cinq ans, entre 1991 et 1996, le nombre de jeunes fumeurs avait doublé au Québec, la baisse des taxes ayant eu lieu au début de 1994. Il y a maintenant 20 000 jeunes de moins de 18 ans qui commencent à fumer chaque année au Québec.

C'est pour toutes ces raisons que la position de nos 70 organismes membres est d'interdire complètement toute promotion des produits du tabac. Nous trouvons immoral et honteux que nos gouvernements permettent encore la promotion d'un produit inutile et mortel, un produit qui cause la mort de la moitié de ses consommateurs réguliers.

Le gouvernement du Québec a récemment adopté des mesures pour restreindre la promotion du tabac. La Loi 444 a été adoptée à l'Assemblée nationale le 17 juin dernier. Cette loi améliore nettement la situation au Québec en ce qui concerne le tabac et contient les dispositions suivantes relativement à la commandite: dans deux ans, la promotion de la commandite de tabac sera restreinte; dès le 1er octobre 2000, elle sera permise seulement sur le site de l'événement, pour la durée de l'événement seulement et dans des publications pour adultes; dans cinq ans, toute commandite de tabac directe ou indirecte sera interdite; la loi impose un plafond sur le nombre d'événements commandités par l'industrie du tabac et sur leurs budgets; elle limite la commandite aux contrats qui sont déjà signés et décrète que les dépenses afférentes ne pourront excéder le niveau actuel; enfin, pour les deux prochaines années, les organisateurs d'événements—vous le savez maintenant—pourront opter pour des subventions gouvernementales pour remplacer la commandite du tabac; on a créé à cette fin un fonds de 12 ou 13 millions de dollars.

Dès cet automne, ces mesures inciteront les événements québécois à renoncer à la commandite de tabac, ce qui aidera à prévenir au Québec une nouvelle «crise» pour les organisateurs d'événements peu avant l'entrée en vigueur des restrictions.

Bien que ces mesures représentent un gain net et important pour la santé publique au Québec, elles ont été néanmoins le résultat d'un compromis et d'un recul par rapport à la version originale du projet de loi, qui n'accordait qu'un délai de deux ans avant l'interdiction totale de la commandite.

Si je soulève ce point, c'est que la loi québécoise est loin d'être parfaite et que nous appuyons tout renforcement supplémentaire pour réduire la promotion par les commandites de tabac, comme les mesures fédérales auraient normalement dû être en vigueur depuis le 1er octobre dernier.

Tel qu'il est rédigé, le projet de loi fédéral n'améliore en aucune façon la situation au Québec. En fait, le projet de loi ne ferait que nous priver de restrictions substantielles sur la commandite pendant les deux prochaines années. La mesure qui interdit la commandite de tabac dans cinq ans ne nous concerne pas, puisque la loi québécoise prévoit déjà cette mesure.

C'est donc au nom de nos 710 organisations membres et pour la défense de la santé de tous les jeunes Québécoises et Québécois que nous nous opposons au projet de loi C-42 dans sa version actuelle.

Néanmoins, nous sommes conscients que le gouvernement du Canada entend adopter ce projet de loi, peu importe les réticences exprimées par la communauté de la santé, et cela le plus rapidement possible si l'on se fie à l'empressement que subit le processus législatif.

• 1055

Tout comme nos confrères nationaux, nous disons que si le gouvernement est déterminé à adopter ce projet de loi, il devrait au moins le modifier en vue de renforcer et de protéger les objectifs de santé en question.

D'abord, il faut que la loi contienne des mesures qui mèneront à la réduction du nombre de commandites de tabac et de leurs budgets, à mesure qu'on s'approchera de la nouvelle date limite. Sans cela, les mêmes circonstances qui ont mené à l'accroissement de la dépendance des événements culturels et sportifs à l'égard du tabac feront en sorte qu'on devra à nouveau reporter l'échéance. La dépendance croît avec l'usage dans la commandite aussi.

Deuxièmement, la loi devrait être consolidée de façon à mieux protéger l'intérêt du public contre l'habileté dont l'industrie fera preuve pour contourner l'esprit de la loi.

À défaut de retirer ce projet de loi, nous recommandons les amendements suivants: de fixer l'entrée en vigueur de la période de délai au 1er octobre 1998, ce qui semble avoir été annoncé par Mme Caplan tout à l'heure, au moment où j'étais absent de cette salle; de déterminer un plafond pour les montants figurant dans tout contrat de commandite et autres dépenses promotionnelles de l'industrie du tabac; d'interdire la promotion des commandites de tabac aux points de vente; de ne permettre que la promotion des commandites d'événements canadiens pour lesquelles un contrat était déjà signé le 25 avril 1997—je crois qu'on a également apporté des amendements à cet égard—d'interdire toute promotion indirecte liée au tabac, comme l'application d'une marque sur un produit ou un service sans rapport avec le tabac, de même que la promotion de ces produits et services.

Peut-être avez-vous entendu dire qu'on se proposait récemment de mettre sur le marché anglais un café Benson & Hedges et que des groupes de santé en Angleterre s'y étaient fortement opposés; on comprend pourquoi. Nous recommandons aussi de soumettre la promotion des commandites de tabac à des règles analogues à celles qui s'appliquent à la publicité directe, par exemple d'imposer l'affichage d'avertissements santé sur toute mesure de promotion; et enfin, de limiter la promotion des commandites de tabac à la clientèle potentielle de ces événements.

En conclusion, nous espérons que dans le peu de temps accordé à ce dossier, vous allez faire tout votre possible pour étudier et appuyer les améliorations proposées par les groupes de santé. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Gauvin. Passons directement aux questions. Monsieur Hill.

M. Grant Hill: Merci de votre témoignage. J'ai posé deux questions aux autres témoins, dont la première était: est-ce que ce projet de loi est vraiment plus fort, comme l'affirme le gouvernement? Est-ce que les modifications qu'on y propose rendent la loi plus stricte qu'elle ne l'était auparavant?

M. Louis Gauvin: Est-ce que vous faites allusion à la Loi C-71 ou à la loi qui était en vigueur avant la décision de la Cour suprême?

M. Grant Hill: La loi précédente, la Loi C-71.

M. Louis Gauvin: Denis, je vous cède la parole.

M. Denis Côté: Les dispositions actuelles de la Loi C-71 complètent très bien la Loi 444 du Québec. Pour nous, ce serait extraordinaire si le projet C-42 pouvait rester en plan au Feuilleton. Les restrictions prévues pour dans deux ans seraient ainsi mises en vigueur avec un préavis de deux semaines. La publicité sur le tabac chuterait presque du jour au lendemain de 70 à 80 p. 100, sinon plus, dans tout le pays. Les organisateurs des événements au Québec se lanceraient tout de suite dans les bras du ministre Rochon et lui diraient qu'ils trouvent son plan de compensation très intéressant et qu'ils veulent le rencontrer, ce qui n'est pas tellement le cas actuellement.

En disant qu'on remet à dans deux ans l'application de mesures plus rigoureuses, on s'expose à ce que 200 000 personnes nous disent qu'elles arrêteront de fumer dans deux ans et que, d'ici là, elles fument autant, sinon peut-être plus que maintenant. L'impact de cette loi se fera sentir quand le paysage changera; et le paysage pourrait changer de façon marquée dès maintenant si on appliquait les dispositions de la Loi C-71.

Le président: Monsieur Gauvin.

M. Louis Gauvin: En anglais comme en français, nous utilisons l'expression

[Traduction]

un pas en avant, deux pas en arrière,

[Français]

selon l'ordre dans lequel on le dit. C'est un peu ce que cette loi représente. Il y a une amélioration dans le sens que l'interdiction totale de commandite ne faisait pas partie de la Loi C-71. Elle est maintenant incluse dans le projet de loi C-42. C'est ainsi qu'on fait un pas en avant. Cependant, le recul, c'est qu'on reporte de deux années le début du changement qui sera apporté à la situation actuelle; la date du 1er octobre est reportée à dans deux ans. On accorde un délai. On n'impose pas de plafond au nombre d'événements commandités et au montant de leur budget.

• 1100

On connaît l'habileté de l'industrie du tabac, et je crois qu'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elle continue, au cours des cinq prochaines années, à s'immiscer dans les événements culturels et sportifs, partout au Canada, de sorte que le nombre d'événements commandités passera de 200 ou 300 qu'il est sans doute actuellement à 2 000 ou 3 000. Lorsque, dans cinq ans, le gouvernement voudra déclarer que dorénavant la commandite sera interdite, 3 000 groupes viendront ici sur la Colline parlementaire dire qu'ils ne peuvent plus se passer de la commandite de l'industrie du tabac. C'est ce que nous appréhendons, et ce projet de loi ouvre la porte à cette éventualité.

M. Grant Hill: Sur le plan international, où se situerait le Canada avec cette loi, comparativement aux autres pays qui ont des lois anti-tabac?

M. Denis Côté: Le pays est peut-être parmi les 20 p. 100 des pays les plus avancés, mais il occupe la même position qu'en 1987-1988. Donc, elle ne s'est pas améliorée depuis 11 ans. On disait tout à l'heure que le Canada était un leader mondial dans la lutte anti-tabac. Je dirais plutôt que le Canada est un leader mondial dans le domaine des commandites.

