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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 décembre 1998

• 1530

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte.

Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre daté du mardi 3 novembre 1998, le comité est saisi du projet de loi C-54, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.

[Français]

Monsieur Dubé, avez-vous une question?

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Oui. J'aimerais savoir si nous discuterons de la motion que j'ai déposée au début ou à la fin de la séance de cet après-midi.

[Traduction]

La présidente: Nous ferons cela à la fin de la séance, puisque nous n'avons pas le quorum voulu. Comme nous n'avons pas neuf membres présents vous ne pouvez pas déposer votre motion. Comme de toute façon il y aura d'autres motions qui seront présentées à la fin de la séance, voulez-vous bien attendre jusque-là? Je n'ai pas le choix en ce moment, puisque nous n'avons pas neuf membres présents.

[Français]

M. Antoine Dubé: On va attendre d'avoir le quorum.

[Traduction]

La présidente: De toute façon il faudrait également un préavis. Tout ce que vous pouvez faire aujourd'hui, c'est proposer votre motion, qui sera débattue à la prochaine séance.

M. Antoine Dubé: Très bien.

La présidente: Nous passons aux témoins, puisque c'est ainsi que nous allons procéder.

Je souhaite la bienvenue à l'Association des consommateurs du Canada et au Centre pour la promotion de l'intérêt public présents ici aujourd'hui. Nous accueillons Mme Rosalie Daly Todd, ancienne directrice générale et conseillère juridique, ainsi que Mme Gail Lacombe, présidente de l'Association des consommateurs du Canada. Nous recevons également Mme Philippa Lawson, conseillère juridique du Centre pour la promotion de l'intérêt public.

Je vous propose de faire vos déclarations liminaires les uns et les autres, et nous passerons ensuite aux questions qui s'adresseront aux deux groupes de témoins. Certaines de ces questions s'adresseront aux deux à la fois, et si vous voulez vous prononcer sur une question qui ne vous a pas été directement adressée, faites-le moi savoir.

Cela dit, j'aimerais que l'on procède dans l'ordre dans lequel les témoins sont annoncés sur notre liste, c'est-à-dire en commençant par l'Association des consommateurs du Canada. Est-ce que cela vous convient?

Mme Gail Lacombe (présidente, Association des consommateurs du Canada): Bonjour, mesdames et messieurs. Je vais prendre d'abord la parole comme présidente de l'association, et Rosalie Todd, notre ancienne directrice générale, actuellement conseillère juridique de l'association, vous présentera l'essentiel de notre exposé.

[Français]

L'Association des consommateurs du Canada est une organisation de bénévoles indépendante et sans but lucratif qui défend les intérêts des consommateurs depuis plus de 50 ans. Elle a pour mission d'informer et d'éduquer les consommateurs sur les questions relatives au marché, de défendre leurs intérêts auprès du gouvernement et de l'industrie, et de travailler avec le gouvernement et l'industrie pour résoudre les problèmes relatifs au marché.

Toutes les politiques de l'ACC reposent sur les principes fondamentaux suivants: le droit de choisir, le droit d'être informé, le droit à la sécurité, le droit d'être entendu et le droit au recours.

L'ACC est heureuse de venir vous présenter son point de vue sur le projet de loi C-54, une loi qui régira la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Nous commencerons par vous donner un bref historique de l'engagement de l'ACC face aux questions relatives au commerce électronique et nous vous livrerons ensuite quelques observations générales, après quoi nous traiterons de certaines dispositions du projet de loi.

Rosalie, à vous la parole.

[Traduction]

Mme Rosalie Daly Todd (ancienne directrice générale et conseillère juridique, Association des consommateurs du Canada): Merci, Gail.

L'intérêt de l'Association des consommateurs du Canada pour les questions entourant le commerce électronique remonte aux années 80 et à sa participation au Payment Automations and Communications Exchange (PACE); c'était bien avant la création du terme «cybercommerce». Le PACE était formé de représentants de l'industrie et du gouvernement et d'un seul représentant de l'ACC. Le PACE s'est penché sur les questions de politique qui se poseraient, pensait-on, au fur et à mesure qu'augmenterait l'utilisation de la technologie électronique par le système canadien des paiements. Plus tard, Industrie Canada a parrainé le groupe de travail sur les transferts électroniques de fonds, qui existe encore aujourd'hui, et où notre association était et est encore représentée. Le mandat de ce groupe a été élargi pour englober les paiements sur Internet. C'est la première fois qu'un code volontaire est mis au point avec la pleine participation des consommateurs. Toutes les parties sont assez satisfaites du résultat.

Le cybercommerce est devenu une priorité lorsque le Comité consultatif sur l'autoroute de l'information a été créé à Industrie Canada, comité auquel la déléguée de notre association était la seule représentante des consommateurs. Nous avons également été présents au sein d'autres groupes de travail d'Industrie Canada et avons participé au débat entourant la question du commerce électronique au Conseil canadien des normes et à l'Association canadienne de normalisation (CSA). Nous sommes également représentés au comité qui a établi le Code sur la protection des renseignements personnels (norme CSA Q-830), dont le projet de loi C-54 s'est à divers titres inspiré. Notre association participe également au niveau international aux discussions portant sur la protection de la vie privée.

• 1535

À la réunion de 1997 du Comité de la politique au consommateur de l'Organisation internationale de normalisation, la délégation australienne a souligné la nécessité de fixer une norme internationale de protection des consommateurs qui achètent sur Internet. Cette recommandation a été transmise à un petit groupe de travail chargé de l'étudier et de l'étoffer en vue de produire une résolution pour la réunion de 1998. Plusieurs bénévoles de l'ACC étaient membres de ce groupe de travail. La résolution a été adoptée à la réunion de 1998 et sera transmise pour approbation finale au conseil de l'ISO. L'ACC est contente de pouvoir profiter de toutes ces compétences et connaissances en matière de cybercommerce et de protection des renseignements personnels, pour présenter ses recommandations sur le projet de loi C-54.

Tout d'abord, j'aimerais faire un certain nombre de remarques de portée générale sur la partie 1 du projet de loi, «Protection des renseignements personnels dans le secteur privé».

Tout d'abord, l'ACC félicite le gouvernement fédéral d'avoir décidé de légiférer en s'appuyant sur la norme de la CSA. Cette décision a l'avantage de mettre à profit un consensus auquel on est parvenu après cinq ans de discussions.

Nous pensons que les principes généraux énoncés dans le code de la CSA sont de meilleures lignes directrices pour le marché que les règlements détaillés. Cependant, nous regrettons que le projet de loi C-54 ne suive pas l'exemple de l'ACC en demandant aux associations industrielles d'adopter des codes de pratique. Nous pensons qu'une telle disposition faciliterait la mise en pratique des principes énoncés dans le projet de loi. L'ACC constate que le groupe de travail MacKay sur l'avenir des services financiers a recommandé l'adoption de codes de pratique pour la protection de la vie privée dans le secteur des finances.

Nous regrettons également que le projet de loi C-54 prévoie des vérifications non pas comme règle générale, mais seulement pour «des motifs raisonnables». Il incombera donc au commissaire à la vie privée de déterminer l'existence de ces motifs raisonnables. Par contre, le groupe de travail MacKay a recommandé pour le secteur financier que le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) soit tenu d'approuver périodiquement le code de chaque entreprise et ses pratiques de vérification, et nous souscrivons à cette recommandation.

De façon plus générale, les régimes de protection des renseignements personnels doivent prévenir, et non pas guérir. Simplement réagir lorsqu'une plainte est déposée n'est de façon générale pas satisfaisant. La plupart du temps, les consommateurs sont susceptibles de n'apprendre que longtemps après coup qu'il y a eu violation de leur vie privée. Il est difficile pour eux de découvrir qui est responsable de cette violation. Enfin, s'ils découvrent néanmoins le responsable, il est difficile d'attacher une valeur pécuniaire aux conséquences de cette violation. Le projet de loi C-54 règle le problème en partie, bien que le plafond de 20 000 $ fixé pour les dommages-intérêts punitifs ne représente pour de nombreux contrevenants en puissance que le coût d'un permis d'exploitation.

L'ACC a toujours privilégié la démarche anticipatrice. Pour les données confidentielles—les informations financières, les dossiers médicaux—, cela signifie charger le commissaire d'approuver initialement les codes et les méthodes. Par la suite, les entreprises visées seraient tenues de faire des vérifications régulièrement, un peu sur le mode des vérifications comptables.