Plus tard, vous allez entendre des représentants du Ralliement pour la liberté de commandite, organisme téléguidé par une agence de relations publiques qui s'appelle Edelman Worldwide, qui a le contrat international des commandites de British American Tobacco et dont le bureau est situé à Montréal. Il y a donc quelques personnes à Montréal, que le public ne connaît pas, dont le métier est de répandre le tabagisme sur toute la planète. Le gouvernement du Canada a encore beaucoup à faire avant de mériter le titre de leader mondial ou une place parmi les premiers dans la lutte contre le tabagisme.

Le président: Madame Picard.

Mme Pauline Picard: Je voudrais avoir un éclaircissement, monsieur Côté. Vous dites que nous sommes actuellement dans la même situation qu'au début des années 1980. Pourtant, toute la publicité qu'on voyait autrefois, il y a 10 ou 15 ans, à la télé, dans les journaux, dans l'affichage, sur des panneaux souvent érigés le long de la Transcanadienne ou de l'autoroute 20, a disparu.

M. Denis Côté: C'est vrai, mais tout cela a été remplacé par des commandites. On ne voit plus le paquet de cigarettes, mais on voit la marque de cigarettes et les couleurs du paquet. Par exemple, Players est toujours représenté par du bleu, du Maurier, par du rouge, etc. Alors, l'image est toujours là pour le fumeur et pour la population en général. Tout le monde sait que du Maurier est une marque de cigarettes et quand on voit une annonce de du Maurier, on pense à la cigarette ou à l'acte de fumer. C'est de la banalisation, une approbation du tabac.

De plus, si je disais qu'on en est au même point qu'il y a 10 ans, c'est qu'en 1988, le gouvernement avait interdit les commandites de tabac. Je ne me souviens plus par quel mécanisme on forçait leur retrait, mais c'était sur une période d'environ deux ou trois ans. Ce que les compagnies de tabac ont alors fait a été de fonder des filiales sous le nom de leurs paquets, par exemple Players Ltée, du Maurier Ltée, Matinée, Export 'A' Inc., et ce sont ces compagnies qui commanditaient des événements. En somme, elles se sont inventé une échappatoire.

Du moins, c'est ce que tout le monde a dit. En fait, le texte même de la loi aurait permis de les poursuivre, mais Santé Canada a préféré laisser porter sous prétexte que les compagnies de cigarettes auraient pu les poursuivre devant les tribunaux.

• 1105

Mme Pauline Picard: Merci.

Le président: Monsieur Paradis.

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Vous n'êtes pas le premier intervenant à souligner le fait qu'il pourrait y avoir des liens entre les commanditaires et les compagnies de tabac, dans le domaine des relations publiques. Je vous remercie de l'attention que vous portez au dossier et des représentations que vous nous faites aujourd'hui.

Mais je veux quand même vous rassurer sur un point. J'ai été président du caucus libéral du Québec, et les commanditaires qui nous ont alors approchés ont demandé dès le départ, cela bien avant l'adoption de la Loi C-71, un délai de cinq ans pour pouvoir se réorienter. Ce n'est donc pas une demande qui a été faite après l'adoption de la Loi C-71 ou qui était due au fait qu'on voulait étirer le processus. Ils l'avaient demandé dès le début, et les pressions faites sur l'ensemble des politiciens l'ont été en vue d'obtenir un délai pour se réorienter.

Je vous encourage à rester vigilants, non seulement vis-à-vis de ce qu'on appelle les commandites, mais vis-à-vis de bien d'autres choses. D'autres groupes avant vous nous ont fait remarquer qu'une fois les commandites retirées du tableau, les compagnies de tabac tenteraient certainement de trouver d'autres moyens pour atteindre le consommateur. C'est dans cette perspective que je vous invite à rester vigilants. Plusieurs ont souligné que les compagnies s'ingénieraient certainement à trouver d'autres moyens efficaces pour faire la promotion des cigarettes. Peut-être devriez-vous déjà attirer notre attention sur ce que pourraient être ces moyens-là.

J'ai une question pour vous. On a dit que la cigarette était une cause de mortalité importante chaque année. Nous sommes le Comité de la santé, et qui dit mortalité, dit aussi traitements et soins avant le décès. Est-ce que vous avez, à Info-tabac, une idée du coût de ces soins de santé dans l'ensemble du pays, des soins qu'on prodigue à ceux qui, par exemple, ont un cancer du poumon dû à la cigarette?

M. Denis Côté: Au Québec, on parle simplement de la gestion des maladies. Je dis bien gestion et non pas guérison, car il meurt entre 10 000 et 12 000 Québécois par année—environ 30 par jour—des suites d'une maladie liée au tabac. Le traitement, la gestion de ces maladies, coûte environ un milliard de dollars. Vous pouvez multiplier ce chiffre par trois pour l'ensemble du Canada. On peut aussi tenir compte d'autres dépenses liées à la perte de productivité. Les gens qui meurent à 40, 45 ou 50 ans, et même à 60, 65 ou 75 ans, auraient pu être utiles à la collectivité pendant encore 10, 20, 30 ou 40 ans, sans compter la perte pour les familles en deuil. Qui n'en connaît pas?

M. Denis Paradis: Vous citez le chiffre de un milliard de dollars par année pour le coût des traitements dispensés, au Québec seulement, à ceux dont le cancer du poumon pourrait être dû à la cigarette. Est-ce qu'il existe une étude ou quelque chose qui donne le détail de ce calcul? Comment obtient-on ce chiffre de un milliard de dollars par année? On compte sans doute le nombre de jours à l'hôpital, la médication, etc. Est-ce qu'il existe de la documentation là-dessus?

M. Denis Côté: Oui, il y a eu plusieurs études de faites là-dessus. Je ne les ai pas par-devers moi. Je pourrais vous les faire parvenir, monsieur le député, si vous le désirez. Ce n'est pas mon domaine. Ma spécialité, c'est la publicité. Je serais donc malvenu de faire autre chose que de vous faire parvenir un dossier.

[Traduction]

Le président: Si vous n'y voyez pas d'objection, nous demanderons à la greffière de distribuer le document à tous.

[Français]

M. Louis Gauvin: L'étude la plus récente sur ces coûts a été faite par Neil Collishaw, pendant longtemps fonctionnaire à Santé Canada et maintenant à l'Organisation mondiale de la santé, et date, je crois, du début des années 1980. Elle a été mise à jour à la fin de la même décennie.

Le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies a mené l'étude la plus récente sur l'ensemble du Canada et a également compilé plusieurs autres études. C'est celle qu'on vous fera parvenir. Elle inclut également, comme l'a dit M. Côté, des chiffres concernant les pertes de productivité.

M. Denis Paradis: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Paradis.

Madame Wasylycia-Leis.

• 1110

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je voudrais poser une question à M. Côté en ce qui concerne ses recommandations en vue de modifier le projet de loi. Est-ce qu'il est vrai que les trois premières recommandations sont contenues dans le discours de Mme Caplan? Et y a-t-il de grandes différences entre vos autres recommandations et celles de la Société canadienne du cancer?

M. Denis Côté: Je peux répondre pour Info-tabac, si vous me le permettez. Pour ce qui est de la Société canadienne du cancer, je ne le sais pas.

Dans le mémoire que nous vous avons distribué, nous proposons un plan de rechange qui permettrait de réduire la publicité, de réduire les abus; ce n'est pas un plan qui comporte la mise en vigueur des restrictions au 1er octobre. Comme M. Gauvin l'a dit, le gouvernement semble déterminé à aller de l'avant. Nous avons donc conçu un plan qui conviendrait aux principaux événements commandités tout en réduisant le plus possible la publicité, et qui enverrait des messages clairs à tout le monde, organisateurs, compagnies de cigarettes, population, comme quoi le mouvement s'accélère. Ce plan demande que seuls les organisateurs puissent annoncer les événements, et non pas les compagnies de cigarettes. Actuellement, quand vous voyez l'annonce d'un événement, vous pouvez croire que l'annonce est faite par l'organisme en charge de l'événement, mais elle peut être faite aussi par la compagnie de cigarettes. Nous demandons que seuls les organismes qui gèrent la publicité de l'événement dont ils ont la charge puissent faire ces annonces.

Nous demandons aussi qu'il y ait des avertissements portant sur la santé au moins dans les points de vente, parce que les points de vente sont vraiment liés à la vente de cigarettes.

Nous demandons aussi d'interdire les articles promotionnels comme les bannières, les drapeaux, les parasols et les vêtements. Une marque de cigarette pourrait être jointe au nom de l'événement sur des panneaux rigides dans les points de vente, dans les imprimeries, à la radio et à la télévision, ce qui est énorme.

Si vous demandez aux compagnies de cigarettes ou aux organismes s'ils préfèrent ce plan à la Loi C-71, ils vont choisir sans hésiter le plan parce qu'il est quand même très généreux. Il a été pensé en tenant compte du fait que le gouvernement voulait plaire aux compagnies de cigarettes. Ce qu'il interdit, c'est la publicité abusive, comme l'annonce d'un événement longtemps avant ou après sa tenue. Il interdit aussi les nouvelles commandites.

Il contient aussi un autre élément, auquel personne ne semble avoir songé, soit l'interdiction d'insérer le nom de la marque de cigarettes dans le titre de l'événement. Cette suggestion serait applicable à compter du 1er janvier de l'an 2000. Cela laisse encore toute une saison à l'Omnium du Maurier et ferait qu'en l'an 2000, on devrait lire un texte du genre suivant: «du Maurier présente les Internationaux de tennis du Canada».

Ce sont là les principales différences par rapport à ce que Mme Caplan a annoncé. C'est bien expliqué dans notre mémoire, par des notes, en français et en anglais. Je ne peux évidemment pas en discuter pendant une demi-heure ici.

Le président: Monsieur Gauvin, à vous les dernières 30 secondes.

M. Louis Gauvin: Pour répondre à Mme Wasylycia-Leis, votre position s'inspire de celle de la Société canadienne du cancer. J'aimerais attirer votre attention sur deux points que cette position appuie.

Le premier, c'est que le projet de loi à l'étude n'interdit pas la promotion indirecte, comme l'application d'une marque sur un produit sans rapport avec le tabac, par exemple sur des casquettes ou des tee-shirts, dans la mesure où ils ne sont pas destinés aux jeunes ou attrayants pour eux. Mais les jeunes d'aujourd'hui grandissent tellement vite; probablement la casquette de leur père leur fera-t-elle et pourront-ils s'acheter ce genre de choses. C'est pareil pour les tee-shirts, les espadrilles ou les jeans.

On l'a vu en Europe; l'industrie du tabac a contourné les interdictions portant sur la publicité en France en annonçant sur des produits qui ressemblent à des paquets de cigarettes par le format, en apposant sa marque sur ces produits. C'est certainement une échappatoire qui sera largement utilisée, qui l'est peu présentement, parce que la publicité est interdite, mais qui va prendre une grande envergure.

• 1115

Le deuxième porte sur toute la publicité dans les points de vente. Vous allez chez le dépanneur et vous pouvez voir que tout le mur à l'arrière du comptoir ressemble à un paquet de cigarettes géant. Les achats spontanés dans les commerces de détail sont extrêmement nombreux. C'est ainsi qu'on se retrouve souvent entouré de toutes sortes de petits objets qui ne coûtent pas très cher, parce qu'on peut les acheter rapidement en payant comptant. Cela constitue une part importante des ventes.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur Greg Thompson, vous avez l'honneur de poser la dernière question.

M. Greg Thompson: Merci, monsieur le président, et encore une fois, merci d'être si bon pour le cinquième parti.

Des voix: Ah, ah!

M. Greg Thompson: Monsieur Côté et monsieur Gauvin, nous sommes ravis de vous accueillir aujourd'hui.

Ma remarque et ma question portent sur le pouvoir absolu qu'ont les fabricants de tabac pour faire passer leur message. Avant de poser ma question, j'aimerais vous parler d'une étude que le secteur du tabac a commandée et qui est si bizarre, si absurde, qu'on a du mal à croire qu'il a osé.

Le secteur du tabac a commandé une étude qui devait comporter une analyse des coûts et avantages de l'usage du tabac pour la société. Nous savons, et c'est un fait, que l'usage du tabac entraîne chaque année le décès de 40 000 Canadiens, mais ça n'a pas empêché les fabricants de tabac de faire ce qu'ils ont appelé une analyse décès-avantages.

Des voix: Ah, ah!

M. Greg Thompson: J'espère que je saurai me faire comprendre par l'intermédiaire des interprètes. Je suis désolé de ne pouvoir vous parler en français.

L'analyse décès-avantages, selon les fabricants de tabac, aurait donné les résultats suivants: parce que des Canadiens meurent d'avoir consommé du tabac et qu'ils meurent souvent jeunes et ne se rendent pas jusqu'à l'âge qu'ils pourraient espérer atteindre, l'avantage, du point de vue des coûts, pour le gouvernement est énorme. Si vous et d'autres mourez jeunes parce que vous avez fumé, le coût net pour le gouvernement du Canada sera moindre.

Autrement dit, selon eux, ceux qui fument et meurent jeunes seront moins nombreux à toucher une pension de vieillesse, leur pension du Canada et d'autres prestations de santé. Le secteur du tabac a commandé et payé cette étude. C'est si étrange que c'est difficile à croire.

Mais voici où je veux en venir: le secteur du tabac est si puissant qu'il peut faire la promotion d'une étude si bizarre. Cela va à l'encontre de toute logique. Et c'est à ce secteur tout-puissant que vous devez faire face.

Il y a deux ans, je crois, les fabricants de tabac nous ont dit qu'ils consacraient au minimum 120 millions de dollars à la publicité. Je crois que c'est maintenant autour de 150 millions de dollars. Comment peut-on lutter contre ce secteur si puissant, contre un comportement si bizarre, si insensé?

Le président: Vous êtes très éloquent, monsieur Thompson.

J'allais demander quel parti était alors au pouvoir, mais...

Des voix: Ah, ah!

M. Greg Thompson: Joe, je ne veux pas...

Le président: Monsieur Gauvin.

M. Greg Thompson: ...faire de politique car cela n'a rien à voir avec les couleurs qu'affichait le gouvernement, et vous l'avez vous-même fait remarquer. J'appuie bon nombre des mesures du gouvernement actuel, mais il n'en reste pas moins que nous sommes tous les victimes d'un groupe de pression extrêmement puissant, quel que soit le parti au pouvoir.

Le président: Je vous donnerai la chance de répéter votre message.

Monsieur Gauvin.

[Français]

M. Louis Gauvin: Vous voudrez bien excuser mon accent en anglais, monsieur Thompson. Je crois que l'on peut déclarer que

[Traduction]

si vous voulez mentir et que vous voulez qu'on vous croie, dites les plus gros mensonges possible.

Des voix: Ah, ah!

M. Louis Gauvin: Ne dites pas des bobards, dites de gros mensonges. Celui-là en est tout un.

Vous parlez de l'étude qui a été menée par M. André Raynault, économiste de réputation mondiale, et M. Vidal. Elle a été rendue publique en 1994, si ma mémoire est bonne.

À l'époque, j'étais en France, à Paris, à la neuvième Conférence mondiale sur l'usage du tabac et la santé. À cette conférence, un économiste français a aussi rendu publique cette étude, voulant peut-être profiter de la tenue de cette conférence.

• 1120

Comment contrer ce genre d'étude? Au Québec, le gouvernement du Québec a commandé à Pierre Fortin, un économiste bien connu au Québec et au Canada, et à certains de ses collègues, une étude sur les conséquences, positives ou négatives, des lois sur le tabac au Québec. Au terme de cette longue étude, on a jugé qu'il y avait eu un gain net pour la santé publique, pour les finances du gouvernement et pour l'ensemble de l'économie.

L'an dernier, nous avons rencontré les membres québécois du groupe parlementaire libéral ici, à Ottawa. Pierre Fortin est venu avec nous et voici ce qu'il avait à dire: éliminer le secteur du tabac au Canada. Ce serait très bon pour les emplois, parce que l'argent que les gens consacraient auparavant au tabac, un produit très taxé, serait alors consacré à d'autres produits moins taxés, ce qui serait bon pour l'économie.

Mais il semble que les gens sont prêts à croire les gros mensonges. On ne peut pas toujours gagner.

M. Greg Thompson: Vous vous souvenez de ce qu'Adolf Hitler et sa police de la pensée disaient à propos du mensonge: plus le mensonge est gros...

Le président: Monsieur Thompson, votre temps est écoulé.

M. Greg Thompson: Merci.

Le président: Merci de nous avoir rappelé la perspective historique.

Monsieur Gauvin, monsieur Côté, au nom de tous mes collègues, je vous remercie d'être venus. Je sais que vous avez dû vous lever très tôt ce matin pour faire un long voyage, surtout vous, monsieur Côté. Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir nous faire part de votre point de vue et de nous avoir proposé des amendements.

[Français]

M. Louis Gauvin: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Il nous reste encore un groupe de témoins, et j'aimerais que nous commencions sans plus tarder, mesdames et messieurs. Ne vous levez pas—bon, d'accord, vous avez deux minutes.

• 1122




• 1125

Le président: Chers collègues, pouvons-nous reprendre nos travaux?

Nous accueillons maintenant M. Rob Parker, du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac.

Monsieur Parker, je crois que vous connaissez nos règles. Vous êtes ici depuis le début de la séance. Si vous pouviez vous limiter à cinq minutes pour vos remarques liminaires, ce serait parfait. S'il vous faut un peu plus de temps, n'oubliez pas qu'il y aura alors moins de questions. Vous avez une plus grande marge de manoeuvre parce que vous êtes maintenant le seul à témoigner de votre groupe, mais je vous rappelle, ainsi qu'à mes collègues, que le comité préfère entendre un bref résumé de votre position pour ensuite passer aux questions—la vérité ressort ainsi beaucoup mieux. Vous pouvez commencer.