Nous reconnaissons qu'une telle façon de procéder obligerait à doter le Commissariat à la protection de la vie privée de ressources supplémentaires considérables, tout en imposant des coûts supplémentaires aux entreprises qui traitent des données confidentielles. À notre avis, toutefois, les frais supplémentaires seraient amplement justifiés par une protection des renseignements personnels cent fois meilleure que celle offerte par le projet de loi C-54.

Nous aurons quelques observations à faire sur le préambule et sur certains articles, mais pour l'essentiel cela reviendra à dire que le projet de loi C-54, dans son préambule, parle de «promouvoir» le commerce électronique. Il faudrait donc revoir cette formulation. De façon générale, les lois sont là pour confirmer certaines valeurs de notre société. En l'occurrence, il s'agit de la valeur que les Canadiens accordent à la protection de leur vie privée.

La promotion du commerce électronique et la protection des renseignements personnels sont deux choses bien différentes. Or, le projet de loi C-54 devrait d'abord mettre l'accent sur la protection des renseignements personnels. Il est essentiel que les mesures de protection s'appliquent aussi bien aux formes électroniques qu'aux formes traditionnelles du commerce. Par ailleurs, et l'ACC y est favorable, il est important que les documents du commerce électronique aient une reconnaissance juridique. Cependant, la protection des renseignements personnels et celle des documents électroniques qui peuvent être utilisés comme pièces à conviction sont deux questions distinctes, qui devraient faire l'objet de deux textes législatifs distincts. Voilà pourquoi nous proposons de remplacer le préambule du projet de loi par ce qui suit:

    Loi prévoyant la protection des renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués par des moyens électroniques ou autrement.

• 1540

Nous avons un certain nombre de choses à dire portant sur les définitions, dont certaines devraient être plus générales, et notamment la définition de «organisation» et celle de «document», mais pour plus de détails je vous renvoie à notre mémoire. Nous ne sommes pas non plus satisfaits de la définition de «entreprises fédérales», et craignons la façon dont cela pourrait être appliqué. Ainsi, est-ce que cela pourrait servir dans le cas d'une entreprise de données du secteur privé qui a passé un contrat avec un gouvernement provincial pour recueillir, trier, utiliser ou diffuser les données sur la santé de la province? Il n'est pas certain non plus que le terme «document», tel que défini, puisse inclure les radiographies par exemple.

Au chapitre «objet», le projet de loi C-54, comme il se doit, a pour objet de reconnaître le droit à la vie privée en ce qui concerne les renseignements personnels. Cependant, et comme nous le demandons dans notre recommandation, les documents électroniques devraient faire l'objet d'une loi distincte. Si notre recommandation n'est pas suivie, le droit à la confidentialité des renseignements personnels devrait être réaffirmé dans la partie du projet de loi C-54 traitant des documents électroniques. Il apparaîtrait alors clairement que la confidentialité est tout aussi protégée que lorsqu'il s'agit de renseignements personnels recueillis, utilisés et communiqués par des moyens non électroniques.

L'ACC n'approuve pas la disposition du projet de loi excluant de sa portée d'application les médias, le monde des arts et des lettres. À notre connaissance, il n'y a eu aucune consultation publique portant sur cet aspect du texte, et nous aimerions que les conditions d'application visant ces secteurs d'activité soient réétudiées. C'est-à-dire que les médias, le monde des arts et des lettres ne doivent pas pouvoir utiliser l'information personnelle comme bon leur semble et sans limites.

Nous avons également quelques réticences en ce qui concerne les dispositions portant sur la collecte de renseignements personnels à l'insu de l'intéressé, ou sans son consentement. Ce genre de pratique doit être l'exception, et non pas la règle. À cet égard, l'alinéa 7(1)a) nous paraît peu clair. L'alinéa 7(1)b) devrait également être rédigé de façon plus claire, car l'intention ici n'en est pas transparente. Et comme je viens de le dire, l'alinéa 7(1)c) nous paraît inquiétant, puisqu'il accorde un statut d'exception trop étendu au monde du journalisme, des arts et des lettres.

Nous craignons par ailleurs qu'il ne soit extrêmement difficile d'identifier ce que l'on appelle ici information à des fins statistiques ou à des fins d'études, à l'alinéa 7(2)c). De ce fait, nous ne comprenons pas non plus très bien l'intention poursuivie par le législateur à l'alinéa 7(3)f), et nous nous en inquiétons.

La question du coût, en cas de réponse à une demande, est également problématique. C'est-à-dire que rien ne précise ce à quoi correspondent les droits exigés. Ceux-ci devraient être raisonnables, et correspondre aux coûts effectifs des photocopies, de la recherche des renseignements et de l'affranchissement postal. Nous proposons de plafonner ces droits à un maximum de 20 $. Sans cette limite, les droits pourraient dépasser de beaucoup les dépenses engagées directement pour répondre à une demande, et ils pourraient être utilisés dans le but de décourager les demandes des personnes les plus modestes, ou tout simplement avoir cet effet. Dans ce cas, seule une minorité de Canadiens pourrait être protégée par la loi, ce qui n'est certainement pas l'intention du législateur.

Les pouvoirs du commissaire nous paraissent insuffisants, au point qu'on peut se demander si les Canadiens s'adresseront à lui s'il ne peut pas exiger réparation du dommage. Nous estimons que le commissaire doit pouvoir rendre des décisions, prendre des ordonnances, et non pas se contenter faire des recommandations. Les recommandations du commissaire devraient par ailleurs avoir force exécutoire. C'est-à-dire que les tribunaux ne devraient jouer que comme instance d'appel des décisions du commissaire. À l'article 16, les tribunaux devraient aussi avoir le pouvoir de prendre une décision en matière de dommages-intérêts, pour le remboursement des dépens du plaignant.

À la partie 2, «Documents électroniques», le gouvernement fédéral prend l'initiative d'établir un cadre légal pour les signatures numériques, et nous approuvons cette initiative. Le cybercommerce ne réalisera pas son potentiel tant que les entreprises et les consommateurs ne pourront pas se fier à l'authenticité des documents et à l'irrévocabilité des paiements.

En outre, l'ACC a appris grâce à sa longue expérience des interventions en matière de réglementation qu'il faut trouver un moyen de contrôler le volume des attestations sur papier. Nous appuyons l'usage d'une preuve électronique dans les procédures réglementaires. Au fur et à mesure que la consultation progressera, des informations plus détaillées seront présentées au comité au sujet de la preuve électronique. Nous demandons donc la possibilité de présenter un autre mémoire écrit au comité si cette nouvelle information appelait une rediscussion de questions intéressant le consommateur.

Nous avons d'autres questions à poser sur les définitions, mais je pense que mon temps est écoulé. Je n'aborderai donc pas cette partie de notre exposé, mais j'espère que vous le lirez.

Pour clore, je dois dire que l'Association des consommateurs du Canada tient à féliciter une fois de plus les auteurs du projet de loi C-54 pour s'être inspirés de la norme Q-830 de la CSA. Nous y voyons la marque d'une véritable volonté de protéger la vie privée et les renseignements personnels.

• 1545

L'Association des consommateurs du Canada défend les intérêts des consommateurs canadiens sur le marché. Il y a longtemps que nous nous occupons de cette question du commerce électronique. Nous avons également une certaine expérience en matière de protection de la vie privée, au Canada et à l'étranger. Nous avons présenté aujourd'hui un certain nombre d'observations et de recommandations qui devraient profiter à toutes les parties en présence sur le marché: les consommateurs, l'État et le secteur privé.

Merci d'avoir invité l'Association des consommateurs du Canada à comparaître. Au cas où de nouvelles questions se poseraient, qui auraient trait à la consommation, nous aimerions pouvoir faire parvenir au comité, par écrit, les commentaires correspondants.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Je vais donc maintenant passer la parole à Mme Lawson.

Mme Philippa Lawson (conseillère juridique, Centre pour la promotion de l'intérêt public): Merci beaucoup, madame la présidente. Mesdames et messieurs du comité, bonjour. Je vous fais parvenir les excuses de Michael Janigan, notre directeur général au Centre pour la promotion de l'intérêt public, qui a été appelé d'urgence auprès de sa famille.

Je pense que vous avez tous des exemplaires de notre exposé écrit, qui demanderait plus que les cinq minutes prévues; je vais donc me limiter à quelques observations.