M. Robert R. Parker (président et chef de la direction, Conseil canadien des fabricants des produits du tabac): Merci, monsieur le président et messieurs et mesdames les membres du comité de votre invitation et de cette explication. Je n'ai pas l'intention d'abuser du temps que vous m'accordez. Comme quelqu'un d'autre l'a dit, je n'ai pas eu le temps de résumer mes remarques liminaires, mais je ne lirai pas tout mon mémoire. J'en extrairai les points les plus importants puis nous pourrons passer aux questions. Bien sûr, je serai alors heureux de vous donner plus de détails sur le texte dans son intégralité.

Je suis président et chef de la direction du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac. Le CCFPT est une association professionnelle qui représente les trois grands fabricants canadiens des produits du tabac. Nos compagnies membres sont Rothmans, Benson and Hedges Inc. RJR-Macdonald Inc. et Imperial Tobacco. Le CCFPT représente ses membres sur des questions d'intérêt commun ou il n'existe aucune concurrence entre eux.

Compte tenu des risques connus et inhérents pour la santé que constitue la consommation du tabac, l'industrie se rallie à l'idée selon laquelle le produit de même que sa commercialisation, sa promotion et sa vente peuvent faire légitimement l'objet d'une réglementation publique. Les risques mentionnés justifient aussi les programmes permanents des gouvernements visant à persuader les Canadiens de ne pas utiliser le produit.

Le débat sur la réglementation des produits du tabac ne porte donc pas sur un quelconque désaccord sur la légitimité de réglementer, mais bien plutôt sur la façon de s'y prendre. Les critères qui justifient l'établissement de normes sont ou devraient être les mêmes en ce domaine ou dans tout autre domaine faisant l'objet d'une législation ou d'une réglementation fédérale, c'est-à-dire équitables, légaux, efficaces tant en théorie qu'en pratique et justifiés sous le rapport coûts-avantages.

Certains éléments du projet de loi, de même que la Loi sur le tabac qu'il modifie, répondent à ces critères. D'autres, malheureusement pas. Les membres du comité savent sûrement que la Cour suprême du Canada a, en 1995, invalidé de nombreuses dispositions de la loi qui a précédé la Loi sur le tabac, à savoir la Loi réglementant les produits du tabac. Nos compagnies-membres ont réussi à contester la Loi réglementant les produits du tabac. La Loi sur le tabac fait actuellement l'objet d'une deuxième contestation.

• 1130

Pour mémoire, au cas où certains commentaires de ce matin seraient mal interprétés, cette contestation se poursuivra et englobera toutes les modifications, quelle que soit leur forme finale, et ce, largement à cause des restrictions extrêmes, injustifiées et anticonstitutionnelles imposées sur les droits légitimes qu'ont les fabricants d'un produit légal à communiquer avec les consommateurs adultes.

Avant de répondre à vos questions, j'aimerais aborder une question, à savoir la possibilité qu'on apporte un amendement qui imposerait une limite aux dépenses. Je crois que la secrétaire parlementaire, dans ses remarques liminaires, a reconnu que cela présentait des difficultés et a invité les témoins à en traiter.

Pour traiter de la question de la limite des dépenses de commandite, il faut savoir que cela peut se faire, en théorie, de plusieurs façons: par entreprise, par événement, par personne, par équipe, etc. J'aimerais vous décrire certaines des difficultés que cela poserait et vous dire que, peu importe la méthode choisie, cela entraînerait des problèmes énormes pour les commanditaires, les organisateurs d'événements et leurs fournisseurs, ainsi que pour le gouvernement. Il y a plusieurs raisons à cela.

Premièrement, si l'on impose un plafond sur les dépenses pour chaque événement, les conséquences risquent d'être imprévisibles et différentes selon le genre d'événement et selon la capacité des organisations à faire face à des hausses de coûts, que ce soit pour la publicité, les prix accordés ou les biens et services à fournir.

Le meilleur exemple est probablement celui de Jacques Villeneuve dont on a déjà parlé ce matin. Il est bien connu que la rémunération de Jacques Villeneuve a triplé en un an, passant de 5 à 15 millions de dollars. C'est attribuable à son succès, qui est tout à fait imprévisible. Si l'on impose un plafond, le commanditaire n'aurait d'autre choix que de se retirer.

Telle est l'intention des défenseurs de cette modification. Ce n'est pas l'intention du projet de loi.

Deuxièmement, les commanditaires et les organisateurs d'événements fonctionnent depuis la fin du printemps dernier sans être au courant d'un tel changement majeur rétroactif. Des centaines de contrats ont été signés avec des organisateurs et des fournisseurs. Un nombre inconnu de ces contrats devrait être annulé et il y aurait certaines poursuites.

Le gouvernement est-il disposé à indemniser les commanditaires et les organisateurs d'événements advenant de telles poursuites?

Troisièmement, même si un plafond était imposé compagnie par compagnie, le résultat pénaliserait injustement et arbitrairement certains événements et certaines compagnies mais pas d'autres. Cela imposerait aussi aux fonctionnaires un fardeau de réglementation onéreux et coûteux qui devra être retiré dans deux ans. Les dépenses de commandite ne sont pas faciles à classer par catégorie, à définir ni à mesurer et les trois fabricants procèdent différemment.

Enfin, sur la question globale des commandites par les compagnies de tabac, le projet de loi, dans son état actuel ou modifié, éliminera ou entravera grandement un grand nombre de ces événements, et ce, dans moins de deux ans. Les entreprises et les organisateurs le savent. Ils ne vont pas investir massivement dans des événements qui vont bientôt disparaître ou qui perdront de leur envergure d'ici deux ans.

Mais en attendant qu'ils disparaissent, il nous apparaît tout à fait ridicule de leur imposer ce genre de réglementation et de restrictions sur le soutien financier dont ils jouissent.

Merci, monsieur le président, je serai ravi de répondre à vos questions.

La présidente: M. Hill.

M. Grant Hill: Joe, Greg Thompson doit prendre l'avion, alors je vais lui permettre de poser la première question. Il dispose de peu de temps.

La présidente: Vous prenez donc son temps de parole?

M. Grant Hill: Oui.

La présidente: Merci. Greg.

M. Greg Thompson: Merci, monsieur Hill. Je vous suis très reconnaissant. Qui dit qu'il n'est pas possible pour nous deux de...

Une voix: Unir la droite?

Des voix: Oh, oh!

M. Greg Thompson: Je voulais seulement dire au président que c'est la première fois que je m'amuse autant en comité depuis le jour où Sheila Copps a sauté sur une table dans une salle de comité et a chassé Sinclair Stevens de la Chambre des communes.

Des voix: Oh, oh!

M. Greg Thompson: J'ignore dans quelle mesure c'est attribuable au président, mais j'ai passé une matinée très intéressante.

• 1135

Monsieur Parker, j'aimerais faire une remarque sur votre deuxième paragraphe où vous dites «compte tenu des risques connus et inhérents pour la santé que constitue la consommation du tabac». Reconnaissez-vous ainsi que 40 000 décès au Canada sont directement attribuables à la consommation de votre produit?

M. Robert Parker: Je ne peux vous dire cela avec certitude, monsieur Thompson. Je ne crois pas que nul autre puisse le faire. L'étude statistique qui a donné ces résultats s'est fondée sur un sondage mené auprès d'adventistes du septième jour dans le sud de la Californie, au milieu des années 70, je crois, et a été extrapolée pour la population canadienne.

M. Greg Thompson: Reconnaissez-vous que...

M. Robert Parker: Je ne le nie pas mais je ne le confirme pas non plus.

M. Greg Thompson: ...que cela entraîne des décès? Avez-vous déjà reconnu qu'il y a un lien direct entre le cancer et la consommation de votre produit? Vous ne l'avez jamais reconnu, pour autant...

M. Robert Parker: Sauf le respect que je vous dois, monsieur, ce n'est pas vrai. J'ai seulement dit que la consommation de tabac comporte des risques importants pour la santé.

M. Greg Thompson: Le cancer est-il l'un de ces risques?

M. Robert Parker: Oui.

M. Greg Thompson: Le cancer du poumon est-il l'un de ces risques?

M. Robert Parker: Oui.

M. Greg Thompson: Autrement dit, si je consomme votre produit, cela comporte des risques, et ce risque pourrait être de voir ma vie écourtée.

M. Robert Parker: Si vous fumez, vous augmentez de façon significative vos risques d'avoir un cancer du poumon. Le cancer du poumon est surtout, mais pas exclusivement, une maladie des fumeurs.

M. Greg Thompson: Vous reconnaissez donc que c'est lié à la consommation?

M. Robert Parker: Je l'ai toujours reconnu, monsieur.

M. Greg Thompson: Vous l'avez toujours reconnu?

M. Robert Parker: Oui.

M. Greg Thompson: D'accord. Puisque vous reconnaissez ce fait, pourquoi continuez-vous à promouvoir votre produit de façon à ce qu'il provoque le décès de 40 000... Non, vous ne reconnaissez pas le fait que cela cause 40 000 décès, mais pourquoi continuez-vous à promouvoir votre produit sachant pertinemment que sa consommation mène à une mort prématurée? Presque tous les Canadiens qui fument votre produit mourront prématurément d'une maladie cardiaque ou du cancer du poumon.