Nous féliciterons d'abord le ministre de l'Industrie et son gouvernement pour le dépôt d'un projet de loi destiné à donner aux Canadiens les moyens de vérifier la façon dont le secteur privé utilise certains renseignements personnels les concernant. Voilà donc une loi très attendue; c'est un pas d'une importance décisive. La protection de la vie privée est un droit fondamental reconnu par tous les grands traités internationaux et accords portant sur les droits de l'homme. C'est une composante essentielle lorsqu'il est question de dignité humaine et de valeurs démocratiques fondamentales telles que la liberté d'expression et d'association.

Plus de 40 pays se sont dotés, ou sont en train de se doter, d'une législation complète sur la protection des renseignements personnels et de la vie privée. Le Canada fait donc partie d'un groupe de plus en plus important d'États où le législateur répond à la pression publique, laquelle exige que l'on reconnaisse dans la loi le droit du citoyen à disposer sans partage de l'information privée le concernant. Une protection morcelée et dispersée dans la législation ne suffit pas, et nous félicitons donc le gouvernement fédéral, dans l'exercice de ses pouvoirs, et en collaboration avec les provinces, d'avoir décidé de protéger les Canadiens de façon complète.

Un aspect particulièrement intéressant de ce projet de loi consiste à donner au commissaire à la protection de la vie privée le droit de rendre publique toute irrégularité. Cette publicité sera un outil essentiel dans l'application des normes imposées en matière de protection de la vie privée. Nous sommes également très heureux que le gouvernement ait jugé bon de systématiquement protéger l'utilisation de ces renseignements personnels, même lorsque ceux-ci ont déjà été rendus publics. Le fait qu'une information touchant la personne puisse être tombée dans le domaine public ne signifie pas que le particulier a par avance consenti à ce que l'on en fasse usage comme bon vous semble.

Nous appuyons donc vivement cette initiative législative; nous pensons cependant que certains amendements pourraient beaucoup améliorer le texte proposé. Nous vous avons fait distribuer un document qui propose un certain nombre d'amendements permettant à notre avis de donner plus de force et de rigueur à la loi. Cela permettrait également de satisfaire les demandes du commissaire québécois à la protection de la vie privée, qui trouve le projet de loi fédéral en retrait par rapport à la législation québécoise.

Je n'ai pas le temps de discuter chacun des amendements; je vais donc me pencher sur les plus importants.

Premièrement, le droit à la protection de la vie privée doit être un droit à part entière. En en traitant dans le cadre d'une loi qui se propose de promouvoir le commerce électronique, les contours de ce droit deviennent flous. Si par ailleurs les renseignements personnels doivent être protégés quelle que soit la forme que prend une transaction, ne mélangeons pas tout en voulant faire d'une pierre deux coups, soit en mêlant commerce électronique et protection de la vie privée.

Deuxièmement, tel que rédigé, le projet de loi exige du demandeur qu'il s'adresse à la Cour fédérale. Il est peu réaliste de s'attendre à ce que qui que ce soit, sauf un citoyen déterminé et suffisamment fortuné, soit prêt à entreprendre ce genre de démarches. Il serait donc beaucoup plus efficace d'avoir un petit tribunal spécialisé auquel les particuliers pourraient adresser leurs griefs, et plaintes, sans que cela soit ni trop difficile ni trop coûteux.

Troisièmement, étant donné la nature invisible des violations ici visées, le commissaire devrait avoir le droit de faire des vérifications, sans attendre pour cela qu'une plainte ait été déposée. Dans ce même esprit, le projet de loi devrait prévoir une protection des dénonciateurs.

Quatrièmement, deux insuffisances du code de la CSA devraient être rectifiées dans ce projet de loi. Ce code, en effet, ne prévoit aucune clause limitative des fins poursuivies en cas de collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels. Par ailleurs, et lorsque le consentement explicite n'est pas exigé, le code ne prévoit pas que l'on avise dûment la personne concernée.

Finalement, certaines des exceptions à la règle du consentement, à l'article 7, devraient être révisées. Et notamment le libellé de l'alinéa 7(1)b) crée une échappatoire dangereuse, d'autant plus que rien n'exige que les fins poursuivies soient légitimes ou raisonnables. Je pense qu'il s'agit d'une inadvertance, mais nous vous demandons de modifier cet article tel qu'il est proposé.

• 1550

Enfin, les alinéas 7(2)c) et 7(3)f), où il s'agit de communications faites à des fins statistiques ou à des fins d'étude, prévoient des exceptions beaucoup trop étendues. Nous vous demandons de revoir notre mémoire écrit et les amendements qui s'y trouvent.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, madame Lawson.

Nous allons passer aux questions et réponses. Lorsqu'une question ne s'adresse pas directement à vous, mais que vous voulez ajouter quelque chose, faites-moi signe. Je m'en féliciterai.

Je vais commencer par M. Jaffer.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je vais d'abord m'adresser à Mme Todd, de l'Association des consommateurs. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. En ce moment, la législation sur la protection des consommateurs est de façon générale de compétence provinciale. Nous avons ici un projet de loi fédéral. Et effectivement, lorsque nous adoptons des lois sur la protection de la vie privée dont la portée est extrêmement étendue, puisque l'on veut même pouvoir inclure le commerce électronique international, on peut craindre qu'il y ait des vides pour ce qui est de la protection du consommateur, là où les provinces devraient intervenir. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, et ce que vous pourriez recommander à cet effet.

Mme Rosalie Daly Todd: Voilà précisément pourquoi nous sommes venus appuyer l'adoption de ce projet de loi, qui permet au gouvernement fédéral d'utiliser ses pouvoirs en matière de réglementation commerciale et d'imposer une loi fédérale. Puisque nous sommes une association de protection des consommateurs, nous abordons cette question de la vie privée du point de vue de la consommation, et nous nous penchons surtout sur toute situation de transaction. Voilà pourquoi nous applaudissons à l'initiative du gouvernement fédéral.

M. Rahim Jaffer: Mais, plus précisément, ne serait-il pas tout aussi important—c'est peut-être d'ailleurs déjà ce que vous faites—de discuter avec les provinces de ce qui pourrait être insuffisant dans ce projet de loi en matière de protection du consommateur? Comment voyez-vous la chose de votre point de vue? Voulez-vous simplement discuter de la question à l'échelle nationale, puisqu'il est question de protection de la vie privée?

Mme Rosalie Daly Todd: Ce n'est pas que nous ne soyons pas en faveur de l'adoption, par les provinces, de leur propre législation; mais comme l'a dit Mme Lawson, nous ne voulons pas d'une protection morcelée et inégale d'une province à l'autre. Voilà pourquoi nous participons à cette discussion au niveau fédéral, ce qui nous paraît juste, afin que la mesure s'applique à tout le Canada.

M. Rahim Jaffer: L'autre question que j'avais—je pense que vous en avez également parlé—concerne cette protection des renseignements personnels dans le monde des médias. Il semble en effet que le projet de loi accorde aux médias, en ce qui concerne la protection de la vie privée, un statut d'exception. Pensez-vous que les lois en vigueur suffisent à protéger la vie privée lorsqu'il s'agit des médias, ou pensez-vous qu'il faille revoir les dispositions correspondantes de ce projet de loi?

Mme Rosalie Daly Todd: Nous ne sommes pas catégoriques là-dessus, et c'est dans ce sens que nous avons posé la question. Il n'est d'ailleurs pas seulement question des médias. On parle de façon générale des milieux «artistiques». Jusqu'où s'étendent ces milieux artistiques? Nous n'avons participé à aucune réunion préliminaire pour en discuter, et nous ne sommes pas très satisfaits de l'exception qui est accordée. Voilà pourquoi nous en parlons dans notre exposé.

M. Rahim Jaffer: L'autre question que j'aurais à poser—et c'est peut-être aussi dans ce sens que vous demandez que l'on revoie ces dispositions, ou que l'on réévalue certaines positions—c'est que si l'on va trop loin, et vous l'avez peut-être compris, l'on risque de limiter la liberté de la presse, c'est-à-dire de l'empêcher de faire ce pourquoi elle est là, à savoir publier de l'information, qui touche souvent au domaine privé.

Mme Rosalie Daly Todd: N'oublions pas qu'il s'agit ici de renseignements personnels recueillis à l'occasion de transactions commerciales. Je ne sais pas si les médias ont souvent recours à ce genre de sources pour divulguer quoi que ce soit concernant les particuliers, mais c'est effectivement une question qui doit être discutée. Peut-être avons-nous réagi trop vite, mais nous n'avons participé à aucune consultation préliminaire, et nous n'avons non plus entendu aucun exposé là-dessus qui puisse nous rassurer.

M. Rahim Jaffer: Merci, madame.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jaffer.

Monsieur Keyes.

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente. J'ai moi aussi une question à poser sur ce statut d'exception des milieux de la presse, des arts et de l'édition. D'après ce que j'ai entendu, madame la présidente, les témoins ont tout à fait raison, et j'espère que nous pourrons poser des questions aux représentants des médias qui témoigneront et qui nous diront quels problèmes d'après eux cela poserait si nous voulions imposer des limites peut-être excessives à leur liberté d'expression. Pourriez-vous me donner un exemple, madame Todd, des problèmes que pose pour vous cette exception accordée aux médias, ou aux milieux littéraires?

Mme Rosalie Daly Todd: Là encore, le terme «médias» signifie une chose, et «milieu artistique» en signifie une autre.

M. Stan Keyes: Parlons des médias d'abord.

• 1555

Mme Rosalie Daly Todd: Très bien. Je connais mieux la loi américaine que la loi canadienne. Si je ne me trompe, les médias y jouissent d'une liberté relative pour tout ce qui est d'intérêt public, et même s'il faut étaler certaines questions personnelles. Je parle plus des États-Unis que du Canada. Au Canada cette liberté est plus limitée, que je sache, bien qu'on fasse la différence entre les personnages publics et les simples Canadiens, lorsqu'ils sont mêlés à certains événements commentés par la presse.

Supposons que je sois mêlée à un événement qui fasse l'objet d'un débat public; y a-t-il quelque limite qu'il faille imposer à l'information me concernant? Peut-être pas, mais je pense que la question doit être posée.

M. Stan Keyes: Supposons que vous soyez Monica Lewinsky...

Mme Rosalie Daly Todd: Oh, je ne le penserais pas!

M. Stan Keyes: ...et que subitement on diligente toute une enquête vous concernant, assortie de renseignements très personnels. Ce genre de chose est-il plus facile aux États-Unis aujourd'hui qu'au Canada?

Mme Rosalie Daly Todd: Si je ne me trompe, la presse a aux États-Unis une plus grande liberté.

M. Stan Keyes: Sa liberté est moins limitée.

Mme Rosalie Daly Todd: Oui. C'est ainsi que je vois les choses. Mais je ne prétends pas être une spécialiste du domaine. De toute façon, ce ne sont pas des avocats qui ont posé la question, mais simplement les consommateurs de notre association qui ont pris connaissance du projet de loi.

Je suis plus inquiète de l'apparition du terme «artistique». Qu'est-ce que cela signifie? Nous posons la question, alors qu'il s'agit peut-être de quelque chose de complètement inoffensif, mais nous aimerions être plus informés.

M. Stan Keyes: Merci quand même d'avoir posé la question. Supposons que je vende des grelots à quelqu'un pour son traîneau, et que cela fait de moi un artiste qui pourrait ensuite se servir de certains renseignements personnels.

Mme Rosalie Daly Todd: On ne définit pas le terme «artistique».

M. Stan Keyes: Exactement.

Merci beaucoup, madame Todd, et merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Keyes.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé: Mon collègue du Parti réformiste se préoccupait du dédoublement des lois, surtout au Québec. J'aimerais vous rappeler que tous les ministres de la Justice provinciaux, et pas seulement celui du Québec, ont demandé que le projet de loi au palier fédéral soit retiré parce qu'il représente une intrusion considérable dans leur champ de compétence. J'aimerais entendre votre opinion là-dessus. Les ministres provinciaux de la Justice sont quand même des gens importants.

Le Centre de défense de l'intérêt public parle même de la possibilité de scinder le projet de loi en deux. Nous serions peut-être prêts à appuyer cette recommandation. Vous semblez vous préoccuper davantage de la question des renseignements personnels. N'avez-vous pas l'impression qu'il y a plusieurs projets de loi dans ce projet de loi-là?

Ne craignez-pas que s'il y a dédoublement de la loi aux paliers fédéral et provincial, on forcera le Québec à reculer, lui qui avait adopté il y a cinq ans une loi qui fonctionne bien et que tous jugent bonne? Pourquoi devrait-il accepter tout bonnement cette loi qui, comme vous le dites vous-mêmes, contient des imperfections que vous nous recommandez de corriger? Je vous demande de vous mettre à la place des Québécois et de me dire pourquoi on serait obligés d'accepter une loi moins bonne que celle qu'on a actuellement chez nous.

[Traduction]

Mme Philippa Lawson: Je pense avoir déjà évoqué cette question des compétences fédérales et provinciales. Le gouvernement fédéral, si je ne me trompe, a donné aux provinces, autres que le Québec, trois ans pour mettre au point leur propre législation, afin qu'il y ait un minimum de collaboration d'un palier à l'autre. En cas de conflits de compétences, comme c'est déjà le cas dans d'autres domaines visés par la Constitution et la division des pouvoirs fixée il y a déjà très longtemps, nous nous attendons bien sûr à ce que les deux paliers collaborent pour assurer une possibilité de recours aux consommateurs canadiens. Cela ne devrait pas être un problème.

Pour ce qui est des grandes parties du projet de loi, nous n'avons pas commenté la partie concernant les documents électroniques et la preuve. Je ne me suis intéressée qu'à la partie 1, c'est-à-dire à la protection des renseignements personnels. Il s'agit à mon avis de dispositions qui pourraient faire l'objet d'un projet de loi distinct.

• 1600

La troisième question que vous avez posée porte sur les conséquences que cela peut avoir pour les citoyens du Québec, où vous avez effectivement déjà une loi en vigueur. Tout d'abord, je ne crois pas que la loi québécoise soit parfaite, elle non plus. Le projet de loi C-54 peut certainement être amélioré. Mais je suis sûre que la loi 68 du Québec peut elle aussi être améliorée.

Si vous apportez les changements que nous proposons, je pense que les consommateurs du Québec et d'ailleurs qui font affaire avec des entreprises qui ont un mouvement de données international et interprovincial seront beaucoup mieux protégés.

La présidente: Madame Daly Todd.

Mme Rosalie Daly Todd: Je suis d'accord avec Mme Lawson.

Il y a deux choses que je voudrais ajouter. D'abord, nous sommes d'accord avec le mémoire. Je n'ai peut-être pas précisé autant que j'aurais dû le faire dans le mémoire de l'ACC que nous considérons qu'on semble avoir rattaché ensemble deux sujets différents et qu'il aurait été plus approprié de présenter deux projets de loi. Nous sommes donc d'accord sur ce point.

Je ne pense pas qu'il existe un projet de loi parfait. Il y a certainement un besoin dans ce domaine dans tout le Canada, et surtout dans les situations commerciales. Nous sommes donc venus ici pour essayer d'améliorer ce que nous considérons comme étant essentiellement un très bon projet de loi.

La présidente: Vouliez-vous ajouter quelque chose, madame Lawson?

Mme Philippa Lawson: Oui. Je voudrais dire quelques mots au sujet de la loi du Québec. Il y a deux points où je trouve personnellement qu'elle laisse à désirer. Contrairement au projet de loi C-54, elle ne prévoit pas de recours pour les consommateurs et ne contient pas de dispositions pour les dommages-intérêts. Nous pensons, comme l'Association des consommateurs du Canada, qu'une limite de 20 000 $ est vraiment beaucoup trop faible pour les dommages-intérêts punitifs, mais il n'existe aucune disposition de ce genre dans la loi du Québec. On traite simplement ces questions comme s'il s'agissait d'un quasi-crime.

Deuxièmement, la loi du Québec prévoit une exception relativement complète pour ce qu'on appelle les listes nominatives. Je pense que cela s'adresse de façon précise aux agents de vente directe. Il s'agit de renseignements qui appartiennent au domaine public, par exemple l'annuaire du téléphone, mais il n'est pas question de choses de ce genre dans le projet de loi C-54.

La présidente: Merci.

Madame Lacombe, avez-vous aussi quelque chose à ajouter?

[Français]

Mme Gail Lacombe: Monsieur Dubé, je suis la présidente à l'ACC et je demeure à Montréal. Malheureusement, nous n'avons pas encore eu la chance de lire la loi qu'a adoptée le Québec. Je ne l'ai même jamais vue, non plus que Mme Todd. Nous prendrons sûrement le temps de la lire et nous vous ferons part par écrit de nos commentaires par la suite.