M. Robert Parker: Je ne suis pas d'accord avec cette statistique, mais ce n'est pas pertinent à votre question.

Je dirai deux choses. Premièrement, je n'ai pas pour fonction de promouvoir l'usage du tabac ou la cigarette. Je représente les fabricants au sujet de certaines questions de politique telles que les restrictions qu'on impose à la publicité. Suis-je d'accord pour qu'on interdise entièrement la promotion du produit? Non, manifestement pas. Suis-je d'accord pour qu'on limite ou qu'on réglemente cette promotion? Oui, tout comme le sont les fabricants, en raison des risques pour la santé.

Si le produit est de façon inhérente si dangereux et, si risqué pour la société, tout décideur responsable devrait l'interdire, mais c'est un vieil argument. C'est l'argument qu'ont invoqué il y a cent ans les pacifistes au sujet des fabricants d'armes. C'est l'argument qu'ont invoqué il y a soixante ans les prohibitionnistes pour faire interdire l'alcool et la bière. Et c'est l'argument qu'on invoque aujourd'hui au sujet du tabac.

Je sais qu'on ne réglera pas cette question devant votre comité, mais ce ne sont pas les fabricants de tabac qui sont à l'origine de la décision de fumer ou non. Tant que le produit est légal et que les fabricants ont le droit de produire et de vendre leurs produits et de se concurrencer les uns les autres, nous estimons qu'ils devraient avoir le droit de communiquer...

M. Greg Thompson: Je ne veux pas vous interrompre, M. Parker, mais nous disposons de peu de temps.

Il y a une chose que je tiens à dire car vous représentez les fabricants...

M. Robert Parker: Oui.

M. Greg Thompson: ...et j'estime que vous êtes assez intelligent pour reconnaître que les consommateurs canadiens doivent être bien informés au sujet de ce qu'ils consomment. Je pense plus précisément au projet de loi du sénateur Kenny, S-13, qui prévoit un prélèvement de 50 cents par cartouche de cigarettes pour constituer un fonds permettant de financer une campagne de sensibilisation des jeunes Canadiens aux dangers de l'usage du tabac. Seriez-vous d'accord pour qu'on fasse ce prélèvement sur l'industrie du tabac?

M. Robert Parker: Non, monsieur.

M. Greg Thompson: Pourquoi?

M. Robert Parker: Premièrement, parce que c'est une taxe à la fabrication et que j'estime qu'elle ne serait pas conforme à la procédure. M'opposerais-je à l'idée que le gouvernement consacre cet argent à des programmes de sensibilisation? Non.

M. Greg Thompson: Un moment, M. Parker. Si ce projet de loi est déposé à la Chambre des communes, ce n'est pas à vous de déterminer si la procédure suivie est la bonne ou non.

M. Robert Parker: Bien sûr que non.

M. Greg Thompson: Ainsi, le comité des voies et moyens... Si ce projet de loi était un projet de loi de la Chambre des communes—oublions le fait que c'est un projet de loi du Sénat—seriez-vous alors prêt à dire que ce serait une bonne idée que de prélever 50 cents par cartouche et d'utiliser cet argent pour sensibiliser les jeunes Canadiens aux dangers du tabac? Seriez-vous d'accord, alors?

M. Robert Parker: C'est le gouvernement qui détermine sa politique fiscale et comment il dépensera ces recettes. Ni moi ni le secteur ne critiquera un gouvernement qui augmente ses dépenses en matière d'éducation.

• 1140

Mais je dirai ceci: au cours des 10 à 20 dernières années, les gouvernements ont consacré des sommes considérables à l'éducation. Une bonne part de cet argent vise les jeunes de moins de dix ans qui font l'objet de campagnes scolaires des gouvernements fédéral et provinciaux. Toutefois, au cours des dix dernières années, le taux de tabagisme chez les Canadiens n'a pas changé.

M. Greg Thompson: De tous les endroits où on a lancé des campagnes...

Le président: Votre temps est écoulé. Je suis désolé, mais si je vous donne...

M. Greg Thompson: D'accord. Merci, monsieur le président, et merci à vous, M. Hill, de m'avoir cédé votre place. Nous nous reverrons la semaine prochaine.

Le président: Nous serons heureux de vous revoir au comité, M. Thompson. Merci.

Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard: Monsieur Parker, je ne suis pas d'accord sur le discours que vous prononcez aujourd'hui. Même si on ne sauvait que quelques vies par une réglementation interdisant la publicité, cela en vaudrait la peine. C'est tout ce que je voulais ajouter.

Le président: Merci. Monsieur Myers.

[Traduction]

M. Lynn Myers (Waterloo-Wellington, lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Parker, je vous renvoie à la page 2 de votre mémoire, au quatrième paragraphe, où vous dites:

    s'il y avait la moindre évidence fiable d'un quelconque rapport entre la publicité, que ce soit du produit ou des événements commandités, et la décision de fumer.

En réponse à une question de M. Thompson, vous avez aussi dit que vous n'estimez pas que cela puisse avoir une incidence sur la décision de fumer. Je me demande sur quoi vous vous fondez pour faire des remarques que j'estime scandaleuses.

Nous ne sommes pas d'accord, c'est évident, et vous connaissez bien les arguments pour et contre. Je respecte cela, mais j'aimerais quand même savoir comment vous pouvez faire une déclaration aussi insensée. Parce qu'il est clair, du moins à mon avis, qu'il y a un lien. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Robert Parker: Je voudrais brièvement citer trois sources à l'appui de cette conclusion. Tout d'abord, il y a environ deux douzaines de pays dans le monde qui, au cours des 20 dernières années, ont totalement interdit la publicité par commandite, comme nous l'avons dit tout à l'heure. S'il y avait un lien, il se manifesterait certainement dans les chiffres sur la prévalence du tabagisme dans ces pays pendant cette période. Des gens ont examiné cela pour chercher à établir des courbes de comportement. Ce que l'on a constaté, c'est que la prévalence du tabagisme, la décision de fumer, dans ces pays, suit une courbe très irrégulière: dans certains cas, elle est à la hausse, dans d'autres, elle est stable. Dans d'autres encore, elle diminue.

Deuxièmement, il faut voir l'expérience en milieu réel en Amérique du Nord au cours des 35 dernières années. Cela a coûté des milliards de dollars et, pendant pratiquement toute cette période, sauf pendant l'interdiction faite au Canada, les fabricants de produits du tabac ont eu des programmes de commercialisation et de publicité du tabac.

Qu'est-il advenu du tabagisme pendant cette période? Il a systématiquement diminué. Le niveau de prévalence au Canada a atteint un plateau il y a environ 12 ans et n'a pas beaucoup changé depuis. Par contre, aux États-Unis, il a continué à diminuer. À Hong Kong, où la publicité à la radio et à la télévision est interdite, mais où il y a encore des panneaux réclames de la taille d'un terrain de football, le tabagisme a diminué d'environ un tiers au cours des 10 dernières années, ce qui représente un bien meilleur bilan que celui qu'a obtenu le Canada avec une interdiction totale de la publicité.

Nous acceptons et approuvons les restrictions sur la publicité, mais prétendre qu'une interdiction totale a une incidence sur la décision de fumer est tout simplement contraire à l'expérience pratique et à la théorie. Je sais que l'on fait constamment cette affirmation; on vous a remis ce matin une autre brique qui appuie prétendument cette thèse, mais l'expérience vécue ne la vérifie pas.

Pour ce qui est de la consommation de tabac chez les jeunes, la dernière grande augmentation au Canada est intervenue entre 1991 et 1993, alors qu'il était interdit de faire de la publicité et que les prix étaient encore élevés et augmentaient. Or, il n'est pas très logique qu'une interdiction de la publicité encourage les gens à fumer, à moins qu'il n'y ait cet aspect du «fruit défendu» que nous ne comprenons pas. Je pense avoir parlé de cela dans mon exposé. Il est toutefois vrai que la dernière fois que ces deux conditions se sont trouvées réunies ici, Statistique Canada a constaté que le tabagisme chez les plus jeunes a augmenté.

M. Lynn Myers: Monsieur le président, je ne voudrais pas prolonger le débat.

Je ne vais pas me lancer dans un débat avec vous sur cette question, monsieur Parker, sinon pour dire que lorsque vous parlez d'expérience vécue, je dois vous dire que j'ai enseigné dans des écoles secondaires en Ontario et que j'ai aussi des expériences vécues qui m'ont montré comment des jeunes gens réagissent à la consommation de tabac et aux sortes de choses dont nous parlons ici aujourd'hui.

• 1145

En outre, pendant 15 ans, j'ai été membre du Comité de la santé et des services sociaux de la région de Waterloo, et je peux vous dire que, du point de vue de la santé publique, il y a également des expériences vécues.

Je ne vais pas vous faire changer d'avis et vous n'allez pas me faire changer d'avis, mais je tiens simplement à souligner que j'ai moi aussi des expériences vécues et je sais pertinemment qu'il existe un lien direct. Dans mon esprit, cela est très clair.

M. Robert Parker: Pardon, monsieur le président, si j'ai dit quoi que ce soit qui laisse entendre que le député n'avait eu aucune expérience dans ce domaine, ce n'est pas du tout ce que je voulais dire.

M. Lynn Myers: Non, ce n'est pas ainsi que j'ai interprété vos propos. Je veux simplement présenter le point de vue contraire.

M. Robert Parker: Je parlais simplement du comportement des populations dans divers pays du monde.

Le président: Merci, monsieur Parker et monsieur Myers.

Nous revenons à ce côté, avec Mme Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président. Je tâcherai d'être brève afin que les Réformistes aient la possibilité de poser d'autres questions.

Reconnaissez-vous, tout d'abord, que la publicité par commandite cible à la fois les fumeurs et les non-fumeurs pour les amener à assister à des événements ou à les regarder à la télévision?

M. Robert Parker: Oui. Elle a manifestement deux objectifs. L'un d'eux est de promouvoir la marque auprès des fumeurs. C'est pour cela qu'on la fait. J'en parle dans mon exposé. L'autre objectif est de promouvoir l'événement, d'accroître l'auditoire et d'attirer l'attention.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Dans ce cas, poussons un peu plus loin: reconnaissez-vous que la publicité par commandite vise à la fois les adultes et les jeunes pour les amener à assister à des événements ou à les regarder à la télévision?

M. Robert Parker: Il n'y a pas d'événements parrainés par des fabricants de tabac qui attirent un pourcentage de jeunes important. Évidemment, il y a des jeunes, en assez grand nombre, qui n'ont pas l'âge légal pour fumer ou pour acheter des cigarettes, des enfants donc, qui assistent à des événements comme des spectacles de feux d'artifices ou des courses automobiles. Mais en moyenne, les auditoires sont plus âgés et il faut qu'ils le soient. Les entreprises sont constamment accusées de cibler les jeunes, mais elles s'en défendent constamment. L'objectif du soutien promotionnel est de faire la promotion du produit auprès des fumeurs adultes.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Ma question suivante remonte à l'époque où je n'étais pas encore députée à la Chambre des communes. J'ignore s'il y a ici des gens qui étaient présents en 1987... Y a-t-il un député?

Le président: Nous sommes un comité tout jeune.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Très bien.

Notre recherche indique que le PDG d'Imperial Tobacco a déclaré devant le comité de la Chambre des communes que son entreprise effectuait des sondages auprès de gens de 15 ans et plus. Je voudrais donc savoir si Imperial Tobacco continue de faire aujourd'hui de la recherche de marché auprès d'adolescents de 15 à 19 ans.

M. Robert Parker: Je devrais vérifier les témoignages de l'époque, mais je pense que cela se fait à des âges supérieurs à 15 ans. À l'époque dont vous parlez, l'âge légal de consommation du tabac était 16 ans, d'après les lois fédérales et dans la plupart des provinces, et c'est auprès des jeunes de cette tranche d'âge qu'Imperial effectuait ses sondages. Depuis que l'âge de consommation du tabac a changé, l'âge des personnes visées par les sondages a augmenté. On a abondamment traité de cela dans le procès sur la loi réglementant les produits du tabac. Il y a un cas où une étude de marketing portait sur des gens plus jeunes, mais cela n'avait rien à voir avec leurs préférences ou leurs intentions en matière de tabagisme. Je peux vous fournir la documentation complète si cela vous intéresse.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Grosso modo, quand ce changement s'est-il produit?

M. Robert Parker: De l'âge légal?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui.

M. Robert Parker: Au cours des cinq ou six dernières années, je crois. La modification de la réglementation au fédéral est intervenue en 1994 ou 1995.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je sais qu'on vous a déjà posé cette question, mais permettez-moi d'y revenir. Je crois que ce qui nous inquiète tous c'est de savoir comment vous pouvez justifier qu'un fabricant de tabac fasse des études de marché auprès d'adolescents.

M. Robert Parker: À l'époque, les adolescents en question étaient d'un âge qui les autorisait légalement à choisir de fumer, d'acheter des cigarettes et de se faire vendre des cigarettes. Personne ne prétend qu'il est moralement acceptable de faire des études de ce type auprès de ceux qui n'ont pas l'âge légal. Malgré l'accusation, en l'absence de preuve, tout ce que je peux vous dire c'est que je ne connais aucun exemple de ce type de situation.

Le président: Madame Wasylycia-Leis, vous avez 30 secondes.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je me pose des questions quant à l'utilisation d'adolescents à des fins de commercialisation et...

M. Robert Parker: Vous voulez dire dans les publicités?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui.

M. Robert Parker: Pendant plus de 25 ans les fabricants, conformément à leur code et dans la pratique, ne se sont servis d'aucun modèle de moins de 25 ans.

Le président: Merci. Monsieur Paradis.

• 1150

[Français]

M. Denis Paradis: Merci, monsieur le président. Dans un premier temps, je voudrais remercier M. Parker de la franchise dont il a fait preuve lorsqu'il a répondu aux questions de M. Thompson sur le cancer du poumon, qui est la maladie des fumeurs.

Je commencerai par vous dire ceci. Mon adjointe de comté a 44 ans et est mère de quatre enfants. Elle a arrêté de fumer il y a deux mois, quand on a diagnostiqué qu'elle souffrait du cancer du poumon. Elle prend de la morphine au moment où l'on se parle. Je vous pose la question que j'ai déjà posée à un autre témoin: avez-vous une idée du coût des traitements des gens qui ont le cancer du poumon parce qu'ils ont fumé? C'est ma première question, monsieur Parker.

[Traduction]

M. Robert Parker: Il est très difficile de chiffrer précisément le coût des soins de santé attribuables à des maladies liées au tabagisme. Bon nombre d'économistes de divers pays ont essayé de le faire. Il y a, par exemple, l'étude Reynault-Vidal, dont l'un des auteurs est un ancien président du Conseil économique du Canada. Ils ont essayé de faire cela et il y a probablement deux ou trois douzaines d'autres chercheurs ou universitaires qui s'y sont attelés à diverses périodes au cours des 10 ou 15 dernières années.

Cette recherche a été effectuée pour répondre à cette question: quel est le bilan du coût des fumeurs pour la société? Nous savons qu'ils payent des taxes très élevées, mais, dans leur ensemble, financent-ils pour le coût du traitement des maladies liées à la consommation du tabac, maladies dont le risque augmente du fait de leur consommation? La réponse de tous ceux qui ont effectué ces études économiques est que les fumeurs subventionnent les non-fumeurs. Autrement dit, les taxes qu'ils payent sur les produits du tabac totalisent une somme supérieure à celle du coût des soins de santé.

Si on ajoute les coûts sociaux tels que le manque à gagner dû à l'incapacité de travailler, par exemple, les économistes soutiennent que c'est un ajout illégitime à l'équation parce qu'il s'agit du résultat d'un choix personnel plutôt qu'un d'un coût sociétaire. Rappelons qu'au Canada nous avons un système de soins de santé financé par le public.

Toutes les études économiques attribuent le bilan des avantages aux non-fumeurs. Autrement dit, cela représente une subvention versée par les fumeurs. Les prétendues études sociologiques, qui incluent un certain nombre d'autres phénomènes et qui, selon nous, exagèrent fréquemment leur importance, démontrent le contraire. Ce sont là les arguments des deux parties.

[Français]

M. Denis Paradis: Monsieur Parker, tout comme mon collègue Lynn, j'ai beaucoup de difficulté face au quatrième paragraphe de la page 2 de votre mémoire, où vous affirmez qu'il n'y a pas de rapport entre la publicité, que ce soit du produit ou de l'événement commandité, et la décision de fumer. J'ai beaucoup de difficulté face à cette affirmation. Vous prétendez que la publicité est davantage axée sur des batailles entre marques de commerce plutôt que sur la décision de fumer ou pas, mais encore ce matin, on nous a fait la démonstration que votre publicité s'adresse à un marché de jeunes que vous voulez aller chercher, que vous voulez faire entrer dans le domaine des fumeurs de cigarette. Je vous dis tout de suite que j'ai beaucoup, beaucoup de difficulté face à votre quatrième paragraphe à la page 2.

Je terminerai mon intervention en vous posant deux questions. Si le fait d'investir dans les commandites ne vous amène pas des nouveaux fumeurs ou du moins ne vous aide pas à maintenir le nombre de fumeurs que vous avez déjà, pourquoi tenez-vous tant à la publicité? Si la publicité n'a pas d'effet positif pour vous, pourquoi y tenez-vous tant? Pourquoi trouvez-vous toutes sortes de moyens pour essayer de nous expliquer que ça n'a pas d'effet et pourquoi nous dites-vous que nous ne devons pas toucher à ça? Pourquoi? C'est ma première question.

Deuxièmement...

Le président: C'était votre dernière question.

M. Denis Paradis: Oui, mais c'est une question à deux volets, monsieur le président.

Le président: Vous avez déjà dépassé le temps qui vous était alloué.

Monsieur Parker.