M. Antoine Dubé: Puisque cette loi a été adoptée au Québec il y a cinq ans, je suis un peu étonné que vous n'en ayez pas encore pris connaissance. Je ne voudrais pas vous accuser de quoi que ce soit, mais je dois souligner qu'elle a été adoptée et mise en vigueur il y a cinq ans et qu'on y stipule qu'elle doit faire l'objet d'une révision à tous les cinq ans. On pourra certainement tenir compte des suggestions de Mme Lawson afin de la bonifier. J'ai l'impression de ne pas avoir obtenu de réponse claire de votre part.

Cette double existence d'une loi régissant la même chose au Québec...

[Traduction]

La présidente: Monsieur Dubé, je dois donner la parole à quelqu'un d'autre. Votre temps de parole est écoulé. Je m'excuse.

La parole est à vous, madame Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Je remercie nos témoins. J'ai beaucoup apprécié vos commentaires, critiques et suggestions, et j'aimerais que vous précisiez votre pensée sur quelques points que vous avez soulevés. Croyez-vous que la protection des renseignements privilégiés devrait s'appliquer à toutes les activités commerciales, et non seulement aux activités commerciales électroniques?

Je suis très préoccupée par le fait que, selon le libellé actuel du projet de loi C-54, on n'accorde pas de pouvoir décisionnel au commissaire. Il ne peut pas procéder à la vérification d'une compagnie de sa propre initiative; il doit attendre qu'une plainte ait été déposée auprès de lui avant d'agir.

• 1605

Je suis également préoccupée par le fait que le projet de loi prévoit que la Cour fédérale agira comme instance d'appel puisque cette cour est plutôt de juridiction générale dans le domaine administratif. J'estime que la protection des renseignements privilégiés fait partie d'un domaine très spécialisé. Il serait peut-être utile de retenir la possibilité de porter les causes devant un tribunal d'appel spécialisé.

J'aimerais que vous précisiez votre pensée sur ces trois points. Merci.

[Traduction]

La présidente: Madame Daly Todd.

Mme Rosalie Daly Todd: Il me semble que vous avez combiné de façon très éloquente le point de vue de l'ACC et du CPIP. Selon l'Association des consommateurs du Canada, le commissaire devrait pouvoir entreprendre des vérifications, et nous croyons aussi que la plupart des pouvoirs mentionnés aux articles 14 et, je pense, 16 devraient s'appliquer au commissaire, et non pas aux tribunaux. Je suis d'accord avec ce que vous dites au sujet de la Cour fédérale, même si nous ne l'avons pas dit dans notre mémoire. Je crois cependant que le CPIP a signalé qu'il serait plus approprié de confier ce rôle à un tribunal. Vous avez donc très bien combiné nos deux exposés.

La présidente: Madame Lawson.

Mme Philippa Lawson: J'ajouterai seulement que nous avons réfléchi longuement à la question de savoir à qui on devrait conférer le pouvoir de rendre des ordonnances et de les faire appliquer. À l'origine, nous pensions que ce devrait être le commissaire, comme c'est le cas au Québec, où le plaignant peut s'adresser au commissaire et obtenir sur-le-champ une ordonnance, ce qui facilite les choses et représente des coûts minimes. La personne à qui l'on se plaint fait l'ordonnance.

Cependant, il faudrait tout d'abord donner au commissaire beaucoup plus de ressources qu'il n'en a maintenant. À mon avis, il aura de toute façon besoin de beaucoup plus de ressources qu'à l'heure actuelle, même s'il n'est pas autorisé à rendre des ordonnances exécutoires. Nous ne voudrions pas que cela nuise aux autres activités du commissaire sur le plan de l'éducation, de la promotion et de la publicité.

J'ai vu ce que le commissaire à la protection de la vie privée a déclaré à ce sujet, et il préfère avoir moins de pouvoir. C'est pourquoi nous préconisons maintenant la création d'un petit tribunal d'experts. Je ne pense pas que cela coûterait très cher, mais c'est une chose dont on aura besoin si nous voulons que cette mesure soit vraiment efficace.

La présidente: Avez-vous une autre question, madame Jennings?

[Français]

Mme Marlene Jennings: Non, merci, pas pour l'instant.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Monsieur Axworthy.

M. Chris Axworthy (Saskatoon—Rosetown—Biggar, NPD): Merci de vos exposés.

Je poserai une question sur le même sujet vers la fin. Je trouve un peu curieux que vous appuyiez le projet de loi malgré toutes les préoccupations que vous avez. J'imagine que quelques pas vers l'avant valent mieux que rien. Pourriez-vous me dire dans quelle mesure vous auriez été prêts à rejeter le projet de loi, vu ce qui me semble être des préoccupations très importantes au sujet de la protection de la vie privée? Je peux vous en donner un exemple.

Je voudrais cependant vous poser deux questions avant que vous répondiez à la première. Les normes relatives à la vie privée sont essentiellement énoncées dans l'annexe du projet de loi. Je voudrais savoir si cela vous inquiète que l'on puisse apporter des changements par décret du conseil sans demander l'approbation du Parlement. Je sais qu'il y a des changements assez détaillés qu'on devra peut-être apporter, mais il me semble que cela permettrait au gouvernement, de façon relativement secrète, d'apporter certains changements qui risquent de ne pas être très utiles pour protéger la vie privée des particuliers. Je voudrais donc savoir si vous avez des inquiétudes sur ce plan.

Mon autre question a trait à l'équilibre qu'il faut maintenir. Je peux peut-être vous en donner un exemple. Vous me signalez qu'il pourrait être très utile, certainement à des agents de vente directe, de posséder des renseignements sur les habitudes de voyage des gens. Parce que les voyageurs achètent leurs billets, les lignes aériennes possèdent toutes sortes de renseignements sur l'endroit où vous restez et le genre d'activités que vous avez. Ce peut être très intéressant pour des compagnies de cartes de crédit, des compagnies de sollicitation par lettre et toutes sortes d'autres entreprises. Les agents de voyage reçoivent ces renseignements des compagnies aériennes. Les agents de voyage sont régis par les lois provinciales, et les lignes aériennes sont régies par ce projet de loi-ci.

• 1610

Dans quelle mesure êtes-vous convaincus ou non que ces renseignements seraient à l'abri d'une utilisation à mauvais escient par les lignes aériennes, par exemple, qui voudraient s'en servir pour aider ceux qui font de la sollicitation par lettre? Si j'ai bien compris, les grandes lignes aériennes considèrent que leur mécanisme d'obtention de renseignements sont un atout aussi précieux que leur clientèle de voyage, même si elles devraient surtout s'occuper de voyages.

C'est pour cela que je me pose certaines questions au sujet du fait que les normes relatives à la vie privée soient contenues dans l'annexe et que je me demande si cela pose des problèmes. Dans l'exemple que j'ai donné, de tels renseignements pourraient facilement passer dans de mauvaises mains. Je voudrais savoir si vous pensez que le projet de loi constitue une protection suffisante dans un tel cas.

Cela me ramène à la question de l'équilibre. Dans quelle mesure avez-vous songé à ne pas appuyer le projet de loi à cause des faiblesses importantes que vous avez notées?

Mme Rosalie Daly Todd: Au sujet de l'annexe, l'Association des consommateurs du Canada est un groupe bénévole, et nous nous intéressons de très près au processus d'homologation. Nous n'avions donc pas vraiment d'inquiétude au sujet des normes prévues dans le projet de loi. Relativement aux changements qu'on pourrait apporter aux normes dans l'avenir, nous ne sommes pas vraiment convaincus qu'elles seront toujours progressistes et que nous ne reviendrons pas en arrière. J'ai donc moi-même certaines inquiétudes à ce sujet. Cependant, notre organisme ne voulait certainement pas rejeter le projet de loi à cause de cela, parce qu'il participe à l'application du système et qu'il est convaincu de son utilité.

Quant aux renseignements sur les voyages, je devrais examiner le projet de loi de plus près, mais j'ai l'impression que cette situation serait visée. Vous avez certainement donné un bon exemple de problème, et c'est une chose qui devrait être visée par la mesure.

La présidente: Madame Lawson.

Mme Philippa Lawson: D'abord, pour expliquer pourquoi nous appuyons le projet de loi même si nous avons proposé autant d'amendements—et je pense que vous pouvez conclure que nous appuyons la mesure avec certaines réserves—je pense qu'il y a vraiment deux facteurs en cause. Nous considérons que ce projet de loi représente un progrès et nous ne voulons pas arrêter le progrès. Il faut légiférer en matière de protection des renseignements personnels et il faut que la loi soit la même partout dans le pays. Le gouvernement fédéral doit exercer ce pouvoir. Nous considérons qu'il s'agit en réalité d'une charpente. Il faudra ensuite y ajouter les fenêtres, les portes, etc., mais nous aurons au moins la charpente.