• 1155

[Traduction]

M. Robert Parker: Il y a un peu moins de 7 millions de fumeurs au Canada, monsieur le président, environ 6,8 ou 6,9 millions, je crois. Environ 10 p. 100 d'entre eux changent de marques tous les ans. Les ventes provenant de ces changements de marques entraînent des recettes nettes pour les fabricants d'environ 220 millions de dollars. Dans le secteur du tabac comme dans tout secteur de produits de consommation, plus la part du marché est élevée, plus le coût par client ou par article diminue. Autrement dit, l'augmentation de la part du marché est démesurément rentable; une diminution de la part de marché est démesurément coûteuse.

Les fabricants sont actuellement cantonnés à la commandite parce que, dans les faits, la Loi sur le tabac interdit la publicité, qui a d'ailleurs été retirée immédiatement après l'adoption de la loi. Avec leurs promotions et leur marketing, les fabricants cherchent donc à acquérir une part de ces recettes de 220 millions provenant de ceux qui changent de marques.

L'un des témoins antérieurs ou un mémoire que j'ai lu, je ne sais plus, a laissé entendre que ceux qui changent de marques s'orientent en fait vers des produits plus légers à plus faible teneur en goudron et en nicotine, et que c'est là tout ce que représente le changement de marque. Or, les produits en très faible ou en faible teneur en goudron et en nicotine se vendent très mal, et représentent moins de la moitié de 1 p. 100 de l'ensemble du marché. Ce chiffre s'applique à tous ces produits mis ensemble. Le changement de marques causé par une préférence de goût est d'une grande importance commerciale et économique. Ce sont ces ventes que les entreprises essayent de faire.

Le président: Monsieur Elley.

M. Reed Elley: Merci, monsieur le président.

Monsieur Parker, vous est-il arrivé de travailler dans un champ de tabac?

M. Robert Parker: Non, monsieur.

M. Reed Elley: Très bien. J'en ai fait l'expérience. J'ai grandi dans une région du sud-ouest de l'Ontario où l'on faisait la culture du tabac. Pour me faire rapidement quelques sous, lorsque j'étais jeune homme, j'ai travaillé dans un champ de tabac pendant deux ou trois ans. J'ai fait de l'ébourgeonnage. Vous savez ce que c'est que l'ébourgeonnage.

C'est à cette époque que j'ai décidé, en voyant ce que l'ébourgeonnage faisait à mes mains, qu'il n'était absolument pas question que je permette à ce produit d'entrer dans mes poumons. J'ai donc choisi de ne pas fumer et, franchement, je suis heureux d'avoir opté pour cela.

Cela dit, je trouve intéressant ce que vous dites au troisième paragraphe de votre mémoire, à savoir:

    Les critères pour définir des normes sont ou devraient être les mêmes dans ce domaine que dans tout autre domaine faisant l'objet d'une législation ou d'une réglementation au fédéral, c'est-à-dire équitables, légaux, efficaces tant en théorie qu'en pratique et justifiés sur le plan coûts-avantages.

Ensuite, vous ajoutez «Certains éléments du présent projet de loi, de même que la Loi sur le tabac qu'il modifie, répondent à ces critères».

J'aimerais bien savoir de quels éléments du projet de loi vous parlez.

M. Robert Parker: Il s'agit du projet de loi C-42. La publicité par commandite va être interdite, mais il faut choisir entre l'interdire immédiatement ou accorder une période de transition pour que les organisateurs d'événements puissent aller chercher d'autres sources de financement. Je pense que cela est logique. La décision d'appliquer les mêmes règles à tous les événements commandités plutôt que de les traiter différemment me paraît elle aussi logique.

Avec cette modification, on décide de fixer le début de cette nouvelle donne à une date ferme, c'est-à-dire au 1er octobre. Les entreprises et les organisateurs d'événements comptent d'ailleurs sur cette date et ont pris des dispositions en conséquence. Je pense que cette décision est elle aussi logique.

Dans l'ensemble, est-ce une proposition marquée au coin du bon sens que d'interdire entièrement la commandite? Je ne le crois pas. J'estime que cela augmente la possibilité qu'une mesure législative soit, une fois de plus, rejetée par les tribunaux parce qu'elle est trop extrême.

Devrait-il y avoir des limites sur les commandites? Oui. Devrait-il y avoir des limites sur la publicité? Là encore, oui. Ces limites devraient-elles être raisonnables, efficaces et inattaquables devant les tribunaux? Je pense que personne ne le désire plus que les membres de ce comité.

• 1200

Je dois toutefois vous dire que pour ce qui est du projet de loi, qui a été adopté par une législature antérieure—et cette modification n'a pas grand chose à voir avec cela—beaucoup des conseils que vous ont donnés nos amis qui ont comparu ce matin vous mènent directement à ce résultat.

Collectivement, vous rendriez à ce dossier un immense service en obtenant auprès de Statistique Canada et de divers conseillers indépendants des renseignements exacts sur la prévalence du tabagisme au Canada. J'ai entendu plus de sornettes ces deux derniers jours au sujet de ce que les Canadiens, jeunes ou moins jeunes, ont prétendument fait ces dix dernières années que je n'en ai entendu depuis bien longtemps.

Vous avez entendu dire que le tabagisme a augmenté une fois les taxes réduites. C'est faux. Vous avez entendu dire que le tabagisme a diminué lorsque les taxes étaient élevées. Les fonctionnaires de Statistique Canada et de Santé Canada peuvent vous le dire. Une connaissance exacte du comportement des fumeurs et des non-fumeurs vous aiderait, selon moi, à prendre de meilleures décisions politiques.

M. Reed Elley: Monsieur Parker, vous parlez de la légalité de ce projet de loi. Je voudrais vous renvoyer au projet de loi C-71 et au fait qu'à partir du 1er octobre toute publicité sur des panneaux-réclames ou tout type de publicité afférente est interdit. Les fabricants se conforment-ils à ces règles et suppriment-ils tous les panneaux-réclames?

M. Robert Parker: Non, monsieur.

M. Reed Elley: Vous allez donc agir illégalement?

M. Robert Parker: Nous sommes coincés entre la loi du Parlement qui dit une chose et l'intention clairement énoncée, dans le projet C-42, de faire autre chose.

Les divers fabricants ont cherché à savoir auprès du gouvernement quelles étaient ses intentions pendant cette période. Par exemple, nous avons cherché à obtenir une définition des événements anciens par rapport aux événements nouveaux. Comme vous l'aurez constaté, cela va être modifié. Connaissant maintenant les règles du jeu, nous pouvons dire au gouvernement, aux députés et à tous les autres qu'à partir du 1er octobre nous traiterons volontairement les nouveaux événements comme ils doivent être traités dans ce projet de loi modifié, en supposant la modification approuvée, et que nous traiterons les anciens événements comme ils doivent être traités.

Il ne serait pas logique d'un point de vue économique, juridique ou réglementaire, d'enlever les panneaux-réclames le 1er octobre si tout le monde est convaincu qu'ils vont être autorisés de nouveau quelques semaines plus tard.

Le président: Merci.

Madame Minna.

Mme Maria Minna (Beaches—East York, lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Parker, je voudrais vous ramener à la page 2. Au quatrième paragraphe, tout d'abord, vous parlez de «zèle» à propos du projet de loi. Je trouve cela plutôt insultant. Franchement, si nous avions vraiment voulu faire preuve de zèle, cette loi serait beaucoup plus forte qu'elle ne l'est. Voilà donc une première chose.

Deuxièmement, comme mes collègues ont essayé de le dire, vous déclarez sans la moindre hésitation qu'il n'y a aucun lien entre la publicité et le fait que les gens commencent à fumer. Dans le premier paragraphe, vous dites que l'on vous refuse le droit légal de communiquer avec vos clients adultes. Si, en fait, la publicité n'encourage personne à commencer à fumer—et peu importe le passage d'une marque à une autre—si, en fait, vous ne faites de la publicité que pour les adultes et que, pour la plupart des événements, comme vous l'affirmez, votre publicité ne vise que les adultes, pas les enfants... Je songe à l'événement parrainé par Benson and Hedges, et je vous mets au défi de me dire que ce spectacle de feux d'artifice, à Toronto, n'est pas un spectacle pour toute la famille. Les enfants ne tiennent plus d'impatience lorsqu'il s'agit d'aller voir ça. Cela ne touche pas que les adultes. Première constatation.

Deuxième constatation, si c'est vrai, pourquoi les témoins antérieurs nous ont-ils présenté de grandes publicités ventant un mode de vie luxueux par-dessus des livres de bandes dessinées pour enfants?

M. Robert Parker: Pardon?

Mme Maria Minna: C'est dans les magasins. Tout à l'heure, on nous a montré une photo...

M. Robert Parker: Je pensais vous avoir entendu dire «sur un livre de bandes dessinées». Pardon.

Mme Maria Minna: Par-dessus des livres de bandes dessinées. Les livres étaient en dessous. C'était un grand étalage montrant comment la vie est merveilleuse avec telle ou telle marque. D'autres images montrent des enfants jouant ou faisant la publicité de leurs écoles dans des événements parrainés par Craven A. Les fabricants ont déclaré qu'ils n'allaient plus le faire, mais ils le font encore. C'est un aller-retour constant.