À part cela, bien sûr, la mesure prévoit un examen dans cinq ans, et nous espérons qu'on pourra améliorer le projet de loi à ce moment-là.

Nous avons aussi certaines inquiétudes au sujet de l'annexe, même si je signale que les pouvoirs de révision du Cabinet portent uniquement sur des changements qui refléteraient ceux que la CSA a apportés à son code. Nous préférerions que ces normes soient énoncées très clairement dans le projet de loi lui-même et qu'on puisse les modifier uniquement grâce à un processus législatif comme celui-ci.

Enfin, relativement aux renseignements de voyage, et vous avez soulevé à ce sujet un point très important, c'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes d'accord pour que le gouvernement fédéral puisse élargir la compétence fédérale dans trois ans. Il n'y aurait pas de problème à ce moment-là. Tous les mouvements d'information seraient couverts. Cependant, je signale qu'il existe une perspective internationale importante à ce problème et que les compagnies aériennes internationales peuvent fort bien recueillir elles aussi ces renseignements. C'est pourquoi il importe vraiment que le Canada adopte une loi fédérale et collabore avec les autres pays pour fixer des normes internationales.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Axworthy.

Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci.

J'ai plusieurs questions et je voudrais essayer de toutes les poser.

Tout d'abord, quand le commissaire à la protection de la vie privée a témoigné devant le comité, il a parlé de l'utilité d'avoir une loi qui n'impose pas de normes obligatoires. Vous recommandez de votre côté quelque chose de plus strict, pour que le commissaire puisse rendre des décisions et faire des ordonnances. Le commissaire nous a parlé du pouvoir de persuasion et du fait que des entreprises importantes bien connues seraient embarrassées si elles ne respectaient pas la loi. Par ailleurs, vu que la tendance mondiale semble être d'avoir de plus en plus de petites entreprises, je me demande si ce facteur entre vraiment en ligne de compte maintenant.

Mme Rosalie Daly Todd: Et ces compagnies sont de plus en plus concurrentielles. Je ne suis donc pas certaine que le pouvoir de persuasion suffise. C'est pourquoi nous recommandons que le commissaire ait plus de pouvoir. Les consommateurs prendront-ils la peine de faire appel au commissaire s'il ne peut que formuler des recommandations?

• 1615

M. Alex Shepherd: Il y a une autre question que je voudrais poser, et c'est une chose que d'autres témoins ont aussi mentionnée. Je veux parler du coût d'accès pour obtenir de l'information des organismes. Vous avez parlé de 20 $. Je pense que bien des gens ont du mal à accepter un tel chiffre, parce que cela dépend, bien sûr, de l'organisme avec lequel vous faites affaire. Comment empêcher les gens de faire des demandes inutiles de renseignements à ces organismes si cela risque de coûter 100 $, 150 $ ou 200 $ à ces organismes pour répondre à ces demandes de renseignements? Autrement dit, c'est peut-être raisonnable de prévoir des frais de 20 $ dans le cas d'une compagnie, mais dans d'autres cas, ce ne le serait pas.

Y a-t-il un autre moyen de s'attaquer au problème?

Mme Rosalie Daly Todd: Je pense qu'on pourrait ajouter le mot «raisonnable» dans le projet de loi et permettre ensuite aux divers organismes de présenter une réclamation au commissaire. C'est ce que je vous répondrais au pied levé, mais c'est un très bon point. Nous avions envisagé la question du point de vue opposé, c'est-à-dire que nous songions à la possibilité que les entreprises fixent, et peut-être même délibérément, des frais prohibitifs pour les demandes de renseignements. Nous voulions donc qu'on fixe un montant maximum quelconque, mais il pourrait y avoir suffisamment de latitude pour qu'une entreprise demande l'autorisation au commissaire de relever le montant des frais si cela coûtait trop cher de répondre à la demande.

M. Alex Shepherd: Vous n'êtes pas vraiment satisfaits de la limite de 20 000 $ pour les dommages punitifs. Qu'est-ce qui serait une limite raisonnable?

Mme Rosalie Daly Todd: Je ne veux pas vous répondre au hasard. Nous n'y avons pas vraiment réfléchi beaucoup. Il nous semblait simplement qu'un maximum de 20 000t<$ pour certaines grandes entreprises était insignifiant. Nous voulions une amende assez importante pour que ces entreprises veuillent respecter la loi.

La présidente: Madame Lawson.

Mme Philippa Lawson: Selon nous, on ne devrait pas fixer de limite pour les dommages punitifs. À notre avis, on n'a pas besoin de craindre au Canada que les tribunaux n'imposent des dommages excessivement élevés. Il faudrait donner à ceux qui prendront la décision plus de souplesse pour fixer une amende appropriée aux circonstances particulières.

La présidente: Une dernière question, monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd: Au sujet de votre interprétation de l'alinéa 7(1)b), il semble que vous n'aimez pas qu'on y dise «contrarier les fins ou compromettre l'usage auxquels le renseignement». On semble dire que si l'organisation voulait en faire un usage ridicule, elle pourrait simplement recueillir le renseignement à son gré. Est-ce ainsi que vous interprétez ce libellé?

Mme Philippa Lawson: Exactement, et c'est ce qui nous préoccupe. Si on ne limite pas les fins auxquelles le renseignement est destiné, des fins répréhensibles pourraient être acceptées. Un parti politique pourrait recueillir des renseignements pour sa campagne ou pour d'autres raisons. Je pense que nous devons limiter les fins. Je ne pense pas que la deuxième partie de l'alinéa 7(1)b) y a sa place ou est nécessaire. Je pense que l'alinéa 7(1)b) vise uniquement à permettre aux autorités policières de bien faire leur travail. Le libellé est beaucoup trop vague.

Mme Rosalie Daly Todd: Et il faut le spécifier si c'est l'objectif visé. Le libellé porte à confusion.

Mme Philippa Lawson: Nous avons proposé un libellé précis dont nous serions certainement satisfaits.

La présidente: Merci.

Monsieur Jaffer, avez-vous d'autres questions à poser?

M. Rahim Jaffer: Oui, et il s'agit seulement d'une petite question de nature générale que je pose à n'importe lequel des témoins.

Le projet de loi C-54 est fondé sur un code de la CSA qui était volontaire au début. Le gouvernement transforme maintenant ce code volontaire en régime obligatoire. Aviez-vous l'impression que le régime actuel ne permettait pas de protéger les renseignements personnels? Vous soutenez manifestement qu'il faut accroître cette protection. Quelle sorte de preuves pouvez-vous montrer, ou quelle sorte d'exemples ou de dossiers pouvez-vous fournir, pour me convaincre, si je joue le rôle de l'avocat du diable, que c'est vraiment ce qu'il faut pour protéger les renseignements personnels?

Mme Philippa Lawson: Premièrement, je signale que, pour autant que je sache, aucune société n'a encore enregistré de politique concernant l'application du code de la CSA. Quelques associations industrielles ont élaboré leur propre code de pratique fondé sur le code de la CSA, mais aucun de leurs membres n'a enregistré sa politique. Je pense que c'est révélateur. Une période de deux ans s'est écoulée.

Pour ce qui est des exemples précis, celui qui me vient à l'esprit est assez récent. À Whitehorse, les résidents ont trouvé à leur porte un matin un annuaire privé. Cet annuaire contenait les noms, adresses, numéros de téléphone et emplois des particuliers. Un certain nombre de résidents de Whitehorse, y compris des travailleurs sociaux, des infirmières et d'autres personnes dont le travail a un caractère très délicat, craignaient pour leur sécurité et estimaient que ces renseignements étaient de nature confidentielle. Ils n'avaient jamais consenti à leur publication, mais ils ont vu des renseignements personnels délicats à leur sujet publiés et accessibles à tous. C'est le genre de chose qui se fait actuellement.

• 1620

La présidente: Avez-vous terminé?

M. Rahim Jaffer: J'ai vraiment terminé.

La présidente: Merci, monsieur Jaffer.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente. J'ai quelques questions à poser.

J'ai remarqué qu'au début vous avez parlé des définitions, notamment, qu'il s'agisse de celle d'une «organisation» ou d'un «dossier» ou de «données». Je crains un peu d'aller dans cette direction, surtout étant donné ce que vous avez dit au sujet de la définition qu'on donne des «entreprises fédérales». Les législateurs ont utilisé en l'occurrence le Code canadien du travail, mais vous essayez de changer cette définition. Est-ce qu'on a maintenant un débat entre avocats au sujet de ce qui entre dans la loi ou non?

Mme Rosalie Daly Todd: Notre exposé a été préparé par des bénévoles qui essayaient de refléter dans des termes législatifs leurs préoccupations quant à la protection des renseignements personnels. Pour ce qui est de la deuxième définition que vous avez mentionnée, ils estimaient que le mot «données» tel que défini dans la deuxième partie du projet de loi convenait davantage, parce qu'il couvre un éventail plus vaste. Ils suggèrent donc d'utiliser cette définition. Ils demandaient également si l'expression «sociétés de personnes» serait définie d'une manière assez large pour inclure dans la pratique certaines... Je crois qu'on pensait alors au domaine des soins de santé, à des partenariats entre des sociétés de bienfaisance, ainsi qu'à des organisations provinciales et à des groupes qui fournissent des services.

M. Walt Lastewka: Vous avez également fait des recommandations au sujet de la définition du terme «organisation». Il est déjà défini et il inclut des sociétés de personnes et d'autres choses, et pourtant vous dites qu'il ne tient pas compte de tout.

Mme Rosalie Daly Todd: Non, nous voulions simplement nous assurer que tout ce que nous voulions voir inclus le serait. Si c'est l'interprétation qu'on en fait aujourd'hui, c'est bien.

M. Walt Lastewka: Je voudrais maintenant parler de la norme de la CSA. Vous avez mentionné, madame Lawson, que vous vouliez qu'elle soit incluse dans le projet de loi plutôt que dans l'annexe, comme c'est le cas présentement. J'ai cru comprendre que si les principes de la norme de la CSA étaient inclus dans le projet de loi, cela pourrait amener la CSA à retirer ou à annuler la norme. Êtes-vous prête à accepter cela?

Mme Philippa Lawson: J'ai cru comprendre également que c'était l'une des préoccupations qu'on avait. Nous ne suggérions pas qu'on mette toute la norme de la CSA au complet dans le projet de loi. De fait, l'une de nos préoccupations concerne toutes les questions rattachées au code de la CSA et qui ne font pas partie d'un texte législatif. Nous suggérons qu'on utilise les concepts, les principes qui sous-tendent le code de la CSA. Il s'agit de normes fondamentales. Nous avons dit que nous les trouvons défectueuses dans deux aspects importants et...

M. Walt Lastewka: Je vous ai peut-être mal comprise. J'ai cru vous entendre dire à M. Axworthy que vous approuviez l'inclusion de la norme dans la loi.

Mme Philippa Lawson: Oui, mais j'étais d'accord sur les principes, les droits et les obligations. Les éléments fondamentaux qui sous-tendent la loi devraient être inclus dans la loi et non dans l'annexe.

M. Walt Lastewka: Il y avait également des notes concernant la définition de l'expression «renseignement personnel». D'après moi, un renseignement personnel est tout renseignement consigné sous une forme quelconque. Avez-vous encore une préoccupation à cet égard?

Mme Philippa Lawson: Cela ne me cause pas de préoccupation. J'aime bien cette définition.

M. Walt Lastewka: Qu'en pense l'autre groupe?

Mme Rosalie Daly Todd: Nous sommes du même avis.

M. Walt Lastewka: Nous avons parlé également du type de tribunaux qu'il fallait organiser, notamment. Le commissaire nous a dit très clairement que la première priorité était l'information, afin que les Canadiens comprennent ce que devrait être la protection des renseignements personnels, et comment ils peuvent contribuer à s'assurer que leurs renseignements personnels sont bien protégés. Il nous a expliqué très clairement que c'était la première priorité. Êtes-vous d'accord? De fait, il a dit que l'ignorance était le principal problème à l'heure actuelle.

Mme Philippa Lawson: Oui, nous sommes d'accord, mais nous pensons qu'il faut ajouter à cela des méthodes efficaces de recours, de réparation, et des pénalités.

La présidente: Avez-vous des observations à faire, ou êtes-vous du même avis?

Mme Rosalie Daly Todd: Comme nous l'avons dit, les régimes axés sur les plaintes ne sont pas très efficaces et il y a donc plus qu'une question d'ignorance. Il faut aussi que les gens aient la possibilité de se rendre compte qu'il y a un problème, mais habituellement, quand la personne s'en rend compte il est trop tard.

• 1625

La présidente: Ce sera votre dernière question.

M. Walt Lastewka: Le commissaire à la protection de la vie privée nous a bien fait comprendre une chose, et il l'a même soulignée à plusieurs reprises. Madame Lawson, vous avez dit que vous en aviez entendu parler ou que vous étiez là quand il a parlé. Le fait est qu'il a dit que la première priorité était l'information du public.

La deuxième priorité consiste à s'assurer qu'il a les pouvoirs nécessaires. Il a demandé quelques modifications, mais il s'est dit convaincu que le projet de loi remplirait sa mission, étant donné que lui-même pouvait exercer une pression morale et était en mesure de rendre publiques des cas d'abus, par exemple, et d'aller jusqu'au plus hautes autorités. Pensez-vous que ce n'est pas le cas?

Mme Philippa Lawson: Je n'ai pas lu au complet le mémoire du commissaire à la protection de la vie privée, mais je crois que nous aimerions qu'on apporte d'autres amendements en plus de ceux qu'il a demandé. Cependant, je pense qu'un certain nombre des amendements qu'il a proposés sont semblable aux nôtres.

M. Walt Lastewka: Vous pourriez peut-être envoyer votre réponse au comité quand vous aurez eu la possibilité de lire certains de ces commentaires. Il a dit très clairement qu'il voulait voir le projet de loi adopté. Il a demandé que nous apportions certains changements. Nous avons entendu d'autres témoins demander également que nous apportions des modifications au libellé. Mais d'une manière générale, il était très satisfait du projet de loi, de son objet et de son annexe, de la question du chevauchement fédéral-provincial, ainsi que des éléments concernant les aspects nationaux et internationaux de la question. Il voulait qu'il soit adopté.

Mme Philippa Lawson: Je pense que ce que nous disons est très semblable. Nous disons que d'une manière générale, nous voulons voir cette mesure adoptée. Nous pensons que vous avez une occasion de faire quelque chose, étant donné qu'il s'agit d'une nouvelle mesure législative. Vous ne discutez pas d'une mesure qui modifie une loi déjà en vigueur. Vous avez donc la possibilité d'en faire la meilleure loi possible maintenant. Nous pensons que vous devriez saisir cette occasion, proposer des amendements et ensuite adopter le projet de loi.

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé: J'aimerais revenir sur certains points qu'on a soulevés tout à l'heure.

Madame Lawson, vous avez dit que la loi du Québec ne contenait aucune disposition concernant les listes nominatives. J'aimerais porter à votre attention que le paragraphe 17.2°—je ne vous le lirai pas parce que ce serait un peu long—traite précisément de ce sujet. Vous disiez aussi qu'il ne contenait aucune disposition pénale. Les articles 91, 92 et 93 prévoient effectivement des dispositions pénales.

J'aimerais dire à Mme Lacombe, qui vit à Montréal, que le commissaire à l'accès à l'information du Québec a donné un avis très spécifique sur la question d'un double régime au Québec si le projet de loi C-54 était adopté. Je vous en ferai parvenir une copie. Il y aurait notamment des difficultés au niveau des recours. C'est là une question importante.

J'ai été un peu déçu de vos réponses, bien que je comprenne que vous êtes venue nous donner votre avis. Je ne voudrais pas vous coincer. Vous êtes des femmes de loi. Vous comprendrez qu'au Québec, nous nous inquiétions de cet aspect de double loi qui s'appliquerait aux mêmes citoyens.

[Traduction]

Mme Philippa Lawson: Je comprends, mais cela ne sera pas la première fois que des consommateurs font face au problème du double régime. Il s'agit en l'occurrence de la Constitution, qui dans son libellé répartit les compétences. Malheureusement, avec l'évolution des choses, certains domaines ont commencé à poser des problèmes, comme celui de la protection des consommateurs. La publicité trompeuse, par exemple, fait l'objet de mesures au palier fédéral et au palier provincial. Les consommateurs peuvent faire face à de telles situations.