Si, en fait, la publicité n'encourage pas à commencer à fumer, si vous ne croyez pas qu'elle le fasse, pourquoi persistez-vous à faire de la publicité sociétale auprès des écoles, dans les magasins où des enfants achètent des produits et aux événements auxquels assistent des enfants?

• 1205

Il me semble que ce ne sont pas les 200 millions de dollars qui vous intéressent. Ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan. Ce que vous voulez, c'est maintenir le secteur des produits du tabac en vie, en recrutant de nouveaux fumeurs.

Je voudrais que vous me disiez comment vous pouvez concilier deux déclarations qui me semblent totalement contradictoires, vu ce qu'en réalité vous faites sur le terrain.

M. Robert Parker: Pardon. J'ai perdu le fil. Quelles sont les deux déclarations contradictoires?

Mme Maria Minna: Vous dites clairement que la publicité n'encourage pas les gens à commencer à fumer.

M. Robert Parker: Oui.

Mme Maria Minna: Ensuite vous dites que vous avez le droit légal de faire de la publicité qui s'adresse uniquement à vos clients adultes.

M. Robert Parker: C'est exact.

Mme Maria Minna: Premièrement, s'il est vrai que la publicité n'encourage pas les gens à commencer à fumer et que vous ne faites de la publicité que pour les adultes qui passent d'une marque à une autre, pourquoi persistez-vous à faire de la publicité sociétale dans des magasins, par-dessus des livres de bandes dessinées s'adressant à des enfants? Pourquoi seriez-vous autorisé à faire de la publicité dans des événements comme ceux de Benson and Hedges, où il y a des enfants, des familles? On ne devrait pas vous permettre de faire de la publicité là où se trouvent des enfants si, en fait, vous croyez vraiment que tout ce que vous voulez faire c'est cibler les adultes. Il me semble que votre déclaration au sujet des pratiques suivies en matière de publicité est contradictoire. Vous avez encore des panneaux-réclames ou des annonces dans les écoles.

M. Robert Parker: Pas à ma connaissance. Le code des fabricants exige que ces réclames ne soient pas situées près des écoles.

Cela dit, je voudrais vous faire part d'une difficulté de mise en oeuvre à ce sujet. Tout d'abord, les gens qui montent les panneaux-réclames ne sont pas les fabricants eux-mêmes; ce sont des entreprises qui se spécialisent en publicité d'extérieur. On leur dit, et nous pouvons vous présenter la documentation qui le prouve, qu'elles ne doivent pas mettre ces affiches près des écoles. Des erreurs ont-elles été commises? Bien sûr. Les panneaux-réclames ont-ils été enlevés dès que les fabricants ont été mis au courant? Là encore, bien sûr.

On nous dit que la publicité par commandite de produits du tabac... Il y a eu un exemple ici même, à Ottawa, dans une école du Glebe. L'avenue Bronson, qui conduit à l'aéroport, passe juste à côté de l'école. Il y avait un panneau-réclame, parallèle à la route, dont le bord faisait face à l'école, mais qui ne pouvait être lu à partir de l'école ou des environs. Il illustrait un événement commandité et s'adressait aux voitures circulant sur l'avenue Bronson. On a dit que c'était de la publicité qui ciblait les adolescents qui fréquentent cette école secondaire. La compagnie a fait enlever la publicité. Mais je ne pense pas que cela constituait de la publicité s'adressant à ces jeunes gens ni une promotion de la décision de fumer.

Mme Maria Minna: Vous avez toutefois dit tout à l'heure que votre publicité est prévue pour des événements pour adultes, non pour enfants.

M. Robert Parker: Oui.

Mme Maria Minna: ...vous dites qu'il s'agit d'événements où les enfants sont rarement présents. Mais je n'arrive à envisager aucun événement... J'étais à Montréal cet été, au festival du Maurier. Il y en a un semblable dans ma circonscription, bien qu'il ne soit pas parrainé par un fabricant de cigarettes. À Toronto, je suis allée à l'événement commandité par Benson and Hedges. Je me suis rendue à beaucoup d'événements et je peux vous dire que les enfants sont partout. Ce sont des événements qui attirent les familles.

Le président: Madame Minna, votre temps est écoulé.

Voulez-vous répondre rapidement, monsieur Parker?

M. Robert Parker: Monsieur le président, je me contenterai de signaler qu'il est très difficile d'écarter complètement les enfants... il y a une expression française qui m'échappe: ce ne sont pas des valises vides...

Le président: Merci beaucoup.

Pour donner à tout le monde la possibilité de prendre la parole, je vais accorder deux minutes à madame Wasylycia-Leis, question et réponse incluses, et M. Hill terminera.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je n'ai pas pu terminer mes questions sur les témoignages de 1987. Vous avez simplement répondu à ma dernière question en disant que vous avez un code volontaire qui interdit de faire du marketing auprès des moins de 25 ans. Toutefois, si je comprends bien...

M. Robert Parker: Non, pardon. Les modèles qui paraissent dans les annonces ne peuvent pas être âgés de moins de 25 ans. Il se trouve que j'ai un fils, qui a 26 ans, mais qui avait 22 ou 23 ans à l'époque. C'est un comédien. Son agent l'a convoqué à une audition pour une publicité de commandite. On lui a d'abord demandé son âge. Il a répondu qu'il avait 23 ans et ils lui ont aussitôt dit au revoir. C'est une règle que la compagnie observe rigoureusement.

Les clients visés par la publicité sont des gens qui ont l'âge légal pour prendre la décision de fumer et à qui l'on peut vendre des produits. Selon le lieu de résidence, cet âge est 18 ou 19 ans, c'est un peu illogique.

• 1210

Mme Judy Wasylycia-Leis: Mais n'est-il pas vrai qu'en 1987 votre code volontaire interdisait de faire de la publicité aux moins de 16 ans et que l'âge légal de consommation de tabac en Ontario et au Nouveau-Brunswick était, en fait, 18 ans?

M. Robert Parker: Pas que je sache. Je crois comprendre que dans ces deux provinces et, en fait, partout ailleurs, l'âge légal était de 16 ans. Je peux me tromper. Je serais ravi de faire des recherches et de répondre par l'entremise du président à cette question.

Le président: Pourriez-vous faire cela avant mardi? Merci, monsieur Parker.

Monsieur Hill.

M. Grant Hill: Monsieur Parker, vous affirmez que les annonces ne s'adressent pas directement aux enfants. Je ne suis pas du tout d'accord avec vous et j'aimerais traiter d'une promotion en particulier. Il s'agit du championnat de cyclisme tout-terrain. Je suis le père de plusieurs garçons dont le plus jeune a 14 ans. Le championnat de cyclisme tout-terrain attire des jeunes gens qui ont un âge bien inférieur à l'âge légal de consommation du tabac. Les efforts que déploient les fabricants de tabac ne se limitent pas à la promotion de l'événement mais, comme l'a dit un monsieur du Québec, se poursuivent longtemps après l'événement.

Je regarde ces publicités dans la collectivité où j'habite quand elles annoncent des événements qui ont lieu ici au Québec. Elles n'apportent rien à l'événement du point de vue économique. Elles sont de nature à n'attirer que les enfants en âge de se promener sur des bicyclettes de montagne. Ce que vous dites est ridicule, et vous rendriez service à votre organisation en cessant de dire de telles choses.

Certaines de vos autres remarques sont discutables, mais cette constatation est incroyable. Je vous encourage à cesser de dire de telles sottises.

Le président: Monsieur Parker.

M. Robert Parker: Je peux répondre?

Le président: Certainement.

M. Robert Parker: Monsieur, je dois respectueusement vous dire que ce n'est ni sot ni inexact. La majorité des fumeurs adultes qui changent de marques sont dans le groupe des 19-30 ans. Il est très difficile de trouver une activité... Il est facile de prouver cela en parlant aux fumeurs, et vous allez découvrir qu'ils ont fait ce que moi j'ai fait lorsque j'étais adolescent. Je fumais à l'occasion, et j'ai fini par décider que j'étais fumeur; j'ai commencé à les acheter au lieu de les emprunter et j'ai changé de marque cinq ou six fois pendant les dix années qui ont suivi. C'est ça qui se produit généralement.

Il est très difficile de trouver une activité ou une image qui attire les 19-30 ans mais qui n'attire pas les 15-17 ans. Ils se croient des adultes. Si vous avez des enfants, je suis sûr qu'ils vous ont dit, «Papa, je ne suis pas trop jeune.» Ils constituent une partie importante de l'assistance à des événements familiaux, que ce soit le spectacle Benson & Hedges ou les courses de voiture. Ils ne sont pas les cibles, ni un gros pourcentage de l'auditoire. Vous ne trouverez pas d'exemple de compagnies qui font des annonces—même quand il n'y avait pas de restrictions—dans des voitures ou à des événements destinés principalement aux adolescents de 15 et 16 ans, comme au verso de Jack and Jill pour des courses de caisses à savon ou dans des livres de bandes dessinées.

Le président: Monsieur Parker, merci beaucoup. J'apprécie beaucoup la franchise de l'échange.

M. Robert Parker: Merci monsieur le président.

Le président: La séance est levée; nous vous retrouverons mardi.