Je pense qu'en ce qui concerne les problèmes de protection des renseignements personnels, un consommateur du Québec peut s'adresser d'abord au commissaire à la protection de la vie privée du Québec. Si le problème relève nettement de la compétence fédérale, le commissaire à la protection de la vie privée du Québec peut donner au consommateur le numéro de téléphone du commissaire fédéral. Le consommateur peut alors y exercer son recours.

Si, par contre, le commissaire du Québec veut s'occuper de la plainte, il peut le faire. Si à un moment donné il arrive à un point où il y a lieu de renvoyer le problème du consommateur au palier fédéral, il le fera. Je pense comme vous que ce n'est peut-être pas la meilleure situation possible, mais le problème réside dans la Constitution et non dans cette loi.

• 1630

La présidente: Monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé: J'aimerais parler d'un dernier aspect. J'ai lu la loi comme tout le monde, et deux fois plutôt qu'une. J'ai constaté qu'on traite en annexe des principes énoncés dans la norme nationale. Comme le disait mon collègue, on avait d'abord prévu que ce régime serait volontaire, mais là on le définit en annexe et non pas dans la loi. Vous en avez parlé plus tôt, mais il demeure que ces principes ne figurent pas dans le projet de loi même et qu'ils sont truffés de conditionnels. Ma collègue la députée de Mercier et moi croyons que cette loi est extrêmement faible. Cela me trouble un peu que vous, qui vous préoccupez de la protection des renseignements personnels des Canadiens, y compris des Québécois, vous contentiez de cela.

[Traduction]

Mme Philippa Lawson: Je ne dirais pas que cette loi est très faible. Je crois qu'elle peut être améliorée, mais à mon avis, avec les améliorations que nous avons suggérées, elle serait vraiment une loi solide.

La présidente: Merci. Merci, monsieur Dubé.

Madame Daly Todd, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Rosalie Daly Todd: J'allais dire qu'il est difficile d'avoir une loi fédérale pouvant s'appliquer à la multitude d'industries qui existent dans le pays, et c'est pourquoi nous sommes en faveur de l'utilisation des principes généraux de la CSA. Je pense qu'ils donnent la souplesse nécessaire pour que la loi fonctionne dans la pratique.

La présidente: Merci.

Madame Barnes.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci. Vous avez dit dans votre exposé qu'un processus axé sur les plaintes représentait un défi moins redoutable pour certains dirigeants de grandes entreprises commerciales.

Je pense plutôt au cas de l'exploitation de données obtenues dans une épicerie, par exemple, à partir d'une carte de débit ou d'une carte de crédit du magasin. Quelqu'un peut faire le profil de ma famille en regardant la liste de mes achats au cours d'une certaine période, et peut ensuite vendre cette liste ou l'utiliser pour cibler certains marchés.

Le projet de loi ne contient rien à ce sujet présentement. Une personne qui fait ses emplettes à l'épicerie ne risque pas vraiment de se plaindre. Pensez-vous qu'on pourrait établir le concept d'un recours collectif pour les plaintes, c'est-à-dire que je pourrais présenter une plainte au nom de tous les clients d'un magasin...?

Mme Rosalie Daly Todd: Je me trompe peut-être, mais je pense que le PIAC en parle dans son mémoire.

Nous disons que le fardeau, la responsabilité, ne doit pas appartenir au consommateur. Il faut que les entreprises l'assument en appliquant les normes qu'elles doivent respecter.

Mme Sue Barnes: Vous dites également que la limite de 20 000 $ pour les dommages-intérêts punitifs est davantage une petite tape sur les doigts qu'un véritable moyen de dissuasion, et je suis essentiellement d'accord avec vous. Cela fait partie des frais d'exploitation et ne constitue certainement pas un moyen de dissuasion.

Par quoi remplaceriez-vous ce montant, qu'est-ce que vous changeriez? S'agit-il d'une question de limite, ou parlez-vous d'autre chose?

Mme Philippa Lawson: Nous proposons qu'on supprime la limite.

Mme Sue Barnes: Le montant serait donc illimité.

Mme Philippa Lawson: Vous permettrez ainsi aux technocrates de décider de la pénalité qui convient dans les circonstances.

Mme Sue Barnes: Cela pourrait dépendre de l'identité de celui qui a transgressé la loi, manifestement.

Mme Philippa Lawson: Exactement. Cette somme de 20 000 $ pourrait constituer une pénalité importante dans certains cas, mais dans d'autres, cela pourrait simplement représenter des frais de permis d'exploitation.

Mme Sue Barnes: J'aime bien votre suggestion.

Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions à poser.

La présidente: Merci, madame Barnes.

Monsieur Axworthy ou monsieur Riis, je ne suis pas certaine si vous avez des questions à poser. Non?

Madame Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings: J'aimerais revenir à la question du chevauchement des juridictions et vous dire qu'en tant que Canadienne et Québécoise, je n'ai pas du tout apprécié qu'on affirme que la Constitution a été mal écrite et qu'on doit en vivre les conséquences. Je perçois plutôt ce chevauchement de façon positive; cela nous enjoint à travailler en collaboration, à être conciliants et à faire preuve de créativité. C'est un atout pour les Canadiens et pour notre pays.

Un de mes collègues a parlé du témoignage du commissaire actuel, qui préfère ne pas avoir de pouvoirs exécutoires. Bien que le titulaire actuel de ce poste préfère qu'il en soit ainsi, je crois qu'une loi doit résister au test du temps et ne pas nécessairement être libellée en fonction de la personne qui occupe un poste particulier.

• 1635

Beaucoup de gens ici peuvent témoigner d'avoir vu une personne s'acquitter de façon extraordinaire de son travail et interpréter une loi de façon tellement créative que sa juridiction est deux plus fois étendue que celle qu'envisageait son prédécesseur. Si le commissaire n'a pas de pouvoirs exécutoires, il doit tout au moins avoir le pouvoir d'entreprendre des vérifications de sa propre initiative. Il devrait aussi exister un tribunal spécialisé qui serait doté de pouvoirs exécutoires. Je tenais à souligner ce point.

[Traduction]

La présidente: Avez-vous une question à poser, madame Jennings?

Mme Marlene Jennings: Non, je n'en ai pas. Je voulais seulement faire cette déclaration. Je l'ai faite et elle sera consignée au compte rendu. Merci.

La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.

Nous devons traiter d'une autre question à huis clos. Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.

Je tiens seulement à préciser deux choses. Premièrement, l'annexe fait partie du projet de loi. Elle n'en est pas séparée.

Deuxièmement, si je vous ai bien comprises, vous avez toutes deux dit que le projet de loi C-54 dans son libellé actuel était bon, parce qu'il ne contenait pas d'exceptions, comme la loi actuelle—on n'y retrouve pas une énumération de tous les cas où l'on pourrait utiliser des renseignements rendus publics. Je crois savoir qu'un amendement a été proposé, ou que des discussions sont en cours avec différents groupes en vue de permettre, par exemple, qu'on utilise l'annuaire téléphonique.

Madame Lawson, vous pourriez peut-être me donner une précision à ce sujet.

Mme Philippa Lawson: Oui, je sais que l'Association canadienne du marketing direct est très préoccupée par l'absence de toute exception en ce qui concerne les renseignements personnels accessibles au public. Par conséquent, nous traitons de cette question dans notre mémoire...

La présidente: Bien.

Mme Philippa Lawson: ...à la page 6, sous la rubrique renseignements personnels accessibles au public. Nous y faisons des suggestions, prévoyant que vous entendrez parler de la nécessité d'inclure une nouvelle exception en ce qui concerne les renseignements personnels accessibles au public.

La présidente: Madame Daly Todd, avez-vous des observations à ajouter?

Mme Rosalie Daly Todd: J'ai lu le mémoire du PIAC et nous sommes d'accord en particulier en ce qui concerne le deuxième argument selon lequel une personne doit avoir le droit et le pouvoir de faire supprimer des renseignements personnels qui font déjà parti du domaine public sans son consentement.

La présidente: Merci.

Je vous remercie toutes les deux d'être venues. Pendant que nos audiences se poursuivront, nous aimerions recevoir vos observations, si vous avez l'occasion de suivre les témoignages des divers témoins. Je vous remercie d'être venues.

Nous allons maintenant siéger à huis clos et je demande donc à toutes les autres personnes de quitter la salle.

[Note de la rédaction: Les délibérations se poursuivent à huis clos]